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La causalité dans les sciences de la population : retour sur le principe de laction humaine
Herbert L. Smith
Population Studies Center
Université de Pennsylvanie
Philadelphie, Pennsylvanie 19104-6298 É-U
HYPERLINK "mailto:hsmith@pop.upenn.edu"hsmith@pop.upenn.edu
Version du 26 avril 2011 ; une version très légèrement remaniée de celle disponible sur place au séminaire des Lundis de lINED du 28 mars 2011. Commentaires et corrections bienvenus. Merci davance
et de votre intérêt !
La causalité dans les sciences de la population : retour sur le principe de laction humaine
Résumé
Dans la littérature anglo-saxonne, l'idée du critère (ou principe) de « manipulation » dans l'étude des liens de causalité est débattue. Cette idée ? Que la différence entre deux états dêtre ne peut pas constituer un « effet dune cause » en soi sauf quand les tels états (ou conditions) sont sujets à la manipulation dans le sens dune expérience, où lexpérimentateur peut assigner aléatoirement (de manière réelle ou virtuelle) les sujets à ces conditions. Cest un peu un casse-tête, car conceptuellement lexpérience est fortement présente dans la définition (contemporaine, moderne, statistique, anglo-saxonne) de « leffet dune cause » mais parmi les scientifiques en sciences sociales (surtout démographes), on a tendance à tenter didentifier les causes dans des faits plus ou moins immuables, comme le sexe ou lâge. Effectivement, la liste des « causes » potentielles dans la littérature est longue, mais la liste des facteurs, surtout au niveau individuel (où nous collectons la plupart de nos données) ne lest pas. Dans ce contexte, le critère de manipulation est un invité imprévu, voire malvenu. Que faire ? Bien sûr, on peut étendre la définition dune cause afin quelle convienne à nos habitudes, et il y a toujours beaucoup à dire pour le pluralisme et la tolérance, en science comme ailleurs. Mais si on se pose la question, « ce langage de causalité, pourquoi nous intéresse-t-il tant ? » on revient sur lidée que, au fond, on sefforce de découvrir ce qui va se passer si nous faisons quelque chose, quand nous agissons. De là, trois constatations et/ou implications :
Que cest par la capacité daction plus que par celle de manipulation expérimentale que « les vraies causes » sannoncent, et quen tout cas, les choses immuables ne devraient probablement pas être considérées en tant que « causes » ;
Que dans le monde social, la plupart des actions se déroulent à un niveau plus élevé que celui de lindividu (et, par conséquent, que nous nous trompons avec la plupart de nos « analyses causales ») ;
Que létablissement des « effets dune cause », lobsession actuelle de la littérature sociale scientifique américaine, noccupe quun espace exceptionnellement limité du terrain fécond des démographes.
La causalité dans les sciences de la population : retour sur le principe de laction humaine
En 2005 un tremblement de terre dune magnitude de 7,9 a frappé le nord du Chili. Heureusement, ce grand séisme a assommé peu de gens. Pourtant, un nombre assez important ont été secoués, dont des femmes enceintes. Au vu de Torche (2011), le tremblement de terre était également « une expérience naturelle », lui permettant dévaluer leffet sur le poids de naissance de lexposition au stress aigu. Sous lhypothèse quun séisme ne cible pas les gens sauf par hasard, elle démontre que dans les zones qui ont subi les secousses maximales, les enfants des femmes enceintes du premier semestre touchées par le séisme pesaient à leur naissance en moyenne 51 grammes de moins que les enfants des femmes situées dans les zones non-affectées un effet dû, pour la plupart, à un raccourcissement de la durée de gestation. De ces faits, elle insiste sur le rôle éventuel du stress maternel prénatal dans les inégalités sociales de santé.
Aux États-Unis, les listes des électeurs inscrits sont consultables par le grand public, y compris si un tel électeur a effectivement voté dans un scrutin spécifique. En 2004 une équipe de politologues a obtenu un grand fichier délecteurs pour létat dIllinois plus de 7 millions de noms au sein de 2,7 millions de ménages ! dont leurs adresses et numéros de téléphone, des caractéristiques démographiques (sexe, âge), et leurs histoires de participation électorale (Arceneaux, Gerber et Green 2010). Ils en ont tiré un échantillon aléatoire de 16 000 électeurs éventuels (pas plus dune personne par foyer) et ont tenté de les joindre par téléphone pour les encourager à voter dans une élection qui était en train darriver. Seulement 41% des gens sélectionnés étaient joignables, et la question se pose : Les gens les plus joignables (et, du coup, peut-être, les plus abordables), sont-ils aussi les plus aptes à répondre cest-à-dire, à voter à la suite dun tel coup de fil et le message apporté ? Arceneaux et al (2010, p. 260) s'intéressent à « leffet causal dun coup de téléphone sur ceux qui sont joignables ». Ils comprennent bien quun groupe témoin même soigneusement sélectionné parmi les électeurs éventuels non appelés et appariés exactement (par rapport à lhistoire de la participation électorale, le sexe, et lâge) à ceux qui ont été joints, donc encouragés va mêler les « gentilles » personnes qui répondent quand le téléphone sonne à celles qui se méfient de ce genre dappel, qui sont rarement chez elles, qui nont pas précisé un numéro de téléphone, etc. Par conséquent, pour évaluer leffet dun tel coup de téléphone parmi les personnes layant bien reçu, Arceneaux et al. (2010) effectuent une analyse par la méthode de moindres carrés à deux étapes, où la sélection (ou non) originale (et aléatoire) pour se faire contacter sert en tant que variable instrumentale dans la régression de vote (oui ou non) sur contact réalisé (oui ou non). Il savère que : (a) la probabilité daller voter augmente de 2% avec la réception dun tel message ; et, tout à fait, (b) les gens qui ont tendance à répondre aux coups de téléphone sont aussi les types qui ont tendance à voter, tout court.
Autre étude en 2004, dans la ville de New York, les entreprises et les commerçants qui cherchaient à recruter des employés pour des emplois ne nécessitant pas plus du niveau bac et peu dexpérience ont affiché des annonces de recrutement, comme dhabitude, dans les journaux et sur des sites internet. Les gens postulent pour ces emplois et les employeurs potentiels leur répondent ou ne leur répondent pas, les convoquent pour un entretien ou pas, leur proposent un emploi ou pas tout à la manière désordonnée du marché du travail américain. Sauf que, de temps en temps, et dune façon aléatoire, un employeur potentiel a reçu, dans un intervalle de 24 heures, trois candidats avec les qualifications essentiellement identiques, un « blanc », un autre « noir », et un troisième hispanique (portoricain). Leur ordre de candidature a varié entre les employeurs, bien sûr non informés de cet artifice. Quant aux « testeurs » ces jeunes hommes qui ont effectué ses candidatures, qui se sont présentés aux entretiens ils avaient été au préalable embauchés et formés par une sociologue qui cherchait à connaitre leffet de la « race » (ou lethnicité ou la couleur de la peau) sur les chances dune réponse positive (soit être convoqué pour un entretien, soit se faire proposer un emploi). Il savère quil ny avait pas une différence significative entre les chances dun « blanc » et celles dun hispanique, mais quil y avait une différence significative pour celles dun « noir » par rapport aux deux autres. Différence au combien significative ? Il y avait aussi un autre ensemble de testeurs dans lequel le candidat « blanc » venait de purger une peine de prison de 18 mois (possession de cocaïne) tandis que les deux autres candidats similaires (à lexception de leur race ou ethnicité) présentaient des casiers vierges. Ce nétait que dans ce cas que les chances du « blanc » se sont rapprochées de celles du noir ! Pour résumer, une peau noire égalait en moyenne à 18 mois en prison (avec preuve de consommation de drogues), au moins dans les yeux de ces employeurs potentiels (Pager, Western et Bonikowski 2009).
