Identités étudiantes - Animafac
Il s'agit d'un rapport interactif entre un émetteur et un destinataire, qui fait ..... du
vocabulaire et de la grammaire ne se faisait plus sur le mode de la répétition .....
Il peut comprendre des expressions et des mots porteurs de sens relatifs à ses
...... apprécié par les évaluateurs qui ont pour référent un examen d'oral parfait.
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étudiant en thèse de philosophie à Poitiers
Le Bizutage :
Histoire dun rituel entre brimades et traditions
par Brigitte Largueze, chargée détudes en sciences sociales
Une affaire dÉtat
Quest-ce quêtre étudiant ?
La belle question ! Est étudiant qui est régulièrement inscrit dans un établissement denseignement supérieur, public ou agréé par lÉtat.
Est étudiant qui dispose du statut détudiant. Certes, mais encore ? Que sont les étudiants ? Que font-ils ? Nous ne prétendrons pas apporter ici de réponse générale, car sur ces sujets lon ne peut généraliser. Nous ne prétendrons pas être exhaustifs, car toutes les études et recherches ny suffiraient pas. Mais des éclairages peuvent être portés
sur la double question de savoir ce qui fait et ce que font les étudiants, au travers de phénomènes dinscription
dans une identité ou de leurs réalisations collectives
les plus précieuses.
L e troisième numéro de cette revue relève ainsi dune double volonté : tenter de comprendre en quoi, pourquoi et comment lon est étudiant ; et mettre en avant les projets et réalisations de ceux qui, par leur engagement, par leur volonté de vivre leurs études non en simples consommateurs mais comme citoyens pleinement responsables, font de luniversité un lieu dengagement et daction. Et se rendent eux-mêmes acteurs dune société en devenir. Dans ses « Propos sur le bonheur dêtre engagé », Thomas Poirier, vice-président dAnimaFac, retrace lanalyse du « fait associatif étudiant » qui est la nôtre. Et se penche sur une extraordinaire variété de formes et de champs daction, pourtant doublée dune réelle cohérence quant au fonctionnement, aux principes fondateurs et à lintérêt politique et social dun tel mouvement à linventivité sans cesse renouvelée.
Le monde universitaire en prend aujourdhui conscience, comme le montre notre compte-rendu du colloque organisé au mois de décembre 1998 par la Conférence des présidents duniversité. Après bientôt quatre décennies de massification de lenseignement supérieur, on peut y lire enfin linscription « officielle » de la vie étudiante dans luniversité, tant par les thèmes abordés lors de cette journée que par la participation massive des responsables syndicaux et associatifs étudiants eux-mêmes. Nous présentons en illustration dans ces pages, sous la forme de témoignages, de « fiches dexpériences », lessence et laction dune bonne vingtaine dassociations qui nous ont paru, par leur originalité ou leur vitalité, symboliser quelques aspects de lengagement étudiant en ce quil a de plus imaginatif ou de plus efficace. Choisir entre des centaines et des centaines de réalisations était impossible, et Nadia Bellaoui la pourtant fait : quelle en soit ici remerciée.
L« identité étudiante » unique nexiste pas ça se saurait. Mais des pratiques, des consciences, des stratégies identitaires traversent et, parfois, unifient les mondes étudiants. Pour mieux les comprendre, nous avons réuni avec Valérie Becquet quelques contributions portant sur lhistoire dun statut bien particulier, étudié par Robi Morder ; sur ce « métier détudiant » dont Alain Coulon nous explique la spécificité ; avec Sabine Lacerenza, sur les pratiques culturelles et quelques figures représentatives que lon peut en déduire. Et enfin sur quelques exemples didentités minoritaires présentes au sein du monde étudiant : soit quelles découlent dune pratique religieuse ou dune origine géographique, comme nous lexpliquent Charafeddine Mouslim et Ardiouma Sirima ; soit que, plus spécifiques et fussent-elles contestables dans leurs modalités ou leurs finalités, elles méritent que lon y porte le regard à lexemple du bizutage sur lequel sest penchée Brigitte Largueze et qui est désormais passible de sanctions pénales.
Espérons que ces regards croisés montreront lunité dans la diversité de ce qui est à la fois un statut, une période par définition transitoire, et un monde. Mais qui se veut aujourdhui plus que jamais ouvert sur la société, conscient de ses enjeux et acteur de sa transformation.
Matthieu Crocq
président dAnimafac
Apprendre à danser dans les chaînes :
Propos sur le bonheur dêtre engagé quand on est étudiant
Étudiant à lInstitut détudes politiques de Paris,
Thomas Poirier est vice-président dAnimaFac.
F rileuse, la jeunesse daujourdhui ? On la beaucoup écrit. Toute une génération, ayant grandi dans la crise, incarne la rupture avec une ère de croissance économique et dambition sociale : on la dit usée, avant même davoir servi ; et désabusée, sans avoir eu besoin de croire. Ils auraient bien des raisons de se montrer résignés, ceux qui, ayant grandi au cours de ces années, peuvent décliner leur malchance comme une identité historique. Victimes des caprices de la croissance, ils trouveront tard un emploi souvent marqué par la précarité, la mobilité perpétuelle et leffondrement des protections.
Durant leur vie active, ils pourront aussi songer à la retraite quils nauront pas, car, par ironie de la logique démographique, cela même qui les prive des espoirs dascension pendant leur jeunesse leur compliquera sérieusement le repos une fois parvenus au terme de leur parcours professionnel. Entre temps, ils auront eu à produire deux fois plus defforts pour assumer la surabondante génération de leurs parents, celle du baby-boom, tout en prenant sur eux pour sadapter à la « nouvelle donne internationale ». Pas étonnant, dans ces conditions, que la crise économique se redouble dune faille idéologique : épuisement des modèles de société alternatifs, crispation sur des valeurs plus matérielles, individualisme, repli sur soi.
On trouverait dans les nouveaux ingrédients des mouvements étudiants bien des éléments à lappui de cette analyse. Mais avant cela, il faut faire une mise en garde : les observateurs du monde étudiant sont régulièrement victimes de deux effets doptique. Le premier, cest leffet loupe : une tendance à surestimer linfluence des grandes organisations à la notoriété établie. La visibilité de ces organisations est telle quon les confond facilement avec le monde étudiant. La prédilection des politiques et, dune manière générale, des acteurs de la vie de luniversité pour ces structures est compréhensible : elles offrent lavantage de savoir se rendre visibles et audibles, tant de la communauté universitaire que des médias, elles bénéficient dune certaine pérennité des acteurs, dune assez grande cohérence de vue dans le temps et lespace. Toutes ces choses sont utiles, mais elles ne permettent pas de jauger la volonté dimplication des étudiants dans la vie sociale.
Lautre effet doptique est leffet de flou qui conduit à ignorer, au profit des formes stables, le foisonnement des éléments isolés. Cet effet conduit à occulter la capacité dun nombre important détudiants à bâtir de petites structures, taillées sur mesure pour un événement ou un projet, dont lactivité sarrête parfois lorsque leur objectif immédiat est atteint. En termes stricts de formation à la citoyenneté, dapport à la vie de la cité, dinfluence sur la perception politique des étudiants et dintégration sociale, ce type dengagement se révèle déterminant, même sil est autrement plus difficile à appréhender. On découvrira ces terres, presque vierges détudes théoriques, avec lémerveillement de lexplorateur et lexcitation du chercheur dor.
Le fait associatif rassemble plusieurs dizaines de milliers détudiants. Deux caractères au moins justifient quon commence à observer cet univers de près : son développement rapide, sur les décombres de ce que furent les formes dengagement plus politiques des années 1960 ; son bouillonnement actuel, peut-être annonciateur. Quel type dinitiatives range-t-on sous ce vocable ? Il est difficile de parvenir à une définition stricte, tant les formes dengagement sont variées et tant ce monde foisonnant et hétérogène ne se laisse pas facilement cerner. Disons que des jeunes sont engagés à des titres divers dans des projets collectifs qui représentent du temps passé à ne pas soccuper directement de soi. Ils prennent du temps, consacrent des efforts, de lattention, parfois une certaine frénésie, à accomplir des desseins qui sortent des canons ordinaires de la réussite personnelle. Malgré lextraordinaire profusion des formes dengagement et létendue des champs couverts (de la culture à la technologie, de lnologie à lintégration, en passant par la solidarité internationale, lécologie, la philosophie politique ou la photographie
) la cohérence de lensemble du fait associatif est bien réelle. On la retrouve dans le quotidien, les projets élaborés, chiffrés, les moyens rassemblés, les échéanciers, les stratégies de communication
Des heures et des journées de travail en sus des tâches scolaires. On la retrouve également dans des acteurs aux profils très divers mais dont les capacités dorganisation et de communication deviennent souvent remarquables.
Ceux quon avait tant voulu repliés sur eux-mêmes peuvent ainsi surprendre. Pourtant, il est vrai que bien des traits distinguent les engagés daujourdhui des enragés dhier. Parmi eux, une relative dépolitisation, dont il faut encore mesurer lampleur et le sens.
Les étudiants mettent souvent en avant lapolitisme pour exprimer leur méfiance vis à vis des structures partisanes et, en général, de toute parole liée ou récupérée par des intérêts qui leur échappent. Cette méfiance est à luvre dans bien des associations, aussi bien à léchelle locale que nationale. Au sein de lUniversité, elle reflète la crainte dêtre « catalogué » par les autres étudiants, les professeurs, voire les futurs employeurs. Aussi lapolitisme est-il une forme de conformisme, simposant de façon aussi abrupte que la politisation en dautres temps. Bon nombre détudiants refuseraient de se voir qualifiés de « militants » alors même quils se trouvent engagés dans des formes daction à caractère social ou politique. Dans certaines « assemblées générales » traditionnellement plus politisées, cest avec beaucoup dimagination que le jargon dautrefois jugé « ringard » est remplacé. Combien dexpressions magiques des années 1970 sont ainsi devenues taboues, par létonnante alchimie des modes et de lhistoire qui façonne les engagements étudiants ?
La conséquence de ce phénomène se reflète dans le peu de cas fait à la culture sociale, politique ou historique, et dans lindifférence voire la répulsion pour les abstractions. Laction, le résultat immédiat ou à moyen terme, tendent à remplir lintégralité du champ des préoccupations. Peu importe, en quelque sorte, ce que lon sait, ou ce à quoi lon croit, dès lors que ce quon fait a une utilité palpable, certaine, démontrable. Cela signifie-t-il des étudiants moins engagés ? Certainement pas : plus méfiants, moins bavards, certes, mais non moins résolus à obtenir ce quils veulent, pourvu quils en jugent lenjeu essentiel.
Lexemple des derniers mouvements étudiants ou lycéens est assez parlant. Lobjet nest pas alors de marquer son opposition à une énième réforme de lUniversité jugée inéquitable, mais de réagir à leffritement des budgets et au manquement de lÉtat à ses engagements. Cest une mobilisation, non pas certes de spécialistes, mais détudiants assez au fait de la vie de lUniversité pour pouvoir chiffrer correctement les besoins de leur établissement. Les « conditions détude » deviennent le slogan de manifestants qui nont guère dengagements politiques ou syndicaux, mais que lexpérience associative, la bonne connaissance de leur établissement et lécoute des étudiants ont amenés à lanimation de mouvements.
Parfois les associations nengagent pas leur nom dans la bataille. Elles ont en effet tendance à juger laffaire trop « politique », et préfèrent éviter le risque de gâter le consensus interne et la neutralité externe qui leur ont permis de se développer. Comme lieu de passage très fréquenté elles sont toutefois des terrains de prédilection pour sinformer, sorganiser, débattre de la dernière manifestation, ou du principe même dune manifestation. Dautres fois en revanche elles prennent franchement appui sur le mouvement pour se développer et se structurer autour des problématiques de lUniversité, avant délargir leur centre dintérêt à lensemble du champ politique. Il demeure, encore aujourdhui, un nombre non négligeable détudiants engagés dans des associations de réflexion, dinformation ou daction formées à loccasion du mouvement de 1995.
Un phénomène comparable est à luvre dans la lutte contre lextrême droite. Là encore lUniversité a été le terrain privilégié de la riposte contre la montée en puissance du Front National et, dans les cortèges, les étudiants sont de loin la population la plus représentée. Toutes les associations ne prennent pas officiellement parti contre lextrême droite, beaucoup dentre elles pour les raisons évoquées plus haut. Il nen demeure pas moins que les étudiants impliqués dans la vie de leur campus, parce quils sont engagés dans des projets collectifs, et parce quils sont, bon gré mal gré, des intervenants sur les scènes locales, se retrouvent largement dans ces types dinitiatives. La frontière ici est peut-être davantage celle qui sépare les étudiants « impliqués » des autres, quentre les différentes formes dengagement.
On laura compris, lapolitisme nest pas lincivisme. Il ne sagit pas de ne pas aller voter, ni de professer un scepticisme strict et sans compromis : il faut seulement ne pas mélanger les genres. On pourrait alors parler dune « laïcisation » des projets collectifs, mais nullement de leur dépolitisation, au sens strict. Limplication des étudiants dans la vie de la cité se veut désormais directe ; elle sappuie sur des structures autonomes et de taille humaine ; elle a tendance à refuser la médiation des grandes structures partisanes dans lesquelles les étudiants ne se sentent pas suffisamment pris en compte. Deux exemples dinitiatives étudiantes en direction de la ville illustreront cette hypothèse.
Certains spectacles amateurs sont des mines dinventions. Ils témoignent dune volonté sans pareille au service dexpressions originales de solidarité. Ceux d« Arts, Culture et Sida » à Rennes, furent un modèle du genre. Ils prenaient la forme dinterventions théâtrales qui viennent sinscrire au cur de la vie quotidienne des citadins. Lenjeu était darracher les passants à leurs occupations pour les ramener, pour quelques minutes, à la mémoire et à la vie des victimes de lépidémie. Silence et réflexion venaient alors rompre le rythme dune musique, dun lieu de passage, de lhabitude. Cétait un concert dorgue à la Basilique Saint Sauveur interrompu pour laisser place à la méditation puis à limprovisation de linterprète. Ou bien un couple qui se produisait intempestivement dans un restaurant, à la sortie dune messe, dans un hall de gare. Il fallait alors peu de temps au petit monde de la rue pour, de passant, devenir public. Entre temps, le message - ou plutôt le silence - était passé.
Lassociation grenobloise « Arts mêlés » est également un exemple de lénergie que des étudiants peuvent mettre au service de lanimation de leur métropole. Celle-ci produit chaque année, vers la fin du mois de mars, un festival des arts où, pendant une dizaine de jours, des conteurs, des acteurs, des graphistes, des musiciens, présentent leurs uvres dans la ville. Des ateliers élaborent les spectacles pendant lannée ; pour répéter malgré la pénurie de locaux, la débrouillardise est de mise : parfois cest une maison de retraite qui héberge les jeunes artistes. La constitution dun budget nest pas plus facile : comme les partenariats se font rares, lassociation, pour se financer, a dû se présenter cinq années daffilée aux mêmes concours.
Cette boulimie dinitiatives est un signe de santé pour la jeunesse daujourdhui. Lassociatif étudiant doit être encouragé, car il représente une véritable promesse pour la société. On peut en mesurer lutilité sociale au moins à trois niveaux : dune part, en terme dintégration sociale et danimation de luniversité dans des campus qui souvent ne brillent pas par leur convivialité et au sein desquels le délit dinitié joue à plein. Dautre part, en terme de formation extra-scolaire et pré-professionnelle pour ceux que la pratique des projets collectifs prépare aux défis quils auront à affronter dans leur vie professionnelle. Quelle meilleure école, en effet, de la responsabilité et de linvestissement personnels ? Le projet, la « cause commune » qui soudent chacun des membres à un dessein collectif constituent un bon avant-goût de ce que seront les exigences humaines (dentente, de compromis personnel, mais aussi de créativité et dinitiative) du monde professionnel. Bien comprise, la démarche associative pourrait résoudre la quadrature du cercle des entreprises collectives : à savoir concilier le sens dune discipline raisonnée avec celui de linitiative innovante et utile. Une façon dapprendre, en reprenant Nietzsche, à « danser dans les chaînes ».
Elle se mesure enfin dans la créativité sociale dont ces projets font souvent preuve et qui mériterait dêtre mieux mise en valeur. Car ce milieu bouillonnant sait aussi être le théâtre de solutions innovantes. Cest là sa plus grande richesse, faite de spontanéité, desprit dinitiative et dastuce convoqués quotidiennement pour lanimation de son environnement. Pour le plus grand bonheur de la collectivité.
Dossier : létudiant, luniversité, la cité.
Introduction
Le 9 décembre dernier, la Conférence des Présidents dUniversité organisait un colloque sur létudiant, luniversité, la cité. Il sagissait de mettre laccent sur des initiatives menées par des administrations ou des associations étudiantes et contribuant à animer lenvironnement de luniversité.
I l sagissait aussi, même si cela na pas été au centre des débats, davancer sur la piste des commissions de sites, locution apparue dans le plan social étudiant présenté à lAssemblée nationale par Claude Allègre, en juillet dernier, pour désigner des comités constitués détudiants, dadministratifs, délus des collectivités territoriales, chargés de coordonner lessor de la vie étudiante sur le plan local, dans un large débord sur la ville.
Le thème était neuf pour linstitution universitaire et, à notre connaissance, jamais la vie étudiante navait été au cur des travaux dun des colloques de la CPU. Jamais non plus les étudiant ny avaient été aussi présents, associés et mobilisés en nombre pour cette manifestation.
Factuel la Revue a donc tenu à saluer louverture de cette réflexion, en attirant lattention de ses lecteurs sur les thèmes abordés à Lille. Cela dit, et à proprement parler, les pages qui suivent ne sont pas des actes. Il nous a semblé plus pertinent de mêler aux propos rapportés dautres témoignages, qui navaient pu être présentés au cours de cette bien courte journée.
Cela nous permet de évoquer ici une palette plus large des formes dactions étudiantes, quelles soient animations culturelles, quelles fassent uvre dintégration au campus, à la ville, au pays, quelles révèlent le rôle des média étudiants
Mais lesprit reste celui qui a soufflé sur Lille, vers une mise en lumière des expériences innovantes ou exemplaires, favorisant, par la description de leur mise en place, leur transcription sur dautres sites. Si les situations ne sont jamais identiques, si les acteurs locaux, sans se suivre, ne se ressemblent pas, il nous paraît pourtant peu dispensable de souligner lactualité et la prégnance de la question de lanimation de la vie universitaire ; dautant que les initiatives quils conviendraient de prendre ne sont, souvent, pas si complexes à faire naître et conforter.
Discours douverture de Jean-Claude Fortier et Jocelyne Pérard
Jean-Claude FORTIER, Recteur de l'Académie de Lille.
J e suis ravi que vous ayez été aussi nombreux à répondre à l'invitation des Présidents d'Université, pour ce colloque qui sera consacré à l'intégration des étudiants dans la ville, qui est l'une des conditions essentielles de la réussite de leur vie universitaire. Je souhaite vous dire, au nom du Ministre, tout notre attachement à l'amélioration de la vie étudiante.
Permettez-moi de rappeler quelques mesures significatives prises depuis le début de l'année universitaire : augmentation de 6 % du plafond des bourses de premier échelon, distribution de 12 000 aides individualisées exceptionnelles supplémentaires, mesures visant à accroître le nombre de boursiers de l'enseignement supérieur, attribution de bourses de mérite à des bacheliers issus de milieux modestes, etc. Le budget des bourses augmentera de 9,3 % en 1999. Les bourses sur critères sociaux seront attribuées pour l'ensemble du cycle, avec la possibilité de les conserver en cas d'échec. Les conditions d'exonération des droits d'inscription et de Sécurité sociale seront assouplies.
Toutes ces mesures expriment la détermination du Ministre à offrir les meilleures conditions d'études à tous les jeunes et ce, le plus rapidement possible.
Nous préparons actuellement le schéma Université du troisième millénaire. Il est comparable, à bien des égards, au schéma Université 2 000 lancé il y a dix ans par Lionel Jospin, alors Ministre de l'Éducation nationale.
Mais à l'époque, il s'agissait avant tout de relancer le potentiel d'accueil des universités françaises. Aujourd'hui, les priorités sont différentes. L'ère du tout béton est dépassée : nous sommes désormais à l'ère des transferts de matière grise et de la communication. Cependant, un quart de l'enveloppe nationale s'appliquera spécifiquement à lamélioration de la vie étudiante. C'est dire si la perspective fixée est en phase avec les préoccupations qui vont s'exprimer ici au cours de cette journée.
Dans les universités françaises, je vous invite à réunir les CEVU pour réfléchir ensemble à l'avenir. Je souhaite que ce projet U3M se construise dans la plus grande concertation possible, notamment à propos des universités nouvelles, qui sont confrontées à des difficultés spécifiques en matière de restauration et d'hébergement, du fait de leur structure multipolaire. Il est inadmissible que certaines structures n'offrent aucune possibilité de restauration à leurs étudiants. La solution des restaurants universitaires classiques n'est pas transposable dans ce cadre. Pourquoi, dès lors, ne pas concevoir des restaurants universitaires ouverts sur la ville, accessibles à d'autres publics que les étudiants ?
L'amélioration de la vie étudiante passe aussi par une concertation accrue entre les pouvoirs publics et les utilisateurs. Je suis, pour ma part, attaché à la mise en place d'une commission de la vie étudiante sur chaque site. De structure tripartite (étudiants, enseignants, collectivités locales), ces commissions auraient vocation à traiter de nombreux aspects de la vie étudiante, qui est partie intégrante de la vie sociale dans sa globalité : hébergement, restauration, mais aussi santé, sport, culture, accueil des étrangers, etc.
Les recteurs et le ministère seront très attentifs aux conclusions de vos travaux, ne doutant pas qu'ils permettront de contribuer à l'amélioration de la condition étudiante et de l'intégration des étudiants dans leur ville.
