L'autobiographie - Le capes de lettres modernes en clair
l'élucidation d'un parcours; « l'ordre de parade »; l'examen de soi; la quête d'un ...
exemple inaugurale de JJ Rousseau = fondamentalement éclairant, a posé .....
en prose) / sujet traité (vie individuelle) / situation auteur (identité auteur en tant
.... de l'image du narrateur en train de se peindre et de l'image qu'il veut donner ...
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III : le paradoxe autobiographique
le temps révolu
temps existentiel et achronie scripturale
le défaut de mémoire et laprès-coup : la fresque stendhalienne, la fécondité de loubli
lécriture et le mouvement
Montaigne déjà
Transmuer un événement en épisode
Recomposer le parcours dune existence : structure des Mots de Sartre, fonder la règle du jeu
lécriture de la vie
prendre la vie au piège des mots
la poésie autobiographique
la question de la transparence
lécran scripturaire
le sujet posé en objet
IV le lecteur de lautobiographie
la problématique de la réception
le lecteur modèle
le destinataire idéal
largumentation au travail dans lécriture autobiographique
préface et préambule : le projet paradoxal de Montaigne, le plaidoyer rousseauiste
écart réceptif et regard du lecteur : lécart esthétique, lexemple dHenry Brulard
la perspective anthropologique
limpossible pacte de loeuvre dart
littérature et référentiel
retour sur labsurde question édénique
V : Aux frontières de lautobiographie
Perec ou lentremêlement des genres
Gide ou la question du roman autobiographique
La transposition célinienne
Lautobiographie poétique
repentirs de Lejeune
la question hugolienne
Conclusion
[
] : remarques perso
cest moi qui souligne quand en gras
« jétais le propre objet de mon étude » (Héraclite )
Introduction
Hans Robert Jauss / Question de Dieu « Adam, où es-tu » : question paradoxale car Créateur omniscient, dans Pour une Herméneutique littéraire suggère que question posée pousse Adam à interroger la position de son être, signification de son geste, essence de sa personne.
dans décalage entre situation et question de la situation, existe une frange inquiétante dinterrogation : étant où il est, Adam ne saurait pas où il est
= Parabole dont signification semble proche de question autobiographique : institue le questionnement sur soi comme démarche paradoxale et le moi comme objet herméneutiq (herméneutique = science de linterprétation) : si en théorie, est une perso qui connaît objet de sa recherche, cest écrivain qui veut écrire autobio : se pose comme son propre objet de questionnement. Fonctionnement autotélique (qui a sa fin en soi-même) de linterrogation (sujet interrogant = sujet interrogé) => démarche scipturaire paradoxale : étant soi, lécrivain veut dire le soi : // Adam, écrivain sait où il est mais sinterroge sur le lieu de sa demeure, se situe au plus proche de lui-même dans le même temps quil constate son éloignement et ce qui permettra de réduire distance de cet éloignement = écriture car est moyen, instrument qui ouvre réalisation du parcours.
écriture, vérité, destinataire
exemple inaugurale de JJ Rousseau = fondamentalement éclairant, a posé question essentielles à écriture autobio certainement parce quil a achoppé sur obstacles les plus importants que écrivain rencontre face à un tel projet :
écrivain qui veut écrire autobio connaît instrument écriture : Rousseau en 1765 = écrivain chevronné mais jusquà maintenant objets de ses préoccupations et des préoccupations écritures lui étaient extérieurs. Décision / Confessions = sattacher à la préhension, à la compréhension dun objet essentiellement différent : sagira de se dire, de fonder le moi et le déroulement de son existence comme objet de connaissance, décriture
= projet(étymologiquement ce qui se jette au devant => qui simpose comme nécessité) qui soulève pbatiq sciputraire nvelle écriture en tant quinstrument est-elle adaptée à son sujet ? Non => faut repenser question du style, inventer une écriture susceptible dépouser les contours flous dun moi que le sujet doit dire, cf préambule du Manuscrit de Neufchâtel :
« cest ici de mon portrait quil sagit et non pas dun livre. Je vais travailler pour ainsi dire dans la chambre obscure. Il ny faut point dautre art que de suivre exactement les traits que je vois marqués. Je prends donc mon parti sur le style comme sur les choses. Je ne mattacherai point à le rendre uniforme ; jauris toujours celui qui me viendra, jen changerai selon mon humeur sans scrupule, je dirai chaque chose comme je la sens, comme je la vois, sans recherche, sans gêne, sans membarrasser de la bigarrure [
] mon style inégal et naturel, tantôt rapide et tantôt diffus, tantôt sage et tantôt fou, tantôt grave et tantôt gai fera lui-même partie de mon histoire »
[ sorte sincérité du style du moi écrivant pour dire le moi qui a été, style sincère fait partie du portrait]
nécessité dadapter le style à son projet parce que écriture si permet de transmettre, peut aussi faire écran à sincérité, à réalisation totale de sa visée.
question de la vérité = 2ème obstacle, a difficulté stylistique sajoute risque de nêtre pas sincère.
Ecrire journal permet au jour le jour noter impressions, faits anodins, rencontres quotidienne avec exactitude >< autobio recompose le moi à partir de souvenir plus ou moins diffus : bcp autobiographes ont peur pas exprimer au plus près vérité (Rousseau, Leiris, Stendhal, Sarraute), que ce soit vérité des actes ou vérité de lêtre, elle se constitue comme horizon de lécriture, lieu sans lieu vers quoi tend effort écriture
Si question exactitude = pb , cest / question destinataire : projet initial = celui de se dire, tenter
de se réapproprier le moi enfui, enfoui mais contrairement au journal, autobio manifeste désir de recomposition de soi : écrivain en quelque sorte « prend la pose, construit une posture au risque dêtre imposteur » (p8)
Car dans « lentreprise que jai faite de me monter tout entier au public » (Livre II Confessions) il y a une volonté de montre et de démonstration : autobiographe publie = > rend public texte et se rend public
Comment tout dire quand on sait quautrui veille, apprend et surprend ? Comment savoir si lecteur comprend bien ? si dans distance (moi / écriture, écriture / lecteur) le message est bien passé ?
=> aborder question du genre autobio = tenter de réfléchir sur ces trois pierres dachoppement : questions du style, de vérité, de destinataire, = questions qui soulignent franchissement dune frontière sensible, celle qui sépare intériorité du moi de lextériorité dangereuse du monde.
Chapitre I : définition et historique
la question des catégories
Mémoires, confessions, souvenirs, essais, carnets,
.journaux intimes
= nbeuses catégories qui ds his de la litt désignent la « litt du moi ». ms si écriture de soi, parole sur soi = frange de la litt intimiste et secrète qui pose le moi comme objet danalyse, dinterrogation, de spéculation, dinvestigation ou dénigme, tous ces projets pas pour autant autobiographique.
2 approches récentes, 1 philo et 1 théoriq abordent questions difficiles des frontières du genre
philosophie de lautobiographie
Georges Gusdorf, second volume des Lignes de vie = essai Auto-bio-graphie, def ce que lon pourrait appeler les fondements philo de lécriture autobiographiq. Commente les trois termes qui compose le nom => pose clairement les différentes dimensions de cette forme décriture du moi :
Auto : « cest lidentité, le moi conscient de lui-même » (p10) = sujet complexe qui sest lentement élaboré au cours dune existence particulière et autonome
Bio = le parcours vital, la continuité, cheminement de cette identité unique et singulière : la variation existentielle autour du thème fondamental que constitue lauto, le moi => entre auto et bio se trace rapport difficile de lâtre et de son existence, de lidentité et de la vie, rapport que tout le monde connaît entre individualité et déroulement pratique dune existence, entre le moi et son inscription ds la réalité
l'auto-bio = lieu complexe inaccomplissement
apparition alors de la graphie : la vie perso peut rencontrer ds l'activité scripturaire la possibilité d'une nouvelle vie.
=> autobio est renaissance, initiative qui pose conditions d'une éventuelle reconquête de soi, reconstruction, reconstitution
Ms recomposition ouvre la question de l'expression : semble aussi ardu réussir à écrire le moi qu'à le construire : retracer chemin d'un existence à partir d'un point donné = aussi complexe que de construire le moi réel selon la ligne qu'on s'est tracée.
=> angoisse devant page blanche devient angoisse ontologique de ne pouvoir se dire, se re-dire => souffrance de l'autobiographe qui joint difficulté du style à la difficulté de se regarder en face : à la fois affirmer son écriture et affirmer son contenu : "la difficulté d'expression atteste une difficulté d'être, non par humilité, comme ion le croit parfois, mais par recul devant le grand espace, devant l'affirmation de soi au péril des autres" (Gusdorf p 23)
De plus écriture du moi - graphie de l'auto et du bio - établit distance entre moi écrivant et moi vécu, entre vie et sa représentation, écart qui fonde nécessairement une relation de jugement, d'évaluation de ce qui a été par ce qui est : écrivain doit avouer et s'avouer vérité sur un parcours que parx n'a pas voulu tel, faut expulser de soi-même être que l'on a été avec ses défauts, ses qualités, ses errances et ses errements : "l'exigence d'un mise au net du dedans" (Gusdorf p73).
Qu'il soit thérapie, projet purement littéraire, succession d'aveux, recherche de la compréhension de soi, volonté de figer la figure du moi, projet autobio essaye de cerner au moyen d'une quête dont résultats = improbables, contours tjs flous d'une essence qui continue d'exister : autant comme l'écrit Montaigne vouloir "empoigner l'eau" ou tenter d'interrompre mvt d'une "branloire pérenne" (balançoire perpétuelle)
=> Gusdorf : risque = double : risque d'inachèvement et risque de figement : projet de se dire ne peut coïncider avec projet de tout dire, restera tjs résidus, scories, si on pousse raisonnement à l'extrême, ce qui fera tjs défaut à autobio = moment où écrivain la rédige. En fait, autobio manifeste un monument à compléter, pb d'inclusion et d'exclusion , "l'autobiographie n'expose jamais qu'un sous total" (p128 Gusdorf)
D'un autre côté, autobio "présente l'individualité en ordre de parade", impose un certain ordonnancement à existence qu'elle vise à raconter. « L'écriture de l'existence transforme l'existence en écriture" (p12) => même si respecte scrupuleusement chrono des faits, "elle pose le moi comme neuve réalité représentée, comme présence figée dans l'immortalité de l'écriture" (p12)
les limites du genre
Le Journal : confort intellectuel et effectif, écrit ds intimité n'est pas destiné à être publié. Si actions compromettantes, actes indélicats, diariste peut les consigner sans prendre pour cela risque de la honte publique. Et si quelques auteurs ont décidé de publié journaux (Gide, Green) c'est parce qu'estimaient que leur journal faisait partie intégrante de leur oeuvre, la nourrissait. Journal = pas forme anachronique, évite danger oubli et périls inexactitude, épouse fil de l'existence, ne recompose pas, n'est pas une anamnèse (évocation volontaire du passé), se réalise dans instant de l'énonciation
Les Souvenirs : plus proche de l'autobio dans leur objet, n'ont pas pour projet de tout dire, écrivain se met parfois en jeu mais peut parfaitement consigner uniquement des faits, des relations avec des pairs. celui qui écrit ses souvenirs accepte de sélectionner, de retrancher ou d'omettre, but = informer lecteur sur un certain nombre de généralités => on ne lui reprochera ni de ne pas totalement s'investir ni de laisser zone d'ombre, lui sera seulement demander de ne pas confondre souvenir et fiction + instaurer entre lecteur et lui une certaine confiance pour qu'on puisse accorder une certaine fiabilité à ses textes
Les Mémoires : proches des souvenirs du moins dans leur forme stricte, sont censés être écrits par une personne ayant joué un rôle important ds histoire (Gal de Gaulle par ex)
Dans les mémoires, (sauf exception célèbre [= Chateaubriand ?]), écriture pas centrée sur hist perso de lécrivain, narrateur se présente davantage comme un rapporteur, un chroniqueur.
Vrai que souvenirs et mémoires sont textes que lon peut dire référentiels (se référent à des faits histo ayant réellement eu lieu) ms fonction = davantage testimoniale, ce nest pas le moi qui est en jeu, mais le regard dune personne qui a rencontré lhistoire
Deux autres genres proches eux aussi de autobio entretiennent avec phénomène un rapport plus déductif, tendant à transformer expérience du monde en propos universel : essais et carnets
Essais si on se réfère à étymologie = latin exagium « pesée », « épreuve », « examen » => but rédaction = confronter un certain nombre dexpériences, de rencontres, de lectures (= les « trois commerces » de Montaigne), de les rapprocher de telle sorte que lon puisse en tirer des ccl générales quon laisse le plus souvent au lecteur le soin de tirer
Carnets : sils ont à voir ponctuellement avec autobio (cf Camus qui fait parfois référence à son exp propre) ils ne constituent pas à proprement parler de récits de vie ms plus exactement se fonde sur épisodes existence pour en tirer des préceptes
ensemble de genres limitrophes qui ont amenés chercheurs et théoriciens à défini avec rigueur strict domaine quil envisageaient daborder. Ici, on se limitera à deux approches qui à elles seules ont précisément cerné le genre autobio
Jean Starobinski et le style de lautobiographie
Ds n°3 revue Poétique en 1970, analyse ce quil appelle « le style de lautobiographie » et propose une première def claire du genre : « biographie dune personne faite par elle-même » = def qui détermine caractère propre de la tâche et fixe condition générale (ou générique) de écriture autobio ; conditions générales de possibilité = 3 obligatoires
une identité du narrateur et du héros de la narration
majoritairement narration et non description
la notion de parcours ou tracé de vie
Ms souligne rapidement que dans la mesure où autobio = écrit autoréférentiel, cest le style qui se trouvera au centre de la pbatique du genre : écriture autobio développe un je du récit qui « nest assumé existentiellement par personne ».Ce je ne renvoie quà une image inventée par un je référentiel qui écrit => écart établi par réflexion autobio est double : un écart temporel et un écart didentité qui sépare je actuel et le moi révolu ; narration autobio « évoquera ce parcours de lun à lautre sans bien entendu en réduire la distance » (p15), style qui sera instrument de ce propos devra sans cesse sy adapter et auteur devra prendre en compte risque de falsification et de déformation que comporte toute écriture => on en revient aux préoccupations rousseauistes = auteur considéré par Starobinski comme véritable précurseur du genre, comme fondateur du style autobio
Autobio comme genre ouvre /recherche, 1ère voie = rapport entre outil de communication et objet à communiquer, « rapport complexe qui pose la représentation comme projet réalisable et la réalisation de la représentation comme projet impossible » p15 = ce que Blanchot, Le Livre à venir tente de cerner : « cest lorsquil entreprend par une initiative dont le caractère de nouveauté lexalte orgueilleusement de parler avec vérité de soi, que Rousseau va découvrir linsuffisance de la littérature traditionnelle et le besoin den inventer une autre aussi nouvelle que son projet »
« Rousseau inaugure ce genre décrivain que nous sommes tous plus ou moins devenus, acharnés à écrire contre lécriture [
] puis senfonçant dans la littérature par espoir de sen sortir, puis cessant de ne plus écrire parce que nayant plus de possibilité de rien communiquer »
les différents pactes
le pacte autobiographique :
Ph Lejeune en 1974 ouvre autre champs dinvestigation en plaçant questionnement théorique sur le plan de la poétique. Dans Le Pacte Autobiographique pose la def désormais célèbre du genre : « Récit rétrospectif en prose quune personne réelle fait de sa propre existence lorsquelle met laccent sur sa vie individuelle, en particulier sur lhistoire de sa personnalité »
= def qui repose sur différentes catégories : mise en forme du langage (récit en prose) / sujet traité (vie individuelle) / situation auteur (identité auteur en tant que personne réelle et narrateur) / position du narrateur (identité narrateur et perso principal) qui choisit perspective rétrospective du récit
Ph Lejeune précise que autobio doit remplir toutes les conditions
« Pour quil y ait autobiographie, il faut quil y ait identité de lauteur, du narrateur et du personnages » = constat qui pose deux pb dimportance : question de la personne et question du nom.
peut exister identité narrateur et perso sans que la 1ère personne soit nécessairement employé => Ph Lejeune note alors que distinction entre personne grammaticale et identité individu à laquelle renvoie personne doit être effectuée. (cf Rousseau dans les Confessions, par compassion pour le Jean-Jacques quil a été tutoie son personnage fictif, [+ Sarraute] )
faut vérifier si corrélation entre perso grammaticale et narrateur existe.
+ emploi personne grammaticale doit être compris de manière comptable ou statistiq = emploi que privilégie auteur pour désigner narrateur-personnage
en dépit exceptions, majoritairement autobio classiq propose une narration à la 1ère perso (Genette Figures III, = narration dite autodiégétique)
pbatiq identité => question du nom : « Pour un autobiographe, il est naturel de se demander : qui suis-je ? . Mais puisque je suis lecteur il est non moins naturel que je pose dabord la question autrement : qui est « je »? (cest-à-dire qui dit : »qui suis-je ? ») » (Ph Lejeune)= légitime interrogation qui sinquiète du référent et de lénoncé. Cest le nom qui permet au niveau du discours autobiographique de mettre en relation les deux sujets. Le nom est la caution du je, est la marque qui relie la réalité au texte, qui revendique la propriété ms prend aussi le risque se la responsabilité de ce qui est écrit.
Par le nom dauteur existence écrivain = indubitable et pseudonyme change rien à laffaire : peut manifester tromperie, écart mais est un second nom qui souligne appartenance du scripteur à univers littéraire : pseudo = nom dauteur, renvoie à identité sociale dun individu, souligne quun homme, monsieur Henri Beyle, a décidé sous le nom de Stendhal décrire la vie de Henry Brulard : si ces trois noms recouvrent bien lauteur physique, nom dauteur et de personnage mais que tout trois sont identique alors => autobiographie
si ces pb résolus, possible de définir pacte autobio = contrat privilégié que signent lauteur et le lecteur dans le champ du genre autobio : « Le pacte autobiographique, cest laffirmation dans le texte de cette identité, renvoyant en dernier ressort au nom de lauteur sur la couverture. Les formes du pacte autobiographique sont très diverses mais toutes, elles manifestent lintention dhonorer sa signature. Le lecteur pourra chicaner sur la ressemblance, mais jamais sur lidentité » => il ne sagit plus de savoir si ce que dit le texte est vrai mais seulement si la question identitaire est réelle.
