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Identités étudiantes - Animafac

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étudiant en thèse de philosophie à Poitiers
Le Bizutage :
Histoire d’un rituel entre brimades et traditions
par Brigitte Largueze, chargée d’études en sciences sociales
Une affaire d’État
























Qu’est-ce qu’être étudiant ?

La belle question ! Est étudiant qui est régulièrement inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur, public ou agréé par l’État.
Est étudiant qui dispose du statut d’étudiant. Certes, mais encore ? Que sont les étudiants ? Que font-ils ? Nous ne prétendrons pas apporter ici de réponse générale, car sur ces sujets l’on ne peut généraliser. Nous ne prétendrons pas être exhaustifs, car toutes les études et recherches n’y suffiraient pas. Mais des éclairages peuvent être portés
sur la double question de savoir ce qui fait et ce que font les étudiants, au travers de phénomènes d’inscription
dans une identité ou de leurs réalisations collectives
les plus précieuses.

L e troisième numéro de cette revue relève ainsi d’une double volonté : tenter de comprendre en quoi, pourquoi et comment l’on est étudiant ; et mettre en avant les projets et réalisations de ceux qui, par leur engagement, par leur volonté de vivre leurs études non en simples consommateurs mais comme citoyens pleinement responsables, font de l’université un lieu d’engagement et d’action. Et se rendent eux-mêmes acteurs d’une société en devenir. Dans ses « Propos sur le bonheur d’être engagé », Thomas Poirier, vice-président d’Anima’Fac, retrace l’analyse du « fait associatif étudiant » qui est la nôtre. Et se penche sur une extraordinaire variété de formes et de champs d’action, pourtant doublée d’une réelle cohérence quant au fonctionnement, aux principes fondateurs et à l’intérêt politique et social d’un tel mouvement à l’inventivité sans cesse renouvelée.
Le monde universitaire en prend aujourd’hui conscience, comme le montre notre compte-rendu du colloque organisé au mois de décembre 1998 par la Conférence des présidents d’université. Après bientôt quatre décennies de massification de l’enseignement supérieur, on peut y lire enfin l’inscription « officielle » de la vie étudiante dans l’université, tant par les thèmes abordés lors de cette journée que par la participation massive des responsables syndicaux et associatifs étudiants eux-mêmes. Nous présentons en illustration dans ces pages, sous la forme de témoignages, de « fiches d’expériences », l’essence et l’action d’une bonne vingtaine d’associations qui nous ont paru, par leur originalité ou leur vitalité, symboliser quelques aspects de l’engagement étudiant en ce qu’il a de plus imaginatif ou de plus efficace. Choisir entre des centaines et des centaines de réalisations était impossible, et Nadia Bellaoui l’a pourtant fait : qu’elle en soit ici remerciée.
L’« identité étudiante » unique n’existe pas – ça se saurait. Mais des pratiques, des consciences, des stratégies identitaires traversent et, parfois, unifient les mondes étudiants. Pour mieux les comprendre, nous avons réuni avec Valérie Becquet quelques contributions portant sur l’histoire d’un statut bien particulier, étudié par Robi Morder ; sur ce « métier d’étudiant » dont Alain Coulon nous explique la spécificité ; avec Sabine Lacerenza, sur les pratiques culturelles et quelques figures représentatives que l’on peut en déduire. Et enfin sur quelques exemples d’identités minoritaires présentes au sein du monde étudiant : soit qu’elles découlent d’une pratique religieuse ou d’une origine géographique, comme nous l’expliquent Charafeddine Mouslim et Ardiouma Sirima ; soit que, plus spécifiques et fussent-elles contestables dans leurs modalités ou leurs finalités, elles méritent que l’on y porte le regard – à l’exemple du bizutage sur lequel s’est penchée Brigitte Largueze et qui est désormais passible de sanctions pénales.
Espérons que ces regards croisés montreront l’unité dans la diversité de ce qui est à la fois un statut, une période par définition transitoire, et un monde. Mais qui se veut – aujourd’hui plus que jamais – ouvert sur la société, conscient de ses enjeux et acteur de sa transformation.


Matthieu Crocq
président d’Anima’fac



Apprendre à “danser dans les chaînes” :
Propos sur le bonheur d’être engagé quand on est étudiant

Étudiant à l’Institut d’études politiques de Paris,
Thomas Poirier est vice-président d’Anima’Fac.

F rileuse, la jeunesse d’aujourd’hui ? On l’a beaucoup écrit. Toute une génération, ayant grandi dans la crise, incarne la rupture avec une ère de croissance économique et d’ambition sociale : on la dit usée, avant même d’avoir servi ; et désabusée, sans avoir eu besoin de croire. Ils auraient bien des raisons de se montrer résignés, ceux qui, ayant grandi au cours de ces années, peuvent décliner leur malchance comme une identité historique. Victimes des caprices de la croissance, ils trouveront tard un emploi souvent marqué par la précarité, la mobilité perpétuelle et l’effondrement des protections.

Durant leur vie active, ils pourront aussi songer à la retraite qu’ils n’auront pas, car, par ironie de la logique démographique, cela même qui les prive des espoirs d’ascension pendant leur jeunesse leur compliquera sérieusement le repos une fois parvenus au terme de leur parcours professionnel. Entre temps, ils auront eu à produire deux fois plus d’efforts pour assumer la surabondante génération de leurs parents, celle du baby-boom, tout en prenant sur eux pour s’adapter à la « nouvelle donne internationale ». Pas étonnant, dans ces conditions, que la crise économique se redouble d’une faille idéologique : épuisement des modèles de société alternatifs, crispation sur des valeurs plus matérielles, individualisme, repli sur soi.

On trouverait dans les nouveaux ingrédients des mouvements étudiants bien des éléments à l’appui de cette analyse. Mais avant cela, il faut faire une mise en garde : les observateurs du monde étudiant sont régulièrement victimes de deux effets d’optique. Le premier, c’est l’effet loupe : une tendance à surestimer l’influence des grandes organisations à la notoriété établie. La visibilité de ces organisations est telle qu’on les confond facilement avec le monde étudiant. La prédilection des politiques et, d’une manière générale, des acteurs de la vie de l’université pour ces structures est compréhensible : elles offrent l’avantage de savoir se rendre visibles et audibles, tant de la communauté universitaire que des médias, elles bénéficient d’une certaine pérennité des acteurs, d’une assez grande cohérence de vue dans le temps et l’espace. Toutes ces choses sont utiles, mais elles ne permettent pas de jauger la volonté d’implication des étudiants dans la vie sociale.

L’autre effet d’optique est l’effet de flou qui conduit à ignorer, au profit des formes stables, le foisonnement des éléments isolés. Cet effet conduit à occulter la capacité d’un nombre important d’étudiants à bâtir de petites structures, taillées sur mesure pour un événement ou un projet, dont l’activité s’arrête parfois lorsque leur objectif immédiat est atteint. En termes stricts de formation à la citoyenneté, d’apport à la vie de la cité, d’influence sur la perception politique des étudiants et d’intégration sociale, ce type d’engagement se révèle déterminant, même s’il est autrement plus difficile à appréhender. On découvrira ces terres, presque vierges d’études théoriques, avec l’émerveillement de l’explorateur et l’excitation du chercheur d’or.

Le fait associatif rassemble plusieurs dizaines de milliers d’étudiants. Deux caractères au moins justifient qu’on commence à observer cet univers de près : son développement rapide, sur les décombres de ce que furent les formes d’engagement plus politiques des années 1960 ; son bouillonnement actuel, peut-être annonciateur. Quel type d’initiatives range-t-on sous ce vocable ? Il est difficile de parvenir à une définition stricte, tant les formes d’engagement sont variées et tant ce monde foisonnant et hétérogène ne se laisse pas facilement cerner. Disons que des jeunes sont engagés à des titres divers dans des projets collectifs qui représentent du temps passé à ne pas s’occuper directement de soi. Ils prennent du temps, consacrent des efforts, de l’attention, parfois une certaine frénésie, à accomplir des desseins qui sortent des canons ordinaires de la réussite personnelle. Malgré l’extraordinaire profusion des formes d’engagement et l’étendue des champs couverts (de la culture à la technologie, de l’œnologie à l’intégration, en passant par la solidarité internationale, l’écologie, la philosophie politique ou la photographie…) la cohérence de l’ensemble du fait associatif est bien réelle. On la retrouve dans le quotidien, les projets élaborés, chiffrés, les moyens rassemblés, les échéanciers, les stratégies de communication… Des heures et des journées de travail en sus des tâches scolaires. On la retrouve également dans des acteurs aux profils très divers mais dont les capacités d’organisation et de communication deviennent souvent remarquables.

Ceux qu’on avait tant voulu repliés sur eux-mêmes peuvent ainsi surprendre. Pourtant, il est vrai que bien des traits distinguent les engagés d’aujourd’hui des enragés d’hier. Parmi eux, une relative dépolitisation, dont il faut encore mesurer l’ampleur et le sens.

Les étudiants mettent souvent en avant l’apolitisme pour exprimer leur méfiance vis à vis des structures partisanes et, en général, de toute parole liée ou récupérée par des intérêts qui leur échappent. Cette méfiance est à l’œuvre dans bien des associations, aussi bien à l’échelle locale que nationale. Au sein de l’Université, elle reflète la crainte d’être « catalogué » par les autres étudiants, les professeurs, voire les futurs employeurs. Aussi l’apolitisme est-il une forme de conformisme, s’imposant de façon aussi abrupte que la politisation en d’autres temps. Bon nombre d’étudiants refuseraient de se voir qualifiés de « militants » alors même qu’ils se trouvent engagés dans des formes d’action à caractère social ou politique. Dans certaines « assemblées générales » traditionnellement plus politisées, c’est avec beaucoup d’imagination que le jargon d’autrefois jugé « ringard » est remplacé. Combien d’expressions magiques des années 1970 sont ainsi devenues taboues, par l’étonnante alchimie des modes et de l’histoire qui façonne les engagements étudiants ?

La conséquence de ce phénomène se reflète dans le peu de cas fait à la culture sociale, politique ou historique, et dans l’indifférence — voire la répulsion — pour les abstractions. L’action, le résultat immédiat ou à moyen terme, tendent à remplir l’intégralité du champ des préoccupations. Peu importe, en quelque sorte, ce que l’on sait, ou ce à quoi l’on croit, dès lors que ce qu’on fait a une utilité palpable, certaine, démontrable. Cela signifie-t-il des étudiants moins engagés ? Certainement pas : plus méfiants, moins bavards, certes, mais non moins résolus à obtenir ce qu’ils veulent, pourvu qu’ils en jugent l’enjeu essentiel.

L’exemple des derniers mouvements étudiants ou lycéens est assez parlant. L’objet n’est pas alors de marquer son opposition à une énième réforme de l’Université jugée inéquitable, mais de réagir à l’effritement des budgets et au manquement de l’État à ses engagements. C’est une mobilisation, non pas certes de spécialistes, mais d’étudiants assez au fait de la vie de l’Université pour pouvoir chiffrer correctement les besoins de leur établissement. Les « conditions d’étude » deviennent le slogan de manifestants qui n’ont guère d’engagements politiques ou syndicaux, mais que l’expérience associative, la bonne connaissance de leur établissement et l’écoute des étudiants ont amenés à l’animation de mouvements.

Parfois les associations n’engagent pas leur nom dans la bataille. Elles ont en effet tendance à juger l’affaire trop « politique », et préfèrent éviter le risque de gâter le consensus interne et la neutralité externe qui leur ont permis de se développer. Comme lieu de passage très fréquenté elles sont toutefois des terrains de prédilection pour s’informer, s’organiser, débattre de la dernière manifestation, ou du principe même d’une manifestation. D’autres fois en revanche elles prennent franchement appui sur le mouvement pour se développer et se structurer autour des problématiques de l’Université, avant d’élargir leur centre d’intérêt à l’ensemble du champ politique. Il demeure, encore aujourd’hui, un nombre non négligeable d’étudiants engagés dans des associations de réflexion, d’information ou d’action formées à l’occasion du mouvement de 1995.

Un phénomène comparable est à l’œuvre dans la lutte contre l’extrême droite. Là encore l’Université a été le terrain privilégié de la riposte contre la montée en puissance du Front National et, dans les cortèges, les étudiants sont de loin la population la plus représentée. Toutes les associations ne prennent pas officiellement parti contre l’extrême droite, beaucoup d’entre elles pour les raisons évoquées plus haut. Il n’en demeure pas moins que les étudiants impliqués dans la vie de leur campus, parce qu’ils sont engagés dans des projets collectifs, et parce qu’ils sont, bon gré mal gré, des intervenants sur les scènes locales, se retrouvent largement dans ces types d’initiatives. La frontière ici est peut-être davantage celle qui sépare les étudiants « impliqués » des autres, qu’entre les différentes formes d’engagement.

On l’aura compris, l’apolitisme n’est pas l’incivisme. Il ne s’agit pas de ne pas aller voter, ni de professer un scepticisme strict et sans compromis : il faut seulement ne pas mélanger les genres. On pourrait alors parler d’une « laïcisation » des projets collectifs, mais nullement de leur dépolitisation, au sens strict. L’implication des étudiants dans la vie de la cité se veut désormais directe ; elle s’appuie sur des structures autonomes et de taille humaine ; elle a tendance à refuser la médiation des grandes structures partisanes dans lesquelles les étudiants ne se sentent pas suffisamment pris en compte. Deux exemples d’initiatives étudiantes en direction de la ville illustreront cette hypothèse.

Certains spectacles amateurs sont des mines d’inventions. Ils témoignent d’une volonté sans pareille au service d’expressions originales de solidarité. Ceux d’« Arts, Culture et Sida » à Rennes, furent un modèle du genre. Ils prenaient la forme d’interventions théâtrales qui viennent s’inscrire au cœur de la vie quotidienne des citadins. L’enjeu était d’arracher les passants à leurs occupations pour les ramener, pour quelques minutes, à la mémoire et à la vie des victimes de l’épidémie. Silence et réflexion venaient alors rompre le rythme d’une musique, d’un lieu de passage, de l’habitude. C’était un concert d’orgue à la Basilique Saint Sauveur interrompu pour laisser place à la méditation puis à l’improvisation de l’interprète. Ou bien un couple qui se produisait intempestivement dans un restaurant, à la sortie d’une messe, dans un hall de gare. Il fallait alors peu de temps au petit monde de la rue pour, de passant, devenir public. Entre temps, le message - ou plutôt le silence - était passé.

L’association grenobloise « Arts mêlés » est également un exemple de l’énergie que des étudiants peuvent mettre au service de l’animation de leur métropole. Celle-ci produit chaque année, vers la fin du mois de mars, un festival des arts où, pendant une dizaine de jours, des conteurs, des acteurs, des graphistes, des musiciens, présentent leurs œuvres dans la ville. Des ateliers élaborent les spectacles pendant l’année ; pour répéter malgré la pénurie de locaux, la débrouillardise est de mise : parfois c’est une maison de retraite qui héberge les jeunes artistes. La constitution d’un budget n’est pas plus facile : comme les partenariats se font rares, l’association, pour se financer, a dû se présenter cinq années d’affilée aux mêmes concours.

Cette boulimie d’initiatives est un signe de santé pour la jeunesse d’aujourd’hui. L’associatif étudiant doit être encouragé, car il représente une véritable promesse pour la société. On peut en mesurer l’utilité sociale au moins à trois niveaux : d’une part, en terme d’intégration sociale et d’animation de l’université dans des campus qui souvent ne brillent pas par leur convivialité et au sein desquels le “délit d’initié” joue à plein. D’autre part, en terme de formation extra-scolaire et pré-professionnelle pour ceux que la pratique des projets collectifs prépare aux défis qu’ils auront à affronter dans leur vie professionnelle. Quelle meilleure école, en effet, de la responsabilité et de l’investissement personnels ? Le projet, la « cause commune » qui soudent chacun des membres à un dessein collectif constituent un bon avant-goût de ce que seront les exigences humaines (d’entente, de compromis personnel, mais aussi de créativité et d’initiative) du monde professionnel. Bien comprise, la démarche associative pourrait résoudre la quadrature du cercle des entreprises collectives : à savoir concilier le sens d’une discipline raisonnée avec celui de l’initiative innovante et utile. Une façon d’apprendre, en reprenant Nietzsche, à « danser dans les chaînes ».

Elle se mesure enfin dans la créativité sociale dont ces projets font souvent preuve et qui mériterait d’être mieux mise en valeur. Car ce milieu bouillonnant sait aussi être le théâtre de solutions innovantes. C’est là sa plus grande richesse, faite de spontanéité, d’esprit d’initiative et d’astuce convoqués quotidiennement pour l’animation de son environnement. Pour le plus grand bonheur de la collectivité.


Dossier : l’étudiant, l’université, la cité.


Introduction
Le 9 décembre dernier, la Conférence des Présidents d’Université organisait un colloque sur “l’étudiant, l’université, la cité”. Il s’agissait de mettre l’accent sur des initiatives menées par des administrations ou des associations étudiantes et contribuant à animer l’environnement de l’université.

I l s’agissait aussi, même si cela n’a pas été au centre des débats, d’avancer sur la piste des “commissions de sites”, locution apparue dans le plan social étudiant présenté à l’Assemblée nationale par Claude Allègre, en juillet dernier, pour désigner des comités constitués d’étudiants, d’administratifs, d’élus des collectivités territoriales, chargés de coordonner l’essor de la vie étudiante sur le plan local, dans un large débord sur la ville.
Le thème était neuf pour l’institution universitaire et, à notre connaissance, jamais la vie étudiante n’avait été au cœur des travaux d’un des colloques de la CPU. Jamais non plus les étudiant n’y avaient été aussi présents, associés et mobilisés en nombre pour cette manifestation.
Factuel la Revue a donc tenu à saluer l’ouverture de cette réflexion, en attirant l’attention de ses lecteurs sur les thèmes abordés à Lille. Cela dit, et à proprement parler, les pages qui suivent ne sont pas des actes. Il nous a semblé plus pertinent de mêler aux propos rapportés d’autres témoignages, qui n’avaient pu être présentés au cours de cette bien courte journée.
Cela nous permet de évoquer ici une palette plus large des formes d’actions étudiantes, qu’elles soient animations culturelles, qu’elles fassent œuvre d’intégration au campus, à la ville, au pays, qu’elles révèlent le rôle des média étudiants…
Mais l’esprit reste celui qui a soufflé sur Lille, vers une mise en lumière des expériences innovantes ou exemplaires, favorisant, par la description de leur mise en place, leur transcription sur d’autres sites. Si les situations ne sont jamais identiques, si les acteurs locaux, sans se suivre, ne se ressemblent pas, il nous paraît pourtant peu dispensable de souligner l’actualité et la prégnance de la question de l’animation de la vie universitaire ; d’autant que les initiatives qu’ils conviendraient de prendre ne sont, souvent, pas si complexes à faire naître et conforter.

Discours d’ouverture de Jean-Claude Fortier et Jocelyne Pérard

Jean-Claude FORTIER, Recteur de l'Académie de Lille.

J e suis ravi que vous ayez été aussi nombreux à répondre à l'invitation des Présidents d'Université, pour ce colloque qui sera consacré à l'intégration des étudiants dans la ville, qui est l'une des conditions essentielles de la réussite de leur vie universitaire. Je souhaite vous dire, au nom du Ministre, tout notre attachement à l'amélioration de la vie étudiante.

Permettez-moi de rappeler quelques mesures significatives prises depuis le début de l'année universitaire : augmentation de 6 % du plafond des bourses de premier échelon, distribution de 12 000 aides individualisées exceptionnelles supplémentaires, mesures visant à accroître le nombre de boursiers de l'enseignement supérieur, attribution de bourses de mérite à des bacheliers issus de milieux modestes, etc. Le budget des bourses augmentera de 9,3 % en 1999. Les bourses sur critères sociaux seront attribuées pour l'ensemble du cycle, avec la possibilité de les conserver en cas d'échec. Les conditions d'exonération des droits d'inscription et de Sécurité sociale seront assouplies.
Toutes ces mesures expriment la détermination du Ministre à offrir les meilleures conditions d'études à tous les jeunes et ce, le plus rapidement possible.
Nous préparons actuellement le schéma Université du troisième millénaire. Il est comparable, à bien des égards, au schéma Université 2 000 lancé il y a dix ans par Lionel Jospin, alors Ministre de l'Éducation nationale.
Mais à l'époque, il s'agissait avant tout de relancer le potentiel d'accueil des universités françaises. Aujourd'hui, les priorités sont différentes. L'ère du “ tout béton “est dépassée : nous sommes désormais à l'ère des transferts de matière grise et de la communication. Cependant, un quart de l'enveloppe nationale s'appliquera spécifiquement à l’amélioration de la vie étudiante. C'est dire si la perspective fixée est en phase avec les préoccupations qui vont s'exprimer ici au cours de cette journée.
Dans les universités françaises, je vous invite à réunir les CEVU pour réfléchir ensemble à l'avenir. Je souhaite que ce projet U3M se construise dans la plus grande concertation possible, notamment à propos des universités nouvelles, qui sont confrontées à des difficultés spécifiques en matière de restauration et d'hébergement, du fait de leur structure multipolaire. Il est inadmissible que certaines structures n'offrent aucune possibilité de restauration à leurs étudiants. La solution des restaurants universitaires classiques n'est pas transposable dans ce cadre. Pourquoi, dès lors, ne pas concevoir des restaurants universitaires ouverts sur la ville, accessibles à d'autres publics que les étudiants ?
L'amélioration de la vie étudiante passe aussi par une concertation accrue entre les pouvoirs publics et les utilisateurs. Je suis, pour ma part, attaché à la mise en place d'une commission de la vie étudiante sur chaque site. De structure tripartite (étudiants, enseignants, collectivités locales), ces commissions auraient vocation à traiter de nombreux aspects de la vie étudiante, qui est partie intégrante de la vie sociale dans sa globalité : hébergement, restauration, mais aussi santé, sport, culture, accueil des étrangers, etc.
Les recteurs et le ministère seront très attentifs aux conclusions de vos travaux, ne doutant pas qu'ils permettront de contribuer à l'amélioration de la condition étudiante et de l'intégration des étudiants dans leur ville.

Jocelyne PERARD, Présidente honoraire de l'Université de Bourgogne.

