L'évaluation de l'ampleur des changements ... - GEOCITIES.ws
L'ignorance de l'homme est encore grande à ce sujet. ..... Présentation de la
troisième partie par le sénateur Marcel DENEUX ... cette orientation lors de la
conférence-débat « Énergies et Climat », tenue le 23 avril 2001 à l'Institut de
France. ...... Il étudie à la fois l'atmosphère, l'océan, la cryosphère et la biosphère.
2.
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arbon, de la décomposition de forêts, donc de carbone, le pétrole brûlé dégage du gaz carbonique et renforce l'effet de serre.
Pourtant, le recours au pétrole n'est pas prêt d'être abandonné, ni même réduit.
Toutes les études s'accordent sur le fait que la croissance de la demande future de pétrole viendra principalement des pays en développement du Sud-Est asiatique et du secteur des transports.
Quant aux réserves de pétrole (prouvées, probables, possibles), il semble que les réserves prouvées (23(*)) atteignent 1.000 milliards de barils, soit 138 milliards de tonnes, c'est-à-dire quarante à quarante-cinq ans de production au rythme actuel ; les deux-tiers de ces réserves étant situées au Moyen-Orient.
Toutefois, de nombreux exemples passés montrent que les réserves pétrolières prouvées ont généralement été sous-estimées.
A l'inverse de ce qui a été observé ci-dessus pour le charbon (scénarios B1 et B2), aucun scénario du GIEC ne prévoit de baisse de la consommation de pétrole à l'horizon 2050.
C. LE GAZ NATUREL
Sa part a rapidement augmenté dans l'économie mondiale. Il dégage du méthane (24(*)), du dioxyde de carbone et de l'oxyde d'azote.
Comme pour le pétrole, il s'agit davantage de limiter son essor que d'organiser la régression du recours à cette source d'énergie devenue indispensable.
Le gaz naturel ne contenant ni soufre, ni azote, ni métaux lourds, il présente des avantages en matière de pollution.
Il a été estimé que le remplacement du charbon par le gaz permet une réduction de 40 % du dioxyde de carbone émis et de 25 % lorsqu'il remplace le pétrole.
Tous les scénarios pour 2050 rassemblés par le GIEC considèrent que le recours au gaz naturel sera accru et massif.
D. L'ÉLECTRICITÉ ISSUE DE COMBUSTIBLES FOSSILES
39 % de l'électricité mondiale est produite à partir du charbon et 9 % à partir du pétrole.
Selon les pays, la production électrique émane surtout du charbon (Chine : 75 %, Allemagne : 55 %, Etats-Unis d'Amérique : 53 %) ou surtout du pétrole (Italie : 49 %), ou encore du nucléaire (France : 75 %).
Le remplacement des centrales thermiques classiques par des centrales à turbine à cycle combiné (turbine à gaz et turbine à vapeur) permet de bien meilleurs rendements pour des coûts de construction nettement inférieurs à ceux des centrales thermiques classiques mais le rythme de ce remplacement dépend directement de l'âge des parcs de centrales thermiques en fonction.
A cet égard, l'Europe ne devrait pas disposer de centrales à cycle combiné avant plusieurs décennies, son parc étant constitué de nombreuses centrales récentes lesquelles dégagent, en outre, des capacités de production excédentaires.
De leur côté, les Etats-Unis d'Amérique possèdent à la fois beaucoup de centrales nucléaires et de centrales conventionnelles dont la fin de vie théorique se situe entre 2000 et 2020, ce qui apparaît idéal pour un renouvellement qui semble, d'ailleurs, pour l'instant, écarter totalement l'option nucléaire.
Cependant, face aux centrales à gaz, les centrales à charbon continuent d'occuper une place importante (réserves abondantes de minerai à un prix peu élevé, face à des gisements de gaz naturels assez localisés).
De nouvelles techniques permettent de limiter les émissions de ces centrales (centrales à charbon pulvérisé émettant moins de soufre mais davantage de gaz carbonique et ce pour un coût élevé ; chaudières à lit fluidisé ; centrales à charbon gazéifié).
Enfin, il résulte de l'ensemble des évolutions actuelles qu'à l'horizon 2020-2030, il faudra avoir construit autant de centrales électriques qu'il en existe aujourd'hui. Beaucoup de ces futures centrales fonctionneront au charbon ainsi que l'ont précisé M. Bernard MECLOT et M. Jean-Yves CANEIL, EDF .
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) Les divers carburants
Quels seraient les carburants les mieux à même d'optimiser les moteurs actuels ?
Un rapide rappel va récapituler les mérites et limites des principaux carburants, en particulier des nouveaux carburants, d'après des jugements parfois contrastés portés par des spécialistes dont M. Bernard TISSOT, de l'Académie des Sciences :
· Alcool pur : sans avenir.
· Aquazole : l'eau ajoutée dans le gas oil permet une économie de consommation de 2 % à 3 % pour un coût négligeable et une diminution des NOx émis ; ce procédé est adaptable sur les véhicules anciens mais convient peu aux moteurs récents d'après l'IFP.
· Biomasse : en général, sans intérêt car pour produire un litre de biocarburant, 90 cl ou même plus d'un litre de pétrole sont nécessaires (M. Jean-Marc JANCOVICI mais, en sens contraire, ont été entendus M. Jacques PIOR, APCA et M. Jean LUCAS, CNAM, ).
- Le diester de colza est jugé intéressant par PSA du point de vue énergétique.
- Le bioéthanol alcool est impossible à utiliser dans les moteurs actuels.
- L'éthanol nécessite la mise en culture de surfaces considérables. Ainsi, M. Jean-Marc JANCOVICI a estimé que, pour obtenir la même quantité d'énergie que celle actuellement fournie par le pétrole pour le carburant, il faudrait mettre en culture pour les biocarburants environ quatre fois la superficie du territoire métropolitain.
- Les esthers méthyliques d'huiles végétales (EMHV) : mélangées à hauteur de 30 % avec les gazoles pétroliers, ils permettent d'éviter 50 % d'émission de CO2.
- Les huiles dégommées de colza : pas de réel apport technique.
· Gaz méthane ou butane propane (GPL) : pour une pollution équivalente à celle de l'essence ou du diesel, un danger est introduit du fait des risques d'explosion du réservoir. Ce carburant, utilisé par des parcs limités en Italie et aux Pays-Bas, se développe peu du fait de la rareté des points d'approvisionnement.
· Gaz naturel méthane CH4 : dégage moins de CO2 que le pétrole. Ce carburant est utilisé par les camions et semble réservé aux véhicules collectifs. Il requiert un réservoir blindé compte tenu du danger qu'il représente. Il est utilisé en Argentine et en Russie.
· Hydrogène : fabriqué à partir de l'eau et stocké dans une pile à combustible, ce carburant pose des problèmes de sécurité ; coûteux à fabriquer, sa production dégage davantage de CO2 que la combustion du pétrole. Ce carburant semble plutôt destiné aux bateaux et aux sous-marins.
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A. L'ÉLÉVATION DU NIVEAU DE LA MER
1. L'élévation du niveau moyen de la mer
A l'intérieur du phénomène mondial d'élévation du niveau des océans, des conséquences peuvent concerner très directement la France qui, avec ses 6.959 km d'espaces côtiers (5.500 km en métropole et 1459 km outre-mer), compte 1.925 km de plages représentant 35 % du littoral métropolitain, dont 400 km de plages protégées par des ouvrages artificiels.
Deux enjeux coexistent : la préservation du trait de côte et le maintien des habitats ou activités installés sur ou à proximité des plages.
Jusqu'à une date très récente, l'élévation du niveau de la mer ne constituait pas une véritable préoccupation, mais le nouvel intérêt porté aux conséquences de l'intensification de l'effet de serre sur le trait de côte a mis l'accent sur cette question.
D'autant que certains espaces fragiles subiront, du fait de l'élévation du niveau de la mer, une salinisation de leurs sols ou des intrusions souterraines d'eaux salées dans les nappes phréatiques littorales.
Même si un très grand nombre de territoires côtiers du monde sont concernés, l'exemple de la France retenu par votre Rapporteur, permet d'exposer les divers aspects de cette question, tout d'abord, en s'interrogeant sur la nature et les caractéristiques des plages, sur la nature et l'importance de l'élévation du niveau de la mer, puis en examinant les équipements propres à protéger ces lieux et, enfin, en examinant les coûts politiques et financiers de la résistance à la mer au nom de la protection des rivages.
2. La nature et les caractéristiques des plages
Même si la vue d'une plage constitue un paysage familier, la nature même de la plage est-elle bien connue ? Davantage considérée comme simple paysage ou lieu ludique, il est généralement admis que la plage doit être préservée dans son état actuel une fois pour toutes, la mer lui semblant presque étrangère. En réalité, la plage est un lieu ayant recueilli au fil des années de nombreux sédiments et étant appelé, du fait des vents comme de l'action continue des vagues, à être sans cesse modifié.
Une plage est vivante, en ce sens qu'elle augmente sa consistance grâce aux dépôts d'alluvions et qu'elle cède du terrain sous les chocs répétés des vagues (48% des plages françaises métropolitaines subissent cette érosion qui peut atteindre 1 à 1,5 mètres par an pour les plages du Calvados et 1,5 m pour celles de la Côte d'Aquitaine).
Son maintien spontané ne peut résulter que d'un état d'équilibre dynamique et son maintien artificiel suppose de lourdes interventions de l'homme.
Ce phénomène a été expliqué en partie par le principe de BRUUN qui a montré que l'érosion continue de la plage et le recul du trait de côte s'accompagnent du maintien de l'épaisseur de la tranche d'eau littorale. Si ce n'est qu'en cas d'élévation du niveau des eaux, ce sont de plus hautes vagues qui peuvent déferler sur la plage.
3. La nature et l'importance de l'élévation du niveau de la mer
Encore une fois, votre Rapporteur doit rappeler que le niveau de la mer n'a cessé de fluctuer au cours de l'histoire de notre planète comme cela a déjà été décrit dans la première partie du présent rapport à propos de la paléoclimatologie.
Le satellite Topex-Poséïdon, lancé en 1992, a indiqué que, au cours de la dernière décennie, le niveau global moyen de la mer a augmenté de 2,5 mm par an. Il a surtout montré, ce qui fut une révélation, que l'élévation du niveau de la mer n'était pas du tout uniforme sur l'ensemble de la surface des océans et que cette hausse était parfaitement corrélée avec la dilatation thermique de l'océan causée par le réchauffement climatique (Audition de Mme Anny CAZENAVE du C.N.E.S. ).
Au cours du XXème siècle, la mer s'est élevée d'environ 10 à 20 cm (1 à 2 mm par an). Les rapports du G.I.E.C. prévoient pour le XXIème siècle, une élévation moyenne du niveau de la mer oscillant entre 40 cm et 98 cm, étant précisé d'emblée que l'impact d'une telle élévation varie très fortement selon la configuration des côtes considérées. Les plages en subiront donc des modifications bien plus importantes que dans le passé récent.
Un rapport du ministère chargé de l'environnement relatif aux plages françaises a montré que, en cas d'élévation du niveau de la mer d'un mètre, le recul de la plage pourrait atteindre cent mètres mais que le sable érodé irait se déposer ailleurs.
4. Les constructions destinées à protéger les plages
Pour empêcher le recul du trait de côte, des constructions sont édifiées soit parallèlement à la plage, soit perpendiculairement à celle-ci. Il peut s'agir de jetées assimilables à des murs ou encore de cordons d'enrochements mieux à même d'absorber l'énergie des vagues.
Ces solutions d'ingénieur sont d'une grande efficacité et d'un coût non négligeable. Mais, au fil des ans, il a été constaté qu'elles avaient des conséquences négatives sur l'environnement, notamment en favorisant la réflexion des vagues sur l'obstacle formé par ces constructions.
En réalité, pour se maintenir à l'identique, la plage doit recevoir en permanence des sédiments pour compenser l'action inéluctable de la mer. Or, la formation originelle des actuelles plages françaises résulte de la remontée du niveau des eaux lors du réchauffement climatique intervenu il y a 6.000 ans, qui a apporté sables et galets. Cette action de la mer fut complétée par l'action des fleuves qui fournissaient aussi nombre de sédiments aux deltas.
C'est pourquoi, de nos jours, les plages régressent dans la mesure où l'apport de sédiments depuis le large a cessé avec la montée des eaux et où les barrages établis sur les fleuves, les digues au long de ceux-ci ou l'extraction de granulats empêchent l'arrivée des sédiments jusqu'aux deltas.
Par exemple, du fait des barrages, le delta du Rhône ne reçoit plus que 2 à 6 millions de tonnes de sédiments par an actuellement, contre environ 17 à 21 millions de tonnes de sédiments au cours du XIXème siècle. Il en est de même, et de manière très spectaculaire, pour l'Ebre et le Nil dont les apports en sédiments ont été réduits de plus de 90 %.
Par conséquent, pour protéger les plages, il est moins important de les préserver de l'érosion des vagues, que de leur permettre de se recharger en sédiments. Cela peut d'ailleurs s'opérer automatiquement lorsque la plage est adossée à des dunes (40(*)) qui jouent, en quelque sorte, le rôle de réserve de sable. Dans les autres cas, un rechargement artificiel peut intervenir comme cela s'effectue par exemple aux Pays-Bas où le sable se trouvant sous les eaux du large est aspiré mécaniquement par l'homme pour recharger les plages. Il s'agit là évidemment d'une technique perfectionnée et coûteuse, mais qui permet aux Néerlandais de maintenir le bon état de la plage.
5. Les coûts financiers et politiques de résistance à la mer
Pour qu'une résistance efficace soit opposée à l'action de la mer sur les plages, il faut une prise de conscience du phénomène ainsi que de la multiplicité des données décrites ci-dessus.
Partant de là, si des équipements et des habitats méritant absolument d'être maintenus se trouvent à proximité de la plage menacée, une décision politique devra intervenir à partir d'un bilan coût/avantages du maintien du trait de côte.
De telles opérations ont été entreprises et conduisent à préconiser non pas un seul type de défense face à la montée des eaux, mais deux.
Le premier est celui de la défense rigide jusque là privilégiée par la France, mais plutôt coûteuse. Le second consiste à accepter l'évolution du trait de côte ; il est connu sous le nom de défense souple et a maintenant la préférence des Pays-Bas.
M. François LETOURNEUX, Président de l'Institut Français de l'Environnement (IFEN) a précisé que le Conservatoire du littoral prône également une défense souple.
Au-delà de ces deux solutions qui s'appliquent aux équipements et habitats déjà en place, votre Rapporteur préconise une attitude pour l'avenir consistant à anticiper la montée des eaux et à éviter de construire dans une zone qui, à un moment donné, sera menacée (41(*)) A cet égard, il n'est pas nécessaire d'interdire, dès à présent, l'utilisation de zones qui ne devraient pas être menacées avant une cinquantaine d'années, mais peut-être de prévoir des zones non aménageables, des zones provisoirement non aménageables et, enfin, des zones aménageables durablement.
L'IFEN travaille à un programme pour améliorer les méthodes d'estimation des populations exposées aux risques d'inondation (M. Bernard MOREL, IFEN ).
Cette façon de procéder permettrait de continuer à profiter de ces espaces naturels constitués par une plage tout en prenant très directement en compte le caractère naturellement vivant et évolutif de celle-ci.
Une carte de France métropolitaine sur laquelle apparaissent les plages qui ont fait l'objet d'apports artificiels en vue de leur rehaussement donne une idée des espaces côtiers les plus menacés.
Localisation des plages de France
ayant fait l'objet d'une alimentation artificielle en sédiments
Pour la France métropolitaine, il peut être rappelé que, en 1995, la capacité d'hébergement touristique des communes littorales représentait 37 % de la capacité française ; ce sont treize millions de personnes qui occupent le littoral l'été -soit une multiplication par plus de deux de la population locale et trente millions de visiteurs par an qui se rendent sur le littoral.
Votre Rapporteur se doit d'insister sur les menaces concernant plus particulièrement les DOM-TOM, en particulier, certains atolls de Polynésie, face aux changements climatiques. En effet, non seulement nombre de plages de ces territoires sont particulièrement menacées mais aussi certains territoires eux-mêmes alors que l'attrait particulier de ceux-ci en a fait des lieux de tourisme extrêmement recherchés.
6. Les impacts des changements climatiques sur les espaces côtiers spécifiques
Au-delà des plages, sont également menacés les espaces deltaïques, les littoraux à lagunes, les marais maritimes, les mangroves et les récifs coralliens.
Votre Rapporteur évoquera brièvement à partir de l'exemple de la France, les menaces pesant sur chacune de ces catégories de site [ MIES].
a) Les espaces deltaïques
La Camargue, aménagée dans les années 1930, est d'autant plus vulnérable que sa tendance à s'affaisser sous le poids des sédiments qui la constituent n'est plus compensée par les apports alluviaux du Rhône du fait de l'aménagement de celui-ci.
Météo-France travaille sur un modèle relatif au Rhône qui mesure notamment l'impact des barrages.
Les marais salants de Salin-de-Giraud et d'Aigues-Mortes risquent d'être endommagés.
Toutefois, aucun modèle ne peut dire si la Camargue serait submergée en cas de montée du niveau des eaux.
b) Les littoraux à lagunes
Sous l'effet de l'élévation du niveau de la mer, les cordons littoraux qui isolent les lagunes peuvent rouler sur eux-mêmes en direction de la terre, s'amincir et se fractionner.
C'est le cas sur la côte du Languedoc où les étangs deviennent de plus en plus salés, ce qui modifie leur flore et leur faune, perturbe les activités agricoles voisines mais peut favoriser le développement de l'aquaculture.
c) Les marais maritimes
Ces étendues vaseuses sont alternativement couvertes et découvertes par les marées.
Les côtes de la Manche et de l'Atlantique comprennent de tels marais dont beaucoup ont été endigués et transformés en polders .
Selon le niveau d'élévation de la mer, ces marais connaîtront la disparition par submersion, leur maintien après déplacement vers l'intérieur des terres, voire leur extension s'ils bénéficient d'une forte sédimentation verticale et latérale.
Or, en France, vu l'abondance de la vase qui arrive jusqu'à la mer - échappant, contrairement au sable et aux galets, aux aménagements des fleuves - il est probable que le marais Charentais, le marais Poitevin, la baie de Somme et la baie du Mont Saint-Michel s'étendraient aux dépens de la mer.
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. BIODIVERSITÉ ET GAZ À EFFET DE SERRE
Il est parfois affirmé qu'on ne s'occupe de biodiversité que parce que l'idée de sa disparition fait peur.
Cette idée repose-t-elle sur une réalité ?
L'augmentation des émissions de gaz à effet de serre et les modifications qu'elle entraîne sur la température et les précipitations ne pourront manquer d'influer sur la biodiversité.
Dans la mesure où ce lien, pourtant très direct, est généralement peu perçu, votre Rapporteur a tenu à expliciter l'ampleur de la menace comme la nature de l'objet menacé en insistant sur la nécessaire préservation de la biodiversité, et sur les interrogations relatives au rythme d'adaptation des espèces face aux changements climatiques.
Dès à présent, il convient de se demander si les milieux naturels vont pouvoir absorber le choc de ces modifications et donc d'évaluer l'ampleur de celles-ci.
L'homme a toujours modifié son milieu et cela ne fera que s'accentuer avec la croissance démographique prévue pour le présent siècle, mais le milieu ne connaît-il pas des limites aux actions que l'homme lui impose ?
A. LA MENACE SUR LES RESSOURCES BIOLOGIQUES
D'après la conclusion d'un rapport de l'Académie des Sciences intitulé « Biodiversité et environnement » (n°33 - juin 1995) « en imposant une exploitation accélérée et de profondes transformations de l'environnement, l'expansion économique et démographique du XXème siècle a créé une rupture. Les ressources biologiques sont menacées. Parallèlement, les hommes qui ont massivement quitté la campagne ont perdu leurs racines et leurs liens avec la nature. Aujourd'hui, la société constate qu'elle ne peut pas concevoir son avenir sans un monde vivant, riche et varié, pour des raisons économiques, écologiques, sociales et culturelles ».
Une telle analyse venant du cercle le plus autorisé ne peut manquer d'attirer l'attention. La prise de conscience de l'importance des conséquences de l'intensification de l'effet de serre est intervenue après le rapport cité. Pour autant, celui-ci signale déjà une situation très dégradée.
Pourquoi la biodiversité est-elle si précieuse ? Et d'abord, qu'est-ce que la biodiversité ?
La biodiversité est fondée sur la qualité et la quantité des êtres vivants présents sur un territoire. Il s'agit aussi bien de la diversité génétique intraspécifique que de la multiplicité des espèces, l'abondance relative de chacune, la variété de leur organisation en écosystèmes différents que de la complexité des relations entre ces écosystèmes.
Or, ce qu'a constaté l'Académie des Sciences, c'est l'instauration d'une coupure entre nature et culture avec le développement de la société moderne. Certes, pendant des siècles, l'homme a tiré les richesses nécessaires au développement de son mode de vie de sa modification des relations avec les autres espèces. Il a puisé largement dans un stock de ressources biologiques. Mais celui-ci n'étant pas inépuisable, l'homme n'a d'autre choix aujourd'hui que de redécouvrir sa solidarité avec son environnement.
Pour resituer la notion d'espèce, dont plus d'un million seulement ont été identifiées à ce jour sur, probablement, plusieurs dizaines de millions, il faut noter que les activités humaines peuvent transformer rapidement, jusqu'à les faire disparaître, les êtres vivants en un espace donné.
Contrairement à l'apparition des espèces, qui résulte d'évolutions au cours de millions d'années, leur disparition, du fait de l'action de l'homme, peut ne prendre que quelques siècles, voire nettement moins.
L'impact pour les espèces de la concentration en gaz carbonique dans l'atmosphère interviendra avant qu'il ait été possible d'identifier précisément le rôle de la biodiversité dans les écosystèmes.
L'Académie des Sciences a souligné dans son rapport qu'avec la prise de conscience de la limite des ressources naturelles, le temps de l'exploitation sans contrôle de celles-ci devait être considéré comme révolu. Elle a noté à propos du développement durable que « la question de la biodiversité est aujourd'hui sortie du cabinet du scientifique, elle se pose à chacun ».
Et votre Rapporteur éprouve le même sentiment pour la question des changements climatiques.
B. LES COMPOSANTES DE LA BIODIVERSITÉ
Il doit être rappelé brièvement les principales composantes de la biodiversité qui regroupent les micro-organismes, le milieu marin et les milieux continentaux.
Pour les micro-organismes, ceux-ci n'ont été découverts qu'au XVIIème siècle avec l'apparition du microscope, alors que l'homme les utilisait depuis longtemps sans vraiment savoir qu'il agissait avec la complicité d'êtres vivants minuscules. Par exemple, lorsqu'il fabriquait du pain, de la bière ou du vin grâce à la fermentation.
Il est probable qu'aujourd'hui, seulement 10 % des espèces de micro-organismes sont connues, soit quelques centaines de milliers sur un total chiffré en millions. L'ignorance de l'homme est encore grande à ce sujet. Or, dans les grands cycles biogéochimiques globaux comme celui du carbone, la contribution des micro-organismes est essentielle. Par exemple, ils sont seuls à même de pouvoir fixer l'azote atmosphérique, assurer la nitrification et la dénitrification, de même que certaines dépollutions.
De plus, le picoplancton marin participe à la photosynthèse, à la fixation du carbone atmosphérique et donc, de manière importante au cycle du carbone fixé par les océans.
Sans entrer dans l'historique des progrès de la connaissance de l'homme face aux micro-organismes, notamment avec le développement des vaccins, ou le séquençage de l'ADN, l'Académie des Sciences relève qu'encore aujourd'hui, l'ignorance sur ce sujet demeure très grande et que la tâche à accomplir est à la mesure de cette lacune.
En reliant cette observation aux changements climatiques, cela peut être rapproché du problème du paludisme chez l'homme où un micro-organisme parasite et pathogène contourne les défenses immunitaires de l'organisme hôte en changeant ses protéines de surface, anticipant ainsi la production d'anticorps.