Ces trois exemples sont des recherches dun haut niveau scientifique, toutes parues, avec justice, dans les grandes revues. On en apprend beaucoup :
Que le stress lié à un choc soudain comme celui dun tremblement de terre très violent chez les femmes enceintes a un rôle important sur la santé de leurs enfants, particulièrement pour celles enceintes seulement de quelques mois ;
Que les tentatives daugmenter la participation électorale par le biais des coups de téléphone se heurtent en premier lieu au fait que ceux qui ont tendance à sabsenter des urnes sont également ceux qui sont peu enclins à décrocher le combiné ; et, surtout,
Que la discrimination ressentie dans le marché de travail par les africains-américains nest pas du tout anecdotique : Elle est systématique, et elle est très forte.
Ces trois recherches sappuient sur le cadre danalyse qui sefforce détablir leffet dune cause, où un tel effet est défini en principe (et assez librement, pour le moment) en fonction de la différence dans la réponse dune unité sous deux états dêtre différents. De cette manière, Torche (2011) veux savoir la différence entre le poids de naissance dun enfant issu dune mère qui a été très stressée par un tremblement de terre et celui de lenfant de cette mère dans le cas où elle naurait pas subi un tel choc. Arceneaux et al. (2010) cherchent à établir la probabilité quun électeur potentiel, qui reçoit un message téléphonique qui lui rappelle quil (ou quelle) devrait voter, va voter, par rapport à la probabilité quil (ou elle) aurait voté sil (ou elle) navait pas écouté ce message. Pager et al (2009) sintéressent aux différences de comportement quand un employeur potentiel se trouve avec un postulant à la peau blanche en comparaison de ce qui se passe quand le candidat, autrement semblable, est « noir ».
Étant donné que les événements à léchelle humaine ne sont pas régis par les principes de la mécanique quantique cest-à-dire quon ne peut pas être dans deux états dêtre différents en même temps il faut une astuce pour quon puisse évaluer cet effet conceptuel. Heureusement, il y en a plusieurs, à linstar de Iessai contrôlé randomisé, où les sujets sont assignés au hasard aux interventions les groupes expérimentaux et témoins, les traitements et les contrôles (pour linstant le vocabulaire doit rester flou). Comme lont exprimé Greiner et Rubin (2010, p. 4), qui constatent :
le statut de lessai randomisé comme létalon dor pour linférence causale et du coup la nécessité deffectuer lanalyse des données non-expérimentales par lintermédiaire dune expérience hypothétique dans laquelle, surtout, les facteurs éventuellement confondues [avec la répartition des sujets par « cause »] sont distinguées des résultats intermédiaires et sont équilibrées entre les groupes expérimentaux et témoins
.
Par conséquent, Torche (2011) se vante dexploiter une expérience naturelle « parce quun tremblement de terre est un événement aléatoire vraisemblablement non-corrélé aux caractéristiques au sein de la population qui influent sur les résultats des naissances ». Chez Arceneaux et al (2010), le « traitement » la réception dun message qui conseille vivement daller aux urnes ne simpose pas au hasard : il est fonction dun processus aléatoire (la sélection des électeurs éventuels pour recevoir ces appels) et une tendance qui savère non-aléatoire (la volonté de décrocher le combiné). Mais sous lhypothèse que ce premier nagit que sur la décision à voter par le biais de ses effets sur le dernier (contacte par téléphone), on peut évaluer les effets de ce contacte comme décrit ci-dessus (la méthode des moindres carrés à deux étapes).
Quant à Pager et al (2009), cest un peu plus compliqué. Ils parlent dune « expérience sur le terrain », mais tandis que les sujets de lexpérience les employeurs potentiels ont été sélectionnés dune façon aléatoire, ils nont pas été assignés au hasard aux testeurs à la peau blanche, à la peau noire, et à la peau
hispanique. Bien au contraire, chaque employeur échantillonné a reçu tous les « traitements », systématiquement les trois postulants. Lordre de contact a été déterminé de façon aléatoire, mais au fond les effets des causes demeurent avec ce que Holland (1986) a bien appelé la « solution scientifique », pour le distinguer de la « solution statistique », la comparaison des résultats moyens entre les groupes, dont lessai contrôlé randomisé prime en fonction de sa capacité dégaler ces groupes par rapport aux autres variables éventuellement confondues. Pour la solution scientifique, dans ce cas-ci, il sagit de maintenir les suppositions de (a) « la stabilité à travers le temps » et (b) « la caractère éphémère de la causalité » (Holland 1986, p. 948) ; en bref, que la conséquence observée à la suite dune intervention (dun traitement) ne dépend pas de quand lintervention sest passée, et que la réponse ou le résultat dans la foulée dune telle intervention et sa mesure ne dure pas, afin que la réponse plus tard du même sujet à une autre intervention ne soit pas changée par lintervention et lobservation antérieure. En particulier, la décision dun employeur potentiel par rapport à un candidat « blanc » doit être la même selon que lemployeur ait déjà reçu la candidature dun postulant similaire à lexception de la couleur de sa peau, ou que lemployeur ne lait pas encore reçu. Et pareillement si on substitue « noir » pour « blanc »
sans parler du candidat dit « hispanique ». Voir Pager (2007) pour mieux comprendre les conditions et la dynamique de cette façon dintervention expérimentale.
Mais suffit-il détablir ces effets de ces causes pour obtenir les « inférences de causalité » comme les a nommées Pager (2007, p. 109), par exemple ? Ici on commence à marcher sur des ufs, parce quil y a beaucoup de penseurs au fil des années, à travers les divers domaines, qui se sont prononcées sur le sujet. On nose pas dire « Alors, voici la définition canonique » ; il y a trop de canons. Par conséquent, je suis Holland (2008, pp. 97-99) en démêlant trois objectifs possibles dans les études dites « causales » :
À la recherche des causes. Quelque chose est arrivée ; pourquoi ? (« Préciser les causes est souvent une forme dautopsie spéculative ».)
Évaluer les effets. Et si ? (« Quand on pose une question de type Et si ? on cherche à savoir leffet de quelque cause ou intervention quon pourrait envisager de faire ».)
Préciser les mécanismes. Comment ça marche? (« Comprendre et préciser les mécanismes de causalité est peut-être lobjectif fondamental de la science ».
Effectivement, ce sont tous les trois des objectifs importants de la recherche, bien quils aient tendance à sembrouiller. Comme la démontré Holland (1986), il nest que pour le deuxième lévaluation des effets des causes pour lequel il existe sur le plan statistique une épistémologie concrète, grâce à la définition de leffet dune cause en tant que la différence entre les réponses dune unité sous deux traitements alternatifs, deux causes potentielles.
Peut-être deux caractéristiques opposées, comme les couleurs de la peau ? Quand on ne considère que les méthodes statistiques pour calculer « leffet dune cause », on peut les évaluer, les critiquer, et les améliorer de façon plus ou moins acceptée, par référence au cadre expérimental et ses mimétismes. Mais si on lui ajoute la définition dune cause daprès Holland (2008, p. 98) une « intervention quon pourrait envisager de faire » on commence à voir beaucoup (voire la plupart) détudes dites « causales » dune autre perspective. Pour revenir sur nos trois exemplaires :
Un tremblement de terre est une catastrophe naturelle. On nenvisage pas de créer ou simuler un séisme, et en tout cas la dose de stress qui arrive dans la foulée est un malheur quon espère éviter, pas de précipiter. Quun tel stress puisse nuire au poids de naissance des enfants (et en particulière le poids de ceux qui sont nés de femmes qui nétaient que dans leur premier trimestre de grossesse au moment du tremblement de terre) est une découverte intéressante. Mais pour aller plus loin et préciser quelles interventions pourraient pallier le stress afin quon puisse égaliser la santé entre les groupes variés au sein dune société
le chemin reste long. Rien nest encore acquis : Davoir trouvé les effets du séisme dans ce cas-ci grâce au cadre « causal » esquissé ci-dessus ne dit pas quon va trouver une prise sur toutes ces questions « Et si
? » qui restent.