Ces conditions réunies autour de ce centre nucléaire quest le nom suffisent à délimiter le genre autobiographique : « lautobiographie est le genre littéraire qui, par son contenu même, marque le mieux la confusion de lauteur et de la personne » , « le sujet profond de lautobiographie, cest le nom propre »
« le nom propre en équilibre sur le dedans et le dehors du texte atteste lexistence dune personne-référent devenue narrateur et personnage textuels »p19
le pacte référentiel
Ph Lejeune, chap « copie conforme » qui ds cette perspective cerne au plus près pbatiq du genre autobio = aborder la question de la ressemblance, càd adéquation des faits racontés à la vérité réelle (ce rapport est par essence celui du texte à son modèle rapport perverti donc impossible), relation difficile qui sinstaure dans « le jeu de lintériorité du texte et de lextériorité de la réalité » p19
« lidentité se définit par trois termes : auteur narrateur et personnage sont les figures auxquelles renvoient, à lintérieur du texte, le sujet de lénonciation et le sujet de lénoncé ; lauteur, représenté à la lisière du texte par son nom, est alors le référent auquel renvoie, de par le pacte autobiographique, le sujet de lénonciation » => genre autobio = référentiel => présuppose un « pacte référentiel » qui inscrit texte ds champ expression vérité mais pas vérité existence réelle, mais vérité du texte, dite par le texte => « question dauthenticité et non dexactitude » (p19)
Pacte référentiel = contrat que conclut le lecteur avec le texte autobio admettant que « le fondement même de leur relation sera authenticité en tant quelle est la vérité du texte, de limage du narrateur en train de se peindre et de limage quil veut donner de ce quil était à telle ou telle époque de sa vie » p20
le pacte de lecture
/ contrat de lecture : perspective essentielle de la question littéraire, la pbatiq de la réception, inaugurée théoriquement par Hans Robert Jauss dans son Esthétique de la réception, interroge les uvres du point de vue général du destinataire et de son inscription dans lhistoire => se pose plus exclusivement à partir danalyse interne mais =t dapproches liées à la notion de publication qui détermine manière de lire un texte et influence les effets quun texte produit lorsquil devient public => ds cette perspective, dimension historique = incontournable : importance individu et émergence philosophie orientée vers homme au XVIII influence lectorat des Lumières ; de même peut pas lire Michel Leiris avec pertinence si on fait abstraction des techniques psychanalitiq ou de lattention que le mouvement surréaliste portait particulièrement à linconscient et à lécriture comme instrument ludique mais aussi heuristique : « cest à ce niveau global que se définit lautobiographie : cest un mode de lecture autant quun mode décriture, cest un effet contractuel historiquement variable » (Ph Lejeune)
Lessentiel des propositions de Ph Lejeune ds les années 70 fonde et renouvelle approche du genr à partir de cette triple notion de pacte. Autour de cette conception contractuelle tourne lidée selon laquelle lautobio est dabord un texte qui fonctionne à partir de lincontournable triangle constitué par lauteur, lécriture et le lecteur.
la question des origines
développement de lindividualisme
Quelle est la première autobiographie ? : def philo et théoriq du genre => nécessaire quun texte rassemble un certain nombre de critères pour être dit « autobio »
Depuis Moyen Age, pratique dune certaine forme décriture qui pourrait paraître ressortir au genre : les vies, les chroniques, les mémoires, les confessions spirituelles, les récits de vie, les journaux intimes, lettres qui développent des sujets intimistes, les « journaux papiers » de Du Bellay, les autoportraits, les annales sont des genres qui effleurent lautobio sans en présenter toutes les caractéristiques définitionnelles
chercher à comprendre conditions histo, socio, idéologiq et culturelle qui ont permis éclosion dun tel genre :
Spécialistes (Ph Lejeune, G Gusdorf, G May) trouvent 2 causes principales : examen de soi et examen de conscience
Examen de soi = trad liée à Antiquité, à la recherche de la sagesse : le « connais-toi toi-même » de Socrate ou plus anciennement épigraphe dHéraclite : être sujet de sa propre recherche = tenter comprendre par introspection écheveau de sa personnalité.
Exercice de soi que développe tous les Essais de Montaigne relève de cette démarche : « je me suis présenté moi-même à moi, pour argument et pour objet » => projette ds un cheminement réflexif de sécrire pour se mieux comprendre (comme si livre faisait fonction de miroir), question du « qui suis-je ? » = sa lancinante interrogation + constantes références aux auteurs anciens montrent que sinscrit ds une trad intellectuelle du questionnement de soi.
Essais même si parlent denfance, de la vie domestique, des voyages, de lamitié, des rencontres, ne prennent pas la forme dun récit rétrospectif et chronologique + différents ajouts, additions interdisent dintégrer texte au genre autobiographique, ressortit davantage de la forme de lautoportrait et même si le moi est longuement analysé et pris en compte, il fait partie intégrante dun questionnement plus vaste propre à lhumanisme du XVI qui est celui de la connaissance générale des choses cf Essai 13 Livre III « de lexpérience » : « il nest désir plus naturel que le désir de connaissance ». >< sagit pas de la narration dune vie mais de la « perfection de savoir jouir longuement de son être »
Examen de conscience lié à tradition chrétienne, appartient à ce que Ph Lejeune appelle « la culture du regard sur soi ». saint Augustin et ses Confessions, inaugure ce genre dautobiographie spirituelle : tel texte vise davantage à faire admettre la puissance de la grâce divine et les voies de la rédemption quà tracer le récit rétrospectif dune vie. Cf Joseph Trabucco ds intro à trad « Les Confessions content la plus passionnante aventure spirituelle »
« Augustin fouille son passé, remue sa vie, supplie son destinataire, accumule les méditations, interroge lâme, interpelle Dieu. Ce faisant, il confesse ses péchés, sinquiète de ses désirs charnels, raconte sa vie. Sil ne le fonde pas vraiment, il initie ainsi le genre autobiographique » p23
De saint Augustin à Montaigne, ce qui est à retenir = « geste quasi inaugural dindividus qui, dune manière toute personnelle, engagent le moi dans lécriture » p23 = première étape de franchie : individu se retourne sur lui-même et se prend pour objet scripturaire. Mais genre spécifiquement autobio développe toutes ses dimensions avec JJ Rousseau, conditions objectives rendent possible éclosion du genre
le rôle de lhumanisme et des Lumières
Ernst Cassirer La philosophie des Lumières : XVIII = période où se réalise émergence individu, émergence idéologique, philosophique et sociale, cogito cartésien avait déjà orienté pensée philo vers affirmation du moi, mais textes de Bayle, Fontenelle instaurent individu comme objet central de la connaissance. Le moi en tant quobjet herméneutique doit être interrogé à partir de ce qui le constitue : enfance, histoire perso, + inscription ds système social => tout passer au crible de la raison, examiner totalité des objets mondains et individu néchappe pas à cet impératif catégoriq
Curiosité philosophiq revient inlassablement vers centre préoccupations : lhomme cf devise de Térence que Dumarsais cite dans article « Philosophe » de lEncyclopédie « homo sum, humani a me nihil alienum puto » (je suis homme et rien de ce qui est humain ne mest étranger) + Pope cité par Cassirer dans sa préface « the proper study of mankind is man » (la véritable étude du genre humain, cest lhomme)
écrits et recherches de Rousseau, Diderot, Montesquieu : tout converge vers la question préoccupante de lhomme. Ds cette perspective, dialogues Diderot montrent combien, par polyphonie entre moi et lui, entre identité individuelle et l altérité que le moi porte en lui, « ces textes constituent une profonde recherche de la vérité philosophique et ontologique du moi ; ces différentes voies narratives sorientent toutes vers la question de celui qui écrit (
) Symptomatiquement, ces textes désignent limportance que revêt lindividu dans une société bourgeoise et nouvellement industrielle qui laissa sa place à lhomme » p24-25
Kant, Quest-ce que les Lumières, 1784 : « Les Lumières, cest la sortiede lhomme hors de létat de tutelle dont il est lui-même responsable [...] Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières »
indépendamment pb histoire individu, on comprend mieux les causes profondes qui ont pu inciter Rousseau à écrire autobio : une grande partie de son uvre orientait sa réflexion sur la notion centrale dhomme (éducation, organisation politiq, amour, amitié, fidélité)
La question du « Qui suis-je ? » ne pouvait être posée que si nouvelle conception de lhomme comme être unique, irremplaçable, singulier, mais aussi énigmatique, hermétique : écriture du moi pouvait alors simposer comme écriture heuristique, écriture du dévoilement de lintériorité
Terme autobiographie napparaît vraiment ds le lexique de la langue française quau début du XIX mais apparition première autobio connue en France = 1782 Confessions de Rousseau.
Chapitre II : Pourquoi parler de soi ?
les motivations intimes
genre autobio = lié à des conditions de production spécifiques ms =t fondé sur des motivations psychologiques que lon doit analyser.
Décision décrire ressortit à une certaine étrangeté cf Maurice Blanchot ds Lespace littéraire, réinterroge le mythe dOrphée en axant réflexion sur fait littéraire, émet hypothèse quEurydice = uvre et Orphée = écrivain. Voulant atteindre luvre lécrivain se retourne directement vers elle, et par impatience, la voit sévanouir. Alors , il ne peut latteindre que par le détour ; et limpatience qui est linspiration, exige de lui le long cheminement digressif quest le geste scripturaire : « la relation à luvre littéraire ne peut seffectuer que dans limprobable quête ouverte par lécriture » p27
Création littéraire, rapport à écriture = « lexpérience infinie de ce qui ne peut pas même être cherché, lépreuve de ce qui ne se prouve pas, dune recherche qui nest est pas une et dune présence qui nest jamais donnée » (Blanchot) ; = ce « désir demeuré désir » dont parle René Char => constatation que la tâche de lécrivain est inépuisable. Du côté de la réception interprétation uvre = énigmatique et multiple (en dépit toutes les limites quon peut trouver : condition de prod, bio écrivain
.) => du point de vue artistique et esthétiq, « lintime » de luvre dont parle Rilke rend improbable atteinte de son essence.
Genre autobio échappe pas à règle : vouloir se dire, vouloir écrire sa vie relève du domaine de létrangeté + écrivain rencontre absurdité de son projet : qd on écrit son autobio, on accepte dadmettre quil ne saurait être question de lachever : autobio est « lieu de linterruption impossible, le genre de linterminable réalisation. Car si le langage vise à cerner le modèle, le modèle lui-même reste incernable » (p28) + étrangeté redoublée par un autre paradoxe : voulant dire sa vie, lécrivain se retire de la vie pour la mieux exprimer, se situe ds une sorte de non-lieu : se confie à lunivers imaginaire de lécriture pour représenter la réalité dont il séloigne. Comme est à la fois auteur narrateur et perso de son propre livre, est la frontière de la vie réelle et de la vie métamorphosée en imaginaire (D Maingueneau appelle cela « paratopie »)
une fois de plus pbatiq = celle du figement et du mouvement : sagit de se stabiliser, établir pont entre vie et sa graphie, entre moi fluctuant et écriture qui fixe instant qui doit être dit. « Comme Orphée, lécrivain de lautobiographie ne dispose plus que du charme (du carmen au sens valéryen du terme), de lenchantement de lécriture, de la poésie en tant que création verbale »p 29 Le poétique se met au service de lautobio parce que poétique = instrument de lexpression lyrique du moi.
Ce que recherche lautobiographe qd décide décrire = origine de soi, le petit moment essentiel qui a programmé sa personnalité et mis en jeu son devenir. « Avant tout, peut-être, lautobiographe est lécrivain des origines » (p29)
lélucidation dun parcours
Je sais ce que je suis, je peux dire « je suis celui qui est en train de rédiger un texte » mais dès demain temps => distance entre ce moi présent et le moi que je serai => par effort de mémoire, je tenterai d rétablir altérité du moi ancien, écriture pourra my aider, sera instrument par lequel je rétablirai une certaine identité. Si 20 ou 30 ans passées = distance infranchissable du moi au moi ; écriture = alors ce qui permet déclairer le chemin parcouru.
Derrière la même personne : multiples personnalités, déroulement de la vie se multiplie et sétale dans le temps construisant de nous image éclatée = ce que Gusdorf appelle « le choc en retour du bio sur lauto» , construction incessante que seule graphie peut intercepter et en quelque sorte photographier.
Autobiographes désireux de se comprendre ou de sexpliquer en appellent aux origines pour établir lumière sur cheminement existentiel. cf Rousseau qui dans le Livre I des Confessions médite sur épisode de Bossey qui devient noyau doù rayonneront souvenirs alors que pendant longtemps ny a pas pensé « comme si, sentant déjà la vie qui séchappe, je cherchais à la ressaisir par ces commencements ». Confessions ponctuées de ces sortes de commentaires, moments où Rousseau revient sur temps de lénonciation et sinterroge sur les raisons de son travail littéraire => autobio se double alors dun méta-discours, dune méta-autobio où commentaire de lécriture vient nourrir écriture elle-même.
La question du commencement = importance capitale pour Rousseau car « liée au temps de linnocence et de la pureté, temps quasi asociale où lindividu se construit » p31, que se soit uvres philo ou romanesques, tout uvre de Rousseau interroge le point initial où se construisent les sociétés humaines, le lange et les idéologies, Démarche autobio = la même
ce faisant ouvre voie à démarche que tous les autobiographes quils le veuillent ou non adopteront :
Dans Les mots, Sartre même sil construit souvent un personnage artificiel et adopte une attitude franchement parodique ne cesse de rechercher les instants de sa vie qui expliqueront sa vocation future décrivain
Michel Leiris, particulièrement dans lAge dhomme, sagira de superposer des épisodes significatifs que lon pourrait qualifier de programmateur
Autobio ouvre question tout aussi importante des rapport de lhétéroclite à totalité : autant déroulement existence seffectue à partir des aléas phénoménologiques (horaires, rencontres, imprévus
) autant recomposition scripturaire vise à gommer épiphénomènes pour centrer projet sur recomposition dun figure complète, totale (offrir vision globale du moi)
Le regard rétrospectif de Leiris lui fait comprendre que individu par delà accident = complétude essentielle : « Ce que jy ai appris, surtout, cest que même à travers les manifestations à première vue les plus hétéroclites, lon se retrouve toujours identique à soi-même, il y a une unité dans une vie et que tout se ramène quoiquon fasse à une petite constellation de choses quon tend à reproduire sous des formes diverses, un nombre illimité de fois »
Autobio tendrait à reconstituer unité à partir de faits anodins et innombrables => « lécriture autobiographique de ce fait est tensions vers la signification » p32 : de la volonté de chercher origine programmatrice de son moi, autobiographe en vient à nécessité de « mettre de lacord dans le tout » = autre motivation du geste autobio
« lordre de parade »
prétention à unité pose pb dune autre nature : recomposition rétrospective du moi risque de proposer au lecteur limage dun moi artificiel, surfait et retravaillé : fabriqué°
Cf Gusdorf, autobio « présente lindividu en ordre de parade »,
ordonnancement scripturaire fournit-il pas en définitive quun simulacre de portrait, identité de remplacement ? Quête de connaissance de soi lorsquon écrit le récit de sa propre vie ne devient-elle pas le constat dune incontournable inconnaissance ?
Pacte autobio = plus un pacte dauthenticité que de vérité et lecture >< enquête
Ms ds authenticité même nexiste-t-il pas un danger de liaison factice, un désir involontaire de sceller dune manière erronée les différentes parties du tout ?
Le « puzzle des mots » correspond-il au « puzzle des faits » (Leiris Biffures) ?
Cf Confessions de Rousseau livre IV sinterroge « il y a une certaine succession daffections et didées qui modifie celles qui les suivent et quil faut connaître pour en bien juger. Je mapplique à bien développer les premières causes pour faire sentir lenchaînement des effets » ms logique des souvenirs (encore pire que celle des mots) saccorde t-elle véritablement avec celle des phénomènes ?
vision négative de besoin de retracer figures multiples du moi
mais démarche pas sans intérêt car permet de redéployer existence à travers ordre des mots de lui donner forme dans livre
alors seulement vie peut revêtir une signification
ordre de parade devient ordre de sens
« lorganisation des phrases qui se succèdent sur la page dit à lécrivain pourquoi il est devenu autobiographe ds le même temps que lautobiographe dit à lui-même pourquoi il est devenu cet homme si singulier, si unique » p33
« lécriture trace lexplication ; lexplication motive lécriture, transformant les hasards en cause » p34
« En procédant an sens inverse, partant du présent pour remonter vers le passé peut-être ai-je plus de chance de découvrir le joint ou la charnière qui rattache mes occupations de maintenant à des désirs anciens, plus ou moins expressément formulés. A défaut didée explicite de carrière, en labsence même de toute vocation définissable, je trouverai au moins un soubassement et de quoi prouver que ma vie nest pas entièrement faite de hasard » ( Michel Leiris Biffures)
moi mis en ordre de parade est un objet construit , tracé
« En commençant ce livre, je marchais à tâtons vers une découverte, puis a grandi peu à peu avec mon besoin croissant de réunir les éléments susceptible dentrée en liaison, lidée que je faisais un livre, que je le composais, le bâtissais, lajustais pièce à pièce » (Ibid)
lexamen de soi
autobio = fonction heuristique ds mesure où dévoile être à jamais enfoui. Elucidation = aussi épreuve de lucidité. Lautobiographe se prenant comme objet de connaissance pose comme hypothèse quil pourra davantage se comprendre ?