Si, comme de nombreuses hypothèses le soulignent, le réchauffement climatique risque d'entraîner dans certaines régions l'extension du paludisme, des recherches sur ce thème en vue de la découverte d'un vaccin deviendront primordiales.
Toujours à propos de questions liées aux changements climatiques, l'Académie des Sciences relève que les sols comme les eaux sont des systèmes complexes dans lesquels le rôle de la biodiversité est peu connu. Comme déjà développé plus haut, même si la pratique agronomique a développé une technique de gestion des sols, ce n'est pas pour autant qu'elle en maîtrise tous les mécanismes. L'ignorance est encore grande aussi pour les lacs, les fleuves et les nappes phréatiques, d'ailleurs modifiés par les apports chimiques résultant des activités agricoles ou industrielles.
C. LA PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ
Dans les conditions décrites ci-dessus, l'Académie des Sciences recommande une gestion conservatoire des écosystèmes dans la mesure où une évaluation approfondie du rôle de l'abondante richesse biologique manque encore.
1. L'écosystème marin
En ce qui concerne le milieu marin, la pêche prélève sur les espèces des contingents dont le renouvellement n'est pas a priori garanti. D'où les mesures de préservation de populations qui se multiplient malgré les réactions des milieux économiques qui en tirent leurs revenus. Là encore, le changement climatique global susceptible d'intervenir peut jouer un rôle considérable et cela même si l'amplitude des modifications reste faible. Il a été ainsi noté, à partir d'études systématiques menées par les stations marines situées sur la Manche, qu'une élévation d'un demi-degré de la température moyenne annuelle de l'eau suffit à modifier les champs d'algues, donc à faire régresser les poissons d'origine boréale, faisant apparaître des espèces lusitaniennes perturbant ainsi la conduite et la production de la pêche.
L'Académie des Sciences note « à la fin de ce XXème siècle, l'humanité commence à réaliser qu'en dépit de sa masse énorme, l'océan n'est ni une ressource infinie, ni un système immuable ».
Plusieurs grands problèmes ont été identifiés, à commencer par la température qui est un facteur essentiel de la richesse biologique. Déjà, les systèmes coralliens ont été très touchés et une évaluation générale du rôle écologique de la richesse biologique des zones littorales (lagunes, estuaires, côtes, mangroves, récifs coralliens, marais) s'impose.
L'Académie des Sciences recommande des mesures de régulation appliquées sous l'égide des pouvoirs publics, telles celles qui ont prouvé leur efficacité pour la protection du milieu naturel dans la Baie de Somme.
Elle insiste aussi sur les effets de la pêche de plus en plus fréquente à des profondeurs de 1.000 à 2.000 mètres qui prélève des tonnages considérables de poissons dans des stocks dont ni l'ampleur, ni la diversité, ni le taux de renouvellement ne sont connus avec précision.
Encore plus important, le rôle joué par le picoplancton qui serait peut-être responsable d'un bon cinquième de la fixation de carbone par l'océan, même si cela n'a été mis en valeur que depuis une dizaine d'années.
Il a été souligné dans la première partie du présent rapport le rôle climatique joué par les immenses masses d'eau en perpétuel mouvement et le rôle des courants ; les températures et les êtres vivants qui peuplent ces eaux, le recyclage du gaz carbonique et la photosynthèse en dépendent très largement.
De même, les connaissances de l'homme ont encore montré leurs limites lors de la découverte récente d'un monde biologique très divers à proximité des sources chaudes sous-marines profondes. En effet, pendant longtemps, l'absence de vie dans les grandes profondeurs était considérée comme établie.
Ce rapide survol a permis à votre Rapporteur d'insister sur l'intérêt qu'il y aurait à pouvoir évaluer les conséquences possibles d'un changement climatique global à partir d'inventaires précis de données quantitatives à la fois dans l'espace et dans le temps. A partir de cela, il serait peut-être envisageable de développer des modèles de fonctionnement de l'écosystème marin. A cet égard, il doit être indiqué que de tels inventaires permettraient d'évaluer les impacts de catastrophes. Curieusement, à cet égard, les marées noires dues au naufrage du Torrey Canyon, en 1967, et de l'Amoco Cadiz en 1978 ont vu leurs effets totalement dissipés au bout d'une dizaine d'années ; la faune et la flore marine ayant recolonisé tous les milieux où le pétrole s'était déposé.
Toutefois, il ne faudrait pas en tirer la conséquence que le vivant se reconstitue toujours. En effet, en l'occurrence, la transformation progressive des produits polluants a sans doute été permise par l'arrivée de l'extérieur d'effectifs suffisants de micro-organismes pour agir sur ces polluants. Mais les connaissances sur les divers paramètres en cause (nature des milieux pollués, nature des agents polluants, aptitude et effectif des êtres vivants concernés) sont encore très lacunaires.
Dans le domaine de l'écosystème marin comme dans celui du changement climatique, il existe un décalage entre l'urgence des réponses à apporter face à la croissance démographique et à la pression qu'elle exerce sur le milieu marin et l'impossibilité de disposer immédiatement des connaissances considérables pourtant nécessaires à l'orientation des décisions futures.
Il a été surtout souligné par l'étude déjà citée que certaines espèces ont un rôle clé dans le maintien de la richesse biologique, que la disparition d'espèces est assez rare en milieu marin grâce aux effectifs très élevés et à la large dispersion possible d'individus mais également que les organismes marins sont fragiles. Par exemple, la pollution et la pêche excessive provoquent des changements massifs et à longue distance dans les écosystèmes marins.
Comme cela a été indiqué à l'occasion de plusieurs auditions, la mer Méditerranée présente aujourd'hui des écosystèmes très dégradés et une pollution importante.
Pour sa part, la biodiversité marine du Pacifique et des régions Australes représente une richesse biologique tout à fait exceptionnelle dont l'exploitation devrait être accélérée. Dans ces zones, peuvent être analysées mieux qu'ailleurs les conséquences biologiques des transformations climatiques majeures (phénomène El Niño, dégénérescence des systèmes coralliens...).
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LES RYTHMES DE L'ADAPTATION DES ESPÈCES
Les débats sur la biodiversité et l'intensification de l'effet de serre entraînant des changements climatiques posent aussi la question de l'adaptabilité des espèces animales ou végétales. Certains considèrent que le rythme du changement climatique permettra l'adaptation des espèces à travers notamment leur migration, mais d'autres insistent sur la difficile compatibilité entre le rythme du changement climatique et ceux de l'adaptation des espèces, notamment celui de leur migration.
C'est ainsi que dans son ouvrage « La Terre menacée. Un laboratoire à risques » (47(*)), Stephen H. SCHNEIDER a contesté fortement la possibilité d'une adaptation des espèces face aux changements climatiques à venir.
Il a relevé que des découvertes récentes fondées sur l'étude des sols et des sédiments terrestres avaient remis en cause les théories formulées par DARWIN dans « L'origine des espèces » où il supposait que les diverses espèces s'étaient déplacées ensemble préservant ainsi la biodiversité. En effet, pendant les périodes de transition entre les ères glaciaires et les ères interglaciaires, les déplacements d'espèces ont suivi des rythmes inégaux et des directions différentes. C'est ainsi que, même si les essences d'arbres se déplaçaient, les forêts anciennes disparaissaient. Or, le taux moyen de changement des températures de l'ère glaciaire aux temps interglaciaires a été évalué à environ 1°C tous les mille ans. Même si le temps de réaction des différentes espèces est propre à chacune d'entre elles, ce rythme du passé n'a rien à voir avec ceux que provoquerait un futur changement rapide du climat, estimé à plusieurs degrés par siècle actuellement, sans compter que, par rapport aux âges reculés, les taux d'extinction seraient renforcés par la fragmentation des habitats, les diverses pollutions et l'introduction d'espèces exotiques dans de nouveaux habitats.
Compte tenu de ces éléments, l'adaptation à un changement climatique important devrait s'étendre sur plusieurs siècles alors même que le réchauffement actuellement envisagé interviendra sur une durée bien plus brève.
En outre, la survie des espèces animales dépend non seulement de la température mais encore de la végétation et de la préservation de la communauté biologique à laquelle elles appartiennent ; la survie de certaines espèces isolées d'autres espèces ne pouvant être envisagée.
Pour illustrer ces difficultés, Stephen H. SCHNEIDER évoque la quasi-élimination de la loutre de mer américaine de la côte Ouest des États-Unis d'Amérique par les chasseurs de fourrure. Cette réduction de la population des loutres de mer entraîna la prolifération des oursins qui constituent la base de leur alimentation ; les oursins décimèrent les forêts de varechs géants, créant des fonds marins désertiques. En réaction, la protection ultérieure des loutres provoqua la diminution de la population d'oursins et la réapparition du varech ainsi que du poisson. Autre exemple, toujours dans l'ouest des États-Unis : l'élimination des loups a entraîné la prolifération des coyotes puis la mise au point de programmes pour limiter le nombre de ceux-ci, ce qui entraîna la multiplication des renards qui menaça les populations de gibier d'eau ; d'où les projets de réintroduction de populations de loups. Ces exemples illustrent qu'il est difficile de connaître a priori les équilibres entre espèces et donc l'impact des modifications apportées à leurs conditions d'existence.
Au-delà de ces exemples d'adaptation, il doit être rappelé que les ressources biologiques globales sont estimées à environ 10 millions d'espèces vivantes dans les seules forêts tropicales humides. Dans ces conditions, Stephen H. SCHNEIDER a relevé qu'avec un taux de destruction des forêts de 1 % par an, ce sont environ 27.000 espèces qui seraient condamnées par année, c'est-à-dire 74 par jour et 3 par heure ; sans compter que certaines des espèces qui disparaissent n'ont pas encore été identifiées, ce qui rend impossible l'appréhension de l'importance même de la disparition. Evidemment, la réduction de la superficie de la surface de la forêt tropicale ne fera qu'accentuer ce rythme déjà très impressionnant et sans commune mesure avec le taux d'extinction naturel qui devrait être, chaque année, d'une espèce pour un million. En outre, il peut être souligné que si d'importantes déforestations n'ont pas, par exemple, entraîné de grands nombres de disparitions d'espèces d'oiseaux en Amérique du nord-est, c'est parce qu'il s'y trouve peu d'espèces endémiques, alors que c'est tout le contraire dans les forêts tropicales. Stephen H. SCHNEIDER ne manque pas de rappeler que ce « massacre planétaire est accompli par une seule espèce, l'homme, décidée à accroître sa population et à améliorer sa situation économique ».
Enfin, votre Rapporteur fait siennes les considérations conduisant Stephen H. SCHNEIDER à rappeler que « l'interconnexion des écosystèmes dépasse les échelles discrètes qui caractérisent les entreprises privées, les Etats-nations, ou les pratiques de différentes disciplines. La gestion de l'environnement doit se faire à l'échelle du système géré ». Et aussi que : « Les problèmes d'environnement les plus graves du XXIème siècle ne se limiteront pas à la destruction des habitats, ni à la destruction de la couche d'ozone, ni à la pollution chimique, ni à l'invasion d'espèces exotiques ni aux changements climatiques considérés séparément : le grand problème sera celui de la synergie entre tous ces facteurs ».
La réflexion sur les changements climatiques, et la diversité des thèmes abordés dans le présent rapport rejoignent ces préoccupations.
A partir des études menées sur les papillons et les oiseaux migrateurs, M. Denis COUVET, du Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d'Oiseaux (CRBPO) du Museum national d'histoire naturelle , a rappelé qu'il avait été observé que, sur vingt ans, les périodes de migrations avaient varié de dix jours environ.
A cet égard, il peut être relevé que certaines migrations sont liées à la durée du jour et à la température, que tout ajustement des périodes de migrations d'une espèce peut interagir sur les périodes de migration d'une autre espèce et qu'une adaptation des espèces au changement de milieu requiert un effectif de population suffisant.
Pour sa part, le CRBPO a constaté de brusques changements dans l'implantation d'espèces d'oiseaux.
Face à ces modifications, M. Denis COUVET a noté que les changements climatiques en eux-mêmes ne sont pas nécessairement une cause d'extinction d'espèces, mais que le changement climatique peut constituer la dernière atteinte portée à l'espèce.
Il a insisté sur la dépendance de l'homme par rapport aux autres espèces et sur la nécessaire conservation de la biodiversité malgré le changement climatique, plus importante que le changement climatique en tant que tel.
V. GAZ À EFFET DE SERRE ET SANTÉ HUMAINE
Les relations entre le climat et la santé conduisent à s'interroger sur les impacts des changements climatiques sur la santé humaine.
A. LES RELATIONS ENTRE LE CLIMAT ET LA SANTÉ
Les conséquences de changements climatiques sur la santé des hommes font partie des impacts les plus redoutés. Après avoir rappelé les liens entre santé et climat, votre Rapporteur rappellera les données aujourd'hui disponibles et donnera son sentiment sur les risques réels encourus.
Dans son récent ouvrage, « Climat et santé » (48(*)), le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT rappelle que la santé peut être définie comme « un état de l'organisme qui en permet l'ajustement et le fonctionnement adéquats compte tenu des conditions endogènes et des facteurs de l'environnement », soit « la capacité de s'adapter à un contexte qui change ».
Il souligne à quel point l'organisme est en contact direct avec l'air ambiant à travers la peau (moins de 2m2) et les alvéoles pulmonaires (90 m2) et que la santé est liée, et même subordonnée, à la stabilité du milieu intérieur de l'homme.
Cette fixité s'obtient notamment par des réactions au milieu conduisant souvent à dépasser la norme d'un état pour instituer de nouvelles normes de santé adaptées aux situations nouvelles.
Dès lors, cet auteur estime que la nocivité d'un climat se mesure à « la vigueur des stress imposés par le milieu atmosphérique et l'intensité des réactions requises pour y faire face ».
L'homme est amené à lutter contre le refroidissement (thermogenèse) ou contre l'échauffement (thermolyse).
A Paris, l'année se répartit à peu près entre sept mois de thermogenèse et cinq mois de thermolyse.
Selon cette approche, trois grandes zones climatiques existent à la surface de la planète : celles où l'hiver peut être permanent (les milieux polaires), celles sans hiver (les basses latitudes inter et subtropicales) et celles où l'hiver n'est jamais permanent (latitudes moyennes).
Mais, au-delà de la température, l'humidité de l'air, son hygrométrie, a une incidence directe sur la santé. Par exemple, un taux de 80 % d'humidité relative est très supportable vers + 15°C mais plus du tout à - 15°C ou + 30°C.
Comme, par ailleurs, l'homme adulte inhale dix fois plus d'air -en poids- qu'il n'absorbe de nourriture solide et liquide, la présence dans l'air de gaz à effet de serre ne peut être sans influence sur la santé de l'homme.
C'est ainsi, précise le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT, que « toute augmentation du taux de CO2 dans l'air ambiant ralentit la diffusion alvéolo-capillaire et perturbe la purification du sang », et ce phénomène peut atteindre des taux élevés dans certaines grandes villes.
Or, lorsque l'agression bioclimatique revêt un caractère excessivement violent ou trop répété, l'organisme humain n'arrive plus à compenser les pressions auxquelles son environnement le soumet. Il peut en résulter des troubles, la maladie, voire la mort.
Des exemples en sont fournis par des coups de soleil, des gelures, des réactions inadéquates, des altérations de l'état général (coup de chaleur avec troubles neurologiques), des déshydratations, des cancers (ajustement anarchique de l'organisme à l'environnement).
Pour autant, le climat n'est pas responsable de toutes les maladies constatées dans une région donnée. Par exemple, ce n'est pas le climat chaud et humide qui génère le paludisme mais bien la virulence du moustique agent de propagation -vecteur- de cette maladie.
Cependant, nombre d'études ont montré que, sous certaines latitudes, l'état de l'atmosphère exerce sur la mortalité générale une forte influence. C'et ainsi qu'il a été relevé que le climat rend compte, à lui seul, de 77 % de la variabilité en jours successifs du nombre de décès à Turin et de 87 % à Naples.
Le tableau succinct, ci-dessous, donne une idée de l'influence du climat sur la santé selon les pays :
Influence du climat sur la santé
Très faible
Pays scandinaves, Canada, Etats-Unis d'Amérique, sauf sud-est
Modérée
Floride, France, Pays-Bas, Allemagne
Décisive
Japon, Grèce
Mais, au-delà de ces différences, au XXème siècle, l'influence du climat sur la santé s'est atténuée sur presque toute la planète sauf au Japon et, partiellement, en Italie.
En France, cette influence était décisive vers 1910, encore forte vers 1960 et modérée actuellement.
La généralisation de l'usage des antibiotiques pourrait expliquer le retournement de tendance observé.
Le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT en déduit que « les risques climatopathologiques sont toujours étroitement datés et localisés, largement tributaires du contexte (social, économique, culturel) ainsi que de la pratique médicale ».
Des exemples de cette assertion peuvent être tirés des effets des cyclones tropicaux -qui engendrent un nombre de morts et de blessés inversement proportionnel au degré de développement de la zone touchée- de ceux des vagues de froid en climat tempéré moyen -où les victimes sont surtout des personnes âgées à l'état de santé déjà fortement altéré et des sans-abri (hiver 1985 en France)- ou encore de ceux des grandes vagues de chaleur en climat tempéré moyen et en climat méditerranéen (été 1976 dans 20 départements français, juillet 1983 à Marseille et dans toute la Provence, juillet 1987 à Athènes), où les victimes sont essentiellement des jeunes enfants, des personnes du troisième ou du quatrième âge, surtout des femmes.
De ces précédents, le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT a tiré plusieurs conclusions :
- la chaleur du jour est bien supportée tant que la nuit permet de récupérer des forces dans de bonnes conditions ;
- la surmortalité des périodes caniculaires se concentre dans les grandes villes, surtout en centre ville, notamment dans des îlots de chaleur urbains et est accentuée par la pollution atmosphérique (à Athènes, par exemple) ;
- les sociétés modernes sont de plus en plus vulnérables aux vagues de chaleur. En effet, l'homme y vivant de plus en plus dans un milieu artificiel et hyperprotégé, a une capacité réduite de résistance aux changements climatiques ; la généralisation de l'air conditionné permet d'inverser cette tendance.
De ces éléments, l'auteur cité déduit que « les répercussions sanitaires des fortes chaleurs estivales n'ont rien d'inévitables » et il observe que la maladie résulte de la « conjonction d'un excès du climat avec d'autres facteurs, constitutionnels ou acquis, qui mettent l'organisme dans une situation permanente ou transitoire de faiblesse ». « Le seul rôle du climat est de fournir la chiquenaude qui, chez un sujet déjà prédisposé, déclenche le processus pathologique ».
D'où la proposition, reprise par votre Rapporteur, de développer en France l'élaboration et la diffusion de bulletins médico-météorologiques permettant, par exemple, d'attirer l'attention sur la survenue de conditions climatiques propres aux infarctus du myocarde ou aux rhinites, conjonctivites et crises d'asthme liées à la date initiale de pollinisation.
B. L'IMPACT DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE SUR LA SANTÉ
La mission interministérielle de l'effet de serre (MIES), dans son rapport sur les Impacts potentiels du changement climatique en France au XXIème siècle , a étudié également les influences possibles des changements climatiques sur la santé en France métropolitaine et dans les DOM-TOM au XXIème siècle (49(*)). Après avoir noté que les saisons normales du XXIème siècle devraient reproduire les saisons connaissant des températures anormalement élevées du XXème siècle, il a été observé qu'un réchauffement moyen de 2°C serait suffisant pour produire un impact direct sur le fonctionnement de l'organisme humain (coups de chaleur, déshydratation aiguë, accidents cardio-vasculaires ou cérébro-vasculaires). De plus, les effets cumulatifs d'un ensoleillement renforcé pourraient multiplier les cas de cancer cutané ; ce qui ne serait constaté que dans trois ou quatre décennies.
Les personnes seraient inégalement touchées, les plus menacées étant les personnes âgées, les malades chroniques, les jeunes enfants et les nourrissons. De plus, le vieillissement de la population ne fait qu'augmenter sa vulnérabilité aux aléas climatiques.
Pour le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT , la mortalité en hiver reculerait de 5 % à 7 % vers le milieu du XXIème siècle, tandis que la mortalité d'été s'accroîtrait chez les personnes âgées et chez les catégories sociales les moins favorisées, ainsi que chez les femmes au delà de la soixantaine. Les précédents des étés les plus chauds des cinquante dernières années (1947, 1949, 1952, 1961, 1962, 1964, 1976, 1978, 1982, 1985, 1986, 1989, 1990, 1991) permettent d'extrapoler, pour le milieu du siècle prochain, un taux moyen d'augmentation des décès de 12 % à 18 %. Cette prévision, bien inférieure à celles effectuées aux Etats-Unis d'Amérique (doublement ou triplement de la mortalité) reste assez raisonnable.
La répartition géographique de l'évolution du rythme annuel de la mortalité pourrait faire que la sur-mortalité se concentre presque exclusivement dans les grandes agglomérations urbaines (quartiers centraux densément bâtis, villes méridionales de plusieurs centaines de milliers d'habitants). L'auteur cité a d'ailleurs relevé que « le citadin qui vit dans une ambiance artificielle (réchauffée l'hiver et réfrigérée l'été) aggrave son intolérance vis à vis des conditions climatiques adverses et le rend incapable d'y faire face ».
Il a noté également, le retour plus fréquent de phénomènes extrêmes : des chaleurs comme celles de l'été 1976, considéré comme le record du XXème siècle, risqueraient de survenir tous les trois à cinq ans au milieu du siècle prochain.
Comme l'ont relevé les climatologues, le réchauffement concernerait essentiellement les températures nocturnes, ce qui provoque généralement le maximum de mortalité dans la mesure où l'organisme, après avoir supporté la chaleur de la journée, ne trouve plus le moyen de récupérer pendant la nuit.
Les interrogations demeurent sur l'existence ou non de seuils critiques de température par rapport à la santé publique.
Dans cette communication, il a été également souligné que les rhino-conjonctivites (rhume des foins) risqueraient de présenter des pics énormes aux périodes de dissémination maximale des grains de pollen qui malheureusement ont cours presque toute l'année (à la fin de l'hiver et au début du printemps, il s'agit du pollen d'arbres et d'arbustes ; à la fin du printemps et au début de l'été, du pollen de graminées et, à la fin de l'été, comme au début de l'automne, du pollen d'armoise et d'ambroisie).
En outre, il a été signalé, qu'un réchauffement du climat amènerait des déplacements vers le nord de nombreuses espèces végétales dont certaines très allergisantes (les pollens de cyprès et de pariétaire pourraient remonter jusqu'en Bourgogne ou en Touraine, tandis que le pollen d'arganier remonterait du sud du Maroc jusqu'en Provence ou en Languedoc-Roussillon). Les journées de beau temps chaud et ensoleillé augmenteraient les quantités de pollen libérées.
D'autres effets sont également à redouter, quant aux crises d'asthme et aux bronchiolites estivales liées à l'accroissement de la teneur de l'air en oxyde d'azote, en ozone et en autres polluants photochimiques qui produisent un brouillard photo-oxydant particulièrement irritant et toxique.
Immanquablement, il y aurait une répercussion directe de la qualité de l'air extérieur sur celui des locaux où les pics de pollution se trouvent généralement renforcés.
Deux ans plus tard, dans l'ouvrage cité, le Professeur Jean-Pierre BESANCENOT a précisé que les risques principaux que le réchauffement climatique ferait courir à la santé seraient le développement de maladies infectieuses et parasitaires comme le paludisme inoculé par la salive du moustique anophèle (50(*)) femelle.
Ces moustiques se reproduisent à proximité de l'eau (zones marécageuses, mares) vers 28 °C dans une ambiance humide.
D'où une possibilité d'extension de la zone d'endémie vers le nord et vers le sud.
Pourraient être concernés le nord du Sahel, le Maghreb, la Turquie, l'essentiel du Proche et du Moyen-Orient, l'Afrique du sud, les tierras Calientes du Yucatan et du Centre-Est mexicain, le Brésil méridional et le sud de la Chine.
