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Le marché intérieur - Université de Neuchâtel

Vandersanden, Georges, Examen de jurisprudence (1993 à 1998), Première partie, ...... Pour la Cour alors, un test des effets n'est pas envisagé lors de l' interdiction de ... Par une série d'arrêts plus au moins relatifs au même sujet, la Cour de ...... Si nous utilisons un instrument économétrique, le degré de substitution entre ...




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LE DROIT DE L’UNION EUROPEENNE

La libre circulation des marchandises

Petros C. Mavroidis

Professeur à l’Université de Neuchâtel,
Edwin B. Parker Professor of Law, Columbia Law School, NY,
et CEPR (Centre for Economic Policy Research)

© Petros C. Mavroidis










Remerciements


Plusieurs personnes ont contribué à la rédaction du présent volume. Mes collaborateurs et collaboratrices à l’université de Neuchâtel depuis 1996, Lambert Shumbusho, Nathalie Erard, Gilles Simon, Patrick Blatter, Pauline Lièvre et Panagiotis Delimatsis (par ordre chronologique) m’ont aidé à sélectionner les documents qui figurent dans ce volume et ont corrigé un nombre incalculable d’erreurs (par gentillesse, peut-être, en ont-ils laissé quelques-unes dans la présente édition, la responsabilité leur incombe tout de même entièrement). Laurenz Sigismondi et Yvan (‘Pages’) Fauchère, avec lesquels la coopération continue au fil du (et malgré le) temps, m’ont aidé non seulement à sélectionner des documents, mais ont également lu et relu des parties de ce volume et m'ont fait part de leur opinion qu'elle ait été demandée ou non (heureusement d’ailleurs). Pauline, Panagiotis et Yvan méritent une référence toute particulière puisqu’ils ont lu et relu cet ouvrage et m’ont aidé à éviter davantage (en-sus de celles existantes) d’erreurs. Les erreurs qui persistent leur sont, bien sûr, exclusivement attribuables. Mon collègue et ami, Pascal Mahon, toujours intéressé par le droit européen, est à remercier pour avoir insisté sur la nécessité d’étoffer l’enseignement du droit européen chez nous et qui de façon discrète a incité la production du présent volume.
Durant la préparation de ce volume j'ai abusé de la gentillesse de mon ami, Nicolaos Apostolidis, fonctionnaire à la Cour de Justice des Communautés européennes. Nicolaos, comme les autres amis, est, lui aussi, partiellement responsable des erreurs.
De nombreuses discussions avec les étudiant(e)s de Neuchâtel ont influencé et la rédaction et le choix des thèmes de ce volume.
Paul de Bièvre a très généreusement mis à ma disposition son temps précieux et a corrigé, à sa façon très efficace et très agréable, mes malentendus sur les définitions scientifiques que j’utilise ici.
Ce livre s'inscrit dans le contexte de mon travail depuis quelques années avec Henrik Horn et Damien J. Neven. J’ai appris tant de choses de mes deux co-auteurs qu’il m’est impossible d’exprimer en quelques lignes mes remerciements.
Rhian-Mary Wood-Richards, comme d’habitude, n’est pas seulement venue à mon secours lors de mes difficultés avec le logiciel, mais elle a attiré mon attention sur un grand nombre de documents de l’OMC que j’ai utilisés dans le présent volume. Sa coopération m’est toujours précieuse et je la remercie pour toute son aide et surtout pour son amitié.
Un grand merci à mes professeurs de et collaborateurs en droit européen, anciens et contemporains, qui ont suscité en moi l’intérêt pour l’étude de l’intégration européenne : Michel Waelbroeck, Jean-Victor Louis, Spiridon Metallinos, Claus-Dieter Ehlermann, Paul Demaret, Bruno deWitte, Joseph Weiler, André Sapir, Patrick Messerlin, Richard Baldwin, Catherine Barnard et Joanne Scott méritent une mention particulière à ce sujet. Ce volume a été inspiré par le très bon souvenir que j’ai gardé de mes premiers cours de droit européen et plus précisément de mon cours sur la libre circulation des marchandises offert par M. Georges Vandersanden. J’espère qu’il ne sera pas très déçu de mon effort dans son domaine.

Petros C. Mavroidis
Décembre 2004


Liste des abréviations

AELE Association européenne de libre échange
AESA Autorité européenne de sécurité des aliments
Aff. Affaire
AG Avocat général
ASMC Accord (OMC) sur les subventions et les mesures compensatoires
Att(s). Attendu(s)
CE Communauté européenne
CEDH Convention européenne des droits de l’homme
CEN Comité européen de normalisation
CENELEC Comité européen de normalisation électrotechnique
CJ (CJCE) Cour de justice des communautés européennes
CSD Comité scientifique directeur
CUE Conseil de l’union européenne
CVDT Convention de Vienne sur le droit des traités
Dir. Directive
Doc. Document
DOM Départements d’outre mer
EM Etat(s) membre(s)
EOTA European Organisation of Technical Approvals
ETSI European Telecommunications Standards Institute
GATT General Agreement on Tariffs and Trade
ISO International Standards Organization
JO Journal officiel
LCC Libre circulation des capitaux
LCM Libre circulation des marchandises
LCS Libre circulation des services
LE Liberté d’établissement
MEE Mesure d’effet équivalent
MNT Mesures non tarifaires
MQ Majorité qualifiée
OMC Organisation mondiale du commerce
OTC Obstacles techniques au commerce (accord de l’OMC)
PAC Politique agricole commune
PTOM Pays et territoires d’outre mer
Règl. Règlement
RQ Restriction quantitative
SPS Mesures sanitaires et phytosanitaires (accord de l’OMC)
TCE Traité instituant la communauté européenne
TEE Taxe d’effet équivalent
TPI Tribunal de première instance
TUE Traité sur l’union européenne
TVA Taxe sur la valeur ajoutée
UE Union européenne
UME (UM) Union monétaire européenne
UNCLOS United Nations Convention on the Law of the Sea (Convention des nations unies sur le droit de la mer)
ZEE Zone économique exclusive





Bibliographie

1. Ouvrages

Baldwin, Richard. 2000. Regulatory Protectionism, Developing Nations and a Two-Tier World Trade System, dans: Collins, M. Susan et Rodrik, Dani (eds.), Brookings Trade Forum, Brookings: Washington DC, pp. 237-280
Kuhn, S. Thomas. 1962. The Structure of Scientific Revolutions, Harvard University Press, Cambridge: Massachusetts
Maduro, Poiares Miguel. 1998. We The Court, The European Court of Justice and the European Economic Constitution, Hart Publishing: Oxford, UK
Mavroidis, C. Petros et Messerlin, Patrick. 1998. Has Article 90 ECT Prejudged The Status of Property Ownership?, dans: Cottier, Thomas et Mavroidis, C. Petros (eds.), State Trading In The Twenty-First Century, University of Michigan Press : Ann Arbor, Michigan, pp. 345-360
Messerlin, Patrick. 2001. Measuring the Cost of Protectionism in Europe, Institute of International Economics: Washington, DC
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Pelkmans, Jacques. 1990. Regulation and the Single Market: An Economic Perspective, dans Siebert, Horst (ed.), The Completion of the Single Market: Symposium 1989, Mohr: Tübingen, pp. 91-117
Pigou, C. Arthur. 1962. The Economics of Welfare, 4ème édition, London: Macmillan; New York: St Martin's Press
Sapir, André. 1997. Domino Effects in Western European Trade, 1960-1992, Discussion Paper 1576, Centre for Economic Policy Research: London
Scott, Joanne et Vos, Ellen. 2002. The Juridification of Uncertainty: Observations on the Ambivalence of the Precautionary Principle within the EU and the WTO, dans: Joerges, Christian and Dehousse, Renaud (eds.), Good Governance in Europe’s Integrated Markets, Oxford Un. Press: Oxford, pp. 253-286
Sunstein, Cass. 2002. Risk and Reason, University of Chicago Press: Chicago
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2. Articles

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3. Arrêts de la CJCE

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Arrêt du 05/02/1963, Van Gend en Loos / Administratie der Belastingen, aff.26/62, Rec.1963, p. 3
Arrêt du 17/07/1963, Italie / Commission CEE, aff. 13/63, Rec. 1963, p. 337
Arrêt du 15/07/1964, Costa / E.N.E.L., Aff. 6/64, Rec. 1964, p.1141
Arrêt du 16/06/1966, Allemagne / Commission CEE, 52 et 55/65, Rec. 1966, p. 227
Arrêt du 16/06/1966, Lütticke / Hauptzollamt Saarlouis, aff. 57/65, Rec. 1966, p. 293
Arrêt du 03/04/1968, Molkerei Zentrale Westfalen-Lippe / Hauptzollamt Paderborn, aff. 28/67, Rec. 1968, p. 211
Arrêt du 04/04/1968, Fink-Frucht GmbH / Hauptzollamt München-Landsbergerstrasse, aff. 27/67, Rec. 1968, p. 327
Arrêt du 10/12/1968, Commission / Italie, Aff. 7/68, Rec. 1968, p. 617
Arrêt du 01/07/1969, Commission / Italie, aff. 24/68, Rec. 1969, p. 193
Arrêt du 01/07/1969, Sociaal Fonds voor de Diamantarbeiders / Brachfeld e.a., aff. 2 et 3/69, Rec.1969, p. 211
Arrêt du 19/11/1969, Commission / Italie, aff. 45/64, Rec. 1969, p. 433
Arrêt du 26/10/1971, Eunomia di Porro E. C., aff. 18/71, Rec.1971, p. 811
Arrêt du 14/12/1972, Marimex / Amministrazione delle finanze dello Stato, aff. 29/72, Rec. 1972, p. 1309
Arrêt du 19/06/1973, Capolongo / Azienda Agricola Maya, aff. 77/72, Rec. 1973, p. 611
Arrêt du 24/10/1973, Rewe / Hauptzollamt Kehl, aff. 10/73, Rec.1973, p. 1175
Arrêt du 30/04/1974, Sacchi, Aff. 155/73, Rec. 1974, p. 409
Arrêt du 11/07/1974, Dassonville, Aff. 8/74, Rec. 1974, p. 837
Arrêt du 23/01/1975, Van der Hulst / Produktschap voor Siergewassen, aff. 51/74, Rec. 1975, p. 79
Arrêt du 18/06/1975, IGAV / Ente nazionale per la Cellulosa, aff. 94/74, Rec. 1975, p. 699
Arrêt du 22/01/1976, Russo / AIMA, aff. 60/75, Rec. 1976, p. 45
Arrêt du 05/02/1976, Bresciani / Amministrazione delle finanze dello Stato, aff. 87/75, Rec.1976, p. 129
Arrêt du 20/05/1976, De Peijper, aff. 104/75, Rec. 1976, p. 613
Arrêt du 22/06/1976, Bobie Getränkevertrieb / Hauptzollamt Aachen Nord, aff. 127/75, Rec. 1976, p. 1079
Arrêt du 14/07/1976, Cornelis Kramer e.a., aff. 3,4 et 6/76, Rec.1976, p. 1279
Arrêt du 15/12/1976, Donckerwolke e.a. / Procureur de la République e.a., aff. 41/76, Rec.1976, p. 1921
Arrêt du 03/02/1977, Bouhelier, aff. 53/76, Rec. 1977, p. 197
Arrêt du 16/02/1977, Schöttle / Finanzamt Freudenstadt, aff. 20/76, Rec. 1977, p. 247
Arrêt du 16/03/1977, Commission / France, aff. 68/76, Rec. 1977, p. 515
Arrêt du 22/03/1977, Steinike & Weinlig, aff. 78/76, Rec. 1977, p. 595
Arrêt du 25/05/1977, Cucchi / Avez, aff. 77/76, Rec. 1977, p. 987
Arrêt du 12/07/1977, Commission / État néerlandais, aff. 89/76, Rec. 1977, p. 1355
Arrêt du 27/10/1977, Regina / Bouchereau, aff. 30/77, Rec.1977, p. 1999
Arrêt du 20/04/1978, Commissionnaires réunis, 80 et 81/77, Rec.1978, p. 927
Arrêt du 29/06/1978, Statens Kontrol, aff. 142/77, Rec. 1978, p. 1543
Arrêt du 10/10/1978, Hansen / Hauptzollamt Flensburg, aff. 148/77, Rec. 1978, p. 1787
Arrêt du 23/11/1978, Thompson, Aff. 7/78, Rec. 1978, p. 2247
Arrêt du 20/02/1979, Rewe/Bundemonopolverwaltung für Branntwein («Cassis de Dijon »), aff. 120/78, Rec. 1979, p. 649
Arrêt du 03/07/1979, Van Dam, aff.185-204/78, Rec. 1979, p. 2345
Arrêt du 08/11/1979, Denkavit Futtermittel, aff. 251/78, Rec. 1979, p. 3369
Arrêt du 08/11/1979, Groenveld, aff. 15/79, Rec. 1979, p. 3409
Arrêt du 14/12/1979, Henn et Darby, aff. 34/79, Rec. 1979, p. 3795
Arrêt du 08/01/1980, Commission / Italie, aff. 21/79, Rec. 1980, p. 1
Arrêt du 27/02/1980, Commission / France, aff. 168/78, Rec. 1980, p. 347
Arrêt du 27/02/1980, Commission / Royaume-Uni, aff. 170/78, Rec. 1980, p. 417
Arrêt du 27/02/1980, Commission / Irlande, aff. 55/79, Rec. 1980, p. 481
Arrêt du 06/05/1980, Commission / Belgique, aff. 102/79, Rec. 1980, p. 1473
Arrêt du 21/05/1980, Commission / Italie, aff. 73/79, Rec. 1980, p. 1533
Arrêt du 26/06/1980, Gilli, aff. 788/79, Rec. 1980, p. 2071
Arrêt du 10/07/1980, Commission / France, aff. 152/78, Rec. 1980, p. 2299
Arrêt du 14/10/1980, Attorney General / Burgoa, aff. 812/79, Rec. 1980, p. 2787
Arrêt du 16/12/1980, Fietje, aff. 27/80, Rec. 1980, p. 3839
Arrêt du 14/01/1981, Vianl / Orbat, aff. 46/80, Rec. 1981, p. 77
Arrêt du 22/01/1981, Dansk Supermarked, aff. 58/80, Rec.1981, p. 181
Arrêt du 03/02/1981, Commission / France, aff. 90/79, Rec. 1981, p. 283
Arrêt du 10/03/1981, Irish Creamery Milk Suppliers Association, aff. 36 et 71/80, Rec. 1981, p. 735
Arrêt du 27/05/1981, Amministrazione delle finanze dello Stato / Essevi et Salengo, aff. 142/80, Rec. 1981, p. 1413
Arrêt du 17/06/1981, Commission / Irlande, aff. 113/80, Rec. 1981, p. 1625
Arrêt du 14/07/1981, Oebel, aff. 155/80, Rec. 1981, p. 1993
Arrêt du 31/03/1982, Blesgen, aff. 75/81, Rec. 1982, p. 1211
Arrêt du 05/05/1982, Schul, aff. 15/81, Rec.1982, p. 1409
Arrêt du 15/09/1982, Kind / CEE, aff. 106/81, Rec. 1982, p. 2885
Arrêt du 24/11/1982, Commission / Irlande, aff. 249/81, Rec. 1982, p. 4005
Arrêt du 15/12/1982, Oosthoek, aff. 286/81, Rec. 1982, p. 4575
Arrêt du 12/01/1983, Donner, aff. 39/82, Rec. 1983, p. 19
Arrêt du 22/03/1983, Commission / France, aff. 42/82, Rec. 1983, p. 1013
Arrêt du 14/07/1983, Sandoz, aff. 174/82, Rec. 1983, p. 2445
Arrêt du 09/11/1983, Commission / Danemark, aff. 158/82, Rec. 1983, p. 3573
Arrêt du 07/02/1984, Duphar, aff. 238/82, Rec. 1984, p. 523
Arrêt du 29/02/1984, Rewe-Zentrale, aff. 37/83, Rec.1984, p. 1229
Arrêt du 10/07/1984, Campus Oil, aff. 72/83, Rec. 1984, p. 2727
Arrêt du 11/12/1984, Abbink, aff. 134/83, Rec. 1984, p. 4097
Arrêt du 13/12/1984, Haug-Adrion, C-251/83, Rec. 1984, p. 4277
Arrêt du 29/01/1985, Cullet / Leclerc, aff. 231/83, Rec. 1985, p. 305
Arrêt du 07/02/1985, Procureur de la République / ADBHU, aff. 240/83, Rec. 1985, p. 531
Arrêt du 11/07/1985, Commission / Italie, aff. 278/83, Rec. 1985, p. 2503
Arrêt du 11/07/1985, Cinéthèque / Fédération nationale des cinémas français, aff. 60 et 61/84, Rec. 1985, p. 2605
Arrêt du 15/10/1985, Commission / Italie, aff. 281/83, Rec. 1985, p. 3397
Arrêt du 04/03/1986, Commission / Danemark, aff. 106/84, Rec. 1986, p. 833
Arrêt du 04/03/1986, Walker / Ministeriet for Skatter og Afgifter, aff. 243/84, Rec. 1986, p. 875
Arrêt du 05/03/1986, Tezi / Minister van Economische Zaken, aff. 242/84, Rec. 1986, p. 933
Arrêt du 11/03/1986, Conegate / HM Customs & Excise, aff. 121/85, Rec. 1986, p. 1007
Arrêt du 15/05/1986, Johnston / Chief Constable of the Royal Ulster Constabulary, aff. 222/84, Rec. 1986, p. 1651
Arrêt du 12/03/1987, Commission / Allemagne, aff. 178/74, Rec. 1987, p. 1227
Arrêt du 07/04/1987, Commission / France, aff. 196/85, Rec. 1987, p. 1597
Arrêt du 07/05/1987, Commission / Italie, aff. 184/85, Rec. 1987, p. 2013
Arrêt du 07/05/1987, Co-Frutta / Amministrazione delle finanze dello Stato, aff. 193/85, Rec. 1987, p. 2085
Arrêt du 03/03/1988, Bergandi / Directeur général des impôts, aff. 252/86, Rec. 1988, p. 1343
Arrêt du 06/07/1988, Procédure pénale contre Ledoux, aff. 127/86, Rec. 1988, p. 3741
Arrêt du 20/09/1988, Commission / Danemark (‘Bouteilles danoises’), aff. 302/86, Rec. 1988, p. 4607
Arrêt du 22/09/1988, Ministère public / Deserbais, aff. 286/86, Rec. 1988, p. 4907
Arrêt du 22/09/1988, Commission / Irlande, aff. 45/87, Rec. 1988, p. 4929
Arrêt du 16/05/1989, Buet e.a. / Ministère public, aff. 382/87, Rec. 1989, p. 1235
Arrêt du 18/05/1989, The Queen / Royal Pharmaceutical Society of Great Britain, ex parte Association of Pharmaceutical Importers, C-266 et 267/87, Rec. 1989, p. 1295
Arrêt du 22/06/1989, Fratelli Costanzo / Comune di Milano, aff. 133/88, Rec. 1989, p. 1839
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Arrêt du 18/04/1991, Commission / Grèce, C-230/89, Rec. 1991, p. I-1909
Arrêt du 23/04/1991, Höfner et Elser / Macrotron, C-41/90, Rec.1991, p. I-1979
Arrêt du 30/05/1991, Commission / Grèce, C-110/89, Rec. 1991, p. I-2659
Arrêt du 18/06/1991, ERT / DEP, C-260/89, Rec. 1991, p. I-2925
Arrêt du 20/06/1991, Denkavit Futtermittel / Land Baden-Württemberg, C-39/90, Rec. 1991, p. I-3069
Arrêt du 26/06/1991, Commission / Belgique, C-153/89, Rec. 1991, p. I-3171
Arrêt du 25/07/1991, Aragonesa de Publicidad Exterior et Publivia / Departamento de Sanidad y Seguridad Social de Cataluña, C-1 et 176/90, Rec. 1991, p. I-4151
Arrêt du 04/10/1991, Procédure pénale contre Richardt, C-367/89, Rec. 1991, p. I-4621
Arrêt du 19/11/1991, Francovich et Bonifaci / Italie, C-6 et 9/90, Rec. 1991, p. I-5357
Arrêt du 13/12/1991, RTT / GB-Inno-BM, aff. 18/88, Rec. 1991, p. I-5941
Arrêt du 09/06/1992, Delhaize Frères / Promalvin e.a., C-47/90, Rec. 1992, p. I-3669
Arrêt du 09/07/1992, Commission / Belgique (« Déchets wallons »), Aff. 2/90, Rec. 1992, p.I-4431
Arrêt du 16/07/1992, Lourenço Dias / Director da Alfândega do Porto, C-343/90, Rec. 1992, p. I-4673
Arrêt du 16/12/1992, Council of the City of Stoke-on-Trent et Norwich City Council / B & Q Plc, C-169/91, Rec. 1992, p. I-6635
Arrêt du 18/05/1993, Schutzverband gegen Unwesen i.d. Wirtschaft / Rocher, C-126/91, Rec. 1993, p. I-2361
Arrêt du 19/05/1993, Procédure pénale contre Corbeau, C-320/91, Rec.1993, p. I-2533
Arrêt du 25/05/1993, Laboratoire de prothèses oculaires / Union nationale des syndicats d'opticiens de France e.a., C-271/92, Rec. 1993, p. I-2899
Arrêt du 02/08/1993, CELBI / Fazenda Pública, C-266/91, Rec. 1993, p. I-4337
Arrêt du 24/11/1993, Procédures pénales contre Keck et Mithouard, C-267 et 268/91, Rec. 1993, p. I-6097
Arrêt du 15/12/1993, Ligur Carni e.a. / Unità Sanitaria Locale nº XV di Genova e.a., C-277, 318 et 319/91, Rec. 1993, p. I-6621
Arrêt du 15/12/1993, Hünermund e.a. / Landesapothekerkammer Baden-Württemberg, C-292/92, Rec. 1993, p. I-6787
Arrêt du 02/02/1994, Verband Sozialer Wettbewerb / Clinique Laboratories et Estée Lauder, C-315/92, Rec. 1994, p. I-317
Arrêt du 02/06/1994, Procédures pénales contre Tankstation 't Heukske et Boermans, C-401 et 402/92, Rec. 1994, p. I-2199
Ordonnance du 29/06/1994, Commission / Grèce, C-120/94, Rec. 1994, p. I-3037
Arrêt du 14/07/1994, Faccini Dori / Recreb, C-91/92, Rec. 1994, p. I-3325
Arrêt du 09/08/1994, Meyhui / Schott Zwiesel Glaswerke, C-51/93, Rec. 1994, p. I-3879
Arrêt du 09/08/1994, Lancry e.a. / Direction générale des douanes e.a., C-363/93, Rec.1994, p.I-3957
Arrêt du 09/02/1995, Leclerc-Siplec / TF1 et M6, C-412/93, Rec. 1995, p. I-179
Arrêt du 28/03/1995, The Queen / Secretary of State for the Home Department, ex parte Evans Medical et Macfarlan Smith, C-324/93, Rec. 1995, p. I-563
Arrêt du 29/06/1995, Commission / Grèce, C-391/92, Rec. 1995, p. I-1621
Arrêt du 11/08/1995, Roders e.a. / Inspecteur der Invoerrechten en Accijnzen, C-367/93, Rec. 1995, p. I-2229
Arrêt du 14/09/1995, Simitzi / Dimos Kos, C-485 et 486/93, Rec.1995, p. I-2655
Arrêt du 14/12/1995, Procédure pénale contre Banchero, C-387/93, Rec. 1995, p. I-4663
Arrêt du 05/03/1996, Brasserie du pêcheur / Bundesrepublik Deutschland et The Queen / Secretary of State for Transport, ex parte Factortame e.a., C-46 et 48/93, Rec. 1996, p. I-1029
Ordonnance du 19/03/1996, Commission / Grèce, C-120/94, Rec. 1996, p. I-1513
Arrêt du 26/03/1996, The Queen / H.M. Treasury, ex parte British Telecommunications, C-392/93, Rec. 1996, p. I-1631
Arrêt du 30/04/1996, CIA Security International / Signalson et Securitel, C-194/94, Rec. 1996, p. I-2201
Arrêt du 23/05/1996, The Queen / Ministry of Agriculture, Fisheries and Food, ex parte Hedley Lomas (Ireland), C-5/94, Rec. 1996, p. I-2553
Arrêt du 08/10/1996, Dillenkofer e.a. / Bundesrepublik Deutschland, C-178 et 179/94, Rec. 1996, p. I-4845
Arrêt du 17/10/1996, Denkavit Internationaal e.a. / Bundesamt für Finanzen, C-283, 291 et 292/94, Rec. 1996, p. I-5063
Arrêt du 26/06/1997, Vereinigte Familiapress Zeitungsverlags- und vertriebs GmbH / Bauer Verlag, C-368/95, Rec. 1997, p. I-3689
Arrêt du 09/07/1997, Konsumentombudsmannen / De Agostini et TV-Shop, C-34 à 36/95, Rec. 1997, p. I-3843
Arrêt du 10/07/1997, Bonifaci e.a. et Berto e.a. / INPS, C-94 et 95/95, Rec. 1997, p. I-3969
Arrêt du 17/09/1997, Fazenda Pública / UCAL, C-347/95, Rec. 1997, p. I-4911
Arrêt du 23/10/1997, Procédure pénale contre Franzén, C-189/95, Rec. 1997, p. I-5909
Arrêt du 09/12/1997, Commission / France, C-265/95, Rec.1997, p.I-6959
Arrêt du 02/04/1998, Outokumpu, C-213/96, Rec. 1998, p. I-1777
Arrêt du 28/04/1998, Decker / Caisse de maladie des employés privés, C-120/95, Rec. 1998, p. I-1831
Arrêt du 05/05/1998, Royaume-Uni / Commission, C-180/96, Rec. 1998, p. I-2265
Arrêt du 14/07/1998, Aher-Waggon / Bundesrepublik Deutschland, C-389/96, Rec. 1998, p. I-4473
Arrêt du 19/11/1998, Procédure pénale contre Nilsson e.a., Aff. C-162/97, Rec.1998, p.I-7477
Arrêt du 13/01/2000, TK-Heimdienst, C-254/98, Rec. 2000, p. I-151
Arrêt du 28/03/2000, Krombach, C-7/98, Rec. 2000, p. I-1935
Arrêt du 04/07/2000, Commission / Portugal, C-84/98, Rec. 2000, p. I-5215
Arrêt du 04/07/2000, Bergaderm et Goupil / Commission, C-352/98, Rec. 2000, p. I-5291
Arrêt du 11/07/2000, Toolex, C-473/98, Rec. 2000, p. I-5681
Arrêt du 21/09/2000, Michailidis, 441 et 443/98, Rec. 2000, p. I-7145
Arrêt du 26/09/2000, Unilever, C-443/98, Rec. 2000, p. I-7535
Arrêt du 08/03/2001, Gourmet International Products, C-405/98, Rec. 2001, p. I-1795
Arrêt du 13/03/2001, PreussenElektra, C-379/98, Rec. 2001, p. I-2099
Arrêt du 03/05/2001, Portugal / Commission, C-204/97, Rec. 2001, p. I-3175
Arrêt du 23/04/2002, Nygård, C-234/99, Rec. 2002, p. I-3657
Arrêt du 05/11/2002, Commission / Royaume-Uni, C-466/98, Rec. 2002, p. I-9427
Arrêt du 12/06/2003, Schmidberger, C-112/00, Rec. 2003, p. I-5659
Arrêt du 17/06/2003, De Danske Bilimportører, C-383/01, Rec. 2003, p. I-6065
Arrêt du 24/07/2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C-280/00, Rec. 2003, p. I-7747
Arrêt du 09/09/2003, Monsanto Agricoltura Italie e.a., C-236/01 (pas encore publié)
Arrêt du 30/09/2003, Biret International / Conseil, Rec. 2003 (pas encore publié)
Arrêt du 27/11/2003, Enirisorse, affaires jointes C-34-38/01, Rec. 2004 (pas encore publié)
Arrêt du 25/03/2004, Karner, C-71/02, Rec. 2004 (pas encore publié)


4. Arrêts du TPI

Arrêt du 16/07/1998, Laboratoires pharmaceutiques Bergaderm et Goupil / Commission, T-199/96, Rec. 1998, p. II-2805
Arrêt du 19/07/1999, Rothmans / Commission, T-188/97, Rec. 1999, p. II-2463
Arrêt du 11/09/2002, Pfizer Animal Health / Conseil, T-13/99, Rec. 2002, p. II-3305


5. Règlements

Règlement 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, JO L 395/1 du 30.12.1989 ; modifié par le Rég. 1310/97 du Conseil du 30 juin 1997, JO L 180/1, du 9.7.1997
Règlement (CEE) 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, JO L 302/1 du 19.10.1992. Version consolidée sous :  HYPERLINK "http://europa.eu.int/eur-lex/fr/consleg/pdf/1992/fr_1992R2913_do_001.pdf" http://europa.eu.int/eur-lex/fr/consleg/pdf/1992/fr_1992R2913_do_001.pdf
Règlement (CEE) 3813/92 du Conseil, du 28 décembre 1992, relatif à l'unité de compte et aux taux de conversion à appliquer dans le cadre de la politique agricole commune, JO L 387/1 du 31.12.1992
Règlement (CEE) 2309/93 du Conseil du 22 juillet 1993 établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour l’évaluation des médicaments, JO L 214/1 du 24.8.1993
Règlement (CE) 258/97 du Parlement européen et du Conseil du 27 janvier 1997 relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires, JO L 43/1 du 14.2.1997
Règlement (CE) nº 2799/98 du Conseil du 15 décembre 1998 établissant le régime agrimonétaire de l'euro, JO L 349/1 du 24.12.1998
Règlement (CE) 2808/98 de la Commission du 22 décembre 1998 portant modalités d'application du régime agrimonétaire de l'euro dans le secteur agricole, JO L 349/36 du 24.12.1998
Règlement (CE) 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, JO L 31/1 du 1.2.2002
Règlement 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises ("le Règlement CE sur les concentrations"), JO L 24/1 du 29.1.2004
Règlement (CE) 802/2004 de la Commission du 7 avril 2004 concernant la mise en oeuvre du Règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, JO L 133/1 du 30.4.2004


6. Directives

Directive 69/493/CEE du Conseil du 15 décembre 1969, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au verre cristal, JO L 326/36 du 29.12.1969
Directive 70/32/CEE de la Commission, du 17 décembre 1969, concernant les fournitures de produits à l'État, à ses collectivités territoriales et aux autres personnes morales et droit public, JO L 13/1 du 19.1.1970
Directive 70/50/CEE de la Commission, du 22 décembre 1969, fondée sur les dispositions de l’article 33 paragraphe 7, portant suppression des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation non visées par d’autres dispositions prises en vertu traité CEE, JO L 13/29 du 19.1.1970
Sixième Directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, JO L 145/1 du 13 juin 1977
Directive 77/504/CEE du Conseil, du 25 juillet 1977, concernant les animaux de l’espèce bovine reproducteurs de race pure, JO L 206/8 du 12.8.1977
Directive 83/189/CEE du Conseil du 28 mars 1983 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, JO L 109/8 du 26.4.1983
Directive 87/328/CEE du Conseil du 18 juin 1987 relative à l’admission à la reproduction des bovins reproducteurs de race pure, JO L 167/54 du 26.6.1987
Directive 90/425/CEE du Conseil du 26 juin 1990 relative aux contrôles vétérinaires et zootechniques applicables dans les échanges vétérinaires et zootechniques applicables dans les échanges intracommunautaires de certains animaux vivants et produits dans la perspective de la réalisation du marché intérieur, JO L 224/29 du 18.8.1990
Directive 93/7/CEE du Conseil, du 15 mars 1993 relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un Etat membre, JO L 74/74 du 27.3.1993
Directive 94/5/CE du Conseil du 14 février 1994 complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant la directive 77/388/CEE – Régime particulier applicable dans le domaine des biens d'occasion, des objets d'art, de collection ou d'antiquité, JO L 60/16 du 3.3.1994
Directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques, JO L 204/37 du 21.07.1998
Directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil – Déclaration de la Commission, JO L 106/1 du 17.4.2001


7. Décisions

96/239/CE : Décision de la Commission du 27 mars 1996, relative à certaines mesures d’urgence en matière de protection contre l’encéphalopathie spongiforme bovine, JO L 78/47 du 28.3.1996
96/615/CE : Décision de la Commission du 29 mai 1996 concernant le renouvellement, pour la période 1993-1997, de la taxe sur certains produits pétroliers au profit de l’Institut français du pétrole, JO L 272/53 du 25.10.1996
97/579/CE : Décision de la Commission du 23 juillet 1997 instituant des comités scientifiques dans le domaine de la santé des consommateurs et de la sûreté alimentaire, JO L 237/18 du 28.8.1997
98/273/CE: Décision de la Commission du 28 janvier 1998 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.733 - Volkswagen), JO L 124/60 du 25.4.1998
2000/443/CE : Décision de la Commission du 18 mai 2000 modifiant la décision 97/404/CE instituant un comité scientifique directeur et la décision 97/579/CE instituant des comités scientifiques dans le domaine de la santé des consommateurs et de la sûreté alimentaire, JO L 179/13 du 18.7.2000


8. Communications et autres rapports de la Commission

Communication de la Commission sur les suites de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes, le 20 février 1979, dans l'affaire 120/78 (Cassis de Dijon), JO C 256/2 du 3.10. 1980
Communication de la Commission des Communautés européennes sur les arrêts de la Cour européenne de justice des 5 mai 1982 et 21 mai 1985 (affaires Gaston Schul) concernant l' importation par un particulier de produits achetés dans un autre État membre à un particulier, JO C 13/2 du 21.1.1986
Commission Staff Working Paper, The 1996 Single Market Review, SEC (96) 2378 du 16.12.1996
Communication de la Commission, « Impôts, taxes et redevances environnementaux dans le marché unique », COM(1997)9 final (97/C 224/04 du 26.3.1997)
Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen – La reconnaissance mutuelle dans le cadre du suivi du plan d’action pour le marché intérieur, COM(1999)299 final, non publié au JO
Rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social – Deuxième rapport biennal sur l’application du principe de reconnaissance mutuelle au sein du marché intérieur, COM(2002)419 final du 23.7.2002, disponible sous :
 HYPERLINK "http://europa.eu.int/eur-lex/fr/com/rpt/2002/com2002_0419fr01.pdf" http://europa.eu.int/eur-lex/fr/com/rpt/2002/com2002_0419fr01.pdf
Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, « La taxation des voitures particulières dans l'Union européenne - Actions envisagées aux niveaux national et communautaire » [SEC(2002) 858]/* COM/2002/431 final
Orientations générales pour la coopération entre le CEN, le CENELEC et l'ETSI et la Commission Européenne et l'Association Européenne de Libre-Échange,  JO C 91/7 du 16.4.2003
Rapport de la Commission sur les travaux des comités en 2002, COM(2003)530 final, JO C 223 E/16 du 19.9.2003
Communication interprétative de la Commission – faciliter l’accès de produits au marché d’un autre Etat membre : l’application pratique de la reconnaissance mutuelle, JO C 265/2 du 4.11.2003 


9. Rapports de l’Organe d’Appel de l’OMC

Etats-Unis – Traitement fiscal des “sociétés de ventes à l'étranger” (Recours des CE), WT/DS108/OA, rapport adopté le 20 mars 2000
Chili – Système des fourchettes de prix et mesures de sauvegarde appliquées à certains produits agricoles (Recours de l'Argentine), WT/DS207/OA, rapport adopté le 23 octobre 2002
Communautés européennes – Désignation commerciale des sardines (Recours du Pérou), WT/DS231/OA, rapport adopté le 23 octobre 2002


10. Liens électroniques

 HYPERLINK "http://www.europa.eu.int" www.europa.eu.int
 HYPERLINK "http://www.curia.eu.int" www.curia.eu.int
 HYPERLINK "http://www.wto.org" www.wto.org
 HYPERLINK "http://www.kluwerlawonline.com" www.kluwerlawonline.com
 HYPERLINK "http://www.jeanmonnetprogram.org" www.jeanmonnetprogram.org
 HYPERLINK "http://www.jstor.org" www.jstor.org













Table des matières

 TOC \o "1-7" \h \z \u  HYPERLINK \l "_Toc79311066" La libre circulation des marchandises (LCM)  PAGEREF _Toc79311066 \h 1
 HYPERLINK \l "_Toc79311067" PREMIERE PARTIE  PAGEREF _Toc79311067 \h 1
 HYPERLINK \l "_Toc79311068" Le droit primaire  PAGEREF _Toc79311068 \h 1
 HYPERLINK \l "_Toc79311069" DEUXIEME PARTIE  PAGEREF _Toc79311069 \h 7
 HYPERLINK \l "_Toc79311070" La jurisprudence, le droit secondaire et la pratique  PAGEREF _Toc79311070 \h 7
 HYPERLINK \l "_Toc79311071" 1 Les enjeux  PAGEREF _Toc79311071 \h 7
 HYPERLINK \l "_Toc79311072" 2 Les disciplines imposées par la LCM  PAGEREF _Toc79311072 \h 19
 HYPERLINK \l "_Toc79311073" 2.1 Un condensé de l’ordre juridique  PAGEREF _Toc79311073 \h 19
 HYPERLINK \l "_Toc79311074" 2.2 Champ d’application ratione materiae  PAGEREF _Toc79311074 \h 20
 HYPERLINK \l "_Toc79311075" 2.3 Le champ d’application ratione loci  PAGEREF _Toc79311075 \h 23
 HYPERLINK \l "_Toc79311076" 2.4 Le champ d’application ratione personae  PAGEREF _Toc79311076 \h 25
 HYPERLINK \l "_Toc79311077" 2.4.1 Qui est lié ?  PAGEREF _Toc79311077 \h 25
 HYPERLINK \l "_Toc79311078" 2.4.2 Est-ce que le but de la transaction est pertinent ?  PAGEREF _Toc79311078 \h 28
 HYPERLINK \l "_Toc79311079" 2.5 La LCM et la LCS  PAGEREF _Toc79311079 \h 29
 HYPERLINK \l "_Toc79311080" 3 Les droits de douane et les TEE  PAGEREF _Toc79311080 \h 29
 HYPERLINK \l "_Toc79311081" 3.1 L’obligation internationale d’abolir les droits de douane entre Etats membres  PAGEREF _Toc79311081 \h 30
 HYPERLINK \l "_Toc79311082" 3.2 Une interdiction absolue  PAGEREF _Toc79311082 \h 30
 HYPERLINK \l "_Toc79311083" 3.3 L’effet direct de l’art. 25 TCE  PAGEREF _Toc79311083 \h 32
 HYPERLINK \l "_Toc79311084" 3.4 La distinction entre une TEE et une imposition intérieure  PAGEREF _Toc79311084 \h 32
 HYPERLINK \l "_Toc79311085" 3.4.1 Pourquoi la distinction est-elle importante ?  PAGEREF _Toc79311085 \h 32
 HYPERLINK \l "_Toc79311086" 3.4.2 Le contenu de la distinction  PAGEREF _Toc79311086 \h 37
 HYPERLINK \l "_Toc79311087" 3.4.2.1 Le critère décisif : un peu de précision, laissez-nous la discrétion pour le reste  PAGEREF _Toc79311087 \h 37
 HYPERLINK \l "_Toc79311088" 3.4.2.2 Impositions de jure non-, mais de facto discriminatoires  PAGEREF _Toc79311088 \h 39
 HYPERLINK \l "_Toc79311089" 3.4.2.3 Le produit de la taxation, critère de la classification  PAGEREF _Toc79311089 \h 42
 HYPERLINK \l "_Toc79311090" 3.4.2.4 Les impositions qui ne sont soumises ni à l’art. 25 TCE ni à l’art. 90 TCE  PAGEREF _Toc79311090 \h 47
 HYPERLINK \l "_Toc79311091" 4 Les mesures nationales d’ordre fiscal  PAGEREF _Toc79311091 \h 56
 HYPERLINK \l "_Toc79311092" 4.1 Les obligations internationales de la CE en matière de taxation  PAGEREF _Toc79311092 \h 59
 HYPERLINK \l "_Toc79311093" 4.2 Le champ d’application des arts. 90 et s.  PAGEREF _Toc79311093 \h 63
 HYPERLINK \l "_Toc79311094" 4.2.1 L’application ratione materiae : impositions intérieures  PAGEREF _Toc79311094 \h 63
 HYPERLINK \l "_Toc79311095" 4.2.1.1 Les impositions intérieures doivent, en principe, frapper, produits domestiques et importés  PAGEREF _Toc79311095 \h 63
 HYPERLINK \l "_Toc79311096" 4.2.1.2 Une interprétation large du terme ‘imposition intérieure’  PAGEREF _Toc79311096 \h 67
 HYPERLINK \l "_Toc79311097" 4.2.1.3 Deux critères pertinents : discrimination en fonction de l’origine et en fonction de la destination des produits  PAGEREF _Toc79311097 \h 70
 HYPERLINK \l "_Toc79311098" 4.2.2 L’application ratione personae  PAGEREF _Toc79311098 \h 71
 HYPERLINK \l "_Toc79311099" 4.3 La raison d’être de l’art. 90 TCE  PAGEREF _Toc79311099 \h 72
 HYPERLINK \l "_Toc79311100" 4.3.1 La neutralité fiscale  PAGEREF _Toc79311100 \h 72
 HYPERLINK \l "_Toc79311101" 4.3.2 L’intégration du marché communautaire  PAGEREF _Toc79311101 \h 80
 HYPERLINK \l "_Toc79311102" 4.3.3 La facilitation des autres libertés  PAGEREF _Toc79311102 \h 80
 HYPERLINK \l "_Toc79311103" 4.4 Les impositions intérieures et l’interdiction du protectionnisme en faveur des produits domestiques  PAGEREF _Toc79311103 \h 83
 HYPERLINK \l "_Toc79311104" 4.4.1 Pourquoi avons-nous besoin de la deuxième phrase de l’art. 90 ?  PAGEREF _Toc79311104 \h 84
 HYPERLINK \l "_Toc79311105" 4.4.2 L’obligation quant aux produits similaires  PAGEREF _Toc79311105 \h 86
 HYPERLINK \l "_Toc79311106" 4.4.2.1 Produits similaires  PAGEREF _Toc79311106 \h 87
 HYPERLINK \l "_Toc79311107" 4.4.2.2 Taxes supérieures  PAGEREF _Toc79311107 \h 91
 HYPERLINK \l "_Toc79311108" 4.4.2.3 Est-ce qu’il nous faut en plus un effet protecteur ?  PAGEREF _Toc79311108 \h 93
 HYPERLINK \l "_Toc79311109" 4.4.3 La deuxième phrase de l’art. 90 TCE : les produits en concurrence  PAGEREF _Toc79311109 \h 95
 HYPERLINK \l "_Toc79311110" 4.4.3.1 Produits en concurrence  PAGEREF _Toc79311110 \h 95
 HYPERLINK \l "_Toc79311111" 4.4.3.2 Taxation de nature à protéger  PAGEREF _Toc79311111 \h 98
 HYPERLINK \l "_Toc79311112" 4.4.4 Est-ce que la distinction entre produits similaires et en concurrence est toujours pertinente ?  PAGEREF _Toc79311112 \h 101
 HYPERLINK \l "_Toc79311113" 4.5 Et quid s’il n’y a pas de protection domestique ?  PAGEREF _Toc79311113 \h 102
 HYPERLINK \l "_Toc79311114" 4.6 Les mesures à l’exportation  PAGEREF _Toc79311114 \h 102
 HYPERLINK \l "_Toc79311115" 4.7 Justifications  PAGEREF _Toc79311115 \h 103
 HYPERLINK \l "_Toc79311116" 4.8 La relation entre l’art. 90 TCE et les aides d’état (art. 87 et s.)  PAGEREF _Toc79311116 \h 111
 HYPERLINK \l "_Toc79311117" 4.9 La relation entre l’art. 90 TCE et l’art. 28 TCE  PAGEREF _Toc79311117 \h 120
 HYPERLINK \l "_Toc79311118" 4.10 Incompatibilité n’est pas catastrophique  PAGEREF _Toc79311118 \h 121
 HYPERLINK \l "_Toc79311119" 5 Les mesures à l’importation (RQ et MEE); le critère décisif : présence ou absence de réglementation communautaire  PAGEREF _Toc79311119 \h 122
 HYPERLINK \l "_Toc79311120" 6 En présence d'une réglementation communautaire  PAGEREF _Toc79311120 \h 124
 HYPERLINK \l "_Toc79311121" 6.1 La procédure de réglementation  PAGEREF _Toc79311121 \h 125
 HYPERLINK \l "_Toc79311122" 6.2 La jurisprudence  PAGEREF _Toc79311122 \h 131
 HYPERLINK \l "_Toc79311123" 6.2.1 Le recours à l’art. 30 TCE est exclu en cas d’harmonisation  PAGEREF _Toc79311123 \h 132
 HYPERLINK \l "_Toc79311124" 6.2.2 Mais attention aux détails  PAGEREF _Toc79311124 \h 134
 HYPERLINK \l "_Toc79311125" 6.3 Les Directives ‘nouvelle approche’  PAGEREF _Toc79311125 \h 135
 HYPERLINK \l "_Toc79311126" 6.3.1 Qu’est ce que c’est qu'une Directive nouvelle approche ?  PAGEREF _Toc79311126 \h 135
 HYPERLINK \l "_Toc79311127" 6.3.2 Les directives ‘nouvelle approche’ en vigueur  PAGEREF _Toc79311127 \h 137
 HYPERLINK \l "_Toc79311130" 6.3.3 La Dir. 98/34/CE  PAGEREF _Toc79311130 \h 142
 HYPERLINK \l "_Toc79311131" 6.4 La protection de l’individu  PAGEREF _Toc79311131 \h 151
 HYPERLINK \l "_Toc79311132" 6.4.1 En cas de mauvaise transposition des directives  PAGEREF _Toc79311132 \h 151
 HYPERLINK \l "_Toc79311133" 6.4.2 En cas de responsabilité de la Commission  PAGEREF _Toc79311133 \h 158
 HYPERLINK \l "_Toc79311134" 6.5 L’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA)  PAGEREF _Toc79311134 \h 160
 HYPERLINK \l "_Toc79311135" 6.5.1 L’AESA et l’interface entre compétence scientifique et légitimité démocratique  PAGEREF _Toc79311135 \h 160
 HYPERLINK \l "_Toc79311136" 6.5.2 Un cas d’application: la commercialisation des organismes génétiquement modifiés (OGM)  PAGEREF _Toc79311136 \h 193
 HYPERLINK \l "_Toc79311137" 6.5.3 L’incidence de la ‘comitologie’ sur la LCM  PAGEREF _Toc79311137 \h 199
 HYPERLINK \l "_Toc79311138" 7 Les mesures non tarifaires (MNT) en l'absence de réglementation communautaire  PAGEREF _Toc79311138 \h 201
 HYPERLINK \l "_Toc79311139" 7.1 La première phase : l’accent sur l’intégration  PAGEREF _Toc79311139 \h 202
 HYPERLINK \l "_Toc79311140" 7.2 La deuxième phase: l’intégration dans un contexte d’équivalence réglementaire  PAGEREF _Toc79311140 \h 204
 HYPERLINK \l "_Toc79311141" 7.2.1 Au début, la décision Cassis de Dijon  PAGEREF _Toc79311141 \h 205
 HYPERLINK \l "_Toc79311142" 7.2.2 Après, la compréhension de la Commission  PAGEREF _Toc79311142 \h 209
 HYPERLINK \l "_Toc79311143" 7.2.3 La reconnaissance mutuelle devient un principe réglementaire  PAGEREF _Toc79311143 \h 212
 HYPERLINK \l "_Toc79311144" 7.2.4 L’évaluation de la reconnaissance mutuelle  PAGEREF _Toc79311144 \h 212
 HYPERLINK \l "_Toc79311145" 7.3 La jurisprudence post-Cassis de Dijon  PAGEREF _Toc79311145 \h 238
 HYPERLINK \l "_Toc79311146" 7.3.1 L’entrave est-elle nécessaire ?  PAGEREF _Toc79311146 \h 239
 HYPERLINK \l "_Toc79311147" 7.3.2 Dassonville ‘nouvelle formule’ : l’intensité des effets  PAGEREF _Toc79311147 \h 255
 HYPERLINK \l "_Toc79311148" 7.4 La troisième phase: entre RQ et discrimination, la jurisprudence Keck et Mithouard  PAGEREF _Toc79311148 \h 256
 HYPERLINK \l "_Toc79311149" 7.5 La jurisprudence post-Keck et Mithouard  PAGEREF _Toc79311149 \h 259
 HYPERLINK \l "_Toc79311150" 7.5.1 Des confirmations de Keck et Mithouard  PAGEREF _Toc79311150 \h 260
 HYPERLINK \l "_Toc79311151" 7.5.2 Les efforts de restreindre Keck et Mithouard  PAGEREF _Toc79311151 \h 267
 HYPERLINK \l "_Toc79311152" 7.5.3 Les efforts de dépasser Keck et Mithouard  PAGEREF _Toc79311152 \h 269
 HYPERLINK \l "_Toc79311153" 7.6 Un bref compte-rendu  PAGEREF _Toc79311153 \h 275
 HYPERLINK \l "_Toc79311154" 7.7 Le recours à l’art. 30 TCE  PAGEREF _Toc79311154 \h 275
 HYPERLINK \l "_Toc79311155" 7.7.1 Le test de compatibilité avec l’art. 30 TCE en bref  PAGEREF _Toc79311155 \h 275
 HYPERLINK \l "_Toc79311156" 7.7.2 Le fardeau de la preuve  PAGEREF _Toc79311156 \h 276
 HYPERLINK \l "_Toc79311157" 7.7.3 La nature non économique des motifs inclus à l’art. 30 TCE  PAGEREF _Toc79311157 \h 276
 HYPERLINK \l "_Toc79311158" 7.7.4 L’art. 30 TCE et la diversité réglementaire  PAGEREF _Toc79311158 \h 278
 HYPERLINK \l "_Toc79311159" 7.7.5 Le critère d’examen des cours communautaires  PAGEREF _Toc79311159 \h 279
 HYPERLINK \l "_Toc79311160" 7.7.6 La notion de mesure justifiée  PAGEREF _Toc79311160 \h 281
 HYPERLINK \l "_Toc79311161" 7.7.7 Discrimination arbitraire  PAGEREF _Toc79311161 \h 282
 HYPERLINK \l "_Toc79311162" 7.7.8 Restriction déguisée  PAGEREF _Toc79311162 \h 285
 HYPERLINK \l "_Toc79311163" 7.7.9 Les cas spécifiques  PAGEREF _Toc79311163 \h 286
 HYPERLINK \l "_Toc79311164" 7.7.9.1 Santé et vie des personnes  PAGEREF _Toc79311164 \h 286
 HYPERLINK \l "_Toc79311165" 7.7.9.2 Sécurité publique  PAGEREF _Toc79311165 \h 290
 HYPERLINK \l "_Toc79311166" 7.7.9.3 Moralité publique  PAGEREF _Toc79311166 \h 294
 HYPERLINK \l "_Toc79311167" 7.7.9.4 Vie des animaux et préservation des végétaux  PAGEREF _Toc79311167 \h 296
 HYPERLINK \l "_Toc79311168" 7.7.9.5 Protection des trésors nationaux  PAGEREF _Toc79311168 \h 296
 HYPERLINK \l "_Toc79311169" 7.7.9.6 Ordre public  PAGEREF _Toc79311169 \h 296
 HYPERLINK \l "_Toc79311170" 7.8 Le recours aux exigences impératives  PAGEREF _Toc79311170 \h 297
 HYPERLINK \l "_Toc79311171" 7.8.1 Observations générales  PAGEREF _Toc79311171 \h 297
 HYPERLINK \l "_Toc79311172" 7.8.2 Les cas spécifiques  PAGEREF _Toc79311172 \h 307
 HYPERLINK \l "_Toc79311173" 7.8.2.1 L’effectivité de la supervision fiscale  PAGEREF _Toc79311173 \h 307
 HYPERLINK \l "_Toc79311174" 7.8.2.2 La protection des consommateurs  PAGEREF _Toc79311174 \h 308
 HYPERLINK \l "_Toc79311175" 7.8.2.3 La prévention de la concurrence déloyale  PAGEREF _Toc79311175 \h 312
 HYPERLINK \l "_Toc79311176" 7.8.2.4 La protection de l’environnement  PAGEREF _Toc79311176 \h 314
 HYPERLINK \l "_Toc79311177" 7.8.2.5 L’amélioration des conditions de travail  PAGEREF _Toc79311177 \h 317
 HYPERLINK \l "_Toc79311178" 7.8.2.6 La protection du patrimoine artistique et culturel  PAGEREF _Toc79311178 \h 318
 HYPERLINK \l "_Toc79311179" 7.8.2.7 La pluralité de la presse  PAGEREF _Toc79311179 \h 319
 HYPERLINK \l "_Toc79311180" 7.8.2.8 Le bon fonctionnement des services publics  PAGEREF _Toc79311180 \h 323
 HYPERLINK \l "_Toc79311181" 7.8.2.9 Les mesures destinées à éviter des déséquilibres financiers graves  PAGEREF _Toc79311181 \h 323
 HYPERLINK \l "_Toc79311182" 7.8.2.10 Des choix de politique économique et sociale  PAGEREF _Toc79311182 \h 324
 HYPERLINK \l "_Toc79311183" 7.8.2.11 La protection d’œuvres cinématographiques  PAGEREF _Toc79311183 \h 325
 HYPERLINK \l "_Toc79311184" 7.9 Autres exceptions  PAGEREF _Toc79311184 \h 327
 HYPERLINK \l "_Toc79311185" 7.9.1 Aides d’état  PAGEREF _Toc79311185 \h 327
 HYPERLINK \l "_Toc79311186" 7.9.2 Entreprises publiques  PAGEREF _Toc79311186 \h 330
 HYPERLINK \l "_Toc79311187" 7.9.3 Politique économique  PAGEREF _Toc79311187 \h 332
 HYPERLINK \l "_Toc79311188" 7.9.4 Politique monétaire  PAGEREF _Toc79311188 \h 335
 HYPERLINK \l "_Toc79311189" 7.9.5 La re-fragmentation du marché communautaire : l’art. 134 TCE  PAGEREF _Toc79311189 \h 337
 HYPERLINK \l "_Toc79311190" 7.9.6 Danger contre la paix  PAGEREF _Toc79311190 \h 338
 HYPERLINK \l "_Toc79311191" 7.9.7 Accords antérieurement conclus  PAGEREF _Toc79311191 \h 343
 HYPERLINK \l "_Toc79311192" 7.9.8 Les droits fondamentaux  PAGEREF _Toc79311192 \h 351
 HYPERLINK \l "_Toc79311193" 7.10 Les mesures à l’exportation  PAGEREF _Toc79311193 \h 358
 HYPERLINK \l "_Toc79311194" 7.10.1 La raison d'être de l'interdiction  PAGEREF _Toc79311194 \h 358
 HYPERLINK \l "_Toc79311195" 7.10.2 L'interprétation du terme 'restriction à l'exportation'  PAGEREF _Toc79311195 \h 359
 HYPERLINK \l "_Toc79311196" 7.10.3 Les justifications contre les interdictions à l’exportation  PAGEREF _Toc79311196 \h 369
 HYPERLINK \l "_Toc79311197" 7.10.4 Mesures communautaires imposant une interdiction à l'exportation  PAGEREF _Toc79311197 \h 369
 HYPERLINK \l "_Toc79311198" 7.11 Les monopoles étatiques à caractère commercial (art. 31 TCE)  PAGEREF _Toc79311198 \h 373
 HYPERLINK \l "_Toc79311199" 8 Les aspects externes de la LCM  PAGEREF _Toc79311199 \h 383
 HYPERLINK \l "_Toc79311200" 9 Conclusions  PAGEREF _Toc79311200 \h 385
 HYPERLINK \l "_Toc79311202" TROISIEME PARTIE  PAGEREF _Toc79311202 \h 390
 HYPERLINK \l "_Toc79311203" Questions et commentaires  PAGEREF _Toc79311203 \h 390




La libre circulation des marchandises (LCM)


PREMIERE PARTIE

Le droit primaire

Article 23 (ex-article 9)

1. La Communauté est fondée sur une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction, entre les États membres, des droits de douane à l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent, ainsi que l'adoption d'un tarif douanier commun dans leurs relations avec les pays tiers.
2. Les dispositions de l'article 25 et du chapitre 2 du présent titre s'appliquent aux produits qui sont originaires des États membres, ainsi qu'aux produits en provenance de pays tiers qui se trouvent en libre pratique dans les États membres.

Article 24 (ex-article 10)

Sont considérés comme étant en libre pratique dans un État membre les produits en provenance de pays tiers pour lesquels les formalités d'importation ont été accomplies et les droits de douane et taxes d'effet équivalent exigibles ont été perçus dans cet État membre, et qui n'ont pas bénéficié d'une ristourne totale ou partielle de ces droits et taxes.


CHAPITRE 1

L'UNION DOUANIÈRE

Article 25 (ex-article 12)

Les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent sont interdits entre les États membres. Cette interdiction s'applique également aux droits de douane à caractère fiscal.

Article 26 (ex-article 28)

Les droits du tarif douanier commun sont fixés par le Conseil statuant à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission.

Article 27 (ex-article 29)

Dans l'exercice des missions qui lui sont confiées au titre du présent chapitre, la Commission s'inspire:
a) de la nécessité de promouvoir les échanges commerciaux entre les États membres et les pays tiers;
b) de l'évolution des conditions de concurrence à l'intérieur de la Communauté, dans la mesure où cette évolution aura pour effet d'accroître la force compétitive des entreprises;
c) des nécessités d'approvisionnement de la Communauté en matières premières et demi-produits, tout en veillant à ne pas fausser entre les États membres les conditions de concurrence sur les produits finis;
d) de la nécessité d'éviter des troubles sérieux dans la vie économique des États membres et d'assurer un développement rationnel de la production et une expansion de la consommation dans la Communauté.


CHAPITRE 2

L'INTERDICTION DES RESTRICTIONS QUANTITATIVES ENTRE LES ÉTATS MEMBRES

Article 28 (ex-article 30)

Les restrictions quantitatives à l'importation, ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les États membres.

Article 29 (ex-article 34)

Les restrictions quantitatives à l'exportation, ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les États membres.

Article 30 (ex-article 36)

Les dispositions des articles 28 et 29 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres.

Article 31 (ex-article 37)

1. Les États membres aménagent les monopoles nationaux présentant un caractère commercial, de telle façon que soit assurée, dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés, l'exclusion de toute discrimination entre les ressortissants des États membres.
Les dispositions du présent article s'appliquent à tout organisme par lequel un État membre, de jure ou de facto, contrôle, dirige ou influence sensiblement, directement ou indirectement, les importations ou les exportations entre les États membres. Ces dispositions s'appliquent également aux monopoles d'État délégués.
2. Les États membres s'abstiennent de toute mesure nouvelle contraire aux principes énoncés au paragraphe 1 ou qui restreint la portée des articles relatifs à l'interdiction des droits de douane et des restrictions quantitatives entre les États membres.
3. Dans le cas d'un monopole à caractère commercial comportant une réglementation destinée à faciliter l'écoulement ou la valorisation de produits agricoles, il convient d'assurer, dans l'application des règles du présent article, des garanties équivalentes pour l'emploi et le niveau de vie des producteurs intéressés.

…
DISPOSITIONS FISCALES

Article 90 (ex-article 95)

Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.
En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions.

Article 91 (ex-article 96)

Les produits exportés vers le territoire d'un des États membres ne peuvent bénéficier d'aucune ristourne d'impositions intérieures supérieure aux impositions dont ils ont été frappés directement ou indirectement.

Article 92 (ex-article 98)

En ce qui concerne les impositions autres que les taxes sur le chiffre d'affaires, les droits d'accises et les autres impôts indirects, des exonérations et des remboursements à l'exportation vers les autres États membres ne peuvent être opérés, et des taxes de compensation à l'importation en provenance des États membres ne peuvent être établies, que pour autant que les mesures envisagées ont été préalablement approuvées pour une période limitée par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la
Commission.

Article 93 (ex-article 99)

Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social, arrête les dispositions touchant à l'harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, aux droits d'accises et autres impôts indirects dans la mesure où cette harmonisation est nécessaire pour assurer l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur dans le délai prévu à l'article 14.


LE RAPPROCHEMENT DES LEGISLATIONS

Article 94 (ex-article 100)

Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social, arrête des directives pour le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont une incidence directe sur l'établissement ou le fonctionnement du marché commun.
Article 95 (ex-article 100 A)
1.   Par dérogation à l'article 94 et sauf si le présent traité en dispose autrement, les dispositions suivantes s'appliquent pour la réalisation des objectifs énoncés à l'article 14. Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l'article 251 et après consultation du Comité économique et social, arrête les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur.
2.   Le paragraphe 1 ne s'applique pas aux dispositions fiscales, aux dispositions relatives à la libre circulation des personnes et à celles relatives aux droits et intérêts des travailleurs salariés.
3.   La Commission, dans ses propositions prévues au paragraphe 1 en matière de santé, de sécurité, de protection de l'environnement et de protection des consommateurs, prend pour base un niveau de protection élevé en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution basée sur des faits scientifiques. Dans le cadre de leurs compétences respectives, le Parlement européen et le Conseil s'efforcent également d'atteindre cet objectif.
4.   Si, après l'adoption par le Conseil ou par la Commission d'une mesure d'harmonisation, un État membre estime nécessaire de maintenir des dispositions nationales justifiées par des exigences importantes visées à l'article 30 ou relatives à la protection de l'environnement ou du milieu de travail, il les notifie à la Commission, en indiquant les raisons de leur maintien.
5.   En outre, sans préjudice du paragraphe 4, si, après l'adoption par le Conseil ou par la Commission d'une mesure d'harmonisation, un État membre estime nécessaire d'introduire des dispositions nationales basées sur des preuves scientifiques nouvelles relatives à la protection de l'environnement ou du milieu de travail en raison d'un problème spécifique de cet État membre, qui surgit après l'adoption de la mesure d'harmonisation, il notifie à la Commission les mesures envisagées ainsi que les raisons de leur adoption.
6.   Dans un délai de six mois après les notifications visées aux paragraphes 4 et 5, la Commission approuve ou rejette les dispositions nationales en cause après avoir vérifié si elles sont ou non un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dans le commerce entre États membres et si elles constituent ou non une entrave au fonctionnement du marché intérieur.
En l'absence de décision de la Commission dans ce délai, les dispositions nationales visées aux paragraphes 4 et 5 sont réputées approuvées.
Lorsque cela est justifié par la complexité de la question et en l'absence de danger pour la santé humaine, la Commission peut notifier à l'État membre en question que la période visée dans le présent paragraphe peut être prorogée d'une nouvelle période pouvant aller jusqu'à six mois.
7.   Lorsque, en application du paragraphe 6, un État membre est autorisé à maintenir ou à introduire des dispositions nationales dérogeant à une mesure d'harmonisation, la Commission examine immédiatement s'il est opportun de proposer une adaptation de cette mesure.
8.   Lorsqu'un État membre soulève un problème particulier de santé publique dans un domaine qui a fait préalablement l'objet de mesures d'harmonisation, il en informe la Commission, qui examine immédiatement s'il y a lieu de proposer des mesures appropriées au Conseil.
9.   Par dérogation à la procédure prévue aux articles 226 et 227, la Commission et tout État membre peuvent saisir directement la Cour de justice s'ils estiment qu'un autre État membre fait un usage abusif des pouvoirs prévus par le présent article.
10.   Les mesures d'harmonisation visées ci-dessus comportent, dans les cas appropriés, une clause de sauvegarde autorisant les États membres à prendre, pour une ou plusieurs des raisons non économiques visées à l'article 30, des mesures provisoires soumises à une procédure communautaire de contrôle.
Article 96 (ex-article 101)
Au cas où la Commission constate qu'une disparité existant entre les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres fausse les conditions de concurrence sur le marché commun et provoque, de ce fait, une distorsion qui doit être éliminée, elle entre en consultation avec les États membres intéressés.
Si cette consultation n'aboutit pas à un accord éliminant la distorsion en cause, le Conseil arrête, sur proposition de la Commission, les directives nécessaires à cette fin, en statuant à la majorité qualifiée. La Commission et le Conseil peuvent prendre toutes autres mesures utiles prévues par le présent traité.
Article 97 (ex-article 102)
1.   Lorsqu'il y a lieu de craindre que l'établissement ou la modification d'une disposition législative, réglementaire ou administrative provoque une distorsion au sens de l'article précédent, l'État membre qui veut y procéder consulte la Commission. Après avoir consulté les États membres, la Commission recommande aux États intéressés les mesures appropriées pour éviter la distorsion en cause.
2.   Si l'État qui veut établir ou modifier des dispositions nationales ne se conforme pas à la recommandation que la Commission lui a adressée, il ne pourra être demandé aux autres États membres, dans l'application de l'article 96, de modifier leurs dispositions nationales en vue d'éliminer cette distorsion. Si l'État membre qui a passé outre à la recommandation de la Commission provoque une distorsion à son seul détriment, les dispositions de l'article 96 ne sont pas applicables.
























DEUXIEME PARTIE

La jurisprudence, le droit secondaire et la pratique

1 Les enjeux

La CE n’est pas seulement une union douanière, mais également un marché commun. C’est-à-dire, qu'en sus d'une politique commerciale commune vis-à-vis du reste du monde, tous les facteurs de production circulent librement au sein de la CE. Vu sous cet angle, la LCM est une liberté essentielle pour la caractérisation de la CE comme un marché commun. Les trois autres libertés fondamentales garantissent la libre circulation des autres facteurs de production [libre circulation des services (LCS) ; liberté d’établissement pour les travailleurs (LE) ; libre circulation des capitaux (LCC)].

Le TCE (Traité instituant la Communauté européenne), en ce qui concerne la LCM, impose un mélange de politiques communes et d’obligations applicables en cas de non-harmonisation et ce afin d’assurer l’intégration du marché. Ces dernières sont caractérisées par un langage très abstrait qui peut mettre en question un grand éventail d’interventions réglementaires qui risquent d'être jugées incompatibles avec les obligations que les Etats membres doivent assumer sur le plan communautaire [qu’est ce que c’est une taxe d’effet équivalent (TEE) à un droit de douane ou une mesure d’effet équivalent (MEE) à une restriction quantitative ?]. L’interprétation des termes utilisés devient ainsi le moyen approprié pour ‘compléter’ un contrat incomplet. Le système communautaire réserve un rôle privilégié à cet égard aux deux cours du Luxembourg, soit la Cour de Justice des Communautés européennes (ci-après la Cour ou CJ) et le Tribunal de première instance (TPI), qui restent exclusivement responsables de l’interprétation des termes du TCE. La Cour a par son interprétation, quelquefois purement téléologique du Traité (en se basant plutôt sur des buts politiques que sur le texte actuel du TCE), donné l’impulsion à la réalisation du marché commun.

La jurisprudence de la Cour en matière de LCM est richissime, mais (assez logiquement, comme nous le soutenons plus loin) incohérente. En ce qui concerne les droits de douane et les taxes d’effet équivalent, c'est-à-dire la protection que les Etats membres conféraient à leur production nationale en frappant les produits importés lors de leur passage de la frontière nationale, la Cour a en effet du faire face à une question de classification importante : comment distinguer entre TEE et impositions intérieures vu que les premières devraient être abolies tandis que les deuxièmes doivent être appliquées de façon non discriminatoire. Après quelques arrêts discutables, il semble que la Cour a pu établir des critères juridiques qui servent la sécurité juridique dans ce domaine.

En ce qui concerne les restrictions quantitatives et les MEE, notre étude démontre une situation assez différente. La Cour a dû faire face à un test (celui de l’art. 28 ss TCE) qui, verbatim, semble imposer un fardeau de la preuve assez lourd à l’état réglementant dont les interventions sont illégales, sauf si elles peuvent être justifiées : toute MEE est illégale sauf si un des motifs de l’art. 30 TCE peut être invoqué de façon légitime.

Lors de sa première phase, la Cour dans sa légendaire jurisprudence Dassonville [aff. 8/74 Rec. (1974) 837] explique que toute mesure qui même potentiellement ou indirectement influence les échanges intra-communautaires est illégale. Pouvez-vous imaginer une intervention réglementaire qui peut échapper à ce test ? Remplir ces deux critères implique que la réglementation viole, en principe, le cadre communautaire, sauf si l’Etat membre en cause peut justifier sa mesure en invoquant un des motifs mentionnés à la liste de l’art. 30 TCE qui contient des motifs de nature non économique qui imposent ledit choix réglementaire. Mais la liste dudit article est une liste exhaustive ; par conséquent, un Etat membre ne peut intervenir que pour des raisons qui y sont mentionnées. Cassis de Dijon [Rewe-Zentral c. Bundesmonopolverwaltung für Branntwein, aff. 120/78 Rec. (1979) 649], jurisprudence légendaire elle aussi, renforce l’effet Dassonville dans le sens que chaque Etat membre (suivant l’interprétation dudit arrêt par la Commission, interprétation qui a ensuite été utilisée par la Cour) doit maintenant accepter en principe la façon de réglementer de ses partenaires communautaires : c’est l’heure de la reconnaissance mutuelle.

Nous arrivons alors à une interprétation des dispositions de la LCM selon laquelle si un Etat membre ne trouve pas dans la liste de l’art. 30 TCE (ou parmi les exigences impératives mentionnées pour la première fois dans Cassis de Dijon) une excuse pour une réglementation nationale qui même potentiellement ou indirectement entrave les échanges intra-communautaires, il ne doit pas réglementer. Les dispositions de la LCM sont alors interprétées comme un instrument de déréglementation. Cette attitude va toutefois à l’encontre de la réalité réglementaire, son essor en matière d’intégration communautaire n’étant pas remis en cause: l’avancement continu de la science, la meilleure connaissance des dangers et de la probabilité qu’ils soient réalisés expliquent peut-être en grande partie pourquoi quantitativement parlant, il y a bien plus de réglementation aujourd’hui qu’il y a cinquante ans. Prenons un exemple concret : même le terme ‘protection de l’environnement’ manque au texte du TCE originel, fort probablement à cause du manque d’intérêt à intervenir dans ce domaine (expliqué celui-ci, fort probablement de nouveau, par la connaissance inadéquate de ce qui était vraiment en jeu dans ce domaine-ci).

Est-ce que le système mis sur pied par les pères fondateurs du TCE est incompatible avec la réalité contemporaine ? Tout d’abord, même si la réponse à cette question était négative, elle ne devrait pas être perçue comme un reproche que nous ferions à ces grands personnages ; il est tout à fait normal que le législateur des années 50 ne prévoit pas la réalité des années 90 et 2000.

Mais ce n’est pas le cas non plus. La lecture de l’art. 30 TCE démontre que les pères fondateurs ne voulaient pas écarter les interventions pour des motifs non économiques, même si celles-ci avaient des effets néfastes sur les échanges intra-communautaires. C’est les interventions protectionnistes que les pères fondateurs ont voulu écarter. Ceci explique que par et suite à la jurisprudence Cassis de Dijon, la Cour a de facto étendu la liste de l’art. 30 TCE : tout d’abord en acceptant qu’un Etat membre puisse justifier des mesures qui vont à l’encontre de ses obligations en matière de LCM en invoquant non seulement un des motifs figurant dans la liste de l’art. 30 TCE mais en plus une des exigences impératives. Ces dernières sont une évolution jurisprudentielle. Elles constituent des motifs de nature non économique (comme ceux reflétés dans la liste de l’art. 30 TCE), mais à leur différence elles ne font pas partie d’une liste exhaustive. La Cour reste compétente pour en créer de nouvelles dans la mesure du nécessaire.

Bien sûr, il paraît inopportun de parler d’extension’ de la liste de l’art. 30 TCE par le biais des exigences impératives, quand, selon l’avis de la Cour, la liste de l’art. 30 TCE est une liste exhaustive. Comme nous l’expliquerons plus loin, pour éviter cette contradiction apparente, la Cour a soustrait la liste des exigences impératives du champ d’application de l’art. 28 TCE (plutôt que de les ajouter à la liste de l’art. 30 TCE). Toutefois, leur fonction est en parallèle avec celle des motifs inclus à l’art. 30 TCE.

D’un autre côté, dans son arrêt Keck et Mithouard [C-267 & 268/91, Rec. (1993) I-6097], la Cour accepte qu’une série de réglementations nationales qui traite de qui, où, quand, comment peut-on vendre une marchandise (que la Cour nomme modalités de vente) ne doivent pas être considérées comme des MEE si elles respectent le principe de non-discrimination.

Le résultat est que les Etats membres ont plus d’espace à leur disposition pour réglementer. Les dispositions de la LCM sont comprises par la Cour de plus en plus comme une interdiction du recours au protectionnisme plutôt qu’autre chose. Vu sous cet angle, le système des arts. 28-30 TCE semble plutôt correspondre à une allocation stratégique du fardeau de la preuve chaque fois qu'une entrave aux échanges intra-communautaires résulte d’une réglementation nationale. Qu’est ce que nous entendons par cette phrase ? Oui, c’est l’Etat membre qui doit se justifier chaque fois que ses interventions entravent les échanges, puisque c’est l’Etat qui intervient qui peut être présumé en possession de l’information utile à ce sujet. Ledit Etat peut tout de même, en principe, justifier ces mesures en faisant appel à une liste illimitée d’objectifs réglementaires (offerte par l’addition à la liste exhaustive de motifs inclus dans l’art. 30 TCE de la liste indicative d’exigences impératives).

En même temps, il y a maintenant une présomption d’innocence si une intervention réglementaire est considérée comme une modalité de vente. Dans ce cas (de nouveau une liste indicative), un Etat membre assume un fardeau de la preuve moins lourd, puisqu'une fois la qualification de son intervention comme une modalité de vente acquise, tout ce qu’il doit démontrer c'est que son intervention est appliquée de façon non-discriminatoire aux produits importés et domestiques. Nous ajoutons en bémol ici que, les Etats membres doivent, quand ils font appel à l’art. 30 TCE ou à une exigence impérative assurer que leur intervention est nécessaire (dans le sens le moyen est proportionnel au but) pour atteindre le but poursuivi. Deux remarques semblent appropriées dans ce contexte : primo, on peut valablement se poser la question comment concilier une jurisprudence de la Cour (de la première phase du moins) qui veut interpréter le TCE comme une obligation de déréglementation quand la même Cour accepte (dans le contexte de son analyse portant sur l’art. 30 TCE) qu’elle ne peut pas mettre en question les buts poursuivis par les Etats membres (qui sont unilatéralement définis et demeurent non justiciables) et peut seulement examiner la nécessité des moyens utilisés. L’unique façon de voir une certaine cohérence dans ce domaine c’est en qualifiant l’art. 30 TCE comme reflétant le consensus des Etats membres sur les buts que chacun parmi eux peut valablement poursuivre. Un tel consensus est tout de même difficilement conciliable avec le reste du Traité. Secundo, le principe de nécessité reflète implicitement un principe de ‘bonne gouvernance’ : les Etats membres acceptent de bien ‘tailler’ leurs interventions et d’assurer un équilibre défendable entre leurs aspirations unilatérales et le but commun (l’intégration continue entre les peuples européens).

Si la Cour accepte maintenant un rôle moins interventionniste, elle reste toujours une Cour qui essaie de trouver les meilleures solutions aux questions qui lui sont posées dans le domaine de la LCM. La discussion jusqu’ici peut être résumée de la façon suivante :

En l'absence d’harmonisation, il n’est pas exclu (et c'est plutôt même assez probable) que les Etats membres réglementent leur marché pour assurer, par exemple, un niveau adéquat de la protection de la santé, de l’environnement, etc. Leurs interventions sont sensées être domestiques, mais ont des externalités transfrontalières et ce en raison du contexte communautaire. Ces externalités doivent être internalisées. Le cadre communautaire accepte que la libéralisation du commerce (des échanges intra-communautaires) soit une liberté hiérarchiquement inférieure à des valeurs sociales, telle que la santé publique etc. Si, par conséquent, lesdites externalités sont le résultat d'une intervention motivée par la santé publique (à titre d'exemple), elles doivent être tolérées par les partenaires communautaires. Si, par contre, elles sont motivées par le souci de protéger le revenu du producteur local, elles doivent être éliminées et c'est le pays intervenant qui assume la tâche d'arrêter les politiques qui leurs donnent naissance. Le problème est qu'il est parfois très difficile de distinguer les interventions abusives de celles qui sont bona fides. Ce problème est particulièrement aigu lors que nous devons face à des interventions qui de jure ne distinguent pas entre produits domestiques et étrangers. Il y a un problème d’asymétrie d’information, que le législateur communautaire n’a pas redressé du tout. Les juges communautaires ont attaqué ce point en allouant le fardeau de la preuve comme décrit ci-dessus et en interprétant l’obligation incluse à l’art. 30 TCE comme une obligation d’assurer la nécessité de l’intervention réglementaire. La nécessité devient ainsi une approximation (proxy) pour détecter la véritable intention. L’hypothèse de travail est que si un Etat membre de façon authentique veut promouvoir, par exemple, la santé publique, il choisira le moyen le plus proche de la distorsion qu’il veut éliminer. En d’autres termes, ledit Etat va cibler la distorsion et va ‘tailler’ son instrument d’intervention de façon analogue. Pour éviter des malentendus, il n’y a pas de chevauchement parfait entre le principe juridique de nécessité et la théorie économique de ‘ciblage’ (targeting). Toutefois, on peut légitimement (au moins) présumé que si le principe de nécessité a été respecté, l’Etat membre intervenant a, en principe, agi de bonne foi.

Le respect dudit principe ne garantit tout de même pas que l’Etat intervenant agit de bonne foi. Il reste bien sûr à discuter quel est le fardeau de la preuve que l’Etat contestant une mesure nécessaire doit assumer. Il se peut aussi qu’au fil du temps, nous posséderons de meilleurs outils que ledit principe pour tester les interventions des Etats membres. La théorie économique offre un certain nombre de modèles pour détecter l’intention en cas d’asymétrie d’information. Toutefois, de tels modèles dépendent excessivement de leurs hypothèses de travail ce qui les rend ipso facto très souvent relativement inappropriés comme instruments de contrôle judiciaire.

De l’autre côté, en l'absence d’une théorie opérationnelle de protection, il est tout à fait normal que la Cour continue ses efforts pour arriver à un test de compatibilité avec les disciplines des arts. 28 et s. TCE qui réponde mieux aux questions posées. Nous verrons plus loin qu’après Keck et Mithouard (c’est-à-dire la période depuis 1993), la Cour se montre quelquefois assez entreprenante à cet égard.

Il y a tout de même des limites inhérentes à une approche qui cherche l'intégration par le biais de décisions de la Cour. Même si l'on arrive à une jurisprudence claire et cohérente (ce qui n'est pas le cas), les arrêts ne suffisent pas à eux seuls à résoudre tout problème éventuel (puisque les décisions lors des litiges ne lient que les parties au litige, et/ou parce que la résolution ne peut arriver, si elle arrive, qu’assez tard, vu que pour qu’il y ait litige, il faut qu’une des parties qui ait le locus standi saisisse la Cour). La réglementation, par contre, a l’avantage de clarifier ex ante la situation juridique dans un certain domaine et d’être d’applicabilité générale.

Dans le contexte communautaire, la réglementation n’a pas toujours été facilitée. L’ex art. 100 TCE, présupposait l’unanimité pour qu’il y ait adoption d’un acte législatif. Le passage à la majorité qualifiée a largement facilité l’adoption d’actes législatifs. De l’autre côté, les actes législatifs en matière de LCM cristallisent un principe judiciaire (ou quasi judiciaire, puisque sa paternité peut être revendiquée par la Commission qui a, à sa guise, interprété la fameuse jurisprudence Cassis de Dijon dans ce sens-là), la reconnaissance mutuelle.

Pour que ce principe continue à vivre dans un contexte réglementé toutefois, il faut éviter d’éliminer la possibilité d’exprimer à un stade plus bas que celui de la CE, le génie réglementaire. Il faut, en d’autres termes, assurer que par la réglementation communautaire l'on arrive toujours à récolter les gains d’innovation. La recette communautaire à cet effet répond en grande partie à ces soucis : le rapprochement des législations par le biais de l’art. 95 TCE ne correspond qu’à une harmonisation de minimis –les déviations justifiées étant permises ; de l’autre côté, en choisissant la directive comme l’instrument qui a été utilisée par excellence dans cette perspective, les partenaires communautaires s’entendent chaque fois sur le résultat réglementaire à obtenir tout en laissant la possibilité à chacun parmi eux d’y parvenir en dessinant son propre chemin. C’est une véritable concurrence entre régimes juridiques qui s’instaure ainsi tout en assurant, tout de même, un fond commun qui évite une course vers le fond (‘race to the bottom’).

Cette concurrence est davantage facilitée par l'instauration du principe de subsidiarité. Selon ce principe, l'intervention réglementaire aura lieu au niveau le plus propice (Etat membre, Communauté) et il y a même une présomption (réfragable tout de même) que le niveau le plus propice n'est pas le niveau communautaire. L'harmonisation est utilisée économiquement, seulement quand elle est plus ou moins inévitable.

Le dernier grand rebondissement du processus d'intégration européenne vient avec l'instauration de l'union monétaire (UM, pour les Etats membres qui y participent). Bien que l'UM ne concerne pas directement la LCM, elle exerce tout de même une influence considérable puisque les échanges intra-communautaires ne sont plus influencés par les fluctuations monétaires. Comme nous le verrons plus loin (Section 3), le passage à l'UM signifie entre autres, l'abolition des ‘taux verts’.

La LCM à elle seule ne suffit évidemment pas pour que le marché soit intégré. Elle constitue bien sûr l'une des composantes du marché intérieur. Son placement dans cette perspective de l’intégration du marché intérieur est nécessaire non seulement parce que c’est ainsi que nous arrivons à une vue d’ensemble mais aussi pour des raisons authentiquement juridiques : les autres disciplines constituent le contexte de la LCM et quelquefois explicitement (voir l'art. 50 TCE), mais surtout implicitement, ces disciplines constituent les frontières logiques du champ d’application de la LCM.

La Cour n’a que rarement fait usage de la Convention de Vienne sur le droit des traités (CVDT). Cette dernière reflète le principe ut regis valeat quaem pereat, c’est-à-dire, le juge doit interpréter un traité de façon efficace : il ne faut ni sur-, ni sous-interpréter un terme ou une disposition de façon à préjuger le champ d’application d’un autre terme ou d’une autre disposition. La ratio legis de ce principe coutumier, est que le juge n’est qu’un mandataire qui ne peut pas mettre en question l’équilibre institutionnel tel qu'établi par ses mandants (les pères fondateurs du TCE). La Cour ne fait pas souvent appel à ce principe, mais par sa jurisprudence elle en démontre le respect (même si quelquefois, nous pouvons mettre en question son attitude à cet égard).

Des disciplines sont imposées aux Etats membres relativement à leur discrétion en matière de services, d'aides à leurs producteurs, à leur comportement dans le domaine des marchés publics, des transports, et, plus récemment, dans le domaine des télécommunications, de l’énergie, des services financiers. La qualité d’intervention communautaire change constamment et par conséquent, le rôle de l’Etat est constamment mis en question soit par le biais législatif comme décrit plus haut, soit même par quelques tentatives judiciaires isolées d’interprétation de l’art. 86 TCE qui régit les obligations des Etats membres quant à l’octroi des droits exclusifs ou spéciaux [voir par exemple, les arrêts Höfner C-41/90, Rec. (1991) I-1979 et Corbeau C-320/91, Rec. (1993) I-2533].

En outre, le droit communautaire impose des obligations bien spécifiques aux Etats membres quand ils se procurent des biens (et des services) pour leur propre usage : la Dir. 70/32 règle les marchés publics dans le contexte communautaire. La CE a assumé des obligations internationales spécifiques en la matière en adhérant à l’accord sur les marchés publics conclu sous l’égide de l’OMC. Malgré l’incidence desdits instruments juridiques sur la libre circulation des marchandises, au vu du caractère très spécifique de cette problématique (l’Etat se procure des biens et des services pour son propre usage), nous ne traiterons pas de cette matière dans le présent volume.

Le secteur privé n’est pas épargné lui non plus. L’intégration du marché intérieur reste l'un des objectifs du droit de la concurrence de la CE (puisque, par exemple, à travers l'intégration verticale, le réseau des distributeurs peut entraver l'écoulement des produits importés). Il est clair que, quantitativement parlant, la Commission attaque bien moins de pratiques verticales (voir tout de même, la décision Volkswagen, JO L 124/60 du 25.4.1998), puisque le marché est bien plus intégré aujourd’hui qu’il ne l’était dans les années 60. Toutefois, l’intégration du marché reste une considération pertinente dans le contexte, par exemple du Règlement sur les fusions (Règl. 4064/89 du 21.12.1989, JO L 395 du 30.12.1989 tel que modifié par le Règl. 1310/97 du 30.6.1997, JO L 180/1 du 9.7.1997 et le Règl. 139/2004 du 20.1.2004 JO L24/1 du 29.1.2004).

Ce volume se limite à l'examen des quelques aspects les plus importants de la LCM. Après un bref exposé des disciplines imposées (section 2), nous passons à l'examen en détail des disciplines imposées: tout d'abord, le traitement des droits de douane et des taxes d'effet équivalent (section 3). La section 4 est dédiée aux impositions intérieures de caractère fiscal. Après un bref exposé des disciplines communautaires en matière de fiscalité, nous distinguons entre impositions intérieures et taxes d'effet équivalent avant de procéder à un examen des jugements représentatifs de la Cour en matière d'impositions intérieures. Notre but, comme dans le contexte de la section 6, est de démontrer et le parcours historique et le mode d'analyse contemporain effectués par la Cour dans ce domaine. Par la suite, nous examinons le traitement des restrictions quantitatives et des mesures d'effet équivalent. Comme nous l'avons déjà vu, dans ce domaine, il faut distinguer entre le cadre harmonisé et le cadre non harmonisé (section 5) puis que les disciplines imposées dans chacun de ces deux cas sont différentes. La cadre harmonisé est présenté dans la section 6, où à titre d'exemple nous procédons à l'étude de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), qui est une institution assez présente, par ses actions, dans le domaine de la LCM. L'examen de l'AESA nous permet de voir la fonction des quelques comités co-responsables pour l'édiction des normes communautaires dans le domaine de la libre circulation des aliments et des boissons, tel que le comité scientifique. La section 7 explique essentiellement la jurisprudence de la Cour en matière des arts. 28-30 TCE. Nous examinons ici en détail quelques arrêts représentatifs de la Cour qui démontrent le parcours historique et le mode d'analyse contemporain effectué par la Cour (et le TPI) quand elle traite d'un litige dans le domaine de la LCM. Toujours dans cette section nous passons à l'examen des disciplines imposées aux monopoles étatiques de caractère commercial. La section 8 traite des effets externes de la LCM. Cette section a été jugée nécessaire au vu de l'importance croissante des disciplines imposées à la CE en raison de sa qualité de membre de l'OMC. Les disciplines internationales sont également éparpillées dans les différentes sections. Nous procédons ici à une vue d'ensemble et nous ajoutons quelques éclaircies. La section 9 reflète les conclusions majeures de notre analyse.

2 Les disciplines imposées par la LCM

2.1 Un condensé de l’ordre juridique

Les droits de douane (importation, exportation) et taxes d'effet équivalent entre Etats membres de la CE sont interdits (art. 25 CE). Ces disciplines ne visent que le commerce intra-communautaire. En ce qui concerne le commerce entre la CE et le reste du monde, la CE (du fait qu'elle constitue entre autres une union douanière) impose des droits de douane uniformes. Les droits de douane sont fixés par le CUE (MQ) à la suite de négociations internationales qui ont lieu au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le but de ces négociations est que les membres de l’OMC [dont la Communauté européenne (CE) et ses Etats membres] consolident leur protection tarifaire, chaque Etat membre de l’OMC (c’est-à-dire, la CE aussi) gardant la possibilité d’imposer des tarifs plus bas que le niveau consolidé, pourvu qu’il respecte le principe de non-discrimination (en fonction de leur origine) entre produits similaires.

L’art. 28 TCE interdit en outre les restrictions quantitatives (RQ) ainsi que toute mesure d’effet équivalent (MEE) entre Etats membres pour les produits et les transactions couvertes. Il n’y a pas de chevauchement parfait en ce qui concerne le contenu de chacune de ces deux notions : (a) une RQ concerne directement les produits importés puisqu’un plafond leur est imposé, tandis qu’une MEE ne doit pas nécessairement concerner directement les produits (p. ex. : l’impossibilité d’obtenir une licence d’importation) ; (b) toutes les RQ ont été abolies en 1966 (c’est à dire avant la fin de la période transitoire prévue dans la CE) tandis que les MEE ont été abolies en 1970 (à la fin de la période transitoire). 

2.2 Champ d’application ratione materiae 

Une définition des marchandises (produits) n’existe pas dans le droit primaire. Dans l’arrêt Commission c. Italie [aff. 7/68, Rec. (1968) 617], tout ce qui peut faire l’objet d’une transaction commerciale est considéré comme une marchandise. Dans l’arrêt Déchets wallons [Commission c. Belgique, C-2/90, Rec. (1992) I-4431], la Cour a dissocié la notion de la transaction commerciale de celle de valeur commerciale. En effet, selon la Cour les déchets non recyclables qui n’ont aucune valeur commerciale peuvent tout de même faire l’objet d’une transaction commerciale (atts. 24 – 28) :

« C' est pour les déchets non recyclables et non réutilisables qu' a été débattue devant la Cour la question de savoir s' ils relèvent également du champ d' application des articles 30 et suivants.
A cet égard, le gouvernement belge a fait valoir que les déchets non recyclables et non réutilisables ne sauraient être considérés comme des marchandises, au sens des articles 30 et suivants du traité. En effet, ils n' auraient aucune valeur commerciale intrinsèque et ne pourraient dès lors faire l' objet d' une vente. Les opérations d' élimination ou de mise en décharge de tels déchets relèveraient des dispositions du traité relatives à la libre prestation de services.
Pour répondre à cette argumentation, il suffit d' observer que des objets qui sont transportés par delà une frontière pour donner lieu à des transactions commerciales sont soumis à l' article 30, quelle que soit la nature de ces transactions.
Il convient d' ailleurs de relever, ainsi qu' il a été exposé devant la Cour, que la distinction entre déchets recyclables et non recyclables soulève, du point de vue pratique, une sérieuse difficulté d' application, notamment en ce qui concerne les contrôles à la frontière. En effet, une telle distinction est fondée sur des éléments incertains, susceptibles de changer au fil du temps, en fonction du progrès technique. En outre, le caractère recyclable ou non d' un déchet dépend également du coût que comporte le recyclage et, partant, de la rentabilité de la réutilisation envisagée, de sorte que l' appréciation y afférente est nécessairement subjective et dépend de facteurs instables.
Il convient par conséquent de conclure que les déchets, recyclables ou non, doivent être considérés comme des produits dont la circulation, conformément à l' article 30 du traité, ne devrait pas en principe être empêchée. »

En ce qui concerne des cas d’application plus concrets :

(i) dans Thompson [aff. 7/78, Rec. (1978) 2247] la Cour a accepté que les pièces de monnaie ne sont pas à considérer comme des marchandises dans la mesure où elles servent de moyens de paiement. Dans cette affaire la question posée visait la possibilité que des Krugerrands (pièces d’alliage d’origine sud-africaine) fassent l’objet d’une transaction commerciale. Par contre (atts. 30-31) :

 « ATTENDU QUE LA PREMIERE QUESTION SOUS C ) SE REFERE AUX PIECES EN ALLIAGE D ' ARGENT D ' UN ETAT MEMBRE QUI ONT EU COURS LEGAL DANS CET ETAT , MAIS QUI , BIEN QU ' ELLES N ' AIENT PLUS COURS , SONT , EN TANT QUE PIECES DE MONNAIE , PROTEGEES CONTRE LA DESTRUCTION;

QUE DE TELLES PIECES NE SAURAIENT ETRE CONSIDEREES COMME MOYENS DE PAIEMENT DANS LE SENS CI-DESSUS EXPOSE , DE SORTE QU ' ELLES PEUVENT ETRE QUALIFIEES DE MARCHANDISES TOMBANT SOUS LE REGIME DES ARTICLES 30 A 37 DU TRAITE. »

(ii) dans Costa c. ENEL [aff. 6/64, Rec. (1964) 1194] la Cour a accepté que l’électricité est une marchandise ;

(iii) dans Sacchi [aff. 155/73, Rec. (1974) 409], la Cour se prononce en faveur de l’acceptation de l'émission d'un message télévisé comme un service mais d’un disque (vinyle ou CD) comme une marchandise ;

(iv) dans l’affaire Procédure pénale contre Gunnar Nilsson, Per Olov Hagelgren et Solweig Arrborn [C-162/97, Rec. (1998) I-7477], la Cour explique que comme les Dir. du CUE 77/504 et 87/328 l’entendent bien la semence de taureaux est une marchandise au sens de l’art. 28 TCE.

La LCM s'applique aux produits en libre pratique dans la CE (art. 24 TCE) ainsi qu'aux produits originaires de la CE (définis comme tels selon les actes législatifs communautaires pertinents). Selon la jurisprudence Donkerwolke [aff. 41/76, Rec. (1976) 1921], ces deux catégories de produits sont assimilées [en ce qui concerne les discriminations fiscales, cette assimilation a eu lieu en 1987 avec Cooperation Co-Frutta, aff. 193/85, Rec. (1987) 2085].

L’origine communautaire n’est pas toujours conférée selon les mêmes critères. Il est inopportun de considérer la clause d’application territoriale du TCE (art. 299 TCE) comme conférant ipso facto une origine communautaire aux produits qui sont produits sur le territoire communautaire. Il se peut que des produits qui sont produits sur le territoire communautaire ne soient pas considérés comme originaires de la CE, tandis que des produits qui sont produits sur territoire étranger peuvent être considérés comme originaires de la CE. Des documents législatifs prévoient sous quels critères spécifiques, l’origine communautaire sera attribuée à un produit (ou à une catégorie de produits). Par le biais de telles règles (qui sont appelées des règles d’origine) la CE peut poursuivre des objectifs de politique commerciale, industrielle, d'investissement etc. Pour l’instant, il n’y a pas une discipline internationale qui impose, dans ce domaine, des règles de fond au législateur communautaire.

L’accord sur les Règles d’origine de l’OMC n’impose que le principe de non-discrimination sur une diversité réglementaire préexistante. En ce qui concerne les produits marins, selon la jurisprudence Kramer [affs. 3, 4 et 6/76, Rec. (1976) 1279], le champ d’application territoriale s’étend aux ressources de la mer. Selon l’art. 23.2(h) du Code CE des Douanes, le champ d’application territoriale s’étend au plateau continental et à la zone économique exclusive (ZEE) tels que définis dans le droit de la mer (UNCLOS III, 1982). Pour les poissons capturés au-delà des eaux territoriales, c’est l’origine du navire qui leur confère leur origine [art. 23.2(f) du Code CE des Douanes].

2.3 Le champ d’application ratione loci

La LCM vise le territoire des Etats membres de l’UE. Les territoires des DOM (départements d’outre mer) et PTOM (pays et territoires d’outre mer) ne sont pas, en principe, visés. L’art. 299 TCE stipule à cet égard :

Article 299
1.   Le présent traité s'applique au Royaume de Belgique, au Royaume de Danemark, à la République fédérale d'Allemagne, à la République hellénique, au Royaume d'Espagne, à la République française, à l'Irlande, à la République italienne, au Grand-duché de Luxembourg, au Royaume des Pays-Bas, à la République d'Autriche, à la République portugaise, à la République de Finlande, au Royaume de Suède et au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.
2.   Les dispositions du présent traité sont applicables aux départements français d'outre-mer, aux Açores, à Madère et aux îles Canaries.
Toutefois, compte tenu de la situation économique et sociale structurelle des départements français d'outre-mer, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l'application du présent traité à ces régions, y compris les politiques communes.
Le Conseil, en arrêtant les mesures visées au deuxième alinéa, tient compte des domaines tels que les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l'agriculture et de la pêche, les conditions d'approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d'État, et les conditions d'accès aux fonds structurels et aux programmes horizontaux de la Communauté.
Le Conseil arrête les mesures visées au deuxième alinéa en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières des régions ultrapériphériques sans nuire à l'intégrité et à la cohérence de l'ordre juridique communautaire, y compris le marché intérieur et les politiques communes.
3.   Les pays et territoires d'outre-mer dont la liste figure à l'annexe II du présent traité font l'objet du régime spécial d'association défini dans la quatrième partie de ce traité.
Le présent traité ne s'applique pas aux pays et territoires d'outre-mer entretenant des relations particulières avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord qui ne sont pas mentionnés dans la liste précitée.
4.   Les dispositions du présent traité s'appliquent aux territoires européens dont un État membre assume les relations extérieures.
5.   Les dispositions du présent traité s'appliquent aux îles Åland conformément aux dispositions figurant au protocole no 2 de l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède.
6.   Par dérogation aux paragraphes précédents:
le présent traité ne s'applique pas aux îles Féroé;

b)   le présent traité ne s'applique pas aux zones de souveraineté du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord à Chypre;

c)   les dispositions du présent traité ne sont applicables aux îles Anglo-Normandes et à l'île de Man que dans la mesure nécessaire pour assurer l'application du régime prévu pour ces îles par le traité relatif à l'adhésion de nouveaux États membres à la Communauté économique européenne et à la Communauté européenne de l'énergie atomique, signé le 22 janvier 1972.


Ainsi, dans l'affaire Lancry [C-363/93, Rec. (1994) I-3957], la Cour a jugé contraire au TCE une taxe d'octroi de mer à l'importation des marchandises dans les DOM, même si les produits nationaux (en l'espèce français) devaient également payer cette taxe. Une des raisons invoquées par la Cour était l'atteinte au territoire communautaire.

Par le biais d’accords internationaux, la CE peut toutefois étendre son champ d'application territorial (p. ex. : l’union douanière avec la Turquie). Sur ce point, voir également supra sous 2.2 la discussion sur l’origine des produits.

2.4 Le champ d’application ratione personae  

2.4.1 Qui est lié ?

(a) les Etats membres [non seulement l’exécutif, mais aussi le législatif et le judiciaire comme la Cour l’a rappelé dans Dansk Supermarked c. Imerco [aff. 58/80, Rec. (1981) 181] ; mais en ce qui concerne le judiciaire, le standard de preuve semble être assez élevé puisque pour que sa responsabilité soit mise en cause, il faut selon les arguments de l’Avocat Général (AG) Warner lors de l’aff. Regina. c. Boucherau [aff. 30/77, Rec. (1977) 1999] une ignorance intentionnelle ; en plus, non seulement la responsabilité du gouvernement central peut être mise en cause, mais également celle des gouvernements régionaux. Dans Aragonesa de Publicidad [C-1/90, Rec. (1991) I-4151], la Cour accepte que la Communauté Autonome Catalane doit respecter les obligations qui découlent des arts. 28ff. CE]. Dans Commission c. Irlande [aff. 45/87, Rec. (1988) 4929] la Cour se montre plus libérale encore en acceptant que les institutions publiques dont les actes entraînent la responsabilité de l’Etat irlandais sont visées par les disciplines des arts. 28ff. Il est ainsi peu surprenant que les organisations professionnelles auxquelles un Etat membre a délégué une autorité doivent respecter les disciplines des arts. 28ff. CE [Regina. c. Royal Pharmaceutical Society of Great Britain aff. 266 & 267/87, Rec. (1989) 1295]. Dans Commission c. Irlande [aff. 249/81, Rec. (1982) 4005], la Cour va encore plus loin en acceptant que

‘si une organisation privée est utilisée par le gouvernement comme un moyen pour appliquer une politique gouvernementale, cette organisation doit respecter les arts. 30-36’.

En ce qui concerne le degré d’intervention étatique nécessaire pour qu’il y ait attribution à un Etat membre, la Cour a à nouveau adopté une attitude plutôt libérale. Selon la jurisprudence Commission c. Irlande [aff. 249/81, Rec. (1982) 4005], une campagne publicitaire visant à persuader les consommateurs/consommatrices d’acheter des produits irlandais (‘Buy Irish’) est comparable à une mesure gouvernementale contraignante et par conséquent, interdite par l’art. 28 TCE.

La question de savoir si la responsabilité d’un Etat membre est également engagée lorsque ledit Etat a accepté des actions d’une organisation privée n'est toujours pas claire [la Cour a décidé de ne pas se prononcer sur ce point lors de l’aff. 251/83, Haug Adrion Rec. (1984) 4277]. Les organisations qui sont chargées d’émettre des standards techniques au plan national doivent respecter les arts. 28 et s. de la Directive 83/189 (JO L 109/98 du 26.4.1983).

La Cour a dans sa jurisprudence expliqué que ce ne sont pas seulement les actions des Etats membres qui peuvent être visées par le postulat des dispositions sur la libre circulation des marchandises, mais aussi leurs omissions. Dans son arrêt Commission c. France [C-265/95, Rec. (1997) I-6959] la Cour a dû traité de l'inaction de l’état français face à des interceptions de camions transportant des produits importés, à des destructions de leur cargaison et à des violences faites aux chauffeurs, ainsi qu'à des menaces adressées aux commerçants de gros et de détail et des dégradations de marchandises mises à l'étalage. Selon la Cour l’inaction française engage la responsabilité de l’état français. Pour arriver à cette conclusion, la Cour construit l’art. 28 TCE à la lumière de l’art. 10 (ex-5) TCE qui impose un devoir de coopération aux Etats membres (atts. 30-38) :

« En tant que moyen indispensable à la réalisation du marché sans frontières intérieures, l'article 30 ne prohibe donc pas les seules mesures d'origine étatique qui, en elles-mêmes, créent des restrictions au commerce entre les États membres, mais peut également trouver à s'appliquer lorsqu'un État membre s'est abstenu de prendre les mesures requises pour faire face à des entraves à la libre circulation des marchandises dues à des causes qui ne sont pas d'origine étatique.
En effet, le fait pour un État membre de s'abstenir d'agir ou, le cas échéant, de rester en défaut d'adopter les mesures suffisantes pour empêcher des obstacles à la libre circulation des marchandises, créés notamment par des actions de particuliers sur son territoire à l'encontre de produits originaires d'autres États membres, est de nature à entraver les échanges intracommunautaires tout autant qu'un acte positif.
L'article 30 impose donc aux États membres non seulement de ne pas adopter eux-mêmes des actes ou des comportements susceptibles de constituer un obstacle aux échanges, mais également, en liaison avec l'article 5 du traité, de prendre toutes mesures nécessaires et appropriées pour assurer sur leur territoire le respect de cette liberté fondamentale.

Dans cette dernière hypothèse, les États membres, qui restent seuls compétents pour le maintien de l'ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure, jouissent certes d'une marge d'appréciation pour déterminer quelles sont, dans une situation donnée, les mesures les plus aptes à éliminer les entraves à l'importation des produits.
Il n'appartient pas, dès lors, aux institutions communautaires de se substituer aux États membres pour leur prescrire les mesures qu'ils doivent adopter et appliquer effectivement pour garantir la libre circulation des marchandises sur leur territoire.
Toutefois, il appartient à la Cour, en tenant compte des pouvoirs d'appréciation ci-dessus mentionnés, de vérifier, dans les cas dont elle est saisie, si l'État membre concerné a pris des mesures propres à assurer la libre circulation des marchandises.
Il y a lieu d'ajouter que les considérations qui précèdent s'appliquent également aux règlements du Conseil portant organisation commune de marchés pour les différents produits agricoles, conformément aux dispositions combinées des articles 38 à 46 et 7, paragraphe 7, du traité CE (voir arrêts du 14 juillet 1976, Kramer e.a., 3/76, 4/76 et 6/76, Rec. p. 1279, points 53 et 54, et du 25 mai 1993, Commission/Italie, C-228/91, Rec. p. I-2701, point 11, relatifs à des règlements portant organisation commune de marchés dans le secteur des produits de la pêche).

S'agissant plus précisément de la présente affaire, force est de constater que les faits à l'origine du recours en manquement que la Commission a engagé contre la République française ne sont pas contestés.

Or, les actes de violence commis sur le territoire français à l'encontre de produits agricoles originaires d'autres États membres, consistant notamment dans l'interception de camions transportant de tels produits, la destruction de leur cargaison et des violences faites aux chauffeurs, ainsi que dans des menaces adressées aux commerçants de gros et de détail et des dégradations de marchandises mises à l'étalage, créent incontestablement des obstacles aux échanges intracommunautaires de ces produits. »

(b) les institutions communautaires : selon la jurisprudence Gaston Schul [aff. 15/81, Rec. (1982) 1409], la législation secondaire de la CE doit être interprétée en relation avec les principes de base. Cela ne signifie cependant nullement que les institutions communautaires ne peuvent pas imposer de par leurs actions des restrictions à la libre circulation des marchandises. La Cour a accepté la légitimité des montants compensatoires dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) [aff. 10/73, Rewe Zentral c. HZA Kehl Rec. (1973) 1175], des mesures restrictives pour des raisons de protection de la santé publique [aff. 37/83, Rewe Zentral c. Direktor der Landwirtschaftskammer Rhainland, Rec. (1984) 1229] et un étiquetage obligatoire pour des raisons de protection des consommateurs [C-39/90, Denkavit Rec. (1991) I-3069].

(c) les parties privées : seulement dans le cas où leurs actions sont, comme indiqué supra, attribuables à un Etat membre.

2.4.2 Est-ce que le but de la transaction est pertinent ?

L’art. 28 vise les lois, règlements et pratiques qui imposent des obstacles au commerce intra-communautaire. Il couvre aussi des transactions de caractère privé : selon la jurisprudence Henn & Darby [aff. 34/79, Rec. (1979) 3795], les importations par des parties privées pour un usage personnel sont, elles aussi, couvertes. 

2.5 La LCM et la LCS

Le TCE établi à son art. 50 une hiérarchie entre les disciplines régissant la LCM et celles régissant la LCS:
Article 50
Au sens du présent traité, sont considérées comme services les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes.

Dans son arrêt Herbert Karner Industrie [C-71/02, Rec. (2004)] la Cour confirme ce point de vue : si une mesure est susceptible d’être examinée à la fois sous l’angle de sa compatibilité avec les règles de la LCM et celles de la LCS, la Cour se contentera de limiter son examen par rapport à la catégorie de règles relatives à l'élément central de l'affaire (atts. 46-47) :

« Or, lorsqu'une mesure nationale se rattache tant à la libre circulation des marchandises qu'à la libre prestation des services, la Cour l'examine, en principe, au regard de l'une seulement de ces deux libertés fondamentales s'il s'avère que, dans les circonstances de l'espèce, l'une de celles-ci est tout à fait secondaire par rapport à l'autre et peut lui être rattachée (voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 1994, Schindler, C275/92, Rec. p. I1039, point 22, et du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital, C390/99, Rec. p. I607, point 31).

Dans les circonstances de l'affaire au principal, la diffusion de messages publicitaires n'est pas une fin en elle-même. En effet, elle constitue un élément secondaire par rapport à la vente des marchandises en cause. Par conséquent, l'aspect de la libre circulation des marchandises prévaut sur celui de la libre prestation des services. Dès lors, il n'y pas lieu d'examiner l'article 30, paragraphe 1, de l'UWG au regard de l'article 49 CE. »


3 Les droits de douane et les TEE

3.1 L’obligation internationale d’abolir les droits de douane entre Etats membres

Selon l’art. 25 TCE les droits de douane ainsi que les TEE entre EM sont éliminés. La CE, du fait qu’elle constitue aussi une union douanière, impose des droits de douane uniformes sur ses importations. Les droits de douane sont consolidés dans le contexte des négociations multilatérales conduites sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Aujourd’hui la CE a consolidé presque la totalité de ses droits de douane qui sont progressivement réduits au fur et à mesure de l'aboutissement des cycles de négociations qui libéralisent davantage le commerce international. L’art. 25 TCE ne vise pas les droits de douane que la CE impose au reste du monde mais seulement les droits de douane qu’un Etat membre pourrait imposer à un autre. En effet, l’art. 25 TCE complète l’art. XXIV.8 GATT à cet effet : la CE étant membre de l’OMC (art. XI.1 de l’accord établissant l’OMC), elle doit éliminer entre les Etats qui la composent les droits de douane pour l’essentiel des échanges commerciaux (art. XXIV.8 du GATT). L’OMC et son prédécesseur le GATT, n’ont pas réussi à interpréter de façon non ambiguë le terme ‘l’essentiel des échanges commerciaux’ et des disputes persistent entre les membres de l’OMC relativement à sa portée actuelle. L’art. 25 TCE ne laisse aucun doute quant au fait que la CE, en ce qui concerne les droits de douane, respecte pleinement ses obligations découlant du contrat du GATT puisque l’interdiction d’imposer des droits de douane s’étend non seulement à l’essentiel des échanges commerciaux, mais couvre tous les échanges commerciaux.

3.2 Une interdiction absolue

L’art. 25 TCE ne laisse aucun doute quant au fait que son interdiction vise tant les taxes à l’importation que les taxes à l’exportation. Ce point a été confirmé dans la jurisprudence, entre autres, par l’arrêt Simitzi [C-485 & 486/93, Rec. (1995) 2655].

Dans sa jurisprudence Sociaal Fonds voor de Diamandarbeiders [aff. 2 & 3/69, Rec. (1969) 211], la Cour explique que l’interdiction est absolue, dans le sens que même si les effets d’un droit de douane imposé sont minimes, lesdits droits de douane doivent tout de même être abolis. Pour la Cour alors, un test des effets n’est pas envisagé lors de l’interdiction de droits de douane. Dans l’att. 15 dudit arrêt, la Cour explique que ‘la justification de cette interdiction réside dans l’entrave que des charges pécuniaires, fussent-elles minimes, appliquées en raison du franchissement des frontières constituent pour la circulation des marchandises’.

En outre, les déviations à l’art. 25 TCE ne peuvent pas être justifiées en ayant recours, par exemple, à l’art. 30 TCE. Le TCE ne prévoit pas une telle possibilité et la Cour, dans sa jurisprudence Commission c. Italie [aff. 7/68, Rec. (1968) 617] a confirmé ce point. Dans ce cas, la Cour a dû faire face à une loi italienne qui frappait les exportations d’objets artistiques vers d’autres Etats membres. Les italiens ont évoqué l’argument qu’une telle taxation était nécessaire pour protéger leur patrimoine culturel et ont invoqué l’art. 30 TCE à cet effet. La Cour a rejeté cette thèse de la façon suivante (p. 628):

«QUE , DES LORS , ET COMPTE TENU DE LA DIFFERENCE ENTRE LES MESURES ENVISAGEES PAR L ' ARTICLE 16 ET L ' ARTICLE 36 , IL N ' EST PAS POSSIBLE D ' APPLIQUER LA DEROGATION PREVUE PAR CETTE DERNIERE DISPOSITION A DES MESURES SORTANT DU CADRE DES PROHIBITIONS VISEES PAR LE CHAPITRE RELATIF A L ' ELIMINATION DES RESTRICTIONS QUANTITATIVES ENTRE LES ETATS MEMBRES ;
ATTENDU , ENFIN , QUE SI LES DISPOSITIONS CITEES DE L ' ARTICLE 36 NE SE REFERENT PAS AUX DROITS DE DOUANE ET TAXES D ' EFFET EQUIVALENT , CETTE CIRCONSTANCE S ' EXPLIQUE PAR LE FAIT QUE DE TELLES MESURES ONT SEULEMENT POUR EFFET DE RENDRE PLUS ONEREUSE L ' EXPORTATION DES PRODUITS EN CAUSE , SANS ASSURER LA REALISATION DU BUT VISE PAR CET ARTICLE , QUI EST DE PROTEGER LE PATRIMOINE ARTISTIQUE , HISTORIQUE OU ARCHEOLOGIQUE ;
QUE , POUR POUVOIR SE PREVALOIR DE L ' ARTICLE 36 , LES ETATS MEMBRES DOIVENT SE MAINTENIR A L ' INTERIEUR DES LIMITES TRACEES PAR CETTE DISPOSITION EN CE QUI CONCERNE TANT L ' OBJECTIF A ATTEINDRE QUE LA NATURE DES MOYENS »

Cette impossibilité lie aussi les institutions communautaires. Dans l’affaire Commissionnaires réunis [affs. 80 & 81/77, Rec. (1978) 927], la Cour a pris la position que le Conseil (le prédécesseur du CUE) ne pouvait pas autoriser la France à adopter des mesures équivalentes à un droit de douane pour limiter les importations de vin en provenance d’Italie comme une disposition du Règlement relatif à l’organisation commune du marché vitivinicole l’autorisait pourtant à le faire.

3.3 L’effet direct de l’art. 25 TCE

Par une série d’arrêts plus au moins relatifs au même sujet, la Cour de justice s’est prononcée en faveur de l’effet direct de l’art. 25 TCE (ex-12 TCE) et en ce qui concerne les droits de douane et en ce qui concerne les TEE. Dans sa jurisprudence van Gend & Loos [aff. 26/62, Rec. (1963) 1], Bresciani [aff. 87/75, Rec. (1976) 129] et Eunomia di Poro [aff. 18/71, Rec. (1971) 811] la Cour de justice se prononce en faveur de l’effet direct de l’art. 25 TCE (en ce qui concerne les deux catégories qui y sont visées).