Arceneaux et al (2010) tiennent à démontrer linsuffisance de la méthode dappariement à légard de leur paramètre préféré, « leffet du traitement sur les traités ». Cette méthode a beau lestimer avec ces données, la tendance de décrocher le combiné nest pas observée à priori. Cest peut-être une belle victoire sur le plan méthodologique, mais dans loptique dun militant politique qui pense aller à la pêche aux voix, leffet dun coup de téléphone sur ceux qui lont reçu nest pas primordial. Il ou elle veut savoir ce qui va arriver si on commence à inonder dappels téléphonique dont la majorité naboutira pas. Dans ce cas-si, leffet prôné par Arceneaux et al (2010) ne saccorde pas bien avec l « intervention quon pourrait envisager de faire ». Voici un sens dans lequel lanalyse de causalité comme un exercice technique nous a mené en bateau par rapport à lobjectif, « Et si
? »
Pager et al (2009) sont intervenus attentivement, soigneusement, et, surtout, secrètement afin que les vrais employeurs potentiels soient confrontés par trois candidats qui ne se différencient pas à lexception de leur « race » ou leur ethnicité. Intervention accomplie, mais davoir effectué une telle intervention nest pas de dire que la « race » (ou lethnicité, ou la couleur de la peau) est la cause de la discrimination, bien que lécart entre le traitement de ces candidats dailleurs semblables soit un bon (si triste) indice de létendue de la discrimination contre les gens « noirs » qui cherchent un emploi à New York, même peu qualifié. En effet, Pager (2007, p. 105) met le doigt dessus quand elle écrit quun grand atout dune expérience sur le terrain est « loccasion dobserver directement la discrimination ». Cest très important, car il reste des penseurs et des chercheurs qui croient que la discrimination nexiste plus, ou quelle ne peut pas exister (Pager et al. 2009, pp. 778-779). Mais et en dépit de lemploi dune méthode expérimentale et une intervention effectuée par les chercheurs la constatation scientifique tirée de cette étude na rien à voir avec la causalité. On ne va pas suggérer que les gens changent la couleur de leur peau. La discrimination existe ; pour les remèdes, il faut chercher ailleurs (Holland 2008, pp. 102-103).
On ne veut pas remettre en cause ces recherches. Comme on la dit, on tire de chacune des connaissances utiles. Mais lheure est pour nous de se demander si peut-être nous navons pas mis trop en exergue la causalité elle-même, en particulier, lidée que létablissement des effets des causes devrait primer, même au cas où il existe un grand écart entre ces effets et notre capacité deffectuer une cause, dintervenir. On dit souvent « corrélation ne signifie pas causalité », mais la causalité, cela signifie quoi pour nous, effectivement ? Le cadre que nous avons conçu pour établir « la causalité » nest que peu de choses sauf si nous considérons sérieusement « les causes » comme des interventions quon pourrait envisager de faire. Il savère que
La plupart de ces interventions se déroulent à un niveau plus élevé que celui de lindividu (et, par conséquent, que nous nous trompons avec la plupart de nos « analyses causales ») ;
Létablissement des « effets dune cause », comme on la illustré ci-dessus, noccupe quun espace exceptionnellement limité du terrain fécond des démographes.
La causalité : Les atouts de la synthèse moderne
« Comme un malade qui se sent perdu, elle ne demandait plus de remèdes, quelle cherchait encore des explications » M. Yourcenar (2006/1939), Le Coup de Grâce, p. 52.
Il sagit de Sophie, amoureuse à mauvais escient dÉric, ami denfance devenu militaire antibolchévique. Cela se finit mal. Mais si on abstrait des éléments logiques de cette phrase (en ignorant lhistoire de ces jeunes gens), on peut entrevoir deux idées très importantes pour la pensée contemporaine sur la causalité dans le domaine des sciences sociales.
Au premier plan il y a la distinction entre deux problèmes : mesurer les effets des causes, et déterminer les causes des effets. Cette distinction se montre nettement pour la première fois dans Holland (1986). Lecoutre (2004, p. 224), à propos de Dawid (2000), la capte bien :
distinguer linférence sur les effets des causes, qui consiste à comparer les conséquences attendues de différentes interventions possibles dans un système, et linférence sur les causes des effets, où lon cherche à comprendre la relation causale entre un résultat déjà observé et une intervention antérieure. [C]es deux types dinférences, qui correspondent à deux types de questions différentes, sont tous deux valides et importants, mais quils nécessitent des analyses différentes, bien que liées : par exemple des résultats denquêtes épidémiologiques, qui sont directement pertinents pour les questions relevant des effets des causes, sont souvent utilisés de façon inappropriée pour répondre à des questions sur les causes des effets, sans prêter suffisamment dattention à la différence entre les deux types de questions.
Comme Sophie, les démographes sont surtout les chercheurs des explications : La fécondité, pourquoi a-t-elle baissé en Afrique (Fall et Ngom 2001) ? Pourquoi le nombre davortements na-t-il pas baissé en France (Bajos, Moreau, Leridon et Ferrand 2004) ? Est-ce que cest le système de santé américain qui est la cause de lespérance de vie relativement basse aux États-Unis (Preston et Ho 2009) ?
Sur le plan philosophique et statistique, les effets des causes font partie du passé au sens quils constituent une analyse rétrospective (Holland 2008, p. 197) dans laquelle il faut supposer que les effets des causes sont les mêmes pour toutes les unités de la population (Lecoutre 2004, p. 225) afin de savoir si une réponse observée peut être attribuée après coup à un traitement spécifique (Dawid 2000, Lecoutre 2004, pp. 230-234) ; et au fur et à mesure que la connaissance sapprofondit, on élabore de plus en plus les variables qui senchainent en tant que « les causes réelles » (Holland 1986, p. 959). Par exemple et par rapport à ce dernier point la précision biologique, mathématique, et statistique des déterminants proches de la fécondité (Bongaarts 1978, Bongaarts et Potter 1982) est un vrai triomphe de la démographie, mais la capacité de quatre mesures fondamentales (lâge au mariage [ou dactivité sexuelle], la durée de lallaitement maternel [en combinaison avec labstinence sexuelle postpartum], la pratique de la contraception, et le niveau davortement) à expliquer la plus grande part de la variation dans les taux de fécondité ne signifie pas à considérer que ces quatre mesures sont « les réelles causes ». Plus on retourne vers les variables socioéconomiques et psychosociologiques (Leridon 2002, pp. 265-267) et, avant elles, vers les facteurs institutionnels de la fécondité (de Bruijn 2002, p. 418), plus on se rend compte que « les réelles causes » nexistent pas. Tout dépend de la résolution, de loptique.