Ce colloque s'inscrit pleinement dans la stratégie développée depuis plusieurs années par la CPU, plaçant l'étudiant au centre de la vie universitaire. Pour ce faire, la CPU travaille en partenariat avec les structures étudiantes, les collectivités territoriales et les associations étudiantes pour améliorer les conditions de vie sur les campus et construire des universités plus " citoyennes “.
Rappelons-nous des journées de Saint-Malo, où de nombreuses propositions avaient été émises, ou encore le colloque de Dijon consacré à la santé des étudiants, voire les nombreuses participations de la CPU aux journées de réflexion initiées par d'autres partenaires, sur la citoyenneté étudiante, les enfants handicapés, etc. Enfin, je tiens à souligner les actions de la commission Questions sociales, qui a fortement contribué à l'organisation du présent colloque.
Ce rassemblement de Lille ne se limite-t-il pas, au fond, à un colloque de plus ? Non bien sûr. Il revêt une importance toute particulière, à plus d'un titre. Tout d'abord, il a été annoncé par Claude Allègre lors de la présentation du plan social étudiant. Il intervient également au moment où le gouvernement met en place le plan U3M, qui comporte de nombreux enjeux étudiants. Ce colloque devrait donc offrir des repères intéressants, sinon de véritables outils, notamment pour la réalisation de ces deux plans. Ses travaux pourraient aussi servir de base de réflexion au sein de groupes de travail et de tables rondes déjà constituées. Par exemple, le contenu de certaines expériences présentées aujourd'hui pourrait offrir des pistes précieuses au groupe de pilotage interministériel sur l'éducation artistique et culturelle de la maternelle à l'université.
Enfin, ce colloque procède d'une démarche que je juge très positive : la mutualisation, chère au cœur de la CPU. En amont, nous avons lancé une enquête exhaustive auprès des universités pour collecter des exemples d'initiatives étudiantes validées par les établissements. Nous avons ensuite sélectionné un certain nombre d'expériences qui seront présentées aujourd'hui. Vous retrouverez néanmoins dans la documentation qui vous a été fournie toutes celles qui ne seront pas exposées ici, faute de temps. Il s'agit donc bien d'une démarche de mutualisation, de partage d'expériences, qui s'inscrit dans le droit fil des actions menées par la CPU depuis plusieurs années.
C'est enfin une démarche novatrice car les acteurs des expériences présentées, mais aussi les promoteurs et les animateurs, sont les étudiants eux-mêmes. Ce sont eux qui proposent les projets aujourd'hui.
Après avoir remercié l'Université de Lille 2 de nous accueillir aujourd'hui, je tiens à souligner le vœu exprimé par la commission Questions sociales et vie étudiante, pour que ce colloque soit prolongé, chaque année, par d'autres manifestations du même type. Je lance donc un appel à tous les Présidents d'Université pour faire de ce vœu une réalité.




Témoignages
Certains des témoignages qui suivent ont été présentés lors du colloque de la CPU ; les autres nous ont semblé exemplaires, donnant un aperçu significatif de la diversité et de l’imagination de ce monde bouillonnant.

AFEV

Fondée il y a sept ans par d’anciens responsables de l’UNEF-ID, l’AFEV s’est fixée pour mission de favoriser l’insertion des étudiants dans leur ville à travers des projets de solidarité en faveur des quartiers défavorisés. C’est par l’accompagnement scolaire que tout a commencé, avec le dispositif suivant : l’AFEV contractualise avec des collectivités locales et des écoles, cherche à recenser les étudiants volontaires et les forme pour que ceux-ci prennent en charge l’aide aux enfants en difficulté. Ce parrainage se déroule selon les cas au sein de la famille, à l’école ou dans des locaux de quartiers.
Les préoccupations pédagogiques sont bien sûr au cœur de la démarche de l’AFEV. C’est évident en ce qui concerne l’accompagnement scolaire : on ne s’improvise pas formateur efficace du jour au lendemain, cela s’apprend. Mais c’est une expérience formidable pour ceux qui franchissent le pas.
Les étudiants ont le plus souvent droit à un échange de service financé par les collectivités locales, comme un accès privilégié à des spectacles culturels, la mise à disposition de matériel informatique… Mais beaucoup préfèrent un bénévolat absolu et n’exigent pas leur contrepartie.
Aujourd’hui les coordinateurs de l’AFEV, forts du soutien du Fonds d’Action Sociale, de la Direction Interministérielle de la Ville et du Ministère de l’Éducation Nationale pour ce qui est public, de la Caisse d’Épargne, de la MNEF et de la Fondation Air France pour ce qui est privé, annoncent 5 000 étudiants volontaires, 7 000 enfants suivis sur près d'une centaine de sites.
Au fil du temps, l’AFEV a fait le choix de diversifier ses activités. On peut combattre l’exclusion sans tomber dans la morosité, s’exclament ses animateurs ! Toutes sortes de projets étudiants s'appuient sur l'AFEV pour se développer et l’AFEV a pris la (bonne) habitude de collaborer avec les associations étudiantes locales.

AFEV
26 bis, rue du Château -Landon
75010 Paris
tél. : 01 40 36 01 02 fax : 01 40 63 75 76

Les Amphilanthropes, de Strasbourg

Les grèves de décembre 1995 ont été l’occasion d’une certaine mobilisation à Strasbourg, offrant ainsi la possibilité de donner un coup de fouet à une université somnolente. C’est le raisonnement qu’a suivi l'équipe des Amphilanthropes, résolue à canaliser l’éveil inattendu des étudiants.
Le premier défi a consisté à présenter une liste inter-associative aux élections étudiantes. Cette liste a été le point de départ d’un rapprochement efficace des différentes amicales de l’Université de sciences humaines, représentant des filières nombreuses mais trop éparpillées. Désormais majoritaires dans les conseils de l’université, les Amphilanthropes s'appuient sur cette coordination d’une douzaine d'associations pour favoriser le développement des projets associatifs.
Chaque année, une semaine de spectacles, rencontres et événements de tous genres, proposée à la rentrée par l'ensemble des associations, permet d'encourager les étudiants à s'approprier l'université pour y développer des projets. Les Amphilanthropes publient un journal : “L’azimut”, panorama de la vie associative et de l’actualité universitaire. Ils multiplient les initiatives inter-associatives sur des thématiques telles que la prévention contre le SIDA ou l'éducation au développement.
La dynamique inter-associative portée par cette coordination a non seulement permis de réaliser des initiatives de plus grande envergure, mais elle a pu profiter à chacune des associations membres, qui développent une activité propre tout en s'ouvrant aux autres.


Les Amphilanthropes
Bureau de la Vie Étudiante
Université Marc Bloch
22, rue Descartes
67084 Strasbourg CEDEX
tél : 03 88 41 74 59

Architecture et développement, Paris

Implantée au sein de l’École d’Architecture de Paris la Villette, Architecture et Développement veut réarticuler la formation théorique à la formation professionnelle. La récente réforme de l’enseignement permettant de mieux insérer le stage obligatoire dans le cursus, Architecture et Développement s’est impliquée dans l’enseignement théorique et les stages pratiques professionnels. Son action se fonde sur un triple constat :
- La question de l’habitat est devenue une préoccupation majeure dans les politiques de développement, due aux phénomènes d’urbanisation généralisée qui modifient profondément le rapport entre ville et campagne.
- Le système des acteurs du développement se complexifie.
- La formation actuelle des architectes reste trop peu ouverte à la diversité des pratiques nouvelles. Le rôle de l’architecte ne peut se réduire à une simple réponse technique : il doit être capable de coordonner son travail au sein d’un projet pluridisciplinaire, au service d’un projet global de société.
L’association, partant de ces constats a donc défini ses objectifs comme étant :
- Construire et élargir les compétences des futurs architectes/acteurs des projets de développement.
- Renforcer la présence de la culture architecturale dans l’approche du développement. Parce “qu’il est indispensable de capitaliser les expériences, encourager les innovations et faire connaître les acquis dans les pratiques architecturales de développement”.
- Élargir les modes d’interventions auprès des acteurs et opérateurs du développement.
- Aider techniquement à la réalisation de projets, de la programmation à la maîtrise de l’œuvre, de l’évaluation à l’assistance et la maîtrise de l’ouvrage, toutes les missions qui recouvrent le domaine architectural sont possibles.
Les animateurs d’Archi et développement aident à la réalisation de projets mais restent conscients du décalage engendré par les rapports Nord/Sud et refusent l’idée d’imposer un mode de développement malgré tout. L’association considère ses actions comme une aide au développement autonome des communautés, un appui technique et dynamique à la prise en charge des projets pour les usagers.

Architecture et développement
École d’architecture de la Vilette
144, avenue Corentin Cariou
75019 Paris
tel : 01 44 65 23 79



Arts mêlés, de Grenoble

L'association organise chaque année un festival offert gracieusement aux Grenoblois. Monté au début du printemps, celui-ci abrite des concerts gratuits donnés sur le campus, des personnalités invitées dans toute l’Europe pour monter un spectacle, des représentations de pièces contemporaines, une ambiance où se mêle la fête et l’esprit de découverte.
Arts mêlés, qui a vu le jour en 1989, tourne toute l’année à plein régime. Fonctionnant par ateliers, qui sont souvent complémentaires (d’où le nom), l’association héberge aussi bien du théâtre que du chant, des arts plastiques, de la photo, des percussions, et même… un atelier de contes populaires ! Car chaque animateur monte, dans l’atelier de son choix, son propre projet, auquel il fait participer les nouveaux arrivants.
L’activité des ateliers est alors tributaire de la personnalité de ceux qui en sont en charge. Parfois, les résultats sont assez impressionnants : ainsi, l’animateur de l’atelier “contes”, qui pouvait réciter à la fois Prévert, des récits africains ou des légendes “bien de chez nous” (?), est tout simplement devenu… conteur professionnel !
Les ateliers d'Arts mêlés ont à la fois pour but de faire cohabiter des disciplines très diverses, et de les faire s’entraider quand c’est utile. Ainsi, si c’est l’atelier “chant” qui prépare la comédie musicale du Festival, ce sera à celui d’Arts plastiques de contribuer aux décors, et à celui des percussions de prendre en charge l’animation des pièces. Mais il y a une vie après le Festival : pendant l’année, les “Arts plastiques” exposent leurs toiles, invitent des grapheurs, tandis qu’on prépare, par exemple, les habits de mardi gras pour un spectacle déguisé.
Tout n’est pas rose pourtant. Les locaux ne sont pas toujours au rendez-vous, et il faut souvent savoir déployer pas mal d’imagination pour composer avec la pénurie ambiante. Quant au budget, il est très rare qu’il puisse être bouclé dans de bonnes conditions. L’association doit se présenter, par exemple, chaque année au même concours (celui du Pôle européen de l’Université) et elle y gagne, chaque année, inlassablement, de quoi assurer le minimum vital (le reste étant abandonné à la bonne volonté des participants). Le premier prix. Évidemment.

Arts mêlés
Université Stendhal
BP 25
38040 Grenoble CEDEX
Tél. : 04 76 82 77 53 Fax : 04 76 82 43 84

Association des Étudiants de La Rochelle

"Il y a des étudiants dans la ville !” s'écrièrent les associations étudiantes qui se réunirent en 1992 pour fonder l'AER, Association des Étudiants de La Rochelle. Car La Rochelle, à l'époque, c'était la flambée des loyers, des problèmes d'intégration en pagaille, des carences en locaux. L'idée, c'était alors de permettre aux dizaines d'associations étudiantes dispersées dans La Rochelle de se réunir pour devenir un interlocuteur unique auprès des collectivités locales. L'AER s'installe au Technoforum, vaste conglomérat techno culturel, dans le quartier des Minimes, où l'Université a son siège social. Le pari a vite été gagné : quinze associations les rejoignent, allant de l'Université à l'École d'infirmières, en passant par les IUT ou la Sup' de Co locale. Dans cette ville d'une centaine de milliers d'habitants, sept mille étudiants sont concernés, dont cinq mille dans la seule Université. Fin 1993, une MDE (traduisez : Maison Des Étudiants) se crée dans l'Université à l'initiative de l'AER. On y déborde d'activité : les sportifs se retrouvent dans ce lieu hétéroclite en côtoyant les théâtreux, qui y ont installé un club. Derrière, quelques notes de Blues s'égrènent : c'est Blue Note, une association de musiciens, qui répète un concert prochain. Quant à Ciné-Vor, ils diffusent des films en VO. Spectaculaires, les locaux de Nouvelle FM, une radio entièrement étudiante. Toujours du côté “médias”, un magazine de l'AER paraît régulièrement, « Le Mag » : vrai canard de 16 pages tout en couleurs et… gratuit. Si les associations impliquées dans l'AER sont toutes représentatives, l'association tient à demeurer strictement indépendante.

AER
Maison de l’étudiant
La ville en bois - Rue cardinal
17000 La Rochelle

Association Sportive de Paris 3

À l’association sportive de l'université de Paris 3, le but est de développer un maximum d’activités et d’y faire participer le plus de monde possible, étudiants, personnels, profs.
"Le sport n'est pas la guerre”, mais plutôt une bonne quarantaine d’activités, du football au tir à l’arc, du patinage à l’aïkido, en passant par le jogging et l’équitation, des stages de ski ou de voile, des tournois de volley ou d’échecs ouverts à tous… « Aucune limite n’est faite, car aucune limite n’est possible entre sport, jeu, danse et culture » explique un des responsables. Le tout concocté pour les 1 400 adhérents de l’Association, qui se trouve ainsi la plus recherchée de l’Université.
Mais l'association a un autre cheval de bataille : la communication, l’échange. Ça commence par la collaboration avec d'autres AS : léger coup de main à celles qui débutent ou sont trop petites pour pouvoir élargir leurs activités, échange d’activités ou création d’activités communes.
L’Association Sportive de Censier se sent pleinement association étudiante de l’Université. Alors, elle n’a pas seulement débaptisé son journal “Le Petit Sportif” pour le nommer “Les Cent Ciels de Paris 3”, en y traitant tous les sujets d'actualité, mais se donne pour mission d’aider les projets étudiants en mettant à leur disposition ses moyens logistiques et même éventuellement une partie de son budget. Enfin, l’AS de P3 est partie en campagne de coordination des associations de l’Université en organisant le premier forum des assos. L’investissement dans la vie universitaire et le monde associatif n’ont donc pas empêché cette AS originale de développer son activité propre, bien au contraire : un jeu d’équipe sans faille, un esprit sportif à toute épreuve, et les résultats sont indiscutables.

Campus actif, de Rouen

Campus Actif est né au cœur de la Fac de Sciences de Rouen en 1993. Ses fondateurs avaient en tête un double objectif : animer l'Université et représenter les étudiants. La traduction fut immédiate, via la mise à disposition des étudiants de sujets d'examen, un de ces petits riens qui rendent la vie plus facile et permettent du même coup d'établir et de faire connaître l'association. Mais la vaste mission définie au départ allait de pair avec une plus grande diversité des activités et une extension à toute l'Université en Lettres, en Psycho et en Droit. Campus Actif organise des cycles de conférences, des ciné-clubs. Et comme selon le dicton, les voyages forment la jeunesse, Campus Actif a répondu présent. À tout cela se sont ajoutés le sapin de Noël et les crêpes, les soirées, un festival de reggae… Bref, de quoi rendre une Université plus conviviale ! Animer la Fac est certes bien, mais les aînés de Campus Actif souhaitaient donner une dimension plus militante à l’association. Forte d'élus aux différents conseils de gestion des UFR, aux différents grands conseils de l'Université, au CROUS et à Campus (tout court, la commission qui gère un budget destiné à favoriser les activités culturelles étudiantes). Bref, Campus Actif est le rendez-vous des étudiants motivés de l'université à Rouen.

Campus actif
UFR des lettres et sciences humaines
76821 Mont Saint Aignan
Tél. : 02 35 14 64 84
Fax : 02 35 15 22 46





Le conseil municipal des élus étudiants de Rennes.

À Rennes existe depuis 1996 un comité consultatif sur la vie étudiante. Cet organe est composé principalement d'étudiants — 4 par universités plus des représentants des grandes écoles — d'élus et d'administratifs municipaux en charge des questions universitaires ; des représentants des institutions concernées par les problématiques abordées sont invités selon l'ordre du jour. La fonction de ce comité est d'impliquer plus largement les étudiants dans la politique de la ville, de réfléchir à certaines problématiques et de proposer des améliorations en la matière.
Quatre domaines ont jusqu’à présent été abordés, les transports urbains, le logement, l’accueil des étudiants, le double recensement, pour des résultats divers mais notables.
Le nombre de bus de nuits a été augmenté, une ligne inter-campus rouverte et un coupon de bus hebdomadaire, mieux adapté au rythme universitaire, a été créé. Les démarches d’acquisition d’un logement ont été simplifiées par la mise en place d'un point d'accueil regroupant différents services. Des visites de la ville en partenariat avec l'office du tourisme ont été organisées et la maquette de la plaquette d'accueil mise à jour. Enfin, une campagne d’information sur le double recensement a été entamée.
Plusieurs autres thèmes sont déjà à l'étude : la carte culture, le bruit en centre ville (le nom même d'une des rues principales du centre laisse tout imaginer : la rue de la Soif !), le contrat de plan État-Région dans lequel des investissements pour l'enseignement supérieur sont fléchés, etc. Cette démarche et ses résultats sont tout à fait notables car ils traduisent deux choses : d'une part la capacités des étudiants à participer à une réflexion qui dépasse le simple cadre du campus universitaire — en l'occurrence la politique de la ville et l'aménagement du territoire — et d'autre part l'importance d'une université dans la cité en terme de rythme de vie - qu’il soit rythme quotidien, avec le réseau de bus nocturnes, ou annuel avec un accueil et des informations spécifiques en direction d'un public nouveau, mobile et rapidement renouvelé. Ainsi les étudiants et l'université sont reconnus comme des acteurs de la cité dont il faut prendre les spécificités en compte sans les “ghettoïser”.
Trois éléments furent en cela déterminants, qui ont permis à l’initiative de prendre corps :
L'importance de la population étudiante à Rennes, la ville comptant en effet 65 000 étudiants sur 200 000 habitants, une implication constante des étudiants dans la gestion de leurs universités et surtout la volonté politique de la municipalité qui a instauré différents conseils consultatifs consacrés à d'autres problématiques.

Contact Laurent Mahé
Tél. : 02 99 14 10 20


Le CRI, de Toulouse

Informer pour rassembler, rassembler pour informer, tels semblent être les mots d’ordre de cette toulousaine association, fondée au sortir des mouvements de grève de décembre 1995. Au cœur du CRI, le local : accessible, ouvert à tous, il est à la fois lieu de rendez-vous, endroit convivial, et centre d’informations — grâce à l’inépuisable base de données patiemment constituée par les étudiants de passage ou autochtones. Tout ce que Toulouse III peut produire en termes d’action citoyenne, de débat politique, de vie associative, tout ou presque se retrouvera, in fine, dans les archives soigneusement classées par les membres les plus actifs du Collectif.
Mais les « crieurs » n’entendent pas s’arrêter là. C’est pourquoi à chaque coin de secrétariat, de resto-U, de bibliothèque, ont été installées des « boîtes à idées » qui donnent à chacun la possibilité de pousser son petit cri propre ; régulièrement relevées par l’association, les suggestions, critiques, interrogations ainsi formulées font alors l’objet d’affichages aux endroits stratégiques, ou encore sont transmises aux élus étudiants des différents conseils. Et des différentes listes, car le Collectif n’a pas pour vocation de présenter ou soutenir des postulants aux élections universitaires, mais plutôt d’informer les électeurs sur le bilan et le programme des candidats, en organisant par exemple une table ronde de présentation des syndicats et corpos, quelque jours avant le vote.
Porteur de projets, le Collectif est à l’origine d’initiatives nombreuses et diverses, réalisées dans l’unité la plus large. Qu’il s’agisse d’une exposition sur l’aide sociale, en partenariat avec l’AGET-UNEF, l’Unef-ID et la Corpo de Sciences, qu’il s’agisse d’une présentation de la médecine universitaire ou d'une sensibilisation à la préservation de l'environnement, qu’il pleuve ou qu’il vente, chaque manifestation est suivie d’une conférence-débat. Début octobre, c’est un spectacle humoristique qui a rassemblé plus de trois cents spectateurs, sur l’inhabituel thème des inscriptions universitaires. Et si les cris s’envolent, les écrits restent : le CRI lance son journal, ouvert à tous, « L’Avis des Amphis ».

CRI Étudiant c/o DVE
Université Paul Sabatier
118, route de Narbonne
31062 Toulouse CEDEX 4
Tél. : 05 61 55 86 75 Tél. : 05 61 55 82 59

ÉCUME, de Montpellier

L’opéra est-il ringard ? L’association ÉCUME (Ensemble choral universitaire de Montpellier) a prouvé le contraire.
ÉCUME tire son origine d’un premier projet artistique ambitieux, la représentation de Summertime, adaptation du “Porgy and Bess”, de Gershwin. Ce projet s’inscrivait alors dans une double logique. Il s’agissait d’une UV (Unité de Valeur), organisée par l’Université, essentiellement pour les étudiants en musicologie. Mais, dès alors, le projet était plus ambitieux, associant des étudiants, quels que soient leurs domaines d’étude, à un projet multi-artistique d’envergure.
Dès l’année 1996, l'association ÉCUME engage son premier projet : la création de “Candide” de Léonard Bernstein, sur des textes tirés du conte philosophique de Voltaire. Avec le soutien de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) et de la ville de Montpellier, qui ont vu d’un très bon œil une initiative étudiante parvenant à mener les étudiants dans les théâtres et les opéras, avec l’appui de professionnels, aussi bien pour la réalisation artistique que pour la gestion administrative, les choristes, les solistes et l’orchestre ont travaillé pendant toute l’année universitaire. Ce travail s’est concrétisé par la tenue de deux versions “concerts” de l’œuvre, dans les amphis du campus de Montpellier, trois représentations scéniques à l’Opéra-Comédie de Montpellier, une série de “tournées” dans les universités, en France comme à l’étranger.
ÉCUME est l’exemple de la réussite d’une association étudiante qui a parfaitement su imposer un réalisme technique et financier pour réaliser un “produit artistique” majeur, sans concession aucune, ni aux modes ambiantes, ni à la facilité. Une dernière chose à signaler, tout de même, est la mention spéciale du jury obtenue lors du Prix de l’initiative étudiante organisé par l’équipe d’Anima’Fac à Campus en été 1997. Un jury rassemblant des responsables du CNOUS, de la Ligue de l’enseignement, de l’association Art + Université + Culture et présidé par le directeur du CROUS de Créteil. Un petit prix pour un immense projet.