3.4 La distinction entre une TEE et une imposition intérieure

3.4.1 Pourquoi la distinction est-elle importante ?

Le terme droit de douane n’est pas un terme auto-interprété, mais il n’entraîne pas non plus de difficulté d’appréhension majeure. Ce terme est généralement défini comme couvrant les droits visant à protéger une marchandise nationale et frappant exclusivement les produits importés lors de leur passage à la frontière ainsi que les droits à caractère fiscal.
Dans sa jurisprudence Sociaal Fonds voor de Diamandarbeiders [aff. 2 & 3/69, Rec. (1969) 211], aux attendus 13 et 15, la Cour offre quelques éléments interprétatifs qui vont dans ce sens-là. La Cour précise, par exemple, que l’interdiction de droits de douane est faite

‘indépendamment de toute considération du but en vue duquel ces droits sont institués ainsi que de la destination des recettes qu’ils procurent’ (att. 13);

La Cour ajoute que

‘la justification de cette interdiction réside dans l’entrave que des charges pécuniaires, fussent-elles minimes, appliquées en raison du franchissement des frontières constituent pour la circulation des marchandises’ (att. 15).

Dans le contexte de l’OMC, ce terme a dû être interprété lors d’un litige entre l’Argentine et le Chili (l’affaire Chili – Système de fourchettes des prix WTO Doc. WT/DS207/OA, rapport adopté le 23 octobre 2002) .

L'ajout du terme TEE rend l’exercice interprétatif difficile. Dans le contexte du droit communautaire, il est important de distinguer les droits de douane et les TEE d’un côté, et les taxes internes de l’autre. La distinction est impérative vu que, si les droits de douane et les TEE sont interdits, rien, par contre, n’empêche un Etat membre d’imposer des taxes internes, pour autant, bien sûr, que les disciplines de l’art. 90 TCE soient respectées. En d’autres termes, les Etats membres de l’Union européenne n’ont pas transféré leur compétence en matière de taxation interne. Par conséquent, la délimitation du champ d’application des deux termes est cruciale afin de pouvoir distinguer ce qui est autorisé aux Etats membres (les impositions intérieures) de ce qui leur est interdit (les droits de douane et les TEE).
Si, par exemple, une imposition fiscale est classifiée comme une imposition intérieure, en cas de discrimination entre produits domestiques et importés, elle devra être ramenée à un taux qui n’est pas discriminatoire ; tandis que si elle est classifiée comme une TEE, elle devra être abolie.

La Cour s’est rapidement rendu compte de la nécessité d’effectuer clairement cette distinction [voir, par exemple, la discussion dans son arrêt Lütticke, aff. 57/65, Rec. (1966) 293], même s’il y a, en tous les cas, un arrêt, dans lequel la Cour utilise les mêmes critères pour évaluer si une taxe est une taxe interne ou une TEE. Lors de son jugement dans l’affaire Van der Hulst [aff. 51/74, Rec. (1975) 79], la Cour a adopté la thèse suivante à ce sujet (atts. 16 et 17) :

«QU ' EN EFFET , SI UNE TAXE EST DESTINEE A ALIMENTER DES ACTIVITES TENDANT A RENDRE LA COMMERCIALISATION INTERIEURE PLUS REMUNERATRICE QUE L ' EXPORTATION OU A FAVORISER , DE TOUTE AUTRE MANIERE , LE PRODUIT DESTINE A LA COMMERCIALISATION INTERIEURE AU DETRIMENT DE CELUI DESTINE A L ' EXPORTATION , ELLE EST DE NATURE A PORTER ENTRAVE A L ' EXPORTATION ET A PRODUIRE AINSI UN EFFET EQUIVALANT A UN DROIT DE DOUANE;
QU ' IL FAUT DONC REPONDRE A LA QUESTION POSEE QU ' UNE TAXE INTERIEURE PEUT AVOIR UN EFFET EQUIVALANT A UN DROIT DE DOUANE A L ' EXPORTATION LORSQUE SON APPLICATION GREVE LES VENTES A L ' EXPORTATION PLUS LOURDEMENT QUE LES VENTES A L ' INTERIEUR DU PAYS , OU LORSQUE LA TAXE EST DESTINEE A ALIMENTER DES ACTIVITES TENDANT A RENDRE LA COMMERCIALISATION INTERIEURE PLUS REMUNERATRICE QUE L ' EXPORTATION , OU A FAVORISER DE TOUTE AUTRE MANIERE LE PRODUIT DESTINE A LA COMMERCIALISATION INTERIEURE AU DETRIMENT DE CELUI DESTINE A L ' EXPORTATION. »

Cet arrêt reste pourtant un cas isolé. La Cour, comme nous le verrons par la suite, a toujours insisté sur la nécessité d’opérer cette distinction. Et s’il subsistait des doutes quant à la nécessité d’opérer une distinction, la Cour les a définitivement levés dans sa jurisprudence CELBI c. Fazenda Publica [C-266/91, Rec. (1993) I-4337] (att. 9) :

« Il convient de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante (voir notamment arrêt du 11 juin 1992, Sanders et Guyomarc' h, C-149/91 et C-150/91, Rec. p. I-3899, point 14), les dispositions relatives aux taxes d' effet équivalent et celles relatives aux impositions intérieures discriminatoires ne sont pas applicables cumulativement, de sorte qu' une même imposition ne saurait, dans le système du traité, appartenir simultanément à ces deux catégories. »

La distinction est importante pour une raison additionnelle (même si elle n’a jamais été invoquée par la Cour): comme nous l’avons déjà évoqué et la CE et ses Etats membres sont membres de l’OMC. L’adhésion à l’OMC signifie, entre autres, l’obligation de respecter le principe du traitement national quant à la taxation interne. C’est-à-dire qu'un produit extra-communautaire, une fois qu’il s'est acquitté de son billet d’entrée (sous forme de droit de douane, ce qui relève de la compétence communautaire) doit être assimilé à un produit domestique eu égard à toute réglementation nationale d’ordre fiscal ou non qui affecte sa commercialisation, sa mise en vente, etc. (art. III du GATT). Relativement à la taxation (les mesures d’ordre fiscal), chaque membre de l’OMC doit assurer qu’il frappe les produits importés avec une taxe qui n’excède pas la taxe imposée aux produits domestiques similaires (art. III.2 du GATT). Dans la mesure où les Etats membres conservent la possibilité de frapper les produits importés et domestiques par des mesures fiscales internes et de décider du niveau de l’imposition, ils doivent respecter leurs obligations de non-discrimination qui découlent du contrat du GATT.

La Cour se trouve devant le dilemme suivant : donner un champ d’application extensif à l’art. 25 TCE est un pas vers l’intégration ; donner un champ d’application extensif à l’art. 90 TCE est un pas, en principe, dans la direction opposée. Les termes utilisés et la façon dont le contrat a été rédigé laissent une grande marge de discrétion à la Cour afin qu’elle précise au cas par cas le contenu de la distinction. Le TCE est sur ce point un contrat incomplet (pour de bonnes raisons comme nous le verrons dans la section 4) : il n’y a pas de classification précise ex ante des impositions qui devraient être classées sous l’un ou l’autre intitulé. Il n’y a même pas de critères précis susceptibles d'aider la Cour à opérer cette classification. C’est la Cour elle-même qui crée ces critères et c’est également elle qui effectue cette classification. De toute évidence, toute tendance protectionniste est mise à mal de façon bien plus efficace en classifiant les mesures litigieuses plutôt sous l’art. 25 TCE (où il y a une interdiction absolue) que sous l’art. 90 TCE (dans le cadre duquel les Etats membres sont, en principe, libres de choisir le montant de la taxation pour autant qu’ils respectent le principe de non-discrimination).

Il y a en outre une corrélation entre la dimension interne et la dimension externe de la classification qui mérite d'être analysée: plus la Cour élargit le champ d’application de l’art. 25 TCE, moins la CE et ses Etats membres peuvent protéger leur marché national face aux importations extra-communautaires. La caractérisation d’une imposition comme TEE, signifie qu’elle doit être abolie. Elle ne peut pas être uniquement appliquée à l'encontre des pays extra-communautaires car elle violerait alors le principe du traitement national reflété au sein de l’art. III.2 du GATT. Dans un tel cas, l’externalité de la libéralisation interne (intra-communautaire) est dès lors la libéralisation externe (extra-communautaire).



3.4.2 Le contenu de la distinction

3.4.2.1 Le critère décisif : un peu de précision, laissez-nous la discrétion pour le reste

Dans sa jurisprudence Sociaal Fonds voor de Diamandarbeiders [aff. 2 & 3/69, Rec. (1969) 211], la Cour opère la distinction entre droits de douane/TEE et impositions intérieures de la façon suivante (atts. 17 – 20) :

«QUE , POUR RECONNAITRE A UNE TAXE UN EFFET EQUIVALANT A CELUI D ' UN DROIT DE DOUANE , IL IMPORTE DONC DE CONSIDERER CET EFFET AU REGARD DES OBJECTIFS QUE SE PROPOSE LE TRAITE , DANS LES PARTIES , TITRE ET CHAPITRE OU SONT INSERES LES ARTICLES 9 ET 12 , NOTAMMENT PAR RAPPORT A LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES;
QUE , DES LORS , UNE CHARGE PECUNIAIRE , FUT-ELLE MINIME , UNILATERALEMENT IMPOSEE , QUELLES QUE SOIENT SON APPELLATION ET SA TECHNIQUE , ET FRAPPANT LES MARCHANDISES NATIONALES OU ETRANGERES A RAISON DU FAIT QU ' ELLES FRANCHISSENT LA FRONTIERE , LORSQU ' ELLE N ' EST PAS UN DROIT DE DOUANE PROPREMENT DIT , CONSTITUE UNE TAXE D ' EFFET EQUIVALENT , AU SENS DES ARTICLES 9 ET 12 DU TRAITE , ALORS MEME QU ' ELLE NE SERAIT PAS PERCUE AU PROFIT DE L ' ETAT , QU ' ELLE N ' EXERCERAIT AUCUN EFFET DISCRIMINATOIRE OU PROTECTEUR , ET QUE LE PRODUIT IMPOSE NE SE TROUVERAIT PAS EN CONCURRENCE AVEC UNE PRODUCTION NATIONALE ;
ATTENDU QU ' IL RESULTE DE L ' ENSEMBLE DES TEXTES SUSVISES , ET DE LEUR RAPPORT AVEC LES AUTRES DISPOSITIONS DU TRAITE , QUE L ' INTERDICTION DE NOUVEAUX DROITS DE DOUANE OU TAXES D ' EFFET EQUIVALENT , LIEE AU PRINCIPE DE LA LIBRE CIRCULATION DES PRODUITS , CONSTITUE UNE REGLE ESSENTIELLE QUI , SANS PREJUDICE D ' AUTRES DISPOSITIONS DU TRAITE , NE COMPORTE PAS D ' EXCEPTIONS ;
QU ' A CET EGARD , IL RESULTE DES ARTICLES 95 ET SUIVANTS QUE LA NOTION DE TAXE D ' EFFET EQUIVALENT NE COMPREND PAS LES IMPOSITIONS FRAPPANT DE LA MEME MANIERE , A L ' INTERIEUR DE L ' ETAT , LES PRODUITS NATIONAUX SIMILAIRES OU COMPARABLES , OU ENTRANT TOUT AU MOINS , EN L ' ABSENCE DE TELS PRODUITS , DANS LE CADRE D ' UNE IMPOSITION INTERIEURE GENERALE , OU AYANT POUR BUT DE COMPENSER , DANS LES LIMITES PREVUES PAR LE TRAITE , DE TELLES IMPOSITIONS INTERIEURES .»

La Cour semble alors avancer cinq critères pertinents pour la qualification d’une TEE :

Si une imposition frappe seulement les produits importés elle est, en principe, considérée comme une TEE, alors qu'une imposition frappant et les produits domestiques et les produits importés devrait, en principe, être caractérisée comme une imposition intérieure ;
des considérations formalistes, telle que l’appellation de la mesure en cause, ne sont pas du tout pertinentes pour la qualification de la mesure comme TEE ;
la Cour accepte qu’une mesure soit considérée comme TEE même en l'absence d’effets sur le marché. Dans cette perspective la Cour ne fait aucune exception pour les taxes de minimis ;
le fait que la taxe soit perçue à raison du fait que la marchandise nationale ou importée franchisse la frontière;
une taxe est considérée être une TEE même en absence de production nationale qui est en concurrence avec les produits frappés.

Le problème est que chacun de ces critères est loin de résoudre toutes les questions susceptibles d'être soulevées et que, pour le reste, nous sommes un peu face à l’inconnu. Quid, par exemple, dans le cas où une imposition est de jure non discriminatoire (30% sur toutes les fraises) mais que l’Etat en cause (admettons, la Suède) ne produit pas de fraises ? Est-ce que la réponse à apporter à cette question change en fonction d’autres éléments pertinents ? Est-ce que, par exemple, nous qualifions une telle imposition d'impositions intérieures si la Suède produit quelques fruits qui sont en concurrence avec les fraises et comme TEE si la Suède n’en produit aucun? Il est vrai que la CJ a précisé que l'intention de la perception (par exemple, objectif social) ne compte pas pour la qualification d’une mesure interne comme TEE [Kapniki Michailidis C-441 & 442/98, Rec. (2000) I-7145]. Cependant, nous sommes de nouveau face à une tentative de la Cour de ne pas jouer cartes sur table en la matière mais de plutôt favoriser une approche qui lui assure un maximum de discrétion pour juger des transactions futures qui lui seront soumises.

3.4.2.2 Impositions de jure non-, mais de facto discriminatoires

La Cour, dans une série des cas où l’imposition était de jure non discriminatoire, mais ne frappait en réalité que des produits importés, a choisi de classer de telles impositions sous l’art. 25 TCE plutôt que sous l’art. 90 TCE. Les affaires Steinike [aff. 78/76, Rec. (1977) 595] et Arachides [Commission c. Danemark, aff. 158/82, Rec. (1983) 3573] nous aident à comprendre la problématique de la Cour à ce sujet et son critère pertinent de classification. Dans son jugement Arachides (où la Cour reproduit la logique de Steinike), la Cour explique que si une imposition intérieure de jure non discriminatoire ne vise pas une vaste pluralité de produits mais seulement un produit et que ce produit est importé, elle ne peut alors pas être classifiée sous l’art. 90 TCE. Nous reproduisons ici les atts. 16-24 dudit arrêt:

« EN OUTRE , LE GOUVERNEMENT DANOIS SOUTIENT QUE LE SYSTEME CHOISI POUR LES PRODUITS EN CAUSE CORRESPONDRAIT A UN PRINCIPE LEGISLATIF GENERAL APPLIQUE AU DANEMARK , QUI SERAIT EN VIGUEUR AU DANEMARK DEPUIS 1950 ET AURAIT ETE APPLIQUE A UNE SERIE DE PRODUITS ALIMENTAIRES , IMPORTES OU INDIGENES , AINSI QU ' AUX ALIMENTS POUR LES ANIMAUX .
IL APPARTIENDRAIT EN PRINCIPE AUX AUTORITES NATIONALES DE CHOISIR , SUR LA BASE DES CONSIDERATIONS POLITIQUES , SI LES FRAIS DE CONTROLES SANITAIRES DOIVENT ETRE SUPPORTES PAR LA COLLECTIVITE OU PAR LES CONSOMMATEURS . LE FAIT QUE LA PROTECTION DE LA SANTE RELEVE DES AUTORITES PUBLIQUES N ' IMPLIQUERAIT PAS QUE LES FRAIS LIES AUX CONTROLES SOIENT NECESSAIREMENT PRIS EN CHARGE PAR LE TRESOR PUBLIC .
SELON UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE DE LA COUR , TOUTE CHARGE PECUNIAIRE , UNILATERALEMENT IMPOSEE , QUELLES QUE SOIENT SON APPELLATION ET SA TECHNIQUE , ET FRAPPANT LES MARCHANDISES EN RAISON DU FAIT QU ' ELLES FRANCHISSENT LA FRONTIERE , LORSQU ' ELLE N ' EST PAS UN DROIT DE DOUANE PROPREMENT DIT , CONSTITUE UNE TAXE D ' EFFET EQUIVALENT AU SENS DES ARTICLES 9 , 12 , 13 ET 16 DU TRAITE , ALORS MEME QU ' ELLE NE SERAIT PAS PERCUE AU PROFIT DE L ' ETAT .
IL N ' EN EST AUTREMENT QUE SI LA CHARGE EN QUESTION CONSTITUE LA REMUNERATION D'UN SERVICE EFFECTIVEMENT RENDU A L' IMPORTATEUR , D'UN MONTANT PROPORTIONNE AUDIT SERVICE OU SI ELLE RELEVE D'UN SYSTEME GENERAL DE REDEVANCES INTERIEURES APPREHENDANT SYSTEMATIQUEMENT , SELON LES MEMES CRITERES , LES PRODUITS NATIONAUX ET LES PRODUITS IMPORTES OU EXPORTES .
LE GOUVERNEMENT DANOIS A ADMIS AU COURS DE LA PROCEDURE QUE LA REDEVANCE EN CAUSE NE REVET PAS LE CARACTERE DE CONTREPARTIE D' UN SERVICE RENDU A L ' IMPORTATEUR . IL A SOUTENU , PAR CONTRE , QU' IL S' AGIT D'UNE CHARGE RELEVANT D'UN SYSTEME GENERAL D' IMPOSITIONS INTERIEURES.
A CET EGARD , IL Y A LIEU D ' OBSERVER QUE , SELON LA JURISPRUDENCE CONSTANTE DE LA COUR , UNE CHARGE A L ' IMPORTATION NE CONSTITUE UNE IMPOSITION INTERIEURE , QUI RELEVE DE L ' ARTICLE 95 , QUE SI ELLE FAIT PARTIE D ' UN SYSTEME GENERAL APPREHENDANT SYSTEMATIQUEMENT DES CATEGORIES DE PRODUITS SELON DES CRITERES OBJECTIFS APPLIQUES INDEPENDAMMENT DE L ' ORIGINE DES PRODUITS . CERTES , LA COUR A RECONNU , COMME LE GOUVERNEMENT DANOIS LE SOULIGNE A JUSTE TITRE , QU ' UNE CHARGE QUI FRAPPE UN PRODUIT IMPORTE D ' UN AUTRE ETAT MEMBRE , ALORS MEME QU ' IL N ' EXISTE PAS DE PRODUIT NATIONAL IDENTIQUE OU SIMILAIRE , NE CONSTITUE PAS DE CE SEUL FAIT UNE TAXE D ' EFFET EQUIVALENT , ET PEUT CONSTITUER UNE IMPOSITION INTERIEURE AU SENS DE L ' ARTICLE 95 DU TRAITE SI ELLE REPOND AUX CONDITIONS SUSMENTIONNEES .
TOUTEFOIS , L ' EXAMEN DES FAITS PRESENTES A LA COUR PAR LE GOUVERNEMENT DANOIS A L ' APPUI DE SA THESE EN FAVEUR D ' UNE APPLICATION DE L ' ARTICLE 95 , NE PERMET PAS DE CONCLURE QUE LA CHARGE EN CAUSE APPARTIENT A UN SYSTEME GENERAL D ' IMPOSITIONS INTERIEURES. LE GOUVERNEMENT DANOIS ADMET EN EFFET QUE LE GROUPE DE PRODUITS QUI EST FRAPPE PAR LA REDEVANCE LITIGIEUSE ET QUI EST DETERMINE PAR LE RISQUE DE CONTAMINATION PAR L ' AFLATOXINE , NE COMPREND QUE DES ARACHIDES ET DES PRODUITS D ' ARACHIDES AINSI QUE DES NOIX DU BRESIL. UN NOMBRE DE PRODUITS AUSSI LIMITE NE REPOND PAS A LA NOTION DE ' CATEGORIES ENTIERES DE PRODUITS ' ( ARRET DU 22 . 3 . 1977 , STEINIKE ET WEINLIG , 78/76 , RECUEIL P . 595 ), NOTION QUI IMPLIQUE UNE PLUS VASTE PLURALITE DE PRODUITS DETERMINES PAR CRITERES GENERAUX ET OBJECTIFS. »

La Cour dans sa jurisprudence Lourenço Dias c. Director de Alfândega do Porto [C-343/90, Rec. (1992) I-4673] a classifié une imposition portugaise qui frappait et les produits importés et les produits domestiques, mais qui en raison d’une production nationale minimale frappait de facto uniquement les produits importés, sous l’art. 90 TCE pour autant qu’elle s'intègre dans un système général de redevances intérieures (le critère Steinike-Arachides) appréhendant systématiquement des catégories de produits selon des critères objectifs appliqués indépendamment de l'origine des produits (atts. 53 et 54) :

« En tout état de cause, il y a lieu de rappeler qu' il résulte de la jurisprudence (arrêt du 7 mai 1987, Co-Frutta, point 14, 193/85, Rec. p. 2085) qu' une imposition frappant tant les produits importés que les produits nationaux, mais qui, en fait, s' applique exclusivement aux produits importés parce qu' il existe une production nationale extrêmement réduite, ne constitue pas une taxe d' effet équivalent à un droit de douane à l' importation au sens des articles 9 et 12 du traité CEE, si elle s' intègre dans un système général de redevances intérieures appréhendant systématiquement des catégories de produits selon des critères objectifs appliqués indépendamment de l' origine des produits. Elle revêt dès lors le caractère d' une imposition intérieure au sens de l' article 95.
Or, la taxe automobile, qui s' applique sans distinction aussi bien aux véhicules montés et fabriqués au Portugal qu' à ceux importés, tant neufs que d' occasion, fait partie d' un tel système général de taxes internes qui grèvent des catégories de produits en vertu d' un critère objectif, en l' espèce la cylindrée. »

Il ressort de la jurisprudence, que pour la Cour, l’appartenance d’une imposition de jure non discriminatoire dans un système général de redevances qui vise une vaste pluralité de produits est un critère pertinent pour la classification de telles impositions sous l’intitulé de l’art. 90 TCE.

3.4.2.3 Le produit de la taxation, critère de la classification

La Cour, par sa jurisprudence ultérieure, a posé des limites à ses jugements précédents qui voulaient la soumission des impositions qui appartenaient à un système de redevances générales sous l’intitulé de l’art. 90 TCE. La Cour a dû faire face à des impositions nationales qui appartenant à des systèmes généraux de redevances, frappaient indistinctement produits nationaux et importés, mais dont les recettes alimentaient, soit totalement soit partiellement, la production nationale. Dans ce contexte, ce n’est pas seulement les dispositions des arts. 25 et 90 TCE qui sont en jeu, mais aussi celles relatives aux aides d’état (art. 87 et s. TCE). La Cour, dans une série de jugements, paraît adopter une approche selon laquelle les impositions dont la recette est totalement destinée au financement de la production nationale, sont classées sous le libellé ‘TEE’. Dans cette perspective, nous mentionnons ici la jurisprudence Capolongo [aff. 77/72, Rec. (1973) 611] et Cucchi [aff. 77/76, Rec. (1977) 987]. Les atts. 13 et 14 de Capolongo stipulent:

« ATTENDU QUE , DANS L ' INTERPRETATION DE LA NOTION " TAXE D ' EFFET EQUIVALANT A UN DROIT DE DOUANE A L ' IMPORTATION " , IL PEUT Y AVOIR LIEU DE TENIR COMPTE DE LA DESTINATION DES CHARGES PECUMIAIRES PERCUES ;
AU ' EN EFFET, LORSQU'UNE TELLE CHARGE PECUNIAIRE OU CONTRIBUTION EST EXCLUSIVEMENT DESTINEE A ALIMENTER DES ACTIVITES QUI PROFITENT SPECIFIQUEMENT AUX PRODUITS NATIONAUX IMPOSES, IL PEUT EN RESULTER QUE LA CONTRIBUTION GENERALE PRELEVEE SELON LES MEMES CRITERES SUR LE PRODUIT IMPORTE ET LE PRODUIT NATIONAL CONSTITUE NEANMOINS POUR L ' UN UNE CHARGE PECUNIAIRE SUPPLEMENTAIRE NETTE, TANDIS QUE POUR L'AUTRE ELLE CONSTITUE REELLEMENT LA CONTREPARTIE A DES AVANTAGES OU AIDES RECUS ;
ATTENDU QU ' EN CONSEQUENCE UNE CONTRIBUTION RELEVANT D ' UN REGIME GENERAL DE REDEVANCES INTERIEURES APPREHENDANT SYSTEMATIQUEMENT LES PRODUITS NATIONAUX ET LES PRODUITS IMPORTES SELON LES MEMES CRITERES PEUT NEANMOINS CONSTITUER UNE TAXE D ' EFFET EQUIVALANT A UN DROIT DE DOUANE A L ' IMPORTATION , LORSQUE CETTE CONTRIBUTION EST EXCLUSIVEMENT DESTINEE A ALIMENTER DES ACTIVITES QUI PROFITENT SPECIFIQUEMENT AU PRODUIT NATIONAL APPREHENDE. »

Dans Cucchi, la Cour offre un raisonnement plus explicite en faveur de la thèse selon laquelle seules les impositions qui alimentent exclusivement la production nationale échappent au champ d’application de l'art. 90 TCE (atts. 14-19) :

« QU ' UNE MEME IMPOSITION NE SAURAIT , DANS LE SYSTEME DU TRAITE , APPARTENIR SIMULTANEMENT AUX DEUX CATEGORIES MENTIONNEES , ETANT DONNE QUE LES TAXES VISEES PAR LES ARTICLES 9 ET 13 DOIVENT ETRE PUREMENT ET SIMPLEMENT SUPPRIMEES ALORS QUE , POUR L ' APPLICATION DES IMPOSITIONS INTERIEURES , L ' ARTICLE 95 PREVOIT SEULEMENT L ' ELIMINATION DE TOUTE FORME DE DISCRIMINATION , DIRECTE OU INDIRECTE , DANS LE TRAITEMENT DES PRODUITS NATIONAUX D ' UN ETAT MEMBRE ET DES PRODUITS ORIGINAIRES DES AUTRES ETATS MEMBRES ;
QUE NE SONT DONC PAS A CONSIDERER COMME TAXES D'EFFET EQUIVALENT LES CHARGES PECUNIAIRES RELEVANT D'UN REGIME GENERAL DE REDEVANCES INTERIEURES APPREHENDANT SYSTEMATIQUEMENT LES PRODUITS NATIONAUX ET LES PRODUITS IMPORTES SELON LES MEMES CRITERES ;
QU ' IL N ' EN SERAIT AUTREMENT QUE SI UNE TELLE CONTRIBUTION LIMITEE A DES PRODUITS DETERMINES ETAIT EXCLUSIVEMENT DESTINEE A ALIMENTER DES ACTIVITES QUI PROFITENT SPECIFIQUEMENT AUX PRODUITS NATIONAUX IMPOSES , DE MANIERE QUE LA CHARGE FISCALE INCOMBANT A CES DERNIERS SERAIT NEUTRALISEE ;
QU ' UN TEL MECANISME FISCAL N ' AURAIT , EN EFFET , D ' UN REGIME D' IMPOSITIONS INTERIEURES QUE L ' APPARENCE ET POURRAIT , DES LORS , EN RAISON DE SON CARACTERE PROTECTEUR , ETRE QUALIFIE DE TAXE D' EFFET EQUIVALANT A DES DROITS DE DOUANE , DE SORTE QUE LES PROHIBITIONS DES ARTICLES 9 ET 13 ET DES DISPOSITIONS REGLEMENTAIRES CITEES SERAIENT APPLICABLES ;
QU ' UNE TELLE QUALIFICATION SUPPOSERAIT CEPENDANT QU ' IL Y EUT UNE CORRESPONDANCE CLAIREMENT ETABLIE ENTRE , D ' UNE PART , LA PERCEPTION D' UNE CONTRIBUTION FISCALE PRELEVEE INDISTINCTEMENT SUR LES PRODUITS CONCERNES , NATIONAUX OU IMPORTES , ET , D'AUTRE PART, L ' AVANTAGE ASSURE , AU MOYEN DE RESSOURCES PROVENANT DE LA MEME CONTRIBUTION , AUX SEULS PRODUITS NATIONAUX ;
ATTENDU QU ' IL APPARTIENT DONC AU JUGE NATIONAL D ' APPRECIER L ' EXISTENCE DE CETTE CORRESPONDANCE ET DE TENIR COMPTE , EN L ' OCCURRENCE , DU FAIT QUE , SELON LES DONNEES DU DOSSIER , IL SEMBLE QUE LA RECETTE RESULTANT DE LA PERCEPTION DE LA TAXE LITIGIEUSE PROFITE AUX PRODUCTEURS DE BETTERAVES AUSSI BIEN QU ' A L ' INDUSTRIE DE TRANSFORMATION , DE MANIERE QUE LE SUCRE , EN TANT QUE PRODUIT DISTINCT DES BETTERAVES , NE PROFITE QUE DE MOINS QUE LA MOITIE DES RESSOURCES FINANCIERES PERCUES ;
ATTENDU QU ' IL RESULTE DE CE QUI PRECEDE QU ' IL DOIT ETRE REPONDU A LA PREMIERE QUESTION QU ' UNE CONTRIBUTION ENTRANT DANS LE REGIME GENERAL DES TAXES INTERIEURES APPREHENDANT AUSSI BIEN LES PRODUITS NATIONAUX QUE LES PRODUITS IMPORTES , SELON LES MEMES CRITERES , NE PEUT CONSTITUER UNE TAXE D ' EFFET EQUIVALANT A UN DROIT DE DOUANE A L ' IMPORTATION QU ' A CONDITION QU ' ELLE SOIT EXCLUSIVEMENT DESTINEE AU FINANCEMENT D ' ACTIVITES QUI BENEFICIENT DE FACON SPECIFIQUE AU PRODUIT NATIONAL TAXE , QU ' IL Y AIT IDENTITE ENTRE LE PRODUIT TAXE ET LE PRODUIT NATIONAL BENEFICIAIRE ET QUE LES CHARGES PESANT SUR LE PRODUIT NATIONAL SOIENT INTEGRALEMENT COMPENSEES ;

Il ressort de cette jurisprudence que si, par contre, seule une partie du produit final finance la production nationale, la Cour classe alors une telle mesure sous le libellé ‘imposition intérieure’ au sens de l’art. 90 TCE.

Dans sa jurisprudence CELBI c. Fazenda Publica [C-266/91, Rec. (1993) I-4337], la Cour, aux attendus 11-15, répète que la part du produit de l’imposition qui est versée à la production nationale détermine la classification de ladite imposition sous l’un ou l’autre intitulé sans toutefois préciser quelle serait la solution dans le cas où seule une infime partie de ce produit ne serait pas versée à la production nationale. Elle précise aussi (pour éviter tout doute sur ce point) qu’il faut que la somme versée à la production nationale corresponde à la somme payée par le bénéficiaire. Il ressort de cette jurisprudence que pour qu’une telle imposition échappe à la discipline de l’art. 90 TCE il faut, après le paiement par le gouvernement en cause, que le producteur national redevable soit ramené à son status quo ante (c’est-à-dire, qu'il se retrouve dans la même situation qu'avant le paiement de l’imposition):

« Dans l' hypothèse d' un régime général de redevances intérieures frappant systématiquement les produits nationaux et les produits importés selon les mêmes critères, ce sont les dispositions de l' article 95 du traité qui s' appliquent. Celles-ci interdisent qu' un État membre frappe, directement ou indirectement, les produits des autres États membres d' impositions intérieures supérieures à celles qui frappent les produits nationaux similaires ou de nature à protéger d' autres productions nationales, le critère d' application de l' article 95 étant, par conséquent, le caractère discriminatoire ou protecteur desdites impositions (voir notamment arrêt du 16 décembre 1992, Lornoy, C-17/91, Rec. p. I-0000, point 19).

Enfin, il convient de rappeler (voir notamment arrêts précités) qu' il peut y avoir lieu de tenir compte de la destination du produit des charges pécuniaires perçues tant dans le cadre des articles 12 et suivants que dans celui de l' article 95 du traité.
C' est ainsi que la Cour a précisé qu' une taxe, relevant d' un régime général de redevances intérieures frappant systématiquement les produits nationaux et les produits importés, peut néanmoins constituer une taxe d' effet équivalant à un droit de douane à l' importation, lorsque la recette de l' imposition est exclusivement destinée à alimenter des activités qui profitent spécifiquement aux produits nationaux et compensent intégralement la charge qu' ils supportent. Il y a lieu de considérer en effet que, dans une telle hypothèse, ladite taxe constitue, pour le produit importé, une charge pécuniaire nette, tandis que, pour le produit national, il ne s' agit que de la contrepartie d' avantages reçus.

En revanche, ladite taxe, tout en étant indistinctement applicable, constituerait néanmoins une violation de l'interdiction de discrimination édictée à l' article 95 du traité, si les avantages que comporte l' affectation de la recette de l' imposition profitaient spécialement aux produits nationaux imposés, en compensant partiellement la charge supportée par ceux-ci et en défavorisant ainsi les produits importés.
Il y a lieu dès lors de répondre aux première et deuxième questions de la juridiction nationale qu' une taxe parafiscale, indistinctement applicable aux produits nationaux et aux produits importés, constitue une taxe d' effet équivalant à un droit de douane interdite par l' article 12 du traité, lorsque les ressources qui en découlent sont totalement affectées au financement d' avantages dont bénéficient exclusivement les produits nationaux, compensant ainsi intégralement la charge grevant ces derniers. Si, par contre, lesdites ressources ne sont que partiellement affectées à ces avantages, qui ne compensent alors qu' une partie de la charge supportée par les produits nationaux, la taxe en question constitue une imposition discriminatoire interdite par l' article 95 du traité. »
Par la suite, dans son arrêt Fazenda publica c. UCAL [C-347/95, Rec. (1997) I-4911], la Cour explique qu’en cas de ristourne partielle, le gouvernement en cause doit réduire la taxe (imposée aux produits importés) proportionnellement (vu que ladite imposition n’est pas couverte par l’art. 25 TCE et échappe par conséquent, à son interdiction absolue). Ladite réduction est, aux yeux de la Cour, le moyen d'assurer la neutralité fiscale. Nous reproduisons ci-après les atts. 22-25 dudit arrêt :

« A cet égard, il résulte d'une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêts Compagnie commerciale de l'Ouest e.a., précité, point 27; Lornoy e.a., précité, point 21, et du 27 octobre 1993, Scharbatke, C-72/92, Rec. p. I-5509, point 10) que, si les avantages résultant de l'affectation du produit d'une taxe, relevant d'un régime général d'impositions intérieures et frappant systématiquement les produits nationaux et les produits importés, compensent intégralement la charge supportée par le produit national lors de sa mise dans le commerce, cette imposition constitue une taxe d'effet équivalant à un droit de douane, contraire aux articles 9 et 12 du traité. En revanche, une telle taxe constituerait une violation de l'interdiction de discrimination édictée à l'article 95 du traité si les avantages que comporte l'affectation de la recette de l'imposition pour les produits nationaux imposés ne compensaient que partiellement la charge supportée par ceux-ci.
Dans l'hypothèse où les avantages pour la production nationale compensent en totalité la charge supportée par elle, la taxe perçue sur le produit devra, en tant que taxe d'effet équivalant à un droit de douane, être considérée comme illégale dans son intégralité; dans l'hypothèse où, au contraire, les avantages compensent en partie la charge grevant la production nationale, la taxe perçue sur le produit importé, en principe légale, devra simplement faire l'objet d'une réduction proportionnelle (arrêts du 18 juin 1975, IGAV, 94/74, Rec. p. 699, point 13, et Compagnie commerciale de l'Ouest, précité, point 27).
Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour que l'application du principe de la compensation implique qu'il y ait identité entre le produit taxé et le produit national bénéficiaire (arrêts du 25 mai 1977, Cucchi, 77/76, Rec. p. 987, point 19, et Interzuccheri, 105/76, Rec. p. 1029, point 12).
D'autre part, pour être utilement et correctement appliqué, le critère de la compensation suppose que soit vérifiée, au cours d'une période de référence, l'équivalence pécuniaire entre les montants globalement perçus sur les produits nationaux au titre de la taxe considérée et les avantages dont ces produits bénéficient à titre exclusif. Tout autre paramètre, comme la nature, l'importance ou le caractère indispensable desdits avantages, ne fournirait pas une base suffisamment objective pour évaluer la compatibilité d'une mesure fiscale nationale avec les dispositions du traité (arrêt Celbi, précité, point 18). »

3.4.2.4 Les impositions qui ne sont soumises ni à l’art. 25 TCE ni à l’art. 90 TCE

De l’autre côté, la Cour a limité le champ d’application d’une TEE en excluant quelques taxes qui, bien que conformes à la définition susmentionnée, ne sont pas considérées comme des TEE. La délimitation du champ d’application n’équivaut évidemment pas à la soustraction de pareilles mesures au test de compatibilité avec l’art. 90 TCE ; elle signifie tout simplement que ces mesures sont considérées comme compatibles avec le droit communautaire. Des exclusions ont été justifiées dans les cas décrits ci-dessous :

Primo, la Cour a dans certains cas exclu du champ d’application de l'art. 25 TCE des mesures, communautaires ou nationales, qui ont été adoptées afin de servir un but communautaire. Dans cette perspective, un exemple est offert par le traitement que la Cour a réservé aux montants compensatoires monétaires (MCM). La Cour a exclu du champ d’application de l’art. 25 TCE les MCM prévus dans différents Règlements relatif à la politique agricole commune (PAC), des charges pécuniaires destinées à financer l’organisation de contrôles ainsi que des charges qui ne sont pas obligatoires pour les consommateurs qui conservent la possibilité de s’y soustraire [Kind c. CEE aff. 106/81, Rec. (1982) 2885]. Les MCM avaient pour but de protéger le revenu des agriculteurs et de l’ ‘immuniser’ contre des variations de taux de change. L’établissement de l’Union monétaire européenne (UME) équivaut à la fin du recours à des MCM pour ceux qui participent à cette union. Treize pays de l’Union européenne n’y participent pas. Le Règlement 3813/92 du Conseil (du 31 décembre 1992, JO L 387/1) a remplacé les MCM par les taux verts, un système d adaptation automatique des cours de change).

Les taux verts ont eux aussi été écartés par la suite. En vertu du Règl. du Conseil (CE) 2799/98, établissant le régime agri-monétaire de l Euro (¬ ) (JO L 349/1 du 24.12.1998), ce sont les taux de change de l’Euro qui sont applicables pour les treize pays qui actuellement ne participent pas à l’UM. Ce Règlement a été mis en œuvre par la Commission par le Règlement (CE) 2808/98 (JO L 349/36 du 24.12.1998). Les taux de change de l’Euro sont publiés chaque jour au JO, série C.

Outre les MCM, l’arrêt Commission c. Pays Bas [aff. 89/76, Rec. (1977) 1355] offre un bel exemple d’un cas où la Cour a exclu du champ d’application de l'art. 25 TCE) une mesure nationale qui servait à financer l’organisation de contrôles sanitaires nationaux qui étaient tout de même destinés à réaliser un but communautaire (et à favoriser ainsi la LCM). Nous reproduisons ci-après les attendus 8-16 de cette décision:

« ATTENDU QUE LES CERTIFICATS A LA DELIVRANCE DESQUELS LA REDEVANCE LITIGIEUSE EST LIEE , SONT CONFORMES A LA CONVENTION INTERNATIONALE POUR LA PROTECTION DES VEGETAUX , DU 6 DECEMBRE 1951 , A LAQUELLE TOUS LES ETATS MEMBRES SONT PARTIES;

QUE CETTE CONVENTION A POUR OBJET , AUX TERMES DE SON ARTICLE I , D ' ASSURER UNE ACTION COMMUNE ET EFFICACE DANS LA LUTTE CONTRE L ' INTRODUCTION ET LA PROPAGATION DES MALADIES ET ENNEMIS DES VEGETAUX ET PRODUITS VEGETAUX ET DE PROMOUVOIR L ' ADOPTION DE MESURES LEGISLATIVES , REGLEMENTAIRES ET TECHNIQUES APPROPRIEES A CET EFFET , NOTAMMENT PAR LA MISE SUR PIED , DANS CHAQUE ETAT , D ' UNE ORGANISATION OFFICIELLE DE LA PROTECTION DES VEGETAUX ;

QU ' AUX TERMES DE L ' ARTICLE V DE LA MEME CONVENTION , CHAQUE ETAT CONTRACTANT EST TENU DE PRENDRE LES DISPOSITIONS NECESSAIRES POUR DELIVRER DES CERTIFICATS PHYTOSANITAIRES , CONFORMES TANT A LA REGLEMENTATION SUR LA PROTECTION DES VEGETAUX EN VIGUEUR DANS LES AUTRES ETATS CONTRACTANTS QU ' AUX PRESCRIPTIONS DE LA CONVENTION ;
QU ' AU REGARD DES ECHANGES INTERNATIONAUX , LA DELIVRANCE DE CES CERTIFICATS A POUR BUT DE FAVORISER LA LIBRE IMPORTATION DES VEGETAUX DANS LE PAYS DE DESTINATION , SUR BASE DU CONTROLE EFFECTUE DANS LE PAYS DE PROVENANCE DES PRODUITS EN CAUSE ;
QUE CETTE CONVENTION REMPLIT DONC , DANS SON DOMAINE , UNE FONCTION ANALOGUE AUX DISPOSITIONS DE CARACTERE SANITAIRE ET PHYTOSANITAIRE PRISES DANS LE CADRE DE LA COMMUNAUTE , TELLES QUE LA DIRECTIVE DU CONSEIL NO 64/432 , DU 26 JUIN 1964 ( JO NO L 121 , P . 1977 ) - QUI A FAIT L ' OBJET DE L ' ARRET DE LA COUR DU 25 JANVIER 1977 , DANS L ' AFFAIRE 46-76 , BAUHUIS/ETAT NEERLANDAIS - ET DE LA DIRECTIVE DU CONSEIL NO 77/93 , DU 21 DECEMBRE 1976 , CONCERNANT LES MESURES DE PROTECTION CONTRE L ' INTRODUCTION DANS LES ETATS MEMBRES D ' ORGANISMES NUISIBLES AUX VEGETAUX OU PRODUITS VEGETAUX ( JO NO L 26 , P . 20 ) , POSTERIEURE A L ' INTRODUCTION DU RECOURS PAR LA COMMISSION;
QU ' AINSI , L ' APPLICATION SIMULTANEE DE LA CONVENTION DU 6 DECEMBRE 1951 PAR TOUS LES ETATS MEMBRES A PERMIS LE DEPLACEMENT DES CONTROLES PHYTOSANITAIRES DU PAYS D ' IMPORTATION VERS LE PAYS EXPEDITEUR ET FAVORISE AINSI LA SUBSTITUTION , AUX MESURES DE PROTECTION A LA FRONTIERE , D ' UN SYSTEME DE CONTROLES MUTUELLEMENT RECONNUS PAR LES ETATS ET MATERIALISE PAR LA DELIVRANCE DES CERTIFICATS PHYTOSANITAIRES , DE FACON A REDUIRE LES DOUBLES EMPLOIS DANS LES CONTROLES FRONTALIERS ;

QU ' IL APPARAIT DONC QU ' IL NE S ' AGIT PAS , EN L ' OCCURRENCE , DE MESURES IMPOSEES UNILATERALEMENT PAR LE ROYAUME DES PAYS- BAS , DANS UN INTERET PUREMENT NATIONAL , MAIS D ' UN CONTROLE ORGANISE SUR DES BASES IDENTIQUES DANS TOUS LES ETATS MEMBRES , EN TANT QU ' ILS SONT PARTIES A LA CONVENTION DU 6 DECEMBRE 1951 ;
QUE CES CONTROLES APPARAISSENT DES LORS NON COMME DES MESURES UNILATERALES ENTRAVANT LES ECHANGES , MAIS PLUTOT COMME DES OPERATIONS DESTINEES A FAVORISER LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES , EN VUE DE NEUTRALISER LES OBSTACLES POUVANT RESULTER , POUR CETTE LIBRE CIRCULATION , DE CONTROLES A L ' IMPORTATION VISES A L ' ARTICLE 36 DU TRAITE;

QUE , DANS CES CONDITIONS , ON NE SAURAIT CONSIDERER COMME TAXES D ' EFFET EQUIVALANT A DES DROITS DE DOUANE , LES REDEVANCES PERCUES A L ' OCCASION DE TELS CONTROLES , A CONDITION QUE LEUR MONTANT NE DEPASSE PAS LE COUT REEL DES OPERATIONS A L ' OCCASION DESQUELLES ELLES SONT PERCUES. »

Secundo, la Cour a écarté du champ d’application de l'art. 25 TCE, des mesures nationales auxquelles un particulier a la possibilité de se soustraire. Dans l’arrêt Donner [aff. 39/82, Rec. (1983) 19], la Cour a ainsi en principe exclu de considérer une taxe postale à laquelle l’individu pouvait se soustraire comme une TEE (att. 11) :

« EN SECOND LIEU, LA REGIE DES POSTES A RENVOYE A LA POSSIBILITE, POUR LE PARTICULIER, DE PROCEDER LUI-MEME AUX FORMALITES POSTALES NECESSAIRES EN EFFET, UNE TELLE POSSIBILITE SERAIT DE NATURE A EXCLURE L ' EXISTENCE D ' UNE TAXE D ' EFFET EQUIVALENT, POUR AUTANT QU' ELLE CONSTITUE UNE ALTERNATIVE REELLE POUR L ' UTILISATEUR . A CET EGARD, IL Y A LIEU DE CONSIDERER QUE L ' ARGUMENT DE LA REGIE DES POSTES, SELON LEQUEL LE PARTICULIER PEUT REFUSER D' ACCEPTER LA LIVRAISON , RENVOYER L ' AGENT AVEC LE COLIS , ET PROCEDER LUI-MEME A UNE DECLARATION ENTRAINANT L ' ANNULATION D ' UNE DECLARATION DEJA FAITE PAR LA REGIE DES POSTES , PARAIT IGNORER LES REALITES DE LA VIE QUOTIDIENNE . IL APPARTIENT DONC AU JUGE NATIONAL DE VERIFIER SI LA REGIE DES POSTES NE MET PAS LE DESTINATAIRE DU COLIS DEVANT LE FAIT ACCOMPLI EN PROCEDANT D ' OFFICE A L ' ACCOMPLISSEMENT DESDITES FORMALITES AVANT DE LUI ENVOYER UN AVIS D ' ARRIVEE . »

Tertio, la Cour a à plusieurs reprises également mentionné qu’elle considérerait comme licites des impositions pour des services rendus, pourvu que le montant payé soit proportionnel au service rendu. Ainsi, nous lisons dans l’arrêt Donner [aff. 39/82, Rec. (1983) 19] que (Att. 12) :

« SI LE JUGE NATIONAL PARVIENT A LA CONCLUSION QUE LA TAXE LITIGIEUSE CONSTITUE UNE CHARGE UNILATERALEMENT IMPOSEE PAR LA REGIE DES POSTES , IL DEVRA ENCORE ETABLIR SI CETTE CHARGE PEUT ETRE CONSIDEREE COMME LA CONTREPARTIE D ' UN SERVICE RENDU AU DESTINATAIRE ET SI SON MONTANT EST PROPORTIONNE A CE SERVICE . »

On retrouve le même principe à l’att. 11 de l’arrêt Commission c. Italie [aff. 24/68, Rec. (1969) 193] :
« QUE , S ' IL N ' EST PAS EXCLU QUE , DANS CERTAINES HYPOTHESES , UN SERVICE DETERMINE EFFECTIVEMENT RENDU PUISSE FAIRE L ' OBJET D ' UNE EVENTUELLE CONTREPARTIE PROPORTIONNEE AUDIT SERVICE , IL NE PEUT S ' AGIR QUE DE CAS D ' ESPECES QUI NE SAURAIENT CONDUIRE A TOURNER LES DISPOSITIONS DES ARTICLES 9 , 12 , 13 ET 16 DU TRAITE. » 
La Cour dans son jugement République Fédérale d’Allemagne c. Commission [affs. 52 & 55/65, Rec. (1966) 227] a apporté une précision importante : pour qu’elle ne soit pas considérée comme une TEE, il faut que la redevance soit la contrepartie d’un service réel qui confère à l’opérateur économique en cause un avantage concret. Le droit de commercialiser les produits ne constitue pas un tel avantage. Ainsi, la Cour a-t-elle jugé incompatible avec le TCE une redevance allemande perçue à la frontière et qui visait uniquement les produits importés malgré le fait que l’Allemagne avait rétorqué que ladite redevance constituait la contrepartie d'un service rendu. Selon l’avis de la Cour tel n’est pas le cas si l’unique avantage dont bénéficie l’importateur est la possibilité de commercialiser le produit importé :

« QUE L ' ENSEMBLE DES PRESCRIPTIONS DE L ' ARTICLE 13 A POUR OBJET D ' INTERDIRE TOUTES LES MESURES , RESULTANT D ' UNE DECISION UNILATERALE D ' UN ETAT MEMBRE ET NON D ' UNE PROCEDURE COMMUNAUTAIRE , QUI , SOUS QUELQUE APPELLATION QU ' ELLES SE PRESENTENT OU PAR QUELQUE PROCEDE QU ' ELLES SOIENT INTRODUITES , ABOUTISSENT , A L ' OCCASION DE L ' IMPORTATION , AUX MEMES EFFETS DISCRIMINATOIRES OU PROTECTEURS QUE LES DROITS DE DOUANE ; QUE , CONSTITUANT UNE DISPOSITION FONDAMENTALE EN VUE DE L ' ETABLISSEMENT DE LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES , L ' ARTICLE 13 POSE UNE REGLE ESSENTIELLE ET QU ' EN CONSEQUENCE TOUTE EVENTUELLE EXCEPTION , D ' INTERPRETATION STRICTE , DOIT ETRE CLAIREMENT PREVUE ;
ATTENDU QU ' EN L ' ESPECE , LES TAXES LITIGIEUSES SONT DES DROITS IMPOSES PAR LA REPUBLIQUE FEDERALE D ' ALLEMAGNE DU FAIT ET A L ' OCCASION DE L ' IMPORTATION ET FRAPPANT SPECIFIQUEMENT CERTAINS PRODUITS EN PROVENANCE DES AUTRES ETATS MEMBRES ;
QU ' ELLES PEUVENT DONC AVOIR POUR EFFET D ' AUGMENTER , DANS UNE CERTAINE MESURE , LE PRIX DES PRODUITS IMPORTES SUR LESQUELS ELLES SONT PERCUES ;
QUE LE GOUVERNEMENT REQUERANT SOUTIENT , CEPENDANT , QU ' ELLES N ' ONT PAS LA MEME INCIDENCE QU ' UN DROIT DE DOUANE , AU MOTIF QUE , CONSTITUANT LA CONTREPARTIE D ' UNE PRESTATION PARTICULIERE DE L ' ADMINISTRATION AU PROFIT ET A LA DEMANDE DES IMPORTATEURS , ELLES N ' ONT AUCUN EFFET DISCRIMINATOIRE SUR LES PRODUITS IMPORTES ;
ATTENDU QUE CETTE PRESTATION DE L ' ADMINISTRATION EST CONSTITUEE PAR LES DIVERS EXAMENS ET OPERATIONS NECESSAIRES POUR PALLIER LES RESTRICTIONS QUANTITATIVES QUE LA REPUBLIQUE FEDERALE D ' ALLEMAGNE , DANS LE CADRE DE SES RESPONSABILITES , A ETABLIES A LA LIBRE IMPORTATION DES PRODUITS EN CAUSE ;
QUE LE BENEFICE QUE RETIRE L ' IMPORTATEUR DE L ' ACTIVITE DE L' ADMINISTRATION POUR LAQUELLE SONT PERCUES LES TAXES LITIGIEUSES CONSISTE DANS LE FAIT QU ' IL EST AUTORISE A COMMERCIALISER LES PRODUITS INTERESSES EN REPUBLIQUE FEDERALE ;
QUE LES PRODUITS IMPORTES EUX-MEMES NE BENEFICIENT D ' AUCUN AVANTAGE DIRECT OU INDIRECT SUR LE MARCHE ALLEMAND ;
QUE , DE CE FAIT , LES TAXES LITIGIEUSES ONT , SUR LES PRODUITS IMPORTES , UN EFFET DISCRIMINATOIRE , SI FAIBLE SOIT-IL , EQUIVALANT A CELUI D ' UN DROIT DE DOUANE ;
QUE LA COMMISSION ETAIT DONC EN DROIT , EN APPLICATION DE L ' ARTICLE 13 , PARAGRAPHE 2 , D ' EN ORDONNER LA SUPPRESSION ET DE FIXER , PAR VOIE DE DIRECTIVES , LE RYTHME DE CETTE SUPPRESSION ;
QUE LE PREMIER MOYEN N ' EST PAS FONDE . »

Le refus de la Cour d’accepter l’argument avancé par l’Italie, selon lequel une taxe perçue pour financer une étude statistique est une taxe perçue en contrepartie d'un service effectivement rendu peut être apprécié dans la même perspective. En effet, comme la Cour l’explique aux atts. 12-19 de son arrêt Commission c. Italie [aff. 24/68, Rec. (1969) 193] cités ci-après, une telle taxe ne confère pas un avantage spécifique aux produits importés:

« ATTENDU QUE LA DEFENDERESSE FAIT D ' ABORD VALOIR QUE LA COMMISSION AURAIT , A TORT , SCINDE LE DROIT DE STATISTIQUE EN DEUX CONCEPTS DISTINCTS SE RAPPORTANT L ' UN A L ' IMPORTATION , L ' AUTRE A L ' EXPORTATION , ALORS QUE LA NATURE JURIDIQUE DE L ' IMPOSITION LITIGIEUSE DEVRAIT ETRE APPRECIEE EN TENANT COMPTE DE SON VERITABLE ASPECT ET NON EN LA FRACTIONNANT EN DEUX IMPOSITIONS DISTINCTES;
QUE LA CIRCONSTANCE QUE LE DROIT DE STATISTIQUE FRAPPERAIT TOUS LES PASSAGES DE MARCHANDISES A LA FRONTIERE SANS DISTINGUER , NI ENTRE L ' EXPORTATION ET L ' IMPORTATION , NI ENTRE LES MARCHANDISES NATIONALES ET LES MARCHANDISES ETRANGERES , EXCLURAIT PAR ELLE- MEME TOUTE POSSIBILITE DE CONSIDERER QUE LA TAXE A DES EFFETS EQUIVALANT A CEUX D ' UN DROIT DE DOUANE PUISQUE TOUT EFFET PROTECTEUR DE LA PRODUCTION NATIONALE OU TOUT EFFET DISCRIMINATOIRE SE TROUVERAIT ELIMINE;
QUE LA COMMISSION , PAR CONTRE , ANALYSE LE DROIT LITIGIEUX EN DEUX TAXES DISTINCTES AYANT UN EFFET EQUIVALANT RESPECTIVEMENT A CELUI D ' UN DROIT DE DOUANE A L ' IMPORTATION ET D ' UN DROIT DE DOUANE A L ' EXPORTATION ET PRESENTANT DES EFFETS PROTECTEURS OU DISCRIMINATOIRES , SI MINIMES SOIENT-ILS ;
ATTENDU QU ' IL EST INDIFFERENT POUR SA QUALIFICATION AU REGARD DU TRAITE QUE LA TAXE LITIGIEUSE S ' ANALYSE EN UNE IMPOSITION GLOBALE OU EN DEUX IMPOSITIONS DISTINCTES , CONSTITUANT D ' UNE PART UN DROIT A L ' EXPORTATION ET D ' AUTRE PART UN DROIT A L ' IMPORTATION ;
QU ' EN FRAPPANT DE FACON GENERALE TOUS LES PASSAGES A LA FRONTIERE , LA TAXE EN QUESTION REND PLUS DIFFICILE L ' INTERPENETRATION VOULUE PAR LE TRAITE ET A AINSI SUR LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES UN EFFET EQUIVALANT A UN DROIT DE DOUANE ;
QUE LE TAUX MINIME DE LA TAXE NE SAURAIT LUI ENLEVER SA QUALIFICATION AU REGARD DES PRINCIPES DU TRAITE , CELUI-CI NE PERMETTANT PAS , POUR LE CONTROLE DE LA LEGALITE DE CES IMPOSITIONS , DE SUBSTITUER UN CRITERE DE QUOTITE A CEUX TIRES DE LA NATURE DE LA TAXE ;
ATTENDU QUE LE GOUVERNEMENT ITALIEN FAIT ENCORE VALOIR QUE LE DROIT LITIGIEUX CONSTITUERAIT LA CONTREPRESTATION D ' UN SERVICE RENDU ET DOIT , DE CE CHEF , ECHAPPER A LA QUALIFICATION DE TAXE D ' EFFET EQUIVALENT ;
QUE , SELON LE GOUVERNEMENT ITALIEN , LA STATISTIQUE EN QUESTION A POUR OBJET DE DETERMINER , DE FACON PRECISE , LES MOUVEMENTS REELS DE MARCHANDISES ET , PAR VOIE DE CONSEQUENCE , LES MODIFICATIONS DE LA SITUATION DU MARCHE;
QUE LA PRECISION ABSOLUE DES RENSEIGNEMENTS AINSI FOURNIS PLACERAIT LES IMPORTATEURS DANS UNE MEILLEURE POSITION COMPETITIVE SUR LE MARCHE ITALIEN , TANDIS QUE LES EXPORTATEURS AURAIENT UN AVANTAGE SIMILAIRE A L ' ETRANGER;
QUE LES AVANTAGES PARTICULIERS QUE CES OPERATEURS ECONOMIQUES EN RETIRERAIENT , JUSTIFIERAIENT QUE LE FINANCEMENT DE CE SERVICE PUBLIC SOIT MIS A LEUR CHARGE ET FERAIENT VOIR D ' AUTRE PART LE CARACTERE REMUNERATOIRE DU DROIT LITIGIEUX ;
ATTENDU QUE LES RENSEIGNEMENTS STATISTIQUES EN QUESTION SONT UTILES A L ' ENSEMBLE DE LA VIE ECONOMIQUE ET ENTRE AUTRES AUX ADMINISTRATIONS COMPETENTES ;
QUE , MEME S ' ILS DEVAIENT AMELIORER PLUS SPECIALEMENT LA POSITION COMPETITIVE DES IMPORTATEURS ET DES EXPORTATEURS , ENCORE S ' AGIT-IL EN L ' ESPECE D ' UN AVANTAGE A CE POINT GENERAL ET DONT L ' EVALUATION EST A CE POINT INCERTAINE QUE LA TAXE LITIGIEUSE NE SAURAIT ETRE CONSIDEREE COMME UNE REMUNERATION FORMANT LA CONTREPARTIE D'UN AVANTAGE DETERMINE EFFECTIVEMENT RENDU ;
ATTENDU QU ' IL APPARAIT DES CONSIDERATIONS CI-DESSUS QUE L ' IMPOSITION LITIGIEUSE EST , POUR AUTANT QU ' ELLE FRAPPE LES EXPORTATIONS , CONTRAIRE A L ' ARTICLE 16 DU TRAITE;
ATTENDU, EN CE QUI CONCERNE LE DROIT DE STATISTIQUE SUR LES IMPORTATIONS EN PROVENANCE DES AUTRES ETATS MEMBRES DE PRODUITS SOUMIS A DES REGLEMENTS RELATIFS A L'ORGANISATION COMMUNE DES MARCHES, QUE LES DISPOSITIONS PRECITEES DE CES REGLEMENTS INTERDISENT DANS LE COMMERCE INTRACOMMUNAUTAIRE LA PERCEPTION DE TOUT DROIT DE DOUANE OU TAXE D'EFFET EQUIVALENT ;
QUE LA NOTION DE " TAXE D ' EFFET EQUIVALENT " , TRIBUTAIRE DE CELLE DE " DROIT DE DOUANE " , A ETE DANS LES REGLEMENTS PRECITES , REPRISE DES ARTICLES 9 , 12 ET 13 DU TRAITE ;
QUE RIEN DANS LESDITS REGLEMENTS NE PERMET DE PENSER QU ' ILS VISENT A CONFERER A CETTE NOTION UNE PORTEE DIFFERENTE DE CELLE QU ' ELLE REVET DANS LE CADRE DU TRAITE LUI-MEME , ET CELA D ' AUTANT MOINS QUE CES REGLEMENTS , EN TENANT COMPTE DES CONDITIONS SPECIFIQUES DE L ' INSTAURATION D ' UN MARCHE COMMUN DES PRODUITS AGRICOLES , POURSUIVENT LES OBJECTIFS DES ARTICLES 9 A 13 DU TRAITE DONT ILS CONSTITUENT L ' APPLICATION;
QUE , SELON L ' ARTICLE 189 DU TRAITE , CES REGLEMENTS SONT OBLIGATOIRES DANS TOUS LEURS ELEMENTS ET DIRECTEMENT APPLICABLES DANS TOUT ETAT MEMBRE;
QU ' EN VIOLANT LESDITES DISPOSITIONS , LA DEFENDERESSE A DES LORS MANQUE AUX OBLIGATIONS QUI LUI INCOMBENT EN VERTU DU TRAITE. »

C'est dans cette optique, qu'il faut lire les conclusions de l’Avocat Général Karl Römer dans l’affaire Marimex c. Administration italienne des finances [29/72, Rec. (1972) pp. 1321 et s.] et notamment ce passage dans lequel il fait part de son appréciation du jugement de la Cour dans l'arrêt susmentionné (p.1324) :

« Vous avez affirmé notamment qu’on ne saurait considérer qu’il y a prestation de la part de l’administration, lorsque l’ensemble de la vie économique tire avantage de l’intervention de celle-ci ; qu’il faut au contraire qu’un avantage pour les produits importés eux-mêmes puisse se constater sur le marché et que la contrepartie fournie par l’administré doit être proportionnée à cet avantage et non pas aux frais effectivement exposés par l’administration ; qu’on ne saurait recourir à l’idée d’une contrepartie à fournir par l’administré, dès lors que l’avantage que celui-ci tire de l’intervention des pouvoirs publics est seulement de caractère général et d’appréciation malaisée.
…
En réalité, la possibilité de commercialiser librement des marchandises importées après constatation qu’elles remplissent les conditions légales constitue plutôt un automatisme, un droit découlant du traité » (italiques dans l’original).

Il paraît toutefois opportun de spécifier ici que, par cette jurisprudence, la Cour ne préconise pas une déréglementation. En effet, comme la Cour l’a clarifié dans son arrêt Bresciani [aff. 87/75, Rec. (1976) 129], un Etat membre reste libre, par exemple, de continuer à effectuer des contrôles sanitaires (si une telle mesure est nécessaire) pourvu que ce soit la collectivité et non pas les produits importés qui en assume le coût (att. 10) :

« ATTENDU QUE LE FAIT QU'UN DROIT DU TYPE LITIGIEUX SOIT PROPORTIONNE AUX FRAIS D'UN CONTROLE SANITAIRE, EFFECTUE OBLIGATOIREMENT A L'ENTREE DES MARCHANDISES , N'AFFECTE PAS NON PLUS L'APPRECIATION DE L'EFFET DE CE DROIT SUR LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES;
QU'EN EFFET L ' ACTIVITE DE L ' ADMINISTRATION DE L ' ETAT , DESTINEE A MAINTENIR UN REGIME DE CONTROLE SANITAIRE DANS L ' INTERET GENERAL , NE PEUT ETRE CONSIDEREE COMME UN SERVICE RENDU A L ' IMPORTATEUR DE NATURE A JUSTIFIER LA PERCEPTION D ' UNE CHARGE PECUNIAIRE EN CONTREPARTIE;
QUE , DES LORS , SI A LA FIN DE LA PERIODE TRANSITOIRE DES CONTROLES SANITAIRES SONT ENCORE JUSTIFIES , LES FRAIS OCCASIONNES PAR CEUX-CI DOIVENT ETRE SUPPORTES PAR LA COLLECTIVITE PUBLIQUE QUI BENEFICIE , DANS SON ENSEMBLE , DE LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES COMMUNAUTAIRES. »


4 Les mesures nationales d’ordre fiscal

Dans la Section 3 supra, nous avons débattu la question de la distinction entre droit de douane/TEE d’un côté et impositions intérieures de l’autre. Il suffit d’évoquer ici que la taxation reste en gros, une compétence étatique. Le cadre communautaire ne préjuge que de façon assez limitée l’expression étatique unilatérale en matière de taxation. La discussion sur la ‘communautarisation’ de la taxation est l'un des sujets qui continue d’être d’actualité. De bons arguments des deux côtés (en faveur et à l’encontre de la communautarisation) ont vu la lumière du jour.

Pour l’instant, la taxation directe (par exemple, sur le revenu) reste une compétence étatique illimitée. La taxation indirecte, quant à elle (par exemple, la taxe à la valeur ajoutée, TVA), est une compétence nationale en ce qui concerne le choix du niveau de taxation, mais la 6ème Dir. sur la TVA, que nous citons ci-après, impose des obligations bien précises aux Etats membres de la CE (notamment, la structure harmonisée a été introduite et les taux minimums communs ont été convenus). Il y a tout de même des exemples bien connus (tels l’alcool, les cigarettes et les automobiles) où nous observons des divergences notables entre les Etat membres quant au niveau d’imposition. Pour l’instant, des propositions sensibles (comme par exemple, l’instauration d’un système basé sur l’origine qui permettrait de traiter les achats et les ventes intracommunautaires de la même manière que ceux qui ont lieu à l’intérieur d’un Etat membre) ne font pas l’unanimité parmi les Etats membres. Et pourtant, les questions de fiscalité sont soumises, dans le système du TCE, à la règle de l’unanimité. Vu que le climat politique actuel n’est guère favorable à un changement dans cette perspective, nous restons dans les paramètres de la 6ème Directive:

Primo, la Dir. n’harmonise pas les taux d’imposition entre les Etats membres mais elle établit quand même un minimum que tous les Etats membres doivent respecter (art. 12.3a) ;

Secundo, un système complet d’exonérations fiscales est maintenant prévu (art. 13 et s.) ;

Tertio, suivant une jurisprudence abondante en la matière, nous trouvons maintenant une disposition spécifique pour les biens d’occasion (art. 26 bis).

Le fonctionnement de la 6ème modification de la Dir. TVA a été en gros expliqué par la Cour dans le jugement Schul [aff. 15/81, Rec. (1982) 1409] de la façon suivante (atts. 10-15):

« LE PRINCIPE DU SYSTEME COMMUN CONSISTE , EN VERTU DE L ' ARTICLE 2 DE LA PREMIERE DIRECTIVE , A APPLIQUER AUX BIENS ET AUX SERVICES , JUSQU ' AU STADE DU COMMERCE DE DETAIL INCLUS , UN IMPOT GENERAL SUR LA CONSOMMATION EXACTEMENT PROPORTIONNEL AU PRIX DES BIENS ET DES SERVICES , QUEL QUE SOIT LE NOMBRE DES TRANSACTIONS INTERVENUES DANS LE PROCESSUS DE PRODUCTION ET DE DISTRIBUTION ANTERIEUR AU STADE D ' IMPOSITION . TOUTEFOIS, A CHAQUE TRANSACTION , LA TVA N ' EST EXIGIBLE QUE DEDUCTION FAITE DU MONTANT DE LA TVA QUI A GREVE DIRECTEMENT LE COUT DES DIVERS ELEMENTS CONSTITUTIFS DU PRIX . LE MECANISME DES DEDUCTIONS EST AMENAGE PAR L ' ARTICLE 17 , PARAGRAPHE 2 , DE LA SIXIEME DIRECTIVE , DE TELLE SORTE QUE SEULS LES ASSUJETTIS SONT AUTORISES A DEDUIRE DE LA TVA DONT ILS SONT REDEVABLES LA TVA QUI A DEJA GREVE LES BIENS EN AMONT.

C ' EST DANS CE CADRE GENERAL QUE S ' INSCRIT L ' ARTICLE 2 DE LA SIXIEME DIRECTIVE , AUX TERMES DUQUEL SONT SOUMISES A LA TVA , D ' UNE PART , ' LES LIVRAISONS DE BIENS ET LES PRESTATIONS DE SERVICES EFFECTUEES A TITRE ONEREUX A L ' INTERIEUR DU PAYS PAR UN ASSUJETTI AGISSANT EN TANT QUE TEL ' ( POINT 1 ) ET , D ' AUTRE PART , ' LES IMPORTATIONS DE BIENS ' ( POINT 2 ). L ' ARTICLE 4 DE CETTE DIRECTIVE DEFINIT COMME ' ASSUJETTI ' QUICONQUE ACCOMPLIT , D ' UNE FACON INDEPENDANTE ET QUEL QU ' EN SOIT LE LIEU , UNE ACTIVITE ECONOMIQUE TELLE QUE LES ACTIVITES DE PRODUCTEUR , DE COMMERCANT OU DE PRESTATAIRE DE SERVICES , Y COMPRIS LES ACTIVITES EXTRACTIVES , AGRICOLES ET CELLES DES PROFESSIONS LIBERALES OU ASSIMILEES . LA ' LIVRAISON D ' UN BIEN ' EST DEFINIE , A L ' ARTICLE 5 , COMME ' LE TRANSFERT DU POUVOIR DE DISPOSER D ' UN BIEN CORPOREL COMME UN PROPRIETAIRE ' , ALORS QUE ' L ' IMPORTATION D ' UN BIEN ' EST DEFINIE , A L ' ARTICLE 7 , COMME ' L ' ENTREE DE CE BIEN A L ' INTERIEUR DU PAYS ' .
LA SIXIEME DIRECTIVE HARMONISE EGALEMENT LES NOTIONS DE FAIT GENERATEUR ET D ' EXIGIBILITE DE LA TAXE ( ARTICLE 10 ), ET PORTE HARMONISATION DE LA BASE D ' IMPO SITION ( ARTICLE 11 ). DES EXONERATIONS SONT PREVUES TANT POUR LES OPERATIONS A L ' INTERIEUR DU PAYS QUE POUR LES IMPORTATIONS ( ARTICLES 13 ET 14 ). LES OPERATIONS A L ' EXPORTATION ET LES OPERATIONS ASSIMILEES SONT EXONEREES DE LA TAXE ( ARTICLE 15 ).
IL CONVIENT DE SOULIGNER QUE LESDITES DIRECTIVES N ' EFFECTUENT QU ' UNE HARMONISATION PARTIELLE DU SYSTEME DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE . AU STADE ACTUEL DU DROIT COMMUNAUTAIRE , LES ETATS MEMBRES SONT LIBRES NOTAMMENT DE FIXER LE TAUX DE LA TVA , ETANT ENTENDU TOUTEFOIS QUE LE TAUX APPLICABLE A L ' IMPORTATION D ' UN BIEN EST CELUI APPLIQUE A L ' INTERIEUR DU PAYS POUR LA LIVRAISON D ' UN MEME BIEN ( ARTICLE 12 DE LA SIXIEME DIRECTIVE ).
L ' ANALYSE DES CARACTERISTIQUES DU SYSTEME COMMUN DE LA TVA , CI-DESSUS RAPPELEES , PERMET D ' EN DEDUIRE , D ' UNE PART , QUE , POUR CE QUI EST DES OPERATIONS A L ' INTERIEUR D ' UN ETAT MEMBRE , LE FAIT GENERATEUR DE LA TAXE EST CONSTITUE PAR LA LIVRAISON D ' UN BIEN EFFECTUEE A TITRE ONEREUX PAR UN ASSUJETTI AGISSANT EN TANT QUE TEL , ALORS QUE , POUR CE QUI EST DES OPERATIONS A L ' IMPORTATION , LE FAIT GENERATEUR EST CONSTITUE PAR LA SEULE ENTREE D ' UN BIEN A L ' INTERIEUR D ' UN ETAT MEMBRE , QU ' IL Y AIT OU NON UNE TRANSACTION , QUE L ' OPERATION SOIT EFFECTUEE A TITRE ONEREUX OU A TITRE GRATUIT , PAR UN ASSUJETTI OU PAR UN PARTICULIER .
IL S ' ENSUIT , D ' AUTRE PART , QUE , SI LES LIVRAISONS A L ' EXPORTATION ELLES-MEMES SONT EXONEREES DE LA TVA , QU ' ELLES SOIENT EFFECTUEES PAR UN ASSUJETTI OU UN PARTICULIER , SEULS LES ASSUJETTIS SONT AUTORISES A EXERCER LE DROIT A DEDUCTION . PAR VOIE DE CONSEQUENCE , SEULS LES BIENS LIVRES A L ' EXPORTATION PAR DES ASSUJETTIS OU POUR LEUR COMPTE PEUVENT ETRE DEGREVES DE TOUTE TVA DE L ' ETAT MEMBRE D ' EXPORTATION , LES BIENS LIVRES A L ' EXPORTATION PAR DES PARTICULIERS OU POUR LEUR COMPTE RESTANT GREVES DE CETTE TAXE AU PRORATA DE LEUR VALEUR AU MOMENT DE L ' EXPORTATION . ETANT DONNE QUE TOUTES LES IMPORTATIONS SONT SOUMISES A LA TVA DE L ' ETAT D ' IMPORTATION , IL Y A DANS CE CAS UN CUMUL DE TAXES , TANT DE L ' ETAT D ' EXPORTATION QUE DE L ' ETAT D ' IMPORTATION. »


4.1 Les obligations internationales de la CE en matière de taxation

Malgré le fait qu’il n’y ait, pour l’instant, aucune harmonisation entre les membres de l’OMC des politiques de taxation, la CE, en tant que membre de l’OMC, doit tout de même assumer quelques obligations précises en matière de taxation. En gros, la CE a des obligations à assumer dans le contexte du traitement national mais aussi, dans le contexte de l’accord de l’OMC sur les subventions et les mesures compensatoires (ASMC).

Tout d’abord, l’art. III du GATT, comme nous l’avons déjà noté oblige, par son paragraphe 2, tous les membres de l’OMC à respecter le principe du traitement national en matière de taxation qui frappe directement ou indirectement les produits nationaux et importés.

Il se peut aussi que la taxation opère comme une subvention. Un bon exemple est offert par la jurisprudence FSC où l’Organe d’appel de l’OMC a accepté la thèse selon laquelle l’exonération de quelques entreprises bien spécifiées de leur obligation de payer des impôts par le gouvernement des Etats-Unis était considérée comme une subvention. Les points (e), (f), (g), (h), (i) de l’Annexe I (Liste exemplative de subventions à l’exportation) et l’Annexe III de l’accord ASCM reflètent des cas spécifiques de ristourne, d’exonération ou de déduction des impôts qui sont considérés contraires à la lettre et l’esprit de l’ASCM.

Il faut encore préciser que la note de bas de page numéro 1 explique que des mesures destinées à éviter la double imposition ne doivent pas être considérées comme des subventions :

« Conformément aux dispositions de l’article XVI du GATT de 1994 (note relative à l’article XVI) et aux dispositions des Annexes I à III du présent accord, l’exonération, en faveur d’un produit exporté, des droits ou taxes qui frappent le produit similaire lorsque celui-ci est destiné à la consommation intérieure, ou la remise de ces droits ou taxes à concurrence des montants dus ou versés, ne seront pas considérées comme une subvention. »

C'est ainsi que se présente, en bref, le cadre que les Etats membres doivent respecter quand ils appliquent leurs mesures fiscales. Dans son arrêt H. Hansen jun. & O.C Balle GmbH & Co [aff. 148/77, Rec. (1978) 1787], la Cour aux attendus 23 et 24 laisse la possibilité ouverte à ce que, par le biais d’une convention internationale, les obligations incluses à l’art. 90 et s. TCE soient applicables non seulement aux produits d’origine communautaire, mais aussi aux produits étrangers. En effet, les dispositions de l’accord de l’OMC mentionnées ci-dessous, constituent l’extension juridique anticipée dans H. Hansen jun. & O.C Balle GmbH & Co :

« attendu que le traité même ne comporte, pour les échanges avec les pays tiers, en ce qui concerne les impositions intérieures, aucune règle similaire à celle de l’article 95, celui-ci n’étant applicable qu’aux produits originaires des Etats membres ;

que la réponse à la question posée par la juridiction nationale dépend dès lors –sans préjudice de dispositions réglementaires dont l’application n’est pas ici en cause- de l’état des relations conventionnelles, multilatérales et bilatérales, entre la Communauté et les divers pays tiers entrant en ligne de compte ;

qu’il y a donc lieu de répondre aux 4e et 5e questions que le traité ne comporte pas une disposition prohibant d’éventuelles discriminations dans l’application d’impositions intérieures aux produits importés des pays tiers, sans préjudice toutefois des dispositions conventionnelles éventuellement en vigueur entre la Communauté et les pays d’origine d’une marchandise déterminée » (N.B : l’art. 95 est l’ancienne numérotation de l'art. 90 TCE).


Le TCE ne contient aucune disposition qui oblige les Etats membres à respecter le cadre réglementaire imposé par les arts. 90 et s. TCE quand ils taxent des produits d’origine non communautaire, mais le cadre législatif de l’OMC en contient. Comme nous le verrons plus loin (sous 4.4 et 4.8) le cadre communautaire ressemble beaucoup au cadre de l’OMC que les Etats membres doivent respecter quand ils exercent leur autonomie fiscale. Toutefois si jamais ils dévient du cadre de l’OMC, les Etats membres risquent au plus d’être l’objet d’une plainte devant la juridiction de l’OMC. En effet, les particuliers ne peuvent pas invoquer le droit de l’OMC devant la juridiction communautaire puisque celui-ci est dépourvu d’effet direct.

Dans sa jurisprudence Biret [C-93/02, Rec. (2003)], la Cour explique d’abord que les règles de l’OMC ne constituent même pas un standard pour l’évaluation de la légalité d’une action communautaire, sauf dans des hypothèses prévues dans les atts.52- 53 :

« Or, ainsi que le Tribunal l'a rappelé au point 61 de l'arrêt attaqué, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords OMC ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles la Cour contrôle la légalité des actes des institutions communautaires (arrêt Portugal/Conseil, précité, point 47; ordonnance OGT Fruchthandelsgesellschaft, précitée, point 24; arrêts Omega Air e.a., précité, point 93, et du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C-76/00 P, Rec. p. I-79, point 53).
Ce n'est que dans l'hypothèse où la Communauté a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l'OMC, ou dans l'occurrence où l'acte communautaire renvoie expressément à des dispositions précises des accords OMC, qu'il appartient à la Cour de contrôler la légalité de l'acte communautaire en cause au regard des règles de l'OMC (voir, pour ce qui concerne le GATT de 1947, arrêts précités Fediol/Commission, points 19 à 22, et Nakajima/Conseil, point 31, ainsi que, pour ce qui concerne les accords OMC, arrêt Portugal/Conseil, précité, point 49). »

Biret, à la lumière de ces considérations, explique ce que le Tribunal de première instance (TPI) aurait dû faire (att. 57) :

« En effet, il incombait encore au Tribunal de répondre à l'argument selon lequel les effets juridiques à l'égard de la Communauté européenne de la décision de l'ORD du 13 février 1998 étaient de nature à remettre en cause son appréciation quant à l'absence d'effet direct des règles de l'OMC et à justifier l'exercice par le juge communautaire du contrôle de la légalité des directives 81/602, 88/146 et 96/22 au regard de ces règles, dans le cadre de l'action en indemnité introduite par la requérante. »

La Cour explique d’abord son mécontentement avec la manière par laquelle le TPI a répondu à cette question (atts. 55 et 56):

« Le Tribunal a ajouté, au point 67 de l'arrêt attaqué, que la décision de l'ORD du 13 février 1998 étant nécessairement et directement liée au moyen tiré de la violation de l'accord SPS, elle ne pouvait être prise en considération «que dans l'hypothèse où l'effet direct de cet accord aurait été consacré par le juge communautaire dans le cadre d'un moyen tiré de l'invalidité des directives en cause».
Une telle motivation ne suffit cependant pas à répondre au moyen tiré, en première instance, par la requérante, de la violation de l'accord SPS. »

La Cour explique sous quelles conditions, à son avis, le droit de l’OMC peut constituer un standard d’évaluation de la légalité communautaire (atts. 61 et 62):

« À cet égard, il convient de constater que la procédure de règlement des différends qui a abouti à la décision de l'ORD du 13 février 1998 a été initiée en 1996. La Communauté ayant indiqué qu'elle entendait respecter ses obligations au titre de l'OMC mais que, pour ce faire, elle devait disposer d'un délai raisonnable, conformément à l'article 21, paragraphe 3, du mémorandum d'accord, elle s'est vu accorder à cette fin un délai de quinze mois, expirant le 13 mai 1999.
Cela signifie que, en tout état de cause, pour la période antérieure au 13 mai 1999, le juge communautaire ne saurait, sous peine de priver d'effet l'octroi d'un délai raisonnable pour se conformer aux recommandations ou décisions de l'ORD, prévu dans le cadre du système de règlement des différends mis en place par les accords OMC, exercer un contrôle de la légalité des actes communautaires en cause, en particulier dans le cadre d'un recours en indemnité introduit au titre de l'article 178 du traité. »

Par conséquent, le droit de l’OMC ne peut être invoqué devant la juridiction communautaire que sous les strictes conditions décrites ci-dessus.

4.2 Le champ d’application des arts. 90 et s.

4.2.1 L’application ratione materiae : impositions intérieures

4.2.1.1 Les impositions intérieures doivent, en principe, frapper, produits domestiques et importés

Comme nous l’avons déjà indiqué, à la différence des TEE, un système général de taxes internes pour être considéré comme une imposition intérieure, doit frapper et les produits domestiques et les produits importés. La Cour a répété ce point à maintes reprises. Nous citons ci-après le passage pertinent (att. 23) de son jugement Irish Creamery Milk Suppliers Association [affs. 36 & 71/80, Rec. (1981) 735] :

« A CET EGARD , IL Y A LIEU DE RAPPELER QUE , DANS LA MESURE OU IL PEUT ETRE ETABLI QUE L ' APPLICATION D ' UNE TAXE INTERIEURE GREVE LES VENTES A L ' EXPORTATION PLUS LOURDEMENT QUE LES VENTES A L ' INTERIEUR DU PAYS , CETTE TAXE A UN EFFET EQUIVALANT A UN DROIT DE DOUANE A L ' EXPORTATION . TEL NE SERAIT CEPENDANT PAS LE CAS D ' UNE TAXE QUI , DE MANIERE SYSTEMATIQUE ET SELON LES MEMES CRITERES , APPREHENDE LES ANIMAUX , POUR CITER LES MOTS DU GOUVERNEMENT IRLANDAIS , ' AU POINT DE LEUR SEPARATION DU CHEPTEL NATIONAL , QUE CE SOIT POUR L ' EXPORTATION OU POUR L ' ABATTAGE ' . »


Il n'est cependant pas exclu qu’une imposition qui ne frappe qu’une catégorie de produits soit admise comme imposition intérieure. Dans son jugement Schul [aff. 15/81, Rec. (1982) 1409], la Cour accepte qu’une imposition intérieure (en l’occurrence, la TVA) qui frappe les produits domestiques uniquement en raison du fait que les produits importés ont déjà été frappés par ladite taxe, continue à être admise comme imposition intérieure (atts. 20-22) :

« LA COUR A TOUTEFOIS RECONNU QU ' UNE CHARGE PECUNIAIRE QUI FRAPPE UN PRODUIT IMPORTE D ' UN AUTRE ETAT MEMBRE , ALORS QU ' ELLE NE FRAPPE PAS UN PRODUIT NATIONAL IDENTIQUE OU SIMILAIRE , NE CONSTITUE PAS UNE TAXE D ' EFFET EQUIVALENT MAIS UNE IMPOSITION INTERIEURE AU SENS DE L ' ARTICLE 95 DU TRAITE , SI ELLE RELEVE D ' UN REGIME GENERAL DE REDEVANCES INTERIEURES APPREHENDANT SYSTEMATIQUEMENT DES CATEGORIES DE PRODUITS SELON DES CRITERES OBJECTIFS APPLIQUES INDEPENDAMMENT DE L ' ORIGINE DES PRODUITS.
CES CONSIDERATIONS FONT APPARAITRE QU ' UNE TAXE DU TYPE DE CELLE VISEE PAR LA JURIDICTION NATIONALE NE REUNIT PAS LES ELEMENTS CONSTITUTIFS D ' UNE TAXE D ' EFFET EQUIVALANT A DES DROITS DE DOUANE A L ' IMPORTATION , AU SENS DES ARTICLES 12 ET 13 , PARAGRAPHE 2 , DU TRAITE . EN EFFET , UNE TELLE TAXE FAIT PARTIE DU SYSTEME COMMUN DE LA TVA DONT LA STRUCTURE ET LES MODALITES DETERMINANTES ONT ETE ARRETEES PAR DES DIRECTIVES D ' HARMONISATION DU CONSEIL . CELLES-CI ONT INSTAURE UN MECANISME FISCAL UNIFORME APPREHENDANT SYSTEMATIQUEMENT ET SELON DES CRITERES OBJECTIFS TANT DES OPERATIONS EFFECTUEES A L ' INTERIEUR DES ETATS MEMBRES QUE LES OPERATIONS A L ' IMPORTATION . IL CONVIENT DE RELEVER A CET EGARD NOTAMMENT QUE LE SYSTEME COMMUN ASSUJETTIT AU MEME TAUX LES IMPORTATIONS ET LES LIVRAISONS D ' UN MEME BIEN A L ' INTERIEUR D ' UN ETAT MEMBRE . EN CONSEQUENCE , LA TAXE LITIGIEUSE DOIT ETRE CONSIDEREE COMME FAISANT PARTIE INTEGRANTE D ' UN REGIME GENERAL D ' IMPOSITIONS INTERIEURES AU SENS DE L ' ARTICLE 95 DU TRAITE , ET SA COMPATIBILITE AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE DOIT ETRE APPRECIEE DANS LE CADRE DE CET ARTICLE ET NON PAS DANS CELUI DES ARTICLES 12 ET SUIVANTS DU TRAITE .
IL Y A DONC LIEU DE REPONDRE A LA PREMIERE QUESTION QUE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE QU ' UN ETAT MEMBRE PERCOIT AU TITRE DE L ' IMPORTATION DE PRODUITS EN PROVENANCE D ' UN AUTRE ETAT MEMBRE LIVRES PAR UN PARTICULIER , LORSQU ' UNE TELLE TAXE N ' EST PAS PERCUE AU TITRE DE LA LIVRAISON DE PRODUITS SIMILAIRES EFFECTUEE PAR UN PARTICULIER A L ' INTERIEUR DE L ' ETAT MEMBRE D ' IMPORTATION , NE CONSTITUE PAS UNE TAXE D ' EFFET EQUIVALANT A UN DROIT DE DOUANE A L ' IMPORTATION AU SENS DES ARTICLES 12 ET 13 , PARAGRAPHE 2 , DU TRAITE . »

La Cour est allée plus loin dans son arrêt Commission c. Danemark [aff. 47/88, Rec. (1990) I-4509]. Malgré le fait que l’imposition en cause ne frappait que les produits importés (en absence de production nationale) la Cour l’a tout de même considérée comme entrant dans le champ d’application de l’art. 90 TCE (atts. 15-17) :

« La Commission fait valoir que le Danemark applique une taxe d' immatriculation différenciée selon qu' il s' agit de voitures d' occasion importées ou de voitures d' occasion achetées au Danemark . En effet, la taxe d' immatriculation qui frappe les voitures d' occasion importées au Danemark est calculée sur la base d' une valeur taxable forfaitaire qui ne peut jamais être inférieure à 90 % de la valeur taxable de la voiture à l' état neuf, alors qu' aucune nouvelle taxe d' immatriculation n' est perçue sur les voitures d' occasion vendues au Danemark après avoir été préalablement immatriculées . Il en résulte que la taxation est plus élevée pour les véhicules d' occasion importés que pour les véhicules achetés sur le marché danois.

Le gouvernement danois allègue d' abord que la nature même de la taxe d' immatriculation implique qu' elle ne s' applique qu' aux voitures d' occasion importées et non aux voitures d' occasion vendues sur le marché danois, pour lesquelles les taxes ont déjà été acquittées lors de l' immatriculation comme voitures neuves ou comme voitures d' occasion importées . Il estime, par ailleurs, qu' il n' y a pas de véritable discrimination en faveur des produits danois, puisqu' il n' y a pas de production danoise d' automobiles et que toutes les voitures d' occasion sont, par conséquent, d' origine étrangère.

Il y a lieu d' observer d' emblée que, comme la Commission l' a souligné à juste titre, ce n' est pas parce qu' il n' y a pas de production danoise de véhicules automobiles que le Danemark n' a pas de marché de véhicules d' occasion . En effet, un produit devient national dès lors qu' il a été importé et mis sur le marché . Les voitures d' occasion importées et celles qui sont achetées sur place constituent des produits similaires ou concurrents . Les dispositions de l' article 95 s' appliquent, par conséquent, pour la taxe d' immatriculation à l' importation des voitures d' occasion. »

Dans le même sens, la Cour dans son jugement Commission c. France [aff. 90/79, Rec. (1981) 283] a jugé que (att. 14) :

« LA COUR A TOUTEFOIS RECONNU QUE MEME UNE CHARGE QUI FRAPPE UN PRODUIT IMPORTE D ' UN AUTRE ETAT MEMBRE , ALORS QU ' IL N ' EXISTE PAS DE PRODUIT NATIONAL IDENTIQUE OU SIMILAIRE, NE CONSTITUE PAS UNE TAXE D ' EFFET EQUIVALENT , MAIS UNE IMPOSITION INTERIEURE AU SENS DE L ' ARTICLE 95 DU TRAITE , SI ELLE RELEVE D ' UN REGIME GENERAL DE REDEVANCES INTERIEURES APPREHENDANT SYSTEMATIQUEMENT DES CATEGORIES DE PRODUITS SELON DES CRITERES OBJECTIFS APPLIQUES INDEPENDAMMENT DE L ' ORIGINE DES PRODUITS . »

De l’autre côté, nous rappelons, qu’il n’est pas exclu non plus, qu’une taxe qui frappe produits domestiques et importés, soit tout de même admise comme une TEE si le produit de la taxation alimente la production nationale. Toutefois, comme l’arrêt IGAV [aff. 94/74, Rec. (1975) 699] il ne peut jamais être le cas qu’une mesure fiscale soit simultanément admise comme TEE et comme imposition intérieure (atts. 13-18) :

« QU ' UNE MEME IMPOSITION NE SAURAIT , DANS LE SYSTEME DU TRAITE , APPARTENIR SIMULTANEMENT AUX DEUX CATEGORIES MENTIONNEES , ETANT DONNE QUE LES TAXES VISEES PAR L ' ARTICLE 13 , PARAGRAPHE 2 , DOIVENT ETRE PUREMENT ET SIMPLEMENT SUPPRIMEES ALORS QUE , POUR L ' APPLICATION DES IMPOSITIONS INTERIEURES , L ' ARTICLE 95 PREVOIT SEULEMENT L ' ELIMINATION DE TOUTE FORME DE DISCRIMINATION , DIRECTE OU INDIRECTE , DANS LE TRAITEMENT DES PRODUITS NATIONAUX D ' UN ETAT MEMBRE ET DES PRODUITS ORIGINAIRES DES AUTRES ETATS MEMBRES;

QUE NE SONT PAS A CONSIDERER COMME TAXES D ' EFFET EQUIVALENT LES CHARGES PECUNIAIRES RELEVANT D ' UN REGIME GENERAL DE REDEVANCES INTERIEURES APPREHENDANT SYSTEMATIQUEMENT LES PRODUITS NATIONAUX ET LES PRODUITS IMPORTES SELON LES MEMES CRITERES;

QU ' IL EN SERAIT CEPENDANT AUTREMENT SI UNE TELLE CONTRIBUTION LIMITEE A DES PRODUITS DETERMINES ETAIT EXCLUSIVEMENT DESTINEE A ALIMENTER DES ACTIVITES QUI PROFITENT SPECIFIQUEMENT AUX PRODUITS NATIONAUX IMPOSES , DE MANIERE QUE LA CHARGE FISCALE INCOMBANT A CES DERNIERS SERAIT PARTIELLEMENT OU TOTALEMENT COMPENSEE;

QU ' UN TEL MECANISME FISCAL N ' AURAIT , EN EFFET , D ' UN REGIME D ' IMPOSITIONS INTERIEURES QUE L ' APPARENCE ET POURRAIT DES LORS , EN RAISON DE SON CARACTERE PROTECTEUR , ETRE QUALIFIE DE TAXE D ' EFFET EQUIVALANT A DES DROITS DE DOUANE , DE SORTE QUE LA PROHIBITION DE L ' ARTICLE 13 , ALINEA 2 , SERAIT APPLICABLE;
QU ' UNE TELLE QUALIFICATION SUPPOSERAIT CEPENDANT QU ' IL Y EUT UNE CORRESPONDANCE CLAIREMENT ETABLIE ENTRE , D ' UNE PART , LA PERCEPTION D ' UNE CONTRIBUTION FISCALE PRELEVEE INDISTINCTEMENT SUR LES PRODUITS CONCERNES , NATIONAUX OU IMPORTES , ET , D ' AUTRE PART , L ' AVANTAGE ASSURE , AU MOYEN DE RESSOURCES PROVENANT DE LA MEME CONTRIBUTION , AUX SEULS PRODUITS NATIONAUX;

QU ' IL Y A DONC LIEU DE REPONDRE A LA PREMIERE QUESTION QU ' UNE CONTRIBUTION RELEVANT D ' UN REGIME GENERAL DE REDEVANCES INTERIEURES , APPREHENDANT SYSTEMATIQUEMENT LES PRODUITS NATIONAUX ET LES PRODUITS IMPORTES SELON LES MEMES CRITERES , PEUT NEANMOINS CONSTITUER UNE TAXE D ' EFFET EQUIVALANT A UN DROIT DE DOUANE A L ' IMPORTATION , LORSQUE CETTE CONTRIBUTION EST EXCLUSIVEMENT DESTINEE A ALIMENTER DES ACTIVITES QUI PROFITENT SPECIFIQUEMENT AU PRODUIT NATIONAL APPREHENDE. »


4.2.1.2 Une interprétation large du terme ‘imposition intérieure’

La Cour a à plusieurs reprises démontré sa volonté de construire le terme ‘imposition intérieure’ de façon large. Dans son arrêt Steinike et Weinlig [aff. 78/76, Rec. (1977) 595], la Cour accepte la thèse selon laquelle les impositions para-fiscales n’échappent pas aux disciplines de l’art. 90 TCE (att. 30) :

« ATTENDU QUE NE SONT PAS A CONSIDERER COMME TAXES D ' EFFET EQUIVALENT LES CHARGES PECUNIAIRES RELEVANT D ' UN REGIME GENERAL DE REDEVANCES INTERIEURES APPREHENDANT SYSTEMATIQUEMENT DES PRODUITS NATIONAUX ET DES PRODUITS IMPORTES SELON LES MEMES CRITERES;
QUE CETTE SITUATION PEUT SE REALISER MEME DANS LE CAS OU IL S ' AGIT D ' UN PRODUIT IMPORTE QUI NE RENCONTRE PAS DE PRODUCTION NATIONALE SIMILAIRE DU MOMENT QUE LA CHARGE FRAPPE DES CATEGORIES ENTIERES DE PRODUITS NATIONAUX OU ETRANGERS QUI SE TROUVENT TOUS PLACES DANS UNE SITUATION COMPARABLE QUELLE QUE SOIT LEUR ORIGINE ;
QU ' EN EFFET L ' ARTICLE 95 A POUR OBJET D ' ELIMINER LES DISCRIMINATIONS , DIRECTES OU INDIRECTES , A L ' EGARD DES PRODUITS IMPORTES MAIS NON DE PLACER CEUX-CI DANS UNE SITUATION FISCALE PRIVILEGIEE PAR RAPPORT AUX PRODUITS NATIONAUX;
QUE LA DISCRIMINATION INTERDITE PAR L ' ARTICLE 95 SERA NORMALEMENT ABSENTE LORSQU ' UNE IMPOSITION INTERIEURE FRAPPE LES PRODUITS NATIONAUX ET LES PRODUITS ANTERIEUREMENT IMPORTES A L ' OCCASION DE LEUR TRANSFORMATION EN PRODUITS PLUS ELABORES SANS QU ' IL Y AIT DE DIFFERENCE , A RAISON DE LEUR PROVENANCE , ENTRE LES UNS ET LES AUTRES NI DANS LE TAUX , NI DANS L ' ASSIETTE , NI DANS LES MODALITES DE PERCEPTION. »

Dans ses arrêt Molkerei [aff. 28/67, Rec. (1968) 211] et Schöttle [aff. 20/76, Rec. (1977) 247], la Cour fait entrer dans le champ d’application de l’art. 90 TCE des impositions indirectes. Nous citons les atts. 11-16 du deuxième arrêt où la Cour a assujetti au régime de l’art. 90 TCE une taxe perçue sur le transport des marchandises :

« ATTENDU QUE PAR LA PREMIERE QUESTION IL EST DEMANDE SI ' UNE TAXE PERCUE SUR LES TRANSPORTS DE MARCHANDISES PAR ROUTE , EN FONCTION DE LA DISTANCE PARCOURUE SUR LE TERRITOIRE NATIONAL , CONSTITUE UNE IMPOSITION QUI FRAPPE DES PRODUITS AU SENS DE L ' ARTICLE 95 DU TRAITE CEE?'
ATTENDU QUE L ' ARTICLE 95 , PARAGRAPHE 1 PREVOIT QU ' AUCUN ETAT MEMBRE NE FRAPPE DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT LES PRODUITS DES AUTRES ETATS MEMBRES D ' IMPOSITIONS INTERIEURES DE QUELQUE NATURE QU'ELLES SOIENT, SUPERIEURES A CELLES QUI FRAPPENT DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT LES PRODUITS NATIONAUX SIMILAIRES;

QU ' AINSI L ' ARTICLE 95 A POUR OBJET D ' ECARTER LES RESTRICTIONS DEGUISEES A LA LIBRE CIRCULATION DE MARCHANDISES QUI PEUVENT RESULTER DES DISPOSITIONS FISCALES D ' UN ETAT MEMBRE;

QUE , COMPTE TENU DE L ' ECONOMIE GENERALE ET DES OBJECTIFS DE LADITE DISPOSITION , LA NOTION D ' IMPOSITION FRAPPANT UN PRODUIT DOIT ETRE INTERPRETEE DANS UN SENS LARGE;

QUE DE TELLES RESTRICTIONS PEUVENT RESULTER D ' UNE TAXE QUI COMPENSE EN REALITE DES TAXES QUI SONT IMPOSEES SUR L ' ACTIVITE DE L ' ENTREPRISE ET NON PAS SUR LES PRODUITS EN TANT QUE TELS ; QUE CE PROBLEME NE SE POSE PAS LORSQU ' IL S ' AGIT D ' IMPOSER LE PRODUIT NATIONAL ET LE PRODUIT IMPORTE AU MEME MOMENT EN FONCTION D ' UNE ACTIVITE DETERMINEE , PAR EXEMPLE L ' UTILISATION DES ROUTES NATIONALES;

QUE CEPENDANT UNE TELLE TAXE , SE REPERCUTANT IMMEDIATEMENT SUR LE COUT DU PRODUIT NATIONAL ET IMPORTE , DOIT EN VERTU DE ' ARTICLE 95 ETRE APPLIQUEE D ' UNE MANIERE NON DISCRIMINATOIRE SUR LES PRODUITS IMPORTES;

QU ' IL FAUT , DES LORS , REPRONDRE AU JUGE NATIONAL QUE PAR IMPOSITION ' QUI FRAPPE INDIRECTEMENT LES PRODUITS ' AU SENS DE L ' ARTICLE 95 DU TRAITE CEE , IL FAUT EGALEMENT ENTENDRE UNE TAXE QUI EST PERCUE SUR LES TRANSPORTS INTERNATIONAUX DE MARCHANDISES PAR ROUTE EN FONCTION DE LA DISTANCE PARCOURUE SUR LE TERRITOIRE NATIONAL ET LE POIDS DES MARCHANDISES EN CAUSE. »

La Cour a explicitement privilégié une interprétation large de l’art. 90 dans son jugement Bergandi [aff. 252/86, Rec. (1988) 1343] où elle a soumis à l’art. 90 TCE une mesure nationale qui frappait l’utilisation des produits importés (atts. 25-27) :

« LA COUR A ADMIS DANS LES MEMES ARRETS QUE L' ARTICLE 95 DU TRAITE CEE DOIT RECEVOIR UNE INTERPRETATION LARGE, DE MANIERE A PERMETTRE D' APPREHENDER TOUS LES PROCEDES FISCAUX QUI PORTERAIENT ATTEINTE, QUE CE SOIT DE FACON DIRECTE OU INDIRECTE, A L' EGALITE DE TRAITEMENT ENTRE LES PRODUITS NATIONAUX ET LES PRODUITS IMPORTES . L' INTERDICTION PORTEE PAR CET ARTICLE DOIT AINSI S' APPLIQUER TOUTES LES FOIS QU' UNE IMPOSITION FISCALE EST DE NATURE A DECOURAGER L' IMPORTATION DE BIENS ORIGINAIRES D' AUTRES ETATS MEMBRES AU PROFIT DE PRODUCTIONS NATIONALES.

SI UNE TELLE SITUATION PEUT SE PRESENTER A PROPOS D' IMPOSITIONS FRAPPANT DIRECTEMENT LES PRODUITS IMPORTES, IL NE SAURAIT ETRE EXCLU QU' ELLE PUISSE SE PRESENTER EGALEMENT DANS L' HYPOTHESE D' IMPOSITIONS INTERIEURES FRAPPANT L' UTILISATION QUI EST FAITE DES PRODUITS IMPORTES, LORSQUE CES DERNIERS SONT ESSENTIELLEMENT DESTINES A CETTE UTILISATION ET NE SONT IMPORTES QU' EN VUE DE CELLE-CI.
IL Y A DES LORS LIEU DE REPONDRE A LA PREMIERE PARTIE DE LA CINQUIEME QUESTION QUE L' ARTICLE 95 DU TRAITE CEE S' APPLIQUE EGALEMENT AUX IMPOSITIONS INTERIEURES QUI FRAPPENT L' UTILISATION DES PRODUITS IMPORTES LORSQUE CES DERNIERS SONT ESSENTIELLEMENT DESTINES A CETTE UTILISATION ET NE SONT IMPORTES QU' EN VUE DE CELLE-CI . »


4.2.1.3 Deux critères pertinents : discrimination en fonction de l’origine et en fonction de la destination des produits

L’art. 90 TCE n’interdit pas seulement les impositions intérieures qui sont discriminatoires en fonction de l’origine des produits en cause (par exemple, taux de TVA 10% pour les voitures domestiques, mais 20% pour les voitures importées). Il vise également les impositions intérieures qui sont discriminatoires en fonction de la destination des produits (par exemple, taux de TVA 10% si la voiture est vendue sur le marché national, mais 20% si elle est vendue sur un marché d’exportation). La raison d’être de cette construction réside dans l'idée que les Etats membres ne doivent pas utiliser les impositions intérieures pour segmenter leur marché national du reste du marché de la CE. De nouveau, la jurisprudence de la Cour dans cette perspective, est une démonstration de sa volonté de construire les dispositions du Traité dans une perspective téléologique, c’est-à-dire, en mettant l’accent davantage sur le but ultime du TCE qui est l’intégration du marché.

Dans Statens Kontrol [142/77 Rec. (1978) 1543] la Cour (en symétrie avec 28, 29 TCE), interdit la taxation discriminatoire en fonction de la destination des produits (atts. 25-27) :

« QU'IL SERAIT, EN EFFET, INCOMPATIBLE AVEC LE SYSTEME DES DISPOSITIONS FISCALES DU TRAITE D ' ADMETTRE QUE LES ETATS MEMBRES, A DEFAUT DE PROHIBITION EXPRESSE DANS LE TRAITE, AURAIENT LA LIBERTE D ' APPLIQUER DE MANIERE DISCRIMINATOIRE UN REGIME D ' IMPOSITIONS INTERIEURES A L ' EGARD DE PRODUITS DESTINES A L ' EXPORTATION VERS D ' AUTRES ETATS MEMBRES;

QUE , S'IL EST VRAI QU'EN REGLE GENERALE , LES ETATS N'ONT PAS INTERET A FREINER LEURS EXPORTATIONS PAR DES MESURES DE CE GENRE, ON NE PEUT PAS CEPENDANT EXCLURE L ' HYPOTHESE DE TELLES DISCRIMINATIONS DANS DES CAS TELS QUE L'EXPORTATION DE PRODUITS RARES , PARTICULIEREMENT PRECIEUX OU SPECIALEMENT RECHERCHES;
QU'IL CONVIENT DONC DE RETENIR - AINSI QUE LA COUR L'A DEJA INDIQUE DANS SON ARRET DU 23 JANVIER 1975 ( VAN DER HULST , 51/74 , RECUEIL P . 79 , ATTENDU 34 ) - QUE L ' ARTICLE 95 , VU EN CONNEXION AVEC LES AUTRES DISPOSITIONS FISCALES DU TRAITE, DOIT ETRE INTERPRETE COMME PROHIBANT EGALEMENT TOUTE DISCRIMINATION FISCALE AU REGARD DE PRODUITS DESTINES A L'EXPORTATION VERS D'AUTRES ETATS MEMBRES . »


4.2.2 L’application ratione personae

La lettre de l’art. 90 et s. TCE ne laisse aucun doute sur le fait que ce sont uniquement les Etats membres de la CE qui sont visées par les obligations en matière d’impositions intérieures.


4.3 La raison d’être de l’art. 90 TCE

Les arts. 90 et s. TCE ont une triple fonction : d’un côté ils visent à assurer que les Etats membres n’accorderont aucun avantage à leur production nationale par le biais d’impositions intérieures. Comme nous l’avons indiqué plus haut, en l’absence d’harmonisation fiscale au plan communautaire, cette disposition est nécessaire pour assurer la neutralité fiscale en la matière. D'un autre côté, les art. 90 et s. TCE, en interdisant la favorisation du marché domestique, contribuent à l’intégration du marché communautaire. Finalement, en assurant la neutralité fiscale par rapport à l’origine et à la destination du produit, l’art. 90 et s. TCE facilitent la réalisation des autres libertés (voir les exemples concrets sous 4.3.3).

4.3.1 La neutralité fiscale

En principe, l'on aurait, d'un côté, pu imaginer que les pères fondateurs écrivent un contrat complet, dans le sens qu’ils énumèrent les impositions intérieures qui seront, selon eux, utilisées dans le futur. Pour les raisons que nous verrons ci-dessous dans le cadre de l’analyse de l’art. 28 TCE, un tel scénario n’est pas réaliste. D’un autre côté, une renégociation continue du contrat (TCE) aurait pu nous mener au même résultat (contrat complet). Toutefois, les coûts d’une telle négociation et le risque de non-accord sont deux bons arguments en faveur de la solution privilégiée : un contrat incomplet qui n’implique qu’un principe (non-discrimination, neutralité fiscale) et l’accord ex ante entre les partenaires de se soumettre à la juridiction obligatoire des cours communautaires pour la résolution des conflits qui émanent de ce domaine.

Dans son arrêt Steinike et Weinlig [aff. 78/76, Rec. (1977) 595], la Cour dans son attendu 30 a expliqué de façon pertinente le concept de neutralité fiscale, c’est-à-dire, la quintessence de l’art. 90 TCE, de la façon suivante :

« ATTENDU QUE NE SONT PAS A CONSIDERER COMME TAXES D ' EFFET EQUIVALENT LES CHARGES PECUNIAIRES RELEVANT D ' UN REGIME GENERAL DE REDEVANCES INTERIEURES APPREHENDANT SYSTEMATIQUEMENT DES PRODUITS NATIONAUX ET DES PRODUITS IMPORTES SELON LES MEMES CRITERES;
QUE CETTE SITUATION PEUT SE REALISER MEME DANS LE CAS OU IL S ' AGIT D ' UN PRODUIT IMPORTE QUI NE RENCONTRE PAS DE PRODUCTION NATIONALE SIMILAIRE DU MOMENT QUE LA CHARGE FRAPPE DES CATEGORIES ENTIERES DE PRODUITS NATIONAUX OU ETRANGERS QUI SE TROUVENT TOUS PLACES DANS UNE SITUATION COMPARABLE QUELLE QUE SOIT LEUR ORIGINE;
QU ' EN EFFET L ' ARTICLE 95 A POUR OBJET D ' ELIMINER LES DISCRIMINATIONS , DIRECTES OU INDIRECTES , A L ' EGARD DES PRODUITS IMPORTES MAIS NON DE PLACER CEUX-CI DANS UNE SITUATION FISCALE PRIVILEGIEE PAR RAPPORT AUX PRODUITS NATIONAUX ; QUE LA DISCRIMINATION INTERDITE PAR L ' ARTICLE 95 SERA NORMALEMENT ABSENTE LORSQU ' UNE IMPOSITION INTERIEURE FRAPPE LES PRODUITS NATIONAUX ET LES PRODUITS ANTERIEUREMENT IMPORTES A L ' OCCASION DE LEUR TRANSFORMATION EN PRODUITS PLUS ELABORES SANS QU ' IL Y AIT DE DIFFERENCE , A RAISON DE LEUR PROVENANCE , ENTRE LES UNS ET LES AUTRES NI DANS LE TAUX , NI DANS L ' ASSIETTE , NI DANS LES MODALITES DE PERCEPTION. »

De façon peut être moins élaborée, mais plus explicite, la Cour déclare dans son jugement Commission c. Italie [aff. 323/87, Rec. (1989) 2275] que c’est la neutralité fiscale qui est visé par l’art. 90 TCE :

« Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que l' article 95, dans son ensemble, a pour but d' assurer la libre circulation des marchandises entre les États membres dans des conditions normales de concurrence, par l' élimination de toutes formes de protection pouvant résulter de l' application d' impositions intérieures discriminatoires à l' égard de produits des autres États membres, et de garantir la parfaite neutralité des impositions intérieures au regard de la concurrence entre produits nationaux et produits importés. »
Suivant la même logique, dans son arrêt Denkavit [aff. 132/78, Rec. (1979) 1923], la Cour a répété qu’une taxe domestique qui est appliquée systématiquement et selon les mêmes critères aux produits domestiques et étrangers échappe à la sanction. Il faut déjà payer attention au fait que la neutralité fiscale n’est applicable qu’entre produits qui se trouvent dans une situation comparable.

Comme nous le verrons plus loin, la comparabilité entre produits domestiques et étrangers est acquise lors de la démonstration d’une situation concurrentielle entre les deux catégories de produits. Sinon, l'on devrait comprendre l’art. 90 TCE comme un instrument d’harmonisation fiscale, ce qu'il n’est pas vu l’absence de transfert de souveraineté de la part des Etats membres au profit de l’Union européenne à cet égard.