Il ne faut pas pousser. Si pour les statisticiens, linférence statistique (voire linférence statistique causale) se fond sur les « concepts hypothétiques (par exemple celui de population) » (Lecoutre 2004, pp. 194-195 et 204), dans loptique des démographes il sagit des populations qui se montrent plus proches de la « réalité », avec linférence statistique causale nétant quune partie dune trousse à outils qui se justifie dans la mesure où lemploi a des bons rendements. En conséquence, on peut imaginer un haussement dépaules collectif face aux exigences dusage qui contreviennent au bon sens. On comprend quil y a une différence entre la recherche des facteurs qui expliquent laugmentation du divorce dans une population (les causes dun effet) et la question de ce qui va arriver dans la foulée dun changement législatif qui libéralise laccès au divorce (leffet dune cause) (e.g., Festy 2002, pp. 23-24).
Mais à la différence de Sophie, quand on continue de chercher des remèdes, on tombe forcément sur les effets des causes
« Et si
? »
En bref, pour lunité u, il existe deux résultats potentiels :
Yt(u) est la réponse (valeur ou résultat observé) à la suite dun traitement t
Yc(u) est la réponse à la suite dun autre traitement, e.g, c, une condition de contrôle
et lon définit Yt(u)-Yc(u) comme leffet causal du traitement t (par comparaison au témoin c) pour lunité u. Rubin (2005) aborde lhistoire et explique la nouveauté de cette notation. On a déjà parlé du problème fondamental de la causalité comment observer tous les deux, Yt(u), Yc(u) mais pour linstant il vaut mieux reconnaitre quen situant la définition de leffet au niveau de lunité, cette définition, dailleurs assez simple, a mis en exergue lhétérogénéité « du » soi-disant effet causal. Comme la dit Heckman (2001, p. 255) à légard de la micro-économétrie : « Une régularité importante que le champ a décelée sur le plan empirique est la diversité et lhétérogénéité des comportements » ; et à voir Moffitt (2005, pp. 97-101) pour une élaboration du lien entre ces idées économiques et létude de la population.
Dès lors, trois revirements :
Une plus grande compréhension du fait que les résultats dun essai randomisé contrôlé ne sont pas à priori un summum bonum (Smith 1990). Par exemple, Fournier et al (2010) enchainent un nombre important de tels essais, sur leffet (ou non) des médicaments sur la dépression, pour démontrer quil nexiste pas « un » effet que tout dépend de la sévérité initiale de la dépression. On ne peut que déceler une amélioration due aux médicaments dans les cas les plus symptomatiques au début.
Plus dintérêt dans les méthodes danalyse (en particulier, la méthode dappariement [Smith 1997]) qui exige le support que les distributions des unités traitées et non-traitées se chevauchent suffisamment avant de tirer des inférences sur la nature et létendue des effets.
De ce fait, plus dattention sur le besoin de préciser la population pour laquelle ces effets variés se présentent. Par exemple, aux États-Unis, plus on est défavorisé à légard des facteurs qui soutiennent léducation (e.g., milieu dorigine), plus on en profite, au niveau universitaire (Brand et Xie 2010 ; Hout 2011). Du coup, les effets de léducation universitaire sentremêlent à la question de qui va pouvoir accéder à une telle éducation.
Qui plus est, si les remèdes nagissent pas de la même manière pour tout le monde, il savère aussi que la plupart des « causes » ne sont pas les remèdes. Personne nagit. Et, surtout, personne ne réfléchit avant dagir. Cest comme si on navait pas de choix.
On y a déjà été
La transition, il y a 2 500 ans, entre un monde intellectuel dans lequel les actions arrivent pour les raisons qui nont rien à voir avec la réflexion, et un monde intellectuel dans lequel les actions en tant que causes sont fonction de la réflexion des hommes, est vivement décrite par de Romilly (1994), dans le contexte de lessor de la psychologie dans la littérature grecque classique. Cela a fait partie de la transformation radicale dans la représentation et la compréhension du comportement humain, dans la tragédie (dEschyle et de Sophocle à Euripide), dans lhistoire (dHérodote à Thucydide), et dans la philosophie (de Parménide et dHéraclite à Socrate, par exemple). Évidemment, laction a toujours existé chez les anciens les héros dHomère étaient les hommes daction par excellence. Ce qui est nouveau, cest lidée que les événements mis en train par les hommes se doivent aux actions qui suivent de la réflexion et du choix. Cétait lépoque de la naissance de la médecine, de lhistoire, et du droit. Les athéniens cherchaient avidement « une science de lhomme » qui offrirait la possibilité de prédire lavenir, grâce à une connaissance habile des causes des comportements des hommes.
Vus de notre époque, les anciens ont manqué un peu de réalisme. Ils nont pas su distinguer leffet dune cause de la cause dun effet, ni définir leffet dune cause comme la différence entre deux résultats potentiels. Bien entendu, ils nont pas bien compris lidée des effets hétérogène. Ils ont cherché (de Romilly 1994, p. 17) :
non pas loriginalité, la subtilité, la complexité, mais les grands règles présidant aux conduites humaines. Même Médée, même Phèdre, en plein désordre de la passion, ont tendance à formuler leur angoisse sous forme de grandes maximes valant pour tous et expliquant tout
. À partir du moment où lon se met à étudier lhomme, on espère arriver à des règles, à des conséquences.
En même temps, en regardant dans le rétroviseur, on ne peut pas sempêcher de remarquer des parallèles entre la pensée de cette époque et la pensée de la nôtre, en particulier par rapport à linventaire des causes comme elles ont existé avant lidée quune cause pourrait et devrait sattacher à une action après réflexion. Par exemple, et par rapport à notre époque :
Dépendance de la trajectoire et à ses conditions initiales. Ce sont également les explications idiographiques. Jadis, cétait Hérodote tout court, surtout sur les cycles de vengeance (de Romilly 1994, p. 127) :
Astyge était devenu le beau-frère de Cyrus
. Et pourquoi Cyrus avait-il attaqué cet Astyage ? On apprend plus loin que cest parce quHarpage lappelait à se venger
; cette interprétation permet de placer là une anecdote ; mais elle offre du tout une explication fort sommaire. Plus loin, Sparte envoie une expédition contre Samos : pourquoi ? Pour punir le vol dun cratère et dune cuirasse, dit-on à Sparte. Peut-être
Mais les Corinthiens aident Sparte : pourquoi ? Parce queux aussi ont subi une offense, deux générations plus tôt
.
À notre époque, cest toujours le péché commun : pas le manque des causes universelles, mais de confondre les effets des causes avec les causes des effets. On ne peut pas nier que le monde comme il existe est fonction de ce qui sest déjà passé ; mais dans quelle mesure doit-il déterminer lavenir ?
Les forces exogènes : « une tempête, une vague, un accident quelconque » (de Romilly 1994, p. 34). Ils ont surgi souvent chez les grecs et ont servi pour tronquer plusieurs réflexions et pour animer beaucoup daction. À notre époque, on les appelle les expériences naturelles.
Les forces qui sentremêlent à lintérieur des hommes. Avant le Vème siècle athénien, il sagissait des dieux, qui planaient partout. Il est primordial chez Homère, pour qui « Laction va plus vite que la réflexion, et la balaie allègrement. Ou bien, sil faut, ce peut être un dieu qui se plaît à intervenir et à décider » (de Romilly 1994, p. 34). Par conséquent, « la causalité divine vient souvent ôter beaucoup de son importance à la causalité humaine » (de Romilly 1994, p. 36).
Et surtout, même quand lhomme semble décider seul, on ne sait jamais si ce nest pas un dieu qui le mène. Eschyle montre constamment cette causalité divine qui vient doubler et fausser le libre jeu des mobiles humains (de Romilly 1994, p. 65).