En outre, la maladie pourrait gagner, du fait du réchauffement, des altitudes plus élevées que 1.400 m ou 1.600 m.
En France, les moustiques vecteurs sont présents mais le paludisme a disparu avec l'assainissement des terres humides et des marais. Des cas de paludisme importé sont toutefois constatés à proximité des aéroports.
Au-delà des maladies infectieuses et parasitaires, les changements climatiques pourraient entraîner une diminution de la surmortalité hivernale et une surmortalité estivale nettement accrue. La différence entre les deux évolutions opposées est imprévisible et sans doute liée à la rapidité avec laquelle interviendrait le réchauffement annoncé.
Toutefois, avec les auteurs les plus autorisés, votre Rapporteur tient à rappeler que beaucoup de données demeurent encore ignorées, que les conséquences des changements climatiques seront liées aussi à la multiplication des événements extrêmes et qu'elles toucheraient très différemment les divers milieux sociaux et culturels.
Doivent être aussi signalés, en plus des risques de recrudescence des rhinites et de l'asthme, notamment du fait de l'augmentation des quantités de pollen libérées dans l'air, une croissance des cas de lithiase urinaire, une élévation du taux de naissances prématurées et un renforcement du taux de mortalité périnatale, une multiplication des intoxications du fait d'une moins bonne conservation des aliments, des risques plus grands de contamination des systèmes de climatisation ou d'humidification (légionnelle, par exemple).
Dans le domaine de la santé, comme il l'a déjà mentionné dans d'autres domaines, dans le début du présent rapport, votre Rapporteur ne peut manquer de souligner que certains agissements de l'homme viennent considérablement renforcer les facteurs climatiques dans la réalisation des risques encourus.
Ainsi, est-ce la diminution de l'épaisseur de la couche d'ozone ou le comportement de plus en plus héliotropique des populations s'exposant inconsidérément au soleil qui se trouveront à l'origine de la multiplication des cas de cancers cutanés ?
Est-ce le vieillissement de la population ou le réchauffement qui entraîneront, l'été, au cours des vagues de chaleur, en particulier dans les grandes villes, la surmortalité des personnes âgées malades ?
Sont-ce les changements climatiques ou la pollution qui entraîneront la recrudescence des crises d'asthme ou des bronchiolites l'été lors des pics d'ozone ?
A propos des maladies à vecteurs, le Professeur François RODHAIN, de l'Institut Pasteur [ M.I.E.S. et ], a noté concernant les maladies à tiques (encéphalite, borreliose de Lyme, babébioses, fièvre boutonneuse, fièvre récurrente dite hispano-nord-africaine) que la borreliose de Lyme et les babébioses pourraient voir leur incidence clinique multipliée -en liaison avec les populations de mulots, de campagnols et de cervidés impliqués dans la maintenance des populations de tiques.
Dans une moindre mesure, l'encéphalite à tique pourrait gagner d'autres régions que l'Alsace et les Vosges, de même que la fièvre boutonneuse, connue des régions méridionales, pourrait remonter vers le nord.
A l'inverse, la fièvre récurrente hispano-nord-africaine ne devrait pas apparaître en France.
Quant aux maladies à moustiques, le virus West Nile (affections fébriles, rares encéphalites) importé épisodiquement en Camargue par les oiseaux migrateurs, pourrait se manifester plus fréquemment qu'aujourd'hui. De même pour le virus Tahyna (syndromes fébriles aigus).
Les chiens pourraient être touchés davantage qu'actuellement par les filaires (51(*)) dans les régions méditerranéennes.
Les arbovirus déclenchant des fièvres à phlébotomes (affections aiguës bénignes survenant en été), et déjà présents en Italie, seraient capables de gagner le sud de la France.
Des leishmanioses, affectant l'homme et les animaux, risqueraient de se multiplier dont la leishmaniose viscérale (mortelle si non traitée), déjà présente dans les Alpes-Maritimes autour de Marseille et dans les Cévennes, qui peut connaître des interactions très défavorables en cas de co-infection avec le virus du Sida.
La leishmaniose cutanée, présente dans la région méditerranéenne, plus bénigne, pourrait aussi s'étendre.
Les maladies à puces ne devraient pas gagner du terrain, ces insectes demeurant plutôt insensibles au climat. En fait, c'est plutôt l'évolution des populations de rongeurs, infectés éventuellement par les puces qui serait à surveiller.
Les maladies à poux se développant plutôt dans le froid ne seraient pas favorisées par le réchauffement climatique.
Plus préoccupant serait le cas, déjà évoqué, du paludisme, dont la forme grave (Plasmodium falciparum) est étroitement liée aux conditions climatiques.
En effet, le développement du parasite cesse si la température de l'organisme des moustiques descend au-dessous de 18° à 20°.
Pour le Professeur François RODHAIN, seule une introduction massive de parasites risquerait d'entraîner une reprise de la transmission à condition encore que les souches de Plasmodium introduites soient compatibles avec les anophèles présents en France, ce qu'il juge peu probable.
Enfin, cet éminent spécialiste souligne les dangers de l'introduction en France du moustique Aedes albopictus, vecteur de la dengue.
D'origine asiatique, ce moustique se répand dans le monde depuis une dizaine d'années. Il a gagné successivement les Etats-Unis d'Amérique, le Mexique, le Brésil, le Nigeria, le Pacifique sud et, depuis 1990, le nord de l'Italie ; quelques spécimens ont été récemment recueillis en France.
La dissémination d'Aedes albopictus est surtout liée aux moyens de transports.
Une autre espèce, Aedes aegypti, principal vecteur de la fièvre jaune et de la dengue, pourrait se réimplanter en France.
Enfin, une introduction de la peste équine, maladie virale frappant les équidés, en Europe du sud, via l'Afrique du nord et la péninsule ibérique, pourrait résulter d'un réchauffement climatique.
En effet, le diptère qui la véhicule (Culicoides imicola) est une espèce subtropicale dont la limite nord d'implantation pourrait atteindre le sud de la France.
. . .
TROISIÈME PARTIE : LA RÉFLEXION SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
Présentation de la troisième partie par le sénateur Marcel DENEUX
CHAPITRE PREMIER : LES DONNEES DE L'ANALYSE
I. LA COMPLEXITÉ DU PHÉNOMÈNE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Les deux premières parties du présent rapport ont tenté de montrer la complexité du phénomène du changement climatique.
Il est apparu que le climat est une donnée planétaire, variable, complexe, contrastée, méconnue et non maîtrisable par l'homme.
De plus, l'homme semble avoir joué, et joue encore, un rôle déterminant dans le réchauffement climatique en cours. Cela résulte des effets de multiples activités humaines liées aux aspects les plus quotidiens de la vie comme aux ressorts de la croissance économique mondiale.
Dans la mesure où les changements climatiques résultant du réchauffement auront de nombreux impacts dont la plupart ne peuvent déjà plus être évités - les gaz à effet de serre émis dans le passé résident dans l'atmosphère pendant une durée incompressible - l'homme n'a plus qu'à s'adapter, si cela est possible, et à envisager d'éviter, en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre, d'avoir un jour à constater que certaines adaptations aux changements climatiques excéderaient ses possibilités.
L'alerte ayant été donnée par la communauté scientifique, les préoccupations de celle-ci furent relayées par de nombreuses politiques nationales et internationales.
Mais, plus les études et négociations se multiplient, plus le caractère transversal de la question des changements climatiques frappe les divers intervenants.
C'est pourquoi l'Académie des sciences a envisagé, après avoir consacré déjà plusieurs rapports à l'effet de serre et à des thèmes connexes, de réunir les compétences de toutes les Académies de l'Institut, pour aborder l'ensemble des aspects des changements climatiques. M. Hubert CURIEN, Président de l'Académie des sciences, a annoncé publiquement cette orientation lors de la conférence-débat « Énergies et Climat », tenue le 23 avril 2001 à l'Institut de France.
Par ailleurs, le G.I.C.C. mène des travaux à moyen et long termes confiés à des spécialistes de plusieurs disciplines.
Enfin, au niveau international, tous les chercheurs impliqués dans les questions liées aux changements climatiques se connaissent et communiquent régulièrement entre eux, ne serait-ce qu'à l'occasion des réunions ou à travers les travaux du G.I.E.C.
II. LES LIMITES D'UNE RÉACTION DE L'HOMME
Si l'action humaine depuis cent cinquante ans a pu modifier la composition de l'atmosphère terrestre jusqu'à provoquer un réchauffement planétaire dont les conséquences peuvent être dommageables pour l'homme, suffit-il d'une nouvelle intervention humaine, en sens opposé, pour que les choses rentrent dans l'ordre ?
Cela conduit à poser la question de la réversibilité des modifications d'origine anthropique et de la volonté de l'homme à agir dans une direction différente de celle suivie spontanément par lui jusqu'ici et dont il a retiré beaucoup d'agréments.
A. L'HOMME PEUT RALENTIR MAIS NON ANNULER L'INTENSIFICATION DE L'EFFET DE SERRE DONT IL EST RESPONSABLE
L'intensification de l'effet de serre actuellement constatée résulte en grande partie de l'émission de gaz à effet de serre émis par l'homme il y a de nombreuses années.
Selon Pierre MOREL54(*), « L'humanité, sans s'en rendre compte, a déclenché une expérience géophysique sans précédent avec la planète Terre, le seul habitat connu dans l'Univers qui soit favorable à la vie. Il va de soi qu'une telle démarche est parfaitement irresponsable ».
Il suffit de se reporter aux temps de résidence dans l'atmosphère des différents gaz à effet de serre pour noter que, par exemple, des molécules de carbone émises vers 1880 peuvent encore être présentes aujourd'hui et agir sur le réchauffement actuel.
Il s'agit bien de carbone lié à la civilisation industrielle et même à la révolution industrielle dont les fondateurs présentent, en quelque sorte, aujourd'hui, une facture un peu inattendue aux générations qui leur ont succédé.
Mais, le coût élevé de ladite facture ne provient pas d'intérêts de retard mais du fait que les héritiers ont bien fait fructifier l'héritage dans le sens indiqué par leurs ancêtres : la révolution industrielle s'est muée en civilisation industrielle jusqu'à devenir le seul système de développement actuellement concevable dans le monde.
Malgré de très grandes disparités entre pays, seuls deux groupes d'États peuvent être distingués : les pays développés et ceux en voie de développement ; mais, le contenu même du développement n'a été remis en cause que récemment, et encore de manière plus apparente que réelle, à travers la notion de développement durable.
Celui-ci devra tenir compte du fait que les gaz à effet de serre, émis dans le passé récent, demeurent largement présents dans l'atmosphère et constituent comme un stock de gaz à effet de serre tandis que leur disparition graduelle et les nouvelles émissions constituent un flux.
La seule action sur le stock résulte du temps qui s'écoule alors que celle sur le flux peut, pour la part actuellement émise, dépendre d'une remise en cause des sources d'émission de gaz à effet de serre.
1. La disparition des gaz à effet de serre déjà émis est très lente
Comme il a été exposé plus haut les temps de résidence dans l'atmosphère des gaz à effet de serre sont très différents les uns des autres : certains y demeurent plusieurs dizaines d'années, d'autres plus d'une centaine et d'autres, enfin, plusieurs milliers d'années.
Or, les gaz les plus tenaces, comme les perfluorocarbures (PFC) ou les hexafluorocarbures (HFC), ont précisément été émis dans la période la plus récente sans compter que la liste de ces gaz n'est pas close, l'homme continuant à en inventer de nouveaux.
La lenteur de la dissipation du stock devrait, en toute logique, conduire à ralentir, voire à cesser en partie les flux et, en tout cas, à renoncer à les accroître.
Qu'en est-il exactement ?
2. Le rythme d'une remise en cause est lent
La prise de conscience du phénomène de l'intensification de l'effet de serre est assez récente dans le monde scientifique -même si des précurseurs comme FOURIER ou Svante ARRHENIUS avaient perçu le phénomène -et elle est seulement en train de s'effectuer au-delà de ce cercle.
Encore le grand public de la partie du monde où il est le plus question de ce phénomène n'est-il le plus souvent informé que par les médias, souvent alarmistes, tandis que les programmes scolaires n'ont pas toujours intégré, ou pas depuis très longtemps, les enseignements sur ces points.
Bien entendu, cette prise de conscience a été retardée par de puissants intérêts économiques et/ou politiques opposés à une remise en cause de l'émission sans frein de gaz à effet de serre.
Il suffit de citer à cet égard les réticences des États-Unis d'Amérique dont les lobbies industriels, notamment charbonnier et pétrolier entendent bien continuer à influer sur la politique suivie pour éviter toute remise en question du mode de vie américain très énergétivore.
Même si, par rapport au stock déjà émis, le flux actuel n'est pas prépondérant, il faut considérer que, dans la mesure où, pour l'effet de serre actuel, stock et flux s'additionnent, tout encouragement à la poursuite du volume présent d'émission de gaz à effet de serre, voire à son intensification, aggrave le problème posé et en compromet la résolution.
B. LA RÉDUCTION DE L'ÉMISSION DE GAZ À EFFET DE SERRE REMET EN CAUSE L'UNIQUE MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
Existe-t-il, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, une volonté de remise en cause du modèle actuel de développement économique ou un autre modèle à lui substituer ?
Dans les deux cas, comment s'adapter au changement climatique global qui risque de survenir ?
1. L'absence d'une volonté de remise en cause du modèle
L'alerte donnée par le monde scientifique fut entendue par les instances internationales, puis amplifiée par les travaux du GIEC (IPCC) ; le relais politique fut pris par l'organisation de Conférences internationales sur le thème même des changements climatiques et l'élaboration de programmes d'action nationaux.
Le réchauffement redouté ne pouvant être que planétaire, une réaction de niveau international apparaît adaptée mais, compte tenu de l'inégal niveau de développement des divers États du monde et de leurs attitudes très diverses face aux sources d'énergie, plusieurs groupes d'intérêts s'opposent.
Ils ont été renforcés par le fait que les pays les plus industrialisés ont émis dans l'atmosphère au cours de leur histoire récente les plus grandes quantités de gaz à effet de serre et apparaissent donc comme les responsables de l'évolution climatique actuelle.
Pour ceux-ci, l'émission de gaz à effet de serre n'est pas un aspect secondaire de leur prospérité économique mais, au contraire, une retombée des activités majeures sur lesquelles repose leur puissance et leur qualité de vie. En conséquence, ni la spontanéité d'une remise en cause, ni son ampleur, ni sa rapidité ne sauraient être au rendez-vous.
Les pays en voie de développement ne manquent pas d'en tirer argument pour différer leur engagement dans la réduction de l'émission des gaz à effet de serre. Les pays membres de l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) en profitent pour attiser les antagonismes. Ni la Chine ni l'Inde, dont le développement reposera essentiellement sur le charbon - compte tenu de l'importance de leurs réserves de ce minerai fort émetteur de dioxyde de carbone - ne comptent remettre en cause leur croissance au nom de la lutte contre l'intensification de l'effet de serre.
Ces inerties conjuguées, même ponctuées de pétitions de principe, de sommets internationaux ou d'engagements médiatisés de grandes entreprises conduisent à des demi-mesures.
Les engagements de réduction sont négociés pied à pied, remis à plus tard, limités dans le temps, calculés sur des références discutables, marchandés en contrepartie d'autres facilités et, au nom de la mise au point d'un système perfectionné, les actions les plus quotidiennes sont trop souvent différées.
De plus, pour nombre de pays, la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre ne peut venir s'inscrire qu'après bien d'autres priorités, souvent émettrices de tels gaz. Qu'il s'agisse de l'intensification de l'agriculture, de l'industrialisation, de conflit armé, de la lutte quotidienne contre les famines, les épidémies ou les catastrophes naturelles.
Votre Rapporteur, en a eu un aperçu en Israël, en mai 2000, où malgré l'existence d'équipes de haut niveau international menant des recherches poussées sur les changements climatiques et, notamment, leurs effets sur l'agriculture, des préoccupations tout à fait immédiates, liées à la sécurité nationale, constituent les vraies priorités.
2. Quel nouveau modèle de développement ?
A supposer que la priorité de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre soit retenue par les pays développés, elle le sera dans le cadre d'un développement durable.
De prime abord, ce concept peut rallier à peu près tous les suffrages, à condition souvent de ne pas recevoir de contenu trop explicite ; certains retenant surtout de cette expression le premier mot « développement », entendant par là que le développement tel que mené jusqu'alors doit se poursuivre et s'amplifier ; et, de plus, durablement ; d'autres percevant dans l'adjectif « durable » la remise en cause des excès du développement actuel, à savoir, l'épuisement des ressources naturelles, la pollution, les émissions incontrôlées de gaz à effet de serre...
L'équivoque de l'expression « développement durable » garantit son succès, y compris, voire surtout, dans les négociations internationales d'autant que, puisque le développement est proclamé durable, donc implicitement sans effets négatifs, il est consacré comme le modèle absolu à généraliser sur l'ensemble de la planète.
Cependant, au-delà du piège des mots, de réelles remises en cause, des efforts concrets et des réorientations ont déjà été effectués au nom du développement durable.
Ont bénéficié de ces efforts les énergies renouvelables, les économies d'énergie, l'attention portée à l'efficacité énergétique, la récupération de matériaux, le tri sélectif des déchets ou la récupération du méthane émis par les décharges, par exemple.
De nouvelles techniques agricoles sont préconisées, de nombreuses recherches menées en vue de s'adapter à des exigences différentes.
3. S'adapter au changement climatique global
Le changement climatique global qui risque d'intervenir devra être affronté en même temps que d'autres changements de vaste ampleur comme, par exemple, la croissance démographique et la généralisation des valeurs de la société de consommation, qui entraînent l'épuisement accéléré des gisements d'énergie fossile.
Ø La croissance démographique
A l'horizon de l'étude objet du présent rapport, soit 2100 pour la date la plus lointaine, la population mondiale pourrait être passée de 6 milliards environ en 2002 à près de 9, voire de 12 milliards.
Comme il a été indiqué plus haut, les changements climatiques envisagés sont très largement attribués au rôle de l'homme dans l'émission de gaz à effet de serre (agriculture, habitat, industrie, transports).
Jamais le monde n'a connu de croissance démographique si rapide ; elle va porter la population mondiale à un niveau inégalé.
Il est permis de douter que ce contexte soit très favorable à la remise en cause des modes de vie et des techniques actuelles, même si les estimations sur la croissance démographique sont affectées d'une large marge d'incertitude.
Qu'il s'agisse de nourrir les populations (entraînant les émissions de méthane du riz, celles d'azote des engrais ou celles de dioxyde de carbone de la production agricole qui exige une forte consommation de combustible fossile), de leur fournir de la chaleur et des biens (provoquant des émissions de dioxyde de carbone) ou de les transporter (suscitant d'autres émissions de CO2), la croissance de l'émission de gaz à effet de serre paraît devoir être importante, en progression constante, et quasi-inéluctable au cours de ce siècle.
Son simple maintien au niveau actuel relèverait déjà d'une politique extrêmement volontariste qui devrait être menée à l'échelle mondiale.
Ø La société de consommation
Deux affirmations reviennent régulièrement dans les rapports sur l'évolution de la société mondiale :
- il est impossible de refuser aux pays en voie de développement d'ambitionner d'accéder au même niveau de développement que les actuels pays développés- qui n'envisagent pas du tout eux-mêmes de stabiliser leur niveau de développement, d'où l'acceptation d'une spirale sans fin comprenant l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre ;
- la croissance illimitée des transports, et sensiblement du transport aérien, est une donnée de la société industrielle et non la résultante de certains choix à une étape de son développement.
Assez souvent, et de manière illogique, ces deux affirmations côtoient des engagements fermes de réorientation de la civilisation industrielle vers le développement durable.
Ces contradictions se retrouvent aussi bien au niveau individuel que chez les entreprises ou les États.
Ainsi, tel écologiste européen et, comme tel, amoureux de la nature, ne se déplacera qu'au moyen d'un véhicule tout terrain surpuissant et mal entretenu, muni d'un pare-buffle, et ne pensera pas à éteindre la lumière en quittant un local ou à arrêter un appareil électrique après utilisation.
Telle firme automobile engagera, à grand spectacle, un budget de lutte contre l'effet de serre - n'excédant toutefois pas le coût d'une petite campagne publicitaire - à travers une action concrète contre la déforestation en Amérique du Sud, tout en se lançant, plus discrètement, à la conquête du marché automobile chinois grâce à un véhicule mi-utilitaire mi-tourisme.
Tel État fera de la lutte contre l'effet de serre, ou, plus prudemment contre son intensification, une priorité nationale mais accélèrera la réalisation d'un nouvel et gigantesque aéroport international supplémentaire.
A ce stade, les objectifs de la société de consommation ne semblent guère compatibles avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans ces conditions, est-il possible de simplement s'adapter aux changements climatiques ?
Ø Les changements climatiques
La maîtrise des gaz à effet de serre générés par les activités humaines se trouve en opposition avec les tendances découlant de la croissance démographique comme de la société de consommation fondée sur la croissance économique.
Cependant, des actions ont déjà été entreprises permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre des divers secteurs de la société.
Il s'agit, par exemple, pour l'agriculture, de repenser les techniques d'irrigation et de culture, pour la sylviculture, du reboisement et de l'exploitation méthodique mais raisonnée des forêts.
Pour l'industrie, c'est la poursuite des efforts considérables de réduction des émissions déjà accomplis dans les techniques de production comme dans les produits réalisés.
Pour les transports, l'amélioration spectaculaire des techniques de combustion pour les moteurs d'automobiles ou d'avions a atteint des performances inimaginables il y a encore quelques années, mais elle n'annule ni les émissions liées à la croissance des parcs d'automobiles ou d'avions, ni les émissions particulièrement polluantes de la partie ancienne des parcs.
Pour l'habitat, l'isolation, les exigences nouvelles de la réglementation thermique, la cogénération (électricité + chaleur), le chauffage au bois ont été à l'origine d'une moindre émission de gaz à effet de serre.
Pour la production d'énergie, la technique de la cogénération, les énergies renouvelables, la recherche d'une meilleure efficacité énergétique et le nucléaire ont diminué en partie le renforcement de l'effet de serre.
*
A ce stade, quelle que soit la capacité, non négligeable, de l'homme à maîtriser l'émission de gaz à effet de serre, il semblerait qu'une telle volonté, si elle existe, doive se manifester très rapidement, à contre-courant des habitudes prises, des ressorts mêmes du développement industriel et en dépit d'une croissance démographique inégalée.
Faute de quoi, non seulement les effets redoutés des changements climatiques surviendraient, mais ils seraient amplifiés par la prolongation, voire par l'accélération, de la tendance antérieure.
D'où la nécessité, pour affronter ces difficultés, d'examiner les données de l'analyse actuelle des changements climatiques puis d'en mesurer les limites avant d'envisager des solutions.
III. LA MULTIPLICITÉ ET LA VARIÉTÉ DES ANALYSES
Si la référence scientifique au GIEC est incontournable, d'autres synthèses incluant les aspects politiques et économiques doivent être consultées.
A. LE GROUPE INTERGOUVERNEMENTAL D'EXPERTS SUR L'ÉVOLUTION DU CLIMAT (G.I.E.C.)
L'organisation météorologique mondiale et le programme des Nations-Unies pour l'environnement ont créé, en 1988, l'« Intergovernmental Panel on Climate Change » (IPCC) ou, en français « Groupe Intergouver-nemental d'experts sur l'Évolution du Climat » (GIEC). Ce groupe a élaboré un état de la connaissance, sous tous ses aspects, des changements climatiques, y compris les causes humaines de ceux-ci, et leurs impacts sur l'activité humaine ; il a rendu compte des résultats de cette étude dans trois rapports parus en 1990, 1996 et 2001.
Le GIEC recense à la fois les connaissances, mais aussi les incertitudes ou les lacunes dans la connaissance du système climatique. Il regroupe des centaines de chercheurs du monde entier -voire plus d'un millier avec tous ceux contribuant aux relectures- qui, à travers des procédures méticuleuses de regroupement des données, de rédactions et de relectures contradictoires, aboutissent à une opinion consensuelle.