Ce principe est davantage mis en évidence par l’art. 91 (ex-96 TCE) qui interdit les ristournes au bénéfice des produits exportés au-delà du montant qui leur avait été imposé. Une ristourne allant au-delà de l’imposition perçue confère un avantage au produit qui en bénéficie. Dans l’arrêt Commission c. Italie [aff. 45/64, Rec. (1969) 433], la Cour a clarifié ce point de la façon suivante (atts. 10-12) :

« QU'IL RESULTE DES ELEMENTS DE PREUVE FOURNIS PAR LE GOUVERNEMENT ITALIEN , COMPTE TENU DES OBSERVATIONS CRITIQUES FORMULEES PAR LA COMMISSION , QUE SI , DANS CERTAINS CAS , LE MONTANT DES RISTOURNES NE DEPASSE PAS LE MONTANT DES IMPOSITIONS VISEES PAR L ' ARTICLE 96 , LE SYSTEME LEGAL ITALIEN ABOUTIT DANS D ' AUTRES CAS A DES RESTITUTIONS EXCEDANT LEDIT MONTANT;
QU ' IL APPARAIT DONC QUE LE SYSTEME INSTITUE PAR LA LEGISLATION ITALIENNE NE DONNE PAS LA GARANTIE QUE LES RISTOURNES RESTENT EN TOUS LES CAS DANS LES LIMITES FIXEES PAR L ' ARTICLE 96;
QUE , DANS CES CONDITIONS , ET COMPTE TENU DE L ' INCERTITUDE CREEE PAR LA PRESENCE DANS LES CALCULS D ' ELEMENTS QUI ECHAPPENT A L ' APPRECIATION DE LA COUR DANS LE CADRE DU PRESENT LITIGE , IL INCOMBE AU GOUVERNEMENT ITALIEN , EN COOPERATION AVEC LA COMMISSION , DE PRENDRE LES MESURES NECESSAIRES EN VUE D ' ASSURER LA MISE EN CONFORMITE , AVEC LES EXIGENCES DU TRAITE , DU REGIME DES RESTITUTIONS QUI FORMENT L ' OBJET DU LITIGE. »

Le complément de la jurisprudence susmentionnée est l’arrêt Schul [aff. 15/81, Rec. (1982) 1409]. Ici la Cour a expliqué que l’Etat membre d’importation peut valablement imposer aux produits importés la différence du taux de la TVA entre le niveau imposable au pays d’exportation et celui du pays d’importation. Cette éventualité présuppose une différence des taux de TVA entre les deux pays où la transaction a lieu, une hypothèse assez réaliste vu l’absence d’harmonisation fiscale parmi les pays de l’Union européenne. La Cour a effectivement répondu aux arguments des parties concernant la difficulté d’établir la vraie différence entre les deux taux ; en allouant le fardeau de la preuve de façon stratégique, la Cour explique que, par exemple, si le produit exporté a payé une TVA plus lourde que celle du pays de sa consommation finale, il appartient aux opérateurs concernés d’en fournir la preuve. Finalement, selon la Cour, même si cette solution implique le principe que c’est le pays de destination finale qui devient ainsi l’ultime arbitre pour le taux imposé (une solution qui normalement devrait être le privilège législatif et non pas une solution judiciaire), elle est la solution appropriée afin d’honorer la finalité de l’art. 90 TCE qui sanctionne la neutralité fiscale (atts. 31-38):

« IL CONVIENT DE CONSTATER QU ' AU STADE ACTUEL DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES ETATS MEMBRES SONT LIBRES , EN APPLICATION DE L ' ARTICLE 95 , DE COMPENSER A L ' OCCASION DE L ' IMPORTATION DE PRODUITS LA TVA QU ' ILS PERCOIVENT SUR LES PRODUITS NATIONAUX SIMILAIRES . TOUTEFOIS , UNE TELLE COMPENSATION N ' EST JUSTIFIEE QUE DANS LA MESURE OU LES PRODUITS IMPORTES NE SUPPORTENT PAS DEJA UNE CHARGE DE LA TVA DANS L ' ETAT MEMBRE D ' EXPORTATION , ETANT DONNE QU ' AUTREMENT LA TAXATION A L ' IMPORTATION SE REVELERAIT EN REALITE COMME UNE CHARGE SUPPLEMENTAIRE QUI GREVERAIT LES PRODUITS IMPORTES PLUS LOURDEMENT QUE LES PRODUITS NATIONAUX SIMILAIRES.
CETTE CONCEPTION SE DEGAGE EN PREMIER LIEU DES TERMES DE L ' ARTICLE 95 DU TRAITE , LEQUEL INTERDIT DE FRAPPER , NON SEULEMENT DIRECTEMENT MAIS ENCORE INDIRECTEMENT , LES PRODUITS DES AUTRES ETATS MEMBRES D ' IMPOSITIONS INTERIEURES SUPERIEURES A CELLES QUI FRAPPENT LES PRODUITS NATIONAUX SIMILAIRES . CETTE INTERDICTION NE SERAIT PAS RESPECTEE SI LES PRODUITS IMPORTES POUVAIENT ETRE SOUMIS A LA TVA APPLICABLE AUX PRODUITS NATIONAUX SIMILAIRES SANS QU ' IL SOIT TENU COMPTE DE LA PART DE LA TVA QUI GREVE ENCORE CES PRODUITS AU MOMENT DE L ' IMPORTATION.

UNE TELLE INTERPRETATION CORRESPOND A LA NECESSITE DE TENIR COMPTE DES FINALITES DU TRAITE , TELLES QU ' ENONCEES AUX ARTICLES 2 ET 3 DU TRAITE , PARMI LESQUELLES FIGURE , EN PREMIER LIEU , L ' ETABLISSEMENT D ' UN MARCHE COMMUN . LA NOTION DE MARCHE COMMUN TELLE QUE LA COUR L ' A DEGAGEE DANS UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE , VISE A L ' ELIMINATION DE TOUTES LES ENTRAVES AUX ECHANGES INTRACOMMUNAUTAIRES EN VUE DE LA FUSION DES MARCHES NATIONAUX DANS UN MARCHE UNIQUE REALISANT DES CONDITIONS AUSSI PROCHES QUE POSSIBLE DE CELLES D ' UN VERITABLE MARCHE INTERIEUR . IL IMPORTE QUE LES AVANTAGES DE CE MARCHE SOIENT ASSURES , EN DEHORS DU COMMERCE PROFESSIONNEL, EGALEMENT AUX PARTICULIERS QUI SONT DANS LE CAS DE POURSUIVRE DES OPERATIONS ECONOMIQUES AU-DELA DES FRONTIERES NATIONALES .
PAR VOIE DE CONSEQUENCE , IL CONVIENT , EN VUE D ' APPRECIER LA COMPATIBILITE , AVEC LES EXIGENCES DE L ' ARTICLE 95 , D ' UNE IMPOSITION DE LA TVA AUX PRODUITS EN PROVENANCE D ' UN AUTRE ETAT MEMBRE LIVRES PAR DES PARTICULIERS , DANS LA MESURE OU LA LIVRAISON DE PRODUITS SIMILAIRES EFFECTUEE PAR DES PARTICULIERS A L ' INTERIEUR DE L ' ETAT MEMBRE D ' IMPORTATION N ' EST PAS IMPOSEE , DE PRENDRE EGALEMENT EN CONSIDERATION LA TVA PERCUE DANS L ' ETAT MEMBRE D ' EXPORTATION . PARTANT , DANS LA MESURE OU UN TEL PRODUIT IMPORTE LIVRE PAR UN PARTICULIER , ET NE POUVANT PAS LEGALEMENT ETRE DEGREVE A L ' OCCASION DE L ' EXPORTATION , RESTE EFFECTIVEMENT GREVE , AU MOMENT DE SON IMPORTATION , D ' UNE PARTIE DE LA TVA ACQUITTEE DANS L ' ETAT MEMBRE D ' EXPORTATION , LE MONTANT DE LA TVA EXIGIBLE A L ' OCCASION DE L ' IMPORTATION DOIT ETRE DIMINUE DE LA PART RESIDUELLE DE LA TVA DE L ' ETAT MEMBRE D ' EXPORTATION QUI EST ENCORE INCORPOREE DANS LA VALEUR DU PRODUIT AU MOMENT DE SON IMPORTATION . LE MONTANT VENANT AINSI EN DIMINUTION NE PEUT TOUTEFOIS PAS ETRE SUPERIEUR AU MONTANT DE LA TVA EFFECTIVEMENT ACQUITTE DANS L ' ETAT MEMBRE D ' EXPORTATION.
LES ETATS MEMBRES , PARTIES A L ' INSTANCE , ONT OBJECTE A CETTE INTERPRETATION QUE LA TVA ACQUITTEE DANS L ' ETAT MEMBRE D ' EXPORTATION EST DIFFICILE A VERIFIER , ETANT DONNE QUE TANT LE TAUX DE LA TVA QUE SON ASSIETTE ONT PU VARIER DANS LE TEMPS.
SOUS CE RAPPORT , IL CONVIENT DE RELEVER QU ' IL APPARTIENT A CELUI QUI DEMANDE LA SUPPRESSION OU LA REDUCTION DE LA TVA NORMALEMENT PERCUE A L ' OCCASION DE L ' IMPORTATION D ' ETABLIR QUE LES CONDITIONS POUR EN BENEFICIER SONT REMPLIES . DES LORS , IL EST LOISIBLE A L ' ETAT MEMBRE D ' IMPORTATION D ' EXIGER D ' UN TEL IMPORTATEUR DE FOURNIR LES DOCUMENTS NECESSAIRES PROUVANT LA TVA PERCUE DANS L ' ETAT MEMBRE D ' EXPORTATION ET QUI GREVE ENCORE LE PRODUIT AU MOMENT DE L ' IMPORTATION.
EN OUTRE , LES ETATS MEMBRES ONT SOUTENU QUE L ' ETABLISSEMENT D ' UN REGIME ASSURANT LA PARFAITE NEUTRALITE DES IMPOSITIONS INTERIEURES AU REGARD DES ECHANGES INTRACOMMUNAUTAIRES NE POUVAIT SE FAIRE QUE PAR UNE APPLICATION STRICTE DU PRINCIPE DE LA TAXATION DANS L ' ETAT MEMBRE DE DESTINATION , APPLICATION QUI PRESUPPOSERAIT LE DEGREVEMENT COMPLET DE TOUS LES PRODUITS A L ' EXPORTATION . OR , L ' ADOPTION D ' UNE TELLE SOLUTION IMPLIQUANT UN CHOIX POLITIQUE APPARTIENDRAIT AUX INSTITUTIONS POLITIQUES DE LA COMMUNAUTE.
TOUTEFOIS, SI LA MISE EN PLACE D ' UN REGIME DE PARFAITE NEUTRALITE CONCURRENTIELLE COMPORTANT LE DEGREVEMENT COMPLET A L ' EXPORTATION APPARTIENT EN EFFET AU LEGISLATEUR COMMUNAUTAIRE , L ' ARTICLE 95 DU TRAITE S ' OPPOSE , AUSSI LONGTEMPS QU ' UN TEL REGIME N ' EST PAS INSTAURE , A CE QU ' UN ETAT MEMBRE D ' IMPORTATION APPLIQUE SON REGIME DE TVA AUX PRODUITS IMPORTES D ' UNE MANIERE CONTRAIRE AUX PRINCIPES DE CETTE DISPOSITION. »

La preuve n’est pas toujours aisée. Le manque de transparence, la taxation à des niveaux différents entre les deux pays sont parmi les causes souvent mentionnées pour expliquer les problèmes rencontrés dans la pratique. Il n’est pas exclu que les parties intéressées aient recours à des expertises et des contre-expertises afin de résoudre leurs divergences. De telles expertises sont éventuellement soumises devant la Cour qui apprécie en dernier lieu la situation. Un bel exemple est offert par l’arrêt Commission c. Belgique [C-153/89, Rec. (1991) I-3171]. Dans ce cas, la Cour a dû faire face à une expertise et à une contre-expertise (atts. 13-22) :

« Il en résulte que le système de taxation litigieux ne peut être considéré comme compatible avec l' article 95, premier alinéa, que s' il est établi qu' il est aménagé de façon à exclure en toute hypothèse que la bière importée soit taxée plus lourdement que la bière nationale.

Pour vérifier si cette condition est remplie, la charge fiscale qui frappe la bière importée, sur la base du taux de perte de moût chaud établi de façon forfaitaire, doit être comparée avec la charge fiscale la plus réduite effectivement supportée par la bière nationale, charge qui ne peut être déterminée qu' en se fondant sur le taux de perte de la brasserie nationale la plus performante.

L' application des critères dégagés ci-avant aux faits de l' espèce amène la Cour à constater que le système belge n' est pas aménagé de façon à exclure, en toute hypothèse, que la bière importée soit taxée plus lourdement que la bière nationale .
En effet, compte tenu du défaut de transparence du système de taxation en cause, il incombait au gouvernement défendeur d' apporter la preuve que ce système ne comporte, en aucun cas, des effets discriminatoires.

Les rapports d' expertise que la Commission a produits - un rapport du professeur Dalgliesh et deux rapports du professeur Narziss - font apparaître qu' il n' est pas possible d' établir un chiffre absolu susceptible de rendre compte des taux de perte encourus lors de la fabrication de la bière dans les différentes brasseries et les différents pays . Le professeur Dalgliesh affirme que, "s' il faut, pour des raisons de commodité administrative, une valeur unique représentative d' une bonne méthode de fabrication dans une brasserie moderne raisonnablement bien équipée, le chiffre de 5 % serait généreux et celui de 4 % ne serait pas trop bas ". Le premier rapport du professeur Narziss conclut qu' il se peut qu' une brasserie moyenne atteigne un chiffre de 5 % pour de la bière ordinaire, mais cette valeur pourrait être légèrement réduite, bien que cela suppose d' importants perfectionnements techniques.

Dans son second rapport, le professeur Narziss indique, pour les différentes phases de la production, différents taux entre lesquels fluctuent les pertes des brasseries . De l' addition des moyennes de ces chiffres pour chaque phase de la production, résulte un chiffre de pertes, pour une brasserie moyenne, de 7,35 % pour les bières livrées à l' intérieur du pays et de 7,95 % pour les bières destinées à l' exportation . A partir de ces taux centraux, on peut, toujours selon le professeur Narziss, constater des divergences de 1,5 % vers le haut ou vers le bas . Cependant, l' addition des chiffres moyens les plus bas pour chaque phase de production fait apparaître un chiffre de 4,25 %.
La Belgique fait valoir deux rapports différents . Le premier rapport, produit par le Centre technique et scientifique de la brasserie, de la malterie et des industries connexes, conclut à ce qu' un pourcentage minimal de pertes de 10 % est plus que raisonnable étant donné les particularités de l' industrie brassicole belge . Le second rapport, produit par le Dr Wittmann, et fondé sur l' étude de quatre brasseries qui représentent 70 % de la production belge, conclut qu' un coefficient de pertes de 10,25 % peut être considéré comme approprié pour l' industrie du Benelux . Cependant, l' addition des chiffres moyens les plus bas fournis par la Belgique fait apparaître un chiffre de 6,5 %.

Il résulte des rapports d' expertise produits par la Commission que le taux de perte de 4,7619 % retenu forfaitairement en vue de la taxation des bières importées ne saurait être considéré comme le taux de perte le plus bas susceptible d' être atteint par les brasseries belges les plus performantes . Cette conclusion n' est pas contredite par les rapports produits par la Belgique, qui n' examinent pas la question du niveau minimal de perte pouvant être atteint par une brasserie belge particulièrement performante.

Dans ces conditions, en l' absence de preuve contraire apportée par le gouvernement défendeur, il y a lieu de considérer comme établi que certaines brasseries belges peuvent atteindre un taux de perte inférieur à 4,7619 %.

Il résulte de ce qui précède que, en ce qui concerne la violation de l' article 95, le recours est fondé. »

Pour faciliter le déroulement des transactions, la Commission a souvent eu recours à des explications offertes par exemple par le biais des Communications (telle, par exemple, la Communication sur les arrêts de la Cour Schul, où la Commission explique son appréciation des jugements, JO C 13/2 du 21.1.1986, pp. 2-4 ; ou même à l’adoption des textes législatifs de portée générale, telle la Dir. 94/5 du 14.2.1994 sur les biens d’occasion). Des problèmes continuent évidemment à persister, par exemple dans le domaine de la taxation des voitures, où il y a encore des divergences notables entre les niveaux de taxation nationale. Du point de vue purement juridique, en l'absence d’harmonisation fiscale, rien n’empêche l’existence de pareilles divergences, pourvu que la neutralité fiscale soit respectée. Le fonctionnement du marché communautaire en souffre tout de même pour les raisons évoquées ci-dessus. La Commission dans une Communication [COM (2002) 431 final du 6.9.2002] recommande une série d’actions qu’elle envisage tant au niveau national que communautaire.

Il ressort de la discussion, que la neutralité fiscale est probablement un principe ‘intermédiaire’. L’objectif final est l’intégration du marché. S’il s’avère que la neutralité fiscale n’est pas le moyen approprié pour y arriver, il sera (il est) mis en question et l’Union européenne envisagera d’autres moyens pour parvenir à son objectif final.

4.3.2 L’intégration du marché communautaire

Comme nous l’avons soutenu plus haut, par sa jurisprudence Statens Kontrol [142/77 Rec. (1978) 1543] la Cour (en symétrie avec 28, 29 TCE), interdit la taxation discriminatoire en fonction de la destination des produits.

4.3.3 La facilitation des autres libertés

La fiscalité influence bien sûr (directement ou indirectement) l’exercice des autres libertés fondamentales. Par exemple, la libre circulation des services ou d’établissement sont influencées par le régime fiscal imposable aux voitures dont l’intéressé a besoin pour accomplir ses tâches. La Cour, dans sa jurisprudence Ledoux [aff. 127/86, Rec. (1988) 3741] l'a reconnu (atts. 9-20) :

« LA SIXIEME DIRECTIVE PREVOIT, DANS SON ARTICLE 14, PARAGRAPHE 1, QUE, SANS PREJUDICE D'AUTRES DISPOSITIONS COMMUNAUTAIRES, LES ETATS MEMBRES EXONERENT, DANS DES CONDITIONS QU'ILS FIXENT EN VUE D'ASSURER L'APPLICATION CORRECTE ET SIMPLE DES EXONERATIONS PREVUES ET DE PREVENIR TOUTE FRAUDE, EVASION ET ABUS EVENTUELS, ENTRE AUTRES, LES IMPORTATIONS DE BIENS FAISANT L'OBJET D' UNE DECLARATION DE MISE SOUS UN REGIME DOUANIER D' ADMISSION TEMPORAIRE . LE PARAGRAPHE 2 DE CET ARTICLE ENVISAGE LA FIXATION ULTERIEURE DES REGLES FISCALES COMMUNAUTAIRES PRECISANT LE CHAMP D'APPLICATION DES EXONERATIONS VISEES AU PARAGRAPHE 1 ET LEURS MODALITES PRATIQUES DE MISE EN OEUVRE; DANS L'ATTENTE DE LA MISE EN VIGUEUR DE CES REGLES, LES ETATS MEMBRES PEUVENT MAINTENIR LEURS DISPOSITIONS NATIONALES DANS LE CADRE DES REGLES DE LA DIRECTIVE OU LES ADAPTER AFIN DE REDUIRE EN PARTICULIER LA DOUBLE IMPOSITION EN MATIERE DE TVA A L' INTERIEUR DE LA COMMUNAUTE.
AU VU DE CES DISPOSITIONS, LES CONDITIONS EXIGEES PAR LA LEGISLATION DES ETATS MEMBRES POUR L' EXONERATION DE LA TVA DES VEHICULES MIS SOUS LE REGIME DOUANIER D' IMPORTATION TEMPORAIRE DOIVENT TENIR COMPTE, D' UN COTE, DES OBJECTIFS DE L' HARMONISATION EN MATIERE DE TVA, QUI SONT, COMME L' INDIQUENT LES CONSIDERANTS DE LA SIXIEME DIRECTIVE, LA SUPPRESSION DES TAXATIONS A L' IMPORTATION ET LES DETAXATIONS A L' EXPORTATION, LA POURSUITE DE LA LIBERATION EFFECTIVE DE LA CIRCULATION DES PERSONNES ET DES BIENS AINSI QUE L' INTERPENETRATION DES ECONOMIES ET, DE L' AUTRE COTE, L' OBJECTIF DE LA PREVENTION DES FRAUDES, EVASIONS OU ABUS EN CAS D' ADMISSION TEMPORAIRE.
IL EST A RAPPELER, A CET EGARD, AINSI QUE LA COUR L' A DIT POUR DROIT DANS SON ARRET DU 3 OCTOBRE 1985 ( PROFANT, 249/84, REC . P . 3237 ), QUE LA MISE EN OEUVRE DES EXONERATIONS PREVUES PAR L' ARTICLE 14 DE LA SIXIEME DIRECTIVE N' EST PAS LAISSEE ENTIEREMENT A LA DISCRETION DES AUTORITES DES ETATS MEMBRES, CELLES-CI DEVANT RESPECTER LES OBJECTIFS FONDAMENTAUX POURSUIVIS PAR L' EFFORT D' HARMONISATION EN MATIERE DE TVA, TELS QUE, NOTAMMENT, LA PROMOTION DE LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES ET DES MARCHANDISES ET LA PREVENTION DES CAS DE DOUBLE IMPOSITION . IL EN DECOULE QUE L' INTERPRETATION DE L' ARTICLE 14 DE LA SIXIEME DIRECTIVE DOIT ETRE EFFECTUEE EU EGARD A L' ENSEMBLE DES REGLES FONDAMENTALES DE LA COMMUNAUTE.
A LA LUMIERE DE CES CONSIDERATIONS, UN ETAT MEMBRE VIOLERAIT L' OBLIGATION GENERALE DE COOPERATION QUI INCOMBE AUX ETATS MEMBRES EN VERTU DE L' ARTICLE 5 DU TRAITE, S' IL CONTRIBUAIT, PAR UNE MESURE NATIONALE, AU MAINTIEN OU A L' INSTAURATION D' UN OBSTACLE A LA LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS QUI, TOUT EN RESIDANT SUR SON TERRITOIRE, EXERCENT LEURS ACTIVITES DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE.
EN VUE D' EXAMINER SI TEL PEUT ETRE LE CAS DANS LES CIRCONSTANCES SOULEVEES PAR LA QUESTION PREJUDICIELLE, IL CONVIENT D' EXAMINER D' ABORD LE CAS DE L' USAGE PROFESSIONNEL D' UN VEHICULE AUTOMOBILE PAR UN TRAVAILLEUR FRONTALIER RESIDANT DANS L' ETAT MEMBRE DE L' IMPORTATION.
IL Y A LIEU D' OBSERVER A CET EGARD QUE LES ETATS MEMBRES, EN FIXANT LES CONDITIONS, PERMISES PAR L' ARTICLE 14, PARAGRAPHE 1, DE LA SIXIEME DIRECTIVE, POUR ACCORDER L' EXONERATION DE LA TVA, PREVUE PAR CE PARAGRAPHE, SOUS C ), DANS LE CAS D' IMPORTATION TEMPORAIRE, DOIVENT RESPECTER L' OBJECTIF DE L' EXONERATION POUR IMPORTATION TEMPORAIRE
OR, LE SEUL FAIT QUE L' IMPORTATION D' UN VEHICULE AIT ETE EFFECTUEE DANS LE PAYS DE LA RESIDENCE DE L' UTILISATEUR NE FAIT PAS DISPARAITRE LE CARACTERE TEMPORAIRE DE CETTE IMPORTATION LORSQUE, D' UNE PART, CE VEHICULE EST MIS, POUR LA DUREE DU RAPPORT DE TRAVAIL, A LA DISPOSITION DU TRAVAILLEUR FRONTALIER PAR SON EMPLOYEUR, APPARTIENT A CE DERNIER ETABLI DANS L' ETAT LIMITROPHE OU LA TVA A ETE PAYEE, EST REGULIEREMENT REEXPORTE DANS CET ETAT ET EST CENSE Y RETOURNER DEFINITIVEMENT AU PLUS TARD AU TERME DU RAPPORT DE TRAVAIL AVEC LE TRAVAILLEUR FRONTALIER, ET LORSQUE, D' AUTRE PART, IL N' EXISTE AUCUNE INDICATION DE FRAUDE, D' ABUS OU D' EVASION FISCALE.
IL EST VRAI QUE LA COUR, PAR SES ARRETS DU 9 OCTOBRE 1980 ( CARCIATI, 823/79, REC . P . 2773 ) ET DU 11 DECEMBRE 1984 ( ABBINK, 134/83, REC . P . 4097 ), A DIT POUR DROIT QUE, EN VUE DE L' EXONERATION DE LA TVA POUR UN VEHICULE AUTOMOBILE IMPORTE TEMPORAIREMENT, L' ETAT MEMBRE DE L' IMPORTATION EST ADMIS A EXIGER, COMME CONDITION DE LA FRANCHISE, QUE L' IMPORTATEUR NE RESIDE PAS SUR SON TERRITOIRE; CETTE REGLE EST JUSTIFIEE PAR LE FAIT QUE, NORMALEMENT, C' EST LE RESIDENT DE L' ETAT MEMBRE DE L' IMPORTATION QUI, ETANT D' HABITUDE EGALEMENT LE PROPRIETAIRE DU VEHICULE, L' IMPORTE POUR SON USAGE PERSONNEL A TITRE PERMANENT . TOUTEFOIS, CETTE JUSTIFICATION N' EST PAS VALABLE DANS LES CAS OU LE RESIDENT FRONTALIER D' UN ETAT MEMBRE, SANS ETRE LE PROPRIETAIRE DU VEHICULE, L' IMPORTE EFFECTIVEMENT A TITRE TEMPORAIRE DANS LE CADRE DE L' EXERCICE DE SA PROFESSION.
IL RESTE A EXAMINER LES CAS OU LE CONTRAT DE TRAVAIL DU TRAVAILLEUR FRONTALIER LUI PERMET, HORMIS L'USAGE PROFESSIONNEL AU SENS INDIQUE CI-DESSUS, D' UTILISER LE VEHICULE AUTOMOBILE IMPORTE TEMPORAIREMENT EGALEMENT A DES FINS NON PROFESSIONNELLES.
IL CONVIENT, A CET EGARD, D' OBSERVER QU' UN USAGE NON PROFESSIONNEL, AYANT UN CARACTERE ACCESSOIRE PAR RAPPORT A L' USAGE PROFESSIONNEL, ET ETANT PREVU DANS LE CONTRAT DE TRAVAIL, FAISANT AINSI PARTIE, DU POINT DE VUE ECONOMIQUE, DE LA REMUNERATION DU TRAVAILLEUR, DOIT ETRE MIS SOUS LE MEME REGIME QUE CELUI DE L' USAGE PROFESSIONNEL . UNE SOLUTION CONTRAIRE AURAIT COMME CONSEQUENCE D' EMPECHER PRATIQUEMENT UN TRAVAILLEUR FRONTALIER DE BENEFICIER DE CERTAINS AVANTAGES QUI LUI SONT ACCORDES PAR SON EMPLOYEUR, AU SEUL MOTIF QUE CE TRAVAILLEUR A SA RESIDENCE SUR LE TERRITOIRE DE L' ETAT MEMBRE DE L' IMPORTATION TEMPORAIRE . CE TRAVAILLEUR SE TROUVERAIT AINSI DESAVANTAGE, SUR LE PLAN DES CONDITIONS DE TRAVAIL, PAR RAPPORT A SES COLLEGUES RESIDANT DANS LE PAYS DE LEUR EMPLOYEUR, CE QUI AFFECTERAIT DIRECTEMENT L' EXERCICE DE SON DROIT DE LIBRE CIRCULATION A L' INTERIEUR DE LA COMMUNAUTE.
IL APPARTIENT AU JUGE NATIONAL DE JUGER DANS CHAQUE CAS SI L' USAGE NON STRICTEMENT PROFESSIONNEL EST ACCESSOIRE, PAR RAPPORT A L' USAGE PROFESSIONNEL, SUR LA BASE DE L' ENSEMBLE DES ELEMENTS PERTINENTS DANS CHAQUE CAS.
IL Y A DONC LIEU DE REPONDRE A LA QUESTION POSEE PAR LA COUR D' APPEL DE LIEGE QUE LA SIXIEME DIRECTIVE ( 77/388 ) DU CONSEIL, DU 17 MAI 1977, EN MATIERE D' HARMONISATION DES LEGISLATIONS DES ETATS MEMBRES RELATIVES AUX TAXES SUR LE CHIFFRE D' AFFAIRES - SYSTEME COMMUN DE TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE : ASSIETTE UNIFORME, FAIT OBSTACLE A LA PERCEPTION, PAR UN ETAT MEMBRE, DE LA TVA LORSQU' UN VEHICULE AUTOMOBILE APPARTENANT A UN EMPLOYEUR ETABLI DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE OU LA TVA A ETE PAYEE EST UTILISE, PAR UN TRAVAILLEUR FRONTALIER RESIDANT DANS LE PREMIER ETAT MEMBRE, DANS LE CADRE DE SON CONTRAT DE TRAVAIL, POUR EXECUTER SES TACHES ET, ACCESSOIREMENT, POUR SES LOISIRS. »

4.4 Les impositions intérieures et l’interdiction du protectionnisme en faveur des produits domestiques

Nous concentrons notre attention ici sur la jurisprudence pertinente relative à l’interdiction de la discrimination en fonction de l’origine des produits frappés par une taxe. L’art. 90 distingue deux catégories de produits : les produits similaires et les autres produits. Pour que l’art. 90 TCE entre en cause il faut à chaque fois (c’est-à-dire, indépendamment du fait que nous parlions de produits similaires ou d'autres produits) que nous soyons face à une paire de produits domestique-importé.

En ce qui concerne les produits similaires, l’obligation imposée aux Etats membres est d’assurer que les produits importés ne soient pas frappés d’impositions intérieures supérieures à celles qui frappent les produits domestiques. En ce qui concerne les autres produits, les Etats membres doivent assurer que leurs impositions intérieures ne confèrent pas indirectement un avantage à leurs produits domestiques. Cet article est presque la copie de l’art. III.2 du GATT. Ce dernier explique tout de même, dans une note interprétative, qu’en ce qui concerne les produits autres que les produits similaires, l’obligation des membres de l’OMC est d’assurer qu’il n’y aura pas de taxation dissimilaire entre produits domestiques et produits importés qui leurs sont directement concurrents ou substituables. Implicitement, l’art. 90 TCE accepte cette logique. En principe l’argent est fongible : si un consommateur paie moins que ce qu’il pensait devoir être le cas pour l’achat de son nouveau véhicule, il pourrait acheter un deuxième journal avec l’argent qu’il a ainsi économisé. Cet exemple ne veut pas dire que les journaux et les voitures sont deux produits concurrentiels (appartiennent au même marché pertinent, pour utiliser une expression du droit de la concurrence). Par conséquent, un Etat membre qui baisse ou hausse le prix des voitures ne peut pas être accusé d’avoir voulu protéger son producteur de journaux. L’intention (en l’absence ou en concurrence avec d’autres intentions) est de favoriser soit l’industrie nationale des voitures soit l’industrie nationale qui y fait concurrence (par exemple, motocyclettes).

4.4.1 Pourquoi avons-nous besoin de la deuxième phrase de l’art. 90 ?

Tandis que la première phrase de l’art. 90 TCE mentionne les produits similaires, la deuxième ne contient aucune mention pareille. La raison d’être de la deuxième phrase est mise en évidence dans l’arrêt Commission c. Italie [aff. 184/85, Rec. (1987) 2013]. Lors de ce litige, la Cour a dû faire face à une taxation italienne qui imposait un barème assez favorable aux fraises (où il y a une production italienne) et aux bananes (où il n’y en a pas, ou très peu). Le terme ‘produits similaires’ était perçu (apparemment également par les pères fondateurs) comme un terme qui n’était pas apte à une interprétation large. Par conséquent, ce terme ne regroupe pas tous les produits qui appartiennent à (ce qu’on appelle en droit de la concurrence) un marché pertinent : en d’autres termes, deux produits qui sont en concurrence entre eux, ne sont pas nécessairement des produits similaires. Il s’ensuit, que dans un cas comme celui présenté lors de l’aff. 184/85, l’Italie en taxant les bananes (importées et domestiques) au même niveau et les fraises (importées et domestiques) au même niveau (mais à un niveau plus bas que celui imposé aux bananes), elle aurait pu indirectement conférer un avantage à sa production nationale. Autrement dit, le respect de la première phrase de l’art. 90 TCE n’est pas suffisant pour faire respecter la neutralité fiscale ; la deuxième phrase apporte un complément nécessaire. Aux atts. 11 et 12, la Cour a illustré ce point de la façon suivante :

« A DEFAUT DE LA REALISATION DE LA CONDITION DE SIMILITUDE EXIGEE PAR L' ARTICLE 95, ALINEA 1, IL Y A LIEU D' EXAMINER SI L' ALINEA 2 DE CET ARTICLE PEUT TROUVER APPLICATION . AINSI QU' IL A ETE DIT PAR LA COUR DANS SON ARRET DU 27 FEVRIER 1980 ( COMMISSION/ITALIE, 169/78, REC . P.*385 ), CETTE DISPOSITION A POUR FONCTION D' APPREHENDER TOUTE FORME DE PROTECTIONNISME FISCAL INDIRECT DANS LE CAS DE PRODUITS QUI, SANS ETRE SIMILAIRES AU SENS DE L' ALINEA 1, SE TROUVENT NEANMOINS DANS UN RAPPORT DE CONCURRENCE MEME PARTIELLE, INDIRECTE OU POTENTIELLE.
BIEN QUE LES BANANES ET LES FRUITS DE TABLE DE PRODUCTION TYPIQUEMENT ITALIENNE NE SOIENT PAS DES PRODUITS SIMILAIRES AU SENS DE L' ARTICLE 95, ALINEA 1, LES BANANES OFFRENT UN CHOIX ALTERNATIF AUX CONSOMMATEURS DE FRUITS. LES BANANES DOIVENT AINSI ETRE CONSIDEREES COMME ETANT DANS UN RAPPORT DE CONCURRENCE PARTIELLE AVEC CES FRUITS. LEUR TAXATION NE DOIT DONC PAS AVOIR POUR EFFET DE PROTEGER INDIRECTEMENT LES FRUITS DE TABLE DE PRODUCTION TYPIQUEMENT ITALIENNE. »

La Cour a suivi cette approche (c’est-à-dire d’utiliser la deuxième phrase comme le fil récupérateur pour tous produits qui se trouvent dans une situation concurrentielle dans le cas où un rapport de similitude n’a pas pu être établi) dans toute sa jurisprudence. Un bon exemple dans cette perspective est offert par l’affaire Commission c. France [aff. 168/78, Rec. (1980) 347] où la Cour a décidé que quelques eaux-de-vie se trouvaient dans un rapport de similitude entre elles mais qu’en tous cas toutes les eaux-de vie sont visées par la deuxième phrase de l’art. 90 TCE (atts. 12-13) :

« UNE DOUBLE CONCLUSION RESULTE DE CETTE ANALYSE DU MARCHE DES EAUX-DE-VIE . PREMIEREMENT , IL EXISTE , PARMI LES EAUX-DE-VIE , CONSIDEREES COMME UN ENSEMBLE GLOBAL , UN NOMBRE INDETERMINE DE BOISSONS QUI DOIVENT ETRE QUALIFIEES DE ' PRODUITS SIMILAIRES ' AU SENS DE L ' ARTICLE 95 , ALINEA 1 , BIEN QU ' IL PUISSE ETRE DIFFICILE D ' EN DECIDER DANS DES CAS PARTICULIERS , COMPTE TENU DE LA NATURE DES FACTEURS IMPLIQUES PAR DES CRITERES DE DISTINCTION TELS QUE LE GOUT ET LES HABITUDES DE CONSOMMATION . DEUXIEMEMENT , MEME LA OU IL NE SERAIT PAS POSSIBLE DE RECONNAITRE UN DEGRE SUFFISANT DE SIMILITUDE ENTRE LES PRODUITS CONCERNES , IL EXISTE NEANMOINS ENTRE TOUTES LES EAUX-DE-VIE DES TRAITS COMMUNS SUFFISAMMENT ACCUSES POUR ADMETTRE L ' EXISTENCE , DANS TOUS LES CAS , D ' UN RAPPORT DE CONCURRENCE A TOUT LE MOINS PARTIEL OU POTENTIEL . IL EN RESULTE QUE L ' APPLICATION DE L ' ARTICLE 95 , ALINEA 2 , PEUT ENTRER EN LIGNE DE COMPTE DANS LES CAS OU LE RAPPORT DE SIMILITUDE ENTRE DES VARIETES SPECIFIQUES D ' EAUX-DE-VIE RESTERAIT DOUTEUX OU CONTESTE.
IL APPARAIT DE CE QUI PRECEDE QUE L ' ARTICLE 95 , PRIS GLOBALEMENT , PEUT JOUER INDISTINCTEMENT POUR TOUS LES PRODUITS CONCERNES . IL SUFFIT DES LORS D ' EXAMINER SI L ' APPLICATION D ' UN SYSTEME FISCAL NATIONAL DETERMINE EST DE NATURE DISCRIMINATOIRE OU , LE CAS ECHEANT , PROTECTEUR , C ' EST-A-DIRE S ' IL EXISTE UNE DIFFERENCE DU TAUX OU DES MODALITES D ' IMPOSITION , ET SI CETTE DIFFERENCE EST SUSCEPTIBLE DE FAVORISER UNE PRODUCTION NATIONALE DETERMINEE . C ' EST DANS CE CADRE QU ' IL CONVIENDRA D ' EXAMINER , POUR CHACUN DES RECOURS PRESENTES PAR LA COMMISSION , LES RAPPORTS ECONOMIQUES ENTRE LES PRODUITS CONCERNES ET LES CARACTERISTIQUES DES SYSTEMES FISCAUX FAISANT L ' OBJET DES LITIGES. »

4.4.2 L’obligation quant aux produits similaires

Comme nous l’avons déjà indiqué, il nous faut analyser deux notions dans ce contexte : la notion de produits similaires et la notion de taxes supérieures. Si deux produits similaires (importé, domestique) sont taxés de façon à ce que la taxe imposée sur le produit importé est supérieure à celle imposée sur le produit domestique, il y a violation de l’art. 90 TCE.

4.4.2.1 Produits similaires

Dans sa jurisprudence Fink-Frucht GmbH. [aff. 27/67, Rec. (1968) 327], la Cour a évoqué la classification fiscale, douanière ou statistique comme critère qui confère similitude entre deux produits :

« ATTENDU QUE LES QUESTIONS 2, 4 ET 5 TENDENT, EN SUBSTANCE, A SAVOIR DANS QUELLES CONDITIONS UN PRODUIT IMPORTE SE TROUVE , PAR RAPPORT A UN PRODUIT NATIONAL , DANS L ' UNE DES SITUATIONS VISEES RESPECTIVEMENT AUX DEUX PREMIERS ALINEAS DE L ' ARTICLE 95 , AINSI QU ' A VOIR PRECISER LES CONDITIONS D ' APPLICATION ET LES EFFETS DU DEUXIEME ALINEA DE CET ARTICLE;

ATTENDU QU'AUX TERMES DE L ' ARTICLE 95, AUCUN ETAT MEMBRE NE FRAPPE DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT LES PRODUITS DES AUTRES ETATS MEMBRES D'IMPOSITIONS INTERIEURES, DE QUELQUE NATURE QU ' ELLES SOIENT , SUPERIEURES A CELLES QUI FRAPPENT DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT " LES PRODUITS NATIONAUX SIMILAIRES ";

QUE LE RAPPORT DE SIMILITUDE VISE A L ' ARTICLE 95 , ALINEA 1 , EXISTE LORSQUE LES PRODUITS EN QUESTION SONT NORMALEMENT A CONSIDERER COMME TOMBANT SOUS LA MEME CLASSIFICATION FISCALE , DOUANIERE OU STATISTIQUE , SELON LE CAS. »

Au fil du temps, la jurisprudence de la Cour a profondément changé sur ce sujet et l'on peut difficilement parler d’une approche cohérente. Lors de son jugement Commission c. France [aff. 168/78, Rec. (1980) 347] par exemple, la Cour abandonne le critère de classification douanière, fiscale ou statistique et adopte la comparabilité d’utilisation comme critère pertinent (att. 5) :

« LA REGLE DE BASE EN LA MATIERE EST CONSTITUEE PAR L ' ALINEA 1 DE L ' ARTICLE 95 , QUI EST FONDE SUR UNE COMPARAISON DES CHARGES FISCALES INCOMBANT AUX PRODUITS NATIONAUX ET AUX PRODUITS IMPORTES POUVANT ETRE QUALIFIES DE ' SIMILAIRES '.
CETTE DISPOSITION , AINSI QUE LA COUR A EU L ' OCCASION DE LE SOULIGNER DANS SON ARRET HANSEN & BALLE , DU 10 OCTOBRE 1978 ( AFF . 148/77 , RECUEIL 1978 , P . 1787 ), DOIT RECEVOIR UNE INTERPRETATION LARGE , DE MANIERE A PERMETTRE D ' APPREHENDER TOUS LES PROCEDES FISCAUX QUI PORTERAIENT ATTEINTE A L ' EGALITE DE TRAITEMENT ENTRE LES PRODUITS NATIONAUX ET LES PRODUITS IMPORTES; IL CONVIENT DONC D ' INTERPRETER DE MANIERE SUFFISAMMENT SOUPLE LA NOTION DE ' PRODUITS SIMILAIRES ' . LA COUR A PRECISE DANS L' ARRET REWE , DU 17 FEVRIER 1976 ( AFF . 45/75 , RECUEIL 1976 , P . 181 ), QU ' IL Y A LIEU DE CONSIDERER COMME SIMILAIRES DES PRODUITS QUI ' PRESENTENT AU REGARD DES CONSOMMATEURS DE PROPRIETES ANALOGUES OU REPONDENT AUX MEMES BESOINS ' . C ' EST DES LORS EN FONCTION D ' UN CRITERE NON D ' IDENTITE RIGOUREUSE , MAIS D' ANALOGIE ET DE COMPARABILITE DANS L ' UTILISATION QU ' IL CONVIENT DE DETERMINER LE CHAMP D ' APPLICATION DU PREMIER ALINEA DE L ' ARTICLE 95 . »

La Cour effectue un ajout à cette jurisprudence lors de son jugement Commission c. Grèce du 18 avril 1991 [C-230/89, Rec. (1991) I-1909]. Ici la Cour avait à faire à une taxation hellénique qui imposait à l’ouzo un taux favorable par rapport à d’autres produits similaires. La Grèce avait invoqué, entre autres, qu’il n’y avait aucune comparabilité quant à l’utilisation, vu que l’ouzo est un produit populaire (et est perçu ainsi par les consommateurs) tandis que ceci n’était pas le cas pour les autres produits importés. Un tel argument basé sur les habitudes des consommateurs a par ailleurs été repris par l‘avocat général Tizzano dans une autre affaire Commission c. Grèce, elle aussi relative à la taxation de l’ouzo [aff. C-475/01, arrêt non encore publié du 5 octobre 2004] et ce malgré le rejet de cet argument par la Cour. Dans son arrêt du 18 avril 1991, la Cour a en effet écarté cet argument en insistant sur le point que la taxation ne peut pas avoir comme but ou effet de cristalliser les habitudes des consommateurs (att. 9) :

« La circonstance que l’ouzo soit considéré comme une boisson traditionnelle hellénique, faisant l’objet d’une large consommation populaire, tandis que le whisky serait considéré par le consommateur comme un produit de luxe, est sans incidence à cet égard. La Cour a affirmé, entre autres dans l’arrêt du 27 février 1980, Commission/Royaume-Uni (170/78, Rec. P. 417), que pour mesurer le degré de substitution possible entre les boissons, on ne saurait se limiter aux habitudes de consommation existant dans un Etat membre ou dans une région déterminée. En effet, ces habitudes, essentiellement variables dans le temps et dans l’espace, ne sauraient être considérées comme une donnée immuable ; il ne faut pas que la politique fiscale d’un Etat membre serve à cristalliser des habitudes de consommation données en vue de stabiliser un avantage acquis par les industries nationales qui s’attachent à les satisfaire. »

Cette interprétation large, n’a pas toujours été suivie. Dans son jugement Vinal / Orbat [aff. 46/80, Rec. (1981) 77] la Cour était saisie d’une législation italienne qui taxait l’alcool de synthèse plus lourdement que l’alcool de fermentation. Le premier était presque entièrement importé tandis que le deuxième constituait la production nationale. Sans se référer à la comparabilité de l’utilisation comme critère, la Cour arrive à la conclusion qu’une telle loi n’est pas en violation de l’art. 90 TCE. La Cour se réfère à la loi italienne comme le fruit d’un choix économique. Mais la Cour n’utilise pas du tout cette référence comme une exigence impérative qui aurait justifiée une loi italienne autrement incompatible avec le système de l’art. 90 TCE. Selon l’avis de la Cour, tout simplement, cette loi ne viole pas l’art. 90 TCE (atts.12-18) :


« OR , LE REGIME CONTESTE DEVANT LA JURIDICTION NATIONALE SERAIT CONFORME A CES EXIGENCES . EN EFFET , LA TAXATION DIFFERENTIELLE DE L ' ALCOOL DE SYNTHESE ET DE L ' ALCOOL DE FERMENTATION EN ITALIE SERAIT DUE A UNE OPTION ECONOMIQUE CONSISTANT A FAVORISER LA PRODUCTION D ' ALCOOL A BASE DE PRODUITS AGRICOLES ET , CORRELATIVEMENT , A FREINER LA TRANSFORMATION EN ALCOOL DE L ' ETHYLENE , DERIVE DU PETROLE , EN VUE DE RESERVER CETTE MATIERE A D ' AUTRES USAGES ECONOMIQUES PRIORITAIRES . IL S ' AGIRAIT DONC D ' UN CHOIX LEGITIME DE POLITIQUE ECONOMIQUE , REALISE PAR L ' INSTRUMENT FISCAL . LA MISE EN OEUVRE DE CETTE POLITIQUE NE CONDUIRAIT A AUCUNE DISCRIMINATION , ETANT DONNE QUE , SI ELLE A POUR EFFET DE DECOURAGER LES IMPORTATIONS EN ITALIE D ' ALCOOL SYNTHETIQUE , ELLE A POUR CONSEQUENCE EN MEME TEMPS D ' EMPECHER LE DEVELOPPEMENT , EN ITALIE MEME , D ' UNE PRODUCTION D ' ALCOOL A BASE D ' ETHYLENE QUI , TECHNIQUEMENT , SERAIT PARFAITEMENT POSSIBLE.
AINSI QUE LA COUR L ' A ITERATIVEMENT AFFIRME , NOTAMMENT DANS LES ARRETS CITES PAR LE GOUVERNEMENT ITALIEN , LE DROIT COMMUNAUTAIRE NE RESTREINT PAS , EN L ' ETAT ACTUEL DE SON EVOLUTION , LA LIBERTE DE CHAQUE ETAT MEMBRE D ' ETABLIR UN SYSTEME DE TAXATION DIFFERENCIEE POUR CERTAINS PRODUITS EN FONCTION DE CRITERES OBJECTIFS , TELS QUE LA NATURE DES MATIERES PREMIERES UTILISEES OU LES PROCEDES DE PRODUCTION APPLIQUES . DE TELLES DIFFERENCIATIONS SONT COMPATIBLES AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE SI ELLES POURSUIVENT DES OBJECTIFS DE POLITIQUE ECONOMIQUE COMPATIBLES , EUX AUSSI , AVEC LES EXIGENCES DU TRAITE ET DU DROIT DERIVE ET SI LEURS MODALITES SONT DE NATURE A EVITER TOUTE FORME DE DISCRIMINATION , DIRECTE OU INDIRECTE , A L ' EGARD DES IMPORTATIONS EN PROVENANCE DES AUTRES ETATS MEMBRES , OU DE PROTECTION EN FAVEUR DE PRODUCTIONS NATIONALES CONCURRENTES. UNE TAXATION DIFFERENTIELLE TELLE QU ' ELLE EXISTE EN ITALIE POUR L ' ALCOOL DENATURE DE SYNTHESE , D ' UNE PART , ET L ' ALCOOL DE FERMENTATION DENATURE , D ' AUTRE PART , REPOND A CES EXIGENCES . IL APPARAIT , EN EFFET , QUE CE REGIME DE TAXATION POURSUIT UN BUT DE POLITIQUE INDUSTRIELLE LEGITIME , EN CE SENS QU ' IL EST DE NATURE A FAVORISER LA DISTILLATION DE PRODUITS AGRICOLES PAR RAPPORT A LA FABRICATION D ' ALCOOL A BASE DE DERIVES DU PETROLE . CETTE OPTION NE SE TROUVE PAS EN CONFLIT AVEC LES REGLES DU DROIT COMMUNAUTAIRE OU LES EXIGENCES D ' UNE POLITIQUE ARRETEE DANS LE CADRE DE LA COMMUNAUTE.
LES MODALITES DE LA LEGISLATION MISE EN CAUSE DEVANT LA JURIDICTION NATIONALE NE SAURAIENT ETRE CONSIDEREES COMME DISCRIMINATOIRES ALORS QUE , D ' UNE PART , IL N ' EST PAS CONTESTE QUE LES IMPORTATIONS D ' ALCOOL DE FERMENTATION EN PROVENANCE DES AUTRES ETATS MEMBRES JOUISSENT DU MEME TRAITEMENT FISCAL QUE L ' ALCOOL DE FERMENTATION ITALIEN ET QUE , D ' AUTRE PART , SI LE TAUX D ' IMPOSITION PREVU POUR L ' ALCOOL DE SYNTHESE A POUR EFFET DE FREINER L ' IMPORTATION DE CE PRODUIT ORIGINAIRE DES AUTRES ETATS MEMBRES , IL A UN EFFET ECONOMIQUE EQUIVALENT SUR LE TERRITOIRE NATIONAL EN CE QU ' IL FREINE AUSSI LA CREATION D ' UNE PRODUCTION RENTABLE DU MEME PRODUIT PAR L ' INDUSTRIE ITALIENNE.
COMPTE TENU DE CE QUI PRECEDE , IL Y A DONC LIEU DE REPONDRE COMME SUIT AUX QUESTIONS POSEES PAR LE PRETORE DE CASTEGGIO.
EN CE QUI CONCERNE LES PREMIERE ET DEUXIEME QUESTIONS , PRISES ENSEMBLE , IL Y A LIEU DE DIRE QUE N ' EST PAS CONTRAIRE A L ' ARTICLE 95 , ALINEA 1 , DU TRAITE CEE UN SYSTEME FISCAL QUI CONSISTE A TAXER PLUS LOURDEMENT L ' ALCOOL DE SYNTHESE DENATURE QUE L ' ALCOOL DE FERMENTATION DENATURE EN FONCTION DE LA MATIERE PREMIERE ET DES PROCEDES UTILISES POUR LA FABRICATION DE L'UN ET DE L'AUTRE PRODUIT, SI CES DISPOSITIONS SONT APPLIQUEES DE MANIERE IDENTIQUE A CES DEUX CATEGORIES D ' ALCOOLS ORIGINAIRES DES AUTRES ETATS MEMBRES . UN TEL SYSTEME FISCAL EST JUSTIFIE MEME SI LES PRODUITS EN CAUSE , TOUT EN ETANT DERIVES DE MATIERES PREMIERES DIFFERENTES , PEUVENT SERVIR AU MEME USAGE ET PRESENTENT LA MEME UTILITE.
EN CE QUI CONCERNE LA TROISIEME QUESTION , IL Y A LIEU DE DIRE QUE L ' APPLICATION D ' UN TEL SYSTEME DE TAXATION NE SAURAIT ETRE CONSIDEREE COMME CONSTITUANT UNE PROTECTION INDIRECTE DE LA PRODUCTION NATIONALE D ' ALCOOL DE FERMENTATION , AU SENS DE L ' ARTICLE 95 , ALINEA 2 , DU SEUL FAIT QU ' ELLE A POUR CONSEQUENCE QUE LE PRODUIT LE PLUS LOURDEMENT TAXE EST , EN FAIT , UN PRODUIT EXCLUSIVEMENT IMPORTE DES AUTRES ETATS MEMBRES DE LA COMMUNAUTE SI , EN RAISON DE LA TAXATION DE L ' ALCOOL DE SYNTHESE , UNE PRODUCTION RENTABLE DE CE TYPE D ' ALCOOL N ' A PAS PU SE DEVELOPPER SUR LE TERRITOIRE NATIONAL. »

Cette jurisprudence est difficilement conciliable avec la jurisprudence qui l’a précédée. Elle constitue tout de même encore une preuve de l’incohérence de la jurisprudence en la matière.

4.4.2.2 Taxes supérieures

La Cour a précisé lors de sa jurisprudence Commission c. Irlande [aff. 55/79, Rec. (1980) 481] que ce n’est pas seulement le taux de taxation, fût-il minime, qui influence la constatation finale qu’un produit importé a été frappé d’une taxation supérieure à celle imposée à un produit domestique similaire ; les modalités de la taxation sont aussi pertinentes. Ainsi, il ressort de la jurisprudence constante (en la matière) de la Cour que c’est l’effet utile de l’art. 90 TCE qui constitue le point d’encrage dans ce contexte : ce qui intéresse la Cour est si, soit en examinant le taux éventuellement imposé, soit les modalités de perception qui peuvent mener à une taxation supérieure pour le produit importé similaire, la taxation est supérieure pour le produit similaire importé (atts. 8-9) :

« CES DEFENSES DU GOUVERNEMENT IRLANDAIS NE SAURAIENT ETRE ACCUEILLIES . EN EFFET , AINSI QUE LA COUR L ' A AFFIRME EN VERTU D' UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE ( VOIR LES ARRETS DES 5 . 5 . 1970, COMMISSION/BELGIQUE , AFF . 77/69 , RECUEIL 1970 , P . 237 ; 20 . 2 . 1973, F.O.R./U.K.S ., AFF . 54/72 , RECUEIL 1973 , P . 193 ; 17 . 1 . 1976 , REWE , AFF . 45/75 , RECUEIL 1976 , P . 181 ; 22 . 6 . 1976 BOBIE , AFF . 127/75 , RECUEIL 1976 , P . 1079 ; 16 . 2 . 1977 , SCHOTTLE , AFF . 20/76 , RECUEIL 1977 , P . 247 ; 22 . 3 . 1977, IANELLI & VOLPI , AFF . 74/76 , RECUEIL 1977 , P . 557 ; 22 . 3 . 1977 , STEINIKE & WEINLING , AFF . 78/76 , RECUEIL 1977 , P . 595 ), IL Y A LIEU DE PRENDRE EN CONSIDERATION , POUR L ' APPLICATION DE LA REGLE DE NON-DISCRIMINATION DE L ' ARTICLE 95 , EN DEHORS DU TAUX DES IMPOSITIONS EGALEMENT DES DISPOSITIONS RELATIVES A L ' ASSIETTE ET LES MODALITES DE LA PERCEPTION DES DIVERS IMPOTS . C ' EST EN EFFET L ' INCIDENCE EFFECTIVE DE CHAQUE IMPOT , SUR LE PRODUCTION NATIONALE , D ' UNE PART , ET SUR LES PRODUITS IMPORTES , D ' AUTRE PART , QUI CONSTITUE LE CRITERE DE COMPARAISON DECISIF POUR L' APPLICATION DE L ' ARTICLE 95 ; OR , MEME A TAUX DE PERCEPTION EGAL , L' INCIDENCE DE CETTE CHARGE PEUT VARIER EN FONCTION DES MODALITES D ' ASSIETTE ET DE PERCEPTION APPLIQUEES A LA PRODUCTION NATIONALE ET AUX PRODUITS IMPORTES, RESPECTIVEMENT.
TEL EST LE CAS DE LA DIFFERENCE DE TRAITEMENT APPLIQUEE AUX BOISSONS ALCOOLIQUES VISEES PAR LE RECOURS , SELON QUE CELLES-CI SONT PRODUITES EN IRLANDE OU IMPORTEES D ' AUTRES ETATS MEMBRES . BIEN QUE L ' AVANTAGE RESERVE A LA PRODUCTION NATIONALE , SOUS FORME DE FACILITES DE PAIEMENT , SOIT PEU IMPORTANTE , LA DIFFERENCE DE TRAITEMENT AU DETRIMENT DES PRODUITS IMPORTES D ' AUTRES ETATS MEMBRES N ' EN EST PAS MOINS PATENTE. 10 AINSI QUE LA COMMISSION L ' A EXPOSE AVEC RAISON , CETTE DIFFERENCE DE TRAITEMENT N ' EST PAS EFFACEE PAR LE FAIT QUE LES PRODUCTEURS IRLANDAIS NE PEUVENT ENTRER EN JOUISSANCE DES FACILITES EN MATIERE DE DELAIS DE PAIEMENT QU ' AU PRIX D ' UNE TAXE SUPPLEMENTAIRE ET DE GARANTIES FINANCIERES . CES DEUX CHARGES SONT SI MINIMES QU ' ELLES N ' ONT PAS POUR EFFET DE COMPENSER L ' AVANTAGE RESERVE AUX PRODUCTEURS IRLANDAIS . RIEN N ' EMPECHE D ' AILLEURS L ' ADMINISTRATION IRLANDAISE D ' IMPOSER LA MEME TAXE SUPPLEMENTAIRE AUX IMPORTATEURS ET D ' EXIGER DE CEUX-CI DES GARANTIES COMPARABLES. »

Par sa jurisprudence Bobie Getränkevertrieb [aff. 127/75, Rec. (1976) 1079], la Cour a davantage précisé que l’art. 90 TCE est violé même si, suivant les modalités différentes appliquées, ce n’est que dans quelques cas que le produit national se voit imposer une taxation inférieure à celle frappant le produit similaire importé (atts. 3-4) :

« QUE , TOUT EN LAISSANT OUVERTE LA POSSIBILITE POUR UN ETAT MEMBRE D ' APPLIQUER AU PRODUIT IMPORTE UN REGIME D ' IMPOSITION DIFFERENT DE CELUI AUQUEL EST ASSUJETTI LE PRODUIT NATIONAL SIMILAIRE , CETTE DISPOSITION N ' ADMET UNE TELLE POSSIBILITE QUE SI LA CHARGE DE L ' IMPOSITION SUR LE PRODUIT IMPORTE RESTE , EN TOUTE CIRCONSTANCE , EGALE OU INFERIEURE A CELLE QUI S ' APPLIQUE AU PRODUIT NATIONAL SIMILAIRE;

QUE , PAR CONSEQUENT , L ' ARTICLE 95 , ALINEA 1 , NE SERAIT PAS RESPECTE SI L ' IMPOT FRAPPANT LE PRODUIT IMPORTE ET CELUI APPLIQUE AU PRODUIT NATIONAL SIMILAIRE ETAIENT CALCULES DE FACON DIFFERENTE ET SUIVANT DES MODALITES DIFFERENTES, ABOUTISSANT , NE FUT-CE QUE DANS CERTAINS CAS , A UNE IMPOSITION INFERIEURE DU PRODUIT NATIONAL;

QU ' IL Y A DONC LIEU DE REPONDRE A LA PREMIERE QUESTION POSEE QUE LE FAIT POUR UN ETAT MEMBRE DE FRAPPER LE PRODUIT IMPORTE D ' UN AUTRE ETAT MEMBRE SUIVANT UN MODE DE CALCUL OU DES MODALITES DIFFERENTS , TELS UN MONTANT FORFAITAIRE DANS UN CAS ET UN MONTANT PROGRESSIF DANS L ' AUTRE , DE CEUX UTILISES POUR L ' IMPOT QUI GREVE LE PRODUIT NATIONAL SIMILAIRE NE SERAIT PAS COMPATIBLE AVEC L ' ARTICLE 95 , ALINEA 1 , DU TRAITE CEE , SI CE DERNIER PRODUIT ETAIT SOUMIS , NE FUT-CE QUE DANS CERTAINS CAS , EN RAISON DE L ' IMPOSITION PROGRESSIVE , A UNE CHARGE INFERIEURE A CELLE DU PRODUIT IMPORTE. »


4.4.2.3 Est-ce qu’il nous faut en plus un effet protecteur ?

La Cour s’est posé la question de savoir dans quelle mesure, outre la similitude entre deux produits et les taux de taxation divergents, un effet protecteur est aussi requis pour qu’il y ait violation de l’art. 90 TCE. Dans le contexte de son jugement Commission c. Royaume-Uni [aff. 170/78, Rec. (1980) 417], la Cour a répondu négativement à cette question. Il est notable que cette affaire concernait la deuxième phrase de l’art. 90 TCE. Cette phrase, il est rappelé, sanctionne des systèmes de taxation qui sont de nature à protéger indirectement les produits importés. En revanche, la première phrase de l’art. 90 TCE ne se réfère pas explicitement à une telle exigence. On peut raisonnablement conclure, par conséquent, que si l’absence d’effet protecteur vaut bien pour la deuxième phrase, elle vaut aussi pour la première phrase de l’art. 90 TCE (att. 10) :

« IL CONVIENT CEPENDANT DE SOULIGNER QUE LA DISPOSITION CITEE S ' ATTACHE A LA ' NATURE ' DU SYSTEME FISCAL EN CAUSE , DE MANIERE QU ' ON NE SAURAIT EXIGER , DANS CHAQUE CAS , QUE SOIT APPORTEE LA PREUVE STATISTIQUE D ' UN EFFET PROTECTEUR . POUR L ' APPLICATION DE L ' ARTICLE 95 , ALINEA 2 , IL SUFFIT QU ' IL SOIT ETABLI QU ' UN MECANISME FISCAL DETERMINE , COMPTE TENU DE SES CARACTERISTIQUES PROPRES , EST SUSCEPTIBLE D ' ENTRAINER L ' EFFET PROTECTEUR VISE PAR LE TRAITE . SANS MECONNAITRE DONC L ' IMPORTANCE DES ELEMENTS D ' APPRECIATION QU ' IL EST POSSIBLE DE TIRER DE DONNEES STATISTIQUES PERMETTANT DE MESURER L ' EFFET D ' UN DISPOSITIF FISCAL DETERMINE , ON NE SAURAIT EXIGER DE LA COMMISSION DE FOURNIR DES INDICATIONS CHIFFREES SUR LA CONSISTANCE CONCRETE DE L ' EFFET PROTECTEUR DU SYSTEME FISCAL CRITIQUE. »

Suivant la même logique, la Cour explique dans Hansen [aff. 148/77, Rec. (1978) 1787] qu’il ne lui est pas nécessaire de disposer d'une analyse complète des effets d’une taxation discriminatoire pour se prononcer sur son incompatibilité avec l’art. 90 TCE. La simple constatation que sur quelques transactions seulement les produits nationaux ont été favorisés lui suffit amplement pour déclarer la législation incompatible sur ce point avec l’art. 90 TCE (att. 20) :

« qu'il y a donc lieu de répondre aux 2 et 3 questions que lorsqu'une législation fiscale nationale favorise, au moyen d'exemptions fiscales ou de l'octroi de taux d'imposition réduits, la production de certains types d'alcools ou certaines catégories de producteurs, même si ces avantages ne profitent qu'à une partie réduite de la production nationale ou sont accordés pour des raisons sociales particulières, ces avantages doivent être étendus aux alcools communautaires importés qui répondent aux mêmes conditions, compte tenu des critères qui sont à la base des alinéas 1 et 2 de l'article 95. »

4.4.3 La deuxième phrase de l’art. 90 TCE : les produits en concurrence

En parallèle avec notre analyse sous 4.4.2, nous examinons ici les deux notions pertinentes, c’est-à-dire la notion de ‘produits en concurrence’ et celle de ‘taxation de nature à protéger’.

4.4.3.1 Produits en concurrence

L’art. 90 TCE, on s’en souvient, prévoit dans sa deuxième phrase:

« En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions. »

Comme nous l’avons déjà noté supra, la référence aux produits qui peuvent être indirectement favorisés laisse au judiciaire une marge d’appréciation importante. En principe, tous les produits peuvent être favorisés par une taxation discriminatoire. Toutefois, c’est avec suffisamment de certitude que nous pouvons déclarer qu’une taxe discriminatoire en fonction de l’origine des deux produits a fort probablement été introduite avec l’intention de favoriser le produit domestique qui se trouve en concurrence avec le produit étranger frappé par la taxation plus élevée. La raison de cette certitude réside dans la forte probabilité que le consommateur, qui fait face à un prix élevé d’un produit importé, s’orientera vers le produit domestique concurrent audit produit plutôt que vers un produit domestique qui ne se trouve pas en rapport de concurrence avec ledit produit.

Si nous utilisons un instrument économétrique, le degré de substitution entre deux motocyclettes est plus élevé qu’entre une motocyclette et un journal.

Mais même si la preuve existe que suite à la taxation discriminatoire des motocyclettes (dans le sens que les produits importés sont frappés d’une imposition supérieure à celle frappant les produits domestiques), les consommateurs achètent davantage de journaux, il sera très difficile de démontrer que l’intention du gouvernement intervenant par le biais d’une taxation différenciée frappant les motocyclettes (domestiques et étrangères) était de subventionner la vente des journaux nationaux. Un tel résultat est trop aléatoire pour être vraisemblable.

Indirectement alors, la deuxième phrase de l’art. 90 TCE ne peut que sanctionner l’intention du pays intervenant.

Déjà dans sa jurisprudence Fink-Frucht GmbH. [aff. 27/67, Rec. (1968) 327], qui date depuis 1968, la Cour a limité la référence de l’art. 90 TCE, deuxième phrase aux produits qui se trouvent dans un rapport concurrentiel entre eux :

« ATTENDU QU ' OUTRE LA DEFENSE PRONONCEE PAR L ' ARTICLE 95 , ALINEA 1 , LE DEUXIEME ALINEA DU MEME ARTICLE PROHIBE , EN CE QUI CONCERNE LES PRODUITS IMPORTES , TOUTES LES MODALITES D ' IMPOSITION QUI SERAIENT DE NATURE " A PROTEGER INDIRECTEMENT D ' AUTRES PRODUCTIONS";
QU ' UNE TELLE PROTECTION SERAIT NOTAMMENT DONNEE SI UNE IMPOSITION INTERIEURE FRAPPAIT PLUS LOURDEMENT UN PRODUIT IMPORTE QU ' UN PRODUIT NATIONAL AVEC LEQUEL LE PREMIER SE TROUVE EN CONCURRENCE , EN RAISON D ' UNE OU DE PLUSIEURS UTILISATIONS ECONOMIQUES , SANS REMPLIR CEPENDANT LA CONDITION DE SIMILITUDE AU SENS DE L ' ARTICLE 95 , ALINEA 1. »

La Cour n’a toutefois, comme nous le verrons infra sous 4.4.3.2, pas élaboré de test pour voir quelle était la véritable intention du pays intervenant. Il est vrai que dans un contexte d’asymétrie d’information, un tel test est difficilement à mettre en place.

Dans son jugement Commission c. France [aff. 168/78, Rec. (1980) 347], la Cour suit presque verbatim le raisonnement de Fink-Frucht GmbH. (att. 6) :

« L ' ALINEA 2 DE L ' ARTICLE 95 A POUR FONCTION D ' APPREHENDER EN OUTRE TOUTE FORME DE PROTECTIONNISME FISCAL INDIRECT DANS LE CAS DE PRODUITS QUI , SANS ETRE SIMILAIRES AU SENS DE L ' ALINEA 1 , SE TROUVENT NEANMOINS , AVEC CERTAINES PRODUCTIONS DU PAYS D ' IMPORTATION , DANS UN RAPPORT DE CONCURRENCE MEME PARTIELLE , INDIRECTE OU POTENTIELLE . LA COUR A DEJA MIS EN EVIDENCE CERTAINS ASPECTS DE CETTE DISPOSITION DANS SON ARRET FINK-FRUCHT , DU 4 AVRIL 1968 ( AFF . 27/67 , RECUEIL 1968 , P . 327 ), OU IL EST INDIQUE QU ' IL SUFFIT , POUR L ' APPLICATION DU DEUXIEME ALINEA DE L ' ARTICLE 95 , QUE LE PRODUIT IMPORTE SE TROUVE EN CONCURRENCE AVEC LA PRODUCTION NATIONALE PROTEGEE EN RAISON D ' UNE OU DE PLUSIEURS UTILISATIONS ECONOMIQUES , MEME A DEFAUT DE REMPLIR PLEINEMENT LA CONDITION DE SIMILITUDE EXIGEE PAR L ' ARTICLE 95 , ALINEA 1. »

Dans son arrêt Commission c. Royaume-Uni [aff. 170/78, Rec. (1980) 417], la Cour ajoute qu’il n’est pas approprié de concevoir la notion de rapport concurrentiel dans une dimension statique. La concurrence potentielle doit également être incluse (att. 6) :

« EN VUE DE DETERMINER L'EXISTENCE D'UN RAPPORT DE CONCURRENCE AU SENS DE L'ARTICLE 95, ALINEA 2, IL Y A LIEU D'ENVISAGER NON SEULEMENT L'ETAT ACTUEL DU MARCHE, MAIS ENCORE LES POSSIBILITES D'EVOLUTION DANS LE CONTEXTE DE LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES A L'ECHELLE DE LA COMMUNAUTE ET LES VIRTUALITES NOUVELLES DE SUBSTITUTION ENTRE PRODUITS QUE L'INTENSIFICATION DES ECHANGES PEUT REVELER, DE MANIERE A METTRE EN VALEUR PLEINEMENT LES COMPLEMENTARITES ENTRE LES ECONOMIES DES ETATS MEMBRES, CONFORMEMENT AUX OBJECTIFS FIXES PAR L'ARTICLE 2 DU TRAITE. »

Cette approche a, certes, du bon sens, spécialement si elle est appréciée sous l’angle déjà mentionné que les Etats membres ne peuvent pas, par le biais de régimes fiscaux, cristalliser les habitudes de la consommation actuelle. D'un autre côté la quantité et surtout la qualité de la preuve pour honorer un test basé sur la concurrence potentielle est parfois assez difficile à retrouver. Toutefois, de telles considérations n’ont pas empêché la Cour de formuler ces critères en l’espèce. Le fait que la Cour n’a presque jamais fait référence à des indicateurs économétriques pour justifier ses conclusions est probablement la raison qui explique son attitude.

4.4.3.2 Taxation de nature à protéger

Nous rappelons que selon la deuxième phrase de l’art. 90 TCE, ce sont les taxations de nature à protéger la production domestique qui sont déclarées incompatibles avec le système de l’art. 90 TCE.

Suivant cette formulation, on aurait pu s’attendre à ce que la Cour élabore un test d’incompatibilité où

l’intention de protéger est punissable ; ou
les effets d’une taxation sont punissables s’il en résulte que la production nationale en bénéficie, même en absence d’intention de protéger ; ou
il faut cumulativement démontrer qu’une taxation avait pour but de protéger et les effets en sont en conformes à ce but.

Horn et Mavroidis (2004) expliquent que punir les cas qui sont classifiables sous 3 ne pose aucun problème intellectuel. En revanche, en ce qui concerne les deux autres catégories, la situation (et la décision est moins claire) : punir les cas classifiables sous 2 est problématique parce que peut-être l’effet protecteur est auxiliaire et/ou même involontaire (par exemple, n’importe quelle intervention réglementaire visant à protéger l’environnement aura des effets au marché et peut être, si les produits domestiques sont plus ‘amicaux’ vis-à-vis de l’environnement, que ce sont les produits importés qui devront subir la majorité de la taxation). Des cas visés sous 2 peuvent tout de même être ‘sauvés’, par une allocation de preuve stratégique, suivant laquelle, une imposition qui frappe les produits importés plus lourdement n’est pas en violation de l’art. 90 TCE si elle est nécessaire pour, par exemple, protéger l’environnement. Les cas à classifier sous 1 sont encore plus problématiques : d’un côté il y a l’argument qu’en punissant de tels cas, le législateur démontre qu’il ne va pas tolérer pareilles pratiques indépendamment de leurs effets et on peut espérer, qui suivant la sanction, les Etats membres ne feront pas usage de telles politiques ; de l’autre côté, on peut logiquement se demander si une telle sanction est vraiment nécessaire au cas où aucun effet protecteur n’est détectable.

La Cour dans sa jurisprudence est restée loin de pareilles considérations. Le passage ci-après de l’arrêt Fink-Frucht GmbH. [aff. 27/67, Rec. (1968) 327] décrit le test qui est applicable encore aujourd'hui : sans en faire un test sophistiqué en matière, la Cour sanctionne les interventions réglementaires qui sont capables de produire des effets protecteurs, même en absence d’effets protecteurs proprement-dits et sans aucune analyse de l’intention du pays intervenant :

« QUE DANS L'INTERET DE LA SECURITE JURIDIQUE, IL CONVIENT TOUTEFOIS D'EXIGER QUE LES DIVERS RAPPORTS ECONOMIQUES ENVISAGES PAR L'ARTICLE 95, ALINEA 2, N'AIENT PAS UN CARACTERE SIMPLEMENT OCCASIONNEL, MAIS QU'IL S'AGISSE DE RELATIONS DURABLES ET CARACTERISEES;
ATTENDU QUE L'INCIDENCE D'UNE IMPOSITION SUR LES RAPPORTS ECONOMIQUES ENVISAGES PAR L'ARTICLE 95, ALINEA 2, DOIT ETRE APPRECIEE A LA LUMIERE DES OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LES DISPOSITIONS DE L ' ARTICLE 95 QUI VISENT A GARANTIR LE JEU NORMAL DE LA CONCURRENCE AINSI QU'A ELIMINER TOUS OBSTACLES DE NATURE FISCALE POUVANT ENTRAVER LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES A L'INTERIEUR DU MARCHE COMMUN;
QU'ALORS QUE L'ARTICLE 95 , ALINEA 1 , N ' INTERDIT UNE TAXE QUE DANS LA MESURE OU CELLE-CI DEPASSE UN NIVEAU DE REFERENCE BIEN DETERMINE , L ' INTERDICTION ETABLIE PAR L ' ALINEA 2 EST BASEE SUR L ' EFFET PROTECTEUR DES TAXES VISEES , A L ' EXCLUSION D ' UN TERME PRECIS DE REFERENCE;
QUE , PARTANT , LORSQU ' UNE TAXE EST SUSCEPTIBLE DE PRODUIRE L ' EFFET SUSVISE , ELLE DOIT ETRE CONSIDEREE COMME INCOMPATIBLE AVEC LE TRAITE;
QUE , TOUTEFOIS , LE TRAITE N ' INTERDIT PAS AU JUGE NATIONAL DE DECIDER , LE CAS ECHEANT , DU NIVEAU AU-DESSOUS DUQUEL LA TAXE EN QUESTION CESSERAIT DE PRODUIRE L ' EFFET DE PROTECTION CONDAMNE PAR LE TRAITE , ET D ' EN TIRER TOUTE CONSEQUENCE. »

Suivant cette logique, la Cour déclare dans Roders [C-367/93, Rec. (1995) I-2229] que (att. 39) :
« En outre, selon une jurisprudence constante, l'appréciation de la compatibilité d' une charge fiscale avec l' article 95, deuxième alinéa, doit se faire au regard des incidences de cette charge sur les rapports de concurrence entre les produits en cause. La question essentielle est donc de savoir si cette charge est de nature à influencer le marché en cause en diminuant la consommation potentielle des produits importés au profit des produits nationaux concurrents (voir arrêt Commission/Belgique, précité, point 15). A cet égard, la juridiction de renvoi doit tenir compte de la différence existant entre les prix de vente des produits en cause et de l'incidence de cette différence sur le choix du consommateur, ainsi que de l'évolution de la consommation de ces produits. »

L’intention sera toutefois discutée en cas de défense de la part de l’Etat membre intervenant qui soulèvera éventuellement une exigence impérative (voir infra sous 7.7) pour justifier ses mesures. Il faut alors comprendre le test de la Cour comme une allocation du fardeau de la preuve dans le sens que la Cour regarde avec soupçon  les taxations discriminatoires: elles doivent toutes être justifiées si elles sont capables de produire des effets protecteurs. Mais quelle taxation ne l'est pas ?

Comme nous le constaterons dans la Section 7 du présent volume, le manque de parallélisme avec l’évolution de la jurisprudence en matière de l’art. 28 TCE est ici frappant. La Cour se montre plus large lorsqu’elle est en présence d’une mesure de caractère non-fiscal que dans le cas contraire. Pourtant, il est en principe difficile de dire si c’est plus efficace pour un Etat membre d’atteindre ses buts et réaliser les préférences sociales par le biais d’interventions de caractère fiscal ou non-fiscal.

4.4.4 Est-ce que la distinction entre produits similaires et en concurrence est toujours pertinente ?

Ce n’est pas toujours le cas que la Cour classifie les produits sous ‘produits similaires’ ou ‘produits en concurrence’. Un bon exemple est offert par l’arrêt Commission c. Italie [aff. 278/83, Rec. (1985) 2503] : dans ce cas-ci, la Cour a trouvé que l’Italie a manqué à ses obligations en réservant un régime particulier pour quelques vins mousseux sans toutefois préciser si le manquement concernait la première ou la deuxième phrase de l’art. 90 TCE.

Est-ce cette attitude problématique ? Il nous semble que non. La Cour (suivant sur ce point la Commission) a utilisé la deuxième phrase comme le fil récupérateur de l’exercice : si la Cour pense que deux produits ne sont pas similaires, elle examinera s'ils sont en concurrence. Ce qui compte est la défaite du protectionnisme étatique indépendamment de la classification sous l’un ou l’autre intitulé.

4.5 Et quid s’il n’y a pas de protection domestique ?

Lors de son jugement Commission c. Danemark [aff. 47/88, Rec. (1990) I-4509], la Cour a dû se prononcer sur une taxe danoise imposée sur les voitures. Le gouvernement danois a soutenu que cette taxe ne pouvait pas être vue sous l’angle de l’art. 90 TCE étant donné l'absence de production nationale de voitures et le fait que ladite taxe n’était par conséquent imposée qu’aux voitures importées. La Cour a écarté cet argument rappelant qu’un produit devient national lors de son importation (atts. 16-17) :

« Le gouvernement danois allègue d' abord que la nature même de la taxe d' immatriculation implique qu' elle ne s' applique qu' aux voitures d' occasion importées et non aux voitures d' occasion vendues sur le marché danois, pour lesquelles les taxes ont déjà été acquittées lors de l' immatriculation comme voitures neuves ou comme voitures d' occasion importées . Il estime, par ailleurs, qu' il n' y a pas de véritable discrimination en faveur des produits danois, puisqu' il n' y a pas de production danoise d' automobiles et que toutes les voitures d' occasion sont, par conséquent, d' origine étrangère.

Il y a lieu d' observer d' emblée que, comme la Commission l' a souligné à juste titre, ce n' est pas parce qu' il n' y a pas de production danoise de véhicules automobiles que le Danemark n' a pas de marché de véhicules d' occasion . En effet, un produit devient national dès lors qu' il a été importé et mis sur le marché . Les voitures d' occasion importées et celles qui sont achetées sur place constituent des produits similaires ou concurrents . Les dispositions de l' article 95 s' appliquent, par conséquent, pour la taxe d' immatriculation à l' importation des voitures d' occasion. »


4.6 Les mesures à l’exportation

En ce qui concerne les mesures fiscales à l’exportation deux observations semblent pertinentes :

Primo, comme nous l’avons vu lors de la jurisprudence Statens Kontrol, la Cour a construit l’art. 90 TCE comme interdisant la taxation discriminatoire en fonction de la destination finale du produit. Dans cette perspective, la Cour a jugé incompatibles avec le système communautaire des taxations qui réservent un traitement fiscal favorable si la destination est le marché intérieur ;

Secundo, l’art. 91 TCE ajoute un angle qui est proche de la logique des aides d’état. Plus concrètement, cette disposition permet aux Etats membres de payer aux produits exportés des ristournes fiscales. Le montant de telles ristournes ne peut toutefois pas dépasser le montant des taxes imposées, sinon les produits exportés risqueraient d’être subventionnés.

4.7 Justifications

La lecture du droit primaire ne laisse aucun doute quant au fait que les pères fondateurs du TCE n’ont pas prévu de motifs qui puissent être soulevés afin de justifier des pratiques fiscales qui ont été jugées incompatibles avec l’art. 90 TCE. Toutefois, d'une part, le droit communautaire dérivé peut légitimer certaines législations incompatibles avec le TCE et, d'autre part, la jurisprudence a accepté des motifs spécifiques pour justifier des incompatibilités.
Par voie législative, il se peut que le droit communautaire octroie aux Etats membres la possibilité de différencier, pour des raisons particulières, la taxation entre produits similaires ou en concurrence. La directive 92/83 constitue un tel exemple. Dans son arrêt Commission c. Grèce [aff. C-475/01, arrêt non encore publié du 5 octobre 2004], la Cour résume ainsi les éléments pertinents de cette directive (atts. 3 – 6) :
« La directive 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques (JO L 316, p. 21), fixe les règles d’établissement du taux d’accise pour chaque produit relevant de son champ d’application. Celui-ci est précisé aux articles 19 et 20 de cette directive.

L’article 19 de la directive 92/83 prévoit:
«1. Les États membres appliquent une accise à l’alcool éthylique conformément à la présente directive.
2. Les États membres fixent leurs taux conformément à la directive 92/84/CEE.»

Aux termes de l’article 20 de la directive 92/83:

«Aux fins de la présente directive, on entend par alcool éthylique:
– tous les produits qui ont un titre alcoométrique acquis excédant 1,2 % vol et qui relèvent des codes NC 2207 et 2208, même lorsque ces produits font partie d’un produit relevant d’un autre chapitre de la nomenclature combinée,

– les produits qui ont un titre alcoométrique acquis excédant 22 % vol et qui relèvent des codes NC 2204, 2205 et 2206,

– les eaux-de-vie contenant des produits en solution ou non.»

Le montant de l’accise est déterminé conformément aux articles 21 à 26 de la directive 92/83, l’article 23 permettant, dans certaines conditions et pour certains types de produits, d’appliquer des taux d’accises réduits. Cette dernière disposition est libellée comme suit:

«Les États membres suivants peuvent appliquer des taux réduits, pouvant être inférieurs au taux minimal, mais non inférieurs de plus de 50 % au taux d’accise national normal sur l’alcool éthylique pour les produits suivants:

[…]

2) la République hellénique, en ce qui concerne la boisson spiritueuse anisée définie dans le règlement (CEE) n° 1576/89, qui est incolore et a une teneur en sucre égale ou inférieure à 50 grammes par litre et dans laquelle l’alcool aromatisé par distillation dans des alambics traditionnels discontinus en cuivre, d’une capacité égale ou inférieure à 1 000 litres, doit représenter au moins 20 % du titre alcoométrique acquis du produit final.» »

La Grèce avait fixé le taux d’accise applicable à l’ouzo à x%, ce taux étant équivalent à 50% de celui appliqué au whisky.
La Commission allègue ce qui suit (att. 13) :

« La Commission fait valoir en substance que les actes communautaires de droit dérivé doivent être interprétés et transposés dans l’ordre juridique interne des États membres d’une manière compatible avec le traité CE. Selon elle, ceci implique que l’existence d’une disposition de droit dérivé, autorisant les États membres à frapper un produit national d’un taux d’accise réduit, ne dispense nullement ces derniers de leur obligation de respecter les principes fondamentaux consacrés par ledit traité, au nombre desquels figure celui énoncé à l’article 90 CE. La Commission considère que la République hellénique a violé l’article 90, premier alinéa, CE, en appliquant un taux d’accise réduit au seul ouzo. En effet, il résulterait d’une jurisprudence réitérée de la Cour que, pour être compatible avec l’article 90 CE, un système national de taxation doit exclure, en toute hypothèse, que les produits étrangers soient taxés plus lourdement que les produits nationaux similaires. »

La position de la Grèce quant à cette allégation est la suivante  (att. 14) :

« La République hellénique conteste l’allégation selon laquelle sa législation serait contraire au droit communautaire. Selon elle, la Commission, en fondant son recours sur le seul article 90 CE, a omis de tenir compte de la lex specialis applicable en l’espèce, à savoir l’article 23 de la directive 92/83, disposition qui permettrait à cet État membre d’appliquer à l’ouzo un taux d’accise réduit. La République hellénique conteste également que l’ouzo et les autres boissons alcooliques, telles que le gin, la vodka, le whisky, soient similaires ».

La Cour a quant à elle estimé que la Grèce s’était fondée sur l’art. 23 de la directive 92/83 en adoptant la législation nationale litigieuse et que le recours de la Commission visait ainsi indirectement, mais nécessairement à remettre en cause la légalité de cette disposition (att. 17). Invoquant la présomption de légalité des actes des institutions communautaires et la sécurité juridique, la Cour a donné raison à la Grèce et justifié son système de taxation différenciée. Selon elle, la directive 92/83 n’est en effet pas entachée d’une irrégularité dont la gravité est suffisamment évidente pour être considéré comme inexistante et ainsi justifié une exception au principe de la présomption de légalité des actes communautaires (atts. 18 – 23).

Dans Walker [aff. 243/84, Rec. (1986) 875] par exemple, la Cour accepte (att. 22) que des buts de politique économique peuvent valablement justifier la classification de produits alcoolisés dans des catégories différentes (la Cour n’excluant pas que des produits en concurrence puissent être classifiés dans des catégories fiscales différentes) :

« EN VUE DE METTRE LA JURIDICTION NATIONALE EN MESURE DE DETERMINER SI , DANS CES CONDITIONS , LA DIFFERENCE DE TAXATION OPEREE PAR LE REGIME FISCAL DANOIS CONSTITUE UNE VIOLATION DE L ' ARTICLE 95 , ALINEA 2 , IL CONVIENT DE RAPPELER QU ' EN VERTU D ' UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE ( VOIR , NOTAMMENT , L ' ARRET DU 15 MARS 1983 , COMMISSION/ITALIE , 319/81 , REC . P . 601 ), LE DROIT COMMUNAUTAIRE NE RESTREINT PAS , EN L ' ETAT ACTUEL DE SON EVOLUTION , LA LIBERTE DE CHAQUE ETAT MEMBRE D ' ETABLIR UN SYSTEME DE TAXATION DIFFERENCIEE POUR CERTAINS PRODUITS , EN FONCTION DE CRITERES OBJECTIFS , QUI PEUVENT ETRE LA NATURE DES MATIERES PREMIERES UTILISEES OU LES PROCEDES DE PRODUCTION APPLIQUES . DE TELLES DIFFERENCIATIONS SONT COMPATIBLES AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE SI ELLES POURSUIVENT DES OBJECTIFS DE POLITIQUE ECONOMIQUE COMPATIBLES , EUX AUSSI , AVEC LES EXIGENCES DU TRAITE ET DU DROIT DERIVE , ET SI LEURS MODALITES SONT DE NATURE A EVITER TOUTE FORME DE DISCRIMINATION , DIRECTE OU INDIRECTE , A L ' EGARD DES IMPORTATIONS EN PROVENANCE DES AUTRES ETATS MEMBRES , OU DE PROTECTION EN FAVEUR DE PRODUCTIONS NATIONALES CONCURRENTES. »

Dans Commission c. France [aff. 196/85, Rec. (1987) 1597], la Cour accepte comme légitime une classification française qui réserve aux productions artisanales un régime favorable à condition qu’elle soit appliquée de manière non-discriminatoire aux produits importés également (atts. 6-11) :

« IL CONVIENT DE RAPPELER D' ABORD QUE, EN VERTU D' UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE ( VOIR, EN DERNIER LIEU, L' ARRET DU 4 MARS 1986, COMMISSION/DANEMARK, 106/84, REC . P.*833 ), LE DROIT COMMUNAUTAIRE NE RESTREINT PAS, EN L' ETAT ACTUEL DE SON EVOLUTION, LA LIBERTE DE CHAQUE ETAT MEMBRE D' ETABLIR UN SYSTEME DE TAXATION DIFFERENCIEE POUR CERTAINS PRODUITS, MEME SIMILAIRES AU SENS DE L' ARTICLE 95, ALINEA 1, DU TRAITE, EN FONCTION DE CRITERES OBJECTIFS, TELS QUE LA NATURE DES MATIERES PREMIERES UTILISEES OU LES PROCEDES DE PRODUCTION APPLIQUES . DE TELLES DIFFERENCIATIONS SONT COMPATIBLES AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE SI ELLES POURSUIVENT DES OBJECTIFS DE POLITIQUE ECONOMIQUE COMPATIBLES, EUX AUSSI, AVEC LES EXIGENCES DU TRAITE ET DU DROIT DERIVE ET SI LEURS MODALITES SONT DE NATURE A EVITER TOUTE FORME DE DISCRIMINATION, DIRECTE OU INDIRECTE, A L' EGARD DES IMPORTATIONS EN PROVENANCE DES AUTRES ETATS MEMBRES, OU DE PROTECTION EN FAVEUR DE PRODUCTIONS NATIONALES CONCURRENTES.
PLUS SPECIFIQUEMENT, LA COUR A RECONNU A PLUSIEURS REPRISES QUE, EN L' ETAT ACTUEL DU DROIT COMMUNAUTAIRE, L' ARTICLE 95 DU TRAITE NE S' OPPOSE PAS A CE QUE LES ETATS MEMBRES ACCORDENT A DES FINS ECONOMIQUES OU SOCIALES LEGITIMES DES AVANTAGES FISCAUX, SOUS FORME D' EXONERATIONS OU DE REDUCTIONS DE DROITS, A CERTAINS TYPES D' ALCOOL OU A CERTAINES CATEGORIES DE PRODUCTEURS, A CONDITION QUE DE TELS REGIMES DE FAVEUR SOIENT ETENDUS, SANS DISCRIMINATION, AUX PRODUITS IMPORTES REPONDANT AUX MEMES CONDITIONS QUE LES PRODUCTIONS NATIONALES FAVORISEES

CES CRITERES SONT REUNIS EN L' ESPECE.

S' AGISSANT DES OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LE SYSTEME DE TAXATION INCRIMINE, LE GOUVERNEMENT FRANCAIS A EXPLIQUE AU COURS DE LA PROCEDURE QUE LES VINS DOUX NATURELS SONT FABRIQUES DANS DES REGIONS CARACTERISEES PAR UNE FAIBLE PLUVIOMETRIE ET UN TERROIR RELATIVEMENT ARIDE, DANS LESQUELLES, EN RAISON DE LA DIFFICULTE DE CULTIVER D' AUTRES PRODUITS AGRICOLES, L' ECONOMIE LOCALE SERAIT FORTEMENT DEPENDANTE DE LEUR PRODUCTION . L' AVANTAGE FISCAL RESERVE A CES VINS TENDRAIT DONC A COMPENSER LES CONTRAINTES DE PRODUCTION PLUS RIGOUREUSES QUI PESENT SUR EUX AFIN DE PERMETTRE LE MAINTIEN DE PRODUCTIONS DE QUALITE QUI PRESENTENT POUR CERTAINES REGIONS DE LA COMMUNAUTE UN INTERET ECONOMIQUE PARTICULIER . DE TELS OBJECTIFS DE POLITIQUE ECONOMIQUE DOIVENT ETRE CONSIDERES COMME COMPATIBLES AVEC LES EXIGENCES DU DROIT COMMUNAUTAIRE .

S' AGISSANT, D' AUTRE PART, DE L' EXTENSION DU REGIME DE FAVEUR AUX PRODUITS IMPORTES, FORCE EST DE CONSTATER QUE LE CRITERE DE "PRODUCTION TRADITIONNELLE ET D' USAGE" SE RAPPORTE INDISTINCTEMENT AUX PRODUITS NATIONAUX ET AUX PRODUITS IMPORTES . AUCUN ELEMENT DU DOSSIER N' INDIQUE QUE SON APPLICATION REVIENT, EN FAIT, A FAVORISER LES VINS D' ORIGINE FRANCAISE AU DETRIMENT DES VINS, PRESENTANT LES MEMES CARACTERISTIQUES, ORIGINAIRES D' AUTRES ETATS MEMBRES . IL N' EST NOTAMMENT PAS ETABLI QUE, EN RAISON DE DONNEES NATURELLES OU DES STRUCTURES DE LA PRODUCTION, L' AVANTAGE FISCAL DONT IL S' AGIT BENEFICIE EXCLUSIVEMENT OU, A TOUT LE MOINS, ESSENTIELLEMENT AUX PRODUCTIONS NATIONALES . IL CONVIENT D' AJOUTER QU' ON NE SAURAIT CONSIDERER COMME ETANT CONTRAIRE AU DROIT COMMUNAUTAIRE UNE REGLEMENTATION NATIONALE COUVRANT INDISTINCTEMENT LES PRODUITS NATIONAUX ET LES PRODUITS IMPORTES, AU SEUL MOTIF QU' ELLE POURRAIT ETRE SUSCEPTIBLE D' UNE APPLICATION DISCRIMINATOIRE, TANT QU' IL N' EST PAS PROUVE QU' ELLE EST EFFECTIVEMENT APPLIQUEE D' UNE TELLE MANIERE.
PAR CONSEQUENT, LE GRIEF TIRE DU FAIT QUE L' ADMISSION AU REGIME FISCAL DE FAVEUR EST RESERVEE AUX VINS DE LIQUEUR DONT LA PRODUCTION EST "TRADITIONNELLE ET D' USAGE" DOIT ETRE REJETE. »

Dans Outokumpu [C-213/96, Rec. (1998) I-1777], la Cour accepte que pour des raisons liées à la protection de l’environnement, un Etat membre peut différencier le taux imposable à l’électricité suivant son processus de production (atts. 30-33) :

« En ce qui concerne la compatibilité d'une telle taxe avec l'article 95 du traité, il convient de rappeler, en premier lieu, que, en vertu d'une jurisprudence constante, le droit communautaire ne restreint pas, en l'état actuel de son évolution, la liberté de chaque État membre d'établir un système de taxation différenciée pour certains produits, même similaires au sens de l'article 95, premier alinéa, du traité, en fonction de critères objectifs, tels que la nature des matières premières utilisées ou les procédés de production appliqués. De telles différenciations ne sont toutefois compatibles avec le droit communautaire que si elles poursuivent des objectifs compatibles, eux aussi, avec les exigences du traité et du droit dérivé et si leurs modalités sont de nature à éviter toute forme de discrimination, directe ou indirecte, à l'égard des importations en provenance des autres États membres, ou de protection en faveur de productions nationales concurrentes.

L'article 95 du traité ne s'oppose dès lors pas à ce que le taux d'une imposition intérieure frappant l'électricité varie selon le mode de production de celle-ci et les matières premières utilisées pour sa production, dans la mesure où cette différenciation repose, comme il résulte du libellé même des questions préjudicielles posées par la juridiction nationale, sur des considérations liées à l'environnement.
En effet, ainsi que la Cour l'a rappelé dans l'arrêt du 20 septembre 1988, Commission/Danemark (302/86, Rec. p. 4607, point 8), la protection de l'environnement constitue l'un des objectifs essentiels de la Communauté. Par ailleurs, depuis l'entrée en vigueur du traité sur l'Union européenne, la Communauté a notamment pour mission de promouvoir une croissance durable et non inflationniste respectant l'environnement (article 2 du traité CE) et son action comporte une politique dans le domaine de l'environnement [article 3, sous k), du traité CE].

En outre, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé au point 58 de ses conclusions, la compatibilité notamment des méthodes de production de l'énergie électrique avec l'environnement constitue un objectif important de la politique énergétique de la Communauté. »

Pourvu alors que les classifications fiscales soient faites en fonction de critères objectifs (selon la terminologie de la Cour) et soient appliquées de façon non discriminatoire, la Cour les acceptent comme compatibles avec le système de l’art. 90 TCE. La Cour n’a pas fourni une liste de critères objectifs. Les critères utilisés nous permettent néanmoins de voir un parallèle avec la jurisprudence sur les exigences impératives. Il ressort qu’il incombe en principe aux Etats membres d’inventer le critère de classification (et ils peuvent aller au-delà de la liste actuelle des exigences impératives, puisque cette liste, comme nous l’avons déjà évoqué, n’est pas exhaustive) et à la Cour d’accepter comme valables (objectifs) de tels critères.
Il se peut, dans cette démarche, que les critères utilisés ne puissent être remplis que par la production nationale. Dans Essevi et Salengo [aff. 142/80, Rec. (1981) 1413], la Cour a déclaré un tel critère (la jouissance d’un taux favorable était subordonnée à une inspection qui ne pouvait avoir lieu que sur le territoire national, les produits importés en étaient dès lors tous exclus) comme incompatible avec l’art. 90 TCE (atts. 21-23) :

« AINSI QUE LA COUR L ' A AFFIRME EN VERTU D ' UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE ( VOIR EN DERNIER LIEU L ' ARRET DU 14 . 1 . 1981 , SA CHEMIAL FARMACEUTICI, AFFAIRE 140/79 ), LE DROIT COMMUNAUTAIRE NE RESTREINT PAS , EN L ' ETAT ACTUEL DE SON EVOLUTION , LA LIBERTE DE CHAQUE ETAT MEMBRE D ' ETABLIR UN SYSTEME DE TAXATION DIFFERENCIEE POUR CERTAINS PRODUITS , EN FONCTION DE CRITERES OBJECTIFS , TELS QUE LA NATURE DES MATIERES PREMIERES UTILISEES OU LES PROCEDES DE PRODUCTION APPLIQUES . DE TELLES DIFFERENCIATIONS SONT COMPATIBLES AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE SI ELLES POURSUIVENT DES OBJECTIFS DE POLITIQUE ECONOMIQUE COMPATIBLES , EUX AUSSI , AVEC LES EXIGENCES DU TRAITE ET DU DROIT DERIVE ET SI LEURS MODALITES SONT DE NATURE A EVITER TOUTE FORME DE DISCRIMINATION , DIRECTE OU INDIRECTE , A L ' EGARD DES IMPORTATIONS EN PROVENANCE DES AUTRES ETATS MEMBRES , OU DE PROTECTION EN FAVEUR DE PRODUCTIONS NATIONALES CONCURRENTES. OR , LE FAIT DE SUBORDONNER LA CONCESSION D ' UNE EXEMPTION FISCALE OU LA JOUISSANCE D ' UN TAUX D ' IMPOSITION REDUIT A LA POSSIBILITE D ' UN CONTROLE DE LA PRODUCTION SUR LE TERRITOIRE NATIONAL CONSTITUE UNE CONDITION QUE , PAR HYPOTHESE , LES PRODUITS SIMILAIRES EN PROVENANCE D ' AUTRES ETATS MEMBRES NE PEUVENT PAS REMPLIR . UNE TELLE EXIGENCE A POUR EFFET D ' EXCLURE D ' AVANCE CES PRODUITS DU BENEFICE DE L ' AVANTAGE FISCAL EN QUESTION ET DE RESERVER CELUI-CI A LA PRODUCTION NATIONALE . IL APPARAIT DONC QU ' UN TEL SYSTEME D ' IMPOSITION A UN CARACTERE DISCRIMINATOIRE ET TOMBE COMME TEL SOUS LA PROHIBITION DE L ' AR- TICLE 95 .

IL Y A DONC LIEU DE REPONDRE A LA DEUXIEME BRANCHE DES QUESTIONS POSEES QU ' UN SYSTEME D ' IMPOSITION DE L ' ALCOOL AMENAGE DE MANIERE A RESERVER A LA SEULE PRODUCTION NATIONALE DES EXONERATIONS OU DES REDUCTIONS DU TAUX FISCAL CONSTITUE UNE DISCRIMINATION PROHIBEE PAR L ' ARTICLE 95 DU TRAITE. »

Dans la même logique, lors de son jugement Commission c. Danemark [aff. 106/84, Rec. (1986) 833], la Cour n’accepte pas comme compatible avec l’art. 90 TCE un critère qui favorise, par leur nature même, les produits importés (atts. 20-21) :

« EN CE QUI CONCERNE L ' ARGUMENT PRESENTE PAR LE ROYAUME DE DANEMARK , SELON LEQUEL UNE DIFFERENCE DE TAXATION PEUT ETRE JUSTIFIEE PAR DES CONSIDERATIONS SOCIO-ECONOMIQUES , IL CONVIENT DE RAPPELER , AINSI QUE LA COUR L ' A AFFIRME EN VERTU D ' UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE ( VOIR , EN DERNIER LIEU , L ' ARRET DU 15 MARS 1983 , COMMISSION/ITALIE , 319/81 , REC . P . 601 ), QUE LE DROIT COMMUNAUTAIRE NE RESTREINT PAS , EN L ' ETAT ACTUEL DE SON EVOLUTION , LA LIBERTE DE CHAQUE ETAT MEMBRE D ' ETABLIR UN SYSTEME DE TAXATION DIFFERENCIEE POUR CERTAINS PRODUITS , MEME SIMILAIRES AU SENS DE L ' ARTICLE 95 , ALINEA 1 , EN FONCTION DE CRITERES OBJECTIFS , TELS QUE LA NATURE DES MATIERES PREMIERES UTILISEES OU LES PROCEDES DE PRODUCTION APPLIQUES . DE TELLES DIFFERENCIATIONS SONT COMPATIBLES AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE SI ELLES POURSUIVENT DES OBJECTIFS DE POLITIQUE ECONOMIQUE COMPATIBLES , EUX AUSSI , AVEC LES EXIGENCES DU TRAITE ET DU DROIT DERIVE ET SI LEURS MODALITES SONT DE NATURE A EVITER TOUTE FORME DE DISCRIMINATION , DIRECTE OU INDIRECTE , A L ' EGARD DES IMPORTATIONS EN PROVENANCE DES AUTRES ETATS MEMBRES , OU DE PROTECTION EN FAVEUR DE PRODUCTIONS NATIONALES CONCURRENTES. TOUTEFOIS, UNE TELLE TAXATION DIFFERENCIEE N ' EST PAS COMPATIBLE AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE SI LES PRODUITS LES PLUS LOURDEMENT TAXES SONT , COMME EN L ' ESPECE , PAR LEUR NATURE , DES PRODUITS IMPORTES. »

La même logique se voit reflétée dans l’att. 12 de l’arrêt Commission c. Grèce [C-230/89, Rec. (1991) I-1909]. Le problème bien sûr réside dans des cas où, suivant des critères objectifs, ce sont les produits nationaux qui constituent la majorité des produits bénéficiant d’un taux favorable. Il est suggéré que dans de tels cas, la Cour peut s’inspirer davantage de la jurisprudence du domaine des arts. 28 et s. TCE que nous verrons ultérieurement.

4.8 La relation entre l’art. 90 TCE et les aides d’état (art. 87 et s.)

Comme nous l’avons invoqué la logique de l’art. 91 TCE est compatible avec la logique des arts. 87 (ex-92) et s. TCE qui régissent les aides d’état dans le système communautaire. Dans ce sens, par le biais de la fiscalité, un Etat membre peut conférer un avantage à sa production nationale. Ce point a déjà été accepté par la jurisprudence CELBI / Fazenda Publica [C-266/91, Rec. (1993) I-4337], où aux attendus 20-24 la Cour s’explique sur ce point de la façon suivante :

« Par sa quatrième question, la juridiction nationale pose le problème de la compatibilité d' une taxe, telle que celle en cause dans le litige au principal, avec les dispositions du traité régissant les aides étatiques.

Il convient de relever à cet égard que, si une taxe parafiscale peut entrer dans le champ d' application soit de l' article 12, soit de l' article 95 du traité, l' affectation de son produit au bénéfice des produits nationaux peut néanmoins constituer une aide étatique, le cas échéant incompatible avec le marché commun, si les conditions de l' article 92 du traité, telles qu' interprétées par la Cour, sont réunies.
Toutefois, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l' incompatibilité des aides étatiques avec le marché commun n' est ni absolue ni inconditionnelle. En organisant l' examen permanent et le contrôle des aides par la Commission, l' article 93 du traité vise à ce que la reconnaissance de l' incompatibilité éventuelle d' une aide avec le marché commun résulte d' une procédure appropriée dont la mise en oeuvre relève de la responsabilité de la Commission, sous le contrôle de la Cour. Les particuliers ne sauraient, dès lors, en invoquant le seul article 92, contester la compatibilité d' une aide avec le droit communautaire devant les juridictions nationales ni demander à celles-ci de se prononcer, à titre principal ou incident, sur une incompatibilité éventuelle (voir, notamment, arrêt Lornoy, précité).
Néanmoins, il appartient aux juridictions nationales de sauvegarder les droits des justiciables face à une éventuelle méconnaissance, par les autorités nationales, de l' interdiction de mise à exécution des aides, qui est édictée à l' article 93, paragraphe 3, dernière phrase, du traité et qui a un effet direct. Une telle méconnaissance, lorsqu' elle est invoquée par les justiciables et constatée par les juridictions nationales, doit conduire celles-ci à en tirer toutes les conséquences, conformément à leur droit national, tant en ce qui concerne la validité des actes portant exécution des mesures d' aides que pour ce qui est du recouvrement des soutiens financiers accordés. Leurs décisions n' impliquent pas pour autant une appréciation de la compatibilité des aides avec le marché commun, laquelle relève, ainsi qu' il a déjà été rappelé, de la compétence exclusive de la Commission, sous le contrôle de la Cour (voir arrêt du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires, C-354/90, Rec. p. I-5505).

Dès lors, il y a lieu de répondre à la quatrième question préjudicielle que l' affectation du produit d' une taxe parafiscale, telle que celle de l' espèce, peut constituer une aide étatique incompatible avec le marché commun, si les conditions de l' article 92 du traité sont réunies, étant entendu qu' une telle appréciation relève de la compétence de la Commission et ne peut intervenir qu' au terme de la procédure prévue à cet effet par l' article 93 du traité. »

La même logique est présente dans le jugement Portugal c. Commission [C-204/97, Rec. (2001) I-3175].

La Cour dans son jugement Commission c. Italie (‘Sovraprezzo’) [aff. 73/79, Rec. (1980) 1533] reflète une discussion assez complète de la relation entre fiscalité interne et aides d’état. Les faits sont assez particuliers. L’Italie impose une taxe (‘sovraprezzo’) qui frappe indistinctement sucre domestique et importé. Le produit de la taxation est orienté automatiquement à la subvention de la production nationale de sucre. La CE avait déjà donné son feu vert à l’Italie pour qu’elle procède à une aide étatique à la production nationale du sucre afin de favoriser ladite production et mieux l’intégrer au marché communautaire. Toutefois, la Cour objecte quant à la manière dont l’aide est canalisée vers la production nationale de sucre. Elle déclare le ‘sovraprezzo’ illégal suivant les arguments reproduits ci-après (atts. 12-23) :

« L ' ARTICLE 95 , ALINEA 1 , DU TRAITE INTERDIT AUX ETATS MEMBRES DE FRAPPER DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT LES PRODUITS EN PROVENANCE DES AUTRES ETATS MEMBRES D ' IMPOSITIONS INTERIEURES , DE QUELQUE NATURE QU ' ELLES SOIENT , SUPERIEURES A CELLES QUI FRAPPENT DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT LES PRODUITS NATIONAUX SIMILAIRES.
LE GOUVERNEMENT ITALIEN FAIT VALOIR D ' ABORD QUE LE ' SOVRAPREZZO ' PESE DE MANIERE IDENTIQUE SUR LE SUCRE PRODUIT EN ITALIE ET SUR LE SUCRE IMPORTE ET QUE LA DISCRIMINATION ALLEGUEE PAR LA COMMISSION RESIDE DANS LE MONTANT DE L ' AIDE OCTROYEE AU SUCRE NATIONAL . OR , CETTE AIDE SERAIT AUTORISEE EN VERTU DE L ' ARTICLE 38 DU REGLEMENT N 3330/74 ; ELLE AURAIT POUR OBJECTIF DE COMBLER L ' ECART ECONOMIQUE DANS LE SECTEUR DU SUCRE ENTRE L ' ITALIE ET LES AUTRES ETATS MEMBRES , EN VUE D ' ASSURER LA PLEINE INSERTION DE L ' ECONOMIE SUCRIERE ITALIENNE DANS L ' ECONOMIE COMMUNAUTAIRE . DES LORS , L ' AIDE EN QUESTION DEVRAIT REPRESENTER UNE DIFFERENCE NETTE ET CONSTANTE A L ' AVANTAGE DU SUCRE ITALIEN.
SUR CE DERNIER POINT , IL Y A LIEU DE RAPPELER QUE LA COUR A DEJA DIT , DANS SON ARRET DU 25 MAI 1977 ( AFFAIRE 105/78 , INTERZUCCHERI , RECUEIL P . 1029 ) QUE L ' AUTORISATION DE L ' ARTICLE 38 DU REGLEMENT N 3330/74 D ' OCTROYER LES AIDES QUI Y SONT PREVUES NE SAURAIT ETRE COMPRISE COMME IMPLIQUANT LA CONFORMITE AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE DE TOUT MODE DE FINANCEMENT DE CES AIDES , QUELLES QU ' EN SOIENT LA NATURE OU LES MODALITES , ET QUE , DANS LE FINANCEMENT DE L ' AIDE ACCORDEE , LES AUTORITES NATIONALES RESTENT NOTAMMENT SOUMISES AUX OBLIGATIONS RESULTANT DU TRAITE.
IL EST VRAI QUE LE ' SOVRAPREZZO ' EST UNE TAXE QUI FRAPPE LES PRODUITS NATIONAUX ET IMPORTES SUR LA BASE DE CRITERES IDENTIQUES . TOUTEFOIS , DANS L ' INTERPRETATION DE LA NOTION D ' ' IMPOSITIONS INTERIEURES ' AU SENS DE L ' ARTICLE 95 , IL PEUT Y AVOIR LIEU DE TENIR COMPTE DE LA DESTINATION DU PRODUIT DE L ' IMPOSITION . EN EFFET , LORSQUE LE PRODUIT D ' UNE TELLE IMPOSITION EST DESTINE A ALIMENTER DES ACTIVITES QUI PROFITENT SPECIALEMENT AUX PRODUITS NATIONAUX IMPOSES , IL PEUT EN RESULTER QUE LA CONTRIBUTION PRELEVEE SELON LES MEME CRITERES CONSTITUE NEANMOINS UNE TAXATION DISCRIMINATOIRE , DANS LA MESURE OU LA CHARGE FISCALE GREVANT LES PRODUITS NATIONAUX EST NEUTRALISEE PAR DES AVANTAGES QU ' ELLE SERT A FINANCER , TANDIS QUE CELLE GREVANT LES PRODUITS IMPORTES REPRESENTE UNE CHARGE NETTE.
IL EN RESULTE QU ' UNE IMPOSITION INTERIEURE EST DE NATURE A FRAPPER INDIRECTEMENT LES PRODUITS EN PROVENANCE DES AUTRES ETATS MEMBRES PLUS LOURDEMENT QUE LES PRODUITS NATIONAUX , SI CETTE IMPOSITION SERT EXCLUSIVEMENT OU PRINCIPALEMENT A FINANCER DES AIDES DONT BENEFICIENT LES SEULS PRODUITS NATIONAUX.
LE GOUVERNEMENT ITALIEN OBJECTE QU ' UN TEL POINT DE VUE CONDUIRAIT , EN L ' ESPECE , A UNE VISION FORMALISTE DE L ' ARTICLE 95 . EN EFFET , IL SERAIT LOISIBLE A LA REPUBLIQUE ITALIENNE DE MAINTENIR LE ' SOVRAPREZZO ' TEL QU ' IL EST APPLIQUE ACTUELLEMENT , SI LA RECETTE DE CETTE TAXE ETAIT VERSEE AU TRESOR ITALIEN POUR ENTRER DANS LE BUDGET GENERAL DE L ' ETAT ; LE GOUVERNEMENT POURRAIT ALORS PRELEVER SUR CE BUDGET LES FONDS DESTINES AU FINANCEMENT DES AIDES AUTORISEES PAR L ' ARTICLE 38 DU REGLEMENT N 3330/74 . DANS CE CAS EGALEMENT , LE PRODUIT IMPORTE NE BENEFICIERAIT D ' AUCUN AVANTAGE PAR RAPPORT A LA SITUATION EXISTANTE , PUISQU ' IL CONTINUERAIT A ETRE SOUMIS AU ' SOVRAPREZZO ' , SANS BENEFICIER DES AIDES ACCORDEES AU PRODUIT NATIONAL.
IL CONVIENT D ' OBSERVER QUE LA SITUATION ENVISAGEE PAR LE GOUVERNEMENT ITALIEN N ' EST PAS COMPARABLE A CELLE QUI FAIT L ' OBJET DU PRESENT RECOURS . CELUI-CI CONCERNE LE ' SOVRAPREZZO ' EN TANT QU ' IMPOSITION INTERIEURE QUI , BIEN QUE FRAPPANT D ' UN MONTANT EGAL LE SUCRE NATIONAL ET LE SUCRE IMPORTE , EST AFFECTEE AU FINANCEMENT DES AIDES EN FAVEUR DU SUCRE NATIONAL. SI LE ' SOVRAPREZZO ' NE REVETAIT PAS LE CARACTERE DE TAXE AFFECTEE AU FINANCEMENT DES AIDES A LA PRODUCTION NATIONALE , LES CONDITIONS D ' APPLICATION DE L ' ARTICLE 95 NE SERAIENT PAS REUNIES . DANS CE CAS , TOUTEFOIS , L ' OCTROI DES AIDES D ' ADAPTATION NE SERAIT PLUS LE RESULTAT AUTOMATIQUE D ' UN SYSTEME DE PEREQUATION GREVANT LE SEUL SECTEUR DE LA PRODUCTION ET DE L ' IMPORTATION DU SUCRE , MAIS IL AURAIT SON ORIGINE DANS DES DECISIONS AU NIVEAU LEGISLATIF OU GOUVERNEMENTAL , OU LES DIFFERENTS INTERETS PROFESSIONNELS EN CAUSE SERAIENT MIS EN BALANCE.
ENFIN , LE GOUVERNEMENT ITALIEN SOULIGNE QUE LE ' SOVRAPREZZO ' EST PRELEVE SUR LE SUCRE MIS A LA CONSOMMATION ET QUE LA CHARGE QU ' IL REPRESENTE FAIT PARTIE INTEGRANTE DU PRIX DE VENTE DU SUCRE . IL EN RESULTE A SON AVIS QUE LA TAXE EN QUESTION REPOSE EN DEFINITIVE SUR LE CONSOMMATEUR DU PRODUIT ET QUE LES PRODUCTEURS ET LES IMPORTATEURS DU SUCRE AGISSENT , EN ACQUITTANT LE MONTANT DE LA TAXE , POUR LE COMPTE DU CONSOMMATEUR.
TOUTEFOIS , COMME LA COMMISSION LE REMARQUE A JUSTE TITRE , LE FAIT QUE LES CHARGES FINANCIERES RESULTANT DE L ' IMPOSITION D ' UNE TAXE SOIENT REPERCUTEES SUR LES CONSOMMATEURS NE MODIFIE PAS LA NATURE JURIDIQUE DE LA TAXATION EN CAUSE . LE GOUVERNEMENT ITALIEN N ' A D ' AILLEURS PAS CONTESTE QUE LE ' SOVRAPREZZO ' EST PRELEVE SUR LES PRODUCTEURS ET SUR LES IMPORTATEURS DE SUCRE . LE FAIT , ALLEGUE PAR LE GOUVERNEMENT ITALIEN , QUE LES PRIX DE VENTE DU SUCRE EN ITALIE , AUX DIVERS STADES DE COMMERCIALISATION , INCLURAIENT LE MONTANT DU ' SOVRAPREZZO ' EST SANS PERTINENCE POUR LA QUALIFICATION DE CETTE TAXE AU REGARD DE L ' ARTICLE 95 DU TRAITE.
IL RESULTE DE CE QUI PRECEDE QUE LES ARGUMENTS AVANCES PAR LE GOUVERNEMENT ITALIEN NE SAURAIENT ETRE RETENUS.
DES LORS , LE ' SOVRAPREZZO ' DOIT ETRE CONSIDERE COMME UNE TAXE QUI , BIEN QUE PERCUE AU MEME TAUX SUR LE SUCRE PRODUIT EN ITALIE ET CELUI EN PROVENANCE DES AUTRES ETATS MEMBRES , NE PESE PAS DE FACON UNIFORME SUR CES PRODUITS , ETANT DONNE QU ' ELLE CONSTITUE UNE CHARGE INEGALE POUR LES PRODUITS NATIONAUX QUI BENEFICIENT DE SA PERCEPTION ET POUR LES PRODUITS IMPORTES QUI EN SUPPORTENT LA CHARGE SANS EN TIRER LES AVANTAGES.
IL Y A DONC LIEU DE CONSTATER QUE LA REPUBLIQUE ITALIENNE , EN FRAPPANT LE SUCRE D ' UNE IMPOSITION INTERIEURE DONT LA CHARGE PESE INEGALEMENT SUR LE SUCRE PRODUIT EN ITALIE ET SUR CELUI IMPORTE DES AUTRES ETATS MEMBRES , A MANQUE A UNE OBLIGATION QUI LUI INCOMBE EN VERTU DE L ' ARTICLE 95 DU TRAITE. »

La Cour suit la même logique dans son arrêt Commission c. Italie [aff. 21/79, Rec. (1980) 1] l'on peut lire dans son attendu 26:

« SANS QU ' IL SOIT NECESSAIRE DE SE PRONONCER SUR LA QUESTION DE SAVOIR SI LA REPUBLIQUE ITALIENNE A OU NON APPLIQUE LA DIRECTIVE 75/439 , IL SUFFIT D ' OBSERVER , AINSI QU ' IL A ETE RELEVE CI-DESSUS , QUE CETTE DIRECTIVE NE PORTE PAS ATTEINTE AU DROIT DES ETATS MEMBRES D ' ETABLIR UN SYSTEME D ' IMPOSITIONS INTERIEURES COMPORTANT DES TAUX REDUITS . L ' ARTICLE 13 DE LA DIRECTIVE AUTORISE LES ETATS MEMBRES A OCTROYER LES INDEMNITES , SANS POUR AUTANT LES Y OBLIGER , MAIS VEILLE A CE QUE LES INDEMNITES , SI ELLES SONT OCTROYEES , NE CONSTITUENT PAS DES OBSTACLES A LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES . IL S ' ENSUIT QU ' EN EXECUTANT LA DIRECTIVE , LES ETATS MEMBRES SONT LIBRES , SOIT D ' ACCORDER DIRECTEMENT DES INDEMNITES AUX ENTREPRISES EN QUESTION , SOIT DE FAIRE BENEFICIER LES HUILES REGENEREES D ' UN REGIME FISCAL PLUS AVANTAGEUX , SOIT MEME DE CUMULER LES DEUX SYSTEMES . TOUTEFOIS , SI , EN VERTU DU POUVOIR D ' APPRECIATION QUI LEUR APPARTIENT EN LA MATIERE , ILS SE PRONONCENT EN FAVEUR D ' UN SYSTEME DE REDUCTION DES IMPOSITIONS INTERIEURES , ILS SONT TENUS D ' ACCEPTER LES CONSEQUENCES DE CE CHOIX ET DE VEILLER A CE QUE LE SYSTEME CHOISI SOIT CONFORME A LA REGLE FONDAMENTALE DE NON-DISCRIMINATION FISCALE DES PRODUITS IMPORTES ENONCEE A L ' ARTICLE 95 DU TRAITE . »

La Commission a présenté une Communication intitulée ‘Impôts, taxes et redevances environnementaux dans le marché unique’ sur ce sujet (97/C 224/04 du 26.3.1997).