ÉCUME
Université Paul Valéry
Route de Mende
34032 Montpellier CEDEX 01
Tél. : 04 67 02 79 22



EMF

Dépassant son lieu de création - Bordeaux - l’association des Étudiants Musulmans de France est présente à l’échelle nationale avec différentes sections : Bordeaux, Lille, Besançon, Limoges, Grenoble et Toulouse. EMF, association culturelle de loi 1901, a dû à ses débuts affronter les scepticismes et les raccourcis faciles d’esprits trop méfiants. Pourtant cette fédération s’est donné comme objectif d’œuvrer pour une meilleure intégration de l’étudiant musulman dans l’espace laïc. Elle se propose de prendre en charge de façon prioritaire l’aspiration des jeunes d’origine musulmane à l’intégration. Il s’agit donc d’une association à vocation généraliste qui se propose de concilier identité musulmane et citoyenneté républicaine, sans que cette dualité soit vécue en terme de rupture.
L’EMF étend son action en trois axes majeurs :
_ le plan culturel avec l’organisation de conférences, de rencontres, et la rédaction d’un journal, plaçant la question de l’islam en France sur le terrain du débat ouvert à tous.
_ l’action syndicale, concrétisée par une participation aux élections universitaires, montrant par la même qu'il n'est pas toujours facile pour une association d'être pleinement reconnue sans éviter ce raccourci.
_ une action sociale qui contribue de manière évidente à l’ouvrage d’intégration de l’EMF. “Nos activités sont diverses et variées, de l’aide aux étudiants en difficulté à l’organisation de soirées et de tournois sportifs, en passant par les sorties et les voyages. Le comité social nous permet de nous tourner vers les autres et d’instaurer un climat de convivialité”.
Comme le précise Abderrahmane, qui anime à Besançon le comité de relation avec la communauté musulmane : “l’islam en France devient l’Islam de France porté par la jeune génération pour qui le “bled” n’évoque qu’une très lointaine affiliation. Il s’agit pour nous, à long terme, de fédérer la communauté musulmane autour d’un projet d’insertion, qui tiendrait compte de cette aspiration : vivre sa foi en harmonie avec la société.

EMF national
BP 82
33402 Talence CEDEX
Tél. : 05 56 31 23 14
Fax : 05 56 31 23 14

Europa 3, de Bordeaux

« Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination… » Les vrais voyageurs sont peut-être « … ceux-là seuls qui partent Pour partir… ». Il manquerait pourtant quelque chose au voyage si l’on se cantonnait à rester entre soi, et à demeurer extérieur au pays qui accueille. Partir, non pour partir, mais pour parvenir quelque part. Au terme de ces tribulations, on aura atteint son but si on a le sentiment d’une appartenance nouvelle, une sorte de supplément d’identité. À ce titre, la rencontre avec ceux qui font le parcours inverse constitue elle aussi un enrichissement, pourvu qu’on sache en dégager l’essence.
« On veut vivre l’Europe ! » La formule n’a rien d’un slogan abstrait. Europa 3, l’association bordelaise est en effet une façon de réaliser concrètement l’Europe. L’idée de créer une structure pour proposer des activités aux étudiants européens est venue, à la rentrée 1994, à des étudiants enthousiasmés par l’accueil qu’ils avaient reçu au cours de leur séjour en Autriche. Depuis, d'autres, tous passés par Erasmus — ont repris le flambeau.
Dès les premiers jours en France, les quelques 150 étudiants Erasmus qui passeront un an à Bordeaux III se voient proposer la visite des lieux, et une aide pour leurs démarches administratives et pédagogiques. Un programme conséquent d’activités jalonne l’année universitaire. Des soirées, bien sûr, des visites de la région, plus qu’alléchantes : initiation à l’œnologie par des étudiants en la matière, visite des producteurs avec dégustation… La Journée de l’Europe, célébrée traditionnellement le 9 mai, est l’occasion de tenir un stand en pleine ville, alors qu’un rallye pédestre initie les étudiants étrangers aux mystères de Bordeaux, rallye suivi d’un vin d’honneur (encore ? !). Une nuit de l’Europe clôt l’événement, au cours de laquelle Miss et Mister Europe sont élus. À la St-Nicolas, c’est aux “invités” de créer l’animation, en montant un spectacle dans l’Université.
Ainsi va Europa 3, au rythme des trouvailles et des projets des étudiants Erasmus.

Europa 3
Bureau des RI - Univ Montaigne
33405 talence CEDEX
Tél. : 05 56 84 50 81
Fax : 05 56 84 51 82

FFJAV

La Fédération Française des Jeunes Amis du Vin (FFJAV) a beaucoup pour plaire. À première vue, le créneau n'est pas trop risqué, la France et le vin font plutôt bon ménage. Mais il en va autrement quand on s'adresse à un public de ”jeunes” qui, s'il aime le vin sur le papier (?), ne le pratique pas toujours avec discernement (l’assiduité ne fait sûrement pas défaut).
Les sept clubs d'œnologues amateurs a l'origine de la fédération ont accompli un bout de chemin en quatre ans d'existence, devenant, par un prompt renfort, quatre-vingt, et s'ils arrivent au port c'est pour décharger les caisses de vin à tarif réduit qu'ils fournissent à leurs adhérents. Entre autres services offerts par la Fédération, on compte la lettre des jeunes amis du vin, publication destinée aux adhérents, un soutien aux initiatives locales des clubs affiliés, et plein d'avantages en nature…
Le goût du vin, comme le goût en règle générale, demande une éducation. Comme il est rare d’apprécier Mozart quand on a douze ans (on lui préfère les 2 B 3), faire la distinction entre une piquette et un bon vin s’apprend. Si beaucoup savent que le Beaujolais nouveau n’a rien d’un grand vin et qu’il doit son succès à une agence de communication, les jeunes amis du vin ne manqueront pas de vous rappeler qu’un primeur n’a pas la prétention d’un vin de garde, et que le Beaujolais n’est qu’un primeur parmi d’autres. En somme, si le goût du vin ne demande pas un vocabulaire technique, il passe tout de même par une petite formation.

FFJAV
84, boulevard Beaumarchais
75011 Paris
01 40 38 85 34

L'Œil du Campus, de Paris 7

L’Œil du Campus se définit comme le “premier magazine vidéo d’information sur la vie du Campus de Jussieu”. Formé par des étudiants en journalisme scientifique, l’Œil du Campus a pour but premier de recréer des liens entre les “résidants” de Jussieu, cette mégapole universitaire, entre les étudiants, professeurs, chercheurs, pour que ceux-ci puissent y trouver un lieu de vie et d’échanges.
Une dizaine de minutes de reportage, filmée en vidéo, compose une émission mensuelle, diffusée jusqu’à présent dans le cadre du ciné-club, juste avant le film, le premier lundi de chaque mois, et lors de différentes manifestations chaque fois que cela s’est avéré possible.
Pour les membres de l’Œil du Campus, ce mode de diffusion renvoie, avec une pincée de romantisme, aux actualités telles qu’on pouvait les voir il y a encore quarante ans dans les salles de cinéma et qui constituaient alors pour beaucoup la seule source d’informations.
L’émission s’articule autour de trois séquences, rythmée par les interventions d’une présentatrice : en vrac, quelques reportages sur des manifestations récentes organisées sur le campus, puis le portrait d’une personnalité marquante de l’université, d’une figure emblématique ou insolite, enfin l’agenda, petit guide de bord des manifestations à ne pas manquer.
Au terme de la dernière année universitaire, cinq émissions ont été produites et diffusées, à l’aide d’un matériel vidéo de qualité, prêté par l’Université (deux caméras et une station de montage numériques). Les sujets traités ont été très divers, qui ont montré le foisonnement d’activités sur le Campus. Informatif et convivial, l’Œil du Campus n’arrête pas d’évoluer. Ainsi, l’Agenda, afin d’être plus attractif, est devenu une petite “sitcom” jouée par des étudiants mués en apprentis comédiens.
Après quelques mois seulement de fonctionnement, il est apparu que l’Œil du Campus souffrait de sa diffusion limitée. Ces projections, malgré leur succès, “prêchaient des convaincus”, puisqu’elles ne touchaient que ceux qui se déplaçaient pour un film ou un spectacle et, ce faisant, s’impliquaient relativement. Il fallait toucher un public plus large. Les gens de l’Œil qui l’avaient, l’œil, ont donc décidé d’installer, dès cette rentrée, deux téléviseurs dans les files d’attente du resto-U pour diffuser en boucle leurs images, en manière d’apéritif informatif. L’Œil du Campus en devient, obligé de s’adapter, plus visuel, avec des reportages plus courts et espère enrichir sa diffusion de courts-métrages, de spots de prévention.

COM’S’Ci/œil du campus
Université de Paris 7
2, place Jussieu
75251 Paris CEDEX 05


L'Oreille

En 1995 une bande de copains, passionnée par la fête et la musique, décide de se faire le relais des activités musicales d’Orléans en créant un journal gratuit de 20 pages fourmillant d’informations sur l’actualité musicale de la région : l’Oreille.
Lors du Printemps de Bourges 1997, les membres de l’Oreille, médusés, tombent sur le guide musical de Normandie regroupant les lieux de concert de la région, les contacts des groupes, les studios… Et s’aperçurent que la région Centre en était fort dépourvue. Pourtant la vie musicale y fait preuve d’une belle santé, les structures municipales existent mais aucun document ne centralise cette activité. Fortement motivée par le projet, L’Oreille décide de combler ce manque à partir des groupes, des associations et des institutions qui la contactent régulièrement. C’est le lancement de la création du Guide des Musiques Actuelles (région Centre). Disponible depuis octobre 1998 et vendu 10 francs, ce guide est une vitrine des musiques actuelles à destination d’un public régional et national et un annuaire de ses différents acteurs. Ses objectifs sont de créer un outil d’information et de communication au sein de la région Centre afin de promouvoir et de valoriser les différents acteurs sur le plan régional (mais aussi ailleurs), de développer les liens entre les structures inhérentes à la musique (salles de concerts, associations, services culturels, médias…) dans le but de créer une synergie au niveau régional et donner les moyens aux amateurs et/ou professionnels de connaître les structures régionales.
Ce guide est aujourd’hui disponible chez les distributeurs habituels de musique (Fnac, commerces…), dans les lieux de concerts et dans toutes les institutions (Mairie, DRAC…).
Mais le guide sur support papier n’est que la première étape du projet. Le but à terme est de proposer cette source d’informations intarissable sur Internet qui contiendra la mise à jour régulière des informations, bien sûr, mais aussi des photos, des extraits musicaux… Un projet né d’un manque, qui le comble largement, dont il est certain qu’il fera des émules.

L’Oreille - 52, rue St Pierre en Pont
45 430 Chécy
Tél : 02 38 55 05 70
Fax : 02 38 55 38 76
e-mail :  LIENHYPERTEXTE mailto:oreillenet@aol.com oreillenet@aol.com

LUDI Poitiers

Improvisation mixte ayant pour thème “Madame reçoit, monsieur subit”. Catégorie : à la manière de Vaudeville. Nombre de joueurs : illimité. Durée : 6 minutes “. Si cette entrée en matière ne vous dit strictement rien, c’est probablement que vous n’avez jamais pénétré dans le sacro-saint sanctuaire de l’improvisation théâtrale.
Cette discipline née il y a tout juste vingt ans au Québec a infiltré notre douce France il y a quelque temps. Dans l’enceinte d’une “patinoire” (c’est le nom donné à l’aire de jeu) deux équipes de six joueurs s’affrontent oralement. Rien de belliqueux dans le déroulement d’un match d’improvisation puisque ces deux équipes, sous la houlette de deux entraîneurs (prononcez “coaches”), se rencontrent dans le seul but de divertir le public.
Un arbitre forcément impartial tire au sort un thème d’improvisation qui impose aux joueurs une catégorie à respecter (libre ou “à la manière de…”) un genre (impro mixte ou comparée), le nombre de joueurs autorisés et le temps de déroulement de l’improvisation. Après vingt secondes de réflexion entre les joueurs et leur entraîneur, les improvisateurs se rencontrent, s’écartent et font progresser l’histoire ensemble. À la fin du temps réglementaire le public vote à l’aide de cartons multicolores qu’on brandit en cœur au signal de l’arbitre.
Optimiser le quotidien de chacun en favorisant l’esprit d’écoute, la création collective, telle est la mission que s’est donnée la Ligue Universitaire D’Improvisation qui s’est d'abord fait connaître du monde étudiant par le biais d’exhibitions dans les universités parisiennes. Depuis, plusieurs associations étudiantes — à Poitiers, à Toulouse ou ailleurs — ont déjà rejoint la Ligue.

LUDI Poitiers - A 620 7, rue de Valmy
ludi.poitiers@wanadoo.fr


La Panafricaine de Moselle
 
 
Intégrer une nouvelle université, une nouvelle ville, voire un nouveau pays n'est pas forcément un pas facile à franchir. Les écueils sont nombreux qu'il est difficile d'éviter lorsqu'on doit se débrouiller seul. C'est justement pour débroussailler ce parcours du combattant, tout en se démarquant des structures nationales d'étudiants africains déjà existantes (sénégalais, mauritaniens et djiboutiens), qu'a été créée l'Association panafricaine de Moselle, en 1994.
La "Panaf" facilite les conditions de vie et l'intégration des étudiants originaires du continent africain qui viennent poursuivre leurs études en France. Les responsables de l'association insistent d'ailleurs bien volontiers sur l'aspect multi-ethnique de la "Panaf" : pour preuve, une des exigences des statuts est la représentation de plusieurs nationalités dans la composition du Bureau.
L'association s'efforce de trouver des hébergeants, les cautionnaires français exigés par le CROUS ou des avances d'argent pour permettre aux étudiants de remplir les conditions requises à la première étape de leurs études : l'inscription à l'Université de Metz. Démarches administratives, recherches de logements, conseils d'inscription sont quelques uns des services que propose la "Panaf" à chaque rentrée scolaire.
Mais cette association dynamique ne consacre pas tout son temps à des tâches d'ordre purement technique ; elle a mis sur pied des rencontres, culturelles ou amicales, dans des cafés (à l'« Eurocafé » de Metz, par exemple). Une autre initiative est la création, en partenariat avec la Bibliothèque universitaire de Metz, d'une Bibliothèque africaine hébergée dans les locaux de la future Maison de l'Étudiant. Quant au journal de l'association, il est joliment nommé "Le Griot".
La "Panaf" s'investit aussi dans des initiatives qui la touchent de près et qui lui tiennent à cœur. Elle mène, à son échelle, des actions à vocation sociale et citoyenne pour protéger et promouvoir les droits des étudiants étrangers. Ses membres ont déjà participé à un mouvement de grève de loyers pour obtenir la rénovation des cités universitaires. Dans la foulée, et avec le concours du MRAP, l'association avait organisé une conférence-débat sur le thème "France : terre d'immigration", à laquelle ont participé Aboubacar Diop (porte-parole des sans papiers de Saint-Bernard), Olivier Milza (historien) et Mouloud Aounit (président du MRAP).
Forte de toutes ces expériences, la "Panaf" compte bien continuer ses actions au profit des étudiants africains et prendre de nouveaux contacts avec d'autres associations d'étudiants africains en France. Gageons qu'elle ne s'arrêtera pas en si bon chemin…

Panafricaine de Moselle
BP 47009
57030 Metz CEDEX
e-mail : panaf57@reanet.org

Radio campus Dijon

L’installation d’un campus dans une ville universitaire, c’est le développement d’une nouvelle population, avec ses modes de vie, ses habitudes spécifiques. Lorsque l’université est géographiquement exclue de la ville, et parce que le monde universitaire a lui-même tendance à être clos, l’association étudiante peut servir d’interface. Aux uns, la radio permet de trouver rapidement des repères, de se sentir plus vite “chez soi” — dans une ville où l’on n’est souvent qu’en transit, le temps des études. Pour les autres, la radio c’est l’université mise sur les ondes, son apport propre en termes culturel et scientifique.
Radio Campus n’oublie jamais de décrire son environnement direct, ce qui peut surprendre pour un média dont le périmètre de diffusion dépasse les cinquante kilomètres. La radio, de fait, met l’université au cœur de la ville. Et il est toujours possible pour les étudiants de savoir ce qui est en train de passer à l’antenne. Même si les étudiants osent peu briser la glace et venir troubler l’affairement des rédactions.
La programmation répond à ce souci de réunir des horizons qui ne le sont pas toujours dans la vie. “Les Ninfos” est un magazine qui relate l’actualité quotidienne de la fac sous forme de brèves. “Le Mag” est axé sur l’actualité de la région. “Cinérama” fait plancher ensemble étudiants et profs. “Yume vision” donne dans le fantastique, au ciné comme en littérature. Une émission franco-allemande d’actualité comparée répondant au doux nom de “Radio choucroute”, une anglophile un peu “madness” appelée “One step beyond”. Côté associatif enfin, c’est une émission animée par les enfants malades de la région. La musique remplit les soirées et les week-ends : chaque jour est consacré à un univers différent. Ici, Radio Campus remplit une fonction de découvreur de nouveautés.
L'équipe est constituée d'une centaine d’étudiants de tous les horizons, bénévoles, et de cinq salariés. Les techniciens (pour la maintenance d’un matériel de pointe — surtout depuis l’apparition du numérique) travaillent au côté des animateurs en herbe ou des rédacteurs, plus littéraires. Ce foisonnement très organisé explique sans doute la viabilité de la seule survivante de la période des “pionniers de la FM” dans la région. Et ce malgré un budget toujours problématique qui demeure la contrepartie de l’associatif. L’essentiel repose sur les subventions et les cotisations, et est étoffé avec bonheur par la vente des programmes fabriqués maison. Sans doute un vrai signe de réussite.

Radio Campus
92.2 FM - BP 2549 - 21055 Dijon CEDEX - Centre Culturel Universitaire
Tél : 03 80 67 68 69
Fax : 03 80 63 91 70
Mél :  LIENHYPERTEXTE mailto:aparicio@u-bourgogne.fr aparicio@u-bourgogne.fr

Le Salon Délivre, Paris 2

Le mercredi 9 décembre 1998, alors que le Conseil d’administration de l’Université d’Assas rejetait l’exclusion de l’Union Droit, groupuscule violent d’extrême-droite, se tenait, dans le hall même de l’université, la quatrième édition du Salon délivre.
Après deux premières années d’exil, agréable bien que forcé, au café du Lucernaire, les associations organisatrices (Association des Étudiants de l’Institut français de Presse, Assas Autrement, Association Symbolisant Tout Étudiant Rejetant l’Intolérance et la Xénophobie (Astérix), le Manifeste contre le Front national, PSA/UNEF-ID, Union des Étudiants Juifs de France) ont eu le plaisir de voir, pour la seconde année, auteurs et étudiants réunis autour de livres pour combattre l’extrême-droite à Assas. Le Salon délivre est une réaction à 25 ans de salon du livre français, qui réunit nombre d’auteurs extrémistes, à l’initiative d’une association de la fac dénommée le Cercle.
Venons à l’édition 1998 du Salon : Andreï Gratchev, dernier ministre des Affaires étrangères de M. Gorbatchev, a honoré le salon de sa présence. Tout comme Philippe Sollers, très demandé, ou Marie Darrieussecq, venue à l’improviste. Les étudiants ont pu interpeller J-F Kahn sur la définition du “centrisme révolutionnaire” tandis que Alain-Gérard Slama représentait le Figaro. Guy Konopnicki a quant à lui fait un tabac avec son Manuel de survie au Front.
Le stand Max Havelaar (association de promotion du commerce équitable) a été un lieu de convivialité permettant aux auteurs et aux étudiants de se retrouver autour d’un café et de quelques gâteaux et d’échapper ainsi au cadre plus strict des stands.
Autre nouveauté de cette année, les associations ont rédigé une revue, “le libre arbitre”, qui condense quatre années de recherche sur l’imbroglio malsain des milieux d’extrême-droite qui est présent à Assas.
Le collectif d’associations a ainsi accompli sa tâche. Pourtant cette structure n’est pas aisée à manier alors que deux des associations membres s’opposent aux élections universitaires. L’objet de ce collectif et les violences de l’Union-Droit étaient toujours suffisamment présents dans leur esprit et dans leur corps pour mener à terme l’organisation d’un salon culturel contre l’extrême droite, qui est aussi l’occasion pour le collectif de promouvoir le livre dans le milieu universitaire. Mêlant travail en équipe, lutte contre l’extrême-droite et promotion du livre dans les facultés, le Salon Délivre est un bel exemple d’action citoyenne.

Le salon délivre - collectif d’associations
Université de Paris 2
92, rue d’Assas
75006 Paris

La SPIR, de Tours

La SPIR naît quand meurt le mouvement de grève universitaire de décembre 1995 pour permettre une meilleure circulation de l'information à l'intérieur de l'université. L'objectif initial de l'association comprend aussi un rôle d'ouverture extra universitaire.
“La tenue régulière de débats et, plus ponctuelle, de conférences dans ce qui restait de l'année universitaire n'ont satisfait qu'en partie à ces objectifs. Si le débat était pérennisé et l'information paraissait désormais plus accessible et moins parcellaire, se posait la question de la place d’une association dont la vocation est politique et qui s'exclue des instances de représentation.”
Le projet de l’UniversCité du Devenir, répondait, au moins en partie, à ces questions. Du 2 au 8 avril 1997 des concerts, des conférences, des expositions, des débats et des cours transdisciplinaires se sont déroulés à l'université et dans la ville autour de thèmes artistiques, sociologiques, pédagogiques, où n'importe qui pouvait être interpellé et émettre des propositions pour l'université (comme l'enfant qui demande “pourquoi il n'y a pas de cour de récré ici ?), et jouer ainsi un rôle politique.
Suite à ce succès, “la refonte de notre objectif a occupé les premiers mois de l'année 97-98, puis nous avons décidé de refaire l'UniversCité du Devenir (l'UniversCité du 2-venir) du 23 au 31 mars 1998. Comme les conférences avaient mobilisé beaucoup d'énergie sans pour autant garantir des résultats exceptionnels, nous nous sommes concentrés sur les ateliers/débats et les cours transdisciplinaires, tout en maintenant la partie animation/décoration de la fac. D'autre part nous avons mené des actions ponctuelles, en partenariat avec des associations locales comme le Carnaval Pour Tous, et nationales : participation au journal “L'Insoumis” sur Tours.”
Le début de cette année est d'abord marquée par le renforcement de l’action locale extra-universitaire de la SPIR. Celle-ci a participé à la Journée du Développement Solidaire en Touraine avec une trentaine d'autres associations.
“L'autre projet qui nous tient à cœur réside dans le lancement d'une université populaire, ouverte à tous. Nous poursuivons aussi nos tentatives de décoration et d'animation de la fac (avoir enfin l'accord pour repeindre les murs de façon permanente par exemple) avec des idées anciennes (animations théâtrales et musicales, débats improvisés) et nouvelles comme les repas de fac (imported from Toulouse)”.