Jean Starobinski : « toute autobiographie se limitât-elle à une pure narration est une auto-interprétation »
Ecriture autobio = plongée introspective met en relation dedans troublé et dehors scriptural. Tous les écrivains lont exprimé dune manière ou dune autre, il sagissait pour eux de confronter le moi vécu au moi présent, de le comprendre. Ecriture se construit plus sous pression de aléatoire ms sous celle de ce qui a déjà été réalisé, rappelle à écrivain quil est responsable de ses actes, de ses pensées, de ses croyances. Répond à question « qui suis-je » par un péremptoire « tu es en raison de ce que tu as été »
examen de soi ds autobio >< démarche de Valéry qui chaque matin analyse sa propre pensée, chez Valéry, notes « éclairent la réalité tangible du présent » = « écrivain de jour » (p35) / autobiographe = « être du temps passé et de la nuit des temps » p35, sonde époque révolue de son moi => temps de lécriture est alors le temps de la réflexion lucide
« lécriture est ce par quoi est grâce à quoi se réalise cette récapitulation qui chapitre après chapitre, recherche, dans lécart du moi au moi, les causes radicales de ce moi présent qui en est la conséquence »
faut pas voir ds genre autobio juste un forme dexhibitionnisme ou dindécence comme Gusdorf semble voir chez Leiris quand auteur de la Règle du jeu expose échecs sexuels, perversions, pratique des prostituées, ses infidélités => préférable dadmettre motivations exposées dans LAge dhomme : « ce que je méconnaissais, cest quà la base de toute introspection, il y a le goût de se contempler » => Goût esthétique de regarder figure recomposée par acte décrire
[cela peut rejoindre une forme dexhibitionnisme un peu particulière, le plaisir de se montrer à soi = exhibitionnisme narcissique, et si existe exhibitionnisme est-ce que lecteur est pas voyeur ? autobio ds ce cas serait un accords tacite entre deux « travers » : exhibitionnisme et voyeurisme, peut-être aussi que pacte est là : je me montre « nu » comme tu le veux / je regarde la « nudité » que tu veux montrer ]
Le moi écrivant doté dun parcours intellectuel riche dispose doutil et dexpérience lui permettant dapprofondire connaissance de soi => entre le jeune Leiris et lhomme de 34 ans (début du récit de lAge dhomme) puis celui de 45 ans = certain appareillage critique. La Règle du jeu est solidement élaborée chez Leiris à partir du surréalisme, de la psychanalyse et de lethnographie
Ecriture autobio = écriture daprès-coup au sens où Freud lentendait lorsquil mettait en relation étude du moi et son inscription dans la temporalité = concept fondateur « Ce nest pas le vécu en général qui est remanié après-coup mais électivement ce qui, au moment où il a été vécu, na pu sintégrer pleinement dans un contexte significatif » (Laplanche et Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse)
Sagit pas de fonder psychanalyse comme instrument herméneutique unique mais de montrer en quoi écriture autobio par effet de rétroaction donne sens dans laprès-coup au moi. Que fonctionne comme thérapie ou comme examen de soi, est en définitive dans la monstration du sujet, ce qui permet mise en miroir du moi ancien qui pourra dans immobilisation scripturaire être analysé. « Récit rétrospectif, lautobiographie est aussi, par un mouvement de retour, une analyse rétrospective du moi » p37
Pas question dutiliser outil psychanalytique à des fins interprétative pour comprendre texte autobio. Jean Starobinski, ds lOeil vivant II rappelle que uvre littéraire = un tout constitué, autotélie de luvre interdit de mettre totalement en // démarche analytique et démarche critique : « Avec luvre littéraire, tout est présent du premier coup et rien ne peut sy ajouter. En face de lanalysé, le psychanalyste peut revenir à la charge, obtenir de nouvelles associations, vaincre des résistances. Si évidentes que soient ce différences, la critique littéraire tirera bénéfice à pratiquer le principe psychanalytique de lattention flottante le suspens attentif, la bienveillance aux aguets » => ce nest pas linstrument technique de la psychanalyse qui importe mais la méthode dapproche qui permet de mettre au jour des réseaux de significations, des occurrences propres à lécriture dun individu donné. Démarche herméneutique du critique ne doit jamais oublier quelle interroge une recomposition de lexistence et non existence elle-même, => tjs Starobinski : « Certes loeuvre inclut dans sa signification le passé et lhistoire personnelle de lécrivain ; mais une histoire transcendée ; une histoire dont on ne peut désormais oublier quelle est orientée vers louvre, une histoire qui se noue dans luvre »
Ecrivain recherche pas seulement événements traumatisant pouvant expliquer ce quil est devenu, peut aussi comme bcp rechercher lieu du bonheur perdu : quête scripturaire = alors nostalgie, « celle dun univers où le moi solidement solidaire de lui-même non encore fracturé (
) vivait le présent comme présence à soi » p38
la quête dun bonheur perdu : nostalgie et élégie
Svt 1ers chapitres autobio = cosmogonie heureuse, tps révolu de linnocence du moi, promesse dune vie ouverte à tous les possibles = instants regrettés dallégresse. Jean Starobinski distingue dans cette perspective deux catégories : dun côté registre picaresque (cf Lazarillo de Tormès où un homme dâge mûr devenu riche et respectable raconte avec amusement pénible existence quenfant il a dû mener) : le passé représente un temps dégradé et présent = temps heureux >< Confessions de Rousseau où malgré quelques épisodes négatifs, passé heureux alors que présent de lénonciation, de lécriture = période dégradée et malheureuse. = registre élégiaque qui propose une écriture où le présent négatif développe un monde heureux de lenfance, même chez Sartre, parodie ne parvient pas toujours à effacer quelques instants délégie. Quête de lantériorité heureuse implique généralement utilisation dune rhétorique de lexclamation, de lapostrophe ou de lincantation : figures spécifiques à une écriture du regret, de la mélancolie / expression dune conscience aiguë de la parte et certitude que présent énonciation = celui de laffliction et de la disgrâce (Articulations entre livres 5ème et 6ème des Confessions = significative, présente de manière condensée palette très large de procédé liés à expression nostalgie et à tonalité lyrico-élégiaque : amplification, exclamation exacerbation dune champ lexical du sentiment, apostrophe, formule assertive exprimant la certitude de ce qui est avancé, système anaphorique, utilisation dune ponctuation abondante)
au total, recentrement écriture sur le moi, expression lyrique, volonté de ressaisir le cheminement complexe dun parcours, quête des moments originaire et fondateur, examen de soi, recherche dun bonheur perdu = autant de motivations intimes de lécriture du moi.
Mais autres motivations plus sociales peuvent être évoquées : autobiographe plus proches du mémorialiste peut attribuer ponctuellement à son écriture une valeur testimoniale
le désir de témoignage
témoigner ou lorsque se taire est impossible
mémorialiste inscrit lhistoire de sa vie dans lhistoire des événements et cette inscription = dominante de son uvre, cela ne signifie pas quil ne sera pas à certains moments autobiographe = question de proportion => autobiographe peut être à certains moments de son uvre mémorialiste : inscrit alors histoire dans récit de sa vie.
Surtout que écrivain se trouve souvent à la rencontre du moi et du monde
Existe des cas exemplaires où terreur de la vie rejoint ponctuellement impérieuse nécessité autobiographique cf La Nuit de Elie Wiesel, LEspèce humaine de Robert Antelme : ne racontent pas de longues périodes rétrospectives mais relatent des instants paroxystiques, épisodes intenses parfois insupportable dune vie = fonction testimoniale = évidente, « il ne sagit pas de faire uvre décrivain., il sagit de confronter lineffable au dicible à travers lexpérience intime du moi ; de mettre en rapport linexprimable avec le scriptible » p41
« Pourtant, un doute me vient sur la possibilité de me raconter. Non pas que lexpérience vécue soit indicible. Elle a été invivable, ce qui est toute autre chose, on le comprendra aisément. Autre chose qui ne concerne pas la forme dun récit possible, mais sa substance. Non pas son articulation, mais sa densité. Ne parviendront à cette substance, à cette densité transparente que ce qui sauront faire de leur témoignage un objet artistique. Un espace de création. Ou de re création. Seul lartifice dun récit maîtrisé parviendra à transmettre partiellement la vérité du témoignage. Mais ce ci n a rien dexceptionnel ; il en arrive ainsi de toutes les grandes expériences historiques » (Jorge Semprun, LEcriture ou la vie)
[même dans le cas les plus extrême, cest toujours une oeuvre littéraire, il faut que cela le soit => attention à interprétation. Notion de témoignage rejoint (en plus poignant ici) la question de lauthenticité et du comment faire passer : encore une fois cest le style comme utilisation maîtrisée de lécriture (artifice dun récit maîtrisé)qui semble être convoqué comme « passeur » si on admet que le style fait aussi de ce qui sépare un texte quelconque dune uvre littéraire]
« le récit rétrospectif de vie sarticule ici au récit rétrospectif dune période de la vie » p41
Noyau créateur autour duquel uvre rayonne >< naissance ou événement traumatisant existence individuelle mais celui du fait historique inimaginable
« lindividu, inscrit dans son parcours, lui-même inscrit dans le temps des hommes, inscrit dans leur histoire, écrit sa vie parce quelle témoigne, mais aussi témoigne de son temps parce quil lui permet décrire sa vie. Autre manière dinstaurer le moi comme figure de lexemplarité » p42
Ecriture du moi et exemplarité
Dans la préface à ses Souvenirs denfance et de jeunesse, Ernest Renan rappelle cest faire preuve de vanité que de parler de soi et que le projet nest utile et viable que si précisément le projet dépasse lindividu réel pour édifier un moi imaginaire susceptible de procurer sinon un modèle du moins un exemple à lhumanité : « On ne saurait faire sa biographie de la même manière que lon fait celle des autres. Ce quon dit de soi est toujours poésie. Simaginer que les menus détails de sa propre vie valent la peine dêtre fixés, cest donner la preuve dune bien mesquine vanité. On écrit de telle chose pour transmettre aux autres la théorie de lunivers que lon porte en soi ».
Renan retrace son parcours de Tréguier au séminaire de Saint-Sulpice parce que ce parcours est édifiant : il montre que la foi peut-être remplacée par lamour de la science, que léducation et la réflexion peuvent infléchir une conscience, une morale, une attitude face au monde. Lécriture autobiographie, chez Renan, se fonde plus sur la volonté de retracer un parcours intellectuel exemplaire que sur la minutieuse narration dune existence humaine ; autobio = + chez lui récit rétrospectif dune intelligence.
Ecriture autobio érigée en monument exemplaire = 2 fonctions : tournée vers passé, décrit épisodes important dune vie particulièrement riche ; tournée vars avenir se fondent sur singularité des expériences vécues pour proposer des interprétations du monde et des vues élargies et nouvelles sur sociétés humaine, exemplarité autobio se met au service de lhumanisme et de humanité : type dautobio intellectuelle : autobiographe persuadé que son parcours et édifiant procède par induction, partant de son cas particulier, il tend à une interprétation universelle des phénomènes et établit un système conceptuel récurrent
Démarche Leiris, même si ressortit également à lexemplarité ne prétend pas aussi franchement à universalité, sagir + dune lutte perso avec temps pour se fixer et ainsi soffrir en spectacle : « Il semblerait, tout bien considéré, que quand jécris cest surtout au temps lui-même que jen veux, soit que jessaie de rendre compte de ce qui se passe en moi dans le moment présent, soit que je ressuscite des souvenirs, soit que je mévade dans un monde où le temps, comme lespace, se dissout, soit que je veuille acquérir une sorte de fixité - ou dimmortalité en sculptant ma statue (vrai travail de Sisyphe, toujours à recommencer » (Biffures)
de nouveau mais dans une autre perspective pbatique du mouvement et de la fixité
établir un portrait de soi
Fontanier classe deux aspects du portrait ds les figures de pensée par développement, = deux figures qui concernent domaine générale de la description :
prosographie : description qui a pour objet la figure, le corps, les traits, qualité physique etc
éthopée = description des murs, caractère, vices, vertus, talent
récit rétrospectif vie = plus une longue éthopée quune prosographie, en règle gale, le portrait moral et continu et le portrait physique ponctuel
Prosographie : Incipit de lAge dhomme = exemplaire à ce titre, constitue une sorte de pose ds existence , inscrit interruption dans déroulement existence : « Je viens davoir 34 ans, la moitié de la vie. Au physique, je suis de taille moyenne, plutôt petit. Jai des cheveux châtains, coupé court afin déviter quils ondulent, par crainte aussi que ne se développe une calvitie menaçante. Autant que je puisse en juger, les traits caractéristiques de ma physionomie sont :
.. »
comme peintre qui tente de reproduire ses traits, Leiris compose autoportrait physique avec précision s=> lecteur peut se faire une idée de la personne devenue personnage. Faut faire attention à ce type de description car permettent détablir comparaison avec autres portraits autobio et parce quelle inscrivent individu décrit dans le temps => Leiris le signale dans ses notes « je viens davoir trente-quatre ans
. Jen aurais quarante-cinq quand ces pages paraîtront. Un tel écart justifierait un nouveau livre »
écart = 11 ans => description physique nest plus valable => évolution rappelle tâche de Sisyphe et lie cette volonté de saisie à linachèvement essentiel de luvre littéraire. « La question de la prosographie dévoile la difficulté décrire le récit de son propre moi : elle nen offre que des fragments souvent lumineux mais provisoires » p41
Ethopée : cest davantage vers elle que se tourne écrivain autobiographes, Les Confessions = peu de notations physiques, Dans Les Mots, Sartre fait ponctuellement allusion à sa laideur, Stendhal parle parfois de son âge mais peu de son apparence extérieur, de même Sarraute => cest intériorité qui intéresse autobiographe car épouse avec plus de subtilité les aléas du temps.
En fait, « la théorie de lunivers quon porte en soi » (Renan) , ce monde intérieur = en définitive le seul véritable objet de lautobio
en fait, « léthopée autobiographique couronne (
) fréquemment une uvre qui développe une conception singulière dun rapport au monde dans lequel évolue le moi. » p46
le couronnement dune uvre et dun système
clore un système
Rousseau = philosophe des origines : langues, inégalité, sociabilité, recherche point de commencement où tout bascule. Pour lui, récit rétrospectif = tenter datteindre racine de lindividu, période enfouie où enfant prépare lhomme : état premier du désir, premiers vols, premières amours,
. Et surtout premières exclusions du paradis. Jean Starobinski, Lil Vivant I, note que « tout se passe comme si Rousseau sentait le besoin de la revivre (lexclusion) dans un assez grand nombre de circonstances, à la façon dont les névrosés répètent dans leurs rêves ou dans leur conduite, un événement traumatisant ». Existence = suite de déchéance mais aussi succession dexclusion de lieux édeniques : campagne de Bossey, perdue ; les Charnettes, perdues ; perdue le séjour de Montmorency ; perdue lîle Saint-Pierre, perdue aussi la demeure de France : épisodes successifs pas ! anecdotiques : viennent conforter conception rousseauiste du Monde = lhomme est un être chassé de son bonheur, expulsé de son innocence ; la société par intermédiaire du contrat social tentera de corriger cette expulsion tragique et autobio Rousseau = en quelque sorte la preuve in vivo de cette conception du monde
Sarraute, un autre angle pour même notion de couronnement. Dès 1939 Tropismes : repérer à lintérieur de lindividu la dualité, brefs petits mouvements infimes et anodins qui font en définitive la vraie vie. Tropisme = « des réactions dorientations et de locomotion causées par des agents physiques ou chimiques » càd éléments extrêmement primaires qui entraînent ou provoque des réactions individuelles, constituent lespèce de voix intérieurs qui contredit la voix sociale, cf les différents incipits des romans de Nathalie Sarraute, tous proposent des menus soliloques venus des profondeurs intimes su moi qui viennent contester jeu social => « la grande thèse de lécrivain, cest que la psychologie apparente est souvent motivée, voire contredite, par cette psychologie des profondeurs. » (p47)
duvre en uvre, ton très particulier, svt satirique + composition spécifique des différents romans fondée sur dualités des voix, sue un dialogue à lintérieur du moi. Cf Intervention au colloque de Cerisy sur le Nouveau Roman (juillet 1971) : « Ce que jai voulu, cétait investir dans du langage une part, si infime fût-elle, dinnommé [
]. Mais ces efforts pour faire accéder au langage ce qui sans cesse se dérobe ont présenté de grande difficultés [
]. A peine cette chose informe, toute tremblante et flageolante, cherche-t-elle à se montrer au jour quaussitôt ce langage si puissant et si bien armé [
] saute sur elle et lécrase. Cette lutte, jai essayé de la montré dans mes romans » => en résulte une forme de polyphonie romanesque, lieu du combat entre les deux expressions du moi
qd Sarraute projette écrire autobio, « tout se passe comme si lécrivain voulait vérifier sur elle-même cette conception de la personnalité fondée à la fois sur le tropisme et sur le moi social » (p48) => ouverture sur dialogue souvent teinté de moquerie entre écrivain social « qui fait comme tout le monde » et son moi intérieur
préoccupations qui ont pu traverser uvre (contestation psychologie romanesque traditionnelle, refus des formes romanesques précédentes, éclatement de la notion de personnage) trouvent ds autobio leur accomplissement ; la forme autobiographique adoptée = contestée, éclaté, mise en système, forgée à partir dune uvre longuement mûrie : « Enfance est une autobiographie qui mime son ridicule et son inanité dans le même temps quelle se réalise. Enfance est une autobiographie à travers laquelle Nathalie Sarraute poursuit son investigation moderne du champ littéraire » (p49)
dautres auteurs pourraient être convoquer. Faut comprendre que autobiographe écrit plutôt à la fin de sa vie, cherche à saisir motivations profondes qui ont présidé à élaboration de son uvre => récit rétrospectif = + recomposition dun parcours plutôt que narration fidèle de la vie dun individu => autobio en ce sens = genre électif => se pose question de la vérité
dire la vérité
Sincérité de Rousseau :
Si on exclut déclarations péremptoires du préambule, cest surtout à partir du livre 3ème de Confessions que Rousseau sadresse à son lecteur pour lui soumettre pbatique incontournable de la vérité : « Jécris absolument de mémoire, sans monuments, sans matériaux qui puissent me la rappeler. Il y a des événements de ma vie qui sont aussi présents que sils venaient darriver ; mais il y a des lacunes et des vides que je ne peux remplir quà laide de récits aussi confus que le souvenir qui men est resté. Jai donc pu faire des erreurs quelquefois, et jen pourrai faire encore sur des bagatelles, jusquau temps où jai de moi des renseignements plus sûr ; mais en ce qui importe vraiment au sujet je suis assuré dêtre exact et fidèle, comme je tâcherai de lêtre toujours en tout : voilà sur quoi on peut compter »
Existe assez profonde différence entre 1ers livres des Confessions (I à VI°) écrits sans véritables éléments de référence, et qui ressortissent au souvenir et livres VII à XII où sont reproduits documents (billet, missives) qui fondent texte autobio => probablement parce quau début Rousseau quête origines, recherche monde perdu, ensuite, se rapprochant du tps de lénonciation dc tps déchu tente davantage de se disculper.