Dans Niels Nygård [C-234/99, Rec. (2002) I-3657] la Cour a confirmé qu’une aide étatique ne doit pas être incompatible avec les autres dispositions du TCE. En d’autres termes, la Cour accepte que si la procédure visée par l’art. 87 TCE laisse une marge de discrétion, celle-ci ne doit pas être exercée de façon à contredire le contenu de l’art. 90 TCE. Confirmant la jurisprudence antérieure en la matière, la Cour explique comment les Etats membres doivent assurer le respect de l’art. 90 TCE quand ils octroient des aides qui ont été jugées compatibles avec le TCE (atts. 50-65) :

« Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande en substance si la circonstance qu'une taxe nationale soit destinée au financement d'un régime d'aides qui a été autorisé par la Commission en application des dispositions du traité relatives aux aides d'État ne s'oppose pas à ce qu'une juridiction nationale procède à une appréciation de la compatibilité de ladite taxe avec d'autres dispositions du traité, ayant effet direct.
A titre liminaire, il convient de constater que, selon une jurisprudence constante, les articles 12 et 95 du traité ont un effet direct et engendrent pour les justiciables des droits que les juridictions nationales doivent sauvegarder (voir, notamment, arrêt Lornoy e.a., précité, point 24).
Afin de répondre à la question posée, il y a lieu de rappeler la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne l'appréciation de la compatibilité d'une taxe faisant partie d'un régime d'aides avec les diverses dispositions du traité dont elle est susceptible de relever.
S'agissant, en particulier, d'une taxe parafiscale, telle celle en cause au principal, qui peut entrer dans le champ d'application soit de l'article 12, soit de l'article 95 du traité, la Cour a jugé que l'affectation du produit de cette taxe au bénéfice des produits nationaux peut constituer une aide étatique incompatible avec le marché commun, si les conditions d'application de l'article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) sont réunies, et qu'une telle appréciation relève de la compétence exclusive de la Commission, suivant la procédure prévue à cet effet à l'article 93 du traité, et sous le contrôle de la Cour (voir arrêt Scharbatke, précité, points 18 et 20).
Or, la Cour a également précisé que, si la procédure prévue aux articles 92 et 93 du traité laisse une large marge d'appréciation à la Commission pour porter un jugement sur la compatibilité d'un régime d'aides d'État avec les exigences du marché commun, il résulte de l'économie générale du traité que cette procédure ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité concernant, par exemple, les impositions intérieures (arrêt Commission/Italie, précité, point 11).
En effet, ainsi que la Cour l'a souligné au point 8 de l'arrêt Commission/Italie, précité, si les articles 92 et 93 du traité, d'une part, et l'article 95 du traité, d'autre part, poursuivent un objectif identique, consistant à éviter que les deux ordres d'interventions d'un État membre - à savoir l'octroi d'aides d'une part et l'imposition d'une taxation discriminatoire d'autre part - aient pour effet de fausser les conditions de concurrence sur le marché commun, ces dispositions tablent toutefois sur des conditions d'application distinctes, spécifiques aux deux ordres de mesures étatiques qu'elles ont respectivement pour objet de régler, et, de plus, diffèrent par leurs conséquences juridiques, en ce sens surtout que la mise en oeuvre des articles 92 et 93 fait une large place à l'intervention de la Commission, à la différence de l'article 95. La Cour en a conclu que les pratiques de discrimination fiscale ne sont pas exemptées de l'application de l'article 95 du fait qu'elles peuvent être qualifiées simultanément de mode de financement d'une aide d'État (voir arrêts Commission/Italie, précité, point 9, et du 29 avril 1982, Pabst & Richarz, 17/81, Rec. p. 1331, point 22).
En ce qui concerne plus particulièrement les procédures permettant l'examen d'une taxe faisant partie d'un régime d'aides sous l'angle des diverses dispositions du traité susceptibles de trouver application, la Cour a jugé que l'existence de la procédure prévue à l'article 93 du traité ne fait nullement obstacle à ce que la compatibilité d'un régime d'aides au regard de règles communautaires autres que celles contenues dans l'article 92 du traité soit appréciée suivant la procédure prévue à l'article 226 CE (voir arrêt du 30 janvier 1985, Commission/France, 290/83, Rec. p. 439, point 17), ainsi que, s'agissant de dispositions du traité ayant effet direct, par les juridictions nationales (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi, 74/76, Rec. p. 557, point 14).
Certes, la possibilité pour les juridictions nationales d'apprécier les modalités d'un régime d'aides au regard de dispositions du traité autres que celles des articles 92 et 93 présuppose que les modalités en question soient susceptibles d'être appréciées isolément, c'est-à-dire qu'il s'agisse de conditions ou d'éléments qui, bien que faisant partie du régime d'aide en cause, ne sont pas nécessaires à la réalisation de son objet ou à son fonctionnement (voir arrêt Iannelli & Volpi, précité, point 14).
Mais, si tel est le cas, il n'y a pas de motifs tirés de la répartition de compétences découlant des articles 92 et 93 du traité pour conclure que, dans le cas de violation d'autres dispositions du traité, ayant effet direct, ces dernières ne pourraient être invoquées devant les juridictions nationales en raison du seul fait que l'élément visé constituerait une modalité d'une aide (arrêt Iannelli & Volpi, précité, point 14).
À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il appartient aux juridictions nationales de sauvegarder les droits des justiciables face à une éventuelle méconnaissance, par les autorités nationales, de l'interdiction de mise à exécution des projets d'aide, qui est édictée par l'article 93, paragraphe 3, dernière phrase, du traité et qui a un effet direct. Une telle méconnaissance, lorsqu'elle est invoquée par les justiciables et constatée par les juridictions nationales, doit conduire celles-ci à en tirer toutes les conséquences, conformément à leur droit national, sans que leurs décisions impliquent pour autant une appréciation de la compatibilité des aides avec le marché commun, laquelle relève de la compétence exclusive de la Commission, sous le contrôle de la Cour (voir arrêts CELBI, précité, point 23; du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, C-354/90, Rec. p. I-5505, point 14, et du 11 juillet 1996, SFEI e.a, C-39/94, Rec. p. I-3547, points 40 et 42).
Or, si, ainsi qu'il découle du point 41 de l'arrêt SFEI e.a., précité, à l'intérieur même du système de contrôle des aides étatiques institué par le traité, les juridictions nationales et la Commission remplissent des rôles complémentaires et distincts, il en va de même, à plus forte raison, lorsqu'est en cause l'examen d'une taxe parafiscale, destinée au financement d'un régime d'aides, au regard d'autres dispositions du traité que celles relatives aux aides d'État, en vue de remédier, le cas échéant, aux violations du droit communautaire qui n'ont pas été constatées dans le cadre de la procédure prévue à l'article 93 du traité.
En effet, si l'examen de la compatibilité d'un régime d'aides avec le marché commun incombe à la Commission, eu égard au fait que cet examen implique des évaluations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C-156/98, Rec. p. I-6857, point 67), il ne saurait être contesté que, s'agissant de l'appréciation de la répartition du produit d'une taxe parafiscale nationale, les juridictions nationales sont les mieux placées pour rassembler les informations nécessaires et procéder aux évaluations qui s'imposent à cet égard, sur la base de données qui devraient normalement résulter de la comptabilité et des autres documents relatifs à la gestion des organismes qui perçoivent la taxe et qui attribuent les subventions ou autres avantages.
Il apparaît donc que l'appréciation effectuée à cet égard par les juridictions nationales permet d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct des dispositions du droit communautaire telles que celles des articles 12 et 95 du traité et, en cas de violation de ces dispositions, de rétablir la légalité sur le plan interne, sans pour autant porter atteinte au rôle central et exclusif réservé par les articles 92 et 93 du traité à la Commission pour l'appréciation de la compatibilité d'une aide avec le marché commun.
Enfin, il y a lieu de relever que, en l'occurrence, ainsi qu'il résulte de la réponse à la première question préjudicielle, la question de l'affectation du produit de la taxe en cause au principal est susceptible de faire l'objet d'une appréciation isolée par rapport à l'ensemble du régime de taxation national dont cette taxe fait partie.
Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que l'autorisation d'un régime général de taxation des produits agricoles nationaux tel que celui en cause au principal, accordée par la Commission en application des dispositions du traité relatives aux aides d'État, n'empêche nullement les juridictions nationales d'apprécier si une taxe faisant partie de ce régime, telle celle en cause au principal, est compatible avec les articles 12 ou 95 du traité au regard, notamment, de l'affectation de son produit.
Il y a dès lors lieu de répondre à la seconde question préjudicielle que la circonstance qu'une taxe nationale soit destinée au financement d'un régime d'aides qui a été autorisé par la Commission en application des dispositions du traité relatives aux aides d'État ne s'oppose pas à ce qu'une juridiction nationale procède à une appréciation de la compatibilité de ladite taxe avec d'autres dispositions du traité, ayant effet direct. »


4.9 La relation entre l’art. 90 TCE et l’art. 28 TCE

Dans son arrêt Enirisorse [C-34 à 38/01, Rec. (2004)], la Cour adopte la position que la soumission d’une transaction sous l’intitulé ‘imposition intérieure’ implique ipso facto son exclusion du champ d’application de l’art. 28 TCE. Alors, suivant cette logique, il n’y a aucun chevauchement entre les champs d’application des arts. 90 et 28 TCE respectivement (atts. 56 et 62) :

« À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, le champ d'application de l'article 30 du traité ne comprend pas celui des dispositions du traité relatives aux taxes d'effet équivalent à des droits de douane [articles 12 du traité ainsi que 16 du traité CE (abrogé par le traité d'Amsterdam)] ni celui des dispositions du traité relatives aux impositions intérieures discriminatoires (article 95 du traité) (voir en ce sens, notamment, arrêts du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi, 74/76, Rec. p. 557, point 9; du 11 mars 1992, Compagnie commerciale de l'Ouest e.a., C-78/90 à C-83/90, Rec. p. I-1847, point 20, et Lornoy e.a., précité, point 14).

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la quatrième question qu'une taxe, telle que la taxe portuaire en cause au principal, constitue une imposition intérieure au sens de l'article 95 du traité qui ne relève pas des dispositions des articles 12 et 30 de ce même traité. En l'absence de toute discrimination à l'égard des produits en provenance d'autres États membres, la mesure par laquelle un État membre prévoit la perception d'une telle taxe et l'attribution d'une partie importante du produit de cette taxe à une entreprise publique, sans que le montant ainsi attribué corresponde à un service effectivement rendu par celle-ci, n'enfreint pas les dispositions dudit article 95. »


La même logique est présente à l’att. 32 de l’arrêt De Danske Bilimportøter [C-383/01, Rec. (2003) I-6065] :

« Il convient de rappeler que le champ d'application de l'article 28 CE ne comprend pas les entraves visées par d'autres dispositions spécifiques et que les entraves de nature fiscale ou d'effet équivalant à des droits de douane visées aux articles 23 CE, 25 CE et 90 CE ne relèvent pas de l'interdiction de l'article 28 CE (voir arrêts du 11 mars 1992, Compagnie commerciale de l'Ouest e.a., C-78/90 à C-83/90, Rec. p. I-1847, point 20, et Dounias, précité, point 39). »

Dans le cas Commission c. Danemark [aff. 47/88, Rec. (1990) I-4509], toutefois, la Cour a adopté la position contraire (atts. 12-13):

« Il est vrai que, comme la Cour l' a jugé dans son arrêt du 4 avril 1968, Stier ( 31/67, Rec . p . 348 ), les États membres ne peuvent pas frapper les produits qui, à défaut de production intérieure comparable, échappent à l' application des prohibitions de l' article 95, de taxes d' un montant tel que la libre circulation des marchandises à l' intérieur du marché commun serait, en ce qui concerne ces produits, compromise.
Une telle atteinte à la libre circulation des marchandises ne saurait toutefois être appréciée éventuellement qu'à la lumière des règles générales contenues dans les articles 30 et suivants du traité. »

La divergence est peut être explicable si on voit Erinisorse comme une réflexion du principe et Danemark comme une réflexion de l’exception : ce n’est que dans des cas où l’imposition intérieure est excessive aux yeux de la Cour qu'elle l’examinera sous l’angle de l’art. 28 TCE (si, bien sûr les conditions d’application de l’art. 90 TCE ne sont pas remplies). Pour l’instant, à défaut de jurisprudence en la matière, il est impossible de préciser davantage ce qui constitue une imposition excessive.
4.10 Incompatibilité n’est pas catastrophique

Au cas où la Cour a prononcé l’incompatibilité d’une imposition intérieure avec l’art. 90 TCE (et elle n’a pas pu la justifier en ayant recours à des critères objectifs), ce n’est pas le régime fiscal national dans lequel ladite imposition est intégrée qui est in toto jugé incompatible avec l’art. 90 TCE. La Cour a précisé ce point dans l’att. 49 de son arrêt Lourenço Dias [C-343/90, Rec. (1992) I-4673] :

« Il y a donc lieu de répondre à la juridiction nationale que lorsque certains éléments ou certaines modalités d' application d' un régime d' impositions intérieures sont discriminatoires, et par conséquent interdits en vertu de l' article 95 du traité, l' ensemble du régime fiscal dans lequel ils s' intègrent ne doit pas pour autant être tenu pour incompatible avec cet article. »


5 Les mesures à l’importation (RQ et MEE); le critère décisif : présence ou absence de réglementation communautaire

Le TCE est un contrat qui impose des obligations de type ‘intégration négative’ (ne pas faire) mais aussi des obligations de type ‘intégration positive’ (faire).

Les arts. 25 et 28 et s. TCE appartiennent à la première catégorie puisque, par ces dispositions, le TCE interdit aux Etats membres d'imposer des droits de douane et des TEE ainsi que des RQ ou des MEE, sans leur imposer une obligation positive de produire conformément à des normes établies en commun. En effet, la jurisprudence Cassis de Dijon que nous examinerons infra repose sur l’idée de l’acceptation d’une diversité réglementaire en ce qui concerne les processus de production des différents Etats membres. Dans de tels cas, soit en l'absence d'harmonisation au plan communautaire, les produits qui sont produits conformément aux prescriptions de leur pays d'origine circulent librement sur le marché des autres Etats membres, à moins que l’Etat membre d'importation n’invoque l'une des exceptions prévues par le traité (art. 30 TCE) ou ajoutées par la jurisprudence (exigences impératives, modalités de vente).

Les arts. 94 et 95 TCE prévoient cependant la possibilité institutionnelle d’établir des normes communautaires. Dans le domaine de la LCM, ces normes ont servi de plate-forme d’harmonisation de minimis: les produits qui se conforment aux prescriptions réglementaires communautaires sont en principe admis dans tous les Etats membres. La logique réglementaire de l’harmonisation répond à plusieurs besoins : les coûts de transaction sont diminués dans un tel cas ; l'on évite une course vers le fonds ; et finalement, une telle harmonisation fait office de protection face aux importations du reste du monde.

Dans le même temps, la CE reste toujours sensible à l’idée qu’il y a des gains d’innovation en cas de diversité réglementaire et c’est pour cette raison, que même dans les domaines où il y a eu harmonisation, le cadre réglementaire laisse l’opportunité aux Etats membres de dévier du standard communautaire si leur décision est motivée et s'ils obtiennent l'accord de la Commission.

L’instrument utilisé par excellence pour harmoniser sur le plan communautaire est la Directive, qui lie les Etats membres quant aux résultats à obtenir mais non pas quant aux moyens à utiliser pour y parvenir. De cette façon, même dans un contexte d’harmonisation, nous sommes toujours en mesure de réaliser de gains d’innovation.

En facilitant l’adoption des directives (le passage de l’unanimité, nécessaire pour l’adoption des directives dans les années 70 et 80 et alors responsable de retards législatifs considérables, à la majorité qualifiée), l’administration Delors est réputée être à l’origine de la réussite de l’intégration du marché dans les années 90.

Les directives d’harmonisation cristallisent le principe de la reconnaissance mutuelle qui d’un principe judiciaire ou quasi-judiciaire (voir la discussion infra quand nous présentons la jurisprudence Cassis de Dijon) devient un principe réglementaire.

Aujourd’hui, pour évaluer sous un angle juridique la conformité d’une loi nationale (ou d'un règlement ou d'une pratique) avec le TCE, nous devons donc d’abord nous poser la question de savoir si ladite loi vise une marchandise dont la production a été harmonisée. Si oui, la conformité du produit en cause avec le cadre harmonisé est la conditio sine qua non à sa libre circulation dans les marchés des Etats membres (sauf, bien sûr, si l’Etat membre s'est écarté du cadre communautaire de façon justifiable et s'il a obtenu l’approbation de la Commission); si non, le test juridique applicable permet en principe à un produit légalement fabriqué dans un Etat membre de circuler librement sur les marchés des autres Etats membres pour autant qu’il ne se heurte pas à une modalité de vente, à une exigence impérative ou à l'un des motifs de l’art. 30 TCE.

En d’autres termes, en cas d’harmonisation c’est la compatibilité de la loi nationale avec la Directive pertinente qui est mise en cause. La mesure unilatérale d’un Etat membre serait alors non seulement contraire à la Directive en cause mais également à l’art. 28 ou 29 TCE. Comme nous le verrons plus loin, lorsqu’un intérêt mentionné à l’art. 30 TCE ou une exigence impérative est régi par une réglementation communautaire – fondé sur l’art. 37, 94, 95 ou 308 TCE, les Etats membres perdent leur droit d’intervenir en se référant à l’art. 30 TCE ou à une exigence impérative dans le domaine couvert par la réglementation communautaire, tout au moins si cette dernière a un caractère exhaustif. Les mesures unilatérales qu’un Etat membre adopterait ou maintiendrait dans une telle hypothèse pourront être considérées comme des violations tant de la réglementation communautaire que des arts. 28 ou 29 TCE. 

Alors qu'en cas de non-harmonisation c’est uniquement la compatibilité de la loi nationale avec les arts. 28 et s. TCE qui est mise en cause. Nous examinerons la première question dans la section 6 de ce volume et réservons la section 7 à l’étude de la seconde question.

6 En présence d'une réglementation communautaire

6.1 La procédure de réglementation

Nous décrivons ci-après l’adoption des Directives dites ‘nouvelle approche’, c’est-à-dire la procédure d'adoption prévue par l’art. 95 TCE :

(a) le rapprochement des législations s'effectue par une décision prise à la MQ du Conseil qui fait suite à une proposition de la Commission et conformément à la procédure visée à l'art. 251 TCE. Les dispositions fiscales, la LCP, et la LE (art. 95.2 TCE) sont exclues de cette compétence;

(b) lorsque la proposition est sensée couvrir la protection de la santé, de l’environnement ou des consommateurs, la Commission doit tenir compte d'un niveau de protection élevé et des évolutions scientifiques récentes (art. 95.3 TCE);

(c) si un Etat membre estime nécessaire de maintenir ou d'introduire des dispositions nationales après l'adoption d'une mesure d'harmonisation, il doit motiver et notifier ses dispositions à la Commission (95.4 TCE et 95.5 TCE);
(d) La Commission adopte ou rejette les dispositions nationales:

(d1) si dans un délai de 6 (maximum 12) mois la Commission soit les accepte expressément soit n'émet aucun avis, les dispositions nationales sont maintenues (art. 95.6 TCE). La Commission peut dans un tel cas amender la mesure communautaire à cet effet (95.7 TCE);

(d2) si la Commission n'a pas approuvé les mesures notifiées et si l'EM concerné n'a pas éliminé la violation, la Commission peut directement saisir la Cour (art. 95.9 CE).

Nous reproduisons ci-dessous de façon schématique le processus d’adoption des Directives conformément à la procédure décrite ci-dessus :



Quelques Directives (telle que, par exemple, la dir. 89/106, voir infra sous 6.3) prévoient l’élaboration et le développement de spécifications techniques européennes. Celles-ci peuvent être soit des normes harmonisées établies par les organismes européens de normalisation (le CEN, comité européen de normalisation, le CENEL, le CENELCOM, le CENELEC, comité européen de normalisation électrotechnique, l’ETSI, European Telecommunications Standards Institute, c’est-à-dire, Institut européen des normes de télécommunication) conformément aux mandats que leur donne la Commission, soit des agréments techniques européens adoptés par l’organisation regroupant les organismes d’agrément désignés par les Etats membres (EOTA, European Organisation of Technical Approvals).

Un document de la Commission intitulé ‘Orientations générales pour la coopération entre le CEN, le CENELEC et l'ETSI et la Commission Européenne et l'Association Européenne de Libre-Échange’ explique la coopération entre ces institutions dans le contexte de leurs obligations internationales en la matière. Nous citons :

« Dans ce contexte, les organismes de normalisation européens appellent la Commission européenne et l'AELE à:
- faire en sorte que la normalisation européenne continue de s'inscrire dans un cadre juridique et politique transparent et qu'elle reste une activité indépendante, consensuelle et facultative,
- recourir aux normes européennes appropriées pour soutenir la réglementation et autres politiques européennes et continuer d'oeuvrer en faveur d'un emploi plus large des normes,
- indiquer, conformément aux dispositions de la directive 98/34/CE, les exigences juridiques et politiques applicables aux normes,
- éviter, sauf si cela est jugé nécessaire à l'intérêt général, de préparer des règlements techniques sur des sujets déjà couverts par des mandats conférés aux organismes de normalisation européens. Solliciter si possible l'avis des organismes de normalisation européens, et éventuellement de leurs membres, sur toute question liée à la normalisation et, le cas échéant, sur les obstacles techniques au commerce, aux niveaux européen et mondial,
- poursuivre le soutien financier ciblé fourni aux organismes européens de normalisation, dans les limites des ressources budgétaires disponibles, afin de conserver des infrastructures de normalisation européennes appropriées et d'améliorer l'efficacité et la visibilité des organismes de normalisation européens, - consulter les organismes européens de normalisation sur les besoins de recherche et développement prénormatifs et encourager l'exploitation des activités de recherche directes et indirectes prénormatives financées par la Communauté et/ou par l'AELE, dans le cadre des normes européennes,
- inciter les participants des programmes européens de recherche et développement (R & D) à communiquer, comme il convient, leurs résultats aux organismes européens de normalisation,
- solliciter, le cas échéant, les conseils et la collaboration active des organismes de normalisation européens lors de la préparation et de la mise en oeuvre des programmes européens d'assistance et de coopération techniques avec les pays tiers, - encourager les partenaires commerciaux de l'Europe à utiliser les normes dans leurs politiques et réglementations.
La Commission européenne et l'AELE appellent, pour leur part, le CEN, le Cenelec et l'ETSI à:
- préserver les infrastructures et les procédures de normalisation dans l'optique de satisfaire les besoins légitimes européens - comme la sécurité, la santé, la protection des consommateurs et de l'environnement - et oeuvrer activement afin que les parties prenantes puissent exploiter au mieux ces infrastructures et les liens noués avec d'autres organismes de normalisation,
- veiller à ce que les structures et procédures permettent d'atteindre un degré maximal d'ouverture, de transparence et de représentativité. Les procédures doivent être transparentes et garantir l'indépendance vis-à-vis des intérêts particuliers. Des efforts accrus doivent être consentis pour accroître, aux niveaux national et européen, la participation des parties intéressées - en particulier les pouvoirs publics, les fabricants, les PME, les consommateurs, les travailleurs et les groupements de défense de l'environnement - à l'élaboration des normes et d'autres produits et s'assurer que leurs opinions sont dûment prises en compte, - garantir à toutes les parties intéressées qui participent au processus d'élaboration l'accès aux documents et leur permettre ainsi de collaborer activement, - tenir compte dans leurs travaux de l'intérêt général, et particulièrement de la sécurité et de la santé, ainsi que de la protection des travailleurs, des consommateurs et de l'environnement,
- entretenir le dialogue avec la Commission et l'AELE tout en accomplissant le travail de normalisation,
- s'assurer que l'environnement est véritablement pris en compte et, le cas échéant, intégré dans l'élaboration des normes afin de parvenir à atteindre un niveau élevé de protection de l'environnement,
- soutenir activement la participation, aux niveaux national, européen et international, des parties intéressées au travail de normalisation,
- instaurer et maintenir des règles et des procédures institutionnelles garantissant la cohérence, la rapidité et la qualité de l'élaboration et de la mise en oeuvre des programmes, des normes et d'autres produits ou activités visant à répondre aux besoins de marchés en mutation. Aussi convient-il particulièrement de disposer de règles cohérentes en cas d'arrêt ou de notification d'activités, de transposition uniforme et de retrait de normes nationales contradictoires (uniquement EN), - veiller, lorsque la Commission et l'AELE donnent des mandats communs, à l'adoption d'une approche cohérente pour accepter et exécuter le mandat ou pour le rejeter, - s'assurer que les procédures de décision préservent toujours la responsabilité envers la Communauté européenne, les membres de l'AELE et les partenaires économiques et sociaux pour des travaux mandatés par la Commission européenne et l'AELE,
- accomplir leurs tâches selon des critères élevés de qualité et d'efficacité et recourir à des méthodes et technologies modernes pour l'élaboration et la diffusion de leurs travaux, - tenir à jour leurs publications et les adapter au progrès technologique grâce à des examens périodiques afin de les reconduire, de les amender, de les réviser ou de les retirer, - adapter, avec leurs membres, leurs structures, leurs procédures et leurs publications à l'évolution des besoins légitimes des parties intéressées. Instaurer des mécanismes appropriés pour adopter les documents provenant de groupes d'intérêt et d'autres parties et les transformer, le cas échéant, en produits d'organismes de normalisation européens, - permettre à toutes les parties intéressées d'accéder aux normes, en diffusant largement des informations à leur sujet et en veillant à ce que les normes - y compris les droits de propriété intellectuelle (DPI) qui pourraient y être attachés - puissent être utilisées par les opérateurs commerciaux de manière équitable, rationnelle et non discriminatoire,
- entreprendre et soutenir des actions destinées à accroître la visibilité de la normalisation européenne,
- oeuvrer en faveur du développement et d'une large utilisation d'une marque de conformité unique aux normes européennes,
- aider les organismes de normalisation des pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne ou à l'AELE à progresser, à participer pleinement aux travaux des organismes européens de normalisation et à en devenir membres. Leur accorder la qualité de membre à part entière une fois que les conditions convenues et adéquates seront remplies,
- coopérer activement avec les organismes de normalisation internationaux. Respecter les dispositions du Code de pratique de l'OMC sur l'élaboration, l'adoption et l'application des normes. Promouvoir les organismes de normalisation internationaux et encourager l'utilisation des normes internationales dans leurs propres travaux et dans les activités menées à l'échelle mondiale, lorsque des objectifs légitimes sont en jeu, tels que la protection de la santé publique et la sécurité, la protection de la vie animale ou végétale et/ou de l'environnement. Aider le plus possible les parties intéressées à accéder au processus de normalisation au niveau international,
- participer, avec la Commission européenne et l'AELE, à la préparation et à la mise en oeuvre des programmes d'assistance et de coopération techniques avec les pays tiers menés par la Communauté et l'AELE, et garantir autant que possible la cohérence des politiques de leurs membres dans ces activités, - entretenir et développer le dialogue avec la Commission européenne et l'AELE sur toutes les questions d'ordre stratégique, politique ou technique présentant un intérêt commun. »

La CE, en tant que membre de l’OMC, doit respecter les standards techniques prévus dans les accords OTC (art. 2.4 ) et SPS (art. 3.2) élaborés au sein d’ISO (International Standards Organization), du Codex Alimentarius et de l'Office international des épizooties. Selon les évaluations de la Commission, environ 90% des standards électrotechniques communautaires sont basés sur des standards internationaux. La CE peut, si nécessaire, dévier de standards internationaux pour atteindre un standard de protection plus élevé. Selon la jurisprudence de l’OMC CE-Sardines (WTO Doc. DS/231/OA/R adopté le 23 octobre 2002) ce n’est pas la partie qui dévie du standard international qui assume le fardeau de la preuve, mais il incombe à la partie plaignante de prouver que la partie qui dévie aurait pu atteindre son objectif réglementaire tout en respectant le standard international en cause.

6.2 La jurisprudence

La jurisprudence a apporté quelques clarifications de haute importance : en gros, le recours à l’art. 30 TCE est impossible pour justifier des entraves mises à l'encontre de produits qui respectent le contenu d’une réglementation communautaire qui harmonise les conditions de vente (voir infra, 6.2.1). Attention cependant: la Cour s’est montrée assez attentive quant à l’étendue du transfert de souveraineté lors de l'adoption de chaque réglementation commune; la Cour n’a pas toléré d’interprétations de la part de la Commission qui allaient plus loin que le texte harmonisé (voir infra, 6.2.2).

6.2.1 Le recours à l’art. 30 TCE est exclu en cas d’harmonisation

Dans sa jurisprudence Hedley Lomas [C-5/94, Rec. (1996) I-2553], la Cour a dû faire face à la question de savoir dans quelle mesure en présence d’une directive d’harmonisation, un Etat membre pouvait valablement faire appel à l’art. 30 TCE (à l’époque 36). La Cour a exclu une telle éventualité même si le recours à l’art. 30 TCE est effectué en raison du non-respect, par un autre Etat membre, de la législation communautaire en cause (atts. 14-21):

« La première question doit être comprise en ce sens que la juridiction nationale cherche à savoir si le droit communautaire s' oppose à ce qu' un État membre invoque l' article 36 du traité pour justifier une limitation des exportations de marchandises vers un autre État membre au seul motif que, selon le premier État, le second ne respecte pas les prescriptions d' une directive communautaire d' harmonisation poursuivant l' objectif que le recours à l' article 36 tendrait à protéger, sans cependant prévoir de procédure de contrôle de leur application ni de sanction en cas de leur violation.

Avant de répondre sur le fond, il y a lieu de constater, ainsi qu' il ressort de l' ordonnance de renvoi, que, en l' occurrence, la ligne de conduite générale adoptée par les autorités du Royaume-Uni, consistant à refuser d' octroyer les licences d' exportation vers l' Espagne, reposait uniquement sur la conviction qu' un certain nombre d' abattoirs espagnols ne respectaient pas les règles de la directive elle-même et qu' il existait à tout le moins un risque non négligeable que les animaux exportés vers l' Espagne y subissent, lors de leur abattage, un traitement contraire à la directive.
C' est eu égard à ce contexte factuel qu' il convient de répondre à la première question posée par la juridiction de renvoi.

D' abord, il y a lieu d' observer que le refus par un État membre de délivrer des licences d' exportation constitue une restriction quantitative à l' exportation, contraire à l' article 34 du traité.
Ensuite, le recours à l' article 36 du traité permet de maintenir des restrictions à la libre circulation des marchandises justifiées par des raisons de protection de la santé et de la vie des animaux, laquelle constitue une exigence fondamentale reconnue par le droit communautaire. Toutefois, ce recours n' est plus possible lorsque des directives communautaires prévoient l' harmonisation des mesures nécessaires à la réalisation de l' objectif spécifique que poursuivrait le recours à l' article 36.
Cette interdiction de recourir à l' article 36 ne saurait être affectée par la circonstance que, en l' occurrence, la directive n' aménage pas une procédure communautaire de contrôle de son observation ni ne prévoit de sanction en cas de violation de ses dispositions. En effet, l' absence, dans la directive, de procédure de contrôle et de sanction n' a pour conséquence que d' obliger les États membres, conformément aux articles 5, premier alinéa, et 189, troisième alinéa, du traité, à prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l' efficacité du droit communautaire (voir, notamment, arrêt du 21 septembre 1989, Commission/Grèce, 68/88, Rec. p. 2965, point 23). A cet égard, les États membres doivent se témoigner une confiance mutuelle en ce qui concerne les contrôles effectués sur leur territoire respectif (voir également arrêt du 25 janvier 1977, Bauhuis, 46/76, Rec. p. 5, point 22).

Dans ce contexte, un État membre ne saurait s' autoriser à prendre unilatéralement des mesures correctives ou des mesures de défense destinées à obvier à une méconnaissance éventuelle, par un autre État membre, des règles du droit communautaire (arrêts du 13 novembre 1964, Commission/Luxembourg et Belgique, 90/63 et 91/63, Rec. p. 1217, et du 25 septembre 1979, Commission/France, 232/78, Rec. p. 2729, point 9).

En conséquence, il y a lieu de répondre à la première question que le droit communautaire s' oppose à ce qu' un État membre invoque l' article 36 du traité pour justifier une limitation des exportations de marchandises vers un autre État membre au seul motif que, selon le premier État, le second ne respecte pas les prescriptions d' une directive communautaire d' harmonisation poursuivant l' objectif que le recours à l' article 36 tendrait à protéger, sans cependant prévoir de procédure de contrôle de leur application ni de sanction en cas de leur violation. »


Par conséquent, un Etat membre qui n’est pas satisfait du niveau de protection atteint par une directive d’harmonisation n’a qu’une voie possible pour exprimer son désaccord : celle prévue à l’art. 95.4 et 95.5 TCE.


6.2.2 Mais attention aux détails

La Cour s’est quand même montrée relativement attentive à la marge de discrétion laissée aux Etats membres à la suite de l’adoption d’une Directive d’harmonisation. La Commission avait, selon l’avis de la Cour, mal interprété la portée d’une Directive. Cette interprétation erronée a provoqué un litige qui avait justement pour but de clarifier dans quelle mesure les Etats membres restaient compétents pour adopter des mesures relatives à la mise en vente et la commercialisation de certains produits potentiellement néfastes pour la santé humaine. Lors de son jugement dans l’affaire Kemikalieinspektionen c. Toolex Alpha AB [C-473/98, Rec. (2000) I- 5681], la Cour a rejeté les arguments extensifs de la Commission de la façon suivante (atts. 27-33):
« La Commission soutient que la combinaison des directives «classification» et «mise sur le marché» et du règlement «évaluation des risques» constitue une réglementation communautaire relative au trichloréthylène apte à satisfaire à des exigences sévères de sécurité et suffisamment développée pour rendre inutile toute interdiction nationale d'utiliser du trichloréthylène.

Ce point de vue ne saurait être admis.
La directive «classification» a, en effet, un domaine bien délimité, à savoir la notification, la classification, l'emballage et l'étiquetage des substances dangereuses. S'agissant de l'utilisation desdites substances, la directive «classification» se borne à imposer l'apposition sur les emballages de conseils de prudence destinés à informer le grand public sur les mesures à adopter lors de la manipulation de ces substances. En revanche, cette directive n'harmonise nullement les conditions de mise sur le marché et d'utilisation de ces substances dangereuses, alors que ces questions constituent précisément l'objet d'une réglementation nationale telle que celle en cause au principal.

La directive «mise sur le marché» n'énonçant, quant à elle, que des dispositions minimales, ainsi que cela ressort de son article 2, rappelé au point 7 du présent arrêt, elle ne fait évidemment pas obstacle à la réglementation, par un État membre, de la mise sur le marché de substances qu'elle ne vise pas, telles que le trichloréthylène.
Enfin, le règlement «évaluation des risques» ne s'oppose pas non plus, en lui-même, à l'exercice d'une telle compétence par un État membre. Son objet consiste à mettre en place une procédure d'évaluation des risques liés aux substances existantes et d'identification des substances prioritaires nécessitant une attention immédiate au niveau communautaire du fait de leurs effets potentiels sur l'homme et l'environnement. S'il entend faciliter la gestion de tels risques au niveau communautaire, le règlement «évaluation des risques» n'impose pas d'obligations et n'harmonise pas les réglementations relatives à l'utilisation de substances en général et du trichloréthylène en particulier.

Si, conformément à l'article 11, paragraphe 3, du règlement «évaluation des risques», il appartient à la Commission, sur la base de l'évaluation des risques et de la recommandation de stratégie faites conformément aux dispositions de ce règlement, de proposer, le cas échéant, des mesures communautaires dans le cadre de la directive «mise sur le marché» ou dans le cadre d'autres instruments communautaires appropriés, force est de constater qu'elle n'a pas encore fait usage de cette faculté en ce qui concerne le trichloréthylène.

Le droit communautaire dérivé ne faisant pas obstacle à ce qu'un État membre réglemente l'utilisation professionnelle du trichloréthylène, il convient d'aborder la question de l'interprétation des articles 30 et 36 du traité. »

Il ressort de cette jurisprudence que le simple exercice d'une activité législative sur le plan communautaire n’élimine pas en soi toute possibilité d’intervention de la part des Etats membres : il s'avère au contraire nécessaire de procéder à une lecture attentive des actes législatifs communautaires pertinents afin de déterminer quel part de souveraineté a été transférée et d'ainsi décider dans quelle mesure les Etats membres demeurent compétents pour intervenir dans un domaine (partiellement) couvert par le droit communautaire.

6.3 Les Directives ‘nouvelle approche’

6.3.1 Qu’est ce que c’est qu'une Directive nouvelle approche ?

Les Directives ‘nouvelle approche’ constituent en effet une harmonisation de minimis entre les législations des Etats membres dans un certain domaine : chaque Etat membre reste libre d'aller plus loin que le contenu d’une Directive lui impose mais il doit en tous les cas observer le minimum harmonisé.
L’harmonisation est limitée aux exigences essentielles qui figurent en annexes des Directives et contiennent toutes les dispositions nécessaire afin d’atteindre le but visé par chaque Directive. Les produits ne peuvent être mis sur le marché que s’ils sont conformes aux exigences essentielles qui sont conçues pour couvrir les dangers liés à l’intérêt public.

En effet, en harmonisant les exigences impératives seulement, les Directives ‘nouvelle approche’ ne permettent pas aux Etats membres d’entraver l’importation des produits originaires aux autres Etats membres au seul motif que, par exemple, la façon de produire est différente à leur façon. Indépendamment des différences aux processus/modalités de production, les Etats membres sont obligés d’accepter les produits des autres Etats membres, pourvu que ceux-ci se conforment aux exigences impératives harmonisées.

Pour comprendre l’obligation ainsi imposée, regardons l’art. 2.7 de l’accord OTC de l’OMC :
 
« Les Membres envisageront de manière positive d'accepter comme équivalents les règlements techniques des autres Membres, même si ces règlements diffèrent des leurs, à condition d'avoir la certitude que ces règlements remplissent de manière adéquate les objectifs de leurs propres règlements. » 

Par conséquent, les Directives ‘nouvelle approche’ permettent à l’édifice communautaire de continuer de profiter des gains d’innovation tout en évitant une ‘course vers le fond’.

Avant de mettre un produit sur le marché, le producteur communautaire doit le soumettre à une procédure d’évaluation en vue d’y apposer le marquage CE (là où il est nécessaire, puisqu’il y a des directives qui ne prévoient pas cette procédure) Ladite évaluation peut avoir lieu auprès d’une organisation nationale apte à y procéder. Le marquage CE constitue la preuve que le produit qui le porte est conforme aux exigences essentielles.

En ce qui concerne l'adoption de ces Directives, voir supra la procédure des arts. 94 et 95 TCE.

6.3.2 Les directives ‘nouvelle approche’ en vigueur

Nous reproduisons ci-dessous la liste des Directives ‘nouvelle approche’ actuellement en vigueur :
LISTES DES DIRECTIVES ELABOREES SUR LA BASE DES DISPOSITIONS DE LA NOUVELLE APPROCHE ET DE L'APPROCHE GLOBALE
Table 1: Directives élaborées sur la base des principes de la nouvelle approche qui prévoient un marquage CE
IDirectives basées sur les principes de la nouvelle approche qui prévoient un marquage CENuméro de la directiveRéférence au JOCE (rectificatif) modification1 Directive 73/23/CEE du Conseil du 19 février 1973 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au matériel électrique destiné à être employé dans certaines limites de tension  HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31973L0023&model=guichett"73/23/CEE HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=en&numdoc=31973L0023&model=guichett"  
HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31993L0068&model=guichett"93/68/CEEJO L 77 du 26.3.1973
(JO L 181 du 4.7.1973)
JO L 220 du 30.8.1993
2 Directive 87/404/CEE du Conseil du 25 juin 1987 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux récipients à pression simplesHYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31987L0404&model=guichett"87/404/CEE
HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31990L0488&model=guichett"90/488/CEE HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31993L0068&model=guichett"93/68/CEE JO L 220 du 8.8.1987
(JO L 31 du 2.2.1990)
JO L 270 du 2.10.1990
JO L 220 du 30.8.1993
3 Directive 88/378/CEE du Conseil du 3 mai 1988
concernant le rapprochement des législations des États
membres relatives à la sécurité des jouetsHYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31988L0378&model=guichett"88/378/CEE  HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31993L0068&model=guichett" 93/68/CEEJO L 187 du 16.7.1988
(JO L 281 du 14.10.1988)
(JO L 347 du 16.12.1988)
(JO L 37 du 9.2.1991)
JO L 220 du 30.8.1993
4 Directive 89/106/CEE du Conseil du 21 décembre
1988 relative au rapprochement des dispositions
législatives, réglementaires et administratives des États
membres concernant les produits de construction  HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31989L0106&model=guichett"89/106/CEE HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31993L0068&model=guichett"93/68/CEEJO L 40 du 11.2.1989
JO L 220 du 30.8.19935 Directive 89/336/CEE du Conseil du 3 mai 1989
concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la compatibilité électromagnétiqueHYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31989L0336&model=guichett"89/336/CEE
HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31992L0031&model=guichett"92/31/CEE HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31993L0068&model=guichett"93/68/CEEJO L 139 du 23.05.89 (JO L 144 du 27.05.89) JO L 126 du 12.05.92 JO L 220 du 30.08.936 Directive 89/686/CEE du Conseil du 21 décembre
1989 concernant le rapprochement des législations
des États membres relatives aux équipements
de protection individuelleHYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31989L0686&model=guichett"89/686/CEE HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31993L0068&model=guichett"93/68/CEE HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31993L0095&model=guichett"93/95/CEE HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31996L0058&model=guichett"96/58CE JO L 399 du 30.12.1989
JO L 220 du 30.8.1993
JO L 276 du 9.11.1993
JO L 236 du 18.9.19967 Directive 90/384/CEE du Conseil du 20 juin 1990
concernant l’harmonisation des législations des États
membres relatives aux instruments de pesage
à fonctionnement non automatiqueHYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31990L0384&model=guichett"90/384/CEE
HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31993L0068&model=guichett"93/68/CEEJO L 189 du 20.7.1990
(JO L 258 du 22.9.1990)
JO L 220 du 30.8.1993
8 Directive 90/385/CEE du Conseil du 20 juin 1990
concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux dispositifs médicaux implantables actifsHYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31990L0385&model=guichett"90/385/CEE
HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31993L0042&model=guichett"93/42/CEE HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31993L0068&model=guichett"93/68/CEE JO L 189 du 20.7.1990
(JO L 7 du 11.1.1994)
(JO L 323 du 26.11.1997)
JO L 169 du 12.7.1993
JO L 220 du 30.8.19939 Directive 90/396/CEE du Conseil du 29 juin 1990
relative au rapprochement des législations des États
membres concernant les appareils à gaz  HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31990L0396&model=guichett"90/396/CEE HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31993L0068&model=guichett"93/68/CEEJO L 196 du 26.7.1990
JO L 220 du 30.8.199310 Directive 92/42/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant les exigences de rendement pour les nouvelles chaudières à eau chaude alimentées en combustibles liquides ou gazeuxHYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31992L0042&model=guichett"92/42/CE
HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31993L0068&model=guichett"93/68/CEEJO L 167 du 22.6.1992
JO L 220 du 30.8.1993
(JO L 195 du 14.7.1992)
(JO L 268 du 29.10.1993)11 Directive 93/15/CEE du Conseil du 5 avril 1993 relative à l’harmonisation des dispositions concernant la mise sur le marché et le contrôle des explosifs à usage civil  HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31993L0015&model=guichett"93/15/CEE93/15/CEE JO L 121 du 15.5.1993
(JO L 79 du 7.4.1995)12Directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993
relative aux dispositifs médicauxHYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31993L0042&model=guichett"93/42/CEE HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31998L0079&model=guichett" 98/79/CE HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=32000L0070&model=guichett"2000/70/CE JO L 169 du 12.7.1993
(JO L 323 du 26.11.1997)
(JO L 61 du 10.3.1999) (JO L 125 du 19.05.99) (JO L 72 du 14.03.01) JO L 331 du 07.12.98 (JO L 313 du 13.12.00)13 Directive 94/9/CE du Parlement européen et du Conseil
du 23 mars 1994 concernant le rapprochement des législations des États membres pour les appareils et les systèmes de protection destinés à être utilisés en atmosphères explosibles  HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31994L0009&model=guichett"94/9/CEJO L 100 du 19.4.1994
(JO L 257 du 10.10.1996) (JO L 21 du 26.01.00) (JO L 304 du 05.12.00)14 Directive 94/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 juin 1994 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux bateaux de plaisanceHYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31994L0025&model=guichett"94/25/CE HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=32003L0044&model=guichett"2003/44/CE94/25/CE JO L 164 du 30.6.1994
(JO L 127 du 10.6.1995)
(JO L 17 du 21.1.1997) (JO L 41 du 15.02.00) (JO L 214 du 26.08.03)15 Directive 95/16/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 1995 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux ascenseursHYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31995L0016&model=guichett"95/16/CEJO L 213 du 7.9.199516 Directive 97/23/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 mai 1997 relative au rapprochement des législations des États membres concernant les équipements sous pression  HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31997L0023&model=guichett"97/23/CEJO L 181 du 9.7.1997
(JO L 265 du 27.9.1997) (JO L 250 du 23.09.9917 Directive 98/37/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux machinesHYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31998L0037&model=guichett"98/37/CE
HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31998L0079&model=guichett"98/79/CEJO L 207 du 23.07.98 (JO L 16 du 21.01.99) (JO L 80 du 25.03.99) JO L 331 du 07.12.9818 Directive 98/79/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 1998 relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitroHYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31998L0079&model=guichett"98/79/CEJO L 331 du 7.12.1998
(JO L 22 du 29.1.1999)
(JO L 74 du 19.3.1999) (JO L 124 du 25.05.00) (JO L 6 du 10.01.02)19 Directive 1999/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 1999, concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications et la reconnaissance mutuelle de leur conformité  HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31999L0005&model=guichett"1999/5/CEJO L 91 du 07.04.9920 Directive 2000/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mars 2000 relative aux installations à câbles transportant des personnes  HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=32000L0009&model=guichett"2000/9/CEJO L 106 du 03.05.00  Table 2: Directives élaborées sur la base des principes de la nouvelle approche ou de l'approche globale, mais qui ne prévoient pas un marquage CE
IIDirectives élaborées sur la base des principes de la nouvelle approche ou de l'approche globale, mais qui ne prévoient pas un marquage CENuméro de la directiveRéférence au JOCE (rectificatif) modification1 Directive 94/62/CE du Parlement européen et du
Conseil du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d’emballages HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31994L0062&model=guichett"94/62/CEJO L 365 du 31.12.94 2 Directive 96/48/CE du Conseil du 23 juillet 1996
relative à l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen à grande vitesseHYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31996L0048&model=guichett"96/48/CE JO L 235 du 17.9.1996 (JO L 262 du 16.10.1996)) (JO L 284 du 31.10.2003)3 Directive 96/98/CE du Conseil du 20 décembre 1996 relative aux équipements marinsHYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31996L0098&model=guichett"96/98/CEJO L 46 du 17.2.1997
(JO L 246 du 10.9.1997)
(JO L 241 du 29.8.1998)4 Directive 2001/16/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2001 relative à l'interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen conventionnel HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=32001L0016&model=guichett"2001/16/CEJO L 110 du 20.4.2001 (JO L 334 du 18.12.2001)

Table 3: Directives élaborées sur la base des principes de la nouvelle approche et de l'approche globale
IIIDirectives élaborées sur la base des principes de l'approche globaleNuméro de la directiveRéférence au JOCE (rectificatif) modification1 Directive 96/57/CE du Parlement européen et du Conseil du 3 septembre 1996 concernant les exigences en matière de rendement énergétique des réfrigérateurs, congélateurs et appareils combinés électriques à usage ménagerHYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31996L0057&model=guichett"1996/57/CEJO L 236 du 18.9.19962 Directive 1999/36/CE du Conseil du 29 avril 1999 relative aux équipements sous pression transportablesHYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=31999L0036&model=guichett"1999/36/CEJO L 188 du 1.6.1999 (JO L 250 du 23.9.1999)3 Directive 2000/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux émissions sonores dans l'environnement des matériels destinés à être utilisés à l'extérieur des bâtiments HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=32000L0014&model=guichett"2000/14/CE JO L 162 du 3.7.20004 Directive 2000/55/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre 2000 établissant des exigences de rendement énergétique applicables aux ballasts pour l'éclairage fluorescent HYPERLINK "http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=32000L0055&model=guichett"2000/55/CEJO L 279 du 1.11.2000Table 4: Propositions de directives élaborées sur la base des principes de la nouvelle approche ou de l'approche globale
IVPropositions de directives élaborées sur la base des principes de la nouvelle approche ou de l'approche globale  Numéro du documentRéférence au JOCE modification1 Proposition de directive du Conseil concernant
les ouvrages en métaux précieux  COM(1993)322
COM(94) 267 finalJO C 318 du 25.11.1993
JO C 209 du 29.7.19942 Proposition de directive du Parlement européen et du
Conseil relative au marquage des emballages et à
l’établissement d’une procédure d’évaluation de la
conformité des emballages  COM(1996)191 JO C 382 du 18.12.19963 Proposition de directive du parlement européen et du conseil sur les instruments de mesure  HYPERLINK "http://europa.eu.int/cgi-bin/eur-lex/udl.pl?REQUEST=Service-Search&COLLECTION=com&SERVICE=all&LANGUAGE=fr&GUILANGUAGE=fr&DOCID=500PC0566"COM(2000)566JO C 62 du 27.2.20014 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux machines et modifiant la directive 95/16/CE/  HYPERLINK "http://europa.eu.int/cgi-bin/eur-lex/udl.pl?REQUEST=Service-Search&COLLECTION=com&SERVICE=all&LANGUAGE=fr&GUILANGUAGE=fr&DOCID=500PC0899"COMHYPERLINK "http://europa.eu.int/cgi-bin/eur-lex/udl.pl?REQUEST=Service-Search&COLLECTION=com&SERVICE=all&LANGUAGE=fr&GUILANGUAGE=fr&DOCID=500PC0899"(2000)899JO C 154 du 29.05.2001
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6.3.3 La Dir. 98/34/CE

La Dir. 98/34/CE (ex-83/189/CEE) est le complément des Directives ‘nouvelle approche’ : elle met en place une procédure qui oblige les Etats membres à notifier à la Commission et aux autres Etats membres tout projet de règle technique relatif aux produits et aux services (de la société d’information) avant que ceux-ci ne soient adoptés dans leurs droits nationaux. Une telle procédure permet le contrôle et la transparence des règles nationales : le risque que la libre circulation des marchandises soit mise en cause par le biais de telles réglementations, est fortement réduit à travers cette procédure qui permet aux instances communautaires d’évaluer leur contenu.

La Commission a entamé la procédure de consultation pour, éventuellement, adopter une Directive pareille qui couvrira les règles techniques dans tous les domaines de service (IP/04/524 du 22.4.2004).

Les disciplines importantes de la Dir. 98/34/CE sont reflétées dans ses arts. 8, 9 et 10 qui imposent aux Etats membres non seulement de notifier leurs projets de règles techniques (dont le contenu est expliqué à l’art. 1) mais en plus, de reporter leur adoption afin de faciliter la tâche de la Commission:

Article 8

1. Sous réserve de l'article 10, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s'il s'agit d'une simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit. Ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l'établissement d'une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet.
Le cas échéant, et à moins qu'il n'ait été transmis en liaison avec une communication antérieure, les États membres communiquent en même temps le texte des dispositions législatives et réglementaires de base principalement et directement concernées, si la connaissance de ce texte est nécessaire pour l'appréciation de la portée du projet de règle technique.
Les États membres procèdent à une nouvelle communication dans les conditions énoncées ci-dessus s'ils apportent au projet de règle technique, d'une manière significative, des changements qui auront pour effet de modifier le champ d'application, d'en raccourcir le calendrier d'application initialement prévu, d'ajouter des spécifications ou des exigences ou de rendre celles-ci plus strictes.
Lorsque le projet de règle technique vise en particulier la limitation de la commercialisation ou de l'utilisation d'une substance, d'une préparation ou d'un produit chimique, pour des motifs de santé publique ou de protection des consommateurs ou de l'environnement, les États membres communiquent également soit un résumé, soit les références des données pertinentes relatives à la substance, à la préparation ou au produit visé et celles relatives aux produits de substitution connus et disponibles, dans la mesure où ces renseignements seront disponibles, ainsi que les effets attendus de la mesure au regard de la santé publique ou de la protection du consommateur et de l'environnement, avec une analyse des risques effectuée, dans des cas appropriés, selon les principes généraux d'évaluation des risques des produits chimiques tels que visés à l'article 10, paragraphe 4, du règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil1 dans le cas d'une substance existante ou à l'article 3, paragraphe 2, de la directive 67/548/CEE du Conseil1 dans le cas d'une nouvelle substance.
La Commission porte aussitôt le projet de règle technique et tous les documents qui lui ont été communiqués à la connaissance des autres États membres. Elle peut aussi soumettre le projet pour avis au comité visé à l'article 5 et, le cas échéant, au comité compétent dans le domaine en question.

En ce qui concerne des spécifications techniques ou d'autres exigences ou des règles relatives aux services, visées à l'article 1er, point 11), deuxième alinéa, troisième tiret, les observations ou les avis circonstanciés de la Commission ou des États membres ne peuvent porter que sur les aspects éventuellement entravants pour les échanges ou, en ce qui concerne les règles relatives aux services, pour la libre circulation des services ou pour la liberté d'établissement des opérateurs de services, et non sur le volet fiscal ou financier de la mesure.

2. La Commission et les États membres peuvent adresser à l'État membre qui a fait part d'un projet de règle technique des observations dont cet État membre tiendra compte dans la mesure du possible lors de la mise au point ultérieure de la règle technique.

3. Les États membres communiquent sans délai à la Commission le texte définitif d'une règle technique.

4. Les informations fournies au titre du présent article ne sont pas considérées comme confidentielles, sauf si l'État membre auteur de la notification demande expressément qu'elles le soient. Toute demande de ce type doit être motivée.

Dans le cas d'une telle demande, le comité visé à l'article 5 et les administrations nationales peuvent, en prenant les précautions nécessaires, consulter pour expertise des personnes physiques ou morales pouvant relever du secteur privé.

5. Lorsqu'un projet de règle technique fait partie d'une mesure dont la communication à l'état de projet est prévue par d'autres actes communautaires, les États membres peuvent effectuer la communication prévue au paragraphe 1 au titre de cet autre acte, sous réserve d'indiquer formellement qu'elle vaut aussi au titre de la présente directive.

L'absence de réaction de la Commission, dans le cadre de la présente directive, sur un projet de règle technique ne préjuge pas la décision qui pourrait être prise dans le cadre d'autres actes communautaires.



Article 9

1. Les États membres reportent l'adoption d'un projet de règle technique de trois mois à compter de la date de la réception par la Commission de la communication prévue à l'article 8, paragraphe 1.
2. Les États membres reportent:

-de quatre mois l'adoption d'un projet de règle technique ayant la forme d'un accord volontaire au sens de l'article 1er, point 11, deuxième alinéa, deuxième tiret,
-sans préjudice des paragraphes 3, 4 et 5, de six mois l'adoption de tout autre projet de règle technique (à l'exclusion des projets relatifs aux services),

à compter de la date de la réception par la Commission de la communication visée à l'article 8, paragraphe 1, si la Commission ou un autre État membre émet, dans les trois mois qui suivent cette date, un avis circonstancié selon lequel la mesure envisagée présente des aspects pouvant éventuellement créer des obstacles à la libre circulation des marchandises dans le cadre du marché intérieur,

-sans préjudice des paragraphes 4 et 5, de quatre mois l'adoption d'un projet de règle relative aux services, à compter de la date de la réception par la Commission de la communication visée à l'article 8, paragraphe 1, si la Commission ou un autre État membre émet, dans les trois mois qui suivent cette date, un avis circonstancié selon lequel la mesure envisagée présente des aspects pouvant éventuellement créer des obstacles à la libre circulation des services ou à la liberté d'établissement des opérateurs de services dans le cadre du marché intérieur.

En ce qui concerne les projets de règles relatives aux services, les avis circonstanciés de la Commission ou des États membres ne peuvent porter atteinte aux mesures de politique culturelle, notamment dans le domaine audiovisuel, que les États pourraient adopter, conformément au droit communautaire, en tenant compte de leur diversité linguistique, des spécificités nationales et régionales, ainsi que de leurs patrimoines culturels.

L'État membre concerné fait rapport à la Commission sur la suite qu'il a l'intention de donner à de tels avis circonstanciés. La Commission commente cette réaction.

En ce qui concerne les règles relatives aux services, l'État membre intéressé indique, s'il y a lieu, les raisons pour lesquelles les avis circonstanciés ne peuvent être pris en compte.

3. Les États membres reportent l'adoption d'un projet de règle technique, à l'exclusion des projets de règles relatives aux services, de douze mois à compter de la date de la réception par la Commission de la communication visée à l'article 8, paragraphe 1, si, dans les trois mois qui suivent cette date, la Commission fait part de son intention de proposer ou d'arrêter une directive, un règlement ou une décision conformément à l'article 189 du traité sur ce sujet.

4. Les États membres reportent l'adoption d'un projet de règle technique de douze mois à compter de la date de la réception par la Commission de la communication prévue à l'article 8, paragraphe 1, si, dans les trois mois qui suivent cette date, la Commission fait part du constat que le projet de règle technique porte sur une matière couverte par une proposition de directive, de règlement ou de décision présentée au Conseil conformément à l'article 189 du traité.
5. Si le Conseil arrête une position commune durant la période de statu quo visée aux
paragraphes 3 et 4, cette période est, sous réserve du paragraphe 6, étendue à dix-huit
mois.

6. Les obligations visées aux paragraphes 3, 4 et 5 cessent:

-lorsque la Commission informe les États membres qu'elle renonce à son intention de proposer ou d'arrêter un acte communautaire contraignant,
-lorsque la Commission informe les États membres du retrait de sa proposition ou de son projet ou
-lors de l'adoption d'un acte communautaire contraignant par le Conseil ou par la Commission.

7. Les paragraphes 1 à 5 ne sont pas applicables lorsqu'un État membre:

-pour des raisons urgentes tenant à une situation grave et imprévisible qui a trait à la protection de la santé des personnes et des animaux, à la préservation des végétaux ou à la sécurité et, pour les règles relatives aux services, aussi à l'ordre public, notamment à la protection des mineurs, doit élaborer à très bref délai des règles techniques pour les arrêter et les mettre en vigueur aussitôt, sans qu'une consultation soit possible ou
-pour des raisons urgentes tenant à une situation grave qui a trait à la protection de la sécurité et de l'intégrité du système financier, et notamment pour la protection des déposants, des investisseurs et des assurés doit arrêter et mettre en vigueur aussitôt des règles relatives aux services financiers.

L'État membre indique dans la communication visée à l'article 8 les motifs qui justifient l'urgence des mesures en question. La Commission se prononce sur cette communication dans les plus brefs délais. Elle prend les mesures appropriées en cas de recours abusif à cette procédure. Le Parlement européen est tenu informé par la Commission.

Article 10

1. Les articles 8 et 9 ne sont pas applicables aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres ou aux accords volontaires par lesquels ces derniers:
-se conforment aux actes communautaires contraignants qui ont pour effet l'adoption de spécifications techniques ou de règles relatives aux services,
-remplissent les engagements découlant d'un accord international qui ont pour effet l'adoption de spécifications techniques ou de règles relatives aux services communes dans la Communauté;
-font usage des clauses de sauvegarde prévues dans des actes communautaires contraignants,
-appliquent l'article 8, paragraphe 1, de la directive 92/59/CEE du Conseil,
-se limitent à exécuter un arrêt de la Cour de justice des Communautés
européennes,
-se limitent à modifier une règle technique au sens de l'article 1er, point 11, conformément à une demande de la Commission en vue d'éliminer une entrave aux échanges ou, pour les règles relatives aux services, à la libre circulation des services ou à la liberté d'établissement des opérateurs de services.

2. L'article 9 ne s'applique pas aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres visant l'interdiction de fabrication, dans la mesure où elles n'entravent pas la libre circulation des produits.

3. L'article 9, paragraphes 3 à 6, ne s'applique pas aux accords volontaires visés à l'article 1er, point 11, deuxième alinéa, deuxième tiret.

4. L'article 9 ne s'applique pas aux spécifications techniques ou autres exigences ou aux règles relatives aux services visées à l'article 1er, point 11, deuxième alinéa, troisième tiret.


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6.4 La protection de l’individu

6.4.1 En cas de mauvaise transposition des directives

La jurisprudence de la Cour dans ce domaine a apporté quelques précisions de la plus haute importance. Il nous faut d’emblée relever que, selon la jurisprudence Russo [60/75 Rec. (1976) 45], il incombe à l'Etat membre défaillant d'assumer les conséquences de son manquement vis-à-vis des parties privées lésées par son manquement. La Cour insiste sur l’opinion selon laquelle les Directives n’ont pour l’instant aucun effet horizontal [Faccini Dori, C-91/92, Rec. (1994) I-3325]. Par conséquent, un individu ne peut introduire une action en justice que contre un Etat membre défaillant.

Toutefois, la Cour dans Unilever [C-443/98, Rec. (2000) I-7535] confirme sa décision de s’écarter de cette tendance. Dans CIA Security International [C-194/94, Rec. (1996) I-2201], la Cour a dû faire face à la méconnaissance de la part de l’Italie de son obligation de notifier un standard technique. Cette obligation était expressément inclue aux arts. 8 et 9 de la Dir. 83/189 qui gérait alors cette matière. A son avis, une telle méconnaissance entraîne l'inapplicabilité des règles techniques concernées, de sorte qu'elles ne peuvent pas être opposées aux particuliers, et que les particuliers peuvent ainsi se prévaloir des articles 8 et 9 de la directive 83/189 devant le juge national, auquel il incombe de refuser d'appliquer une règle technique nationale qui n'a pas été notifiée conformément à ladite directive.

Dans Unilever, les faits sont différents : en l’occurrence, il ressort de l’att. 10 de l’arrêt, que l'Italie avait notifié mais n'avait pas respecté la période de report d'adoption prévue l'art. 9 de la dir. 83/189 (att. 52). La Cour a étendu la jurisprudence CIA de la façon suivante (atts. 40-49):
« Ainsi, au point 40 de l'arrêt CIA Security International, il a été souligné que la directive 83/189 vise, par un contrôle préventif, à protéger la libre circulation des marchandises, qui est un des fondements de la Communauté, et que ce contrôle est efficace dans la mesure où tous les projets de règles techniques en relevant doivent être notifiés et où l'adoption et la mise en vigueur de ces règles - sauf celles pour lesquelles l'urgence des mesures justifie une exception - doivent être suspendues pendant les périodes déterminées par l'article 9.

Ensuite, au point 41 du même arrêt, la Cour a jugé que la notification et la période de report d'adoption donnent l'occasion à la Commission et aux autres États membres, d'une part, d'examiner si le projet en cause crée des entraves aux échanges contraires au traité CE ou des entraves qu'il faut éviter par l'adoption de mesures communes ou harmonisées et, d'autre part, de proposer des modifications aux mesures nationales envisagées. Cette procédure permet par ailleurs à la Commission de proposer ou d'adopter des normes communautaires réglant la matière faisant l'objet de la mesure envisagée.
Au point 50 de l'arrêt CIA Security International, la Cour a indiqué que le but de la directive 83/189 n'est pas simplement d'informer la Commission, mais, dans un dessein plus général, d'éliminer ou de restreindre les entraves aux échanges, d'informer les autres États des réglementations techniques envisagées par un État, d'accorder à la Commission et aux autres États membres le temps nécessaire pour réagir et proposer une modification permettant d'amoindrir les restrictions à la libre circulation des marchandises découlant de la mesure envisagée et de laisser à la Commission le temps nécessaire pour proposer une directive d'harmonisation.
La Cour a poursuivi en constatant que le libellé des articles 8 et 9 de la directive 83/189 est clair dès lors qu'ils prévoient une procédure de contrôle communautaire des projets de réglementations nationales et la subordination de la date de leur mise en oeuvre à l'accord ou à la non-opposition de la Commission.

Si, au point 48 de l'arrêt CIA Security International, après avoir rappelé que l'objectif de la directive 83/189 est la protection de la libre circulation des marchandises par un contrôle préventif et que l'obligation de notification constitue un moyen essentiel pour la réalisation de ce contrôle communautaire, la Cour a constaté que l'efficacité de ce contrôle sera d'autant renforcée que ladite directive est interprétée en ce sens que la méconnaissance de l'obligation de notification constitue un vice de procédure substantiel de nature à entraîner l'inapplicabilité des règles techniques en cause aux particuliers, il découle des considérations reproduites aux points 40 à 43 du présent arrêt que la méconnaissance des obligations de report d'adoption préconisées à l'article 9 de la directive 83/189 constitue également un vice de procédure substantiel de nature à entraîner l'inapplicabilité des règles techniques.

Dès lors, il convient d'examiner, en second lieu, si l'inapplicabilité des règles techniques adoptées en méconnaissance de l'article 9 de la directive 83/189 peut être invoquée dans une procédure civile opposant des particuliers au sujet de droits et d'obligations d'ordre contractuel.

D'abord, il y a lieu de constater que, dans le cadre d'une procédure civile de cette nature, l'application de règles techniques adoptées en méconnaissance de l'article 9 de la directive 83/189 peut avoir pour effet d'entraver l'utilisation ou la commercialisation d'un produit non conforme à ces règles.

Tel est ainsi le cas dans l'affaire au principal, l'application de la réglementation italienne étant susceptible d'entraver la commercialisation par Unilever de l'huile d'olive extra-vierge qu'elle avait mise en vente.

Ensuite, il y a lieu de rappeler que l'inapplicabilité comme conséquence juridique de la méconnaissance de l'obligation de notification a été constatée, dans l'arrêt CIA Security International, en réponse à des questions préjudicielles posées dans le cadre d'une procédure opposant des entreprises concurrentes fondée sur des dispositions nationales interdisant les pratiques commerciales déloyales.

Ainsi, il découle de la jurisprudence de la Cour que l'inapplicabilité d'une règle technique qui n'a pas été notifiée conformément à l'article 8 de la directive 83/189 peut être invoquée dans un litige entre particuliers pour les raisons évoquées aux points 40 à 43 du présent arrêt. Il en est de même pour ce qui concerne le non-respect des obligations édictées par l'article 9 de la même directive et il n'y a pas lieu, à cet égard, de traiter de façon différente des litiges entre particuliers en matière de concurrence déloyale, comme dans l'affaire CIA Security International, et des litiges opposant des particuliers au sujet de droits et d'obligations d'ordre contractuel, comme dans le litige au principal. »

La Cour a adopté une jurisprudence assez extensive quant aux organisations étatiques qui sont visées par une mauvaise ou par l'absence de transposition de Directives. Dans sa jurisprudence Fratelli Costanzo [aff. 133/88, Rec. (1989) 1839], la Cour soutient la thèse que même des autorités décentralisées, telles que les communes par exemple, sont visées par l’obligation de transposer bona fides les directives communautaires.

Il est également clair que si un Etat membre n’a pris aucune mesure d’exécution, il reste redevable envers ses justiciables [Commission c. Belgique, aff. 102/79, Rec. (1980) 1473].

La Cour a été confrontée à plusieurs reprises à la question de savoir ce qu'il en est lorsque la Directive laisse (ce qui est souvent le cas) une marge d’appréciation à l’Etat membre qui en est le destinataire. Dans sa jurisprudence Brasserie du pêcheur [C-46 & 48/93, Rec. (1996) I-1029], la Cour explique que pour que la responsabilité d’un Etat membre envers les individus soit alors engagée, il faut que trois conditions soient cumulativement réunies :

la disposition en cause doit avoir pour objet de conférer des droits aux particuliers;
la violation doit être suffisamment caractérisée ;
le particulier a subi un dommage ; et
un lien de causalité direct doit exister entre la violation de l'obligation et le dommage subi

Par contre, lorsque la marge d'appréciation est réduite, une simple infraction du droit communautaire suffit [voir sur ce sujet l’arrêt Hedley Lomas, C-5/94, Rec. (1996) I-2553].

Dans son arrêt Dillenkhofer [C-178 & 179/94, Rec. (1996) I-4845], la Cour explique ce qu’elle entend par le terme ‘violation suffisamment caractérisée’ et synthétise sa jurisprudence antérieure qui détermine quand est-ce que, en fonction de la marge de discrétion qui lui est laissée, l'Etat membre engage sa responsabilité pour violation suffisamment caractérisée du droit communautaire:

« D’une part, une violation est suffisamment caractérisée lorsqu’une institution ou un Etat membre, dans l’exercice de son pouvoir normatif, a méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s’imposent à l’exercice de ses pouvoirs et, d’autre part, dans l’hypothèse où l’Etat membre en cause, au moment où il a commis l’infraction, n’était pas confronté à des choix normatifs et disposait d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit communautaire peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée. »

En ce qui concerne la typologie des cas dans lesquels un Etat membre est responsable envers des individus, nous distinguons les cas d’absence de transposition, les cas dans lesquels l’Etat membre en cause a agi en violation d’une disposition du traité [Brasserie du pêcheur, C-46 & 48/93, Rec. (1996) I-1029] et les cas de transposition incorrecte d’une directive [British Telecom, C-392/93, Rec. (1996) I-1631; Denkavit/Bundesamt für Finanzen, C-283, 291 & 292/94, Rec. (1996) I-5063].

En ce qui concerne le standard pour quantifier la compensation, la Cour, dans son arrêt Francovich [C-6 & 9/90, Rec. (1991) I-5357] a précisé qu'une réparation financière n’est pas exclue. A son avis, en l'absence de règles communautaires, c’est au droit national qu’il faut faire appel pour déterminer les modalités de compensation. La Cour a ajouté que la réparation ne peut en tous les cas pas être moins favorable que celle octroyée aux individus pour des réclamations semblables de nature interne (atts. 42 et 43):

« Sous cette réserve, c' est dans le cadre du droit national de la responsabilité qu' il incombe à l' État de réparer les conséquences du préjudice causé . En effet, en l' absence d' une réglementation communautaire, c' est à l' ordre juridique interne de chaque État membre qu' il appartient de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la pleine sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire ( voir les arrêts suivants : du 22 janvier 1976, Russo, 60/75, Rec . p. 45; du 16 février 1976, Rewe, 33/76, Rec . p . 1989; du 7 juillet 1981, Rewe, 158/80, Rec . p . 1805 ).
Il convient de relever, en outre, que les conditions, de fond et de forme, fixées par les diverses législations nationales en matière de réparation des dommages ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne et ne sauraient être aménagées de manière à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l' obtention de la réparation ( voir, en ce qui concerne la matière analogue du remboursement de taxes perçues en violation du droit communautaire, notamment l' arrêt du 9 novembre 1983, San Giorgio, 199/82, Rec . p . 3595 ). »
Dans sa jurisprudence Bonifaci et Berto [C-94 & 95/95, Rec. (1997) I-3969], la Cour a répété que c’est dans le droit national qu’il faut chercher la solution relative aux modalités de la réparation due. Elle a cependant ajouté qu’à son avis, une réparation rétroactive est la solution qui devrait être favorisée (atts. 45-54) :

« Par la seconde partie de sa première question, le juge national demande à la Cour si, dans le cadre de la réparation du dommage subi par des travailleurs du fait de la transposition tardive de la directive, un État membre est en droit d'appliquer rétroactivement à leur égard les mesures d'exécution arrêtées tardivement, en ce compris les limitations prévues par l'article 4, paragraphe 2, de la directive. Par la troisième question, qu'il convient de traiter concomitamment avec cette dernière, la juridiction nationale s'interroge plus généralement sur l'étendue de la réparation à charge de l'État membre en cas de transposition tardive d'une directive.
A cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi que la Cour l'a itérativement jugé, le principe de la responsabilité de l'État pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire qui lui sont imputables est inhérent au système du traité (arrêts Francovich I, précité, point 35; du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C-46/93 et C-48/93, Rec. p. I-1029, point 31; du 26 mars 1996, British Telecommunications, C-392/93, Rec. p. I-1631, point 38; du 23 mai 1996, Hedley Lomas, C-5/94, Rec. p. I-2553, point 24, et du 8 octobre 1996, Dillenkofer e.a., C-178/94, C-179/94, C-188/94, C-189/94 et C-190/94, Rec. p. I-4845, point 20).
Pour ce qui est des conditions dans lesquelles un État membre est obligé de réparer les dommages ainsi causés, il résulte de la jurisprudence précitée qu'elles sont au nombre de trois, à savoir que la règle de droit violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation soit suffisamment caractérisée et qu'il existe un lien de causalité direct entre la violation de l'obligation qui incombe à l'État et le dommage subi par les personnes lésées (arrêts précités Brasserie du pêcheur et Factortame, point 51; British Telecommunications, point 39; Hedley Lomas, point 25, et Dillenkofer e.a., point 21). L'appréciation de ces conditions est fonction de chaque type de situation (arrêt Dillenkofer e.a., point 24).
Quant à l'étendue de la réparation à charge de l'État membre auquel le manquement est imputable, il découle de l'arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame, précité, point 82, que la réparation doit être adéquate au préjudice subi, c'est-à-dire de nature à assurer une protection effective des droits des particuliers lésés.
Enfin, il résulte d'une jurisprudence constante depuis l'arrêt Francovich I, précité, points 41 à 43, que, sous réserve de ce qui précède, c'est dans le cadre du droit national de la responsabilité qu'il incombe à l'État de réparer les conséquences du préjudice causé, étant entendu que les conditions fixées par les législations nationales en matière de réparation des dommages ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne et ne sauraient être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l'obtention de la réparation.
En l'occurrence, la Cour a déjà jugé, dans l'arrêt Francovich I, précité, point 46, que l'État membre était obligé de réparer les dommages découlant pour les particuliers de la non-transposition de la directive dans le délai prescrit.
En ce qui concerne l'étendue de la réparation du dommage découlant d'un tel manquement, il y a lieu d'observer que l'application rétroactive et complète des mesures d'exécution de la directive aux travailleurs victimes de la transposition tardive permet, en principe, de remédier aux conséquences dommageables de la violation du droit communautaire, à la condition que la directive ait été régulièrement transposée. En effet, cette application devrait avoir pour effet de garantir à ces derniers les droits dont ils auraient bénéficié si la directive avait été transposée dans le délai prescrit (voir également arrêt du même jour, Maso e.a., précité, points 39 à 42).
Une application rétroactive des mesures d'exécution de la directive implique nécessairement qu'il puisse également être fait application d'une limitation de l'obligation de paiement de l'institution de garantie, selon les modalités prévues à l'article 4, paragraphe 2, de la directive, lorsque l'État membre a effectivement exercé cette faculté en transposant la directive dans l'ordre juridique interne.
Toutefois, dans le cadre du litige dont il est saisi, il appartient au juge national de veiller, à la lumière des principes qui découlent de la jurisprudence de la Cour, tels qu'ils ont été rappelés aux points 46 à 49 du présent arrêt, à ce que la réparation du préjudice subi par les bénéficiaires soit adéquate. Une application rétroactive, régulière et complète des mesures d'exécution de la directive suffira à cette fin sauf si les bénéficiaires établissent l'existence de pertes complémentaires qu'ils auraient subies du fait qu'ils n'ont pu bénéficier en temps voulu des avantages pécuniaires garantis par la directive et qu'il conviendrait donc de réparer également.
Il convient donc de répondre à la seconde partie de la première question et à la troisième question que l'application rétroactive et complète des mesures d'exécution de la directive permet de remédier aux conséquences dommageables de la transposition tardive de celle-ci, à la condition que la directive ait été régulièrement transposée. Toutefois, il appartient au juge national de veiller à ce que la réparation du préjudice subi par les bénéficiaires soit adéquate. Une application rétroactive, régulière et complète des mesures d'exécution de la directive suffira à cette fin sauf si les bénéficiaires établissent l'existence de pertes complémentaires qu'ils auraient subies du fait qu'ils n'ont pu bénéficier en temps voulu des avantages pécuniaires garantis par la directive et qu'il conviendrait donc de réparer également. »

Pour résoudre d'éventuels conflits, la CE met à la disposition des intéressés davantage de mécanismes alternatifs. Tel est le SOLVIT qui est un réseau chargé de la résolution des problèmes découlant de la mauvaise application par les administrations nationales ou locales de la législation communautaire relative au marché intérieur et qui est destiné à garantir que les citoyens ne soient pas privés de droits existants ou d’avantages économiques du fait d’une application incorrecte de la législation communautaire.

6.4.2 En cas de responsabilité de la Commission

Il se peut que la Commission viole ses obligations en adoptant, par exemple, une directive qui cause un dommage à l’individu. Dans sa jurisprudence Bergaderm et Gupil [T-199/96 Rec. (1998) II-2805], le TPI a expliqué de façon synthétique quelles sont les conditions qui doivent être remplies (mentionnées à l’art. 288 TCE, ex-215 TCE) pour que la responsabilité de la Commission soit engagée (att. 48) :

« La responsabilité de la Communauté en vertu de l'article 215, deuxième alinéa, du traité et des principes généraux auxquels il est renvoyé par cette disposition suppose la réunion d'un ensemble de conditions en ce qui concerne l'illégalité du comportement reproché à l'institution, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêts de la Cour du 14 janvier 1993, Italsolar/Commission, C-257/90, Rec. p. I-9, point 33, et du Tribunal du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T-336/94, Rec. p. II-1343, point 30). En matière de responsabilité du fait d'actes de nature normative, le comportement reproché à la Communauté doit constituer une violation d'une règle supérieure de droit protégeant les particuliers (arrêt du Tribunal du 9 décembre 1997, Quiller et Heusmann/Conseil et Commission, T-195/94 et T-202/94, Rec. p. II-2247, point 49). » 

Le recours lors de ce litige tendait à l'indemnisation d'un préjudice qui serait en rapport avec des comportements de la Commission liés à la préparation et à l'adoption d'une directive portant adaptation de la directive cosmétiques. Le TPI a rejeté les arguments des requérants insistant sur deux éléments: que la Commission a légitimement saisi le comité scientifique de la question portée devant elle et qu’en cas de doutes scientifiques l’adoption de mesures provisoires n’est pas exclue (atts. 64-67) :

« Il convient de rappeler que la protection de la santé publique est un des objectifs de la directive cosmétiques et que la Commission n'est pas en mesure de porter elle-même les appréciations scientifiques qui doivent servir cet objectif (arrêt de la Cour du 25 janvier 1994, Angelopharm, C-212/91, Rec. p. I-171, points 32 et 38). Le comité scientifique a précisément pour fonction d'aider les autorités communautaires sur les questions scientifiques et techniques afin de leur permettre de déterminer, en toute connaissance de cause, les mesures d'adaptation nécessaires (même arrêt, point 34).
A la lumière de ces éléments, il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir saisi, dans le cas d'espèce, le comité scientifique et d'avoir suivi son avis, formulé sur la base d'une multitude de réunions, de visites et d'études d'experts.

Au demeurant, lorsque des incertitudes subsistent quant à l'existence ou à la portée de risques pour la santé des consommateurs, les institutions peuvent prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, National Farmers' Union e.a., C-157/96, Rec. p. I-2211, point 63).

Au regard des éléments qui précèdent, les comportements de la Commission et la mesure prise par celle-ci ne sauraient être considérés comme entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ou comme disproportionnés. »


L’arrêt du TPI a été confirmé par la Cour [C-352/98, Rec. (2000) I-5291].

Finalement, en raison de l'influence que peuvent aujourd'hui exercer sur la LCM des organes qui ne sont pas prévus par le TCE (par exemple, les comités ‘comitologie’, voir infra sous 6.5.3), la Cour a précisé que la Commission doit assurer l’accès des individus aux procès verbaux desdits comités [voir notamment les attendus 61 et 62 de l’arrêt du TPI Rothmans International BV c. Commission, T-188/97, Rec. (1999) II-2463].


6.5 L’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA)

6.5.1 L’AESA et l’interface entre compétence scientifique et légitimité démocratique

Depuis 2002, l’UE a sa propre autorité de sécurité des aliments (AESA). L’AESA joue un rôle très important quant à la libre circulation des aliments et des boissons. Vu les risques quotidiennement identifiés par le processus scientifique, l’UE par le biais de l’AESA essaie d’assurer la sécurité alimentaire pour les consommateurs et consommatrices européens.

Pour atteindre son but, l’AESA doit faire appel à la compétence scientifique. Dans cette perspective, le comité scientifique directeur (CSD) [établi par la Décision de la Commission du 23 juillet 1997, 97/579/CE, JO L 237/18-23 du 28.8.1997, ensuite modifiée par la Décision de la Commission du 18.5.2000, 2000/443/CE, JO L 179/13-14 du 18.7.2000] occupe une place prépondérante: il est impliqué dans la préparation de normes destinées à assurer la sécurité alimentaire au sein de l’Union européenne.

Par ailleurs, le système instauré par l’AESA vise également à assurer qu'il y ait en fin de compte une agence qui puisse prendre ses décisions en profitant de l’expérience scientifique tout en s'inscrivant dans un processus de dialogue démocratique. La science est un continuum, dans le sens que la connaissance d’aujourd’hui profite des doutes et des intuitions d'hier. Ce qui aujourd’hui est appelé incertitude, au vu du standard contemporain de certitude, peut devenir certitude demain soit parce que nous avons apporté la preuve qui jusqu'alors faisait défaut, soit parce que le standard de certitude a changé. D’habitude la science procède de façon incrémentale et il est assez rare que nous soyons témoins de ‘shifts’ scientifiques.

La CE, en conformité avec ses obligations internationales à sujet, conserve le droit d’intervenir par le biais réglementaire non seulement en présence de preuve scientifique mais aussi, à titre transitoire, en cas de doute scientifique, et ce en invoquant le principe de précaution (voir infra 6.5.2).

Le Règlement instituant l’AESA (178/2002 du 28.1.2002 publié dans le JO L31/1 du 1.2.2002) est reproduit ci-après :

CHAPITRE I CHAMP D'APPLICATION ET DÉFINITIONS
Article premier Objet et champ d'application
1. Le présent règlement contient les dispositions de base permettant d'assurer, en ce qui concerne les denrées alimentaires, un niveau élevé de protection de la santé des personnes et des intérêts des consommateurs, compte tenu notamment de la diversité de l'offre alimentaire, y compris les productions traditionnelles, tout en veillant au fonctionnement effectif du marché intérieur. Il établit des principes et des responsabilités communs, le moyen de fournir une base scientifique solide, des dispositions et des procédures organisationnelles efficaces pour étayer la prise de décision dans le domaine de la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux.
2. Aux fins du paragraphe 1, le présent règlement établit les principes généraux régissant les denrées alimentaires et l'alimentation animale en général, et la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux en particulier, au niveau communautaire et au niveau national.
Il institue l'Autorité européenne de sécurité des aliments.
Il fixe des procédures relatives à des questions ayant un impact direct ou indirect sur la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux.
3. Le présent règlement s'applique à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution des denrées alimentaires et des aliments pour animaux. Il ne s'applique pas à la production primaire destinée à un usage domestique privé, ni à la préparation, la manipulation et l'entreposage domestiques de denrées alimentaires à des fins de consommation domestique privée.
Article 2 Définition de "denrée alimentaire"
Aux fins du présent règlement, on entend par "denrée alimentaire" (ou "aliment"), toute substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à être ingéré ou raisonnablement susceptible d'être ingéré par l'être humain. Ce terme recouvre les boissons, les gommes à mâcher et toute substance, y compris l'eau, intégrée intentionnellement dans les denrées alimentaires au cours de leur fabrication, de leur préparation ou de leur traitement. Il inclut l'eau au point de conformité défini à l'article 6 de la directive 98/83/CE, sans préjudice des exigences des directives 80/778/CEE et 98/83/CE. Le terme "denrée alimentaire" ne couvre pas:
a) les aliments pour animaux;
b) les animaux vivants à moins qu'ils ne soient préparés en vue de la consommation humaine;
c) les plantes avant leur récolte;
d) les médicaments au sens des directives 65/65/CEE(21) et 92/73/CEE du Conseil(22);
e) les cosmétiques au sens de la directive 76/768/CEE du Conseil(23); f) le tabac et les produits du tabac au sens de la directive 89/622/CEE du Conseil(24); g) les stupéfiants et les substances psychotropes au sens de la Convention unique des Nations unies sur les stupéfiants de 1961 et de la Convention des Nations unies sur les substances psychotropes de 1971;
h) les résidus et contaminants.

Article 3
Autres définitions

Aux fins du présent règlement, on entend par:
1) "législation alimentaire", les dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant les denrées alimentaires en général et leur sécurité en particulier, au niveau communautaire ou national. La législation alimentaire couvre toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution des denrées alimentaires et également des aliments destinés ou donnés à des animaux producteurs de denrées alimentaires;
2) "entreprise du secteur alimentaire", toute entreprise publique ou privée assurant, dans un but lucratif ou non, des activités liées aux étapes de la production, de la transformation et de la distribution de denrées alimentaires;
3) "exploitant du secteur alimentaire", la ou les personnes physiques ou morales chargées de garantir le respect des prescriptions de la législation alimentaire dans l'entreprise du secteur alimentaire qu'elles contrôlent;
4) "aliment pour animaux", toute substance ou produit, y compris les additifs, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à l'alimentation des animaux par voie orale; 5) "entreprise du secteur de l'alimentation animale", toute entreprise publique ou privée assurant, dans un but lucratif ou non, des opérations de production, de fabrication, de transformation, d'entreposage, de transport ou de distribution d'aliments pour animaux, y compris tout producteur agricole produisant, transformant ou entreposant des aliments destinés à l'alimentation des animaux sur sa propre exploitation;
6) "exploitant du secteur de l'alimentation animale", la ou les personnes physiques ou morales chargées de garantir le respect des prescriptions de la législation alimentaire dans l'entreprise du secteur de l'alimentation animale qu'elles contrôlent; 7) "commerce de détail", la manipulation et/ou la transformation de denrées alimentaires ainsi que leur entreposage dans les points de vente ou de livraison au consommateur final, y compris les terminaux de distribution, les traiteurs, les restaurants d'entreprise, la restauration collective, les restaurants et autres prestataires de services de restauration similaires, les commerces, les plateformes de distribution vers les grandes surfaces et les grossistes; 8) "mise sur le marché", la détention de denrées alimentaires ou d'aliments pour animaux en vue de leur vente, y compris l'offre en vue de la vente ou toute autre forme de cession, à titre gratuit ou onéreux, ainsi que la vente, la distribution et les autres formes de cession proprement dites;
9) "risque", une fonction de la probabilité et de la gravité d'un effet néfaste sur la santé, du fait de la présence d'un danger;
10) "analyse des risques", un processus comportant trois volets interconnectés: l'évaluation des risques, la gestion des risques et la communication sur les risques; 11) "évaluation des risques", un processus reposant sur des bases scientifiques et comprenant quatre étapes: l'identification des dangers, leur caractérisation, l'évaluation de l'exposition et la caractérisation des risques;
12) "gestion des risques", le processus, distinct de l'évaluation des risques, consistant à mettre en balance les différentes politiques possibles, en consultation avec les parties intéressées, à prendre en compte de l'évaluation des risques et d'autres facteurs légitimes, et, au besoin, à choisir les mesures de prévention et de contrôle appropriées; 13) "communication sur les risques", l'échange interactif, tout au long du processus d'analyse des risques, d'informations et d'avis sur les dangers et les risques, les facteurs liés aux risques et les perceptions des risques, entre les responsables de l'évaluation des risques et de la gestion des risques, les consommateurs, les entreprises du secteur alimentaire et du secteur de l'alimentation animale, les milieux universitaires et les autres parties intéressées, et notamment l'explication des résultats de l'évaluation des risques et des fondements des décisions prises en matière de gestion des risques;
14) "danger", un agent biologique, chimique ou physique présent dans les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux, ou un état de ces denrées alimentaires ou aliments pour animaux, pouvant avoir un effet néfaste sur la santé; 15) "traçabilité", la capacité de retracer, à travers toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution, le cheminement d'une denrée alimentaire, d'un aliment pour animaux, d'un animal producteur de denrées alimentaires ou d'une substance destinée à être incorporée ou susceptible d'être incorporée dans une denrée alimentaire ou un aliment pour animaux;
16) "les étapes de la production, de la transformation et de la distribution", toutes les étapes, dont l'importation, depuis et y compris la production primaire d'une denrée alimentaire, jusque et y compris son entreposage, son transport, sa vente ou sa livraison au consommateur final, ainsi que, le cas échéant, l'importation, la production, la fabrication, l'entreposage, le transport, la distribution, la vente et la livraison des aliments pour animaux; 17) "production primaire", la production, l'élevage ou la culture de produits primaires, y compris la récolte, la traite et la production d'animaux d'élevage avant l'abattage. Elle couvre également la chasse, la pêche et la cueillette de produits sauvages; 18) "consommateur final", le dernier consommateur d'une denrée alimentaire qui n'utilise pas celle-ci dans le cadre d'une opération ou d'une activité d'une entreprise du secteur alimentaire.

CHAPITRE II LÉGISLATION ALIMENTAIRE GÉNÉRALE
Article 4 Champ d'application
1. Le présent chapitre couvre toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux destinés ou donnés à des animaux producteurs de denrées alimentaires.
2. Les principes généraux définis dans les articles 5 à 10 forment un cadre général de nature horizontale à respecter lorsque des mesures sont prises.
3. Les principes et procédures en vigueur en matière de législation alimentaire sont adaptés dans les meilleurs délais et au plus tard le 1er janvier 2007, en vue de se conformer aux dispositions des articles 5 à 10.
4. Jusqu'à cette date, et par dérogation au paragraphe 2, la législation en vigueur est appliquée dans le respect des principes énoncés aux articles 5 à 10.

SECTION 1 PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA LÉGISLATION ALIMENTAIRE
Article 5 Objectifs généraux
1. La législation alimentaire poursuit un ou plusieurs des objectifs généraux de la protection de la vie et de la santé des personnes, de la protection des intérêts des consommateurs, y compris les pratiques équitables dans le commerce des denrées alimentaires, en tenant compte, le cas échéant, de la protection de la santé et du bien-être des animaux, de la santé des plantes et de l'environnement.
2. La législation alimentaire vise à réaliser la libre circulation, dans la Communauté, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux fabriqués et commercialisés conformément aux principes généraux et aux prescriptions générales définis au présent chapitre. 3. Lorsque des normes internationales existent ou sont sur le point d'être adoptées, elles sont prises en considération dans l'élaboration ou l'adaptation de la législation alimentaire, sauf dans les cas où ces normes ou les éléments concernés de ces normes ne constitueraient pas un moyen efficace ou approprié d'atteindre les objectifs légitimes de la législation alimentaire ou lorsqu'il y a une justification scientifique, ou bien lorsque ces normes aboutiraient à un niveau de protection différent de celui jugé approprié dans la Communauté.
Article 6 Analyse des risques
1. Afin d'atteindre l'objectif général d'un niveau élevé de protection de la santé et de la vie des personnes, la législation alimentaire se fonde sur l'analyse des risques, sauf dans les cas où cette approche n'est pas adaptée aux circonstances ou à la nature de la mesure. 2. L'évaluation des risques est fondée sur les preuves scientifiques disponibles et elle est menée de manière indépendante, objective et transparente.
3. La gestion des risques tient compte des résultats de l'évaluation des risques, et notamment des avis de l'Autorité visée à l'article 22, d'autres facteurs légitimes pour la question en cause et du principe de précaution lorsque les conditions visées à l'article 7, paragraphe 1, sont applicables, afin d'atteindre les objectifs généraux de la législation alimentaire énoncés à l'article 5.
Article 7 Principe de précaution
1. Dans des cas particuliers où une évaluation des informations disponibles révèle la possibilité d'effets nocifs sur la santé, mais où il subsiste une incertitude scientifique, des mesures provisoires de gestion du risque, nécessaires pour assurer le niveau élevé de protection de la santé choisi par la Communauté, peuvent être adoptées dans l'attente d'autres informations scientifiques en vue d'une évaluation plus complète du risque. 2. Les mesures adoptées en application du paragraphe 1 sont proportionnées et n'imposent pas plus de restrictions au commerce qu'il n'est nécessaire pour obtenir le niveau élevé de protection de la santé choisi par la Communauté, en tenant compte des possibilités techniques et économiques et des autres facteurs jugés légitimes en fonction des circonstances en question. Ces mesures sont réexaminées dans un délai raisonnable, en fonction de la nature du risque identifié pour la vie ou la santé et du type d'informations scientifiques nécessaires pour lever l'incertitude scientifique et réaliser une évaluation plus complète du risque.
Article 8 Protection des intérêts des consommateurs
1. La législation alimentaire vise à protéger les intérêts des consommateurs et elle leur fournit une base pour choisir en connaissance de cause les denrées alimentaires qu'ils consomment. Elle vise à prévenir:
a) les pratiques frauduleuses ou trompeuses;
b) la falsification des denrées alimentaires et
c) toute autre pratique pouvant induire le consommateur en erreur.


SECTION 2 PRINCIPES DE TRANSPARENCE
Article 9 Consultation des citoyens
Les citoyens sont consultés de manière ouverte et transparente, directement ou par l'intermédiaire d'organismes représentatifs, au cours de l'élaboration, de l'évaluation et de la révision de la législation alimentaire, sauf si l'urgence de la question ne le permet pas.

Article 10 Information des citoyens
Sans préjudice des dispositions du droit communautaire et du droit national applicables en matière d'accès aux documents, lorsqu'il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'une denrée alimentaire ou un aliment pour animaux peut présenter un risque pour la santé humaine ou animale, les pouvoirs publics prennent, en fonction de la nature, de la gravité et de l'ampleur de ce risque, des mesures appropriées pour informer la population de la nature du risque pour la santé, en identifiant le plus complètement possible la denrée alimentaire ou l'aliment pour animaux, ou le type de denrée alimentaire ou d'aliment pour animaux, le risque qu'il peut présenter et les mesures qui sont prises ou sur le point d'être prises pour prévenir, réduire ou éliminer ce risque.

SECTION 3 OBLIGATIONS GÉNÉRALES DU COMMERCE DES DENRÉES ALIMENTAIRES Article 11
Denrées alimentaires et aliments pour animaux importés dans la Communauté
Les denrées alimentaires et aliments pour animaux importés dans la Communauté dans le but d'y être mis sur le marché respectent les prescriptions applicables de la législation alimentaire ou les conditions que la Communauté a jugées au moins équivalentes ou encore, lorsqu'un accord spécifique existe entre la Communauté et le pays exportateur, les prescriptions qu'il comporte.
Article 12 Denrées alimentaires et aliments pour animaux exportés de la Communauté
1. Les denrées alimentaires et aliments pour animaux exportés ou réexportés de la Communauté dans le but d'être mis sur le marché dans un pays tiers respectent les prescriptions applicables de la législation alimentaire, sauf s'il en est disposé autrement par les autorités du pays importateur ou dans les lois, règlements, normes, codes de pratiques et autres procédures législatives et administratives en vigueur dans le pays importateur. Dans les autres cas, sauf lorsque les denrées alimentaires sont préjudiciables à la santé ou lorsque les aliments pour animaux sont dangereux, les denrées alimentaires et les aliments pour animaux ne peuvent être exportés ou réexportés qu'avec l'accord exprès des autorités compétentes du pays de destination, après qu'elles ont été dûment informées des raisons pour lesquelles et des circonstances dans lesquelles les denrées alimentaires ou aliments pour animaux concernés n'ont pas pu être mis sur le marché dans la Communauté. 2. Lorsque les dispositions d'un accord bilatéral conclu entre la Communauté ou l'un de ses États membres et un pays tiers sont applicables, les denrées alimentaires et les aliments pour animaux exportés de la Communauté ou de l'État membre concerné vers ce pays tiers respectent les dispositions en question.
Article 13 Normes internationales
Sans préjudice de leurs droits et obligations, la Communauté et les États membres: a) contribuent à l'élaboration des normes techniques internationales relatives aux denrées alimentaires et aux aliments pour animaux, et des normes sanitaires et phytosanitaires; b) promeuvent la coordination des travaux sur les normes relatives aux denrées alimentaires et aux aliments pour animaux entrepris par des organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales;
c) contribuent, le cas échéant et au besoin, à l'élaboration d'accords sur la reconnaissance de l'équivalence de mesures spécifiques en matière de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux; d) accordent une attention particulière aux besoins spécifiques en matière de développement et en matière financière et commerciale des pays en voie de développement, en vue d'assurer que les normes internationales ne créent pas d'obstacles inutiles aux exportations en provenance de ces pays;
e) promeuvent la cohérence entre les normes techniques internationales et la législation alimentaire tout en faisant en sorte que le niveau élevé de protection adopté dans la Communauté ne soit pas abaissé.

SECTION 4 PRESCRIPTIONS GÉNÉRALES DE LA LÉGISLATION ALIMENTAIRE
Article 14 Prescriptions relatives à la sécurité des denrées alimentaires
1. Aucune denrée alimentaire n'est mise sur le marché si elle est dangereuse. 2. Une denrée alimentaire est dite dangereuse si elle est considérée comme: a) préjudiciable à la santé;
b) impropre à la consommation humaine.
3. Pour déterminer si une denrée alimentaire est dangereuse, il est tenu compte: a) des conditions d'utilisation normales de la denrée alimentaire par le consommateur à chaque étape de la production, du traitement et de la distribution; et b) de l'information fournie au consommateur, y compris des informations figurant sur l'étiquette, ou d'autres informations généralement à la disposition du consommateur, concernant la prévention d'effets préjudiciables à la santé propres à une denrée alimentaire particulière ou à une catégorie particulière de denrées alimentaires. 4. Pour déterminer si une denrée alimentaire est préjudiciable à la santé, il est tenu compte: a) de l'effet probable immédiat et/ou à court terme et/ou à long terme de cette denrée alimentaire sur la santé non seulement d'une personne qui la consomme, mais aussi sur sa descendance; b) des effets toxiques cumulatifs probables;
c) des sensibilités sanitaires particulières d'une catégorie spécifique de consommateurs lorsque la denrée alimentaire lui est destinée.
5. Pour déterminer si une denrée alimentaire est impropre à la consommation humaine, il est tenu compte de la question de savoir si cette denrée alimentaire est inacceptable pour la consommation humaine compte tenu de l'utilisation prévue, pour des raisons de contamination, d'origine externe ou autre, ou par putréfaction, détérioration ou décomposition. 6. Lorsqu'une denrée alimentaire dangereuse fait partie d'un lot ou d'un chargement de denrées alimentaires de la même catégorie ou correspondant à la même description, il est présumé que la totalité des denrées alimentaires de ce lot ou chargement sont également dangereuses, sauf si une évaluation détaillée montre qu'il n'y a pas de preuve que le reste du lot ou du chargement soit dangereux.
7. Sont considérées comme sûres les denrées alimentaires conformes à des dispositions communautaires spécifiques régissant la sécurité des denrées alimentaires, en ce qui concerne les aspects couverts par ces dispositions.
8. La conformité d'une denrée alimentaire à des dispositions spécifiques applicables à cette denrée n'interdit pas aux autorités compétentes de prendre des mesures appropriées pour imposer des restrictions à sa mise sur le marché ou pour exiger son retrait du marché s'il existe des raisons de soupçonner que, malgré cette conformité, cette denrée alimentaire est dangereuse. 9. En l'absence de dispositions communautaires spécifiques, les denrées alimentaires sont considérées comme sûres si elles sont conformes aux dispositions spécifiques de la législation alimentaire nationale de l'État membre sur le territoire duquel elles sont commercialisées, ces dispositions étant établies et appliquées sans préjudice du traité, et notamment de ses articles 28 et 30.

Article 15 Prescriptions relatives à la sécurité des aliments pour animaux
1. Aucun aliment pour animaux n'est mis sur le marché ou donné à des animaux producteurs de denrées alimentaires s'il est dangereux.
2. Un aliment pour animaux est dit dangereux compte tenu de l'utilisation prévue s'il est considéré qu'il:
- a un effet néfaste sur la santé humaine ou animale;
- rend dangereuses pour la consommation humaine les denrées alimentaires dérivées des animaux producteurs de denrées alimentaires.
3. Lorsqu'un aliment pour animaux, identifié comme ne satisfaisant pas aux prescriptions en matière de sécurité des aliments pour animaux, fait partie d'un lot ou d'un chargement d'aliments pour animaux de la même catégorie ou correspondant à la même description, il est présumé que la totalité des aliments pour animaux de ce lot ou chargement sont également dangereux, sauf si une évaluation détaillée montre qu'il n'y a pas de preuve que le reste du lot ou du chargement soit dangereux.
4. Sont considérés comme sûrs les aliments pour animaux qui sont conformes à des dispositions communautaires spécifiques régissant la sécurité des aliments pour animaux, en ce qui concerne les aspects couverts par ces dispositions.
5. La conformité d'un aliment pour animaux à des dispositions spécifiques applicables à cet aliment n'interdit pas aux autorités compétentes de prendre des mesures appropriées pour imposer des restrictions à sa mise sur le marché ou pour exiger son retrait du marché s'il existe des raisons de soupçonner que, malgré cette conformité, cet aliment pour animaux est dangereux. 6. En l'absence de dispositions communautaires spécifiques, des aliments pour animaux sont considérés comme sûrs s'ils sont conformes aux dispositions spécifiques de la législation nationale régissant la sécurité des aliments pour animaux de l'État membre sur le territoire duquel ils sont en circulation, ces dispositions étant établies et appliquées sans préjudice du traité, et notamment de ses articles 28 et 30.
Article 16 Présentation
Sans préjudice de dispositions plus spécifiques de la législation alimentaire, l'étiquetage, la publicité et la présentation des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, y compris leur forme, leur apparence ou leur emballage, les matériaux d'emballage utilisés, la façon dont ils sont présentés et le cadre dans lequel ils sont disposés, ainsi que les informations diffusées par n'importe quel moyen, ne doivent pas induire le consommateur en erreur.
Article 17 Responsabilités
1. Les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l'alimentation animale veillent, à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution dans les entreprises placées sous leur contrôle, à ce que les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux répondent aux prescriptions de la législation alimentaire applicables à leurs activités et vérifient le respect de ces prescriptions.
2. Les États membres assurent l'application de la législation alimentaire; ils contrôlent et vérifient le respect par les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l'alimentation animale des prescriptions applicables de la législation alimentaire à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution.
À cette fin, ils maintiennent un système de contrôles officiels et d'autres activités appropriées selon les circonstances, y compris des activités de communication publique sur la sécurité et les risques des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, de surveillance de la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux et d'autres activités de contrôle couvrant toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution.
Les États membres fixent également les règles relatives aux mesures et sanctions applicables en cas de violation de la législation relative aux denrées alimentaires et aux aliments pour animaux. Les mesures et sanctions prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.
Article 18 Traçabilité
1. La traçabilité des denrées alimentaires, des aliments pour animaux, des animaux producteurs de denrées alimentaires et de toute autre substance destinée à être incorporée ou susceptible d'être incorporée dans des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux est établie à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution. 2. Les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l'alimentation animale doivent être en mesure d'identifier toute personne leur ayant fourni une denrée alimentaire, un aliment pour animaux, un animal producteur de denrées alimentaires ou toute substance destinée à être incorporée ou susceptible d'être incorporée dans des denrées alimentaires ou dans des aliments pour animaux.
À cet effet, ces exploitants disposent de systèmes et de procédures permettant de mettre l'information en question à la disposition des autorités compétentes, à la demande de celles-ci. 3. Les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l'alimentation animale disposent de systèmes et de procédures permettant d'identifier les entreprises auxquelles leurs produits ont été fournis. Cette information est mise à la disposition des autorités compétentes à la demande de celles-ci.
4. Les denrées alimentaires et les aliments pour animaux qui sont mis sur le marché dans la Communauté ou susceptibles de l'être sont étiquetés ou identifiés de façon adéquate pour faciliter leur traçabilité, à l'aide des documents ou informations pertinents conformément aux prescriptions applicables prévues par des dispositions plus spécifiques. 5. Des dispositions visant à appliquer les prescriptions du présent article en ce qui concerne des secteurs spécifiques peuvent être adoptées conformément à la procédure définie à l'article 58, paragraphe 2.
Article 19 Responsabilités en matière de denrées alimentaires: exploitants du secteur alimentaire
1. Si un exploitant du secteur alimentaire considère ou a des raisons de penser qu'une denrée alimentaire qu'il a importée, produite, transformée, fabriquée ou distribuée ne répond pas aux prescriptions relatives à la sécurité des denrées alimentaires, il engage immédiatement les procédures de retrait du marché de la denrée alimentaire en question, lorsque celle-ci ne se trouve plus sous le contrôle direct de ce premier exploitant du secteur alimentaire, et en informe les autorités compétentes. Lorsque le produit peut avoir atteint le consommateur, l'exploitant informe les consommateurs de façon effective et précise des raisons du retrait et, au besoin, rappelle les produits déjà fournis aux consommateurs lorsque les autres mesures sont insuffisantes pour atteindre un niveau élevé de protection de la santé. 2. Tout exploitant du secteur alimentaire responsable d'activités de commerce de détail ou de distribution qui n'affectent pas l'emballage, l'étiquetage, la sécurité ou l'intégrité des denrées alimentaires engage, dans les limites de ses activités propres, les procédures de retrait du marché des produits ne répondant pas aux prescriptions relatives à la sécurité des denrées alimentaires et contribue à la sécurité des denrées alimentaires en transmettant les informations nécessaires pour retracer le cheminement d'une denrée alimentaire et en coopérant aux mesures prises par les producteurs, les transformateurs, les fabricants et/ou les autorités compétentes.
3. Tout exploitant du secteur alimentaire informe immédiatement les autorités compétentes lorsqu'il considère ou a des raisons de penser qu'une denrée alimentaire qu'il a mise sur le marché peut être préjudiciable à la santé humaine. Il informe les autorités compétentes des mesures qu'il prend pour prévenir les risques pour le consommateur final et n'empêche ni ne décourage personne de coopérer avec les autorités compétentes, conformément aux législations et pratiques juridiques nationales, lorsque cela peut permettre de prévenir, réduire ou éliminer un risque provoqué par une denrée alimentaire. 4. Les exploitants du secteur alimentaire collaborent avec les autorités compétentes en ce qui concerne les actions engagées pour éviter ou réduire les risques présentés par une denrée alimentaire qu'ils fournissent ou ont fournie.
Article 20 Responsabilités en matière de denrées alimentaires: exploitants du secteur de l'alimentation animale
1. Si un exploitant du secteur de l'alimentation animale considère ou a des raisons de penser qu'un aliment pour animaux qu'il a importé, produit, transformé, fabriqué ou distribué ne répond pas aux prescriptions relatives à la sécurité des aliments pour animaux, il engage immédiatement les procédures de retrait du marché de l'aliment en question et en informe les autorités compétentes. Dans ces circonstances ou, dans le cas de l'article 15, paragraphe 3, lorsque le lot ou chargement ne satisfait pas aux prescriptions en matière de sécurité des aliments pour animaux, cet aliment pour animaux est détruit, sauf si l'autorité compétente estime qu'il n'est pas nécessaire de le faire. Il informe les utilisateurs de l'aliment pour animaux de façon effective et précise des raisons du retrait et, au besoin, rappelle les produits déjà fournis lorsque les autres mesures sont insuffisantes pour atteindre un niveau élevé de protection de la santé.
2. Tout exploitant du secteur de l'alimentation animale responsable d'activités de commerce de détail ou de distribution qui n'affectent pas l'emballage, l'étiquetage, la sécurité ou l'intégrité des aliments pour animaux engage, dans les limites de ses activités propres, les procédures de retrait du marché des produits qui ne répondent pas aux prescriptions relatives à la sécurité des aliments pour animaux et contribue à la sécurité alimentaire en transmettant les informations nécessaires pour retracer le cheminement d'un aliment pour animaux et en coopérant aux mesures prises par les producteurs, les transformateurs, les fabricants et/ou les autorités compétentes.
3. Tout exploitant du secteur de l'alimentation animale informe immédiatement les autorités compétentes s'il considère ou a des raisons de penser qu'un aliment pour animaux qu'il a mis sur le marché ne répond pas aux prescriptions relatives à la sécurité des aliments pour animaux. Il informe les autorités compétentes des mesures qu'il prend pour prévenir le risque découlant de l'utilisation de cet aliment pour animaux et n'empêche ni ne décourage personne de coopérer avec les autorités compétentes, conformément aux législations et pratiques juridiques nationales, lorsque cela peut permettre de prévenir, réduire ou éliminer un risque provoqué par un aliment pour animaux.
4. Les exploitants du secteur de l'alimentation animale collaborent avec les autorités compétentes en ce qui concerne les actions engagées pour éviter les risques présentés par un aliment pour animaux qu'ils fournissent ou ont fourni.
Article 21 Responsabilité
Les dispositions du présent chapitre s'appliquent sans préjudice de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux(25).