SPIR c/o STAJ Touraine
5, rue Louis Braille
37000 Tours
02 47 05 06 82 / 02 47 03 09 46

Station Arts Électroniques

La Station s'est donné pour objectif de promouvoir la création dans le domaine des technologies actuelles, sous toutes les formes possibles.
La grande diversité des actions qu’elle mène s’organise autour de trois axes prioritaires :
- la mise en place de projections et de rencontres ponctuelles tout au long de l’année en collaboration avec des institutions ou des structures culturelles. Ces projections se déroulent aujourd’hui à un rythme mensuel et le programme dans son ensemble est intitulé “Saison électronique”, en collaboration l’an passé avec le Mastère “Espace Numérique/Espace Plastique”.
- le deuxième point fort de leurs activités de l’année est le festival “Rencontres Arts Électroniques”. Lancée en janvier 1995, cette initiative lie des projections vidéos et de cinéma expérimental, des conférences, des expositions d’installations vidéo et informatiques. La première édition a ainsi permis a Brian Eno, Bruce Nauman, Michel Coste, Catherine Ikam et Tom Dahos de faire la démonstration de leurs talents en matière d’installations vidéo. L’année suivante c’était au tour de Borris Gerrets et de Gérard Mermoz avec, comme invités du festival : la “Vidéo Data Bank” de Chicago et “Vidéo positive”, biennale des arts électroniques du Royaume Uni, Liverpool. C’était aussi le lancement du concours de la jeune création vidéo européenne.
- troisième point : la constitution d’une base de données concernant les arts et les technologies actuels.
Au delà de ces trois axes, la Station s’adonne aussi à la production de vidéos étudiantes (elle est notamment à l’origine de “12 heures d’eau” de Nicolas Flo’ch en 1995) et d’installation vidéo (en 1996, Liz Creppy, Héléna Schmidt et Nicolas Flo’ch), ainsi que d’environnements virtuels interactif s avec en 1995 “New York chaos” de Catherine Ikam et Louis Fléri.
La Station s'intéresse également à l’insertion professionnelle, proposant des stages, ainsi que des projections et des débats où ils ont pu aborder des thèmes aussi divers que Sarajevo, Lesbian and Gay pride, les arts activistes divers, le SIDA… Ils participent enfin, depuis trois ans, au Festival “Image par Image”, festival d’animation et d’images de synthèse (dont la neuvième édition s’est déroulée à Rennes du 7 au 18 avril 1997).

Station arts électroniques
Université de Rennes 2
6, avenue Gaston Berger
35043 Rennes CEDEX
tél.-fax :
02 99 14 11 50

UniversCiné

En 1995, date de naissance non officielle de l’association (création effective en 1997), des étudiants de Nanterre décident de projeter dans les locaux de la fac des films en avant-première ou en rétrospective sous le nom de “Projections Universciné”. Dès lors, Universciné devient une sorte de nom commun pour les amateurs de cinéma. C’est au travers des multiples allées et venues et rencontres avec les cinéphiles devenus fidèles à leurs projections qu’il est apparu pour beaucoup un désir de porter à l’écran leurs propres scénarios. L’idée de créer un festival du film vidéo des jeunes réalisateurs est alors née et s’est avérée une première action concrète et motivant la réalisation de courts métrages. Mais plus que d’être un simple lieu de projection, l’objectif de ce festival est de donner aux jeunes la possibilité d’exprimer leurs rêves, leurs aspirations, leurs états d’âmes et leur imagination sur la pellicule et d’échanger ces rêves avec le plus grand nombre de personnes. L’idée est aussi de lancer les novices passionnés de ce domaine, de leur faire rencontrer des professionnels pouvant éventuellement les faire avancer, leur donner des bons contacts ou tout simplement les motiver et les encourager dans leurs démarches. D’année en année, le festival acquiert une notoriété plus grande et accueille un jury de plus en plus professionnel. L’édition de 1998 y apportait une nouvelle dimension, puisqu’Univerciné a réussi à négocier les salles du CNIT de la Défense, avec une possibilité d’accueil de 800 à 1 200 personnes. Une équipe de 15 hôtesses était également au rendez-vous ainsi qu’un jury prestigieux composé de dix personnalités. Là, outre la dégustation de courts, de plus en plus nombreux, on assistait à la multiplication des relations entres jeunes et professionnels.
L’association Universciné a su entraîner avec elle les passionnés de cinéma et faire oublier l’image largement véhiculée du cinéma en tant que milieu clos et impénétrable.

Universciné Salle G 203
Université de Paris 10
200, avenue de la République
92000 Nanterre
Tél. : 01 40 97 78 82 Fax : 01 40 97 78 82

Vera cruz, de Toulouse

Veracruz, association toulousaine, est né d’un projet d’étude sur la déforestation au Mexique qui a permis de partir sur place pour tisser un lien avec les étudiants locaux et ramener à Toulouse toute une série d’expositions. Peu à peu, elle a installé et recensé les essences rares et la faune du campus, où elle accueille les travaux pratiques de biologie et les enfants des écoles primaires. C’est un véritable outil pédagogique que forme VERA CRUZ.
“Nous avons à notre actif un voyage au Sénégal pour étudier le comportement de l’antilope, à Bornéo où nous avions étudié la forêt tropicale avant qu’elle ne parte en fumée, au Congo où nous avons suivi la réintroduction des chimpanzés et la mise en place de cultures vivrières. Et une quinzaine d’étudiants bravera l’Himalaya cet été, pendant trois semaines, pour une étude ethnologique, biologique et botanique du Népal où nous créerons un échange avec les universités.”
“Mais nous savons aussi travailler sur place. L’UFR de biologie nous a contacté pour que nous fabriquions les aquariums de travaux pratiques et ils nous consultent fréquemment pour nos conseils d’aménagement. Nous avons déjà obtenu l’implantation de parcs à vélo et, bientôt, une piste cyclable traversera le campus. Parmi les 36 000 étudiants de l’université, une vingtaine d’associations se démène pour développer une vraie vie sur ce vaste et déshumanisé campus ; et c’est un véritable réseau associatif qui s’est tissé sur cette fac. Il est pratiquement impossible de s’ennuyer entre les murs en béton. Nous essayons d’être présents à chaque événement. Par exemple, nous participons aux “Repas de fac”, organisés par une association locale où nous rivalisons d’imagination pour les gastronomes écolo-curieux. Avez vous déjà goûté à l’omelette aux pulmonaires et la limonade à la verveine ?”
La gazette d’informations mensuelle de l’association est un vrai petit fanzine où se mêlent un agenda culturel de l’université et une série d’informations pratiques pour les biologistes, où l’on peut même adopter de pauvres petits lapins orphelins. Une vrai mine d’or vert que ce “De natura rerum”.

Vera Cruz
Université Toulouse III - Paul Sabatier
31062 Toulouse CEDEX
Fax : 05 61 55 86 75

Voiture & co, de Nanterre

Voiture & co, comme son nom le laisse deviner, est une association mettant en place un système de covoiturage, le partage d’un véhicule par plusieurs usagers allant dans la même direction, dans un souci de préserver l’environnement.
Le covoiturage tourne autour d’un système de rémunération par nombre de personnes présentes dans la voiture, ce qui permet aux étudiants d’économiser sur leur transport. Et afin de sensibiliser le maximum de conducteurs, l’association s’engage à donner des privilèges à ses membres, ainsi les covoitureurs bénéficient de réduction diverses (tickets de cinéma, et autre accès à différents loisirs) et des services autour de la voiture (contrôle technique moins cher, lavage gratuit, parking gratuit, réservé et surveillé). Quant à l’engagement pour adhérer à Voiture & co, il est très abordable : de l’ordre de 10 F/mois.
Le confort et la convivialité pourraient être des arguments largement suffisants pour justifier le travail de cette association et les féliciter. Mais le covoiturage n’arrête pas son action civique à la convivialité, il est aussi le vecteur d’un niveau de vie amélioré et de la préservation de l’environnement. Les quelques chiffres que donne l’association laissent à réfléchir. 4, 6 millions de voiture dans la région parisienne ; 4 sur 5, c’est le nombre de déplacements en voiture particulière sur les trajets de banlieue à banlieue ; 2 % de trafic en moins permettrait de passer d’une circulation saturée à une circulation presque fluide ; et surtout, sur chaque voiture partant dans la région parisienne chaque matin, la nombre moyen de passagers par voiture est 1,3.
Si l’expérience, qui a débuté sur le campus de l’Université de Paris X, s'avère concluante, Voiture & co développera le covoiturage dans les quartiers universitaires des académies de Versailles et Créteil : Cergy Pontoise, Versailles Saint-Quentin, Paris Sud, Evry Val d’Essonne, Villetaneuse, Marne la Vallée et Créteil. Et dans deux ans, ils pourraient même étendre leur expérience aux campus de province...

Voiture & co
Université de Paris 10
200, avenue de la République
92000 Nanterre Cedex

Conclusion

Anne-Marie COCULA
Présidente de l’Université de Bordeaux 3
Présidente de la Commission Questions sociales et Vie de l’Étudiant

C e colloque est l’ultime maillon d’une chaîne d’implications complémentaires : celle des étudiants, celle de la CPU, celle de la commission Questions sociales et vie étudiante et de sa Présidente d’honneur, Jocelyne Pérard. Nous espérons qu’il ne sera que le prélude à d’autres rencontres de ce type, aussi riches en enseignements et en attentes.

Les principaux enseignements de ce colloque se conjuguent à la fois au pluriel et au singulier.
Au pluriel, parce que ces enseignements couvrent à la fois les problèmes sociaux, la culture, le sport, les loisirs. Au pluriel, parce qu’ils correspondent à la diversité de la vie étudiante. Les expériences présentées cet après-midi, enrichies de beaucoup d’autres, montrent les orientations majeures qu’il nous faut suivre : la formation, la participation citoyenne et la volonté d’intégration. Toutes reposent sur le principe fondamental de la solidarité dans la vie étudiante. A cet égard, l’accueil des étudiants étrangers est devenu un cas d’école, qui pose à la fois des problèmes matériels et impose la mise en place de solutions rapides. Nous souhaitons que les étudiants étrangers retrouvent au moins la place qui était la leur il y a quelques années.
Mais comment passer du pluriel au singulier ? Il nous faut prendre en compte certains handicaps majeurs : la brève durée du passage à l’université, l’isolement des individus sur des campus souvent mal desservis, la multiplicité des sites universitaires, la lenteur de circulation des informations. Nos chances d’y parvenir résident dans l’existence d’une condition étudiante et dans la juste appréciation des difficultés partagées, sans être jamais semblables ni équivalentes. Il ne s’agit pas de transposer en l’état les expériences qui ont réussi ici ou là. Il faut donner aux étudiants la possibilité de développer pleinement leur citoyenneté dans l’université. Il faut prendre en compte le mouvement de retour des universités vers les villes, où sont nées la plupart. Ainsi peut se dégager un principe d’unité fondamentale : un territoire d’expression, de réflexion où l’étudiant pourra obtenir les conditions les meilleures de sa réussite et de son épanouissement.


Francine DEMICHEL
directrice de L’Enseignement supérieur

Renforcer la participation des étudiants
J’ai été ravie d’assister à vos travaux, qui ont permis de mettre en valeur l’importance de l’expression des groupes étudiants au sein des universités. Du point de vue du gouvernement, cela doit être pris en compte par le biais des contrats : l’État doit prendre en compte financièrement l’expression et la participation des étudiants à la vie de l’Université, que ce soit dans les domaines sportif, culturel, etc. Par ailleurs, le Ministre souhaite renforcer la participation des étudiants aux instances décisionnelles et délibératives des Universités, à tous les niveaux : conseils des bibliothèques universitaires, conseils centraux, UFR, CROUS, CNOUS, etc. Les étudiants auront donc la possibilité de s’exprimer et pourront relayer les préoccupations des usagers des institutions concernées.
Des commissions adaptées
En outre, nous allons mettre en place des commissions de site avec les Universités, et ce dès la rentrée 1999. Elles seront amenées à discuter de tous les problèmes évoqués aujourd’hui et de bien d’autres questions relatives à la vie locale. Il pourra s’agir aussi bien de problèmes d’urgence, comme l’aide alimentaire, ou des problèmes de logement, qui sont trop souvent abandonnés à des technocrates éloignés des réalités du terrain. Nous souhaitons que les Universités émettent des propositions en ce sens avant la rentrée 1999. Nous les mettrons en place de toute façon. Ces commissions regrouperont des étudiants, des représentants des CROUS, des Universités mais aussi des collectivités locales.
De surcroît, le Ministre entend mettre en place des commissions qui permettront d’offrir un accompagnement à des étudiants qui ne remplissent pas les critères sociaux habituels et qui sont néanmoins dans une situation très critique, appelant des solutions urgentes. Un groupe de travail a été constitué à cet effet, qui rendra ses conclusions au Ministre avant la fin de l’année universitaire. J’ai par ailleurs mis en place une commission de suivi du plan social étudiant qui rédige, à l’intention du Ministre, un rapport après chaque réunion.
Nous avons également mis à l’étude la création de bourses par cycle, ce qui serait davantage compatible avec la semestrialisation et la réforme universitaire en général. Là encore, le Ministre a pris l’engagement de mettre en place ces bourses pour la rentrée 1999.

U2000 et U3M
Un étudiant a dit tout à l’heure qu’U2000 était un échec. Pourtant, il représente un investissement de 44 milliards de francs et la mise en place de 150 villes universitaires. Il est exact qu’il y a eu quelques difficultés en fin de période mais il est bien pour l’essentiel, une grande réussite. Pour U3M, il ne s’agit plus de répondre à un problème de capacité d’accueil. Il nous faut avant tout terminer les universités nouvelles, notamment les locaux destinés à la recherche. En outre, le quart de l’enveloppe globale, qui sera de plusieurs dizaines de milliards de francs, sera consacré à la vie étudiante : bibliothèques, logements étudiants, terrains de sports.
Je tiens à vous répéter que le Ministre fait du plan social étudiant une priorité. Je puis vous assurer que non seulement les engagements seront tenus, mais encore que les délais indiqués seront respectés. Le calendrier des mesures annoncées dans le cadre du Plan Social Étudiant sera intégralement respecté.



Bernard SAINT-GIRONS
Premier Vice Président de la Conférence des Présidents d’Université

Cette rencontre de Lille s’inscrit dans une démarche initiée dès 1994 par la Conférence des Présidents d’Université avec le concours des organisations étudiantes. Avec ce colloque la CPU a souhaité faire nourrir le débat public et donner la parole aux étudiants pour étayer la réflexion autour de la citoyenneté étudiante, sa place dans l’Université et la Cité qui l’accueille, et l’expression qu’elle pourra trouver dans la mise en place de “comités universitaires de site “
Les échanges auxquels ce colloque a donné lieu permettent de mesurer à la fois la richesse des expériences engagées dans les universités, la qualité du soutien des collectivités territoriales là où il existe, mais aussi leur fragilité liée, notamment, au caractère volatil des publics étudiants ; il y a donc un réel intérêt à renforcer dans un cadre institutionnel approprié la concertation qui sous-tend ce type d’actions pour les inscrire dans la durée.
C’est dans cet esprit que la Conférence avait proposé lors de la rencontre des élus étudiants organisée à Bordeaux le 8 mai dernier, la création de “comités universitaires de site”. Cette proposition ayant été retenue dans le plan social étudiant, il nous appartient désormais de réfléchir aux modalités de sa mise en ouvre. Le moment paraît opportun à cet égard dans la mesure où sont en débat, d’une part, les conditions d’application de ce plan social et, d’autre part, le contenu du plan U3M singulièrement dans ses dimensions concernant la vie étudiante.
La structure des comités universitaires de site doit obéir à une logique d’ouverture permettant de faire se rencontrer tous les acteurs impliqués dans l’accueil des étudiants et l’amélioration de leurs conditions générales de vie, gage de réussite dans leur parcours de formation et de bonne insertion dans la ville. L’effet de mitoyenneté doit ainsi jouer pleinement et faire du territoire universitaire non pas un champ replié sur lui-même mais un lieu d’ouverture et d’accueil ; il fait ainsi du local un acteur du social.
Le comité de site ne se substitue donc pas aux instances existantes au sein des universités ni ne prétend exercer des compétences qui leur sont dévolues par la loi. Il a vocation à rassembler des représentants de la communauté universitaire aux premiers rangs desquels des étudiants, des représentants de la ville ou de l’agglomération concernée et tous les autres acteurs dont la présence ponctuelle ou permanente sera jugée souhaitable, pour traiter des thèmes d’intérêt commun. Les représentants des milieux associatifs et de la culture figurent ainsi au nombre de ceux dont la présence peut paraître opportune, mais doit être laissée à l’appréciation des intéressés en fonction des spécificités locales et des priorités retenues. Il ne faut pas chercher à définir un modèle unique applicable à tous, mais laisser à l’initiative locale un espace de libre expérience ; tout au plus peut-on suggérer une liste de partenaires possibles sans prétendre pour autant à l’exhaustivité.
Ainsi conçu, le comité universitaire de site doit permettre de donner du contenu et de la durée aux relations de la cité et de l’université, nullement cantonnées aux constructions nouvelles ou à la rénovation de l’existant. Il marque le passage du quantitatif au qualitatif dans le prolongement de U2000.
Le même esprit d’ouverture doit présider à la définition des missions dévolues aux comités de site. C’est à leur convention constitutive de les fixer dans chaque cas, de manière assez souple cependant pour permettre des évolutions sans générer de procédures lourdes d’ajustement. Deux observations cependant : d’abord pour souligner que les compétences strictement académiques ne relèvent pas de ce cadre ; ensuite pour indiquer qu’ont a priori vocation ày être traitées, les questions touchant à l’hébergement, aux transports, à la culture, aux loisirs et, à leur propos, plus particulièrement l’accès aux installations sportives dont on sait qu’elles constituent un enjeu majeur. On doit y ajouter aussi toute la dimension accueil des étudiants étrangers sauf peut-être là où existent des pôles européens dont ce serait la responsabilité affirmée. Au moment où la mobilité tend à devenir une caractéristique des parcours de formation, cette question appelle une attention toute particulière de la communauté universitaire elle-même, mais aussi de ses partenaires pour donner sens à la réflexion en cours sur l’harmonisation européenne des formations.
Il convient aussi de se montrer attentif à circonscrire le comité dans un rôle de concertation. Il n’a pas en effet vocation à gérer directement des activités, mais bien à susciter les initiatives permettant de répondre à des attentes partagées. Il n’est pas dans sa mission de faire, mais bien de faire faire en évitant que des initiatives voisines ne se superposent ou ne se télescopent. De ce point de vue, une complémentarité devra être recherchée entre les actions suggérées dans ce cadre et le volet vie de l’étudiant dans les contrats d’établissement ; un effet de levier pourrait être ainsi obtenu soulignant que le social relève aussi de l’Établissement et qu’il n’y a pas de contradiction entre l’autonomie des universités et leur volonté de s’engager dans une politique allant au-delà de leurs responsabilités d’enseignement et de recherche. Dans cette perspective, les moyens de fonctionnement de ces comités devront dépendre étroitement de la nature et de l’importance des missions que les différents partenaires souhaitent leur confier. Ils relèvent donc d’une démarche essentiellement conventionnelle. On peut envisager aussi que les contrats des universités engagées dans un comité de site prévoient des moyens pour soutenir des actions initiées dans ce cadre et jugées plus particulièrement pertinentes ou stratégiques.
Au-delà du partage d’expérience qui nous a réuni aujourd’hui, cette rencontre souligne l’importance de la contribution étudiante à l’évolution de l’Université. Le principe d’une telle rencontre me paraît devoir s’inscrire dans la durée, pour que chaque année la Conférence puisse donner la parole aux étudiants dans un esprit d’échange et de mutualisation. Il y aura désormais des “Entretiens de la CPU “consacrés à la vie des étudiants, animés et conduits dans la plus large concertation avec eux autour de thèmes choisis d’un commun accord.


Identité(s) étudiantes : une construction volontaire

Chargé d’enseignement à l’université de Versailles-Saint-Quentin, Robi Morder est président
du GERME (Groupe d’études et de recherches sur les mouvements étudiants).