Le premier rapport, paru en 1990, a rappelé que l'effet de serre est un phénomène naturel sur la Terre, mais que l'émission de gaz à effet de serre a largement augmenté au cours du dernier siècle et demi du fait des activités humaines. Ce qui se traduit par une augmentation de la température à la surface de la planète.
Les experts ont relevé qu'au cours du XXème siècle, le réchauffement moyen à la surface de la Terre avait approché 0,5°.
Dans le rapport paru en 1996, les experts ont estimé que la croissance des émissions de gaz à effet de serre nécessite de diminuer celles-ci de manière significative pour stabiliser leur concentration dans l'atmosphère, les années les plus récentes ayant été les plus chaudes depuis 1860.
Pour autant, les experts qui ont désormais inclus dans leurs études les rôles particuliers des aérosols sulfatés et de l'ozone stratosphérique, constataient qu'il demeurait difficile de quantifier l'influence de l'homme sur le climat. La difficulté consistant toujours à distinguer le/ou les signaux climatiques propres à l'homme parmi le bruit de fond de la variabilité naturelle, et, ce, d'autant plus que nombre de facteurs-clé sont affectés d'un coefficient important d'incertitudes. Pour autant, les experts concluaient qu'une influence humaine sur le changement global était discernable.
Dans leur troisième rapport, paru en octobre 2001, les experts ont poussé plus loin l'analyse des climats du passé, des causes du changement climatique, des réponses que le climat pouvait apporter aux facteurs renforçant l'effet de serre, des causes de l'influence de l'homme sur ces phénomènes, et se sont interrogés sur le possible climat du futur.
Ces experts ont nettement affirmé que le climat sur Terre est en train de changer, et, naturellement, ils ont développé des analyses approfondies sur les causes de ce changement. Ils ont constaté que la température à la surface de la Terre avait augmenté de 0,6°, plus ou moins 0,2°, depuis le XIXème siècle ; les années 1990 ayant constitué la décennie la plus chaude, et 1998 l'année la plus chaude depuis la mise en oeuvre des relevés de mesures en 1861. Ils ont distingué deux périodes de réchauffement important : de 1910 à 1945, et de 1976 à 1999, ces deux périodes de réchauffement ayant surtout concerné l'hémisphère nord, de même que la période de refroidissement 1946-1975 s'est fait également sentir dans cet hémisphère, tandis que l'hémisphère sud se réchauffait.
Les experts du G.I.E.C. ont aussi constaté que les minima de température avaient augmenté deux fois plus vite que les maxima (0,2 degré contre 0,1 par décennie). Ils ont noté également que la troposphère et la surface de la Terre se sont réchauffées tandis que la stratosphère s'est rafraîchie.
Ils ont surtout considéré comme évident que l'ampleur et la durée du réchauffement au cours du XXème siècle ont été plus importantes que dans n'importe quelle période au cours des mille dernières années. Concernant les climats du passé récent, une période chaude a englobé l'optimum climatique médiéval, soit du XIème au XIVème siècle, et une période froide comprenant le Petit âge glaciaire, s'est étendue du XVème au XIXème siècle dans l'hémisphère nord. Malgré l'existence de ce refroidissement récent, les experts ont estimé que le réchauffement survenu dans l'hémisphère nord au cours du XXème siècle ne pouvait pas simplement être considéré comme un rattrapage du refroidissement antérieur.
Même si ces experts ont également relevé que des changements importants de température, c'est-à-dire d'une ampleur de 5 ° à 10 °, étaient parfois intervenus en quelques décennies, notamment durant le dernier âge glaciaire et la dernière période interglaciaire, c'est-à-dire entre 100.000 ans et 10.000 ans avant la période actuelle, dans l'hémisphère nord, il s'agissait là de changements causés par la variabilité naturelle du climat.
Ces experts ont considéré par ailleurs que les changements climatiques se sont déjà vivement fait sentir à travers les précipitations qui ont continué à augmenter aux latitudes moyennes et hautes de l'hémisphère nord, sauf en Asie de l'est, entraînant l'augmentation de la vapeur d'eau atmosphérique de quelques pour-cent par décennie sur plusieurs régions de l'hémisphère. Cela a même entraîné l'augmentation d'environ 10 % par décennie de la vapeur d'eau dans la basse stratosphère.
Ces phénomènes ont provoqué une augmentation de la couverture nuageuse d'environ 2 % depuis le début du XXème siècle, ce qui correspond bien à certaines diminutions de la température diurne, et explique que le réchauffement constaté soit plus faible le jour que la nuit.
De ces phénomènes, ont découlé aussi le recul des surfaces enneigées et de celles des glaciers. Depuis la fin des années 1960, la surface enneigée a diminué d'environ 10 % tandis que les glaciers alpins et continentaux se retirent même si certaines exceptions régionales montrent des glaciers en progression.
De même, au cours des 100 ou 150 dernières années, la période de gel des lacs et des rivière a diminué d'environ deux semaines par an aux latitudes élevées de l'hémisphère nord.
Un retrait de la glace de mer est aussi observé dans l'Arctique, accompagné d'une diminution de l'épaisseur de la glace d'environ 40 % l'été, notamment au cours des années 1958 et 1976 ; ce retrait est surtout sensible au printemps et durant l'été, et même très légèrement en hiver, dans une proportion de 10 à 15 % depuis les années 1950, alors qu'aucun phénomène de ce type n'est apparu dans l'Antarctique ; une légère augmentation de la glace de mer a même pu y être relevée.
B. LES AVIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL SUR L'EFFET DE SERRE
Votre Rapporteur a tenu à faire figurer sur le Cd-rom, parmi les documents connexes au présent rapport, l'avis du Conseil économique et social rendu en octobre 2000, présenté par M. Jean GONNARD, rapporteur, et Mme Frédérique RASTOLL, rapporteur pour avis, et intitulé « Le suivi de l'effet de serre » .
Cet excellent document fait suite à l'avis du Conseil économique et social présenté en octobre 1997 par M. Jean-Pierre CLAPIN, à la veille de la Conférence de Kyoto qui allait se conclure par l'adoption du protocole du même nom.
Cet avis intitulé « Effet de serre et prospective industrielle française » avait alors pour but d'attirer l'attention de la délégation française sur « les enjeux et les risques économiques, sociaux et environnementaux » de la négociation de Kyoto.
1. Les bases de négociation du protocole de Kyoto
Confié à la section des activités productives de la recherche et de la technologie, cet avis avait considéré que la question de fond portait sur la corrélation entre croissance, emploi et environnement.
Le Conseil économique et social avait alors préconisé d'appliquer au phénomène de l'intensification de l'effet de serre le principe de précaution, estimant que les dangers de l'évolution en cours étaient suffisamment étayés scientifiquement.
A l'époque, l'objectif avancé par l'Union européenne était de parvenir à une réduction de 15 % de ses émissions de CO2 à l'horizon 2010, ce qui représentait une baisse des émissions mondiales de l'ordre de 2 % (l'Union européenne participant alors pour 16 % aux émissions mondiales).
Mais, assez rapidement, la Commission européenne avait constaté que la proposition initiale du Conseil, à savoir la dite réduction de 15 % à l'horizon 2010 des émissions de CO2 , CH4 et N2O, par rapport à l'année de référence 1990, ne pouvait être maintenue, en dépit des programmes nationaux mis en place.
A l'inverse, elle estimait qu'il y aurait augmentation de l'émission de CO2 de 8 %, par rapport à 1990, tandis que l'OCDE pronostiquait 15 ou 20 %. Par conséquent, entre les objectifs fixés et ces prévisions, s'était creusé un écart de 20 à 35 %, qui illustrait assez ce qui sépare, dans le domaine de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, une attitude volontariste de la réalité.
Par ailleurs, il avait été envisagé que l'Union européenne arrive à la négociation de Kyoto en donnant l'exemple d'engagements volontaires de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre par rapport aux pays en voie de développement, sans pour autant aller jusqu'à se fixer des objectifs irréalistes.
De plus, dans ce schéma, l'Union européenne ne devait pas être le seul ensemble de pays développés à effectuer un effort.
Pour situer le débat, l'avis du Conseil économique et social avait rappelé que, parmi les membres de l'OCDE, la France était un des pays qui émettait le moins de CO2 par habitant, seuls le Portugal, la Suisse et la Turquie émettant moins par habitant.
Par comparaison, il rappelait qu'un ressortissant de la RFA émettait en moyenne 2,9 tonnes de carbone par an, soit 10,8 tonnes de CO2, un Français 1,7 tonne de carbone, soit 6,1 tonnes de CO2, alors qu'un citoyen des États-Unis d'Amérique émettait 5,5 tonnes de carbone par an, soit près de 20 tonnes de CO2 ; ces chiffres étant de 2,5 tonnes de carbone et de près de 9 tonnes de CO2 pour un Japonais.
De plus, l'avis insistait beaucoup sur la prise en considération des efforts notables accomplis par la France au cours des années 1980 où la diminution du taux national d'émission de CO2 a représenté 26,5 %. D'où une préconisation consistant à refuser des objectifs contraignants uniformes calculés à partir de la base des émissions de l'année 1990, le Conseil économique et social jugeant de tels objectifs « inéquitables, inefficaces et incompatibles avec le mandat de Berlin » (55(*)).
Il rappelait aussi que toutes les formes de subventions encourageant les activités fortement émettrices de CO2 devraient être supprimées et qu'il était souhaitable d'instaurer une taxation progressive sur le CO2.
Par ailleurs, l'avis relevait que la France ayant choisi de tirer son électricité essentiellement de l'énergie nucléaire (environ 75 % de la production totale d'énergie primaire en 1996), procédé qui n'émet pas de gaz à effet de serre, cela rendait bien plus difficile pour la France de réaliser une diminution des émissions dans d'autres secteurs.
A l'inverse, il était relevé que l'Allemagne n'aurait pas trop de difficultés pour atteindre des objectifs de réduction, même bien plus élevés, compte tenu de la récente unification allemande, qui devait conduire à moderniser des installations obsolètes de l'ancienne Allemagne de l'Est tout en les voyant comptabilisées comme des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Hors de l'Union européenne, le Japon se trouve dans un cas analogue à celui de la France, tandis que les États-Unis d'Amérique sont, comme l'Allemagne, favorisés puisqu'ils n'ont pas hésité, pendant toute la période antérieure à 1990, à avoir recours à des sources d'énergie fortement émettrices de gaz à effet de serre.
Le Conseil économique et social mentionnait que certains experts estimaient qu'il serait beaucoup plus aisé, pour la RFA, de réduire ses émissions de CO2 de 25 % (grâce à la fermeture de centrales thermiques au lignite) que pour la France de respecter le 0 %.
En dépit du fait que cet avis date de 1997, votre Rapporteur partage totalement les réserves ci-dessus exprimées, qui demeurent très actuelles, et estime en conséquence que les bases mêmes du protocole de Kyoto sont défavorables aux intérêts de la France.
De plus, compte tenu du fait que les bons résultats français figent la base de départ en incorporant les effets positifs résultant directement du nucléaire, l'application du protocole de Kyoto conduira la France, vers les années 2010-2020, à ne pouvoir effectuer d'autre choix que la continuation de son option nucléaire en renouvelant le parc de production des centrales arrivées à obsolescence.
Cette conséquence est assez paradoxale au moment où la poursuite de l'option nucléaire est presque considérée comme un tabou en Europe et même aux États-Unis d'Amérique, et où l'Allemagne affiche des objectifs de sortie du nucléaire dont il n'est pas possible de concevoir leur bonne articulation avec le protocole de Kyoto.
2. Les instruments de flexibilité du protocole
Le Conseil économique et social s'était également exprimé sur les instruments fiscaux et sur les instruments de flexibilité du protocole de Kyoto (permis négociables, accords volontaires et applications conjointes).
Quant aux instruments fiscaux, il avait noté que face à la proposition de la Commission européenne faite en 1990, une nouvelle taxe CO2-énergie devait être fixée à un niveau suffisamment élevé pour influer sur la tendance de la consommation et que cette taxe n'était concevable qu'au niveau international.
A propos des permis négociables initialement proposés par les États-Unis d'Amérique, l'avis avait souligné que cela revenait à autoriser les pollueurs à polluer moyennant paiement et que les pays riches pourraient continuer à polluer en achetant des droits aux pays en développement.
Cependant, l'avis atténuait cette affirmation en précisant : « Dès lors que l'on est bien persuadé que l'effet de serre est un phénomène intéressant le devenir de la planète, il serait illusoire de se priver d'un instrument autorisant la réduction des émissions les plus importantes au meilleur coût et qui peut permettre des sauts technologiques intéressants pour certains pays ».
Surtout, l'avis insistait sur la difficulté d'établir des règles d'allocation initiale des permis négociables quelle que soit l'échelle à laquelle ce système serait appliqué.
En effet, il était observé que le mode d'allocation initial ne pourrait manquer d'engendrer des effets de redistribution entre pays ou zones et entre secteurs économiques à l'intérieur d'un pays ou d'une zone.
Dans l'hypothèse d'une allocation initiale gratuite, les permis alloués seraient calculés sur la période passée sans forcément prendre en compte les efforts effectués au cours de cette période. En revanche, d`autres critères ont été proposés, liés à la population ou au produit intérieur brut.
Par ailleurs, les modalités pratiques de fonctionnement ne manqueraient pas de soulever des problèmes. Par exemple, l'identité des opérateurs (États ou entreprises ?), les possibilités d'échanges, l'ouverture du système à des États non liés par des objectifs quantitatifs, le fait que le CO2 ne soit pas le seul gaz à effet de serre...
Aujourd'hui, alors qu'il est proposé au Parlement français de se prononcer sur la ratification par la Communauté européenne du protocole de Kyoto, et également d'approuver un texte européen sur les quotas d'émissions, ces interrogations gardent toute leur portée. En effet, les solutions proposées par ces textes ne semblent pas avoir été élaborées sur la base de réponses apportées aux questions énoncées ci-dessus.
A propos des applications conjointes, l'avis avait observé que l'OCDE prévoyait, pour la période au-delà de 2050, des émissions en forte augmentation pour la Chine et l'Inde, qui concentreraient, à elles deux, plus de 40 % des émissions de CO2 mondiales contre 26 % pour l'ensemble des pays de l'OCDE.
Dans ce cadre, des dépenses de réduction des émissions de gaz à effet de serre, bien inférieures à celles consenties en Europe, pourraient avoir lieu sur des installations obsolètes de ces pays.
Demeure la question de savoir à qui profiteraient les gains réalisés : à l'État investisseur ? à l'État bénéficiant des investissements ? ou aux deux ? et alors, selon quelles clés de répartition ?
3. Le contexte énergétique général
L'avis avait également souligné à quel point l'accroissement démographique jouerait sur les émissions futures de gaz à effet de serre, notamment parce que, au cours du siècle, l'essentiel de la population mondiale sera devenu urbain et que, indépendamment du degré de développement, l'urbanisation consomme davantage d'énergie et de manière plus diversifiée que celle requise par la population rurale.
Par ailleurs, le Conseil économique et social notait, en citant le G.I.E.C., que si, par exemple, le charbon était remplacé par le gaz, une nouvelle répartition géographique des taux de dépendance énergétique apparaîtrait, et que le stockage de CO2, notamment dans les océans, risquait de poser de « redoutables problèmes environnementaux ».
De plus, le GIEC, comme la Commission européenne, considéraient avec faveur la préférence accordée aux sources d'énergies renouvelables tandis que le nucléaire n'était évoqué que pour mémoire dans la communication de la Commission.
Par ailleurs, déjà en 1997, l'avis rappelait que le G.I.E.C. considérait que les émissions de CO2 dues aux transports augmenteraient fortement d'ici à 2050 (parc automobile, transport aérien, lequel était supposé multiplier par 10, en 2050 par rapport à 1990, ses émissions de CO2).
En conclusion, le Conseil économique et social souhaitait la fixation d'un plafond à terme pour les émissions de CO2 exprimées en tonnes de CO2 par habitant et, parallèlement, la révision du choix de l'année 1990 comme année de référence.
Il avait surtout noté que l'Union européenne avait placé la France devant le dilemme suivant : ou contraindre sa croissance économique, jusqu'à des limites socialement insupportables, ou encore, être amenée à un choix obligatoire d'une politique énergétique ou, enfin, ne pas respecter un engagement international. Il avait insisté sur l'imprudence de débattre de moyens à mettre en oeuvre si les objectifs n'avaient pas été précisément définis.
Quatre années plus tard, votre Rapporteur ne peut que souligner la pertinence de cette analyse et déplorer que de nouvelles étapes aient été franchies sans que les préalables, évoqués pourtant sans détours, n'aient été levés.
Par la suite, au cours des négociations, s'est réalisée la crainte évoquée par le Conseil économique et social, à savoir une position de l'Union européenne se présentant de plus en plus comme un engagement unilatéral à valeur exemplaire et non comme une base de négociation.
En 1997, le Groupe des entreprises privées, dans sa déclaration sur l'avis, avait beaucoup insisté sur l'incertitude scientifique qui dominait le débat sur l'effet de serre, mettant en doute le principe de précaution. Sur ce point, la position des entreprises privées a évolué depuis, compte tenu des nouveaux éléments apportés par la communauté scientifique.
Quant au Groupe des entreprises publiques, il avait critiqué très directement les propositions de la Commission européenne, les qualifiant même de pièges et les taxant d'être « favorables aux grands pollueurs consommateurs de charbon » (Grande-Bretagne et Allemagne en Europe) et tout à fait « insupportables » pour les pays « propres » (France, Suède et Belgique), ces propositions revenant, selon ce Groupe, à « faire subventionner par la France la conversion au gaz des grands pays charbonniers ».
Dans son avis rendu en 2000 sur « Le suivi de l'effet de serre » , le Conseil économique et social a actualisé et élargi son analyse.
IV. L'ACCAPAREMENT DU PROBLÈME PAR DES PENSEURS SPÉCIALISÉS
A. LES CLIMATOLOGUES
Pour mener les conférences internationales actuelles sur l'application du protocole de Kyoto, tout le monde se repose sur les travaux du GIEC (ou IPCC). Il est donc intéressant d'étudier le mécanisme d'élaboration des rapports de ce groupe d'experts en rappelant que ces documents regroupent les travaux de plus d'une centaine d'auteurs principaux travaillant eux-mêmes à partir des textes de plus de 500 contributeurs divers, qu'une vingtaine de correcteurs reprennent ce travail à partir des observations de près de 700 relecteurs et que la somme de cette publication dépasse les 2.500 pages. D'où la nécessité de présenter une version plus accessible de cet énorme travail sous la forme d'un résumé pour les décideurs politiques appelé SPM (summary for policy makers) .
Il est donc évident que le passage du premier document, le rapport, au second, le résumé, doit être entouré de garanties réelles. Près de 50 auteurs contribuent à l'élaboration de ces résumés, mais à ce stade, les scientifiques qui ont collaboré au rapport de base et les organisations non gouvernementales sont seulement consultés.
Le choix de la rédaction finale dépend ensuite de 400 délégués des pays participants qui possèdent, ou non, une compétence sur les disciplines scientifiques traitées. Chaque mot du résumé doit être approuvé à l'unanimité, les discussions étant d'ailleurs menées simultanément en cinq langues.
A cette étape, les représentants des gouvernements poursuivent des buts fondés sur des objectifs politiques plutôt que sur le contenu scientifique du rapport initial et ce point a été naturellement critiqué de nombreuses fois au cours des années passées. C'est pourquoi, il semblerait souhaitable qu'à l'avenir soient clairement mentionnées, au sein du résumé pour les décideurs, les opinions divergentes et qu'à tout le moins, il soit clairement indiqué que les résumés pour les décideurs n'émanent pas uniquement du travail des scientifiques, même si les principaux rapporteurs sont présents et s'ils peuvent faire entendre leurs observations qui sont prises en compte par les représentants des gouvernements. Certains ont suggéré de soumettre le texte final du résumé à l'assemblée plénière des rédacteurs du rapport de base. Sinon, fatalement, les rédacteurs de ce résumé risquent de ne prendre dans le rapport de base que les faits propres à étayer leurs convictions initiales. En outre, les nombreuses réserves de méthode ou de fond exprimées au long du rapport et qui sont essentielles compte tenu de la complexité du sujet sont gommées dans le résumé.
En lisant les travaux du GIEC, l'ensemble des observations ci-dessus doit demeurer présent à l'esprit sans pour autant conduire à dénier toute valeur au résumé pour les décideurs. A cet égard, le travail mené par l'Académie nationale des sciences des États-Unis d'Amérique en 2001, pour apprécier si le résumé pour les décideurs reflétait bien le rapport de base, a abouti à considérer que le résumé était bien cohérent avec le corps du rapport, mais que, toutefois, le résumé pourrait être enrichi par l'explication précise de la portée des lacunes ou incertitudes à partir desquelles les conclusions du rapport ont été élaborées.
Ces observations rejoignent celles développées par M. Philippe ROQUEPLO lors de son audition devant votre Rapporteur.
De plus, il est vraisemblable que beaucoup de scientifiques spécialistes du climat brossent un tableau un peu trop négatif de la réalité estimant probablement que, sans cela, les politiques ne se mettraient pas en action. Cette remarque est également valable pour l'opinion publique en général qui risquerait de ne pas s'intéresser assez à cette question si elle avait en mémoire l'ensemble des incertitudes qui sous-tend les conclusions présentées.
Enfin, d'autres voix critiques se sont élevées pour observer que le colossal effort de synthèse des opinions scientifiques des chercheurs du monde entier que représentent les rapports du GIEC aurait mérité d'être mené également au sujet de la déforestation ou du risque de pénurie d'eau potable, ou encore de la pollution des océans ou des modifications génétiques.
Une partie de ces critiques a été présentée par la revue « Nature »56(*), sous le titre « consensus science or consensus politics », un consensus de la science ou des consensus politiques.
Dans le rapport du GIEC paru en octobre 2001, est rappelée la méthodologie utilisée par le groupe de chercheurs internationaux travaillant sous l'égide de l'ONU pour essayer d'établir des simulations du climat du futur.
Il y est souligné que la complexité des processus en oeuvre dans le système climatique interdit de se livrer simplement à l'extrapolation du passé ou de statistiques pour en tirer des projections. Même si un modèle climatique ne peut être qu'une simplification mathématique représentant le climat de la Terre, l'élaboration de tout modèle exige une connaissance approfondie des mécanismes physiques, géophysiques, chimiques et biologiques qui gouvernent le système climatique.
Les équations mathématiques utilisées couvrent trois dimensions du globe. Elles s'efforcent de traduire aussi bien l'atmosphère que l'océan, la surface des continents, la cryosphère -ou le système de l'eau- et la biosphère. Pour cela, le bloc terrestre et son atmosphère sont divisés en compartiments, en général de 250 kilomètres de long et d'environ 1 kilomètre de hauteur, mais d'autres résolutions plus fines ou plus larges sont parfois également retenues.
Les évolutions physiques qui ont lieu dans ces espaces sont simplifiées selon la technique connue sous le nom de paramétrisation.
Ensuite, les différents modèles concernant soit l'atmosphère, soit les océans, soit d'autres éléments sont développés séparément ou couplés entre eux.
Cependant le GIEC relève que beaucoup d'aspects du climat de la Terre sont chaotiques, ce qui signifie qu'à un moment donné, un système peut être très sensible à de petites perturbations de l'équilibre initial, et cela rend très difficile toute prévision relative à l'évolution dudit système.
Pour établir la réalité de l'influence de l'homme sur le changement climatique, les chercheurs du GIEC se sont intéressés non seulement aux températures des mille dernières années, mais aussi à l'analyse détaillée des changements de température au cours des quelques dernières centaines d'années en se demandant si la prolongation des paléotempératures relevées pouvait expliquer les observations les plus récentes. Il est résulté de ces travaux que les récents changements ne peuvent s'expliquer par une simple variation interne des données climatiques mais que celle-ci a été amplifiée par un autre facteur, qui l'avait probablement multipliée par deux, voire davantage.