Jocelyne PERARD, Présidente honoraire de l'Université de Bourgogne.
Ce colloque s'inscrit pleinement dans la stratégie développée depuis plusieurs années par la CPU, plaçant l'étudiant au centre de la vie universitaire. Pour ce faire, la CPU travaille en partenariat avec les structures étudiantes, les collectivités territoriales et les associations étudiantes pour améliorer les conditions de vie sur les campus et construire des universités plus " citoyennes .
Rappelons-nous des journées de Saint-Malo, où de nombreuses propositions avaient été émises, ou encore le colloque de Dijon consacré à la santé des étudiants, voire les nombreuses participations de la CPU aux journées de réflexion initiées par d'autres partenaires, sur la citoyenneté étudiante, les enfants handicapés, etc. Enfin, je tiens à souligner les actions de la commission Questions sociales, qui a fortement contribué à l'organisation du présent colloque.
Ce rassemblement de Lille ne se limite-t-il pas, au fond, à un colloque de plus ? Non bien sûr. Il revêt une importance toute particulière, à plus d'un titre. Tout d'abord, il a été annoncé par Claude Allègre lors de la présentation du plan social étudiant. Il intervient également au moment où le gouvernement met en place le plan U3M, qui comporte de nombreux enjeux étudiants. Ce colloque devrait donc offrir des repères intéressants, sinon de véritables outils, notamment pour la réalisation de ces deux plans. Ses travaux pourraient aussi servir de base de réflexion au sein de groupes de travail et de tables rondes déjà constituées. Par exemple, le contenu de certaines expériences présentées aujourd'hui pourrait offrir des pistes précieuses au groupe de pilotage interministériel sur l'éducation artistique et culturelle de la maternelle à l'université.
Enfin, ce colloque procède d'une démarche que je juge très positive : la mutualisation, chère au cur de la CPU. En amont, nous avons lancé une enquête exhaustive auprès des universités pour collecter des exemples d'initiatives étudiantes validées par les établissements. Nous avons ensuite sélectionné un certain nombre d'expériences qui seront présentées aujourd'hui. Vous retrouverez néanmoins dans la documentation qui vous a été fournie toutes celles qui ne seront pas exposées ici, faute de temps. Il s'agit donc bien d'une démarche de mutualisation, de partage d'expériences, qui s'inscrit dans le droit fil des actions menées par la CPU depuis plusieurs années.
C'est enfin une démarche novatrice car les acteurs des expériences présentées, mais aussi les promoteurs et les animateurs, sont les étudiants eux-mêmes. Ce sont eux qui proposent les projets aujourd'hui.
Après avoir remercié l'Université de Lille 2 de nous accueillir aujourd'hui, je tiens à souligner le vu exprimé par la commission Questions sociales et vie étudiante, pour que ce colloque soit prolongé, chaque année, par d'autres manifestations du même type. Je lance donc un appel à tous les Présidents d'Université pour faire de ce vu une réalité.
Témoignages
Certains des témoignages qui suivent ont été présentés lors du colloque de la CPU ; les autres nous ont semblé exemplaires, donnant un aperçu significatif de la diversité et de limagination de ce monde bouillonnant.
AFEV
Fondée il y a sept ans par danciens responsables de lUNEF-ID, lAFEV sest fixée pour mission de favoriser linsertion des étudiants dans leur ville à travers des projets de solidarité en faveur des quartiers défavorisés. Cest par laccompagnement scolaire que tout a commencé, avec le dispositif suivant : lAFEV contractualise avec des collectivités locales et des écoles, cherche à recenser les étudiants volontaires et les forme pour que ceux-ci prennent en charge laide aux enfants en difficulté. Ce parrainage se déroule selon les cas au sein de la famille, à lécole ou dans des locaux de quartiers.
Les préoccupations pédagogiques sont bien sûr au cur de la démarche de lAFEV. Cest évident en ce qui concerne laccompagnement scolaire : on ne simprovise pas formateur efficace du jour au lendemain, cela sapprend. Mais cest une expérience formidable pour ceux qui franchissent le pas.
Les étudiants ont le plus souvent droit à un échange de service financé par les collectivités locales, comme un accès privilégié à des spectacles culturels, la mise à disposition de matériel informatique
Mais beaucoup préfèrent un bénévolat absolu et nexigent pas leur contrepartie.
Aujourdhui les coordinateurs de lAFEV, forts du soutien du Fonds dAction Sociale, de la Direction Interministérielle de la Ville et du Ministère de lÉducation Nationale pour ce qui est public, de la Caisse dÉpargne, de la MNEF et de la Fondation Air France pour ce qui est privé, annoncent 5 000 étudiants volontaires, 7 000 enfants suivis sur près d'une centaine de sites.
Au fil du temps, lAFEV a fait le choix de diversifier ses activités. On peut combattre lexclusion sans tomber dans la morosité, sexclament ses animateurs ! Toutes sortes de projets étudiants s'appuient sur l'AFEV pour se développer et lAFEV a pris la (bonne) habitude de collaborer avec les associations étudiantes locales.
AFEV
26 bis, rue du Château -Landon
75010 Paris
tél. : 01 40 36 01 02 fax : 01 40 63 75 76
Les Amphilanthropes, de Strasbourg
Les grèves de décembre 1995 ont été loccasion dune certaine mobilisation à Strasbourg, offrant ainsi la possibilité de donner un coup de fouet à une université somnolente. Cest le raisonnement qua suivi l'équipe des Amphilanthropes, résolue à canaliser léveil inattendu des étudiants.
Le premier défi a consisté à présenter une liste inter-associative aux élections étudiantes. Cette liste a été le point de départ dun rapprochement efficace des différentes amicales de lUniversité de sciences humaines, représentant des filières nombreuses mais trop éparpillées. Désormais majoritaires dans les conseils de luniversité, les Amphilanthropes s'appuient sur cette coordination dune douzaine d'associations pour favoriser le développement des projets associatifs.
Chaque année, une semaine de spectacles, rencontres et événements de tous genres, proposée à la rentrée par l'ensemble des associations, permet d'encourager les étudiants à s'approprier l'université pour y développer des projets. Les Amphilanthropes publient un journal : Lazimut, panorama de la vie associative et de lactualité universitaire. Ils multiplient les initiatives inter-associatives sur des thématiques telles que la prévention contre le SIDA ou l'éducation au développement.
La dynamique inter-associative portée par cette coordination a non seulement permis de réaliser des initiatives de plus grande envergure, mais elle a pu profiter à chacune des associations membres, qui développent une activité propre tout en s'ouvrant aux autres.
Les Amphilanthropes
Bureau de la Vie Étudiante
Université Marc Bloch
22, rue Descartes
67084 Strasbourg CEDEX
tél : 03 88 41 74 59
Architecture et développement, Paris
Implantée au sein de lÉcole dArchitecture de Paris la Villette, Architecture et Développement veut réarticuler la formation théorique à la formation professionnelle. La récente réforme de lenseignement permettant de mieux insérer le stage obligatoire dans le cursus, Architecture et Développement sest impliquée dans lenseignement théorique et les stages pratiques professionnels. Son action se fonde sur un triple constat :
- La question de lhabitat est devenue une préoccupation majeure dans les politiques de développement, due aux phénomènes durbanisation généralisée qui modifient profondément le rapport entre ville et campagne.
- Le système des acteurs du développement se complexifie.
- La formation actuelle des architectes reste trop peu ouverte à la diversité des pratiques nouvelles. Le rôle de larchitecte ne peut se réduire à une simple réponse technique : il doit être capable de coordonner son travail au sein dun projet pluridisciplinaire, au service dun projet global de société.
Lassociation, partant de ces constats a donc défini ses objectifs comme étant :
- Construire et élargir les compétences des futurs architectes/acteurs des projets de développement.
- Renforcer la présence de la culture architecturale dans lapproche du développement. Parce quil est indispensable de capitaliser les expériences, encourager les innovations et faire connaître les acquis dans les pratiques architecturales de développement.
- Élargir les modes dinterventions auprès des acteurs et opérateurs du développement.
- Aider techniquement à la réalisation de projets, de la programmation à la maîtrise de luvre, de lévaluation à lassistance et la maîtrise de louvrage, toutes les missions qui recouvrent le domaine architectural sont possibles.
Les animateurs dArchi et développement aident à la réalisation de projets mais restent conscients du décalage engendré par les rapports Nord/Sud et refusent lidée dimposer un mode de développement malgré tout. Lassociation considère ses actions comme une aide au développement autonome des communautés, un appui technique et dynamique à la prise en charge des projets pour les usagers.
Architecture et développement
École darchitecture de la Vilette
144, avenue Corentin Cariou
75019 Paris
tel : 01 44 65 23 79
Arts mêlés, de Grenoble
L'association organise chaque année un festival offert gracieusement aux Grenoblois. Monté au début du printemps, celui-ci abrite des concerts gratuits donnés sur le campus, des personnalités invitées dans toute lEurope pour monter un spectacle, des représentations de pièces contemporaines, une ambiance où se mêle la fête et lesprit de découverte.
Arts mêlés, qui a vu le jour en 1989, tourne toute lannée à plein régime. Fonctionnant par ateliers, qui sont souvent complémentaires (doù le nom), lassociation héberge aussi bien du théâtre que du chant, des arts plastiques, de la photo, des percussions, et même
un atelier de contes populaires ! Car chaque animateur monte, dans latelier de son choix, son propre projet, auquel il fait participer les nouveaux arrivants.
Lactivité des ateliers est alors tributaire de la personnalité de ceux qui en sont en charge. Parfois, les résultats sont assez impressionnants : ainsi, lanimateur de latelier contes, qui pouvait réciter à la fois Prévert, des récits africains ou des légendes bien de chez nous (?), est tout simplement devenu
conteur professionnel !
Les ateliers d'Arts mêlés ont à la fois pour but de faire cohabiter des disciplines très diverses, et de les faire sentraider quand cest utile. Ainsi, si cest latelier chant qui prépare la comédie musicale du Festival, ce sera à celui dArts plastiques de contribuer aux décors, et à celui des percussions de prendre en charge lanimation des pièces. Mais il y a une vie après le Festival : pendant lannée, les Arts plastiques exposent leurs toiles, invitent des grapheurs, tandis quon prépare, par exemple, les habits de mardi gras pour un spectacle déguisé.
Tout nest pas rose pourtant. Les locaux ne sont pas toujours au rendez-vous, et il faut souvent savoir déployer pas mal dimagination pour composer avec la pénurie ambiante. Quant au budget, il est très rare quil puisse être bouclé dans de bonnes conditions. Lassociation doit se présenter, par exemple, chaque année au même concours (celui du Pôle européen de lUniversité) et elle y gagne, chaque année, inlassablement, de quoi assurer le minimum vital (le reste étant abandonné à la bonne volonté des participants). Le premier prix. Évidemment.
Arts mêlés
Université Stendhal
BP 25
38040 Grenoble CEDEX
Tél. : 04 76 82 77 53 Fax : 04 76 82 43 84
Association des Étudiants de La Rochelle
"Il y a des étudiants dans la ville ! s'écrièrent les associations étudiantes qui se réunirent en 1992 pour fonder l'AER, Association des Étudiants de La Rochelle. Car La Rochelle, à l'époque, c'était la flambée des loyers, des problèmes d'intégration en pagaille, des carences en locaux. L'idée, c'était alors de permettre aux dizaines d'associations étudiantes dispersées dans La Rochelle de se réunir pour devenir un interlocuteur unique auprès des collectivités locales. L'AER s'installe au Technoforum, vaste conglomérat techno culturel, dans le quartier des Minimes, où l'Université a son siège social. Le pari a vite été gagné : quinze associations les rejoignent, allant de l'Université à l'École d'infirmières, en passant par les IUT ou la Sup' de Co locale. Dans cette ville d'une centaine de milliers d'habitants, sept mille étudiants sont concernés, dont cinq mille dans la seule Université. Fin 1993, une MDE (traduisez : Maison Des Étudiants) se crée dans l'Université à l'initiative de l'AER. On y déborde d'activité : les sportifs se retrouvent dans ce lieu hétéroclite en côtoyant les théâtreux, qui y ont installé un club. Derrière, quelques notes de Blues s'égrènent : c'est Blue Note, une association de musiciens, qui répète un concert prochain. Quant à Ciné-Vor, ils diffusent des films en VO. Spectaculaires, les locaux de Nouvelle FM, une radio entièrement étudiante. Toujours du côté médias, un magazine de l'AER paraît régulièrement, « Le Mag » : vrai canard de 16 pages tout en couleurs et
gratuit. Si les associations impliquées dans l'AER sont toutes représentatives, l'association tient à demeurer strictement indépendante.
AER
Maison de létudiant
La ville en bois - Rue cardinal
17000 La Rochelle
Association Sportive de Paris 3
À lassociation sportive de l'université de Paris 3, le but est de développer un maximum dactivités et dy faire participer le plus de monde possible, étudiants, personnels, profs.
"Le sport n'est pas la guerre, mais plutôt une bonne quarantaine dactivités, du football au tir à larc, du patinage à laïkido, en passant par le jogging et léquitation, des stages de ski ou de voile, des tournois de volley ou déchecs ouverts à tous
« Aucune limite nest faite, car aucune limite nest possible entre sport, jeu, danse et culture » explique un des responsables. Le tout concocté pour les 1 400 adhérents de lAssociation, qui se trouve ainsi la plus recherchée de lUniversité.
Mais l'association a un autre cheval de bataille : la communication, léchange. Ça commence par la collaboration avec d'autres AS : léger coup de main à celles qui débutent ou sont trop petites pour pouvoir élargir leurs activités, échange dactivités ou création dactivités communes.
LAssociation Sportive de Censier se sent pleinement association étudiante de lUniversité. Alors, elle na pas seulement débaptisé son journal Le Petit Sportif pour le nommer Les Cent Ciels de Paris 3, en y traitant tous les sujets d'actualité, mais se donne pour mission daider les projets étudiants en mettant à leur disposition ses moyens logistiques et même éventuellement une partie de son budget. Enfin, lAS de P3 est partie en campagne de coordination des associations de lUniversité en organisant le premier forum des assos. Linvestissement dans la vie universitaire et le monde associatif nont donc pas empêché cette AS originale de développer son activité propre, bien au contraire : un jeu déquipe sans faille, un esprit sportif à toute épreuve, et les résultats sont indiscutables.
Campus actif, de Rouen
Campus Actif est né au cur de la Fac de Sciences de Rouen en 1993. Ses fondateurs avaient en tête un double objectif : animer l'Université et représenter les étudiants. La traduction fut immédiate, via la mise à disposition des étudiants de sujets d'examen, un de ces petits riens qui rendent la vie plus facile et permettent du même coup d'établir et de faire connaître l'association. Mais la vaste mission définie au départ allait de pair avec une plus grande diversité des activités et une extension à toute l'Université en Lettres, en Psycho et en Droit. Campus Actif organise des cycles de conférences, des ciné-clubs. Et comme selon le dicton, les voyages forment la jeunesse, Campus Actif a répondu présent. À tout cela se sont ajoutés le sapin de Noël et les crêpes, les soirées, un festival de reggae
Bref, de quoi rendre une Université plus conviviale ! Animer la Fac est certes bien, mais les aînés de Campus Actif souhaitaient donner une dimension plus militante à lassociation. Forte d'élus aux différents conseils de gestion des UFR, aux différents grands conseils de l'Université, au CROUS et à Campus (tout court, la commission qui gère un budget destiné à favoriser les activités culturelles étudiantes). Bref, Campus Actif est le rendez-vous des étudiants motivés de l'université à Rouen.
Campus actif
UFR des lettres et sciences humaines
76821 Mont Saint Aignan
Tél. : 02 35 14 64 84
Fax : 02 35 15 22 46
Le conseil municipal des élus étudiants de Rennes.
À Rennes existe depuis 1996 un comité consultatif sur la vie étudiante. Cet organe est composé principalement d'étudiants 4 par universités plus des représentants des grandes écoles d'élus et d'administratifs municipaux en charge des questions universitaires ; des représentants des institutions concernées par les problématiques abordées sont invités selon l'ordre du jour. La fonction de ce comité est d'impliquer plus largement les étudiants dans la politique de la ville, de réfléchir à certaines problématiques et de proposer des améliorations en la matière.
Quatre domaines ont jusquà présent été abordés, les transports urbains, le logement, laccueil des étudiants, le double recensement, pour des résultats divers mais notables.
Le nombre de bus de nuits a été augmenté, une ligne inter-campus rouverte et un coupon de bus hebdomadaire, mieux adapté au rythme universitaire, a été créé. Les démarches dacquisition dun logement ont été simplifiées par la mise en place d'un point d'accueil regroupant différents services. Des visites de la ville en partenariat avec l'office du tourisme ont été organisées et la maquette de la plaquette d'accueil mise à jour. Enfin, une campagne dinformation sur le double recensement a été entamée.
Plusieurs autres thèmes sont déjà à l'étude : la carte culture, le bruit en centre ville (le nom même d'une des rues principales du centre laisse tout imaginer : la rue de la Soif !), le contrat de plan État-Région dans lequel des investissements pour l'enseignement supérieur sont fléchés, etc. Cette démarche et ses résultats sont tout à fait notables car ils traduisent deux choses : d'une part la capacités des étudiants à participer à une réflexion qui dépasse le simple cadre du campus universitaire en l'occurrence la politique de la ville et l'aménagement du territoire et d'autre part l'importance d'une université dans la cité en terme de rythme de vie - quil soit rythme quotidien, avec le réseau de bus nocturnes, ou annuel avec un accueil et des informations spécifiques en direction d'un public nouveau, mobile et rapidement renouvelé. Ainsi les étudiants et l'université sont reconnus comme des acteurs de la cité dont il faut prendre les spécificités en compte sans les ghettoïser.
Trois éléments furent en cela déterminants, qui ont permis à linitiative de prendre corps :
L'importance de la population étudiante à Rennes, la ville comptant en effet 65 000 étudiants sur 200 000 habitants, une implication constante des étudiants dans la gestion de leurs universités et surtout la volonté politique de la municipalité qui a instauré différents conseils consultatifs consacrés à d'autres problématiques.
Contact Laurent Mahé
Tél. : 02 99 14 10 20
Le CRI, de Toulouse
Informer pour rassembler, rassembler pour informer, tels semblent être les mots dordre de cette toulousaine association, fondée au sortir des mouvements de grève de décembre 1995. Au cur du CRI, le local : accessible, ouvert à tous, il est à la fois lieu de rendez-vous, endroit convivial, et centre dinformations grâce à linépuisable base de données patiemment constituée par les étudiants de passage ou autochtones. Tout ce que Toulouse III peut produire en termes daction citoyenne, de débat politique, de vie associative, tout ou presque se retrouvera, in fine, dans les archives soigneusement classées par les membres les plus actifs du Collectif.
Mais les « crieurs » nentendent pas sarrêter là. Cest pourquoi à chaque coin de secrétariat, de resto-U, de bibliothèque, ont été installées des « boîtes à idées » qui donnent à chacun la possibilité de pousser son petit cri propre ; régulièrement relevées par lassociation, les suggestions, critiques, interrogations ainsi formulées font alors lobjet daffichages aux endroits stratégiques, ou encore sont transmises aux élus étudiants des différents conseils. Et des différentes listes, car le Collectif na pas pour vocation de présenter ou soutenir des postulants aux élections universitaires, mais plutôt dinformer les électeurs sur le bilan et le programme des candidats, en organisant par exemple une table ronde de présentation des syndicats et corpos, quelque jours avant le vote.
Porteur de projets, le Collectif est à lorigine dinitiatives nombreuses et diverses, réalisées dans lunité la plus large. Quil sagisse dune exposition sur laide sociale, en partenariat avec lAGET-UNEF, lUnef-ID et la Corpo de Sciences, quil sagisse dune présentation de la médecine universitaire ou d'une sensibilisation à la préservation de l'environnement, quil pleuve ou quil vente, chaque manifestation est suivie dune conférence-débat. Début octobre, cest un spectacle humoristique qui a rassemblé plus de trois cents spectateurs, sur linhabituel thème des inscriptions universitaires. Et si les cris senvolent, les écrits restent : le CRI lance son journal, ouvert à tous, « LAvis des Amphis ».
CRI Étudiant c/o DVE
Université Paul Sabatier
118, route de Narbonne
31062 Toulouse CEDEX 4
Tél. : 05 61 55 86 75 Tél. : 05 61 55 82 59
ÉCUME, de Montpellier
Lopéra est-il ringard ? Lassociation ÉCUME (Ensemble choral universitaire de Montpellier) a prouvé le contraire.
ÉCUME tire son origine dun premier projet artistique ambitieux, la représentation de Summertime, adaptation du Porgy and Bess, de Gershwin. Ce projet sinscrivait alors dans une double logique. Il sagissait dune UV (Unité de Valeur), organisée par lUniversité, essentiellement pour les étudiants en musicologie. Mais, dès alors, le projet était plus ambitieux, associant des étudiants, quels que soient leurs domaines détude, à un projet multi-artistique denvergure.
Dès lannée 1996, l'association ÉCUME engage son premier projet : la création de Candide de Léonard Bernstein, sur des textes tirés du conte philosophique de Voltaire. Avec le soutien de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) et de la ville de Montpellier, qui ont vu dun très bon il une initiative étudiante parvenant à mener les étudiants dans les théâtres et les opéras, avec lappui de professionnels, aussi bien pour la réalisation artistique que pour la gestion administrative, les choristes, les solistes et lorchestre ont travaillé pendant toute lannée universitaire. Ce travail sest concrétisé par la tenue de deux versions concerts de luvre, dans les amphis du campus de Montpellier, trois représentations scéniques à lOpéra-Comédie de Montpellier, une série de tournées dans les universités, en France comme à létranger.