L a “massification” des universités, et la transformation des publics étudiants, relevant en partie d’une demande sociale d’éducation, sont aussi à l’origine d’une demande institutionnelle de recherches sur les étudiants, leurs conditions de vie et d’études, leur insertion professionnelle. La production de livres et de rapports est importante, et la création en 1989 de l’Observatoire de la vie étudiante légitime d’autant plus ces préoccupations qu’elle les institutionnalise.
Il faut “observer” les étudiants, mais qu’est-ce qu’un “étudiant” ? Il n’existe pas de définition, ni de “statut” juridiques communs s’appliquant à tous les individus menant des études “post-baccalauréat” 1. Le problème ne semble pas se poser pour tout inscrit dans un établissement public à caractère scientifique et culturel (encore que si les étudiants ont le droit au bénéfice du régime spécifique de sécurité sociale, il y a des étudiants de moins de 18 ans, et des vieux étudiants, sans compter les salariés qui ont décidé d’entamer des études ou de les poursuivre si elles ont été interrompues). Mais quid des élèves de “petites” grandes écoles, notamment privées ? En dehors des facultés, existent également des établissements d’enseignement qui scolarisent des bacheliers (élèves infirmières, assistants de service social, etc...).
Dans la plupart des cas, les études insistent sur l’hétérogénéité du monde étudiant en s’appuyant, qui sur la diversité des origines sociales, qui sur le devenir professionnel. D’autres mettent plutôt l’accent sur la vie étudiante, en pointant les différences de conditions d’études et de vie en fonction des disciplines étudiées, ou des structures administratives des différentes composantes de l’enseignement supérieur. Quant aux changements intervenus dans le recrutement des étudiants, ils “sont plus facilement appréhendés négativement car ils se réfèrent à une “image quelque peu idéale de l’étudiant” 2. Et il est vrai que “le monde étudiant n’est plus ce qu’il n’a jamais été” 3, car ceux qu’on appelle (ou qui s’auto-définissent) “étudiants” ne constituent pas plus aujourd’hui qu’hier un ensemble homogène.
Le sentiment d’appartenance à un seul groupe étudiant n’est donc pas quelque chose de naturel puisqu’on pourrait le diviser d’après des critères “objectifs” en groupes distincts selon de multiples variables. L’existence du groupe “étudiant” ne va pas de soi, et “la notion d’identité est, en sciences sociales, d’autant plus problématique qu’elle devient envahissante” 4.
Mais des critères de différenciation ou communs” objectifs” en eux-mêmes ne suffisent pas à ce que l’individu lambda se considère comme faisant partie d’une collectivité donnée. Une étudiante en médecine d’origine ouvrière peut tout à fait privilégier l’appartenance à sa classe d’origine en opposition a un fils de médecin, où à sa catégorie professionnelle future de médecin libéral. Elle peut tout autant se considérer tout simplement comme jeune, ou comme étudiante de la faculté X, ou comme femme. Pour qu’il y ait identification à une collectivité donnée, il faut que cette collectivité soit peu ou prou organisée, c’est à dire que des individus ou des groupes se voulant “représentants” constituent ceux qu’ils sont censés représenter en groupe social en tant que tel. “L’identité du groupe de mobilisation doit être définie de façon à procurer à chacun de ses membres une représentation positive de soi-même” 5. Cette “représentation-identification” est l’enjeu d’une lutte de définition du groupe. “La capacité d’un groupe à se doter d’une identité forte et valorisante — fût-elle imaginée — constitue une ressource de premier ordre pour que ses membres intériorisent une vision de leur potentialité d’action” 6 Il faut donc convaincre à la fois les individus qui sont censés constituer le groupe qu’ils font partie d’une communauté pertinente, et combattre dans le même temps pour qu’à l’extérieur du groupe les “autres” (groupes, organisations, institutions officielles) reconnaissent l’existence d’une collectivité, et donc la légitimité de ceux qui se proclament comme représentants de ladite collectivité. “Le groupe ne peut accéder à une intelligibilité maîtrisable dans l’action que s’il se donne les moyens de “s’organiser” en vertu de lois internes qui régissent le fonctionnement du groupe” 7. Bien évidemment, on ne peut totalement inventer les critères en justifiant l’existence, il faut partir d’éléments de la réalité. Ainsi, une élève d’écoles d’infirmiers peut-elle être amenée à choisir entre diverses propositions d’identification : appartenir au groupe “étudiant” en général, puisqu’elle fait des études post-baccalauréat, et réclamer dès lors l’application complète du statut étudiant puisqu’elle en possède déjà certains attributs (sécurité sociale étudiante, accès aux résidences universitaires…), ou bien s’affirmer comme faisant partie du mouvement syndical de la profession avec les infirmiers salariés en exercice. On peut même avoir plusieurs appartenances syndicales possibles, comme les élèves maîtres des Écoles normales supérieures, fonctionnaires stagiaires (et donc syndicalisables dans les syndicats d’enseignants).
La plupart des travaux sociologiques ignore la part prise par les organisations (syndicats, partis ou associations) dans la construction d’une (ou de plusieurs) identités étudiantes. “La place centrale des identités collectives suggère de s’arrêter sur le travail de manipulation symbolique et de persuasion réalisé par les organisations” 8. Ce n’est donc pas un constat photographique de données “objectives” qui est suffisant. “L’identité collective étudiante” n’est pas le pur produit d’une situation individuelle “objective” (et ne dépend pas de l’homogénéité ou de l’hétérogénéité de ces conditions et situations) mais le résultat d’une construction volontaire. “Le pouvoir sur le groupe qu’il s’agit de porter à l’existence en tant que groupe est inséparablement un pouvoir de faire le groupe en lui imposant des principes de vision et de division communs, donc une vision unique de son unité et une vision identique de son unité” 9. Les acteurs, par leur “travail de mobilisation” contribuent à un travail d’identification et il convient de “tenter de rendre compte de la forme prise par le groupe en interrogeant le travail de regroupement, d’inclusion et d’exclusion dont il est le produit, et en étudiant le travail social de définition et de délimitation qui a accompagné la formation du groupe et qui a contribué, en l’objectivant, à le faire être sur le mode du cela-va-de-soi” 10
En effet, traiter de “l’identité collective” renvoie à la notion de “représentation” du groupe collectif auquel on “s’identifie” 11.
Aux sources du groupe social : l’État et l’organisation étudiante.12
Historiquement, c’est dans la III° République de la fin du XIX° siècle que “l’identité étudiante”, au delà des différenciations déjà existantes, est construite par la volonté de l’État et des autorités académiques. La préoccupation des positivistes, des Durkheim, Lavisse et autres, est - un siècle après la Révolution française - de répondre à la “nécessité de cadres secondaires entre l’individu et l’État” 13 par la constitution de collectivités intermédiaires. C’est dans la même période qu’est encouragée par les autorités publiques l’organisation collective des salariés. Il ne s’agit pas, avec la loi de 1884, uniquement de “légaliser” le syndicalisme ouvrier, de toutes façons existant, mais de “légaliser la classe ouvrière”. La constitution des AGE avec l’appui apporté par les autorités universitaires va dans le même sens. “Ces masses énormes de jeunes gens ne pouvant rester à l’état inorganique, il faut que l’étudiant (...) ne se sente pas perdu dans la foule anonyme (...), de multiples groupes se sont créés pour cela. Il y a d’abord l’AG des étudiants de Paris qui a pour rôle de défendre les intérêts communs” 14. Ces associations naissent en même temps que la nouvelle université. La suppression des corporations en 1789 avait supprimé l’université médiévale. Certes, des facultés demeurent (droit, médecine) mais ensuite sont créées les “grandes écoles”, puis les changements font des lettres et sciences de véritables facultés en lieu et place de simples conférences plus ou moins mondaines15. La nouvelle université naît dans ce contexte, centralisée, ainsi qu’une “figure nouvelle : l’étudiant” 16 qui n’apparaît “vraiment dans ces facultés qu’avec l’année scolaire 1877/1878” 17. C’est dans ce contexte politique et institutionnel nouveau que les AGE privilégient une identité étudiante générale au détriment des particularités de discipline, d’origine, d’opinions. En cela, elles se distinguent explicitement des “corporations” allemandes : “ils n’avaient pas de maisons de l’étudiant les boches, ils formaient des corps par clans et par castes (...) chez nous (ce sont) de grandes associations (groupant) tous les étudiants d’une même ville sans distinction de faculté ou d’école, en une famille unie” 18. Les AGE se situent aussi en rupture avec le localisme des modèles médiévaux de “communautés de maîtres et élèves” (qui imprègnent encore les italiens) puisque elles constituent des entités séparées du corps enseignant, et se fédéreront au début du siècle en une organisation nationale : l’UNEF19. Cette “nationalisation” aura des effets puisqu’elle devra affirmer les étudiants comme un groupe national.20
Évidemment, les différences entre le mouvement ouvrier et ce qui deviendra le mouvement étudiant sont notables. Le salarié” occupe une place économique visible dans la société (il vend sa force de travail à ceux qui l’achètent, notamment à des personnes privées), et les organisations collectives des travailleurs, reconnues avec la loi de 1884, sont héritières d’une histoire qui s’inscrit dans les rapports sociaux et politiques. Le mouvement ouvrier s’affirme dans une certaine mesure en opposition aux autres classes de la société, et proclame des valeurs différentes quant à la société future, ce qui n’est pas le cas des AGE qui, au contraire, s’affirment comme intégratrices. Et si la volonté de l’État de reconnaissance du mouvement ouvrier peut se heurter souvent à la volonté contraire de nombre de patrons peu enclins à reconnaître chez eux le syndicalisme, cet obstacle n’existe pas dans une Université ou le “patron”… c’est l’État.
Toutefois, malgré ces différences, on ne peut qu’être frappé par la similitude des prétentions représentatives des syndicats ouvriers et des associations étudiantes qui s’opposent au système de représentation politique traditionnel. En effet, ce n’est pas du suffrage universel que syndicats et associations tirent leur légitimité mais de leur existence même. “Le syndicalisme (...) est resté globalement attaché à une conception essentialiste de sa représentativité” 21. Syndicats comme associations représentent, par ce qu’ils sont, les travailleurs ou les étudiants et s’opposent à ce que les représentants de ces groupes sociaux soient élus au suffrage. Ainsi, la CGT du début du siècle, comme l’UNEF à la Libération, s’opposeront aux projets visant à l’élection de délégués qui mineraient leur monopole de représentation22. Les représentants seront désignés par les syndicats, ou les associations et parleront au nom de tout le groupe. Au sein même de ces organisations, à leur création, le critère qualitatif l’emporte sur le critère quantitatif. Dans la CGT, quelque soit son nombre d’adhérents, un syndicat a une voix. Dans l’UNEF chaque AGE, quelque soit son nombre d’adhérents, a également une voix tant au Conseil d’administration qu’à l’assemblée générale.
Les moyens de l’unification et la définition des frontières du groupe.
Envisager le groupe étudiant comme étant le groupe de référence identitaire au delà des particularismes implique de convaincre aussi bien les étudiants que les pouvoirs publics ou l’opinion que le groupe existe. Il convient donc de mettre en œuvre des stratégies et des tactiques. “Ce travail est, partiellement au moins, le produit d’un travail social d’unification comparable, sous beaucoup de rapports, au travail politique de mobilisation (...) l’homogénéité n’est pas la condition nécessaire et suffisante de la cohésion.” 23

Il s’agira par exemple de déterminer des revendications communes, ce qui permettra de souder les éléments disparates du groupe lui-même, et d’imposer aux interlocuteurs un terrain défini de discussion, de négociations. Ceci ne va pas de soi. Par exemple, la revendication d’un régime de sécurité sociale étudiante au sein du régime général est un objectif qu’il faudra imposer dans et hors l’UNEF.
Car si dans l’UNEF, tous sont d’accord pour améliorer la protection sociale des étudiants, la solution unifiante est contestée par ceux qui - en partie pour des raisons politiques et sociologiques - privilégient l’identité professionnelle future (donc forcément diversifiée) au détriment de l’identité actuelle commune d’étudiant. Certains proposent d’intégrer les différents régimes des professions libérales ou indépendantes. Au congrès de 1948, un délégué des Beaux-Arts explique que l’intégration du régime étudiant au régime général de sécurité sociale signifie “abandonner la direction des intérêts des étudiants aux masses ouvrières (...) nous refusons la fonctionnarisation des étudiants, l’assujettissement aux pouvoirs publics, aux syndicats ouvriers ou autres, à l’administration (...) vous êtes tous destinés à avoir des carrières libérales… je vous demande de bien réfléchir” 24. Raisons politiques certes, mais la sociologie étudiante de l’après-guerre ne permet pas une telle diversification des régimes, dans la mesure où l’avenir professionnel des littéraires ou scientifiques n’est pas aussi prévisible que celui des juristes ou des médecins, pharmaciens, dentistes.
La revendication de “salaire étudiant” ou “d’allocation d’études” soulève le même débat, puisque les mêmes dans l’UNEF évoquent ce “danger de fonctionnarisation”.25 Mais par une revendication identique, l’organisation tente de donner une identité commune à tout le groupe (alors que se contenter d’une simple demande de revalorisation des bourses c’est substituer à une conception unifiante une variable déterminante par laquelle “l’étudiant pauvre”, puis “l’étudiant fils ou fille d’ouvrier” se distingue, vision qui peut se conjuguer avec celle de “l’étudiant méritant” (par opposition à “l’étudiant brillant”) véhiculée à l’extérieur du monde étudiant par d’autres institutions : État, partis, médias et professeurs).
En retour, la revendication “unifiante”, pose la question des bénéficiaires des mesures escomptées ou obtenues. Qui a droit à la sécurité sociale étudiante, qui aurait droit au salaire étudiant, sinon l’étudiant ? Qui a droit d’accéder aux restaurant ou au logement universitaire ? Qui a le droit de se présenter aux examens en vue de l’obtention d’un diplôme universitaire ? Mais qui est étudiant ? Cela ne pose pas de problèmes pour ceux dont le statut juridique est celui d’étudiant, c’est à dire d’abord des bacheliers inscrits dans les facultés d’État. Les statuts de l’AG de Lyon à sa fondation précisent que “peuvent être membres actifs tous les étudiants des facultés de l’État de Lyon” 26. Au VIII° Congrès de l’UNEF en 1919, une commission porte sur l” unification des statuts des associations” et examine la question : “à qui doit s’appliquer le mot étudiant ? ” Le rapporteur propose qu’il soit appliqué “aux étudiants inscrits dans les Facultés ou Écoles de Faculté” ainsi qu’aux “élèves des autres écoles dont le programme d’entrée correspond au niveau intellectuel du baccalauréat” 27. Et le vœu est émis que “toutes les associations préparent pour le prochain congrès des statuts uniques, en se basant sur la définition du mot Étudiant faite” Ainsi, différentes catégories peuvent être amenées à revendiquer l’application du bénéfice des mesures prises pour les “étudiants”. Les capacitaires en droit, non bacheliers, peuvent-ils être considérés comme étudiants ? Et les élèves de l’enseignement supérieur privé peuvent-ils l’être également alors que les diplômes ne sont pas reconnus comme diplômes d’État ? Mais alors, que dire des étudiants des universités publiques qui préparent des diplômes d’université ? Les élèves infirmières comme ceux des écoles de travailleurs des services sociaux préparent des diplômes d’État en trois ans, mais ce ne sont pas des licences. Pourtant, au fil des années, tous ces “étudiants/non-étudiants” bénéficient d’une partie du statut d’étudiant (sécurité sociale, œuvres universitaires).
Le syndicalisme (quelque soit l’intitulé que les organisations adoptent pour se définir) en tant qu’association à volonté représentative se trouve donc amené à définir les frontières du groupe qu’il entend représenter (et donc qui a vocation de pouvoir adhérer) et à tenter d’imposer ces frontières à ses interlocuteurs pour que l’État adopte juridiquement une frontière identique, et par là même confère aux organisations étudiantes la légitimité de représenter tous ces “étudiants”. “Quand un acteur joue un rôle, il demande implicitement à ses partenaires de prendre au sérieux l’impression qu’il produit” 28. Une telle extension de la définition d’étudiant ne va pas non plus de soi quand des organisations veulent conserver au “statut” un certain prestige. En 1932 un projet gouvernementale accorde aux capacitaires (non bacheliers) la possibilité de préparer la licence en droit au même titre que les autres étudiants inscrits en droit. Une grève est lancée par l’Office du droit pour protester (cette grève est désavouée par l’UNEF dont l’Office est pourtant membre). En s’opposant à ce projet, l’Office, et les étudiants en droit qui font grève, manifestent le souci d’éviter un déclassement symbolique. Il en va de même dans l’Union des grandes écoles créé en 1947. Une commission examinait les demandes d’adhésion d’associations des “petites grandes écoles”. Une réponse favorable donnait aux élèves de ces écoles symboliquement le même prestige que les autres grandes écoles (et certaines associations d’ailleurs pensaient qu’en obtenant leur adhésion à l’UGE, elles obtenaient le statut de véritable grande école). Certains craignent qu’en “acceptant toutes les Écoles à l’UGE, celle-ci risque de perdre son prestige et sa cohérence face aux pouvoirs publics” 29. Ainsi, le prestige social de “l’étudiant” (variable selon les époques et les points de vue) peut amener à certains moments des groupes classés au bas de la hiérarchie de l’enseignement post-baccalauréat à revendiquer leur appartenance au groupe, alors qu’inversement au sommet de la hiérarchie (notamment dans certaines filières sélectives) la protection du prestige amène à se distinguer de “l’étudiant de masse” et à promouvoir une identité spécifique.
Mais l’effet de nombre renforçant la puissance, l’organisation devra étendre sa définition des frontières du groupe pour étendre du même coup son champ de recrutement, son nombre d’adhérents potentiel, et le poids du groupe représenté. Unir toutes les grandes écoles dans l’UGE lui donne ainsi une plus grande force, non seulement vis à vis des pouvoirs publics mais aussi face à, et dans, l’UNEF à laquelle elle adhère en 1957. L’UGE est fondée pour “mettre fin à la concurrence existant entre les écoles ; (...) chaque École représente un petit nombre d’étudiants, chacune ne représenterait qu’un poids infime dans l’UNEF. La création de l’UGE a donc sa raison d’être pour permettre aux Grandes Écoles de constituer un groupe uni au sein du mouvement étudiant.” 30
La vie intérieure des AGE et de l’UNEF, comme leurs “réalisations” (restaurants, logements, sécurité sociale, maisons de l’étudiant, polycopiés) et leurs manifestations internes/externes (bals, faluches, monômes) permettait, comme c’est toujours le cas à une moindre échelle dans la diversité des associations actuelles, une certaine sociabilité. Il s’agit là aussi de constructions volontaires visant à manifester entre soi et vis-à-vis des autres - l’existence d’une communauté, avec ses rites, ses symboles. Cette construction peut-être interne (on va rappeler que la faluche était adoptée par tous les étudiants comme symbole identitaire, mais cet usage généralisé n’a jamais été qu’un mythe, ce qui n’empêche pas nombre d’associations, hier comme aujourd’hui, de la prendre comme référence). La construction peut être aussi externe (l’étudiant est vu par la presse et les dictionnaires, selon les époques et les lieux, comme un feignant, comme un bourgeois insouciant, puis comme un “gauchiste”, comme un intellectuel).
Si le travail de construction sociale de “l’étudiant” est l’œuvre d’organisations, encore faut-il qu’un “modèle” d’étudiant l’emporte parmi les différentes catégories pour que chacun puisse s’identifier, se considérer comme “représenté” par ce modèle. “Une communauté est donc fréquemment une alliance (plutôt qu’une fusion) entre différents groupes (...) ou une coalition d’individus autour d’un groupe dominant. Dans les deux cas, le groupe dominant pourra exercer une hégémonie. Il fournira l’essentiel de la régulation, il fera adopter par l’ensemble les normes et les styles qui le caractérisent” 31 C’est d’abord le modèle juriste ou” carabin” qui s’impose, remplacé par le modèle “sorbonnard” 32. Dans la première moitié du siècle, ce sont les étudiants en médecine et droit qui sont les plus nombreux et c’est parmi eux que se recrutent les dirigeants de l’UNEF et des AGE. La croissance massive des effectifs en sciences et en lettres avec des débouchés professionnels à la fois plus aléatoires, plus orientés vers le secteur public, donne une base de masse à ceux qui prônent des orientations syndicales et politiques différentes rompant avec les traditions antérieures. Ces nouvelles orientations sont d’autant plus susceptibles d’être “présentables” à “l’opinion” que ce sont d’abord par ces filières que s’opère la massification des universités. Ce sont elles que les couches jusque là exclues des études supérieures admettent comme à la portée de leur progéniture. Nul hasard si la revendication anti-sélectionniste en général obtient un assentiment populaire, alors que les luttes contre la sélection des étudiants en médecine n’ont eu que peu d’écho, les couches inférieures de la hiérarchie sociale ne considérant pas que ces filières soient à leur portée.


Vers de nouvelles représentations ?
Aujourd’hui, il semble que le “modèle” qui s’impose soit celui de “l’étudiant de masse”, “l’étudiant de banlieue”, image renforcée par la place prise par des facultés comme Villetaneuse, en Seine-St-Denis, dans les grèves de ces quinze dernières années. Mais sans doute aucun la faiblesse - et la division des organisations “représentatives” - rend plus difficile l’émergence d’un modèle de référence commun. Après l’éclatement de l’UNEF dans la décennie 1960-1970, qui va avoir la légitimité pour parler “au nom des étudiants”, pour produire un modèle de référence à “l’étudiant de masse” ? 33 Si en 1945 la volonté des dirigeants étudiants “d’insérer l’étudiant dans la nation” passait par le double mouvement d’organisation distincte d’apprentis-intellectuels (œuvres et services pour les étudiants, organisation indépendante) et de participation de ces “travailleurs intellectuels” à la vie (économique, sociale, politique) du pays par la participation de l’organisation étudiante à des organismes étatiques ou de cogestion, aujourd’hui on parle d’insertion dans la cité. Des vieux quartiers étudiants et campus des années soixante on passe à “l’étudiant dans la cité”, par des logements étudiants dans les HLM, par “l’ouverture” des universités ou services étudiants aux “jeunes”. Cette massification, qui participe de l’intégration poussée du “travail intellectuel” dans le travail réduit le caractère distinctif de l’étudiant considéré comme “intellectuel” alors que “le caractère réduit et élitiste des effectifs de l’enseignement supérieur (...) facilite l’identification de l’étudiant des années cinquante à un intellectuel” 34 Toutefois, si cette auto-perception demeure dans les 3° cycles, certaines filières littéraires, ou dans les IEP, les Écoles normales supérieures “ce n’est plus la totalité de la vie de l’étudiant qui est, réellement ou imaginairement, engagée dans une aventure intellectuelle, aujourd’hui (...il) fait simplement des études comme d’autres font un apprentissage, et cela ne concerne que la partie professionnelle de son existence” 35. Dès 1960, J. Freyssinet prévoit, après avoir rappelé que si l’action du mouvement étudiant (facteur interne), et l’isolement (facteur externe) ont renforcé l’unification, “une réelle démocratisation de l’enseignement supérieur transformerait peut-être ces tendances en introduisant dans l’université des jeunes ayant des comportements et des styles de vie différents” 36. Aujourd’hui, un jeune sur deux passe dans l’enseignement supérieur, dans chaque grande ville il y a un établissement universitaire, dans chaque famille il y a un chômeur et un étudiant. Cela change les rapports entre la société et les étudiants. Si une identité étudiante se manifeste notamment lors de mobilisations, “comme si les étudiants de ces universités de masse ne devenaient étudiants qu’à l’occasion de ces luttes” 37, cette auto-définition comme “étudiant” semble demeurer la première en période routinière38 Le passage d’une organisation unique représentative en elle-même à plusieurs organisations cherchant leur légitimité auprès des étudiants-électeurs, comme la concurrence en matière de services entre organismes mutualistes ou associatifs, État et administrations, sociétés commerciales (voir photocopies et polycopiés, assurances, voyages…) n’est pas pour rien dans cette difficulté de définition, “d’identité” commune que pour l’instant les rapports de forces (ou de faiblesse) ne permettent pas. Si le travail de mobilisation, d’organisation est à l’origine de l’émergence de modèles communs, encore faut-il qu’il y ait des agents pour mettre en œuvre un tel travail. “Ainsi, les porte-parole qui s’expriment au nom du groupe, qui disent la volonté de la personne collective, la personnifient et lui donnent une voix, au moins implicitement, comme si tous les porteurs d’un nom collectif qu’ils estiment représenter étaient équivalents” 39.