Tonalité élégiaque = sincérité des 1ers livres, tonalité plus plaintive mais aussi plus acerbe voire parx plus polémique appartient à établissement de la vérité
A lorigine du geste autobio, pour Rousseau, peu importe vérité, + sincérité : texte reproduira en conscience ce qui semble vrai au scripteur. Sincérité = etymo « sans cire » / miel => pureté, ce qui nest pas altéré ou mélangé : la parole de la sincérité note J Starobinski « ne reproduit pas une réalité préalable » mais « reproduit sa vérité dans un développement libre et ininterrompu » (La Transparence et lobstacle),
objectivité nest plus de mise, mvt écriture suit mvt subjectivité intérieure qui ressent faits, actes, sentiments comme vrais. Ce qui garantit une forme de vérité des événements relatés, cest de les avoir vécus comme tels (existe nbeux épisodes des Confessions où lecteur sourit de la naïveté de Jean-Jacques)
« la chaîne des événements, la chaîne phénoménale des faits nexiste plus que modifiées par la perspective du regard intérieur » p51
anamnèse = ce qui se transforme et transmue, écriture autobio = sentimentale, non mimétique, rapport à réalité référentielle nexiste quindirectement par biais du truchement scripturaire, guide événementiel sert peu car + mvt constamment égotiste et introspectif. CF livre VII
« Je nai quun guide fidèle sur lequel je puisse compter ; cest la chaîne des sentiments qui ont marqué la succession de mon être, et par eux, celle des événements qui en ont été la cause ou leffet »
« Lobjet propre de mes confessions est de faire connaître exactement mon intérieur dans toutes les situations de ma vie. Cest lhistoire de mon âme que jai promise, et pour lécrire fidèlement je nai pas besoin dautre mémoire : il me suffit comme jai fait jusquici de rentrer au-dedans de moi »
La sincérité remplace la vérité, les faits ne signifient objectivement rien, ils ne signifient que vécus à travers la perception du narrateur-personnage qui, sincère, les relate.
>< autoportrait qui trop élaboré, trop construit ne fournit que lapparence, une seule fois Rousseau en appelle à Montaigne mais cest pour que lecteur par confrontation saisisse différence essentielle
Pour Rousseau question vérité se trouve évacuée et remplacée par celle de la sincérité : pose écrivain face à lui-même, face à vérité scripturaire.
Authenticité de Sartre
Pour Sartre, la question de la vérité dans Les Mots, rejoint davantage la problématique de la parodie : selon lui : je ne fais pas récit rétrospectif de ma vie, je choisis de raconter rétrospectivement la vie de lindividu que je me suis composé ; autobio établit une importante distanciation entre deux moi (celui énoncé et celui énonciation) => autobio = architecture minutieusement agencée et autobiographe = démiurge : « Créateur et animateur dun monde, il est lagenceur et lagencé ; celui qui est authentifié par celui qui authentifie, le mensonge étant inhérent à lexpression de la vérité : lecteur qui prend la pause dans la première partie de luvre, écrivain qui prend la pause dans la seconde partie » (p52)
« Lécriture, mon travail noir, ne renvoyait à rien, et, du coup, se prenait elle-même pour fin : jécrivais pour écrire. Je ne regrette pas : eussé-je été lu, je tentai de plaire, je redevenais merveilleux. Clandestin, je fus vrai » dernière phrase = bonne def de autobio sartrienne, construite et authentique ds monstration aurait été sincère ds clandestinité = autobio à rebours, autobio de la dérision, autobio impossible sinon parodique. « Ce quexprime cette phrase lapidaire et lucide à la fin des Mots : « lillusion rétrospective est en miette » »
le projet de Renan
fonde quête autobio sur catégorie de la fidélité. Si question sincérité hantait Rousseau, si résolution du conflit entre écriture et le moi sest réalisé pour Sartre ds authenticité de la parodie, cest, chez Renan, la fidélité au modèle nucléaire qui permettra datteindre une certaine compréhension de soi.
Ecriture autobio lié à catégorie de la singularité et de lexception : elle recherche le modèle ancien, germé bénéfique, qui a permis de construire la rectitude intellectuelle dune existence. Sagira en grande partie de vérifier conformité au moule, comprendre prédestination dune individu tjs en équilibre (breton et gascon) entre romantisme et raison, idéalisme et pragmatisme, religieux et rationnel = équilibre qui permet une forme de sagesse où se nourrissent dialectiquement les contraires : « Cette complexité dorigine est en grande partie je crois la cause de mes apparentes contradictions. Je suis double ; quelquefois une partie de moi rit quand lautre pleure »
se réapproprier le monde
les enjeux de lautobio = doubles. Tournée vers lintérieur du moi, elle tente de retracer parcours qui a motivé éclosion dune perso et cheminement dune vie, mais tournée vers extériorité, cherche aussi à se réapproprier monde perdu pour comprendre monde présent. CF fin des Mémoires doutre-tombe, Chateaubriand y propose récapitulation de sa vie, mêlant histoire publique et existence privée, comme si vieil écrivain avait réussi à solidifier histoire de sa vie, à pétrifier histoire des hommes. Bilan de sa vie = bilan de la France ; présent énonciation scripturale = entre passé et futur, étrange entre deux où le monde passé nexiste plus et où monde futur est encore inconnu : « En traçant ces derniers mots, ce 16 novembre 1841, ma fenêtre qui donne à louest sur les jardins des Missions étrangères est ouverte : il est six heures du matin ; japerçois la lune pâle et élargie ; elle sabaisse sur la flèche des Invalides à peine révélée par le premier rayon doré de lOrient : on dirait que lancien monde finit et que le nouveau commence. Je vois les reflets dune aurore dont je ne verrai pas se lever le soleil. Il ne me reste quà masseoir au bord de ma fosse, après quoi, je descendrai hardiment, le crucifix à la main dans léternité »
Face à transformations, écrivain tente de ressaisir ces époques des conceptions du monde et de son univers, écriture salvatrice dresse bilan et ouvre dautres champs. Mais ceci ne concerne plus lautobiographe : « les scènes de demain ne me regardent plus » écrit Chateaubriand, « elles appellent dautres peintres : à vous messieurs »
« Cest alors seulement, lorsque lexistence est retracée scripturairement (lorsque le texte rejoint le moment de son énonciation), que la totalité de la vie revêt une signification » (p56)
4) la lutte avec lAnge
« lart est un anti-destin » (André Malraux)
= formule célèbre, si condition essentielle homme = mortalité, art = ce que lhomme construit pour lutter contre usure et dégradation provoquée par le temps ; uvre dart = résultat dun projet qui dépasse limites humaines, cf Georges Bataille commentant peintures de Lascaux qui rappelle que geste artistique est volonté humaine de saisir la réalité, de figer linsaisissable dexpliquer imaginairement et métaphoriquement univers, mais aussi indéniable désir de durer au-delà de sa propre vie.
La plupart des autobiographes se présentent comme des individus se situant face aux phénomènes qui manifestent la dégradation du temps, cf la petite hotteuse dans les Mémoires de Chateaubriand, devenue femme ou morte, peu importe, ce que constate écrivain = sa disparition, son absence. Univers réel est devenu lacunaire, un monde de la vacuité : anamnèse scripturaire vient alors faire uvre de comblement, pérennise éphémère instaurant à la place dun individu réel, un individu imaginaire : personne de la petite hotteuse est devenue un personnages des Mémoires
Cf =t début de La Vie dHenry Brulard, où Stendhal, posté sur le mon Janicule contemple les uvres dart des siècles passés ; la posture est symbolique : lécrivain comme défiant le temps, couvre de son regard les créations humaines dressées pour léternité par des hommes pour les hommes : « Je me trouvais ce matin 16 octobre 1832, à San Pietro in Montorio, sur le mont Janicule, à Rome ; il faisait un soleil magnifique. Un léger vent de sirocco à peine sensible faisait flotter quelques petites nuages blancs au-dessus du mont Albano, une chaleur délicieuse régnait dans lair ; jétais heureux de vivre. Je distinguais parfaitement Frascati et Castel Gandolfo qui sont à quatre lieues dici, la villa Aldobrandini où est cette sublime fresque de Judith du Dominiquin [
] Quelle vue magnifique ! Cest donc ici que La Transfiguration de Raphaël a été admirée pendant deux siècles et demi [
] Ainsi, pendant deux cents cinquante ans ce chef-duvre a été ici : deux cent cinquante ans !
. Ah ! Dans trois mois jaurais cinquante ans »
[il ne parle que duvres picturales, en tout cas dans extrait => à vérifier, peut être utile pour notion de portrait dans autobiographie]
Ds extrait, tous les éléments qui nourrissent autobio stendhalienne = condensés : confrontation existence et uvre dart, fresque qui deviendra métaphore de autobio (elle exprime mais sefface), la méditation sur le temps : lécrivain autobiographe, du haut dun des monts des plus prestigieux du monde, contemple sa vie, contemple son uvre, contemple le temps : cest pour lui lheure de lécriture de sa vie
« lécriture autobiographique sapprête dès lors à lutter contre la mort »p58
affronter la mort
Michel Leiris dans Biffures comprend après plus de deux cents pages décriture quel est le véritable objet de sa recherche : esthétique dune uvre, le bonheur décrire, désir dintrospection et de compréhension de soi, mais plus profondément, lécriture autobio est le recensement des morts, sorte de descente aux enfers, voix qui évoque souvenir et disparus
« Si cette peur de me faner est finalement ce qui moriente, quoi détonnant à ce que lédification de ma propre statue soi devenue le but conscient (et ici même avoué) de tentatives littéraires ? A mesure quon se flétrit la défense devient plus urgente ; et la plus immédiate est, sans doute, de se couvrir dun beau vêtement »
[là encore réf à un art « physique », plus visuel que lécriture]
écriture de la vie aurait pour projet la rencontre obstinée et quasi frontale avec la mort cf Sartre. Les Mots : « Nos intentions profondes sont des projets et des fuites inséparablement liés : lentreprise folle décrire pour me faire pardonner mon existence, je vois bien quelle avait en dépit des vantardises et des mensonges, quelque réalité : la preuve en est que jécris encore, cinquante ans après. Mais si je remonte aux origines, jy vois une fuite en avant, un suicide à la Gribouille ; oui, plus que lépopée, plus que le martyre, cétait la mort que je cherchais »
« quen est-il, dans cette perspective, de lécriture autobiographique lorsquelle pose comme objectif latteinte de cet horizon que lon ne peut jamais atteindre ? Elle est ce que lon pourrait nommer, suivant Blanchot, lécriture du mourir : ce qui soriente inéluctablement vers la mort, maintenant toutefois la vie par son déroulement même » p59
la question des motivations de lécriture autobio reste fortement orientée vers émetteur : face à lui-même, à la fin de son existence, autobiographe cherche à dresser bilan de savie
écriture autobio semble jouer rôle cathartique non négligeable, même si tension scripturaire soriente vers passé, faut convenir quil reste à autobiographe un morceau de vie assumer : écrire sa vie revêt pour lui une fonction essentielle = trouver la force de mener le reste de son existence avec un certain bonheur, atteindre une certaine « sérénité crispée » (René char) , écriture autobio = précieux instrument dont écrivain se sert pour parfaire sa ligne de vie
cf Michel Leiris préfaçant lAge dhomme « Recherche dune plénitude vitale, qui ne saurait sobtenir avant une catharsis, une liquidation, dont lactivité littéraire et particulièrement la littérature dite de confession apparaît comme lun des plus commodes instruments »
« Reste quen fermé désormais dans lespace isolé de lécriture, lautobiographe achoppe sur la question essentielle quil se pose à lui-même : comment concilier la narration dune existence réelle et le lieu de lécriture nécessairement imaginaire ? » p60
Chapitre III : le paradoxe autobiographique
le temps révolu
tout autobiographe se pose question de la vérité par rapport à lui-même. Mais moyen au sens instrument choisi = écriture risque à tout instant de lentraîner vers la dérive de nêtre pas véridique. Si le contenu de ce qui est rapporté est exact, il nen reste pas moins vrai que espace scripturaire transmue vérité en uvre dart => « dentrée de jeu écrivain pénètre un espace qui par sa spécificité même, est celui de limaginaire, espace paradoxal qui vise ici à représenter ce qui sétant présenté une fois dans le phénomène existentiel, refuse de se représenter, sinon dans le lieu scripturaire qui représente selon ses propres lois » p61
temps existentiel et achronie scripturale
depuis travaux Genette, tps de la réalité et tps du récit si restent liés ne peuvent se ressembler en rien, tps de la réalité ressortit à la chronologie, le temps du récit concerne le temps achronique de lécriture : « son champ véritable est celui du discours », « du vraisemblable artificiel ».
Qd écrivain rentre ds champ de la litt décide de mourir au monde, entre ds ce que Maingueneau appelle le « lieu paratopique » de lécrivain, lieu où ni ds réalité ni ds imaginaire entre en rapport avec le monde de lécriture.
Qd autobiographe écrit, il arrête tps présent et se déplace ds temps passé : tps écriture = tps suspendu qui à chaque ligne peut être distendu ou rétréci :
cf épisode du ruban volé ds livre II des Confessions = épisode particulier que Rousseau allonge ds mvt de son écriture parce que cet épisode est exemplaire à ses yeux, fondateur de sa perso, mais épisode existentiel est en définitive très anodin : enfant convoite ruban, le vole et dénonce quelquun dautre, ms ds champ écriture anecdote devient achronique, suspendue hors du tps, rapproche différentes strates de temps. Répétition de lévénement par lécriture provoq à la fois accélération temporelle et une sorte de téléscopage chronologiq : « lenfant coupable et lécrivain qui avoue sa culpabilité, plongés dans une même temporalité imaginaire, se retrouvent dans le temps de la confession. » p62
Lécriture = alors moment de la conscience, tps cathartiq qui permet dexister encore : Marion la petite bonne accusée a disparu de la vie ms ds espace scripturaire Marion revient :
« Ce cruel souvenir me trouble quelquefois et me bouleverse au point de voir dans mes insomnies cette pauvre fille venir me reprocher mon crime comme sil nétait commis que dhier [
]. Ce poids est donc resté jusquà ce jour sans allégement sur ma conscience, et je puis dire que le désir de men délivrer en quelque sorte a beaucoup contribué à la résolution que jai prise décrire mes confessions »
anamnèse faite danalepse et dellipses, contracte et accélère le tps qui devient tps de la subjectivité, de lintériorité, de lécriture
superficiellement possible admettre que autobio graphe parcourt chemin qui va de la naissance au moment de lénonciation mais plus profondément, cheminement = celui qui mène de la décision décrire à écriture
le défaut de mémoire et laprès-coup
- la fresque stendhalienne : autre obstacle inhérent à écriture autobio, = risque doublier essentiel de ce qui doit être dit. Rousseau ds Confessions écrit « sans monuments » (= def dico de Trévoux : témoignages qui restent des actions passées), préfère se laisser conduire par vérité subjective, mais pans parx énormes du passé qui demeurent occultés = préoccupations pour écrivain : image de la fresque chez Stendhal = peut-être ce qui rend le mieux compte de la tâche impossible que sest assignée écrivain : « En écrivant ma vie en 1835, jy fais bien des découvertes, ces découvertes sont de deux espèces : dabord, 1° ce sont des grands morceaux de fresques sur un mur, qui depuis longtemps oubliés apparaissent tout à coup, et à côté de ces morceaux bien conservés sont comme je lai dit plusieurs fois de grands espaces où lon ne voit que la brique du mur. Léparvérage, le crépi sur lequel la fresque était peinte est tombé, et la fresque est à jamais perdue. A côté des morceaux de fresque conservés il ny a pas de date ; il faut que jaille à la chasse des dates actuellement en 1835. heureusement, peu importe un anachronisme, une confusion dune ou deux années » // fresque de Giotto ds la basilique Santa Croce, de loin, ensemble semble cohérent, impression dachèvement et de totalité artistique = parfaite, architecture de la fresque offre apparence dharmonie, de plus près certaines zones comblées par du ciment, => dégradation de luvre due au tps => « l uvre devient alors un étrange composé de présence et dabsence » p64
de même si existence réelle devient uvre dart , ne peut être relatée ds sa complétude, uvre dart autobio = le plus svt une manifestation dabsence et pacte autobio inclut représentation elliptique, le plus svt = domaine des ombres et des fantômes « je ne puis donner la réalité des faits, je nen puis présenter que lombre » (Stendhal)
écriture = simulacre et pacte = pas du mensonge mais celui de impossibilité à écrire en référence à événement,
oubli = ce qui interdit de raconter histoire dune vie mais sagit dun oubli fécond parce que sélectionne essentiel, devient allié indispensable de la création pour 3 raison :
écriture capte parmi bcp dautre souvenir significatif ou symbolique qui permet à autobiographe dexprimer un élément fondamental de la vie
suscite imagination et pose rapport du référent au poétique : pas exactitude des faits rapportés qui compte mais rencontre du fait relaté et de limaginaire qui le produit
« Cest lhospice ! On nous y donna comme à toute armée, un demi-verre de vin qui me parut glacé comme une décoction rouge. Je nai de mémoire que du vin, et sans doute on y joignit un morceau de pain et de fromage. Il me semble que nous y entrâmes ou bien les récits de lintérieur de lhospice quon me fit produisirent une image qui depuis trente-six ans a pris la place de la réalité » : événement se confond ici avec récit quon a pu faire à Stendhal. Fiction et réalité se superposent mais Stendhal ne ment pas, commente cet effet superposition, = sorte de métadiscours stendhalien = fréquent ds Vie dHenry Brulard, sagit dun métatexte fondé sur distanciation qui souligne ironiquement risques de piperie : « Voilà un danger de mensonge que jai aperçu depuis trois mois que je pense à ce véridique journal. Par exemple, je me figure fort bien la descente. Mais je ne peux dissimuler que cinq ans ou is ans après jen vis une gravure que je trouvais fort ressemblante, et mon souvenir nest plus que la gravure. Cest là le danger dacheter des gravures de beau xtableaux que lon voit dans ses voyages. Bientôt la gravure forme tout le souvenir et détruit le souvenir réel »
La vérité nest pas refusée, mais cest limaginaire qui vient peu à peu transformer, voire détruire la conformité au réel
oubli ou déformation élément vécu permettent à autobiographe de considérer existence dune manière prismatique comme si écrivain possédait une vision différente dun même fait ayant désormais la faculté de transformer les épisodes de sa vie à partir de sa subjectivité propre :
« voilà un des grands défauts de ma tête : je rumine sans cesse sur ce qui mintéresse, à force le regarder dans des positions dâme différentes je finis par y voir du nouveau et je le fais changer daspect »
Lucidité stendhalienne ouvre à pbatiq de lécriture autobio des perspectives extrêmement modernes pressenties par Rousseau : lécriture devient ce qui travaille et transforme la réalité = matériau à partir duquel loin de se laisser leurrer écrivain façonne sa propre vie, sa vie nouvelle, scripturaire. Car si les dès st pipés, un écrivain comme Stendhal le sait :
« les choses imaginées et les choses vues se confondent » , « le récit se confond avec le souvenir »
la fécondité de loubli : richesse commentaire / défaut de mémoire sur fécondité oubli, sur modernité illusion référentiel : cf Leiris, ds Fourbis l explicite
Un peu comme ds processus du rêve que décrit Freud, autobiographe traite souvenir comme ds instants qui peuvent se superposer, sentrecroiser, se déplacer.