ÉCUME est lexemple de la réussite dune association étudiante qui a parfaitement su imposer un réalisme technique et financier pour réaliser un produit artistique majeur, sans concession aucune, ni aux modes ambiantes, ni à la facilité. Une dernière chose à signaler, tout de même, est la mention spéciale du jury obtenue lors du Prix de linitiative étudiante organisé par léquipe dAnimaFac à Campus en été 1997. Un jury rassemblant des responsables du CNOUS, de la Ligue de lenseignement, de lassociation Art + Université + Culture et présidé par le directeur du CROUS de Créteil. Un petit prix pour un immense projet.
ÉCUME
Université Paul Valéry
Route de Mende
34032 Montpellier CEDEX 01
Tél. : 04 67 02 79 22
EMF
Dépassant son lieu de création - Bordeaux - lassociation des Étudiants Musulmans de France est présente à léchelle nationale avec différentes sections : Bordeaux, Lille, Besançon, Limoges, Grenoble et Toulouse. EMF, association culturelle de loi 1901, a dû à ses débuts affronter les scepticismes et les raccourcis faciles desprits trop méfiants. Pourtant cette fédération sest donné comme objectif duvrer pour une meilleure intégration de létudiant musulman dans lespace laïc. Elle se propose de prendre en charge de façon prioritaire laspiration des jeunes dorigine musulmane à lintégration. Il sagit donc dune association à vocation généraliste qui se propose de concilier identité musulmane et citoyenneté républicaine, sans que cette dualité soit vécue en terme de rupture.
LEMF étend son action en trois axes majeurs :
_ le plan culturel avec lorganisation de conférences, de rencontres, et la rédaction dun journal, plaçant la question de lislam en France sur le terrain du débat ouvert à tous.
_ laction syndicale, concrétisée par une participation aux élections universitaires, montrant par la même qu'il n'est pas toujours facile pour une association d'être pleinement reconnue sans éviter ce raccourci.
_ une action sociale qui contribue de manière évidente à louvrage dintégration de lEMF. Nos activités sont diverses et variées, de laide aux étudiants en difficulté à lorganisation de soirées et de tournois sportifs, en passant par les sorties et les voyages. Le comité social nous permet de nous tourner vers les autres et dinstaurer un climat de convivialité.
Comme le précise Abderrahmane, qui anime à Besançon le comité de relation avec la communauté musulmane : lislam en France devient lIslam de France porté par la jeune génération pour qui le bled névoque quune très lointaine affiliation. Il sagit pour nous, à long terme, de fédérer la communauté musulmane autour dun projet dinsertion, qui tiendrait compte de cette aspiration : vivre sa foi en harmonie avec la société.
EMF national
BP 82
33402 Talence CEDEX
Tél. : 05 56 31 23 14
Fax : 05 56 31 23 14
Europa 3, de Bordeaux
« Voyager, cest bien utile, ça fait travailler limagination
» Les vrais voyageurs sont peut-être «
ceux-là seuls qui partent Pour partir
». Il manquerait pourtant quelque chose au voyage si lon se cantonnait à rester entre soi, et à demeurer extérieur au pays qui accueille. Partir, non pour partir, mais pour parvenir quelque part. Au terme de ces tribulations, on aura atteint son but si on a le sentiment dune appartenance nouvelle, une sorte de supplément didentité. À ce titre, la rencontre avec ceux qui font le parcours inverse constitue elle aussi un enrichissement, pourvu quon sache en dégager lessence.
« On veut vivre lEurope ! » La formule na rien dun slogan abstrait. Europa 3, lassociation bordelaise est en effet une façon de réaliser concrètement lEurope. Lidée de créer une structure pour proposer des activités aux étudiants européens est venue, à la rentrée 1994, à des étudiants enthousiasmés par laccueil quils avaient reçu au cours de leur séjour en Autriche. Depuis, d'autres, tous passés par Erasmus ont repris le flambeau.
Dès les premiers jours en France, les quelques 150 étudiants Erasmus qui passeront un an à Bordeaux III se voient proposer la visite des lieux, et une aide pour leurs démarches administratives et pédagogiques. Un programme conséquent dactivités jalonne lannée universitaire. Des soirées, bien sûr, des visites de la région, plus qualléchantes : initiation à lnologie par des étudiants en la matière, visite des producteurs avec dégustation
La Journée de lEurope, célébrée traditionnellement le 9 mai, est loccasion de tenir un stand en pleine ville, alors quun rallye pédestre initie les étudiants étrangers aux mystères de Bordeaux, rallye suivi dun vin dhonneur (encore ? !). Une nuit de lEurope clôt lévénement, au cours de laquelle Miss et Mister Europe sont élus. À la St-Nicolas, cest aux invités de créer lanimation, en montant un spectacle dans lUniversité.
Ainsi va Europa 3, au rythme des trouvailles et des projets des étudiants Erasmus.
Europa 3
Bureau des RI - Univ Montaigne
33405 talence CEDEX
Tél. : 05 56 84 50 81
Fax : 05 56 84 51 82
FFJAV
La Fédération Française des Jeunes Amis du Vin (FFJAV) a beaucoup pour plaire. À première vue, le créneau n'est pas trop risqué, la France et le vin font plutôt bon ménage. Mais il en va autrement quand on s'adresse à un public de jeunes qui, s'il aime le vin sur le papier (?), ne le pratique pas toujours avec discernement (lassiduité ne fait sûrement pas défaut).
Les sept clubs d'nologues amateurs a l'origine de la fédération ont accompli un bout de chemin en quatre ans d'existence, devenant, par un prompt renfort, quatre-vingt, et s'ils arrivent au port c'est pour décharger les caisses de vin à tarif réduit qu'ils fournissent à leurs adhérents. Entre autres services offerts par la Fédération, on compte la lettre des jeunes amis du vin, publication destinée aux adhérents, un soutien aux initiatives locales des clubs affiliés, et plein d'avantages en nature
Le goût du vin, comme le goût en règle générale, demande une éducation. Comme il est rare dapprécier Mozart quand on a douze ans (on lui préfère les 2 B 3), faire la distinction entre une piquette et un bon vin sapprend. Si beaucoup savent que le Beaujolais nouveau na rien dun grand vin et quil doit son succès à une agence de communication, les jeunes amis du vin ne manqueront pas de vous rappeler quun primeur na pas la prétention dun vin de garde, et que le Beaujolais nest quun primeur parmi dautres. En somme, si le goût du vin ne demande pas un vocabulaire technique, il passe tout de même par une petite formation.
FFJAV
84, boulevard Beaumarchais
75011 Paris
01 40 38 85 34
L'il du Campus, de Paris 7
Lil du Campus se définit comme le premier magazine vidéo dinformation sur la vie du Campus de Jussieu. Formé par des étudiants en journalisme scientifique, lil du Campus a pour but premier de recréer des liens entre les résidants de Jussieu, cette mégapole universitaire, entre les étudiants, professeurs, chercheurs, pour que ceux-ci puissent y trouver un lieu de vie et déchanges.
Une dizaine de minutes de reportage, filmée en vidéo, compose une émission mensuelle, diffusée jusquà présent dans le cadre du ciné-club, juste avant le film, le premier lundi de chaque mois, et lors de différentes manifestations chaque fois que cela sest avéré possible.
Pour les membres de lil du Campus, ce mode de diffusion renvoie, avec une pincée de romantisme, aux actualités telles quon pouvait les voir il y a encore quarante ans dans les salles de cinéma et qui constituaient alors pour beaucoup la seule source dinformations.
Lémission sarticule autour de trois séquences, rythmée par les interventions dune présentatrice : en vrac, quelques reportages sur des manifestations récentes organisées sur le campus, puis le portrait dune personnalité marquante de luniversité, dune figure emblématique ou insolite, enfin lagenda, petit guide de bord des manifestations à ne pas manquer.
Au terme de la dernière année universitaire, cinq émissions ont été produites et diffusées, à laide dun matériel vidéo de qualité, prêté par lUniversité (deux caméras et une station de montage numériques). Les sujets traités ont été très divers, qui ont montré le foisonnement dactivités sur le Campus. Informatif et convivial, lil du Campus narrête pas dévoluer. Ainsi, lAgenda, afin dêtre plus attractif, est devenu une petite sitcom jouée par des étudiants mués en apprentis comédiens.
Après quelques mois seulement de fonctionnement, il est apparu que lil du Campus souffrait de sa diffusion limitée. Ces projections, malgré leur succès, prêchaient des convaincus, puisquelles ne touchaient que ceux qui se déplaçaient pour un film ou un spectacle et, ce faisant, simpliquaient relativement. Il fallait toucher un public plus large. Les gens de lil qui lavaient, lil, ont donc décidé dinstaller, dès cette rentrée, deux téléviseurs dans les files dattente du resto-U pour diffuser en boucle leurs images, en manière dapéritif informatif. Lil du Campus en devient, obligé de sadapter, plus visuel, avec des reportages plus courts et espère enrichir sa diffusion de courts-métrages, de spots de prévention.
COMSCi/il du campus
Université de Paris 7
2, place Jussieu
75251 Paris CEDEX 05
L'Oreille
En 1995 une bande de copains, passionnée par la fête et la musique, décide de se faire le relais des activités musicales dOrléans en créant un journal gratuit de 20 pages fourmillant dinformations sur lactualité musicale de la région : lOreille.
Lors du Printemps de Bourges 1997, les membres de lOreille, médusés, tombent sur le guide musical de Normandie regroupant les lieux de concert de la région, les contacts des groupes, les studios
Et saperçurent que la région Centre en était fort dépourvue. Pourtant la vie musicale y fait preuve dune belle santé, les structures municipales existent mais aucun document ne centralise cette activité. Fortement motivée par le projet, LOreille décide de combler ce manque à partir des groupes, des associations et des institutions qui la contactent régulièrement. Cest le lancement de la création du Guide des Musiques Actuelles (région Centre). Disponible depuis octobre 1998 et vendu 10 francs, ce guide est une vitrine des musiques actuelles à destination dun public régional et national et un annuaire de ses différents acteurs. Ses objectifs sont de créer un outil dinformation et de communication au sein de la région Centre afin de promouvoir et de valoriser les différents acteurs sur le plan régional (mais aussi ailleurs), de développer les liens entre les structures inhérentes à la musique (salles de concerts, associations, services culturels, médias
) dans le but de créer une synergie au niveau régional et donner les moyens aux amateurs et/ou professionnels de connaître les structures régionales.
Ce guide est aujourdhui disponible chez les distributeurs habituels de musique (Fnac, commerces
), dans les lieux de concerts et dans toutes les institutions (Mairie, DRAC
).
Mais le guide sur support papier nest que la première étape du projet. Le but à terme est de proposer cette source dinformations intarissable sur Internet qui contiendra la mise à jour régulière des informations, bien sûr, mais aussi des photos, des extraits musicaux
Un projet né dun manque, qui le comble largement, dont il est certain quil fera des émules.
LOreille - 52, rue St Pierre en Pont
45 430 Chécy
Tél : 02 38 55 05 70
Fax : 02 38 55 38 76
e-mail : LIENHYPERTEXTE mailto:oreillenet@aol.com oreillenet@aol.com
LUDI Poitiers
Improvisation mixte ayant pour thème Madame reçoit, monsieur subit. Catégorie : à la manière de Vaudeville. Nombre de joueurs : illimité. Durée : 6 minutes . Si cette entrée en matière ne vous dit strictement rien, cest probablement que vous navez jamais pénétré dans le sacro-saint sanctuaire de limprovisation théâtrale.
Cette discipline née il y a tout juste vingt ans au Québec a infiltré notre douce France il y a quelque temps. Dans lenceinte dune patinoire (cest le nom donné à laire de jeu) deux équipes de six joueurs saffrontent oralement. Rien de belliqueux dans le déroulement dun match dimprovisation puisque ces deux équipes, sous la houlette de deux entraîneurs (prononcez coaches), se rencontrent dans le seul but de divertir le public.
Un arbitre forcément impartial tire au sort un thème dimprovisation qui impose aux joueurs une catégorie à respecter (libre ou à la manière de
) un genre (impro mixte ou comparée), le nombre de joueurs autorisés et le temps de déroulement de limprovisation. Après vingt secondes de réflexion entre les joueurs et leur entraîneur, les improvisateurs se rencontrent, sécartent et font progresser lhistoire ensemble. À la fin du temps réglementaire le public vote à laide de cartons multicolores quon brandit en cur au signal de larbitre.
Optimiser le quotidien de chacun en favorisant lesprit découte, la création collective, telle est la mission que sest donnée la Ligue Universitaire DImprovisation qui sest d'abord fait connaître du monde étudiant par le biais dexhibitions dans les universités parisiennes. Depuis, plusieurs associations étudiantes à Poitiers, à Toulouse ou ailleurs ont déjà rejoint la Ligue.
LUDI Poitiers - A 620 7, rue de Valmy
ludi.poitiers@wanadoo.fr
La Panafricaine de Moselle
Intégrer une nouvelle université, une nouvelle ville, voire un nouveau pays n'est pas forcément un pas facile à franchir. Les écueils sont nombreux qu'il est difficile d'éviter lorsqu'on doit se débrouiller seul. C'est justement pour débroussailler ce parcours du combattant, tout en se démarquant des structures nationales d'étudiants africains déjà existantes (sénégalais, mauritaniens et djiboutiens), qu'a été créée l'Association panafricaine de Moselle, en 1994.
La "Panaf" facilite les conditions de vie et l'intégration des étudiants originaires du continent africain qui viennent poursuivre leurs études en France. Les responsables de l'association insistent d'ailleurs bien volontiers sur l'aspect multi-ethnique de la "Panaf" : pour preuve, une des exigences des statuts est la représentation de plusieurs nationalités dans la composition du Bureau.
L'association s'efforce de trouver des hébergeants, les cautionnaires français exigés par le CROUS ou des avances d'argent pour permettre aux étudiants de remplir les conditions requises à la première étape de leurs études : l'inscription à l'Université de Metz. Démarches administratives, recherches de logements, conseils d'inscription sont quelques uns des services que propose la "Panaf" à chaque rentrée scolaire.
Mais cette association dynamique ne consacre pas tout son temps à des tâches d'ordre purement technique ; elle a mis sur pied des rencontres, culturelles ou amicales, dans des cafés (à l'« Eurocafé » de Metz, par exemple). Une autre initiative est la création, en partenariat avec la Bibliothèque universitaire de Metz, d'une Bibliothèque africaine hébergée dans les locaux de la future Maison de l'Étudiant. Quant au journal de l'association, il est joliment nommé "Le Griot".
La "Panaf" s'investit aussi dans des initiatives qui la touchent de près et qui lui tiennent à cur. Elle mène, à son échelle, des actions à vocation sociale et citoyenne pour protéger et promouvoir les droits des étudiants étrangers. Ses membres ont déjà participé à un mouvement de grève de loyers pour obtenir la rénovation des cités universitaires. Dans la foulée, et avec le concours du MRAP, l'association avait organisé une conférence-débat sur le thème "France : terre d'immigration", à laquelle ont participé Aboubacar Diop (porte-parole des sans papiers de Saint-Bernard), Olivier Milza (historien) et Mouloud Aounit (président du MRAP).
Forte de toutes ces expériences, la "Panaf" compte bien continuer ses actions au profit des étudiants africains et prendre de nouveaux contacts avec d'autres associations d'étudiants africains en France. Gageons qu'elle ne s'arrêtera pas en si bon chemin
Panafricaine de Moselle
BP 47009
57030 Metz CEDEX
e-mail : panaf57@reanet.org
Radio campus Dijon
Linstallation dun campus dans une ville universitaire, cest le développement dune nouvelle population, avec ses modes de vie, ses habitudes spécifiques. Lorsque luniversité est géographiquement exclue de la ville, et parce que le monde universitaire a lui-même tendance à être clos, lassociation étudiante peut servir dinterface. Aux uns, la radio permet de trouver rapidement des repères, de se sentir plus vite chez soi dans une ville où lon nest souvent quen transit, le temps des études. Pour les autres, la radio cest luniversité mise sur les ondes, son apport propre en termes culturel et scientifique.
Radio Campus noublie jamais de décrire son environnement direct, ce qui peut surprendre pour un média dont le périmètre de diffusion dépasse les cinquante kilomètres. La radio, de fait, met luniversité au cur de la ville. Et il est toujours possible pour les étudiants de savoir ce qui est en train de passer à lantenne. Même si les étudiants osent peu briser la glace et venir troubler laffairement des rédactions.
La programmation répond à ce souci de réunir des horizons qui ne le sont pas toujours dans la vie. Les Ninfos est un magazine qui relate lactualité quotidienne de la fac sous forme de brèves. Le Mag est axé sur lactualité de la région. Cinérama fait plancher ensemble étudiants et profs. Yume vision donne dans le fantastique, au ciné comme en littérature. Une émission franco-allemande dactualité comparée répondant au doux nom de Radio choucroute, une anglophile un peu madness appelée One step beyond. Côté associatif enfin, cest une émission animée par les enfants malades de la région. La musique remplit les soirées et les week-ends : chaque jour est consacré à un univers différent. Ici, Radio Campus remplit une fonction de découvreur de nouveautés.
L'équipe est constituée d'une centaine détudiants de tous les horizons, bénévoles, et de cinq salariés. Les techniciens (pour la maintenance dun matériel de pointe surtout depuis lapparition du numérique) travaillent au côté des animateurs en herbe ou des rédacteurs, plus littéraires. Ce foisonnement très organisé explique sans doute la viabilité de la seule survivante de la période des pionniers de la FM dans la région. Et ce malgré un budget toujours problématique qui demeure la contrepartie de lassociatif. Lessentiel repose sur les subventions et les cotisations, et est étoffé avec bonheur par la vente des programmes fabriqués maison. Sans doute un vrai signe de réussite.
Radio Campus
92.2 FM - BP 2549 - 21055 Dijon CEDEX - Centre Culturel Universitaire
Tél : 03 80 67 68 69
Fax : 03 80 63 91 70
Mél : LIENHYPERTEXTE mailto:aparicio@u-bourgogne.fr aparicio@u-bourgogne.fr
Le Salon Délivre, Paris 2
Le mercredi 9 décembre 1998, alors que le Conseil dadministration de lUniversité dAssas rejetait lexclusion de lUnion Droit, groupuscule violent dextrême-droite, se tenait, dans le hall même de luniversité, la quatrième édition du Salon délivre.
Après deux premières années dexil, agréable bien que forcé, au café du Lucernaire, les associations organisatrices (Association des Étudiants de lInstitut français de Presse, Assas Autrement, Association Symbolisant Tout Étudiant Rejetant lIntolérance et la Xénophobie (Astérix), le Manifeste contre le Front national, PSA/UNEF-ID, Union des Étudiants Juifs de France) ont eu le plaisir de voir, pour la seconde année, auteurs et étudiants réunis autour de livres pour combattre lextrême-droite à Assas. Le Salon délivre est une réaction à 25 ans de salon du livre français, qui réunit nombre dauteurs extrémistes, à linitiative dune association de la fac dénommée le Cercle.
Venons à lédition 1998 du Salon : Andreï Gratchev, dernier ministre des Affaires étrangères de M. Gorbatchev, a honoré le salon de sa présence. Tout comme Philippe Sollers, très demandé, ou Marie Darrieussecq, venue à limproviste. Les étudiants ont pu interpeller J-F Kahn sur la définition du centrisme révolutionnaire tandis que Alain-Gérard Slama représentait le Figaro. Guy Konopnicki a quant à lui fait un tabac avec son Manuel de survie au Front.
Le stand Max Havelaar (association de promotion du commerce équitable) a été un lieu de convivialité permettant aux auteurs et aux étudiants de se retrouver autour dun café et de quelques gâteaux et déchapper ainsi au cadre plus strict des stands.
Autre nouveauté de cette année, les associations ont rédigé une revue, le libre arbitre, qui condense quatre années de recherche sur limbroglio malsain des milieux dextrême-droite qui est présent à Assas.
Le collectif dassociations a ainsi accompli sa tâche. Pourtant cette structure nest pas aisée à manier alors que deux des associations membres sopposent aux élections universitaires. Lobjet de ce collectif et les violences de lUnion-Droit étaient toujours suffisamment présents dans leur esprit et dans leur corps pour mener à terme lorganisation dun salon culturel contre lextrême droite, qui est aussi loccasion pour le collectif de promouvoir le livre dans le milieu universitaire. Mêlant travail en équipe, lutte contre lextrême-droite et promotion du livre dans les facultés, le Salon Délivre est un bel exemple daction citoyenne.
Le salon délivre - collectif dassociations
Université de Paris 2
92, rue dAssas
75006 Paris
La SPIR, de Tours
La SPIR naît quand meurt le mouvement de grève universitaire de décembre 1995 pour permettre une meilleure circulation de l'information à l'intérieur de l'université. L'objectif initial de l'association comprend aussi un rôle d'ouverture extra universitaire.
La tenue régulière de débats et, plus ponctuelle, de conférences dans ce qui restait de l'année universitaire n'ont satisfait qu'en partie à ces objectifs. Si le débat était pérennisé et l'information paraissait désormais plus accessible et moins parcellaire, se posait la question de la place dune association dont la vocation est politique et qui s'exclue des instances de représentation.
Le projet de lUniversCité du Devenir, répondait, au moins en partie, à ces questions. Du 2 au 8 avril 1997 des concerts, des conférences, des expositions, des débats et des cours transdisciplinaires se sont déroulés à l'université et dans la ville autour de thèmes artistiques, sociologiques, pédagogiques, où n'importe qui pouvait être interpellé et émettre des propositions pour l'université (comme l'enfant qui demande pourquoi il n'y a pas de cour de récré ici ?), et jouer ainsi un rôle politique.