1)
Voir A. Lecomte Le statut de l’étudiant DEA droit social Nantes 1997
2) D. Lapeyronnie Campus Blues p. 10 Le Seuil 1992
3)
Robi Morder “Mondes et mouvements étudiants, l’enjeu des définitions” Politique la Revue N° 3, 1997
4)
Neveu Sociologie des mouvements sociaux p 81, La Découverte 1996
5)
Patrice Mann, l’Action collective Armand Colin, 1991
6)
Erik Neveu sociologie des mouvements sociaux p 82, La Découverte 1996
7)
M. Chebel La formation de l’identité politique p 168 PUF 1986
8) Filleule sociologie de la protestation p 42 Harmattan 1993
9)
P. Bourdieu Ce que parler veut dire Fayard 1982
10)
Luc Boltanski Les Cadres p 51 Minuit 1982
11)
Le mot même de représentation peut avoir un double sens, puisque il peut s’accrocher au sens de “mandat” (et l’on s’intéresse aux représentants du groupe), comme il peut renvoyer à l’idée d’expression du groupe (dans le sens où il se présente aux autres en tant que groupe doté d’une identité collective).
12)
Pour la naissance de l’UNEF, voir notamment A. Monchablon Histoire de l’UNEF PUF 1982 et “la naissance des AGE et de l’UNEF” Cahiers du Germe spécial N° 3 - 1998.
13)
E. Durkheim Leçons de sociologie p 16, PUF 1950.
14)
E. Durkheim “Histoire de l’Université de Paris” in La vie universitaire à Paris p 28, Armand Colin 1918.
15)
V. Karady Histoire des Universités en France p 301, Privat 1986

16)
A. Prost Histoire de l’enseignement en France p 203, Armand Colin 1967
17)
E. Durkheim “Histoire de l’Université de Paris” in La vie universitaire à Paris p 28, Armand Colin 1918.
18)
Rapport d’A. Kahn, VIII° congrès de l’UNEF Strasbourg 1919.
19)
Sur les organisations et relations internationales étudiantes, voir Les cahiers du Germe spécial N° 2 - novembre 1997.
20)
Sur la “nationalisation” de l’UNEF, voir S. Merceron, L’UNEF des années trente maîtrise d’histoire UVSQ 1996 et les articles de D. Fischer et R. Morder, Cahiers du Germe spécial N° 3 1998.
21)
P. Rosanvallon Le peuple introuvable p 235, Gallimard 1998
22)
Voir R. Morder “l’UNEF et les élections” Revue de l’Université n° 13, 1998.
23)
Luc Boltanski Les cadres p 53
24)
Procès-verbal du congrès d’Arcachon, 1948 BDIC 4° delta 1151 1947-1953.
25)
les sources du syndicalisme étudiant p 126
26)
Art 3 des Statuts de l’AGEL, 1888, reproduits en annexe du mémoire de Nathalie Luyckx
27)
Fêtes universitaires, p 118, Archives AFGES
28)
E. Goffmann La mise en scène de la vie quotidienne p 25 Minuit
29)
J-Q. Poindron “l’Union des Grandes Écoles” Cahiers du Germe spécial N° 3 - 1998.
30)
J-Q. Poindron “l’Union des Grandes Écoles” Cahiers du Germe spécial N° 3 - 1998
31)
J-D Reynaud Les règles du jeu p 82, Armand Colin 1989.
32)
Tout comme le modèle “typographe” ou “mineur” est remplacé par le cheminot, puis le “métallo” pour le monde ouvrier. La lecture des dictionnaires révèle bien cette évolution, puisqu’on illustre l’étudiant - selon les époques - par “l’étudiant en médecine”, ou “l’étudiant en droit”, puis “étudiant en Sorbonne”….
33)
R. Morder “D’un seul syndical représentant la “classe étudiante” à la pluralité des représentations” Colloque RESSY - UNEF - UNEF ID avril 1996, actes à paraître aux Éditions Syllepse.

34)
J-Y. Sabot le syndicalisme étudiant et la guerre d’Algérie p 121, l’Harmattan 1994.
35)
Françoise Gaillard “l’étudiant en mal de définition” Politiques N° 4, 1992.
36)
”ou vont les étudiants Cahiers de la République juillet août 1960.
37)
F. Dubet Agora N° 5 - 3° trimestre 1995
38)
Voir résultats des enquêtes et questionnaires commentés dans Le monde des étudiants (O. Galland dir.) PUF 1995.
39)
L. Boltanski Les Cadres p 257, Minuit 1982.



L’art d’être étudiant


Alain Coulon est professeur de sciences de l’éducation à l’Université de Paris VIII à Saint-Denis. Ethnométhodologue, il a publié un livre sur l’entrée dans la vie universitaire, où il étudie les modalités d’affiliation du nouvel étudiant, à travers la notion de “métier d’étudiant”.

Pouvez-vous me décrire ce que vous entendez par « métier d’étudiant » ?

C’est une expression métaphorique. Il ne s’agit pas d’un métier au sens où on l’entend habituellement parce qu’un métier se définit par une activité professionnelle. De plus, il s’agit d’un métier provisoire car être étudiant, c’est un statut social provisoire. Ce que je veux indiquer c’est l’idée que ce n’est pas quelque chose de naturel. On est pas évidemment étudiant. Il ne suffit pas de s’inscrire dans un établissement d’enseignement supérieur, c’est encore plus vrai de l’université, pour être étudiant. Être étudiant exige un certain nombre d’apprentissages, de savoir faire, de connaissances. C’est cet ensemble que j’ai appelé “métier”. De même que dans la vie courante, on peut dire d’un plombier, d’un chauffeur d’autobus, qu’il a du métier. Un étudiant, après un certain temps, « a du métier ». Il sait mobiliser au bon moment des connaissances, des savoir-faire, etc. Ce n’est pas spontané, naturel. Cela doit faire l’objet d’un apprentissage institutionnel et intellectuel. C’est ce que j’ai appelé les processus d’affiliation.

Pouvez-vous les expliquer ?

Il est tout à fait spectaculaire de constater le nombre d‘échecs et d’abandons, les taux continuant à être stables quelles que soient les réformes entreprises. Ainsi, on peut estimer qu’entre 30 et 40 % des étudiants échouent, abandonnent, ce qui est important numériquement. Symboliquement c’est différent. Ce n’est pas complètement nul de passer une année voire deux non sanctionnées par un diplôme dans une université. Cela a un effet probablement positif. L’idée d’affiliation, c’est qu’un étudiant ne peut réussir que s’il entre dans ce processus d’apprentissage du quotidien qui est de deux ordres. D’une part institutionnel, il faut apprendre les institutions universitaires, à jouer avec, à se familiariser avec. Cela concerne la “cuisine” des diplômes, des U.V., des cours, le déplacement dans l’espace, etc. Il y a beaucoup de ruptures qui sont décrites par les étudiants de première année. Ils considèrent l’université comme étant immense, même s’il s’agit d’une université minuscule. D’autre part intellectuel, processus qui n’est jamais achevé. Il consiste à pouvoir d’abord identifier, ensuite comprendre et enfin incorporer des routines et allants-de-soi qui constituent les pratiques de l’enseignement supérieur et de l’université en particulier.


Pensez-vous que l’université favorise vraiment cette affiliation institutionnelle ?

En étant optimiste, je dirais qu’on est à un tournant. Sinon, en tant que Directeur d’UFR, je constate que les étudiants sont quand même mal traités. En ce moment, début juillet. je suis sans arrêt saisi de demandes de dérogation. Si on ne les aide pas, il seront laminés et ne pourront même pas s’inscrire. Alors j’écris à mes collègues pour aider les étudiants. Ce n’est pas normal que cela se passe comme ça. Cela devrait être un processus institutionnel clair, transparent, qui compenserait le manque d’informations. Contre cette bureaucratie là, il y a quand même des mesures qui sont prises dans les universités. Le tutorat par exemple, constitue une mesure institutionnelle efficace. Il faut bien sûr encadrer les tuteurs et faire attention à traiter cette chose comme un dispositif pré-pédagogique ou bien d’accompagnement pédagogique. Cette petite pédagogie institutionnelle par les aînés me paraît tout à fait indispensable et il est préférable que ce soit fait par des étudiants plutôt que par des enseignants. Je suis donc assez optimiste, mais il faut travailler sur la structure et éviter les dangers permanents de la bureaucratisation.

Dans votre ouvrage, vous dites “qu’être étudiant, au-delà des cours et de l’activité intellectuelle proprement dits, implique de nouer des contacts, d’établir des dialogues, de mener des activités avec les autres étudiants (...) “. Qu’entendez-vous par mener des activités avec d’autres étudiants ?

Ce sont les activités para-universitaires : les activités culturelles, associatives, militantes. Je ne veux pas dire par là que chaque étudiant doit devenir militant d’une organisation quelconque. Être étudiant, je crois que ce n’est pas seulement aller en cours et faire du travail intellectuel. Je pense que c’est également un temps de la vie où on a envie, besoin d’avoir des activités à côté, dans la fac, mais qui ne soient pas directement « intellectuelles ». Il y a beaucoup d’activités para-universitaires qui contribuent à l’affiliation institutionnelle. On se sent d’un « même monde ». Il faut quand même avoir à l’esprit que le plus grand danger que courent les étudiants à l’université, c’est l’anonymat. Il existe une vraie différence avec le secondaire où les élèves sont pris en charge par les enseignants, alors qu’à l’université, cela ressemble davantage à une fausse liberté. C’est le temps de l’anonymat où personne ne vous connaît. Vous êtes souvent seul. Il est donc important de multiplier les contacts, d’être pris dans des réseaux. C’est le sens initial du concept de transversalité chez Félix Guattari : l’idée que le sujet, premièrement, est pris dans un réseau d’appartenances, de références, qui fait qu’il n’est pas seul, deuxièmement, qu’il est toujours en position de s’exprimer, et troisièmement, que personne n’est en mesure de prétendre totaliser l’information.

Vous parlez également du fait qu’il est important que les étudiants restent après les cours, qu’ils ne soient pas simplement de passage à l’université. Est ce lié à ces activités ?

Complètement. S’il peut, à 18 heures, aller de temps en temps au ciné-club ou faire autre chose, avoir une activité non obligatoire. Il est positif que l’université ou les maisons de l’étudiant proposent et gèrent diverses activités. Néanmoins, l’université ne doit pas pour autant se transformer en Maison de la culture. Ce n’est pas sa vocation.

Certains étudiants témoignent cependant d’une réaction négative de leurs enseignants quant à leurs activités associatives ou militantes par exemple, considérant qu’elles nuisent à leurs études. Qu’en pensez-vous ?

Je pense le contraire. Encore une fois, il ne s’agit pas de remplacer les activités universitaires par des activités para-universitaires. Il faut cependant savoir si l’on veut que les universités soient des lieux de vie ou si l’on veut que ce soient des usines à savoir, où l’on vient aspirer dans le tube de la sociologie, du droit, et une fois qu’on a bien aspiré, on s’en va chez soi réviser ses leçons. Si c’est ce que l’on veut alors l’université va devenir de plus en plus sinistre, ce qui est déjà le cas dans certains endroits. Il faut conserver la mission première de l’université qui est la transmission des connaissances, la recherche, tout en s’attachant à en faire des lieux de vie, des lieux où l’on aime être en développant ces activités.

D’autres étudiants se laissent également piéger par leurs activités associatives et militantes jusqu’à en oublier leurs études, et le justifient en disant qu’ils ne sont pas bien à l’université, qu’ils ne sont pas satisfaits par leurs études, que cela soit lié à un problème d’orientation ou pédagogique. Pensez-vous que cela soit symptomatique de la difficulté de devenir étudiant ?

Je n’ai pas connu ce type d’étudiant. Je pense plutôt que les militants associatifs et syndicaux le sont avant d’entrer à l’université, même s’ils ne savent pas encore. Concernant le rapport aux études, je pense que cela dépend des disciplines. Je ne suis pas sûr que les activités para-universitaires soient d’un grand secours dans les études, si ce n’est la fonction sociétale qu’elles remplissent.

Comment ces activités peuvent-elles être intégrées par l’université dans son fonctionnement ?

J’ai parlé tout à l’heure des Maisons de l’étudiant. Il peut y avoir d’autres structures. A Paris 8, on a créé l’Action Culturelle Artistique qui propose des activités intéressantes. Je pense qu’il faut aussi favoriser la domiciliation d’associations mais c’est parfois délicat idéologiquement et financièrement. Et puis favoriser le plus possible tout ce que les étudiants peuvent faire, leurs projets. Souvent, il ne faut pas grand chose : une salle, du matériel…

Considérez-vous globalement que ces activités associatives, syndicales, culturelles, sont constitutives du métier de l’étudiant, qu’elles devraient l’être, ou qu’elles sont un plus extérieur à cette définition ?

On ne peut pas dire qu’elles soient constitutives du métier de l’étudiant. Ce qui constitue le métier de l’étudiant, ce sont les opérations intellectuelles. Il faut faire attention au danger de remplacer la vocation première de l’université, la transmission des connaissances, par des activités qui feraient croire que l’université c’est ça. J’ai décrit qu’elles sont une condition possible pour aider à l’affiliation, de manière à ce qu’on ne transforme par les étudiants en des consommateurs, ce qu’il sont déjà beaucoup trop. Ce sont des accompagnants qui favorisent l’affiliation institutionnelle. Par contre, l’affiliation intellectuelle, c’est autre chose. Il faut entrer dans le monde des idées, réussir à prendre conscience que l’on est là pour ça même si on est dans une filière professionnelle. Je dis souvent aux étudiants qu’ils n’ont que trois choses à faire : lire, écrire et penser. Mais la vie d’étudiant, ce n’est pas la vie tout court. Il y a bien évidemment plein de choses à faire à côté, simultanément. L’instrument le plus efficace, le plus utile pour favoriser l’affiliation intellectuelle, est de développer des enseignements de méthodologie du travail intellectuel et de recherche documentaire. Cela permet aux étudiants de comprendre comment se classent les idées, s’ordonnent les disciplines.

Pensez-vous que l’on puisse déduire de l’exercice de métier d’étudiant l’existence d’un groupe social étudiant ?

J’hésiterais à dire que c’est un groupe social. L’évolution démographique, puisque aujourd’hui, il y a une personne sur deux d’une même classe d’âge qui est étudiante, peut faire croire que c’est un groupe social. Je pense cependant qu’on est loin du compte. Il y a peut être des critères de consommation, des activités culturelles, des activités économiques communes. En ce sens, cela tend à le devenir. En fait, tout dépend de la visée politique qu’on a. S’il existe un groupe social étudiant, doit-on lui réserver un traitement particulier ? Citons par exemple les chômeurs. Constituent-ils un groupe social ? Le tout est de savoir s’il y a plus de caractéristiques qui les éloignent ou qui les unissent.


Propos recueillis par Valérie Becquet

Coulon Alain —
Le métier d’étudiant — l’entrée dans la vie universitaire —
Coll. Politique d’aujourd’hui PUF,

De nouvelles identités culturelles

A la demande du Pôle Européen Universitaire et Scientifique de Grenoble et d’Un Tramway Nommé Culture (service culturel des universités grenobloises) au cours de l’année 1997, l’enquête réalisée par Sabine Lacerenza et Gil Arban avait pour objectif général de révéler les pratiques et les représentations de la culture des étudiants.
Ayant pris connaissance dans un premier temps de l’ensemble des enquêtes et évaluations concernant la politique de programmation culturelle du Tramway Nommé Culture et les pratiques culturelles des étudiants à Grenoble, nous avons convenu avec le Pôle Européen d’une enquête qualitative visant à parfaire et à prolonger les études antérieures sous une perspective différente de celles jusqu’ici adoptées.

Il s’agissait donc d’analyser les pratiques culturelles des étudiants autant que les représentations de la culture qui pouvaient les définir ou les structurer. L’idée était en effet de considérer la pratique culturelle en lien avec la représentation que se fait l’étudiant de la culture. On l’aura compris, un des principes fondamentaux de l’enquête était non seulement de cerner le rapport de l’étudiant à la culture légitime mais aussi de laisser se définir singulièrement, au cours des entretiens, ce que l’étudiant considère comme appartenant au domaine culturel.
Liée à la problématique proposée, une méthode qualitative devait être mise en place. La nécessité de réaliser une cinquantaine d’entretiens biographiques afin de puiser des histoires de vie étudiante apparaissait d’autant plus flagrante que l’on risquait, si l’on s’y refusait, de passer outre bon nombre de représentations fondamentales (spatiales, culturelles) liées au vécu (et au statut) même de l’étudiant et de n’interroger que superficiellement les représentations de la culture en dehors de leur contexte. Il n’était pas plus grossière erreur selon nous que de négliger l’expérience étudiante dans sa quotidienneté ; au contraire c’est bien dans ce cadre qu’il fallait saisir intégralement les représentations de la culture.
La trame unique qui a dirigé le choix de la population interrogée relève de notre simple volonté d’accéder à la construction d’un panel représentatif de l’ensemble des étudiants grenoblois, non pas dans leurs fonctions ou statuts précis ni dans leurs caractéristiques formelles (que sont l’âge, la filière, le cycle, etc.) étant entendu que ces variables ne manifestent leur efficience optimale qu’à un niveau statistique élevé. Il s’agissait plus exactement de se concentrer sur les profils des étudiants, leurs divergences représentationnelles, leurs pratiques et leurs expériences. L’objectif clairement affiché étant de mettre en exergue les comportements emblématiques et les logiques qui définissent les différents rapports à la culture.
Sans reprendre précisément l’ensemble des points fournis par l’enquête nous nous contenterons d’exposer les différents rapports qu’entretiennent les étudiants à la culture sous forme de classification. Mais une simple description “photographique” ne dirait rien de convaincant sur la réalité des relations à la culture ni sur la complexité des raisons qui motivent ces pratiques et ces représentations de la culture. Aussi devrons-nous en passer par une brève mise en situation.
1. Les conditions de compréhension des identités culturelles étudiantes

La substitution de la conception d’une “culture étudiante” par l’acceptation de l’éclatement des pratiques culturelles des étudiants a déjà été révélée à plusieurs reprises (Lapeyronnie et Marie, 1992, Châtel et Soulet, 1993). Il est de l’ordre de l’évidence que la population étudiante ne répond plus à des critères de définition globaux et homogènes quant à ses pratiques culturelles.
Dès lors nous ne pouvons qu’acquiescer au modèle de l’univers étudiant défini par V. Châtel et M.H. Soulet non pas comme une solidarité organique ou mécanique mais comme un “modèle pluri-normatif de cosmopolitisme moral et socio-culturel”, entendu dans le sens d’une “présence simultanée au sein de l’univers estudiantin d’espaces sociaux et culturels hétéroclites, générateurs de pratiques disparates et supportés par des valeurs pour partie divergentes, au sein desquelles les individus se meuvent successivement ou même simultanément” 1.
Mais le questionnement qui sous-tend notre problématique réside moins dans la constatation de cet éclatement ou dans l’analyse des déterminations sociales2 qui prédéfinissent les pratiques culturelles que dans une réflexion sur les représentations, les valeurs qui sont au fondement des pratiques et de leur diversité. Car si la pluralité des pratiques culturelles étudiantes n’est plus à démontrer, il s’agit pour nous de rechercher les divergences de représentations de la culture pour saisir en aval la diversité de ces pratiques.
Mais avant même de pouvoir dire quoi que ce soit sur les représentations des étudiants en ce qui concerne la culture, il faut saisir à quel point la représentation de la notion d’étudiant, parmi la population étudiante elle-même, organise les comportements face à la culture.
1.1. Les représentations du statut étudiant chez les étudiants eux-mêmes
La diversité des pratiques culturelles des étudiants dissimule mal l’éclatement des valeurs et les fonctions symboliques attachées au statut étudiant. Aussi nous faut-il concevoir dans quelle mesure la représentation de la figure de l’étudiant est, elle aussi, diffractée.
Il n’y a plus, en effet, une représentation unique et unifiante de l’étudiant, et c’est là peut-être la différence majeure avec les étudiants décrits dans les années soixante par P. Bourdieu et J.-C. Passeron. Car si les capacités à la réussite variaient selon les effets d’héritage, l’idéal des étudiants des années soixante se fondait sur la concrétisation ou le désir d’accession à un statut intellectuel3. Ce qui ne semble plus être le cas aujourd’hui. Les représentations du statut d’étudiant et de ses fonctions sont caractérisées, bien plus que dans le passé, par une composition protéiforme. Il nous semble important de les reconsidérer.
1.2. La bipolarité du rapport aux études
L’axe d’analyse privilégié ici sera le rapport aux études et se construira autour des deux pôles : l’aventure intellectuelle et l’instrumentalisation.
La représentation de l’étudiant vivant son passage à l’université comme une aventure intellectuelle persiste autour de la notion de déréalisation de l’avenir ; détaché des projets professionnels, identifié à une “vocation” intellectuelle vécue comme une aventure de la personnalité. Évidemment la culture est ici un élément prégnant voire constitutif du comportement de ce type d’étudiant.
Dans le second cas, au contraire, on pourrait définir la notion d’instrumentalisation par un refus de la sacralisation et de la magie existentielles de l’étudiant. On regroupera sous cette acception les étudiants qui ne vivent pas leur vie étudiante avec toute l’aura qui peut la définir mais qui envisagent le statut d’étudiant dans ce qu’il a de plus purement scolaire. Seule la réalisation professionnelle prime et, en conséquence, le passage à l’université est uniquement conçu comme une étape utile à l’entrée dans la vie active. L’université n’est pas envisagée comme un lieu de bouillonnement intellectuel mais davantage comme un moyen de réussite professionnelle. Pour reprendre la terminologie de F. Dubet, dans ce cas précis, il s’agit essentiellement d’un “projet” mais qui exclut l’existence d’une “vocation” structurée et d’une forte intégration à l’univers étudiant4. Les pratiques culturelles sont peu privilégiées par ce type d’étudiant qui n’intègre pas ou peu les “pratiques culturelles” extra-universitaires dans la construction symbolique de sa personnalité lors de son passage à l’université.
Dans ce schéma bipolaire, de multiples versions s’élaborent, se construisent graduellement. Et entre ces deux points extrêmes, diverses possibilités se dessinent et une prolifération d’expériences apparaissent.
2. Quelques figures étudiantes