À notre époque, personne ne prétend que les dieux des anciens existent toujours, et quils se mêlent encore dans les affaires des hommes. Nous sommes plus sages. Nous savons quil sagit des gènes. Si jadis les grecs croyaient que « lhomme se composait dune pluralité daspirations plus ou moins localisées dans son corps, et ne constituait une entité spirituelle » (de Romilly 1994, p. 14), ils se trompaient en lattribuant au gré des dieux et non, par exemple, à la psychologie évolutionniste.
Pas de causalité sans intervention ?
« Je le dis dune façon la plus brusque et la plus argumentative possible, que les causes ne sont que ces choses qui pourraient être, au moins en principe, les traitements dans un essai randomisé » Holland (1986, p. 954)
« Lintervention en tant que critère dinférence causale a été difficile de digérer au sein dune discipline qui dhabitude fait connaitre les effets causals surtout du sexe, de la race, et de lâge sur plusieurs phénomènes » Smith (1997, p. 336)
Dans son article canonique sur la causalité et la statistique, Holland (1986, p. 959) a mis en exergue littéralement : en lettres majuscules le slogan « pas de causalité sans intervention ». Lidée, au moins au début, était que si les caractéristiques alternatives dune unité nétaient pas celles dont on peut manipuler cest-à-dire, assigner par hasard, en réalité ou en concept elles étaient effectivement les traits immuables. Et les traits immuables ne peuvent pas être les causes. Pourquoi pas ? Car leur immuabilité signifie quil ny a aucune possibilité daction, dintervention
du moins au niveau où les réponses ou les résultats sattachent à ces caractéristiques. Le lien entre le potentiel pour intervention (la réflexion, lintervention, la manipulation, limmuabilité) et la causalité se voit clairement au sein de Holland (2008), très dubitatif sur la race (soi-disant) comme une « cause » de nimporte quoi. On a déjà mis en valeur la question qui saccorde à la définition dun effet dune cause : «
on cherche à savoir leffet de quelque cause ou intervention quon pourrait envisager de faire » (Holland 2008, p. 197).
Bien évidemment, Holland (1986) a voulu provoquer ses collègues, et il a réussi. Ils se sont révoltés pour la plupart contre les entraves dune éthique trop étroitement associée avec le modèle dun essai randomisé contrôlé. La révolte sest annoncée très forte chez les démographes, une tribu qui aborde les sujets qui nadmettent pas souvent lexpérimentation. On peut lire, par exemple, Ní Bhrolcháin et Dyson (2007, p. 3), qui pestent contre un illogisme perçu :
Par conséquent, et pour la plupart, on ne peut pas démontrer, par lintermédiaire de lexpérimentation ou de lintervention, que les facteurs qui priment pour les démographes sont des causes. Pourtant, pour prétendre que cela signifie quelles nont pas la capacité dêtre les causes impliquent que la plupart des phénomènes sociaux et démographiques nont pas de causes une position inadmissible. La capacité pour la manipulation, en tant que critère dexclusion, est également fautive dans la science de la nature. Par exemple, si on y croit, cest décarter la lune en tant que la cause des marées.
Ou Russo, Wunsch et Mouchart (2010, p. 8 ) qui sindignent :
Si lon accepte le cadre contrefactuel/manipulation, les traits (tels que lâge, le sexe, la race,
) ne peuvent pas fonctionner en tant que les causes, en effet. Pourtant, maints scientifiques considéraient le sexe comme une cause de la discrimination par rapport aux salaires de départ dans plusieurs pays, lethnicité comme une cause de la prévalence différentielle du VIH en lAfrique subsaharienne, le vieillissement comme une cause de la perte découte, etc. Cest parce que ces traits ne sassocient quaux effets respectifs ils font partie du mécanisme de causalité lui-même. Par exemple, lappartenance ethnique en Afrique a pour conséquence des différences à légard des normes et valeurs sur le plan reproductif, et des comportements sexuels (particulièrement le nombre de partenaires sexuels), et ces caractéristiques sont les facteurs importants par rapport à lexposition au VIH. Nimporte quel cadre au sein des sciences sociales qui ne peut pas tenir compte des traits est par conséquent nécessairement incomplet.
On peut sinterroger longuement sur les défauts et les lacunes dun cadre de pensée qui nexige pas, pour les gens atteints du VIH, que ce soit dû à leur appartenance ethnique. Mais, en fin de compte, il y a toujours beaucoup à dire pour le pluralisme et la tolérance, en science comme ailleurs. On ne peut pas empêcher que les chercheurs cherchent les causes partout, et quils étiquètent de toute manière les caractéristiques individuelles comme « les causes ». Quoi quil en soit, ce qui importe surtout dans la maxime de « pas de causalité sans intervention » est lintervention dans le sens de laction quon peut envisager de faire quelque chose, dagir. Pourtant, et malheureusement, le lien étroit entre cette maxime et la manipulation expérimentale laffectation au hasard des unités expérimentales aux traitements semble avoir mené à un rejet inconscient des avantages dune telle perspective.
Il y a un brin dironie dans la situation. Les scientifiques qui ne vont jamais pouvoir équilibrer leurs groupes de traitement et témoins grâce à un essai randomisé contrôlé rechignent à lidée que la causalité est définie par un tel processus. Mais en même temps, léquilibre entre groupes par rapport aux autres facteurs dailleurs imparfaitement connus, qui peut-être porte sur la réponse dintérêt ne suffit pas pour que les effets observés soient « causals ». Pour revenir sur « le sexe comme une cause de la discrimination par rapport aux salaires de départ », on a remarqué depuis longtemps que le sexe est très bien randomisé au départ, cest-à-dire à la naissance, afin que le milieu social ne soit pas confondu avec le sexe (Smith 1990, p. 97). Comme la dit Blinder (1973, p. 449), « Manifestement, les femmes blanches sont nées dans plus au moins les mêmes localités des mêmes genres de parents et dans les familles de tailles plus ou moins égales ». Ce nest pas pour rien quil a intitulé cet article renommé « Discrimination dans les salaires
» et non « Les effets causals de sexe sur les salaires ». On peut observer les différences entre les salaires les hommes et les femmes et on peut constater leur évolution à travers le cours de la vie. Si lon veut, on peut envisager plusieurs actions qui peut-être changeront la donne. Mais les actions ne sont pas « le sexe », et les répartitions respectives des salaires par sexe ne fait que suggérer ce qui pourrait se faire redistribuer dans la foulée des telles actions (Holland 1988).
Action sociale intentionnelle
Quest-ce que cest laction sociale ? Ce nest pas la randomisation, ni lintervention de lextérieur, dans le sens de lexpérimentateur (ou la loterie, ou un séisme) en tant que lagent (celui qui agit).
Les gens font beaucoup de choses. Ils votent. Ils vont à lécole pour se faire scolariser. Ils se droguent. Ils saccouplent et ils se marient. Quoi quil en soit, les gens les individus choisissent ce quils vont faire, sujet des contraintes qui constituent une grande partie de notre monde social. Cest également vrai que les gens ont tendance à se comporter dune telle manière afin de contredire une supposition de base du modèle expérimental pour lattribution de la causalité (du moins au niveau de lindividu) : que les réponses de lun, réalisées ou potentielles, ne dépendent pas des états des autres (soit assignés, soit choisis). Au moins sur cet aspect, nous ressemblons aux héros grecs : Les actions de lun décident souvent de celles de lautre. Nos choix et nos désirs et, par conséquent, les résultats des actions entreprises suite à ces mobiles, se conditionnent mutuellement. Cette interférence entre les unités est en effet ce qui définit la société, la politique, léconomie (Smith 2003, p. 463). De cette manière, la manipulation, dans le sens de laffectation au hasard des individus aux conditions dites « traitements » na pas tendance à créer les répartitions de traitements et de réponses qui ressemblent beaucoup à laction et aux conséquences de cette action dans le monde social.