Suite à ce succès, la refonte de notre objectif a occupé les premiers mois de l'année 97-98, puis nous avons décidé de refaire l'UniversCité du Devenir (l'UniversCité du 2-venir) du 23 au 31 mars 1998. Comme les conférences avaient mobilisé beaucoup d'énergie sans pour autant garantir des résultats exceptionnels, nous nous sommes concentrés sur les ateliers/débats et les cours transdisciplinaires, tout en maintenant la partie animation/décoration de la fac. D'autre part nous avons mené des actions ponctuelles, en partenariat avec des associations locales comme le Carnaval Pour Tous, et nationales : participation au journal L'Insoumis sur Tours.
Le début de cette année est d'abord marquée par le renforcement de laction locale extra-universitaire de la SPIR. Celle-ci a participé à la Journée du Développement Solidaire en Touraine avec une trentaine d'autres associations.
L'autre projet qui nous tient à cur réside dans le lancement d'une université populaire, ouverte à tous. Nous poursuivons aussi nos tentatives de décoration et d'animation de la fac (avoir enfin l'accord pour repeindre les murs de façon permanente par exemple) avec des idées anciennes (animations théâtrales et musicales, débats improvisés) et nouvelles comme les repas de fac (imported from Toulouse).
SPIR c/o STAJ Touraine
5, rue Louis Braille
37000 Tours
02 47 05 06 82 / 02 47 03 09 46
Station Arts Électroniques
La Station s'est donné pour objectif de promouvoir la création dans le domaine des technologies actuelles, sous toutes les formes possibles.
La grande diversité des actions quelle mène sorganise autour de trois axes prioritaires :
- la mise en place de projections et de rencontres ponctuelles tout au long de lannée en collaboration avec des institutions ou des structures culturelles. Ces projections se déroulent aujourdhui à un rythme mensuel et le programme dans son ensemble est intitulé Saison électronique, en collaboration lan passé avec le Mastère Espace Numérique/Espace Plastique.
- le deuxième point fort de leurs activités de lannée est le festival Rencontres Arts Électroniques. Lancée en janvier 1995, cette initiative lie des projections vidéos et de cinéma expérimental, des conférences, des expositions dinstallations vidéo et informatiques. La première édition a ainsi permis a Brian Eno, Bruce Nauman, Michel Coste, Catherine Ikam et Tom Dahos de faire la démonstration de leurs talents en matière dinstallations vidéo. Lannée suivante cétait au tour de Borris Gerrets et de Gérard Mermoz avec, comme invités du festival : la Vidéo Data Bank de Chicago et Vidéo positive, biennale des arts électroniques du Royaume Uni, Liverpool. Cétait aussi le lancement du concours de la jeune création vidéo européenne.
- troisième point : la constitution dune base de données concernant les arts et les technologies actuels.
Au delà de ces trois axes, la Station sadonne aussi à la production de vidéos étudiantes (elle est notamment à lorigine de 12 heures deau de Nicolas Floch en 1995) et dinstallation vidéo (en 1996, Liz Creppy, Héléna Schmidt et Nicolas Floch), ainsi que denvironnements virtuels interactif s avec en 1995 New York chaos de Catherine Ikam et Louis Fléri.
La Station s'intéresse également à linsertion professionnelle, proposant des stages, ainsi que des projections et des débats où ils ont pu aborder des thèmes aussi divers que Sarajevo, Lesbian and Gay pride, les arts activistes divers, le SIDA
Ils participent enfin, depuis trois ans, au Festival Image par Image, festival danimation et dimages de synthèse (dont la neuvième édition sest déroulée à Rennes du 7 au 18 avril 1997).
Station arts électroniques
Université de Rennes 2
6, avenue Gaston Berger
35043 Rennes CEDEX
tél.-fax :
02 99 14 11 50
UniversCiné
En 1995, date de naissance non officielle de lassociation (création effective en 1997), des étudiants de Nanterre décident de projeter dans les locaux de la fac des films en avant-première ou en rétrospective sous le nom de Projections Universciné. Dès lors, Universciné devient une sorte de nom commun pour les amateurs de cinéma. Cest au travers des multiples allées et venues et rencontres avec les cinéphiles devenus fidèles à leurs projections quil est apparu pour beaucoup un désir de porter à lécran leurs propres scénarios. Lidée de créer un festival du film vidéo des jeunes réalisateurs est alors née et sest avérée une première action concrète et motivant la réalisation de courts métrages. Mais plus que dêtre un simple lieu de projection, lobjectif de ce festival est de donner aux jeunes la possibilité dexprimer leurs rêves, leurs aspirations, leurs états dâmes et leur imagination sur la pellicule et déchanger ces rêves avec le plus grand nombre de personnes. Lidée est aussi de lancer les novices passionnés de ce domaine, de leur faire rencontrer des professionnels pouvant éventuellement les faire avancer, leur donner des bons contacts ou tout simplement les motiver et les encourager dans leurs démarches. Dannée en année, le festival acquiert une notoriété plus grande et accueille un jury de plus en plus professionnel. Lédition de 1998 y apportait une nouvelle dimension, puisquUniverciné a réussi à négocier les salles du CNIT de la Défense, avec une possibilité daccueil de 800 à 1 200 personnes. Une équipe de 15 hôtesses était également au rendez-vous ainsi quun jury prestigieux composé de dix personnalités. Là, outre la dégustation de courts, de plus en plus nombreux, on assistait à la multiplication des relations entres jeunes et professionnels.
Lassociation Universciné a su entraîner avec elle les passionnés de cinéma et faire oublier limage largement véhiculée du cinéma en tant que milieu clos et impénétrable.
Universciné Salle G 203
Université de Paris 10
200, avenue de la République
92000 Nanterre
Tél. : 01 40 97 78 82 Fax : 01 40 97 78 82
Vera cruz, de Toulouse
Veracruz, association toulousaine, est né dun projet détude sur la déforestation au Mexique qui a permis de partir sur place pour tisser un lien avec les étudiants locaux et ramener à Toulouse toute une série dexpositions. Peu à peu, elle a installé et recensé les essences rares et la faune du campus, où elle accueille les travaux pratiques de biologie et les enfants des écoles primaires. Cest un véritable outil pédagogique que forme VERA CRUZ.
Nous avons à notre actif un voyage au Sénégal pour étudier le comportement de lantilope, à Bornéo où nous avions étudié la forêt tropicale avant quelle ne parte en fumée, au Congo où nous avons suivi la réintroduction des chimpanzés et la mise en place de cultures vivrières. Et une quinzaine détudiants bravera lHimalaya cet été, pendant trois semaines, pour une étude ethnologique, biologique et botanique du Népal où nous créerons un échange avec les universités.
Mais nous savons aussi travailler sur place. LUFR de biologie nous a contacté pour que nous fabriquions les aquariums de travaux pratiques et ils nous consultent fréquemment pour nos conseils daménagement. Nous avons déjà obtenu limplantation de parcs à vélo et, bientôt, une piste cyclable traversera le campus. Parmi les 36 000 étudiants de luniversité, une vingtaine dassociations se démène pour développer une vraie vie sur ce vaste et déshumanisé campus ; et cest un véritable réseau associatif qui sest tissé sur cette fac. Il est pratiquement impossible de sennuyer entre les murs en béton. Nous essayons dêtre présents à chaque événement. Par exemple, nous participons aux Repas de fac, organisés par une association locale où nous rivalisons dimagination pour les gastronomes écolo-curieux. Avez vous déjà goûté à lomelette aux pulmonaires et la limonade à la verveine ?
La gazette dinformations mensuelle de lassociation est un vrai petit fanzine où se mêlent un agenda culturel de luniversité et une série dinformations pratiques pour les biologistes, où lon peut même adopter de pauvres petits lapins orphelins. Une vrai mine dor vert que ce De natura rerum.
Vera Cruz
Université Toulouse III - Paul Sabatier
31062 Toulouse CEDEX
Fax : 05 61 55 86 75
Voiture & co, de Nanterre
Voiture & co, comme son nom le laisse deviner, est une association mettant en place un système de covoiturage, le partage dun véhicule par plusieurs usagers allant dans la même direction, dans un souci de préserver lenvironnement.
Le covoiturage tourne autour dun système de rémunération par nombre de personnes présentes dans la voiture, ce qui permet aux étudiants déconomiser sur leur transport. Et afin de sensibiliser le maximum de conducteurs, lassociation sengage à donner des privilèges à ses membres, ainsi les covoitureurs bénéficient de réduction diverses (tickets de cinéma, et autre accès à différents loisirs) et des services autour de la voiture (contrôle technique moins cher, lavage gratuit, parking gratuit, réservé et surveillé). Quant à lengagement pour adhérer à Voiture & co, il est très abordable : de lordre de 10 F/mois.
Le confort et la convivialité pourraient être des arguments largement suffisants pour justifier le travail de cette association et les féliciter. Mais le covoiturage narrête pas son action civique à la convivialité, il est aussi le vecteur dun niveau de vie amélioré et de la préservation de lenvironnement. Les quelques chiffres que donne lassociation laissent à réfléchir. 4, 6 millions de voiture dans la région parisienne ; 4 sur 5, cest le nombre de déplacements en voiture particulière sur les trajets de banlieue à banlieue ; 2 % de trafic en moins permettrait de passer dune circulation saturée à une circulation presque fluide ; et surtout, sur chaque voiture partant dans la région parisienne chaque matin, la nombre moyen de passagers par voiture est 1,3.
Si lexpérience, qui a débuté sur le campus de lUniversité de Paris X, s'avère concluante, Voiture & co développera le covoiturage dans les quartiers universitaires des académies de Versailles et Créteil : Cergy Pontoise, Versailles Saint-Quentin, Paris Sud, Evry Val dEssonne, Villetaneuse, Marne la Vallée et Créteil. Et dans deux ans, ils pourraient même étendre leur expérience aux campus de province...
Voiture & co
Université de Paris 10
200, avenue de la République
92000 Nanterre Cedex
Conclusion
Anne-Marie COCULA
Présidente de lUniversité de Bordeaux 3
Présidente de la Commission Questions sociales et Vie de lÉtudiant
C e colloque est lultime maillon dune chaîne dimplications complémentaires : celle des étudiants, celle de la CPU, celle de la commission Questions sociales et vie étudiante et de sa Présidente dhonneur, Jocelyne Pérard. Nous espérons quil ne sera que le prélude à dautres rencontres de ce type, aussi riches en enseignements et en attentes.
Les principaux enseignements de ce colloque se conjuguent à la fois au pluriel et au singulier.
Au pluriel, parce que ces enseignements couvrent à la fois les problèmes sociaux, la culture, le sport, les loisirs. Au pluriel, parce quils correspondent à la diversité de la vie étudiante. Les expériences présentées cet après-midi, enrichies de beaucoup dautres, montrent les orientations majeures quil nous faut suivre : la formation, la participation citoyenne et la volonté dintégration. Toutes reposent sur le principe fondamental de la solidarité dans la vie étudiante. A cet égard, laccueil des étudiants étrangers est devenu un cas décole, qui pose à la fois des problèmes matériels et impose la mise en place de solutions rapides. Nous souhaitons que les étudiants étrangers retrouvent au moins la place qui était la leur il y a quelques années.
Mais comment passer du pluriel au singulier ? Il nous faut prendre en compte certains handicaps majeurs : la brève durée du passage à luniversité, lisolement des individus sur des campus souvent mal desservis, la multiplicité des sites universitaires, la lenteur de circulation des informations. Nos chances dy parvenir résident dans lexistence dune condition étudiante et dans la juste appréciation des difficultés partagées, sans être jamais semblables ni équivalentes. Il ne sagit pas de transposer en létat les expériences qui ont réussi ici ou là. Il faut donner aux étudiants la possibilité de développer pleinement leur citoyenneté dans luniversité. Il faut prendre en compte le mouvement de retour des universités vers les villes, où sont nées la plupart. Ainsi peut se dégager un principe dunité fondamentale : un territoire dexpression, de réflexion où létudiant pourra obtenir les conditions les meilleures de sa réussite et de son épanouissement.
Francine DEMICHEL
directrice de LEnseignement supérieur
Renforcer la participation des étudiants
Jai été ravie dassister à vos travaux, qui ont permis de mettre en valeur limportance de lexpression des groupes étudiants au sein des universités. Du point de vue du gouvernement, cela doit être pris en compte par le biais des contrats : lÉtat doit prendre en compte financièrement lexpression et la participation des étudiants à la vie de lUniversité, que ce soit dans les domaines sportif, culturel, etc. Par ailleurs, le Ministre souhaite renforcer la participation des étudiants aux instances décisionnelles et délibératives des Universités, à tous les niveaux : conseils des bibliothèques universitaires, conseils centraux, UFR, CROUS, CNOUS, etc. Les étudiants auront donc la possibilité de sexprimer et pourront relayer les préoccupations des usagers des institutions concernées.
Des commissions adaptées
En outre, nous allons mettre en place des commissions de site avec les Universités, et ce dès la rentrée 1999. Elles seront amenées à discuter de tous les problèmes évoqués aujourdhui et de bien dautres questions relatives à la vie locale. Il pourra sagir aussi bien de problèmes durgence, comme laide alimentaire, ou des problèmes de logement, qui sont trop souvent abandonnés à des technocrates éloignés des réalités du terrain. Nous souhaitons que les Universités émettent des propositions en ce sens avant la rentrée 1999. Nous les mettrons en place de toute façon. Ces commissions regrouperont des étudiants, des représentants des CROUS, des Universités mais aussi des collectivités locales.
De surcroît, le Ministre entend mettre en place des commissions qui permettront doffrir un accompagnement à des étudiants qui ne remplissent pas les critères sociaux habituels et qui sont néanmoins dans une situation très critique, appelant des solutions urgentes. Un groupe de travail a été constitué à cet effet, qui rendra ses conclusions au Ministre avant la fin de lannée universitaire. Jai par ailleurs mis en place une commission de suivi du plan social étudiant qui rédige, à lintention du Ministre, un rapport après chaque réunion.
Nous avons également mis à létude la création de bourses par cycle, ce qui serait davantage compatible avec la semestrialisation et la réforme universitaire en général. Là encore, le Ministre a pris lengagement de mettre en place ces bourses pour la rentrée 1999.
U2000 et U3M
Un étudiant a dit tout à lheure quU2000 était un échec. Pourtant, il représente un investissement de 44 milliards de francs et la mise en place de 150 villes universitaires. Il est exact quil y a eu quelques difficultés en fin de période mais il est bien pour lessentiel, une grande réussite. Pour U3M, il ne sagit plus de répondre à un problème de capacité daccueil. Il nous faut avant tout terminer les universités nouvelles, notamment les locaux destinés à la recherche. En outre, le quart de lenveloppe globale, qui sera de plusieurs dizaines de milliards de francs, sera consacré à la vie étudiante : bibliothèques, logements étudiants, terrains de sports.
Je tiens à vous répéter que le Ministre fait du plan social étudiant une priorité. Je puis vous assurer que non seulement les engagements seront tenus, mais encore que les délais indiqués seront respectés. Le calendrier des mesures annoncées dans le cadre du Plan Social Étudiant sera intégralement respecté.
Bernard SAINT-GIRONS
Premier Vice Président de la Conférence des Présidents dUniversité
Cette rencontre de Lille sinscrit dans une démarche initiée dès 1994 par la Conférence des Présidents dUniversité avec le concours des organisations étudiantes. Avec ce colloque la CPU a souhaité faire nourrir le débat public et donner la parole aux étudiants pour étayer la réflexion autour de la citoyenneté étudiante, sa place dans lUniversité et la Cité qui laccueille, et lexpression quelle pourra trouver dans la mise en place de comités universitaires de site
Les échanges auxquels ce colloque a donné lieu permettent de mesurer à la fois la richesse des expériences engagées dans les universités, la qualité du soutien des collectivités territoriales là où il existe, mais aussi leur fragilité liée, notamment, au caractère volatil des publics étudiants ; il y a donc un réel intérêt à renforcer dans un cadre institutionnel approprié la concertation qui sous-tend ce type dactions pour les inscrire dans la durée.
Cest dans cet esprit que la Conférence avait proposé lors de la rencontre des élus étudiants organisée à Bordeaux le 8 mai dernier, la création de comités universitaires de site. Cette proposition ayant été retenue dans le plan social étudiant, il nous appartient désormais de réfléchir aux modalités de sa mise en ouvre. Le moment paraît opportun à cet égard dans la mesure où sont en débat, dune part, les conditions dapplication de ce plan social et, dautre part, le contenu du plan U3M singulièrement dans ses dimensions concernant la vie étudiante.
La structure des comités universitaires de site doit obéir à une logique douverture permettant de faire se rencontrer tous les acteurs impliqués dans laccueil des étudiants et lamélioration de leurs conditions générales de vie, gage de réussite dans leur parcours de formation et de bonne insertion dans la ville. Leffet de mitoyenneté doit ainsi jouer pleinement et faire du territoire universitaire non pas un champ replié sur lui-même mais un lieu douverture et daccueil ; il fait ainsi du local un acteur du social.
Le comité de site ne se substitue donc pas aux instances existantes au sein des universités ni ne prétend exercer des compétences qui leur sont dévolues par la loi. Il a vocation à rassembler des représentants de la communauté universitaire aux premiers rangs desquels des étudiants, des représentants de la ville ou de lagglomération concernée et tous les autres acteurs dont la présence ponctuelle ou permanente sera jugée souhaitable, pour traiter des thèmes dintérêt commun. Les représentants des milieux associatifs et de la culture figurent ainsi au nombre de ceux dont la présence peut paraître opportune, mais doit être laissée à lappréciation des intéressés en fonction des spécificités locales et des priorités retenues. Il ne faut pas chercher à définir un modèle unique applicable à tous, mais laisser à linitiative locale un espace de libre expérience ; tout au plus peut-on suggérer une liste de partenaires possibles sans prétendre pour autant à lexhaustivité.
Ainsi conçu, le comité universitaire de site doit permettre de donner du contenu et de la durée aux relations de la cité et de luniversité, nullement cantonnées aux constructions nouvelles ou à la rénovation de lexistant. Il marque le passage du quantitatif au qualitatif dans le prolongement de U2000.
Le même esprit douverture doit présider à la définition des missions dévolues aux comités de site. Cest à leur convention constitutive de les fixer dans chaque cas, de manière assez souple cependant pour permettre des évolutions sans générer de procédures lourdes dajustement. Deux observations cependant : dabord pour souligner que les compétences strictement académiques ne relèvent pas de ce cadre ; ensuite pour indiquer quont a priori vocation ày être traitées, les questions touchant à lhébergement, aux transports, à la culture, aux loisirs et, à leur propos, plus particulièrement laccès aux installations sportives dont on sait quelles constituent un enjeu majeur. On doit y ajouter aussi toute la dimension accueil des étudiants étrangers sauf peut-être là où existent des pôles européens dont ce serait la responsabilité affirmée. Au moment où la mobilité tend à devenir une caractéristique des parcours de formation, cette question appelle une attention toute particulière de la communauté universitaire elle-même, mais aussi de ses partenaires pour donner sens à la réflexion en cours sur lharmonisation européenne des formations.
Il convient aussi de se montrer attentif à circonscrire le comité dans un rôle de concertation. Il na pas en effet vocation à gérer directement des activités, mais bien à susciter les initiatives permettant de répondre à des attentes partagées. Il nest pas dans sa mission de faire, mais bien de faire faire en évitant que des initiatives voisines ne se superposent ou ne se télescopent. De ce point de vue, une complémentarité devra être recherchée entre les actions suggérées dans ce cadre et le volet vie de létudiant dans les contrats détablissement ; un effet de levier pourrait être ainsi obtenu soulignant que le social relève aussi de lÉtablissement et quil ny a pas de contradiction entre lautonomie des universités et leur volonté de sengager dans une politique allant au-delà de leurs responsabilités denseignement et de recherche. Dans cette perspective, les moyens de fonctionnement de ces comités devront dépendre étroitement de la nature et de limportance des missions que les différents partenaires souhaitent leur confier. Ils relèvent donc dune démarche essentiellement conventionnelle. On peut envisager aussi que les contrats des universités engagées dans un comité de site prévoient des moyens pour soutenir des actions initiées dans ce cadre et jugées plus particulièrement pertinentes ou stratégiques.
Au-delà du partage dexpérience qui nous a réuni aujourdhui, cette rencontre souligne limportance de la contribution étudiante à lévolution de lUniversité. Le principe dune telle rencontre me paraît devoir sinscrire dans la durée, pour que chaque année la Conférence puisse donner la parole aux étudiants dans un esprit déchange et de mutualisation. Il y aura désormais des Entretiens de la CPU consacrés à la vie des étudiants, animés et conduits dans la plus large concertation avec eux autour de thèmes choisis dun commun accord.
Identité(s) étudiantes : une construction volontaire
Chargé denseignement à luniversité de Versailles-Saint-Quentin, Robi Morder est président
du GERME (Groupe détudes et de recherches sur les mouvements étudiants).
L a massification des universités, et la transformation des publics étudiants, relevant en partie dune demande sociale déducation, sont aussi à lorigine dune demande institutionnelle de recherches sur les étudiants, leurs conditions de vie et détudes, leur insertion professionnelle. La production de livres et de rapports est importante, et la création en 1989 de lObservatoire de la vie étudiante légitime dautant plus ces préoccupations quelle les institutionnalise.
Il faut observer les étudiants, mais quest-ce quun étudiant ? Il nexiste pas de définition, ni de statut juridiques communs sappliquant à tous les individus menant des études post-baccalauréat 1. Le problème ne semble pas se poser pour tout inscrit dans un établissement public à caractère scientifique et culturel (encore que si les étudiants ont le droit au bénéfice du régime spécifique de sécurité sociale, il y a des étudiants de moins de 18 ans, et des vieux étudiants, sans compter les salariés qui ont décidé dentamer des études ou de les poursuivre si elles ont été interrompues). Mais quid des élèves de petites grandes écoles, notamment privées ? En dehors des facultés, existent également des établissements denseignement qui scolarisent des bacheliers (élèves infirmières, assistants de service social, etc...).