Comme Mallarmé sépara double état parole « là brut, ici essentielle », Leiris établit différence entre « celle fois-là » = celle de la temporalité réelle et « cette fois-ci » = la fois de la condensation, de limaginaire et de la littérature = fois manifestement la plus proche de lécrivain, ici de lécriture = proximité par rapport au là-bas de événement
« davantage assemblage que narration suivie, lautobiographie moderne sera interstitielle, consciente que le blanc, lellipse, lanalepse fonderont autant sa définition générique que les lignes qui composent luvre » (p67),
risques derreurs, de transposition que Rousseau évoquait avec une certaine angoisse : « il est difficile que dans tant dallées et venues, dans tant de déplacements successifs, je ne fasse pas quelques transposition de temps ou de lieu » deviennent condition écriture autobio, uvre plus proche du fragmentaire, du florilège que du flot continue
« Florilège donc que plus irrémissibleme,nt que tout chois délibéré limitent ces absences : ce que je nai pas décelé, pas su formuler, ou répugné à mettre en lumière » (Leiris, Frêle bruit)
Trois sources de piperie en définitive : défaut de lucidité, défaut dexpression, oubli sciemment déclaré => de tout manière jeu reste bloqué car davantage réglé sur poésie dune écriture que sur représentation dun parcours dexistence, txt préfère désigner importance de tel ou tel fait, point de scintillation autour duquel gravitent les éléments fondamentaux de toute une vie :
« Parmi ces poussières, de notre passé qui nous émeuvent dautant plus que leur contenu paraît hors de proportion avec son infime contenant (amorce de quelque chose de capitale que le sort a laissé en souffrance ou qui, pour être, navait pas même besoin de se produire), parmi ces événements si minces quon sétonne presque de les garder en mémoire mais qui fulgurent ça et là dans le fatras de notre vie
» (Fourbis)
rejoint relation entre figement et mvt : écriture saisit et immobilise / récit de vie exige une certaine forme découlement du temps. Montaigne avait déjà rencontré interrogation héraclitéenne sur temporalité
lécriture et le mouvement
Montaigne déjà
Même si Essais = + genre autoportrait, renseignent sur difficultés à composer honnêtement récits de vie.
Si finalité profonde autobio = se dire, atteindre une certaine vérité de soi, écriture autobio = de nouveau paradoxale car cherche à figé mobilité, difficile de fixer son objet (cf Montaigne) car objet tjs approximatif : on peut considérer une grande partie des essais sous cet angle, fondent une méthode heuristique de découverte du moi, ms au-delà questionnement têtu et curieux sont aussi preuve que écriture est impossible « tant le modèle diffère à chaque instant de ce quil est ou quil était immédiatement avant » p 68 :
« Finalement, il ny a aucune constante existence, ni d notre être, ni de celui des objets. Et nous, et notre jugement, et toutes choses mortelles, vont roulant et roulant sans cesse. Ainsi il ne se peut établir rien de certaine de lun à lautre, et le jugement et le jugé étant en continuelle mutation et branle. Nous navons aucune communication à lêtre, parce que toute humaine nature est toujours au milieu en le naître et le mourir ne baillant de soi quune obscure apparence et ombre, et une incertaine et indélébile opinion » (II, 12). => Montaigne rencontre ici ce que lon pourrait appeler le scepticisme autobio : homme humilié qd se à soi comme objet de connaissance, car ainsi est vérifié mot de Pascal « le sot projet quil a de se peindre » ms cest ds ce paradoxe que se situe la richesse du projet scripturaire : la « discordance » perpétuelle oblige Montaigne à cerner son objet par approximation
« il nest de description pareille en difficulté à la description de soi-même », ms est tjs possible à partir circonlocutions multiples dadapter mots à leur objet
autobio = « docte ignorance de soi », sachant que ce nest pas lêtre qui peut être peint ms son passage. « cette « recherche jusquaux entrailles » (III,5) ne se peut réaliser que par la diversité scripturaire, un peu comme si le moi ne pouvait soffrir quà partir dun encerclement infini des mots » p69
foisonnement existentiel à colliger en volume, nécessité dialectique de mettre en rapport tps et écriture, Stendhal lexprime avec une certaine angoisse dès le début de La Vie dHenry Brulard : « Oui, mais cette effroyable quantité de Je et de Moi »
« toujours jai été découragé par cette effroyable difficulté des Je et des Moi qui fera prendre lauteur en grippe, je ne me sens pas le talent pour la tourner. A vrai dire, je ne suis rien de moins sûr que davoir quelque talent pour me faire lire. Je trouve parfois beaucoup de plaisir à écrire, voilà tout »
[moi je ninterprétais pas cette cit ni la suivante comme il le fait]
=> conscience du « métalent », de cette incapacité à rendre compte de la multiplicité des moi, entraîne prise de conscience de 2 obstacles : faut accepter risque de linconnaissance de soi (alors dès = pipés du côté de lauteur (« je ne prétends nullement écrire une histoire, mais tout simplement noter mes souvenirs afin de deviner que l homme jai été : bête ou spirituel, peureux ou courageux, etc, etc. cest la réponse aux grands mots : gnoti seauton ») + faudra admettre que le lecteur sera trompé :
« Où se trouvera le lecteur qui, après quatre ou cinq volumes de je et de moi, ne désirera pas quon me jette, non plus un verre deau sale, mais une bouteille dencre ? Cependant, ô mon lecteur, tout le mal nest que dans ces cinq lettres : B, R, U, L, A, R, D qui forme mon nom, et qui intéressent mon amour propre. »
contradiction entre mvt et figement sera résolue par une certain nbre dinterruptions du tps
transmuer un événement en épisode
Yves Reuter : trois niveaux peuvent être repéré dans l'approche d'une oeuvre littéraire : niveau de la fiction, niveau de la narration et le niveau de la mise en discours. (Histoire, narration, style) : "la fiction (ou diégèse) désigne l'univers créé, ,l'histoire telle qu'on peut la reconstituer, les personnages, l'espace, le temps ....La narration prend en charge les choix techniques (et créatifs) selon lesquels la fiction est mise en scène, racontée par qui, selon quelle perspective, selon quel ordre, suivant quel rythme, selon quelle mode, etc [...] Cette distinction entre fiction et narration permet de lever l'ambiguïté entre les deux sens du mot récit : d'une part la narration d'un événement ou d'une série d'événement, d'autre part l'événement ou la série d'événement qui font l'objet de cette narration" (Introduction à l'analyse du roman)
Distinction entre fiction et narration : appliqué au récit rétrospectif d'une vie, permet de comprendre effet de transposition qu'opère autobiographe.
si on peut résumer plus ou moins aisément la fiction (qui déjà se sépare fortement de son référent), on peut en revanche d'un point de vue narratologique analyser les phénomènes d'insistance, d'ellipse, d'accélération et de retardement que produit écrivain : mise en scène de certains épisodes qui deviennent les éléments constitutifs d'une fable ds la mesure où plus fondés sur déroulement chronologique d'une vie mais deviennent éléments constitutifs d'un ensemble littéraire artificiellement créer en vue d'une démonstration.
Si Les Confessions = longue fable, anecdote de la contemplation de madame Basile devient épisode qui permet de construire le personnage de Jean-Jacques : épisode très composé, ds lequel exposition, différentes actions (le voyeur, le voyeur vu, l'échange de regards) et dénouement ne manquent pas =épisode autonome, microrécit sélectionné par autobiographe, ms joue =t rôle au niveau macrostructural du récit : permet à Rousseau de tisser un réseau plus ample ds l'histoire de son existence (miroir et reflet)
Vie, écrivain, lecteur ne pourront se rencontrer que ds lieu délocalisé, décalé de l'autobiographie en tant qu'elle est espace de l'imaginaire : "Entre le moi - modèle et le moi-peintre, écrit Jean Starobinski, la distance sera aussi tranchée que celle qui sépare la conscience et les objets extérieurs" (L'oeil vivant I)
//t intransitivité du langage poétique (se suffit à lui-même, se fondant sur une essentielle négation du monde et construit sa propre autonomie) , on peut parler de intransitivité écriture autobio ds mesure où déjà fiction, elle édifie un monde où épisode après épisode, narration échafaude, organise et répartit espace de l'imaginaire : est un complexe processus de recomposition
recomposer le parcours d'une existence
- structure des Mots de Sartre : Sartre inscrit dès titre son autobio ds espace scripturaire ; //t livre pas divisé en chap annonçant épisodes existentiels ms deux parties presque équivalentes : lire ; écrire.
Autobio sartrienne est construite à partir du modèle littéraire, auteur s'y présente comme individu totalement influencé par la question du rapport avec les mots, du rapport à écriture. La bipartition enfance réception / émission ; destinataire / scripteur, marque processus distanciation que veut souligner philosophe existentialiste
livre = restructuration de la vie, reconstruction consciente. Chez Sartre, dés st pipés dès la 1ère distribution du livre : la loi de luvre autobio sera la loi de son auteur ; dire sa vie cest dire comment on doit la lire et comment on doit linterpréter quand on la lit. : la parodie autobio prend certainement sa source ds cette répartition consciente et volontaire
comme il a su leurrer son monde en lisant, il saura leurrer son monde en écrivant, entre les 2 chap, cette phrase révélatrice du projet de recomposition « je fus sauvé par mon grand-père : il me jeta sans le vouloir dans une imposture nouvelle qui changea ma vie » ; imposture qui sera précisément lécriture, mais ce Verbe tant aimé, si difficile à maîtriser, bien svt fait mener vie de forçat (Sartre cite le mot de Chateaubriand : « je sais fort bien que je ne suis quune machine à faire des livres ») est essentiellement duel : côté parole : à peu près connu et docile, côté écriture, question plus épineuse : « Cela tient à la nature du verbe : on parle dans sa propre langue, on écrit en langue étrangère. Jen conclus que nous sommes tous pareils dans notre métier : tous bagnards, tous tatoués. Et puis le lecteur a compris que je déteste mon enfance et tout ce qui en survit : la voix de mon grand-père, cette vois enregistrée qui méveille en sursaut et me jette à ma table, je ne lécouterais pas si ce nétait la mienne, si je navais, entre huit et dix ans repris à mon compte dans larrogance, le mandat soi-disant impératif que javais reçu dans lhumilité »
- fonder la règle du jeu : autre autobio significative ds répartition que choisit dinstaurer son auteur : celle de Leiris : 4 titres de la Règle du jeu = symptômes de cette volonté de recomposition, semble tout dabord que Leiris fonde récit rétrospectif de sa vie davantage sur isotopie phonique que sur déroulement chrono : Biffures, Fourbis, Fibrilles, Frêle bruit. Maurice Blanchot ds LAmitié souligne que cet itinéraire = celui dune expérience de lécriture qui fonde totalement sa présence sur le champ de limaginaire : « Le premier trait dune telle expérience, cest que le plus grand souci de la vérité loblige à faire bien plus grande la part de limaginaire. [
] dans Biffures [
] lexpérience est presque toute entière supportée par la vie de la réflexion, la surveillance quelle exerce, effort et tension extrêmes dune conscience qui est dautant plus en alerte quelle na plus seulement à vérifier des faits, mais à peser limaginaire »
Ainsi répartition en 4 gds tomes fonde un univers imaginaire autobio, « lautobiographie est remenbrement des remenbrances » p74.
Techniq employée par Leiris = fragmentation, reclassement, réorganisation de grandes rubriques : blessures, associations didées, jeux de mots ouvrent la voie à différents moments qui viennent se fixer sur un noyau fondateur et créateur. Cette recomposition de surface permet la recherche ininterrompue du moi occulté : « Ainsi, au-dessous de la trame consciente de mon livre celle qui est artifice dans la mesure où, préexistant nécessairement à chaque page que jécris, elle lui imprime ipso facto un caractère dobjet préfabriqué court une trame que jignore ou dont je nentrevois jamais que des brimborions au hasard dune image ou dune réminiscence » (Fourbis)
Le tout = parvenir mot à mot à une totalité convaincante
« Si je comble donc une lacune avec cette analyse daprès-coup et si, réduisant apparemment la part trop large dinconnu qui bée en moi, il me semble rogner dautant la part du lion que le vide sy est taillé par anticipation, la portion de moi-même ainsi reprise au néant laura été de façon artificielle et provisoire, sans que je puisse me flatter davoir mener à bien une entreprise que jaimerais pouvoir comparer à ce que furent dautres opérations de comblement tels que les grands travaux dassèchement effectués au XVII siècle par les hollandais pour gagner sur la mer des territoires habitables travaux auxquels ils marrivent de songer comme une image illustrant ce quest lart quant aux uvres quon peut regarder comme ses manifestations majeures : tentative daménager ou de coloniser des parcelles quil est dune importance vitale de soustraire à la chose sans nom qui est en nous et dont le flux nous menace » (Fourbis)
« Lautobiographie réorganisatrice est alors ce qui nomme pour lutter contre linnommable » p75, écriture autobio est reconquête
[dans ce contexte est-ce quon ne peut pas trouver dautres raisons que lémancipation du moi et la notion dindividu, en effet besoin de se retrouver ou de se trouver, de se construire est peut-être également moderne, ce qui expliquerait développement du genre : depuis XVII apparition également dinterrogation sur place de lhomme ds le monde , surtout XX absurde, nouveau roman, nouveau théâtre, Michaux : pas seulement remise en cause art, écriture, langage mais aussi pb existentiel.(plus de repère religieux, perte de fois en lhumanisme
) Il me semble que autobio = explosion au XX et ds après guerre : Sartre, Sarraute, Leiris, Nourrissier, Gide, Mauriac, Semprun, Pérec ont écrit autobio ou ont tourné autours
innommable = pas seulement la mort ou loubli
=t tout ce qui est absurde dans lhomme, ds condition humaine etc
.. en fait autobio comme toute uvre dart rejoint pbatique époque]
« ma vie qui, pour couler na pas besoin dy réfléchir, va plus rapidement que je navance à travers les sinuosités de ce que jen écris [
]. Quoi que je fasse pour amender mon texte rien ne rendra sa réalité palpable à tout cela [
], jarrive seulement au bout de la deuxième étape que je métais fixée : ces Fourbis, que doivent suivre de hasardeuses Fibrilles, puis les difficiles Fibules ou agrafes par le moyen desquelles il faudra que tout sajuste. Je suis si lent quà la recherche pratique du début (poursuite dune règle, que jaurais loisir dappliquer après sa découverte) se substitue, en fait, la rédaction dune manière de testament »
au fur et à mesure que autobio progresse chez Leiris, le texte devient lacunaire : pages de Biffures, Fibrilles = lourdes, denses et pleines, à partir de Frêle bruit, de larges blancs, sorte de déchirures textuelles, viennent séparer le flot du récit comme pour montrer que agencement des faits, des actions, des portraits divers nest plus possible
Gusdorf « Le temps empirique senrichit de surcharges qui lui confèrent une vérité ontologique. Le temps de tout le monde est un ordre de dispersion et de neutralisation mutuelle ; le temps propre de lautobiographe est un lieu de concentration où se produisent les retrouvailles de lindividu avec lui-même »
Seul langage littéraire (écriture instituée comme manifestation de uvre dart) peut permettre à autobiographe dédifier cette concentration du moi remodelé = raccord dont parle Nathalie Sarraute dans Enfance « Ne te fâche pas, mais ne crois-tu pas que que là, avec ces roucoulements, ces pépiements, tu nas pas pu tempêcher de placer un petit morceaux de préfabriqué
Cest si tentant
Tu a s fait un joli raccord, tout à fait en accord
» un peu plus loin parle de « combler », de « replâtrage » => rejoint pbatiq de la fresque ouverte par Stendhal
lécriture de la vie
prendre la vie au piège des mots
1er chap du tome I de La Règle du jeu, Biffures = célèbre. Leiris la intitulé «
..reusement », comme beaucoup récit, écrivain commence par narration enfance => au début de Biffures une simple anecdote : enfant joue avec un soldat, maladroit, le laisse tomber, est inquiet veut vérifier que pas casser, le récupère : jouet na rien, enfant, sécrit « Reusement » , une grande personne est ds la pièce et le reprend : on dit « heureusement » => enfant sidéré est plongé ds le monde des autres et surtout des mots : « Lon ma repris. Et, un instant, je demeure interdit, en proie à une sorte de vertige. Car ce mot mal prononcé, et dont je viens de découvrir quil nest pas en réalité ce que javais cru jusque-là, m a mis en état dobscurément sentir (
) en quoi le langage articulé, tissu arachnéen d mes rapports avec les autres, me dépasse, poussant de tous côtés ses antennes mystérieuses »
=> règle du jeu = alors pour enfant de créer une poétique perso. Autobio = intimement liée à cette poétique singulière, sera fondée sur cette perpétuelle lutte de lécrivain qui consistera à désigner univers avec justesse tout en créant une poétique individuelle ou encore à raconter rétrospectivement sa vie tout en élaborant une poétique du moi. Autobio = composée de mots dont pouvoir de désignation = réel mais peu efficace
Pour Leiris : narration de sa vie programmée en quelque sorte à partir de ces confusions enfantines sera autant récit existence que récit du combat dun homme contre sa langue maternelle. => Notion de pacte référentiel = relativement mise à mal puisque seule référence quasi autotélique = celle du langage par rapport à lui-même
Ph Lejeune dans Moi aussi, revient sur cette notion en admettant que autobio peut ressortir à dautres systèmes que système référentiel.