Dans cette optique, les « vraies » causes sont les états alternatifs qui nous contraignent, qui conditionnent nos choix, nos décisions, nos comportements ; et, surtout, qui peut changer grâce à nos actions (soit individuelles, soit collectives). Ils sont réels et ils sont flous. Ils sont les politiques, qui sont mises en uvre dune façon diffuse. Ils sont les lois et les règlements qui sont peut-être appliqués et respectés
et peut-être pas. Ils sont les coutumes et les murs où il y a plus d'honneur à les enfreindre quà les observer. Ils sont les formes dorganisation qui ne résistent à lexamen. Ils sont les systèmes de santé et dassurance tellement complexes quon peut à peine les définir (Sekhon 2010). Ils sont les prix dans le marché. Et leurs contrefactuels ? Ils sont dautres politiques, dautres lois et règlements, dautres murs et coutumes, dautres formes dorganisations, dautres systèmes, dautres plans. À nous de choisir. Comme la dit Holland (2008, p.102), à légard de la causalité et la discrimination :
Si la race nest pas une variable, comment effectuer des analyses du problème de la discrimination raciale sur le plan de la causalité, le cas échéant ? Cest sûr que nous réfléchissons à la discrimination raciale sur le plan de causalité parce que nous sommes beaucoup à croire que la discrimination raciale est quelque chose qui peut être changée, diminuée, ou autrement corrigée. Il y a ceux qui songent au jour où la discrimination raciale tombera dans loubli. Cest quoi qui doit changer ? Évidemment, ce nest pas la couleur de peau des gens, ou une autre caractéristique physique. Il est clair que la discrimination est un phénomène social, que lon apprend, qui est enseignée et nourrie par un système social dans lequel elle joue un rôle complexe. De cette manière, quand nous envisageons un monde sans discrimination nous envisageons un système social entier qui doit sopposer de plusieurs façons à celui qui est en face à notre époque. On doit presque imaginer un monde parallèle, pour ainsi dire, dans lequel les choses sont tellement différentes que celle que nous pouvons identifier comme la discrimination dans notre propre monde nexiste plus dans ce monde parallèle.
À nous dagir. Mais comment créer des autres mondes ? Lessai éponyme sur le laction sociale intentionnelle commence par le constat que :
Dune façon ou dune autre, le sujet des conséquences inattendues de laction intentionnelle a été abordé par virtuellement tous les grands participants à la longue histoire de la pensée sociale (Merton 1936, p. 894).
Cest-à-dire que, même il y a 75 ans, cétait déjà une idée bateau : quon pourrait agir avec lintention de faire une chose, mais achever de précipiter les effets imprévus (voire pervers). Il est quand même à noter le concept daction qui exige les « mobiles et par conséquent un choix entre plusieurs alternatives » (Merton 1936, p. 895). Ce nest pas une perspective qui figure au premier plan dans notre époque, où il est plus typique de vouloir établir, dans le contexte dune étude non-expérimentale, que leffet observé se doit à une certaine cause précisément parce que les effets se trouvent où (et quand) lon sy est attendu
et non ailleurs (Rosenbaum 1984).
Cest dommage pourtant que lidée dune cause en tant quaction sociale intentionnelle se soit glissée en arrière-plan. Ce nétait pas seulement parce que les choses ne savèrent pas toujours comme prévues que Merton (1936) voulait mettre en valeur les conséquences inattendues des actions sociales intentionnelles comme objet détude sociologique. Bien entendu, il y a une partie des effets imprévus « qui sont occasionnés par linteraction des forces et des circonstances qui sont tellement complexes et nombreuses que leur prévision demeure au-delà nos capacités » (Merton 1936, p. 900). Mais il sintéressait également aux raisons qui font que lon penche pour une action sociale spécifique quil sagisse de lopinion, de la hâte, de lignorance, ou, surtout, des valeurs fondamentales (Merton 1936, p. 903) :
quand un système de valeurs fondamentales empêche certaines actions spécifiques, les fidèles ne se concernent pas avec les conséquences objectives de ces actions, mais seulement avec la satisfaction subjective dun devoir bien fait.
On nest pas loin des observations de Le Bras à légard du PACS dans la France contemporaine
et à venir :
On confond trop souvent la structure de la société civile et sa capacité daction. Cette structure est le résultat dune lente accumulation de différences, mais elle ne possède aucune intelligence de laction, aucun plan de développement, uniquement une somme de pressions et de tensions que le vote de mesures allège ou renforce. Il me semble que ces pressions ne justifient pas le vote de lois. Les lois reposent bien plus sur la philosophie politique qui les sous-tend. Les partisans du PACS, par exemple, sinscrivent dans une ligne plus libertaire et plus contractuelle. Les opposants du PACS défendent une conception quils disent naturelle de la famille. En fait, personne ne peut dire quelles seront les conséquences à long terme de cette loi. La seule certitude, cest quen votant la loi on a changé la société et mis en mouvement dautres forces qui sexprimeront par dautres pressions (Le Bras et Ténédos 2006, p. 96).
Les causes dun remaniement remarquable du caractère démographique du pays ne se situent ni dans « la structure de la société » ni, en premier lieu, dans les caractéristiques (ou « facteurs ») au niveau individuel. Il sagit plutôt dune action sociale intentionnelle : une loi. Les effets les plus importants de cette action nont pas été ceux qui étaient prévus un résultat qui naurait pas surpris Merton (1936), étant donné que laction était entreprise pour les raisons qui avaient peu à voir avec les effets postulés et dans un sens connus.
Et on ne sait pas encore le dénouement.
Discussion et Conclusion
Dans les sciences sociales, les analyses de la causalité (soi-disant) se multiplient, supervisées par le cadre formel qui définit leffet dune cause et fournit les méthodes afin que lon puisse être sûr que la causalité a bien été établie. La démographie, qui côtoie la statistique et surtout léconomie, peine à faire aussi bien que les voisins, quitte dailleurs à sombrer dans loubli du moins sur le plan (dit) scientifique (Engelhardt, Kohler, et Prskawetz 2009 ; Bachrach et McNicoll 2003).
Pourquoi ? Daprès Engelhardt, Kohler, et Prskawetz (2009, p. 2), il sagit des raisons qui auraient été assez courantes chez les athéniens dil y a 2 500 ans :
cest la compréhension des mécanismes de causalité qui souvent facilitent la prévision dévénements ou des nouvelles observations au futur et qui permettent un peu de contrôle sur les événements. De plus, une connaissance compréhensive des causes est primordiale afin que les démographes puissent fournir les conseils de politique efficaces et exacts
Cela reste un bel objectif (voire un beau rêve), mais la réalité de notre époque est un peu plus près de celle qui a inquiété Moffitt (2005, p. 106) dans laquelle les exigences impliquées dans létablissement dun effet ferme nous amènent vers « des enquêtes bornées et sans ampleur et vers une suite de faits anecdotiques qui ne sagrègent pas dans une vraie connaissance ». Qui plus est, si la plupart de nos causes, surtout au niveau de lindividu, ne sont pas soumises à lintervention si elles ne se prêtent pas à laction on aura beau contrôler les événements, donner les conseils justes à légard des politiques (du moins dans le sens de dire « Si vous faites
»).