CHAPITRE III AUTORITÉ EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ DES ALIMENTS SECTION 1 MISSION ET TÂCHES
Article 22 Mission de l'Autorité
1. Il est institué une Autorité européenne de sécurité des aliments, ci-après dénommée l'"Autorité". 2. L'Autorité fournit des avis scientifiques et une assistance scientifique et technique à la politique et à la législation de la Communauté dans tous les domaines ayant un impact direct ou indirect sur la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux. Elle constitue une source indépendante d'informations sur toutes les questions relevant de ces domaines et assure la communication sur les risques.
3. L'Autorité contribue à assurer un niveau élevé de protection de la santé et de la vie des personnes, et tient compte à cet égard de la santé et du bien-être des animaux, de la préservation des végétaux et de la protection de l'environnement, dans le contexte du fonctionnement du marché intérieur.
4. L'Autorité recueille et analyse les données afin de permettre la caractérisation et le contrôle des risques ayant un impact direct ou indirect sur la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux.
5. L'Autorité a également pour mission de fournir:
a) des avis scientifiques et une assistance scientifique et technique en matière de nutrition humaine en relation avec la législation communautaire et, à la demande de la Commission, une assistance en ce qui concerne la communication sur les questions de nutrition, dans le cadre du programme communautaire en matière de santé; b) des avis scientifiques sur d'autres questions liées à la santé et au bien-être des animaux et à la santé des plantes;
c) des avis scientifiques sur des produits autres que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux, liés aux organismes génétiquement modifiés définis par la directive 2001/18/CE, sans préjudice des procédures qui y sont prévues. 6. L'Autorité fournit des avis scientifiques qui constituent la base scientifique à prendre en compte pour l'élaboration et l'adoption de mesures communautaires dans les domaines relevant de sa mission.
7. L'Autorité exécute sa mission dans des conditions lui permettant d'assurer un rôle de référence par l'indépendance et la qualité scientifique et technique des avis qu'elle rend et des informations qu'elle diffuse, par la transparence de ses procédures et modes de fonctionnement, et par sa diligence à s'acquitter des tâches qui lui sont confiées. Elle agit en étroite coopération avec les instances compétentes des États membres qui accomplissent des missions analogues à celle de l'Autorité.
8. L'Autorité, la Commission et les États membres coopèrent afin de favoriser la cohérence effective entre les missions d'évaluation des risques, de gestion des risques et de communication sur les risques.
9. Les États membres coopèrent avec l'Autorité pour garantir l'accomplissement de sa mission.
Article 23 Tâches de l'Autorité
Les tâches de l'Autorité sont les suivantes:
a) fournir aux institutions de la Communauté et aux États membres les meilleurs avis scientifiques possibles dans tous les cas prévus par la législation communautaire ainsi que sur toute question qui relève de sa mission;
b) promouvoir et coordonner la mise au point de méthodes uniformes d'évaluation des risques dans les domaines relevant de sa mission;
c) fournir une assistance scientifique et technique à la Commission dans les domaines relevant de sa mission et, lorsqu'elle en fait la demande, pour l'interprétation et l'examen des avis sur l'évaluation des risques;
d) commander les études scientifiques nécessaires à l'accomplissement de sa mission; e) rechercher, recueillir, rassembler, analyser et résumer les données scientifiques et techniques dans les domaines qui relèvent de sa mission;
f) mener une action d'identification et de caractérisation des risques émergents, dans les domaines qui relèvent de sa mission;
g) établir un système de réseaux des organismes opérant dans les domaines qui relèvent de sa mission et en assurer le fonctionnement;
h) fournir une assistance scientifique et technique, lorsque la demande lui en est faite par la Commission, dans le cadre des procédures de gestion des crises mises en oeuvre par la Commission en matière de sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux; i) apporter, lorsque la demande lui en est faite par la Commission, un soutien scientifique et technique en vue d'améliorer la coopération entre la Communauté, les pays ayant introduit une demande d'adhésion, les organisations internationales et les pays tiers, dans les domaines qui relèvent de sa mission;
j) veiller à ce que le public et les parties intéressées reçoivent rapidement une information fiable, objective et compréhensible dans les domaines qui relèvent de sa mission; k) exprimer de manière autonome ses propres conclusions et orientations sur les questions qui relèvent de sa mission;
l) effectuer toute tâche qui lui est assignée par la Commission dans le domaine qui relève de sa mission.
SECTION 2 ORGANISATION
Article 24 Organes de l'Autorité
L'Autorité se compose: a) d'un conseil d'administration; b) d'un directeur exécutif et de son personnel; c) d'un forum consultatif; d) d'un comité scientifique ainsi que de groupes scientifiques.
Article 25 Conseil d'administration
1. Le conseil d'administration est composé de quatorze membres désignés par le Conseil en consultation avec le Parlement européen à partir d'une liste établie par la Commission qui comprend un nombre de candidats considérablement plus élevé que le nombre de membres à nommer, ainsi que d'un représentant de la Commission. Quatre des membres retenus doivent disposer d'une expérience acquise au sein d'organisations représentant les consommateurs et d'autres groupes d'intérêt dans la chaîne alimentaire. La liste établie par la Commission est transmise, accompagnée des documents pertinents, au Parlement européen. Celui-ci peut, le plus rapidement possible et dans un délai de trois mois à compter de cette communication, soumettre son point de vue à l'appréciation du Conseil, lequel nomme alors le conseil d'administration.
Les membres du conseil d'administration sont désignés de manière à assurer le niveau de compétence le plus élevé, un large éventail d'expertise et, dans le respect de ces critères, la répartition géographique la plus large possible.
2. Le mandat des membres est de quatre ans et peut être renouvelé une fois. Toutefois, pour le premier mandat, cette période est de six ans pour la moitié des membres. 3. Le conseil d'administration adopte le règlement intérieur de l'Autorité sur la base d'une proposition du directeur exécutif. Ledit règlement est rendu public. 4. Le conseil d'administration élit son président parmi ses membres, pour une période de deux ans, renouvelable.
5. Le conseil d'administration adopte son règlement intérieur.
Sauf disposition contraire, les délibérations du conseil d'administration sont acquises à la majorité des membres qui le composent.
6. Le conseil d'administration se réunit sur convocation du président ou à la demande d'au moins un tiers de ses membres.
7. Le conseil d'administration veille à ce que l'Autorité accomplisse la mission et exécute les tâches qui lui sont confiées, dans les conditions fixées par le présent règlement. 8. Avant le 31 janvier de chaque année, le conseil d'administration adopte le programme de travail de l'Autorité pour l'année suivante. Il adopte également un programme pluriannuel révisable. Le conseil d'administration veille à assurer la cohérence de ces programmes avec les priorités législatives et politiques de la Communauté en matière de sécurité des denrées alimentaires. Avant le 30 mars de chaque année, le conseil d'administration adopte le rapport général des activités de l'Autorité pour l'année qui précède.
9. Le conseil d'administration, ayant reçu l'accord de la Commission et l'avis de la Cour des comptes, adopte le règlement financier de l'Autorité, qui spécifie notamment la procédure à suivre pour l'élaboration et l'exécution du budget de l'Autorité, conformément à l'article 142 du règlement financier du 21 décembre 1977 applicable au budget général des Communautés européennes(26) et aux exigences législatives relatives aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude.
10. Le directeur exécutif participe aux réunions du conseil d'administration, sans voix délibérative, et veille à ce que le secrétariat en soit assuré. Le conseil d'administration invite le président du comité scientifique à assister à ses réunions, sans voix délibérative.
Article 26 Directeur exécutif
1. Le directeur exécutif est nommé par le conseil d'administration, pour une période de cinq ans renouvelable, sur la base d'une liste de candidats proposée par la Commission à la suite d'un mise en concurrence ouverte, après parution au Journal officiel des Communautés européennes et dans d'autres publications d'un appel à manifestation d'intérêt. Avant d'être nommé, le candidat retenu par le conseil d'administration est invité sans délai à faire une déclaration devant le Parlement européen et à répondre aux questions posées par ses membres. Le directeur exécutif peut être révoqué à la majorité des membres du conseil d'administration. 2. Le directeur exécutif est le représentant légal de l'Autorité. Il est chargé: a) de l'administration courante de l'Autorité;
b) d'établir une proposition pour les programmes de travail de l'Autorité en consultation avec la Commission;
c) de la mise en oeuvre des programmes de travail et des décisions adoptées par le conseil d'administration; d) de veiller à ce qu'un soutien scientifique, technique et administratif approprié soit mis à la disposition du comité scientifique et des groupes scientifiques;
e) de veiller à ce que l'Autorité exerce sa mission selon des modalités permettant de répondre aux besoins de ses utilisateurs, notamment en termes d'adéquation des services rendus et de délais;
f) de la préparation de l'état des recettes et des dépenses et de l'exécution du budget de l'Autorité; g) de toutes les questions de personnel;
h) d'établir et de maintenir le contact avec le Parlement européen et d'assurer un dialogue régulier avec les commissions compétentes du Parlement.
3. Le directeur exécutif soumet chaque année, pour approbation, au conseil d'administration: a) un projet de rapport général d'activités couvrant l'ensemble des tâches de l'Autorité pour l'année écoulée;
b) des projets de programmes de travail;
c) un projet de bilan annuel pour l'année écoulée;
d) un projet de budget prévisionnel pour l'année suivante.
Le directeur exécutif transmet, après leur adoption par le conseil d'administration, le rapport général et les programmes au Parlement européen, au Conseil, à la Commission et aux États membres, et en assure la publication.
4. Le directeur exécutif approuve toutes les dépenses financières de l'Autorité et rend compte des activités de l'Autorité au conseil d'administration.

Article 27 Forum consultatif
1. Le forum consultatif se compose de représentants des instances compétentes des États membres qui accomplissent des tâches analogues à celle de l'Autorité, à raison d'un représentant désigné par chaque État membre. Les représentants peuvent être remplacés par des suppléants qui sont nommés en même temps qu'eux.
2. Les membres du forum consultatif ne peuvent pas être membres du conseil d'administration. 3. Le forum consultatif conseille le directeur exécutif dans l'exercice des responsabilités qui lui incombent en vertu du présent règlement, notamment en vue de l'élaboration d'une proposition relative au programme de travail de l'Autorité. Le directeur exécutif peut également demander l'avis du forum sur la hiérarchisation des demandes d'avis scientifiques. 4. Le forum consultatif constitue un mécanisme pour l'échange d'informations sur les risques potentiels et la mise en commun des connaissances. Il veille au maintien d'une étroite coopération entre l'Autorité et les instances compétentes des États membres, en particulier: a) pour éviter tout double emploi des études scientifiques de l'Autorité avec les programmes des États membres, conformément à l'article 32;
b) dans les cas visés à l'article 30, paragraphe 4, lorsque l'Autorité et un organisme national sont tenus de collaborer;
c) pour promouvoir le fonctionnement en réseaux européens des organismes opérant dans les domaines qui relèvent de la mission de l'Autorité, conformément à l'article 36, paragraphe 1;
d) lorsque l'Autorité ou un État membre identifie un risque émergent. 5. Le forum consultatif est présidé par le directeur exécutif. Il se réunit régulièrement à l'invitation du président ou à la demande d'au moins un tiers de ses membres, au moins quatre fois par an. Ses modalités de fonctionnement sont précisées dans le règlement intérieur de l'Autorité et sont rendues publiques.
6. L'Autorité apporte le soutien technique et logistique nécessaire au forum consultatif et assure le secrétariat de ses réunions.
7. Les représentants des services de la Commission peuvent participer aux travaux du forum consultatif. Le directeur exécutif peut inviter des représentants du Parlement européen et d'autres instances compétentes à participer à ses travaux.
Lorsque le forum consultatif examine les questions visées à l'article 22, paragraphe 5, point b), les représentants des instances compétentes des États membres qui accomplissent des tâches analogues à celles visées à l'article 22, paragraphe 5, point b), peuvent prendre part aux travaux du forum consultatif, un représentant étant désigné par chaque État membre.
Article 28 Comité scientifique et groupes scientifiques
1. Le comité scientifique et les groupes scientifiques permanents sont chargés, dans leurs domaines de compétence propres, de fournir les avis scientifiques de l'Autorité et ils ont la possibilité d'organiser des débats publics, le cas échéant.
2. Le comité scientifique est chargé de la coordination générale nécessaire à la cohérence du processus d'avis scientifique, notamment en matière d'adoption des procédures de travail et d'harmonisation des méthodologies de travail. Il fournit des avis sur les questions multisectorielles qui relèvent de la compétence de plus d'un groupe scientifique, ainsi que sur les questions ne relevant de la compétence d'aucun groupe scientifique. En tant que de besoin, et notamment dans le cas de sujets qui ne relèvent pas du champ de compétence d'un groupe scientifique, il crée des groupes de travail. Dans ce cas, il s'appuie sur l'expertise de ces groupes de travail pour établir les avis scientifiques. 3. Le comité scientifique est composé des présidents des groupes scientifiques ainsi que de six experts scientifiques indépendants n'appartenant à aucun des groupes scientifiques. 4. Les groupes scientifiques sont composés d'experts scientifiques indépendants. Lors de la mise en place de l'Autorité, les groupes scientifiques suivants sont constitués: a) le groupe sur les additifs alimentaires, les arômes, les auxiliaires technologiques et les matériaux en contact avec les aliments;
b) le groupe sur les additifs et produits ou substances utilisés en alimentation animale; c) le groupe de la santé des plantes, des produits phytopharmaceutiques et leurs résidus; d) le groupe sur les organismes génétiquement modifiés;
e) le groupe sur les produits diététiques, la nutrition et les allergies;
f) le groupe sur les risques biologiques;
g) le groupe sur les contaminants de la chaîne alimentaire;
h) le groupe sur la santé animale et le bien-être des animaux.
Le nombre et la dénomination des groupes scientifiques peuvent être adaptés en fonction de l'évolution technique et scientifique par la Commission, à la demande de l'Autorité, conformément à la procédure visée à l'article 58, paragraphe 2.
5. Les membres du comité scientifique qui ne sont pas membres d'un groupe scientifique et les membres des groupes scientifiques sont nommés par le conseil d'administration, sur proposition du directeur exécutif, pour un mandat de trois ans, renouvelable, après publication au Journal officiel des Communautés européennes, dans les principales publications scientifiques concernées et sur le site web de l'Autorité d'un appel à manifestation d'intérêt.
6. Le comité scientifique et les groupes scientifiques élisent chacun parmi leurs membres un président et deux vice-présidents.
7. Les délibérations du comité scientifique et des groupes scientifiques sont acquises à la majorité des membres qui les composent. Les avis minoritaires sont inscrits. 8. Les représentants des services de la Commission sont habilités à assister aux réunions du comité scientifique, des groupes scientifiques et de leurs groupes de travail. S'ils sont invités à le faire, ils peuvent apporter leur concours à des fins de clarification ou d'information, mais ne doivent pas essayer d'influencer les débats.
9. Les modalités de fonctionnement et de coopération du comité scientifique et des groupes scientifiques sont fixées dans le règlement intérieur de l'Autorité.
Ces modalités portent notamment sur:
a) le nombre de mandats consécutifs possibles des membres au sein du comité scientifique ou d'un groupe scientifique;
b) le nombre de membres de chaque groupe scientifique;
c) la procédure de remboursement des frais engagés par les membres du comité scientifique et des groupes scientifiques;
d) le mode d'attribution des tâches et des demandes d'avis scientifiques entre le comité scientifique et les groupes scientifiques;
e) la création et l'organisation de groupes de travail du comité scientifique et des groupes scientifiques, et la possibilité de faire participer des experts externes à ces groupes; f) la possibilité d'inviter des observateurs aux réunions du comité scientifique et des groupes scientifiques; g) la possibilité d'organiser des débats publics.
SECTION 3 FONCTIONNEMENT
Article 29 Avis scientifiques
1. L'Autorité émet un avis scientifique:
a) à la demande de la Commission, sur toute question relevant de sa mission ainsi que dans tous les cas où la législation communautaire prévoit la consultation de l'Autorité; b) de sa propre initiative, sur toute question relevant de sa mission. Le Parlement européen ou un État membre peut inviter l'Autorité à émettre un avis scientifique sur toute question relevant de sa mission.
2. Les demandes visées au paragraphe 1 sont accompagnées d'informations générales expliquant la nature de la question scientifique devant être traitée ainsi que l'intérêt pour la Communauté. 3. Lorsqu'un délai pour l'émission d'avis scientifiques n'est pas déjà prévu par la législation communautaire, l'Autorité rend les avis scientifiques dans les délais indiqués par les demandes d'avis, sauf dans des cas dûment justifiés.
4. Lorsque des demandes différentes sont formulées sur des questions identiques, lorsque la demande n'est pas conforme aux dispositions du paragraphe 2 ou lorsqu'elle n'est pas claire, l'Autorité peut soit refuser la demande d'avis, soit proposer qu'elle soit assortie de modifications, en consultation avec l'institution ou l'État (les États) membre(s) ayant formulé la demande. L'institution ou l'État (les États) membre(s) ayant formulé la demande sont informés des motifs du refus.
5. Lorsque l'Autorité a déjà émis, dans le cadre d'une demande, un avis scientifique sur une question précise, elle peut refuser de procéder au réexamen de la demande si elle conclut qu'il n'existe pas de nouveaux éléments scientifiques qui le justifient. L'institution ou l'État (les États) membre(s) ayant formulé la demande sont informés des motifs du refus. 6. Les modalités d'application du présent article sont arrêtées par la Commission, après consultation de l'Autorité, conformément à la procédure prévue à l'article 58, paragraphe 2. Ces modalités précisent notamment:
a) la procédure appliquée par l'Autorité aux demandes dont elle est saisie; b) les lignes directrices régissant l'évaluation scientifique de substances, de produits ou de procédés que la législation communautaire soumet à un système d'autorisation préalable ou d'inscription sur une liste positive, en particulier lorsque la législation communautaire prévoit ou permet qu'un dossier soit introduit à cette fin par le demandeur. 7. Le règlement intérieur de l'Autorité précise les règles en matière de présentation, de motivation et de publication des avis scientifiques.
Article 30 Avis scientifiques divergents
1. L'Autorité fait preuve de vigilance de façon à identifier rapidement les sources potentielles de divergence entre ses avis scientifiques et les avis scientifiques émanant d'autres organismes exerçant une mission similaire.
2. Lorsque l'Autorité identifie une source potentielle de divergence, elle prend contact avec l'organisme concerné de façon à assurer que toutes les informations scientifiques pertinentes sont partagées et à identifier les questions scientifiques susceptibles d'entraîner des divergences. 3. Lorsqu'une divergence de fond sur des questions scientifiques a été identifiée et que l'organisme concerné est une agence communautaire ou un comité scientifique de la Commission, l'Autorité et l'organisme concerné sont tenus de coopérer en vue soit de résoudre la divergence soit de présenter à la Commission un document commun clarifiant les questions scientifiques qui sont source de divergence et identifiant les incertitudes pertinentes dans les données. Ce document est rendu public.
4. Lorsqu'une divergence de fond sur des questions scientifiques a été identifiée et que l'organisme concerné est un organisme d'un État membre, l'Autorité et l'organisme national sont tenus de coopérer en vue soit de résoudre la divergence soit d'élaborer un document commun clarifiant les questions scientifiques qui sont source de divergence et identifiant les incertitudes pertinentes dans les données. Ce document est rendu public.
Article 31 Assistance scientifique et technique
1. L'Autorité peut être chargée par la Commission de fournir une assistance scientifique ou technique dans les domaines relevant de sa mission. Les tâches d'assistance scientifique et technique consistent en des travaux scientifiques ou techniques supposant l'application de principes scientifiques ou techniques bien établis et ne nécessitant pas une évaluation scientifique par le comité scientifique ou un groupe scientifique. Ces tâches peuvent notamment porter sur l'assistance à la Commission pour la détermination ou l'évaluation de critères techniques ainsi que sur l'assistance à la Commission pour le développement de lignes directrices techniques.
2. Lorsque la Commission saisit l'Autorité d'une demande d'assistance scientifique ou technique, elle fixe, en accord avec l'Autorité, le délai dans lequel la tâche doit être effectuée.
Article 32 Études scientifiques
1. En s'appuyant sur les meilleures ressources scientifiques indépendantes disponibles, l'Autorité commande les études scientifiques nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Ces études sont commandées de manière ouverte et transparente. L'Autorité veille à éviter tout double emploi avec les programmes de recherche des États membres ou de la Communauté et encourage la coopération par le biais d'une coordination appropriée. 2. L'Autorité informe le Parlement européen, la Commission et les États membres des résultats des études scientifiques.
Article 33 Collecte des données
1. L'Autorité recherche, recueille, rassemble, analyse et résume les données scientifiques et techniques pertinentes dans les domaines qui relèvent de sa mission. Cette action comprend notamment la collecte de données relatives:
a) aux consommations alimentaires et à l'exposition des personnes aux risques liés à la consommation de denrées alimentaires;
b) à l'incidence et à la prévalence en matière de risque biologique;
c) aux contaminants des denrées alimentaires et des aliments pour animaux; d) aux résidus.
2. Aux fins du paragraphe 1, l'Autorité coopère étroitement avec tout organisme opérant dans le domaine de la collecte des données, y compris ceux des pays ayant introduit une demande d'adhésion, ceux des pays tiers ou les organismes internationaux. 3. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour permettre la transmission à l'Autorité des données qu'ils recueillent dans les domaines visés aux paragraphes 1 et 2. 4. L'Autorité adresse aux États membres et à la Commission toute recommandation utile permettant d'améliorer la comparabilité technique des données qu'elle reçoit et analyse, de façon à faciliter leur consolidation au niveau communautaire.
5. Dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur du présent règlement, la Commission publie un inventaire des systèmes de collecte des données existant au niveau communautaire dans les domaines qui relèvent de la mission de l'Autorité. Ce rapport, qui est accompagné le cas échéant de propositions, indique notamment: a) pour chaque système existant, le rôle qu'il convient de confier à l'Autorité et les modifications ou améliorations qui sont éventuellement nécessaires pour permettre à l'Autorité d'accomplir sa mission, en coopération avec les États membres; b) les lacunes qu'il convient de combler pour permettre à l'Autorité de recueillir et de résumer au niveau communautaire les données scientifiques et techniques pertinentes dans les domaines qui relèvent de sa mission.
6. L'Autorité fournit les résultats de ses travaux en matière de collecte des données au Parlement européen, à la Commission et aux États membres.

Article 34 Identification des risques émergents
1. L'Autorité établit des procédures de contrôle afin de rechercher, recueillir, rassembler et analyser systématiquement les informations et les données en vue de procéder à l'identification de risques émergents dans les domaines qui relèvent de sa mission. 2. Lorsque l'Autorité dispose d'informations permettant de suspecter un risque grave émergeant, elle demande des informations complémentaires aux États membres, aux autres agences communautaires et à la Commission. Les États membres, les agences communautaires concernées et la Commission répondent dans les meilleurs délais en transmettant les données pertinentes en leur possession.
3. L'Autorité utilise l'ensemble des informations qu'elle reçoit dans le cadre de l'accomplissement de sa mission pour identifier un risque émergent. 4. L'Autorité fournit l'évaluation et les informations sur les risques émergents qu'elle a rassemblées au Parlement européen, à la Commission et aux États membres.
Article 35 Système d'alerte rapide
Afin de remplir au mieux ses missions de veille des risques sanitaires et nutritionnels des aliments, l'Autorité est rendue destinataire des messages circulant dans le système d'alerte rapide. Elle analyse le contenu de ces messages en vue de fournir à la Commission et aux États membres toute information nécessaire à l'analyse du risque.

Article 36 Réseau d'organismes opérant dans les domaines qui relèvent de la mission de l'Autorité
1. L'Autorité favorise le fonctionnement en réseaux européens des organismes opérant dans les domaines qui relèvent de sa mission. Ce fonctionnement en réseaux a pour objectif, en particulier, de promouvoir un cadre de coopération scientifique en facilitant la coordination de l'action, l'échange d'informations, l'établissement et l'exécution de projets communs, l'échange de connaissances spécialisées et de meilleures pratiques dans les domaines qui relèvent de la mission de l'Autorité.
2. Le conseil d'administration, sur proposition du directeur exécutif, établit une liste rendue publique des organismes compétents désignés par les États membres qui, soit individuellement, soit dans le cadre d'un réseau, peuvent aider l'Autorité dans sa mission. L'Autorité peut confier à ces organismes certaines tâches, en particulier des travaux préparatoires aux avis scientifiques, des tâches d'assistance scientifique et technique, la collecte de données et l'identification des risques émergents. Certaines de ces tâches peuvent bénéficier d'un soutien financier.
3. Les modalités d'application des paragraphes 1 et 2 sont arrêtées par la Commission, après consultation de l'Autorité, conformément à la procédure visée à l'article 58, paragraphe 2. Ces modalités précisent notamment les critères régissant l'insertion d'un établissement dans la liste des organismes compétents désignés par les États membres, les règles fixant des exigences de qualité harmonisées et les dispositions financières réglementant l'aide financière. 4. Dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur du présent règlement, la Commission publie un inventaire des systèmes communautaires existant dans les domaines qui relèvent de la mission de l'Autorité et prévoyant que les États membres effectuent certaines tâches d'évaluation scientifique, notamment dans le cadre de l'examen des dossiers d'autorisation. Ce rapport, accompagné le cas échéant de propositions, indique notamment pour chaque système existant, les modifications ou améliorations qui sont éventuellement nécessaires pour permettre à l'Autorité d'accomplir sa mission, en coopération avec les États membres.
SECTION 4 INDÉPENDANCE, TRANSPARENCE, CONFIDENTIALITÉ ET COMMUNICATION
Article 37 Indépendance
1. Les membres du conseil d'administration, les membres du forum consultatif et le directeur exécutif s'engagent à agir au service de l'intérêt public et dans un esprit d'indépendance. Ils font à cette fin une déclaration d'engagement ainsi qu'une déclaration d'intérêt qui indique soit l'absence de tout intérêt qui pourrait être considéré comme préjudiciable à leur indépendance, soit tout intérêt direct ou indirect qui pourrait être considéré comme préjudiciable à leur indépendance. Ces déclarations sont faites chaque année par écrit. 2. Les membres du comité scientifique et des groupes scientifiques s'engagent à agir indépendamment de toute influence externe.
Ils font à cette fin une déclaration d'engagement ainsi qu'une déclaration d'intérêt qui indique soit l'absence de tout intérêt qui pourrait être considéré comme préjudiciable à leur indépendance, soit tout intérêt direct ou indirect qui pourrait être considéré comme préjudiciable à leur indépendance. Ces déclarations sont faites chaque année par écrit. 3. Les membres du conseil d'administration, le directeur exécutif, les membres du forum consultatif, les membres du comité scientifique et des groupes scientifiques ainsi que les experts externes participant à leurs groupes de travail, déclarent, lors de chaque réunion, les intérêts qui pourraient être considérés comme préjudiciables à leur indépendance par rapport aux points à l'ordre du jour.
Article 38 Transparence
1. L'Autorité fait en sorte que ses activités soient menées dans une large transparence. Elle rend notamment publics sans tarder:
a) les ordres du jour et comptes rendus des réunions du comité scientifique et des groupes scientifiques; b) les avis du comité scientifique et des groupes scientifiques immédiatement après leur adoption, les avis minoritaires étant toujours inclus;
c) sans préjudice des articles 39 et 41, les informations sur lesquelles se fondent ses avis; d) les déclarations d'intérêt annuelles faites par les membres du conseil d'administration, le directeur exécutif, les membres du forum consultatif et les membres du comité scientifique et des groupes scientifiques ainsi que les déclarations d'intérêt faites par rapport aux points de l'ordre du jour d'une réunion;
e) le résultat de ses études scientifiques;
f) son rapport annuel d'activités;
g) les demandes d'avis scientifique formulées par le Parlement européen, la Commission ou un État membre qui ont été refusées ou modifiées et les raisons du refus ou de la modification. 2. Le conseil d'administration tient ses réunions en public, à moins que, sur proposition du directeur exécutif, il n'en décide autrement pour certains points administratifs spécifiques de son ordre du jour, et il peut autoriser des représentants des consommateurs ou d'autres parties intéressées à participer en tant qu'observateurs à certains travaux de l'Autorité. 3. L'Autorité fixe dans son règlement intérieur les modalités pratiques assurant l'application des règles de transparence visées aux paragraphes 1 et 2.
Article 39 Confidentialité
1. Par dérogation à l'article 38, l'Autorité ne divulgue pas à des tiers les informations confidentielles qu'elle reçoit et pour lesquelles un traitement confidentiel a été demandé et justifié, à l'exception des informations qui, si les circonstances l'exigent, doivent être rendues publiques pour protéger la santé publique.
2. Les membres du conseil d'administration, le directeur exécutif, les membres du comité scientifique et des groupes scientifiques ainsi que les experts externes participant à leurs groupes de travail, les membres du forum consultatif, les membres du personnel de l'Autorité, même après la cessation de leurs fonctions, sont soumis à l'obligation de confidentialité visée à l'article 287 du traité.
3. Les conclusions des avis scientifiques rendus par l'Autorité en rapport avec des effets prévisibles sur la santé ne peuvent en aucun cas être tenues confidentielles. 4. L'Autorité fixe dans son règlement intérieur les modalités pratiques assurant l'application des règles de confidentialité visées aux paragraphes 1 et 2.
Article 40 Communications de l'Autorité
1. L'Autorité communique de sa propre initiative dans les domaines qui relèvent de sa mission, sans préjudice des compétences dont dispose la Commission pour communiquer ses décisions sur la gestion des risques.
2. L'Autorité veille à ce que le public et toute partie intéressée reçoivent rapidement une information objective, fiable et facilement accessible, notamment en ce qui concerne le résultat de ses travaux. Pour atteindre ces objectifs, l'Autorité élabore et diffuse des documents à l'intention du grand public.
3. L'Autorité agit en étroite collaboration avec la Commission et les États membres afin de favoriser la cohérence nécessaire dans le processus de communication sur les risques. L'Autorité publie tous les avis qu'elle émet, conformément à l'article 38. 4. L'Autorité veille à assurer une coopération appropriée avec les instances compétentes des États membres et les autres parties intéressées en ce qui concerne les campagnes d'information du public.
Article 41 Accès aux documents
1. L'Autorité fait en sorte que les documents qu'elle détient soient largement accessibles. 2. Le conseil d'administration, sur proposition du directeur exécutif, adopte les dispositions applicables en matière d'accès aux documents visés au paragraphe 1, en tenant pleinement compte des conditions et principes généraux régissant le droit d'accès aux documents des institutions communautaires.
Article 42 Consommateurs, producteurs et autres parties intéressées
L'Autorité développe des contacts efficaces avec les représentants des consommateurs, les représentants des producteurs, les transformateurs et toute autre partie intéressée.
SECTION 5 DISPOSITIONS FINANCIÈRES
Article 43 Adoption du budget de l'Autorité
1. Les recettes de l'Autorité se composent de la contribution de la Communauté et de la contribution de tout État avec lequel la Communauté a conclu des accords au sens de l'article 49, ainsi que des droits perçus au titre des publications, conférences, formations et autres activités similaires de l'Autorité.
2. Les dépenses de l'Autorité comprennent la rémunération du personnel, les dépenses administratives et d'infrastructure, les frais de fonctionnement, ainsi que les dépenses résultant de contrats passés avec des tiers ou du soutien financier visé à l'article 36. 3. En temps opportun avant la date visée au paragraphe 5, le directeur exécutif établit une estimation des recettes et des dépenses de l'Autorité pour l'exercice budgétaire suivant, et la transmet au conseil d'administration, accompagnée d'un projet de tableau des effectifs. 4. Les recettes et les dépenses doivent être équilibrées.
5. Au plus tard le 31 mars de chaque année, le conseil d'administration adopte le projet de budget, y compris le projet de tableau des effectifs accompagné du programme de travail provisoire, et les transmet à la Commission ainsi qu'aux États avec lesquels la Communauté a conclu des accords au sens de l'article 49. Sur la base de ce projet, la Commission inscrit les estimations correspondantes dans l'avant-projet de budget général de l'Union européenne, qu'elle soumet au Conseil conformément à l'article 272 du traité. 6. Après que le budget général de l'Union européenne a été arrêté par l'autorité budgétaire, le conseil d'administration adopte le budget final et le programme de travail de l'Autorité en les adaptant au besoin à la contribution de la Communauté. Il les transmet sans tarder à la Commission et à l'autorité budgétaire.
Article 44 Exécution du budget de l'Autorité
1. Le directeur exécutif exécute le budget de l'Autorité.
2. Le contrôle de l'engagement et du paiement de toutes les dépenses, ainsi que le contrôle de l'existence et du recouvrement de toutes les recettes de l'Autorité sont assurés par le contrôleur financier de la Commission.
3. Le 31 mars de chaque année au plus tard, le directeur exécutif soumet à la Commission, au conseil d'administration et à la Cour des comptes les comptes détaillés de toutes les recettes et dépenses de l'exercice précédent.
La Cour des comptes examine ces comptes conformément à l'article 248 du traité. Elle publie chaque année un rapport sur les activités de l'Autorité.
4. Le Parlement européen, sur recommandation du Conseil, donne décharge au directeur exécutif de l'Autorité sur l'exécution du budget.

Article 45 Redevances perçues par l'Autorité
Dans un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur du présent règlement, la Commission publie, après consultation de l'Autorité, des États membres et des parties intéressées, un rapport sur la possibilité et l'opportunité de présenter une proposition législative dans le cadre de la procédure de codécision et conformément au traité pour d'autres services fournis par l'Autorité.
SECTION 6 DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article 46 Personnalité juridique et privilèges
1. L'Autorité a la personnalité juridique. Dans tous les États membres, elle jouit de la capacité juridique la plus large reconnue par la loi aux personnes morales. Elle peut notamment acquérir et aliéner des biens immobiliers et mobiliers et ester en justice. 2. Le protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes est applicable à l'Autorité.
Article 47 Responsabilité
1. La responsabilité contractuelle de l'Autorité est régie par la loi applicable au contrat litigieux. La Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour statuer en vertu de toute clause d'arbitrage contenue dans un contrat conclu par l'Autorité. 2. En matière de responsabilité non contractuelle, l'Autorité doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par elle-même ou par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions. La Cour de justice est compétente pour connaître de tout litige relatif à la réparation de tels dommages.
3. La responsabilité personnelle des agents de l'Autorité est régie par les dispositions correspondantes applicables au personnel de l'Autorité.
Article 48 Personnel
1. Le personnel de l'Autorité est soumis aux règles et réglementations applicables aux fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes.
2. L'Autorité exerce à l'égard de son personnel les pouvoirs qui sont dévolus à l'autorité investie du pouvoir de nomination.

Article 49 Participation des pays tiers
L'Autorité est ouverte à la participation des pays qui ont conclu avec la Communauté européenne des accords en vertu desquels ils ont adopté et appliquent la législation communautaire dans le domaine couvert par le présent règlement. Dans le cadre des dispositions pertinentes de ces accords, des arrangements sont élaborés qui spécifient notamment la nature, l'étendue et les modalités de la participation de ces pays aux travaux de l'Autorité, y compris des dispositions relatives à la participation aux réseaux gérés par l'Autorité, à l'inclusion dans la liste des organisations compétentes auxquelles l'Autorité peut confier certaines tâches, aux contributions financières et au personnel.

CHAPITRE IV SYSTÈME D'ALERTE RAPIDE, GESTION DES CRISES ET SITUATIONS D'URGENCE SECTION 1 SYSTÈME D'ALERTE RAPIDE
Article 50 Système d'alerte rapide
1. Un système d'alerte rapide pour la notification d'un risque direct ou indirect pour la santé humaine dérivant de denrées alimentaires ou d'aliments pour animaux est établi en tant que réseau. Il associe les États membres, la Commission et l'Autorité. Les États membres, la Commission et l'Autorité désignent chacun un point de contact qui est membre du réseau. La Commission est responsable de la gestion du réseau.
2. Lorsqu'un membre du réseau dispose d'une information au sujet de l'existence d'un risque grave direct ou indirect pour la santé humaine lié à une denrée alimentaire ou à un aliment pour animaux, cette information est immédiatement transmise à la Commission par le système d'alerte rapide. Celle-ci transmet immédiatement cette information aux membres du réseau. L'Autorité peut compléter cette notification par toute information scientifique ou technique facilitant une action rapide et appropriée des États membres en matière de gestion des risques. 3. Sans préjudice d'autres dispositions de la législation communautaire, les États membres notifient immédiatement à la Commission par le système d'alerte rapide: a) toute mesure qu'ils adoptent en vue de restreindre la mise sur le marché ou d'imposer le retrait du marché ou le rappel de denrées alimentaires ou d'aliments pour animaux, en raison d'un risque grave pour la santé humaine exigeant une action rapide; b) toute recommandation ou accord avec les opérateurs professionnels qui a pour objet, sur une base volontaire ou obligatoire, d'empêcher, de limiter ou de soumettre à des conditions particulières la mise sur le marché ou l'utilisation éventuelle de denrées alimentaires ou d'aliments pour animaux en raison d'un risque grave pour la santé humaine exigeant une action rapide;
c) tout cas de rejet, lié à un risque direct ou indirect pour la santé humaine, d'un lot, d'un conteneur ou d'une cargaison de denrées alimentaires ou d'aliments pour animaux, par une autorité compétente d'un poste frontalier de l'Union européenne.
La notification est accompagnée d'une explication circonstanciée des motifs qui ont fondé l'intervention des autorités compétentes de l'État membre dont émane la notification. Elle est suivie, en temps utile, d'informations complémentaires, en particulier lorsque les mesures qui ont fait l'objet de la notification sont modifiées ou retirées.
La Commission transmet immédiatement aux membres du réseau la notification et les informations complémentaires qu'elle reçoit au titre des premier et deuxième alinéas. En cas de rejet d'un lot, d'un conteneur ou d'une cargaison par une autorité compétente à un poste frontalier de l'Union européenne, la Commission avise immédiatement l'ensemble des postes frontaliers de l'Union européenne ainsi que le pays tiers d'origine. 4. Lorsqu'une denrée alimentaire ou un aliment pour animaux ayant fait l'objet d'une notification dans le cadre du système d'alerte rapide est expédié vers un pays tiers, la Commission communique à celui-ci les informations appropriées.
5. Les États membres informent immédiatement la Commission des actions effectuées ou des mesures prises suite à la réception des notifications et informations complémentaires transmises dans le cadre du système d'alerte rapide. La Commission transmet immédiatement cette information aux membres du réseau.
6. La participation au système et d'alerte rapide peut être ouverte à des pays ayant introduit une demande d'adhésion, à des pays tiers ou à des organisations internationales, dans le cadre d'accords entre la Communauté et ces pays ou organisations internationales, selon des modalités définies dans ces accords. Ces derniers sont fondés sur la réciprocité et incluent des dispositions de confidentialité équivalentes à celles qui sont applicables dans la Communauté.
Article 51 Modalités de mise en oeuvre
Les modalités de mise en oeuvre de l'article 50 sont arrêtées par la Commission, après discussion avec l'Autorité, conformément à la procédure visée à l'article 58, paragraphe 2. Ces modalités précisent notamment les conditions et formes particulières applicables à la transmission des notifications et des informations complémentaires.
Article 52 Règles de confidentialité applicables au système d'alerte rapide
1. Les informations dont disposent les membres du réseau concernant un risque que posent pour la santé humaine des denrées alimentaires et des aliments pour animaux sont en règle générale mises à la disposition du grand public conformément au principe d'information des citoyens prévu à l'article 10. De manière générale, le grand public a accès aux informations sur l'identification des produits, la nature du risque et les mesures adoptées. Cependant, les membres du réseau adoptent les mesures nécessaires garantissant que les membres de leur personnel sont tenus de ne pas révéler les informations obtenues aux fins de la présente section qui sont, par leur nature, couvertes par le secret professionnel dans des cas dûment justifiés, à l'exception des informations qui, si les circonstances l'exigent, doivent être rendues publiques pour protéger la santé humaine. 2. La protection du secret professionnel ne s'oppose pas à la diffusion aux autorités compétentes des informations utiles au bon fonctionnement de la surveillance des marchés et à l'application de la loi dans le domaine des denrées alimentaires et des aliments pour animaux. Les autorités recevant des informations couvertes par le secret professionnel en garantissent la protection, conformément au paragraphe 1.
SECTION 2 SITUATIONS D'URGENCE
Article 53 Mesures d'urgence applicables aux denrées alimentaires et aux aliments pour animaux d'origine communautaire ou importés d'un pays tiers
1. Lorsqu'il est évident que des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux d'origine communautaire ou importés d'un pays tiers sont susceptibles de constituer un risque sérieux pour la santé humaine, la santé animale ou l'environnement et que ce risque ne peut être maîtrisé de façon satisfaisante par le biais de mesures prises par le ou les États membres concernés, la Commission, agissant conformément à la procédure prévue à l'article 58, paragraphe 2, arrête sans délai, de sa propre initiative ou à la demande d'un État membre, en fonction de la gravité de la situation, une ou plusieurs des mesures suivantes: a) pour les denrées alimentaires ou aliments pour animaux d'origine communautaire: i) suspension de la mise sur le marché ou de l'utilisation des denrées alimentaires en question; ii) suspension de la mise sur le marché ou de l'utilisation des aliments pour animaux en question; iii) fixation de conditions particulières pour les denrées alimentaires ou aliments pour animaux en question;
iv) toute autre mesure conservatoire appropriée;
b) pour les denrées alimentaires ou aliments pour animaux importés d'un pays tiers: i) suspension des importations des denrées alimentaires ou aliments pour animaux en question en provenance de tout ou partie du pays tiers concerné et, le cas échéant, du pays tiers de transit;
ii) fixation de conditions particulières pour les denrées alimentaires ou aliments pour animaux en question provenant de tout ou partie du pays tiers concerné; iii) toute autre mesure conservatoire appropriée.
2. Toutefois, dans des situations d'urgence, la Commission peut, à titre provisoire, arrêter les mesures visées au paragraphe 1 après avoir consulté les États membres concernés et informé les autres États membres.
Aussi rapidement que possible et dans un délai maximum de dix jours ouvrables, les mesures adoptées sont confirmées, modifiées, abrogées ou prorogées conformément à la procédure visée à l'article 58, paragraphe 2, et les raisons motivant la décision de la Commission sont rendues publiques sans délai.
Article 54 Autres mesures d'urgence
1. Lorsqu'un État membre informe officiellement la Commission de la nécessité de prendre des mesures d'urgence et que la Commission n'a pris aucune mesure conformément à l'article 53, cet État membre peut prendre des mesures conservatoires. Dans ce cas, il en informe immédiatement les autres États membres et la Commission. 2. Dans un délai de dix jours ouvrables, la Commission saisit le comité institué à l'article 58, paragraphe 1, conformément à la procédure prévue à l'article 58, paragraphe 2, en vue de la prorogation, de la modification ou de l'abrogation des mesures conservatoires nationales. 3. L'État membre peut maintenir les mesures conservatoires qu'il a prises au niveau national jusqu'à l'adoption des mesures communautaires.
SECTION 3 GESTION DES CRISES
Article 55 Plan général de gestion des crises
1. La Commission établit, en étroite coopération avec l'Autorité et les États membres, un plan général pour la gestion des crises en matière de sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux (dénommé ci-après le "plan général").
2. Le plan général précise les types de situation impliquant des risques directs ou indirects pour la santé humaine liés aux denrées alimentaires ou aux aliments pour animaux qui ne sont pas susceptibles d'être prévenus, éliminés ou réduits à un niveau acceptable par les dispositions existantes ou ne peuvent être gérés de façon appropriée par la seule application des articles 53 et 54.
Le plan général précise également les modalités pratiques nécessaires pour gérer une crise, y compris les principes de transparence applicables et une stratégie de communication.
Article 56 Cellule de crise
1. Sans préjudice de l'obligation qui lui incombe de veiller à l'application de la législation communautaire, lorsqu'elle identifie une situation impliquant un risque grave direct ou indirect pour la santé humaine lié aux denrées alimentaires ou aux aliments pour animaux et que ce risque ne peut être prévenu, éliminé ou réduit par les dispositions existantes ou qu'il ne peut être géré de façon appropriée par la seule application des articles 53 et 54, la Commission en informe aussitôt les États membres et l'Autorité. 2. La Commission met immédiatement en place une cellule de crise, à laquelle l'Autorité participe et fournit au besoin un support scientifique et technique.
Article 57 Missions de la cellule de crise
1. La cellule de crise est chargée de la collecte et de l'évaluation de toutes les données pertinentes et d'identifier les options disponibles pour prévenir, éliminer ou réduire à un niveau acceptable le risque pour la santé humaine aussi efficacement et rapidement que possible. 2. La cellule de crise peut s'attacher le concours de toute personne publique ou privée dont les compétences seraient nécessaires à une gestion efficace de la crise. 3. La cellule de crise tient le public informé des risques en question et des mesures prises à cet égard.
CHAPITRE V PROCÉDURES ET DISPOSITIONS FINALES SECTION 1 PROCÉDURES DE COMITÉ ET DE MÉDIATION
Article 58 Comité
1. La Commission est assistée par un Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, dénommé ci-après le "comité", composé de représentants des États membres et présidé par le représentant de la Commission. Le comité s'organise en sections afin de couvrir toutes les matières concernées.
2. Dans le cas où il est fait référence au présent paragraphe, la procédure prévue à l'article 5 de la décision 1999/468/CE s'applique, dans le respect de l'article 7 et de l'article 8 de celle-ci. 3. La période prévue à l'article 5, paragraphe 6, de la décision 1999/468/CE est fixée à trois mois.




Article 59 Fonctions dévolues au comité
Le comité exerce les fonctions qui lui sont dévolues par le présent règlement et par d'autres dispositions pertinentes du droit communautaire, dans les cas et dans les conditions qui sont prévus dans ces dispositions. Il peut en outre examiner toute autre question relevant de ces dispositions, soit sur l'initiative du président, soit sur demande écrite d'un de ses membres.
Article 60 Procédure de médiation
1. Sans préjudice de l'application d'autres dispositions du droit communautaire, lorsqu'un État membre estime qu'une mesure prise par un autre État membre dans le domaine de la sécurité des denrées alimentaires est soit incompatible avec le présent règlement, soit susceptible d'affecter le fonctionnement du marché intérieur, il en saisit la Commission, qui informe aussitôt l'autre État membre concerné.
2. Les deux États membres concernés et la Commission déploient tous leurs efforts pour résoudre le problème. À défaut d'accord, la Commission peut adresser une demande d'avis sur toute question scientifique en litige pertinente à l'Autorité. Les termes de cette demande et le délai dans lequel l'Autorité est invitée à émettre un avis sont établis de commun accord entre la Commission et l'Autorité, après consultation des deux États membres concernés.
SECTION 2 DISPOSITIONS FINALES
Article 61 Clause de révision
1. Avant le 1er janvier 2005, puis tous les six ans après cette date, l'Autorité, en collaboration avec la Commission, commande une évaluation externe indépendante des résultats qu'elle a obtenus, sur la base d'un mandat délivré par le conseil d'administration en accord avec la Commission. Cette évaluation porte sur les pratiques de travail de l'Autorité ainsi que sur son impact. L'évaluation tient compte des avis des parties intéressées tant au niveau communautaire que national.
Le conseil d'administration de l'Autorité examine les conclusions de l'évaluation et adresse à la Commission les recommandations nécessaires concernant une modification de l'Autorité et de ses pratiques de travail. Cette évaluation ainsi que les recommandations sont rendues publiques. 2. Avant le 1er janvier 2005, la Commission publie un rapport sur l'expérience acquise dans l'application des sections 1 et 2 du chapitre IV.
3. Les rapports et recommandations visés aux paragraphes 1 et 2 sont transmis au Conseil et au Parlement européen.


Article 62 Références à l'Autorité européenne de sécurité des aliments et au Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale
1. Dans la législation communautaire, toutes les références au Comité scientifique de l'alimentation, au Comité scientifique de l'alimentation animale, au Comité scientifique vétérinaire, au Comité scientifique des pesticides, au Comité scientifique des plantes et au Comité scientifique directeur sont remplacées par une référence à l'Autorité européenne de sécurité des aliments.
2. Dans la législation communautaire, toutes les références au Comité permanent des denrées alimentaires, au Comité permanent de l'alimentation des animaux et au Comité vétérinaire permanent sont remplacées par une référence au Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale.
Dans la législation communautaire, toutes les références au Comité permanent phytosanitaire basées sur et incluant les directives 76/895/CEE, 86/362/CEE, 86/363/CEE, 90/642/CEE et 91/414/CEE relatives aux produits phytosanitaires et à la fixation de teneurs maximales pour les résidus sont remplacées par une référence au Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale.
3. Aux fins des paragraphes 1 et 2, on entend par législation communautaire l'ensemble des règlements, directives et décisions communautaires.
4. Les décisions 68/361/CEE, 69/414/CEE et 70/372/CEE sont abrogées.

Article 63 Compétences de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments
Le présent règlement ne porte pas atteinte aux compétences conférées à l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments par le règlement (CEE) n° 2309/93, le règlement (CEE) n° 2377/90, la directive 75/319/CEE du Conseil(27) et la directive 81/851/CEE du Conseil(28).
Article 64 Commencement des activités de l'Autorité
L'Autorité commence ses activités le 1er janvier 2002.
Article 65 Entrée en vigueur
Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.
Les articles 11 et 12 ainsi que les articles 14 à 20 s'appliquent à compter du 1er janvier 2005. Les articles 29, 56, 57 et 60 et l'article 62, paragraphe 1, s'appliquent à compter de la date de la nomination des membres du comité scientifique et des groupes scientifiques, qui sera rendue publique par un avis publié au Journal officiel, série C.

6.5.2 Un cas d’application: la commercialisation des organismes génétiquement modifiés (OGM)

Les OGM représentent un cas particulier : en l'absence de toute preuve scientifique concluante qui puisse être appliquée de façon générale à tous les OGM, l’UE a adopté un système de notification et d'autorisation préalable, c’est-à-dire précédant la mise sur le marché communautaire des OGM ou des produits dont ils sont l'un des composants. Il faut relever sur ce point que, selon le droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dont l’UE est l'un des membres, une mesure sanitaire ou phytosanitaire (certaines de ces mesures affectant les OGM) qui interdit l’accès au marché de produits peut être justifiée soit sur une base scientifique (arts. 2.2 et 5.2 de l’accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires, SPS) soit sur la base du principe de précaution (art. 5.7 SPS). Ce principe a été accepté tel quel dans l’ordre juridique communautaire, ce qui ressort d’ailleurs des statuts de l’AESA.

Nous reproduisons ci-après brièvement, le système communautaire applicable aux OGM et présenterons ensuite les deux arrêts de la CJ qui ont expliqué les paramètres du principe de précaution.

La Dir. 2001/18/CE (JO L 106/1 du 17.4.2001) relative à la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement met sur pied le système suivant :

(a) un OGM n’est jamais commercialisé sans avoir été notifié auprès d’une autorité nationale compétente pour recevoir de telles notifications ;
(b) une fois la notification effectuée, l’autorité nationale doit dans un délai de 90 jours préparer son évaluation ;
(c) si l’autorité nationale refuse la commercialisation, elle rejette la demande qui lui a été faite et la procédure s’achemine vers sa fin. Bien sûr, une telle décision peut être attaquée devant les instances nationales compétentes ;
(d) si l’autorité nationale donne son consensus en faveur de la commercialisation dudit OGM, elle doit communiquer sa décision à la Commission qui, à son tour, communique cette décision favorable aux autres EM. Durant cette étape, l’OGM approuvé par l’autorité nationale où il a été originellement notifié, doit encore attendre la réponse affirmative définitive avant que sa commercialisation sur le marché communautaire ne soit possible ;
(e) dans un délai de 60 jours à compter de la transmission de la décision originelle, les autorités nationales des autres EM ainsi que la Commission peuvent demander davantage d’informations, faire parvenir aux parties intéressées leurs commentaires et éventuellement présenter leurs objections quant à la commercialisation dudit OGM. Bien sûr, ce délai peut être prolongé si la partie demanderesse a besoin de certains délais pour produire ses réponses aux questions posées ;
(f) s’il n’y a pas d’objection ni de la part des autres autorités nationales ni de la part de la Commission, il incombe à l’autorité nationale qui a adopté la décision originelle de donner le consensus définitif pour que l’OGM notifié soit commercialisé dans le marché communautaire ;
(g) s’il y a des objections, la décision devra être prise au niveau communautaire ;
(h) à cette fin, la commission soumet un projet de décision à un comité, le Comité Réglementaire qui est composé de représentants des EM ;
(i) si ledit comité donne un avis favorable, la Commission adopte la décision définitive ;
(j) sinon, la proposition est soumise au Conseil de l’Union européenne qui décide d’adopter ou de refuser la décision à la majorité qualifiée ;
(k) si le Conseil de l’Union européenne n’a pas décidé dans les trois mois suivant sa saisine, la Commission peut adopter la décision définitive à sa place ;
(l) dans un tel cas, il incombe à l’autorité nationale qui a donné son approbation originelle de communiquer la décision définitive aux parties intéressées ;
(m) les EM ont à ce stade la possibilité de prendre des mesures de sauvegarde et de refuser la commercialisation du produit. Dans ce cas, la décision finale sera à nouveau adoptée au niveau communautaire ;
(n) les OGM qui sont légalement commercialisés sont soumis à une obligation d’étiquetage.

Une procédure assez semblable est prévue pour les nouveaux aliments et les nouveaux ingrédients alimentaires (qui sont génétiquement modifiés, voir le règl. 258/97 OJ L 43 du 14.2.1997). En ce qui concerne les médicaments produits avec des OGM, voir le règl. 2309/93 du 22.7.1993 (JO L 214/1 du 24.8.1993).

Dans son arrêt Monsanto C-236/01 (arrêt du 9.9.2003), la CJ a eu l’opportunité de préciser le rôle central que joue la science et la preuve scientifique pour l’acceptation (ou le rejet) de produits contenant des OGM. La simple présence de ces derniers dans un produit ne suffit pas en soi pour que l’autorisation de commercialisation lui soit refusée. Nous citons ci-après la conclusion de la CJ :

« L'article 3, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement (CE) nº 258/97 du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 1997, relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires, doit être interprété en ce sens que la simple présence dans de nouveaux aliments de résidus de protéines transgéniques à certains niveaux n'empêche pas que ces aliments soient considérés comme substantiellement équivalents à des aliments existants et, partant, le recours à la procédure simplifiée pour la mise sur le marché desdits nouveaux aliments. Il en est toutefois autrement si les connaissances scientifiques disponibles lors de l'examen initial permettent d'identifier l'existence d'un risque d'effets potentiellement dangereux pour la santé humaine. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si cette condition est remplie. »

Et quid dans le cas où la preuve scientifique fait défaut ? Est-ce que l’UE ne peut pas se défendre contre des risques présumés mais non pas scientifiquement prouvés ?

En conformité avec le cadre fixé au niveau international (art. 5.7 SPS), le droit communautaire reconnaît et accepte la possibilité d’agir à titre provisoire contre des risques identifiés, même en l'absence de preuve scientifique, en invoquant le principe de précaution (art. 174.2 TCE, ex-art. 130 R°2). Les instances judiciaires communautaires ont expressément reconnu la légitimité dudit principe. Dans ce sens, dans son arrêt Pfizer Animal Health SA c. Conseil de l’Union européenne [T-13/99, Rec. (2002) II-03305] le TPI explique quelle est sa compréhension du principe de précaution de la façon suivante (nous citons les attendus 139-140 et 149-163):

« Il convient de rappeler que, ainsi que la Cour et le Tribunal l'ont déjà jugé, lorsque des incertitudes scientifiques subsistent quant à l'existence ou à la portée de risques pour la santé humaine, les institutions communautaires peuvent, en vertu du principe de précaution, prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (arrêt ESB, cité au point 114 ci-dessus, point 99, arrêt NFU, cité au point 114 ci-dessus, point 63, et arrêt Bergaderm et Goupil/Commission, cité au point 115 ci-dessus, point 66).
Il s'ensuit, tout d'abord, que, en vertu du principe de précaution, tel qu'inscrit à l'article 130 R, paragraphe 2, du traité, les institutions communautaires pouvaient prendre une mesure préventive relative à l'utilisation de la virginiamycine comme additif dans l'alimentation des animaux même si, en raison de l'incertitude scientifique subsistante, la réalité et la gravité des risques pour la santé humaine liés à cette utilisation n'étaient pas encore pleinement démontrées.
…
Ainsi que la Commission l'a décrit dans la communication sur le principe de précaution, qui peut, à cet égard, être comprise comme une codification de l'état du droit, tel qu'il s'est présenté au moment de l'adoption du règlement attaqué (voir point 123 ci-dessus), l'évaluation des risques comporte pour l'autorité publique compétente, en l'espèce les institutions communautaires, une double tâche, dont les deux volets sont complémentaires et peuvent se chevaucher, mais qui, en raison de leurs fonctions différentes, ne doivent pas être confondus. L'évaluation des risques comporte en effet, d'une part, la détermination du niveau de risque jugé inacceptable et, d'autre part, la réalisation d'une évaluation scientifique des risques.
Quant à ce premier volet, il y a lieu d'observer qu'il appartient aux institutions communautaires de définir, dans le respect des normes applicables des ordres juridiques international et communautaire, les objectifs politiques qu'elles entendent poursuivre dans le cadre des compétences qui leur ont été conférées par le traité. Ainsi, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et, plus spécifiquement, de l'accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires, qui figure à l'annexe I A de l'accord instituant l'OMC, approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l'Uruguay (JO L 336, p. 1), la possibilité pour les membres de cette organisation de déterminer le niveau de protection jugé approprié a expressément été consacrée (voir considérant 6 et article 3, paragraphe 3, de l'accord précité, ainsi que le rapport de l'organe d'appel de l'OMC du 16 janvier 1998 sur les mesures communautaires relatives aux hormones de croissance, notamment points 124 et 176).
Dans ce contexte, il appartient aux institutions communautaires de fixer le niveau de protection qu'elles estiment approprié pour la société. En conséquence de celui-ci, elles doivent alors, dans le cadre de ce premier volet de l'évaluation des risques, déterminer le niveau de risque - c'est-à-dire le seuil critique de probabilité des effets adverses pour la santé humaine et de la gravité de ces effets potentiels - qui ne leur semble plus acceptable pour cette société et qui, une fois dépassé, nécessite, dans l'intérêt de la protection de la santé humaine, le recours à des mesures préventives malgré l'incertitude scientifique subsistante (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 juillet 2000, Toolex, C-473/98, Rec. p. I-5681, point 45). La détermination du niveau de risque jugé inacceptable comporte donc pour les institutions communautaires la définition des objectifs politiques poursuivis dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par le traité.

S'il leur est défendu d'adopter une approche purement hypothétique du risque et d'orienter leurs décisions à un niveau de «risque zéro» (voir point 145 ci-dessus), les institutions communautaires doivent toutefois tenir compte de leur obligation, en vertu de l'article 129, paragraphe 1, premier alinéa, du traité, d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, qui, pour être compatible avec cette disposition, ne doit pas nécessairement être techniquement le plus élevé possible (arrêt de la Cour du 14 juillet 1998, Safety Hi-Tech, C-284/95, Rec. p. I-4301, point 49).
La détermination du niveau de risque jugé inacceptable dépend de l'appréciation portée par l'autorité publique compétente sur les circonstances particulières de chaque cas d'espèce. À cet égard, cette autorité peut tenir compte, notamment, de la gravité de l'impact d'une survenance de ce risque sur la santé humaine, y compris l'étendue des effets adverses possibles, de la persistance, de la réversibilité ou des effets tardifs possibles de ces dégâts ainsi que de la perception plus ou moins concrète du risque sur la base de l'état des connaissances scientifiques disponibles.
Quant au deuxième volet de l'évaluation des risques, la Cour a déjà eu l'occasion de constater que, dans le domaine des additifs dans l'alimentation des animaux, les institutions communautaires sont appelées à procéder à des évaluations complexes d'ordre technique et scientifique (voir arrêt de la Cour du 5 décembre 1978, Denkavit/Commission, 14/78, Rec. p. 2497, point 20). Le Conseil a lui-même souligné dans le cadre de son argumentation que la décision de retrait de l'autorisation de la virginiamycine a reposé sur des appréciations de caractère scientifique et technique extrêmement complexes faisant l'objet de divergences importantes entre les experts scientifiques (voir, notamment, ci-après 4.).

Dans de telles circonstances, la réalisation d'une évaluation scientifique des risques est un préalable à la prise de toute mesure préventive.

L'évaluation scientifique des risques est communément définie, tant au niveau international (voir la communication provisoire de la Commission du Codex alimentarius, citée au point 147 ci-dessus) qu'au niveau communautaire (voir la communication sur le principe de précaution, la communication sur la santé des consommateurs et la sûreté alimentaire et le livre vert, cités aux points 118 et 124 ci-dessus), comme un processus scientifique qui consiste à identifier et à caractériser un danger, à évaluer l'exposition et à caractériser le risque.

À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que, s'agissant d'un processus scientifique, l'évaluation scientifique des risques doit, dans le respect des dispositions applicables, être confiée par l'autorité publique compétente à des experts scientifiques qui lui fourniront, à l'issue de ce processus scientifique, des avis scientifiques.
Ainsi que la Commission l'a souligné dans la communication sur la santé des consommateurs et la sûreté alimentaire (voir point 124 ci-dessus), les avis des experts scientifiques «sont d'une importance primordiale à tous les stades de l'élaboration des nouveaux textes législatifs et de la mise en oeuvre et de l'application des dispositions existantes» (p. 10 de la communication). Par ailleurs, la Commission y a déclaré qu'elle «s'appuiera[it] sur ces avis au profit du consommateur en vue de garantir un niveau élevé de protection de la santé» (ibidem). L'obligation des institutions communautaires d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, prévue à l'article 129, paragraphe 1, premier alinéa, du traité, implique en effet que celles-ci doivent garantir que leurs décisions sont prises en pleine considération des meilleures données scientifiques disponibles et qu'elles sont fondées sur les résultats les plus récents de la recherche internationale, ainsi que la Commission l'a elle-même souligné dans la communication sur la santé des consommateurs et la sûreté alimentaire.

Aussi, pour remplir leurs fonctions, les avis scientifiques sur les questions relatives à la santé des consommateurs doivent, dans l'intérêt des consommateurs et de l'industrie, être fondés sur les principes d'excellence, d'indépendance et de transparence, ainsi que cela a été souligné tant dans les considérants de la décision 97/579 que dans les communications de la Commission sur le principe de précaution et sur la santé des consommateurs et la sûreté alimentaire.
En second lieu, il est constant entre les parties que, dans le contexte de l'application du principe de précaution, la réalisation d'une évaluation scientifique complète des risques, telle que définie au point 156 ci-dessus, peut s'avérer impossible en raison de l'insuffisance des données scientifiques disponibles. L'accomplissement d'une telle évaluation scientifique complète peut en effet nécessiter la réalisation d'une recherche scientifique très approfondie et longue. Or, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence citée au point 139 ci-dessus et sauf à vider le principe de précaution de son effet utile, l'impossibilité de réaliser une évaluation scientifique complète des risques ne saurait empêcher l'autorité publique compétente de prendre des mesures préventives, si nécessaire à très brève échéance, lorsque de telles mesures apparaissent indispensables eu égard au niveau de risque pour la santé humaine déterminé par cette autorité comme étant inacceptable pour la société.
Dans une telle situation, il incombe donc à l'autorité publique compétente de procéder à une mise en balance des obligations qui pèsent sur elle et de décider soit d'attendre que des résultats d'une recherche scientifique plus approfondie soient disponibles, soit d'agir sur la base des connaissances scientifiques disponibles. S'agissant de mesures visant la protection de la santé humaine, cette mise en balance dépend, compte tenu des circonstances particulières de chaque cas d'espèce, du niveau de risque déterminé par cette autorité comme étant inacceptable pour la société.
Cela étant, l'évaluation scientifique des risques, réalisée par des experts scientifiques, doit donner à l'autorité publique compétente une information suffisamment fiable et solide pour lui permettre de saisir toute la portée de la question scientifique posée et pour déterminer sa politique en connaissance de cause. Par conséquent, sauf à adopter des mesures arbitraires qui ne sauraient en aucun cas être légitimées par le principe de précaution, l'autorité publique compétente doit veiller à ce que les mesures qu'elle prend, même s'il s'agit de mesures préventives, soient fondées sur une évaluation scientifique des risques aussi exhaustive que possible compte tenu des circonstances particulières du cas d'espèce. Malgré l'incertitude scientifique subsistante, cette évaluation scientifique doit permettre à l'autorité publique compétente d'apprécier, sur la base des meilleures données scientifiques disponibles et sur celle des résultats les plus récents de la recherche internationale, si le niveau de risque qu'elle juge acceptable pour la société (voir points 150 à 153 ci-dessus) est dépassé. C'est sur cette base que cette autorité doit décider si la prise de mesures préventives s'impose.

Par ailleurs, cette évaluation scientifique des risques doit également permettre à l'autorité compétente, dans le cadre de la gestion des risques, de déterminer quelles mesures lui semblent appropriées et nécessaires pour éviter que le risque ne se réalise. »


6.5.3 L’incidence de la ‘comitologie’ sur la LCM

Un débat sur la ‘comitologie’ se situe manifestement hors du cadre du présent volume. Au vu toutefois de l’incidence (directe ou indirecte) des quelques comités dits ‘comitologie’ sur la LCM, nous consacrons quelques mots à ce sujet, et reproduisons cet extrait du rapport de la Commission sur les travaux des comités en 2002 [COM (2003) 530 final, JO C 223 E/16 du 19.9.2003] :

« Les comités "comitologie" trouvent leur raison d'être dans la mise à disposition de la Commission d'une assistance pour l'exercice des compétences d'exécution que le législateur, c'est-à-dire le Conseil et le Parlement européen, lui a conférées. Ils ont en commun trois caractéristiques essentielles.

Premièrement, ils sont créés par le législateur (le Conseil et le Parlement européen), selon les procédures "législatives" applicables au moment de l'adoption de l'acte de base "créateur", à savoir en procédure de coopération ou de consultation et, depuis le traité de Maastricht, selon la procédure de codécision. Les comités "comitologie" ont ainsi une base juridique qui est contenue dans un acte dit "de base".

Deuxièmement, leur structure et mode de travail sont uniformes à plusieurs égards. Un représentant de la Commission préside chaque comité composé de représentants des États membres; ceux-ci sont les seuls "membres" des comités. Les comités interviennent au titre des procédures prévues dans l'acte législatif de base, conformément à la décision "comitologie" du Conseil. En vertu de l'article 9 de la décision 1999/468/CE du Conseil, l'ancienne décision "comitologie" 87/373/CEE du 13 juillet 1987 (la décision "comitologie" de 1987) est abrogée. Toutefois, les procédures de 1987 sont restées d'application jusqu'à la modification des actes législatifs de base conformément aux procédures de comitologie de la décision 1999/468/CE, soit par des actes de modification distincts, soit par le biais de "règlements d'alignement" (voir section 1.2).

Troisièmement, les comités rendent des avis sur les projets de mesures d'exécution que la Commission est appelée à leur soumettre en vertu des dispositions de l'acte législatif de base et interviennent au titre de la procédure de consultation, de gestion ou de réglementation prévue à cet effet.

En vertu de l'article 2 de la décision 1999/468/CE du Conseil, la procédure de gestion devrait être réservée aux mesures de gestion telles que celles relatives à l'application de la politique agricole commune et de la politique commune de la pêche ou celles relatives à la mise en oeuvre de programmes ayant des incidences budgétaires notables (article 2, point a). La procédure de réglementation est prévue pour les mesures de portée générale visant à mettre en application les éléments essentiels d'un acte de base, y compris les mesures concernant la protection de la santé ou la sécurité des personnes, des animaux ou des plantes ainsi que la mise à jour des éléments "techniques" d'un acte de base (article 2, point b)). La procédure de consultation est appliquée dans tous les cas où elle est jugée la plus appropriée. »

Actuellement, il y a 257 comités ‘comitologie’ qui fonctionnent dans un des trois contextes (gestion, réglementation, consultation) décrits ci-dessus. Les 11 comités marché intérieur (MARKT), les 9 comités fiscalité et union douanière (TAXUD), les 22 comités santé et protection des consommateurs (SANCO) et les 12 comités commerce (TRADE) revêtent un intérêt immédiat pour le marché intérieur.

7 Les mesures non tarifaires (MNT) en l'absence de réglementation communautaire 

La jurisprudence communautaire n’est pas un monument de cohérence interne sur cette question. La CJ a par ailleurs elle-même reconnu les multiples tergiversations sur ce sujet dans sa jurisprudence Leclerc-Siplec [C-412/93, Rec. (1995) I-179].

En gros, l'on pourrait décrire les différentes phases de l’évolution jurisprudentielle comme suit : (a) une première phase lors de laquelle la CJ se montre assez décisive et adopte une interprétation textuelle de l’art. 28 TCE. La CJ écarte toute activité étatique qui même indirectement ou potentiellement peut avoir un effet restrictif sur le commerce communautaire. Les Etats membres en cause peuvent toutefois toujours essayer de se justifier en ayant recours à l’art. 30 TCE. A vrai dire, la Commission a contribué à une évolution en ce sens notamment par l’adoption de la dir. 70/50; (b) une deuxième phase lors de laquelle, d'un côté, la CJ continue dans la même logique et en un sens facilite encore davantage la LCM en ouvrant la voie par sa jurisprudence Cassis de Dijon à la logique de la reconnaissance mutuelle adoptée par la Commission dans sa fameuse communication du 3 octobre 1980. De l’autre côté, la CJ, bien consciente des pressions déréglementaires qu’elle impose par une telle jurisprudence, offre plus d’espace réglementaire aux EM, en adoptant les exigences impératives (qui ont une fonction comparable à la liste mentionnée à l’art. 30 TCE) comme motifs qui permettent aux EM de valablement déroger à leurs obligations qui découlent de la LCM ; (c) une troisième phase, lors de laquelle la CJ démontre une tendance à construire l’art. 28 TCE comme un instrument qui condamne plutôt les interventions nationales qui discriminent en faveur de la production nationale que comme un instrument qui interdit toute MEE à une RQ. L’arrêt Keck et Mithouard, lu dans ce contexte, accepte qu’une série de MEE (que l’arrêt nomme modalités de vente) échappent au contrôle judiciaire contrairement à ce qui avait été jugé auparavant sur ce même sujet. Relevons que depuis 1989 (c’est-à-dire peu avant l’établissement de cette jurisprudence) une activité réglementaire importante a commencé au sein de la CE. Les 45 Directives adoptées sous la nouvelle formule (MQ) et qui consacrent la reconnaissance mutuelle comme principe réglementaire de la construction européenne ont profondément influencé l’évolution de la LCM ; (d) la quatrième phase est la phase contemporaine. Après Keck et Mithouard, nous vivons une période lors de laquelle la CJ de temps à autre, non satisfaite avec le standard actuel, essaie de nouvelles approches (nous apprécierons Leclerc-Siplec dans cette perspective), et la plupart de temps essaie de renforcer la jurisprudence Keck et Mithouard.

7.1 La première phase : l’accent sur l’intégration

La jurisprudence Dassonville [8/74 Rec. (1974) 837] marque la première étape où la CJ se veut décidément en faveur de l’intégration du marché intérieur. L’arrêt Dassonville arrive après une première période de mise en œuvre du droit communautaire lors de laquelle la Commission attaque plutôt des mesures nationales discriminatoires (c’est-à-dire imposées seulement aux produits importés).

Pour faciliter l’identification des entraves au commerce intra-communautaire, la Commission a même procédé à l’adoption de la dir. 70/50 (du 22.12.1969, JO L 13 du 19.1.1970). Cette dir. a pour but de permettre aux EM d’identifier plus facilement des mesures qui vont à l’encontre de l’art. 30 TCE. La dir. reflète une liste indicative des mesures distinctement et indistinctement applicables (p. ex., les conditions de commercialisation). La Cour s’est référée plusieurs fois à cette Dir. pour soutenir ses arguments et conclusions.

Dans ce contexte, la CJ dans Dassonville est confrontée aux faits suivants : un décret royal belge de 1934 interdit l’importation d’alcools qui portent une appellation d’origine connue en Belgique, s’ils ne sont pas accompagnés d’un document officiel qui certifie leur droit à porter cette appellation. En l’occurrence, il s’agissait d’importations de ‘scotch whisky’ en provenance de la Grande-Bretagne, mais qui avait auparavant été mis en libre pratique en France à la suite de leur importation dans ce pays qui ne connaissait une telle législation. Nous reproduisons ci-après les attendus 5-8 de l’arrêt de la CJ :

« attendu que toute réglementation commerciale des Etats membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaire est à considérer comme mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives ;

que, tant que n’est pas institué un régime communautaire garantissant aux consommateurs l’authenticité de l’appellation d’origine d’un produit, si un Etat membre prend des mesures pour prévenir des pratiques déloyales à cet égard, c’est cependant à la condition que ces mesures soient raisonnables et que les moyens de preuve exigés n’aient pas pour effet d’entraver le commerce entre les Etats membres et soient, par conséquent, accessibles à tous leurs ressortissants ;

que sans même avoir à rechercher si de telles mesures relèvent ou non de l’article 36 (N.B. : l’art. 30 TCE actuel), elles ne sauraient de toute manière, en vertu du principe exprimé à la deuxième phrase de cet article, constituer un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dans le commerce entre les Etats membres ;

que tel peut être le cas des formalités exigées par un Etat membre pour la justification de l’origine d’un produit, auxquelles les importateurs directs seraient pratiquement seuls en mesure de satisfaire sans se heurter à des sérieuses difficultés » (italiques de l’auteur).


Il ressort de ce jugement que presque aucune mesure ne peut échapper à la discipline de l’art. 28 TCE. En effet, il est quasi-inconcevable qu’une mesure nationale n’influence pas au moins indirectement ou potentiellement la LCM. Cette jurisprudence a eu comme conséquence la soumission au contrôle judiciaire d’un vaste éventail de mesures nationales, dont la compatibilité avec le TCE était recherchée par le biais de décisions de la Cour. La Cour dans une phase où l’arme législative de rapprochement des législations ne fonctionne presque jamais (en principe en raison de l’unanimité requise pour adopter des décisions en la matière) s’octroie ainsi la compétence d’arbitrer sur la diversité réglementaire qui règne en ce moment-là sur les échanges intra-communautaires.

7.2 La deuxième phase: l’intégration dans un contexte d’équivalence réglementaire

La deuxième phase est caractérisée par la grande influence que la décision de la Cour dans le litige qui a acquis sa notoriété sous la dénomination Cassis de Dijon a eu sur l’évolution de la pensée des institutions, et notamment de la Commission, en ce qui concerne les futurs contours de la LCM. Une décision de la Cour qui allait au-delà des obligations que le traitement national impose (infra, 7.2.1) a été interprétée par la Commission comme imposant en effet une obligation de reconnaissance mutuelle (infra, 7.2.2). Par la suite le principe judiciaire établi dans l’arrêt Cassis de Dijon, devient un principe réglementaire et constitue le fondement de la législation en matière de LCM (infra, 7.2.3) lors des efforts de l’administration Delors d’unifier par la voie législative le marché communautaire (voir supra, section 6). Aujourd’hui la contribution apportée par la reconnaissance mutuelle à l’unification du marché est constamment évaluée par la Commission ; ce principe en tant que tel n’est tout de même pas remis en question et il continue à constituer la quintessence de l’intégration communautaire à cet égard (infra, 7.2.4).

7.2.1 Au début, la décision Cassis de Dijon

Les faits de l’affaire Cassis de Dijon se résument comme suit: Rewe, une compagnie allemande, voulait importer en Allemagne un produit français dénommé cassis. Selon la réglementation française applicable, la teneur alcoolique du cassis peut varier entre 15 et 20 degrés. En Allemagne, pour qu’un produit soit dénommé cassis, il doit avoir une teneur alcoolique d’au moins 25 degrés. Par conséquent, ledit produit ne pouvait pas être importé en Allemagne sous la dénomination cassis. Rewe intente un recours contre l’autorité allemande, le Bundesmonopolverwaltung für Branntwein. Le litige a été porté devant la CJ. Malgré le fait que le nom de cette affaire est Rewe-Zentral c. Bundesmonopolverwaltung für Branntwein, elle est devenue connue sous le nom Cassis de Dijon [120/78 Rec. (1979) 649]: Nous reproduisons ci-après  les attendus 8-15 de cet arrêt:

« ATTENDU QU ' EN L ' ABSENCE D ' UNE REGLEMENTATION COMMUNE DE LA PRODUCTION ET DE LA COMMERCIALISATION DE L ' ALCOOL - UNE PROPOSITION DE REGLEMENT PRESENTEE PAR LA COMMISSION AU CONSEIL LE 7 DECEMBRE 1976 ( JO NO C 309 , P . 2 ) N ' AYANT PAS ENCORE RECU DE SUITE DE LA PART DE CE DERNIER - IL APPARTIENT AUX ETATS MEMBRES DE REGLER , CHACUN SUR SON TERRITOIRE , TOUT CE QUI CONCERNE LA PRODUCTION ET LA COMMERCIALISATION DE L ' ALCOOL ET DES BOISSONS SPIRITUEUSES ; QUE LES OBSTACLES A LA CIRCULATION INTRACOMMUNAUTAIRE RESULTANT DES DISPARITES DES LEGISLATIONS NATIONALES RELATIVES A LA COMMERCIALISATION DES PRODUITS EN CAUSE DOIVENT ETRE ACCEPTES DANS LA MESURE OU CES PRESCRIPTIONS PEUVENT ETRE RECONNUES COMME ETANT NECESSAIRES POUR SATISFAIRE A DES EXIGENCES IMPERATIVES TENANT , NOTAMMENT , A L ' EFFICACITE DES CONTROLES FISCAUX , A LA PROTECTION DE LA SANTE PUBLIQUE , A LA LOYAUTE DES TRANSACTIONS COMMERCIALES ET A LA DEFENSE DES CONSOMMATEURS ;
ATTENDU QUE LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE FEDERALE D ' ALLEMAGNE , INTERVENANT A LA PROCEDURE , A MIS EN AVANT DIVERS ARGUMENTS QUI , SELON LUI , JUSTIFIERAIENT L ' APPLICATION DE DISPOSITIONS RELATIVES A LA TENEUR MINIMUM EN ALCOOL DE BOISSONS SPIRITUEUSES , EN FAISANT VALOIR DES CONSIDERATIONS TENANT , D ' UNE PART , A LA SAUVEGARDE DE LA SANTE PUBLIQUE ET , D' AUTRE PART , A LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS CONTRE DES PRATIQUES COMMERCIALES DELOYALES;
ATTENDU QU ' EN CE QUI CONCERNE LA SAUVEGARDE DE LA SANTE PUBLIQUE , LE GOUVERNEMENT ALLEMAND EXPOSE QUE LA DETERMINATION DES TENEURS MINIMALES EN ALCOOL PAR LA LEGISLATION NATIONALE AURAIT POUR FONCTION D ' EVITER LA PROLIFERATION DE BOISSONS SPIRITUEUSES SUR LE MARCHE NATIONAL , SPECIALEMENT DE BOISSONS SPIRITUEUSES A TENEUR ALCOOLIQUE MODEREE , DE TELS PRODUITS POUVANT , A SON AVIS , PROVOQUER PLUS FACILEMENT L ' ACCOUTUMANCE QUE DES BOISSONS A TITRE ALCOOLIQUE PLUS ELEVE ;
ATTENDU QUE DE TELLES CONSIDERATIONS NE SONT PAS DECISIVES, ALORS QUE LE CONSOMMATEUR PEUT SE PROCURER SUR LE MARCHE UNE GAMME EXTREMEMENT VARIEE DE PRODUITS FAIBLEMENT OU MOYENNEMENT ALCOOLISES ET QU ' AU SURPLUS , UNE PARTIE IMPORTANTE DES BOISSONS ALCOOLISEES A FORT TITRE ALCOOMETRIQUE, LIBREMENT COMMERCIALISEES SUR LE MARCHE ALLEMAND , EST CONSOMMEE COURAMMENT SOUS FORME DILUEE;
ATTENDU QUE LE GOUVERNEMENT ALLEMAND FAIT ENCORE VALOIR QUE LA FIXATION D ' UNE LIMITE INFERIEURE DU TITRE ALCOOMETRIQUE POUR CERTAINES LIQUEURS SERAIT DESTINEE A PROTEGER LE CONSOMMATEUR CONTRE LES PRATIQUES DELOYALES DE PRODUCTEURS OU DISTRIBUTEURS DE BOISSONS SPIRITUEUSES ;
QUE CETTE ARGUMENTATION EST FONDEE SUR LA CONSIDERATION QUE L ' ABAISSEMENT DU TITRE ALCOOMETRIQUE ASSURERAIT UN AVANTAGE CONCURRENTIEL PAR RAPPORT AUX BOISSONS DE TITRE PLUS ELEVE , ETANT DONNE QUE L ' ALCOOL CONSTITUE , DANS LA COMPOSITION DES BOISSONS , L ' ELEMENT DE LOIN LE PLUS COUTEUX EN RAISON DE LA CHARGE FISCALE CONSIDERABLE A LAQUELLE IL EST SOUMIS ; QU ' AU SURPLUS , SELON LE GOUVERNEMENT ALLEMAND , LE FAIT D ' ADMETTRE LA LIBRE CIRCULATION DES PRODUITS ALCOOLISES DES LORS QUE CEUX-CI CORRESPONDENT , EN CE QUI CONCERNE LEUR TENEUR EN ALCOOL , AUX NORMES DU PAYS DE PRODUCTION , AURAIT POUR EFFET D ' IMPOSER , DANS LA COMMUNAUTE , COMME STANDARD COMMUN LA TENEUR ALCOOMETRIQUE LA PLUS FAIBLE ADMISE DANS L ' UN QUELCONQUE DES ETATS MEMBRES , VOIRE MEME DE RENDRE INOPERANTES TOUTES PRESCRIPTIONS EN LA MATIERE ALORS QUE LA REGLEMENTATION DE PLUSIEURS ETATS MEMBRES NE CONNAITRAIT AUCUNE LIMITE INFERIEURE DE CE GENRE;
ATTENDU , AINSI QU ' IL A ETE RELEVE AVEC RAISON PAR LA COMMISSION, QUE LA FIXATION DE VALEURS-LIMITES EN MATIERE DE TAUX ALCOOMETRIQUE DES BOISSONS PEUT SERVIR A LA STANDARDISATION DES PRODUITS COMMERCIALISES ET DE LEURS DENOMINATIONS , DANS L ' INTERET D ' UNE PLUS GRANDE TRANSPARENCE DES TRANSACTIONS COMMERCIALES ET DES OFFRES AU PUBLIC ; QUE , POUR AUTANT , ON NE SAURAIT CEPENDANT ALLER JUSQU ' A CONSIDERER LA FIXATION IMPERATIVE DE TAUX MINIMA D ' ALCOOLISATION COMME ETANT UNE GARANTIE ESSENTIELLE DE LA LOYAUTE DES TRANSACTIONS COMMERCIALES , ALORS QU ' IL EST FACILE D ' ASSURER UNE INFORMATION CONVENABLE DE L ' ACHETEUR PAR L ' EXIGENCE D ' UNE INDICATION DE LA PROVENANCE ET DU TITRE ALCOOMETRIQUE SUR L ' EMBALLAGE DES PRODUITS;
ATTENDU QU ' IL RESULTE DE CE QUI PRECEDE QUE LES PRESCRIPTIONS RELATIVES A LA TENEUR ALCOOLIQUE MINIMUM DES BOISSONS SPIRITUEUSES NE POURSUIVENT PAS UN BUT D ' INTERET GENERAL DE NATURE A PRIMER LES EXIGENCES DE LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES , QUI CONSTITUE L ' UNE DES REGLES FONDAMENTALES DE LA COMMUNAUTE ; QUE L ' EFFET PRATIQUE DE PRESCRIPTIONS DE CE GENRE CONSISTE PRINCIPALEMENT A ASSURER UN AVANTAGE AUX BOISSONS SPIRITUEUSES A FORTE TENEUR ALCOOLIQUE , EN ELOIGNANT DU MARCHE NATIONAL LES PRODUITS D ' AUTRES ETATS MEMBRES NE REPONDANT PAS A CETTE SPECIFICATION ; QU ' IL APPARAIT , DES LORS , QUE L ' EXIGENCE UNILATERALE , IMPOSEE PAR LA REGLEMENTATION D ' UN ETAT MEMBRE , D ' UNE TENEUR ALCOOMETRIQUE MINIMUM POUR LA COMMERCIALISATION DE BOISSONS SPIRITUEUSES CONSTITUE UN OBSTACLE AUX ECHANGES INCOMPATIBLE AVEC LES DISPOSITIONS DE L ' ARTICLE 30 DU TRAITE ; QU ' IL N ' Y A DONC AUCUN MOTIF VALABLE D ' EMPECHER QUE DES BOISSONS ALCOOLISEES , A CONDITION QU ' ELLES SOIENT LEGALEMENT PRODUITES ET COMMERCIALISEES DANS L ' UN DES ETATS MEMBRES , SOIENT INTRODUITES DANS TOUT AUTRE ETAT MEMBRE SANS QUE PUISSE ETRE OPPOSEE , A L ' ECOULEMENT DE CES PRODUITS , UNE PROHIBITION LEGALE DE COMMERCIALISER DES BOISSONS COMPORTANT UN DEGRE D ' ALCOOLISATION INFERIEUR A LA LIMITE DETERMINEE PAR LA REGLEMENTATION NATIONALE;
QU ' EN CONSEQUENCE , IL Y A LIEU DE REPONDRE A LA PREMIERE QUESTION QU ' IL FAUT COMPRENDRE LA NOTION DE " MESURES D ' EFFET EQUIVALANT A DES RESTRICTIONS QUANTITATIVES A L ' IMPORTATION " , FIGURANT A L ' ARTICLE 30 DU TRAITE , EN CE SENS QUE RELEVE EGALEMENT DE L ' INTERDICTION PREVUE PAR CETTE DISPOSITION LA FIXATION D ' UNE TENEUR MINIMALE EN ALCOOL POUR LES BOISSONS SPIRITUEUSES DESTINEES A LA CONSOMMATION HUMAINE , FIXEE PAR LA LEGISLATION D ' UN ETAT MEMBRE , LORSQU ' IL S ' AGIT DE L ' IMPORTATION DE BOISSONS ALCOOLISEES LEGALEMENT PRODUITES ET COMMERCIALISEES DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE. »

Par cette jurisprudence, la Cour a en effet reconnu l’obligation pour chaque EM d’accepter la diversité réglementaire existante entre les EM et de ne pas s’y opposer sauf s’il y a une exigence impérative. En ce sens là, il est peut être opportun de concevoir Cassis de Dijon comme un renforcement de Dassonville. Il y a tout de même deux différences importantes entre les deux cas : primo, alors que Dassonville traite d’une mesure distinctement applicable, Cassis de Dijon traite d’une mesure indistinctement applicable ; secundo, alors que Dassonville se concentre sur les mesures qu’un EM peut prendre en l’absence de réglementation de la part du pays exportateur (ou plutôt la présence ou l’absence de réglementation n’est pas un souci pour le judiciaire), dans Cassis de Dijon, la CJ fait face à une situation dans laquelle il y a une réglementation dans le pays exportateur.
Les exigences impératives constituent une évolution jurisprudentielle : ce terme n’apparaît nulle part dans le TCE. Dans Cassis de Dijon, la Cour a inclu à titre indicatif quatre exigences impératives, notamment, la santé publique, l’efficacité des contrôles fiscaux, la loyauté des transactions commerciales, et la défense des consommateurs. Plus tard, la Cour en a ajouté d’autres (notamment, la protection de l’environnement, l’amélioration des conditions de travail ainsi que la protection de la culture régionale et nationale). Rien n’empêche la Cour d'ajouter de nouvelles exigences impératives dans sa jurisprudence future.
Puisqu’en invoquant une exigence impérative un EM peut se soustraire à ses obligations qui découlent de l’art. 28 TCE, leur fonction semble être comparable à celles des exceptions mentionnées à l’art. 30 TCE. Toutefois, selon la jurisprudence constante de la CJ, les exigences impératives, techniquement, doivent être perçues comme une limitation du champ d’application de l’art. 28 TCE plutôt que comme une extension de l’art. 30 TCE.

Finalement, comme nous les verrons plus loin, la jurisprudence Déchets Wallons a provisoirement mis fin à la discussion relative à l’invocation des exigences impératives à l’encontre de mesures indistinctement applicables.

7.2.2 Après, la compréhension de la Commission

A la suite de cette jurisprudence, la Commission a adopté une communication (Communication de la Commission sur les suites de l’arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes, le 20 février 1979, dans l’affaire 120/78, JO C 256 du 3.10.1980, pp. 2-3) qui explique la compréhension de la Commission dudit arrêt. Dans cette communication que nous reproduisons ci-après, la Commission explique qu’elle comprend l’arrêt Cassis de Dijon comme ouvrant la voie à la transformation de la Communauté européenne en une zone de reconnaissance mutuelle entre les règlements unilatéralement adoptés par les EM. Le texte de cette Communication est le suivant :
« Le texte suivant a été communiqué, sous forme de lettre, aux États membres, le Parlement européen et le Conseil en ont été également informés.
Dans sa communication du 6 novembre 1978 sur la «sauvegarde de la liberté des échanges à l'intérieur de la Communauté», la Commission souligne que la libre circulation des marchandises fait l'objet d'un nombre croissant de mesures restrictives.
L'arrêt rendu par la Cour de justice, le 20 février 1979, dans l'affaire 120-78 (Cassis de Dijon), confirmé récemment par l'arrêt du 26 juin 1980 dans l'affaire 788-79, offre à la Commission des orientations interprétatives qui lui permettent d'assurer un contrôle plus strict de l'application des règles du traité sur la libre circulation des marchandises, et notamment des articles 30 à 36 du traité CEE.
La Cour a donné une définition très générale des obstacles à la liberté des échanges interdits par les dispositions des articles 30 et suivants du traité CEE. Il s'agit de «toute réglementation nationale susceptible d'entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, les échanges intracommunautaires».
Dans son arrêt du 20 février 1979, la Cour explicite la portée de cette définition en ce qui concerne les réglementations techniques et commerciales.
Tout produit légalement fabriqué et commercialisé dans un État membre doit être, en principe, admis sur le marché de tout autre État membre.
Même si elles sont applicables indistinctement aux produits nationaux et importés, des réglementations techniques et commerciales ne peuvent créer des entraves que si elles sont nécessaires pour satisfaire à des exigences impératives, et poursuivent un but d'intérêt général, dont elles constituent la garantie essentielle. Ce but doit être de nature à primer les exigences de la libre circulation des marchandises qui constitue l'une des règles fondamentales de la Communauté.
Les conséquences que la Commission tire, sur le plan des principes, de ces nouvelles orientations sont les suivantes: - Si les États membres peuvent, en ce qui concerne leur propre production et en l'absence de dispositions communautaires en la matière, réglementer les conditions de commercialisation des produits, il en est autrement s'il s'agit de produits importés des autres États membres.
Tout produit importé d'un État membre doit être en principe admis sur le territoire de l'État membre importateur s'il est légalement fabriqué, c'est-à-dire s'il est conforme à la réglementation et aux procédés de fabrication loyaux et traditionnels du pays d'exportation, et commercialisé sur le territoire de ce dernier.
L'acceptation de ce principe implique que les États membres, lors de l'élaboration de réglementations commerciales ou techniques susceptibles d'avoir une incidence sur le bon fonctionnement de la libre circulation des marchandises, ne sauraient se situer dans une perspective exclusivement nationale et ne tenir compte que d'exigences propres aux seuls produits nationaux. Le bon fonctionnement du marché commun exige que chaque État membre tienne compte également des exigences légitimes des autres États membres.
La Cour n'admet de dérogations à ce principe que dans des conditions très strictes : les obstacles, résultant de disparités entre les réglementations commerciales et techniques, ne peuvent être acceptés que si ces réglementations: - sont nécessaires, c'est-à-dire appropriées et non excessives, pour satisfaire à des exigences impératives (santé publique, protection des consommateurs ou de l'environnement, loyauté des transactions commerciales, etc.),
- poursuivent un but d'intérêt général dont le caractère est si impératif qu'il justifie une dérogation à une règle fondamentale du traité telle que la libre circulation des marchandises, - sont essentielles pour atteindre un tel but, c'est-à-dire constituent à la fois le moyen le plus adéquat et le moins entravant pour les échanges.
Cette jurisprudence a conduit la Commission à définir un certain nombre d'orientations: L'application des principes dégagés par la Cour implique qu'un État membre ne saurait en principe interdire la vente sur son territoire d'un produit légalement fabriqué et commercialisé dans un autre État membre, même si ce produit est fabriqué selon des prescriptions techniques ou qualitatives différentes de celles imposées à ses propres produits. En effet, dans la mesure où le produit en cause répond «de façon convenable et satisfaisante» à l'objectif légitime visé par sa réglementation (sécurité, protection du consommateur, environnement, etc.), l'État membre importateur ne saurait, pour justifier l'interdiction de vente sur son territoire, invoquer le fait que les moyens utilisés pour atteindre cet objectif sont différents de ceux imposés aux produits nationaux.
Dans un pareil cas une interdiction absolue de vente ne pourrait être considérée comme «nécessaire» pour satisfaire à une «exigence impérative» car elle n'en constituerait pas la «garantie essentielle» au sens précisé par l'arrêt de la Cour.
La Commission devra donc s'attaquer à un ensemble de réglementations commerciales fixant des conditions techniques ou qualitatives au respect desquelles est subordonnée l'admission sur le marché national des produits fabriqués et commercialisés dans d'autres États membres, et cela dans tous les cas où les entraves résultant de telles réglementations ne sauraient être acceptées au sens des critères très stricts énoncés par la Cour.
La Commission se réfère tout spécialement aux réglementations portant sur la composition, la désignation, la présentation, le conditionnement des produits, ainsi qu'aux réglementations prescrivant le respect de certaines normes techniques.
La Commission aura principalement à rechercher l'harmonisation des législations nationales ayant une incidence sur le fonctionnement du marché commun lorsqu'il s'agira d'éliminer les entraves résultant de dispositions nationales admissibles au vu des critères énoncés par la Cour.
Elle centrera par ailleurs son activité sur des secteurs prioritaires en fonction de leur intérêt économique pour la réalisation du marché intérieur.
Pour prévenir des difficultés ultérieures, la Commission informera les États membres des objections qu'appelleraient, au regard des règles communautaires, certaines dispositions que ceux-ci envisageraient d'adopter et dont elle aurait connaissance. Elle fera prochainement des suggestions sur les procédures à suivre à cet égard.
La Commission est convaincue que cette approche assurera aux industriels de la Communauté une plus large liberté des échanges et favorisera de la sorte l'assise de l'industrie de la Communauté tout en répondant à l'attente des consommateurs. »

7.2.3 La reconnaissance mutuelle devient un principe réglementaire

L’approche suivie dans cette communication a largement inspiré le travail du projet 1992 de la Commission Delors: la reconnaissance mutuelle devient un principe réglementaire et la directive, en raison de sa flexibilité quant aux moyens à utiliser pour atteindre le but commun, est considérée comme étant l’instrument idéal pour la mise en œuvre de ce principe.

Il faut ajouter que le principe de la reconnaissance mutuelle s’étend aujourd’hui à tout l’espace économique européenne (EEE, c’est à dire, les EM de l’Union européenne, la Norvège, le Liechtenstein et l’Islande) ainsi qu’à la Turquie. En outre, il a des effets externes (sur les produits de pays qui ne sont pas couverts par ledit champ d’application) considérables.

7.2.4 L’évaluation de la reconnaissance mutuelle

En 1999, la Commission adopte une nouvelle communication (299/99, non publiée au JO) sur la reconnaissance mutuelle et son incidence sur le fonctionnement du marché commun. Dans cette communication, la Commission constate entre autres :

« Malgré les résultats déjà obtenus grâce à l’application de la reconnaissance mutuelle, des problèmes subsistent, dans le domaine des produits et peut-être encore davantage pour les services. Lorsqu’elles sont interrogées sur les obstacles au commerce transfrontalier, les entreprises du secteur des services considèrent, davantage que les entreprises du secteur des produits, que les obstacles sont demeurés « pratiquement les mêmes » au sein du marché intérieur entre 1996 et 1998 (30% contre 24%).

Des difficultés existent lors de l’application de règles destinées, entre autres aspects, à protéger le consommateur, ce qui est souvent lié à la perception que ceci ne peut être pleinement réalisé que par un contrôle dans le pays de destination Or, un tel contrôle n’est pas toujours nécessaire pour assurer la protection nécessaire du consommateur.

Certaines plaintes adressées à la Commission ont souligné une organisation interne inappropriée de l’administration qui conduit à des délais administratifs, à des coûts de procédure administrative, à des démarches dissuasives, à une inaptitude de l’autorité concernée à traiter des situations complexes (par exemple pour les produits ou services innovants).

D’autres pratiques administratives sont source de difficultés : certains fonctionnaires dans les pays d’importation hésitent avant de prendre la responsabilité personnelle d’accepter un produit qu’ils connaissent mal ou des attestations rédigées dans des langues qu’ils maîtrisent mal ; cette attitude administrative est souvent couplée à un manque de confiance réciproque dans les actes arrêtés par les autorités des Etats membres d’origine.

Certaines des pratiques mentionnées conduisent les opérateurs à renoncer à invoquer l’application de la reconnaissance mutuelle par l’autorité nationale concernée, en acceptant finalement d’adapter leur production aux exigences locales ou d’établir une succursale ou une filiale. Dans les cas extrêmes, ils peuvent renoncer à commercialiser leurs produits ou services dans un autre Etat membre. Dans ces cas, soit aucune plainte n’est déposée à la Commission, soit, si elles le sont, elles sont ensuite retirées, mais le mal subsiste.


1. Dans le domaine des produits

Des difficultés se posent lorsque les opérateurs économiques sont confrontés à l’obligation de respecter un niveau déterminé de protection, notamment à l’égard de produits complexes ou pour lesquels entrent en jeu des considérations de protection de la santé ou de la sécurité3 ou la protection du consommateur. Dans ce type de situations, l’Etat membre de destination est souvent persuadé que, seule, la manière de protéger l’intérêt général qu’il préconise est la bonne.

Les secteurs dans lesquels des problèmes sont les plus fréquemment rapportés sont les produits alimentaires, le domaine électro-mécanique, les véhicules, les métaux précieux, la construction et la chimie. »

Dans la même Communication, la Commission a inclu des tableaux qui représentent les infractions les plus fréquemment commises. Nous citons :
Fig. 2. Secteurs les plus concernés (1996-1998)Secteur Nombre de cas % du totalAlimentaire 61 25%Electro-mécanique 58 24%Véhicules 57 23%Métaux précieux 18 7%Construction 17 7%Chimie 7 3%Autres secteurs 27 11%

La Commission, dans sa fonction de surveillance, prépare des rapports biennaux dans lesquels elle constate l’état d’avancement du processus d’intégration. A titre indicatif, nous citons ci-après le résumé de son deuxième rapport [COM(2002)419 final du 23.7.2002] :

« L’importance de la reconnaissance mutuelle pour le bon fonctionnement du marché intérieur ne saurait être sous-estimée : la valeur économique du commerce intra-communautaire de produits couverts par le reconnaissance mutuelle est estimée à environ 430 milliards d’euro.
· Les évaluations spécifiques du fonctionnement de la reconnaissance mutuelle, effectuées entre 1999 et 2001, confirment que la reconnaissance mutuelle fonctionne bien dans le domaine de produits posant peu de problèmes de sécurité, tels les bicyclettes, les citernes et les containers.
· En revanche, l’application de la reconnaissance mutuelle dans le domaine des produits d’une complexité technique particulière (p.ex. les autobus, les camions, les produits de construction, les métaux précieux) ou dans celui des produits pouvant poser des problèmes de sécurité ou de santé (tels que les compléments alimentaires et les produits fortifiés), semble souffrir de la méconnaissance du principe par nombre d’opérateurs économiques et d’administrations nationales (manque d’information, absence ou refus de dialogue ou de coopération administrative).
· Afin de faciliter sur le terrain l’application de la reconnaissance mutuelle entre opérateurs économiques et administrations nationales dans le domaine des produits, la Commission adoptera des lignes directrices sur cette application par une communication aux Etats membres et aux opérateurs économiques. Cette communication explicitera les droits et obligations des parties concernées dans les cas où le principe de la reconnaissance mutuelle trouve à s’appliquer. En outre, elle veillera à valoriser davantage les instruments existants afin d’ancrer une application correcte du principe de la reconnaissance mutuelle dans les législations et pratiques administratives nationales. Les guides pratiques par secteurs ou groupes de secteurs et les séminaires demeureront sans doute des outils efficaces pour améliorer la connaissance et le fonctionnement du principe, non seulement dans les Etats membres mais également dans les pays candidats à l’adhésion. Ces outils sont particulièrement importants pour les organismes intervenant et coopérant dans le cadre des contrôles de conformité.
· Dans les secteurs spécifiques où la divergence des niveaux de protection engendrée par les règles nationales est telle que le principe de la reconnaissance mutuelle ne peut jouer correctement son rôle (comme dans le domaine des produits alimentaires fortifiés et des produits de construction), l’harmonisation continuera à être la solution la plus appropriée, à condition que l’harmonisation couvre tous les problèmes pour lesquels la reconnaissance mutuelle ne peut pas offrir une solution efficace. L'harmonisation constitue également un instrument important, notamment dans le domaine de la protection de la santé, de l'environnement et des consommateurs. »

Dans le même rapport, la Commission a inclus une statistique très intéressante sur la proportion des affaires relatives à la reconnaissance mutuelle par rapport au nombre total d’affaires dans le domaine des arts. 28-30 pour les années 1998-2001. La voici :

Etat membre Total affaires Articles 28-30 Affaire Reconnaissance mutuelle Proportion

Belgique 100 25 25%
Danemark 86 12 14%
Allemagne 118 46 39%
Grèce 109 12 11%
Espagne 52 14 27%
France 225 73 32%
Irlande 20 4 20%
Italie 133 35 26%
Luxembourg 4 0 0%
Pays-Bas 47 21 45%
Autriche 59 15 25%
Portugal 18 6 33%
Finlande 48 15 31%
Suède 92 26 28%
Royaume-Uni 57 18 32%

Total 1168 322 28%

Dans une communication (2003/C 265/02) plus récente, l’on découvre comment la Commission voit le fonctionnement de la reconnaissance mutuelle :

« RÉSUME

La Commission avait constaté dans le passé que le principe de la reconnaissance mutuelle restait encore méconnu d'un bon nombre d'opérateurs économiques et d'administrations nationales dans le domaine des transferts intracommunautaires de produits. En effet, le premier intérêt des opérateurs économiques étant de s'assurer un accès rapide au marché national, ils optent souvent pour une adaptation de la composition du produit aux règles nationales de l'État membre de destination, même si cette adaptation rend l'accès à ce marché plus onéreux. D'un autre côté, face à l'inconnu d'un produit qui ne répond pas littéralement aux règles techniques de l'État membre de destination, l'incertitude prévaut dans les attitudes des administrations. Cette incertitude se traduit par une trop grande prudence du côté de ces autorités nationales qui refusent la commercialisation du produit ou lui rendent plus difficile l'accès à leur marché. Afin de remédier à ces problèmes, la Commission s'est engagée à publier la présente communication, qui explicite les droits et obligations des opérateurs économiques et des administrations nationales dans les cas où le principe de la reconnaissance mutuelle trouve à s'appliquer. Elle se veut un guide pratique pour permettre aux États membres et aux opérateurs économiques de tirer profit de la libre circulation des produits dans les nombreux secteurs économiques encore non harmonisés.

Cette communication explique que l'État membre de destination d'un produit doit admettre la mise sur son marché d'un produit légalement fabriqué et/ou commercialisé dans un autre État membre ou en Turquie, ou légalement fabriqué dans un État signataire de l'AELE, partie contractante de l'accord sur l'Espace économique européen, pourvu que ce produit assure un niveau équivalent de protection des divers intérêts légitimes en jeu.

La reconnaissance mutuelle n'est pas toujours d'application automatique: elle peut être conditionnée par le droit de regard que peut exercer l'État membre de destination sur l'équivalence du degré de protection offert par le produit qu'il examine par rapport à celui prévu par ses propres règles nationales. Quand l'État membre de destination exerce son droit de regard, il peut utiliser les outils pratiques proposés par cette communication pour examiner l'équivalence du niveau de protection. Ces outils définissent les conditions auxquelles ce droit de regard est soumis afin de le combiner correctement avec la liberté fondamentale de la libre circulation des produits. Malgré l'effet direct des articles 28 et 30 du traité CE, la seule présence d'une règle technique nationale décourage souvent les opérateurs économiques et fait hésiter les administrations nationales. Pour ces raisons, cette communication contient quelques suggestions aux États membres pour faire jouer correctement le principe de la reconnaissance mutuelle, notamment l'inclusion d'une clause de reconnaissance mutuelle dans les législations des États membres.



1. INTRODUCTION
1.1. La diversité des produits: un atout pour l'Union européenne

Le marché intérieur est caractérisé par une très grande diversité de produits assurant un niveau de protection élevé pour les consommateurs et l'environnement. Cette diversité constitue à la fois une richesse considérable pour les consommateurs européens et une source de compétitivité pour les entreprises européennes. Par ailleurs, avec l'élargissement de l'Union européenne, l'expansion du commerce mondial et la libéralisation accrue des échanges, conjuguées à un développement rapide des nouvelles technologies de fabrication et de distribution, la diversité et la complexité technique des produits s'accroîtront sans doute substantiellement dans les années à venir. En dépit des progrès que la Commission a pu constater au cours des 15 dernières années en matière de libre circulation des marchandises et malgré la réglementation communautaire dans le domaine de la sécurité des produits (1), la diversité peut encore être une source d'incertitude ou d'inquiétude, tant de la part des administrations nationales que du côté des opérateurs économiques (2).

La Commission a déjà constaté qu'un grand nombre d'opérateurs économiques et 'administrations nationales ne sait pas précisément dans quelle mesure des produits qui ne font pas l'objet d'une harmonisation communautaire, peuvent avoir accès au marché d'un autre État membre sans devoir les adapter aux règles de l'État membre de destination (3).

En effet, face à un produit qui ne fait pas l'objet d'une harmonisation communautaire et qui ne correspond pas aux règles techniques de l'État membre de destination, les administrations et les opérateurs économiques ignorent souvent quelle attitude adopter. Le résultat de cette ignorance est très souvent un refus de mise sur le marché (ou un retrait du marché) entraînant pour l'opérateur économique une abstention de commercialiser le produit dans l'État membre de destination. Il en résulte que, dans la pratique, l'incertitude et l'inquiétude peuvent constituer une barrière importante pour accéder au marché de l'État membre de destination et profiter pleinement des opportunités offertes par le marché intérieur.

1.2. L'objectif de cette communication: clarifier les droits et obligations

Dans ces circonstances, la Commission estime qu'il est opportun de rappeler les principes généraux qui devraient servir de base aux opérateurs économiques et aux autorités nationales pour aborder les questions pratiques éventuelles lors de l'évaluation de la conformité aux règles techniques de l'État membre de destination des produits EEE/Turquie (4). La présente communication vise à résumer les droits que les opérateurs économiques peuvent tirer du droit communautaire, et notamment du principe de «reconnaissance mutuelle» découlant des articles 28 et 30 du traité CE (5), lorsqu'ils se trouvent confrontés à des difficultés pour mettre des produits EEE/Turquie sur le marché d'un autre État membre. De même, elle peut servir de guide aux administrations nationales qui évaluent le degré d'équivalence de protection que peuvent assurer les produits EEE/Turquie par rapport à celui que leurs législations définissent (vérification de la conformité du produit) (6).

Le principe de la reconnaissance mutuelle occupe une place importante dans le fonctionnement du marché intérieur. Il permet d'assurer la libre circulation des produits en l'absence d'une législation communautaire d'harmonisation. En vertu de ce principe, un État membre de destination ne saurait interdire la vente sur son territoire d'un produit EEE/Turquie, même si ce produit est fabriqué selon des prescriptions techniques ou qualitatives différentes de celles imposées à ses propres produits. La seule exception à ce principe sont les restrictions imposées par l'État membre de destination, à condition que celles-ci soient justifiées pour des motifs cités à l'article 30 du traité CE, ou sur la base des exigences impératives d'intérêt général reconnues par la jurisprudence de la Cour de justice.

Cette communication rappelle les conditions pour une application correcte du principe de la reconnaissance mutuelle. Elle examine en particulier la compatibilité, avec les articles 28 et 30 du traité CE, de règles techniques nationales qui peuvent gêner l'accès au marché d'un autre État membre des produits dans le domaine non harmonisé. Aux fins de la présente communication, on entend par règle technique une spécification technique définissant les caractéristiques requises d'un produit, telles que sa composition (son niveau de qualité ou de propriété d'emploi, ses performances, sa sécurité, ses dimensions, son marquage, ses symboles), sa présentation (sa dénomination de vente, son emballage, son étiquetage) ou les essais et les méthodes d'essai dans le cadre des procédures d'évaluation de la conformité, et dont l'observation est obligatoire, de jure ou de facto, pour la commercialisation ou l'utilisation dans l'État membre de destination.

Cette communication ne vise que certaines mesures publiques imputables à l'État membre de destination et susceptibles d'entraver l'accès de certains produits au marché d'un autre État membre. Elle aborde principalement l'influence des règles techniques nationales sur l'accès de certains produits au marché d'un autre État membre. Par conséquent, cette communication ne vise pas:
— les règles fiscales nationales applicables aux produits, qui doivent être conformes à d'autres dispositions du droit communautaire;
— les activités de surveillance du marché imposées par le droit communautaire, ainsi que les règles techniques imposées par le droit communautaire;
— les modalités de vente des produits instituées par des mesures publiques imputables à l'État membre de destination, notamment les restrictions réglementaires aux horaires et lieux de vente, aux promotions de vente, aux réglementations nationales de prix, etc. (7);
— les difficultés d'accès au marché d'un autre État membre, entièrement imputables à des personnes ou entités privées et sans qu'elles agissent en vertu d'un pouvoir qui leur est accordé par une mesure émanant d'une autorité publique.

Compte tenu de la spécificité des réglementations nationales dans le domaine des produits, les principes de cette communication ne sont pas nécessairement applicables dans d'autres domaines, comme la libre circulation des services, des capitaux et des personnes. La Cour de Justice reconnaît que, en l'absence de règles communautaires harmonisées, les États membres ont compétence pour déterminer des règles techniques.

En revanche, l'État membre de destination doit admettre la mise sur son marché d'un produit EEE/Turquie, pourvu qu'il assure un niveau équivalent de protection des divers intérêts légitimes (8) en jeu. Ce principe sera ci-après désigné comme principe de la «reconnaissance mutuelle» (9). Or, la reconnaissance mutuelle n'est pas toujours d'application automatique: elle peut être conditionnée par le droit de regard qu'exerce l'État membre de destination sur l'équivalence du degré de protection offert par le produit qu'il examine par rapport à celui prévu par ses propres règles nationales. La communication rappelle les droits de recours dont dispose les opérateurs économiques, et offre quelques suggestions pour combiner correctement la liberté fondamentale de la libre circulation des produits avec le droit de regard de l'État membre de destination.

2. TYPES DE PRODUITS CONCERNÉS PAR CETTE COMMUNICATION

Cette communication s'applique seulement aux «produits EEE/Turquie», à savoir les produits (10) satisfaisant aux conditions prévues par les points 2.1 et 2.2 ci-dessous.

2.1. Les produits qui ne font pas l'objet d'une harmonisation communautaire (11)

La présente communication ne s'applique donc pas aux produits:

— qui sont couverts par une autorisation de mise sur le marché valable pour toute la Communauté (12); ou
— qui portent le marquage CE en vertu des directives communautaires, pour les aspects réglementés de manière harmonisée au niveau communautaire (13);
ou
— qui sont conformes à, et dont la mise sur le marché est assurée par, la législation communautaire (14). Il convient de noter que la législation communautaire prévoit parfois un régime d'autorisations nationales qui se fonde sur un examen approfondi par les autorités compétentes d'un État membre. Dès que l'autorisation de mise sur le marché est accordée par ces autorités, la législation communautaire spécifie régulièrement que leurs homologues des autres États membres sont tenus de reconnaître cette autorisation et d'accorder leur autorisation nationale, sauf dans des exceptionnels (15);
— qui, étant conformes à une norme européenne dont les références ont été publiées par le Commission, bénéficient de la présomption de sécurité établie par la directive sur la sécurité générale des produits (16), pour les risques et les catégories de risque couverts par les normes concernées.

Cette communication concerne uniquement les produits ou les aspects des produits dont la libre circulation intracommunautaire est assurée par le biais des articles 28 et 30 traité CE, ce qui présuppose que le domaine en cause ne fait pas l'objet d'une réglementation communautaire (17).