Dans la plupart des cas, les études insistent sur lhétérogénéité du monde étudiant en sappuyant, qui sur la diversité des origines sociales, qui sur le devenir professionnel. Dautres mettent plutôt laccent sur la vie étudiante, en pointant les différences de conditions détudes et de vie en fonction des disciplines étudiées, ou des structures administratives des différentes composantes de lenseignement supérieur. Quant aux changements intervenus dans le recrutement des étudiants, ils sont plus facilement appréhendés négativement car ils se réfèrent à une image quelque peu idéale de létudiant 2. Et il est vrai que le monde étudiant nest plus ce quil na jamais été 3, car ceux quon appelle (ou qui sauto-définissent) étudiants ne constituent pas plus aujourdhui quhier un ensemble homogène.
Le sentiment dappartenance à un seul groupe étudiant nest donc pas quelque chose de naturel puisquon pourrait le diviser daprès des critères objectifs en groupes distincts selon de multiples variables. Lexistence du groupe étudiant ne va pas de soi, et la notion didentité est, en sciences sociales, dautant plus problématique quelle devient envahissante 4.
Mais des critères de différenciation ou communs objectifs en eux-mêmes ne suffisent pas à ce que lindividu lambda se considère comme faisant partie dune collectivité donnée. Une étudiante en médecine dorigine ouvrière peut tout à fait privilégier lappartenance à sa classe dorigine en opposition a un fils de médecin, où à sa catégorie professionnelle future de médecin libéral. Elle peut tout autant se considérer tout simplement comme jeune, ou comme étudiante de la faculté X, ou comme femme. Pour quil y ait identification à une collectivité donnée, il faut que cette collectivité soit peu ou prou organisée, cest à dire que des individus ou des groupes se voulant représentants constituent ceux quils sont censés représenter en groupe social en tant que tel. Lidentité du groupe de mobilisation doit être définie de façon à procurer à chacun de ses membres une représentation positive de soi-même 5. Cette représentation-identification est lenjeu dune lutte de définition du groupe. La capacité dun groupe à se doter dune identité forte et valorisante fût-elle imaginée constitue une ressource de premier ordre pour que ses membres intériorisent une vision de leur potentialité daction 6 Il faut donc convaincre à la fois les individus qui sont censés constituer le groupe quils font partie dune communauté pertinente, et combattre dans le même temps pour quà lextérieur du groupe les autres (groupes, organisations, institutions officielles) reconnaissent lexistence dune collectivité, et donc la légitimité de ceux qui se proclament comme représentants de ladite collectivité. Le groupe ne peut accéder à une intelligibilité maîtrisable dans laction que sil se donne les moyens de sorganiser en vertu de lois internes qui régissent le fonctionnement du groupe 7. Bien évidemment, on ne peut totalement inventer les critères en justifiant lexistence, il faut partir déléments de la réalité. Ainsi, une élève décoles dinfirmiers peut-elle être amenée à choisir entre diverses propositions didentification : appartenir au groupe étudiant en général, puisquelle fait des études post-baccalauréat, et réclamer dès lors lapplication complète du statut étudiant puisquelle en possède déjà certains attributs (sécurité sociale étudiante, accès aux résidences universitaires
), ou bien saffirmer comme faisant partie du mouvement syndical de la profession avec les infirmiers salariés en exercice. On peut même avoir plusieurs appartenances syndicales possibles, comme les élèves maîtres des Écoles normales supérieures, fonctionnaires stagiaires (et donc syndicalisables dans les syndicats denseignants).
La plupart des travaux sociologiques ignore la part prise par les organisations (syndicats, partis ou associations) dans la construction dune (ou de plusieurs) identités étudiantes. La place centrale des identités collectives suggère de sarrêter sur le travail de manipulation symbolique et de persuasion réalisé par les organisations 8. Ce nest donc pas un constat photographique de données objectives qui est suffisant. Lidentité collective étudiante nest pas le pur produit dune situation individuelle objective (et ne dépend pas de lhomogénéité ou de lhétérogénéité de ces conditions et situations) mais le résultat dune construction volontaire. Le pouvoir sur le groupe quil sagit de porter à lexistence en tant que groupe est inséparablement un pouvoir de faire le groupe en lui imposant des principes de vision et de division communs, donc une vision unique de son unité et une vision identique de son unité 9. Les acteurs, par leur travail de mobilisation contribuent à un travail didentification et il convient de tenter de rendre compte de la forme prise par le groupe en interrogeant le travail de regroupement, dinclusion et dexclusion dont il est le produit, et en étudiant le travail social de définition et de délimitation qui a accompagné la formation du groupe et qui a contribué, en lobjectivant, à le faire être sur le mode du cela-va-de-soi 10
En effet, traiter de lidentité collective renvoie à la notion de représentation du groupe collectif auquel on sidentifie 11.
Aux sources du groupe social : lÉtat et lorganisation étudiante.12
Historiquement, cest dans la III° République de la fin du XIX° siècle que lidentité étudiante, au delà des différenciations déjà existantes, est construite par la volonté de lÉtat et des autorités académiques. La préoccupation des positivistes, des Durkheim, Lavisse et autres, est - un siècle après la Révolution française - de répondre à la nécessité de cadres secondaires entre lindividu et lÉtat 13 par la constitution de collectivités intermédiaires. Cest dans la même période quest encouragée par les autorités publiques lorganisation collective des salariés. Il ne sagit pas, avec la loi de 1884, uniquement de légaliser le syndicalisme ouvrier, de toutes façons existant, mais de légaliser la classe ouvrière. La constitution des AGE avec lappui apporté par les autorités universitaires va dans le même sens. Ces masses énormes de jeunes gens ne pouvant rester à létat inorganique, il faut que létudiant (...) ne se sente pas perdu dans la foule anonyme (...), de multiples groupes se sont créés pour cela. Il y a dabord lAG des étudiants de Paris qui a pour rôle de défendre les intérêts communs 14. Ces associations naissent en même temps que la nouvelle université. La suppression des corporations en 1789 avait supprimé luniversité médiévale. Certes, des facultés demeurent (droit, médecine) mais ensuite sont créées les grandes écoles, puis les changements font des lettres et sciences de véritables facultés en lieu et place de simples conférences plus ou moins mondaines15. La nouvelle université naît dans ce contexte, centralisée, ainsi quune figure nouvelle : létudiant 16 qui napparaît vraiment dans ces facultés quavec lannée scolaire 1877/1878 17. Cest dans ce contexte politique et institutionnel nouveau que les AGE privilégient une identité étudiante générale au détriment des particularités de discipline, dorigine, dopinions. En cela, elles se distinguent explicitement des corporations allemandes : ils navaient pas de maisons de létudiant les boches, ils formaient des corps par clans et par castes (...) chez nous (ce sont) de grandes associations (groupant) tous les étudiants dune même ville sans distinction de faculté ou décole, en une famille unie 18. Les AGE se situent aussi en rupture avec le localisme des modèles médiévaux de communautés de maîtres et élèves (qui imprègnent encore les italiens) puisque elles constituent des entités séparées du corps enseignant, et se fédéreront au début du siècle en une organisation nationale : lUNEF19. Cette nationalisation aura des effets puisquelle devra affirmer les étudiants comme un groupe national.20
Évidemment, les différences entre le mouvement ouvrier et ce qui deviendra le mouvement étudiant sont notables. Le salarié occupe une place économique visible dans la société (il vend sa force de travail à ceux qui lachètent, notamment à des personnes privées), et les organisations collectives des travailleurs, reconnues avec la loi de 1884, sont héritières dune histoire qui sinscrit dans les rapports sociaux et politiques. Le mouvement ouvrier saffirme dans une certaine mesure en opposition aux autres classes de la société, et proclame des valeurs différentes quant à la société future, ce qui nest pas le cas des AGE qui, au contraire, saffirment comme intégratrices. Et si la volonté de lÉtat de reconnaissance du mouvement ouvrier peut se heurter souvent à la volonté contraire de nombre de patrons peu enclins à reconnaître chez eux le syndicalisme, cet obstacle nexiste pas dans une Université ou le patron
cest lÉtat.
Toutefois, malgré ces différences, on ne peut quêtre frappé par la similitude des prétentions représentatives des syndicats ouvriers et des associations étudiantes qui sopposent au système de représentation politique traditionnel. En effet, ce nest pas du suffrage universel que syndicats et associations tirent leur légitimité mais de leur existence même. Le syndicalisme (...) est resté globalement attaché à une conception essentialiste de sa représentativité 21. Syndicats comme associations représentent, par ce quils sont, les travailleurs ou les étudiants et sopposent à ce que les représentants de ces groupes sociaux soient élus au suffrage. Ainsi, la CGT du début du siècle, comme lUNEF à la Libération, sopposeront aux projets visant à lélection de délégués qui mineraient leur monopole de représentation22. Les représentants seront désignés par les syndicats, ou les associations et parleront au nom de tout le groupe. Au sein même de ces organisations, à leur création, le critère qualitatif lemporte sur le critère quantitatif. Dans la CGT, quelque soit son nombre dadhérents, un syndicat a une voix. Dans lUNEF chaque AGE, quelque soit son nombre dadhérents, a également une voix tant au Conseil dadministration quà lassemblée générale.
Les moyens de lunification et la définition des frontières du groupe.
Envisager le groupe étudiant comme étant le groupe de référence identitaire au delà des particularismes implique de convaincre aussi bien les étudiants que les pouvoirs publics ou lopinion que le groupe existe. Il convient donc de mettre en uvre des stratégies et des tactiques. Ce travail est, partiellement au moins, le produit dun travail social dunification comparable, sous beaucoup de rapports, au travail politique de mobilisation (...) lhomogénéité nest pas la condition nécessaire et suffisante de la cohésion. 23
Il sagira par exemple de déterminer des revendications communes, ce qui permettra de souder les éléments disparates du groupe lui-même, et dimposer aux interlocuteurs un terrain défini de discussion, de négociations. Ceci ne va pas de soi. Par exemple, la revendication dun régime de sécurité sociale étudiante au sein du régime général est un objectif quil faudra imposer dans et hors lUNEF.
Car si dans lUNEF, tous sont daccord pour améliorer la protection sociale des étudiants, la solution unifiante est contestée par ceux qui - en partie pour des raisons politiques et sociologiques - privilégient lidentité professionnelle future (donc forcément diversifiée) au détriment de lidentité actuelle commune détudiant. Certains proposent dintégrer les différents régimes des professions libérales ou indépendantes. Au congrès de 1948, un délégué des Beaux-Arts explique que lintégration du régime étudiant au régime général de sécurité sociale signifie abandonner la direction des intérêts des étudiants aux masses ouvrières (...) nous refusons la fonctionnarisation des étudiants, lassujettissement aux pouvoirs publics, aux syndicats ouvriers ou autres, à ladministration (...) vous êtes tous destinés à avoir des carrières libérales
je vous demande de bien réfléchir 24. Raisons politiques certes, mais la sociologie étudiante de laprès-guerre ne permet pas une telle diversification des régimes, dans la mesure où lavenir professionnel des littéraires ou scientifiques nest pas aussi prévisible que celui des juristes ou des médecins, pharmaciens, dentistes.
La revendication de salaire étudiant ou dallocation détudes soulève le même débat, puisque les mêmes dans lUNEF évoquent ce danger de fonctionnarisation.25 Mais par une revendication identique, lorganisation tente de donner une identité commune à tout le groupe (alors que se contenter dune simple demande de revalorisation des bourses cest substituer à une conception unifiante une variable déterminante par laquelle létudiant pauvre, puis létudiant fils ou fille douvrier se distingue, vision qui peut se conjuguer avec celle de létudiant méritant (par opposition à létudiant brillant) véhiculée à lextérieur du monde étudiant par dautres institutions : État, partis, médias et professeurs).
En retour, la revendication unifiante, pose la question des bénéficiaires des mesures escomptées ou obtenues. Qui a droit à la sécurité sociale étudiante, qui aurait droit au salaire étudiant, sinon létudiant ? Qui a droit daccéder aux restaurant ou au logement universitaire ? Qui a le droit de se présenter aux examens en vue de lobtention dun diplôme universitaire ? Mais qui est étudiant ? Cela ne pose pas de problèmes pour ceux dont le statut juridique est celui détudiant, cest à dire dabord des bacheliers inscrits dans les facultés dÉtat. Les statuts de lAG de Lyon à sa fondation précisent que peuvent être membres actifs tous les étudiants des facultés de lÉtat de Lyon 26. Au VIII° Congrès de lUNEF en 1919, une commission porte sur l unification des statuts des associations et examine la question : à qui doit sappliquer le mot étudiant ? Le rapporteur propose quil soit appliqué aux étudiants inscrits dans les Facultés ou Écoles de Faculté ainsi quaux élèves des autres écoles dont le programme dentrée correspond au niveau intellectuel du baccalauréat 27. Et le vu est émis que toutes les associations préparent pour le prochain congrès des statuts uniques, en se basant sur la définition du mot Étudiant faite Ainsi, différentes catégories peuvent être amenées à revendiquer lapplication du bénéfice des mesures prises pour les étudiants. Les capacitaires en droit, non bacheliers, peuvent-ils être considérés comme étudiants ? Et les élèves de lenseignement supérieur privé peuvent-ils lêtre également alors que les diplômes ne sont pas reconnus comme diplômes dÉtat ? Mais alors, que dire des étudiants des universités publiques qui préparent des diplômes duniversité ? Les élèves infirmières comme ceux des écoles de travailleurs des services sociaux préparent des diplômes dÉtat en trois ans, mais ce ne sont pas des licences. Pourtant, au fil des années, tous ces étudiants/non-étudiants bénéficient dune partie du statut détudiant (sécurité sociale, uvres universitaires).
Le syndicalisme (quelque soit lintitulé que les organisations adoptent pour se définir) en tant quassociation à volonté représentative se trouve donc amené à définir les frontières du groupe quil entend représenter (et donc qui a vocation de pouvoir adhérer) et à tenter dimposer ces frontières à ses interlocuteurs pour que lÉtat adopte juridiquement une frontière identique, et par là même confère aux organisations étudiantes la légitimité de représenter tous ces étudiants. Quand un acteur joue un rôle, il demande implicitement à ses partenaires de prendre au sérieux limpression quil produit 28. Une telle extension de la définition détudiant ne va pas non plus de soi quand des organisations veulent conserver au statut un certain prestige. En 1932 un projet gouvernementale accorde aux capacitaires (non bacheliers) la possibilité de préparer la licence en droit au même titre que les autres étudiants inscrits en droit. Une grève est lancée par lOffice du droit pour protester (cette grève est désavouée par lUNEF dont lOffice est pourtant membre). En sopposant à ce projet, lOffice, et les étudiants en droit qui font grève, manifestent le souci déviter un déclassement symbolique. Il en va de même dans lUnion des grandes écoles créé en 1947. Une commission examinait les demandes dadhésion dassociations des petites grandes écoles. Une réponse favorable donnait aux élèves de ces écoles symboliquement le même prestige que les autres grandes écoles (et certaines associations dailleurs pensaient quen obtenant leur adhésion à lUGE, elles obtenaient le statut de véritable grande école). Certains craignent quen acceptant toutes les Écoles à lUGE, celle-ci risque de perdre son prestige et sa cohérence face aux pouvoirs publics 29. Ainsi, le prestige social de létudiant (variable selon les époques et les points de vue) peut amener à certains moments des groupes classés au bas de la hiérarchie de lenseignement post-baccalauréat à revendiquer leur appartenance au groupe, alors quinversement au sommet de la hiérarchie (notamment dans certaines filières sélectives) la protection du prestige amène à se distinguer de létudiant de masse et à promouvoir une identité spécifique.
Mais leffet de nombre renforçant la puissance, lorganisation devra étendre sa définition des frontières du groupe pour étendre du même coup son champ de recrutement, son nombre dadhérents potentiel, et le poids du groupe représenté. Unir toutes les grandes écoles dans lUGE lui donne ainsi une plus grande force, non seulement vis à vis des pouvoirs publics mais aussi face à, et dans, lUNEF à laquelle elle adhère en 1957. LUGE est fondée pour mettre fin à la concurrence existant entre les écoles ; (...) chaque École représente un petit nombre détudiants, chacune ne représenterait quun poids infime dans lUNEF. La création de lUGE a donc sa raison dêtre pour permettre aux Grandes Écoles de constituer un groupe uni au sein du mouvement étudiant. 30
La vie intérieure des AGE et de lUNEF, comme leurs réalisations (restaurants, logements, sécurité sociale, maisons de létudiant, polycopiés) et leurs manifestations internes/externes (bals, faluches, monômes) permettait, comme cest toujours le cas à une moindre échelle dans la diversité des associations actuelles, une certaine sociabilité. Il sagit là aussi de constructions volontaires visant à manifester entre soi et vis-à-vis des autres - lexistence dune communauté, avec ses rites, ses symboles. Cette construction peut-être interne (on va rappeler que la faluche était adoptée par tous les étudiants comme symbole identitaire, mais cet usage généralisé na jamais été quun mythe, ce qui nempêche pas nombre dassociations, hier comme aujourdhui, de la prendre comme référence). La construction peut être aussi externe (létudiant est vu par la presse et les dictionnaires, selon les époques et les lieux, comme un feignant, comme un bourgeois insouciant, puis comme un gauchiste, comme un intellectuel).
Si le travail de construction sociale de létudiant est luvre dorganisations, encore faut-il quun modèle détudiant lemporte parmi les différentes catégories pour que chacun puisse sidentifier, se considérer comme représenté par ce modèle. Une communauté est donc fréquemment une alliance (plutôt quune fusion) entre différents groupes (...) ou une coalition dindividus autour dun groupe dominant. Dans les deux cas, le groupe dominant pourra exercer une hégémonie. Il fournira lessentiel de la régulation, il fera adopter par lensemble les normes et les styles qui le caractérisent 31 Cest dabord le modèle juriste ou carabin qui simpose, remplacé par le modèle sorbonnard 32. Dans la première moitié du siècle, ce sont les étudiants en médecine et droit qui sont les plus nombreux et cest parmi eux que se recrutent les dirigeants de lUNEF et des AGE. La croissance massive des effectifs en sciences et en lettres avec des débouchés professionnels à la fois plus aléatoires, plus orientés vers le secteur public, donne une base de masse à ceux qui prônent des orientations syndicales et politiques différentes rompant avec les traditions antérieures. Ces nouvelles orientations sont dautant plus susceptibles dêtre présentables à lopinion que ce sont dabord par ces filières que sopère la massification des universités. Ce sont elles que les couches jusque là exclues des études supérieures admettent comme à la portée de leur progéniture. Nul hasard si la revendication anti-sélectionniste en général obtient un assentiment populaire, alors que les luttes contre la sélection des étudiants en médecine nont eu que peu décho, les couches inférieures de la hiérarchie sociale ne considérant pas que ces filières soient à leur portée.
Vers de nouvelles représentations ?
Aujourdhui, il semble que le modèle qui simpose soit celui de létudiant de masse, létudiant de banlieue, image renforcée par la place prise par des facultés comme Villetaneuse, en Seine-St-Denis, dans les grèves de ces quinze dernières années. Mais sans doute aucun la faiblesse - et la division des organisations représentatives - rend plus difficile lémergence dun modèle de référence commun. Après léclatement de lUNEF dans la décennie 1960-1970, qui va avoir la légitimité pour parler au nom des étudiants, pour produire un modèle de référence à létudiant de masse ? 33 Si en 1945 la volonté des dirigeants étudiants dinsérer létudiant dans la nation passait par le double mouvement dorganisation distincte dapprentis-intellectuels (uvres et services pour les étudiants, organisation indépendante) et de participation de ces travailleurs intellectuels à la vie (économique, sociale, politique) du pays par la participation de lorganisation étudiante à des organismes étatiques ou de cogestion, aujourdhui on parle dinsertion dans la cité. Des vieux quartiers étudiants et campus des années soixante on passe à létudiant dans la cité, par des logements étudiants dans les HLM, par louverture des universités ou services étudiants aux jeunes. Cette massification, qui participe de lintégration poussée du travail intellectuel dans le travail réduit le caractère distinctif de létudiant considéré comme intellectuel alors que le caractère réduit et élitiste des effectifs de lenseignement supérieur (...) facilite lidentification de létudiant des années cinquante à un intellectuel 34 Toutefois, si cette auto-perception demeure dans les 3° cycles, certaines filières littéraires, ou dans les IEP, les Écoles normales supérieures ce nest plus la totalité de la vie de létudiant qui est, réellement ou imaginairement, engagée dans une aventure intellectuelle, aujourdhui (...il) fait simplement des études comme dautres font un apprentissage, et cela ne concerne que la partie professionnelle de son existence 35. Dès 1960, J. Freyssinet prévoit, après avoir rappelé que si laction du mouvement étudiant (facteur interne), et lisolement (facteur externe) ont renforcé lunification, une réelle démocratisation de lenseignement supérieur transformerait peut-être ces tendances en introduisant dans luniversité des jeunes ayant des comportements et des styles de vie différents 36. Aujourdhui, un jeune sur deux passe dans lenseignement supérieur, dans chaque grande ville il y a un établissement universitaire, dans chaque famille il y a un chômeur et un étudiant. Cela change les rapports entre la société et les étudiants. Si une identité étudiante se manifeste notamment lors de mobilisations, comme si les étudiants de ces universités de masse ne devenaient étudiants quà loccasion de ces luttes 37, cette auto-définition comme étudiant semble demeurer la première en période routinière38 Le passage dune organisation unique représentative en elle-même à plusieurs organisations cherchant leur légitimité auprès des étudiants-électeurs, comme la concurrence en matière de services entre organismes mutualistes ou associatifs, État et administrations, sociétés commerciales (voir photocopies et polycopiés, assurances, voyages
) nest pas pour rien dans cette difficulté de définition, didentité commune que pour linstant les rapports de forces (ou de faiblesse) ne permettent pas. Si le travail de mobilisation, dorganisation est à lorigine de lémergence de modèles communs, encore faut-il quil y ait des agents pour mettre en uvre un tel travail. Ainsi, les porte-parole qui sexpriment au nom du groupe, qui disent la volonté de la personne collective, la personnifient et lui donnent une voix, au moins implicitement, comme si tous les porteurs dun nom collectif quils estiment représenter étaient équivalents 39.