Ces résultats s'appuient notamment sur trois différents modèles climatiques (HadleyCentre, au Royaume-Uni, Geophysical Fluid Dynamics Laboratory, aux États-Unis d'Amérique et Hambourg). Par ailleurs, les forçages radiatifs naturels observés sur le dernier demi-siècle ne permettent pas davantage d'expliquer le récent réchauffement climatique observé dans la mesure où le forçage radiatif naturel résultant du soleil ou de l'activité volcanique a été négatif au cours des deux, voire des quatre dernières décennies.
Les chercheurs du GIEC en sont venus à la conclusion que, sans le forçage radiatif anthropique, il est impossible d'expliquer les évolutions des trente dernières années et que, même si les incertitudes demeurent sur les signaux climatiques d'un réchauffement, il apparaît évident que la part de l'homme est importante dans celui-ci.
Dans leur recherche, les membres du GIEC prennent grand soin d'obtenir les mesures les plus fiables et intègrent le fait que plusieurs décennies de données sont indispensables pour distinguer entre les signaux d'un réchauffement artificiel et les manifestations d'une variabilité climatique naturelle. Ils soulignent aussi qu'actuellement, il n'est pas possible de faire une telle distinction sur une échelle spatiale inférieure à 5.000 kilomètres, la difficulté étant de simuler la variabilité naturelle de manière crédible avec les modèles climatiques sur des échelles de quelques centaines de kilomètres.
Ces observations résultent de l'emploi de modèles de plus en plus perfectionnés prenant par exemple en compte à la fois les gaz à effet de serre et les aérosols soufrés.
Or, il apparaît que plus les causes de réchauffement dues à l'homme sont prises en compte, plus les simulations des modèles cadrent avec la réalité des observations.
Par ailleurs, la prise en compte des aérosols soufrés est indispensable dans la mesure où le forçage provenant de ces aérosols peut aboutir à un refroidissement et donc limiter la constatation de l'ampleur du réchauffement mais, contrairement aux travaux effectués il y a encore quelques années, l'importance du signal d'un réchauffement de l'atmosphère dû à l'homme apparaît maintenant d'une ampleur telle que son existence devient indubitable, résultant bien davantage qu'auparavant des observations.
Le GIEC insiste sur les incertitudes qui demeurent, par exemple dans l'effet du réchauffement provenant du Soleil comme de l'activité volcanique, notamment parce que les données sur ces phénomènes n'ont pas plus de deux décennies d'existence. Le GIEC relève également les incertitudes relatives aux aérosols et au changement dans l'usage des terres, beaucoup de ces effets n'ayant pas été pris en compte dans les études menées, mais il est vraisemblable que l'influence de ces facteurs est plus locale que globale.
Enfin, le GIEC ne passe pas sous silence les réponses différentes résultant de l'emploi de tel ou tel modèle ; il note qu'il reste nécessaire de quantifier et de réduire ces différences en obtenant de meilleures données d'observation et de meilleures techniques de fabrication des modèles.
Mais, au total, le GIEC considère que l'essentiel du réchauffement observé au cours des cinquante dernières années résulte, sans ambiguïté, de l'augmentation de la concentration des gaz à effet de serre.
Avant le rapport d'octobre 2001, le GIEC avait lancé, en 1996, la rédaction d'un rapport spécial sur les différents scenarii d'émission de gaz à effet de serre, approuvé en mars 2000. Quarante scenarii ont été comparés qui incluaient, outre les données climatiques, les principales données démographiques, économiques et technologiques.
Certains scenarii décrivaient un monde en croissance très rapide et assez homogène, d'autres un monde très hétérogène ; d'autres modèles encore représentaient un monde aboutissant à des solutions convergentes en matière économique, sociale ou de développement durable ; d'autres enfin, retraçaient des solutions locales, un développement économique de niveau intermédiaire et des solutions de protection environnementale et d'équité sociale équilibrées.
Là encore, le GIEC insistait sur les incertitudes assez larges entourant chaque scénario (celles-ci allaient de moins de 10 % à plus de 30 %) et concluait à une concentration de gaz carbonique dans l'atmosphère oscillant entre 490 ppmv et 1260 ppmv, c'est-à-dire entre 115 % et 350 % d'augmentation au-delà du seuil constaté en 1750.
Ces modèles poursuivaient la projection des émissions de gaz à effet de serre mais aussi de gaz à effet de serre indirect (NOx, CO, COV), mais ils notaient surtout que l'émission de gaz à effet de serre envisagée risquait de détériorer l'ensemble de l'environnement plus vite que ne l'aurait fait le changement de climat, ce qui n'est certes pas une conclusion réconfortante, mais vient renforcer la nécessité de resituer l'étude du changement climatique dans le contexte le plus général et le plus interdisciplinaire possible.
Cette étude du GIEC montrait aussi que la part du CO2 dans le total des émissions de gaz à effet de serre risquait de continuer à augmenter en passant de la moitié aux trois-quarts des émissions totales. Aucune estimation n'était avancée quant aux effets locaux du futur réchauffement.
B. LES AUTRES CHERCHEURS
Parallèlement aux travaux du GIEC, les chercheurs mènent de très nombreuses études dont ils alimentent, le cas échéant, les sessions internationales
Un rappel de quelques aspects de l'état de la recherche en France sur les changements climatiques conduit à insister sur le caractère pluridisciplinaire des champs d'investigation.
1. Les sciences physiques
Le programme national d'étude de la dynamique du climat (PNEDC) regroupe le CEA, le CEMAGREF, le CNES, l'IFREMER, l'IFRTP, l'INSU, le ministère de la Recherche, Météo France, le ministère de l'environnement et l'IRD.
Il étudie à la fois l'atmosphère, l'océan, la cryosphère et la biosphère.
2. L'adaptation aux changements climatiques
Les recherches sur ce thème sont essentiellement effectuées dans le cadre du programme G.I.C.C. du ministère de l'Aménagement du territoire et de l'environnement (M.A.T.E.) sous la présidence de M. Jean-Claude ANDRÉ .
Ce programme regroupe des équipes de sciences dures et de sciences humaines et travaille sur trois horizons : 2010, 2030 et 2100.
Votre Rapporteur relève à cet égard qu'il ne connaissait pas encore les objectifs du G.I.C.C. lorsque, à l'occasion de l'étude de faisabilité du présent rapport, il a envisagé les trois horizons 2025, 2050 et 2100 ; il se réjouit donc d'une analogie certaine des approches respectives.
3. La technologie
Dans ce domaine, l'ADEME conduit sept actions :
- réduction du contenu carbone de l'énergie,
- amélioration de l'efficacité énergétique et maîtrise de la demande ;
- réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l'industrie ;
- stockage du CO2 ;
- maîtrise des impacts des gaz à effet de serre en agriculture ;
- comportements et modes de vie ;
- cadre juridique et financier d'un marché de CO2.
4. La recherche européenne
Au niveau de l'Europe, les 5ème et 6ème Programmes-Cadres de Recherche et Développement (P.C.R.D.) de l'Union européenne comprennent une action clé « Changement planétaire, climat et biodiversité » et un thème prioritaire sur le développement durable et le changement planétaire.
L'ensemble de ces recherches demande de longues années d'investigation et donc un soutien pérenne accordé à celles-ci, tant en chercheurs qu'en financements.
C. LES JURISTES ET LES CONFÉRENCES INTERNATIONALES
RAPPEL CHRONOLOGIQUE DES PRINCIPALES CONFÉRENCES MONDIALES SUR L'ENVIRONNEMENT
1972 (Stockholm) : autolimitation de certaines productions (énergies fossiles) ; répartition plus équitable des fruits de la croissance ; méthodes d'exploitation plus respectueuses des milieux ; règles de gestion plus rationnelles de l'espace, de l'énergie, des ressources ; prise en charge des patrimoines communs.
1973 : Création du programme des Nations-Unies pour l'environnement (PNUE) : législation internationale de l'environnement. Création de ministères de l'environnement dans nombre de pays.
1982 : Charte mondiale pour la nature.
1988 : Création du Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat (G.I.E.C ou I.P.C.C).
1992 (Rio de Janeiro) : Adoption de la Charte de la Terre ; concept de développement durable ; principe pollueur-payeur ; finalités sociales de l'activité économique ; adoption de l'Agenda 21 (plan d'action pour le XXIème siècle).
Adoption de deux conventions-cadres sur les changements climatiques et la diversité biologique.
1995 : Conférence des Parties de la convention sur les changements climatiques (COP 1, Berlin). Adoption de la logique des quotas d'émissions de gaz à effet de serre.
1997 : Conférence des Parties (COP 3, Kyoto). Les pays industrialisés, dits de l'annexe B du protocole, s'engagent à réduire ou contrôler leurs émissions de six gaz à effet de serre sur la période 2008-2012. Les engagements respectifs sont les suivants : Union européenne : - 8 % ; États-Unis d'Amérique : - 7 % ; Japon : - 6 % ; Russie : stabilisation ; Australie : + 8 %. Des mécanismes de flexibilité accompagnent ces engagements quantitatifs.
1998 : Conférence des Parties (COP 4, Buenos Aires). Tentative des États-Unis d'Amérique d'accélérer la mise en oeuvre de permis d'émissions négociables ; échec du fait du désaccord sur la question des bases donnant accès au marché des droits, le Tiers-monde refusant que les droits d'émettre soient fondés sur les émissions existantes.
1999 : Conférence des Parties (COP 5, Bonn). Négociation du plan d'action de Buenos Aires.
2000 : Conférence des Parties (COP 6, La Haye). Echec dû à l'intransigeance des États-Unis d'Amérique, du Japon, du Canada et de l'Australie qui souhaitaient limiter le protocole à ses mécanismes de flexibilité et accroître la prise en compte des puits de carbone.
2001 : Conférence des Parties (COP 7, Bonn). Compromis sur un accord environnemental ambigu accordant la prise en compte de puits de carbone supplémentaires pour les États-Unis d'Amérique et le Japon.
2001 : Conférence des Parties (COP 8, Marrakech). Traduction juridique des règles de mise en oeuvre du protocole de Kyoto. Comité ad hoc d'observance. Moyens techniques et financiers en faveurs des pays en développement.
La limitation de l'émission de gaz à effet de serre ne peut résulter que d'une approche internationale puisque l'intensification dudit effet de serre est un phénomène planétaire indépendant du lieu d'émission des gaz.
Il est donc satisfaisant qu'une tentative de coordination internationale soit intervenue concernant ce sujet. Mais, compte tenu de nombreuses réticences et des divergences d'intérêt de grands groupes de pays, de la difficulté également de discerner dès à présent entre les gagnants et les perdants éventuels, la régularité du rythme même des conférences internationales, qui aurait dû inciter à l'approfondissement méthodique d'accords mûrement réfléchis, a fini par se muer en rebonds chaotiques allant de compromis en échecs ou d'engagements mal consentis en décisions peu acceptées.
Sur la question fondamentale du choix à opérer entre la renonciation à des émissions de carbone ou le paiement d'une taxe-carbone liée aux émissions, nombre de pays ont fluctué dans leur approche, donnant le sentiment d'un choix non réellement effectué.
C'est ainsi qu'au départ la France était favorable à l'instauration d'une taxe plutôt qu'à des quotas, tandis que les États-Unis d'Amérique étaient opposés à la taxe. La position de la France fut affaiblie au sein de l'Union européenne par ceux de ses voisins qui souhaitaient bien une taxe, mais non simplement une taxe sur le carbone, plutôt une taxe frappant à la fois le carbone et l'énergie, ce qui incluait le nucléaire et pénalisait donc la France.
En l'absence de choix clairs des divers partenaires économiques majeurs, l'accord se fit en 1992, à Rio de Janeiro, sur un objectif non contraignant d'un retour en l'an 2000 au niveau des émissions de 1990, ce qui évidemment conduisait à des répartitions inéquitables de l'effort. Lors de la Conférence des Parties tenue à Berlin en 1995, la logique des quotas l'emporta, alors que la France, hostile à ce système, n'avait proposé aucune autre solution.
En 1997, lors de la troisième Conférence des Parties tenue à Kyoto, l'Union européenne, présente en tant que telle, n'est pas arrivée pour autant avec des propositions cohérentes, ni sur les politiques nationales à mener, ni sur les permis d'émissions négociables ; son seul point d'unité consistait alors en la fixation d'objectifs forts de baisse des émissions. De leur côté, les États-Unis d'Amérique avaient comme priorité de faire adopter les permis d'émissions négociables. Le résultat fut la fixation d'objectifs ambitieux, sauf pour la Russie, et la grande incertitude sur les tendances d'émissions futures conduisit, dans le doute, à se rallier à des mécanismes de flexibilité.
Craignant une avancée excessive des États-Unis d'Amérique, l'Union européenne obtint de limiter les mécanismes de flexibilité en les bornant à n'être que des compléments aux efforts nationaux (système dit de la supplémentarité).
Cinq ans après la Conférence de Rio, un choix clair n'avait toujours pas été effectué sur l'approche par les quantités ou par la fiscalité. Pour autant, les conférences diplomatiques se succédaient et engendraient des textes mêlant les deux principes.
A compter de 1998, le débat fut encore obscurci par l'idée d'un plafond quantitatif imposé aux échanges de permis et connu sous le nom de « concrete ceiling ». Lancée par l'Allemagne et soutenue par la France, cette position finit par être adoptée par l'Union européenne qui en fit son mot d'ordre de 1998 à 2000. Toutefois, cette attitude était ambiguë, dans la mesure où la « bulle » européenne, consistant à affecter à l'ensemble de l'Union un objectif de réduction de 8 %, permettait en réalité d'organiser de facto au sein de celle-ci un genre de troc et non de plafonner les échanges : les efforts allaient de - 21 % pour l'Allemagne à 0 % pour la France et même à l'absence de tout effort, avec + 27 % pour le Portugal, autorisé à augmenter ses émissions.
Quoi qu'il en soit, ce système reste mal perçu par les pays du Tiers-monde qui reprochent au protocole de Kyoto d'avoir fondé les droits d'émissions sur les émissions existantes, c'est-à-dire sur un partage inégal de l'usage de l'atmosphère à l'opposé du principe de l'égalité des émissions par tête.
C'est dans ce contexte qu'est intervenue la Conférence de La Haye, en novembre 2000, à la veille des résultats définitifs des élections américaines. Une telle date explique largement que le texte final, adopté in extremis à la suite d'une initiative de dernière heure du Président de la Conférence, Jan PRONK, ait tenté de concilier les positions du Groupe des 77 et celles des États-Unis d'Amérique et du Japon, ces deux derniers pays obtenant des tonnes supplémentaires sous la forme de puits de carbone nouveaux.
Par la suite, lors de la Conférence de Marrakech en 2001, chacun s'est accordé à considérer comme un succès ce qui n'était que la prolongation des concessions faites à La Haye et la circonstance même que les négociations se soient poursuivies fut considérée en soi comme une victoire, cet aspect prenant quelque peu le pas sur les conclusions mêmes de la négociation (57(*)).
D. LE PROTOCOLE DE KYOTO
1. L'ambition du protocole de Kyoto
A la suite de la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (C.C.N.U.C.C.) signée en 1992, un protocole additionnel a été élaboré à Kyoto à l'occasion de la troisième conférence des Parties, en décembre 1997.
La convention-cadre est signée aujourd'hui par 83 États. La France a signé le protocole de Kyoto le 29 avril 1998 ; elle fut ensuite le premier État de l'Union européenne à entamer les procédures de ratification terminées le 10 juillet 2000 au moment de la présidence française de l'Union européenne.
Le principal objectif du protocole de Kyoto consiste à obtenir une réduction de l'émission de gaz à effet de serre. Pour chaque pays signataire, cet objectif prend la forme d'engagements différents. Sa mise en oeuvre peut dépendre d'instruments variés, résultant tant de mesures nationales que de mécanismes de flexibilité associant plusieurs États.
L'objectif global de réduction de gaz à effet de serre fixé par le protocole de Kyoto aux pays industrialisés s'élève à 5,2 % en moyenne sur la période 2008-2012 par rapport aux émissions de l'année 1990.
Quelles que soient les appréciations portées sur le niveau de cet objectif, celui-ci est plus ambitieux que celui retenu initialement dans la convention-cadre relative au changement climatique qui tendait seulement à stabiliser les émissions de gaz à effet de serre en 2000 à leur niveau de 1990.
En outre, l'ambition du protocole de Kyoto résulte aussi de la modification de la liste des gaz à effet de serre visés. En effet, en plus du dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), l'oxyde nitreux (N2O), les hexafluorocarbures (HFC), les hydrocarbures perfluorés (PFC), et l'hexafluorure de soufre (SF6) sont désormais concernés.
De plus, le protocole de Kyoto ne soumet pas tous les pays aux mêmes obligations. C'est ainsi que seuls les pays industrialisés et les pays à économie en transition vers une économie de marché (au sein du protocole, ces pays sont désignés par l'expression « pays de l'Annexe B») sont soumis à une obligation chiffrée de réduction de leurs émissions.
En revanche, les pays en développement ont seulement pour obligation de préparer un programme national relatif à l'effet de serre, et de soumettre une communication nationale sur ce sujet. Aucun calendrier n'est prévu pour ces deux obligations. De plus, ces États peuvent à tout moment demander à être soumis à un objectif de réduction de leurs émissions. Cette possibilité a été utilisée par l'Argentine et le Kazakhstan.
Au sein des pays industrialisés et de ceux à économie de transition, plusieurs catégories coexistent : chacun des États de l'Annexe I de la convention-cadre est soumis à un objectif de réduction fixé par l'annexe B du protocole et propre à chaque pays. Ainsi, sur la période 2008-2012, la France comme l'Allemagne doivent réduire de 8 % leurs émissions respectives. Les États-Unis d'Amérique doivent les réduire de 7 %, le Japon de 6 %, alors que la Russie doit simplement stabiliser ses émissions, et que certains États comme l'Australie peuvent augmenter les leurs (+ 8 % en l'occurrence).
2. La souplesse des engagements et des mécanismes de Kyoto
Certains États peuvent décider de remplir conjointement leurs engagements. Dans ce cas, ils redistribuent entre eux leurs quotas, selon une répartition différente de celle retenue dans le cadre du protocole. Toutefois, le total cumulé de leurs émissions ne doit pas dépasser l'addition de leurs engagements individuels.
Pour concrétiser leur volonté, ces États signent un accord séparé, notifié aux autres parties. Ces États sont alors considérés comme ayant formé une « bulle ». Les États-membres de l'Union européenne ont choisi de procéder de la sorte, et c'est ainsi que l'objectif de résultats de la France est passé de -8 % à 0 %, tandis que celui de l'Allemagne passait de - 8 % à - 21 %, et c'est donc l'ensemble de l'Union européenne qui doit réduire ses émissions de 8 %.
En cas d'impossibilité d'atteindre de tels objectifs, les États engagent conjointement leur responsabilité ainsi que celle de l'organisation régionale concernée.
Par ailleurs, les pays en transition vers une économie de marché ont la possibilité de demander à la conférence des Parties de retenir une autre date de référence que 1990 pour respecter leurs engagements, dans le cas où ils ne sont pas à même de communiquer leurs inventaires nationaux de stocks de carbone.
Il peut être signalé que, dès la deuxième conférence des Parties, la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne et la Roumanie ont obtenu que leurs réductions d'émissions soient comptabilisées à partir d'une autre année de référence que 1990.
En outre, dans l'exécution de leurs engagements, les pays en transition jouissent d'une latitude plus grande que les pays industrialisés.
Enfin, pour certains gaz à effet de serre, des années de référence différentes peuvent être retenues ; par exemple, 1995 au lieu de 1990 pour les hydrofluorocarbures, les hydrocarbures perfluorés, les hexafluorures de soufre.
D'un point de vue général, l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre suppose l'adoption de politiques et de mesures nationales, dont le protocole fournit une liste non exhaustive, qui comprend la protection et le renforcement des puits et réservoirs de gaz à effet de serre, la recherche et l'utilisation accrue de sources d'énergies renouvelables, la réduction et la suppression graduelle des imperfections du marché tendant à favoriser les secteurs émettant des gaz à effet de serre (incitations fiscales, subventions...), la limitation ou la réduction des émissions en provenance des transports, la réduction des émissions de méthane dans le secteur des déchets, de la production, et de la distribution d'énergie.
De plus, des mécanismes de flexibilité prévus dans le protocole permettent à des pays d'accroître leurs droits d'émissions, soit en échangeant des droits d'émissions avec d'autres pays de l'Annexe I, soit en finançant des projets d'aides dans les pays en développement. Au cours des négociations, l'Union européenne a obtenu que ces mécanismes de flexibilité n'interviennent qu'en complément des politiques et mesures nationales.
Trois types de mécanismes de flexibilité ont été retenus :
la mise en oeuvre conjointe (art. 6) : elle permet à un pays d'obtenir des unités de réduction des émissions, en contrepartie du financement, dans un autre pays, d'un projet destiné à réduire les émissions de gaz à effet de serre à condition que les pays respectifs soient d'accord et que le projet financé permette une réduction supplémentaire des émissions par rapport à celles qui pourraient être obtenues par des mesures nationales.
le mécanisme de développement propre (art. 12) : ce mécanisme permet aux pays industrialisés d'obtenir des droits supplémentaires d'émissions quand ils investissent dans des projets de réduction d'émissions dans des pays en développement.
Les pays bénéficiaires n'étant pas soumis à des quotas d'émissions, les réductions d'émissions doivent être certifiées par des auditeurs indépendants qui vérifient si les projets procurent des avantages réels, mesurables et durables liés à l'atténuation des changements climatiques, et si ces projets permettent une réduction supplémentaire d'émissions par rapport à celles qui auraient eu lieu en l'absence d'activités certifiées.
Ces conditions d'évaluation devront être précisées rapidement pour que les réductions d'émissions certifiées obtenues entre 2000 et 2008 puissent être utilisées dans le cadre de la première période d'engagement, 2008-2010. Il est prévu qu'une partie des fonds provenant d'activités certifiées couvre des dépenses administratives liées au protocole, et permette d'aider les pays en développement particulièrement vulnérables aux changements climatiques.
l'échange de permis d'émissions négociables (art. 17) : il s'agit de permettre aux pays qui ont pris des engagements chiffrés de procéder entre eux à un échange de droits d'émissions ; de la sorte, un pays qui aurait dépassé son quota pourrait racheter une partie des quotas d'un État dont les émissions se seraient trouvées inférieures au niveau accepté dans le protocole.
A la suite de l'échec de la Conférence de La Haye, du fait de l'attitude des États-Unis d'Amérique, une septième Conférence des Parties s'est tenue à Bonn en juillet 2001, puis une huitième Conférence des Parties en novembre 2001 à Marrakech.
Après l'accord politique intervenu à Bonn, la Conférence de Marrakech a traduit les règles de mise en oeuvre du protocole de Kyoto en termes juridiques. Ont été en particulier définis le calcul des émissions et de leur réduction, l'intégration des puits de carbone dans les objectifs de réduction, les modalités et les missions du système d'observance et les règles et critères d'éligibilité aux mécanismes de développement propre.
Le système d'observance sera finalement régi par un comité ad hoc, ce qui est le premier exemple du genre en matière d'environnement international. Des moyens techniques et financiers importants ont été également prévus en faveur des pays en développement et les membres du Comité exécutif du mécanisme de développement, au nombre de quinze, ont été désignés.
La France, signataire de la Convention climat dans le cadre de l'ONU, a l'obligation d'établir périodiquement une Communication nationale (58(*)) pour informer des dispositions nationales liées à l'évolution du climat, aider à remplir les engagements souscrits et favoriser la communication d'informations.
De telles communications ont été effectuées en 1995 1997 et 2001.
Depuis la deuxième communication nationale, la MIES a été renforcée ainsi que la coopération européenne portant sur la coordination des mesures de limitation des émissions de gaz à effet de serre et du suivi des émissions.
Des réglementations plus strictes ont été mises en place comme l'obligation de couverture des décharges et de récupération de biogaz, ou de nouvelles obligations découlant de la réglementation thermique de l'habitat. De plus, un programme de sensibilisation à l'environnement, aux économies d'énergie et à l'efficacité énergétique a été lancé.