2.2. Les produits légalement fabriqués et/ou commercialisés dans un autre État membre ou en Turquie, ou légalement fabriqués dans un État signataire de l'AELE, partie contractante de l'accord sur l'Espace économique européen

— Dès qu'un produit est fabriqué dans un autre État membre, en Turquie (18) ou dans un État signataire de l'AELE, partie contractante de l'accord sur l'Espace économique européen (19) selon les règles et méthodes de fabrication qui y sont acceptées (20), il est considéré comme étant légalement fabriqué. Il ne s'agit donc pas uniquement des produits qui sont fabriqués selon les règles techniques éventuellement prévues dans la législation de l'État membre de fabrication, mais également des produits qui ne contreviennent à aucune autre règle nationale. Il est évident qu'un produit est aussi légalement fabriqué quand il n'existe pas de règles techniques nationales spécifiques ou de règles de nature différente, imposées par les autorités, applicables à ce type de produits. Dans le cas de produits destinés aux (ou susceptibles d'être utilisés par) les consommateurs, ces produits mis sur le marché communautaires sont soumis aux exigences et aux critères de sécurité établis par la directive relative à la sécurité générale des produits.
— Cette communication s'applique également aux produits légalement commercialisés dans un autre État membre (21) ou en Turquie. Aux fins de cette communication, on entend par «État de provenance»:
— un autre État membre ou la Turquie lorsque le produit y est légalement fabriqué ou commercialisé; et
— un État signataire de l'AELE, partie contractante de l'accord sur l'Espace économique européen lorsque le produit y est légalement fabriqué.

En tout état de cause, la directive relative à la sécurité générale des produits prévoit que l'obligation de mettre sur le marché des produits sûrs incombe à l'opérateur économique. Selon la définition communautaire, un produit est sûr lorsque, dans des conditions l'utilisation normales ou raisonnablement prévisibles, y compris de durée et, le cas échéant, de mise en service, d'installation et de besoins d'entretien, il ne présente aucun risque ou seulement des risques réduits à un niveau bas compatibles avec l'utilisation du produit et considérés comme acceptables dans le respect d'un niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité des personnes (22).

3. L'INFLUENCE RESTRICTIVE DES RÈGLES TECHNIQUES SUR L'ACCÈS D'UN PRODUIT AU MARCHÉ DE L'ÉTAT MEMBRE DE DESTINATION

Dans les faits, l'une des entraves les plus fréquentes au commerce intra-communautaire des produits EEE/ Turquie est l'application à ces produits de règles techniques telles que définies au paragraphe 2 de cette communication, et cela même si ces règles s'appliquent tant aux produits domestiques qu'à des produits EEE/Turquie (23). En pratique, les problèmes liés à l'application du principe de reconnaissance mutuelle se posent essentiellement lorsqu'un opérateur économique souhaitant commercialiser un produit est confronté à la situation dans laquelle l'État membre de destination impose audit produit ses propres règles techniques. De telles règles peuvent être de nature à contraindre l'opérateur économique à retirer des produits EEE/Turquie du marché de l'État membre de destination (24). Elles sont également susceptibles de contraindre l'opérateur économique à adapter des produits EEE/Turquie en fonction de l'État membre de destination.

De ce fait, l'opérateur économique devra supporter des frais supplémentaires. Même lorsque ces frais supplémentaires sont en définitive supportés par les consommateurs, la seule perspective d'être contraints d'avancer ces frais constitue pour les opérateurs un obstacle, parce qu'elle est susceptible de les dissuader de pénétrer le marché de l'État membre en cause (25). Une règle technique imposée par un État membre de destination qui reprend une norme nationale (26) ou qui rend une norme nationale obligatoire, est particulièrement susceptible de constituer une entrave à la libre circulation des produits si elle n'admet pas de solutions techniques alternatives qui assurent un niveau équivalent de protection, même lorsqu'elle s'applique à tous les produits commercialisés sur son territoire, y compris les produits EEE/Turquie (27).

Une règle technique très précise et excessivement détaillée est également particulièrement susceptible de constituer une entrave à la libre circulation des produits, même lorsqu'elle s'applique à tous les produits commercialisés sur son territoire, y compris les produits EEE/Turquie (28). On mentionne ici, à titre d'exemple, les règles techniques relatives:
— à la composition du produit (29), comme son niveau de qualité (30), sa sécurité (31), ses dimensions (32);
— à la présentation du produit, comme sa dénomination de vente (33), son emballage (34), son étiquetage (35).

Or, les règles techniques de l'État membre de destination du produit ne sauraient exiger que les produits EEE/Turquie doivent satisfaire littéralement et exactement aux mêmes dispositions ou caractéristiques techniques prescrites pour les produits fabriqués dans l'État membre de destination, alors que ces produits EEE/Turquie garantissent un niveau de protection équivalent, notamment de la santé et de la vie des consommateurs qui les utilisent ou les consomment (36).

Il en découle que, lorsque les autorités de surveillance de l'État membre de destination du produit, exercent leur droit de regard et examinent la conformité d'un produit EEE/Turquie à leurs propres règles techniques, elles ont à examiner dans quelle mesure ce produit assure un niveau de protection équivalent.

4. LE DROIT DE REGARD DE L'ÉTAT MEMBRE DE DESTINATION

Un principe essentiel du droit communautaire est qu'un produit EEE/Turquie jouit de la liberté fondamentale de la libre circulation des produits, garantie par le traité CE, tant que l'État membre de destination n'a pas pris une décision motivée à son encontre, fondée sur des règles techniques proportionnées (37). La liberté fondamentale de la libre circulation des
produits n'est pas une liberté absolue: la reconnaissance mutuelle est conditionnée par le droit de regard que peut exercer l'État membre de destination sur l'équivalence du degré de protection offert par le produit qu'il examine par rapport à celui prévu par ses propres règles
nationales.

Ce droit de regard doit être fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à
l'avance, de manière à encadrer l'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités nationales
afin que celui-ci ne soit pas exercé de manière arbitraire.

Par conséquent, il devrait s'agir de critères dûment publiés ou facilement disponibles. En tout cas, le droit de regard devrait toujours être exercé dans le cadre d'une procédure aussi courte, efficace et peu onéreuse que possible. En principe, il ne peut pas y avoir de contrôle systématique dans l'État membre de destination avant la mise sur le marché. Par conséquent, celui-ci ne pourra, en règle générale, examiner la conformité d'un produit EEE/Turquie à ses propres règles techniques que lors d'une inspection faite dans le cadre de ses activités de surveillance du marché, et suivant la mise sur le marché national.

Cependant, une procédure d'autorisation préalable à la mise sur le marché national de l'État membre de destination peut être justifiée dans des conditions très strictes (38). Dès lors, les principes de cette communication doivent également être appliqués, mutatis mutandis, dans le cadre d'une procédure d'autorisation préalable à la mise sur le marché national de l'État membre de destination.

La Commission estime que, pour être conforme aux articles 28 et 30 du traité CE, l'examen de la conformité d'un produit EEE/Turquie à la lumière de la législation de l'État membre de destination devrait se dérouler en tenant compte des éléments suivants. Ces éléments sont
répartis en étapes:

4.1. Première étape: recueillir les informations nécessaires

Quand l'autorité compétente de l'État membre de destination soumet un produit EEE/Turquie à une évaluation de sa conformité à ses propres règles techniques, il serait logique qu'elle s'adresse d'abord à l'opérateur économique à même de fournir les renseignements nécessaires dans un délai raisonnable (39). Sur la base de questions ponctuelles et précises, l'opérateur économique sera capable de fournir l'information technique pertinente et, le cas échéant, un exemplaire du produit en question.

La Commission considère, sur la base de son expérience dans le traitement des plaintes et infractions, qu'un délai de 20 jours ouvrables est un délai raisonnable. Toutefois, une absence de réponse dans ce délai ou une réponse tardive ne justifie pas, en soi, une mesure empêchant ou restreignant l'accès au marché. L'autorité compétente de l'État membre de destination a également le droit d'obtenir de plus amples informations sur la conformité du produit EEE/Turquie aux règles d'un État de provenance.

En particulier:
— si l'opérateur économique dispose d'une preuve de cette conformité [comme une confirmation écrite par l'autorité compétente d'un État de provenance (40)], la Commission est de l'avis qu'il serait utile que cette preuve soit transmise à l'autorité compétente de l'État membre de destination;
— il serait également utile que l'opérateur économique fournisse la référence à la réglementation applicable dans un État de provenance. La Commission estime que la demande d'informations de l'autorité compétente de l'État membre de destination et/ou l'examen du produit par l'autorité compétente ne peut pas suspendre la commercialisation du produit EEE/Turquie dans l'État membre de destination jusqu'à ce qu'une décision motivée sur cette commercialisation soit arrêtée par l'autorité compétente concernée (41), sauf en cas de mesure d'urgence adoptée suite à une alerte telle que prévue par la directive 2001/95/CE ou par le règlement (CE) no 178/2002.

L'autorité compétente de l'État membre de destination peut demander une traduction de ces documents lorsque celle-ci est nécessaire. Néanmoins, il serait excessif pour un État membre d'exiger une traduction authentifiée ou légalisée par une autorité consulaire ou administrative (42), ou d'imposer un délai excessivement court à l'obtention d'une telle traduction, sauf circonstances particulières. De même, la Commission considère que l'autorité compétente de l'État membre de destination doit définir les parties des documents pour lesquelles une traduction est nécessaire. L'autorité devrait également éviter de demander une traduction lorsque les documents en question sont disponibles dans une autre langue qu'elle peut comprendre.

L'autorité compétente de l'État membre de destination a le droit de prélever un ou, si nécessaire, quelques exemplaires du produit afin de pouvoir examiner sa conformité à ses règles (43). Le nombre d'exemplaires doit être proportionné par rapport au risque que le produit peut présenter. En tout état de cause, l'autorité compétente de l'État membre de destination ne peut pas instituer des contrôles faisant double emploi avec des contrôles qui ont déjà été effectués dans le cadre d'autres procédures, soit dans ce même État, soit dans un autre État membre (44).

En effet, la jurisprudence constante de la Cour de Justice impose de prendre en considération:
— les contrôles effectués par une autorité compétente dans un État de provenance (45);
— les analyses techniques ou scientifiques ou les essais en laboratoire déjà effectués dans un État de provenance (46). La Commission estime que la seule raison valable pour un refus de prendre en compte les tests et certificats établis par un organisme de contrôle ou de certification légalement établi dans un État de provenance, est que celui-ci n'offre pas les garanties techniques, professionnelles et d'indépendance convenables et satisfaisantes. La Commission considère que les organismes de certification accrédités sur la base de critères repris de la série de normes EN 45000 offrent des garanties techniques, professionnelles et d'indépendance convenables et satisfaisantes. Il en résulte que les résultats des essais effectués dans un État de provenance, sur la base de spécifications techniques d'essais atteignant le niveau requis par l'État membre de destination, par un organisme accrédité sur la base de critères repris de ces normes, doivent être acceptés par ce dernier État. Celui-ci ne peut remettre en cause ces résultats d'essais pour des motifs tenant à un défaut de compétence technique ou professionnelle ou encore de manque d'indépendance de cet organisme. Toutefois, des solutions différentes, permettant de vérifier et d'attester de manière convenable et satisfaisante la compétence et l'indépendance d'organismes de certification, doivent également être acceptées. Les preuves des contrôles et/ou les rapports techniques ou scientifiques peuvent être obtenus auprès de l'opérateur économique concerné (47), ou, le cas échéant, auprès de l'administration compétente dans un État de provenance (48).

En revanche, l'État membre de destination aura uniquement le droit d'exiger des tests supplémentaires lorsque toutes les conditions suivantes sont remplies:
— ces tests n'ont pas encore été effectués ou n'ont pas été effectués par un organisme offrant des garanties équivalentes à celles exigées pour les organismes nationaux (49);
— ce type de test est également imposé aux produits domestiques;
— ces tests sont nécessaires afin de fournir à l'autorité compétente les informations requises pour évaluer le niveau de protection du produit (50).

L'État membre de destination peut toujours faire effectuer des tests supplémentaires, mais à ses propres frais (51).

4.2. Deuxième étape: la vérification de l'équivalence des niveaux de protection
4.2.1. La reconnaissance de la conformité du produit aux règles d'un État de provenance

Quand l'autorité compétente de l'État membre de destination apprend que le produit EEE/Turquie est conforme aux règles d'un (ou plusieurs) État(s) de provenance, elle pourrait parfois être informée, par le biais de la coopération administrative entre États membres, du niveau de protection minimal assuré par la législation de l'État ou des États en question. Si le niveau est équivalent à celui de l'État membre de destination, un examen plus approfondi du produit n'est plus nécessaire. Sous réserve des contrôles ponctuels que l'État membre de destination peut effectuer sur le marché, le produit pourra alors continuer à être commercialisé sur le marché de l'État membre de destination sans aucune autre démarche de la part de l'opérateur économique dans le cadre de l'évaluation de la conformité dans l'État membre de destination.

Le niveau de protection de la législation d'un État de provenance peut contribuer à l'évaluation de la conformité du produit EEE/Turquie aux règles de l'État membre de destination mais il n'est certainement pas l'élément déterminant pour tirer des conclusions sur le niveau de protection offert par le produit. En effet, il est possible que le fabricant du produit ait opté pour une meilleure qualité que celle requise dans un État de provenance.

4.2.2. Déterminer les règles techniques applicables au produit

Sur la base des informations recueillies sur le produit EEE/Turquie en cause, l'autorité compétente de l'État membre de destination peut examiner si et dans quelle mesure ses règles techniques nationales doivent s'appliquer au produit concerné. Quand l'État membre de destination ne prévoit pas de règles techniques pour la commercialisation des produits EEE/Turquie sur son territoire, la commercialisation d'un produit n'y sera en principe pas entravée. Tel sera généralement le cas pour des produits simples ou bien connus, qui ne présentent pas de risques pour la santé ni pour la sécurité, dans des conditions normales d'emploi. Ceci étant, en l'absence d'une règle technique spécifique dans l'État membre de destination, celui-ci pourrait néanmoins restreindre la commercialisation d'un produit en cas de problèmes liés à la sécurité du produit en cause, dans le cadre de la directive relative à la sécurité générale des produits ou dans le cadre du règlement (CE) no 178/2002, et ce, évidemment, lorsque les conditions pour l'application de ces réglementations sont réunies.

En revanche, quand l'État membre de destination prévoit des règles techniques pour la commercialisation des produits EEE/Turquie sur son territoire, l'autorité compétente devrait procéder à l'examen de la documentation relative au produit et, si nécessaire, à celui du produit en cause, à la lumière de ces mêmes règles. Cet examen permet de déterminer à quelles règles techniques le produit EEE/Turquie ne correspond pas, ce qui facilite l'exercice du droit de regard sur le produit en question.

4.2.3. La proportionnalité de l'application des règles techniques de l'État membre de destination

Les règles techniques auxquelles le produit EEE/Turquie concerné n'est pas conforme seront la base pour l'examen de la proportionnalité de l'application de ces règles au cas d'espèce.
Il y a lieu de rappeler que, dans le domaine non harmonisé, les États membres restent libres, dans le respect du traité et donc du principe de proportionnalité, de déterminer le niveau de protection qu'ils considèrent approprié pour sauvegarder des objectifs légitimes, tels que la santé publique, la protection des consommateurs ou de l'environnement, l'ordre public, la sécurité routière, etc. (52).

Un niveau de protection est généralement fixé sur la base d'une évaluation des risques (53) et par différents moyens, notamment par des règles techniques. Il est reconnu à l'autorité compétente le droit d'appliquer sa règle technique à un produit EEE/Turquie uniquement lorsque la réponse aux deux questions suivantes est positive:
— La règle technique en soi poursuit-elle un motif d'intérêt général reconnu en droit communautaire?
— L'application de la règle au produit est-elle propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et ne va-t-elle pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint?
Pour que l'application d'une règle technique à un produit soit proportionnée, il faut qu'elle soit à la fois nécessaire et adéquate:
a) Le caractère nécessaire de l'application de la règle technique: l'application de la règle technique à un produit EEE/Turquie doit en premier lieu être fondée sur des éléments techniques ou scientifiques pertinents (54). En deuxième lieu, la règle doit être nécessaire pour la protection d'un ou plusieurs des objectifs reconnus comme légitimes par le traité ou
par la jurisprudence de la Cour (55).

Exemple: l'État membre de destination interdit la commercialisation du pain dont la teneur en sel, calculée sur la matière sèche, dépasse la limite maximale de 2 %. Lorsque cet État membre n'a pas de justification scientifique fondée sur la protection de la santé des consommateurs pour cette exigence, il sera obligé de ne pas en tenir compte pour les produits EEE/Turquie.

b) Le caractère adéquat de l'application de la règle technique: l'application d'une règle technique ne sera pas adéquate si les exigences qu'elle vise à protéger peuvent l'être de manière aussi efficace par des mesures moins restrictives des échanges intracommunautaires. Dans ce cadre, une évaluation de la protection offerte pas des mesures alternatives s'impose (56).

Exemple: l'État membre de destination prévoit des règles techniques selon lesquelles l'emploi exclusif de blé dur est prescrit pour les pâtes sèches: la vente de pâtes obtenues à partir de blé tendre ou d'un mélange de blé tendre et de blé dur est interdite. L'objectif de ces règles est de protéger les consommateurs, pour garantir la loyauté des transactions. Cet objectif peut être réalisé de manière moins restrictive pour les échanges intracommunautaires de ces pâtes, par un étiquetage approprié ou par une dénomination spécifique pour ce type de produits.

De ce fait, l'autorité compétente sera obligée, lors de l'examen d'un produit EEE/Turquie, d'écarter de sa propre initiative l'application des règles techniques qui ne sont pas proportionnées à la lumière de l'une des raisons impératives reconnues par la Cour de justice comme exigences impératives ou mentionnées à l'article 30 CE. Il convient de souligner que la décision d'écarter l'application de règles techniques non proportionnées à un produit EEE/Turquie est une décision imposée par le droit communautaire qui, en tout état de cause, prime sur le droit national.

Par ailleurs, une réglementation nationale ne peut pas exiger que les produits EEE/Turquie doivent satisfaire littéralement et exactement aux mêmes dispositions ou caractéristiques techniques prescrites pour les produits fabriqués dans l'État membre de destination, alors que ces produits EEE/Turquie garantissent le même niveau de protection (57).

Les conclusions de l'examen de l'application éventuelle d'une règle technique à un produit EEE/Turquie peuvent conduire à traiter les produits domestiques de manière différente, voire plus sévère, que le produit EEE/Turquie en question. Ce traitement différencié ne saurait être un élément prépondérant pour l'autorité compétente quand elle examine la conformité d'un produit EEE/Turquie. Finalement, il est possible que l'État membre de destination ait choisi un système de protection différent de celui adopté par un État de provenance. Cette différence n'a pas d'incidence sur l'appréciation de la nécessité et de la proportionnalité des règles techniques applicables dans l'État membre de destination. Celles-ci doivent seulement être appréciées au regard des objectifs poursuivis par les autorités nationales de l'État membre de destination et du niveau de protection qu'elles entendent assurer (58).

4.3. Troisième étape: les résultats de l'évaluation et leur communication au demandeur

Lorsque l'État membre de destination a examiné le produit EEE/Turquie en cause, il est nécessaire que les résultats de cette évaluation — qu'ils soient positifs ou négatifs — soient communiqués dans les plus brefs délais (59) à l'opérateur économique concerné. La Commission estime qu'il importe que l'autorité compétente fournisse tous les éléments à l'opérateur économique concerné, non seulement en cas d'évaluation négative, mais également en cas d'évaluation positive. Une évaluation positive confirme que le produit EEE/Turquie peut être légalement commercialisé dans l'État membre de destination.
En revanche, la restriction commerciale qui peut découler d'une évaluation négative est, en principe, une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, interdite par l'article 28 du traité CE.

Il incombe à l'État membre qui invoque un motif justifiant une restriction à la libre circulation des marchandises de démontrer concrètement l'existence d'une raison d'intérêt général, la nécessité de la restriction en cause et son caractère proportionné par rapport à l'objectif poursuivi. L'un des principes généraux du droit communautaire est que toute personne doit pouvoir bénéficier, devant les juridictions nationales, d'un recours juridictionnel effectif contre les décisions nationales pouvant porter atteinte à un droit reconnu par les traités (60) ou par le droit communautaire dérivé. Ce principe implique que les intéressés peuvent obtenir de l'administration, avant tout recours, connaissance des motifs de telles décisions (61).

Hormis les mesures qui peuvent être prises conformément à la directive relative à la sécurité générale des produits, la Commission considère que l'autorité compétente de l'État membre de destination qui estime qu'un produit EEE/Turquie ne devrait pas être admis sur son marché devrait en tout état de cause:
— indiquer par écrit au fabricant ou au distributeur quels éléments de ses règles techniques nationales empêchent, selon lui, la commercialisation du produit concerné dans l'État membre de destination;
— prouver à l'opérateur économique concerné, sur la base de tous les éléments scientifiques pertinents à disposition de l'État membre de destination, pour quelles raisons impérieuses d'intérêt général ces éléments de la règle technique doivent être imposés au produit concerné et pour quelles raisons des mesures moins entravantes ne sauraient être acceptées;
— ensuite inviter l'opérateur économique à formuler ses observations éventuelles dans un délai raisonnable (de l'ordre de 20 jours ouvrables), avant qu'une mesure individuelle portant une restriction à la commercialisation de ce produit ne soit prise à son encontre;
— dûment tenir compte de ces observations dans la motivation de la décision finale;
— après que la mesure individuelle portant une restriction à la commercialisation de ce produit ne soit prise, notifier cette décision motivée à l'opérateur économique concerné en indiquant les voies de recours à sa disposition;
— notifier cette décision à la Commission en vertu de l'article 7 de la directive 92/59/CEE relative à la sécurité générale des produits (et, à partir du 15 janvier 2004, en vertu de l'article 11 ou 12 de la directive 2001/95/CE relative à la sécurité générale des produits), ou en vertu de l'article 50 du règlement (CE) no 178/2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales dans la législation alimentaire;
— ou, lorsque ces articles ne s'appliquent pas, notifier cette décision à la Commission en vertu de la décision no 3052/95/CE du Parlement du 13 décembre 1995 établissant une procédure d'information mutuelle sur les mesures nationales dérogeant au principe de libre circulation des produits à l'intérieur de la Communauté.

5. LES POSSIBILITÉS DE RECOURS DE L'OPÉRATEUR ÉCONOMIQUE
5.1. L'applicabilité directe des articles 28 et 30 du traité CE

Les dispositions des articles 28 à 30 du traité CE priment sur toute mesure nationale contraire (62).
Par conséquent, en présence de dispositions de droit national incompatibles avec les articles 28 à 30 du traité CE, les juridictions et administrations nationales ont l'obligation de garantir le plein effet du droit communautaire en écartant, de leur propre initiative, les dispositions incompatibles de droit national (63). De surcroît, la sanction, pénale ou autre, d'une mesure de restriction nationale qui a été reconnue contraire au droit communautaire est aussi incompatible avec le droit communautaire que cette restriction elle-même (64).

En effet, le juge national chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les articles 28 et 30 du traité CE, a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel (65). Les juridictions nationales peuvent, le cas échéant, demander à la Cour de justice de statuer à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 28 et 30 traité CE, conformément à l'article 234 du même traité.

5.2. Contester le refus de la part de l'autorité compétente de l'État membre de destination

Une décision négative de la part de l'État membre de destination concernant l'admission à son marché d'un produit EEE/Turquie est, en principe, susceptible de constituer une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, interdite par l'article 28 du traité CE. Dès lors, l'opérateur économique peut toujours contester, en droit national, une décision négative prise à son encontre. En cas de recours auprès du juge national, celui-ci doit appliquer les articles 28 et 30 du traité CE, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice ainsi que, le cas échéant, des principes évoqués dans la présente communication, et considérer la décision négative comme incompatible avec ces articles.

6. QUELQUES CONSEILS AUX ÉTATS MEMBRES

L'application correcte de la reconnaissance mutuelle permet de concilier deux objectifs, celui de la libre circulation des produits EEE/Turquie, garantie par les articles 28 et 30 du traité CE, et, entre autres, ceux de la protection de la santé, de l'environnement ou des consommateurs. Comme les États membres sont obligés de faire prévaloir les articles 28 et 30 du traité CE sur toutes les règles nationales contraires à ces articles, ils doivent s'assurer que leurs règles techniques sont conformes au droit communautaire. Pour ce faire, ils disposent de plusieurs possibilités, dont quelques-unes qui peuvent être combinées.

6.1. La clause de reconnaissance mutuelle

Malgré l'effet direct des articles 28 et 30 du traité CE, l'on constate souvent que la présence d'une règle technique nationale décourage parfois les opérateurs économiques de commercialiser leurs produits sur le territoire de cet État membre, même si leurs produits offrent un niveau de protection adéquat et reconnu dans certains autres États membres. En outre, l'administration compétente de l'État membre de destination hésite souvent à appliquer les articles 28 à 30 du traité CE lorsqu'elle ne dispose pas de base juridique spécifique dans sa réglementation technique nationale pour évaluer la conformité d'un produit EEE/Turquie. Pour ces raisons, la Commission s'efforce de faire inclure dans les législations des États membres, une clause de reconnaissance mutuelle visant à faire jouer correctement le principe de la reconnaissance mutuelle (66). Cette clause est insérée dans la législation nationale et devrait permettre la commercialisation des produits légalement fabriqués et/ou commercialisés dans un autre État membre.

En effet, les principes de sécurité juridique et de protection des particuliers exigent que, dans les domaines couverts par le droit communautaire, les règles de droit des États membres soient formulées d'une manière claire, précise et non équivoque, permettant aux opérateurs concernés de connaître leurs droits et leurs obligations et aux juridictions nationales d'en assurer le respect. La Commission estime que la clause de reconnaissance mutuelle constitue un moyen valable pour mettre en oeuvre ces principes.

Cette clause peut prendre une des formes suivantes:
— Une clause simple lorsque les autres parties de la législation nationale contiennent déjà les garanties administratives énumérées dans cette communication;
— Une clause prévoyant une procédure plus détaillée, conformément aux principes spécifiés dans cette communication.

Exemple d'une clause de reconnaissance mutuelle détaillée:

Les exigences de la présente réglementation ne s'appliquent pas aux produits légalement fabriqués et/ou commercialisés dans un autre État membre de l'Union européenne ou en Turquie, ou légalement fabriqués dans un État AELE, partie contractante de l'accord EEE.
Si les autorités compétentes disposent de la preuve qu'un produit spécifique légalement fabriqué et/ou commercialisé dans un autre État membre de l'Union européenne ou en Turquie, ou légalement fabriqué dans un État AELE, partie contractante de l'accord EEE, n'assure pas un niveau de protection équivalant à celui recherché par la présente réglementation, elles peuvent refuser la mise sur le marché du produit ou le faire retirer du marché, après avoir:
— indiqué par écrit, au fabricant ou au distributeur, quels éléments de ses règles techniques
nationales empêchent la commercialisation du produit concerné; et
— prouvé, sur la base de tous les éléments scientifiques pertinents, pour quelles raisons impérieuses d'intérêt général ces éléments de la règle technique doivent être imposés au produit et pour quelles raisons des mesures moins entravantes ne sauraient être acceptées;
et
— invité l'opérateur économique à formuler ses observations éventuelles dans un délai de (au moins quatre semaines ou 20 jours ouvrables), avant qu'une mesure individuelle portant une restriction à la commercialisation de ce produit ne soit prise à son encontre; et
— dûment tenu compte de ses observations dans la motivation de la décision finale.
L'autorité compétente notifiera la mesure individuelle portant une restriction à la commercialisation du produit en indiquant les voies de recours la disposition de l'opérateur économique concerné.

6.2. L'abrogation de la règle technique

Une autre option est la suppression de la règle technique. Une évaluation des effets potentiellement entravants de la règle technique peut conduire à la conclusion que celle-ci n'est plus d'actualité ou qu'elle est uniquement applicable à la fabrication nationale. En tout état de cause, le fait que les exigences imposées aux produits domestiques sont plus sévères que celles appliquées aux produits EEE/Turquie n'interfère pas avec une bonne application du principe de la reconnaissance mutuelle.


6.3. Assurer la transparence

Certains opérateurs économiques préfèrent la certitude absolue et souhaitent éviter tout événement ayant un impact négatif sur la réputation de leur produit, comme la suspension de la mise sur le marché lors du constat, par les autorités de l'État membre de destination, de la non-conformité d'un produit EEE à une règle technique de l'État membre de destination. D'autres opérateurs économiques craignent l'imprévisibilité de l'application de la reconnaissance mutuelle dans un État membre de destination, même si sa législation contient des règles techniques qui sont déjà, à première vue, disproportionnées. La Commission estime qu'il existe plusieurs moyens pour améliorer la prévisibilité de la reconnaissance mutuelle, fondés sur une plus grande transparence. Quelques exemples:

6.3.1. Améliorer l'accessibilité des règles techniques

L'accès aux règles applicables est primordial pour les opérateurs économiques souhaitant commercialiser leurs produits EEE/Turquie dans un autre État membre. La Commission a en effet pu constater que, trop souvent, le principe de la reconnaissance mutuelle reste lettre morte en raison du fait que ces derniers ignorent où s'adresser et quels éléments fournir pour faire appliquer la reconnaissance mutuelle. La Commission invite les États membres à assurer que ces règles, rédigées de manière claire, reçoivent une publicité qui en facilite l'accès aux opérateurs économiques, notamment par des sites internet détaillés et par des brochures éditées par secteurs de produits par exemple, indiquant les autorités compétentes pour obtenir des renseignements.

L'un des défis pour les opérateurs économiques étant l'identification de l'administration compétente pour l'application de la reconnaissance mutuelle pour son produit, la Commission invite les États membres à indiquer, par une publicité appropriée, le service responsable pour l'application d'une règle technique et de la reconnaissance mutuelle, afin que les opérateurs économiques puissent obtenir les informations nécessaires.

6.3.2. Une publicité appropriée des solutions équivalentes

Même si la législation de l'État membre de destination prévoit une clause de reconnaissance mutuelle pour les produits qui garantissent par exemple un niveau de sécurité équivalent, il est quelquefois difficile pour l'opérateur économique de savoir si la solution technique qu'il a choisie est effectivement équivalente. L'État membre pourrait faciliter l'application de la reconnaissance mutuelle par une publicité donnée aux références des règles et normes techniques des autres États membres qui ont déjà fait l'objet d'une acceptation, en raison du fait que leur respect permet d'atteindre le niveau requis de protection de l'objectif poursuivi.

6.3.3. L'indication des objectifs de la législation

La Commission encourage les États membres à expliciter, dans leurs textes réglementaires, les objectifs qu'ils poursuivent. De telle façon, les administrations nationales et les opérateurs économiques pourront plus facilement évaluer l'équivalence.
(1) En matière de sécurité des produits destinés aux consommateurs ou susceptibles d'être utilisés par les consommateurs et en l'absence de dispositions communautaires spécifiques, la directive relative à la sécurité générale des produits, à savoir la directive 92/59/CEE du Conseil du 29 juin 1992 (et, à partir du 15 janvier 2004, la directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil) a mis en place un cadre législatif à caractère horizontal en vue d'assurer un niveau de protection élevé de la sécurité et de la santé des personnes. Cette directive impose aux opérateurs économiques une obligation générale de ne commercialiser que des produits sûrs. Ainsi, ces produits destinés aux consommateurs ou susceptibles d'être utilisés par les consommateurs, mis sur le marché communautaire, sont soumis aux exigences et aux critères de sécurité établis par ladite directive. Il en va de même en matière alimentaire en vertu des dispositions du règlement (CE) no 178/2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, qui disposent, notamment, des prescriptions générales visant à ne mettre sur le marché que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux qui soient sûrs.
(2) Un opérateur économique est toute personne souhaitant commercialiser des produits. Il s'agit notamment des fabricants, de leurs représentants, des grossistes, des importateurs, des distributeurs et de tous les autres professionnels de la chaîne de commercialisation.
(3) Communication COM(1999) 299 final au Conseil et au Parlement européen du 16 juin 1999, relative à la reconnaissance mutuelle dans le cadre du suivi du plan d'action pour le marché intérieur. Premier rapport biennal sur l'application du principe de la reconnaissance mutuelle [SEC(1999) 1106 du 13 juillet 1999] et deuxième rapport biennal COM(2002) 419 final du 23 juillet 2002. Ces documents peuvent être consultés sur le site:  HYPERLINK "http://europa.eu.int/comm/internal_market/fr/goods/mutrec.htm" http://europa.eu.int/comm/internal_market/fr/goods/mutrec.htm

(4) La définition d'un produit «EEE/Turquie» se trouve au point 2.
(5) En l'absence de règles communautaires harmonisées, la règle générale de l'article 28 du traité CE interdit dans le commerce des produits entre États membres les restrictions quantitatives à l'importation des produits ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, qui constituent alors des obstacles à la libre circulation des produits. L'article 30 du traité CE spécifie que les dispositions de l'article 28 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres. Cependant, la Cour de justice a également indiqué que des restrictions à l'accès au marché d'un autre État membre, imposées par des mesures nationales susceptibles de constituer des mesures d'effet équivalent au sens de l'article 28 du traité CE, peuvent être justifiées à la lumière de certaines exigences impératives reconnues par elle, à condition d'être nécessaires et proportionnées.
(6) Les références à la jurisprudence de la Cour de justice dans la présente communication ne sont pas exhaustives. Elle ne reprend que des arrêts spécifiques qui peuvent aider les autorités compétentes et les opérateurs économiques à examiner un problème particulier à la lumière de la jurisprudence communautaire en la matière.
(7) Il s'agit ici de modalités de vente dans le sens de l'arrêt de la Cour de justice du 24 novembre 1993, procédure pénale contre Bernard Keck et Daniel Mithouard, Recueil 1993, p. I-6097 et de sa jurisprudence ultérieure sur ce point.
(8) Parmi les intérêts légitimes les plus souvent invoqués peuvent notamment être cités la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux, ou la préservation des végétaux, la protection de l'environnement, la protection des consommateurs.
(9) Ce principe trouve son origine dans l'arrêt «Cassis de Dijon» du 20 février 1979 (Rewe-Zentral AG contre Bundesmonopolverwaltung für Branntwein), affaire 120/78, Recueil 1979, p. 649. Dès 1980, la Commission a dégagé un certain nombre d'orientations quant à l'application du principe de reconnaissance mutuelle découlant de la jurisprudence
de la Cour, notamment dans la communication de la Commission sur les suites à donner à l'arrêt rendu par la Cour de justice le 20 février 1979 dans l'affaire 120/78 (Cassis de Dijon) (JO C 256 du 3.10.1980).
(10) Aux fins de la présente communication, un produit est un bien mobilier susceptible, comme tel, de former l'objet de transactions commerciales: arrêt de la Cour de justice du 21 octobre 1999, Peter Jägerskiöld contre Torolf Gustafsson, affaire C-97/98, Recueil 1999, p. I-7319. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, des objets qui sont transportés par-delà une frontière pour donner lieu à des transactions commerciales sont soumis à l'article 28
du traité CE, quelle que soit la nature de ces transactions: voir notamment l'attendu 20 de l'arrêt de la Cour de justice du 28 mars 1995, The Queen contre Secretary of State for Home Department, ex parte Evans Medical Ltd et Macfarlan Smith Ltd, Affaire C-324/93, Recueil 1995, p. I-563.
(11) Voir notamment l'attendu 32 de l'arrêt de la Cour de justice du 13 décembre 2001, DaimlerChrysler AG contre Land Baden-Württemberg, affaire C-324/99, Recueil 2001, p. I-9897.
(12) Il s'agit, par exemple, de certains produits pharmaceutiques, biocides ou phytopharmaceutiques.
(13) La liste spécifique des directives «Nouvelle approche», assurant la libre circulation par la conformité aux exigences essentielles et le marquage «CE» peut être consultée sur le site  HYPERLINK "http://europa.eu.int/comm/enterprise/newapproach/standardization/harmstds/reflist.html" http://europa.eu.int/comm/enterprise/newapproach/standardization/harmstds/reflist.html.
(14) La législation communautaire en vigueur peut être consultée sur: http://europa.eu.int/eur-lex/fr/lif/index.html. Il y a lieu de souligner l'importance d'une lecture attentive de la législation communautaire afin d'évaluer dans quelle mesure la reconnaissance mutuelle pourrait s'appliquer au produit concerné. En effet, certains aspects d'un produit peuvent être harmonisés au niveau communautaire tandis que d'autres aspects du même produit ne seront pas couverts par l'harmonisation communautaire. La reconnaissance mutuelle continuera à s'appliquer à ces derniers aspects.
(15) Il s'agit notamment des autorisations nationales de mise sur le marché, accordées conformément à la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, ou conformément à la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 concernant la mise sur le marché des produits biocides, à la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.
(16) Article 4, paragraphe 2, de la directive 92/59/CEE et, à partir du 15 janvier 2004, l'article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/95/CE relative à la sécurité générale des produits.
(17) Attendu 25 de l'arrêt de la Cour de justice du 23 mars 2000; procédure pénale contre Berendse-Koenen M.G. en Berendse H.D. Maatschap, affaire C-246/98, Recueil 2000, p. I-1777; Attendus 25 et 26 de l'arrêt de la Cour de justice du 23 mai 1996, The Queen contre Ministry of Agriculture, Fisheries and Food, ex parte: Hedley Lomas (Ireland) Ltd, affaire C-5/94, Recueil 1996, p. I-2553. Les États membres sont obligés d'insérer dans leur législation nationale une référence à la législation communautaire qu'ils transposent. Ceci contribue à identifier les parties de cette législation nationale transposant la législation communautaire et les parties régies par les articles 28 et 30 du traité CE. Néanmoins, une lecture attentive de la législation communautaire est primordiale afin d'évaluer dans quelle mesure la reconnaissance mutuelle pourrait s'appliquer au produit concerné. En effet, certains aspects d'un produit peuvent être harmonisés au niveau communautaire tandis que d'autres aspects du même produit ne le seront pas. La reconnaissance mutuelle continuera à s'appliquer à ces derniers aspects.
(18) Les articles 5 à 7 de la décision 1/95 du Conseil d'association CE-Turquie du 22 décembre 1995, relative à la mise en place de la phase définitive de l'union douanière (JO L 35 du 13 février 1996, p. 1) prévoient la suppression des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives entre l'Union européenne et la Turquie. Il découle de l'article 66 de la décision no 1/95/CE que les articles 5 à 7, pour leur mise en oeuvre et leur application aux produits relevant de l'union douanière, doivent être interprétés conformément aux arrêts en la matière de la Cour de justice. Par conséquent, les principes qui découlent de la jurisprudence de la Cour de justice sur les questions liées aux articles 28 et 30 du traité, notamment la jurisprudence «Cassis de Dijon», s'appliquent aux États membres et à la Turquie.
(19) Articles 8, paragraphe 2, et 9 de l'accord sur l'Espace économique européen, ainsi que son protocole 4. Les articles 28 à 30 du traité CE font partie de l'acquis communautaire repris textuellement dans les articles 11 et 13 de l'accord sur l'Espace économique européen, qui sont interprétés conformément à la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des CE antérieure à la date de la signature de l'accord. La présente communication s'applique donc également aux produits fabriqués en Islande, au Liechtenstein et en Norvège.
(20) Cependant, il convient de noter que, lorsqu'une réglementation nationale est contraire aux articles 28 et 30 du traité CE, la Cour de justice a confirmé que l'application de cette réglementation n'est interdite qu'en ce qui concerne les produits importés et non les produits d'origine nationale. Voir notamment l'attendu 21 de l'arrêt de la Cour de justice du 5 décembre 2000, Procédure pénale contre Jean-Pierre Guimont, affaire C-448/98, Recueil 2000, p. I-663.
(21) L'article 24 du traité CE considère «comme étant en libre pratique dans un État membre les produits en provenance de pays tiers pour lesquels les formalités d'importation ont été accomplies et les droits de douane et taxes d'effet équivalent exigibles ont été perçus dans cet État membre, et qui n'ont pas bénéficié d'une ristourne totale ou partielle de ces droits et taxes». En outre, l'attendu 37 de l'arrêt de la Cour de justice du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital SL contre Administración General del Estado, en présence de Distribuidora de Televisión Digital SA (DTS), affaire C-390/99, Recueil 2002, p. I-607, confirme ce principe: «Il ressort d'une jurisprudence bien établie qu'un produit, légalement commercialisé dans un État membre, doit en principe pouvoir être commercialisé dans tout autre État membre, sans être soumis à des contrôles supplémentaires, sous réserve des exceptions prévues ou
admises par le droit communautaire».
(22) Voir la directive 2001/95/CE et la directive 92/59/CEE relatives à la sécurité générale des produits.
(23) Attendu 26 de l'arrêt de la Cour de justice du 21 juin 2001, Commission des Communautés européennes contre Irlande, affaire C-30/99, Recueil 2001, p. I-4619.
(24) Voir notamment l'attendu 36 de l'arrêt de la Cour de justice du 24 octobre 2002, procédure pénale contre contre Walter Hahn, affaire C-121/2000, Recueil 2002, p. I-9193.
(25) Attendus 17 et 18 de l'arrêt de la Cour de justice du 16 novembre 2000, Commission contre Belgique, affaire C-217/99, Recueil 2000, p. I-10251.
(26) Une norme nationale est une spécification technique adoptée par un organisme national de normalisation pour application répétée ou continue, mise à la disposition du public et dont l'observation n'est pas obligatoire.
(27) Arrêt de la Cour de justice du 22 septembre 1988, Commission des Communautés européennes contre Irlande, affaire 45/87, Recueil 1988, p. 4929.
(28) Arrêt de la Cour de justice du 14 juin 2001, Commission des Communautés européennes contre République française, affaire C-84/2000, Recueil 2001, p. I-4553.
(29) Arrêt de la Cour de justice du 14 juillet 1988, procédure pénale contre Zoni, affaire 90/86, Recueil 1988, p. 4285.
(30) Arrêt de la Cour de justice du 5 avril 2001, procédure pénale contre Christina Bellamy et English Shop Wholesale SA, affaire C-123/2000, Recueil 2001, p. I-2795; arrêt de la Cour de justice du 14 juin 2001, Commission des Communautés européennes contre République française, affaire C-84/2000, Recueil 2001, p. I-4553.
(31) Arrêt de la Cour de justice du 24 octobre 2002, procédure pénale contre Walter Hahn, affaire C-121/00, Recueil 2002, p. I-9193.
(32) Arrêt de la Cour de justice du 12 octobre 2000, Cidrerie Ruwet SA contre Cidre Stassen SA et HP Bulmer Ltd, affaire C-3/99, Recueil 2000, p. I-8749; arrêt de la Cour de justice du 10 novembre 1982, Walter Rau Lebensmittelwerke contre De Smedt PVBA, affaire 261/81, Recueil 1982, p. 3961.
(33) Arrêt de la Cour de justice du 5 décembre 2000, procédure pénale contre Jean-Pierre Guimont, affaire C-448/98, Recueil 2000, p. I-10663.
(34) Arrêt de la Cour de justice du 4 décembre 1986, Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne, affaire 179/85, Recueil 1986 p. 3879; arrêt de la Cour de justice du 6 juin 2002, Sapod Audic contre Éco-Emballages SA, affaire C-159/2000, Recueil 2002 p. I-5031.
(35) Arrêt de la Cour de justice du 12 septembre 2000, procédure pénale contre Yannick Geffroy et Casino France SNC, affaire C-366/98, Recueil 2000 p. I-6579; arrêt de la Cour de justice du 16 novembre 2000, Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique, affaire C-217/99, Recueil 2000 page I-10251.
(36) Voir notamment l'attendu 17 de l'arrêt du 28 janvier 1986, Commission des Communautés européennes contre République française («Homologation des machines à travailler le bois»), affaire 188/84, Recueil 1986, p. 419.
(37) La directive relative à la sécurité générale des produits permet cependant aux États membres de prendre des mesures restrictives rapides pour les produits dangereux ou susceptibles d'être dangereux, conformément aux articles 6, 7 ou 8 et 14 de la directive 92/59/CEE et, à partir du 15 janvier 2004, conformément aux articles 8, 11 ou 12 et 18 de la directive 2001/95/CE.
(38) Dans son arrêt du 22 janvier 2002 (Canal Satélite Digital SL contre Administración General del Estado, en présence de Distribuidora de Televisión Digital SA (DTS), affaire C-390/99, Recueil 2002, p. I-607), la Cour de justice a clairement rappelé qu'une procédure d'autorisation préalable restreint la libre circulation des marchandises. Partant, pour être justifiée au regard de ces libertés fondamentales, une telle réglementation doit poursuivre un motif d'intérêt général reconnu en droit communautaire et respecter le principe de proportionnalité, c'est-à-dire être propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint.
(39) Attendu 15 de l'arrêt de la Cour de justice du 13 décembre 1990, procédure pénale contre Jean-Claude Bellon, affaire C-42/90, Recueil 1990, p. I-4863.
(40) Cependant, cette preuve par l'autorité compétente de l'État membre où le produit EEE est légalement fabriqué et/ou commercialisé n'est qu'une des nombreuses possibilités: elle ne peut pas être exigée par l'autorité compétente de l'État membre de destination. Voir l'attendu 63 de l'arrêt du 8 mai 2003 (ATRAL c/ État belge, affaire C-14/02), dans lequel la Cour a précisé qu'imposer comme condition que soit attestée la conformité des produits EEE à des normes ou réglementations techniques assurant un niveau de protection équivalent à celui exigé par l'État membre de destination, contrevient à l'article 28 CE.
(41) Dans la situation exceptionnelle d'une procédure d'autorisation préalable, la commercialisation ne peut avoir lieu qu'après avoir obtenu l'autorisation.
(42) Voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour de justice du 17 juin 1987, Commission des Communautés européennes contre République italienne, affaire 154/85, Recueil 1987, p. 2717.
(43) Par contre, dans la situation exceptionnelle d'une procédure d'autorisation préalable, il suffira de refuser l'autorisation préalable.
(44) Voir notamment l'attendu 36 de l'arrêt de la Cour de justice du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital SL contre Administración General del Estado, en présence de Distribuidora de Televisión Digital SA (DTS), affaire C-390/99, Recueil 2002, p. I-607.
(45) Arrêt de la Cour de justice du 8 juin 1993, Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique, affaire C-373/92, Recueil 1993, p. I-3107.
(46) Attendu 35 de l'arrêt de la Cour de justice du 17 septembre 1998, procédure pénale contre Jean Harpegnies, affaire C-400/96, Recueil 1998, p. I-5121.
(47) Arrêt de la Cour de justice du 17 décembre 1981, procédure pénale contre Frans-Nederlandse Maatschappij voor Biologische Producten BV, affaire 272/80, Recueil 1981, p. 3277; attendu 23 de l'arrêt du 14 juillet 1983, procédure pénale contre Sandoz BV, affaire 174/82, Recueil 1983, p. 2445.
(48) Arrêt de la Cour de justice du 8 juin 1993, Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique, affaire C-373/92, Recueil 1993, page I-3107.
(49) L'État membre de destination devrait accepter les rapports et certificats établis par un organisme offrant des garanties équivalentes à celles exigées pour les organismes nationaux. Il en découle que ces garanties d'indépendance offertes par l'organisme établi dans l'État membre de provenance ne doivent pas nécessairement coïncider avec celles prévues dans la réglementation nationale de l'État membre de destination: attendu 69 de l'arrêt de la Cour de justice du 21 juin 2001, Commission des Communautés européennes contre Irlande, affaire C-30/99, Recueil 2001, p. I-4619.
(50) Voir notamment les attendus 34 à 36 de l'arrêt de la Cour de justice du 5 juin 1997, Ditta Angelo Celestini contre Saar-Sektkellerei Faber GmbH & Co. KG, affaire C-105/94, Recueil 1997, page I-2971.
(51) En cas d'exigence de contrôle justifiée, les coûts impliqués, à charge de la personne qui fait effectuer des contrôles ou qui demande une homologation, doivent être proportionnés et ne peuvent donc pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts de la procédure de contrôle: voir notamment les attendus 41 et 42 de l'arrêt de la Cour de justice du 22 janvier 2002 [Canal Satélite Digital SL contre Administración General del Estado, en présence de Distribuidora de Televisión Digital SA (DTS), affaire C-390/99]. En revanche, s'agissant d'un contrôle opéré en aval, sur le marché, la Cour de Justice a considéré qu'un tel contrôle ne saurait être considéré comme un service rendu à l'importateur et que, dès lors, les frais occasionnés doivent être supportés par la collectivité publique qui bénéficie, dans son ensemble, de la libre circulation des marchandises communautaires: attendu 31 de l'arrêt de la Cour de justice du 15 décembre 1993, Ligur Carni Srl et Genova Carni Srl contre Unità Sanitaria Locale n. XV di Genova et Ponente SpA contre Unità Sanitaria Locale n. XIX di La Spezia et CO.GE.SE.MA Coop arl, affaires jointes C-277/91, C-318/91 et C-319/91, Recueil 1993, p. I-6621.
(52) Il s'agit plus précisément des exigences reconnues comme mesures dérogatoires à l'article 28 CE par l'article 30 CE, ainsi que des exigences impératives reconnues par la jurisprudence de la Cour comme susceptibles de justifier une mesure d'effet équivalent au sens de l'article 28 CE.
(53) L'évaluation du risque comporte, d'une part, la détermination du niveau de risque (c'est-à-dire le seuil critique de probabilité des effets adverses pour l'une des raisons impératives mentionnées à l'article 30 CE ou reconnues par la Cour de justice comme exigence impérative susceptible de justifier une mesure d'effet équivalent au sens de l'article
28 CE) et, d'autre part, la réalisation d'une évaluation scientifique des risques. Le principe de précaution peut jouer un rôle important dans le cadre de la gestion du risque: voir la communication COM(2000) 1 de la Commission sur le recours au principe de précaution: http://europa.eu.int/comm/food/fs/pp/pp_index_en.html
(54) Arrêt de la Cour de justice du 14 juillet 1994, procédure pénale contre J. J. J. Van der Veldt, affaire C-17/93, Recueil 1994, p. I-35; arrêt de la Cour de justice du 4 juin 1999, procédure pénale contre Michel Debus, affaires jointes C-13/91 et C-113/91, Recueil 1992, p. I-3617; arrêt de la Cour de justice du 24 octobre 2002, procédure pénale contre Walter Hahn, affaire C-121/2000, Recueil 2002, p. I-9193.
(55) Respectivement, articles 30 du traité ou jurisprudence en matière d'exigences impératives. Voir notamment l'arrêt de la Cour de justice du 28 janvier 1986, Commission des Communautés européennes contre République française (Homologation des machines à travailler le bois), affaire 188/84, Recueil 1986, p. 419.
(56) Par exemple, l'autorité compétente doit se poser la question de savoir si un étiquetage approprié, ou la notice d'accompagnement, ou d'autres caractéristiques du produit ne suffisent pas pour offrir un niveau de protection adéquat du consommateur.
(57) Ceci serait contraire au principe de proportionnalité: arrêt de la Cour de justice du 28 janvier 1986, Commission des Communautés européennes contre République française, («Homologation des machines à travailler le bois»), affaire 188/84, Recueil 1986, p. 419.
(58) Arrêt de la Cour de justice du 21 septembre 1999, Markku Juhani Läärä, Cotswold Microsystems Ltd et Oy Transatlantic Software Ltd contre Kihlakunnansyyttäjä (Jyväskylä) et Suomen valtio (État finlandais), affaire C-124/97, Recueil 1999, p. I-6067.
(59) Ce principe s'applique d'autant plus dans le cadre de la situation exceptionnelle d'une procédure d'autorisation obligatoire et préalable à la mise sur le marché, qui n'est nécessaire que si un contrôle a posteriori devait être considéré comme intervenant trop tardivement pour garantir une réelle efficacité de celui-ci et lui permettre d'atteindre l'objectif poursuivi. Une telle procédure doit poursuivre un motif d'intérêt général reconnu en droit
communautaire et respecter le principe de proportionnalité, c'est-à-dire être propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint. Pour qu'une telle procédure soit proportionnée, elle doit, en tout état de cause, être fondée sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l'avance, de manière à encadrer l'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités nationales afin que
celui-ci ne soit pas exercé de manière arbitraire. En outre, une telle procédure ne peut pas prévoir des contrôles qui, en substance, font double emploi avec ceux déjà effectués dans le cadre d'autres procédures, soit dans ce même État, soit dans un autre État membre. Enfin, une procédure d'autorisation préalable ne saurait être conforme au principe fondamental de la libre circulation des marchandises si, par sa durée et les frais disproportionnés qu'elle engendre, elle est susceptible de dissuader les opérateurs concernés de poursuivre leur projet. La Commission estime qu'une durée dépassant les 90 jours est en tout état de cause disproportionnée.
(60) Voir notamment l'attendu 16 de l'arrêt du 13 décembre 1990, procédure pénale contre Jean-Claude Bellon, affaire C-42/90, Recueil 1990, p. I-4863.
(61) Arrêt de la Cour de justice du 9 mai 1985, Commission des Communautés européennes contre République française (appareils d'affranchissement postal), affaire 21/84, Recueil 1985, p. 1355; arrêt de la Cour de justice du 19 mars 1991, Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique, affaire C-249/88, Recueil 1991, p. I-1275.
(62) Attendu 26 de l'arrêt de la Cour de justice du 28 mars 1995, The Queen contre Secretary of State for Home Department, ex parte Evans Medical Ltd et Macfarlan Smith Ltd, affaire C-324/93, Recueil 1995, p. I-5.
(63) Attendu 18 de l'arrêt de la Cour de justice du 13 mars 1997, Tommaso Morellato contre Unità sanitaria locale (USL) n. 11 di Pordenone, affaire C-358/95, Recueil 1997, p. I-1431.
(64) Arrêt de la Cour de justice du 20 juin 2002, Radiosistemi Srl contre Prefetto di Genova, affaires jointes C-388/2000 et C-429/2000, Recueil 2002, p. I-5845.
(65) Arrêt de la Cour de justice du 4 juin 1992, procédure pénale contre Michel Debus, affaires jointes C-13/91 et C-113/91, Recueil 1992, p. I-3617.
(66) Voir notamment l'arrêt de la Cour de justice du 22 octobre 1998, Commission des Communautés européennes contre République française (arrêt «foie gras»), affaire C-184/96, Recueil 1998, p. I-6197. La Commission veille à l'insertion d'une telle clause dans toutes les nouvelles réglementations techniques, grâce à la procédure de notification prévue par la directive 98/34/CE. Le site Internet http://europa.eu.int/comm/enterprise/tris met à disposition du public les projets de règles techniques notifiés dans le cadre de la directive 98/34/CE et les textes adoptés après le déroulement de cette procédure. Il facilite ainsi l'accès des opérateurs économiques aux règles applicables. »

7.3 La jurisprudence post-Cassis de Dijon 

La jurisprudence post-Cassis de Dijon est caractérisée par quelques inconséquences  mais également par la volonté de la Cour de revoir sa jurisprudence Dassonville. Cette dernière, nous le rappelons, a fait de l’art. 28 TCE un test auquel aucune réglementation nationale ne peut échapper. Cassis de Dijon a eu un effet qui a à la fois renforcé et affaibli cette jurisprudence : renforcé car, selon cette jurisprudence, le fardeau de la preuve incombe à l’Etat membre qui a adopté une mesure (potentiellement) restreignante et ce même lorsqu'il l'impose également à ses propres producteurs: il lui appartient dès lors de justifier de telles mesures; affaibli car la Cour octroie aux Etats membres la possibilité de justifier de telles mesures en invoquant des motifs qui ne sont pas inclus dans la liste de l’art. 30 TCE, les exigences impératives.

La Cour reconnaît ainsi implicitement que les raisons d’intervention pour l’état "régulateur" dans les années 80 et suivantes ne peuvent pas être présumées exhaustivement prévues déjà dans les années 50.

Dans cette perspective, la Cour se pose des questions du type ‘est-ce une mesure nécessaire pour atteindre l'un de ces buts ?’ et juge compatibles avec le droit communautaire seulement les mesures qui répondent affirmativement à cette question. Toutefois, dans un certain nombre des cas, la Cour procède à son évaluation de compatibilité sans passer par le test de proportionnalité de la législation nationale mise en cause.

Finalement, la Cour commence à inventer de facto la liste des modalités de vente (voir infra, 7.3.1) qu’elle va officiellement soustraire de l’interdiction de l’art. 28 TCE dans Keck et Mithouard (voir infra, 7.4).
7.3.1 L’entrave est-elle nécessaire ?

En absence d’harmonisation, il est tout à fait envisageable que des objectifs législatifs unilatéralement définis peuvent entraver la libre circulation des marchandises.

Dans sa jurisprudence Cinéthèque [aff. 60 & 61/84, Rec. (1985) 2605] la Cour a jugé, à propos d'une interdiction de location de vidéocassettes indistinctement applicable aux produits nationaux et importés, qu'une telle interdiction n'est compatible avec le principe de la libre circulation des marchandises prévu par le traité qu'à la condition que les entraves éventuelles qu'elle cause aux échanges communautaires n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l'objectif visé et que cet objectif soit justifié au regard du droit communautaire. Le critère de nécessité (proportionnalité lato sensu) devient alors le critère approprié pour évaluer la conformité de pareilles législations avec le droit communautaire.

Dans sa jurisprudence Council of the City of Stoke-on-Trent et Norwich City Council c. B & Q plc. [C-169/91, Rec. (1992) I-6635], la Cour a expliqué de façon très représentative de toute sa jurisprudence post-Cassis de Dijon, comment elle entend utiliser le critère de nécessité. Nous reproduisons ci-après les attendus 14 et 15 dudit arrêt:

« La Cour a, en effet, estimé qu'elle disposait de tous les éléments nécessaires pour se prononcer sur la proportionnalité d' une telle réglementation et qu' elle devait le faire afin de permettre aux différentes juridictions nationales d' en apprécier la compatibilité avec le droit communautaire de façon uniforme, une telle appréciation ne pouvant pas varier en fonction des constatations de fait formulées par chaque juridiction dans le cadre d' un litige déterminé.

Le contrôle de la proportionnalité d' une réglementation nationale qui poursuit un but légitime au regard du droit communautaire met en balance l' intérêt national à la réalisation de ce but avec l' intérêt communautaire à la libre circulation des marchandises. A cet égard, pour vérifier que les effets restrictifs de la réglementation en cause sur les échanges intracommunautaires ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l' objectif visé, il importe d' examiner si ces effets sont directs, indirects ou simplement hypothétiques et s' ils ne gênent pas la commercialisation des produits importés plus que celle des produits nationaux. »

Se basant sur René Joliet (La libre circulation des marchandises : l’arrêt Keck et Mithouard et les nouvelles orientations de la jurisprudence, Journal des Tribunaux, no 12, 20 octobre 1994 : 249-255), qui a classifié la jurisprudence qui a suivi l’arrêt Cassis de Dijon en fonction de leur sujet ratione materiae, nous proposons une classification en fonction du critère d’examen utilisé par la CJ pour distinguer entre interventions réglementaires nationales légitimes et non légitimes. A notre avis, la nécessité de l’intervention émerge de cette jurisprudence comme étant le critère important. Toutefois, la CJ ne s’est pas posé de façon systématique la question de savoir si une réglementation nationale était, ou non, nécessaire à l’atteinte du but visé :

(a) les cas dans lesquels la CJ a utilisé le critère de nécessité : la CJ a dû faire face à des litiges traitant de questions liées à la composition, la présentation et à l’étiquetage des produits. Les arrêts les plus représentatifs de cette catégorie sont des litiges où par le biais d’une législation nationale, un EM confère un avantage commercial considérable au producteur local en imposant des coûts d’ajustement aux producteurs étrangers. L’arrêt Commission c. Allemagne [aff. 178/84, Rec. (1987) 1227], est assez représentatif : dans ce cas, la CJ a écarté une législation allemande, la loi sur la pureté de la bière, selon laquelle l’appellation bière était réservée à des boissons fermentées fabriquées exclusivement à partir de malt d’orge, de houblon, de levure et d’eau (ce standard correspondait parfaitement à la fabrication de bière en Allemagne, mais pas nécessairement à la fabrication de la bière dans les autres parties de l’Europe). Selon la défense allemande, entre autres, ce système était nécessaire pour la protection des consommateurs. Dans les attendus 35 et 36 la Cour explique sa désapprobation de la loi allemande dans les termes suivants :

« IL EST CERTES LEGITIME DE VOULOIR DONNER AUX CONSOMMATEURS QUI ATTRIBUENT DES QUALITES PARTICULIERES AUX BIERES FABRIQUEES A PARTIR DE MATIERES PREMIERES DETERMINEES LA POSSIBILITE D' OPERER LEUR CHOIX EN FONCTION DE CET ELEMENT . CEPENDANT, AINSI QUE LA COUR L' A DEJA SOULIGNE ( ARRET DU 9 DECEMBRE 1981, COMMISSION/ITALIE, 193/80, REC . P.*3019 ), PAREILLE POSSIBILITE PEUT ETRE ASSUREE PAR DES MOYENS QUI N' ENTRAVENT PAS L' IMPORTATION DE PRODUITS LEGALEMENT FABRIQUES ET COMMERCIALISES DANS D' AUTRES ETATS MEMBRES, ET NOTAMMENT "PAR L' APPOSITION OBLIGATOIRE D' UN ETIQUETAGE ADEQUAT CONCERNANT LA NATURE DU PRODUIT VENDU ". EN INDIQUANT LES MATIERES PREMIERES UTILISEES DANS LA FABRICATION DE LA BIERE, "UN TEL PROCEDE PERMETTRAIT AU CONSOMMATEUR DE FIXER SON CHOIX EN TOUTE CONNAISSANCE DE CAUSE ET ASSURERAIT LA TRANSPARENCE DES TRANSACTIONS COMMERCIALES ET DES OFFRES AU PUBLIC ". IL CONVIENT D' AJOUTER QUE CE SYSTEME D' INFORMATION OBLIGATOIRE NE DOIT PAS COMPORTER D' APPRECIATIONS NEGATIVES POUR LES BIERES QUI NE SONT PAS CONFORMES AUX EXIGENCES DE L' ARTICLE 9 DU BIERSTEUERGESETZ .
CONTRAIREMENT A CE QU' A SOUTENU LE GOUVERNEMENT ALLEMAND, PAREIL SYSTEME D' INFORMATION PEUT PARFAITEMENT FONCTIONNER MEME POUR UN PRODUIT QUI, COMME LA BIERE, N' EST PAS NECESSAIREMENT LIVRE AUX CONSOMMATEURS EN BOUTEILLES OU EN BOITES POUVANT ETRE POURVUES DES MENTIONS APPROPRIEES . CELA EST A NOUVEAU CONFIRME PAR LA REGLEMENTATION ALLEMANDE ELLE-MEME . L' ARTICLE 26, PARAGRAPHES 1 ET 2, DU REGLEMENT PRECITE PORTANT DISPOSITIONS D' APPLICATION DU BIERSTEUERGESETZ PREVOIT UN SYSTEME D' INFORMATION DU CONSOMMATEUR POUR CERTAINES BIERES, MEME LORSQU' ELLES SONT DEBITEES A LA PRESSION . LES INFORMATIONS REQUISES DOIVENT ALORS FIGURER SUR LES FUTS OU LES SIPHONS».

L’arrêt Commission c. Italie [aff. 281/83, Rec. (1985) 3397] va dans le même sens. La CJ écarte ici une législation italienne qui réserve la dénomination aceto au seul vinaigre de vin (ainsi produit typiquement en Italie, tandis que le vinaigre produit dans d’autre pays européens ne l'était pas nécessairement à base de vin). Nous reproduisons ci-dessous les atts. 11-14  de cet arrêt:

« L ' ARGUMENT DU GOUVERNEMENT ITALIEN , SELON LEQUEL LA SUBSTITUTION DU TERME ' AGRO ' AU TERME ' ACETO ' EN TANT QUE DENOMINATION GENERIQUE EST DE NATURE A FAIRE DISPARAITRE L ' EFFET RESTRICTIF DES ECHANGES RESULTANT DE L ' AFFECTATION EXCLUSIVE DU TERME ' ACETO ' AU VINAIGRE DE VIN , NE SAURAIT ETRE RETENU . EN EFFET , LA LEGISLATION TELLE QUE MODIFIEE A TOUJOURS POUR CONSEQUENCE QUE LA DENOMINATION TRADITIONNELLE ' ACETO ' , CONNUE DU CONSOMMATEUR ITALIEN ET APPRECIEE PAR LUI , NE PEUT LEGALEMENT ETRE UTILISEE QUE POUR UNE CATEGORIE DE PRODUITS POUR LESQUELS EXISTE UNE PRODUCTION NATIONALE IMPORTANTE , AU DETRIMENT D ' AUTRES CATEGORIES DE PRODUITS COMPARABLES ORIGINAIRES D ' AUTRES ETATS MEMBRES . CE FAISANT , ELLE A POUR EFFET DE CREER DES CONDITIONS DE COMMERCIALISATION PLUS FAVORABLES A LA PRODUCTION NATIONALE QU ' AUX PRODUITS COMPARABLES IMPORTES EN PROVENANCE D ' AUTRES ETATS MEMBRES . UNE TELLE REGLEMENTATION NE SAURAIT DAVANTAGE ETRE JUSTIFIEE PAR DES RAISONS TENANT A LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR QUI , SELON LES EXPLICATIONS DU GOUVERNEMENT ITALIEN , CONSIDERERAIT TRADITIONNELLEMENT TOUS LES VINAIGRES COMME VINAIGRES DE VIN . A CET EGARD , IL SUFFIT DE RENVOYER AUX MOTIFS DE L ' ARRET DU 9 DECEMBRE 1981 , DANS LESQUELS LA COUR A PRECISE QUE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR NE PEUT ETRE ASSUREE QUE PAR DES MOYENS PERMETTANT UN TRAITEMENT EGAL DES PRODUITS NATIONAUX ET DES PRODUITS IMPORTES.
IL S ' ENSUIT QUE LA MODIFICATION APPORTEE A LA LEGISLATION ITALIENNE PAR LA LOI DU 2 AOUT 1982 NE SAURAIT ETRE REGARDEE COMME ASSURANT UNE EXECUTION EXACTE ET COMPLETE DE L ' ARRET DU 9 DECEMBRE 1981 , DANS LA MESURE OU ELLE RESERVE TOUJOURS LA DENOMINATION TRADITIONNELLE ' ACETO ' AU VINAIGRE DE VIN , ALORS QUE D ' AUTRES CATEGORIES DE VINAIGRES NATURELS NE PEUVENT UTILISER QUE DES DENOMINATIONS MOINS CONNUES ET MOINS APPRECIEES DES CONSOMMATEURS ITALIENS. »


Traitant d’une interdiction néerlandaise des ventes avec primes dans l’affaire Oosthoek [286/81, Rec. (1982) 4575], la Cour a manifestement adopté la même attitude. Dans les attendus 15-20 reproduits ci-dessus, la CJ explique pourquoi, à son avis, ladite loi néerlandaise est nécessaire pour protéger le but envisagé par le législateur national :

« UNE LEGISLATION QUI LIMITE OU INTERDIT CERTAINES FORMES DE PUBLICITE ET CERTAINS MOYENS DE PROMOTION DES VENTES , BIEN QU ' ELLE NE CONDITIONNE PAS DIRECTEMENT LES IMPORTATIONS , PEUT ETRE DE NATURE A RESTREINDRE LE VOLUME DE CELLES-CI PAR LE FAIT QU ' ELLE AFFECTE LES POSSIBILITES DE COMMERCIALISATION POUR LES PRODUITS IMPORTES . ON NE SAURAIT EXCLURE LA POSSIBILITE QUE LE FAIT , POUR UN OPERATEUR CONCERNE , D ' ETRE CONTRAINT SOIT D ' ADOPTER DES SYSTEMES DIFFERENTS DE PUBLICITE OU DE PROMOTION DES VENTES EN FONCTION DES ETATS MEMBRES CONCERNES , SOIT D ' ABANDONNER UN SYSTEME QU ' IL JUGE PARTICULIEREMENT EFFICACE , PUISSE CONSTITUER UN OBSTACLE AUX IMPORTATIONS MEME SI UNE TELLE LEGISLATION S ' APPLIQUE INDISTINCTEMENT AUX PRODUITS NATIONAUX ET AUX PRODUITS IMPORTES.
IL Y DONC LIEU D ' EXAMINER SI UNE INTERDICTION DU SYSTEME DE VENTE AVEC PRIMES EN NATURE , TEL QU ' IL RESULTE DE LA LEGISLATION NEERLANDAISE , PEUT ETRE JUSTIFIEE PAR DES NECESSITES TENANT A LA DEFENSE DES CONSOMMATEURS ET A LA LOYAUTE DES TRANSACTIONS COMMERCIALES.
A CET EGARD , IL RESSORT DU DOSSIER QUE LA WET BEPERKING CADEAUSTSEL 1977 POURSUIT UN DOUBLE OBJECTIF QUI EST , D ' UNE PART, D ' EVITER QUE LES RELATIONS NORMALES DE CONCURRENCE NE SOIENT PERTURBEES PAR DES ENTREPRISES QUI PROPOSENT DES PRODUITS A TITRE GRATUIT OU A TRES BAS PRIX EN VUE DE PROMOUVOIR LA VENTE DE LEUR PROPRE ASSORTIMENT ET , D ' AUTRE PART , D ' ASSURER LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS PAR LA REALISATION D ' UNE PLUS GRANDE TRANSPARENCE DU MARCHE.

ON NE SAURAIT MECONNAITRE QUE L ' OFFRE DE PRIMES EN NATURE COMME MOYEN DE PROMOTION DES VENTES PEUT INDUIRE EN ERREUR LES CONSOMMATEURS SUR LES PRIX REELS DES PRODUITS ET FAUSSER LES CONDITIONS D ' UNE CONCURRENCE BASEE SUR LA COMPETITIVITE . UNE LEGISLATION QUI , POUR CETTE RAISON , RESTREINT OU MEME INTERDIT DE TELLES PRATIQUES COMMERCIALES EST DONC DE NATURE A CONTRIBUER A LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS ET A LA LOYAUTE DES TRANSACTIONS COMMERCIALES.
DANS LE CADRE D ' UNE TELLE LEGISLATION , LA QUESTION POSEE PAR LA JURIDICTION NATIONALE VISE EN PARTICULIER LE CRITERE DE L ' EXISTENCE D ' UN RAPPORT DE CONSOMMATION , CRITERE QUI SERT EN L ' ESPECE A DELIMITER LE CHAMP D ' APPLICATION D ' UNE DES EXCEPTIONS ASSOUPLISSANT L ' INTERDICTION DE PRINCIPE DES PRIMES EN NATURE . MEME SI UN TEL CRITERE N ' A PAS ETE RETENU PAR LES LEGISLATIONS D ' AUTRES ETATS MEMBRES , ET NOTAMMENT DE LA BELGIQUE , CELUI-CI N ' APPARAIT PAS COMME ETANT SANS RAPPORT AVEC LES OBJECTIFS SUSVISES DE LA LEGISLATION NEERLANDAISE ET NOTAMMENT AVEC LE SOUCI D ' ASSURER LA TRANSPARENCE DU MARCHE JUGEE NECESSAIRE POUR LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS ET LA LOYAUTE DES TRANSACTIONS COMMERCIALES . DES LORS , EN ADOPTANT UN TEL CRITERE POUR DELIMITER LE CHAMP D ' APPLICATION D ' UNE EXCEPTION A UNE INTERDICTION D ' OFFRIR DES PRIMES EN NATURE , UNE LEGISLATION NATIONALE N ' EXCEDE PAS CE QUI EST NECESSAIRE POUR ATTEINDRE LES OBJECTIFS EN QUESTION . »

Suivant la même logique, la CJ a, dans sa jurisprudence Buet [aff. 382/87, Rec. (1989) 1235] accepté comme conforme au droit communautaire une loi française interdisant le démarchage pour la vente de matériel pédagogique. Nous citons ci-après les attendus 13-17 :

« Il y a lieu de relever toutefois que le risque d' achat irréfléchi est particulièrement prononcé lorsque le démarchage vise la souscription d' un contrat d' enseignement ou la vente de matériel pédagogique . En effet, l' utilisateur potentiel appartient souvent à une catégorie de personnes qui, pour l' une ou l' autre raison, ont un retard dans leur formation et qui cherchent à le rattraper . Cela les rend particulièrement vulnérables, lorsqu' ils se trouvent en face de vendeurs d' un matériel pédagogique qui tentent de les persuader que l' utilisation de ce matériel leur assurera un avenir professionnel . Par ailleurs, ainsi qu' il résulte du dossier, c' est à la suite de nombreuses plaintes suscitées par des abus, tels que la vente de cours périmés, que le législateur a édicté l' interdiction de démarchage en cause.
Il y a lieu de souligner enfin que, l' enseignement n' étant pas un produit de consommation courante, l' achat irréfléchi risque de provoquer chez l' acquéreur des effets préjudiciables autres et plus durables qu' une simple perte financière . Ainsi, indépendamment de toute appréciation sur la qualité du matériel qui est en cause en l' espèce, il faut reconnaître que l' acquisition d' un matériel inadapté ou de mauvaise qualité peut compromettre la possibilité pour le consommateur d' acquérir une nouvelle formation et, par conséquent, de renforcer sa position sur le marché du travail.
Dans ces conditions, il est loisible au législateur national d' un État membre de considérer que l' octroi aux consommateurs d' un droit de résiliation ne suffit pas pour les protéger et qu' il est nécessaire d' interdire le démarchage à domicile .
Par ailleurs, il convient de signaler que la directive du Conseil du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux ( JO L 372, p . 31 ), tout en faisant obligation aux États membres de garantir à ces consommateurs le droit de résilier le contrat de vente qu' ils auraient conclu à domicile, permet à ces États, dans son article 8, d' adopter ou de maintenir des dispositions encore plus protectrices des consommateurs . Or, dans le dernier considérant de cette directive, le Conseil a reconnu explicitement que les États pouvaient introduire ou maintenir une interdiction, totale ou partielle, de conclusion de contrats en dehors des établissements commerciaux.
Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question posée par la juridiction nationale que l' application à des produits importés d' une interdiction de démarchage concernant la vente de matériel pédagogique, telle que celle édictée par la loi relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile, n' est pas incompatible avec l' article 30 du traité . »

Toujours dans le même esprit, la Cour dans l’arrêt Laboratoire de prothèses oculaires contre Union nationale des syndicats d'opticiens de France et Groupement d'opticiens lunetiers détaillants et Syndicat des opticiens français indépendants et Syndicat national des adaptateurs d'optique de contact (LPO) [C-271/92, Rec. (1993) I-2899] a traité d'une loi française, plus spécifiquement des articles L-505 et L-508 du Code de la santé publique, réservant aux seuls titulaires du diplôme d' opticien-lunetier la vente d' optique-lunetterie et de verres-correcteurs. De l’avis de la CJ, une telle loi ne dépassait pas ce qui est nécessaire pour l’atteinte d’un but légitime en l'espèce la protection de la santé publique. Nous reproduisons ci-après les attendus 11 et 12 de cet arrêt :

« A cet égard, il y a lieu de relever qu' une législation nationale qui réserve la vente de produits destinés à corriger les défauts d' une fonction propre à l' organisme humain à des opérateurs qualifiés, titulaires d' un diplôme professionnel en la matière, vise un objectif de protection de la santé publique. En effet, la vente des lentilles de contact, même si la prescription relève de la compétence de l' oculiste, ne saurait être considérée comme une activité commerciale similaire à toute autre, puisque le vendeur doit être en mesure de fournir aux utilisateurs des informations relatives à l' usage des lentilles et à leur entretien.

Il convient d' ajouter qu' une législation du type de celle en cause dans l' affaire au principal ne contrevient pas au principe de proportionnalité. En effet, le fait de réserver aux opticiens la vente des lentilles de contact et des produits connexes est apte à garantir la protection de la santé publique. Aucun élément du dossier ne fait apparaître qu' une telle législation va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. »

Dans son arrêt Union départementale des syndicats CGT de l'Aisne contre SIDEF Conforama, Société Arts et Meubles et Société Jima [C-312/89, Rec. (1991) I-1024], un des arrêts dits « Sunday Trading » (puisqu’il s’agit de l'un des cas où la CJ a dû faire face à des réglementations nationales qui interdisent le travail le dimanche), la Cour accepte comme légitime une loi nationale qui réduit le temps de travail (attendus 11-13) :

« Dans ces conditions, il faut constater, en premier lieu, qu' une réglementation telle que celle qui est en cause poursuit un but justifié au regard du droit communautaire . En effet, la Cour a déjà considéré, dans son arrêt du 23 novembre 1989, précité, que les réglementations nationales régissant les horaires de vente au détail constituent l' expression de certains choix politiques et économiques en ce qu' elles visent à assurer une répartition des heures de travail et de repos adaptée aux particularités socioculturelles nationales ou régionales dont l' appréciation appartient, dans l' état actuel du droit communautaire, aux États membres.

Il convient de constater, en second lieu, que les effets restrictifs sur les échanges qui peuvent éventuellement découler d' une telle réglementation n' apparaissent pas comme excessifs au regard du but poursuivi.

Il convient donc de répondre à la première question que l' article 30 du traité doit être interprété en ce sens que l' interdiction qu' il prévoit ne s' applique pas à une réglementation nationale interdisant d' occuper des travailleurs salariés le dimanche. »

Il y a de l’autre côté des cas où la CJ se prononce elle-même contre la nécessité d’une loi qui entrave la LCM. Dans l’arrêt GB-INNO-BM, par exemple, [aff. 362/88, Rec. (1990) I-667] dans lequel la Cour a dû examiner une double interdiction luxembourgeoise, celle d'indiquer la durée d’une offre spéciale et celle de publier l’ancien prix. La CJ a écarté une telle loi de la façon suivante (attendus 11-21) :

« Selon la CCL et le gouvernement luxembourgeois, les deux interdictions en cause - celle d' indiquer la durée d' une offre spéciale et celle de publier l' ancien prix - sont justifiées par des raisons de protection des consommateurs . L' interdiction concernant la durée de l' offre spéciale aurait pour but d' éviter un risque de confusion entre les ventes spéciales et les soldes semestriels, limités dans le temps par la réglementation luxembourgeoise . L' interdiction de faire figurer l' ancien prix dans l' offre se justifierait par le fait que le consommateur ne serait, normalement, pas en mesure de contrôler la véracité d' un ancien prix de référence . Au surplus, l' affichage d' un ancien prix pourrait exercer sur le consommateur une pression psychologique excessive . Le gouvernement allemand partage, en substance, ce point de vue.
Celui-ci est contesté par GB-INNO-BM ainsi que par la Commission, qui signale que le consommateur moyennement averti sait que les soldes annuels ne sont pratiqués que deux mois par an . En ce qui concerne la comparaison des prix, la Commission donne un aperçu de législations nationales en la matière, pour en déduire que celles-ci ont pour point commun, exception faite des dispositions luxembourgeoises et allemandes, d' autoriser l' indication des deux prix, dès lors que le prix de référence est le prix réellement pratiqué .
Ainsi, le problème est soulevé de savoir si une législation nationale qui empêche le consommateur d' accéder à certaines informations peut être justifiée par l' intérêt de la protection des consommateurs .
Sur ce point, il y a lieu de rappeler, d' abord, que la politique communautaire en la matière établit un lien étroit entre la protection et l' information du consommateur . C' est ainsi que le "programme préliminaire" adopté par le Conseil en 1975 ( JO C 92, p . 1 ) prévoit la mise en oeuvre d' une politique "de protection et d' information des consommateurs ". Par résolution du 19 mai 1981 ( JO C 133, p . 1 ), le Conseil a approuvé un "deuxième programme de la Communauté économique européenne pour une politique de protection et d' information des consommateurs", dont les objectifs ont été confirmés par la résolution du Conseil du 23 juin 1986 concernant les futures orientations de la Communauté pour la protection et la promotion des intérêts des consommateurs ( JO C 167, p.1 ).
L' existence d' un lien entre la protection et l' information des consommateurs est expliquée par les "orientations générales" du deuxième programme . Elles soulignent que les mesures prises ou en cours d' élaboration, en application du programme préliminaire, contribuent à améliorer la situation du consommateur en protégeant sa santé, sa sécurité et ses intérêts économiques, en lui fournissant une information et une éducation appropriées et en lui permettant de s' exprimer sur les décisions qui le concernent . Ces mêmes mesures auraient également souvent pour effet de rapprocher les conditions de concurrence auxquelles doivent se conformer producteurs ou distributeurs .
Les orientations générales du deuxième programme précisent, ensuite, que le but de celui-ci est de poursuivre et d' approfondir l' action entreprise et, notamment, de contribuer à la création des conditions d' un meilleur dialogue entre consommateurs et producteurs-distributeurs . A cet effet, le programme définit "cinq droits fondamentaux" du consommateur, parmi lesquels figure le "droit à l' information et à l' éducation ". L' une des actions proposées dans le programme est l' amélioration de l' éducation et de l' information des consommateurs ( point 9, sous D ). La partie du programme qui fixe les principes qui doivent régir la protection des intérêts économiques des consommateurs comporte des passages visant à l' exactitude des informations fournies au consommateur, sans pourtant lui refuser l' accès à certains renseignements . C' est ainsi que, selon l' un de ces principes ( point 28, paragraphe 4 ), aucune forme de publicité ne doit induire en erreur l' acquéreur; tout auteur d' une publicité devrait être en mesure de "justifier par des moyens appropriés la véracité de ce qu' il a affirmé ".
Il y a lieu de rappeler, ensuite, que selon la jurisprudence de la Cour une interdiction d' importer certains produits dans un État membre est contraire à l' article 30 lorsque le but poursuivi par une telle interdiction peut également être atteint par un étiquetage du produit en cause qui serait susceptible de fournir les renseignements nécessaires au consommateur et de lui permettre ainsi de fixer son choix en toute connaissance de cause ( arrêts du 9 décembre 1981, Commission/Italie, 193/80, Rec . p . 3019, et du 12 mars 1987, Commission/République fédérale d' Allemagne, 178/84, Rec . p . 1227 ).
Il résulte de ce qui précède que le droit communautaire en matière de protection des consommateurs considère l' information de ceux-ci comme l' une des exigences principales . Dès lors, l' article 30 du traité ne saurait être interprété dans un sens impliquant qu' une législation nationale refusant l' accès des consommateurs à certaines informations puisse être justifiée par des exigences impératives tenant à la protection des consommateurs .
Par conséquent, les obstacles au commerce intracommunautaire résultant d' une réglementation nationale du type de celle qui est en cause dans le litige au principal ne sauraient être justifiés par des raisons tenant à la protection des consommateurs . Ils relèvent donc de l' interdiction prévue par l' article 30 du traité . Les exceptions à l' application de cette disposition qui figurent à l' article 36 n' y sont pas applicables; elles n' ont d' ailleurs pas été invoquées au cours de la procédure devant la Cour .
Dès lors que l' article 30 s' applique, il n' est pas nécessaire d' interpréter l' article 31 du traité, également évoqué par la question préjudicielle .
Il convient donc de répondre à la question posée que les articles 30 et 36 du traité CEE doivent être interprétés en ce sens qu' ils s' opposent à ce que soit appliquée à une action publicitaire qui à été légalement diffusée dans un autre État membre une réglementation nationale comportant une interdiction d' indiquer, dans la publicité commerciale relative à une offre spéciale d' achat, la durée de l' offre et l' ancien prix.»

Dans sa jurisprudence Yves Rocher [C-126/91, Rec. (1993) I-2361], la Cour a à nouveau écarté une loi nationale qui interdisait la comparaison des prix en invoquant la protection des consommateurs comme justification. Nous reproduisons ici les attendus 15-19 dudit arrêt :

« La protection des consommateurs contre la publicité trompeuse étant un but légitime au regard du droit communautaire, il y a lieu de vérifier, selon une jurisprudence constante, si les dispositions nationales sont aptes à réaliser l' objectif visé et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à cet effet.
A cet égard, il convient d' observer, d' abord, qu' une interdiction du type de celle en cause dans le litige au principal s' applique dès lors que les comparaisons de prix, qu' elles soient exactes ou non, captent le regard. Ainsi, cette interdiction ne s' applique pas aux comparaisons de prix qui ne sont pas accrocheuses. En l' espèce, la publicité n' est pas interdite à cause de sa prétendue fausseté, mais parce qu' elle est accrocheuse. Il s' ensuit que toute publicité accrocheuse utilisant les comparaisons des prix est interdite, qu' elle soit vraie ou fausse.
Par ailleurs, l' interdiction en cause va au-delà des exigences requises par l' objectif poursuivi dans la mesure où elle affecte des publicités dénuées de tout caractère trompeur contenant des comparaisons de prix réellement pratiqués, lesquelles peuvent être fort utiles pour permettre au consommateur de réaliser ses choix en pleine connaissance de cause.
Il convient d' ajouter qu' un examen comparé des législations des États membres montre que l' information et la protection du consommateur peuvent être assurées par des mesures qui ont des effets moins restrictifs sur les échanges intracommunautaires que celles visées dans le litige au principal (voir point 52 des conclusions de M. l' avocat général).
Il y a donc lieu de constater que l' interdiction du type de celle en cause dans le litige au principal n' est pas proportionnée à l' objectif poursuivi. »

Il y a toutefois, un bon nombre dans lesquels la CJ, tout en retenant le critère de nécessité comme standard d’appréciation de la conformité d’une législation nationale avec le droit communautaire, renvoie au juge national l’examen de cette nécessité. Cette attitude est présente, entre autres, dans certains des cas la jurisprudence « Sunday Trading » de la CJ (loi nationale qui interdisait le travail les dimanches). Dans l’arrêt Torfaen Borough Council [aff. 145/88, Rec. (1989) 3851], la CJ tout en rappelant le test de nécessité, indique qu’il appartient au juge national d’évaluer la nécessité de la législation nationale (attendus 13-16) :

« Dans ces conditions, il faut donc, dans un cas comme celui de la présente espèce, examiner, en premier lieu, si une réglementation telle que celle qui est en cause poursuit un but justifié au regard du droit communautaire . A cet égard, la Cour a déjà considéré, dans son arrêt du 14 juillet 1981, Oebel ( 155/80, Rec . p . 1993 ) qu' une réglementation nationale concernant les heures de travail, de livraison et de vente dans le secteur de la boulangerie et de la pâtisserie constitue un choix de politique économique et sociale légitime conforme aux objectifs d' intérêt général poursuivis par le traité .
La même considération doit s' appliquer en ce qui concerne les réglementations nationales régissant les horaires de vente au détail . De telles réglementations constituent en effet l' expression de certains choix politiques et économiques en ce qu' elles visent à assurer une répartition des heures de travail et de repos adaptée aux particularités socioculturelles nationales ou régionales dont l' appréciation appartient, dans l' état actuel du droit communautaire, aux États membres . Au surplus, de telles réglementations n' ont pas pour objet de régir les courants d' échanges entre ces États .
Il convient de vérifier, en second lieu, si les effets d' une telle réglementation nationale ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l' objectif visé . En effet, comme l' indique l' article 3 de la directive 70/50 de la Commission, du 22 décembre 1969 ( JO 1970, L 13, p . 29 ), les mesures nationales régissant la commercialisation des produits relèvent de l' interdiction de l' article 30 lorsque leurs effets restrictifs sur la libre circulation des marchandises dépassent le cadre des effets propres d' une réglementation de commerce .
La question de savoir si les effets d' une réglementation nationale déterminée restent effectivement dans ce cadre relève de l' appréciation des faits, qui appartient à la juridiction nationale. »


L'on retrouve la même attitude dans l’arrêt Delattre [369/88 Rec. (1991) I-1487]. Lors de ce litige, la Cour était confrontée à une loi nationale qui qualifiait de médicaments des produits qui n’étaient pas considérés comme tels dans une autre juridiction. Ladite qualification impliquait leur commercialisation uniquement par le biais de pharmaciens, ce qui entravait la LCM. Dans son attendu 60, la Cour invite le juge national à se prononcer sur la nécessité d’une telle mesure :

« Il y a donc lieu de répondre aux questions relatives au monopole des pharmaciens : - que, en l' état actuel du droit communautaire, la détermination des règles relatives à la distribution des produits pharmaceutiques demeure de la compétence des États membres, sous réserve du respect des dispositions du traité et, notamment, de celles concernant la libre circulation des marchandises;
- qu' un monopole, conféré aux pharmaciens d' officine, pour la distribution de médicaments ou d' autres produits peut constituer une entrave aux importations; - que, si un État membre choisit d' en réserver la distribution aux pharmaciens, une telle entrave est, en principe et sauf preuve contraire, justifiée en ce qui concerne les médicaments, au sens de la directive 65/65;
- que, s' agissant des autres produits, quelle que soit leur qualification en droit national, il appartient à la juridiction nationale de vérifier si le monopole conféré aux pharmaciens pour leur commercialisation est nécessaire à la protection de la santé publique ou des consommateurs et si ces deux objectifs ne peuvent pas être atteints par des mesures moins restrictives du commerce intracommunautaire . »

Nous pouvons tirer les conclusions suivantes :

La Cour n’explique nulle part quel est le critère de distinction entre les cas dans lesquels elle va elle-même juger la nécessité d’une loi nationale, et les cas dans lesquels elle renvoie cet exercice à la juridiction nationale. En effet, la lecture des litiges Sunday Trading rend impossible la recherche d'un tel critère : confrontée à deux lois identiques, la Cour s'est une fois elle-même prononcée sur la nécessité alors que l’autre elle a effectué un renvoi à la juridiction nationale pour que ce soit cette dernière qui adopte la décision finale. Peut-être le fait que Torfaen, qui précède chronologiquement Conforama, ait été bien acceptée a-t-il permis à la Cour de se montrer plus audacieuse lors du deuxième cas de Sunday Trading (mutatis mutandis cette remarque vaut également pour les cas dans lesquels la Cour était confrontée à des lois nationales limitant les points de vente de certaines marchandises) ;
La Cour, en appliquant le critère de nécessité a écarté des lois nationales lorsqu'elle se trouve face à des législations nationales manifestement dis-proportionnelles (interdiction de publicité pour les prix réduits) ou lorsque la communautarisation de quelques buts (telle que, la protection des consommateurs) prescrit en soi les mesures qui peuvent les servir.

(b) les cas dans lesquels la CJ n’a pas utilisé le critère de nécessité : il y a de l’autre côté, des cas dans lesquels la CJ n’a pas fait référence du tout au principe de nécessité et a jugé, de façon plutôt sommaire, la compatibilité des législations nationales avec le droit communautaire. Tout d’abord l’arrêt Oebel [aff. 155/80, Rec. (1981) 1993], dans lequel la CJ a dû faire face à une loi allemande qui interdisait le travail de nuit dans les boulangeries. Aux attendus 12-16 de cet arrêt, la CJ explique, sans se référer à la nécessité d’une telle action, qu’une interdiction pareille constitue un choix de politique économique et social légitime. La CJ n’explique cependant pas comment, dans les affaires qui lui seront soumises à l'avenir, elle opérera la distinction entre choix légitimes et illégitimes. Les similarités entre les différents litiges Sunday Trading sont frappantes, mais la Cour n'explique cependant pas les raisons de ces différentes approches:

« ON NE SAURAIT CONTESTER QUE L ' INTERDICTION DE FABRICATION AVANT QUATRE HEURES DU MATIN DANS LE SECTEUR DE LA BOULANGERIE ET DE LA PATISSERIE , CONSIDEREE COMME TELLE , CONSTITUE UN CHOIX DE POLITIQUE ECONOMIQUE ET SOCIALE LEGITIME , CONFORME AUX OBJECTIFS D ' INTERET GENERAL POURSUIVIS PAR LE TRAITE . EN EFFET , CETTE INTERDICTION VISE A AMELIORER LES CONDITIONS DE TRAVAIL DANS UN SECTEUR NOTOIREMENT SENSIBLE QUI EST CARACTERISE , DU POINT DE VUE DU PROCESSUS DE PRODUCTION , PAR DES PARTICULARITES TENANT TANT A LA QUALITE DES PRODUITS QU' AUX HABITUDES DES CONSOMMATEURS.
CES CIRCONSTANCES EXPLIQUENT QUE PLUSIEURS ETATS MEMBRES DE LA COMMUNAUTE AINSI QU ' UN CERTAIN NOMBRE D ' ETATS TIERS ONT SOUMIS LA FABRICATION PENDANT LA NUIT DANS CE SECTEUR A DES REGLEMENTATIONS COMPARABLES . IL CONVIENT A CET EGARD DE RELEVER NOTAMMENT LA CONVENTION N 20 DE L ' ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL , DU 8 JUIN 1925 , CONCERNANT LE TRAVAIL DE NUIT DANS LES BOULANGERIES , QUI INTERDIT , SOUS RESERVE DE CERTAINES EXCEPTIONS , LA FABRICATION PENDANT LA NUIT DU PAIN , DE LA PATISSERIE OU DE PRODUITS SIMILAIRES . LE PREVENU A SOUTENU QUE L ' INTERDICTION DE FABRIQUER DES PRODUITS DE LA BOULANGERIE ET DE LA PATISSERIE AVANT QUATRE HEURES DU MATIN CONSTITUE UNE ENTRAVE A L ' EXPORTATION , INTERDITE PAR L ' ARTICLE 34 DU TRAITE . CECI VAUDRAIT NOTAMMENT POUR LES PRODUITS QUI DOIVENT ETRE LIVRES FRAIS EN TEMPS UTILE POUR LE PETIT DEJEUNER ET QUI DOIVENT DONC ETRE FABRIQUES PENDANT LA NUIT PRECEDANT IMMEDIATEMENT LE JOUR DE LA VENTE . TOUTEFOIS , COMME LA COUR L ' A DEJA CONSTATE DANS SON ARRET DU 8 NOVEMBRE 1979 ( GROENVELD , 15/79 , RECUEIL P . 3409 ), L ' ARTICLE 34 VISE LES MESURES NATIONALES QUI ONT POUR OBJET OU POUR EFFET DE RESTREINDRE SPECIFIQUEMENT LES COURANTS D ' EXPORTATION ET D ' ETABLIR AINSI UNE DIFFERENCE DE TRAITEMENT ENTRE LE COMMERCE INTERIEUR D ' UN ETAT MEMBRE ET SON COMMERCE D ' EXPORTATION , DE MANIERE A ASSURER UN AVANTAGE PARTICULIER A LA PRODUCTION NATIONALE OU AU MARCHE INTERIEUR DE L ' ETAT INTERESSE . TEL N ' EST MANIFESTEMENT PAS LE CAS D ' UNE REGLEMENTATION COMME CELLE DE L ' ESPECE , QUI RELEVE DE LA POLITIQUE ECONOMIQUE ET SOCIALE ET QUI S ' APPLIQUE EN FONCTION DE CRITERES OBJECTIFS A L ' ENSEMBLE DES ENTREPRISES D ' UN SECTEUR DETERMINE , ETABLIES SUR LE TERRITOIRE NATIONAL , SANS CREER UNE DIFFERENCE DE TRAITEMENT QUELCONQUE EN RAISON DE LA NATIONALITE DES OPERATEURS ET SANS DISTINGUER ENTRE LE COMMERCE A L ' INTERIEUR DE L ' ETAT INTERESSE ET CELUI D ' EXPORTATION. »

Dans Blesgen [aff. 75/81, Rec. (1982) 1229], la Cour accepte comme légitime une loi belge qui interdit la vente de boissons alcooliques dans des hôtels, parce qu’à son avis, une telle loi n’a pas de lien avec le commerce inter-étatique. Nous reproduisons ci-après les attendus 8-11 de cet arrêt:

« PAR AILLEURS , SELON L ' ARTICLE 3 DE LA DIRECTIVE 70/50 DE LA COMMISSION , DU 22 DECEMBRE 1969 ( JO L 13 DU 19 . 1 . 1970 , P . 29 ), PORTANT SUPPRESSION DES MESURES D ' EFFET EQUIVALANT A DES RESTRICTIONS QUANTITATIVES A L ' IMPORTATION NON VISEES PAR D ' AUTRES DISPOSITIONS PRISES EN VERTU DU TRAITE CEE , RELEVENT EGALEMENT DE L ' INTERDICTION DE L ' ARTICLE 30 DU TRAITE LES MESURES NATIONALES REGISSANT LA COMMERCIALISATION DES PRODUITS , MEME INDISTINCTEMENT APPLICABLES AUX PRODUITS NATIONAUX ET AUX PRODUITS IMPORTES , LORSQUE LEURS EFFETS RESTRICTIFS SUR LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES DEPASSENT LE CADRE DES EFFETS PROPRES D ' UNE REGLEMENTATION DE COMMERCE. TEL N ' EST CEPENDANT PAS LE CAS D ' UNE DISPOSITION LEGISLATIVE QUI NE CONCERNE QUE LA VENTE EN VUE DE LA CONSOMMATION SUR PLACE DES ALCOOLS DE FORT DEGRE DANS TOUS LES ENDROITS ACCESSIBLES AU PUBLIC ET QUI NE CONCERNE PAS LES AUTRES FORMES DE COMMERCIALISATION DES MEMES BOISSONS . IL EST A NOTER , AU SURPLUS , QUE LES RESTRICTIONS IMPOSEES A LA VENTE DES BOISSONS SPIRITUEUSES CONCERNEES N ' ONT PAS POUR EFFET D ' ETABLIR UNE DISTINCTION QUELCONQUE SELON LA NATURE OU LA PROVENANCE DE CELLES-CI . UNE TELLE MESURE LEGISLATIVE N ' A DONC , EN REALITE , PAS DE LIEN AVEC L ' IMPORTATION DES PRODUITS ET , POUR CETTE RAISON , ELLE N ' EST PAS DE NATURE A ENTRAVER LE COMMERCE ENTRE ETATS MEMBRES. LES MEMES CONSIDERATIONS VALENT EGALEMENT POUR CE QUI EST DE L ' INTERDICTION DE DETENIR LES BOISSONS LITIGIEUSES DANS LES LOCAUX VOISINS DE L ' ETABLISSEMENT ACCESSIBLE AU PUBLIC . DANS LA MESURE OU CETTE DISPOSITION SE PRESENTE COMME ACCESSOIRE A CELLE DE L ' INTERDICTION DE CONSOMMATION SUR PLACE , ELLE NE PEUT AVOIR POUR EFFET DE RESTREINDRE LES IMPORTATIONS DES PRODUITS ORIGINAIRES DES AUTRES ETATS MEMBRES.
IL CONVIENT DONC DE REPONDRE A LA PREMIERE QUESTION QUE LA NOTION DE MESURES D ' EFFET EQUIVALANT A DES RESTRICTIONS QUANTITATIVES A L ' IMPORTATION , FIGURANT A L ' ARTICLE 30 DU TRAITE CEE , EST A COMPRENDRE EN CE SENS QUE NE RELEVE PAS DE L ' INTERDICTION PREVUE PAR CETTE DISPOSITION UNE MESURE NATIONALE INDISTINCTEMENT APPLICABLE AUX PRODUITS NATIONAUX ET IMPORTES, INTERDISANT LA CONSOMMATION , LA VENTE OU L ' OFFRE , MEME A TITRE GRATUIT , DE BOISSONS SPIRITUEUSES D ' UNE CERTAINE FORCE ALCOOLIQUE A CONSOMMER SUR PLACE , DANS TOUS LES ENDROITS ACCESSIBLES AU PUBLIC , AINSI QUE LA DETENTION DE TELLES BOISSONS TANT DANS LES LOCAUX OU SONT ADMIS LES CONSOMMATEURS QUE DANS LES AUTRES PARTIES DE L ' ETABLISSEMENT ET DANS L ' HABITATION Y ATTENANTE ET DANS LA MESURE OU CETTE INTERDICTION SE PRESENTE COMME ACCESSOIRE A CELLE DE L ' INTERDICTION DE CONSOMMER SUR PLACE . »

Finalement, dans Quietlynn [C-23/89, Rec. (1990) I-3059] la Cour a dû se prononcer sur la compatibilité d’une loi britannique visant à limiter le nombre des sex-shops, et interdisant la vente d'articles pornographiques dans des magasins qui n’avaient pas obtenu une licence à cet effet. La Cour, de façon sommaire, se prononce en faveur de la légitimité d’une telle loi dans les attendus 9 et 10 de cet arrêt reproduits ci-après :

« A titre liminaire, il convient de constater qu' une réglementation nationale interdisant la vente d' articles pornographiques par des boutiques non autorisées est indistinctement applicable aux produits importés et nationaux . Elle ne constitue donc pas une interdiction absolue de vendre les produits en cause, mais simplement une règle de distribution qui régit les points de vente par l' intermédiaire desquels les produits peuvent être commercialisés . En principe, la commercialisation des produits importés d' autres États membres n' est donc pas rendue plus difficile que celle des produits nationaux .
A cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà considéré, dans des situations similaires qui concernaient les modalités de commercialisation de certains produits, que l' article 30 du traité ne s' appliquait pas . Ainsi, dans son arrêt du 14 juillet 1981, Oebel ( 155/80, Rec . p . 1993 ), la Cour a jugé qu' une réglementation nationale concernant les heures de travail, de livraison et de vente dans le secteur de la boulangerie et de la pâtisserie était compatible avec l' article 30 du traité puisque les échanges intracommunautaires restaient en effet possibles à tout moment . De même dans son arrêt du 31 mars 1982, Blesgen ( 75/81, Rec . p . 1211 ), la Cour a estimé qu' une disposition législative qui ne concerne que la vente en vue de la consommation sur place des alcools de fort degré dans tous les endroits accessibles au public et qui ne concerne pas les autres formes de commercialisation des mêmes boissons n' a, en réalité, pas de lien avec l' importation des produits et, pour cette raison, n' est pas de nature à entraver le commerce entre États membres. »

Ces arrêts ne sont pas incompatibles quant au résultat avec la jurisprudence de la CJ citée ci-dessus : des lois qui restreignent les points de vente ou les heures de vente sont jugées compatibles avec le droit communautaire ; ils sont toutefois incompatibles avec la jurisprudence citée ci-dessus quant aux motifs utilisés, puisque la Cour ne fait ici aucune référence au principe de nécessité.

7.3.2 Dassonville ‘nouvelle formule’ : l’intensité des effets

Dans sa jurisprudence Yves Rocher [C-126/91, Rec. (1993) I-2389], la CJ a eu l’opportunité de se distancier de sa jurisprudence Dassonville relativement à encore un autre de ses aspects: dans Dassonville, la CJ s’est prononcée en faveur de la thèse qui veut écarter du champ de légalité communautaire même les pratiques nationales qui seulement potentiellement et/ou indirectement entravent la LCM. Dans sa jurisprudence Yves Rocher, la Cour explique que l’intensité des effets est impertinente afin d’établir une violation de l’art. 28 TCE ; mais que des effets simplement hypothétiques ne peuvent toutefois pas entraîner la non-conformité d’une loi nationale avec le cadre juridique communautaire. Nous citons les attendus 20 et 21 dudit arrêt :

« Le gouvernement allemand a encore fait valoir que l'interdiction en cause ne saurait être incompatible avec l'article 30 du traité, dans la mesure où elle ne provoque qu'une entrave marginale à la libre circulation des marchandises.
A cet égard, il convient de relever qu'à l'exception des règles ayant des effets simplement hypothétiques sur les échanges intercommunautaires, il est constant que l'article 30 du traité ne fait pas de distinction entre les mesures qui peuvent être qualifiées de mesures d'effet équivalant à une restriction quantitative selon l'intensité des effets qu'elles ont sur les échanges au sein de la Communauté. »


7.4 La troisième phase: entre RQ et discrimination, la jurisprudence Keck et Mithouard

La jurisprudence citée sous 7.3.1 démontre que la Cour, à la suite de Cassis de Dijon, commence à opérer une distinction entre les différentes entraves à la LCM. En gros, la Cour accepte comme légitimes les interventions réglementaires qui règlent les heures d’ouverture des magasins et la restriction de points de vente. Comme nous le verrons ci-après, des réglementations pareilles sont considérées comme des modalités de vente et seront, par conséquent, en principe exclues du champ d'application de l'art. 30 à la suite de la jurisprudence Keck et Mithouard.

Lors de son jugement dans l’affaire Keck et Mithouard [C-267 & 268/91, Rec. (1993) I-6097], la Cour a dû faire face à une législation française qui interdisait la vente à perte. Keck et Mithouard, deux individus, ont été accusés d’avoir violé ladite loi française. La question devant la Cour était dans quelle mesure une telle législation violait l’art. 30 (actuellement 28) du TCE. Nous reproduisons ci-dessus les attendus 13-18 dudit arrêt :

« Il est vrai qu' une telle législation est susceptible de restreindre le volume des ventes et, par conséquent, le volume des ventes des produits en provenance d' autres États membres dans la mesure où elle prive les opérateurs d' une méthode de promotion des ventes. Il y a lieu cependant de se demander si cette éventualité suffit pour qualifier la législation en cause de mesure d' effet équivalant à une restriction quantitative à l' importation.
Étant donné que les opérateurs économiques invoquent de plus en plus l' article 30 du traité pour contester toute espèce de réglementations qui ont pour effet de limiter leur liberté commerciale, même si elles ne visent pas les produits en provenance d' autres États membres, la Cour estime nécessaire de réexaminer et de préciser sa jurisprudence en la matière.
Il y a lieu de rappeler à cet égard que, conformément à la jurisprudence Cassis de Dijon (arrêt du 20 février 1979, Rewe-Zentral, 120/78, Rec. p. 649), constituent des mesures d' effet équivalent, interdites par l' article 30, les obstacles à la libre circulation des marchandises résultant, en l' absence d' harmonisation des législations, de l' application à des marchandises en provenance d' autres États membres, où elles sont légalement fabriquées et commercialisées, de règles relatives aux conditions auxquelles doivent répondre ces marchandises (telles que celles qui concernent leur dénomination, leur forme, leurs dimensions, leur poids, leur composition, leur présentation, leur étiquetage, leur conditionnement), même si ces règles sont indistinctement applicables à tous les produits, dès lors que cette application ne peut être justifiée par un but d' intérêt général de nature à primer les exigences de la libre circulation des marchandises.
En revanche, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce qui a été jugé jusqu' ici, n' est pas apte à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce entre les États membres, au sens de la jurisprudence Dassonville (arrêt du 11 juillet 1974, 8/74, Rec. p. 837), l' application à des produits en provenance d' autres États membres de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente, pourvu qu' elles s' appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national, et pourvu qu' elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d' autres États membres.
En effet, dès lors que ces conditions sont remplies, l' application de réglementations de ce type à la vente des produits en provenance d' un autre État membre et répondant aux règles édictées par cet État n' est pas de nature à empêcher leur accès au marché ou à le gêner davantage qu' elle ne gêne celui des produits nationaux. Ces réglementations échappent donc au domaine d' application de l' article 30 du traité.
Il y a donc lieu de répondre à la juridiction nationale que l' article 30 du traité CEE doit être interprété en ce sens qu' il ne s' applique pas à une législation d' un État membre interdisant de façon générale la revente à perte. «  (italiques de l’auteur).

Aux attendus 15 et 16 de cet arrêt, la CJ opère une distinction entre conditions et modalités de vente, selon laquelle les réglementations nationales tombant sous la première catégorie sont (en principe) jugées incompatibles avec l’art. 28 TCE, même si elles sont indistinctement applicables, tandis que les réglementations nationales tombant sous la deuxième catégorie sont jugées (en principe du moins) compatibles avec l’art. 28 TCE.

La CJ n’a pas précisé les définitions de conditions et de modalités de vente. Il paraît que des réglementations nationales qui règlent ‘qui’, ‘où’, ‘quand’ et ‘comment’ certains produits peuvent être vendus devraient être considérées comme modalités de vente.

Il faut tout de même être attentif à la dernière phrase de l’attendu 16: pour qu’une modalité soit jugée compatible avec l’art. 28 TCE, il faut qu’elle soit de jure et de facto non-discriminatoire (en ce qui concerne son application aux produits domestiques et importés).

La CJ a précisé que les modalités de vente non-discriminatoires échappent au champ d’application de l’art. 28 TCE. La CJ a notamment souligné dans son attendu 16 que cette nouvelle jurisprudence constitue un revirement par rapport à la jurisprudence Dassonville. Toutefois, cette jurisprudence n’est pas ‘tombée du ciel’ : des réglementations nationales pareilles étaient déjà jugées compatibles avec le droit communautaire lors de la jurisprudence Oebel, Sunday Trading, Blesgen, Quietlynn etc. En effet, dans Keck et Mithouard, la CJ cristallise une jurisprudence ad hoc qui est survenue dans les années post-Cassis de Dijon : en adoptant le terme modalités de vente, la Cour trouve un ‘chapeau’ pour institutionnaliser une jurisprudence de dix ans selon laquelle quelques réglementations nationales indistinctement applicables qui limitent le volume total de ventes et qui de façon indirecte entravent la LCM, sont jugées compatibles avec le droit communautaire.

Il est vrai tout de même qu’à quelques exceptions près (notamment Blesgen), de telles réglementations étaient certes souvent déjà acceptées auparavant mais elles étaient alors soumises à un test de nécessité parfois exercé au plan communautaire. On a alors quand même avec Keck et Mithouard une sorte de retour de souveraineté aux autorités nationales et dans ce sens là ladite jurisprudence va plus loin qu’une simple cristallisation d'une jurisprudence préexistante.

7.5 La jurisprudence post-Keck et Mithouard

L’arrêt Keck et Mithouard est un arrêt qui fait jurisprudence parce qu’il exclut, en principe, du champ d’application de l’art. 28 TCE les modalités de vente. La Cour, sagement, n’a pas proposé une liste exhaustive de modalités de vente. Elle laisse néanmoins entendre qu’elle a l'intention d'inclure dans cette catégorie de règles des mesures nationales qui indirectement influencent les échanges intra-communautaires. L’arrêt Keck Mithouard lui-même et la jurisprudence qui l'a suivi laissent entendre que la Cour classifie sous ‘modalités de vente’ les interventions réglementaires nationales qui ont pour but de fixer ‘qui’, ‘où’, ‘quand’ et ‘comment’ une marchandise peut être vendue.

Toutefois la jurisprudence post-Keck et Mithouard, répétant la jurisprudence antérieure, n’est pas absolument cohérente : la Cour a, dans la majorité écrasante des cas qui lui ont été soumis, essayé de donner une réponse en respectant le cadre d’analyse établi par Keck et Mithouard.

La Cour a cependant quelquefois essayé de dépasser le cadre d’analyse établi par Keck et Mithouard : la Cour démontre ainsi qu’elle n’est pas entièrement satisfaite par le test de compatibilité actuel et qu’elle n’a pas abandonné ses efforts tendant à développer davantage ses outils analytiques.

7.5.1 Des confirmations de Keck et Mithouard

Nous rappelons que selon la jurisprudence Keck et Mithouard une mesure nationale qui est considérée comme étant une modalité de vente est réputée ne pas constituer une violation de l’art. 28 TCE si deux conditions sont cumulativement remplies : (a) elle est applicable tant aux produits domestiques qu'importés et (b) elle affecte ces deux catégories de produits de la même façon. La Cour, appliquant ce test, a qualifié de dispositions régissant des modalités de vente, au sens de l'arrêt Keck et Mithouard, des dispositions concernant notamment le lieu et les horaires de vente de certains produits ainsi que la publicité faite à leur égard et certaines méthodes de commercialisation.

Dans sa jurisprudence Hünermund [C-292/92, Rec. (1993) I-6787], la Cour, aux atts. 21 et 22, accepte comme modalité de vente légitime une règle déontologique qui interdit aux pharmaciens de faire de la publicité en dehors de leur officine pour les produits para-pharmaceutiques qu’ils sont autorisés à offrir à la vente :

« A cet égard, il convient de rappeler que n' est pas apte à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce entre les États membres, au sens de la jurisprudence Dassonville, précitée, l' application à des produits en provenance d' autres États membres de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente, pourvu qu' elles s' appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national, et pourvu qu' elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d' autres États membres. Dès lors que ces conditions sont remplies, l' application de réglementations de ce type à la vente des produits en provenance d' un autre État membre et répondant aux règles édictées par cet État n' est pas de nature à empêcher leur accès au marché ou à le gêner davantage qu' elle ne gêne celui des produits nationaux. Ces réglementations échappent donc au domaine d' application de l' article 30 du traité (voir arrêt du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard, C-267/91 et C-268/91, Rec. p. 0000 au Recueil, points 16 et 17).