1)
Voir A. Lecomte Le statut de létudiant DEA droit social Nantes 1997
2) D. Lapeyronnie Campus Blues p. 10 Le Seuil 1992
3)
Robi Morder Mondes et mouvements étudiants, lenjeu des définitions Politique la Revue N° 3, 1997
4)
Neveu Sociologie des mouvements sociaux p 81, La Découverte 1996
5)
Patrice Mann, lAction collective Armand Colin, 1991
6)
Erik Neveu sociologie des mouvements sociaux p 82, La Découverte 1996
7)
M. Chebel La formation de lidentité politique p 168 PUF 1986
8) Filleule sociologie de la protestation p 42 Harmattan 1993
9)
P. Bourdieu Ce que parler veut dire Fayard 1982
10)
Luc Boltanski Les Cadres p 51 Minuit 1982
11)
Le mot même de représentation peut avoir un double sens, puisque il peut saccrocher au sens de mandat (et lon sintéresse aux représentants du groupe), comme il peut renvoyer à lidée dexpression du groupe (dans le sens où il se présente aux autres en tant que groupe doté dune identité collective).
12)
Pour la naissance de lUNEF, voir notamment A. Monchablon Histoire de lUNEF PUF 1982 et la naissance des AGE et de lUNEF Cahiers du Germe spécial N° 3 - 1998.
13)
E. Durkheim Leçons de sociologie p 16, PUF 1950.
14)
E. Durkheim Histoire de lUniversité de Paris in La vie universitaire à Paris p 28, Armand Colin 1918.
15)
V. Karady Histoire des Universités en France p 301, Privat 1986
16)
A. Prost Histoire de lenseignement en France p 203, Armand Colin 1967
17)
E. Durkheim Histoire de lUniversité de Paris in La vie universitaire à Paris p 28, Armand Colin 1918.
18)
Rapport dA. Kahn, VIII° congrès de lUNEF Strasbourg 1919.
19)
Sur les organisations et relations internationales étudiantes, voir Les cahiers du Germe spécial N° 2 - novembre 1997.
20)
Sur la nationalisation de lUNEF, voir S. Merceron, LUNEF des années trente maîtrise dhistoire UVSQ 1996 et les articles de D. Fischer et R. Morder, Cahiers du Germe spécial N° 3 1998.
21)
P. Rosanvallon Le peuple introuvable p 235, Gallimard 1998
22)
Voir R. Morder lUNEF et les élections Revue de lUniversité n° 13, 1998.
23)
Luc Boltanski Les cadres p 53
24)
Procès-verbal du congrès dArcachon, 1948 BDIC 4° delta 1151 1947-1953.
25)
les sources du syndicalisme étudiant p 126
26)
Art 3 des Statuts de lAGEL, 1888, reproduits en annexe du mémoire de Nathalie Luyckx
27)
Fêtes universitaires, p 118, Archives AFGES
28)
E. Goffmann La mise en scène de la vie quotidienne p 25 Minuit
29)
J-Q. Poindron lUnion des Grandes Écoles Cahiers du Germe spécial N° 3 - 1998.
30)
J-Q. Poindron lUnion des Grandes Écoles Cahiers du Germe spécial N° 3 - 1998
31)
J-D Reynaud Les règles du jeu p 82, Armand Colin 1989.
32)
Tout comme le modèle typographe ou mineur est remplacé par le cheminot, puis le métallo pour le monde ouvrier. La lecture des dictionnaires révèle bien cette évolution, puisquon illustre létudiant - selon les époques - par létudiant en médecine, ou létudiant en droit, puis étudiant en Sorbonne
.
33)
R. Morder Dun seul syndical représentant la classe étudiante à la pluralité des représentations Colloque RESSY - UNEF - UNEF ID avril 1996, actes à paraître aux Éditions Syllepse.
34)
J-Y. Sabot le syndicalisme étudiant et la guerre dAlgérie p 121, lHarmattan 1994.
35)
Françoise Gaillard létudiant en mal de définition Politiques N° 4, 1992.
36)
ou vont les étudiants Cahiers de la République juillet août 1960.
37)
F. Dubet Agora N° 5 - 3° trimestre 1995
38)
Voir résultats des enquêtes et questionnaires commentés dans Le monde des étudiants (O. Galland dir.) PUF 1995.
39)
L. Boltanski Les Cadres p 257, Minuit 1982.
Lart dêtre étudiant
Alain Coulon est professeur de sciences de léducation à lUniversité de Paris VIII à Saint-Denis. Ethnométhodologue, il a publié un livre sur lentrée dans la vie universitaire, où il étudie les modalités daffiliation du nouvel étudiant, à travers la notion de métier détudiant.
Pouvez-vous me décrire ce que vous entendez par « métier détudiant » ?
Cest une expression métaphorique. Il ne sagit pas dun métier au sens où on lentend habituellement parce quun métier se définit par une activité professionnelle. De plus, il sagit dun métier provisoire car être étudiant, cest un statut social provisoire. Ce que je veux indiquer cest lidée que ce nest pas quelque chose de naturel. On est pas évidemment étudiant. Il ne suffit pas de sinscrire dans un établissement denseignement supérieur, cest encore plus vrai de luniversité, pour être étudiant. Être étudiant exige un certain nombre dapprentissages, de savoir faire, de connaissances. Cest cet ensemble que jai appelé métier. De même que dans la vie courante, on peut dire dun plombier, dun chauffeur dautobus, quil a du métier. Un étudiant, après un certain temps, « a du métier ». Il sait mobiliser au bon moment des connaissances, des savoir-faire, etc. Ce nest pas spontané, naturel. Cela doit faire lobjet dun apprentissage institutionnel et intellectuel. Cest ce que jai appelé les processus daffiliation.
Pouvez-vous les expliquer ?
Il est tout à fait spectaculaire de constater le nombre déchecs et dabandons, les taux continuant à être stables quelles que soient les réformes entreprises. Ainsi, on peut estimer quentre 30 et 40 % des étudiants échouent, abandonnent, ce qui est important numériquement. Symboliquement cest différent. Ce nest pas complètement nul de passer une année voire deux non sanctionnées par un diplôme dans une université. Cela a un effet probablement positif. Lidée daffiliation, cest quun étudiant ne peut réussir que sil entre dans ce processus dapprentissage du quotidien qui est de deux ordres. Dune part institutionnel, il faut apprendre les institutions universitaires, à jouer avec, à se familiariser avec. Cela concerne la cuisine des diplômes, des U.V., des cours, le déplacement dans lespace, etc. Il y a beaucoup de ruptures qui sont décrites par les étudiants de première année. Ils considèrent luniversité comme étant immense, même sil sagit dune université minuscule. Dautre part intellectuel, processus qui nest jamais achevé. Il consiste à pouvoir dabord identifier, ensuite comprendre et enfin incorporer des routines et allants-de-soi qui constituent les pratiques de lenseignement supérieur et de luniversité en particulier.
Pensez-vous que luniversité favorise vraiment cette affiliation institutionnelle ?
En étant optimiste, je dirais quon est à un tournant. Sinon, en tant que Directeur dUFR, je constate que les étudiants sont quand même mal traités. En ce moment, début juillet. je suis sans arrêt saisi de demandes de dérogation. Si on ne les aide pas, il seront laminés et ne pourront même pas sinscrire. Alors jécris à mes collègues pour aider les étudiants. Ce nest pas normal que cela se passe comme ça. Cela devrait être un processus institutionnel clair, transparent, qui compenserait le manque dinformations. Contre cette bureaucratie là, il y a quand même des mesures qui sont prises dans les universités. Le tutorat par exemple, constitue une mesure institutionnelle efficace. Il faut bien sûr encadrer les tuteurs et faire attention à traiter cette chose comme un dispositif pré-pédagogique ou bien daccompagnement pédagogique. Cette petite pédagogie institutionnelle par les aînés me paraît tout à fait indispensable et il est préférable que ce soit fait par des étudiants plutôt que par des enseignants. Je suis donc assez optimiste, mais il faut travailler sur la structure et éviter les dangers permanents de la bureaucratisation.
Dans votre ouvrage, vous dites quêtre étudiant, au-delà des cours et de lactivité intellectuelle proprement dits, implique de nouer des contacts, détablir des dialogues, de mener des activités avec les autres étudiants (...) . Quentendez-vous par mener des activités avec dautres étudiants ?
Ce sont les activités para-universitaires : les activités culturelles, associatives, militantes. Je ne veux pas dire par là que chaque étudiant doit devenir militant dune organisation quelconque. Être étudiant, je crois que ce nest pas seulement aller en cours et faire du travail intellectuel. Je pense que cest également un temps de la vie où on a envie, besoin davoir des activités à côté, dans la fac, mais qui ne soient pas directement « intellectuelles ». Il y a beaucoup dactivités para-universitaires qui contribuent à laffiliation institutionnelle. On se sent dun « même monde ». Il faut quand même avoir à lesprit que le plus grand danger que courent les étudiants à luniversité, cest lanonymat. Il existe une vraie différence avec le secondaire où les élèves sont pris en charge par les enseignants, alors quà luniversité, cela ressemble davantage à une fausse liberté. Cest le temps de lanonymat où personne ne vous connaît. Vous êtes souvent seul. Il est donc important de multiplier les contacts, dêtre pris dans des réseaux. Cest le sens initial du concept de transversalité chez Félix Guattari : lidée que le sujet, premièrement, est pris dans un réseau dappartenances, de références, qui fait quil nest pas seul, deuxièmement, quil est toujours en position de sexprimer, et troisièmement, que personne nest en mesure de prétendre totaliser linformation.
Vous parlez également du fait quil est important que les étudiants restent après les cours, quils ne soient pas simplement de passage à luniversité. Est ce lié à ces activités ?
Complètement. Sil peut, à 18 heures, aller de temps en temps au ciné-club ou faire autre chose, avoir une activité non obligatoire. Il est positif que luniversité ou les maisons de létudiant proposent et gèrent diverses activités. Néanmoins, luniversité ne doit pas pour autant se transformer en Maison de la culture. Ce nest pas sa vocation.
Certains étudiants témoignent cependant dune réaction négative de leurs enseignants quant à leurs activités associatives ou militantes par exemple, considérant quelles nuisent à leurs études. Quen pensez-vous ?
Je pense le contraire. Encore une fois, il ne sagit pas de remplacer les activités universitaires par des activités para-universitaires. Il faut cependant savoir si lon veut que les universités soient des lieux de vie ou si lon veut que ce soient des usines à savoir, où lon vient aspirer dans le tube de la sociologie, du droit, et une fois quon a bien aspiré, on sen va chez soi réviser ses leçons. Si cest ce que lon veut alors luniversité va devenir de plus en plus sinistre, ce qui est déjà le cas dans certains endroits. Il faut conserver la mission première de luniversité qui est la transmission des connaissances, la recherche, tout en sattachant à en faire des lieux de vie, des lieux où lon aime être en développant ces activités.
Dautres étudiants se laissent également piéger par leurs activités associatives et militantes jusquà en oublier leurs études, et le justifient en disant quils ne sont pas bien à luniversité, quils ne sont pas satisfaits par leurs études, que cela soit lié à un problème dorientation ou pédagogique. Pensez-vous que cela soit symptomatique de la difficulté de devenir étudiant ?
Je nai pas connu ce type détudiant. Je pense plutôt que les militants associatifs et syndicaux le sont avant dentrer à luniversité, même sils ne savent pas encore. Concernant le rapport aux études, je pense que cela dépend des disciplines. Je ne suis pas sûr que les activités para-universitaires soient dun grand secours dans les études, si ce nest la fonction sociétale quelles remplissent.
Comment ces activités peuvent-elles être intégrées par luniversité dans son fonctionnement ?
Jai parlé tout à lheure des Maisons de létudiant. Il peut y avoir dautres structures. A Paris 8, on a créé lAction Culturelle Artistique qui propose des activités intéressantes. Je pense quil faut aussi favoriser la domiciliation dassociations mais cest parfois délicat idéologiquement et financièrement. Et puis favoriser le plus possible tout ce que les étudiants peuvent faire, leurs projets. Souvent, il ne faut pas grand chose : une salle, du matériel
Considérez-vous globalement que ces activités associatives, syndicales, culturelles, sont constitutives du métier de létudiant, quelles devraient lêtre, ou quelles sont un plus extérieur à cette définition ?
On ne peut pas dire quelles soient constitutives du métier de létudiant. Ce qui constitue le métier de létudiant, ce sont les opérations intellectuelles. Il faut faire attention au danger de remplacer la vocation première de luniversité, la transmission des connaissances, par des activités qui feraient croire que luniversité cest ça. Jai décrit quelles sont une condition possible pour aider à laffiliation, de manière à ce quon ne transforme par les étudiants en des consommateurs, ce quil sont déjà beaucoup trop. Ce sont des accompagnants qui favorisent laffiliation institutionnelle. Par contre, laffiliation intellectuelle, cest autre chose. Il faut entrer dans le monde des idées, réussir à prendre conscience que lon est là pour ça même si on est dans une filière professionnelle. Je dis souvent aux étudiants quils nont que trois choses à faire : lire, écrire et penser. Mais la vie détudiant, ce nest pas la vie tout court. Il y a bien évidemment plein de choses à faire à côté, simultanément. Linstrument le plus efficace, le plus utile pour favoriser laffiliation intellectuelle, est de développer des enseignements de méthodologie du travail intellectuel et de recherche documentaire. Cela permet aux étudiants de comprendre comment se classent les idées, sordonnent les disciplines.
Pensez-vous que lon puisse déduire de lexercice de métier détudiant lexistence dun groupe social étudiant ?
Jhésiterais à dire que cest un groupe social. Lévolution démographique, puisque aujourdhui, il y a une personne sur deux dune même classe dâge qui est étudiante, peut faire croire que cest un groupe social. Je pense cependant quon est loin du compte. Il y a peut être des critères de consommation, des activités culturelles, des activités économiques communes. En ce sens, cela tend à le devenir. En fait, tout dépend de la visée politique quon a. Sil existe un groupe social étudiant, doit-on lui réserver un traitement particulier ? Citons par exemple les chômeurs. Constituent-ils un groupe social ? Le tout est de savoir sil y a plus de caractéristiques qui les éloignent ou qui les unissent.
Propos recueillis par Valérie Becquet
Coulon Alain
Le métier détudiant lentrée dans la vie universitaire
Coll. Politique daujourdhui PUF,
De nouvelles identités culturelles
A la demande du Pôle Européen Universitaire et Scientifique de Grenoble et dUn Tramway Nommé Culture (service culturel des universités grenobloises) au cours de lannée 1997, lenquête réalisée par Sabine Lacerenza et Gil Arban avait pour objectif général de révéler les pratiques et les représentations de la culture des étudiants.
Ayant pris connaissance dans un premier temps de lensemble des enquêtes et évaluations concernant la politique de programmation culturelle du Tramway Nommé Culture et les pratiques culturelles des étudiants à Grenoble, nous avons convenu avec le Pôle Européen dune enquête qualitative visant à parfaire et à prolonger les études antérieures sous une perspective différente de celles jusquici adoptées.
Il sagissait donc danalyser les pratiques culturelles des étudiants autant que les représentations de la culture qui pouvaient les définir ou les structurer. Lidée était en effet de considérer la pratique culturelle en lien avec la représentation que se fait létudiant de la culture. On laura compris, un des principes fondamentaux de lenquête était non seulement de cerner le rapport de létudiant à la culture légitime mais aussi de laisser se définir singulièrement, au cours des entretiens, ce que létudiant considère comme appartenant au domaine culturel.
Liée à la problématique proposée, une méthode qualitative devait être mise en place. La nécessité de réaliser une cinquantaine dentretiens biographiques afin de puiser des histoires de vie étudiante apparaissait dautant plus flagrante que lon risquait, si lon sy refusait, de passer outre bon nombre de représentations fondamentales (spatiales, culturelles) liées au vécu (et au statut) même de létudiant et de ninterroger que superficiellement les représentations de la culture en dehors de leur contexte. Il nétait pas plus grossière erreur selon nous que de négliger lexpérience étudiante dans sa quotidienneté ; au contraire cest bien dans ce cadre quil fallait saisir intégralement les représentations de la culture.
La trame unique qui a dirigé le choix de la population interrogée relève de notre simple volonté daccéder à la construction dun panel représentatif de lensemble des étudiants grenoblois, non pas dans leurs fonctions ou statuts précis ni dans leurs caractéristiques formelles (que sont lâge, la filière, le cycle, etc.) étant entendu que ces variables ne manifestent leur efficience optimale quà un niveau statistique élevé. Il sagissait plus exactement de se concentrer sur les profils des étudiants, leurs divergences représentationnelles, leurs pratiques et leurs expériences. Lobjectif clairement affiché étant de mettre en exergue les comportements emblématiques et les logiques qui définissent les différents rapports à la culture.
Sans reprendre précisément lensemble des points fournis par lenquête nous nous contenterons dexposer les différents rapports quentretiennent les étudiants à la culture sous forme de classification. Mais une simple description photographique ne dirait rien de convaincant sur la réalité des relations à la culture ni sur la complexité des raisons qui motivent ces pratiques et ces représentations de la culture. Aussi devrons-nous en passer par une brève mise en situation.
1. Les conditions de compréhension des identités culturelles étudiantes
La substitution de la conception dune culture étudiante par lacceptation de léclatement des pratiques culturelles des étudiants a déjà été révélée à plusieurs reprises (Lapeyronnie et Marie, 1992, Châtel et Soulet, 1993). Il est de lordre de lévidence que la population étudiante ne répond plus à des critères de définition globaux et homogènes quant à ses pratiques culturelles.
Dès lors nous ne pouvons quacquiescer au modèle de lunivers étudiant défini par V. Châtel et M.H. Soulet non pas comme une solidarité organique ou mécanique mais comme un modèle pluri-normatif de cosmopolitisme moral et socio-culturel, entendu dans le sens dune présence simultanée au sein de lunivers estudiantin despaces sociaux et culturels hétéroclites, générateurs de pratiques disparates et supportés par des valeurs pour partie divergentes, au sein desquelles les individus se meuvent successivement ou même simultanément 1.
Mais le questionnement qui sous-tend notre problématique réside moins dans la constatation de cet éclatement ou dans lanalyse des déterminations sociales2 qui prédéfinissent les pratiques culturelles que dans une réflexion sur les représentations, les valeurs qui sont au fondement des pratiques et de leur diversité. Car si la pluralité des pratiques culturelles étudiantes nest plus à démontrer, il sagit pour nous de rechercher les divergences de représentations de la culture pour saisir en aval la diversité de ces pratiques.
Mais avant même de pouvoir dire quoi que ce soit sur les représentations des étudiants en ce qui concerne la culture, il faut saisir à quel point la représentation de la notion détudiant, parmi la population étudiante elle-même, organise les comportements face à la culture.
1.1. Les représentations du statut étudiant chez les étudiants eux-mêmes
La diversité des pratiques culturelles des étudiants dissimule mal léclatement des valeurs et les fonctions symboliques attachées au statut étudiant. Aussi nous faut-il concevoir dans quelle mesure la représentation de la figure de létudiant est, elle aussi, diffractée.
Il ny a plus, en effet, une représentation unique et unifiante de létudiant, et cest là peut-être la différence majeure avec les étudiants décrits dans les années soixante par P. Bourdieu et J.-C. Passeron. Car si les capacités à la réussite variaient selon les effets dhéritage, lidéal des étudiants des années soixante se fondait sur la concrétisation ou le désir daccession à un statut intellectuel3. Ce qui ne semble plus être le cas aujourdhui. Les représentations du statut détudiant et de ses fonctions sont caractérisées, bien plus que dans le passé, par une composition protéiforme. Il nous semble important de les reconsidérer.
1.2. La bipolarité du rapport aux études
Laxe danalyse privilégié ici sera le rapport aux études et se construira autour des deux pôles : laventure intellectuelle et linstrumentalisation.
La représentation de létudiant vivant son passage à luniversité comme une aventure intellectuelle persiste autour de la notion de déréalisation de lavenir ; détaché des projets professionnels, identifié à une vocation intellectuelle vécue comme une aventure de la personnalité. Évidemment la culture est ici un élément prégnant voire constitutif du comportement de ce type détudiant.
Dans le second cas, au contraire, on pourrait définir la notion dinstrumentalisation par un refus de la sacralisation et de la magie existentielles de létudiant. On regroupera sous cette acception les étudiants qui ne vivent pas leur vie étudiante avec toute laura qui peut la définir mais qui envisagent le statut détudiant dans ce quil a de plus purement scolaire. Seule la réalisation professionnelle prime et, en conséquence, le passage à luniversité est uniquement conçu comme une étape utile à lentrée dans la vie active. Luniversité nest pas envisagée comme un lieu de bouillonnement intellectuel mais davantage comme un moyen de réussite professionnelle. Pour reprendre la terminologie de F. Dubet, dans ce cas précis, il sagit essentiellement dun projet mais qui exclut lexistence dune vocation structurée et dune forte intégration à lunivers étudiant4. Les pratiques culturelles sont peu privilégiées par ce type détudiant qui nintègre pas ou peu les pratiques culturelles extra-universitaires dans la construction symbolique de sa personnalité lors de son passage à luniversité.
Dans ce schéma bipolaire, de multiples versions sélaborent, se construisent graduellement. Et entre ces deux points extrêmes, diverses possibilités se dessinent et une prolifération dexpériences apparaissent.