E. LES ÉCONOMISTES
La création de permis d'émissions de gaz à effet de serre a été introduite dans le protocole de Kyoto à la demande des États-Unis d'Amérique qui ont souhaité que ces permis puissent être échangés en s'inspirant de l'expérience menée chez eux à compter de 1977 puis, à partir de 1990, à propos de l'émission de dioxyde de soufre (SO2) (Clean Air Act).
A cette époque, les États-Unis d'Amérique ont créé un marché national de permis à émettre du dioxyde de soufre entre les centrales thermiques sur le fondement d'un plafond national. Ce système, devenu contraignant en 1995, avait pour objectif d'atteindre en vingt ans une réduction de 40 % des émissions de SO2 par rapport à 1980. Ce programme devait être étendu en 2000 à toutes les centrales thermiques dotées dès lors d'un quota d'émissions. Bien accepté par les acteurs économiques, ce système a débouché sur de nombreux échanges de permis.
Mais, il est à noter que ce marché repose sur des méthodes performantes de mesure des émissions, et qu'existe un ensemble de sanctions et de pénalités en cas de défaillance. Enfin, et ce n'est pas la moindre différence avec les permis d'émissions de gaz carbonique prévus par le protocole de Kyoto, la répartition initiale des permis d'émission de SO2 entre les compagnies électriques américaines n'a pas à remédier aux distorsions de concurrence ni aux disparités de situation rencontrées au niveau international pour les permis d'émission de CO2.
Pour expliquer le recours aux permis négociables dans le protocole de Kyoto, M. Jean-Charles HOURCADE (59(*)) note que, même si le système de l'écotaxe est meilleur, il a été écarté par les États-Unis d'Amérique dès le sommet de Rio en 1992, le mot d'ordre du Président des États-Unis d'Amérique, George BUSH, étant alors « no new tax ». A partir du moment où les pays riches (OCDE et pays de l'Est) s'étaient engagés à Kyoto sur un quota, la création d'un marché de permis négociables est apparu comme un moyen de faire entrer en vigueur un système de quotas.
M. Jean-Charles HOURCADE note également que le plafonnement des échanges de permis a été refusé par les États-Unis d'Amérique et que le vrai problème provient des excédents de la Russie et de l'Ukraine dans la mesure où ces pays peuvent vendre des réductions fictives, l'année de référence étant l'année 1990. Il ajoute que le problème est analogue à celui de la prise en compte de puits naturels de carbone comme les forêts.
Cet auteur rappelle, pour resituer les permis négociables dans l'ensemble des mécanismes du protocole de Kyoto, que les mécanismes de développement propre permettant aux pays développés d'acquérir des permis d'émissions supplémentaires en échange d'investissement dans des technologies propres dans les pays du Sud, n'avaient été, aux dires même de leur inventeur, M. Raoul ESTRADA, Président de la conférence, qu'un pis aller qu'il n'aimait pas mais qui avait permis l'approbation de l'ensemble du protocole.
De plus, M. Jean-Charles HOURCADE insiste sur l'insuffisance du système de contrôle et de sanction du protocole puisqu'un pays dépassant son quota d'émission doit simplement le signaler et non payer une taxe ou une pénalité et, par la suite, ses dépassements sont reportés d'année en année.
C'est pourquoi, M. Jean-Charles HOURCADE préconise la prise en charge de l'application du protocole de Kyoto au plus haut niveau de gouvernement et l'instauration de véritables relations entre la connaissance scientifique, les politiques et les médias.
F. LA PRESSE
Quel est l'organe de presse ou la chaîne de télévision qui n'a, au cours des trois dernières années, réalisé sa « Une » ou produit une émission à tendance alarmiste sur le changement climatique ?
D'une manière ou d'une autre, les images, véritables ou de synthèse, d'une tornade, d'un cyclone, d'une inondation attirent l'attention.
Un climatologue peut toujours être cité ou interrogé à l'appui de l'article ou de l'émission alarmiste, quitte à tronquer la fin de la citation ou à interrompre la phrase de l'interview qui nuance le propos ou explique son caractère relatif compte tenu des incertitudes de la science sur le climat.
Une photo, en pleine page, par exemple du moustique éventuellement porteur d'une nouvelle maladie tropicale en fait un monstre menaçant même si cette espèce de moustique se trouve déjà en France depuis longtemps ou si, loin d'être amenée par un réchauffement climatique, elle l'est chaque jour par les nombreux touristes français amateurs d'exotisme.
De même, une carte virtuelle de la France ou de l'Europe, aux contours rétrécis par une spectaculaire montée du niveau des océans, conduira chacun à acheter le journal pour y découvrir l'état dans lequel « l'effet de serre » a laissé ses lieux d'habitat ou de villégiature préférés.
De telles cartes ont été diffusées au cours de la période récente et votre Rapporteur gage qu'il en existera d'autres faisant, elles aussi, état d'une élévation du niveau de la mer de 10 mètres, 50 mètres, 100 mètres, 200 mètres..., ces deux derniers niveaux étant totalement invraisemblables, même dans l'hypothèse la plus pessimiste d'une fonte totale des calottes glaciaires.
Sur le moment, qui dispose des moyens de vérifier si le réchauffement évoqué dans l'article ou l'émission peut réellement entraîner la fonte totale ou partielle de l'ensemble des glaciers de montagne ou des glaces de l'Arctique ou de l'Antarctique ?
Qui poussera le souci jusqu'à se demander, en cas de fonte totale des glaces, ce que seraient l'importance du volume d'eau ainsi libéré et l'ampleur de l'élévation du niveau de la mer qu'il produirait ? Pourtant, cette question a une réponse : en cas de fonte totale - très hypothétique, même à très long terme, compte tenu du réchauffement actuellement envisagé - l'élévation du niveau de la mer oscillerait entre 60 et 80 mètres environ. (Audition de M. Paolo Antonio PIRAZZOLI, du C.N.R.S. ).
Cela est tout à fait considérable mais constitue une hypothèse d'école ; cela marque les esprits mais se situe très en deçà des niveaux retracés par certaines cartes publiées prédisant des élévations de 100, 150 ou 200 mètres...
Ces publications répondent au désir du public de mieux connaître les conséquences exactes des changements climatiques évoqués et, faute de recevoir de la communauté scientifique la réponse immédiate et immédiatement compréhensible à toutes les questions, l'opinion est portée à se forger à partir de toute information rapide à assimiler.
Pour autant, il est possible que même ces publications alarmistes jouent un rôle utile en amenant chacun à apprivoiser sa peur des changements climatiques : admettre que les climats peuvent changer, que la Camargue peut être immergée, qu'un horizon à cinquante ou cent ans est proche en termes de climat (Audition de M. Jacques ARNOULD, du C.N.E.S. ), tout cela conduit à prévoir certaines conséquences des changements climatiques, et donc à maîtriser sa peur en se réappropriant son environnement.
CHAPITRE SECOND : LES LIMITES DE L'ANALYSE
I. LES NUAGES ET LES OCÉANS DEMEURENT DES INCONNUES
A l'heure actuelle, en dépit de l'ampleur des efforts de recherche et des progrès inimaginables accomplis dans la connaissance du climat, d'importantes inconnues et d'innombrables incertitudes demeurent.
Alors que les climats du passé ont, au cours du siècle et demi qui vient de s'écouler, livré une grande partie de leurs mystères, le changement climatique global auquel l'humanité se trouve désormais confrontée exige de se faire une idée assez précise des climats du futur.
Les modèles climatiques et les supercalculateurs qu'ils nécessitent ont déjà été évoqués ; il a été question aussi des plus récents programmes de recherche et d'expérimentation et nul ne doute que, dans les très prochaines années, des progrès extrêmement spectaculaires soient encore accomplis.
Ils seraient en particulier fort utiles dans deux secteurs : la microphysique des nuages et les océans.
Il a déjà été signalé que la connaissance de la microphysique des nuages est encore lacunaire car ce champ d'investigation est très complexe ; que les aérosols sont venus encore compliquer la recherche sur ce thème et que, pour évaluer le réchauffement, il est parfois difficile d'apprécier si un nuage l'accentue ou le ralentit- par exemple, un nuage d'aérosols peut être noir du fait des suies qu'il fixe et donc absorber la chaleur, ou blanc et la renvoyer.
Certains chercheurs ont cependant fait valoir qu'il était inutile d'atteindre la parfaite connaissance de la microphysique des nuages pour s'inquiéter du réchauffement climatique.
Quant aux océans, de très rapides progrès peuvent être espérés des nouveaux moyens d'investigation mis en oeuvre récemment.
II. LA MACHINE TERRE N'A PAS DE MODE D'EMPLOI
Les progrès accomplis dans la connaissance du climat et de l'évolution de la Terre placent de plus en plus haut l'exigence des recherches encore à mener.
Les limites de l'inconnu reculent, mais le champ des incertitudes demeure assez vaste pour que l'homme ait conscience à la fois qu'il est devenu un agent climatique et qu'il serait impuissant à contrôler un emballement des changements climatiques déjà en cours.
Au moment où il commence à comprendre les interactions entre les divers mécanismes reliant le climat aux activités humaines, la biosphère au système solaire, il entrevoit aussi que les rouages démontés de la machine Terre ne livrent pas tous les secrets de son fonctionnement.
La Terre ressemblerait-elle davantage à l'être vivant décrit par James LOVELOCK dans son livre « Gaïa » qu'à un assemblage de rouages, même assortis de microprocesseurs ?
Toujours est-il que l'essentiel des réactions de la Terre ou des enchaînements de ses éléments analysés un à un ne livrent aucun mode d'emploi à l'espèce qui s'est pourtant approprié la planète.
L'homme doit même désormais s'interroger sur ce qu'il convient de faire, à l'échelle mondiale, pour la survie de son espèce. Non pour assurer la domination de tel groupe humain sur tel autre, mais pour s'efforcer de comprendre au plus vite ce que doit être son action dans le vaisseau spatial Terre pour y maintenir la vie.
III. LES CHERCHEURS NE SONT PAS À MÊME DE TOUT TROUVER TOUT DE SUITE
Les recherches sur l'effet de serre et son intensification ont mobilisé des milliers de chercheurs dans le monde entier depuis plusieurs années. Les progrès accomplis dans la connaissance de ce phénomène ont été importants.
Néanmoins, la démarche la plus courante consiste, après avoir admis le rôle non négligeable des émissions anthropiques dans l'intensification de l'effet de serre, à souhaiter que des scientifiques puissent mettre au point des modèles numériques de modélisation du climat afin de conforter ou d'infirmer les hypothèses émises, pour prévoir le climat des années à venir et pour apporter des réponses certaines à toutes les questions.
Dès que les premiers modèles de simulation du climat ont fourni des hypothèses d'évolution climatique, il a été constaté que lesdites hypothèses globales conduisaient à souhaiter bientôt disposer de modèles et de certitudes pour son pays, sa région, voire sa ville, ou son exploitation agricole. Or, c'est là demander aux modèles plus qu'ils ne peuvent fournir. C'est pourquoi, avant de tirer des conclusions des travaux fondés sur les modèles numériques d'évolution climatique, il est important de rappeler qu'en l'état actuel des connaissances, ces modèles ne font que décrire un climat plus ou moins probable, sans pour autant décrire le climat qui va exister, d'autant que la manière dont les océans et les nuages sont pris en compte recèle encore de grandes lacunes et ne peut donc permettre de conclusion définitive.
Des critiques en ce sens ont été adressées aux modèles climatiques et d'ailleurs, une partie de ces critiques est émise par les climatologues les plus concernés. C'est ainsi que M. Hervé LE TREUT, de l'Institut Pierre-Simon Laplace, a indiqué à votre Rapporteur, lors d'une audition , que « même si la planète numérique peut ressembler beaucoup à la planète réelle, pour autant les modèles numériques ne sont pas des outils magiques permettant de déduire le futur du présent. »
De plus, pour M. Hervé LE TREUT, les modèles de simulation du climat présentent essentiellement trois types d'imperfections tenant au maillage de la sphère, à la difficulté de saisir les aspects chimiques et biochimiques de la réalité, au fait que le climat est un système chaotique, pas entièrement prévisible.
Pour lui, « même si la planète numérique ressemble à la Terre, plusieurs histoires climatiques sont à tout moment possibles, à partir d'une situation donnée ».
Et M. Hervé LE TREUT a alors recours à une comparaison imagée en indiquant que « simuler le climat à venir revient à jouer avec un dé pipé ». Si, par exemple, le 6 revient plus souvent, cela est-il dû au hasard ou au fait que le dé est pipé - ce qui serait, pour l'intensification de l'effet de serre, l'équivalent des activités humaines ?
Pour répondre à cette question dans le cas des modèles de simulation climatique, un énorme recul de temps est nécessaire.
M. Hervé LE TREUT insiste sur le fait que les modèles constituent des outils experts très étudiés mais seulement pour évaluer un risque et non pour fournir une prévision datée.
Il regrette surtout que ses travaux soient souvent présentés comme des exercices de prédiction, alors qu'ils ne sont qu'une aide à la description de possibles climats futurs.
Par ailleurs, M. Philippe ROQUEPLO , auteur notamment de « Climats sous surveillance »60(*) et de « L'expertise scientifique »61(*), insiste sur les limites des modèles fonctionnant actuellement.
Enfin, la mise en oeuvre de modèles suppose de représenter les processus étudiés de manière paramétrée, ce qui conduit à simplifier, parfois à l'excès, beaucoup de phénomènes, notamment l'hydrologie de surface, la microphysique des nuages, l'absence d'homogénéité de la couverture nuageuse. Et pourtant, il est nécessaire de coupler les modèles ainsi obtenus avec des modèles physiques et biologiques présentant eux-mêmes des lacunes identiques.
L'Académie des Sciences a d'ailleurs relevé la limite essentielle de la paramétrisation : la logique de son élaboration produit un impact invérifiable sur le résultat des modèles.
Tous les chercheurs s'accordent sur la nécessité de disposer de moyens de calculs toujours plus puissants.
Malgré le développement rapide des techniques de modélisation du système climatique, il convient de se demander si ces outils permettent, en l'état actuel des connaissances et des techniques, d'atteindre véritablement leur but.
Comme déjà signalé plus haut, une critique très argumentée des limites de la modélisation climatique opérée a été effectuée par M. Philippe ROQUEPLO dans son livre « Climat sous surveillance ».
Il s'y demande notamment (pages 175 et 176), à propos de la modélisation, s'il est possible de ne pas ressentir face à celle-ci « un certain trouble » et note, en élargissant le débat : « Y a-t-il, du point de vue stratégique, une cohérence entre les investissements intellectuels effectués dans la modélisation elle-même et ceux effectués sur les conditions « observationnelles » de sa validité ? Y a-t-il une cohérence entre les délais nécessaires à une telle entreprise et les délais correspondant au changement climatique lui-même, dont les modèles doivent nous faire connaître l'amplitude et le rythme ? Y a-t-il une cohérence entre ces délais et ceux qui, selon le discours même des scientifiques, s'imposent aux décisions des politiques ? »
L'Académie des Sciences, dans son rapport de 1990 (n° 25) comme dans son rapport de 1994 (n° 31) s'est intéressée de très près à la question des limites de la modélisation climatique. Elle a conclu que, malgré le développement extrêmement rapide des capacités des ordinateurs, et en dépit de l'amélioration de la qualité des modèles climatiques, les incertitudes relatives aux paramétrisations contenues dans ces modèles demeurent importantes. Avant d'en arriver à cette conclusion, l'Académie des Sciences a rappelé que les limites des modèles tiennent d'abord à la nature du problème posé. En effet, elle souligne: « le forçage radiatif résultant de l'effet de serre est un terme faible en valeur relative » (quelques Watts par m2) dont l'effet potentiellement important provient du fait qu'il sera appliqué au système climatique pendant des durées de quelques décennies, voire de quelques siècles.
L'Académie des Sciences a noté que les rétroactions sont très nombreuses et qu'elles dépassent les capacités des modèles qui simplifient à l'extrême des phénomènes complexes ; par exemple, la microphysique des nuages, les modifications de l'albédo de la neige, les phénomènes de condensation, etc...
De plus, l'Académie des Sciences a insisté sur le fait que ces modèles tendent de plus en plus à intégrer des données économiques, démographiques..., dépassant le cadre strict du climat. Même si ce dialogue est nécessaire entre les différentes communautés, des malentendus graves risquent de se développer si la qualité des modèles ne fait pas l'objet d'une évaluation rigoureuse et si leur signification n'est pas suffisamment expliquée jusqu'à devenir la même pour tous.
Le perfectionnement des modèles a conduit à coupler, par exemple, les modèles simulant l'atmosphère aux modèles simulant l'océan. Mais, malgré les progrès de leur développement, ces instruments n'arrivent pas à simuler de manière tout à fait exacte le cycle saisonnier, non plus que la variabilité interannuelle. Parfois, le couplage des modèles conduit à amplifier les défauts de chacun d'entre eux. Enfin, beaucoup de modèles partent de l'idée que l'océan se trouverait en équilibre dans l'état atmosphérique actuel, ce qui n'est pas vraisemblable, la circulation océanique étant un mouvement continuel.
De plus, la mise en oeuvre des modèles est destinée un jour ou l'autre à permettre les études d'impact aux échelles locales et régionales. Il n'est pas évident que l'extension d'un modèle général à une approche locale, ou bien l'utilisation de modèles à mailles variables soit possible.
Dès lors est apparue la nécessité de tester et de valider les modèles pour mener à bien une recherche rigoureuse. Beaucoup de modèles sont testés à partir de l'histoire climatique récente. Ces tests sont facilités par l'abondance de données d'origine satellitaire, tant et si bien que les résultats des modèles tendent à converger, ce qui n'est pas a priori satisfaisant et il faut se garder de voir dans l'unanimité de cette convergence un indice de qualité absolue puisqu'il peut aussi y avoir convergence dans l'erreur. De plus, une telle convergence peut masquer de nombreuses divergences à l'intérieur des modèles.
Au-delà de la période climatique récente et de la fin du siècle dernier, le Petit âge glaciaire et les variations paléoclimatiques servent aussi à apprécier la validité des paramètres retenus dans les modèles actuels.
Un programme international, PMIP, conduit par Mme Sylvie JOUSSAUME , s'est attaché à comparer les modèles tout en simulant le climat d'il y a 6.000 ans et celui du dernier maximum glaciaire.
Comme les travaux des experts du GIEC sont pour l'essentiel fondés sur les modèles de prévisions climatiques, de ce fait ils doivent être assortis des mêmes réserves que celles qui s'appliquent à l'élaboration des modèles eux-mêmes.
Il va de soi qu'au cours des années futures, il sera intéressant d'entrer dans les modèles les données réellement observées pour voir dans quelle mesure, et pourquoi, ceux-ci s'étaient éloignés, ou non, de manière logique, de la situation réelle. Dans le même esprit, les modélisateurs ont toujours cherché à tester sur les climats du passé l'exactitude des enchaînements décrits par leurs modèles.
Mais, aussi élaborés que soient les modèles, en supposant que ceux-ci parviennent un jour à retracer la complexité des nuages et celle des océans, ils demeureront toujours limités par la puissance de calcul des ordinateurs qui, même si elle a continuellement augmenté, ne peut encore suffire à décrire autrement que schématiquement les données de la réalité et à reproduire la vie des climats.
L'ensemble de ces observations ayant été formulé, il demeure que les modélisateurs tirent de leurs travaux plusieurs certitudes :
· l'action de l'homme est à l'origine du changement climatique actuellement observé ;
· le réchauffement ira en s'accélérant compte tenu du fait qu'aucun ralentissement ou aucune modification substantielle de l'activité humaine n'est envisagé ;
· les conséquences de ce réchauffement seront inquiétantes ;
· les durées respectives de disparition des gaz à effet de serre émis dans l'atmosphère ne permettront pas à l'homme de corriger les effets de ces gaz alors qu'il n'a pas usé de la faculté d'en maîtriser les causes.
Malgré l'attente, par les uns ou les autres, de prévisions par région, voire par ville pour l'horizon 2025, 2050 et 2100 en France, votre Rapporteur se doit d'affirmer, au terme de ses investigations que ni le degré géographique précis souhaité ni les échéances de temps auxquelles surviendront les changements climatiques ne peuvent résulter des actuelles connaissances, recherches ou modélisations sur les changements climatiques.
Deux modèles, toutefois, ont focalisé leur intérêt sur l'Europe et le bassin méditerranéen. D'une part, le modèle en points de grille du Laboratoire de météorologie dynamique (L.M.D.) avec zoom et le modèle Arpège-Climat du Centre national de recherche météorologique (CNRM) à maille variable.
Ces modèles, comme tous les autres, travaillent notamment sur le scenario standard du doublement de CO2 entre le début du XXème siècle et les années 2060.
Ils en déduisent un réchauffement de 2°C sur l'Europe occidentale, plus prononcé en été et dans les régions méditerranéennes, ainsi qu'une augmentation des précipitations hivernales et une diminution des précipitations estivales, notamment sur les régions méditerranéennes.
Ils relèvent un contraste pluviométrique nord-sud (augmentation au nord du 45ème parallèle et diminution au sud).
IV. LES JURISTES NÉGOCIENT DES DATES NON NÉGOCIABLES ET VIDENT DE LEUR PORTÉE LES PRINCIPES GRÂCE À DES CLAUSES ÉCHAPPATOIRES
La convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992 a créé un organe appelé « la conférence des Parties » pour prendre les décisions nécessaires à l'application de la convention.
De ce fait, l'adoption, lors de la troisième Conférence des Parties, en 1997, du protocole de Kyoto n'a pas entraîné la création d'un système institutionnel propre, puisque celui de la convention-cadre est utilisé. Mais la conférence des Parties ne disposant ni d'une réelle capacité de contrôle, ni d'un pouvoir de sanction, l'application du protocole de Kyoto a d'abord été laissée à la bonne volonté des États.
Comment dès lors assurer le respect des engagements pris, sachant, de plus, qu'il est difficile d'évaluer les émissions de gaz à effet de serre ?
En principe, les parties doivent transmettre, chaque année, un inventaire de leurs émissions de gaz à effet de serre et remettre, à intervalles réguliers, une communication nationale décrivant l'ensemble des mesures prises par chaque pays.
Toutefois, l'évaluation porte sur les émissions exprimées en dioxyde de carbone, et non sur celles de chacun des six gaz à effet de serre. Or, il a été exposé plus haut que cette facilité de comptabilisation s'effectue au détriment de la précision scientifique. En effet, les durées de vie de gaz à effet de serre dans l'atmosphère sont évaluées avec une grande marge d'incertitude et la coexistence de plusieurs gaz dans l'atmosphère, et donc leur interaction, est, de ce fait, gommée.
A. DES BASES FLUCTUANTES
Pour établir des comparaisons, l'objectif de réduction est apprécié en comparant les quotas des émissions prévues entre 2008 et 2012 et le niveau des émissions en 1990 ou au cours d'une année ou d'une période de référence historique autre que 1990 pour les pays cités à l'annexe I, c'est-à-dire les pays en transition vers une économie de marché (62(*)), comme, par exemple, la Fédération de Russie et l'Ukraine (63(*))...
Il doit donc être souligné que le choix du niveau de référence est parfaitement arbitraire, et que, faute d'une évaluation indépendante et commune à l'ensemble des États signataires, à supposer qu'elle soit techniquement possible, les évaluations du respect des engagements pris par les États risquent de demeurer difficiles.
Les négociateurs du protocole avaient bien conscience de ces limites, puisque ce texte insiste, à plusieurs reprises, sur la nécessité de communiquer des données comparables, transparentes et vérifiables.
Votre Rapporteur s'inquiète toutefois du fait que le protocole ait pu être signé et ratifié par nombre d'États, dont la France, sans que le préalable sur la solidité des données ait été levé.