« ce que jappelle autobiographie peut appartenir à deux systèmes différents : un système référentiel réel (où lengagement autobiographique, même sil passe par le livre et lécriture a valeur dacte) et un système littéraire où lécriture ne prétend plus à la transparence mais peut parfaitement mimer, mobiliser les croyances du premier système. Bien des phénomènes dambiguïté ou de malentendu viennent de ce porte-à-faux »
« Nouveau paradoxe de lautobiographie qui, prenant ancrage dans la réalité du monde, sen écarte essentiellement en choisissant la solitude et le pouvoir dabstraction du langage pour exprimer le référent ».p79
Nietzsche ds Le Livre du philosophe rappelle que notre connaissance ne fait queffleurer la surface des choses nous ne connaissons quà travers « des formules désignant des forces absolument inconnaissables »
« Notre penser est un classer, un nommer, donc quelque chose qui revient à larbitraire humain et natteint pas la chose même » » cf formule à laphorisme 118 « le philosophe pris dans les filets du langage »
la poésie autobiographique
cherchant à comprendre pourquoi il est ce quil est, Leiris écrit, sa quête scripturaire construit uvre, et oeuvre envahit vie
Si Montaigne comprend rapidement que « nous navons aucune communication à lêtre » garde qd même confiance en écriture, les mots disent encore la vie. A linverse quête plus moderne dun Leiris = davantage fondée sur recherche et constante méditation sur pouvoir des mots et impossible horizon poétique à atteindre
« je continue à aligner les phrases. Je les retouche et les allonge comme à plaisir, ne pouvant me résoudre à livrer la pensée la plus simple quamortie au moyen dun vain capitonnage. Après avoir cité mon homonyme partiel Michel Bréal, [après (
), après (
) ] je suis pas plus avancé quavant : les mêmes écrans me séparent de la réalité et lon dirait que ces phrases dans lesquelles je membarrasse [
] sont limage du difficile commerce que je mefforce de nouer avec le réel »
Si Pour Leiris, lintériorité du moi doit être dite, elle peut lêtre aussi bien par association de figures et les jeux poétiques sur la langue. Ce vers quoi tend son autobio cest selon mot qui clôt tome 3 de la Règle du jeu la poésie. Dans cet univers, exactitude, précision autobio se trouve remplacée par art de la formule
Ph Lejeune ds Moi aussi « Le paradoxe de lautobiographie littéraire, son essentiel double jeu est de prétendre être à la fois un discours véridique et une uvre dart. cest pour avoir médité sur cette quadrature du cercle et tenté de réaliser cet équilibre que Michel Leiris est si exemplaire »
Rousseau avait déjà pressenti : soit raconter platement existence soit adapter style à son objet, mais le style circonscrit objet en le falsifiant : la création littéraire vient faire écran entre sujet et projet entre écrivain et monde entre autobiographe t lecteur = question fondamentale traitée par Jean Starobinski ds La transparence et lobstacle
4) la question de la transparence
lécran scripturaire
Rousseau : projet autobio = projet de disculpation => décide de rendre publique histoire de sa vie et pour ce faire devra écrire => lui qui désire transmettre le plus authentiquement histoire de sa vie devra paradoxalement choisir le moyen le plus indirect, le plus falsificateur pour transmettre message.
Dans le Discours sur lorigine des langues, Rousseau établit nettement différence qui à la x sépare et régit parole et écriture : « Lécriture, qu semble devoir fixer la langue, est précisément ce qui laltère ; elle nen change pas les mots mais le génie ; elle substitue lexactitude à lexpression. Lon rend ses sentiments quand on parle, et ses idées quand on écrit. [
], il nest pas possible quun langue quon écrit garde longtemps la vivacité de celle qui nest que parlée »
dun côté sentiment, modulation, clarté, vivacité / lois du langage commun, contrainte figement => opposition entre sincérité et artifice ; solution en découvrant insuffisance littérature trad = inventer écriture nouvelle aussi nouvelle que projet. Cest égal : écriture même adaptée à nvelle situation trahira nécessairement. Ecriture sécarte de nature innocente car est sociale.
Pour Rousseau, connaissance de soi est donnée puisque je possède en moi le modèle et histoire de ce modèle : de moi à moi, de ma vie à ma vie, aucun obstacle ne peut entraîner linconnaissance mais ma vie, ma personnalité peuvent être mal interprétées, erreur de jugement, culpabilité vient alors des autres : « je vois par la manière dont ceux qui pensent me connaître, interprètent mes actions et ma conduite quils ny connaissent rien. Personne au monde ne me connaît que moi seul » (première lettre à Malesherbes) => défaut de perspective vient des autres => « Les Confessions sont alors une tentative de rectifier les erreurs des autres ». Autobio doit rendre, ds cette perspective, existence transparent aux yeux du lecteur, mais en écrivant, autobiographe travestit la réalité
Si autobiographie sincère = ce qui doit offrir spontanément au lecteur la vérité intérieure, lécriture, instrument de médiation, fait écran au projet dans le même temps quelle le réalise.
Starobinski : « cest ici seulement que lon mesure toute la nouveauté apportée par uvre de Rousseau. Le langage est devenu le lieu dune expérience immédiate, tout en demeurant linstrument dune médiation. Il atteste à la fois linhérence de lécrivain à sa « source » intérieure, et le besoin de faire face à un jugement, cest-à-dire dêtre justifié dans luniversel [
] Rousseau a découvert ces problèmes [
]. On peut dire quil a été le premier à vivre dune manière exemplaire le dangereux pacte du moi avec le langage : la « nouvelle alliance » dans laquelle lhomme se fait verbe »
si autrui a défiguré son visage, autobiographe visera à le refaçonner. « En définitive, le personnage le plus apprécié de Rousseau, cest le Jean-Jacques reconstitué, représenté dans les Confessions » p83
acte décrire = intimement lié à la vie sociale, à la publication, rend implicite le rapport à la lecture comme puissance déformante du portrait idéal => encore une x dés = pipés et autobio = possible que si autobiographe en accepte les contradictions. « Nouvelle éthique de lécriture puisque lécrivain doit assumer lécran quelle constitue, le message qui lui est inhérent, la distance quelle instaure entre le dedans et le dehors, entre la vérité personnelle et la vérité objective : entre la vérité personnelle et la vérité objective : entre la vérité et limaginaire » p83
Lanamnèse scripturaire fonde désormais cette zone dincertitude entre le souvenir et la fiction ; et, dans ce jeu de lécriture autobiographique précisément parce que ce jeu est scriptural cest la fiction qui lemporte.
/ Rousseau : monde peuplé de regards réprobateurs, monde peuplé dinterdit, monde peuplé de désirs refoulés. La seule échappée = celle de limaginaire et un des substituts symboliques = écriture en tant quelle permet conquête dun espace personnel et fictif ; monde écriture = celui de la conquête du moi que lon désirait être. Ecriture donne naissance à des représentations, aménage réalité ; double paradoxe pour celui qui comptait par le biais e cet instrument communiquer spontanément avec les autres : écriture len éloigne ; écriture recrée monde
Autre obstacle lié à son essence même = écart et distance que lt tps instaure entre moi écrit et moi écrivant
le sujet posé en objet
seul témoin que Rousseau pouvait éventuellement accepter = Rousseau lui-même : « Nul ne peut écrire la vie dun homme que lui-même : sa manière dêtre intérieure, sa véritable vie nest connue que de lui » : graphie de soi naccepte pas naccepte pas graphie, seulement autobio ; autobiographe peut par une sorte daction réflexive se poser en modèle. Lintention autobiographique porte donc en elle-même initialement dédoublement : moi écrivant est toujours en position déloignement par rapport au moi raconté.
Du point de analyse stylistiq de écriture autobio peut être intéressant de repérer désignateurs (pronoms, noms, surnoms) qui servent à nommer perso principal du texte ; intérêt analyse ou repérage désignateurs = vérifier distance instaurée entre écrivain et tracé de son auto-bio, de son moi et du parcours de ce moi. Cf Stendhal méditant sur tps qui le sépare de la période 1er séjour à Paris et rencontre amour : « depuis trente ans au moins, jai oublié cette époque si ridicule de mon premier voyage à Paris ; sachant en gros quil ny avait quà siffler, je ny arrêtais pas ma pensée. Il ny a pas huit jours que jy pense de nouveau ; et sil y a une prévention dans ce que jécris elle est contre le Brulard de ce temps-là »
Stendhal a conscience que difficile dêtre selon le mot de Leiris : « louvrier et le matériau »
Dans Frêle bruit : écart en je de lénonciation et je énoncé = plus patent et plus significatif parce que le dernier livre de la Règle du jeu est davantage une méditation métatextuelle sur autobio quune autobio obéissant aux canons du genre : tentant de se réapproprier parcours assez récent de son existence, Leiris utilise encore bcp pronom première personne puis glissements sopèrent progressivement ds désignateurs ou dans caractérisants du personnage => il semble que la tentative de main mise sur soi deviennent impossible.
« Ce passage de la quiétude du moi à linquiétude du moi devenu étranger » p86, concerne au 1er plan autobiographe, tente alors de exprimer au moyen de différents procédés stylistiq : ex emploi de la 3ème perso sing : « Tristesse que natténuait pas lidée que, toute choses étant vaines, ce quil avait pu faire ou ne pas faire était sans importance, il se disait que pas grand-chose de sa vie ne vaudrait dêtre retenu. Echec partout [....] Au plus creux de la vague, il lui arrivait pourtant de se dire quun bonne action en tout cas pouvait sinscrire sur son bilan : la non action qui consiste à ne pas avoir denfants . Abstention dont à ces moments-là il osait être fier, comme quelquun qui na pas été résistant à part entière, mais est au moins en droit de se flatter de navoir pas collaboré » (Frêle bruit) placé entre deux passages à la première perso, => impression de décentrement, voire de malaise. Ph Lejeune ds Le Pacte autobiographique note que « ces emplois de la troisième personne [
] sont rares dans lautobiographie » mais « ils interdisent de confondre les problèmes grammaticaux de la personne avec les problèmes de lidentité »
Chez Leiris, passage du je au il marque brutalement la difficulté dexprimer le douloureux rapport entre le moi-écrivant et son image reproduite. La troisième personne, sorte de « non-personne » manifeste écart didentité « Le personnage de lautobiographie, éloigné spatialement et temporellement de lécrivain, sexprime alors dans le il devenu pour un temps une sorte d lieu où à la fois se dit et sabsente le sujet de lautobiographie : il est le même devenu différent » p87
« Par une espèce deffet de glissement, Michel devient je, puis il ; glissement qui exacerbe impossibilité décrire « moi » lorsque le moi se situe dans léloignement. Lobjet de la recherche, à travers cette réduction du moi autobiographique sinverse et devient la quête scripturaire elle-même » p87
Lécriture autobiographique devient cette tension permanente de la recherche de lécriture, clef de voûte du système reste désormais la question de lécriture parce que le sujet écrivant tente, en dernier ressort, de saisir le moi qui sans cesse a écrit
rejoint rapport autobio à la mort mais dune autre manière :
« Mais nest-ce pas, en ce moment, à une dernière toilette que je veux moi aussi procéder, essayant pour rendre la chose plus tolérable dimposer par la plume une ordonnance à ce qui est horreur sans nom ? » (Leiris)
Autobiographe en traçant parcours de sa vie, même si consciemment tracé = leurre rencontrera inévitablement un récepteur
Chapitre IV : le lecteur de lautobiographie
la problématique de la réception
le lecteur modèle
Umberto Eco ds Lector in fabula, def le concept de lecteur modèle. Tout texte écrit a fortiori tout texte publié a un lecteur potentiel qui permet de lactualiser : destinataire est à la fois postulé par écrivain et nécessaire à actualisation du message. Sans lecteur, le texte bine quexistant se trouve amputé dune dimension essentielle : celle de sa réception et de sa construction par le lecteur qui le parcourt : « Le texte est donc un tissu despaces blancs, dinterstices à remplir, et celui qui la écrit prévoyait quils seraient remplis et les a laissés en blanc pour deux raisons. Dabord parce quun texte est un mécanisme paresseux (ou économique) qui vit sur la plus-value de sens qui y est introduite par le destinataire[
]. Ensuite parce que, au fur et à mesure quil passe de la fonction didactique à la fonction esthétique, un texte veut laisser au lecteur linitiative interprétative, même si en général il désire être interprété avec une marge suffisante dunivocité. Un texte veut que quelquun laide à fonctionner »
rapport avec lecteur autobio pour plusieurs raisons : texte même écrit par un auteur = traiter quasiment comme un sujet indépendant, sorte de matrice en fonctionnement qui en dit plus quelle nexprime et qui exprime plus que lauteur na dit. Univocité svt côté auteur (Rousseau préférait quon compris ses Confessions de telles manières plutôt que de telle autre), peut être redoublée dune polysémie que le lecteur découvrirait + fonctions heuristiques et didactiques = accompagnées dune fonction esthétique qui donne au texte dimension créatrice et plurielle qui permet au lecteur douvrir signification => lecteur dépossède lecteur de son uvre et linterprète « à sa guise et selon ses moyens » (Paul Valéry) : statut général de luvre qui englobe statut particulier de lautobiographie littéraire.
Eco signale que non seulement auteur prévoit son lecteur ms que texte peut également laisser libre cours à une certaine frange dincertitude que la lecture peut concrétiser => texte peut également prévoir son lecteur modèle en développant stratégie propre à son auteur : « un texte est un produit dont le sort interprétatif doit faire partie de son propre mécanisme génératif ; générer un texte signifie mettre en uvre une stratégie dont font partie les prévisions des mouvements de lautre, comme dans toute stratégie » : lauteur à travers son texte doit prévoir, voire instituer les compétences de son lecteur modèle de façon à éviter les mésinterprétations. Virtualité du lectorat entraîne un certain nombre dinconvénient pour autobiographe : effectue le récit rétrospectif de sa vie pour quon le comprenne, le disculpe , or question, de vient double « Que voulais-je faire de ce texte ? » « Que va-t-on faire de ce texte que jai écrit ? » : à tout instant sens littéral risque de se multiplier en polysémantisme, lecture = une forme de contrefaçon parce quelle est appropriation faisant du texte un objet de saisie, de compréhension, un objet herméneutique :cf Paul Ricoeur, lecture = interprétation « est un travail de pensée qui consiste à déchiffrer le sens caché dans le sens apparent, à déployer les niveaux de signification impliqués dans la signification littérale »
Autobiographe ne maîtrise pas son lecteur ni son destinataire. Séparé de son texte devenu public, éloigné de son autobio par tps ou mort doit poser clairement raison qui lont poussé à écrire + tout aussi clairement préparer lecture de son uvre
Le destinataire idéal
Si on accepte de désigner Saint Augustin comme un des fondateurs du genre, convient danalyser les enjeux dun récit de vie dont destinataire = « le Créateur lui-même, lecteur idéal sil en est puisquen définitive il connaît le contenu du récit dans le même temps quil sait hic et nunc que le récit sécrit » p91
Autobio de Saint Augustin si on inclut les Confessions dans un tel genre = plutôt ce que Ph Lejeune appelle une « autobiographie spirituelle » ; texte décrit travail de la grâce divine qui influence et infléchit cours de lexistence dun pêcheur. Ce qui est exalté = puissance de Dieu et pas individu : « la laïcisation de tels écrits permettra daccorder à lhomme une place centrale que lon retrouve aussi bien dans les Confessions de Rousseau que dans La règle du jeu de Leiris » p91
Ms confessions augustiniennes présentent un certain nbre de carctéristiq qui autorise critiq à les traiter comme récit autobio : expérience perso = riche et ouvre opportunité dans relaté sincèrement parcours singulier à un destinataire ; la présence dun lecteur potentiel donne à lacte autobio toute sa valeur et toute sa dimension
« De plus, « je » est confirmé dans sa fonction sujet par la présence de son corrélat « tu », qui confère au discours sa motivation » (Jean Starobinski), que tu (altérité attentive = Créateur ne change rien à analyse : essentiel pour autobiographe est dêtre entendu, dêtre lu, existence de ce destinataire renforce le statut discursif de lautobio.
De + Confessions augustiniennes proposent à létat encore fragmentaire, un récit de vie : éducation, je enfantins, apprentissages des langues, tentations de la chair sont évoqués. Le larcin des poires, au chapitre 4 du livre II = à mettre en relation avec épisode du ruban volé de Rousseau. « Les différents épisodes de la vie deviennent objet dune narration » p92 + auteur, narrateur, perso = id
= critères qui permettent dinclure confessions de saint Augustin ds genre de autobio
/ pbatiq du destinataire : appel à Dieu sont nbeux ms St Augustin prend rapidement conscience de inutilité complète de la rédaction de ces appels cf chap 3 livre II : « Mais pour qui fais-je ce récit ? Ce nest pas pour vous, mon Dieu ; mais en vous contant ces choses, je les conte à mes semblables, aux hommes, mon livre ne tomberait-il quen de rares mains. Et pour quoi lécrire ? Cest afin que quiconque le lise, et moi-même, nous concevions la profondeur de labîme doù il faut crier vers vous »
récit saint-augustinienne possède donc un autre destinataires (les hommes) et double fonction : montrer en exemple vie dun pêcheur, souligner éloignement qui existe entre Dieu et ses créatures.
instrument scripturaire fait alors naître paradoxe : destinataire directement interpellé na pas besoin de lire le texte, cest le témoin obliquement convoqué (les autres) qui devrait directement le lire : le langage de la conscience ne nécessite pas lécriture autobiographique ; écriture autobio = indirecte t médiatrice : simpose de parler à Dieu pour sadresser aux hommes :
« Ainsi ma confession, ô mon Dieu, comme le la fais en votre présence, est muette et elle ne lest pas ».
« Seigneur, je me confesse à vous pour que les autres hommes mentendent »
Le passage par la confessions à Dieu offre la possibilité de signaler aux autres la véracité des propos ; le destinataire divin certifie en quelque sorte la transparence et la limpidité
Chez Saint-Augustin, les Confessions offrent véritablement à la démarche scripturaire une fonction heuristique, parce quelle est lintermédiaire entre le domaine de lhumain et linsondable abîme du divin :
« mais quel profit, seigneur, ç qui chaque jour souvre ma conscience, plus confiante dans votre miséricorde que dans son innocence, quel profit y-a-t-il, je vous le demande, à ce que je confesse encore aux hommes, devant vous, par cet ouvrage, non plus ce que je fus, mais ce que je suis ? La confession du passé, jen connais et je viens den indiquer lintérêt. Mais ce que je suis dans le temps même où je rédige ces Confessions bien des gens désirent le savoir : les uns me connaissent, les autres pas ; il s mont entendu ou ils ont entendu parler de moi, mais sils nont pas loreille contre mon cur, là ou je suis ce que vraiment se suis, ils veulent donc mentendre confesser ce que je suis intérieurement ; là où ils ne peuvent appliquer ni lil, ni loreille, ni lesprit. Cest avec lintention de me croire quils veulent mécouter »
La confession du passé rejoint ici la confession du présent, lautobio atteint le journal intime
Autobio utilise écriture comme un instrument qui construit et prévoit celui qui devra la lire : lecteur pris au piège de la double énonciation ne peut émettre dobjection majeure : Augustin dit la vérité puisque cest la Vérité même qui vérifie ce quil raconte.