2. Quelques figures étudiantes
Reste à décrire et comprendre les différents rapports à la culture définissant les diverses populations étudiantes. Malgré les risques inhérents à la tentation de fournir une analyse schématique et catégorielle, il est néanmoins préférable de postuler comme primordiaux les avantages que peut procurer lexposé dune construction autour didéaux-types, qui ne sont en rien des réalités sociales mais bien des élaborations raisonnées autour dune réalité. Des idéaux-types, ou pour le dire autrement, des modèles, des référents abstraits, des figures exemplaires et singulières de rapports à la culture. Cette construction soffre comme un mode de lecture dune réalité beaucoup plus éparse et complexe et permet de mettre en évidence sept figures explicatives distinctes du rapport quentretiennent les étudiants avec la culture.
2.1. Adornien
Les Adorniens sont des étudiants qui ont un goût privilégié pour la culture légitime, sous des formes, de préférence, traditionnelles. Autrement dit, leurs goûts culturels relèvent davantage du légitime et du classique que du contemporain et du populaire.
Lunivers quotidien des Adorniens est généralement connoté par un très grand investissement (quantitatif et affectif) culturel. Leur forte proximité à la culture légitime est corrélée par une grande exigence dans le domaine culturel et leur goût pour lexcellence artistique. Ce goût prononcé pour la culture savante sassocie à un refus évident de lamateurisme. Parfois cela peut prendre la forme dune ostentation élitiste et dun refus des cultures populaires (sauf sous ses formes les plus légitimées par lhistoire).
Pour les Adorniens, laccès à la culture doit se faire de manière volontaire et attentive et nécessite donc un effort personnel. Pour eux, les étudiants ne doivent pas être consommateurs ou assistés. Cette opinion se confirme par ailleurs dans leurs pratiques mêmes puisque leur mobilité géographique savère très forte.
Le rapport à luniversité des Adorniens se construit autour de laventure intellectuelle. En ce sens, pour certains étudiants, les pratiques culturelles font partie intégrante du devoir de létudiant. Luniversité est alors considérée par les Adorniens comme un haut lieu culturel, connoté par les notions de pureté et de désintéressement.
2.2. Janus
Lunivers de Janus au croisement de lunivers classique et moderne, est lunivers dominant de la minorité de très forts pratiquants sur laquelle repose une grande partie de la vie culturelle. Le principe organisateur de leurs goûts est léclectisme, ce qui suppose une familiarité aussi poussée avec la culture classique quavec les formes modernes dexpression et exige la réunion de beaucoup datouts en termes de capital culturel, de disponibilité et de proximité à loffre culturelle.5 A limage de Janus, figure ambivalente, marquant lévolution du passé à lavenir, létudiant Janus fait se rejoindre les formes culturelles classiques et contemporaines. En effet, pour ce type détudiants, le rapport à la culture légitime est évident parce que, selon eux, la culture existe en soi et nest jamais du côté de lutilitaire. Ils apprécient les aspects intellectuels et la culture classique mais à linverse des Adorniens, ils ne renient en rien les formes contemporaines de la culture savante.
Les étudiants Janus revendiquent de plus une certaine forme délitisme et élaborent une critique dune supposée culture étudiante, peu avant-gardiste. Il sagit même pour eux de sortir de cette culture purement étudiante, envisagée comme une incarcération morale.
Ainsi, cest dans cette catégorie que lon recense la majorité détudiants épris daventure ; une propension qui se matérialise par un grand éclectisme culturel et une immense curiosité. Tout comme les Adorniens, les étudiants Janus se définissent par une très forte mobilité. Linvestissement culturel (réel et affectif) est très fort puisquils cumulent les bénéfices de laddition des formes classiques et contemporaines de la culture légitime. Parallèlement, leurs pratiques culturelles sont très diversifiées tant dun point de vue formel que dun point de vue thématique.
Quant à limage quils se font de létudiant, elle rentre en correspondance exacte avec celle de laventure intellectuelle. Dailleurs leur représentation de luniversité confirme cette attitude puisque pour eux cette institution est un lieu éminemment culturel.
2.3. Cultivé moderne
Nous empruntons le terme cultivé moderne à O. Donnat dans la mesure où il correspond parfaitement à la seconde figure que nous avons relevée dans les rapports étudiants à la culture. Lunivers cultivé moderne pour sa part sarticule autour de lécoute musicale et de sorties nocturnes comme les concerts de jazz et de rock, les spectacles de danse et de cinéma ; la lecture de livres y conserve une place importante. (...) Construit autour de formes dexpression récentes où les barrières daccès symboliques sont moins fortes, il est dominant chez les jeunes diplômés urbains : plus tournés vers lextérieur que les tenants de lunivers cultivé classique, ils se nourrissent plus de lactualité, expriment une certaine réserve à légard des formes dexpression jugées trop intellectuelles ou trop sérieuses et sont plus sensibles aux phénomènes de mode. Leur investissement dans le domaine culturel est parfois important mais na pas le caractère sacré quil revêt souvent dans lunivers cultivé classique : il est plus marqué par les valeurs dhédonisme et dindividualisme et sintègre plus dans un art de vivre, aux côtés dautres activités de loisirs.6
Les Cultivés modernes manifestent en effet un grand investissement culturel dans le sens où la précision de leurs choix et le caractère péremptoire de leurs goûts culturels révèlent limportance accordée à la culture comme élément structurant de leur personnalité. On constate alors laffirmation dun goût pour les cultures non reconnues, alternatives ou non institutionnelles (se différenciant néanmoins des cultures populaires) lié à leur indépendance dans le choix des manifestations culturelles. Leurs goûts culturels sont plutôt tranchés, les Cultivés modernes ne sont pas forcément curieux, en dehors des objets culturels quils privilégient à laccoutumée - domaine dans lequel ils peuvent dailleurs se montrer experts - ils sont dans une position non pas dattention à leur environnement culturel global mais plutôt dans celle de lattente.
Cest pourquoi, si leur reconnaissance de la culture légitime est apparemment évidente, leur participation lest beaucoup moins. Plus exactement leur participation réelle à la culture légitime est en deçà de limportance quils lui reconnaissent. Cest dailleurs dans la catégorie des Cultivés modernes que lon peut classer les étudiants qui sont victimes de manière flagrante dune dichotomie entre les pratiques culturelles effectivement liées à la culture de masse et une vision idéalisée de la culture légitime.
Cette dissymétrie entre pratiques et représentation tient au fait que leur adhésion à la culture légitime est, en réalité, toute relative. En effet, le légitime est souvent associé à lintellectualisme, et si les Cultivés modernes revendiquent un rapport cultivé à la culture, ils refusent une culture austère et intellectualiste. Leur crainte de donner limage dun étudiant intello est à ce sujet très révélatrice. Ainsi, la culture nest envisageable que dans la mesure où elle a à voir avec les loisirs. Lun des points centraux de la figure des Cultivés modernes se cristallise ainsi autour de cet hédonisme. Ils ne considèrent pas la culture autrement que comme dédramatisée, juvénile et festive.
Bien que la représentation de létudiant ne soit pas univoque chez les Cultivés modernes, dans tous les cas, cest laspect jeune qui est prépondérant. Cest dans cette catégorie que les visions négatives du campus semblent être souvent les plus radicales : linstrumentalisation et la fonctionnalité du campus sont premières et lassociation entre culture et campus est le plus souvent dépréciée.
2.4. Chrysalide
Nous pourrions définir cette population comme une catégorie dont les caractéristiques principales sélaborent autour dune immense soif de connaissances, dune grande effervescence et dune absence quasi totale de jugements définitifs ou déterminés sur différents types de culture. Le terme de Chrysalide se justifie pour qualifier un comportement innocent et émerveillé, lié à une période initiatique où se développent des émotions, des sensibilités liées aux découvertes diverses dans le domaine culturel.
Cest souvent une liberté nouvelle (arrivée à luniversité, sortie du domicile parental) qui permet laccroissement dun désir de connaissances. Il y a rencontre entre une forte offre culturelle et une forte demande de la part de ces étudiants avides de découvrir une multitude de phénomènes culturels. Dans la totalité des cas, leur goût, leur impatience et leur avidité culturelles sont corrélés par une très grande mobilité. Pour les Chrysalides, familières de nombreuses sorties, les sorties culturels révèlent un éclectisme et une pluralité de centres dintérêt.
Ainsi, les Chrysalides opèrent une indistinction fondamentale entre culture légitime et culture populaire puisque dans tous les cas la recherche de lémotion et de la découverte transcende les catégories. Ce refus des intolérances ou la non conscience des intolérances et des divisions catégoriques dans le domaine culturel définit spécifiquement les Chrysalides.
Parce que cette figure résume la diversité et la candeur, la représentation de létudiant des Chrysalides peut sexposer comme étant celle dune aventure culturelle, émotionnelle et festive. Corrélativement à la grande mobilité et à lincertitude culturelle des Chrysalides, le campus nest pas forcément vu négativement et il est autant apprécié que les autres lieux culturels.
2.5. Distant
Les Distants quant à eux éprouvent un sentiment de déférence envers la culture légitime mais ils expriment aussi une critique de lhermétisme et du snobisme dans les manifestations culturelles qui nous conduit à penser quils ressentent une certaine inquiétude à légard de la culture légitime. Parfois cette attitude face à la culture peut prendre la forme dune culpabilité due à leur non participation patente et à labsence dinvestissement culturel effectif. Dailleurs, par souci de compensation et de structuration, cest chez les Distants que lon relève le plus souvent un désir prégnant de grandes manifestations culturelles, indiquant par là même un besoin de repères culturels. Leurs souhaits se dirigent donc vers des manifestations culturelles reconnues et très médiatisées.
Par ailleurs, selon les Distants, la culture doit être irrémédiablement liée à la festivité et à la sociabilité. La sortie culturelle nest alors plus conçue comme une activité individuelle mais comme loccasion dun rassemblement convivial. En somme il est important pour eux de créer des lieux de rencontres dans lesquels la culture serait un prétexte à la naissance de sociabilité, notamment autour de lamateurisme.
Cette représentation globale de la culture peut être comprise si on lassocie à la représentation de létudiant des Distants. On repère en effet aisément un refus de la vie adulte, lié à une représentation de létudiant où la convivialité et la festivité répondent à un besoin dimmaturité et dinsouciance. Pour cette frange de la population étudiante, le moment des études est le temps privilégié de la transition, de labsence dinvestissement ou dimplication. Il est dailleurs troublant de constater que leur expérience est comme parasitée par différentes représentations de létudiant voire même par un conflit entre les représentations que la multitude de loffre culturelle ne peut que raviver.
Précisons enfin que les Distants ont une représentation assez distante voire négative de luniversité. Si lon ne constate quasiment aucun investissement dans luniversité, a fortiori, on nen découvre pas non plus dans ses institutions ou activités annexes.
2.6. Festif
Ce terme de Festif ne signifie en rien que tous les étudiants ayant une activité nocturne intense soient à classer dans cette catégorie. Plus précisément cet adjectif veut appréhender une partie des étudiants qui expriment un rejet virulent du monde culturel. Mais il savère que ces propos étaient tenus, en ce qui concerne notre échantillon, par des étudiants proches dassociations festives.
En effet, la plus importante de leurs caractéristiques sexprime par une quasi absence de sorties culturelles et parfois même par la revendication de cette absence. On remarque de manière flagrante, une radicalisation du discours sur linsouciance et la jeunesse. Le goût pour les soirées étudiantes concrétise parfaitement une valorisation de la jeunesse alors que la culture semble réservée aux populations adultes. On constate alors, une relative similitude avec la figure des Distants ou avec celle des Cultivés Modernes dans le sens où dans tous les cas lintellectualisme est ressenti comme ostentatoire. Mais ici, à linverse des Distants qui adhèrent à la culture légitime, le refus de lintellectualisme prend, chez les Festifs, des formes agressives qui peuvent aller jusquau dénigrement.
La préséance quils accordent aux loisirs se conjugue à leur représentation de létudiant et se manifeste par une exaltation de la festivité au détriment des sorties culturelles ; létudiant nendossant dailleurs ce statut que dans la mesure où il accepte une forte intégration dans le réseau des associations étudiantes et autres BDE. Ici lincorporation ne se fait quautour de la festivité ou de la filière. Les Festifs sont à ce sujet des étudiants très intégrés dans leurs milieux détudes.
2.7. Dénuement
Cette catégorie se distingue tout dabord par une très faible mobilité. Il nest même pas question ici de faire référence aux sorties culturelles puisque cette attitude introvertie semble plutôt structurelle. Cette faiblesse de lintégration à la vie étudiante sexplique par un repli global.
En ce qui concerne le rapport de ces étudiants à la culture, crainte et sentiment dincompétence apparaissent de manière incontestable. La culture se résumant quasi exclusivement aux cours et linstrumentalisation des études se faisant prégnante, ces étudiants ne vivent pas leur statut détudiant avec la magie que dautres peuvent placer dans cette étape de leur vie.
Pour ces étudiants majoritairement issus de classes sociales populaires, la vie étudiante se caractérise par une faible intégration, un rapport instrumentalisé et difficile aux études, une faible participation culturelle, un cloisonnement (souvent dans les résidences universitaires) et un vivre petitement autant matériel que représentationnel. Dans ces cas précis, lanalogie avec les exclus de lintérieur décrits par P. Bourdieu et P. Champagne7 paraît justifiée.
Lappréhension des logiques de ces différentes figures étudiantes nous renseigne donc autant sur la diversité des représentations du statut étudiant que sur la pluralité de leurs rapports à la culture. Il était important de remonter à ces conceptions dissemblables pour saisir de façon adéquate les variations de jugements et de pratiques dans le domaine culturel et pour montrer toute la difficulté dune offre culturelle en direction des populations étudiantes.
Il nest plus possible aujourdhui dappréhender les identités culturelles étudiantes par le prisme déformant, réducteur et réificateur de la figure univoque de létudiant engagé dans une culture savante (traditionnelle ou contemporaine) dans la mesure où, concurrencée par dautres modèles dont les conditions dexpression et de réception culturelles doivent être décelées et acceptées, elle est en perte dhégémonie.
1)
Viviane Châtel, Marc-Henry Soulet, La culture étudiante : entre mythe et diversité, DEP, ministère de la Culture, 1993
2)
V. Châtel et M.H. Soulet définissent les déterminations sociales des pratiques culturelles étudiantes autour dune combinatoire de trois effets : effets dhéritage, de condition, de filière. Op. cit.
3)
Luniversité prêche toujours des convertis : étant donné que sa fonction dernière est dobtenir ladhésion aux valeurs de la culture, elle na pas vraiment besoin de contraindre et de sanctionner puisque sa clientèle se définit par laspiration plus ou moins avouée à entrer dans la classe intellectuelle. Bourdieu Pierre, Passeron Jean-Claude, Les héritiers, Les étudiants et la culture, Paris, Éditions de minuit, 1964
4)
Dubet François, Dimensions et figures de lexpérience étudiante dans luniversité de masse, Revue Française de Sociologie, XXXV, 1994
5)
Donnat Olivier, Les Français face à la culture. De lexclusion à léclectisme, Paris, La Découverte, 1994
6)
O. Donnat, Ibid.
7)
Les exclus de lintérieur étant ces élèves (ici des étudiants) victimes de pratiques dexclusion douces, ou mieux, insensibles justement parce que lécole exclut et quelle garde en son sein ceux quelle exclut. P. Bourdieu, P. Champagne, La misère du monde, Paris, Seuil, 1993
Les Étudiants Musulmans de France : entre Islam et laïcité
Peux-tu me présenter la démarche dÉtudiants Musulmans de France ?
Comme son nom lindique, E.M.F. est avant tous une association estudiantine, son but est daider et accompagner létudiant durant son cursus universitaire. Elle est certes dappellation musulmane, mais elle est au service de tous les étudiants, nos activités culturelles, sociales, syndicales ou sportives sont ouvertes à tout le monde, et la seule condition pour se faire est de se procurer une carte de membre dE.M.F. et davoir une carte détudiant ; nous comptons parmi nos membres actifs et sympathisants des étudiants non musulmans. Pourquoi Étudiants Musulmans ? Avec larrivée des jeunes issus de limmigration à luniversité, cest une nouvelle composante qui vient enrichir le campus universitaire en tout cas cest ce que nous pensons. Certes le campus universitaire français a accueilli des milliers détudiants musulmans qui venaient de lautre rive de la Méditerranée, mais ils nétaient quen transit ; ils sagissaient détudiants étrangers qui repartaient chez eux après avoir reçu leurs diplômes. Avec les jeunes de la seconde génération, il sagit détudiants musulmans français qui veulent jouer leur rôle de citoyens et jouir de tous leurs droits. Nous sommes là pour leur rappeler leurs devoirs et défendre leurs droits. Et pour ceux en quête de leur identité, nous sommes là pour leur donner quelques éléments de réponse.
Leur identité dorigine, à la fois ethnique et religieuse ?
Non pas forcément ethnique. Lorigine est certes une richesse de plus, mais à trop en parler, elle peut devenir une source de conflit et de querelles interminables. Nous ne voulons pas que les jeunes de la seconde génération tombent dans le piège du nationalisme chauvin et stérile, comme cela a été le cas de leurs parents ; dans certaines villes on trouve la mosquée des Marocains, celle des Algériens ou bien encore celle des Turcs. Pourtant le message de lislam est clair : Nous vous avons créé en peuple et en tribu afin que vous vous entre-connaissiez (verset du Coran). Le musulman doit toujours aller vers lautre nouer avec lui un dialogue serein et constructif, dans le but de le connaître davantage et afin que sétablissent des liens damitié solides et durables. Cest dans ce même esprit que nous essayons de faire comprendre aux jeunes de la deuxième génération quils sont français et quil doivent jouer leur rôle de citoyen à part entière. Et cela depuis la création de lassociation, qui sappelait au départ lUnion Islamique des Étudiants de France.
Vous avez changé de nom depuis ?
Les fondateurs de lassociation avaient au début choisi comme intitulé : lUnion Islamique des Étudiants de France, ils avaient choisi le mot islamique dans un souci douverture. Cela peut paraître contradictoire, mais en 1989, date de la création de lassociation, ce mot nétait pas diabolisé par les mass-media, dailleurs si lon ouvre le dictionnaire on lit : islamique : qui appartient à lIslam. Lors dun congrès en 1996 les congressistes avaient décidé de changer dintitulé au terme dun débat qui a duré jusquà deux heures du matin. Malgré les amalgames et le matraquage médiatique qui vise à faire naître la peur de tout ce qui est islamique ou musulman, nous continueront à informer et expliquer ; certes nos moyens sont très limités, lamalgame que peuvent créer une heure dEnvoyé spécial ou cinq minutes dimages diffusées par C.N.N. peuvent balayer une année de travail mais, loin de nous décourager, cela nous pousse à doubler deffort et à informer davantage. Mais il faut souligner que ce qui nous encourage est le fait que nous rencontrons chaque jour des gens qui savent écouter.
Quelles sont vos activités ?
EMF est une fédération de plusieurs sections qui se trouvent à Bordeaux, Toulouse, Grenoble, Nancy, Lille, Limoges, et très prochainement Paris. Chaque section a son bureau exécutif indépendant. La politique générale de lassociation est fixée lors du Congrès qui se tient tous les deux ans. Nos objectifs étant daccompagner létudiant, quil soit musulman ou pas, pendant son cursus universitaire, nous organisons, au sein du Campus, diverses activités sportives, sorties touristiques ou autres activités culturelles ou sociales (distribution des aides alimentaires, des aides financières, repas offerts, soutien universitaire
). Lors de nos conférences ou séminaires, nous essayons de donner la vraie image de lIslam et de faire connaître son message de paix et de tolérance. De plus les étudiants musulmans, en quête didentité, ont énormément de questions sur leur religion, leur histoire, leur civilisation, nous essayons de leur apporter quelques éléments de réponse et barrer le chemin à toute tendance intégriste ou extrémiste.
En fait, vous avez dans vos activités autour de la religion deux approches : lune vise à présenter, montrer lIslam aux non-musulmans, lautre à donner aux musulmans eux-mêmes loccasion dun autre regard sur leur religion.
Cest le même discours parce que les conférences que lon organise sont aussi bien fréquentées par des musulmans que par des non-musulmans. Dailleurs la majeure partie des jeunes musulmans qui est née en France na de connaissance de lIslam que quelques bribes. Ils ont hérité de leurs parents un Islam traditionnel qui est loin du vrai message de leur religion, voire parfois contradictoire.
Concernant les musulmans, est-ce que vous les encouragez à pratiquer leur religion ?
Nous essayons de faire un travail dinformation, la pratique reste quelque chose de très personnel. Mais si nous sommes sollicités par un groupe détudiants qui a besoin dune salle de prière au sein de leur résidence, nous essayons de faire lintermédiaire auprès du CROUS.
Et les musulmans non pratiquants ?
Comme je lai souligné, nos activités sont adressées à tous les étudiants, musulmans ou non.
Concernant le port du voile, comment ça se passe ? Est-ce que tu penses que lorsquune étudiante musulmane arrive dans une université en portant le voile, ça ne peut pas créer un fossé entre elle et les étudiants ?
Le port du foulard est avant tout un choix personnel. Personne ne peut contraindre une fille à mettre le foulard, et de la même façon personne na le droit de lobliger à lenlever, cela va à lencontre des droits les plus élémentaires. Dailleurs le Conseil dÉtat (plus haute instance juridique en France) a tranché en précisant que le port du foulard ne représente en aucun cas un entrave à la laïcité. Le risque de créer un fossé entre les étudiantes qui portent le foulard et les autres étudiants nexistait pas avant la médiatisation du port du voile en 1989. Le foulard nest pas nouveau dans les campus, les universités accueillent depuis longtemps des jeunes filles venues du Maghreb, et le foulard ny suscitait, avant 1989, quune certaine curiosité, plutôt que la peur ou le mépris ; il ne faut pas oublier que luniversité est un lieu où toutes les cultures, les civilisations et les richesses se rencontrent, se côtoient et se mélangent. Le fait que laffaire ait été médiatisée, avec lampleur et les amalgames quon sait, a fait que certains se sont laissés guider par des peurs infondées et ont oublié quil sagissait dun choix personnel et que la laïcité garantit les libertés personnelles.