Donc, pour poser la question de nouveau : Pourquoi est-ce que nous avons tellement mis en valeur les analyses dites causales ? Encore une fois, Holland (2008, p. 101) nous fournit la réponse : la causalité est en effet un « signe de statut ». Les commentaires qui abordent la démographie et la causalité samorcent avec le constat que la démographie a longtemps fonctionné en tant que science « descriptive », et ils rendent hommage à cette tradition (Moffitt 2003 ; Engelhardt, Kohler, et Prskawetz 2009) mais brièvement, et bien que Moffitt (2005, p. 106) revienne sur la distinction, le chercheur en herbe devrait être pardonné en tirant la conclusion que létude de la population a beaucoup évolué et quune nouvelle hiérarchie de connaissance se dégage. Personne ne veut se sentir un citoyen de la seconde zone, et il est très difficile de sortir dun séminaire sans prendre conscience quil y a un prestige qui sattache aux relations dites « causales ». On veut être pris au sérieux ! Cest pour cette raison que les chercheurs tiennent à étiqueter leurs corrélations comme causales et leurs variables en tant que causes, même quand on ne peut pas intervenir au niveau de ces relations et de ces causes (soi-disant), et bien que, pour la plupart, lutilité de la recherche ne dépend pas de notre diagnostique, soit une relation est causale, soit elle ne lest pas (Holland 2008, p. 101).
Par exemple : A quoi sert la causalité quand on cherche à prévoir ce qui va se passer dans lavenir ? La démographie a toujours été la science sociale par excellence par rapport à la prévision à longue échéance même un grand nom de léconomie (un nom littéralement lié à la causalité [ex. Bruneau et Nicolai 1991]) la dit (Granger 2007, p. 6). Mais ces prévisions sappuient pour la plupart sur la méthode des composants, sur les taux conditionnels observés, et sur les modèles mathématiques qui sont carrément descriptifs et empiriques, et non-causals (Coale et Trussell 1996). On peut prévoir lavenir du tabagisme (Wang 2008, pp. 73-110) parce que le niveau de tabagisme dune cohorte sétablit par rapport au seuil dinitiation chez les adolescents et les jeunes adultes (Inserm 2003, p. 11), et parce que la mortalité sensuit forcément, on peut lanticiper également (Wang et Preston 2009). Bien sûr, on sait bien que fumer tue, que le tabagisme est une cause de la mortalité élevée, mais la précision de leffet de cette cause na rien à voir avec la prévision. En revanche, on peut se demander avec raison si la promesse des prévisions de la mortalité fondée sur la connaissance des mécanismes biologiques (Olshansky, Carnes et Cassel 1990 ; Carnes, Olshansky et Grahn 1996) la vraie science, les vraies causes a abouti (Waldron 2005 ; Bongaarts 2006).
La plupart des phénomènes au sein des sciences de la population qui sont annoncés en tant que « causes » dans ce qui est convenu dappeler lanalyse de causalité ne conviennent pas bien à un cadre daction, soit laction dans le sens de lintervention dans une expérience ou un essai, soit dans le sens de laction sociale : les choses que les gens peuvent faire. Est-ce que cela signifie que les sciences de population devraient renoncer à poursuivre vers la causalité, dans le sens où lidée sest bien installée dans les sciences sociales la recherche des effets des causes, grâce au concept des différences dans les résultats potentiels (Rubin 1974) ?
Il sen faut de beaucoup. Le fait que la plupart des facteurs qui conditionnent la répartition des événements et caractéristiques des populations humaines ne sont pas manipulables, du moins au niveau de lindividu, nest pas une défaillance du modèle. Il savère que notre monde est comme ça. Également, nous nous organisons dune telle façon quune proposition fondamentale du modèle la valeur stable unité-traitement, qui exige que la réponse de lunité u sous le traitement spécifique t (ou c) ne dépende pas « de lensemble
des affectations des traitements à toutes les unités expérimentales » (Lecoutre 2004, p. 226) ne tient pas. Quand on pense à un essai randomisé contrôlé pour déterminer les effets dun médicament, cest une hypothèse raisonnable : Les unités les sujets expérimentaux ne choisissent pas leurs traitements, et typiquement ce qui arrive en conséquence pour lunité u na rien à voir avec ce qui lunité u a vécu. Mais dans le monde social, où les populations se construisent, les « traitements » qui sont effectivement les actions humaines sont typiquement les choix, effectués avec le savoir que les résultats va dépendre, en fin de compte, des choix des autres.
En tout cas, il ne faut pas que les individus choisissent leur traitement pour que lattribution de la causalité aux différences des réponses des sujets « traités » et « non-traités » se heurte à lubiquité des interactions interdépendantes parmi ses unités. Cest exactement ce que Sobel (2006) a démontré dans une analyse fondée sur le cadre des résultats potentiels, pour une expérience américaine qui sappelait « Déménagement vers lopportunité », dans laquelle des habitants de plusieurs cités défavorisées ont été tirés au sort pour recevoir (ou non) les subventions qui leur permettraient de déménager sils les voulaient. Cest une analyse trop compliquée desquisser ici, mais en fin de compte il a conclu que, même avec une expérience et lallocation des traitements dune manière aléatoire, les interactions parmi les voisins sélectionnés et ceux qui nétaient pas sélectionnés empêchent de préciser les effets (causals) de lintervention. Par conséquent, il a proposé que, parmi les quartiers qualifiés en tant que cibles dintervention éventuelle, lon sélectionne au hasard ceux au sein desquels tous les habitants vont recevoir loffre de la subvention, et ceux au sein desquels on ne va pas loffrir. En effet, encore une expérience, encore un essai randomisé contrôlé, mais cette fois lintervention est au niveau du quartier ou de la cité. Il reste des problèmes de la taille de létude même avec beaucoup de gens dobserver, il ny a que peu dunités au niveau de la randomisation, alors que cest ce niveau qui détermine la puissance de létude (Smith 2005 ; Sobel 2006, p. 1405) mais le concept est séduisant parce quil mêle
une action possible, lapprovisionnement des gens défavorisés avec une subvention pour quils puissent déménager ; dans le cas où ils se décident à déménager, étant donné que la décision de le faire ne sera pas universelle et sera fonction de nombreux facteurs individuels et difficiles dobserver ; avec
une comparaison des effets de deux traitements potentiels disponibilité (ou non) des subventions au niveau où serait effectuée la politique (quartier, cité).
La même logique sapplique aux études non-expérimentales, où encore une fois les unités danalyses se situent au niveau où on peut observer ou imaginer laction sociale intentionnelle. Par exemple :
Sloan et al. (1988) étudient leffet sur la violence des lois qui empêchent la possession des armes de poings. Il ne sagit que deux unités, deux villes Seattle, Washington, aux États-Unis, et Vancouver, British Colombie, au Canada. Bien entendu, les deux villes ne sont pas identiques, et ce nest pas par hasard quune telle loi existe à Vancouver, et quelle nexiste pas à Seattle. Mais petit à petit, les chercheurs apportent des arguments convaincants sur létablissement dune loi comme la cause du plus bas taux de violence à Vancouver. Les lois contre la violence et spécifiquement contre la violence due aux armes sont plus ou moins équivalentes, et les deux villes savèrent assez semblables sur le plan démographique. À Vancouver, on a moins darmes de poings. On pourrait dire que les Canadiens sont un peuple moins disposé à la violence que leurs voisins américains du coup, moins darmes, moins de violence, mais rien à voir avec la loi, qui peut-être ne démontre quune passivité canadienne face au gouvernement sauf quil savère que les gens de Vancouver se battent et se nuisent et se tuent aux taux équivalents des gens de Seattle, avec tous les outils à main sauf pour les armes de poings.