Or, s' agissant d' une réglementation telle que celle en cause dans l' affaire au principal, il convient de constater que ces conditions sont remplies pour l' application d' une règle déontologique, établie par une chambre professionnelle d' un État membre, qui interdit aux pharmaciens de son ressort territorial de faire de la publicité, en dehors de l' officine, pour les produits para-pharmaceutiques qu' ils sont autorisés à offrir à la vente. »

Dans l’arrêt Tankstation t’ Heukske et Boermans [C-401/92 & C-402/92, Rec. (1994) I-2199], la Cour, aux atts. 12 à 14, considère une réglementation nationale restreignant (pour un horaire bien précis) la vente de certains produits à quelques points de vente seulement comme une modalité de vente qui respecte les conditions de Keck et Mithouard :

« Il convient de rappeler également que n' est pas apte à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce entre les États membres, au sens de la jurisprudence Dassonville, précitée, l' application à des produits en provenance d' autres États membres de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente, pourvu qu' elles s' appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national, et pourvu qu' elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d' autres États membres. En effet, dès lors que ces conditions sont remplies, l' application de réglementations de ce type à la vente des produits en provenance d' un autre État membre et répondant aux règles édictées par cet État n' est pas de nature à empêcher leur accès au marché ou à le gêner davantage qu' elle ne gêne celui des produits nationaux. Ces réglementations échappent donc au domaine d' application de l' article 30 du traité (voir arrêt du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard, C-267/91 et C-268/91, Rec. p. I-6097, points 16 et 17).
S' agissant d' une réglementation telle que celle en cause dans l' affaire au principal, il y a lieu de constater que les conditions énoncées dans ce dernier arrêt sont remplies.
En effet, la réglementation dont il s' agit concerne les circonstances de temps et de lieu dans lesquelles les marchandises en cause peuvent être vendues aux consommateurs. D' autre part, elle s' applique, sans distinguer selon l' origine des produits en cause, à tous les opérateurs concernés et n' affecte pas la commercialisation des produits en provenance d' autres États membres d' une manière différente de celle des produits nationaux. »


Dans TK-Heimdienst [C-254/98, Rec. (2000) I-151], la Cour a écarté comme ne remplissant pas les deux critères de Keck et Mithouard une réglementation autrichienne (atts. 24-31) :

« …telle que l'article 53a, paragraphe 2, de la GewO, qui prévoit que les boulangers, bouchers et commerçants en produits alimentaires ne peuvent pratiquer la vente ambulante dans une circonscription administrative donnée, telle qu'un Verwaltungsbezirk autrichien, que s'ils exercent aussi leur activité commerciale dans un établissement fixe, dans lequel ils proposent également les marchandises offertes à la vente ambulante, situé dans cette circonscription administrative ou dans une commune limitrophe, concerne les modalités de vente de certaines marchandises, en ce qu'elle détermine les zones géographiques dans lesquelles chacun des opérateurs concernés peut commercialiser ses marchandises par cette méthode de vente.
En revanche, elle n'affecte pas de la même manière la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d'autres États membres.

En effet, une telle réglementation impose aux boulangers, bouchers et commerçants en produits alimentaires ayant déjà un établissement fixe dans un autre État membre, qui souhaitent commercialiser leurs marchandises par la vente ambulante dans une circonscription administrative donnée, telle qu'un Verwaltungsbezirk autrichien, d'ouvrir ou d'acquérir un autre établissement fixe dans cette circonscription administrative ou dans une commune limitrophe, alors que les opérateurs économiques locaux, eux, répondent déjà au critère de l'établissement fixe. Par conséquent, pour que les produits en provenance d'autres États membres puissent avoir le même accès au marché de l'État membre d'importation que les produits nationaux, ils doivent supporter des coûts supplémentaires (voir, en ce sens, arrêts précités Legia et Gyselinx, point 15, et Franzén, point 71).

Cette conclusion ne saurait être infirmée par le fait que, pour chaque partie donnée du territoire national, la réglementation affecte aussi bien l'écoulement des produits provenant des autres parties du territoire national que celui des produits importés des autres États membres (voir arrêt du 15 décembre 1993, Ligur Carni e.a., C-277/91, C-318/91 et C-319/91, Rec. p. I-6621, point 37). Pour qu'une mesure étatique puisse être qualifiée de discriminatoire ou protectrice au sens des règles relatives à la libre circulation des marchandises, il n'est pas nécessaire que cette mesure ait pour effet de favoriser l'ensemble des produits nationaux ou de ne défavoriser que les seuls produits importés à l'exclusion des produits nationaux (voir arrêt du 25 juillet 1991, Aragonesa de Publicidad Exterior et Publivía, C-1/90 et C-176/90, Rec. p. I-4151, point 24).
Dans ces conditions, il est sans pertinence de savoir si, comme l'affirme le Schutzverband, la réglementation nationale en cause est également applicable aux opérateurs économiques ayant un établissement fixe dans une commune limitrophe située dans un autre État membre. En effet, même si tel était le cas, son caractère restrictif ne saurait disparaître pour la seule raison que, sur une partie du territoire de l'État membre concerné, à savoir dans la zone frontalière, cette réglementation affecte de la même manière la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d'autres États membres.

Il en résulte que, bien qu'elle soit applicable à tous les opérateurs agissant sur le territoire national, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal gêne en fait davantage l'accès au marché de l'État importateur des produits en provenance d'autres États membres qu'elle ne gêne celui des produits nationaux (voir, en ce sens, arrêt du 10 mai 1995, Alpine Investments, C-384/93, Rec. p. I-1141, point 37).
Les effets restrictifs d'une telle réglementation ne sauraient, contrairement à ce qu'a soutenu le Schutzverband, être considérés comme trop aléatoires et trop indirects pour que l'obligation qu'elle édicte ne puisse être regardée comme étant de nature à entraver le commerce entre États membres. Il suffit, à cet égard, de constater que les marchandises en provenance des autres États membres ne pourraient jamais être offertes à la vente ambulante dans une circonscription administrative, telle qu'un Verwaltungsbezirk autrichien, située dans une zone non frontalière.

Il s'ensuit qu'une réglementation nationale interdisant aux bouchers, boulangers et commerçants en produits alimentaires de pratiquer la vente ambulante dans une circonscription administrative donnée, telle qu'un Verwaltungsbezirk autrichien, s'ils n'exercent pas aussi leur activité commerciale dans un établissement fixe, dans lequel ils proposent également les marchandises offertes à la vente ambulante, situé dans cette circonscription administrative ou dans une commune limitrophe, est susceptible d'entraver le commerce intracommunautaire. »
Dans son arrêt De Agostini et TV-Shop [C-34 à 36/95, Rec. (1997) I-3843], la Cour a examiné dans quelle mesure une interdiction de publicité en Suède restreignait de la même façon la commercialisation des produits importés et domestiques. Ayant conclu sur l’applicabilité du test Keck et Mithouard, la Cour a d’abord conclu que la publicité constitue une modalité de vente, que la première condition du test était remplie et est ensuite passée à l'examen de la seconde condition :(atts. 42-45) :

« Quant à la seconde, il ne saurait être exclu qu'une interdiction totale, dans un État membre, d'une forme de promotion d'un produit, qui y est licitement vendu, ait un impact plus important sur les produits en provenance d'autres États membres.
Même si l'efficacité des différents modes de promotion est une question de fait dont l'appréciation incombe, en principe, à la juridiction de renvoi, il convient de relever à cet égard que, dans ses observations, De Agostini a soutenu que la publicité télévisée était la seule forme de promotion efficace qui lui permettait de pénétrer le marché suédois, étant donné qu'elle ne disposait pas d'autres procédés publicitaires pour atteindre les enfants et leurs parents.
Dès lors, l'interdiction totale de la publicité visant les enfants de moins de 12 ans et de la publicité trompeuse au sens de la législation suédoise ne relève pas de l'article 30 du traité, à moins qu'il ne soit démontré que cette interdiction n'affecte pas de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d'autres États membres.

Dans cette dernière hypothèse, il appartiendrait à la juridiction de renvoi de vérifier si l'interdiction est nécessaire pour satisfaire à des exigences impératives tenant à l'intérêt général ou à l'un des objectifs énumérés à l'article 36 du traité CE, si elle est proportionnée à cet effet et si ces objectifs ou exigences impératives n'auraient pu être atteints par des mesures restreignant d'une manière moindre les échanges intracommunautaires. »

Cette jurisprudence accepte le principe que l’interdiction de publicité peut restreindre davantage l'accès au marché des produits importés qui cherchent encore à le pénétrer qu'elle ne restreint celui des produits domestiques. Dans son arrêt Gourmet International Products [C-405/98, Rec. (2001) I-1795], la Cour, appliquant toujours le test Keck et Mithouard, conclue qu’une interdiction totale de publicité pour les boissons alcooliques frappe davantage les produits importés (atts. 19-25) :
« La Cour a également jugé, au point 42 de son arrêt du 9 juillet 1997, De Agostini et TV-Shop (C-34/95 à C-36/95, Rec. p. I-3843), qu'il ne saurait être exclu qu'une interdiction totale, dans un État membre, d'une forme de promotion d'un produit, qui y est licitement vendu, ait un impact plus important sur les produits en provenance d'autres États membres.

Or, il apparaît qu'une interdiction de la publicité telle que celle en cause au principal non seulement prohibe une forme de promotion d'un produit, mais interdit en réalité aux producteurs et importateurs toute diffusion de messages publicitaires en direction des consommateurs, à quelques exceptions près qui sont négligeables.
Sans même qu'il soit nécessaire de mener à bien une analyse précise des circonstances de fait caractéristiques de la situation suédoise, qu'il appartiendrait au juge national d'effectuer, la Cour est en mesure de constater que, s'agissant de produits, comme les boissons alcooliques, dont la consommation est liée à des pratiques sociales traditionnelles ainsi qu'à des habitudes et des usages locaux, une interdiction de toute publicité à destination des consommateurs par voie d'annonces dans la presse, à la radio et à la télévision, par envoi direct de matériel non sollicité ou par affichage sur la voie publique est de nature à gêner davantage l'accès au marché des produits originaires d'autres États membres que celui des produits nationaux, avec lesquels le consommateur est spontanément mieux familiarisé.
Les indications données par le KO et par le gouvernement suédois quant à la progression relative en Suède de la consommation de vin et de whisky, principalement importés, par rapport à d'autres produits comme la vodka, principalement d'origine suédoise, ne permettent pas d'invalider cette constatation. En effet, d'une part, il ne peut être exclu que, en l'absence de la législation en cause au principal, l'évolution signalée eût été plus forte; d'autre part, ces indications ne prennent en compte qu'une partie des boissons alcooliques et laissent en particulier de côté la consommation de bière.

Il y a lieu de relever, en outre, que, si des publications contenant des annonces publicitaires peuvent être distribuées sur les lieux de vente, Systembolaget AB, société par actions entièrement détenue par l'État suédois, qui détient le monopole de la vente au détail en Suède, ne diffuse en réalité dans ses points de vente que son propre magazine.

Enfin, la législation suédoise n'interdit pas la «publicité rédactionnelle», c'est-à-dire la mise en valeur, dans des articles faisant partie du contenu éditorial de la publication, de produits pour lesquels l'insertion d'annonces commerciales directes est interdite. La Commission observe à juste titre que, pour diverses raisons, notamment d'ordre culturel, les producteurs nationaux ont un accès plus facile à ce procédé publicitaire que leurs concurrents établis dans d'autres États membres. Cette circonstance est propre à aggraver le déséquilibre inhérent à l'interdiction absolue de la publicité directe.

Une interdiction de la publicité telle que celle en cause au principal doit donc être considérée comme affectant plus lourdement la commercialisation des produits originaires d'autres États membres que celle des produits nationaux et comme constituant, par conséquent, une entrave au commerce entre les États membres entrant dans le champ d'application de l'article 30 du traité. »

Dans son jugement Herbert Karner Industrie [C-71/02, Rec. (2004)], la Cour a dû répondre à la question suivante (att. 17) :

«Convient-il d'interpréter l'article 28 CE en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui, indépendamment du caractère véridique de l'information, interdit toute référence au fait que la marchandise provient d'une faillite, lorsque, dans des avis au public ou des informations destinées à un nombre important de personnes, est annoncée la vente de marchandises qui sont issues d'une faillite, mais ne font plus partie de la masse de la faillite?»


La Cour a accepté que ladite réglementation constituait une modalité de vente qui remplissait les deux conditions reflétées dans Keck et Mithouard pour les raisons suivantes (atts. 37-43) :

« La Cour a précisé, au point 16 de l'arrêt Keck et Mithouard, précité, que des dispositions nationales limitant ou interdisant certaines modalités de vente qui, d'une part, s'appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national et, d'autre part, affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d'autres États membres ne sont pas aptes à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce entre les États membres, au sens de la jurisprudence inaugurée par l'arrêt Dassonville, précité.

Par la suite, la Cour a qualifié de dispositions régissant des modalités de vente au sens de l'arrêt Keck et Mithouard, précité, des dispositions concernant notamment le lieu et les horaires de vente de certains produits ainsi que la publicité faite à leur égard et certaines méthodes de commercialisation (voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1993, Hünermund e.a., C292/92, Rec. p. I6787, points 21 et 22; du 2 juin 1994, Tankstation t Heukske et Boermans, C401/92 et C402/92, Rec. p. I2199, points 12 à 14, et TKHeimdienst, précité, point 24).
Il convient de rappeler que l'article 30, paragraphe 1, de l'UWG vise à réglementer les références publicitaires qui peuvent être faites à l'égard de l'origine commerciale des marchandises provenant d'une faillite lorsqu'elles ne font plus partie de la masse de celle-ci. Dans ces conditions, il y a lieu de constater qu'une telle disposition ne porte pas sur les conditions auxquelles doivent répondre ces marchandises, mais régit la commercialisation de celles-ci. Par conséquent, elle doit être considérée comme portant sur des modalités de vente au sens de l'arrêt Keck et Mithouard, précité.
Ainsi qu'il ressort de l'arrêt Keck et Mithouard, précité, une telle modalité de vente ne peut cependant échapper à l'interdiction prévue à l'article 28 CE que si elle satisfait aux deux conditions énoncées au point 37 du présent arrêt.
En ce qui concerne la première de ces conditions, il convient de relever que l'article 30, paragraphe 1, de l'UWG s'applique indistinctement à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire autrichien, qu'ils soient nationaux ou étrangers.
S'agissant de la seconde condition, il convient de relever que l'article 30, paragraphe 1, de l'UWG ne prévoit pas, contrairement aux dispositions nationales en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 9 juillet 1997, De Agostini et TV-Shop (C34/95 à C36/95, Rec. p. I3843), et du 8 mars 2001, Gourmet International Products (C405/98, Rec. p. I1795), une interdiction totale d'une forme de promotion, dans un État membre, d'un produit qui y est licitement vendu. Elle interdit seulement de faire référence, en s'adressant à un nombre important de personnes, au fait qu'une marchandise provient d'une faillite si cette marchandise ne fait plus partie de la masse de celle-ci, et ce pour des motifs relatifs à la protection des consommateurs. S'il est vrai qu'une telle interdiction est, en principe, susceptible de restreindre le volume total des ventes dans l'État membre considéré et, par conséquent, de diminuer également le volume des ventes de marchandises en provenance d'autres États membres, elle n'affecte cependant pas plus lourdement la commercialisation des produits originaires de ces derniers que celle des produits nationaux. En tout état de cause, aucun élément du dossier transmis à la Cour par la juridiction de renvoi ne permet d'établir que telle serait l'effet de ladite interdiction.

Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 66 de ses conclusions, les deux conditions prévues par l'arrêt Keck et Mithouard, précité, telles que rappelées au point 37 du présent arrêt, sont pleinement satisfaites dans l'affaire au principal. Dès lors, une disposition nationale telle que l'article 30, paragraphe 1, de l'UWG n'est pas frappée par l'interdiction édictée à l'article 28 CE. »



7.5.2 Les efforts de restreindre Keck et Mithouard

Les années après Keck et Mithouard, la Cour a, à deux reprises, en effet restreint le champ d’application dudit arrêt en ajoutant une condition : pour qu’une modalité de vente soit compatible avec le TCE, il faut qu’elle n’empêche pas l’approvisionnement d’un marché.

Dans ce sens-là, dans son jugement Commission c. Grèce [C- 391/92, Rec. (1995) I-1621] la Cour se prononce de la façon suivante (atts. 20-21):

« Il résulte des développements qui précèdent que la réglementation hellénique mise en cause par la Commission se borne à limiter les lieux de distribution des produits concernés en réglementant leur commercialisation, sans empêcher pour autant l' accès au marché de produits en provenance d' autres États membres ou les désavantager spécifiquement. 

Dans ces conditions, la réglementation hellénique qui réserve la vente des laits transformés du premier âge en principe aux seules pharmacies échappe au domaine d' application de l' article 30 du traité, de sorte que le recours de la Commission doit être rejeté.»

La Cour est allée bien plus loin dans sa jurisprudence Banchero [C-387/93, Rec. (1995) I-4663]. Lors de son jugement la Cour ne se contente pas d'écarter les modalités de vente qui empêchent l’approvisionnement d’un marché ; elle en fait de même à propos des modalités qui compromettent un approvisionnement satisfaisant du marché d’importation (att. 39) :

« Cependant, il ne ressort pas du dossier que les autorisations d' exploitation des débits soient limitées au point de compromettre un approvisionnement satisfaisant des consommateurs en tabacs nationaux ou importés. Le gouvernement italien a précisé, en réponse à une question posée par la Cour, que la législation litigieuse tend à garantir une répartition géographique optimale des détaillants, compte tenu notamment de préoccupations d' aménagement du territoire et de proximité des débits par rapport aux points de concentration de la clientèle. »

Cette jurisprudence est difficilement conciliable avec Keck et Mithouard qui ne rend pas incompatible avec le TCE les modalités de vente qui, ni de jure ni de facto, discriminent en faveur de la production nationale. Keck et Mithouard impose un critère de discrimination aux modalités pour qu’elles soient compatibles avec le TCE. Par le biais des deux arrêts présentés ci-dessus, la Cour va plus loin et elle est prête à déclarer l’illicéité des modalités qui, même si elles sont non-discriminatoires, empêchent, voir rendent moins que satisfaisant, l’approvisionnement du marché pertinent.

A vrai dire, ces deux arrêts restent tout de même exceptionnels. Dans la majorité écrasante des arrêts post-Keck et Mithouard, la Cour n’a fait référence qu’au critère de la discrimination pour se prononcer sur la compatibilité d’une modalité de vente avec le TCE.

7.5.3 Les efforts de dépasser Keck et Mithouard

Dans son arrêt Ligur Carni, [C-277, 318 & 319/91, Rec. (1993) I-6621], la Cour a fait face à une réglementation communale italienne selon laquelle les produits domestiques et les produits importés devaient passer par l’abattoir communal pour être transportés à leur lieu de destination finale. Une telle loi, pouvait être considérée comme une modalité de vente non-discriminatoire, dans le sens de l’arrêt Keck et Mithouard. Toutefois, la CJ, sans faire appel au test établi dans Keck et Mithouard, estime qu’une telle législation est incompatible avec le droit communautaire (attendus 33-38) :

« Par ses deux dernières questions, soulevées dans le cadre du litige opposant l' entreprise Ponente SpA à la société CO.GE.SE.MA. (affaire C-318/91), la juridiction nationale vise en substance à savoir si l' interdiction faite, par la réglementation d' une commune d' un État membre, à un importateur de viandes fraîches, d' assurer par ses propres moyens sur le territoire de la commune en question le transport et la livraison de ses marchandises, à moins qu' il ne verse à une entreprise locale le montant correspondant aux services que celle-ci rend dans le cadre d' une concession exclusive en matière de manutention dans l' abattoir communal, de transport et de livraison des marchandises en question, est contraire aux articles 30, 52 et 59 du traité et si ces dispositions ont effet direct.

Il convient de préciser à titre liminaire que ces questions ne portent pas sur la légalité de la concession exclusive, en tant que telle, accordée à une entreprise locale dans le secteur considéré.

Il y a lieu de rappeler ensuite que l' article 30 du traité prohibe les restrictions quantitatives à l' importation ainsi que toute mesure d' effet équivalent entre États membres. Selon une jurisprudence constante, pour tomber sous l' interdiction de cette disposition, il suffit que les mesures en question soient susceptibles d' entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, les importations entre États membres. L' interdiction ainsi énoncée vise donc tout type d' entrave qui risque d' avoir un effet préjudiciable sur la libre circulation des marchandises, fût-il indirect ou potentiel.

Constitue une telle entrave aux importations le fait qu' une réglementation communale d' un État membre oblige les opérateurs important dans la commune des viandes fraîches, de passer par l' abattoir communal pour confier le transport et la livraison de leurs marchandises au lieu de destination finale à une entreprise locale, bénéficiaire d' une concession exclusive en matière d' exécution des travaux considérés, et permet aux opérateurs concernés d' effectuer eux-mêmes le transport et la livraison de leurs marchandises moyennant le paiement d' un certain montant à l' entreprise concessionnaire.

Cette conclusion n' est pas infirmée par la considération que la mesure en cause est limitée au territoire d' une commune d' un État membre. Ainsi que la Cour l' a dit dans son arrêt du 25 juillet 1991, Aragonesa de Publicidad (C-1/90 et C-176/90, Rec. p.I-4179, point 24), lorsqu' elle a un champ d' application territorial limité parce qu' elle ne s' applique que sur une partie du territoire national, une mesure étatique ne saurait échapper à la qualification de mesure discriminatoire ou protectrice au sens des règles relatives à la libre circulation des marchandises, au prétexte qu' elle affecte aussi bien l' écoulement des produits provenant des autres parties du territoire national que celui des produits importés des autres États membres.
De même, il est indifférent que la mesure considérée soit, en principe, indistinctement applicable aux produits nationaux et importés, dès lors qu' elle a pour effet de rendre plus onéreuses et plus difficiles les importations de marchandises en provenance d' autres États membres (voir arrêts du 25 juillet 1991, Aragonesa, précité, et du 10 décembre 1991, Merci, C-179/90, Rec. p. 5889). »


Dans sa jurisprudence Leclerc-Siplec [C-412/93, Rec. (1995) I-179], la Cour rejette de façon explicite la possibilité d’utiliser le cadre d’analyse établi dans Keck et Mithouard. Ici, la Cour a expérimenté un critère autre que la distinction entre conditions et modalités de vente pour justifier comme compatible avec le droit communautaire une interdiction de publicité. A son avis, il est peut-être vrai qu’une interdiction de publicité est presque toujours plus onéreuse pour les produits importés. La Cour ne le mentionne pas, mais cette conclusion est fort probablement renforcée si le pays qui interdit la publicité a une attitude non-libérale relativement à l’investissement étranger. L’AG Jacobs, dans ses conclusions, est prêt à accepter comme légitime une interdiction de publicité vu les effets de minimis qu’une telle mesure peut produire sur le marché (à vrai dire, sans une analyse du marché, il est pratiquement impossible d’exclure que les effets d’une telle mesure puissent être substantiels). Nous reproduisons ci-après le passage illustrant sa compréhension de l’utilité d’un tel critère (attendus 42-46), dans lequel il précise tout de même que ce critère ne peut être applicable que dans le cas de mesures indistinctement applicables :

« Si le principe est que toutes les entreprises devraient avoir libre accès à l' ensemble du marché communautaire, le critère approprié est alors à notre avis de savoir s' il existe une restriction substantielle à cet accès. Cela reviendrait évidemment à introduire un critère de minimis dans l' article 30. A partir du moment où on reconnaît la nécessité de limiter la portée de l' article 30 pour empêcher un trop grand empiétement sur les pouvoirs réglementaires des États membres, un critère fondé sur l' étendue de l' obstacle au commerce entre États membres que cause une mesure en limitant l' accès au marché paraît être la solution la plus évidente. En réalité, il est peut-être surprenant que, au vu de l' objectif avoué d' empêcher un recours excessif à l' article 30, la Cour n' ait pas opté pour une telle solution dans l' arrêt Keck et Mithouard. La raison en est peut-être qu' elle craignait qu' un critère de minimis appliqué à toutes les mesures affectant le commerce des marchandises n' incite les juridictions nationales, responsables à titre premier de l' application de l' article 30, à exclure de trop nombreuses mesures de l' interdiction prévue par cette disposition. Il convient donc d' être prudent, et l' introduction d' un critère de minimis nécessiterait une définition soigneuse des circonstances dans lesquelles il s' appliquerait.
Il est clair qu' il ne serait pas approprié d' appliquer un critère de minimis à des mesures qui opèrent une discrimination ouverte à l' égard de marchandises en provenance d' autres États membres. Pareilles mesures sont interdites par l' article 30 (à moins d' être justifiées par l' article 36) même si leur effet sur le commerce intracommunauntaire est faible: les mesures qui opèrent une discrimination ouverte sont interdites en soi.
Ce n' est qu' à l' égard de mesures qui sont applicables sans distinction aux produits nationaux et à ceux en provenance d' autres États membres qu' il serait nécessaire de poser comme condition que la restriction actuelle ou potentielle à l' accès au marché soit substantielle. L' impact sur l' accès au marché de mesures applicables sans distinction peut varier fortement selon la nature de la mesure en question. Lorsque cette mesure interdit la vente de marchandises légalement commercialisées dans un autre État membre (comme dans l' affaire "Cassis de Dijon"), on peut présumer qu' elle a un impact substantiel sur l' accès au marché, étant donné que, ou bien on leur refuse complètement l' accès au marché, ou ces marchandises n' y ont accès qu' après avoir subi certaines modifications; la nécessité de modifier les produits est en elle-même un obstacle substantiel à l' accès au marché.

Lorsque, d' un autre côté, une mesure applicable sans distinction limite simplement certaines modalités de vente en stipulant quand, où, comment, par qui ou à quel prix les marchandises peuvent être vendues, son impact dépendra d' un certain nombre de facteurs, tels que le fait de savoir si elle s' applique à certains produits (comme dans les affaires Blesgen, Buet et EBS ou Quietlynn et Richards), ou à la plupart d' entre eux (comme dans l' affaire Torfaen), ou à toutes les marchandises (comme dans l' affaire Keck et Mithouard), s' il est possible de recourir à d' autres modalités de vente et si l' effet de la mesure est direct ou indirect, immédiat ou lointain, ou purement hypothétique (36) et aléatoire (37). En conséquence, la portée de l' obstacle à l' accès au marché peut varier énormément: elle peut aller d' une interdiction insignifiante à une quasi-interdiction. C' est clairement dans ce cas qu' un critère de minimis pourrait remplir une fonction utile. La distinction établie dans l' arrêt Keck et Mithouard entre une interdiction de la nature en cause dans l' affaire "Cassis de Dijon" et une simple restriction sur certaines modalités de vente est donc précieuse: la première crée inévitablement une entrave substantielle au commerce entre États membres, alors que dans le cas de la seconde il ne s' agit que d' une possibilité. On ne peut cependant pas soutenir que ce dernier type de mesure ne peut pas affecter le commerce de manière contraire à l' article 30 en l' absence de discrimination. Il y aurait donc lieu d' admettre que, à moins d' opérer une discrimination ouverte, ces mesures ne relèvent pas automatiquement de l' article 30, contrairement à des mesures du type de celles en cause dans l' affaire "Cassis de Dijon", mais qu' elles peuvent en relever si la restriction qu' elles imposent à l' accès au marché est substantielle.
On pourrait objecter que l' approche préconisée ci-dessus est contraire à un certain nombre d' arrêts dans lesquels la Cour a expressément rejeté l' idée qu' une mesure soit exclue du domaine de l' article 30 parce que son effet sur les importations est faible. Néanmoins, dans la plupart de ces cas, la mesure en question était manifestement discriminatoire comme dans les affaires Prantl (38), Commission/France (39) et Commission/Italie (40); et dans cette dernière l' effet de la mesure a en tout état de cause été jugé substantiel (41). Il est vrai que dans l' arrêt Van de Haar et Kaveka de Meern (42), la Cour a rejeté un critère de minimis à l' égard d' une mesure applicable sans distinction (à savoir une réglementation de prix); toutefois, elle l' a fait purement dans l' abstrait et a jugé, dans le même arrêt, qu' une réglementation imposant les prix n' est contraire à l' article 30 que si les prix sont fixés à un niveau propre à empêcher les produits importés d' être commercialisés de manière rentable ou à annuler un avantage de concurrence dont jouit le fabricant de produits importés. Cela revient, en définitive, presque au même que de dire que l' article 30 ne s' applique que s' il existe un obstacle substantiel à l' accès au marché. »

La CJ n’a pas répété dans son jugement le terme de minimis évoqué par l’AG. Dans son attendu 20, elle fait cependant une référence oblique à ce sujet. Nous reproduisons ci-après les attendus 18-24 :

« Selon une jurisprudence constante, constitue une mesure d' effet équivalant à une restriction quantitative toute mesure susceptible d' entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire (arrêt du 11 juillet 1974, Dassonville, 8/74, Rec. p. 837, point 5).

Une mesure législative ou réglementaire telle que celle en cause au principal, qui interdit la publicité télévisée dans le secteur de la distribution, n' a pas pour objet de régir les échanges de marchandises entre les États membres. Par ailleurs, cette interdiction n' affecte pas la possibilité pour les distributeurs d' utiliser d' autres formes de publicité.

Il est vrai qu' une telle interdiction est susceptible de restreindre le volume des ventes et, par conséquent, le volume des ventes des produits en provenance d' autres États membres, dans la mesure où elle prive les distributeurs d' une certaine forme de promotion des produits distribués. Il y a lieu cependant de se demander si cette éventualité suffit pour qualifier l' interdiction en cause de mesure d' effet équivalant à une restriction quantitative à l' importation, au sens de l' article 30 du traité.
A cet égard, il convient de rappeler que n' est pas apte à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce entre les États membres, au sens de la jurisprudence Dassonville, précitée, l' application à des produits en provenance d' autres États membres de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente, pourvu qu' elles s' appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national, et pourvu qu' elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d' autres États membres. Dès lors que ces conditions sont remplies, l' application de réglementations de ce type à la vente des produits en provenance d' un autre État membre et répondant aux règles édictées par cet État n' est pas de nature à empêcher leur accès au marché ou à le gêner davantage qu' elle ne gêne celui des produits nationaux. Ces réglementations échappent donc au domaine d' application de l' article 30 du traité (voir arrêts du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard, C-267/91 et C-268/91, Rec. p. I-6097, points 16 et 17, et du 15 décembre 1993, Huenermund e.a., C-292/92, Rec. p. I-6787, point 21).
Or, s' agissant d' une disposition telle que celle en cause au principal, il convient de constater qu' elle concerne des modalités de vente en ce qu' elle interdit une certaine forme de promotion (publicité télévisée) d' une certaine méthode de commercialisation (distribution) de produits.

En outre, ces dispositions, qui s' appliquent sans distinguer selon les produits à tous les opérateurs économiques dans le secteur de la distribution, même s' ils sont à la fois producteurs et distributeurs, n' affectent pas la commercialisation des produits en provenance d' autres États membres d' une manière différente de celle des produits nationaux.
Dans ces conditions, il y a lieu de répondre que l' article 30 du traité doit être interprété en ce sens qu' il ne s' applique pas au cas où un État membre, par voie législative ou réglementaire, interdit la diffusion de messages publicitaires télévisés en faveur du secteur économique de la distribution (italiques de l’auteur). »


Post-Keck et Mithouard, la Cour continue à faire évoluer sa jurisprudence. Les arrêts susmentionnés démontrent que

la CJ est parfaitement consciente du fait qu’il ne faut pas considérer que la classification d’une mesure nationale sous l’intitulé ‘modalités de vente’ met ladite mesure à l’abri de toute question de compatibilité avec le cadre communautaire. La Cour procède à un examen de la modalité en cause pour voir dans quelle mesure elle respecte les deux conditions de Keck et Mithouard ;

la CJ continue sa quête de nouveaux critères qui pourraient lui être utiles lors de ses jugements dans le domaine de la LCM.



7.6 Un bref compte-rendu

A la suite des jurisprudences Cassis de Dijon et Keck et Mithouard, la Cour a, par conséquent, réduit le champ d’application de l’art. 28 TCE. Sont désormais exclues de la notion RQ /MEE :

les mesures justifiées par l'une des exigences impératives (telles que développées dans la jurisprudence de la CJ) ;
les modalités de vente (qui sont issues d'une évolution jurisprudentielle qui est, encore en cours).

Les exigences impératives sont techniquement soustraites de l’art. 28 TCE, mais elles ont une fonction comparable à celle de la liste de l’art. 30 TCE C’est pourquoi nous les examinerons ci-dessous (7.8) juste après l’examen des conditions d’une invocation légitime de l’art. 30 TCE (7.7).

7.7 Le recours à l’art. 30 TCE

7.7.1 Le test de compatibilité avec l’art. 30 TCE en bref

Une mesure nationale qui viole l’art. 28 TCE ne peut être justifiée que par le biais de l’art. 30 TCE. L'art. 30 ne permet aux Etats membres de justifier leur déviation de l'art. 28 TCE seulement lorsqu'ils remplissent les trois conditions cumulatives suivantes:

(a) leur mesure est justifiée par l'un des motifs explicitement mentionnés à l’art. 30 TCE (moralité publique, ordre public, sécurité publique, protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou préservation des végétaux, protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou protection de la propriété industrielle et commerciale) ;

(b) leur mesure ne constitue pas un moyen de discrimination arbitraire ;

(c) leur mesure ne constitue pas une restriction déguisée.

7.7.2 Le fardeau de la preuve

Le fardeau de la preuve incombe à la partie qui invoque l'un des motifs de l’art. 30 TCE [Denkavit Futtermittel c. Ministre de l’Argiculture, aff. 251/78, Rec. (1979) 3369].

7.7.3 La nature non économique des motifs inclus à l’art. 30 TCE

Les motifs inclus à l’art. 30 TCE sont de nature non-économique. Dans son arrêt Commission c. République italienne [aff. 7/61, Rec. (1961) 635], la Cour a écrit la phrase suivante :

« ATTENDU QUE L ' ARTICLE 36, A L ' ENCONTRE DE L ' ARTICLE 226 , VISE DES HYPOTHESES DE NATURE NON ECONOMIQUE ».

Dans sa jurisprudence Duphar BV et autres c. État néerlandais [aff. 238/82, Rec. (1984) 523], la Cour, pour la raison susmentionnée, a rejeté l’argument qu’une mesure nationale qui entravait la libre circulation des marchandises pouvait être justifiée en invoquant l’art. 30 TCE (ex-36) comme base légitime pour atteindre un but d’ordre budgétaire (att. 23) :

« DANS LE CAS OU LA JURIDICTION NATIONALE CONSTATERAIT QUE LA MESURE DONT ELLE DOIT APPRECIER LA CONFORMITE AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE NE REUNIT PAS LES CONDITIONS AUXQUELLES CETTE CONFORMITE EST SUBORDONNEE , IL Y A LIEU DE RAPPELER QUANT A L ' APPLICATION DE L ' ARTICLE 36 DU TRAITE , AINSI QUE LA COUR L ' A CONSTATE ITERATIVEMENT ( VOIR , PAR EXEMPLE , L ' ARRET DU 19 . 12 . 1961 , COMMISSION/ITALIE , AFFAIRE 7/61 , RECUEIL P . 639 ), QUE L ' ARTICLE 36 VISE DES MESURES DE NATURE NON ECONOMIQUE . CETTE DISPOSITION NE PEUT DES LORS PAS JUSTIFIER UNE MESURE QUI VISE AVANT TOUT UN OBJECTIF BUDGETAIRE EN RECHERCHANT UNE REDUCTION DES FRAIS DE FONCTIONNEMENT D ' UN SYSTEME D ' ASSURANCE MALADIE. »

Dans la même logique, un Etat membre ne peut pas invoquer l’intérêt de sauvegarder la survie d’une entreprise pour justifier des mesures qui vont à l’encontre de ses obligations découlant de l’art. 28 TCE. C'est ce que la Cour déclaré dans son arrêt R c. Secretary of State for the Home Department ex parte Evans Medical [C-324/93, Rec. (1995) I-563], dont nous reproduisons ci-après les attendus 35-37:

« Il convient de rappeler que l' article 36 du traité permet à un État membre de maintenir ou d' introduire des mesures interdisant ou restreignant les échanges lorsque, d' une part, ces mesures sont justifiées, notamment, par des raisons de moralité publique, d' ordre public, de sécurité publique ou de protection de la santé et de la vie des personnes et que, d' autre part, elles ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce intracommunautaire.
Il résulte de la jurisprudence de la Cour que cette disposition vise des mesures de nature non économique (voir arrêt du 7 février 1984, Duphar e.a., 238/82, Rec. p. 523). Une mesure restrictive des échanges intracommunautaires ne peut dès lors être justifiée par le souci d' un État membre d' assurer la survie d' une entreprise.
En revanche, la nécessité d' assurer l' approvisionnement stable du pays à des fins médicales essentielles est susceptible de justifier, au regard de l' article 36 du traité, une entrave aux échanges intracommunautaires, dans la mesure où cet objectif relève de la protection de la santé et de la vie des personnes. »

Mais, attention dans Decker [C-120/95, Rec. (1998) I-1831], la Cour répète d’un côté la jurisprudence précédente, mais, de l'autre, elle ajoute qu’une atteinte grave à l’équilibre financier peut justifier une entrave à la libre circulation des marchandises. Dans Decker, en effet, la Cour fixe les limites à la jurisprudence susmentionnée. Comme elle l’explique, il faut cependant concevoir cette limite comme une situation exceptionnelle (atts. 39-40) :

« A cet égard, il y a lieu de relever que des objectifs de nature purement économique ne peuvent justifier une entrave au principe fondamental de libre circulation des marchandises. Toutefois, il ne saurait être exclu qu'un risque d'atteinte grave à l'équilibre financier du système de sécurité sociale puisse constituer une raison impérieuse d'intérêt général susceptible de justifier pareille entrave.
Or, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu le gouvernement luxembourgeois en réponse à une question posée par la Cour, force est de constater que le remboursement forfaitaire de lunettes et de verres correcteurs achetés dans d'autres États membres n'aurait pas d'incidence sur le financement ou l'équilibre du système de sécurité sociale. »


7.7.4 L’art. 30 TCE et la diversité réglementaire

L’art. 30 TCE accepte implicitement la diversité réglementaire vu que les Etats membres n’ont certes pas l’obligation mais conservent le droit d’intervenir par la voie réglementaire pour protéger l'une des valeurs mentionnées à l’art. 30 TCE. La répartition de compétences entre Etats membres et CE n’est cependant pas statique: il se peut que le rapport d’aujourd’hui change davantage au futur (en effet, nous pouvons mettre le doigt sur des changements de ce rapport au passé aussi).

La Cour a reconnu ce point : dans sa jurisprudence Campus Oil Limited et autres c. ministre pour l'Industrie et l'Energie et autres [aff. 72/83, Rec. (1984) 2727], la Cour explique que la liste de l’art. 30 TCE n’équivaut pas à une reconnaissance institutionnelle d’une compétence exclusive des Etats membres dans les domaines pertinents (att. 32) :

« AINSI QUE LA COUR L ' A CONSTATE A DIVERSES REPRISES ( VOIR ARRET DU 12 . 7 . 1979 , COMMISSION/ALLEMAGNE , 153/78 , RECUEIL P . 2555 , ET LES ARRETS QUI Y SONT INDIQUES ), L ' ARTICLE 36 DU TRAITE N ' A PAS POUR OBJET DE RESERVER CERTAINES MATIERES A LA COMPETENCE EXCLUSIVE DES ETATS MEMBRES , MAIS ADMET SEULEMENT QUE LES LEGISLATIONS NATIONALES FASSENT EXCEPTION AU PRINCIPE DE LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES DANS LA MESURE OU CELA EST ET DEMEURE JUSTIFIE POUR ATTEINDRE LES OBJECTIFS VISES A CET ARTICLE. »


Cette conclusion est également mise en évidence par le fait que le recours à l’art. 30 TCE n’est possible que si nous nous trouvons hors du contexte d’harmonisation législative (c’est à dire, par définition dans un contexte de diversité réglementaire) La Cour a établi, déjà en 1984 (c’est à dire, à l’époque où le recours à l’adoption des mesure législatives pour promouvoir l’intégration n’était pas aisé vu que leur adoption par le biais de l’art. 100 TCE nécessitait l’unanimité) une corrélation inverse entre le recours à l’art. 30 TCE et l’harmonisation législative. Comme nous l’avons vu plus haut (6.2.1) dans sa jurisprudence Hedley Lomas, la Cour a exclu, en cas d’harmonisation législative, le recours à l’art. 30 TCE. Ici, dans le contexte de Campus Oil, la Cour explique que la répartition entre compétence des Etats membres et compétence communautaire est une relation dynamique et non pas statique et qu’il faut voir le recours à l’art. 30 TCE sous cet angle-là.

7.7.5 Le critère d’examen des cours communautaires

Finalement, la question du critère d’examen (‘standard of review’) des cours communautaires mérite une mention particulière. Les cours communautaires ne se réfèrent habituellement pas à cette question si ce n’est pour répéter qu’elles se borneront à examiner les moyens utilisés pour atteindre un but et non la légitimité du but en soi. Récemment, dans le contexte d’un litige relatif à des mesures prises pour protéger la santé la Cour s’est montrée sensible à la question de l'incertitude scientifique et a opté pour une approche qui pourrait être qualifiée comme étant plutôt déférente envers l’autorité nationale. Dans son arrêt Kemikalieinspektionen c. Toolex Alpha AB [C-473/98, Rec. (2000) I-5681], la Cour explique aux attendus 44-49 de la façon suivante sa décision d’accepter comme nécessaire pour la protection de la santé une mesure qui aurait a priori pu être considérée comme un embargo aux importations:
« Il existerait également des preuves solides que l'effet cancérogène du trichloréthylène sur le rein chez le rat vaudrait également chez l'homme. Les métabolites toxiques et mutagènes qui se forment chez les animaux de laboratoire auraient également été identifiés chez l'homme. Cela renforcerait les soupçons du caractère cancérogène pour l'homme du trichloréthylène.
Compte tenu des derniers travaux de la recherche médicale en la matière, mais aussi des difficultés de détermination, en l'état actuel de cette recherche, du seuil critique à partir duquel l'exposition au trichloréthylène constituerait un risque sérieux pour la santé humaine, aucun élément du dossier ne permet à la Cour de constater qu'une réglementation nationale telle que celle en cause au principal va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but visé (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 1989, Association of Pharmaceutical Importers, 266/87 et 267/87, Rec. p. 1295, point 22).
Notamment, le système de dérogations individuelles et conditionnées qu'elle prévoit apparaît adéquat et proportionné dans la mesure où il permet d'améliorer la protection des travailleurs tout en tenant compte des exigences de continuité des entreprises.
D'une part, l'octroi d'une dérogation est subordonné à la condition de l'absence d'un produit de substitution moins dangereux et à l'obligation pour le requérant de rechercher à l'avenir une solution de rechange moins nocive pour la santé publique et l'environnement. Ces exigences sont conformes au principe dit de «substitution» qui se dégage notamment des directives 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO L 183, p. 1), et 90/394/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents cancérigènes au travail (sixième directive particulière au sens de l'article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391) (JO L 196, p. 1), et qui consiste à éliminer ou diminuer les risques en remplaçant une substance à risque par d'autres, moins dangereuses.
D'autre part, le souci d'éviter une désorganisation de l'entreprise, faute d'une solution de rechange, ne justifie la délivrance d'une dérogation que pour autant que l'exposition au trichloréthylène ne soit pas inacceptable.
Au vu de ces considérations, une réglementation nationale qui prévoit, d'une part, une interdiction de principe d'utiliser du trichloréthylène à des fins professionnelles et, d'autre part, un système de dérogations individuelles et conditionnées est justifiée au titre de l'article 36 par des raisons de protection de la santé des personnes. »


7.7.6 La notion de mesure justifiée 

Une mesure est justifiée quand elle est nécessaire pour atteindre un but visé. Dans sa jurisprudence de Peijper [Adriaan de Peijper, directeur de la société Centrafarm BV., aff. 104/75, Rec. (1976) 613] la Cour explique que pour qu’une mesure soit justifiée, il faut qu’elle soit nécessaire pour atteindre le but visé. Selon cette jurisprudence, il faut entendre le critère de nécessité comme imposant aux cours communautaires, à défaut d’harmonisation par la voie législative, de respecter les buts tels qu'ils sont introduits par la loi nationale et de se contenter d’examiner dans quelle mesure les moyens mis à la disposition dudit but, qui est nous le répétons unilatéralement imposé, sont nécessaires (dans le sens, proportionnels) pour atteindre le but visé. Nous citons ci-après les attendus 16-18 :

« QUE, TOUTEFOIS, IL RESULTE DE L'ARTICLE 36 QU'UNE REGLEMENTATION OU PRATIQUE NATIONALE AYANT, OU ETANT SUSCEPTIBLE D'AVOIR, UN EFFET RESTRICTIF SUR LES IMPORTATIONS DE PRODUITS PHARMACEUTIQUES N'EST COMPATIBLE AVEC LE TRAITE QUE POUR AUTANT QU'ELLE EST NECESSAIRE AUX FINS D'UNE PROTECTION EFFICACE DE LA SANTE ET DE LA VIE DES PERSONNES;

QU ' UNE REGLEMENTATION OU PRATIQUE NATIONALE NE BENEFICIE DONC PAS DE LA DEROGATION DE L ' ARTICLE 36 LORSQUE LA SANTE ET LA VIE DES PERSONNES PEUVENT ETRE PROTEGEES DE MANIERE AUSSI EFFICACE PAR DES MESURES MOINS RESTRICTIVES DES ECHANGES INTRACOMMUNAUTAIRES;
QUE , NOTAMMENT , L ' ARTICLE 36 NE PEUT PAS ETRE INVOQUE POUR JUSTIFIER DES REGLEMENTATIONS OU PRATIQUES , MEME UTILES , MAIS DONT LES ELEMENTS RESTRICTIFS S ' EXPLIQUENT ESSENTIELLEMENT PAR LE SOUCI DE REDUIRE LA CHARGE ADMINISTRATIVE OU LES DEPENSES PUBLIQUES , SAUF SI , A DEFAUT DESDITES REGLEMENTATIONS OU PRATIQUES , CETTE CHARGE OU CES DEPENSES DEPASSAIENT MANIFESTEMENT LES LIMITES DE CE QUI PEUT ETRE RAISONNABLEMENT EXIGE ; »


En connexion logique avec la remarque précédente (vu que le critère de nécessité implique la justiciabilité des moyens au service d’un but unilatéralement défini mais non pas du but lui-même), la Cour, lors d’une affaire impliquant la protection de la santé publique [Aragonesa de Publicidad Exterior c. Departamento de Sanidad, C-1 & 176/90, Rec. (1991) I-4151], a accepté que les Etats membres sont libres de choisir le niveau de protection.

Le fait que les Etats sont libres de choisir le niveau de protection (ce qui est optimal à leur avis) n’exclut pas que la mesure qui est jugée nécessaire en ce qui concerne l’atteinte d’un but par un Etat membre quelconque est nécessairement la même si un autre Etat membre poursuit le même but. Il se peut que des mesures de rigueur différenciée adoptées par des Etats membres différents soient toutes jugées nécessaires par les cours communautaires. Dans son arrêt Procédures pénales contre J. van Dam en Zonen et autres [affs. jointes 185-204/78, Rec. (1979) 2345] la Cour a, dans son attendu 10, exprimé ce point de la façon suivante :

« ON NE SAURAIT CONSIDERER COMME CONTRAIRE AU PRINCIPE DE NON-DISCRIMINATION L ' APPLICATION D ' UNE LEGISLATION NATIONALE , DONT LA CONFORMITE AU DROIT COMMUNAUTAIRE N ' EST PAR AILLEURS PAS CONTESTEE , EN RAISON DE LA CIRCONSTANCE QUE , PRETENDUMENT , D ' AUTRES ETATS MEMBRES APPLIQUERAIENT DES DISPOSITIONS MOINS RIGOUREUSES . »


7.7.7 Discrimination arbitraire

La Cour de justice examine quelques fois les conditions ‘discrimination arbitraire’ et ‘restriction déguisée’ comme si elles faisaient parties du même test. D’autres fois la Cour distingue ces deux termes. L’arrêt Regina contre Maurice Donald Henn et John Frederick Ernest Darby [aff. 34/79, Rec. (1979) 3795] est une bonne illustration du premier type d’arrêts. Ici, la Cour, sans expliquer si elle procède à une appréciation de l’intention du pays qui intervient par voie réglementaire, accepte implicitement tout de même qu’une réglementation nationale qui est imposée aux seuls produits importés ne peut pas avoir comme objectif la protection d’un but non-économique quelconque. De l’avis de la Cour, les discriminations de jure sans aucune autre justification, ne peuvent pas satisfaire le test de légalité communautaire tel qu'il est prévu par l’art. 30 TCE (att. 22) : 
 « IL Y A DONC LIEU DE REPONDRE A LA QUATRIEME QUESTION QUE LORSQU ' UNE INTERDICTION FRAPPANT L ' IMPORTATION DE MARCHANDISES PEUT SE JUSTIFIER PAR DES RAISONS DE MORALITE PUBLIQUE ET QU ' ELLE EST IMPOSEE A CET EFFET , L ' APPLICATION DE CETTE INTERDICTION NE SAURAIT , A DEFAUT DE L ' EXISTENCE D ' UN COMMERCE LICITE POUR LES MEMES MARCHANDISES A L ' INTERIEUR DE L ' ETAT MEMBRE CONCERNE , CONSTITUER UN MOYEN DE DISCRIMINATION ARBITRAIRE OU UNE RESTRICTION DEGUISEE DANS LE COMMERCE , CONTRAIRE A L ' ARTICLE 36. »

Un exemple du deuxième type d’arrêts est offert par la jurisprudence République italienne c. Commission [aff. 13/63, Rec. (1963) 337]. Dans cet arrêt, la Cour a expliqué qu’au préalable, pour examiner s’il y a eu discrimination, il faut d’abord s’assurer que les situations factuelles examinées sont comparables. Sans avoir établi de comparabilité, il est impossible de procéder à la prochaine étape et d’examiner s’il y a eu discrimination. Selon la Cour, une fois la comparabilité établie, il y a discrimination si l'on traite deux situations identiques de façon différente ou, dans le cas inverse, c'est-à-dire si l'on traite de façon identique deux situations différentes :
 « 4 . SUR LA DISCRIMINATION
A ) ATTENDU QU ' IL EST FAIT GRIEF A LA DECISION D ' AVOIR INDUMENT TRANSGRESSE LE PRINCIPE DE NON-DISCRIMINATION EN AUTORISANT LE GOUVERNEMENT FRANCAIS A INSTITUER UNE TAXE SPECIALE SUR LES SEULS PRODUITS ITALIENS , A L ' EXCEPTION DES MEMES PRODUITS ORIGINAIRES SOIT DES AUTRES ETATS DE LA COMMUNAUTE , SOIT DES PAYS TIERS;
ATTENDU QUE LE TRAITEMENT DIFFERENT DE SITUATIONS NON COMPARABLES NE PERMET PAS DE CONCLURE AUTOMATIQUEMENT A L ' EXISTENCE D ' UNE DISCRIMINATION;
QU ' UNE APPARENCE DE DISCRIMINATION FORMELLE PEUT DONC CORRESPONDRE , EN FAIT , A UNE ABSENCE DE DISCRIMINATION MATERIELLE;
QUE LA DISCRIMINATION MATERIELLE AURAIT CONSISTE A TRAITER SOIT DE MANIERE DIFFERENTE DES SITUATIONS SIMILAIRES , SOIT DE MANIERE IDENTIQUE DES SITUATIONS DIFFERENTES ; »

La jurisprudence Commission c. République française [aff. 152/78, Rec. (1980) 2299] offre un bel exemple de cette perspective d’analyse: dans ce cas-là, la Commission a attaqué une mesure française selon laquelle les boissons alcooliques importées ne pouvaient, pour des motifs de la protection de la santé, bénéficier de publicité, tandis que le contraire était vrai pour les boissons alcooliques françaises. La Cour a trouvé qu’une telle distinction équivalait à une discrimination arbitraire (att. 18):

« OR , ON NE SAURAIT CONTESTER LE FAIT QUE PLUSIEURS BOISSONS ALCOOLISEES DONT LA PUBLICITE EST LIBRE SELON LA LEGISLATION FRANCAISE ONT , DU POINT DE VUE DE LA SANTE PUBLIQUE , LES MEMES EFFETS NOCIFS , EN CAS DE CONSOMMATION EXCESSIVE , QUE DES PRODUITS SIMILAIRES IMPORTES QUI , EN TANT QUE TELS , SONT SOUMIS A DES INTERDICTIONS OU RESTRICTIONS DE PUBLICITE . S ' IL EST VRAI QUE DES MOTIVATIONS RELATIVES A LA SAUVEGARDE DE LA SANTE PUBLIQUE NE SONT PAS ABSENTES DE LA LEGISLATION CRITIQUEE , IL N ' EN RESTE PAS MOINS QUE CELLE-CI A POUR EFFET DE REPORTER SURTOUT SUR LES PRODUITS IMPORTES L ' EFFORT VISANT A ENRAYER UNE CONSOMMATION EXCESSIVE D ' ALCOOL . IL APPARAIT DONC QUE LA LEGISLATION CONTESTEE , BIEN QU ' ELLE SOIT , DANS SON PRINCIPE , JUSTIFIEE PAR DES PREOCCUPATIONS INHERENTES A LA SAUVEGARDE DE LA SANTE PUBLIQUE , N ' EN CONSTITUE PAS MOINS UNE DISCRIMINATION ARBITRAIRE DANS LE COMMERCE ENTRE LES ETATS MEMBRES , DANS LA MESURE OU ELLE ADMET LA PUBLICITE EN FAVEUR DE CERTAINS PRODUITS NATIONAUX ALORS QUE LA PUBLICITE POUR DES PRODUITS PRESENTANT DES CARACTERISTIQUES COMPARABLES , MAIS ORIGINAIRES D ' AUTRES ETAT MEMBRES , SE TROUVE RESTREINTE OU ENTIEREMENT INTERDITE . UNE LEGISLATION RESTRICTIVE DE LA PUBLICITE DES BOISSONS ALCOOLISEES N ' EST CONFORME AUX EXIGENCES DE L ' ARTICLE 36 QUE SI ELLE S ' APPLIQUE DE MANIERE IDENTIQUE A TOUTES LES BOISSONS CONCERNEES , QUELLE QUE SOIT LEUR ORIGINE . »


7.7.8 Restriction déguisée

La Cour n’a pas fait de fréquentes références à cette notion. Toutefois, dans son jugement dans l’affaire Commission c. République française [aff. 42/82, Rec. (1983) 1013], la Cour était d’avis qu’une série de mesures qui retardaient sensiblement la mise en vente et la commercialisation des produits importés pouvait être qualifiée de restriction déguisée au sens de l’art. 30 TCE. Nous reproduisons ci-après les attendus 51, 63 et 64 dudit arrêt :

« EN VERTU DE L ' ARTICLE 36 DU TRAITE , L ' ARTICLE 30 NE FAIT PAS OBSTACLE AUX RESTRICTIONS D ' IMPORTATION JUSTIFIEES NOTAMMENT PAR DES RAISONS DE PROTECTION DE LA SANTE ET DE LA VIE DES PERSONNES . TOUTEFOIS , UNE TELLE RESTRICTION ETANT DEROGATOIRE AU PRINCIPE DE LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES , ELLE N ' EST CONFORME AUX TRAITES QUE DANS LA MESURE OU ELLE EST NECESSAIRE POUR ATTEINDRE CES MEMES OBJECTIFS , ET OU ELLE NE CONSTITUE NI UN MOYEN DE DISCRIMINATION ARBITRAIRE , NI UNE RESTRICTION DEGUISEE DANS LE COMMERCE ENTRE ETATS MEMBRES .

IL S ' ENSUIT QUE TANT EN RAISON DE LA FREQUENCE DES ANALYSES QU ' EN RAISON DU FAIT QUE LES TRANSPORTS AINSI CONTROLES ETAIENT , DANS TOUS LES CAS , RETENUS A LA FRON TIERE , LA PRATIQUE DES AUTORITES FRANCAISES EN MATIERE DE CONTROLE PAR VOIE D ' ANALYSES SYSTEMATIQUES ETAIT CONTRAIRE AUX EXIGENCES DES ARTICLES 30 ET 36 DU TRAITE CEE .
IL RESULTE DE CE QUI PRECEDE QU ' IL Y A LIEU DE CONSTATER QU ' EN RETARDANT LA MISE A LA CONSOMMATION DE VINS DE TABLE IMPORTES EN VRAC D ' ITALIE PAR LES MODALITES DU CONTROLE ET DE LA REGULARISATION DES DOCUMENTS D ' ACCOMPAGNEMENT VA 1 ET DES CONTROLES SYSTEMATIQUES PAR VOIE D ' ANALYSES , ET EN RESTREIGNANT AINSI , ENTRE LES MOIS D ' AOUT 1981 ET MARS 1982 , LES IMPORTATIONS DE CES VINS DE TABLE , LA REPUBLIQUE FRANCAISE A MANQUE AUX OBLIGATIONS QUI LUI INCOMBENT EN VERTU DE L ' ARTICLE 30 DU TRAITE CEE ET DE LA REGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE VITI-VINICOLE . »
Dans son arrêt Regina contre Maurice Donald Henn et John Frederick Ernest Darby [aff. 34/79, Rec. (1979) 3795], la Cour a cependant traité les notions ‘discrimination arbitraire’ et ‘restriction déguisée’ comme appartenant au même test juridique (att. 22).
7.7.9 Les cas spécifiques

Ci-après, nous examinons quelques cas spécifiques dans lesquels les cours communautaires étaient confrontées à des mesures nationales adoptées en vue d'atteindre l'un des buts mentionnés à l’art. 30 TCE.

7.7.9.1 Santé et vie des personnes

Pour une importante partie des mesures tombant sous cette exception, la preuve scientifique est la clé pour la mise en commercialisation ou non des produits particuliers. S’il s’agit de produits alimentaires, ils relèvent aujourd'hui intégralement de la compétence de l’AESA, comme indiqué ci-dessus. L’absence d’harmonisation n’équivaut cependant pas à l’impertinence du cadre communautaire : lors d’un litige entre la Commission et la République hellénique [Commission c. République hellénique, C-205/89, Rec. (1991) I-1361], la Cour a dû faire face à la situation suivante : la Grèce imposait aux importateurs de beurre pasteurisé l’obligation de présenter un certificat sanitaire. Malgré le fait qu’il n’y a avait aucune harmonisation en l’occurrence, la Cour a rejeté la défense grecque au motif que, selon une enquête menée par la Commission, il résultait que la consommation de beurre pasteurisé ne représente aucun risque pour la santé humaine. Nous reproduisons les attendus 6-12 ci-dessous :
« L' obligation de produire un certificat sanitaire, à laquelle est subordonnée l' importation, en République hellénique, de beurre pasteurisé en provenance des autres États membres, est susceptible d' entraver l' importation de ces produits et est, dès lors, visée par l' article 30 du traité.

Il convient toutefois de vérifier si, comme le soutient la République hellénique, l' application de ces mesures est susceptible d' être justifiée au titre de l' article 36 du traité par des raisons de protection de la santé des personnes .

Ainsi qu' il résulte d' une jurisprudence constante de la Cour, il appartient aux États membres, à défaut d' harmonisation sur le plan communautaire, de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé et la vie des personnes, tout en tenant compte des exigences de la libre circulation des marchandises à l' intérieur de la Communauté ( voir, notamment, arrêt du 12 mars 1987, Commission/Allemagne, 178/84, Rec . p . 1227 ).
Il convient, à cet égard, de rappeler que l' article 36 du traité comporte une exception, d' interprétation stricte, à la règle de la libre circulation des marchandises à l' intérieur de la Communauté, laquelle fait partie des principes fondamentaux du marché commun . Il s' ensuit qu' il incombe aux autorités nationales qui invoquent cette disposition, en vue d' adopter une mesure restrictive du commerce intracommunautaire, d' établir, dans chaque cas d' espèce, si la mesure envisagée satisfait aux critères de cette disposition ( arrêt du 14 juillet 1983, Sandoz, 174/82, Rec . p . 2445 ).

Sur ce point, la République hellénique a soutenu que le beurre pasteurisé est sujet à des risques de détérioration de sa qualité, nuisible pour la santé, et a souligné que, dans la directive 85/397/CEE, du 5 août 1985, concernant les problèmes sanitaires et de police sanitaire lors d' échanges intracommunautaires de lait traité thermiquement ( JO L 226, p . 13 ), le Conseil a expressément autorisé l' exigence de certificats sanitaires .

Sur ce dernier point, il convient de constater que le beurre pasteurisé en cause dans la présente affaire ne saurait être comparé aux produits visés par la directive 85/397, précitée, car sa composition est différente . La Commission a d' ailleurs souligné de façon convaincante que le beurre pasteurisé se caractérise par le fait qu' il est microbiologiquement stable et n' est pas sujet aux mêmes risques de détérioration que les produits laitiers qui n' ont subi qu' un traitement thermique
Quant aux autres risques pour la santé, que la République hellénique s' est d' ailleurs bornée à alléguer, leur existence est contredite par une enquête effectuée par la Commission auprès des autorités des États membres, dont il résulte que dans aucun de ces États la commercialisation du beurre pasteurisé n' a soulevé des problèmes sanitaires. »

En cas d’absence de preuve scientifique, il faut encore voir dans quelle mesure il y a eu harmonisation au plan communautaire. En l'absence de toute harmonisation, la Cour, dans sa jurisprudence Procédure pénale contre Sandoz BV. [aff. 174/82, Rec. (1983) 2445] a souligné qu’il appartient aux Etats membres de fixer le niveau de protection qu’ils veulent atteindre pour autant qu’ils respectent tout de même le principe de proportionnalité (c’est à dire, pour autant que leurs mesures soient justifiées). Nous reproduisons ci-dessous les attendus 16-20 de cet arrêt:

« DANS LA MESURE OU DES INCERTITUDES SUBSISTENT EN L ' ETAT ACTUEL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE , IL APPARTIENT AUX ETATS MEMBRES , A DEFAUT D ' HARMONISATION , DE DECIDER DU NIVEAU AUQUEL ILS ENTENDENT ASSURER LA PROTECTION DE LA SANTE ET LA VIE DES PERSONNES , TOUT EN TENANT COMPTE DES EXIGENCES DE LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES A L ' INTERIEUR DE LA COMMUNAUTE. CES PRINCIPES SONT EGALEMENT APPLICABLES AUX SUBSTANCES TELLES QUE LES VITAMINES QUI NE SONT EN REGLE GENERALE PAS NOCIVES PAR ELLES-MEMES MAIS PEUVENT PRODUIRE DES EFFETS NUISIBLES PARTICULIERS DANS LE SEUL CAS DE LEUR CONSOMMATION EXCESSIVE AVEC L ' ENSEMBLE DE LA NOURRITURE DONT LA COMPOSITION EST IMPREVISIBLE ET INCONTROLABLE . ETANT DONNE LES INCERTITUDES INHERENTES A L ' APPRECIATION SCIENTIFIQUE , UNE REGLEMENTATION NATIONALE INTERDISANT , SAUF AUTORISATION PREALABLE , LA COMMERCIALISATION DES DENREES ALIMENTAIRES AUXQUELLES DE LA VITAMINE A ETE AJOUTEE EST DANS SON PRINCIPE JUSTIFIEE , AU SENS DE L ' ARTICLE 36 DU TRAITE , POUR DES RAISONS DE PROTECTION DE LA SANTE HUMAINE .
TOUTEFOIS , LE PRINCIPE DE PROPORTIONNALITE QUI EST LA BASE DE LA DERNIERE PHRASE DE L ' ARTICLE 36 DU TRAITE EXIGE QUE LA FACULTE DES ETATS MEMBRES D ' INTERDIRE LES IMPORTATIONS DES PRODUITS EN CAUSE EN PROVENANCE D ' AUTRES ETATS MEMBRES SOIT LIMITEE A CE QUI EST NECESSAIRE POUR ATTEINDRE LES OBJECTIFS DE PROTECTION DE LA SANTE LEGITIMEMENT POURSUIVIS . DES LORS , UNE REGLEMENTATION NATIONALE PREVOYANT UNE TELLE INTERDICTION N ' EST JUSTIFIEE QUE SI DES AUTORISATIONS DE COMMERCIALISER SONT ACCORDEES LORSQU ' ELLES SONT COMPATIBLES AVEC LES BESOINS DE LA PROTECTION DE LA SANTE. UNE TELLE APPRECIATION EST CEPENDANT DIFFICILE S ' AGISSANT D ' ADDITIFS TELS QUE LES VITAMINES , CARACTERISEES PAR LES PROPRIETES CI-DESSUS INDIQUEES QUI EXCLUENT LA POSSIBILITE DE PREVOIR OU DE CONTROLER LES QUANTITES ABSORBEES AVEC L ' ENSEMBLE DE LA NOURRITURE ET DONT LE DEGRE DE NOCIVITE NE PEUT ETRE DETERMINE AVEC UNE CERTITUDE SUFFISANTE . TOUTEFOIS , SI , COMPTE TENU DU STADE ACTUEL DE L ' HARMONISATION DES LEGISLATIONS NATIONALES AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE , UNE LARGE MARGE D ' APPRECIATION DOIT ETRE LAISSEE AUX ETATS MEMBRES , CEUX-CI DOIVENT , POUR RESPECTER LE PRINCIPE DE LA PROPORTIONNALITE , AUTORISER LA COMMERCIALISATION LORSQUE L ' ADJONCTION DE VITAMINES A DES DENREES ALIMENTAIRES REPOND A UN BESOIN REEL NOTAMMENT D ' ORDRE TECHNOLOGIQUE OU ALIMENTAIRE.
IL Y A DONC LIEU DE REPONDRE A LA PREMIERE QUESTION QUE LE DROIT COMMUNAUTAIRE NE FAIT PAS OBSTACLE A UNE REGLEMENTATION NATIONALE INTERDISANT , SAUF AUTORISATION PREALABLE , LA COMMERCIALISATION DE DENREES ALIMENTAIRES , LEGALEMENT COMMERCIALISEES DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE , AUXQUELLES DE LA VITAMINE A ETE AJOUTEE , POURVU QUE LA COMMERCIALISATION SOIT AUTORISEE LORSQUE L ' ADJONCTION DE VITAMINES REPOND A UN BESOIN REEL NOTAMMENT D ' ORDRE TECHNOLOGIQUE OU ALIMENTAIRE. »

Dans de tels cas, les Etats membres exercent leur droit de protection en invoquant le principe de précaution qui comme nous l’avons vu dans la Section 6.5.2 [l’arrêt Pfizer Animal Health SA c. Conseil de l’Union européenne T-13/99, Rec. (2002) II-03305] a été reconnu comme l'un des principes du droit communautaire. Il se peut que des mesures commerciales très rigoureuses soient acceptées comme justifiées pour atteindre le but de la protection de la santé humaine si elles correspondent au critère de nécessité. Une législation nationale qui interdit la publicité des boissons alcooliques peut, par exemple, être justifiée par le biais de l'art. 30 TCE si il n'y a aucune autre mesure ayant moins d'effet restrictif aux échanges intra-communautaires qui pourrait assurer le même résultat [Gourmet International C-405/98, Rec. (1990) I-01795].



7.7.9.2 Sécurité publique

La définition de la sécurité publique est assez large. Dans son arrêt Campus Oil Limited et autres c. ministre pour l'Industrie et l'Energie et autres [aff. 72/83, Rec. (1984) 2727] la Cour a dû faire face à la situation suivante (attendus 6 et 7):

« L ' OBLIGATION D ' ACHAT AUPRES DE L ' INPC , PREVUE PAR L ' ARRETE LITIGIEUX , EST DESTINEE A ASSURER L ' ECOULEMENT DE LA PRODUCTION DE LA RAFFINERIE DE WHITEGATE . LE POURCENTAGE DE L ' OBLIGATION D ' ACHAT EST EGAL , POUR CHAQUE TYPE DE PRODUIT PETROLIER , AU POURCENTAGE DE LA PRODUCTION DE LA RAFFINERIE DE WHITEGATE PENDANT UNE CERTAINE PERIODE PAR RAPPORT AU TOTAL DES BESOINS DE CE TYPE DE PRODUITS PETROLIERS AU COURS DE LA MEME PERIODE POUR TOUTES LES PERSONNES AUXQUELLES L ' ARRETE DE 1982 S ' APPLIQUE . TOUTEFOIS , CETTE OBLIGATION DE CHAQUE IMPORTATEUR EST LIMITEE A 35 % DE SES BESOINS TOTAUX EN PRODUITS PETROLIERS ET A 40 % DE SES BESOINS EN CHAQUE TYPE DE CES PRODUITS .
LES ENTREPRISES REQUERANTES AU PRINCIPAL FONT VALOIR , A L ' APPUI DU RECOURS AU PRINCIPAL , QUE L ' ARRETE LITIGIEUX EST CONTRAIRE AU DROIT COMMUNAUTAIRE , ET NOTAMMENT A L ' INTERDICTION , ENTRE LES ETATS MEMBRES , DES RESTRICTIONS QUANTITATIVES A L ' IMPORTATION ET DE TOUTE MESURE D ' EFFET EQUIVALENT , PREVUE PAR L ' ARTICLE 30 DU TRAITE . LE GOUVERNEMENT IRLANDAIS ET L ' INPC CONTESTENT QU ' IL S ' AGIT D ' UNE MESURE RELEVANT DE CETTE INTERDICTION ET SOUTIENNENT QU ' EN TOUT ETAT DE CAUSE ELLE EST JUSTIFIEE , CONFORMEMENT A L ' ARTICLE 36 DU TRAITE , PAR DES RAISONS D ' ORDRE PUBLIC ET DE SECURITE PUBLIQUE EN CE QU ' ELLE VISERAIT A ASSURER LE FONCTIONNEMENT DE LA SEULE RAFFINERIE IRLANDAISE , NECESSAIRE AUX FINS DE L ' APPROVISIONNEMENT DU PAYS EN PRODUITS PETROLIERS . »

La Cour, dans ses attendus 35, 36, 40 et 41, accepte que la mesure irlandaise peut être considérée comme une mesure visant à protéger la sécurité nationale, si elle répond à des circonstances objectives :
 « IL EST VRAI , COMME LA COUR L ' A ITERATIVEMENT CONSTATE , EN DERNIER LIEU DANS SON ARRET DU 9 JUIN 1982 ( COMMISSION/ITALIE , 95/81 , RECUEIL P . 2187 ), QUE L ' ARTICLE 36 VISE A SAUVEGARDER DES INTERETS DE NATURE NON ECONOMIQUE . EN EFFET , UN ETAT MEMBRE NE SAURAIT ETRE AUTORISE A SE SOUSTRAIRE AUX EFFETS DES MESURES PREVUES PAR LE TRAITE SOUS PRETEXTE DES DIFFICULTES ECONOMIQUES OCCASIONNEES PAR L ' ELIMINATION DES ENTRAVES AU COMMERCE INTRACOMMUNAUTAIRE . TOUTEFOIS , COMPTE TENU DE L ' AMPLEUR DES CONSEQUENCES QUE PEUT AVOIR UNE INTERRUPTION DE L ' APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS PETROLIERS POUR L ' EXISTENCE D ' UN ETAT , IL Y A LIEU DE CONSIDERER QUE LE BUT D ' ASSURER , EN TOUT TEMPS , UN APPROVISIONNEMENT MINIMAL EN PRODUITS PETROLIERS DEPASSE DES CONSIDERATIONS DE NATURE PUREMENT ECONOMIQUE ET PEUT DONC CONSTITUER UN OBJECTIF COUVERT PAR LA NOTION DE SECURITE PUBLIQUE.
IL Y A LIEU D ' AJOUTER QU ' IL IMPORTE AUX FINS DE L ' ARTICLE 36 , QUE LA REGLEMENTATION EN QUESTION SOIT JUSTIFIEE PAR DES CIRCONSTANCES OBJECTIVES , REPONDANT AUX EXIGENCES DE LA SECURITE PUBLIQUE . UNE FOIS CETTE JUSTIFICATION ETABLIE , LE FAIT QUE LA REGLEMENTATION SOIT DE NATURE A PERMETTRE D ' ATTEINDRE , A COTE DES OBJECTIFS RELEVANT DE LA SECURITE PUBLIQUE , D ' AUTRES OBJECTIFS DE NATURE ECONOMIQUE EVENTUELLEMENT POURSUIVIS PAR L ' ETAT MEMBRE , N ' EXCLUT PAS L ' APPLICATION DE L ' ARTICLE 36 . D ' AUTRE PART , IL IMPORTE DE REMARQUER QUE L ' EXISTENCE D ' UNE RAFFINERIE NATIONALE CONSTITUE UNE GARANTIE CONTRE LE RISQUE SUPPLEMENTAIRE D ' UNE INTERRUPTION DE LIVRAISONS DE PRODUITS RAFFINES AUQUEL S ' EXPOSERAIT UN ETAT NE DISPOSANT D ' AUCUNE CAPACITE PROPRE DE RAFFINAGE . EN EFFET , CE DERNIER SERAIT ALORS DEPENDANT DES GRANDES COMPAGNIES CONTROLANT LES RAFFINERIES ETRANGERES ET DE LEUR COMPORTEMENT COMMERCIAL .
IL Y A DONC LIEU D ' EN DEDUIRE QU ' EN REDUISANT CES DEUX TYPES DE RISQUES , LA PRESENCE D ' UNE RAFFINERIE SUR LE TERRITOIRE NATIONAL PEUT CONTRIBUER EFFICACEMENT A AMELIORER LA SECURITE D ' APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS PETROLIERS D ' UN ETAT QUI NE DISPOSE PAS DE RESSOURCES PROPRES EN PETROLE BRUT . »


Finalement, aux attendus 46-51, la Cour évalue l’argument de la partie requérante selon lequel la mesure en cause n’est pas nécessaire pour atteindre le but visé de la façon suivante: La Cour explique quel type de considérations la juridiction nationale, ultime juge du critère de nécessité, doit prendre en compte pour être à même de répondre définitivement à cette question :
 « TEL POURRAIT ETRE LE CAS SI LES DISTRIBUTEURS QUI DETIENNENT LA MAJEURE PARTIE DU MARCHE CONCERNE REFUSAIENT , COMME L ' A SOUTENU LE GOUVERNEMENT IRLANDAIS , DE S ' APPROVISIONNER AUPRES DE LA RAFFINERIE EN CAUSE . C ' EST SUR LA BASE DE L ' HYPOTHESE QUE LA RAFFINERIE PRATIQUE DES PRIX QUI SONT COMPETITIFS SUR LE MARCHE CONCERNE QU ' IL Y A LIEU D ' APPRECIER SI L ' ECOULEMENT LIBRE DE LA PRODUCTION DE LA RAFFINERIE SERAIT REALISABLE . S ' IL N ' ETAIT PAS POSSIBLE D ' EVITER , PAR DES MESURES INDUSTRIELLES ET COMMERCIALES , LES PERTES FINANCIERES POUVANT RESULTER DE LA PRATIQUE DE TELS PRIX , CES PERTES DEVRAIENT ETRE PRISES EN CHARGE PAR L ' ETAT MEMBRE INTERESSE , SOUS RESERVE DE L ' APPLICATION DES ARTICLES 92 ET 93 DU TRAITE.
EN CE QUI CONCERNE ENSUITE LES QUANTITES DE PRODUITS PETROLIERS POUVANT , LE CAS ECHEANT , ETRE COUVERTES PAR UN TEL SYSTEME D ' OBLIGATION D'ACHAT , IL Y A LIEU DE SOULIGNER QU'ELLES NE DOIVENT EN AUCUN CAS DEPASSER LES LIMITES DE L'APPROVISIONNEMENT MINIMAL DE L'ETAT CONCERNE SANS LEQUEL SA SECURITE PUBLIQUE AU SENS CI-DESSUS PRECISE , ET NOTAMMENT LE FONCTIONNEMENT DE SES SERVICES PUBLICS ESSENTIELS ET LA SURVIE DE SA POPULATION, SERAIENT AFFECTES.
EN OUTRE , LES QUANTITES DE PRODUITS PETROLIERS DONT L'ECOULEMENT PEUT ETRE ASSURE PAR UN TEL SYSTEME NE DOIVENT PAS DEPASSER LES QUANTITES QUI SONT NECESSAIRES SUR LE PLAN DE LA PRODUCTION , D ' UNE PART , POUR DES RAISONS TECHNIQUES AFIN DE PERMETTRE DES A PRESENT UNE EXPLOITATION DE LA CAPACITE DE PRODUCTION DE LA RAFFINERIE A UN NIVEAU PERMETTANT DE TENIR SES INSTALLATIONS DISPONIBLES POUR DES CAS DE CRISE ET , D ' AUTRE PART, AFIN DE PERMETTRE CONSTAMMENT LA TRANSFORMATION DU PETROLE BRUT COUVERT PAR DES CONTRATS A LONG TERME QUE L'ETAT CONCERNE A CONCLUS POUR S'ASSURER UN APPROVISIONNEMENT REGULIER. LE POURCENTAGE DES BESOINS TOTAUX DES IMPORTATEURS DE PRODUITS PETROLIERS QUI PEUT ETRE SOUMIS A UNE OBLIGATION D ' ACHAT NE DOIT DONC PAS ETRE SUPERIEUR AU POURCENTAGE DES QUANTITES CI-DESSUS PRECISEES PAR RAPPORT A LA CONSOMMATION GLOBALE ACTUELLE DE L ' ETAT MEMBRE CONCERNE EN PRODUITS PETROLIERS. IL APPARTIENT A LA JURIDICTION NATIONALE D'APPRECIER SI LE SYSTEME INSTAURE PAR L ' ARRETE LITIGIEUX RESPECTE CES LIMITES.
IL Y A DES LORS LIEU DE REPONDRE A LA DEUXIEME QUESTION QU ' UN ETAT MEMBRE DONT L ' APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS PETROLIERS DEPEND TOTALEMENT OU PRESQUE TOTALEMENT DES IMPORTATIONS PEUT SE PREVALOIR DE RAISONS DE SECURITE PUBLIQUE AU SENS DE L ' ARTICLE 36 DU TRAITE POUR IMPOSER AUX IMPORTATEURS L ' OBLIGATION DE COUVRIR UN CERTAIN POURCENTAGE DE LEURS BESOINS , AUPRES D ' UNE RAFFINERIE SITUEE SUR SON TERRITOIRE PAR DES ACHATS A DES PRIX FIXES PAR LE MINISTRE COMPETENT SUR LA BASE DES FRAIS SUPPORTES EN RAPPORT AVEC L ' EXPLOITATION DE CETTE RAFFINERIE, SI LA PRODUCTION DE LA RAFFINERIE EN CAUSE NE PEUT PAS ETRE ECOULEE LIBREMENT , A DES PRIX COMPETITIFS , SUR LE MARCHE CONCERNE . LES QUANTITES DE PRODUITS PETROLIERS COUVERTES PAR UN TEL SYSTEME NE SAURAIENT DEPASSER NI LES LIMITES DE L ' APPROVISIONNEMENT MINIMAL SANS LEQUEL LA SECURITE PUBLIQUE DE L ' ETAT CONCERNE SERAIT AFFECTEE NI LES LIMITES DU NIVEAU DE PRODUCTION NECESSAIRE AFIN DE MAINTENIR DISPONIBLE LA CAPACITE DES INSTALLATIONS DE LA RAFFINERIE EN CAS DE CRISE ET AFIN DE PERMETTRE EN PERMANENCE LA TRANSFORMATION DU PETROLE POUR LA LIVRAISON DUQUEL L ' ETAT CONCERNE A CONCLU DES CONTRATS A LONG TERME . »

Dans l’affaire Aimé Richardt et Les Accessoires Scientifiques SNC. [C-367/89, Rec. (1991) I-4621], la Cour est restée sur la même longueur d’onde : c’est-à-dire, d’un côté, elle accepte une définition large de la sécurité publique (couvrant et la sécurité interne et la sécurité externe) et de l’autre côté elle confirme que c’est à la juridiction nationale, appliquant les considérations générales de la Cour sur ce point, d’établir si la mesure en cause respecte ou non le critère de nécessité (att. 22-25):

« A cet égard, il y a lieu de constater avec la Commission et les États membres, qui ont déposé des observations devant la Cour, que la notion de sécurité publique, au sens de l' article 36 du traité, couvre tout à la fois la sécurité intérieure d' un État membre et sa sécurité extérieure . Or, il est constant que les importations, les exportations et le transit des marchandises susceptibles d' être utilisées à des fins stratégiques peuvent affecter la sécurité publique d' un État membre que celui-ci est dès lors en droit de protéger au titre de l' article 36 du traité .

Il s' ensuit que les États membres, en vue de contrôler les marchandises qualifiées de matériel stratégique, ont la possibilité de soumettre, en vertu de l' article 36 du traité, leur transit à une autorisation spéciale.

S' agissant des sanctions prévues en cas d' inobservation de l' obligation d' obtenir une telle autorisation, il convient de relever, comme l' ont observé la Commission, LAS et M . Richardt, qu' une mesure de saisie ou de confiscation peut être considérée comme disproportionnée par rapport au but poursuivi et donc incompatible avec l' article 36 du traité, dans la mesure où le refoulement de la marchandise vers l' État membre de sa provenance pourrait être suffisant.

Il appartient, toutefois, à la juridiction nationale d' apprécier si le régime instauré respecte le principe de proportionnalité en tenant compte de tous les éléments de chaque affaire, telle la nature de la marchandise susceptible de mettre en péril la sécurité de l' État, les circonstances dans lesquelles l' infraction a été commise et la bonne ou mauvaise foi de l' opérateur qui entendait procéder au transit et disposait à cette fin de documents délivrés par un autre État membre. »

7.7.9.3 Moralité publique
 
Lors de sa jurisprudence Regina contre Maurice Donald Henn et John Frederick Ernest Darby [aff. 34/79, Rec. (1979) 3795], la Cour a dû traiter d'une loi britannique qui interdisait les importations d’articles pornographiques. La Cour a expliqué qu’il appartient à chaque Etat membre de déterminer unilatéralement sa politique en matière de moralité publique et de l’appliquer de façon unitaire, et ce même s'il y a des différenciations législatives observables dans le domaine de la moralité publique au sein même dudit Etat (atts. 11, 15 et 16):

« PAR LA PREMIERE QUESTION IL EST DEMANDE SI LA LOI D'UN ETAT MEMBRE, INTERDISANT L'IMPORTATION D'ARTICLES PORNOGRAPHIQUES DANS CET ETAT, CONSTITUE UNE MESURE D'EFFET EQUIVALANT A UNE RESTRICTION QUANTITATIVE A L'IMPORTATION , AU SENS DE L'ARTICLE 30 DU TRAITE.

AUX TERMES DE L ' ARTICLE 36 DU TRAITE , LES DISPOSITIONS RELATIVES A LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES A L ' INTERIEUR DE LA COMMUNAUTE NE FONT PAS OBSTACLE AUX INTERDICTIONS D ' IMPORTATION JUSTIFIEES , ENTRE AUTRES , ' PAR DES RAISONS DE MORALITE PUBLIQUE ' . IL APPARTIENT EN PRINCIPE A CHAQUE ETAT MEMBRE DE DETERMINER LES EXIGENCES DE LA MORALITE PUBLIQUE SUR SON TERRITOIRE , SELON SA PROPRE ECHELLE DES VALEURS , ET DANS LA FORME QU ' IL A CHOISIE . POUR AUTANT , IL NE SAURAIT ETRE CONTESTE QUE LES DISPOSITIONS LEGISLATIVES APPLIQUEES PAR LE ROYAUME-UNI EN CE QUI CONCERNE L ' IMPORTATION D ' OBJETS PRESENTANT UN CARACTERE INDECENT OU OBSCENE RELEVENT DE LA FACULTE RESERVEE AUX ETATS MEMBRES PAR LA PREMIERE PHRASE DE L ' ARTICLE 36 .
CHAQUE ETAT MEMBRE EST EN DROIT D'ETABLIR DES INTERDICTIONS D'IMPORTATION JUSTIFIEES PAR DES RAISONS DE MORALITE PUBLIQUE POUR L'ENSEMBLE DE SON TERRITOIRE NATIONAL, TEL QU'IL EST DEFINI PAR L'ARTICLE 227 DU TRAITE, QUELLE QUE SOIT SA STRUCTURE CONSTITUTIONNELLE ET L'ATTRIBUTION DES COMPETENCES LEGISLATIVES EN CE QUI CONCERNE LA MATIERE EN QUESTION . LE FAIT QU'EXISTENT CERTAINES DIFFERENCES ENTRE LES LEGISLATIONS EN VIGUEUR DANS LES DIFFERENTES PARTIES CONSTITUTIVES D ' UN ETAT MEMBRE N ' EMPECHE PAS , DES LORS , CET ETAT D ' APPLIQUER UNE CONCEPTION UNITAIRE EN CE QUI CONCERNE LES INTERDICTIONS D ' IMPORTATION APPLIQUEES POUR DES RAISONS DE MORALITE PUBLIQUE DANS LES ECHANGES AVEC LES AUTRES ETATS MEMBRES. »


Dans son arrêt Conegate Limited contre HM Customs & Excise [aff. 121/85, Rec. (1986) 1007], la Cour a ajouté à sa jurisprudence antérieure que les restrictions en vigueur pour des raisons de moralité publique doivent entre autres être aussi contraignantes ou aussi permissives tant pour les produits nationaux que pour les produits importés ; sans quoi le principe de nécessité ne serait pas respecté (atts. 20 et 21) :

« IL CONVIENT , DES LORS , DE REPONDRE A LA PREMIERE QUESTION QU ' UN ETAT MEMBRE NE PEUT , POUR FRAPPER L ' IMPORTATION DE CERTAINES MARCHANDISES D ' UNE INTERDICTION AU MOTIF QU ' ELLES SONT INDECENTES OU OBSCENES , SE PREVALOIR DE RAISONS DE MORALITE PUBLIQUE AU SENS DE L ' ARTICLE 36 DU TRAITE , LORSQUE CES MEMES MARCHANDISES PEUVENT ETRE LIBREMENT FABRIQUEES SUR SON TERRITOIRE ET QUE LA COMMERCIALISATION SUR CE TERRITOIRE EST UNIQUEMENT SOUMISE A UNE INTERDICTION ABSOLUE D ' EXPEDITION PAR LA VOIE POSTALE , A UNE RESTRICTION RELATIVE A L ' ETALAGE EN PUBLIC ET , DANS CERTAINES REGIONS , A UN SYSTEME D ' AUTORISATION DES MAGASINS HABILITES A VENDRE CES MARCHANDISES A DES CLIENTS AGES DE DIX-HUIT ANS OU PLUS.
CETTE CONCLUSION NE S ' OPPOSE PAS A CE QUE CES MARCHANDISES , UNE FOIS IMPORTEES DANS L ' ETAT MEMBRE CONCERNE , SOIENT SOUMISES AUX MEMES RESTRICTIONS DE COMMERCIALISATION QUE CELLES APPLICABLES AUX PRODUITS SIMILAIRES FABRIQUES ET COMMERCIALISES A L ' INTERIEUR DU PAYS. »


7.7.9.4 Vie des animaux et préservation des végétaux

Voir Hedley Lomas infra sous 7.10.2

7.7.9.5 Protection des trésors nationaux

Les Etats membres peuvent, en respectant bien sûr les conditions de l’art. 30 TCE, adopter des mesure afin de protéger leurs trésors nationaux (patrimoine culturel). Tout en préservant une importante liberté législative aux Etats membres pour régler ce problème, la Dir. du CUE 93/7 (1993 JO L74/74) prévoit l’obligation imposée à tous les Etats membres de rendre aux Etats membres d’origine tout objet qui tombe sous cette catégorie et qui a été écarté de l’Etat membre d’origine de façon illicite.

7.7.9.6 Ordre public

Le terme ‘ordre public’ est un terme générique qui englobe les autres motifs expressément mentionnés dans la liste de l’art. 30 TCE. En un sens, ce terme est utilisé par défaut, à savoir lorsqu'un Etat membre ne peut pas trouver un motif plus spécifique (que ce soit dans la liste de l’art. 30 TCE ou dans celle des exigences impératives) qu’il peut invoquer pour justifier une déviation de la discipline qui lui est imposée par le biais de l’art. 28 TCE. Par conséquent, il y a très peu d’invocations de l'ordre public dans la jurisprudence des cours communautaires. Un rare exemple nous en est offert par la jurisprudence Henri Cullet et Chambre syndicale des réparateurs automobiles et détaillants de produits pétroliers c. Centre Leclerc à Toulouse et Centre Leclerc à Saint-Orens-de-Gameville [aff. 231/83, Rec. (1985) 305]. La France avait invoqué un motif d’ordre public pour justifier une mesure qui interdisait la vente des produits en dessous d’un certain prix. Vu que la France n’avait cependant pas fourni davantage d'explication sur ce point, la Cour a rejeté la défense française (voir atts. 25 et s. dudit arrêt).
La Cour, dans un contexte autre que celui de la libre circulation des marchandises, a placé la barrière très haut quand elle a dû faire face à un argument basé sur l’ordre public. Dans son jugement Krombach [C-7/98, Rec. (2000) I-1935], qui portait sur l’interprétation de la Convention de Bruxelles de 1968, la Cour est d’avis que pour qu’une défense d’ordre public soit admis, il faut qu’ (en l’occurrence) l’exécution d’un arrêt se heurte de manière inacceptable à l’ordre juridique de l’Etat qui soulève la défense d’ordre public (att. 37) :

« Un recours à la clause de l'ordre public, figurant à l'article 27, point 1, de la convention, n'est concevable que dans l'hypothèse où la reconnaissance ou l'exécution de la décision rendue dans un autre État contractant heurterait de manière inacceptable l'ordre juridique de l'État requis, en tant qu'elle porterait atteinte à un principe fondamental. Afin de respecter la prohibition de la révision au fond de la décision étrangère, l'atteinte devrait constituer une violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle dans l'ordre juridique de l'État requis ou d'un droit reconnu comme fondamental dans cet ordre juridique. »


7.8 Le recours aux exigences impératives

7.8.1 Observations générales

Comme nous l’avons déjà évoqué, les exigences impératives ont une fonction comparable à celle des motifs inclus dans la liste de l’art. 30 TCE. Techniquement, les exigences impératives ne constituent cependant pas un rallongement de la liste de l’art. 30 TCE. La Cour a expliqué que les exigences impératives échappent à la prohibition de l’art. 28 TCE. Ce point ne mérite pourtant pas d'être surestimé : indépendamment du fait que les exigences impératives constituent un rallongement de la liste de l’art. 30 TCE ou que, au contraire, elles échappent à l’interdiction de l’art. 28 TCE, si un Etat membre les invoque avec succès, il est réputé ne pas avoir violé l’art. 28 TCE.
Par conséquent, c’est à la partie qui invoque une exigence impérative d'assumer le fardeau de la preuve et de démontrer que sa mesure est ainsi justifiée. Ce point a été explicitement admis par la Cour dans sa jurisprudence Gilli et Andres [aff. 788/79, Rec. (1980) 2071].

Les exigences impératives ne constituent pas une source de droit primaire, mais plutôt de droit secondaire : c’est une invention de la Cour (qui probablement a reconnu, comme nous l’avons déjà indiqué, que la liste exhaustive de l’art. 30 TCE était trop étroite et que les Etats membres pouvaient de façon justifiable avoir recours à des mesures qui restreignent le commerce intra-communautaire sans pourtant avoir pour but la protection de la production nationale). C’est-à-dire, que rien n’empêche que la liste actuelle soit encore davantage allongée dans le futur. Il faut alors comprendre la liste contemporaine comme une liste indicative des exigences impératives. Jusqu’à aujourd’hui, la Cour a accepté comme remplissant les conditions d’une exigence impérative les motifs suivants :

l’effectivité de la supervision fiscale ;
la protection des consommateurs ;
la prévention de la concurrence déloyale ;
la protection de l’environnement ;
l’amélioration des conditions de travail ;
la protection de la culture nationale et régionale;
la pluralité des médias ;
le bon fonctionnement des services publics ;
les mesures pour éviter les graves déséquilibres financiers ;
des choix de politique économique et sociale ;
la création d’œuvres cinématographiques.

En ce qui concerne le champ d’application des exigences impératives, la Cour de justice s’est posé la question de savoir si elles sont applicables tant aux mesures indistinctement qu’aux mesures distinctement applicables. Dans son arrêt Commission c. Irlande [aff. 113/80, Rec. (1981) 1625] la CJ refuse d’examiner si, en principe, une mesure distinctement applicable peut être justifiée par une exigence impérative mais examine si les mesures (discriminatoires) pourraient être justifiées par référence à la protection des consommateurs (att. 10) :

« EN L ' ABSENCE DE REGLEMENTATION COMMUNE DE LA PRODUCTION ET DE LA COMMERCIALISATION D ' UN PRODUIT , IL APPARTIENT AUX ETATS MEMBRES DE REGLER , CHACUN SUR SON TERRITOIRE , TOUT CE QUI CONCERNE LA PRODUCTION , LA DISTRIBUTION ET LA CONSOMMATION DE CELUI-CI , A LA CONDITION TOUTEFOIS QUE CES REGLEMENTATIONS NE FASSENT PAS OBSTACLE . . . AU COMMERCE INTRACOMMUNAUTAIRE ' ET QUE ' CE NE SERAIT QUE LORSQU ' UNE REGLEMENTATION NATIONALE INDISTINCTEMENT APPLICABLE AUX PRODUITS NATIONAUX ET AUX PRODUITS IMPORTES , POURRAIT ETRE JUSTIFIEE COMME ETANT NECESSAIRE POUR SATISFAIRE A DES EXIGENCES IMPERATIVES »

Plus récemment, dans son arrêt Aragonesa de Publicidad Exterior c. Departamento de Sanidad, C-1 & 176/90 Rec. (1991) I-4151], la CJ a confirmé cette approche en décidant que (att. 13) : 

« …la mesure contestée ne restreint que les importations, alors qu’il ne peut, selon la jurisprudence de la Cour, être question d’exigence impérative pour l’interprétation de l’article 30 que si cette mesure concerne indistinctement les produits nationaux et les produits importés. »

Cette jurisprudence est de facto écartée dans Déchets wallons [C-2/90, Rec. (1991) I-4431] où la CJCE a justifié une interdiction d'importer par une exigence impérative (la protection de l'environnement) en préférant soutenir, contre l'évidence, qu'une telle interdiction était indistinctement applicable plutôt que de profiter de cette occasion pour mettre officiellement fin à la distinction entre 30 TCE et exigences impératives (atts. 34-36):

« Il est vrai que les exigences impératives n' entrent en ligne de compte que s' agissant de mesures indistinctement applicables aux produits nationaux et importés (voir notamment arrêt du 25 juillet 1991, Aragonesa de publicidad, C-1/90, Rec. p. I-0000). Toutefois, pour apprécier le caractère discriminatoire ou non de l' entrave en cause, il faut tenir compte de la particularité des déchets. En effet, le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l' environnement, principe établi pour l' action de la Communauté en matière d' environnement à l' article 130 R, paragraphe 2, du traité, implique qu' il appartient à chaque région, commune ou autre entité locale de prendre les mesures appropriées afin d' assurer la réception, le traitement et l' élimination de ses propres déchets; ceux-ci doivent donc être éliminés aussi près que possible du lieu de leur production, en vue de limiter leur transport autant que faire se peut.

Par ailleurs, ce principe concorde avec les principes d' autosuffisance et de proximité, énoncés dans la convention de Bâle du 22 mars 1989, sur le contrôle des mouvements transfrontaliers des déchets dangereux et de leur élimination, convention dont la Communauté est partie signataire (International environmental Law, Kluwer, Deventer-Boston, 1991, p. 546).

Il en ressort que, compte tenu des différences entre les déchets produits d' un lieu à un autre et de leur lien avec le lieu de leur production, les mesures contestées ne sauraient être considérées comme discriminatoires. »

Par conséquent, dans cette jurisprudence, la Cour maintient la dichotomie qui veut que les exigences impératives ne puissent être invoquées que pour des mesures indistinctement applicables tandis que les motifs prévus par l’art. 30 TCE visent tant les mesures indistinctement que les mesures distinctement applicables. Il est pourtant assez difficile d'expliquer pourquoi cette dichotomie existe vu que les motifs de l’art. 30 TCE et les exigences impératives ont une fonction identique.

Cependant, dans son arrêt PreussenElektra [C-379/98, Rec. (2001) I-2099], la Cour a admis la compatibilité avec l'art. 28 TCE d'une mesure imposant de se fournir en électricité produite à partir de sources d'énergie propre auprès de producteurs nationaux au nom de la protection de l'environnement et, accessoirement, de la santé publique. Elle ne s'est alors référée ni au caractère distinctement applicable de la mesure, ni à l'art. 30 (à l'époque 36), ni aux exigences impératives. Nous reproduisons ci-dessous les atts. 69-81 dudit arrêt :

« À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que, conformément à la jurisprudence de la Cour, l'article 30 du traité, en interdisant entre les États membres les mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation, vise toute mesure nationale susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaire (arrêt du 11 juillet 1974, Dassonville, 8/74, Rec. p. 837, point 5).
Il convient de relever, en second lieu, qu'il résulte également de la jurisprudence de la Cour que l'obligation faite à des opérateurs économiques d'un État membre de s'approvisionner en un produit déterminé, à concurrence d'un certain pourcentage, auprès d'un fournisseur national limite d'autant les possibilités d'importation de ce même produit en empêchant ces opérateurs de s'approvisionner pour une partie de leurs besoins auprès d'opérateurs situés dans d'autres États membres (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 1984, Campus Oil e.a., 72/83, Rec. p. 2727, point 16, et du 20 mars 1990, Du Pont de Nemours Italiana, C-21/88, Rec. p. I-889, point 11).
Or, il ressort expressément des articles 1er et 2 du Stromeinspeisungsgesetz, modifié, que l'obligation d'achat imposée aux entreprises d'approvisionnement en électricité ne vaut que pour l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables dans le domaine de validité de cette loi et dans la zone d'approvisionnement respective de chaque entreprise concernée et est susceptible de ce fait d'entraver au moins potentiellement le commerce intracommunautaire.
Toutefois, pour apprécier si une telle obligation d'achat est néanmoins compatible avec l'article 30 du traité, il convient de tenir compte, d'une part, de l'objectif de la réglementation en cause et, d'autre part, des particularités du marché de l'électricité.
À cet égard, il y a lieu de relever que l'utilisation de sources d'énergie renouvelables pour la production d'électricité, que vise à promouvoir une réglementation tel le Stromeinspeisungsgesetz, modifié, est utile à la protection de l'environnement dans la mesure où elle contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre qui figurent parmi les principales causes des changements climatiques que la Communauté européenne et ses États membres se sont engagés à combattre.
À ce titre, le développement de cette utilisation figure parmi les objectifs prioritaires que la Communauté et ses États membres entendent poursuivre en vue de la mise en oeuvre des obligations qu'ils ont contractées en vertu de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, approuvée au nom de la Communauté par la décision 94/69/CE du Conseil, du 15 décembre 1993 (JO 1994, L 33, p. 11), ainsi que du protocole de la troisième conférence des parties à cette convention, fait à Kyoto le 11 décembre 1997, signé par la Communauté européenne et ses États membres le 29 avril 1998 [voir, à cet égard, notamment, la résolution 98/C 198/01 du Conseil, du 8 juin 1998, sur les sources d'énergie renouvelables (JO C 198, p. 1), et la décision n° 646/2000/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 février 2000, arrêtant un programme pluriannuel pour la promotion des sources d'énergie renouvelables dans la Communauté (Altener) (1998/2002) (JO L 79, p. 1)].
Il y a lieu d'observer que cette politique vise également la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ainsi que la préservation des végétaux.
En outre, ainsi qu'il ressort de la troisième phrase de l'article 130 R, paragraphe 2, premier alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 174, paragraphe 2, premier alinéa, CE), les exigences en matière de protection de l'environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en oeuvre des autres politiques de la Communauté. Le traité d'Amsterdam a transféré cette disposition, dans une forme légèrement modifée, à l'article 6 CE, qui figure dans sa première partie intitulée «Les principes».
Il résulte d'ailleurs expressément du vingt-huitième considérant de la directive 96/92 que c'est «pour des raisons de protection de l'environnement» que celle-ci, en ses articles 8, paragraphe 3, et 11, paragraphe 3, autorise les États membres à donner la priorité à la production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables.
Il importe également de relever que cette directive, ainsi qu'il ressort de son trente-neuvième considérant, ne constitue qu'une nouvelle phase de la libéralisation du marché de l'électricité et laisse subsister des entraves aux échanges d'électricité entre États membres.
Il convient de constater en outre que la nature de l'électricité est telle que, une fois admise dans le réseau de transport ou de distribution, il est difficile d'en déterminer l'origine et notamment la source d'énergie à partir de laquelle elle a été produite.
À cet égard, la Commission a estimé, dans sa proposition de directive 2000/C 311 E/22 du Parlement européen et du Conseil relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité (JO 2000, C 311 E, p. 320), présentée le 31 mai 2000, que la mise en oeuvre, dans chaque État membre, d'un système de certificats d'origine de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables, susceptibles de faire l'objet d'une reconnaissance mutuelle, est indispensable afin de rendre les échanges de ce type d'électricité à la fois fiables et possibles en pratique.
Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question préjudicielle que, en l'état actuel du droit communautaire relatif au marché de l'électricité, une réglementation telle que le Stromeinspeisungsgesetz, modifié, n'est pas incompatible avec l'article 30 du traité. »

De façon peut être plus explicite que dans PreussenElektra, la Cour dans son jugement Aher-Waggon [C-389/96, Rec. (1998) I-4473] a admis qu’une exigence impérative puisse être valablement invoquée à l’encontre d’une mesure distinctement applicable. En l’occurrence, la Cour a dû faire face à une réglementation nationale (allemande) qui subordonnait la première immatriculation sur le territoire national d'avions préalablement immatriculés dans un autre État membre au respect de normes sonores plus sévères que celles prévues par une directive communautaire qui régissait la matière, tout en en exemptant les avions qui avaient obtenu l'immatriculation sur le territoire allemand avant la mise en application de cette directive. La justification de cette mesure était que, vu la densité de la population en Allemagne, des mesures qui établissaient des normes sonores plus sévères que celles prévues dans le contexte communautaire étaient nécessaires pour la protection de la population contre la pollution sonore. La Cour a accepté qu’une telle législation était conforme au TCE (atts. 20-26) :

« Encore convient-il, conformément à une jurisprudence constante, qu'une réglementation nationale qui a ou est de nature à avoir un effet restrictif sur les échanges intracommunautaires soit proportionnée aux objectifs poursuivis et que ces objectifs ne puissent pas être atteints par des mesures moins restrictives pour les échanges intracommunautaires (voir arrêts du 9 juillet 1997, C-34/95, C-35/95 et C-36/95, De Agostini et TV-Shop, Rec. p. I-3843, point 45, et du 23 octobre 1997, C-189/95, Franzén, Rec. p. I-5909, point 75).
A cet égard, s'agissant de l'établissement de normes plus strictes que celles de la directive, il suffit de constater que, comme le gouvernement allemand l'a exposé, la limitation des émissions sonores des avions est le moyen le plus efficace et le plus commode de lutter contre la pollution sonore qui découle de ces derniers. Il est, en effet, généralement malaisé de diminuer notablement les émissions sonores par des travaux effectués dans les environs des aéroports, si ce n'est au prix d'investissements extrêmement coûteux.
En outre, il convient de préciser que la limitation par des règles plus strictes en matière d'émissions sonores des avions des possibilités d'immatriculer un avion en Allemagne s'applique à tout avion, neuf ou d'occasion, indépendamment de son origine et qu'elle n'empêche pas l'utilisation en Allemagne d'avions immatriculés dans un autre État membre.
En ce qui concerne plus précisément l'exemption du respect de ces normes plus strictes dont bénéficient les avions immatriculés dans l'État membre en cause avant la mise en application de la directive, il convient de relever que, ainsi que le gouvernement allemand l'a exposé, ces avions doivent également se conformer aux normes acoustiques plus strictes lorsqu'ils subissent des modifications techniques, même sans incidence sur les émissions sonores, ou lorsqu'ils sont mis temporairement hors service. De plus, leur nombre peut être connu des autorités allemandes.
Les autorités nationales ont dès lors valablement pu considérer que le nombre d'avions ne remplissant pas les normes acoustiques plus sévères allait nécessairement diminuer et, partant, que le niveau global de pollution sonore ne pourrait que se réduire graduellement. Au demeurant, l'efficacité de cette politique d'élimination progressive du parc national des avions ne respectant pas les normes sonores plus sévères serait compromise si, dans une mesure que ne peuvent prévoir les autorités nationales, des avions en provenance d'autres États membres pouvaient en augmenter le nombre.
Une réglementation telle que celle au principal n'apparaît dès lors pas disproportionnée.
Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre que l'article 30 du traité ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui subordonne la première immatriculation sur le territoire national d'avions préalablement immatriculés dans un autre État membre au respect de normes sonores plus sévères que celles prévues par la directive, tout en en exemptant les avions qui ont obtenu l'immatriculation sur ledit territoire avant la mise en application de cette directive. »

Toutefois, la Cour n’a pris ses distances par rapport à sa jurisprudence Déchets wallons de façon explicite, ni dans PreussenElektra ni dans Aher-Waggon. Pour l’instant, la critique la plus sévère contre la jurisprudence Déchets wallons a été formulée par l’AG Jacobs. Celui-ci, lors de ses conclusions dans l’affaire PreussenElektra, a expliqué pourquoi, à son avis, il fallait que la Cour rompe avec sa jurisprudence antérieure Il préconise que la protection de l'environnement puisse également être invoquée à l’encontre des mesures distinctement applicables. Or, si cet élargissement ne devait s'appliquer qu'à la protection de l'environnement, l'on octroierait davantage de poids à la protection de l'environnement qu'aux autres exigences impératives et l'on introduirait ainsi une hiérarchie qui soulèverait maintes difficultés et ne paraît guère envisageable. En l'absence de toute hiérarchie entre les exigences impératives, la position adoptée par l'AG Jacobs aboutit dès lors ipso facto à une acceptation de la thèse selon laquelle toute exigence impérative devrait également pouvoir justifier des mesures distinctement applicables.

Nous reproduisons ci-après les points 221-234 des conclusions susmentionnées :

« En ce qui concerne le StrEG 1998, l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables en Allemagne bénéficie de l'obligation d'achat à un prix minimal et le même type d'électricité produit dans un État membre voisin n'en bénéficie pas. Le StrEG 1998 traite dès lors l'électricité d'origine nationale de manière différente, tant en droit qu'en fait, de l'électricité importée. Sur la base de la jurisprudence mentionnée au point précédent, la protection de l'environnement ne pouvait dès lors pas être invoquée comme justification.

La Commission tente de se fonder sur l'arrêt dit «des déchets wallons». Elle laisse entendre qu'une approche similaire devrait être suivie dans la présente affaire, afin de se fonder sur la protection de l'environnement.

Cette affaire concernait une mesure qui interdisait d'entreposer, de déposer ou de déverser en Wallonie des déchets provenant d'un autre État membre ou d'une région de Belgique autre que la Wallonie. Sur la question de savoir si la mesure pouvait être justifiée par des exigences impératives de protection de l'environnement, la Cour a essentiellement raisonné de la manière suivante.

Selon la Cour, il était vrai que les exigences impératives n'entraient en ligne de compte que s'il s'agissait de mesures indistinctement applicables aux produits nationaux et importés. Toutefois, pour apprécier le caractère discriminatoire ou non de l'entrave en cause, il convenait de tenir compte de la particularité des déchets, du principe prévu à l'article 130 R, paragraphe 2, du traité CE (devenu, après modification, article 174, paragraphe 2, CE), selon lequel les dégâts causés à l'environnement devraient être solutionnés à la source, ainsi que des principes d'autosuffisance et de proximité énoncés dans la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers des déchets dangereux et de leur élimination. Compte tenu des différences entre les déchets produits d'un lieu à un autre et de leur lien avec le lieu de production, les mesures contestées n'ont pu être considérées comme discriminatoires.

Selon nous, le raisonnement adopté dans l'arrêt des déchets wallons est erroné et ne devrait pas être suivi en l'espèce. La question de savoir si une mesure s'applique ou non indistinctement à des produits nationaux et à des produits importés constitue, d'un point de vue logique, une question préliminaire et neutre. Son unique fonction en vertu de la jurisprudence de la Cour est de déterminer les justifications disponibles. Nous considérons dès lors que, en examinant la question de savoir si une mesure est directement discriminatoire, on ne peut examiner si la mesure est appropriée.

L'arrêt dans l'affaire des déchets wallons démontre toutefois également qu'il est souhaitable que même des mesures directement discriminatoires soient parfois justifiées pour des raisons de protection de l'environnement.

En outre, il existe des indications qui tendent à montrer que la Cour revoit actuellement sa jurisprudence antérieure. La Cour s'est fondée sur des exigences impératives dans des affaires dans lesquelles il existait, à tout le moins, un doute sur la question de savoir si la mesure pouvait être considérée comme indistinctement applicable. Dans l'affaire Dusseldorp e.a., la Cour a expressément laissé ouverte la question de savoir si une restriction discriminatoire des exportations pouvait en principe être justifiée pour des raisons tenant à la protection de l'environnement. L'affaire la plus marquante est probablement l'affaire Aher-Waggon. Cette affaire concernait une réglementation allemande qui subordonnait l'immatriculation d'avions sur le territoire allemand au respect de normes relatives à la limitation des émissions sonores. Cette mesure, nous semble-t-il, discriminait directement les avions nationaux et les avions importés en ce que les avions préalablement immatriculés dans un autre État membre ne pouvaient être immatriculés en Allemagne, alors que les appareils du même type qui avaient déjà obtenu auparavant leur immatriculation en Allemagne conservaient leur immatriculation. La Cour a toutefois jugé, sans examiner la question de savoir si la mesure était directement discriminatoire, qu'une pareille entrave était susceptible d'être justifiée par des considérations de santé publique et de protection de l'environnement.

Ainsi, d'une part, «on ne peut exclure que la pertinence de la distinction entre les intérêts protégés par l'article 30 (anciennement article 36) et les exceptions fondées sur la 'Rule of reason (règle de raison) est en voie de déclin». D'autre part, la Cour n'a pas abandonné de manière formelle la règle selon laquelle les exigences impératives ne peuvent être invoquées en relation avec des mesures directement discriminatoires.

Compte tenu de l'importance fondamentale pour l'analyse de l'article 30 du traité, de la question de savoir si des mesures directement discriminatoires peuvent être justifiées par des exigences impératives, la Cour devrait, selon nous, clarifier sa position, de sorte à fournir la sécurité juridique nécessaire.

Deux raisons spécifiques pourraient être invoquées en faveur d'une approche plus flexible en ce qui concerne l'exigence impérative d'une protection de l'environnement. Premièrement, les amendements apportés au traité, adoptés à Amsterdam, démontrent l'existence d'une préoccupation accrue pour l'environnement, même si l'article 36 n'a pas été modifié.

L'article 6 CE est d'une importance particulière. Il prévoit à présent que:
«Les exigences de la protection de l'environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en oeuvre des politiques et actions de la Communauté visées à l'article 3», en ce inclus le marché intérieur, et il ajoute: «en particulier afin de promouvoir le développement durable». Ainsi que son libellé l'indique, l'article 6 CE ne se limite pas à établir un programme, il impose des obligations légales.

Il convient dès lors d'accorder une attention particulière aux considérations d'ordre environnemental lors de l'interprétation des dispositions du traité sur la libre circulation des marchandises. En outre, le dommage causé à l'environnement, même lorsqu'il ne menace pas de manière immédiate - tel que c'est souvent le cas - la santé et la vie d'êtres humains, d'animaux et de plantes protégées par l'article 36 du traité, peut constituer une menace plus substantielle, bien que à plus long terme, à l'écosystème dans son ensemble. Il serait difficile de justifier, dans ces circonstances, le fait d'accorder une protection moindre à l'environnement qu'aux intérêts reconnus dans des accords commerciaux conclus il y a plusieurs dizaines d'années et intégrés dans le texte de l'article 36 du traité, qui n'a lui-même pas été modifié depuis son adoption en 1957.

Deuxièmement, le fait de juger que les mesures environnementales ne peuvent être justifiées que lorsqu'elles s'appliquent indistinctement risque de mettre en échec la finalité même des mesures. Les mesures nationales pour la protection de l'environnement sont de manière inhérente susceptibles d'opérer une différenciation sur la base de la nature et de l'origine de la cause du dommage, et sont dès lors susceptibles d'être considérées comme discriminatoires, précisément parce qu'elles sont basées sur des principes reconnus, tels que «la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement» (article 130 R, paragraphe 2, du traité). Lorsque de telles mesures ont nécessairement un impact discriminatoire de ce type, la possibilité qu'elles puissent être justifiées ne devrait pas être exclue.