Vous avez un local à Bordeaux ?
Non, plusieurs démarches ont été entamées auprès du CROUS mais elles se sont soldées par un échec, nous ne pouvons même pas avoir une permanence.
Pourquoi ? Parce quils pensent que vous êtes une association religieuse ?
Peut-être, pourtant nos activités englobent toute la vie estudiantine et rien dans nos statuts ne souligne que nous sommes une association cultuelle. Si lassociation sappelait association de la danse du ventre ou encore couscous merguez tout en proposant les mêmes activités, nous aurions été accueilli à bras ouverts, avec de grands locaux et chaque année des subventions bien salées, mais nous avons toujours joué la carte de la transparence, tout en sachant que les mots Islam et musulman suscitent la crispation. Cest un passage que je crois obligatoire, et je pense que progressivement cela changera. Je te donne lexemple de Lille et de Besançon où nous avons pu obtenir dans chacune des villes deux locaux. Cest le fruit dun travail de longue haleine.
Vous présentez des listes aux élections universitaires. Mais est-ce que pour viser lintégration, il nest pas nécessaire daller militer là où les structures existent ? Est-il nécessaire de présenter des listes Étudiants Musulmans aux élections des CROUS ? 2
Étudiants Musulmans de France nest présent que dans certaines villes. Depuis quelques années, nous avons inauguré un volet syndical en présentant des listes électorales aux élections. Mais à nouveau le problème est celui de lintégration. On se demande pourquoi les étudiants musulmans sorganisent dans des structures. Je pense que la réponse se trouve dans le fait que les préoccupations des étudiants musulmans nont pas été prises en charge par dautres structures. Cest le même problème au niveau de luniversité où lon privilégie lÉtudiant, avec un E majuscule, et ceux qui ont les mêmes préoccupations. Présenter des listes a été une réaction à laccaparement de tous les espaces dexpression au niveau de luniversité. Si vous savez que les étudiants musulmans sont lélite de la communauté musulmane et que le terrain universitaire est propice à la liberté dexpression, au débat, à la confrontation idéologique, je pense quil est tout à fait normal de demander que les étudiants musulmans y participent et aient des revendications. Tant que ces revendications nauront pas été prises en charge, ils continueront à présenter des listes. Je suis de Besançon et lorsquon a créé E.M.F. à Besançon, on avait pas du tout lintention de se présenter aux élections. On est allé voir lUNEF-ID ou dautres syndicats, en leur disant que nous avions des revendications et que nous voulions quils nous défendent. On nous a mis devant une fin de non recevoir, ce qui nous a poussé à nous présenter aux élections ; depuis la situation sest décrispée. Luniversité, quant à elle, nous refusait systématiquement laccès aux infrastructures sous prétexte que nous sommes une association religieuse. Maintenant nous avons un local et même des subventions3.
Pourquoi à ton avis des étudiants nouveaux arrivants à luniversité vous rejoignent ? Est-ce quils ont envie de retrouver une communauté ?
Peut-être. Il ny a pas que les nouveaux arrivants, dautres étudiants actifs au sein de lUNEF ou de lUNED-ID ont fini par nous rejoindre, les motivations sont sans doute variées, nous répondons probablement davantage aux attentes de ces étudiants, ou bien sommes-nous peut-être plus présents que les autres syndicats, nos activités dépassant ce cadre. Lenvie de retrouver une communauté peut être une des motivations.
Ny a-t-il pas un risque denfermement derrière une telle démarche ?
Cest un danger qui nest pas à écarter. Une partie de notre discours va dans ce sens. Nous sommes entre nous, cest bien mais il ne faut pas tomber dans le communautarisme. Cest dangereux et cela ne va pas dans le sens dune bonne intégration des musulmans. Nous souhaitons à E.M.F. une longue vie, mais nous ne voulons pas accaparer létudiant musulman, nous voulons quil soit actif aussi bien avec nous quavec dautres syndicats ou associations. Nous aimerions le voir partout, jouer son devoir de citoyen et participer à la construction de lavenir de son pays. Certes cest facile de vivre entre nous, mais il est plus bénéfique daller vers les autres.
Propos recueillis par Valérie Becquet
1) Charafeddine Mouslim est président dEMF
Les identités des étudiants africains :
Quels conflits et quelles stratégies identitaires ?
Étudiant en thèse de philosophie, Ardiouma Sirima est animateur de la Coordination des syndicats détudiants et stagiaires africains en France (COSESAF), et membre du bureau dAnimaFac.
D une manière générale, aborder la question de lidentité ou des identités est un exercice qui comporte au moins deux risques. Le premier risque consiste à réduire le champ conceptuel de lidentité à celui des stéréotypes. Certes le stéréotype a quelque chose à voir avec lidentité, mais ces deux concepts ne sauraient être interchangeables en toute circonstance. Le second risque cest de considérer lidentité comme un concept achevé, fermé, auquel on aurait recours pour décrire une réalité qui serait elle même figée. On pourrait ainsi énumérer dautres écueils théoriques dans le traitement des identités. Après ces précautions dordre méthodologique nous tenterons de préciser le but de notre entreprise.
Dans les lignes qui suivent, nous nous proposons danalyser les identités des étudiants africains en France. Levons demblée deux objections que le lecteur pourrait légitimement nous adresser :
- Peut-on parler didentités étudiantes ?
- Dans laffirmative, dispose-t-on doutils théoriques pertinents pour analyser des identités des étudiants étrangers en France ?
En guise de réponse à la première question-objection, nous suggérons au lecteur de prendre connaissance de larticle « lassociatif étudiant : conjurer la crise » qui nous semble apporter un éclairage théorique intéressant pour cerner les identités étudiantes actuelles sur les campus et dans la société française.
Notre réflexion sappuie donc sur cette thèse centrale qui présente et « donne à voir » les identités étudiantes en construction. Notre analyse a pour objet de (dé)montrer que, comme toute identité, les identités étudiantes (et plus particulièrement celles des étudiants africains en France) sont discernables par lobservateur attentif.
Avant dentrer dans le vif du sujet, prenons soin dindiquer le cheminement de notre pensée :
- dans un premier temps, il savère indispensable de faire un tour rapide du champ conceptuel dans lequel va sexercer nos observations (I) ;
- ce champ une fois « balisé », nous passerons à lexamen de situations concrètes « mettant en scène » des conflits didentité (II) ;
- ensuite, nous tenterons de « décoder » quelques stratégies identitaires des étudiants africains en France (III) ;
- en guise de conclusion, notre réflexion sachèvera sur une esquisse des « conditions de résolution des conflits identitaires » (IV).
Comme le lecteur peut sen rendre compte à lénoncé de ce plan, notre article ne prétend nullement faire « tout le tour » de la question des étudiants étrangers en France. Notre sociologue Emmanuel AMOUGOU traite de manière fort originale cette thématique dans son ouvrage, désormais célèbre dans le milieu étudiant africain en France : « Étudiants dAfrique Noire en France : Une Jeunesse sacrifiée ? 1 ».
1- Lambiguïté et la complexité de la question des identités
Traitant du caractère ambigu de lidentité, le philosophe tunisien Fathi TRIKI écrit « il nest pas inutile de se demander, dans cette quête didentité dans son rapport problématique avec laltérité, si la notion didentité nest pas devenue une sorte de fourre-tout, ou plutôt un « ouvre-boîtes » qui permettrait au penseur desquiver des problématiques dont il na pas la clé, à lidéologue de réduire la réalité plurielle en quelques traits systématisés et à lhomme politique et décideur dagir efficacement dans les enjeux de pouvoir. Bref, lidentité est un terme confisqué qui se perd de plus en plus dans les pistes et les labyrinthes des jeux de pouvoir, aidé en cela par les médias et par linflation décrits plus ou moins élaborés sur les champs identitaires2. » Cette position philosophique, en même temps quelle nous appelle à la vigilance, met en lumière la manipulation par certains prétendus théoriciens du concept didentité à des fins rarement avouées. Dans le paysage intellectuel français, lutilisation la plus abusive et la plus tronquée de cette notion se retrouve dans les parchemins des écrivassiers qui jalonnent le chemin qui va de « la nouvelle droite » à lextrême droite. Nous sommes donc avertis : lanalyse des identités est rarement (pour ne pas dire, jamais) neutre ! Mais cette ambiguïté conceptuelle ne saurait nous arrêter. Tâchons toutefois, dans une démarche cartésienne, den avoir « une idée claire et distincte ».
Pour définir lidentité, nous avons opté, compte-tenu de sa complexité, pour une approche pluridisciplinaire. Diverses sources bibliographiques saccordent pour signaler comme référence incontournable dans cette matière, luvre collective « Stratégies Identitaires3 ». De cet ouvrage, qui vaut vraiment le détour pour les personnes désireuses daller plus loin dans la réflexion sur les identités, nous empruntons la définition suivante : « lidentité est lensemble structuré des éléments identitaires qui permettent à lindividu de se définir dans une situation dinteraction (et dagir en tant quacte social » (op. cit, p 44). De cette définition, nous retenons une caractéristique principielle de lidentité : il ne peut exister didentité pour soi, il ny a que des identités en situation, produites par les interactions . Cette caractéristique de lidentité en exprime le double statut théorique. Dans lidentité, le trait dynamique est plus facilement visible. Lidentité « bouge » et se transforme au fil de lévolution de lindividu et du groupe. Le second trait de lidentité cest son aspect social. Lidentité, quelle soit individuelle ou collective, se forge toujours en fonction de lAutre, des autres, des contextes successifs vécus. Cette définition bien que générale nous parait suffisante, compte tenu des limites assignées à la présente analyse. Avec cet éclairage théorique, comment peut-on appréhender les vécus et représentations des étudiants africains ?
II - Les identités des étudiants africains
Ne prétendant pas mener une analyse exhaustive, nous avons circonscrit notre propos à quelques situations saillantes. Une analyse plus poussée aurait permis de déceler une quantité déléments concourant à la formation des « personnalités » des étudiants africains. Dans le cadre de cet article, nous ciblons trois éléments qui nous paraissent les plus essentiels.
Sagissant de jeunes engagés dans des cursus de formation supérieure, il est intéressant de mesurer limportance de la dimension scolaire et académique dans leur constitution identitaire. Dans cette analyse, la réflexion doit également porter sur la place et le rôle que leur assigne la société daccueil. Place et rôle qui sont tributaires des images que leur donnent leurs hôtes. Toutefois, on ne saurait comprendre le socle sur lequel se bâtit lidentité des étudiants africains si on fait fi « du poids de lhistoire », de lhistoire séculaire qui a tissé de multiples liens entre la France et les États africains. Mieux : toute analyse sur le processus de formation des identités des étudiants africains, pour avoir une cohérence et une pertinence densemble, ne peut commencer que par lexamen de ce « poids de lhistoire ».
- a) la dimension historique de lidentité des étudiants africains.
De la période des poètes de la Négritude, en passant par le consciencisme de Kwamé NKRUMAH et la réhabilitation de lhistoire de la race noire par Cheick Anta DIOP et ses continuateurs, les générations successives détudiants africains, aussi bien ceux scolarisés sur le Continent que ceux évoluant à lextérieur nont eu de cesse de stigmatiser les méfaits de la Traite des Noirs, du colonialisme, du néocolonialisme et de limpérialisme. Sans forcer le trait, on constate quà linstar du mouvement étudiant français, le milieu étudiant africain est passé de la vague des militants « enragés » à celle des « engagés ». Une constante demeure cependant : quelque soit le degré dimprégnation, les étudiants africains restent marqués par leur passé, par cette histoire où leurs « aïeux ont toujours été les éternels perdants ».
Bien évidemment, cet élément identitaire se décline de multiples manières en fonction des contextes et des acteurs considérés. Nous y reviendrons plus loin.
- b) la dimension sociale des identités des étudiants africains.
Beaucoup de choses ont été dites et écrites à propos de laccueil et du séjour des étudiants africains. En dehors de quelques rares arrêtés ministériels spécifiques à forte visée répressive et sans entrer ici dans lanalyse des effets que produiront les nouvelles mesures de Hubert VEDRINE et Claude ALLEGRE (cela mériterait un article spécifique), nous notons que les étudiants africains ont toujours été régis par les mêmes lois que les populations immigrées africaines. Ce traitement indifférencié a été et demeure la source de toutes sortes de confusions. À titre illustratif, on se rappelle quau temps fort des lois Pasqua-Débré, tout étudiant africain était forcément vu comme un immigré, et à ce titre perçu dans les milieux xénophobes comme un élément de la horde qui vient prendre le boulot des français ». Autrement dit, dans un tel contexte, lidentité de létudiant africain était noyée dans un fatras dimages négatives et négatrices de sa personne. Face à cette image de létudiant-immigré, les concernés ont adopté différentes attitudes que nous tenterons de comprendre dans lanalyse des stratégies identitaires.
- c) la dimension scolaire et académique des identités des étudiants africains
À limage de leurs collègues français, les rapports que les étudiants africains entretiennent avec la faculté, et plus généralement les représentations quils se font du savoir, contribuent grandement à la formation de leurs identités. En dautres termes, et chacun admettra que cest là une vérité de La Palisse, lécole construit et modifie perpétuellement les identités des apprenants. Dans le cas des élèves et étudiants africains, le rapport à lécole a souvent pris la forme de lacculturation. Cette thématique de lécole du blanc dévastatrice des cultures traditionnelles africaines nest pas nouvelle. On se rappelle de la prise de position fort pertinente et toujours actuelle de Cheick Amidou KANE dans « lAventure Ambiguë ». Pour preuve, cet ouvrage continue dêtre utilement étudié dans les écoles africaines. Abordant ce problème, Emmanuel AMOUGOU rappelle ces mots dun intellectuel africain : quon y réfléchisse un peu. Après un séjour plus ou moins long en France, ils ont eu pour la plupart (ndlr, il sagit des étudiants africains), le temps de changer assez profondément leurs idées essentielles et leur comportement dans la vie. Leur pensée a épousé de nouveaux concepts, leurs habitudes ne sont plus les mêmes. Et, cependant, ils doivent retourner sous les cieux qui les virent naître, sur la terre où leur destin doit naturellement se jouer. Cest alors que surgit pour eux le problème inattendu, sinon paradoxal, dune retransplantation », la nécessité de réadaptation à lancien climat moral qui leur est devenu presque étranger. Beaucoup sen trouvent désorientés et adoptent tout naturellement la solution paresseuse de la facilité. Nest-il pas plus commode de se maintenir dans latmosphère européenne, de sadapter de mieux en mieux au milieu adoptif, dy fonder un foyer, de se laisser assimiler en un mot ? ». La thèse de lacculturation par lécole a ses défenseurs, mais aussi ses pourfendeurs. Sans nier sa légitimité ne serait-ce quhistorique, on ne peut sempêcher de faire remarquer quil est assez simpliste de croire que lécole ne sert quà acculturer. Il nous semble plus pertinent de voir comment lécole peut être un outil efficace pour réhabiliter et promouvoir les cultures africaines. Tant il nous paraît évident que ce qui pose problème ce nest pas lécole en tant quinstitution mais plutôt les objectifs que lui ont assigné ses premiers promoteurs sur le continent africain.
Après cet survol des éléments qui ont concouru et concourent encore à la constitution de la personnalité des étudiants africains, essayons à présent détudier les stratégies identitaires mises en uvre par les intéressés.
III - Les Stratégies Identitaires des étudiants africains
Lanalyse stratégique est un complément indispensable de lanalyse descriptive lorsque lon étudie les conduites humaines individuelles et collectives.
Face aux situations décrites plus haut, qui traduisent, sous diverses formes, des conflits, on distingue dans le milieu étudiant africain en France trois principales stratégies identitaires4 :
-1) la stratégie de la singularisation
Elle consiste à affirmer « un nous » pour se différencier nettement et radicalement du « eux ». On retrouve cette stratégie chez les étudiants africains qui affichent une certaine radicalité dans la défense des noirs. De manière abusive, ils font un recours systématique aux poètes de la Négritude pour fonder leur discours communautariste. Dans ce schéma, la bipolarité oppose les noirs « perpétuels exploités et opprimés » aux blancs « toujours vainqueurs, calculateurs et cyniques ». Poussée à son terme, cette stratégie de la surenchère conduit ceux qui sen réclament à la constitution de regroupements strictement communautaristes. Ce courant reste assez minoritaire parmi les étudiants africains.
- 2) la stratégie de lassimilation
A lopposé de la première stratégie, il y a ceux qui optent pour lanonymat. Cest le choix de ceux qui veulent « se fondre dans la foule ». Ceux qui essaient de se faire oublier. Il sagit là dune stratégie par essence individuelle qui consiste, pour nier ou se débarrasser de leur identité minoritaire infériorisée (les black sont comme ci ou comme çà
) à refuser cette appartenance pour chercher à pénétrer dans le groupe majoritaire. Ce comportement peut conduire à toutes sortes dimitations ridicules pour « faire comme les blancs ».
- 3) la stratégie de la valorisation
Elle est suivie par les étudiants africains qui cherchent une visibilité sociale des revendications et des valeurs authentiquement africaines. La finalité est dattirer lattention des gens du pays daccueil sur eux. La stratégie, pour ceux qui en possèdent les moyens, cest de faire reconnaître leurs valeurs afin de « compter pour quelque chose » et dêtre pris en compte. Il sagit dans une démarche de groupe de réaliser un objectif commun : celui dêtre identifié, écouté et individualisé. La stratégie de la valorisation, de visibilité sociale est liée à lacceptation subjective et objective dune différence, dune différence assumée. Non pas de manière exclusive des autres, mais dans un perpétuel jeu de reconnaissance sociale. Cette attitude peut sillustrer dans la démarche des étudiants africains qui discutent par exemple de la question de la traite des noirs, non pas seulement entre gens de la même race, mais de manière ouverte, en y conviant leurs homologues français, et plus largement des citoyens de toutes origines. Cest cette stratégie de valorisation que lon retrouve aussi dans la dynamique de ceux dentre eux (et ils sont les plus nombreux) qui développent différentes initiatives pour faire connaître et apprécier par la population française les multiples facettes des cultures et les aspirations des peuples africains.
Ces quelques considérations sur les stratégies identitaires des étudiants africains nous amènent à nous pencher sur les conditions propices à la résolution des conflits identitaires des étudiants africains en France, et de matière plus générale des communautés africaines de l Hexagone.
IV - Les conditions de résolution des conflits identitaires des étudiants africains en France
Levons toute équivoque : ne traitant dans cet article que des éléments identitaires collectifs, il va de soi que les conditions que nous énumérons (encore une fois, sans exhaustivité) nont trait quaux aspects communs intéressant lensemble de la communauté étudiante africaine. Une autre précision nous paraît tout aussi essentielle : les conflits identitaires tels que décrits plus haut ne sont spécifiques aux seuls étudiants africains. On retrouve des similitudes dans dautres catégories détudiants étrangers, ou encore au sein des étudiants français, notamment ceux quon appelle « les jeunes français issus de limmigration ». Pour ce qui est des conditions propices à résoudre (ou tout au moins atténuer) les conflits identitaires des étudiants africains, nous partageons lavis déminents spécialistes de cette question, qui préconisent les pistes suivantes :
- il convient de solder par des mesures politiques fortes le passif historique sur le rôle de lÉtat français en Afrique. Entre autres décisions, nous pensons, ici, au rôle positif que pourrait assumer la France afin que la communauté internationale déclare la Traite de noirs « crime contre lhumanité » et assume les effets pratiques dune telle prise de position. Ce serait un pas considérable, un acte symbolique qui apaiserait beaucoup de consciences africaines troublées et meurtries. Ce serait un préalable indispensable si lon veut ancrer durablement dans lesprit des jeunes générations le respect des populations africaines, si lon veut renforcer la crédibilité du discours sur le co-développement, seule politique économique pouvant permettre une répartition équilibrée des richesses dans le monde.
- il y a lieu dencourager par divers moyens les étudiants étrangers (et tous les étrangers qui le souhaitent) à prendre une part plus active dans la vie citoyenne du pays daccueil. Parmi ces moyens, les dynamiques associatives doivent figurer en bonne place. Sans étouffer, ni freiner lémergence et le développement des structures quils mettent en place, les acteurs associatifs français doivent imaginer toutes les formes adéquates pour créer des passerelles avec les migrants, avec les étudiants étrangers en imposant un travail en réseau partout où cela est possible. Un pays où les étrangers se sentent plus à laise dans leurs structures communautaristes est un pays qui ne valorise pas (ou pas assez) son tissu associatif et ses traditions citoyennes.
- la balle est aussi et surtout dans le camp des étudiants africains eux mêmes. Il leur revient de renforcer leurs cadres et engagements associatifs, fondés sur les valeurs de solidarité et douverture aux autres (deux valeurs cardinales des civilisations africaines !). Ce qui suppose le dépassement des petits cercles dintérêt et le repli sur soi, tentations aujourdhui fortes, en raison des nombreux problèmes sociaux et administratifs quils rencontrent.
1)
Emmanuel AMOUGOU « Les Étudiants africains en France : Une Jeunesse sacrifiée ? »
Éditions lHarmattan, Paris, 1997, 142p.
2)
Fathi TRIKI « La Stratégie de lIdentité », Arcantères Edition, Paris, 1998, 1 42p.
3)
Carmel CAMILLERI
« Stratégies ldentitaires », P.U.F, Paris, 1990, 232p.