On a déjà critiqué très fortement lidée que « la race » (la couleur de la peau) est une cause de nimporte quoi, mais les statistiques démographiques indiquent à maintes reprises, et même avec les rajustements effectués pour les facteurs corrélés avec la race, que les comportements se différencient entre les gens européens-américains et ceux africains-américains. Quelle est la cause de ces différences, et est-ce quon peut faire quelque chose pour les éliminer ? A la première question, on peut répondre quil sagit de fortes différences dans la façon dont les gens sont traités (ou maltraités) dans la société ; quant à la seconde question, si tout le monde peut accéder à la même structure dopportunités
. Cest effectivement ce que Lundquist (2004, 2006) a fait dans ses études des taux de mariage et de divorce chez les militaires aux États-Unis. Les services militaires américains ne sont pas le paradis, mais ils peuvent se vanter dune transparence et dune égalité des chances qui nexistent pas dans la société civile. Et il savère que chez les militaires, les « profondes » différences entre les « noirs » et les « blancs » à légard de ces comportements démographiques qui ont perduré sans remède dans la société civile nexistent plus. Comment bâtir une société juste ? Ce nest pas évident, et on veut à peine préconiser la militarisation de la société entière. Quand même, il vaut mieux savoir où agir.
Pour résumer, dans les sciences de la population, nous nous intéressons pour la plupart aux répartitions des événements, des comportements, et des caractéristiques qui sont conditionnés par des conditions qui nadmettent pas lintervention, dans le sens expérimental, où on peut imaginer dassigner aléatoirement les individus à ces conditions conditionnelles. En plus, elles nadmettent pas laction humaine après la réflexion. Bien entendu, on peut toujours étendre la définition dune « cause » afin quelle convienne à nos habitudes. Du coup, par lintermédiaire de la statistique ou léconométrie (voire la méthode expérimentale), on continuera à pouvoir identifier beaucoup d« effets causals », y compris ceux dus au stress, aux messages téléphoniques bien reçus, et surtout à la race sans parler du sexe, de lâge, des gènes, et de planètes (voire de dieux). Quel que soit leur nom, ces différences entre des répartitions conditionnelles peuvent être très importantes pour notre connaissance des populations et de la société. Mais en leur dotant du sobriquet d« effets causals » cela sert à quoi, effectivement ? Parce que le lien entre ces « effets causals » et la réponse à la question « Que sera leffet de quelque intervention quon pourrait envisager de faire ? » a peu à voir avec le fait quon a estimé une quantité qui a mérité la désignation d« effet causal » (voire leffet causal). Les actions envisagées ne saccordent pas facilement aux conditions dites « causales », surtout au niveau de lindividu. En revanche, si on cherche des causes par référence aux actions humaines, de temps en temps on se trouvera sur un terrain fructueux un terrain qui existe typiquement au-dessus de lindividu, mais qui convient très bien au principe de leffet dune cause en tant que la différence entre deux résultats potentiels.
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the causal effect of a phone call among those who are reachable.
the randomized experiment's status as the gold standard for causal inference; and the imperative to analyze observational data via reconstruction of a hypothetical randomized experiment by (among other things) separating covariates from intermediate outcomes and by balancing covariates between treatment and control groups
.
because an earthquake is a random occurrence likely uncorrelated with population characteristics that affect birth outcomes.
field experiment
temporal stability et causal transience
Literally, inferences of causality.
Causal identification is often a form of speculative postmortem.
When we ask a What-if question we seek to know the effect of some cause or intervention that we might contemplate making.
Understanding and identifying causal mechanisms is, perhaps, the primary driving force of science.
the opportunity to observe discrimination directly.
À notre époque, on peut à peine parler de la causalité sans tomber dans un « langage expérimental » ; voir plus ci-dessous.
An important empirical regularity detected by the field is the diversity and heterogeneity of behavior.
Put as bluntly and as contentiously as possible, in this article I take the position that causes are only those things that could, in principle, be treatments in experiments.
The manipulability criterion for causal inference has been difficult to assimilate in a discipline that routinely reports measurements of the causal effects of sex, race, and age, inter alia, on various phenomena.
NO CAUSATION WITHOUT MANIPULATION
Hence, in the main, the factors of leading interest to demographers cannot be shown to be causes through experimentation or intervention. To claim that this means they cannot be causes, however, is to imply that most social and demographic phenomena do not have causesan indefensible position. Manipulability as an exclusive criterion is defective in the natural sciences also. For example, adherence to it would rule out the moon as the cause of the tides.
If one accepts the counterfactual/manipulation framework, attributes (such as age, gender, race,
) cannot indeed be causes. Nevertheless, many scientists would consider gender as a cause of initial salary discrimination in many countries, ethnicity as a cause of differential HIV prevalence in Sub-Saharan Africa, ageing as a cause of hearing loss, etc. This is because these attributes are not only associated with their respective effectsthey are part of the causal mechanism itself. For example, belonging to different ethnic groups in Africa results in having different reproductive norms, values, and sexual behaviours (such as multi- or single partnership), and these characteristics are major determinants of exposure to HIV. Any explanatory framework in the social sciences that cannot take attributes into account is therefore necessarily incomplete.
Obviously, white women are born in about the same places to the same kinds of parents and in families of about the same size as are white men.
Wage Discrimination
If race is not a causal variable, how do we analyze issues of racial discrimination in causal terms, if at all? We certainly do think of racial discrimination in causal terms because many of us think racial discrimination is something that could be changed, reduced, or in some way altered. There are those who dream of a day when racial discrimination is a thing of the
past and long forgotten . What is it that has to change? Certainly not the color of people's skin or some other physical characteristic. Clearly discrimination is a social phenomenon, one that is learned; it is taught and fostered by a social system in which it plays a complex part . When we envision a world without racial discrimination we thus envision it as a whole
social system that must be different in a variety of ways from what we now see before us. One almost has to envision a parallel world, so to speak, in which things are so different that what we recognize in our own world as racial discrimination does not exist in this other parallel world.
In some one of its numerous forms, the problem of the unanticipated consequences of purposive action has been treated by virtually every substantial contributor to the long history of social thought.
[In considering purposive action, we are concerned with conduct as distinct from behavior, that is, with action which involves] motives and consequently a choice between various alternatives.
which are occasioned by the interplay of forces and circumstances which are so complex and numerous that prediction of them is quite beyond our reach.
when a system of basic values enjoys certain specific actions, adherents are not concerned with the objective consequences of these actions but only with the subjective satisfaction of duty well performed.
it is the understanding of the causal mechanisms that often facilitates the prediction of events or new observations in the future and allows for a certain amount of control over events. Moreover, causal knowledge is essential for demographers to provide effective and accurate policy recommendations. Revoici de Romilly (1994, p. 10), sur le Vème siècle athénien : « Cest le moment où surgissent les grandes curiosités et les grandes espérances, où les techniques intellectuels doivent permettre à ceux que les acquièrent de bien plaider une cause en justice, dintervenir avec efficacité en politique. »
narrowly defined exercises without generalizability and to a collection of miscellaneous facts that do not add up to any general knowledge.
status symbol
Moving to Opportunity (Goering et al. 1999).
Sobel (2006, p. 1406) constate quune telle étude peut-être ne suffirait pas dans un contexte où on ne veut quoffrir la subvention au certains éléments qualifiés au sein de chaque quartier ou cité, mais on pourrait soutenir que même dans ce cas-là, on devrait préférer effectuer les comparaisons au niveau du quartier, et non au niveau de lindividu, de la famille, ou du foyer.
Aux États-Unis les partisans du droit de porter les armes ont un slogan qui bien réfléchit une appréciation du rôle de laction humaine dans la précision dune cause : « Les armes ne tuent pas les hommes, cest les hommes qui tuent les hommes ». (Guns dont kill people. People kill people.) Également, cest les hommes qui promulguent les lois.
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