Reste à décrire et comprendre les différents rapports à la culture définissant les diverses populations étudiantes. Malgré les risques inhérents à la tentation de fournir une analyse schématique et catégorielle, il est néanmoins préférable de postuler comme primordiaux les avantages que peut procurer l’exposé d’une construction autour d’idéaux-types, qui ne sont en rien des réalités sociales mais bien des élaborations raisonnées autour d’une réalité. Des idéaux-types, ou pour le dire autrement, des modèles, des référents abstraits, des figures exemplaires et singulières de rapports à la culture. Cette construction s’offre comme un mode de lecture d’une réalité beaucoup plus éparse et complexe et permet de mettre en évidence sept figures explicatives distinctes du rapport qu’entretiennent les étudiants avec la culture.
2.1. Adornien
Les Adorniens sont des étudiants qui ont un goût privilégié pour la culture légitime, sous des formes, de préférence, traditionnelles. Autrement dit, leurs goûts culturels relèvent davantage du légitime et du classique que du contemporain et du populaire.
L’univers quotidien des Adorniens est généralement connoté par un très grand investissement (quantitatif et affectif) culturel. Leur forte proximité à la culture légitime est corrélée par une grande exigence dans le domaine culturel et leur goût pour l’excellence artistique. Ce goût prononcé pour la culture savante s’associe à un refus évident de l’amateurisme. Parfois cela peut prendre la forme d’une ostentation élitiste et d’un refus des cultures populaires (sauf sous ses formes les plus légitimées par l’histoire).
Pour les Adorniens, l’accès à la culture doit se faire de manière volontaire et attentive et nécessite donc un effort personnel. Pour eux, les étudiants ne doivent pas être consommateurs ou assistés. Cette opinion se confirme par ailleurs dans leurs pratiques mêmes puisque leur mobilité géographique s’avère très forte.
Le rapport à l’université des Adorniens se construit autour de l’aventure intellectuelle. En ce sens, pour certains étudiants, les pratiques culturelles font partie intégrante du devoir de l’étudiant. L’université est alors considérée par les Adorniens comme un haut lieu culturel, connoté par les notions de pureté et de désintéressement.
2.2. Janus
L’univers de Janus “au croisement de l’univers classique et moderne, est l’univers dominant de la minorité de très forts pratiquants sur laquelle repose une grande partie de la vie culturelle. Le principe organisateur de leurs goûts est l’éclectisme, ce qui suppose une familiarité aussi poussée avec la culture classique qu’avec les formes modernes d’expression et exige la réunion de beaucoup d’atouts en termes de capital culturel, de disponibilité et de proximité à l’offre culturelle.”5 A l’image de Janus, figure ambivalente, marquant l’évolution du passé à l’avenir, l’étudiant Janus fait se rejoindre les formes culturelles classiques et contemporaines. En effet, pour ce type d’étudiants, le rapport à la culture légitime est évident parce que, selon eux, la culture existe en soi et n’est jamais du côté de l’utilitaire. Ils apprécient les aspects intellectuels et la culture classique mais à l’inverse des Adorniens, ils ne renient en rien les formes contemporaines de la culture savante.
Les étudiants Janus revendiquent de plus une certaine forme d’élitisme et élaborent une critique d’une supposée “culture étudiante”, peu avant-gardiste. Il s’agit même pour eux de sortir de cette culture “purement étudiante”, envisagée comme une incarcération morale.
Ainsi, c’est dans cette catégorie que l’on recense la majorité d’étudiants épris d’aventure ; une propension qui se matérialise par un grand éclectisme culturel et une immense curiosité. Tout comme les Adorniens, les étudiants Janus se définissent par une très forte mobilité. L’investissement culturel (réel et affectif) est très fort puisqu’ils cumulent les bénéfices de l’addition des formes classiques et contemporaines de la culture légitime. Parallèlement, leurs pratiques culturelles sont très diversifiées tant d’un point de vue formel que d’un point de vue thématique.
Quant à l’image qu’ils se font de l’étudiant, elle rentre en correspondance exacte avec celle de l’aventure intellectuelle. D’ailleurs leur représentation de l’université confirme cette attitude puisque pour eux cette institution est un lieu éminemment culturel.
2.3. Cultivé moderne
Nous empruntons le terme “cultivé moderne” à O. Donnat dans la mesure où il correspond parfaitement à la seconde figure que nous avons relevée dans les rapports étudiants à la culture. “L’univers cultivé moderne pour sa part s’articule autour de l’écoute musicale et de sorties nocturnes comme les concerts de jazz et de rock, les spectacles de danse et de cinéma ; la lecture de livres y conserve une place importante. (...) Construit autour de formes d’expression récentes où les barrières d’accès symboliques sont moins fortes, il est dominant chez les jeunes diplômés urbains : plus tournés vers l’extérieur que les tenants de l’univers cultivé classique, ils se nourrissent plus de l’actualité, expriment une certaine réserve à l’égard des formes d’expression jugées trop intellectuelles ou trop sérieuses et sont plus sensibles aux phénomènes de mode. Leur investissement dans le domaine culturel est parfois important mais n’a pas le caractère sacré qu’il revêt souvent dans l’univers cultivé classique : il est plus marqué par les valeurs d’hédonisme et d’individualisme et s’intègre plus dans un art de vivre, aux côtés d’autres activités de loisirs”.6
Les Cultivés modernes manifestent en effet un grand investissement culturel dans le sens où la précision de leurs choix et le caractère péremptoire de leurs goûts culturels révèlent l’importance accordée à la culture comme élément structurant de leur personnalité. On constate alors l’affirmation d’un goût pour les cultures non reconnues, alternatives ou non institutionnelles (se différenciant néanmoins des cultures populaires) lié à leur indépendance dans le choix des manifestations culturelles. Leurs goûts culturels sont plutôt tranchés, les Cultivés modernes ne sont pas forcément curieux, en dehors des objets culturels qu’ils privilégient à l’accoutumée - domaine dans lequel ils peuvent d’ailleurs se montrer experts - ils sont dans une position non pas d’attention à leur environnement culturel global mais plutôt dans celle de l’attente.
C’est pourquoi, si leur reconnaissance de la culture légitime est apparemment évidente, leur participation l’est beaucoup moins. Plus exactement leur participation réelle à la culture légitime est en deçà de l’importance qu’ils lui reconnaissent. C’est d’ailleurs dans la catégorie des Cultivés modernes que l’on peut classer les étudiants qui sont victimes de manière flagrante d’une dichotomie entre les pratiques culturelles effectivement liées à la culture de masse et une vision idéalisée de la culture légitime.
Cette dissymétrie entre pratiques et représentation tient au fait que leur adhésion à la culture légitime est, en réalité, toute relative. En effet, le légitime est souvent associé à l’intellectualisme, et si les Cultivés modernes revendiquent un rapport cultivé à la culture, ils refusent une culture austère et intellectualiste. Leur crainte de donner l’image d’un étudiant “intello” est à ce sujet très révélatrice. Ainsi, la culture n’est envisageable que dans la mesure où elle a à voir avec les loisirs. L’un des points centraux de la figure des Cultivés modernes se cristallise ainsi autour de cet hédonisme. Ils ne considèrent pas la culture autrement que comme dédramatisée, juvénile et festive.
Bien que la représentation de l’étudiant ne soit pas univoque chez les Cultivés modernes, dans tous les cas, c’est l’aspect “jeune” qui est prépondérant. C’est dans cette catégorie que les visions négatives du campus semblent être souvent les plus radicales : l’instrumentalisation et la fonctionnalité du campus sont premières et l’association entre culture et campus est le plus souvent dépréciée.
2.4. Chrysalide
Nous pourrions définir cette population comme une catégorie dont les caractéristiques principales s’élaborent autour d’une immense soif de connaissances, d’une grande effervescence et d’une absence quasi totale de jugements définitifs ou déterminés sur différents types de culture. Le terme de Chrysalide se justifie pour qualifier un comportement innocent et émerveillé, lié à une période initiatique où se développent des émotions, des sensibilités liées aux découvertes diverses dans le domaine culturel.
C’est souvent une liberté nouvelle (arrivée à l’université, sortie du domicile parental) qui permet l’accroissement d’un désir de connaissances. Il y a rencontre entre une forte offre culturelle et une forte demande de la part de ces étudiants avides de découvrir une multitude de phénomènes culturels. Dans la totalité des cas, leur goût, leur impatience et leur avidité culturelles sont corrélés par une très grande mobilité. Pour les Chrysalides, familières de nombreuses sorties, les sorties culturels révèlent un éclectisme et une pluralité de centres d’intérêt.
Ainsi, les Chrysalides opèrent une indistinction fondamentale entre culture légitime et culture populaire puisque dans tous les cas la recherche de l’émotion et de la découverte transcende les catégories. Ce refus des intolérances ou la non conscience des intolérances et des divisions catégoriques dans le domaine culturel définit spécifiquement les Chrysalides.
Parce que cette figure résume la diversité et la candeur, la représentation de l’étudiant des Chrysalides peut s’exposer comme étant celle d’une aventure culturelle, émotionnelle et festive. Corrélativement à la grande mobilité et à “l’incertitude culturelle” des Chrysalides, le campus n’est pas forcément vu négativement et il est autant apprécié que les autres lieux culturels.
2.5. Distant
Les Distants quant à eux éprouvent un sentiment de déférence envers la culture légitime mais ils expriment aussi une critique de l’hermétisme et du snobisme dans les manifestations culturelles qui nous conduit à penser qu’ils ressentent une certaine inquiétude à l’égard de la culture légitime. Parfois cette attitude face à la culture peut prendre la forme d’une culpabilité due à leur non participation patente et à l’absence d’investissement culturel effectif. D’ailleurs, par souci de compensation et de structuration, c’est chez les Distants que l’on relève le plus souvent un désir prégnant de grandes manifestations culturelles, indiquant par là même un besoin de repères culturels. Leurs souhaits se dirigent donc vers des manifestations culturelles reconnues et très médiatisées.
Par ailleurs, selon les Distants, la culture doit être irrémédiablement liée à la festivité et à la sociabilité. La sortie culturelle n’est alors plus conçue comme une activité individuelle mais comme l’occasion d’un rassemblement convivial. En somme il est important pour eux de créer des lieux de rencontres dans lesquels la culture serait un prétexte à la naissance de sociabilité, notamment autour de l’amateurisme.
Cette représentation globale de la culture peut être comprise si on l’associe à la représentation de l’étudiant des Distants. On repère en effet aisément un refus de la vie adulte, lié à une représentation de l’étudiant où la convivialité et la festivité répondent à un besoin d’immaturité et d’insouciance. Pour cette frange de la population étudiante, le moment des études est le temps privilégié de la transition, de l’absence d’investissement ou d’implication. Il est d’ailleurs troublant de constater que leur expérience est comme parasitée par différentes représentations de l’étudiant voire même par un conflit entre les représentations que la multitude de l’offre culturelle ne peut que raviver.
Précisons enfin que les Distants ont une représentation assez distante voire négative de l’université. Si l’on ne constate quasiment aucun investissement dans l’université, a fortiori, on n’en découvre pas non plus dans ses institutions ou activités annexes.
2.6. Festif
Ce terme de Festif ne signifie en rien que tous les étudiants ayant une activité nocturne intense soient à classer dans cette catégorie. Plus précisément cet adjectif veut appréhender une partie des étudiants qui expriment un rejet virulent du monde culturel. Mais il s’avère que ces propos étaient tenus, en ce qui concerne notre échantillon, par des étudiants proches d’associations festives.
En effet, la plus importante de leurs caractéristiques s’exprime par une quasi absence de sorties culturelles et parfois même par la revendication de cette absence. On remarque de manière flagrante, une radicalisation du discours sur l’insouciance et la jeunesse. Le goût pour les soirées étudiantes concrétise parfaitement une valorisation de la jeunesse alors que la culture semble réservée aux populations adultes. On constate alors, une relative similitude avec la figure des Distants ou avec celle des Cultivés Modernes dans le sens où dans tous les cas l’intellectualisme est ressenti comme ostentatoire. Mais ici, à l’inverse des Distants qui adhèrent à la culture légitime, le refus de l’intellectualisme prend, chez les Festifs, des formes agressives qui peuvent aller jusqu’au dénigrement.
La préséance qu’ils accordent aux loisirs se conjugue à leur représentation de l’étudiant et se manifeste par une exaltation de la festivité au détriment des sorties culturelles ; l’étudiant n’endossant d’ailleurs ce statut que dans la mesure où il accepte une forte intégration dans le réseau des associations étudiantes et autres BDE. Ici l’incorporation ne se fait qu’autour de la festivité ou de la filière. Les Festifs sont à ce sujet des étudiants très intégrés dans leurs milieux d’études.
2.7. Dénuement
Cette catégorie se distingue tout d’abord par une très faible mobilité. Il n’est même pas question ici de faire référence aux sorties culturelles puisque cette attitude introvertie semble plutôt structurelle. Cette faiblesse de l’intégration à la vie étudiante s’explique par un repli global.
En ce qui concerne le rapport de ces étudiants à la culture, crainte et sentiment d’incompétence apparaissent de manière incontestable. La culture se résumant quasi exclusivement aux cours et l’instrumentalisation des études se faisant prégnante, ces étudiants ne vivent pas leur statut d’étudiant avec la magie que d’autres peuvent placer dans cette étape de leur vie.
Pour ces étudiants majoritairement issus de classes sociales populaires, la vie étudiante se caractérise par une faible intégration, un rapport instrumentalisé et difficile aux études, une faible participation culturelle, un cloisonnement (souvent dans les résidences universitaires) et un “vivre petitement” autant matériel que représentationnel. Dans ces cas précis, l’analogie avec les “exclus de l’intérieur” décrits par P. Bourdieu et P. Champagne7 paraît justifiée.

L’appréhension des logiques de ces différentes figures étudiantes nous renseigne donc autant sur la diversité des représentations du statut étudiant que sur la pluralité de leurs rapports à la culture. Il était important de remonter à ces conceptions dissemblables pour saisir de façon adéquate les variations de jugements et de pratiques dans le domaine culturel et pour montrer toute la difficulté d’une offre culturelle en direction des populations étudiantes.
Il n’est plus possible aujourd’hui d’appréhender les identités culturelles étudiantes par le prisme déformant, réducteur et réificateur de la figure univoque de l’étudiant engagé dans une culture savante (traditionnelle ou contemporaine) dans la mesure où, concurrencée par d’autres modèles dont les conditions d’expression et de réception culturelles doivent être décelées et acceptées, elle est en perte d’hégémonie.

1)
Viviane Châtel, Marc-Henry Soulet, La culture étudiante : entre mythe et diversité, DEP, ministère de la Culture, 1993
2)
V. Châtel et M.H. Soulet définissent les déterminations sociales des pratiques culturelles étudiantes autour d’une combinatoire de trois effets : effets d’héritage, de condition, de filière. Op. cit.
3)
“L’université prêche toujours des convertis : étant donné que sa fonction dernière est d’obtenir l’adhésion aux valeurs de la culture, elle n’a pas vraiment besoin de contraindre et de sanctionner puisque sa clientèle se définit par l’aspiration plus ou moins avouée à entrer dans la classe intellectuelle.” Bourdieu Pierre, Passeron Jean-Claude, Les héritiers, Les étudiants et la culture, Paris, Éditions de minuit, 1964
4)
Dubet François, “Dimensions et figures de l’expérience étudiante dans l’université de masse”, Revue Française de Sociologie, XXXV, 1994
5)
Donnat Olivier, Les Français face à la culture. De l’exclusion à l’éclectisme, Paris, La Découverte, 1994
6)
O. Donnat, Ibid.
7)
Les exclus de l’intérieur étant ces élèves (ici des étudiants) victimes de “pratiques d’exclusion douces, ou mieux, insensibles” justement parce que l’école exclut “et qu’elle garde en son sein ceux qu’elle exclut”. P. Bourdieu, P. Champagne, La misère du monde, Paris, Seuil, 1993


Les Étudiants Musulmans de France : entre Islam et laïcité


Peux-tu me présenter la démarche d’Étudiants Musulmans de France ?

Comme son nom l’indique, E.M.F. est avant tous une association estudiantine, son but est d’aider et accompagner l’étudiant durant son cursus universitaire. Elle est certes d’appellation musulmane, mais elle est au service de tous les étudiants, nos activités culturelles, sociales, syndicales ou sportives sont ouvertes à tout le monde, et la seule condition pour se faire est de se procurer une carte de membre d’E.M.F. et d’avoir une carte d’étudiant ; nous comptons parmi nos membres actifs et sympathisants des étudiants non musulmans. Pourquoi Étudiants Musulmans ? Avec l’arrivée des jeunes issus de l’immigration à l’université, c’est une nouvelle composante qui vient enrichir le campus universitaire — en tout cas c’est ce que nous pensons. Certes le campus universitaire français a accueilli des milliers d’étudiants musulmans qui venaient de l’autre rive de la Méditerranée, mais ils n’étaient qu’en transit ; ils s’agissaient d’étudiants étrangers qui repartaient chez eux après avoir reçu leurs diplômes. Avec les jeunes de la seconde génération, il s’agit d’étudiants musulmans français qui veulent jouer leur rôle de citoyens et jouir de tous leurs droits. Nous sommes là pour leur rappeler leurs devoirs et défendre leurs droits. Et pour ceux en quête de leur identité, nous sommes là pour leur donner quelques éléments de réponse.

Leur identité d’origine, à la fois ethnique et religieuse ?

Non pas forcément ethnique. L’origine est certes une richesse de plus, mais à trop en parler, elle peut devenir une source de conflit et de querelles interminables. Nous ne voulons pas que les jeunes de la seconde génération tombent dans le piège du nationalisme chauvin et stérile, comme cela a été le cas de leurs parents ; dans certaines villes on trouve la mosquée des Marocains, celle des Algériens ou bien encore celle des Turcs. Pourtant le message de l’islam est clair : “Nous vous avons créé en peuple et en tribu afin que vous vous entre-connaissiez” (verset du Coran). Le musulman doit toujours aller vers l’autre nouer avec lui un dialogue serein et constructif, dans le but de le connaître davantage et afin que s’établissent des liens d’amitié solides et durables. C’est dans ce même esprit que nous essayons de faire comprendre aux jeunes de la deuxième génération qu’ils sont français et qu’il doivent jouer leur rôle de citoyen à part entière. Et cela depuis la création de l’association, qui s’appelait au départ l’Union Islamique des Étudiants de France.

Vous avez changé de nom depuis ?

Les fondateurs de l’association avaient au début choisi comme intitulé : l’Union Islamique des Étudiants de France, ils avaient choisi le mot islamique dans un souci d’ouverture. Cela peut paraître contradictoire, mais en 1989, date de la création de l’association, ce mot n’était pas diabolisé par les mass-media, d’ailleurs si l’on ouvre le dictionnaire on lit : islamique : qui appartient à l’Islam. Lors d’un congrès en 1996 les congressistes avaient décidé de changer d’intitulé au terme d’un débat qui a duré jusqu’à deux heures du matin. Malgré les amalgames et le matraquage médiatique qui vise à faire naître la peur de tout ce qui est islamique ou musulman, nous continueront à informer et expliquer ; certes nos moyens sont très limités, l’amalgame que peuvent créer une heure d’Envoyé spécial ou cinq minutes d’images diffusées par C.N.N. peuvent balayer une année de travail mais, loin de nous décourager, cela nous pousse à doubler d’effort et à informer davantage. Mais il faut souligner que ce qui nous encourage est le fait que nous rencontrons chaque jour des gens qui savent écouter.

Quelles sont vos activités ?

EMF est une fédération de plusieurs sections qui se trouvent à Bordeaux, Toulouse, Grenoble, Nancy, Lille, Limoges, et très prochainement Paris. Chaque section a son bureau exécutif indépendant. La politique générale de l’association est fixée lors du Congrès qui se tient tous les deux ans. Nos objectifs étant d’accompagner l’étudiant, qu’il soit musulman ou pas, pendant son cursus universitaire, nous organisons, au sein du Campus, diverses activités sportives, sorties touristiques ou autres activités culturelles ou sociales (distribution des aides alimentaires, des aides financières, repas offerts, soutien universitaire…). Lors de nos conférences ou séminaires, nous essayons de donner la vraie image de l’Islam et de faire connaître son message de paix et de tolérance. De plus les étudiants musulmans, en quête d’identité, ont énormément de questions sur leur religion, leur histoire, leur civilisation, nous essayons de leur apporter quelques éléments de réponse et barrer le chemin à toute tendance intégriste ou extrémiste.

En fait, vous avez dans vos activités autour de la religion deux approches : l’une vise à présenter, montrer l’Islam aux non-musulmans, l’autre à donner aux musulmans eux-mêmes l’occasion d’un autre regard sur leur religion.

C’est le même discours parce que les conférences que l’on organise sont aussi bien fréquentées par des musulmans que par des non-musulmans. D’ailleurs la majeure partie des jeunes musulmans qui est née en France n’a de connaissance de l’Islam que quelques bribes. Ils ont hérité de leurs parents un Islam traditionnel qui est loin du vrai message de leur religion, voire parfois contradictoire.

Concernant les musulmans, est-ce que vous les encouragez à pratiquer leur religion ?

Nous essayons de faire un travail d’information, la pratique reste quelque chose de très personnel. Mais si nous sommes sollicités par un groupe d’étudiants qui a besoin d’une salle de prière au sein de leur résidence, nous essayons de faire l’intermédiaire auprès du CROUS.

Et les musulmans non pratiquants ?

Comme je l’ai souligné, nos activités sont adressées à tous les étudiants, musulmans ou non.

Concernant le port du voile, comment ça se passe ? Est-ce que tu penses que lorsqu’une étudiante musulmane arrive dans une université en portant le voile, ça ne peut pas créer un fossé entre elle et les étudiants ?