« Au reste, pour vous seigneur, dont les yeux dénudent labîme d la conscience humaine, quy aurait-il de caché en moi, lors même que je ne voudrais vous le confesser ? Cest vous que je cacherais à moi-même, et non pas moi à vous. »
Saint Augustin sadresse à Dieu pour que les hommes le croient
La question rousseauiste même si elle tend vers une finalité semblable est inverse : Rousseau sadresse aux hommes pour tirer parti de leur honnêteté. Peu sûr de cette honnêteté, il en appelle secondement à lomniscience divine pour corriger les erreurs de son lecteur potentiel ; « dune confession à lautre, lexamen de soi en direction de Dieu sest transmué en narration de soi en direction des autres » p94 => développement de lindividualisme sépare les deux hommes, toutex, préoccupation reste la même : comment sy prendre par delà le temps pour que mon livre soit bien lu ?
Précautions à prendre = soigner préface et préambule
largumentation au travail dans lécriture autobiographique
préfaces et préambules
écrivain autobio sait que aucune lecture = innocente, toute lecture est heméneutique et + encore si 1ère approche du texte = heméneutiq quen sera-t-il de la seconde voire de la deuxième lecture ? « La constante recherche dune plénitude de linterprétation pousse le lecteur à questionner plus loin à lintérieur du texte afin de découvrir dautres enjeux, dautres significations » p95
cf Eco : intention du lecteur (intentio lectoris) peut , par jeux de construction et de déconstruction modifier intentions de auteur. Auteur a conscience ombre fantomatique du lecteur => nbeux autobiographes ont anticipé phénomène de réception => écriture de textes liminaires
Processus argumentatif parfois complexes pour def modalités nécessaires et suffisantes à bonne compréhension du txt
Eco, Les Limites de linterprétation : « Le fonctionnement dun texte (même non verbal) sexplique en prenant en considération, en sus et au lieu du moment génératif, le rôle joué par le destinataire dans sa compréhension, son actualisation, son interprétation, ainsi que la façon dont le texte prévoit lui-même sa participation »
Compréhension désigne étymologiqt la saisie personnelle et appropriation de la signification ; actualisation = ref à réactivation du sens textuel par lecture, interprétation = ref à construction de la signification par un individu lors de son activité heméneutique face au texte.
= > ces trois visées fondent acte de lecture et peuvent mener à mésinterprétation (lecteur fait surgir autre interprétation que celle que auteur voulait exprimer). Du point de vue auteur autobio, risque de déviance interprétation = préjudiciable à validité même du projet => en ce sens textes préfaciels visent à ramener préventivement lecteur potentiel à une certaine mesure.
Dans Seuil, Gérard Genette, def de façon générale la préface : « je nommerai préface, par généralisation du terme le plus fréquemment employé en français, toute espèce de texte liminaire (préliminaire ou postliminaire), auctorial ou allographe, consistant en un discours produit à propos du texte qui suit ou qui précède ». parmi nbeux types de préfaces que répertorie Genette, type « préface originale » : plusieurs fonctions essentielles à bonne compréhension du récit autobio : 1ère fonction = assurer une bonne lecture de lécrit => forme de « captatio benevolentiae » assure une certaine univocité de la signification + valorisation de son importance. Préface revêt fonction unificatrice : donne au texte une forme dunité, le constitue comme totalité, comme ensemble en fonctionnement en soulignant laxe de lecture le plus pertinent pour fédérer signification cf texte liminaires des Confessions de Rousseau = récurrences des termes ressortissant au champ lexical de la vérité.
LEncyclopédie de Novalis cité par Genette : « La préface fournit le mode demploi du livre » : programme suffisamment dinformations et de mises en garde pour opérer un solide guidage de lecture => Lichtenberg cité par Genette : « un paratonnerre » protégeant mémoire de auteur.
« La préface ou le préambule ne visent à rien de moins quà indiquer une déclaration dintention de lauteur » p97 et « à suggérer au lecteur une démarche interprétative » (Genette)
face à élément exogène (lecteur) nécessaire à actualisation et réalisation, livre fournit « théorie indigène définie par lintention de lauteur »
Distinction pertinente des pragmaticiens entre argumentation dans le texte et argumentation du texte (= ce qui fonctionne comme argumentation / ce que tend à prouver ensemble du texte voulu et écrit comme tel) => cest certainement dans préface quil faut rechercher argumentation du texte autobio, ce quil vise à instaurer et à signifier.
Même si langage des préfaces est « insincère » selon mot de Proust, convient danalyser ces moments particuliers et spécifiques du texte aurtobio (cf à titre dex les deux textes canoniq de la litt du moi qui inaugurent autoportrait des Essais de Montaigne et autobio des Confessions de Rousseau)
- le projet paradoxal de Montaigne : autoportrait Montaigne correspond au développement de individualisme, homme = davantage intéressé par lui-même => fonde son moi comme objet dexamen, sagit pas encore projet écrire récit rétro dune vie mais effectuer le compte-rendu expériences exposées à partir description de soi et démarche dintrospection => selon termes Gusdorf, dans Essais , est question de fonder le portrait de lauto devenu objet de la graphie.
« Adresse au lecteur » doit être considéré comme symptomatique car établit rapport auteurs compte instituer entre son livre et lui et surtout entre lecteur et livre.
- tout dabord sadresse à destinataire général et indéfini « au lecteur », donne ton discursif à ses propos => choix dune typologie précise qui indique une stratégie particulière de la part du portraitiste : ses écrits initialement rédigés à titre strictement privé se tournent vers extérieur et deviennent publics => choix visent à prévoir le lectorat qui devra les aborder : marquent fortement les intentions de lauteur parce que instituent fermement horizon dattente des destinataire qui peuvent se réduire au nombre de trois
1 : un lecteur proche, un lecteur de confiance : « cest ici un livre de bonne foi lecteur. Il tavertit dès lentrée que je my suis proposé aucune fin que domestique et privée » ; « je lai voué à la commodité particulière de mes parents et amis » => au seuil du livre, Montaigne avertit au sens le plus classique du terme : il fournit une info placée en tête de son livre pour en préparer la lecture => fonder certaines compétences dinterprétation et en exclure dautres : avertissement au lecteur = pragmatique, informatif, argumentatif
2 : Un lecteur hypothétique voire utopique = celui des nations quon dit « vivre encore sous la douce liberté des premières lois de la nature » : permet à Montaigne denvisager un autre cas de figure de la peinture de soi où le sujet pourrait se présenter dans sa nudité originelle (« je my fusse très-volontiers peint tout entier et tout nu »). Lecteur virtuel prend la place du destinataire divin et permet dimaginer autoportrait fondé sur transparence en même tps instaure différence entre « bonne foy » convenable pour lecteur sociabilisé et limpide sincérité pour lecteur innocent
3 : lecteur public puisque texte est publié puis annoté à partir édition de Bordeaux = lecteur potentiel de lextériorité, de la place publique. Ethopée annoncée aura pour destinataire lecteur en général (« ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre »).
Les deux premières instances de réception => pas de précaution particulière à prendre
troisième instance, lectorat universel et imprévisible exige de Montaigne établissement d'un pacte de lecture précis et prudent cf procédés argumentatifs qui montrent que texte liminaire a une "idée derrière la tête" et vise à circonscrire réels périls qu'entraînerait lectorat soupçonneux ou malveillant. Avertissement au lecteur chez Montaigne débouche sur paradoxe voire impasse : comment se peindre soi-même qd on sait pertinemment que statut et rayonnement dépasseront largement cercle étroit tracé par auteur autoportrait . "En ce sens, Montaigne est peut-être le premier auteur d'une écriture profane du moi qui mette au jour ce qui conviendrait de nommer l'aporie autobiographique" p99
- le plaidoyer rousseauiste : 2 siècles plus tard, de nouveau épineuse question du destinataire mais projet différent de celui de Montaigne car JJ proclame d'entrée de jeu volonté de parler aux hommes. Si pour Saint Augustin s'agit de parler à Dieu pour s'adresser indirectement aux hommes, s'agit pour Rousseau de s'adresser aux hommes et de prendre Dieu à témoin => Renversement fondamental : texte liminaire des Confessions et début du livre 1er constituent requête et envisage lecteur potentiel dont statut, position et caractère restent très généraux : "qui que vous soyez" ; mais texte envisage comme chez Montaigne plusieurs instances réceptives :
1 : lecteur indéfini capable d'arbitrer en consciences enjeu du texte ses règles et l'exactitude des propos
2 : un lecteur hypothétiquement hostile (Grimm, Diderot + lecteur des temps futurs) dont les caractérisants distribués de façon binaire sont significatifs : "généreux et bon" /"malfaisant et vindicatif"
Stratégie du texte rousseauiste envisage que celui-ci peut revêtir fonction cathartique indéniable.
Incipit du premier livre reprend en y insistant singularité du projet, permanence notion de sincérité. Ms si maintien nécessité lectorat humain, pose comme indispensable dans stratégie de l'écrivain un autre récepteur idéal : Dieu lui-même cf étonnante prosopopée incipit ou Rousseau fait parler son propre personnage devant l'Eternel => ouvre à auteur possibilité de fournir indiscutable caution de sa sincérité : "Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra ; je viendrai ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement : voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus [...] J'ai dévoilé mon intérieur tel que tu l'as vu toi-même. Etre éternel, rassemble autour de moi l'innombrable foule de mes semblables ; qu'ils écoutent mes confessions. [....] Que chacun d'eux découvre à son tour son coeur aux pieds de son trône avec la même sincérité"
Si obstacles dont on a parlé précédemment survenaient (défaut mémoire, utilisation dornements
) mouvement heuristique des Confessions nen serait pas moins vrai, cautionné quil est par le lecteur suprême . Première programmation du lecteur modèle ( un lecteur honnête assuré de authenticité par la présence du lecteur divin ) est doublé dune prog plus subtile : « je me suis montré tel que je fus, méprisable et vil quand je lai été, bon, généreux, sublime quand je lai été » => déséquilibre entre caractérisants + gradation valorisante pour les trois derniers adjectifs => texte présente une disproportion en faveur du narrateur- auteur- personnage : si lecteur divin n a pas besoin de médiation, lecteur humain lui ne peut connaître et juger JJ que par truchement de lécriture ms une écriture travaillée et façonnée en direction dune valorisation du scripteur : « lintention du texte et lintention de lauteur tentent de modifier lintention du lecteur » p101
question du destinataire = pas innocente et préoccupe au premier chef auteur dautobio : ds sa lutte contre opacité langage JJ sest suffisamment utiliser vbe pour que le vbe penche en sa faveur : « mieux vaut construire lhorizon dattente de son lecteur plutôt que daccepter une totale liberté de réception
» p101
écart réceptif et regard du lecteur
- lécart esthétique : Hans Robert Jauss, dans Pour une esthétique de la réception, pose deux concepts fondamentaux : l « horizon dattente » qui « résulte de trois facteurs principaux : lexpérience préalable que le public a du genre dont elle relève, la forme et la thématique duvres antérieures dont elle présuppose la connaissance, et lopposition entre langage poétique et langage pratique, monde imaginaire et réalité quotidienne »
autobio établit « les normes notoires du genre », étant un récit nécessairement imaginaire institué comme uvre littéraire et recomposition artistique dun parcours elle répond à « lopposition entre fonction poétique et fonction pratique du langage »
2ème point def = « les rapports implicites qui lient le texte à dautres uvres connues figurant dans son contexte historique » et façon dt éléments histo perçus à dautres époques où seront lus
+ « lécart esthétique » = « une distance entre lhorizon dattente préexistant et luvre nouvelle dont la perception peut entraîner un changement dhorizon »., analyse valable pour uvre nouvelle qui institue distance entre les compétences de lecture du public et les compétences quelle requiert qd propose de nouvelles modalités esthétiques
- lexemple dHenry Brulard : « Nétant bon à rien, pas même à écrire des lettres officielles pour mon métier, jai fait allumer du feu et jécris ceci, sans mentir jespère, sans me faire illusion, avec plaisir comme une lettre à un ami. Quelles seront les idées de cet ami en 1880 ?[
] Ceci est nouveau pour moi : parler à des gens dont on ignore absolument la tournure desprit, le genre déducation, les préjugés , la religion ! Quel encouragement à être vrai, et simplement vrai, il ny a que cela qui tienne. »
Stendhal projette lecture environ 50 années plus tard, se préoccupant de horizon dattente de son lecteur. Incertitude ds laquelle il se trouve le laisse perplexe, incapable dimaginer son lectorat => obscurité livre risque de provenir de lécart à la fois artistique et historique qui le sépare de instant dénonciation : ni vérité propos, ni sincérité auteur ni honnêteté lecteur ne sont en cause, tps lui-même risque dentraîner mésinterprétation = le 1880 symbolique dune modification de la perception « cela sera peut-être bien obscur en 1880 » ; « mais hélas, où seront toutes ces choses en 1880 ? » ; « Je fais de grandes découvertes en écrivant ces mémoires. La difficultés nest pas de trouver et de dire la vérité, mais de trouver qui la lise »
projection du texte ds avenir qui signale inquiétude profonde autobiographe ; présente au lecteur son être le plus profond => « lautobiographie prendra alors des dimensions ontologiques, intimes, intérieures telles quil faudra prévoir la distance entre le temps de lécriture et celui de la lecture ; lautobiographie devient le texte qui anticipe son lecteur » p103
ni lecteur, ni auteur, ni texte vraiment responsable : ce qui tourmente Stendhal = question de la temporalité => rejoint ainsi pbatiq essentielle de la litt désignait par mythe dOrphée : le monde réel absent du livre est commenté par un auteur mort et absent du monde, dialectique de la présence et de labsence = au cur de lautobio
la perspective anthropologique
« transaction avec autrui » (Leiris) , déjà abordée par Montaigne ds son avertissement au lecteur ; à partir dune démarche inductive, Essais vont du particulier au général, du moi singulier au lecteur indéfini. Pour majorité des autobiographes, récit dune vie perso ressemble à processus de concaténation : à la question « qui suis-je ? » répond la question « quest-ce qun homme ? » cf Ph Campion ds Bulletin de Philosophie n°8, universel est le plus accessible à anthropologie = celui de sa propre personne ; le « connais-toi toi-même » reviendrait ds une certaine mesure à mieux connaître les autres cf Rousseau Préambule des Confessions : « [
] un ouvrage unique et utile, lequel peut servir de première pièce de comparaison pour létude des hommes, qui certainement est encore à commencer »
« Chaque homme porte en soi la forme entière de lhumaine condition » (Montaigne)
Fonction universelle et didactique de autobio = pas à négliger car lecteur potentiel devient ici espèce humaine, humanisme que Sartre définit en une formule lapidaire dans Les Mots « Du jour où jai compris que tout homme et tout lhomme », vrai que vie du philosophe = singulière : les deux chapitres des Mots = tentative retracer parcours unique de lenfant surdoué, ms excipit de autobio = modestie et vérité : « Ce que jaime en ma folie, cest quelle ma protégé, du premier jour, contre les séductions de lélite : jamais je ne me suis cru propriétaire dun talent : ma seule affaire était de me sauver rien dans les mains, rien dans les poches par le travail et la foi. Du coup, ma pure option ne mélevait au-dessus de personne : sans équipement, sans outillage, je me suis mis tout entier à luvre pour me sauver tout entier. Si je range limpossible Salut au magasin des accessoires, que reste-t-il ? Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut nimporte qui »
La question du lecteur devient dès lors question universelle parce que parlant de moi, je décris aussi lautre. Gusdorf : « dans ces conditions, lautobiographie explore le foyer même de la réalité humaine »
Malraux, ds les Antimémoires « Ce qui mintéresse dans un homme quelconque, cest la condition humaine »
=> tous les gds textes autobio en arrivent au bout du compte à la question de lhumanité de lhomme, cf parcours quasi circulaire et autotélique de L a Règle du jeu, après 800 pages ds Fibrille, Leiris revient sur épisode qui ouvre Biffures : « Donc, montrant que par lexercice de la poésie lon pose autrui en égal, je retourne à la vérité que javais dégagée dabord : apprendre quon ne dit pas
.reusement mais heureusement, cétait apprendre que le langage est à deux faces, lune tournée vers le dedans, lautre vers le dehors, et quand découvrant laltruisme au bout de deux ou trois volumes consacrés à ma propre personne jassure quun poète ne peut pas se désintéresser du sort de son prochain, cest de cette double nature que je tire argument, comme si lessentiel avait été déjà inclus dans ma trouvaille ancienne » : monde clos et introverti de lenfant prisonnier de son idiolecte souvre sur extraversion essentielle de laltérité. « La dualité du langage fait émerger chez Leiris le sens de ce long parcours scripturaire : parler de soi, écrire pour soi ; cest écrire en direction des autres » p105
figure du lecteur, ce non-visage = absence pourtant nécessaire à réalisation du message et ce lecteur = homme utilisant le même langage. « Pour Leiris autobiographe, la conscience de son appartenance à un groupe entraîne un constat irréfutable : lécriture est une conquête humaine » p106
limpossible pacte de luvre dart
littérature et référentiel
Maurice Blanchot, La Part du feu, def étrange rapport quentretiennent écrivain, écriture et réalité, rapport à la fois antagonique et dialectique : si imaginaire est ce qui se détourne du monde, il est aussi un monde qui appartient à cet univers-ci ; qui est inclus dans le monde des hommes : espace qui se développe dans lici du monde, qui le transpose, le reconstitue en totalité nvelle
Autobio échappe pas à à cette dialectiq : est ce qui transcrit cours dune vie, ce qui supprime cours réel pour le faire accéder à la littérature, Cf Blanchot : phrase qui cerne au plus près préoccupations de Leiris : « Limaginaire nest pas une étrange région située par-delà le monde, il est le monde même, mais le monde comme ensemble, comme tout. Cest pourquoi il nest pas dans le monde car il est le monde, saisi et réalisé dans son ensemble par la négation globale de toutes les réalités particulières qui sy trouvent, par leur mise hors de jeu, leur absence par la réalisation de cette absence elle-même, avec laquelle commence la création littéraire, qui se donne lillusion, lorsquelle revient sur chaque chose et sur chaque être, de les créer, parce que maintenant elle les voit et les nomme à partir de tout, cest-à-dire de rien »
Qd écrivain projette de réaliser scripturairement son uvre dart décide dentrer ds jeu quasi insupportable de absence : absence au monde, défaut de réalisation, impossible atteinte.