Que se passera-t-il en cas de non respect des engagements pris ? Si les émissions ont été inférieures aux quotas attribués, les pays concernés pourront reporter sur les périodes d'engagement ultérieures les droits d'émissions non utilisés mais aucun mécanisme ne permet de sanctionner un État qui aurait dépassé son quota. Il n'est pas même prévu d'évaluer si le dépassement a été précédé, ou non, d'une sous-consommation antérieure. Depuis 1997, les parties négocient toujours pour imaginer des mesures de sanction allant de simples recommandations à l'imposition de pénalités financières. L'Union européenne a proposé d'établir un système global de contrôle de conformité sous l'autorité d'un observatoire indépendant.
Quoi qu'il en soit, le protocole de Kyoto doit entrer en vigueur lorsqu'il aura été ratifié par 55 États au moins, parmi lesquels des pays développés de l'Annexe I représentant au moins 55 % du volume des émissions totales de dioxyde de carbone des États de l'Annexe I.
Plus de quatre ans après la signature du protocole, le seuil des 55 États est encore loin d'être atteint, tandis que les négociations se poursuivent sur les modalités de fonctionnement des mécanismes de flexibilité et sur l'organisation de dispositifs de contrôle et de sanction. La sixième conférence des Parties tenue à La Haye en novembre 2000 n'a pas permis d'avancer. Au contraire, les États-Unis d'Amérique ont suscité de nouvelles difficultés en posant le problème de l'évaluation des puits de carbone dans leur pays.
Lors de la ratification du protocole de Kyoto par le Sénat français, au mois de mai 2000 (64(*)), le contraste entre l'importance des enjeux liés à l'intensification de l'effet de serre et la faiblesse des dispositions du protocole comme l'attitude ambiguë des États-Unis d'Amérique ont été mis en évidence. Un doute sérieux demeure sur l'application réelle des dispositions de ce protocole.
B. DES PARTENAIRES INÉGAUX
A l'occasion de la huitième Conférence des parties, tenue en novembre 2001, à Marrakech, les règles concernant en particulier l'intégration des puits de carbone dans les objectifs de réduction ont été définies. A cette occasion, de nouvelles concessions ont été consenties, notamment à la Russie et au Japon. La Russie a obtenu un doublement de son quota de puits de carbone et le Japon, de son côté, a obtenu la dissociation entre la qualité des inventaires des puits de carbone et l'éligibilité au mécanisme de Kyoto.
Il est patent qu'après la défection des États-Unis d'Amérique, la ratification par le Japon et par la Russie présente un intérêt crucial pour la mise en oeuvre du protocole.
En effet, à partir du moment où l'entrée en vigueur de celui-ci dépend de la ratification par des pays de l'Annexe I, responsables d'au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, il ne s'agit plus véritablement d'un accord international mais d'un compromis chaque jour plus fragile.
Une sorte de partage des rôles est donc intervenu ; il apparaît peu satisfaisant. Les États-Unis d'Amérique préservent leur capacité d'émissions de gaz à effet de serre en laissant reposer sur le reste de la communauté internationale les mesures de réduction que devrait encourager le protocole de Kyoto.
Les pays qui ont fait cause commune avec les États-Unis d'Amérique depuis le début des négociations, à savoir le Japon, le Canada et l'Australie, formant à eux quatre le Groupe dit du Parapluie -« Umbrella »- n'ont accepté de se dissocier de ceux-ci qu'en échange d'avantages substantiels dans le protocole.
La Russie n'avait plus qu'à opérer de même. En obtenant à Marrakech un doublement de son quota de puits de carbone, elle mettra sur le futur marché des permis négociables une quantité accrue d'air chaud que les États-Unis d'Amérique ou leurs plus proches soutiens pourraient ainsi négocier en abondance et au meilleur prix.
Les États-Unis d'Amérique ne garderaient ainsi du protocole de Kyoto que la flexibilité mais sans qu'elle soit l'atténuation accordée en contrepartie d'engagements fermes. Tel était bien leur objectif depuis 1995, voire depuis 1991.
De ces quelques considérations, ne peut naître qu'un certain scepticisme sur la volonté internationale de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Même si, peu à peu, se met en place un mécanisme d'un type nouveau, il est à craindre que les organisateurs de ses modalités financières et les spéculateurs y trouvent mieux leur compte que la Planète, dont la préservation aurait dû résulter de la convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques adoptée en 1992.
V. LES ÉCONOMISTES CRÉENT UN MARCHÉ DU DROIT À L'ERREUR GARANTISSANT À LA FOIS LE FREINAGE ET LA RELANCE DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE
Tout d'abord, un rappel : les conditions initiales de répartition des droits à émission résultent de décisions politiques plus que d'un examen objectif de la situation.
Cependant, au moment des négociations, la France avait souhaité l'application de critères objectifs, tels que le niveau d'émissions par habitant. Mais les États-Unis d'Amérique ont refusé de s'engager sur une telle base.
A. LES PAYS DU « NORD » S'OCTROIENT DES DÉPASSEMENTS NÉGOCIÉS
La Russie et l'Ukraine ont obtenu que leurs émissions de gaz sur la période 2008-2012 soient stabilisées et non pas réduites par rapport à l'année 1990. Or, il est évident que cette année de référence revient à prendre comme donnée de départ l'état de l'économie résultant du modèle soviétique, connu pour être particulièrement dispendieux en énergie. Par la suite, les pays de la Communauté des États Indépendants (CEI) ont connu une forte récession économique, et, de ce fait, peuvent se présenter en vendeurs potentiels d'une quantité importante de permis négociables, ce qui autorisera les pays acheteurs à dépasser leur quota contre rémunération, mais ne réduira en rien l'émission effective de gaz à effet de serre à l'échelle du monde.
Paradoxalement, les États-Unis d'Amérique pourront, par exemple, continuer à émettre sept fois plus de gaz à effet de serre par habitant que le taux moyen mondial 65(*) tout en gageant ce gaspillage d'énergie présent et futur sur les anciens gaspillages de l'économie soviétique.
Faut-il avaliser un tel système au nom de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Faut-il accepter que certains pays développés aient même obtenu le droit d'augmenter leurs émissions ?
Il peut être rappelé qu'à la suite de la conférence de Kyoto, les États-Unis d'Amérique, le Canada, le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande avaient tenté de créer, avec la Russie et l'Ukraine, une sorte de bulle de coopération pour tirer tout le profit du mécanisme du protocole. Même s'ils ne sont pas parvenus alors à un accord interne sur la répartition des objectifs, cette tentative a bien montré les limites du mécanisme mis en place et les véritables finalités de certains partenaires. C'est pourquoi, loin de se lamenter de la récente remise en cause du protocole de Kyoto par le nouveau président des États-Unis d'Amérique, il aurait peut-être été plus constructif de revisiter les bases de cet accord international afin de mieux faire correspondre les objectifs affichés du protocole avec les modalités retenues pour sa mise en oeuvre.
B. LES PAYS DU « SUD » REVENDIQUENT UN DROIT À DÉPASSEMENT PERMANENT
L'engagement de Kyoto ne concerne pas l'ensemble des pays du monde. Or, les pays en développement représentent les principaux gisements d'émissions futures de gaz à effet de serre. Si aujourd'hui leur part ne représente que 29 % du total, elle pourrait atteindre 58 % en 2050.
Mais, les pays du Sud ont refusé de souscrire des engagements chiffrés à Kyoto. Comment s'étonner que, en réaction, le caractère incomplet de l'engagement mondial ait été avancé par le Président George W. BUSH dès le lendemain de son élection pour remettre en cause le protocole de Kyoto ? D'autant qu'aujourd'hui, les États-Unis d'Amérique sont responsables de près du tiers des émissions de gaz à effet de serre et ont d'ailleurs largement recours au charbon.
Ces deux attitudes, opposées en apparence mais analogues quant au fond, montrent que le principal émetteur passé et actuel, les États-Unis d'Amérique, refuse de s'engager pour le présent comme pour le futur, de même que les principaux émetteurs futurs, la Chine et l'Inde, refusent de s'engager pour l'avenir.
Il apparaît douteux que les seuls permis d'émissions arrivent à réconcilier les uns avec les autres, si ce n'est pour émettre, dès à présent et pour longtemps, encore davantage de gaz à effet de serre.
De plus, aider à l'équipement des pays en voie de développement, y compris par la mise en oeuvre de techniques moins émettrices de gaz à effet de serre, revient à accélérer chez ceux-ci un certain type de développement fondé sur des techniques qui ont montré déjà certaines de leurs limites dans les pays développés.
Cela ne saurait être un frein à l'intensification de l'effet de serre mais bien plutôt un accélérateur pour l'extension d'un modèle économique fortement émetteur de gaz à effet de serre à l'ensemble de la planète dont la population ne cesse de s'accroître.
D'où le comité ad hoc d'observance créé à Marrakech pourra-t-il tirer assez d'autorité pour surveiller la bonne application du système des permis négociables ?
En conclusion, l'extension à l'échelle mondiale du système d'échange de permis d'émission introduit dans le protocole de Kyoto à la demande des États-Unis d'Amérique souffre de plusieurs lacunes qu'il serait dangereux d'ignorer ou de minorer.
VI. LA NOTION D'ALTERNANCE ET LE RYTHME DES MANDATS POLITIQUES CONDAMNENT-ILS LES PROJETS À LONG TERME À L'ABSENCE DE SOLUTIONS ?
Tout au long de l'élaboration de la présente étude, votre Rapporteur a souvent relevé chez ses interlocuteurs un léger scepticisme amusé à propos du caractère éloigné de l'horizon de l'étude. S'inquiéter des politiques à mener du fait de l'évolution probable du climat en 2100 releverait-il davantage de l'exercice de style que d'un mandat politique ?
Telle n'est pas l'opinion de votre Rapporteur qui considère avec satisfaction que l'OPECST se trouve particulièrement dans son rôle en menant une réflexion prospective, même à l'horizon 2100. De plus, ce terme est exigé par la nature même du sujet de l'étude, l'évolution climatique à cinq ou dix ans ne présentant pas un grand intérêt. En effet, un climat se caractérise par une tendance qui doit être confirmée par au moins une trentaine d'années d'observations et de relevés.
En outre, au terme du présent rapport, il apparaît que 2100 ne marque aucunement le terme d'une éventuelle évolution mais, au contraire, que toutes les courbes de projection maintiennent une pente ascendante en 2100, certaines études indiquant désormais des chiffres jusqu'en 2300.
Il a été exposé dans le présent rapport que la durée de vie de certains gaz à effet de serre leur garantissait des effets jusqu'en 2100 et même bien au-delà, pendant plusieurs milliers d'années. Tout infléchissement des politiques énergétiques, industrielles, de transports mettrait donc bien des années à faire sentir ses effets et, ce, probablement d'ailleurs, de manière peu spectaculaire.
De la sorte, comment sera-t-il possible de convaincre quiconque, en 2100, que, sans l'adoption, en 2002, de telle ou telle mesure efficace, les changements climatiques auraient produit des conséquences négatives ? Cela sera impossible à observer à la fin du présent siècle, les dangers redoutés ayant précisément été évités.
Comment, à l'inverse, atténuer le choc psychologique d'un événement extrême survenant en 2100 en précisant que, sans une politique volontariste conduite au début du siècle, dans la lointaine année 2002, l'événement eût été bien pire ?
Et, même si aucune politique mondiale ambitieuse n'était menée en 2002 et que l'opinion publique de 2100 s'en prenne à sa classe politique en cas d'événements climatiques extrêmes, la question ne sera sûrement pas alors de peser les responsabilités respectives des dirigeants au pouvoir en 2002.
Il existe donc bien une discordance entre les préoccupations à très long terme nécessitant des actions immédiates et les notions même d'alternance comme de durée des mandats politiques dans la mesure où les effets des politiques à mener ne peuvent être que très lointains, excédant la durée de tout mandat, et n'auront cependant une existence que si la ligne d'action choisie est suivie durant tout le siècle, quelles que soient les alternances politiques.
En outre, la plupart des décisions prises bénéficieraient surtout, voire seulement, aux générations futures considérées comme un ensemble mondial. Il peut donc se faire qu'un État consente des sacrifices immédiats qui profitent, dans cinquante ou cent ans aux habitants d'un pays lointain, voire d'un pays hostile...
Votre Rapporteur l'a déjà rappelé bien des fois, les impacts des changements climatiques concernent l'avenir du vaisseau spatial Terre et font prendre conscience de la solidarité obligée de tous ses passagers.
Il dépend de chacun d'entre nous que l'horizon éloigné réintègre le champ des préoccupations politiques des citoyens et de leurs élus.
Peut-être de nouveaux forums sont-ils à imaginer pour cela ?
QUATRIÈME PARTIE : LES SOLUTIONS
Présentation de la quatrième partie par le sénateur Marcel DENEUX
CHAPITRE PREMIER : LES SOLUTIONS GLOBALES
Economiser l'énergie, améliorer l'efficacité énergétique, limiter le recours aux énergies fossiles et à l'eau, impliquent de sélectionner les techniques agricoles, repenser les transports et d'améliorer l'habitat.
I. ECONOMISER L'ÉNERGIE
Cette préoccupation s'inscrit très directement dans la ligne de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; l'énergie non consommée est celle qui émet le moins de ces gaz.
A. LA DEMANDE D'ÉNERGIE
La demande mondiale d'énergie augmente à un rythme de près de 2 % en moyenne par an depuis le début de l'ère industrielle. Mais ce rythme peut descendre jusqu'à 1 % ou approcher 5 % selon les années.
A l'horizon 2020, la part du charbon, celle du pétrole et celle du nucléaire pourraient avoir légèrement décru, tandis que celle du gaz naturel et celle des énergies renouvelables augmenteraient.
Prévision de consommation d'énergie primaire dans le monde par source à l'horizon 2020,
selon un scénario de maîtrise de la consommation d'énergie
2000
2010
2020
Mtep
%
Mtep
%
Mtep
%
Charbon
2 406
26
2 756
25,2
3 024
24,0
Pétrole
3 206
34,6
3 537
32,3
3 823
30,3
Gaz
2 118
22,9
2 849
26
3 699
29,3
Nucléaire*
628
6,8
700
6,4
729
5,8
Renouvelables
909
9,8
1 113
10,2
1 340
10,6
TOTAL
9 266
100
10 955
100
12 615
100
* 1 MWh : 0,26 tep
Scénario « Sagesse traditionnelle » (scénario moyen) -
Source : d'après DG XVII (1996) Memento de l'énergie 1999 - CEA
Pour le Conseil mondial de l'énergie, la demande mondiale d'énergie devrait être de l'ordre de 11,3 à 17,2 Mtep à l'horizon 2020 contre 9 Mtep en 1990 pour un taux de croissance du PIB mondial moyen de 3,3 % par an.
Une telle progression ne peut que renforcer la prise de conscience de la nécessité d'une société plus économe en énergie, ce qui remet en question le schéma implicite de pensée et les ressorts du développement en vigueur.
En France, la consommation finale d'énergie par habitant et par an, a atteint 3,7 tonnes équivalent pétrole en 2000, ce qui représente un triplement par rapport à 1960 et une augmentation de 35 % depuis 1973.
L'analyse de cette progression révèle le doublement sur trente ans des consommations d'énergie dans le secteur résidentiel et tertiaire comme dans les transports et une stabilisation de la consommation d'énergie par l'industrie.
D'après le GIEC, si aucune mesure n'était adoptée, la consommation d'énergie de l'industrie pourrait avoir doublé entre 1990 et 2025. De même pour celle des transports, le parc automobile doublant lui aussi de volume.
Le secteur résidentiel et tertiaire suivrait la même courbe ascendante.
Ces quelques rappels des tendances envisagées par le GIEC suffisent à montrer que les émissions de gaz à effet de serre ont très largement augmenté au moment même où leur décrue serait impérieuse.
Même s'il existe des exemples de déconnexion entre croissance économique et augmentation de la consommation énergétique, ils sont rares et ne correspondent pas au schéma du début de l'industrialisation d'un pays en voie de développement. Au contraire, les progrès opérés par ceux-ci au cours du présent siècle seront très vraisemblablement exigeants en énergie.
Pour la France, si une stabilisation peut être espérée dans l'industrie (de 25 % à 30 % des émissions) qui a déjà accompli beaucoup d'efforts de réduction de ses émissions, l'évolution des émissions du secteur des transports (22 % des émissions et 35 % des émissions de CO2), notamment du transport de marchandises par la route, ne semble pas devoir être maîtrisée dans un proche avenir. L'évolution des émissions du secteur résidentiel-tertiaire est tout aussi préoccupante.
B. LES ÉCONOMIES D'ÉNERGIE ET L'EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE
Les économies d'énergie et l'efficacité énergétique sont les deux composants d'une même action tendant à obtenir le meilleur résultat pour la société tout en prenant en compte la nécessité de préserver les sources d'énergie non renouvelables.
M. Yves COCHET, dans son rapport au Premier ministre sur l'efficacité énergétique en 200066(*), rappelle que, jusqu'à la révolution industrielle, toutes les sources énergétiques ont été renouvelables. Ensuite, un très large recours aux ressources fossiles et non renouvelables est intervenu pendant un siècle et demi.
Cependant, M. Yves COCHET souligne que le modèle de développement productiviste est fondé sur deux postulats aussi faux l'un que l'autre, à savoir le caractère inépuisable des ressources énergétiques classiques et celui de la neutralité de leur utilisation pour l'environnement.
L'efficacité énergétique tend à réduire les consommations d'énergie, à service rendu égal. Elle constitue une réaction face à la situation mondiale actuelle où « sur les six milliards d'habitants de la planète, deux milliards environ survivent sur les énergies traditionnelles tout en les mésusant... deux milliards et demi ont accès aux formes commerciales actuelles d'énergie... le milliard et demi d'habitants des pays industrialisés (OCDE et pays de l'Est) monopolisent les ressources mondiales et les utilisent mal : 25 % des habitants de la planète consomment 75 % de l'énergie commerciale ».
Il relève par ailleurs que le secteur résidentiel-tertiaire figure en tête pour sa consommation d'énergie finale (46 %) contre 28 % pour l'industrie et 25 % pour les transports.
A ce sujet, il peut être rappelé qu'une directive-cadre est prévue sur les normes d'efficacité énergétique (exemple : mode veille).
De plus, un accord avec les industriels européens est intervenu sur l'efficacité énergétique des appareils de bureautique (logo « Energy star »).
Par ailleurs, un chiffre peu cité mérite d'être rappelé, celui de la perte d'électricité dans les réseaux électriques : 5,8 % de la production nationale (30 TWh en 2000).
II. LIMITER LE RECOURS AUX ÉNERGIES FOSSILES ET A L'EAU
Le recours croissant aux énergies fossiles, dont les gisements sont limités et les émissions de gaz à effet de serre élevées, conduit à une impasse.
Les énergies renouvelables, le recours au nucléaire et à un usage raisonné de l'irrigation doivent absolument être considérés comme des points de passage obligés d'une utilisation raisonnée des ressources naturelles.
A. LES ÉNERGIES RENOUVELABLES
Elles apparaissent pour tous les pays et dans tous les scénarios d'évolution comme un élément important de la solution au problème complexe de la recherche simultanée de la croissance économique, du respect de l'environnement, de la sécurité de l'approvisionnement énergétique et de l'acceptation sociale des mutations nécessaires.
Votre Rapporteur se contentera de rappeler les grandes données de la situation énergétique de la France, notamment face aux perspectives offertes par les énergies renouvelables dans la mesure où , dans un récent rapport extrêmement documenté, l'actuel président de l'OPECST, M. Jean-Yves LE DÉAUT et notre collègue Claude BIRRAUX, députés, viennent de traiter cet aspect (67(*)).
Leurs recommandations ont été approuvées par l'OPECST dans sa séance du 14 novembre 2001.
Votre Rapporteur ne peut que se faire l'écho des analyses extrêmement approfondies qui ont été présentées tout en se gardant lui aussi de voir dans l'éolien une solution d'envergure pour un futur proche et surtout en rappelant que, pour la France, l'énergie nucléaire demeure un atout qu'aucune évolution ne permet de négliger, bien au contraire.
B. L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE
La part essentielle de l'énergie nucléaire dans l'approvisionnement de la France en électricité rappelle que cette source d'énergie contribue grandement à la sécurité de l'approvisionnement énergétique.
Les engagements résultant du protocole de Kyoto conduisent la France à renouveler ses centrales nucléaires. Une inquiétude demeure compte tenu des choix d'autres pays européens qui ne pourront concilier le respect des engagements de Kyoto et leur abandon de la filière nucléaire.
C. L'IRRIGATION
Ressource naturelle abondante en France jusqu'à présent, l'eau devrait être utilisée à meilleur escient à l'avenir. Les prévisions relatives aux impacts des changements climatiques font craindre des ressources en eau raréfiées en été, même en France. Or, l'irrigation agricole puise largement dans ces ressources, parfois sans obligation réelle.
En 1970, 5400 km2 étaient irrigués en France ; en 1997, plus de 20.000 km2 le sont, soit environ 7 % de la surface agricole utile. Il s'agit donc d'une augmentation de 270 % en 27 ans.
En outre, depuis 1997, la progression de la surface irriguée s'accélère.
Près de 10 % de la surface agricole utile sont aujourd'hui équipés pour l'irrigation.
Celle-ci répond-elle toujours à des besoins impérieux ?
L'évolution de l'accroissement des surfaces irriguées ne devrait-elle pas être considérée comme une tendance d'une époque révolue ?
III. SÉLECTIONNER LES TECHNIQUES AGRICOLES
Comme signalé ci-dessus, avant même de s'interroger sur les techniques émettant moins de gaz à effet de serre, il faudrait désormais toujours se demander quelle quantité d'eau est nécessaire à la protection d'un kilo de matière sèche afin de ne pas abuser de l'irrigation.
. . .
CHAPITRE SECOND : LES ENJEUX DES SOLUTIONS
Les enjeux des solutions proposées peuvent être appréciés de trois manières. D'abord en évoquant les échéances de la présente étude. Que sera-t-il possible de faire et, face à quelles difficultés, en 2025, 2050 et 2100 ? Comment y parvenir ? Qui bénéficiera ou pâtira de ces actions ?
I. QUAND ?
Il a été fixé à la présente étude trois échéances de temps 2025, 2050 et 2100 pour examiner les impacts des changements climatiques sur la géographie de la France.
De prime abord, ces échéances lointaines paraissent exclure toute possibilité de pronostic à leur égard, notamment compte tenu des nombreuses incertitudes liées aux connaissances climatiques.
Cependant, le rythme relativement lent des évolutions du climat, la durée de résidence importante de la plupart des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, ainsi que l'inertie des choix opérés pour mener les principales politiques des différents États rendent les échéances retenues moins lointaines qu'elles ne paraissent et aucunement futuristes.
De plus, en matière de climat, trois dates ponctuelles ne peuvent avoir en elle-même une grande signification dans la mesure où une période climatique se caractérise à partir de données collectées sur une durée d'une trentaine d'années environ.
En conséquence, votre Rapporteur s'est interrogé, à travers les dates de 2025, 2050 et 2100, sur ce qui pourrait différencier la période 2010-2040, des périodes 2040-2070 ou 2070-2100.
A. 2025 OU L'AVENIR PROGRAMMÉ
La plupart des choix déjà opérés jusqu'à aujourd'hui feront mécaniquement sentir leurs effets en 2025 et, déjà, la plupart des politiques sont difficiles à infléchir pour en modifier les impacts à cette échéance relativement rapprochée, qu'il s'agisse des choix énergétiques, de l'implantation des grandes infrastructures ou encore de l'urbanisme.
De plus, si les observations futures du changement climatique confirment les tendances actuelles, 2025 peut marquer le début de la perception par chacun dudit changement.
Aujourd'hui, les experts s'interrogent sur l'existence, la nature et l'ampleur des signaux climatiques attestant sans conteste un changement. En 2025, ces signaux auront vraisemblablement été identifiés.
Pour autant, certains de ces effets seront peut-être irréversibles ou difficilement réversibles. Et, si rien n'a été changé, par exemple dans les politiques énergétiques de transport ou d'habitat à la surface de la planète, 2025 risque de ne pas marquer la rencontre entre une action efficace et la prise de conscience des changements intervenus, mais, au contraire, d'être la date d'un tardif constat de carence. Il restera à déplorer qu'une action n'ait pas été entamée bien des années plus tôt alors que l'alerte avait été donnée.