Le port du foulard est avant tout un choix personnel. Personne ne peut contraindre une fille à mettre le foulard, et de la même façon personne n’a le droit de l’obliger à l’enlever, cela va à l’encontre des droits les plus élémentaires. D’ailleurs le Conseil d’État (plus haute instance juridique en France) a tranché en précisant que le port du foulard ne représente en aucun cas un entrave à la laïcité. Le risque de créer un fossé entre les étudiantes qui portent le foulard et les autres étudiants n’existait pas avant la médiatisation du port du voile en 1989. Le foulard n’est pas nouveau dans les campus, les universités accueillent depuis longtemps des jeunes filles venues du Maghreb, et le foulard n’y suscitait, avant 1989, qu’une certaine curiosité, plutôt que la peur ou le mépris ; il ne faut pas oublier que l’université est un lieu où toutes les cultures, les civilisations et les richesses se rencontrent, se côtoient et se mélangent. Le fait que l’affaire ait été médiatisée, avec l’ampleur et les amalgames qu’on sait, a fait que certains se sont laissés guider par des peurs infondées et ont oublié qu’il s’agissait d’un choix personnel et que la laïcité garantit les libertés personnelles.

Vous avez un local à Bordeaux ?

Non, plusieurs démarches ont été entamées auprès du CROUS mais elles se sont soldées par un échec, nous ne pouvons même pas avoir une permanence.

Pourquoi ? Parce qu’ils pensent que vous êtes une association religieuse ?

Peut-être, pourtant nos activités englobent toute la vie estudiantine et rien dans nos statuts ne souligne que nous sommes une association cultuelle. Si l’association s’appelait “association de la danse du ventre” ou encore “couscous merguez” tout en proposant les mêmes activités, nous aurions été accueilli à bras ouverts, avec de grands locaux et chaque année des subventions bien salées, mais nous avons toujours joué la carte de la transparence, tout en sachant que les mots “Islam” et “musulman” suscitent la crispation. C’est un passage que je crois obligatoire, et je pense que progressivement cela changera. Je te donne l’exemple de Lille et de Besançon où nous avons pu obtenir dans chacune des villes deux locaux. C’est le fruit d’un travail de longue haleine.

Vous présentez des listes aux élections universitaires. Mais est-ce que pour viser l’intégration, il n’est pas nécessaire d’aller militer là où les structures existent ? Est-il nécessaire de présenter des listes Étudiants Musulmans aux élections des CROUS ? 2

Étudiants Musulmans de France n’est présent que dans certaines villes. Depuis quelques années, nous avons inauguré un volet syndical en présentant des listes électorales aux élections. Mais à nouveau le problème est celui de l’intégration. On se demande pourquoi les étudiants musulmans s’organisent dans des structures. Je pense que la réponse se trouve dans le fait que les préoccupations des étudiants musulmans n’ont pas été prises en charge par d’autres structures. C’est le même problème au niveau de l’université où l’on privilégie l’Étudiant, avec un E majuscule, et ceux qui ont les mêmes préoccupations. Présenter des listes a été une réaction à l’accaparement de tous les espaces d’expression au niveau de l’université. Si vous savez que les étudiants musulmans sont l’élite de la communauté musulmane et que le terrain universitaire est propice à la liberté d’expression, au débat, à la confrontation idéologique, je pense qu’il est tout à fait normal de demander que les étudiants musulmans y participent et aient des revendications. Tant que ces revendications n’auront pas été prises en charge, ils continueront à présenter des listes. Je suis de Besançon et lorsqu’on a créé E.M.F. à Besançon, on avait pas du tout l’intention de se présenter aux élections. On est allé voir l’UNEF-ID ou d’autres syndicats, en leur disant que nous avions des revendications et que nous voulions qu’ils nous défendent. On nous a mis devant une fin de non recevoir, ce qui nous a poussé à nous présenter aux élections ; depuis la situation s’est décrispée. L’université, quant à elle, nous refusait systématiquement l’accès aux infrastructures sous prétexte que nous sommes une association religieuse. Maintenant nous avons un local et même des subventions3.

Pourquoi à ton avis des étudiants nouveaux arrivants à l’université vous rejoignent ? Est-ce qu’ils ont envie de retrouver une communauté ?

Peut-être. Il n’y a pas que les nouveaux arrivants, d’autres étudiants actifs au sein de l’UNEF ou de l’UNED-ID ont fini par nous rejoindre, les motivations sont sans doute variées, nous répondons probablement davantage aux attentes de ces étudiants, ou bien sommes-nous peut-être plus présents que les autres syndicats, nos activités dépassant ce cadre. L’envie de retrouver une communauté peut être une des motivations.

N’y a-t-il pas un risque d’enfermement derrière une telle démarche ?

C’est un danger qui n’est pas à écarter. Une partie de notre discours va dans ce sens. Nous sommes entre nous, c’est bien mais il ne faut pas tomber dans le communautarisme. C’est dangereux et cela ne va pas dans le sens d’une bonne intégration des musulmans. Nous souhaitons à E.M.F. une longue vie, mais nous ne voulons pas “accaparer” l’étudiant musulman, nous voulons qu’il soit actif aussi bien avec nous qu’avec d’autres syndicats ou associations. Nous aimerions le voir partout, jouer son devoir de citoyen et participer à la construction de l’avenir de son pays. Certes c’est facile de vivre entre nous, mais il est plus bénéfique d’aller vers les autres.

Propos recueillis par Valérie Becquet

1) Charafeddine Mouslim est président d’EMF


Les identités des étudiants africains :
Quels conflits et quelles stratégies identitaires ?

Étudiant en thèse de philosophie, Ardiouma Sirima est animateur de la Coordination des syndicats d’étudiants et stagiaires africains en France (COSESAF), et membre du bureau d’Anima’Fac.

D’ une manière générale, aborder la question de l’identité ou des identités est un exercice qui comporte au moins deux risques. Le premier risque consiste à réduire le champ conceptuel de l’identité à celui des stéréotypes. Certes le stéréotype a quelque chose à voir avec l’identité, mais ces deux concepts ne sauraient être interchangeables en toute circonstance. Le second risque c’est de considérer l’identité comme un concept achevé, fermé, auquel on aurait recours pour décrire une réalité qui serait elle même figée. On pourrait ainsi énumérer d’autres écueils théoriques dans le traitement des identités. Après ces précautions d’ordre méthodologique nous tenterons de préciser le but de notre entreprise.
Dans les lignes qui suivent, nous nous proposons d’analyser les identités des étudiants africains en France. Levons d’emblée deux objections que le lecteur pourrait légitimement nous adresser :
- Peut-on parler d’identités étudiantes ?
- Dans l’affirmative, dispose-t-on d’outils théoriques pertinents pour analyser des “ identités des étudiants étrangers en France ? “
En guise de réponse à la première question-objection, nous suggérons au lecteur de prendre connaissance de l’article « l’associatif étudiant : conjurer la crise » qui nous semble apporter un éclairage théorique intéressant pour cerner les identités étudiantes actuelles sur les campus et dans la société française.
Notre réflexion s’appuie donc sur cette thèse centrale qui présente et « donne à voir » les identités étudiantes en construction. Notre analyse a pour objet de (dé)montrer que, comme toute identité, les identités étudiantes (et plus particulièrement celles des étudiants africains en France) sont discernables par l’observateur attentif.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, prenons soin d’indiquer le cheminement de notre pensée :
- dans un premier temps, il s’avère indispensable de faire un tour rapide du champ conceptuel dans lequel va s’exercer nos observations (I) ;
- ce champ une fois « balisé », nous passerons à l’examen de situations concrètes « mettant en scène » des conflits d’identité (II) ;
- ensuite, nous tenterons de « décoder » quelques stratégies identitaires des étudiants africains en France (III) ;
- en guise de conclusion, notre réflexion s’achèvera sur une esquisse des « conditions de résolution des conflits identitaires » (IV).
Comme le lecteur peut s’en rendre compte à l’énoncé de ce plan, notre article ne prétend nullement faire « tout le tour » de la question des étudiants étrangers en France. Notre sociologue Emmanuel AMOUGOU traite de manière fort originale cette thématique dans son ouvrage, désormais célèbre dans le milieu étudiant africain en France : « Étudiants d’Afrique Noire en France : Une Jeunesse sacrifiée ? 1 ».

1- L’ambiguïté et la complexité de la question des identités
Traitant du caractère ambigu de l’identité, le philosophe tunisien Fathi TRIKI écrit « il n’est pas inutile de se demander, dans cette quête d’identité dans son rapport problématique avec l’altérité, si la notion d’identité n’est pas devenue une sorte de fourre-tout, ou plutôt un « ouvre-boîtes » qui permettrait au penseur d’esquiver des problématiques dont il n’a pas la clé, à l’idéologue de réduire la réalité plurielle en quelques traits systématisés et à l’homme politique et décideur d’agir efficacement dans les enjeux de pouvoir. Bref, l’identité est un terme confisqué qui se perd de plus en plus dans les pistes et les labyrinthes des jeux de pouvoir, aidé en cela par les médias et par l’inflation d’écrits plus ou moins élaborés sur les champs identitaires2. » Cette position philosophique, en même temps qu’elle nous appelle à la vigilance, met en lumière la manipulation par certains prétendus théoriciens du concept d’identité à des fins rarement avouées. Dans le paysage intellectuel français, l’utilisation la plus abusive et la plus tronquée de cette notion se retrouve dans les parchemins des écrivassiers qui jalonnent le chemin qui va de « la nouvelle droite » à l’extrême droite. Nous sommes donc avertis : l’analyse des identités est rarement (pour ne pas dire, jamais) neutre ! Mais cette ambiguïté conceptuelle ne saurait nous arrêter. Tâchons toutefois, dans une démarche cartésienne, d’en avoir « une idée claire et distincte ».
Pour définir l’identité, nous avons opté, compte-tenu de sa complexité, pour une approche pluridisciplinaire. Diverses sources bibliographiques s’accordent pour signaler comme référence incontournable dans cette matière, l’œuvre collective « Stratégies Identitaires3 ». De cet ouvrage, qui vaut vraiment le détour pour les personnes désireuses d’aller plus loin dans la réflexion sur les identités, nous empruntons la définition suivante : « l’identité est l’ensemble structuré des éléments identitaires qui permettent à l’individu de se définir dans une situation d’interaction (et d’agir en tant qu’acte social » (op. cit, p 44). De cette définition, nous retenons une caractéristique principielle de l’identité : il ne peut exister d’identité pour soi, “ il n’y a que des identités en situation, produites par les interactions “. Cette caractéristique de l’identité en exprime le double statut théorique. Dans l’identité, le trait dynamique est plus facilement visible. L’identité « bouge » et se transforme au fil de l’évolution de l’individu et du groupe. Le second trait de l’identité c’est son aspect social. L’identité, qu’elle soit individuelle ou collective, se forge toujours en fonction de l’Autre, des autres, des contextes successifs vécus. Cette définition bien que générale nous parait suffisante, compte tenu des limites assignées à la présente analyse. Avec cet éclairage théorique, comment peut-on appréhender les vécus et représentations des étudiants africains ?

II - Les identités des étudiants africains

Ne prétendant pas mener une analyse exhaustive, nous avons circonscrit notre propos à quelques situations saillantes. Une analyse plus poussée aurait permis de déceler une quantité d’éléments concourant à la formation des « personnalités » des étudiants africains. Dans le cadre de cet article, nous ciblons trois éléments qui nous paraissent les plus essentiels.
S’agissant de jeunes engagés dans des cursus de formation supérieure, il est intéressant de mesurer l’importance de la dimension scolaire et académique dans leur constitution identitaire. Dans cette analyse, la réflexion doit également porter sur la place et le rôle que leur assigne la société d’accueil. Place et rôle qui sont tributaires des images que leur donnent leurs hôtes. Toutefois, on ne saurait comprendre le socle sur lequel se bâtit l’identité des étudiants africains si on fait fi « du poids de l’histoire », de l’histoire séculaire qui a tissé de multiples liens entre la France et les États africains. Mieux : toute analyse sur le processus de formation des identités des étudiants africains, pour avoir une cohérence et une pertinence d’ensemble, ne peut commencer que par l’examen de ce « poids de l’histoire ».

- a) la dimension historique de l’identité des étudiants africains.
De la période des poètes de la Négritude, en passant par le consciencisme de Kwamé NKRUMAH et la réhabilitation de l’histoire de la race noire par Cheick Anta DIOP et ses continuateurs, les générations successives d’étudiants africains, aussi bien ceux scolarisés sur le Continent que ceux évoluant à l’extérieur n’ont eu de cesse de stigmatiser les méfaits de la Traite des Noirs, du colonialisme, du néocolonialisme et de l’impérialisme. Sans forcer le trait, on constate qu’à l’instar du mouvement étudiant français, le milieu étudiant africain est passé de la vague des militants « enragés » à celle des « engagés ». Une constante demeure cependant : quelque soit le degré d’imprégnation, les étudiants africains restent marqués par leur passé, par cette histoire où leurs « aïeux ont toujours été les éternels perdants ».
Bien évidemment, cet élément identitaire se décline de multiples manières en fonction des contextes et des acteurs considérés. Nous y reviendrons plus loin.

- b) la dimension sociale des identités des étudiants africains.
Beaucoup de choses ont été dites et écrites à propos de l’accueil et du séjour des étudiants africains. En dehors de quelques rares arrêtés ministériels spécifiques à forte visée répressive et sans entrer ici dans l’analyse des effets que produiront les nouvelles mesures de Hubert VEDRINE et Claude ALLEGRE (cela mériterait un article spécifique), nous notons que les étudiants africains ont toujours été régis par les mêmes lois que les populations immigrées africaines. Ce traitement indifférencié a été et demeure la source de toutes sortes de confusions. À titre illustratif, on se rappelle qu’au temps fort des lois Pasqua-Débré, tout étudiant africain était forcément vu comme un immigré, et à ce titre perçu dans les milieux xénophobes comme un élément de la horde qui vient prendre le boulot des français ». Autrement dit, dans un tel contexte, l’identité de l’étudiant africain était noyée dans un fatras d’images négatives et négatrices de sa personne. Face à cette image de l’étudiant-immigré, les concernés ont adopté différentes attitudes que nous tenterons de comprendre dans l’analyse des stratégies identitaires.

- c) la dimension scolaire et académique des identités des étudiants africains
À l’image de leurs collègues français, les rapports que les étudiants africains entretiennent avec la faculté, et plus généralement les représentations qu’ils se font du savoir, contribuent grandement à la formation de leurs identités. En d’autres termes, et chacun admettra que c’est là une vérité de La Palisse, l’école construit et modifie perpétuellement les identités des apprenants. Dans le cas des élèves et étudiants africains, le rapport à l’école a souvent pris la forme de l’acculturation. Cette thématique de “l’école du blanc dévastatrice des cultures traditionnelles africaines “ n’est pas nouvelle. On se rappelle de la prise de position fort pertinente et toujours actuelle de Cheick Amidou KANE dans « l’Aventure Ambiguë ». Pour preuve, cet ouvrage continue d’être utilement étudié dans les écoles africaines. Abordant ce problème, Emmanuel AMOUGOU rappelle ces mots d’un intellectuel africain : “ qu’on y réfléchisse un peu. Après un séjour plus ou moins long en France, ils ont eu pour la plupart (ndlr, il s’agit des étudiants africains), le temps de changer assez profondément leurs idées essentielles et leur comportement dans la vie. Leur pensée a épousé de nouveaux concepts, leurs habitudes ne sont plus les mêmes. Et, cependant, ils doivent retourner sous les cieux qui les virent naître, sur la terre où leur destin doit naturellement se jouer. C’est alors que surgit pour eux le problème inattendu, sinon paradoxal, d’une “retransplantation », la nécessité de réadaptation à l’ancien climat moral qui leur est devenu presque étranger. Beaucoup s’en trouvent désorientés et adoptent tout naturellement la solution paresseuse de la facilité. N’est-il pas plus commode de se maintenir dans l’atmosphère européenne, de s’adapter de mieux en mieux au milieu adoptif, d’y fonder un foyer, de se laisser assimiler en un mot ? ». La thèse de l’acculturation par l’école a ses défenseurs, mais aussi ses pourfendeurs. Sans nier sa légitimité ne serait-ce qu’historique, on ne peut s’empêcher de faire remarquer qu’il est assez simpliste de croire que l’école ne sert qu’à acculturer. Il nous semble plus pertinent de voir comment l’école peut être un outil efficace pour réhabiliter et promouvoir les cultures africaines. Tant il nous paraît évident que ce qui pose problème ce n’est pas l’école en tant qu’institution mais plutôt les objectifs que lui ont assigné ses premiers promoteurs sur le continent africain.
Après cet survol des éléments qui ont concouru et concourent encore à la constitution de la personnalité des étudiants africains, essayons à présent d’étudier les stratégies identitaires mises en œuvre par les intéressés.

III - Les Stratégies Identitaires des étudiants africains

L’analyse stratégique est un complément indispensable de l’analyse descriptive lorsque l’on étudie les conduites humaines individuelles et collectives.
Face aux situations décrites plus haut, qui traduisent, sous diverses formes, des conflits, on distingue dans le milieu étudiant africain en France trois principales stratégies identitaires4 :

-1) la stratégie de la singularisation
Elle consiste à affirmer « un nous » pour se différencier nettement et radicalement du « eux ». On retrouve cette stratégie chez les étudiants africains qui affichent une certaine radicalité dans la défense des noirs. De manière abusive, ils font un recours systématique aux poètes de la Négritude pour fonder leur discours communautariste. Dans ce schéma, la bipolarité oppose les noirs « perpétuels exploités et opprimés » aux blancs « toujours vainqueurs, calculateurs et cyniques ». Poussée à son terme, cette stratégie de la surenchère conduit ceux qui s’en réclament à la constitution de regroupements strictement communautaristes. Ce courant reste assez minoritaire parmi les étudiants africains.

- 2) la stratégie de l’assimilation
A l’opposé de la première stratégie, il y a ceux qui optent pour l’anonymat. C’est le choix de ceux qui veulent « se fondre dans la foule ». Ceux qui essaient de se faire oublier. Il s’agit là d’une stratégie par essence individuelle qui consiste, pour nier ou se débarrasser de leur identité minoritaire infériorisée (les black sont comme ci ou comme çà…) à refuser cette appartenance pour chercher à pénétrer dans le groupe majoritaire. Ce comportement peut conduire à toutes sortes d’imitations ridicules pour « faire comme les blancs ».

- 3) la stratégie de la valorisation
Elle est suivie par les étudiants africains qui cherchent une visibilité sociale des revendications et des valeurs authentiquement africaines. La finalité est d’attirer l’attention des gens du pays d’accueil sur eux. La stratégie, pour ceux qui en possèdent les moyens, c’est de faire reconnaître leurs valeurs afin de « compter pour quelque chose » et d’être pris en compte. Il s’agit dans une démarche de groupe de réaliser un objectif commun : celui d’être identifié, écouté et individualisé. La stratégie de la valorisation, de visibilité sociale est liée à l’acceptation subjective et objective d’une différence, d’une différence assumée. Non pas de manière exclusive des autres, mais dans un perpétuel jeu de reconnaissance sociale. Cette attitude peut s’illustrer dans la démarche des étudiants africains qui discutent par exemple de la question de la traite des noirs, non pas seulement entre gens de la même race, mais de manière ouverte, en y conviant leurs homologues français, et plus largement des citoyens de toutes origines. C’est cette stratégie de valorisation que l’on retrouve aussi dans la dynamique de ceux d’entre eux (et ils sont les plus nombreux) qui développent différentes initiatives pour faire connaître et apprécier par la population française les multiples facettes des cultures et les aspirations des peuples africains.
Ces quelques considérations sur les stratégies identitaires des étudiants africains nous amènent à nous pencher sur les conditions propices à la résolution des conflits identitaires des étudiants africains en France, et de matière plus générale des communautés africaines de l ‘Hexagone.

IV - Les conditions de résolution des conflits identitaires des étudiants africains en France
Levons toute équivoque : ne traitant dans cet article que des éléments identitaires collectifs, il va de soi que les conditions que nous énumérons (encore une fois, sans exhaustivité) n’ont trait qu’aux aspects communs intéressant l’ensemble de la communauté étudiante africaine. Une autre précision nous paraît tout aussi essentielle : les conflits identitaires tels que décrits plus haut ne sont spécifiques aux seuls étudiants africains. On retrouve des similitudes dans d’autres catégories d’étudiants étrangers, ou encore au sein des étudiants français, notamment ceux qu’on appelle « les jeunes français issus de l’immigration ». Pour ce qui est des conditions propices à résoudre (ou tout au moins atténuer) les conflits identitaires des étudiants africains, nous partageons l’avis d’éminents spécialistes de cette question, qui préconisent les pistes suivantes :
- il convient de solder par des mesures politiques fortes le passif historique sur le rôle de l’État français en Afrique. Entre autres décisions, nous pensons, ici, au rôle positif que pourrait assumer la France afin que la communauté internationale déclare la Traite de noirs « crime contre l’humanité » et assume les effets pratiques d’une telle prise de position. Ce serait un pas considérable, un acte symbolique qui apaiserait beaucoup de consciences africaines troublées et meurtries. Ce serait un préalable indispensable si l’on veut ancrer durablement dans l’esprit des jeunes générations le respect des populations africaines, si l’on veut renforcer la crédibilité du discours sur le co-développement, seule politique économique pouvant permettre une répartition équilibrée des richesses dans le monde.

- il y a lieu d’encourager par divers moyens les étudiants étrangers (et tous les étrangers qui le souhaitent) à prendre une part plus active dans la vie citoyenne du pays d’accueil. Parmi ces moyens, les dynamiques associatives doivent figurer en bonne place. Sans étouffer, ni freiner l’émergence et le développement des structures qu’ils mettent en place, les acteurs associatifs français doivent imaginer toutes les formes adéquates pour créer des passerelles avec les migrants, avec les étudiants étrangers en imposant un travail en réseau partout où cela est possible. Un pays où les étrangers se sentent plus à l’aise dans leurs structures communautaristes est un pays qui ne valorise pas (ou pas assez) son tissu associatif et ses traditions citoyennes.
- la balle est aussi et surtout dans le camp des étudiants africains eux mêmes. Il leur revient de renforcer leurs cadres et engagements associatifs, fondés sur les valeurs de solidarité et d’ouverture aux autres (deux valeurs cardinales des civilisations africaines !). Ce qui suppose le dépassement des petits cercles d’intérêt et le repli sur soi, tentations aujourd’hui fortes, en raison des nombreux problèmes sociaux et administratifs qu’ils rencontrent.

1)
Emmanuel AMOUGOU « Les Étudiants africains en France : Une Jeunesse sacrifiée ? »
Éditions l’Harmattan, Paris, 1997, 142p.
2)
Fathi TRIKI « La Stratégie de l’Identité », Arcantères Edition, Paris, 1998, 1 42p.
3)
Carmel CAMILLERI… « Stratégies ldentitaires », P.U.F, Paris, 1990, 232p.