- absence au monde= inhérente au phénomène de nomination (on sait depuis Hegel que mot donne ce quil signifie ms dabord le supprime : nomination = dabord suppression pour faire accéder existant à lobjet) langage retire du monde objet nomme, « le détache de sa réalité phénoménologique pour le réinstaller dans la réalité construite de limaginaire » p108, et autobio échappe pas à cette règle litt : la vie que jai vécue « devient cette vie-là, séparée de sa réalité dexistant, développée désormais dans lespace de lobjet littéraire » p108
le retour sur labsurde question édenique
récit autobio ds son essence duvre dart = fondé sur impossibilité de se réaliser pleinement => « lécriture autobiographique nest que la trace tangible du récit de vie que lécrivain voulait réaliser » p108 ; parti pour écrire sa vie, il rencontre son incapacité existentielle à raconter sa vie
pbatiq des frontières dun genre : nbeux écrivains ont voulu raconter leur vie sans en faire un récit autoréférentiel à la 1ère personne => sinterroger sur frontières fragiles qui séparent uvres proprement autobiographiques des autres formes du genre
chapitre V : aux frontières de lautobiographie
Perec ou lentremêlement des genres
Fondée initialement sur poétique lange enfantin, la Règle du jeu sachève sur lucide méditation sur autotélie de luvre ; écriture qui était moyen de parvenir à la fin autobiographiq devient par renversement la fin en elle-même : « lécriture dune vie devient écriture de lécriture dune vie » p110
« [
] au lieu décrire ma vie pour savoir la vivre mieux faire comme si ma vie telle que je lai vécue avait tendu essentiellement à être écrite et comme si toute merveille qui a pu léclairer avait eu pour principal effet le récit que jen ai donné »
travail écrivain reste préoccupation de autobiographe.
Perec, W ou le souvenir denfance : écrit génériquement difficilement classable, pose directement question des frontières entre récit autobiographique et uvre dart.
Incipit propose histoire dun narrateur qui reconstitue fonctionnement totalitaire dune cité imaginaire dt idéal olympique fonde modèle exacerbé et terrifiant, contre-utopie où athlète si pas performances requises = condamnés ou supprimés. Loi existe et nul nest censé lignorer mais loi se modifie arbitrairement. Tout y est question de vie ou de mort, W = cité de la folie humaine, de ce qui est aléatoires et cruel.
//T typographiquement présentés en caractère différents, Perec nous propose une autobio fragmentaire relatant anodines anecdotes où auteur affirme quil na rien à dire, seul mobile de sa vie = écriture elle-même : « Je nai pas de souvenir denfance : je posais cette affirmation avec assurance, avec presque une sorte de défi. Lon navait pas à minterroger sur cette question. Elle nétait pas inscrite à mon programme. Jen étais dispensé : une autre histoire, la grande, lHistoire avec sa grande hache, avait déjà répondu à ma place : la guerre, les camps » : histoire perso occultée par Histoire inadmissible des hommes, interdit à écrivain de parler de soi : conscience que lorsque la réalité dépasse la fiction ds le pouvoir dimaginer lhorreur, écriture reste impuissante à dire, comme privée de son sujet. Ms ds narration Perec peut évoquer horreur absolue : les camps de W sont doubles imaginaires des camps de la mort
« Lon comprend que la question autobiographique ici la question juive ne peut être traitée quau travers dune écriture fictive, que lindicible ne peut être dit que de biais » p111
Excipit du texte de W refuse écritures parallèles (celle de lautobio, celle de la fiction) et propose davantage perspective de lentremêlement des deux genres scripturaire. Et de fait, séparés initialement par typographie et par genre, textes se rejoignent finalement ds une nvelle forme de récit de vie où texte fictif et texte autobio ne font quun, transformant les perso de W en déportés et la cité W en camps de la mort : « Il faut les voir ces rescapés du marathon, éclopés, transis, trottinant entre deux haies serrées de Juges de touche armés de gourdin, il faut les voir, ces athlètes squelettiques, au visage terreux, à léchine toujours courbée, ces crânes chauves et luisants, ces yeux pleins de panique, ces plaies purulentes, toutes ces marques indélébiles dune humiliation sans fin, dune terreur sans fond. [
] Celui qui pénétrera un jour dans la Forteresse ny trouvera que des pièces vides, longues et grises. Le bruit des ses pas résonnant sous les hautes voûtes bétonnées lui fera peur, mais il faudra quil poursuive longtemps son chemin avant de découvrir, enfouis dans les profondeurs du sol, les vestiges souterrains dun monde quil croira avoir oublié : des tas de dents dor, dalliances, de lunettes, des milliers et des milliers de vêtements en tas, de fichiers poussiéreux, des stocks de savon de mauvaises qualité
. »
Le lecteur guidé par typo sait quil sagit de la narration fictive ms brusquement plongé ds réalité histo que texte évoque, « il réinterprète le récit de vie à la lumière de cet entremêlement scripturaire, là où la question des limites du genre répond non seulement à une exigence impérieuse décrire autrement (le récit autobiographique, perverti et contaminé par le récit imaginaire, propose une autre conception générique) mais aussi une volonté dappréhender lHistoire à partit de lhistoire personnelle. » p112
de même que roman bouleverse progressivement ses fondements essentiels (espace, temps, perso) de même que poésies mallaméennes et surréalistes subvertissent leur genre, de même que le théâtre moderne déstructure espace scénique, dramaturgie, unités spatiales et temporelles, écriture autobio de Perec en arrive à interroger ses conditions de possibilité, atteignant limites du genres où écriture se pose question de sa signification et de son anéantissement
de 1762, début des Confessions à 1975 rédaction de W ou le souvenir denfance = réalisation dun parcours fondamentale où genre autobio part à découverte dun style adaptable à son objet pour en arriver à déconstruction de lespace autobio qui saffirme comme récit de vie impossible à réaliser en dehors dune interrogation sur écriture : « je ne sais pas si je nair rien à dire, je sais que je ne dis rien ; je ne sais pas si ce que jaurais à dire nest pas dit parce quil est indicible (lindicible nest ps tapi dans lécriture, il est ce qui la bien avant déclenchée), je sais que ce que je dis est blanc, est neutre, est signe une fois pour toutes dun anéantissement une fois pour toute » anéantissement anecdotique, du récit de vie, de écriture dans neutralité
Qf autobiographe George Perec pose au genre la question de ses limites, entame =t réflexion sur leurs transgressions => question du seuil définitionnel : Gide, céline, Hugo ont intégré ds uvre de larges part de leur vie => certains de leurs textes peuvent être dits autobiographique « parce que lon peut affirmer quil existe une sorte denrichissement de luvre par la vie laquelle (
) sert de fondement à luvre romanesque ou poétique » p113
Gide ou la question du roman autobiographique
Ph Lejeune, ds Le Pacte autobiographique : Gide aime « flirter avec lautobiographie » => une grande partie uvre gidienne (journaux, récits
) profondément nourrie de biographie auteur. Chez Gide = système subtil qui fonde non pas une autobio mais un espace autobiographique => possibilité cerner moi par différents angles.
« [Gide] éprouve une grande volupté à ces exercices qui lui permettent de dire « je » sur le mode de lhypothèse, de la virtualité, sans tomber dans le moi autobiographique » (Lejeune) et paradoxalement lecteur indiscret en apprend plus à la lecteur de tel récit quà celle de Si le grain ne meurt => autobio chez Gide = élément parmi dautres dune architecture compliquée : moi auteur ne peut se saisir que ds rapport de ses différents textes
« Lautobiographie chez Gide na quun rôle latéral dans sa construction autobiographique ; loin dêtre un tout, ce nest quun biais qui sajoute à dautres biais » (Ibid)
uvre Gide = système polyphonique qui vise à saisir totalité que lecteur ne pourra appréhender quen parcourant espace complexe délimité par uvres
Note qui clôt 1ère partie de Si le grain ne meurt : « Mon intention pourtant a toujours été de tout dire. Mais il est un degré dans la confidence que lon ne peut dépasser sans artifice, sans se forcer ; et je cherche surtout le naturel. Sans doute un besoin de mon esprit mamène, pour tracer purement chaque trait, à simplifier tout lexcès ; on ne dessine pas sans choisir ; mais le plus gênant cest de devoir présenter somme successifs des états de simultanéité confuse. Je suis un être de dialogue ; tout en moi combat et se contredit. Les Mémoires ne sont jamais quà demi sincères, si grand que soit le souci de vérité : tout est toujours plus compliqué quon ne le dit. Peut-être approche-t-on plus près la vérité dans le roman »
[rejoint pb recomposition autobio + // Sarraute + pb du style et du naturel ]
Ecrivain = être de dialogue, expression qui doit être entendue au niveau de la création littéraire : autobio qui appartient au champs littéraire, au champ créatif et esthétique entretient dialogue avec autres uvres.
Cf Journal des Faux monnayeurs, même si on admet rapports entre réalité référentielle et uvre littéraire (inspiration de perso
) ce qui importe cest quune dialectique de transformation permette de nourrir espace littéraire qui saffirme comme architecture autobio ; sujet uvre dart pas plus autobio quil nest romanesque, se situe ds entre-deux des genres comme si préoccupations autobiographe étaient désaxées et décentrement produirait nvelle forme de récit : « Il ny a pas à proprement parler, un seul centre à ce livre, autour de quoi viennent converger mes efforts ; cest autour de deux foyers, à la manière des ellipses, que ces efforts se polarisent . Dune part, lévénement, le fait, la donnée extérieure ; dautre part, leffort même du romancier pour faire un livre avec cela. Et cest là le sujet principal, le centre nouveau qui désaxe le récit et lentraîne vers limaginatif » => ce faisant, Gide a conscience détablir de nvelles relations ; échec relatif de son autobio => nbeux avantages à créer espace autobio plus ample où fiction romanesque et récit de vie sentremêlent :
voie romanesq permet enrichir investigation perso car libère écrivain de trop lourde identité auteur/narrateur/perso : il romanesq instaure une bénéfique distanciation : « Resté nombre de mois dans rien écrire dans ce cahier ; mais je nai guère arrêté de penser au roman encore que mon souci le plus immédiat fût la rédaction de Si le grain ne meurt dont jai écrit cet été lun des plus important chapitre (voyage en Algérie avec Paul). Je fus amené à penser tout en lécrivant que lintimité, la pénétration, linvestigation psychologique peuvent, à certains égards, être poussées plus avant dans le « roman » que m^me dans les « confessions ». Lon est parfois gêné dans celles-ci par le je »
perso romanesque offre possibilité analyser moi à partir « dangles divers »
- conception de architecture autobio qui modifie position du lecteur : ne se borne pas au rôle de voyeur indiscret et malsain ms participe à élaboration dune autre pbatiq littéraire dont enjeu est complémentarité entre vécu, autobio et roman : « je voudrais que, dans ce quils en feront, ces événements apparaissent légèrement déformés ; une sorte dintérêt vient pour le lecteur de ce seul fait quil ait à rétablir. Lhistoire requiert sa collaboration pour se bien dessiner »
stratégie gidienne de lentrelacs complexifie conception écriture autobio, lecteur obligé faire va-et-vient pas entre référentiel et imaginaire ms entre récit autobio et récit fiction => pacte référentiel se transforme ici en pacte littéraire. « [Pour] saisir ce je protéiforme de lautobiographe, il faut aller chercher plus loin, au-delà de la personne, son essence dans ls personnages fictionnels » p116 : « Je mexplique assez bien la formation dun personnage imaginaire, et de quels rebuts de soi-même il est fait »
système gidien se complétera « dune autobiographie inachevée, incomplète et lacunaire, naîtra le roman autobiographique » p116
« Pourquoi je raconte tout cela ! Oh simplement pour retarder ce qui va suivre » (Si le grain ne meurt)
la transposition célinienne
question rapport autobio /récit de fiction = exacerbée chez Céline
Henri Godard Poétique de Céline : « Chaque fois au lieu dinventer, Céline choisit de trans-poser » + sinterrogeant sur statut du récit chez Céline note que urgent de concevoir un nouveau genre qui permette à la fois d éviter confusions et de définir rigoureusement un nouveau rapport que écriture entretient avec la vie : « Roman et autobiographie sont deux genres aussi accrédités lun que lautre dans notre culture, mais ils sont théoriquement exclusifs. Pour être moins voyante que dautres, cette transgression [des deux genres] nes est pas moins un des fondements de loriginalité de Céline sur le plan littéraire.
Elle consiste [
] à présenter lui-même son récit à la fois et aussi explicitement, comme roman et comme autobiographie. Pour ce qui regarde le statut de lhistoire racontée et du récit qui la raconte, il ne peut en résulter quun porte-à-faux, et cest sur lui que Céline choisit de fonder toute son uvre »
« [catégorie] en trompe-lil du roman autobiographique »
plongée dans imaginaire à partir déplacement des événements biographiques vers espace scripturaire de limaginaire. Chez Céline : superposition du projet romanesque et du projet autobiographique ; projet romanesque réorganise vie pour en faire une matière événementielle à sculpter, à travailler en matière fictionnelle
Godart retrace vie Louis-Ferdinand Céline et la met en rapport avec le roman pour mesurer ampleur dun « réaménagement » de la vie par luvre. Mais essentiel = pas ds ces vérifications indispensables, essentiel = comprendre comment la biographie a nourri uvre pour édifier un espace imaginaire irremplaçable première phrase roman célinien : « ça a débuté comme ça », ça célinien devient la clef qui ouvre résolument lespace de lautre vie, de ma vie recomposée par uvre
Chez Céline roman rétrospectif dune vie doit sanalyser à partir de la chronologie des oeuvres, « uvre après uvre, le romancier modifie histoire événementielle de sa vie pour constituer un univers autobiographique spécifique où le temps des romans remplace le temps de lexistence » p118
Déplacements constant de la vie ds luvre nont de signification pour Céline que parce quils renaissent dans lunivers imaginaire du roman
Question de savoir si roman céliniens sont autobio = question privée de sens, mieux vaut poser question dun métissage générique. Qd Céline écrit le Voyage, nest pas préoccupé par identité auteur/narrateur/ perso, mais par tissage des variations romanesques à partir de sa vie = symbiose que signale Henri Godart : « Céline déplace les repères et utilise le pacte romanesque à dautres fins. Renonçant au fictif, il réintègre le vécu dans le jeu, le prend à son tour pour cadre, étant entendu quil ne cessera pas de faire, sous le nom de transposition, sa part à limaginaire. Du coup, il met sa vie et son oeuvre romanesque dans une sorte de symbiose »
lautobiographie poétique
repentir de Lejeune
« Je naquis au Havre un vingt-et-un février
en mille neuf cent et trois
Ma mère était mercière et mon père mercier
Ils trépignaient de joie »
1er poème de Chêne et chien recueil auquel Queneau attribue sous-titre de roman en vers = étrange autobio parodique et dérisoire : ms tout de même une autobio poétique => la forme du genre existe donc >< def somme toute assez limitative de Lejeune en 1975. revenant en 1981 sur ses propos, Le jeune cite deux poètes (Queneau et Perros) et admet que limiter les critères du genre autobio à la prose peut paraître arbitraire : « Et je pense surtout à lautobiographie de G. Perros, Une vie ordinaire, « roman poème » (1967), écrite entièrement en octosyllabes. Eliminer de tels textes au nom dune définition serait une attitude assez dérisoire. Mais la définition permet de situer ces cas marginaux dans leur différence, aussi bien par rapport à la poésie (emploi dun « je » autobiographique gagé sur le nom propre de lauteur, à la pace du « je » lyrique traditionnel) que par rapport à lautobiographie » (Moi aussi)
si on admet que instrument utilise pour récit rétrospectif vie = écriture, possible aussi que écriture poétique soit moyen qui offre à autobiographe possibilité de raconter cours de son existence : = question de rapport à limaginaire et de création
la question hugolienne
Préface des Contemplations de Victor Hugo : troublante : « Cest lexistence humaine sortant de lénigme du berceau et aboutissant à lénigme du cercueil ; cest un esprit qui marche de lueur en lueur en laissant derrière lui sa jeunesse, lamour, lillusion, le combat, le désespoir et qui sarrête éperdu au bord de linfini. Cela commence par un sourire, continue par un sanglot, et finit par un bruit du clairon sur labîme .
Une destinée est écrite là jour à jour
Est-ce donc la vie dun homme ? Oui, et la vie des autres hommes aussi»
Tous les aspects de autobio : réalisation scripturale du parcours dune vie, visée à la fois universelle et anthropologiq, thèmes majeurs, interrogation essentielle sur énigme de destinée = présents. En fait ds Les Contemplations, des poèmes fonctionne comme épisode de la fable hugolienne (« Réponse à un acte daccusation », « Demain, dès laube », « Mes deux filles », « Hier au soir ») // biographème = ds biographie élément significatif de la vie par rapport à uvre et sa signification, on pourrait dire que les faits particulièrement importants dans la vie dHugo ont constitués des autobiographèmes qui donnèrent naissance à poème.
Conclusion :
Sil fallait selon Lejeune retenir un critère définitionnel pertinent pour autobio, ce serait certainement celui de la non-pertinence, de linterrogation de lhésitation et de lattente => def posée que pour être immédiatement transgressée ou contestée
Critique = individu de linterstice, : comme autobiographe « sa raison dêtre est la maintenance de sa quête » p123
Gusdorf : essentiel de la question autobio = pbatiq tjs ouverte de la tâche fondamental ms irréalisable de lécrivain, celle dune tension de lécriture vers une cohérence recomposée du moi « Lune des justifications de lautobiographie pourrait être la nostalgie de lintégralité du sens » = volonté de faire coïncider éphémère et permanence
Jean Starobinski rappelle que préoccupation nodale de autobiographe = nécessité de sabsenter du monde pour accéder à la présence scripturaire su moi, autobiographe = être de non-lieu