Mais avant cela, il faut rappeler les choix que devraient illustrer pour la France :
- la décision de renouveler, ou non, la plupart des centrales nucléaires ;
- l'objectif de 4 GW de cogénération ;
- l'objectif du remplacement de la totalité des canalisations poreuses du réseau de distribution de gaz - 0,64 Mte CO2 évité par rapport à 1990 ;
- l'objectif du remplacement de la totalité des centrales thermiques charbon et fuel lourd par des centrales gaz naturel et cogénération, d'où des émissions de 14,7 Mte CO2 au lieu de 27 Mte CO2/an ;
- le projet de directive européenne sur le développement de l'électricité et des énergies renouvelables - 22 % en Europe en 2010 (la France devant se situer au-dessus de 20 % contre 15 % actuels) ;
- l'objectif de 5.000 MW éoliens installés ;
- l'augmentation de 25 % du bois utilisé dans la construction ;
- l'objectif du doublement du fret ferroviaire ;
- l'objectif d'un bilan net du secteur forestier égal à 0.
B. 2050 OU LE CARREFOUR DES CHOIX
Si, à la suite de la prise de conscience en train de se généraliser en 2001, les principales dispositions du protocole de Kyoto étaient suivies d'effet et surtout prolongées par d'autres accords internationaux allant au-delà de la période 2008-2012, 2050 serait peut-être au coeur de la période où commenceront à être enregistrés les premiers effets bénéfiques des actions engagées au début des années 2000 pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.
Certes, un décalage d'une cinquantaine d'années entre une décision et ses effets peut sembler bien long, cependant, une période de cinquante ans, cela est relativement bref quant à la prise de grandes décisions politiques relatives aux infrastructures et surtout à la durée de réalisation de certaines d'entre elles ou encore face à la réorientation de choix énergétiques.
Pour s'en tenir à quelques exemples, il est souvent préconisé la substitution du fret ferroviaire aux transports routiers, mais cela suppose, en France et dans l'Europe entière, la création d'un réseau ferré dédié aux transports de marchandises et, avec l'édification de celui-ci, la mise en place de réseaux de contournement des grandes villes.
Autre exemple, la réalisation d'un tunnel ferroviaire permettant la liaison directe Lyon-Turin est une réalisation de longue haleine et, en 2050, il est probable que cette installation dont le principe vient d'être décidé n'aura encore que peu d'années de fonctionnement à son actif.
Enfin, où en seront les travaux du canal Seine-Nord ? Sa mise en eau aura-t-elle déjà été effectuée ?
C. 2100 OU L'IRRÉMÉDIABLE
Pour cette échéance, il est permis de souhaiter que les fruits des actions à long terme lancées au début du XXIème siècle, soient perceptibles. Dans le cas contraire d'importantes difficultés n'auront sans doute pas manqué d'apparaître et, surtout, un siècle de retard aura été pris dans la réaction aux excès d'émissions de gaz à effet de serre.
Cette échéance de la fin du siècle, difficilement imaginable, rappelle que le temps de résidence dans l'atmosphère du dioxyde de carbone est estimé à environ 120 ans. Ce qui signifie qu'une molécule de carbone émise dans l'atmosphère aujourd'hui s'y trouvera encore en 2100, tandis que d'autres molécules de gaz à effet de serre encore plus tenaces ne feront alors qu'y entamer un séjour de plusieurs millions d'années.
Les immenses quantités de dioxyde de carbone émises à compter d'aujourd'hui et jusqu'en 2100, tout au long du XXIème siècle, ne commenceront à disparaître qu'à partir de 2200 environ et cela en supposant que le volume total du dioxyde de carbone présent dans l'atmosphère n'ait pas excédé les capacités d'absorption des puits de carbone que sont les océans et les forêts.
En effet, il n'est pas exclu que se manifeste des effets de seuil et qu'à un moment donné, les puits de carbone cessent de jouer, en tout ou partie, le rôle efficace qu'ils ont assumé jusqu'à présent.
Ainsi, même si le terme ultime envisagé par la présente étude est 2100, nombre d'aspects obligent à se projeter encore au-delà et il a pu être constaté ci-dessus comme dans d'autres parties de ce rapport que des projections allant de 2000 à 2100 dessinent presque toujours des courbes qui ne s'infléchissent nullement à l'approche de 2100. Bien au contraire, la pente de ces courbes à cette période est souvent tout à fait ascendante. C'est pourquoi, dans nombre d'études, des courbes se multiplient mentionnant l'année 2200, voire l'année 2300.
II. COMMENT ?
Comment parvenir à imaginer et à mettre en oeuvre des solutions à l'échelle des problèmes posés par les changements climatiques ?
Pour que la plupart des solutions puissent être mises en oeuvre à un échelon significatif, c'est-à-dire propre à limiter durablement les émissions mondiales de gaz à effet de serre, les politiques nationales doivent être coordonnées. L'exemple de la fiscalité, des transports, des grandes infrastructures, de la politique agricole etc. illustrent cela, en particulier pour l'Europe.
A. SOLUTIONS PARTIELLES ET RECOURS AU NUCLÉAIRE
Votre Rapporteur tient à insister sur les recommandations énoncées en fin de rapport consistant à réaliser des économies d'énergie, prôner l'efficacité énergétique, développer les énergies renouvelables. Cependant, même si toutes ces politiques étaient mises en oeuvre, le changement du rythme de progression de la consommation d'énergie dépend de choix de sociétés de grande ampleur.
Dans ce contexte, la France ne saurait ni renoncer à l'énergie nucléaire pour produire son électricité, car cela la conduirait à émettre bien davantage de gaz à effet de serre, ni compter sur le développement du nucléaire pour faire face à la demande croissante d'énergie.
Cette situation particulière de la France doit être expliquée aux citoyens comme à nos partenaires étrangers et prise en compte avec toutes les conséquences qu'elle implique.
Certes, le recours à l'énergie nucléaire doit être combiné avec toutes les autres ressources énergétiques.
B. DÉVELOPPEMENT DURABLE
Au-delà des améliorations apportées aux modes de production, aux transports et au secteur résidentiel-tertiaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, seule une orientation résolue vers le développement durable pourrait constituer un cadre cohérent pour une telle réduction à long terme et à l'échelle mondiale.
Il s'agit là d'une réorientation majeure.
· Cela pourrait passer par de nouveaux lieux de réflexion :
- sur l'agriculture en Europe et sur le pourtour de la Méditerranée ;
- sur la chaîne technologique de l'énergie nucléaire (réflexion et campagnes d'information) ;
- sur les changements climatiques avec des lieux de dialogue contradictoires interculturels ;
· De nouveaux moyens de connaissance pour appréhender la réalité apparaissent indispensables, et parmi ceux-ci :
- des indicateurs de performances pour l'environnement ;
- un réseau d'observatoires pour la biodiversité et l'élaboration d'un inventaire des richesses des territoires en biodiversité ;
- des indicateurs de bien être à long terme prenant en compte les critères environnementaux, le caractère durable de la croissance ;
- des réseaux de veille sanitaire ;
- des mesures relatives aux diverses pollutions.
- des programmes de recherche liés au climat et aux ressources énergétiques (garantie de durée, connexions entre secteurs de recherche) avec comme thèmes prioritaires l'océan, l'eau, la désertification et la déforestation.
· De nouvelles exigences concernant les principaux secteurs de production :
- agriculture économe en énergie et en eau ;
· De nouvelles approches politiques dans des cadres rénovés seraient souhaitables pour :
- élaborer une politique européenne d'aménagement du territoire prenant en compte les impacts des changements climatiques sur les sociétés humaines et sur la biodiversité dans le respect des espaces protégés. Cela conduirait, en France, à repenser les missions et les moyens du Plan et de la DATAR et à coordonner leurs efforts avec des organismes équivalents dans les autres pays de l'Union européenne.
- élaborer une politique de la biodiversité ;
- progresser vers une coopération totale entre États sur l'eau.
· Des priorités directement dictées par le caractère durable du développement pourraient consister à :
- enseigner et promouvoir les économies d'énergie et l'efficacité énergétique ;
- développer toutes les formes d'énergies renouvelables ;
- maîtriser le transport aérien, notamment en développant le télétravail, les téléconférences, les liaisons ferroviaires à grande vitesse) ;
- accorder la priorité aux investissements destinés au rail par rapport à ceux destinés à la route, ce qui correspond à une inversion de situation actuelle.
· Des moyens d'action améliorés commenceraient par :
- former des équipes pluridisciplinaires de négociateurs en France et en Europe pour participer aux conférences internationales -face à des négociateurs Anglo-Saxons mieux rompus à ces exercices.
· Des moyens de communication seraient à promouvoir pour :
- élaborer et publier des bulletins médico-météorologiques afin de mieux informer la population sur la réalité des risques de son environnement quotidien ;
- communiquer sur les progrès accomplis dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux objectifs annoncés pour que les campagnes médiatiques lancées aient un impact durable et motivent chacun dans son comportement quotidien.
III. POUR QUI ?
Les solutions envisagées, pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial et éviter les effets négatifs des changements climatiques, comportent des enjeux très différents selon les pays considérés.
Si deux grands groupes de pays, les pays développés et les pays exclus, peuvent être distingués, de nombreuses différences apparaissent entre les membres de chacun de ces groupes.
A. PAYS DÉVELOPPÉS ET NOUVEAUX PAYS DÉVELOPPÉS
Le protocole de Kyoto distingue entre les pays auxquels s'appliquent intégralement les dispositions du protocole et ceux qui le rejoignent tout en bénéficiant de clauses moins restrictives adaptées à chacune de leurs situations, comme cela a été développé dans la troisième partie du rapport.
En outre, d'autres pays sont libres de s'associer au protocole.
À cette architecture logique, sont venus s'ajouter les complexités de la réalité des négociations politiques.
Si le climat est bien un enjeu planétaire, les négociations liées à celui-ci sont, en elles-mêmes, devenues d'autres enjeux bien plus individualisés.
Le groupe des pays développés, à l'origine de la révolution industrielle, pays qui auraient dû se trouver unis autour du plus grand émetteur de gaz à effet de serre de la planète, les États-Unis d'Amérique, pour réduire ensemble leurs émissions, se voient dans l'obligation de donner l'exemple pour l'application du protocole de Kyoto, alors que le principal acteur s'est retiré de la distribution des rôles mais compromet tout de même le succès de la pièce du fait de ses émissions massives de gaz à effet de serre.
Bien plus, au cours des négociations climatiques de ces dernières années, les États-Unis d'Amérique ont constitué autour d'eux, le groupe dit du « parapluie » (Umbrella) rassemblant le Canada, l'Australie et le Japon. Ces pays ont obtenu des avantages en échange de la poursuite de leur participation aux négociations climatiques.
En effet, sous prétexte d'exiger l'association au protocole de Kyoto des pays en voie de développement et des pays nouvellement développés -Chine, Inde, par exemple- qui ne manqueront pas de devenir d'importants émetteurs de gaz à effet de serre au cours du XXIème siècle, du fait d'un développement calqué sur le mode occidental, les pays du groupe du parapluie, ont exercé, sur les autres partenaires du protocole de Kyoto, une sorte de chantage incessant à la non-signature, à la non-ratification et à la non-application du protocole.
De la sorte, tantôt l'un, tantôt l'autre de ces pays a obtenu d'importantes atténuations aux rigueurs du protocole ; par exemple, en obtenant une meilleure prise en compte de ses puits de carbone réels ou supposés, comme ce fut le cas, par exemple, lors de la conférence de Marrakech pour la Russie et le Japon.
Ces atténuations, ces dérogations de fait, étaient d'autant plus facilement accordées qu'à un moment donné, la survie du protocole en dépendait.
Paradoxalement, plus le texte du protocole se vide de sa substance, au bénéfice d'un certain nombre d'États, plus les concessions sont grandes pour tenter de parvenir aux conditions formelles de sa mise en application.
Maintenant, celle-ci dépend de la Fédération de Russie, qui a déjà obtenu, dès 1997, le droit d'émettre des quantités de gaz à effet de serre tout à fait inattendues par rapport à l'objectif de Kyoto.
Faut-il rappeler qu'il s'agit, depuis 1997, de fixer des règles strictes applicables à la période 2008-2012 et que, trop de données montrent que les principaux acteurs s'éloignent dès à présent des normes qui permettent de respecter les objectifs du protocole ?
Que penser à cet égard, du choix récent de l'Allemagne de renoncer totalement à l'énergie nucléaire à l'avenir ? De celui des États-Unis d'Amérique de ne pas renouveler leurs centrales nucléaires au terme de la durée de vie de celles-ci ?
B. LES EXCLUS DU FAIT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Au delà des subtilités des négociations internationales ou des spéculations sur le caractère, bénéfique ou non, des permis d'émission négociables, certains pays vont se trouver exclus, davantage ou d'une nouvelle manière, d'abord en raison même des impacts des changements climatiques et aussi du fait des nouvelles règles du jeu qui en découleront probablement.
1. L'impact négatif des changements climatiques sur certains pays.
Qu'il s'agisse de l'élévation du niveau de la mer et de la submersion éventuelle de certains États îliens du Pacifique, d'une partie du Bangladesh, de la désertification accrue de pays d'Afrique, de la poussée démographique alliée à la pénurie d'eau au Maghreb et au Moyen-Orient, de l'érosion des côtes où sont implantées des mégapoles sous-équipées -sur la côte ouest de l'Afrique en particulier- des conséquences néfastes des cyclones, des précipitations diluviennes ou de tout autre phénomène extrême, devenu plus fréquent, l'évolution du climat renforcera nombre d'exclusions.
Face à des problèmes d'une telle ampleur à résoudre dans l'urgence, que pèseront les projets de « développement propre » destinés à permettre à ces pays, durement frappés, d'évoluer vers un mode de vie occidentalisé tout en adoptant un développement durable ?
Il est à craindre, comme l'a observé votre Rapporteur, dans ses déplacements en Israël et aux Pays-Bas, que l'intérêt porté aux impacts des changements climatiques viennent après d'autres priorités vitales, comme en Israël, ou que la possibilité d'éviter les conséquences climatiques les plus néfastes des dits changements ne soit étroitement liée à la capacité de faire preuve d'un niveau technique et d'investissement très élevé -comme celui nécessité par la surélévation des digues aux Pays-Bas.
*
Pourtant, diminuer très fortement et très rapidement les émissions de gaz à effet de serre apparaît bien comme une légitime priorité internationale car résultant d'un enjeu planétaire incontestable.
Mais, aucune autorité ne semble à même de faire valoir cette priorité, à moins qu'une prise de conscience très large intervienne dans l'opinion, auprès de très nombreux passagers du vaisseau spatial Terre.
2. La difficulté d'une prévision climatique régionale
Dans le contexte décrit ci-dessus, des prévisions climatiques régionales permettraient peut-être de mieux affronter les évolutions en cours.
Mais, selon M. Jean-François MINSTER , il sera nécessaire d'attendre encore quatre ou cinq années pour détenir des prévisions sur les effets régionaux des changements climatiques.
Depuis vingt ans, les impacts des changements climatiques sur les deltas des fleuves, sur la fréquence des inondations, sur la pêche, sur les marais constituent des préoccupations de recherche. Mais ce n'est que depuis une dizaine d'années que les moyens techniques de traiter ces problèmes existent.
Toutefois, même encore mal estimés, il est certain que les impacts régionaux des changements climatiques seront loin d'être négligeables puisque, par définition, certains d'entre eux dépasseront les effets moyens.
IV. À QUELLES CONDITIONS ?
A quelles conditions la prise de conscience souhaitée ci-dessus pourrait-elle s'opérer ? Après quelques mois d'investigations, il est apparu à votre Rapporteur que la sensibilisation de l'opinion à la problématique des changements climatiques était encore plus urgente que la poursuite de telle recherche ou l'obtention des résultats de telle simulation.
La Conférence des Citoyens, organisée les 9 et 10 février 2002, est partie du même constat (71(*)).
A. SENSIBILISATION DE L'OPINION
Au-delà des articles de presse, des émissions de télévision, des colloques multiples, des publications scientifiques, la sensibilisation de l'opinion sur le thème de la lutte contre l'intensification de l'effet de serre ne fait que commencer.
Votre Rapporteur, encouragé dans ce projet par le Président de l'OPECST, a souhaité la diffusion du présent rapport et du double Cd-rom qui y est associé d'une part, au plus grand nombre possible d'élus nationaux, régionaux, départementaux ou locaux et, d'autre part, à tous les élèves des lycées à travers la remise d'un exemplaire de ce triple document aux Centres de Documentation et d'Information (C.D.I.) de ces établissements.
En effet, ces documents peuvent constituer un bon complément à l'enseignement des sciences de la vie et de la Terre (S.V.T.), obligatoire pour tous les élèves des collèges et des lycées. Dans ce cadre, le phénomène de l'effet de serre est enseigné et le développement durable décrit.
Cette action apparaît d'autant plus nécessaire que, depuis le milieu des années 1980, aucune action nationale d'information sur les économies d'énergie n'a été entreprise. Ce sont donc des classes d'âge entières qui ont manqué d'un éveil sur ce thème.
Les tranches les plus jeunes de la population n'ont pas été sensibilisées à l'impératif des économies d'énergie.
B. ÉDUCATION
Compte tenu des délais dans lesquels les changements climatiques vont probablement se manifester, ce sont plutôt les jeunes âgées aujourd'hui de dix ans au maximum, qui connaîtront la réalité des phénomènes aujourd'hui seulement envisagés. Mais ce sont les lycéens actuels qui auront à prendre des décisions collectives ou individuelles liées à cet avenir.
Ils vivront sur une planète ainsi modifiée et devront s'en accommoder, ils auront à décider de réactions face à ce nouvel état de leur environnement.
A cet égard, il est intéressant de noter qu'en France, les programmes scolaires de seconde et de terminale incluent aujourd'hui des parties traitant de l'atmosphère, de l'effet de serre, du développement durable et de l'environnement planétaire.
De plus, dans l'enseignement supérieur, il est envisagé de créer de nouveaux enseignements, voire de nouvelles formations correspondant davantage au caractère global des données à maîtriser par l'homme.
Des formations interdisciplinaires pourraient être organisées ainsi que de meilleurs procédés de dialogue pluridisciplinaire.
À une échelle plus modeste, votre Rapporteur a constaté, peu après le début de ses investigations sur les changements climatiques en 2100, qu'il n'était pas normal de prendre une posture d'attente en espérant des scientifiques la réponse à toutes les questions, leur rôle consistant d'ailleurs davantage à bien formuler celles-ci. Il a estimé qu'il n'était pas davantage raisonnable de patienter jusqu'à l'entrée en vigueur des conventions internationales, même étendues à de nouveaux États ; en revanche, il lui est apparu indispensable de mieux informer les jeunes générations sur l'état de la planète qui leur sera léguée.
Déjà, des brochures pratiques, comme celle de RAC-France « SOS Climat » indiquent des gestes quotidiens, à la portée de chacun, pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre ; l'ADEME a pris des initiatives dans le même sens, notamment à travers la récente campagne télévisuelle incarnée par le comédien Fabrice LUCCHINI, opérant des rapprochements inattendus entre des éléments de la nature et des engagements des sociétés industrialisées dont les liens ne s'imposent pas de prime abord - comme celui entre l'ours polaire et l'ampoule électrique...
Le présent rapport devrait apporter sa contribution à cette éducation des citoyens du monde à effet de serre renforcé et suggérer aussi de nouveaux comportements quotidiens vécus.
C'est pourquoi, votre Rapporteur a imaginé, soutenu par les Présidents successifs de l'OPECST et les Bureaux de l'Assemblée nationale comme du Sénat, d'éditer le présent rapport sous forme de Cd-rom diffusé, en particulier, aux Centres de Documentation et d'Information (CDI) des lycées de France pour que la richesse des documents associés à ce rapport constitue une source d'information particulièrement attractive.
Elle pourrait, par exemple, servir de base aux Travaux Personnels Encadrés (T.P.E.) dont bénéficient, depuis l'an dernier, les classes de Première et de Terminale.
Des rapports de l'Académie des Sciences, du Sénat, du Conseil Economique et Social, de la Mission interministérielle de l'effet de serre (MIES), de l'ADEME, du GIEC, des articles parus dans la revue « Sécheresse » , des séquences vidéo du CNES figurent sur le Cd-rom publié parallèlement au rapport écrit.
De plus, l'actuel ministre de l'environnement, M. Yves COCHET, a accepté d'emblée d'apporter sa pierre à l'édifice avec l'insertion dans le Cd-rom de son rapport sur l'efficacité énergétique .
Par ailleurs, en plus du Cd-rom sur les changements climatiques, un autre Cd-rom, associé au présent rapport regroupe les 65 rapports de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, l'OPECST, parus de 1985 à 2001, dont plusieurs traitent de thèmes complémentaires à celui des changements climatiques et auxquels le présent rapport renvoie en tant que de besoin.
Il en est ainsi, par exemple, lorsqu'il est question du véhicule électrique, des risques naturels, des déchets, des énergies renouvelables...
Mettre en commun les efforts considérables d'auteurs d'horizons très différents à la poursuite du même but, à savoir la meilleure connaissance des causes et impacts des changements climatiques au cours du XXIème siècle, telle fut la contribution de votre Rapporteur en espérant s'adresser non seulement aux interlocuteurs habituels de l'OPECST mais aussi au plus grand nombre possible d'élus nationaux, régionaux, départementaux ou locaux, et à de plus jeunes lecteurs soucieux du monde qui sera le leur demain.
CONCLUSION
Le climat de la planète va probablement changer de manière assez sensible au cours du présent siècle. Et, ce, en grande partie du fait des activités humaines, des retombées de la civilisation actuelle. Cela va modifier la situation d'individus, de régions, de pays et même de continents.
Face à cela, l'homme peut-il faire valoir un droit acquis au climat ? Pourquoi pas. Mais ce sera face à lui-même, aux générations qui viennent de le précéder comme à la génération actuelle et, surtout, face aux générations futures.
Cependant, même si au niveau international, à celui de chaque État, entreprise ou individu, la volonté de conserver le climat actuel se manifestait de manière immédiate, unanime et irrévocable, l'humanité devrait attendre plusieurs dizaines d'années pour constater l'arrêt de l'évolution en cours relative à la hausse de la température et plusieurs centaines d'années pour voir cesser l'élévation du niveau des mers.
Sans cette volonté, suivie d'une action de très grande ampleur, les changements climatiques s'accélèreraient. L'énoncé brutal de ce fait peut favoriser une prise de conscience qui nécessite l'ouverture d'un vaste débat public au-delà du cercle des divers spécialistes.
Par le présent rapport, assorti de rapports ou publications connexes essentiels à la connaissance des données de la question des changements climatiques, l'OPECST a souhaité, grâce à une diffusion de ces travaux au moyen d'un Cd-rom, élargir le cercle des personnes intéressées par ces questions et, surtout, donner à chacun les moyens de s'informer directement afin de se forger une opinion personnelle.
Cela devrait initier des modifications dans les comportements individuels et collectifs, de même que la prise en compte de nouvelles préoccupations dans les décisions publiques et privées.
Sans plus tarder mais sans alarmisme, l'homme a le devoir de se réapproprier la planète mais, désormais, en bannissant les abus que seule l'Antiquité associait au droit de propriété.
La Terre est non seulement le vaisseau spatial qui transporte l'humanité mais, bien plus, elle est le milieu sans lequel toute vie serait impossible. Grâce aux algues bleues, elle est devenue la planète vivante, du fait de l'homme...
Est-ce suffisant pour convaincre ?
RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES
ET PRÉCONISATIONS RELATIVES
À LA VIE QUOTIDIENNE
Dans la mesure du possible, votre Rapporteur s'est efforcé d'assortir chaque série de recommandations générales - dont trente recommandations prioritaires figurant dans un encadré - de préconisations concrètes relatives à la vie quotidienne afin de recommander des modes d'action ou des gestes simples que chaque passager du vaisseau spatial Terre peut accomplir dans son propre intérêt et dans celui de ses descendants.
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