En supposant que les exigences en matière d'environnement puissent être invoquées correctement (sur quelque fondement que ce soit) dans la présente affaire, il convient ensuite d'établir si le StrEG 1998 respecte le principe de proportionnalité. Une fois encore, seuls des commentaires très brefs sont possibles à ce stade. »


7.8.2 Les cas spécifiques

7.8.2.1 L’effectivité de la supervision fiscale

Dans son arrêt Procédure pénale contre J. G. Abbink [aff. 134/83, Rec. (1984) 4097] la Cour a fait face à une mesure qui interdisait l’utilisation de voitures importées temporairement en franchise. Cette mesure a été jugée nécessaire afin de combattre la fraude dans ce domaine. La Cour a reconnu qu’une telle mesure ne viole pas les dispositions du Traité (atts. 13 et 16) :

« AINSI QUE LA COUR L ' A AFFIRME DANS SON ARRET PRECITE DU 9 OCTOBRE 1980 , LES ETATS MEMBRES AVAIENT CONSERVE , JUSQU ' A LA DATE D ' ENTREE EN VIGUEUR DE LA NOUVELLE DIRECTIVE , UN LARGE POUVOIR D ' INTERVENTION EN MATIERE D ' IMPORTATION TEMPORAIRE , PRECISEMENT DANS LE BUT D ' EMPECHER LES FRAUDES FISCALES ET , SI LES MESURES PRISES A CET EFFET N ' ETAIENT PAS EXCESSIVES , ELLES ETAIENT COMPATIBLES AVEC LE PRINCIPE DE LA LIBERTE DE CIRCULATION DES MARCHANDISES . DANS CE MEME ARRET , LA COUR A RECONNU QUE L ' INTERDICTION IMPOSEE PAR UN ETAT MEMBRE AUX PERSONNES QUI RESIDENT SUR SON TERRITOIRE D ' UTILISER DES VEHICULES IMPORTES TEMPORAIREMENT EN FRANCHISE CONSTITUE UN MOYEN EFFICACE POUR PREVENIR LES FRAUDES FISCALES ET ASSURER LE PAIEMENT DES TAXES DANS LE PAYS DE DESTINATION DES BIENS . ENFIN , LA COUR A CONSTATE QUE , DES LORS QUE LA COMPATIBILITE DES DISPOSITIONS TELLES QUE CELLES DE LA LEGISLATION EN CAUSE DANS L ' AFFAIRE PRECITEE AVEC LES REGLES DE L'ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ETAIT RECONNUE , IL N ' EXISTAIT PAS D ' ARGUMENTS PERMETTANT DE METTRE EN DOUTE LE POUVOIR D ' UN ETAT MEMBRE DE SANCTIONNER PENALEMENT L'INOBSERVATION DE LA REGLEMENTATION NATIONALE.
IL Y A DONC LIEU DE REPONDRE A LA QUESTION POSEE PAR L'ARRONDISSEMENTSRECHTBANK D ' ARNHEM QUE LES REGLES DU TRAITE CEE RELATIVES A LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES NE FONT PAS OBSTACLE A CE QU ' UNE REGLEMENTATION NATIONALE IMPOSE AUX RESIDENTS SUR LE TERRITOIRE D ' UN ETAT MEMBRE L ' INTERDICTION , SANCTIONNEE PENALEMENT , D ' UTILISER DES VEHICULES AUTOMOBILES QUI ONT BENEFICIE D ' UN REGIME D ' IMPORTATION TEMPORAIRE ET QUI SONT DONC EXEMPTS DU PAIEMENT DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE , MEME CETTE REGLEMENTATION NE FAIT PAS EXCEPTION POUR LES CAS OU L ' UTILISATION DE CES VEHICULES A LIEU SANS INTENTION DE SE SOUSTRAIRE A L ' IMPOSITION »


7.8.2.2 La protection des consommateurs

Dans sa jurisprudence Anton Adriaan Fietje [aff. 27/80, Rec. [(1980) 3839], la Cour a traité d'une législation néerlandaise exigeant que les produits importés soient accompagnés d’un étiquetage indiquant leur contenu dans la langue du pays d’importation. Selon la Cour, une telle loi constitue une entrave à la libre circulation des marchandises s'il y a équivalence entre l’information déjà contenue sur l’étiquette du produit quand il est exporté et l’information requise par le pays importateur et si l’information préexistante est compréhensible pour les consommateurs du pays importateur (atts. 11, 12 et 15) :
« SI UNE REGLEMENTATION NATIONALE CONCERNANT UN PRODUIT DETERMINE COMPREND L ' OBLIGATION D ' UTILISER UNE DENOMINATION SUFFISAMMENT PRECISE POUR PERMETTRE A L'ACHETEUR DE CONNAITRE LA NATURE DU PRODUIT ET DE LE DISTINGUER DES PRODUITS AVEC LESQUELS IL POURRAIT ETRE CONFONDU , IL PEUT CERTAINEMENT ETRE NECESSAIRE , POUR DONNER AUX CONSOMMATEURS UNE PROTECTION EFFICACE , D ' ETENDRE CETTE OBLIGATION EGALEMENT AUX PRODUITS IMPORTES , MEME DE MANIERE A IMPOSER LA MODIFICATION DES ETIQUETTES ORIGINAIRES DE CERTAINS DE CES PRODUITS . SUR LE PLAN DE LA LEGISLATION COMMUNAUTAIRE , CETTE EVENTUALITE EST RECONNUE PAR PLUSIEURS DIRECTIVES RELATIVES AU RAPPROCHEMENT DES LEGISLATIONS DES ETATS MEMBRES CONCERNANT CERTAINES DENREES ALIMENTAIRES , AINSI QUE PAR LA DIRECTIVE 79/112 DU CONSEIL , DU 18 DECEMBRE 1978 , RELATIVE AU RAPPROCHEMENT DES LEGISLATIONS DES ETATS MEMBRES CONCERNANT L ' ETIQUETAGE ET LA PRESENTATION DES DENREES ALIMENTAIRES DESTINEES AU CONSOMMATEUR FINAL AINSI QUE LA PUBLICITE FAITE A LEUR EGARD ( JO L 33 , P . 1 ).
CEPENDANT, LA NECESSITE D ' UNE TELLE PROTECTION N ' EXISTE PLUS LORSQUE LES INDICATIONS PORTEES SUR L ' ETIQUETTE ORIGINAIRE DU PRODUIT IMPORTE ONT UN CONTENU INFORMATIF , QUANT A LA NATURE DU PRODUIT , QUI COMPORTE AU MOINS LES MEMES INFORMATIONS ET QUI EST AUSSI COMPREHENSIBLE POUR LES CONSOMMATEURS DE L ' ETAT IMPORTATEUR QUE LA DENOMINATION EXIGEE PAR LA REGLEMENTATION DE CET ETAT . DANS LE CADRE DE L ' ARTICLE 177 DU TRAITE , LES APPRECIATIONS DE FAIT NECESSAIRES EN VUE D ' ETABLIR L ' EXISTENCE OU NON D ' UNE TELLE EQUIVALENCE RELEVENT DE LA COMPETENCE DU JUGE NATIONAL .
… IL CONVIENT DONC DE REPONDRE A LA QUESTION PREJUDICIELLE POSEE QUE L ' EXTENSION , PAR UN ETAT MEMBRE , D ' UNE DISPOSITION , PROHIBANT LA VENTE DE BOISSONS ALCOOLIQUES DETERMINEES SOUS UNE DENOMINATION AUTRE QUE CELLE PRESCRITE PAR LA LEGISLATION NATIONALE , AUX BOISSONS IMPORTEES D ' AUTRES ETATS MEMBRES DE MANIERE A RENDRE NECESSAIRE UNE MODIFICATION DE L ' ETIQUETTE SOUS LAQUELLE LA BOISSON IMPORTEE EST LEGALEMENT COMMERCIALISEE DANS L ' ETAT MEMBRE EXPORTATEUR , EST A CONSIDERER COMME MESURE D ' EFFET EQUIVALANT A UNE RESTRICTION QUANTITATIVE , INTERDITE PAR L ' ARTICLE 30 DU TRAITE , DANS LA MESURE OU LES INDICATIONS PORTEES SUR L ' ETIQUETTE ORIGINAIRE ONT , POUR LES CONSOMMATEURS , EN CE QUI CONCERNE LA NATURE DU PRODUIT EN CAUSE , UN CONTENU INFORMATIF EQUIVALANT A CELUI DE LA DENOMINATION LEGALEMENT PRESCRITE . LES APPRECIATIONS DE FAIT NECESSAIRES EN VUE D ' ETABLIR L ' EXISTENCE OU NON D ' UNE TELLE EQUIVALENCE SONT A PORTER PAR LE JUGE NATIONAL. »


Dans la jurisprudence Meyhui NV contre Schott Zwiesel Glaswerke AG [C-51/93, Rec. (1994) I-3879], il était demandé à la Cour de se prononcer sur la validité de la Dir. 69/493/CEE sur le verre cristal et plus précisément sur l’obligation de désigner ces produits exclusivement dans la ou les langues du pays dans lequel la marchandise est commercialisée. Les deux questions devant la Cour étaient formulées de la façon suivante (att. 8):

« 1) La directive 69/493/CEE du Conseil, du 15 décembre 1969, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au verre cristal, est-elle compatible avec l' article 30 du traité CEE en ce que la directive impose l' utilisation exclusive de la langue du pays de commercialisation pour la dénomination des produits en verre des catégories 3 et 4 de l' annexe I sans laisser la possibilité d' utiliser une autre langue plus facile à comprendre pour l' acheteur ou d' informer celui-ci par d' autres moyens?
2) En cas de réponse affirmative à la première question, les expressions 'pays où la marchandise est commercialisée' et 'Land, in dem die Ware in den Verkehr Gebracht wird' désignent-elles le pays où se produit la commercialisation finale des produits ou bien le pays où ceux-ci sont commercialisés pour la première fois? »

La Cour, tout en rappelant que l’obligation de respecter les règles sur la libre circulation des marchandises lie non seulement les Etats membres mais aussi les institutions communautaires (att. 11), répond par l’affirmative.

Dans sa jurisprudence Verband Sozialer Wettbewerb eV contre Clinique Laboratoires SNC et Estée Lauder Cosmetics GmbH [C-315/92, Rec. (1994) I-317], la Cour a dû à titre préjudiciel traiter de la question suivante (att. 6):

"Les articles 30 et 36 du traité CEE doivent-ils être interprétés en ce sens qu' ils s' opposent à l' application d' une disposition nationale en matière de concurrence déloyale qui permet d' interdire l' importation et la commercialisation d' un produit régulièrement fabriqué et/ou régulièrement commercialisé dans un autre pays européen, au motif que la dénomination du produit - Clinique - risque d' induire les consommateurs en erreur - dans la mesure où ils pourraient y voir un produit à effet thérapeutique -, lorsque ce produit est commercialisé sous le même nom légalement et sans donner lieu à contestation dans d' autres États membres de la Communauté européenne?"

Les disposition allemandes en cause étaient sensées transposer en droit allemand des dispositions pertinentes de droit communautaire (directives sur la publicité trompeuse). La Cour n’a pas accepté les arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne pour deux raisons : primo, parce qu’à son avis, du fait que lesdits produits sont commercialisés seulement dans des parfumeries et non pas dans des pharmacies, le risque de tromper les consommateurs est quasi inexistant ; secundo, la Cour s’oriente vers une ‘communautarisation’ de la protection des consommateurs. A son avis le fait que de tels problèmes n’ont pas été perçus dans le reste de l’Union européenne indique que la peur allemande n’est pas bien fondée (atts. 21-24) :

« Il ressort notamment de ces indications que la gamme des produits cosmétiques de l' entreprise Estée Lauder n' est commercialisée en République fédérale d' Allemagne que dans des parfumeries ou dans les rayons de produits cosmétiques de grands magasins, c'est-à-dire qu' aucun de ces produits n' est disponible en pharmacie. Il n' est pas contesté que ces produits sont présentés comme des produits cosmétiques et non pas comme des médicaments. Il n' est pas allégué qu' indépendamment de la dénomination des produits cette présentation ne respecte pas les règles applicables en la matière aux produits cosmétiques. Enfin, selon les termes mêmes de la question posée, ces produits sont régulièrement commercialisés dans les autres pays sous la dénomination "Clinique" sans que l'usage d'une telle dénomination entraîne apparemment d'erreur pour les consommateurs.
Au vu de ces données de fait, l'interdiction de l'utilisation de cette dénomination en République fédérale d'Allemagne n' apparaît pas nécessaire pour satisfaire aux exigences de la protection des consommateurs ou de la santé des personnes.
En effet, la connotation hospitalière ou médicale du terme "Clinique" ne suffit pas à donner à cette appellation un effet trompeur susceptible de justifier son interdiction pour des produits commercialisés dans les conditions qui viennent d'être rappelées.
Il y a donc lieu de répondre à la question préjudicielle que les articles 30 et 36 du traité et l' article 6, paragraphe 2, de la directive 76/768/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques, doivent être interprétés en ce sens qu' ils s' opposent à ce qu' une mesure nationale interdise l' importation et la commercialisation d' un produit classé et présenté comme cosmétique en fondant cette interdiction sur le motif que ce produit porte la dénomination "Clinique". »

7.8.2.3 La prévention de la concurrence déloyale

En principe, il y a un chevauchement entre la protection des consommateurs et la lutte contre la concurrence déloyale. Ce chevauchement n’est tout de même pas absolu et il peut y avoir des divergences en droit domestique sur le traitement de ces deux notions (par exemple, une entreprise peut intenter un recours contre un concurrent pour avoir eu une pratique de concurrence déloyale alors qu'elle ne se verra fort probablement pas reconnaître de locus standi si elle veut attaquer la même entreprise en raison de la violation de ses obligations face aux consommateurs).

Dans son jugement Dansk Supermarked A/S c. A/S Imerco [aff. 58/80, Rec. (1981) 181], la Cour a exprimé l'avis qu’en principe rien n’empêche un Etat membre de refuser la commercialisation de produits légalement mis en circulation dans le pays d’exportation, si leur commercialisation ne respecte pas les règles de concurrence déloyale établies par le pays importateur (atts. 14-18) :

« LA QUESTION POSEE PAR LE HOEJESTERET VISE A SAVOIR SI PEUT ETRE CONSIDEREE COMME UNE PRATIQUE COMMERCIALE IRREGULIERE LA MISE EN VENTE , AU DANEMARK , D ' UNE MARCHANDISE ECOULEE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE , AVEC L ' ACCORD D ' UNE ENTREPRISE DANOISE , MAIS A CONDITION QUE CETTE MARCHANDISE NE SOIT PAS EXPORTEE VERS LE DANEMARK , DE MANIERE A Y CONCURRENCER UNE MARCHANDISE COMMERCIALISEE EN EXCLUSIVITE PAR L ' ENTREPRISE INTERESSEE. EN VUE DE REPONDRE A CETTE QUESTION , IL Y A LIEU DE FAIRE REMARQUER , A TITRE PRELIMINAIRE , QUE LE DROIT COMMUNAUTAIRE N ' A PAS , EN PRINCIPE , POUR EFFET D ' EMPECHER L ' APPLICATION , DANS UN ETAT MEMBRE , AUX MARCHANDISES IMPORTEES D ' AUTRES ETATS MEMBRES , DES REGLES DE COMMERCIALISATION EN VIGUEUR DANS L ' ETAT D ' IMPORTATION . IL EN RESULTE QUE LA COMMERCIALISATION DE MARCHANDISES IMPORTEES PEUT ETRE INTERDITE LORSQUE LES CONDITIONS DANS LESQUELLES LEUR MISE EN VENTE EST REALISEE CONSTITUENT UNE INFRACTION AUX USAGES COMMERCIAUX CONSIDERES COMME REGULIERS ET LOYAUX DANS L ' ETAT MEMBRE D ' IMPORTATION. IL CONVIENT CEPENDANT DE SOULIGNER , AINSI QUE LA COUR L ' A FAIT RESSORTIR DANS UN AUTRE CONTEXTE PAR SON ARRET DU 25 NOVEMBRE 1971 ( BEGUELIN , AFFAIRE 22/71 , RECUEIL 1971 , P . 949 ), QUE LE FAIT MEME DE L ' IMPORTATION D ' UNE MARCHANDISE , LEGALEMENT COMMERCIALISEE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE , NE SAURAIT ETRE CONSIDERE COMME UN ACTE COMMERCIAL IRREGULIER OU DELOYAL , UNE TELLE QUALIFICATION NE POUVANT ETRE ATTACHEE A LA MISE EN VENTE QU ' EN RAISON DE CIRCONSTANCES DISTINCTES DE L ' IMPORTATION PROPREMENT DITE.
IL IMPORTE DE FAIRE REMARQUER , AU SURPLUS , QU ' EN AUCUN CAS , DES CONVENTIONS ENTRE PARTICULIERS NE SAURAIENT DEROGER AUX DISPOSITIONS IMPERATIVES DU TRAITE RELATIVES A LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES . IL EN RESULTE QU ' UNE CONVENTION PORTANT INTERDICTION D ' IMPORTER , DANS UN ETAT MEMBRE , UNE MARCHANDISE LICITEMENT COMMERCIALISEE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE NE SAURAIT ETRE INVOQUEE OU PRISE EN CONSIDERATION POUR QUALIFIER L ' ECOULEMENT DE CETTE MARCHANDISE COMME UNE PRATIQUE COMMERCIALE IRREGULIERE OU DELOYALE. IL CONVIENT DONC DE REPONDRE , EN SECOND LIEU , A LA QUESTION POSEE QUE L ' ARTICLE 30 DU TRAITE DOIT ETRE INTERPRETE EN CE SENS - QUE L ' IMPORTATION , DANS UN ETAT MEMBRE , D ' UNE MARCHANDISE ECOULEE DE MANIERE LICITE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE , NE SAURAIT , COMME TELLE , ETRE QUALIFIEE DE PRATIQUE COMMERCIALE IRREGULIERE OU DELOYALE , SANS PREJUDICE , TOUTEFOIS , DE L ' APPLICATION EVENTUELLE DE LA LEGISLATION DE L ' ETAT D ' IMPORTATION REPRIMANT DE TELLES PRATIQUES EN RAISON DE CIRCONSTANCES OU MODALITES DE LA MISE EN VENTE INDEPENDANTES DU FAIT MEME DE L ' IMPORTATION , ET
-QU'UNE CONVENTION ENTRE PARTICULIERS , VISANT A INTERDIRE L'IMPORTATION D'UNE TELLE MARCHANDISE , NE SAURAIT ETRE INVOQUEE OU PRISE EN CONSIDERATION POUR QUALIFIER L'ECOULEMENT DE CETTE MARCHANDISE COMME UNE PRATIQUE COMMERCIALE IRREGULIERE OU DELOYALE. »
7.8.2.4 La protection de l’environnement

La protection de l’environnement a été admise comme exigence impérative dans l’aff. Déchets Wallons, citée ci-dessus. L'art. 30 TCE ne contient aucune référence explicite à la protection de l’environnement (malgré le fait qu’implicitement, une partie de la protection de l’environnement est protégée par le biais de la protection de la vie des animaux, objectif mentionné à l’art. 30 TCE). Aujourd’hui, à la vue du progrès de l’analyse scientifique des risques que la pollution de l’environnement peut impliquer, il y a une multiplication des efforts législatifs aussi bien sur le plan domestique qu'international, étant donné qu’une grande partie de la pollution environnementale est transfrontalière.

De tels traités essaient d’internaliser les externalités environnementales en imposant aux pays signataires des obligations spécifiques. Dans la plupart des cas la solution Pigouvienne (d’après Pigou, The Economics of Welfare) est retenue : elle comporte notamment le principe du ‘pollueur payer’, sa base intellectuelle étant qu’un tel instrument obligera le pollueur d’internaliser le coût qu’il impose à la société.

La protection de l’environnement constitue en soi une raison persuasive qui explique pourquoi le contrat communautaire (le TCE) est incomplet : c’est la connaissance acquise au fil du temps qui oblige les Etats membres à intervenir par voie réglementaire à partir des années 70 dans ce domaine. C’est l’absence de cette connaissance justement qui explique l’omission de la protection environnementale dans la liste de l’art. 30 TCE.
La Cour a pour la première fois accepté que la protection de l’environnement constituait l'un des objectifs essentiels de la Communauté susceptible de justifier en tant que tel certaines limitations au principe de la libre circulation des marchandises lors de sa jurisprudence Association de Défense des brûleurs d’huiles usagées [aff. 240/83, Rec. (1985) 531]. Dans l’affaire dite des Bouteilles danoises [Commission des Communautés européennes c. Royaume de Danemark, aff. 302/86, Rec. (1988) 4607] la Cour a dû traiter d'une plainte de la Commission contre le Danemark. Selon la Commission, le système danois décrit ci-dessous (atts. 2 et 3) entravait la libre circulation des marchandises :

« LE SYSTEME DONT LA COMMISSION CONTESTE LA COMPATIBILITE AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE EST CARACTERISE PAR L'OBLIGATION, IMPOSEE AUX PRODUCTEURS, DE COMMERCIALISER LA BIERE ET LES BOISSONS RAFRAICHISSANTES UNIQUEMENT DANS DES EMBALLAGES SUSCEPTIBLES D' ETRE REUTILISES. CES EMBALLAGES DOIVENT ETRE AGREES PAR L' AGENCE NATIONALE POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT, QUI PEUT REFUSER SON AGREMENT POUR UN NOUVEAU TYPE D' EMBALLAGE, NOTAMMENT SI ELLE ESTIME QUE L' EMBALLAGE N' EST PAS TECHNIQUEMENT ADAPTE A UN SYSTEME DE REPRISE, QUE LE SYSTEME DE REPRISE PREVU PAR LES INTERESSES NE GARANTIT PAS LE REEMPLOI EFFECTIF D' UNE PROPORTION SUFFISANTE D' EMBALLAGES, OU SI UN EMBALLAGE D' EGAL VOLUME, ACCESSIBLE ET ADAPTE A LA MEME UTILISATION, A DEJA ETE AGREE .
UNE MODIFICATION DE LA REGLEMENTATION PRECITEE A ETE INTRODUITE PAR L' ARRETE N* 95, DU 16 MARS 1984, QUI A ADMIS, POUR AUTANT QU' UN SYSTEME DE CONSIGNE ET REPRISE SOIT MIS EN PLACE, L' UTILISATION D' EMBALLAGES NON AGREES, A L' EXCLUSION DE TOUT EMBALLAGE METALLIQUE, DANS LA LIMITE DE 3 000 HL PAR PRODUCTEUR ET PAR AN, AINSI QUE DANS LE CADRE D' OPERATIONS EFFECTUEES PAR DES PRODUCTEURS ETRANGERS, EN VUE DE TESTER LE MARCHE. »

La Cour a accepté la plainte de la Commission et a rejeté l’argument danois selon lequel une modification de la loi suffisait à rendre le système compatible avec le droit communautaire pour les raisons suivantes (atts. 20-22):

« A CET EGARD, IL Y A LIEU D' OBSERVER QUE, CERTES, LE SYSTEME DE REPRISE EXISTANT POUR LES EMBALLAGES AGREES GARANTIT UN TAUX MAXIMAL DE REUTILISATION, ET DONC UNE PROTECTION TRES SENSIBLE DE L' ENVIRONNEMENT, DU FAIT QUE LES EMBALLAGES VIDES PEUVENT ETRE RENDUS CHEZ N' IMPORTE QUEL DETAILLANT DE BOISSONS, ALORS QUE LES EMBALLAGES NON AGREES, COMPTE TENU DE L' IMPOSSIBILITE DE METTRE EN PLACE POUR EUX AUSSI UNE ORGANISATION AUSSI COMPLETE, PEUVENT ETRE RENDUS UNIQUEMENT CHEZ LE DETAILLANT QUI A VENDU LES BOISSONS.

TOUTEFOIS, LE SYSTEME DE REPRISE DES EMBALLAGES NON AGREES EST DE NATURE A PROTEGER L' ENVIRONNEMENT ET NE CONCERNE D' AILLEURS, QUANT AUX IMPORTATIONS, QUE DES QUANTITES LIMITEES DE BOISSONS PAR RAPPORT A LA QUANTITE DE BOISSONS CONSOMMEE DANS LE PAYS, DU FAIT DE L' EFFET RESTRICTIF QU' A SUR LES IMPORTATIONS L' EXIGENCE DE REPRISE DES EMBALLAGES . DANS CES CONDITIONS, UNE LIMITATION DE LA QUANTITE DES PRODUITS SUSCEPTIBLES D' ETRE COMMERCIALISES PAR LES IMPORTATEURS EST DISPROPORTIONNEE PAR RAPPORT A L' OBJECTIF POURSUIVI .

IL Y A DONC LIEU DE CONCLURE QU' EN LIMITANT, PAR SON ARRETE N* 95, DU 16 MARS 1984, A 3 000 HL, PAR PRODUCTEUR ET PAR AN, LA QUANTITE DE BIERE ET DE BOISSONS RAFRAICHISSANTES QUI PEUT ETRE COMMERCIALISEE DANS DES EMBALLAGES NON AGREES, EN CE QUI CONCERNE LES IMPORTATIONS DE CES PRODUITS EN PROVENANCE D' AUTRES ETATS MEMBRES, LE ROYAUME DE DANEMARK A MANQUE AUX OBLIGATIONS QUI LUI INCOMBENT EN VERTU DE L' ARTICLE 30 DU TRAITE CEE. »

7.8.2.5 L’amélioration des conditions de travail

Dans sa jurisprudence Procédure relative à des amendes contre Sergius Oebel [aff. 155/80, Rec. (1981) 1993], la Cour a accepté qu’une limitation des heures de travail constitue un choix légitime de politique économique qui vise à améliorer les conditions de travail et que comme telle, elle n’est pas incompatible avec le droit communautaire et ce malgré le fait qu’elle ait une incidence sur les échanges intra-communautaires (atts. 11-16) :

« PAR LA DEUXIEME QUESTION , LE JUGE NATIONAL DESIRE SAVOIR SI LES EFFETS , AU REGARD DE L ' EXPORTATION ET DE L ' IMPORTATION DE PRODUITS FRAIS DU SECTEUR , CREES PAR UNE LEGISLATION NATIONALE RELATIVE AUX HEURES DE FABRICATION DANS LES BOULANGERIES ET PATISSERIES , TELLE QUE LA LOI ALLEMANDE EN CAUSE , SONT A CONSIDERER COMME DES MESURES D ' EFFET EQUIVALANT A UNE RESTRICTION QUANTITATIVE A L ' IMPORTATION OU A L ' EXPORTATION AU SENS DES ARTICLES 30 ET 34 DU TRAITE.
EN CE QUI CONCERNE LA RESTRICTION DE LA FABRICATION
ON NE SAURAIT CONTESTER QUE L ' INTERDICTION DE FABRICATION AVANT QUATRE HEURES DU MATIN DANS LE SECTEUR DE LA BOULANGERIE ET DE LA PATISSERIE , CONSIDEREE COMME TELLE , CONSTITUE UN CHOIX DE POLITIQUE ECONOMIQUE ET SOCIALE LEGITIME , CONFORME AUX OBJECTIFS D ' INTERET GENERAL POURSUIVIS PAR LE TRAITE . EN EFFET , CETTE INTERDICTION VISE A AMELIORER LES CONDITIONS DE TRAVAIL DANS UN SECTEUR NOTOIREMENT SENSIBLE QUI EST CARACTERISE , DU POINT DE VUE DU PROCESSUS DE PRODUCTION , PAR DES PARTICULARITES TENANT TANT A LA QUALITE DES PRODUITS QU ' AUX HABITUDES DES CONSOMMATEURS .
CES CIRCONSTANCES EXPLIQUENT QUE PLUSIEURS ETATS MEMBRES DE LA COMMUNAUTE AINSI QU ' UN CERTAIN NOMBRE D ' ETATS TIERS ONT SOUMIS LA FABRICATION PENDANT LA NUIT DANS CE SECTEUR A DES REGLEMENTATIONS COMPARABLES . IL CONVIENT A CET EGARD DE RELEVER NOTAMMENT LA CONVENTION N 20 DE L ' ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL , DU 8 JUIN 1925 , CONCERNANT LE TRAVAIL DE NUIT DANS LES BOULANGERIES , QUI INTERDIT , SOUS RESERVE DE CERTAINES EXCEPTIONS , LA FABRICATION PENDANT LA NUIT DU PAIN , DE LA PATISSERIE OU DE PRODUITS SIMILAIRES .
LE PREVENU A SOUTENU QUE L ' INTERDICTION DE FABRIQUER DES PRODUITS DE LA BOULANGERIE ET DE LA PATISSERIE AVANT QUATRE HEURES DU MATIN CONSTITUE UNE ENTRAVE A L ' EXPORTATION , INTERDITE PAR L ' ARTICLE 34 DU TRAITE . CECI VAUDRAIT NOTAMMENT POUR LES PRODUITS QUI DOIVENT ETRE LIVRES FRAIS EN TEMPS UTILE POUR LE PETIT DEJEUNER ET QUI DOIVENT DONC ETRE FABRIQUES PENDANT LA NUIT PRECEDANT IMMEDIATEMENT LE JOUR DE LA VENTE.
TOUTEFOIS , COMME LA COUR L ' A DEJA CONSTATE DANS SON ARRET DU 8 NOVEMBRE 1979 ( GROENVELD , 15/79 , RECUEIL P . 3409 ), L ' ARTICLE 34 VISE LES MESURES NATIONALES QUI ONT POUR OBJET OU POUR EFFET DE RESTREINDRE SPECIFIQUEMENT LES COURANTS D ' EXPORTATION ET D ' ETABLIR AINSI UNE DIFFERENCE DE TRAITEMENT ENTRE LE COMMERCE INTERIEUR D ' UN ETAT MEMBRE ET SON COMMERCE D ' EXPORTATION , DE MANIERE A ASSURER UN AVANTAGE PARTICULIER A LA PRODUCTION NATIONALE OU AU MARCHE INTERIEUR DE L ' ETAT INTERESSE.
TEL N'EST MANIFESTEMENT PAS LE CAS D ' UNE REGLEMENTATION COMME CELLE DE L ' ESPECE , QUI RELEVE DE LA POLITIQUE ECONOMIQUE ET SOCIALE ET QUI S ' APPLIQUE EN FONCTION DE CRITERES OBJECTIFS A L ' ENSEMBLE DES ENTREPRISES D ' UN SECTEUR DETERMINE , ETABLIES SUR LE TERRITOIRE NATIONAL , SANS CREER UNE DIFFERENCE DE TRAITEMENT QUELCONQUE EN RAISON DE LA NATIONALITE DES OPERATEURS ET SANS DISTINGUER ENTRE LE COMMERCE A L ' INTERIEUR DE L ' ETAT INTERESSE ET CELUI D ' EXPORTATION. »


7.8.2.6 La protection du patrimoine artistique et culturel

La Cour dans son jugement Commission des Communautés européennes c. République française [C-154/89, Rec. (1991) I-659] a dû faire face à la situation suivante (att. 1):
 « Par requête déposée au greffe de la Cour le 2 mai 1989, la Commission a introduit, en vertu de l' article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater que, en subordonnant la prestation de services des guides touristiques voyageant avec un groupe de touristes en provenance d' un autre État membre, lorsque cette prestation consiste à guider ces touristes dans les lieux de certains départements et communes, autres que les musées ou monuments historiques susceptibles de n' être visités qu' avec un guide professionnel spécialisé, à la possession d' une carte professionnelle qui suppose l' acquisition d' une qualification déterminée à établir en règle générale par la réussite d' un examen, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l' article 59 du traité CEE . »

La France a rétorqué que sa mesure était nécessaire pour protéger son patrimoine culturel. La Cour a admis qu’un tel objectif équivaut à une exigence impérative (Att. 17) :

« Il convient de constater que l' intérêt général lié à la valorisation des richesses historiques et à la meilleure diffusion possible des connaissances relatives au patrimoine artistique et culturel d' un pays peut constituer une raison impérative justifiant une restriction à la libre prestation de services . Cependant, l' exigence en cause résultant de la réglementation française va au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer la protection de cet intérêt, pour autant qu' elle soumet l' activité du guide touristique, qui accompagne des groupes de touristes en provenance d' un autre État membre, à la possession d' une carte professionnelle . »

Malgré le fait que cet arrêt se situe dans le contexte de la libre prestation de services, le fait que la Cour ait reconnu la protection du patrimoine artistique et culturel comme une exigence impérative vaut, en principe, également pour la libre circulation des marchandises.

7.8.2.7 La pluralité de la presse

La Cour, dans l'affaire Vereinigte Familiapress Zeitungsverlags- und vertriebs GmbH contre Heinrich Bauer Verlag [C-368/95, Rec. (1997) I-3689] a dû faire face à une loi autrichienne qui imposait un contenu spécifique aux journaux circulant en Autriche. Cette loi imposait des coûts d’ajustement aux journaux étrangers. La justification de l’imposition de tels coûts offerte par la loi était la pluralité de la presse. La Cour a accepté qu’une telle justification doive être reconnue comme étant une exigence impérative. Il incombe cependant au juge national d’apprécier dans quelle mesure une telle loi est proportionnelle au but qu’elle entend poursuivre (atts. 10-30) :
« Le gouvernement autrichien soutient que l'interdiction en cause échappe à l'article 30 du traité. Selon lui, la possibilité d'offrir aux lecteurs d'un périodique de participer à des jeux dotés de prix constitue une simple méthode de promotion des ventes et, partant, une modalité de vente au sens de l'arrêt Keck et Mithouard, précité.
En l'occurrence, il y a lieu de constater que la législation nationale en cause, quand bien même elle viserait une méthode de promotion des ventes, porte, en l'espèce, sur le contenu même des produits, en ce que les jeux visés par elle font partie intégrante de la revue dans laquelle ils sont insérés. Dans ces conditions, l'application de la législation nationale en cause aux faits de l'espèce ne saurait concerner une modalité de vente au sens de l'arrêt Keck et Mithouard, précité.

En outre, dès lors qu'elle contraint les opérateurs établis dans d'autres États membres à modifier le contenu du journal, l'interdiction en cause compromet l'accès du produit concerné au marché de l'État membre d'importation et, partant, entrave la libre circulation des marchandises. Elle constitue donc, en principe, une mesure d'effet équivalent au sens de l'article 30 du traité.

Le gouvernement autrichien et la Commission soutiennent toutefois que la législation nationale en cause a pour objet de maintenir le pluralisme de la presse, lequel serait susceptible de constituer une exigence impérative au titre de l'article 30 du traité.
Ils exposent à cet égard que, peu après que la loi de déréglementation de la concurrence, entrée en vigueur en Autriche en 1992, eut notamment libéralisé l'organisation des concours, les éditeurs de presse ont commencé à se livrer une concurrence agressive, en octroyant des primes toujours plus importantes, en particulier sous la forme de possibilités de participation à des jeux dotés de prix.
De peur que les petits éditeurs ne puissent supporter à terme cette concurrence ruineuse, le législateur autrichien aurait, en 1993, exclu l'application à la presse écrite de l'article 9 bis, paragraphe 2, point 8, de l'UWG, qui, ainsi qu'il ressort déjà du point 4 du présent arrêt, autorise dans une certaine mesure l'organisation de concours et de loteries liés à la vente de produits ou à la fourniture de services.
Dans l'exposé des motifs du projet, le gouvernement autrichien aurait notamment relevé que, en raison du prix de vente relativement bas des périodiques, plus particulièrement des quotidiens, il existait un risque, malgré la limitation des montants prévue par l'article 9 bis, paragraphe 2, point 8, de l'UWG que le consommateur accorde plus d'importance à la possibilité de gain qu'à la qualité de la publication (Exposé des motifs du projet du gouvernement, RV 365 Blg n_ 18. GP).
Le gouvernement autrichien et la Commission soulignent également le niveau de concentration très élevé de la presse imprimée autrichienne. Le premier fait observer que, au début des années 90, la part de marché du plus grand groupe de presse était de 54,5 % en Autriche, alors qu'elle n'était que de 34,7 % au Royaume-Uni et de 23,9 % en Allemagne.

Il y a lieu de relever que le maintien du pluralisme de la presse est susceptible de constituer une exigence impérative justifiant une restriction à la libre circulation des marchandises. En effet, ce pluralisme contribue à la sauvegarde de la liberté d'expression, telle qu'elle est protégée par l'article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, laquelle liberté figure parmi les droits fondamentaux garantis par l'ordre juridique communautaire (voir arrêts du 25 juillet 1991, Commission/Pays-Bas, C-353/89, Rec. p. I-4069, point 30, et du 3 février 1993, Veronica Omroep Organisatie, C-148/91, Rec. p. I-487, point 10).
Encore convient-il, conformément à une jurisprudence constante (arrêts Cassis de Dijon, précité; du 13 décembre 1990, Pall, C-238/89, Rec. p. I-4827, point 12, et du 6 juillet 1995, Mars, C-470/93, Rec. p. I-1923, point 15), que les dispositions nationales en cause soient proportionnées à l'objectif poursuivi et que cet objectif ne puisse pas être atteint par des mesures restreignant d'une manière moindre les échanges intracommunautaires.
Certes, dans l'arrêt du 24 mars 1994, Schindler (C-275/92, Rec. p. I-1039, point 61), qui concernait la matière de la libre prestation des services, la Cour a jugé que les particularités des loteries justifient que les autorités nationales disposent d'un pouvoir d'appréciation suffisant pour déterminer les exigences que comportent la protection des joueurs et, plus généralement, compte tenu des particularités socioculturelles de chaque État membre, la protection de l'ordre social, tant en ce qui concerne les modalités d'organisation des loteries et le volume de leurs enjeux que l'affectation des profits qu'elles dégagent. Aussi a-t-elle considéré qu'il revient aux autorités nationales d'apprécier non seulement s'il est nécessaire de restreindre les activités des loteries, mais également de les interdire, sous réserve que ces restrictions ne soient pas discriminatoires.

Toutefois, des jeux tels que ceux en cause dans le litige au principal ne sont pas comparables aux loteries dont les caractéristiques ont été examinées dans l'arrêt Schindler, précité.
En effet, les faits à l'origine de cet arrêt concernaient exclusivement, ainsi que la Cour l'a expressément relevé, des loteries organisées à grande échelle pour lesquelles le pouvoir d'appréciation reconnu aux autorités nationales se justifiait par les risques élevés de délits et de fraudes qu'elles comportaient, compte tenu de l'importance des sommes qu'elles permettaient de collecter et des gains qu'elles pouvaient offrir aux joueurs (points 50, 51 et 60).

De telles préoccupations de protection de l'ordre social font en revanche défaut en l'espèce au principal. Tout d'abord, les loteries en cause sont organisées à petite échelle et leurs enjeux sont moins importants; ensuite, elles ne constituent pas une activité économique indépendante, mais seulement un élément parmi d'autres du contenu rédactionnel d'une revue; enfin, la législation autrichienne n'interdit totalement les loteries que dans la presse écrite.

Par ailleurs, il convient de souligner que, lorsqu'un État membre invoque des exigences impératives pour justifier une législation qui est de nature à entraver l'exercice de la libre circulation des marchandises, cette justification doit être également interprétée à la lumière des principes généraux du droit et notamment des droits fondamentaux (voir l'arrêt du 18 juin 1991, ERT, C-260/89, Rec. p. I-2925, point 43).
Parmi ceux-ci figure la liberté d'expression, consacrée par l'article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (arrêt ERT, précité, point 44).
Or, l'interdiction de vendre des publications qui offrent la possibilité de participer à des jeux dotés de prix est de nature à porter atteinte à la liberté d'expression. Il convient cependant de rappeler que l'article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales admet que des dérogations soient apportées à cette liberté en vue d'assurer le maintien du pluralisme de la presse, pour autant qu'elles soient prévues par la loi et nécessaires dans une société démocratique (voir arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 24 novembre 1993, Informationsverein Lentia e.a. c. Autriche, A n_ 276).

Au vu des considérations énoncées aux points 19 à 26, il convient dès lors de vérifier si une interdiction nationale telle que celle en cause dans le litige au principal est proportionnée au maintien du pluralisme de la presse et si cet objectif ne peut pas être atteint par des mesures moins restrictives tant pour les échanges intracommunautaires que pour la liberté d'expression.

A cette fin, il importe de déterminer, d'une part, si les journaux qui offrent, au travers de jeux, d'énigmes ou de concours, la possibilité de gagner un prix sont en concurrence avec les petites entreprises de presse, supposées être dans l'incapacité d'offrir des primes comparables et que la législation litigieuse a pour objet de protéger, et, d'autre part, si une telle perspective de gain constitue une incitation à l'achat susceptible de provoquer un déplacement de la demande.
C'est à la juridiction nationale qu'il incombe d'apprécier si ces conditions sont remplies sur la base d'un examen du marché autrichien de la presse.
Dans le cadre de cet examen, elle veillera à délimiter le marché du produit en cause et à prendre en considération les parts de marché détenues par chaque éditeur ou groupe de presse et leur évolution. »


7.8.2.8 Le bon fonctionnement des services publics

Dans son jugement RTT/GB-Inno-BM [aff. 18/88, Rec. (1991) I-5941], la Cour a accepté que l’exigence d’agrément des appareils téléphoniques, qui indéniablement est une entrave à la libre circulation des marchandises, peut être justifiée si elle constitue une mesure proportionnelle pour assurer le bon fonctionnement d’un service public, notamment le réseau public (atts. 31-33) :

« En l' absence d' une réglementation communautaire relative à l' établissement des réseaux publics de télécommunications et compte tenu de la diversité technique des réseaux dans les États membres, ces derniers conservent, d' une part, le pouvoir d' édicter les spécifications techniques auxquelles doivent répondre les appareils téléphoniques pour pouvoir être raccordés au réseau public et, d' autre part, le pouvoir de vérifier l' aptitude de ces appareils à être raccordés au réseau afin de satisfaire aux exigences impératives tenant à la protection des usagers en tant que consommateurs de services ainsi qu' à la protection et au bon fonctionnement du réseau public .

Il est vrai que l' exigence selon laquelle les appareils téléphoniques doivent être agréés pour pouvoir être raccordés au réseau n' exclut pas de façon absolue l' importation dans l' État membre concerné de produits originaires d' autres États membres . Il n'en reste pas moins qu'elle est de nature à rendre leur commercialisation plus difficile ou plus onéreuse . En effet, une telle obligation impose au fabricant établi dans l' État membre d' exportation de tenir compte, lors de la fabrication des produits concernés, des critères d' agrément imposés dans l' État membre d' importation . En outre, la procédure d'agrément implique nécessairement des délais et des coûts financiers, même en cas de conformité des produits importés aux critères d'agrément.
Or, une exception au principe de la libre circulation des marchandises fondée sur une exigence impérative n'est justifiée que si la réglementation nationale est proportionnée à l'objet visé . »


7.8.2.9 Les mesures destinées à éviter des déséquilibres financiers graves

Dans l’arrêt précité Decker [C-120/95, Rec. (1998) I-1831], la Cour a accepté que malgré le fait que les objectifs de nature purement économiques ne peuvent pas être acceptés comme une justification aux violations de l’art. 28 TCE, les mesures prises pour éviter un déséquilibre financier grave peuvent tout de même offrir une justification acceptable (att. 39) :

« A cet égard, il y a lieu de relever que des objectifs de nature purement économique ne peuvent justifier une entrave au principe fondamental de libre circulation des marchandises. Toutefois, il ne saurait être exclu qu'un risque d'atteinte grave à l'équilibre financier du système de sécurité sociale puisse constituer une raison impérieuse d'intérêt général susceptible de justifier pareille entrave. »



7.8.2.10 Des choix de politique économique et sociale

Dans son jugement Oebel, précité, la Cour avait accepté que l’amélioration des conditions de travail est une exigence impérative puis qu’elle correspond à un choix légitime de politique sociale. Dans son jugement Torfaen [aff. 145/88, Rec. (1989) 3851], la Cour a étendu cette jurisprudence à une mesure qui visait les heures d’ouverture de vente en détail. Ainsi la Cour démontre sa volonté d’étendre le champ d’application d’Oebel à d’autres choix de politique économique et sociale qui ne visent pas directement les produits (atts. 13-14) :

« Dans ces conditions, il faut donc, dans un cas comme celui de la présente espèce, examiner, en premier lieu, si une réglementation telle que celle qui est en cause poursuit un but justifié au regard du droit communautaire . A cet égard, la Cour a déjà considéré, dans son arrêt du 14 juillet 1981, Oebel (155/80, Rec . p. 1993) qu' une réglementation nationale concernant les heures de travail, de livraison et de vente dans le secteur de la boulangerie et de la pâtisserie constitue un choix de politique économique et sociale légitime conforme aux objectifs d' intérêt général poursuivis par le traité .
La même considération doit s'appliquer en ce qui concerne les réglementations nationales régissant les horaires de vente au détail. De telles réglementations constituent en effet l'expression de certains choix politiques et économiques en ce qu' elles visent à assurer une répartition des heures de travail et de repos adaptée aux particularités socioculturelles nationales ou régionales dont l'appréciation appartient, dans l' état actuel du droit communautaire, aux États membres . Au surplus, de telles réglementations n'ont pas pour objet de régir les courants d'échanges entre ces États. »

On peut légitimement se poser la question dans quelle mesure cette jurisprudence, comme Oebel d’ailleurs, devrait être classée aujourd’hui sous l’intitulé ‘exigences impératives’. Il nous semble que post-Keck et Mithouard, ces deux exigences impératives devraient désormais être considérées comme des modalités de vente. Les conséquences juridiques d’une telle classification ne devraient pas être sous-estimées : pour être jugée compatible avec le TCE, une exigence impérative doit passer le test de nécessité ; une modalité de vente doit, elle, passer un test bien plus ‘léger’, celui de la non-discrimination; des mesures peuvent être non-discriminatoires sans être nécessaires pour arriver à un but mais l’inverse est beaucoup plus rare.

Toutefois nous continuons à classifier de tels cas sous ‘exigences impératives’ non seulement pour des raisons historiques (cette jurisprudence précède Keck et Mithouard) mais surtout parce qu’elle démontre la tendance de la Cour en ce qui concerne les transactions qu’elle est prête à accepter comme exigences impératives dans le futur aussi : tout choix de politique économique et sociale légitime ne sera pas nécessairement considéré comme une modalité de vente.

7.8.2.11 La protection d’œuvres cinématographiques

Dans son arrêt Cinethèque [affs. 60 & 61/84, Rec. (1985) 2605], la Cour a accepté comme légitime une mesure française qui imposait un retard à la circulation en vidéocassettes des films qui étaient en train de passer aux salles de cinéma (ou qui différait la circulation des vidéocassettes des films qui passaient encore dans les salles). La mesure, qui était indistinctement applicable, était justifiée par le besoin de protéger les œuvres cinématographiques ; selon l’argument avancé par la France, sans une telle mesure, l'incitation à la création de films serait fortement réduite (atts. 20-24) :

« IL Y A LIEU DE CONSTATER EN PREMIER LIEU , AU VU DE CES DIFFERENTS ELEMENTS D ' INFORMATION , QUE LA REGLEMENTATION NATIONALE EN CAUSE DANS LES AFFAIRES AU PRINCIPAL FAIT PARTIE D ' UNE CATEGORIE DE DISPOSITIONS APPLIQUEES DANS LA PLUPART DES ETATS MEMBRES , SOUS FORME CONTRACTUELLE , ADMINISTRATIVE OU LEGISLATIVE , ET AUX CHAMPS D ' APPLICATION VARIABLES , MAIS AYANT TOUTES POUR BUT DE RETARDER LA DIFFUSION DE FILMS PAR VIDEOCASSETTES DANS LES PREMIERS MOIS APRES LA SORTIE EN SALLE , AFIN DE PROTEGER L ' EXPLOITATION EN SALLE , JUGEE ESSENTIELLE POUR LA RENTABILITE DE LA PRODUCTION CINEMATOGRAPHIQUE , VIS-A-VIS DE L ' EXPLOITATION PAR VIDEOCASSETTE . IL CONVIENT D ' OBSERVER EN SECOND LIEU QUE , EN PRINCIPE , LE TRAITE LAISSE AUX ETATS MEMBRES L ' APPRECIATION DE LA NECESSITE D ' UN TEL REGIME , DE LA FORME QUE CE REGIME DOIT REVETIR , AINSI QUE DES DELAIS QU ' IL CONVIENT D ' IMPOSER LE CAS ECHEANT .
IL FAUT OBSERVER A CE SUJET QU ' UN TEL REGIME , S ' IL S ' APPLIQUE INDISTINCTEMENT AUX VIDEOCASSETTES FABRIQUEES SUR LE TERRITOIRE NATIONAL OU IMPORTEES , N ' A PAS POUR OBJET DE REGIR LES COURANTS D ' ECHANGES ; IL N ' A PAS POUR EFFET DE FAVORISER LA PRODUCTION NATIONALE PAR RAPPORT A LA PRODUCTION DES AUTRES ETATS MEMBRES MAIS D ' ENCOURAGER LA PRODUCTION CINEMATOGRAPHIQUE EN TANT QUE TELLE .
TOUTEFOIS , L ' APPLICATION D ' UN TEL REGIME PEUT PROVOQUER DES ENTRAVES AUX ECHANGES INTRACOMMUNAUTAIRES DE VIDEOCASSETTES DU FAIT DES DISPARITES ENTRE LES REGIMES APPLICABLES DANS LES DIFFERENTS ETATS MEMBRES ET ENTRE LES CONDITIONS DANS LESQUELLES LES OEUVRES CINEMATOGRAPHIQUES Y SORTENT EN SALLE . DANS CES CONDITIONS , UNE INTERDICTION D ' EXPLOITATION PREVUE PAR CE REGIME N ' EST COMPATIBLE AVEC LE PRINCIPE DE LA LIBRE CIRCULATION DE MARCHANDISES PREVU PAR LE TRAITE QU ' A LA CONDITION QUE LES ENTRAVES EVENTUELLES QU ' ELLE CAUSE AUX ECHANGES INTRACOMMUNAUTAIRES N ' AILLENT PAS AU-DELA DE CE QUI EST NECESSAIRE POUR ASSURER L ' OBJECTIF VISE ET QUE CET OBJECTIF SOIT JUSTIFIE AU REGARD DU DROIT COMMUNAUTAIRE . UNE TELLE JUSTIFICATION NE SAURAIT ETRE REFUSEE A UN REGIME NATIONAL QUI , EN VUE D ' ENCOURAGER LA CREATION DES OEUVRES CINEMATOGRAPHIQUES SANS DISTINCTION D ' ORIGINE , VISE A RESERVER , PENDANT UNE PERIODE INITIALE LIMITEE , LA DIFFUSION DE CES OEUVRES PAR PRIORITE A L ' EXPLOITATION EN SALLE .
IL CONVIENT DONC DE REPONDRE AUX QUESTIONS POSEES QUE L ' ARTICLE 30 DU TRAITE DOIT ETRE INTERPRETE EN CE SENS QU ' IL NE S ' APPLIQUE PAS A UNE LEGISLATION NATIONALE QUI REGLEMENTE LA DIFFUSION DES OEUVRES CINEMATOGRAPHIQUES EN INSTITUANT UN ECHELONNEMENT DANS LE TEMPS POUR LE PASSAGE D ' UN MODE DE DISTRIBUTION A L ' AUTRE PAR L ' INTERDICTION D ' EXPLOITATION SIMULTANEE , PENDANT UN DELAI LIMITE , DE REPRESENTATION DANS LES SALLES DE CINEMA ET DE DIFFUSION DE VIDEOCASSETTES , LORSQU ' UNE TELLE INTERDICTION S ' APPLIQUE INDISTINCTEMENT AUX VIDEOCASSETTES FABRIQUEES SUR LE TERRITOIRE NATIONAL OU IMPORTEES ET QUE LES ENTRAVES EVENTUELLES AUX ECHANGES INTRACOMMUNAUTAIRES QUE SON APPLICATION PEUT PROVOQUER NE VONT PAS AU-DELA DE CE QUI EST NECESSAIRE POUR ASSURER , PENDANT UNE PERIODE INITIALE , LA PRIORITE A L ' EXPLOITATION EN SALLE DES OEUVRES CINEMATOGRAPHIQUES DE TOUTE ORIGINE PAR RAPPORT A D ' AUTRES MOYENS DE DIFFUSION . »


7.9 Autres exceptions

7.9.1 Aides d’état

Les aides d’état sont régies par les arts. 87-89 TCE de la façon suivante :

Article 87
1.   Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
2.   Sont compatibles avec le marché commun:
a)   les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu'elles soient accordées sans discrimination liée à l'origine des produits;

b)   les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires;

c)   les aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division.
3.   Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun:
a)   les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi;

b)   les aides destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre;

c)   les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun;

d)   les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l'intérêt commun;

e)   les autres catégories d'aides déterminées par décision du Conseil statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission.

Article 88
1.   La Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun.
2.   Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine.
Si l'État en cause ne se conforme pas à cette décision dans le délai imparti, la Commission ou tout autre État intéressé peut saisir directement la Cour de justice, par dérogation aux articles 226 et 227.
Sur demande d'un État membre, le Conseil, statuant à l'unanimité, peut décider qu'une aide, instituée ou à instituer par cet État, doit être considérée comme compatible avec le marché commun, en dérogation des dispositions de l'article 87 ou des règlements prévus à l'article 89, si des circonstances exceptionnelles justifient une telle décision. Si, à l'égard de cette aide, la Commission a ouvert la procédure prévue au présent paragraphe, premier alinéa, la demande de l'État intéressé adressée au Conseil aura pour effet de suspendre ladite procédure jusqu'à la prise de position du Conseil.
Toutefois, si le Conseil n'a pas pris position dans un délai de trois mois à compter de la demande, la Commission statue.
3.   La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale.

Article 89
Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre tous règlements utiles en vue de l'application des articles 87 et 88 et fixer notamment les conditions d'application de l'article 88, paragraphe 3, et les catégories d'aides qui sont dispensées de cette procédure.
Les aides étatiques peuvent, bien sûr, avoir un effet sur les échanges intra-communautaires : en favorisant le producteur national, un Etat membre influence les choix des consommateurs qui, si l’avantage conféré est important, se tournent vers la production nationale plutôt que vers la concurrence offerte par les produits importés. La question de savoir si une aide d’état peut avoir un effet dés-intégrationiste est douteux: d’un côté, il est clair que les producteurs étrangers ne seront pas en mesure d’écouler leurs produits sur le marché du pays qui subventionne ; de l'autre côté, le bien être des consommateurs sera tout de même, augmenté (et, éventuellement, en cas d'exportation des produits subventionnés non seulement celui des consommateurs nationaux).

Les échanges seront cependant affectés car il est clair que les conditions de concurrence entre producteurs nationaux et étrangers seront influencées. Dans son arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg [C-280/00, Rec. (2003) I-7747] la Cour admet que l'importance relativement faible d'une aide ou la taille relativement modeste de l'entreprise bénéficiaire n'excluent pas, a priori, l'éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (att. 81).

Le système communautaire en matière d’aides d’état prévoit que tout projet d'octroi d'une aide nationale soit préalablement notifié à la Commission. Si une aide nationale est reconnue comme compatible avec le droit communautaire, elle influencera les échanges et les producteurs affectés n’auront pas la possibilité de contester la compatibilité d’une telle aide avec l’art. 28 TCE.

Une mesure non-fiscale qui confère un avantage à la production nationale peut être qualifiée de ‘subvention réglementaire’. Le système communautaire établit alors une séparation absolue entre subventions pécuniaires et subventions réglementaires : la compatibilité des premières avec le droit communautaire sera examinée exclusivement par référence aux arts. 87 et s. TCE qui régissent les aides d’état.

7.9.2 Entreprises publiques

L’art. 86 TCE régit les entreprises publiques de la manière suivante:

1.   Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent traité, notamment à celles prévues à l'article 12 et aux articles 81 à 89 inclus.
2.   Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté.
3.   La Commission veille à l'application des dispositions du présent article et adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux États membres.

Une telle entreprise peut bien sûr, influencer les échanges intra-communautaires, par exemple, parce que leur existence équivaut ipso facto au non accès au marché pour d’autres opérateurs économiques (en cas de possession de droits exclusifs). Elles peuvent en outre, en ne respectant pas le droit de la concurrence (dans la mesure où une telle démarche est nécessaire à l’accomplissement de leur mission, et ce en conformité avec l’art. 86.2 TCE) procéder à une série de transactions (par exemple, réduire le nombre de distributeurs) qui pourraient être jugées incompatibles avec l’art. 28 TCE. La Commission, mais aussi la jurisprudence dans une série d’arrêts assez audacieux, ont mis un frein aux abus des Etats membres dans ce domaine et ont délimité le champ d’application de cette disposition au fil du temps. Le pouvoir de la Commission d’intervenir dans ce domaine pour restreindre l’activité réglementaire des Etats et assurer le bon fonctionnement du marché communautaire (évidemment en raison du changement des conditions de concurrence et des dangers que les entreprises bénéficiant de tels privilèges peuvent présenter pour l’intégration du marché) a été admis par la Cour et ce notamment dans son jugement Commission c. France [affin. 202/88 Rec. (1991) I-1223] dont nous reproduisons ci-après  les attendus 24-26:

« L' article 100 A vise l' adoption des mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l' établissement et le fonctionnement du marché intérieur . L' article 87 a pour objet l' adoption de tous règlements ou directives utiles en vue de l' application des principes figurant aux articles 85 et 86, c' est-à-dire des règles de concurrence applicables à l' ensemble des entreprises . Quant à l' article 90, il concerne les mesures adoptées par les États membres vis-à-vis des entreprises avec lesquelles ils ont des liens particuliers visés par les dispositions de cet article . C' est uniquement à l' égard de ces mesures qu' il impose à la Commission un devoir de surveillance qui, en tant que de besoin, peut être exercé par l' adoption de directives et de décisions adressées aux États membres .
Il y a donc lieu de constater que l' objet de la compétence conférée à la Commission par l' article 90, paragraphe 3, est différent et plus spécifique que celui des compétences attribuées au Conseil par l' article 100 A, d' une part, et par l' article 87, d' autre part .
Il y a lieu de rappeler en outre que, ainsi qu' il découle de l' arrêt du 6 juillet 1982 ( France, Italie et Royaume-Uni/Commission, point 14, 188/80, 189/80 et 190/80, Rec . p . 2545 ), l' éventualité d' une réglementation édictée par le Conseil en application d' un pouvoir général qu' il détient en vertu d' autres articles du traité et comportant des dispositions qui toucheraient au domaine spécifique de l' article 90 ne fait pas obstacle à l' exercice de la compétence que ce dernier article confère à la Commission. »




7.9.3 Politique économique

L’art. 104 TCE stipule:
Article 104

1.   Les États membres évitent les déficits publics excessifs.
2.   La Commission surveille l'évolution de la situation budgétaire et du montant de la dette publique dans les États membres en vue de déceler les erreurs manifestes. Elle examine, notamment, si la discipline budgétaire a été respectée, et ce sur la base des deux critères visés ci-après:
a) si le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut dépasse une valeur de référence, à moins:
-   que le rapport n'ait diminué de manière substantielle et constante et atteint un niveau proche de la valeur de référence,

-   ou que le dépassement de la valeur de référence ne soit qu'exceptionnel et temporaire et que ledit rapport ne reste proche de la valeur de référence;


b)   si le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut dépasse une valeur de référence, à moins que ce rapport ne diminue suffisamment et ne s'approche de la valeur de référence à un rythme satisfaisant.
Les valeurs de référence sont précisées dans le protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs, qui est annexé au présent traité.
3.   Si un État membre ne satisfait pas aux exigences de ces critères ou de l'un d'eux, la Commission élabore un rapport. Le rapport de la Commission examine également si le déficit public excède les dépenses publiques d'investissement et tient compte de tous les autres facteurs pertinents, y compris la position économique et budgétaire à moyen terme de l'État membre.
La Commission peut également élaborer un rapport si, en dépit du respect des exigences découlant des critères, elle estime qu'il y a un risque de déficit excessif dans un État membre.
4.   Le comité prévu à l'article 114 rend un avis sur le rapport de la Commission.
5.   Si la Commission estime qu'il y a un déficit excessif dans un État membre ou qu'un tel déficit risque de se produire, elle adresse un avis au Conseil.
6.   Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur recommandation de la Commission, et compte tenu des observations éventuelles de l'État membre concerné, décide, après une évaluation globale, s'il y a ou non un déficit excessif.
7.   Lorsque le Conseil, conformément au paragraphe 6, décide qu'il y a un déficit excessif, il adresse des recommandations à l'État membre concerné afin que celui-ci mette un terme à cette situation dans un délai donné. Sous réserve des dispositions du paragraphe 8, ces recommandations ne sont pas rendues publiques.
8.   Lorsque le Conseil constate qu'aucune action suivie d'effets n'a été prise en réponse à ses recommandations dans le délai prescrit, il peut rendre publiques ses recommandations.
9.   Si un État membre persiste à ne pas donner suite aux recommandations du Conseil, celui-ci peut décider de mettre l'État membre concerné en demeure de prendre, dans un délai déterminé, des mesures visant à la réduction du déficit jugée nécessaire par le Conseil pour remédier à la situation.
En pareil cas, le Conseil peut demander à l'État membre concerné de présenter des rapports selon un calendrier précis, afin de pouvoir examiner les efforts d'ajustement consentis par cet État membre.
10.   Les droits de recours prévus aux articles 226 et 227 ne peuvent être exercés dans le cadre des paragraphes 1 à 9 du présent article.
11.   Aussi longtemps qu'un État membre ne se conforme pas à une décision prise en vertu du paragraphe 9, le Conseil peut décider d'appliquer ou, le cas échéant, d'intensifier une ou plusieurs des mesures suivantes:
- exiger de l'État membre concerné qu'il publie des informations supplémentaires, à préciser par le Conseil, avant d'émettre des obligations et des titres,

- inviter la Banque européenne d'investissement à revoir sa politique de prêts à l'égard de l'État membre concerné,

- exiger que l'État membre concerné fasse, auprès de la Communauté, un dépôt ne portant pas intérêt, d'un montant approprié, jusqu'à ce que, de l'avis du Conseil, le déficit excessif ait été corrigé,

- imposer des amendes d'un montant approprié.
Le président du Conseil informe le Parlement européen des décisions prises.
12.   Le Conseil abroge toutes ou certaines de ses décisions visées aux paragraphes 6 à 9 et au paragraphe 11 dans la mesure où, de l'avis du Conseil, le déficit excessif dans l'État membre concerné a été corrigé. Si le Conseil a précédemment rendu publiques ses recommandations, il déclare publiquement, dès l'abrogation de la décision visée au paragraphe 8, qu'il n'y a plus de déficit excessif dans cet État membre.
13.   Lorsque le Conseil prend ses décisions visées aux paragraphes 7 à 9 et aux paragraphes 11 et 12, le Conseil statue sur recommandation de la Commission à une majorité des deux tiers des voix de ses membres, pondérées conformément à l'article 205, paragraphe 2, les voix du représentant de l'État membre concerné étant exclues.
14.   Des dispositions complémentaires relatives à la mise en œuvre de la procédure décrite au présent article figurent dans le protocole sur la procédure applicable en cas de déficit excessif, annexé au présent traité.
Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen et de la BCE, arrête les dispositions appropriées qui remplaceront ledit protocole.
Sous réserve des autres dispositions du présent paragraphe, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, fixe, avant le 1er janvier 1994, les modalités et les définitions en vue de l'application des dispositions dudit protocole.

Le paragraphe 9 de cet article ne contient aucune liste de mesures spécifiques qu’un Etat membre devrait engager afin de faire face à la crise économique. On doit tout de même raisonnablement s’attendre à des mesures qui, en raison du but poursuivi, ne vont pas dans le sens de l’expansion de l’économie. Des mesures pareilles peuvent influencer les échanges intra-communautaires, mais comme l'établit le paragraphe 10, de telles mesures (si elles sont suivies bien sûr) ne peuvent être contestées ni par le biais d'un recours de la part de la Commission (art. 226 TCE) ni par le biais d'un recours direct d’un autre Etat membre qui serait affecté par lesdites mesures (art. 227 TCE).

7.9.4 Politique monétaire

Les arts. 119 et 120 TCE s’occupent de l’action commune à envisager au cas où un Etat membre doit faire face à une crise de balance de paiements :

Article 119
1.   En cas de difficultés ou de menace grave de difficultés dans la balance des paiements d'un État membre, provenant soit d'un déséquilibre global de la balance, soit de la nature des devises dont il dispose, et susceptibles notamment de compromettre le fonctionnement du marché commun ou la réalisation progressive de la politique commerciale commune, la Commission procède sans délai à un examen de la situation de cet État, ainsi que de l'action qu'il a entreprise ou qu'il peut entreprendre conformément aux dispositions du présent traité, en faisant appel à tous les moyens dont il dispose. La Commission indique les mesures dont elle recommande l'adoption par l'État intéressé.
Si l'action entreprise par un État membre et les mesures suggérées par la Commission ne paraissent pas suffisantes pour aplanir les difficultés ou menaces de difficultés rencontrées, la Commission recommande au Conseil, après consultation du comité visé à l'article 114, le concours mutuel et les méthodes appropriées.
La Commission tient le Conseil régulièrement informé de l'état de la situation et de son évolution.
2.   Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, accorde le concours mutuel; il arrête les directives ou décisions fixant ses conditions et modalités. Le concours mutuel peut prendre notamment la forme:
a)   d'une action concertée auprès d'autres organisations internationales, auxquelles les États membres peuvent avoir recours;

b)   de mesures nécessaires pour éviter des détournements de trafic lorsque le pays en difficulté maintient ou rétablit des restrictions quantitatives à l'égard des pays tiers;

c)   d'octroi de crédits limités de la part d'autres États membres, sous réserve de leur accord.
3.   Si le concours mutuel recommandé par la Commission n'a pas été accordé par le Conseil ou si le concours mutuel accordé et les mesures prises sont insuffisants, la Commission autorise l'État en difficulté à prendre les mesures de sauvegarde dont elle définit les conditions et modalités.
Cette autorisation peut être révoquée et ces conditions et modalités modifiées par le Conseil statuant à la majorité qualifiée.
4.   Sous réserve de l'article 122, paragraphe 6, le présent article n'est plus applicable à partir du début de la troisième phase.
Article 120
1.   En cas de crise soudaine dans la balance des paiements et si une décision au sens de l'article 119, paragraphe 2, n'intervient pas immédiatement, l'État membre intéressé peut prendre, à titre conservatoire, les mesures de sauvegarde nécessaires. Ces mesures doivent apporter le minimum de perturbations dans le fonctionnement du marché commun et ne pas excéder la portée strictement indispensable pour remédier aux difficultés soudaines qui se sont manifestées.
2.   La Commission et les autres États membres doivent être informés de ces mesures de sauvegarde au plus tard au moment où elles entrent en vigueur. La Commission peut recommander au Conseil le concours mutuel conformément à l'article 119.
3.   Sur l'avis de la Commission et après consultation du comité visé à l'article 114, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut décider que l'État intéressé doit modifier, suspendre ou supprimer les mesures de sauvegarde susvisées.
4.   Sous réserve de l'article 122, paragraphe 6, le présent article n'est plus applicable à partir du début de la troisième phase. 

Les mesures envisagées (implicitement celles de l’art. 119 TCE et explicitement celles de l’art. 120 TCE) sont aptes à perturber le fonctionnement du marché communautaire. Les arts. 119 et 120 TCE se trouvent sous l’intitulé ‘Mesures Transitoires’. Comme toutefois, l’art. 122.6 TCE le clarifie, leur application peut continuer même après l’expiration de la période transitoire (soit après le 31.12.1998). L’art. 122.6 TCE stipule :

« Les articles 119 et 120 continuent de s'appliquer à l'État membre faisant l'objet d'une dérogation. »

De telles mesures ne peuvent pas être contestées devant la Cour pour incompatibilité avec l’art. 28 TCE.

7.9.5 La re-fragmentation du marché communautaire : l’art. 134 TCE

L’art. 134 TCE (ex-art. 115) prévoit la possibilité d’imposer des mesures nationales (telles que des quotas) en cas de difficultés économiques rencontrées par un Etat membre :
Article 134
Aux fins d'assurer que l'exécution des mesures de politique commerciale prises, conformément au présent traité, par tout État membre ne soit empêchée par des détournements de trafic ou lorsque des disparités dans ces mesures entraînent des difficultés économiques dans un ou plusieurs États, la Commission recommande les méthodes par lesquelles les autres États membres apportent la coopération nécessaire. À défaut, elle peut autoriser les États membres à prendre les mesures de protection nécessaires dont elle définit les conditions et modalités.
En cas d'urgence, les États membres demandent l'autorisation de prendre eux-mêmes les mesures nécessaires à la Commission, qui se prononce dans les plus brefs délais; les États membres concernés les notifient ensuite aux autres États membres. La Commission peut décider à tout moment que les États membres concernés doivent modifier ou supprimer les mesures en cause.
Par priorité doivent être choisies les mesures qui apportent le moins de perturbations au fonctionnement du marché commun.

Dans son arrêt Tezi c. Minister van Ekonomische Zaken [aff. 242/84, Rec. (1986) 933], la Cour explique que ce pouvoir n’est pas mis en question par l’instauration d’une politique commune dans un domaine spécifique. Toutefois, dans des cas pareils, la Commission doit exercer les pouvoirs que lui confère cet article avec modération (atts. 50-51) :

« DANS CES CONDITIONS, IL FAUT CONCLURE QUE LA COMMISSION GARDE LE POUVOIR D ' AUTORISER , EN VERTU DE L ' ARTICLE 115 , UN ETAT MEMBRE A ADOPTER , LORSQUE LES CIRCONSTANCES LE JUSTIFIENT , DES MESURES DE PROTECTION EN CE QUI CONCERNE LES PRODUITS TEXTILES SOUMIS AU REGIME DU REGLEMENT NO 3589/82 ET MIS EN LIBRE PRATIQUE DANS D ' AUTRES ETATS MEMBRES.
TOUTEFOIS , COMPTE TENU DE CE QUE , COMME IL A ETE SOULIGNE CI-DESSUS , LE REGIME INSTAURE PAR LE REGLEMENT NO 3589/82 CONSTITUE , DANS SON DOMAINE D ' APPLICATION , UN PROGRES VERS L ' ETABLISSEMENT D ' UNE POLITIQUE COMMERCIALE COMMUNE FONDEE , COMME L ' ARTICLE 113 , PARAGRAPHE 1 , LE PREVOIT , SUR DES PRINCIPES UNIFORMES , LA COMMISSION DOIT FAIRE PREUVE , DANS L ' EXERCICE DES POUVOIRS DONT ELLE DISPOSE ENCORE , EN VERTU DE L ' ARTICLE 115 , A L ' EGARD DES PRODUITS REGIS PAR LEDIT REGLEMENT NO 3589/82 , D ' UNE PRUDENCE ET D ' UNE MODERATION ACCRUES. »

Avec l’abolition des formalités douanières, le nombre des cas d’application de cet article est tout de même tombé de 1,500 en 1988 à 0 en 1993. On pourrait alors conclure que l’Art. 134 TCE est en fait lettre morte dans le traité puis que les conditions pour son application n'existent plus.

7.9.6 Danger contre la paix

Le système des arts. 296 et 297 TCE permet aux Etats membres d’adopter unilatéralement des mesures pour faire face à une situation de guerre ou de menace contre la paix. Pour éviter des usages abusifs, le système communautaire met sur pied un système de consultations entre les Etats membres afin d’éviter des perturbations du fonctionnement du marché communautaire conséquentes à l’adoption de pareilles mesures ; de plus, en dérogation des procédures habituelles, la Commission et les Etats membres ont la possibilité de saisir directement la Cour (sans que la Commission n'émette un avis motivé à cet effet, ou qu’un Etat membre avise d’abord la Commission) afin de constater si le recours à de telles mesures est ou non abusif. Les articles pertinents du TCE stipulent :

Article 296
1.   Les dispositions du présent traité ne font pas obstacle aux règles ci-après:
a)   aucun État membre n'est tenu de fournir des renseignements dont il estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité;

b)   tout État membre peut prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre; ces mesures ne doivent pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché commun en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires.
2.   Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut apporter des modifications à la liste, qu'il a fixée le 15 avril 1958, des produits auxquels les dispositions du paragraphe 1, point b), s'appliquent.

Article 297
Les États membres se consultent en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires pour éviter que le fonctionnement du marché commun ne soit affecté par les mesures qu'un État membre peut être appelé à prendre en cas de troubles intérieurs graves affectant l'ordre public, en cas de guerre ou de tension internationale grave constituant une menace de guerre, ou pour faire face aux engagements contractés par lui en vue du maintien de la paix et de la sécurité internationale.
Article 298
Si des mesures prises dans les cas prévus aux articles 296 et 297 ont pour effet de fausser les conditions de la concurrence dans le marché commun, la Commission examine avec l'État intéressé les conditions dans lesquelles ces mesures peuvent être adaptées aux règles établies par le présent traité.
Par dérogation à la procédure prévue aux articles 226 et 227, la Commission ou tout État membre peut saisir directement la Cour de justice, s'il estime qu'un autre État membre fait un usage abusif des pouvoirs prévus aux articles 296 et 297. La Cour de justice statue à huis clos.

Il y a lieu de noter, à titre de remarque introductive, que la Cour, dans sa jurisprudence Johnston c. Chief Constable of the Royal Ulster Constabulary [aff. 222/84, Rec. (1986) 1651] a clarifié (att. 26) que ladite clause ne doit pas être assimilée à une réserve générale mais doit plutôt être comprise comme une clause visant à remplir une fonction spécifique :

« A CET EGARD , IL Y A LIEU DE CONSTATER QUE LE TRAITE NE PREVOIT DES DEROGATIONS APPLICABLES EN CAS DE SITUATIONS SUSCEPTIBLES DE METTRE EN CAUSE LA SECURITE PUBLIQUE QUE DANS SES ARTICLES 36 , 48 , 56 , 223 ET 224 QUI CONCERNENT DES HYPOTHESES EXCEPTIONNELLES BIEN DELIMITEES . EN RAISON DE LEUR CARACTERE LIMITE , CES ARTICLES NE SE PRETENT PAS A UNE INTERPRETATION EXTENSIVE ET NE PERMETTENT PAS D ' EN DEDUIRE UNE RESERVE GENERALE , INHERENTE AU TRAITE , POUR TOUTES MESURES PRISES AU TITRE DE LA SECURITE PUBLIQUE. RECONNAITRE UNE RESERVE GENERALE A TOUTE DISPOSITION DU DROIT COMMUNAUTAIRE , EN DEHORS DES CONDITIONS SPECIFIQUES DES DISPOSITIONS DU TRAITE , RISQUERAIT DE PORTER ATTEINTE AU CARACTERE CONTRAIGNANT ET A L ' APPLICATION UNIFORME DU DROIT COMMUNAUTAIRE. »
La Commission a entamé la procédure visée à l'art. 298 TCE contre la Grèce [C-120/94, Rec. (1994) I-3037] lorsque cet Etat membre avait imposé un embargo commercial contre les produits originaires de l'Ancienne République Yougoslave de Macédoine (‘ARYM’) en invoquant l’art. 297 (à l’époque, art. 224) TCE. La Cour a d’abord accepté que des mesures pareilles peuvent aller à l’encontre de la libre circulation des marchandises et ainsi perturber le fonctionnement du marché communautaire (att. 67) :

« Les mesures prises unilatéralement par la République hellénique à l'égard de l' ARYM sont sans doute en contradiction avec les règles communautaires fondamentales relatives à la libre circulation des marchandises et à la politique commerciale commune. »

La Cour démontre par la suite une attitude attentive en la matière. Elle ne s'estime pas prête à répondre aux demandes de la Commission avoir d’abord préalablement délimité la portée du contrôle juridictionnel de l’art. 298 (ex-225) TCE (atts. 68-71):

« Mais la République hellénique invoque l'article 224 du traité, disposition qui, à première vue, permet à un État membre, en présence de certaines circonstances exceptionnelles, de déroger même à des règles communautaires fondamentales.
Vérifier si, comme le soutient la Commission, les conditions mêmes d'application de l'article 224 ne sont pas réunies en l' espèce et si, comme le fait encore valoir la Commission, le gouvernement hellénique a fait un usage abusif des pouvoirs prévus par cet article, implique l' examen de questions juridiques complexes, dont celle de déterminer la portée du contrôle juridictionnel exercé dans le cadre de la procédure de l' article 225, deuxième alinéa, du traité.

Ces questions méritent un examen approfondi après discussion contradictoire. Au stade du référé, il suffit de constater que les arguments avancés par la Commission apparaissent, à première vue, suffisamment pertinents et sérieux pour constituer un fumus boni juris de nature à justifier l' octroi de la mesure provisoire sollicitée.
Il convient donc d'examiner si la condition de l'urgence est remplie. »

Par la suite (atts. 89-102 ci-après), la Cour ne se prononce pas sur sa possibilité juridique de procéder (comme le lui demande la Commission) à un examen de la politique suivie par la Grèce afin de déterminer, si du fait que cette politique contribue à l'instabilité aux Balkans, elle est, ou non, abusive. En outre, la Cour rejette la demande de la Commission d'imposer des mesures provisoires (à l’encontre de la Grèce dont l'embargo commercial était déjà en vigueur) :

« En ce qui concerne la condition relative à l' urgence, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante (voir notamment l' ordonnance du 29 juin 1993, Allemagne/Conseil, C-280/93 R, Rec. p. I-3667, point 22), le caractère urgent d' une mesure en référé, mentionné à l' article 83, paragraphe 2, du règlement de procédure, doit être apprécié par rapport à la nécessité qu' il y a de statuer provisoirement afin d' éviter qu' un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné par l' application de la mesure faisant l' objet du recours principal.
Il y a lieu d'examiner tour à tour les différents préjudices invoqués par la Commission.
En ce qui concerne, en premier lieu, l'atteinte portée à la politique commerciale commune, à la liberté de transit des marchandises à l'intérieur de la Communauté et au marché intérieur, il convient d'observer que les arguments avancés par la Commission sont axés sur le lien entre le préjudice invoqué et la violation du droit communautaire par la République hellénique. Selon la Commission, la gravité du préjudice résulte du caractère manifeste de l'infraction.
Or, ainsi qu' il résulte des considérations aux points 67 à 70 ci-dessus, si les arguments de la Commission sont suffisants pour constituer un fumus boni juris, on ne saurait, en revanche, affirmer, contrairement à ce que soutient la Commission, que la République hellénique a commis une violation manifeste du droit communautaire, car, sans un examen approfondi, il n' est pas possible de constater que le gouvernement hellénique a invoqué abusivement l' article 224 du traité ou qu' il a fait un usage abusif des pouvoirs prévus par cette disposition.
Ce chef de préjudice ne saurait donc être retenu.
En ce qui concerne, en deuxième lieu, le préjudice porté aux orientations politiques générales tracées par le Conseil européen, et le préjudice résultant de l' accentuation de la tension dans les Balkans et du danger de guerre, qui découleraient du maintien des mesures prises par la République hellénique à l' égard de l' ARYM, il convient de relever que la Cour, à supposer même qu' elle soit compétente pour procéder aux appréciations de nature politique qui s' avéreraient indispensables pour évaluer l' existence d' un préjudice et surtout d' un lien entre ce préjudice et le comportement du gouvernement hellénique, ne pourrait pas, de toute façon, formuler d' opinion au stade du référé. En effet, les appréciations qu'elle pourrait porter seraient inévitablement de nature à préjuger la portée des pouvoirs de la Cour, dans le cadre des articles 224 et 225 du traité et, donc, le fond de l' affaire.
En ce qui concerne, en troisième lieu, le préjudice irréparable subi par des opérateurs économiques communautaires, la Commission s' est contentée d' allégations d' ordre général sans les étayer par des éléments de fait suffisants. Il s' ensuit que ce préjudice n' a pas été établi.
En ce qui concerne enfin le préjudice subi par l' ARYM, les éléments dont la Commission fait état apparaissent suffisants pour en établir l'existence.
Il convient néanmoins d' examiner la question de savoir si la Commission est ou non fondée à invoquer dans la présente procédure en référé ° indépendamment de tout préjudice porté à des intérêts communautaires ° le préjudice subi par l' État tiers visé par les mesures que la République hellénique considère justifiées en vertu de l' article 224 du traité.
A cet égard, compte tenu du caractère accessoire de la procédure en référé par rapport au litige principal, l' urgence de la mesure provisoire doit être appréciée au regard des intérêts protégés par les articles 224 et 225 du traité, dispositions applicables à l' affaire dont la Cour est saisie.
L' article 224 oblige les États membres à se consulter en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires pour éviter que le fonctionnement du marché commun ne soit affecté par les mesures qu' un État membre peut être appelé à prendre dans certaines situations exceptionnelles. Quant à l' article 225, il ne prévoit dans son premier alinéa l' intervention de la Commission que dans l' hypothèse où des mesures prises en vertu des articles 223 et 224 ont pour effet de fausser les conditions de la concurrence dans le marché commun.
Sans préjudice d' une interprétation plus approfondie de ces dispositions dans le cadre de la procédure au principal, il en découle à première vue que la mission attribuée à la Commission par l' article 225, en rapport avec l' article 224, est destinée à sauvegarder les intérêts de la Communauté.
La Cour estime en conséquence ne pouvoir retenir dans la présente procédure en référé le préjudice subi par l' ARYM.
Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande de mesures provisoires. »

Il ressort de cette jurisprudence que la Cour se montre assez réticente à entrer en matière dans le contexte de litiges relatifs à l’interprétation des arts. 296-298 TCE. La Cour, en application du principe in dubio pro mitius, face à de telles questions préfère ne pas se montrer interventionniste. On ne peut qu’espérer que le système communautaire (et plus spécifiquement sa dimension préventive et son éventuelle évolution législative) minimise le besoin de contrôle juridictionnel. Cette attitude, si elle est confirmée, ne peut être qu'applaudie puisque les coûts d’agence associés à un tel contrôle sont très élevés. A la suite de l'intervention d'un accord entre les parties, la Cour a constaté un peu plus tard le désistement de la Commission dans cette affaire [C-120/94, Rec. (1996) I-1513].

7.9.7 Accords antérieurement conclus

L’art. 307 (ex-234) TCE régit les obligations des Etats membres qui découlent des traités qu’ils avaient conclus avant leur adhésion à l’Union européenne. Le § 2 dudit article impose aux Etats membres, en ayant recours à tout moyen approprié, l’obligation d’éliminer les incompatibilités entre un traité visé par l’art. 307.1 et le TCE :
Article 307
Les droits et obligations résultant de conventions conclues antérieurement au 1er janvier 1958 ou, pour les États adhérents, antérieurement à la date de leur adhésion, entre un ou plusieurs États membres, d'une part, et un ou plusieurs États tiers, d'autre part, ne sont pas affectés par les dispositions du présent traité.
Dans la mesure où ces conventions ne sont pas compatibles avec le présent traité, le ou les États membres en cause recourent à tous les moyens appropriés pour éliminer les incompatibilités constatées. En cas de besoin, les États membres se prêtent une assistance mutuelle en vue d'arriver à cette fin et adoptent le cas échéant une attitude commune.
Dans l'application des conventions visées au premier alinéa, les États membres tiennent compte du fait que les avantages consentis dans le présent traité par chacun des États membres font partie intégrante de l'établissement de la Communauté et sont, de ce fait, inséparablement liés à la création d'institutions communes, à l'attribution de compétences en leur faveur et à l'octroi des mêmes avantages par tous les autres États membres.

Les conventions visées par l’art. 307 TCE peuvent avoir des implications sur la libre circulation des marchandises. Cette possibilité ne peut pas être a priori exclue vu que toutes les conventions, comme la jurisprudence de la Cour l’admet [Commission c. Royaume Uni, C-466/98, Rec. (2002) I-9427] sont en principe visées (att. 23):

« L'article 234 du traité a une portée générale et s'applique à toute convention internationale, quel que soit son objet, susceptible d'avoir une incidence sur l'application du traité. »

Toutefois, l’art. 307 ne couvre pas des conventions internationales conclues entre des Etats membres après leur adhésion à l’Union européenne et des parties tierces, et ce même si une telle convention porte sur le même sujet qu’une convention conclue entre les mêmes parties auparavant. A ce titre, la Cour dans sa jurisprudence Commission c. Royaume Uni [C-466/98, Rec. (2002) I-9427] a rejeté la thèse qu’un accord entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis conclu après l’adhésion du premier à l’Union européenne tombait sous l’intitulé de l’art. 307 TCE et ce malgré le fait qu’il couvrait le même champ d’application qu’un ancien accord conclu entre ces deux partenaires (atts. 22-29):

« L'article 234, premier alinéa, du traité dispose que les droits et obligations résultant de conventions conclues antérieurement à l'entrée en vigueur du traité entre, d'une part, un ou plusieurs États membres et, d'autre part, un ou plusieurs pays tiers ne sont pas affectés par les dispositions du traité. Le deuxième alinéa du même article fait toutefois obligation aux États membres de recourir à tous les moyens appropriés pour éliminer les incompatibilités éventuelles entre de telles conventions et le traité.
L'article 234 du traité a une portée générale et s'applique à toute convention internationale, quel que soit son objet, susceptible d'avoir une incidence sur l'application du traité (voir arrêts du 14 octobre 1980, Burgoa, 812/79, Rec. p. 2787, point 6; du 2 août 1993, Levy, C-158/91, Rec. p. I-4287, point 11, et du 4 juillet 2000, Commission/Portugal, C-62/98, Rec. p. I-5171, point 43).

Ainsi qu'il résulte du point 8 de l'arrêt Burgoa, précité, l'article 234, premier alinéa, du traité a pour objet de préciser, conformément aux principes du droit international [voir, à cet égard, article 30, paragraphe 4, sous b), de la convention sur le droit des traités, signée à Vienne le 23 mai 1969], que l'application du traité n'affecte pas l'engagement de l'État membre concerné de respecter les droits des pays tiers résultant d'une convention antérieure et d'observer ses obligations correspondantes.
Selon l'article 5 de l'acte relatif aux conditions d'adhésion du royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et aux adaptations des traités (JO 1972, L 73, p. 14), l'article 234 du traité est applicable aux accords et conventions conclus par le Royaume-Uni avant son adhésion, c'est-à-dire avant le 1er janvier 1973.
Toutefois, les droits et obligations qui découlent pour, respectivement, les États-Unis d'Amérique et le Royaume-Uni de la clause relative à la propriété et au contrôle des transporteurs aériens ne résultent pas d'un accord antérieur mais d'un accord postérieur à l'adhésion du Royaume-Uni aux Communautés européennes, à savoir l'accord Bermuda II, qui a été conclu en 1977.

Par conséquent, l'article 234 du traité ne saurait trouver à s'appliquer en l'espèce.
Cette constatation ne peut être remise en cause par la circonstance qu'une clause rédigée en termes similaires figurait déjà dans l'accord Bermuda I, lequel, conclu avant l'adhésion du Royaume-Uni aux Communautés européennes, est resté en vigueur jusqu'en 1977.
En effet, l'accord Bermuda II a été conclu, selon son dernier considérant, «pour remplacer» l'accord Bermuda I, notamment pour tenir compte de l'évolution des droits de trafic entre les parties contractantes. Il a fait ainsi naître de nouveaux droits et obligations entre ces dernières. Dans ces conditions, il est exclu de rattacher à l'accord Bermuda I les droits et obligations découlant, pour le Royaume-Uni et les États-Unis d'Amérique, de la clause de l'accord Bermuda II relative à la propriété et au contrôle des transporteurs aériens, depuis l'entrée en vigueur de ce dernier accord. »

Dans sa jurisprudence Juan C. Burgoa [aff. 812/79, Rec. (1980) 2787] la Cour a précisé que les institutions communautaires assument l’obligation de prêter assistance aux Etats membres qui doivent éliminer les incompatibilités entre les traités visés à l’art. 307 TCE et le TCE (atts. 9-10):

« BIEN QUE L ' ARTICLE 234 , ALINEA 1 , NE FASSE ETAT QUE DES OBLIGATIONS DES ETATS MEMBRES , IL MANQUERAIT SON OBJECTIF S ' IL N ' IMPLIQUAIT PAS L ' OBLIGATION DES INSTITUTIONS DE LA COMMUNAUTE DE NE PAS ENTRAVER L ' EXECUTION DES ENGAGEMENTS DES ETATS MEMBRES DECOULANT D ' UNE CONVENTION ANTERIEURE . TOUTEFOIS , CETTE OBLIGATION DES INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES NE VISE QU ' A PERMETTRE A L ' ETAT MEMBRE CONCERNE D ' OBSERVER LES ENGAGEMENTS QUI LUI INCOMBENT EN VERTU DE LA CONVENTION ANTERIEURE SANS , POUR AUTANT , LIER LA COMMUNAUTE A L ' EGARD DE L ' ETAT TIERS INTERESSE .
L ' ARTICLE 234 , ALINEA 1 , AYANT POUR OBJET DE LEVER L ' OBSTACLE POUVANT RESULTER POUR UN ETAT MEMBRE DE SON ADHESION A LA COMMUNAUTE , EN CE QUI CONCERNE L ' EXECUTION DE CONVENTIONS ANTERIEUREMENT CONCLUES AVEC DES ETATS TIERS , NE SAURAIT AVOIR POUR EFFET DE MODIFIER LA NATURE DES DROITS DECOULANT EVENTUELLEMENT DE TELLES CONVENTIONS . IL EN RESULTE QUE CETTE DISPOSITION N ' A PAS POUR EFFET DE CONFERER , A DES PARTICULIERS INVOQUANT UNE CONVENTION CONCLUE ANTERIEUREMENT A L ' ENTREE EN VIGUEUR DU TRAITE OU , LE CAS ECHEANT , A L ' ADHESION DE L ' ETAT MEMBRE CONCERNE , DES DROITS QUE LES JURIDICTIONS NATIONALES DES ETATS MEMBRES DEVRAIENT SAUVEGARDER . ELLE N ' A PAS NON PLUS POUR EFFET DE PORTER ATTEINTE AUX DROITS QUE DES PARTICULIERS POURRAIENT TIRER D ' UNE TELLE CONVENTION. »


La Cour a toutefois constamment répété qu’un Etat membre lié par un accord visé par l’art. 307 TCE ne peut pas invoquer ledit accord à l’encontre d’un autre Etat membre pour justifier des mesures qui seraient éventuellement incompatibles avec l’art. 28 TCE. Dans sa jurisprudence Conegate [aff. 121/85, Rec. (1986) 1007], la Cour a clarifié ce point (atts. 24-26) :

« LA COMMISSION A D'AILLEURS RAPPELE QUE , D ' APRES UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE DE LA COUR , L ' ARTICLE 234 DU TRAITE , EN SAUVEGARDANT ' LES DROITS ET OBLIGATIONS ' RESULTANT DE CONVENTIONS ANTERIEURES AU TRAITE , NE VISE QUE LES DROITS ET OBLIGATIONS ETABLIS ENTRE DES ETATS MEMBRES ET DES PAYS TIERS . CES CONVENTIONS NE POURRAIENT DONC PAS ETRE INVOQUEES POUR JUSTIFIER DES RESTRICTIONS DANS LE COMMERCE ENTRE LES ETATS MEMBRES DE LA COMMUNAUTE .
CET ARGUMENT DE LA COMMISSION DOIT ETRE RETENU . COMME LA COUR L ' A DIT DANS SON ARRET DU 14 OCTOBRE 1980 ( BURGOA , 812/79 , REC . P . 2787 ), L ' ARTICLE 234 A POUR OBJET D ' ASSURER QUE L ' APPLICATION DU TRAITE N ' AFFECTE NI LE RESPECT DU AUX DROITS DES PAYS TIERS RESULTANT D ' UNE CONVENTION ANTERIEUREMENT CONCLUE AVEC UN ETAT MEMBRE NI L ' OBSERVATION DES OBLIGATIONS RESULTANT DE CETTE CONVENTION POUR CET ETAT MEMBRE . LES CONVENTIONS CONCLUES ANTERIEUREMENT A L ' ENTREE EN VIGUEUR DU TRAITE NE PEUVENT DONC PAS ETRE INVOQUEES DANS LES RAPPORTS ENTRE ETATS MEMBRES POUR JUSTIFIER DES RESTRICTIONS DANS LE COMMERCE INTRACOMMUNAUTAIRE .
IL Y A DONC LIEU DE REPONDRE A LA QUATRIEME QUESTION QUE L ' ARTICLE 234 DU TRAITE DOIT ETRE INTERPRETE EN CE SENS QU ' UNE CONVENTION CONCLUE ANTERIEUREMENT A L ' ENTREE EN VIGUEUR DU TRAITE NE PEUT ETRE INVOQUEE POUR JUSTIFIER DES RESTRICTIONS DANS LE COMMERCE ENTRE ETATS MEMBRES. »

Dans sa jurisprudence Gérard Deserbais [aff. 286/86, Rec. (1988) 4907], la Cour a répété et clarifié davantage ce point en ajoutant que l’accès des produits légalement commercialisés dans un Etat membre ne peut pas être interdit au seul motif que le pays importateur doit se comporter ainsi pour honorer ses obligations internationales qui découlent d’un traité visé par l’art. 307 TCE (att. 18):

« PAR CONSEQUENT, DES LORS QUE, COMME EN L' ESPECE, LES DROITS DES ETATS TIERS NE SONT PAS EN CAUSE, UN ETAT MEMBRE NE SAURAIT INVOQUER LES DISPOSITIONS D'UNE TELLE CONVENTION ANTERIEURE EN VUE DE JUSTIFIER DES RESTRICTIONS DE LA COMMERCIALISATION DES PRODUITS PROVENANT D' UN AUTRE ETAT MEMBRE, LORSQU' UNE TELLE COMMERCIALISATION EST LICITE EN VERTU DE LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES PREVUE PAR LE TRAITE . »

Cette jurisprudence a pour conséquence l’augmentation des coûts de transaction pour les pays qui sont liés par des accords visés à l’art. 307 TCE : en cas d’incompatibilité desdits traités avec le TCE, ils doivent respecter et le cadre international vis-à-vis des pays tiers et le cadre communautaire vis-à-vis de leurs partenaires communautaires. L’art. 307 TCE leur reconnaît cependant tout de même la possibilité d’aménager leurs obligations internationales (et, comme indiqué dans la jurisprudence Burgoa mentionnée ci-dessus, les institutions communautaires doivent les aider dans cette perspective).

Dans ce contexte, le système communautaire impose aux Etats membres une obligation de résultat et non pas de moyens : les Etats membres sont libres de choisir les moyens qui leur permettront d’aménager leurs obligations internationales de façon à ce qu'elles ne soient plus incompatibles avec le cadre du TCE. La dénonciation d’un traité international est un moyen qui est exceptionnel mais dont l’utilisation n’est pas exclue par le système communautaire. La Cour a adopté cette ligne dans sa jurisprudence Commission c. Portugal [C-84/98, Rec. (2000) I-5215] où elle a dû affronter les faits suivants (att. 1):

« Par requête déposée au greffe de la Cour le 27 mars 1998, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, en n'ayant ni dénoncé ni adapté l'accord sur la marine marchande conclu avec la république fédérale de Yougoslavie, approuvé par le décret n_ 74/81, signé le 28 juin 1979 et entré en vigueur le 19 mai 1981 (ci-après l'«accord litigieux»), de manière à permettre un accès équitable, libre et non discriminatoire des ressortissants de la Communauté aux parts de cargaisons destinées à la République portugaise, conformément au règlement (CEE) n_ 4055/86 du Conseil, du 22 décembre 1986, portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers (JO L 378, p. 1), la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3 et 4, paragraphe 1, dudit règlement. »

La Cour a répondu de la façon suivante (atts. 49-61):

« En dernier lieu, le gouvernement portugais fait valoir, en substance, que, en ce qui concerne les conventions précommunautaires conclues entre un État membre et un pays tiers, si l'article 234 du traité impose l'obligation d'utiliser tous les mécanismes appropriés pour éliminer une contradiction entre une règle conventionnelle et une règle communautaire, cette disposition ne serait cependant pas indifférente aux conséquences juridiques et aux coûts politiques résultant de ladite obligation. En effet l'hypothèse d'une obligation de dénonciation en vertu de l'article 234 du traité n'existerait qu'à titre exceptionnel et dans des cas extrêmes. Selon ce gouvernement, une telle dénonciation comporterait une exclusion disproportionnée des intérêts liés à sa politique extérieure par rapport à l'intérêt communautaire. En outre, la Commission aurait dû faire référence à cette disposition dans la motivation d'une demande ayant pour objet la modification ou la dénonciation d'une convention précommunautaire.
Il importe donc d'examiner les circonstances dans lesquelles un État membre peut maintenir des mesures contraires au droit communautaire en se fondant sur une convention précommunautaire conclue avec un pays tiers.
À cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 234 du traité dispose, en son premier alinéa, que les droits et obligations résultant de conventions conclues antérieurement à l'entrée en vigueur du traité entre, d'une part, un ou plusieurs États membres et, d'autre part, un ou plusieurs pays tiers ne sont pas affectés par les dispositions du traité. Le deuxième alinéa de cette disposition fait toutefois obligation aux États membres de recourir à tous les moyens appropriés pour éliminer les incompatibilités éventuelles entre une telle convention et le traité CE.
L'article 234 du traité a une portée générale et s'applique à toute convention internationale, quel que soit son objet, susceptible d'avoir une incidence sur l'application du traité (voir arrêts du 14 octobre 1980, Burgoa, 812/79, Rec. p. 2787, point 6, et du 2 août 1993, Levy, C-158/91, Rec. p. I-4287, point 11).
Ainsi qu'il ressort de l'arrêt Burgoa, précité, l'article 234, premier alinéa, du traité a pour objet de préciser, conformément aux principes du droit international [voir, à cet égard, l'article 30, paragraphe 4, sous b), de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités], que l'application du traité CE n'affecte pas l'engagement de l'État membre concerné de respecter les droits des pays tiers résultant d'une convention antérieure et d'observer ses obligations correspondantes.
Il en résulte que la République portugaise doit toujours respecter les droits que la république fédérale de Yougoslavie tire de l'accord litigieux.
L'accord litigieux comporte toutefois une clause (article 13) qui vise explicitement la possibilité pour les parties contractantes de le dénoncer, de sorte que sa dénonciation par la République portugaise n'irait pas à l'encontre des droits que la république fédérale de Yougoslavie tire de cet accord.
Par conséquent, les obligations auxquelles la République portugaise est soumise en vertu des articles 3 et 4 du règlement n_ 4055/86 ne sont pas affectées par le principe énoncé à l'article 234, premier alinéa, du traité.
En ce qui concerne l'argument du gouvernement portugais selon lequel l'obligation de recourir à la dénonciation constituerait une obligation exceptionnelle dans le cadre de l'article 234 du traité, il suffit de constater que, en l'espèce, l'obligation qui incombe à la République portugaise ne trouve pas son fondement dans cette disposition du traité, mais dans les dispositions du règlement n_ 4055/86.
Au surplus, il convient de relever que, si, dans le cadre de l'article 234 du traité, les États membres ont le choix quant aux mesures appropriées à prendre, ils n'en ont pas moins l'obligation d'éliminer les incompatibilités existant entre une convention précommunautaire et le traité CE. Si un État membre rencontre des difficultés rendant la modification d'un accord impossible, on ne saurait donc exclure qu'il lui incombe de dénoncer cet accord.
Quant à l'argument selon lequel pareille dénonciation comporterait une exclusion disproportionnée des intérêts liés à la politique extérieure de la République portugaise par rapport à l'intérêt communautaire, il y a lieu d'indiquer que l'équilibre entre les intérêts liés à la politique extérieure d'un État membre et l'intérêt communautaire trouve déjà son expression dans l'article 234 du traité, dans la mesure où cette disposition permet à un État membre de tenir en échec une norme communautaire afin de respecter les droits des pays tiers résultant d'une convention antérieure et d'observer ses obligations correspondantes. Cet article leur donne également le choix des moyens appropriés afin que l'accord concerné soit rendu compatible avec le droit communautaire.
Enfin, quant à l'absence de fondement juridique qui découlerait de ce que la Commission a omis de faire référence à l'article 234 du traité, il suffit de constater qu'en l'espèce la demande de la Commission était fondée sur le règlement n_ 4055/86.
Dans ces circonstances, il convient de constater que, en n'ayant ni dénoncé ni adapté l'accord litigieux, de manière à permettre un accès équitable, libre et non discriminatoire des ressortissants de la Communauté aux parts de cargaisons destinées à la République portugaise, conformément au règlement n_ 4055/86, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3 et 4, paragraphe 1, dudit règlement. »


7.9.8 Les droits fondamentaux

Dans son arrêt ERT c. DEP [C-260/89, Rec. (1991) I-2925], la Cour a expliqué qu’il faut construire les dispositions du TCE relatives à la libre circulation des services à la lumière des droits fondamentaux, tels que la liberté d’expression comme décrite dans la Charte européenne des droits de l’homme (CEDH). Malgré le fait que cette jurisprudence concerne la libre circulation des services, elle est également applicable en matière de libre circulation des marchandises (un autre résultat serait manifestement déraisonnable). Nous reproduisons ci-après les atts. 41-45 dudit arrêt :

« S' agissant de l' article 10 de la convention européenne des droits de l' homme, mentionné aux neuvième et dixième questions, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que selon une jurisprudence constante les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect . A cet effet, la Cour s' inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l' homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré ( voir, notamment, arrêt du 14 mai 1974, Nold, point 13, 4/73, Rec . p . 491 ). La convention européenne des droits de l' homme revêt, à cet égard, une signification particulière ( voir, notamment, arrêt du 15 mai 1986, Johnston, point 18, 222/84, Rec . p . 1651 ). Il en découle que, comme la Cour l' a affirmé dans l' arrêt du 13 juillet 1989, Wachauf, point 19 ( 5/88, Rec . p . 26O9 ), ne sauraient être admises dans la Communauté des mesures incompatibles avec le respect des droits de l' homme ainsi reconnus et garantis .
Selon sa jurisprudence ( voir les arrêts du 11 juillet 1985, Cinéthèque, point 26, 60/84 et 61/84, Rec . p . 2605, et du 30 septembre 1987, Demirel, point 28, 12/86, Rec . p . 3719 ), la Cour ne peut apprécier, au regard de la convention européenne des droits de l' homme, une réglementation nationale qui ne se situe pas dans le cadre du droit communautaire . En revanche, dès lors qu' une telle réglementation entre dans le champ d' application du droit communautaire, la Cour, saisie à titre préjudiciel, doit fournir tous les éléments d' interprétation nécessaires à l' appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité de cette réglementation avec les droits fondamentaux dont la Cour assure le respect, tels qu' ils résultent, en particulier, de la convention européenne des droits de l' homme.
En particulier, lorsqu' un État membre invoque les dispositions combinées des articles 56 et 66 pour justifier une réglementation qui est de nature à entraver l' exercice de la libre prestation des services, cette justification, prévue par le droit communautaire, doit être interprétée à la lumière des principes généraux du droit et notamment des droits fondamentaux . Ainsi, la réglementation nationale en cause ne pourra bénéficier des exceptions prévues par les dispositions combinées des articles 56 et 66 que si elle est conforme aux droits fondamentaux dont la Cour assure le respect .
Il s' ensuit que dans un tel cas il incombe au juge national et, le cas échéant, à la Cour d' apprécier l' application de ces dispositions, eu égard à toutes les règles du droit communautaire, y inclus la liberté d' expression, consacrée par l' article 10 de la convention européenne des droits de l' homme, en tant que principe général du droit dont la Cour assure le respect .
Il y a donc lieu de répondre à la juridiction nationale que les limitations apportées au pouvoir des États membres d' appliquer les dispositions visées aux articles 66 et 56 du traité pour des raisons d' ordre public, de sécurité publique et de santé publique, doivent être appréciées à la lumière du principe général de la liberté d' expression, consacrée par l' article 10 de la convention européenne des droits de l' homme. »

La confirmation explicite que la CEDH prime sur les dispositions concernant la libre circulation des marchandises vient avec l’arrêt Eugen Schmidberger [C-112/00, Rec. (2003) I-5659]. Schmidberger est le patron d’une compagnie de transports. Du fait que l’Autriche a donné le feu vert à un rassemblement pacifique des citoyens au Brenner-pass, ses camions ont été retardés. Schmidberger a demandé des dommages–intérêts parce qu’à son avis, la responsabilité de l’Autriche est engagée du fait que le gouvernement autrichien a autorisé ladite manifestation. La Cour accepte que le comportement autrichien est en violation de l’art. 28 TCE mais, selon elle, les dispositions sur la libre circulation des marchandises doivent être construites à la lumière des droits fondamentaux, tels qu'ils sont prévus au sein de la CEDH. Il appartient au juge national d’établir la proportionnalité du moyen par rapport au but poursuivi (atts. 64-94) :

« Il résulte de ce qui précède que le fait pour les autorités compétentes d'un État membre de ne pas avoir interdit un rassemblement qui a entraîné le blocage complet, pendant près de 30 heures sans interruption, d'une voie de communication importante, telle que l'autoroute du Brenner, est de nature à restreindre le commerce intracommunautaire de marchandises et il doit, dès lors, être considéré comme constituant une mesure d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, en principe incompatible avec les obligations du droit communautaire résultant des articles 30 et 34 du traité, lus en combinaison avec l'article 5 de celui-ci, à moins que ce défaut d'interdiction puisse être objectivement justifié.

Sur la justification éventuelle de l'entrave

Dans le cadre de sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'objectif du rassemblement des 12 et 13 juin 1998 - au cours duquel les manifestants visaient à attirer l'attention du public sur la menace pour l'environnement et la santé publique que constitue l'augmentation constante de la circulation des poids lourds sur l'autoroute du Brenner ainsi qu'à inciter les autorités compétentes à renforcer les mesures de nature à réduire ce trafic et la pollution qui en résulte dans la région hautement sensible des Alpes - est susceptible de tenir en échec les obligations du droit communautaire en matière de libre circulation des marchandises.
Toutefois, même si la protection de l'environnement et de la santé publique, notamment dans ladite région, peut, sous certaines conditions, constituer un objectif légitime d'intérêt général de nature à justifier une restriction aux libertés fondamentales garanties par le traité, parmi lesquelles figure la libre circulation des marchandises, il convient de relever, ainsi que l'a fait M. l'avocat général au point 54 de ses conclusions, que les objectifs spécifiques dudit rassemblement ne sont pas, en tant que tels, déterminants dans le contexte d'une action juridictionnelle telle que celle intentée par Schmidberger, qui vise à mettre en cause la responsabilité d'un État membre du fait de la violation alléguée du droit communautaire, celle-ci étant déduite de la circonstance que les autorités nationales n'ont pas empêché qu'un obstacle soit mis au trafic sur l'autoroute du Brenner.

En effet, aux fins de la détermination des conditions dans lesquelles la responsabilité d'un État membre peut être engagée et, en particulier, en ce qui concerne la question de savoir si ce dernier a commis une violation du droit communautaire, seules doivent être prises en considération l'action ou l'omission imputables audit État membre.
En l'occurrence, il convient donc de tenir compte uniquement de l'objectif poursuivi par les autorités nationales lors de la décision d'autorisation implicite ou d'absence d'interdiction dudit rassemblement.

Or, il ressort à cet égard du dossier de l'affaire au principal que les autorités autrichiennes ont été inspirées par des considérations liées au respect des droits fondamentaux des manifestants en matière de liberté d'expression et de liberté de réunion, lesquels sont consacrés et garantis par la CEDH et par la Constitution autrichienne.
Dans son ordonnance de renvoi, la juridiction nationale évoque également la question de savoir si le principe de la libre circulation des marchandises garanti par le traité prévaut sur lesdits droits fondamentaux.

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect et que, à cet effet, cette dernière s'inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré. La CEDH revêt dans ce contexte une signification particulière (voir, notamment, arrêts du 18 juin 1991, ERT, C-260/89, Rec. p. I-2925, point 41; du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C-274/99 P, Rec. p. I-1611, point 37, et du 22 octobre 2002, Roquette Frères, C-94/00, Rec. p. I-9011, point 25).
Les principes dégagés par cette jurisprudence ont été réaffirmés par le préambule de l'Acte unique européen, puis par l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne (arrêt Bosman, précité, point 79). Aux termes de cette disposition, «[l'] Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire».

Il en découle que ne sauraient être admises dans la Communauté des mesures incompatibles avec le respect des droits de l'homme ainsi reconnus (voir, notamment, arrêts ERT, précité, point 41, et du 29 mai 1997, Kremzow, C-299/95, Rec. p. I-2629, point 14).

Le respect des droits fondamentaux s'imposant ainsi tant à la Communauté qu'à ses États membres, la protection desdits droits constitue un intérêt légitime de nature à justifier, en principe, une restriction aux obligations imposées par le droit communautaire, même en vertu d'une liberté fondamentale garantie par le traité telle que la libre circulation des marchandises.

Aussi est-il de jurisprudence constante que, saisie à titre préjudiciel, la Cour doit, lorsque, comme dans l'affaire au principal, une situation nationale relève du champ d'application du droit communautaire, fournir aux juridictions nationales tous les éléments d'interprétation nécessaires à l'appréciation de la conformité de cette situation avec les droits fondamentaux dont la Cour assure le respect, tels qu'ils résultent en particulier de la CEDH (voir en ce sens, notamment, arrêt du 30 septembre 1987, Demirel, 12/86, Rec. p. 3719, point 28).
En l'occurrence, les autorités nationales se sont fondées sur la nécessité de respecter des droits fondamentaux garantis tant par la CEDH que par la Constitution de l'État membre concerné pour permettre qu'une limitation soit apportée à l'une des libertés fondamentales consacrées par le traité.
La présente affaire soulève ainsi la question de la conciliation nécessaire des exigences de la protection des droits fondamentaux dans la Communauté avec celles découlant d'une liberté fondamentale consacrée par le traité et, plus particulièrement, la question de la portée respective des libertés d'expression et de réunion, garanties par les articles 10 et 11 de la CEDH, et de la libre circulation des marchandises, lorsque les premières sont invoquées en tant que justification d'une restriction à la seconde.

À cet égard, il y a lieu d'observer que, d'une part, la libre circulation des marchandises constitue certes l'un des principes fondamentaux dans le système du traité, mais elle peut, sous certaines conditions, faire l'objet de restrictions pour les raisons énumérées à l'article 36 du même traité ou au titre des exigences impératives d'intérêt général reconnues conformément à une jurisprudence constante de la Cour depuis l'arrêt du 20 février 1979, Rewe-Zentral, dit «Cassis de Dijon» (120/78, Rec. p. 649).
D'autre part, si les droits fondamentaux en cause dans l'affaire au principal sont expressément reconnus par la CEDH et constituent des fondements essentiels d'une société démocratique, il résulte toutefois du libellé même du paragraphe 2 des articles 10 et 11 de cette convention que les libertés d'expression et de réunion sont également susceptibles de faire l'objet de certaines limitations justifiées par des objectifs d'intérêt général, pour autant que ces dérogations sont prévues par la loi, inspirées par un ou plusieurs buts légitimes au regard desdites dispositions et nécessaires dans une société démocratique, c'est-à-dire justifiées par un besoin social impérieux et, notamment, proportionnées au but légitime poursuivi (voir, en ce sens, arrêts du 26 juin 1997, Familiapress, C-368/95, Rec. p. I-3689, point 26, et du 11 juillet 2002, Carpenter, C-60/00, Rec. p. I-6279, point 42, ainsi que Cour eur. D. H., arrêt Steel e.a. c. Royaume-Uni du 23 septembre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VII, § 101).

Ainsi, les droits à la liberté d'expression et à la liberté de réunion pacifique garantis par la CEDH n'apparaissent pas non plus - contrairement à d'autres droits fondamentaux consacrés par la même convention, tels que le droit de toute personne à la vie ou l'interdiction de la torture ainsi que des peines ou traitements inhumains ou dégradants, qui ne tolèrent aucune restriction - comme des prérogatives absolues, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Des restrictions peuvent ainsi être apportées à l'exercice de ces droits, pour autant que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général et ne constituent pas, compte tenu du but poursuivi par de telles restrictions, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits protégés (voir, en ce sens, arrêts du 8 avril 1992, Commission/Allemagne, C-62/90, Rec. p. I-2575, point 23, et du 5 octobre 1994, X/Commission, C-404/92 P, Rec. p. I-4737, point 18).
Dans ces conditions, il convient de mettre en balance les intérêts en présence et de déterminer, eu égard à l'ensemble des circonstances de chaque cas d'espèce, si un juste équilibre a été respecté entre ces intérêts.

À cet égard, les autorités compétentes disposent d'un large pouvoir d'appréciation. Il y a néanmoins lieu de vérifier si les restrictions apportées aux échanges intracommunautaires sont proportionnées au regard du but légitime poursuivi, à savoir en l'espèce la protection des droits fondamentaux.

En ce qui concerne l'affaire au principal, il importe de souligner d'emblée que les circonstances qui la caractérisent se distinguent nettement de la situation telle qu'elle se présentait dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Commission/France, précité, invoqué par Schmidberger en tant que précédent pertinent dans le contexte de l'action juridictionnelle qu'elle a intentée en Autriche.

En effet, par rapport aux éléments d'ordre factuel retenus par la Cour aux points 38 à 53 de l'arrêt Commission/France, précité, il convient de relever, en premier lieu, que le rassemblement en cause au principal a eu lieu à la suite d'une demande d'autorisation présentée sur le fondement du droit national et après que les autorités compétentes eurent décidé de ne pas l'interdire.

En deuxième lieu, en raison de la présence des manifestants sur l'autoroute du Brenner, la circulation routière a été empêchée sur un seul itinéraire, à une occasion unique et pendant une durée de près de 30 heures. En outre, l'obstacle à la libre circulation des marchandises résultant dudit rassemblement revêtait une portée limitée par rapport tant à l'ampleur géographique qu'à la gravité intrinsèque des troubles dont il était question dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Commission/France, précité.

En troisième lieu, il n'est pas contesté que par ledit rassemblement des citoyens ont exercé leurs droits fondamentaux en manifestant publiquement une opinion qu'ils considèrent comme importante dans la vie de la collectivité; il est également constant que cette manifestation publique n'avait pas pour objet d'entraver les échanges de marchandises d'une nature ou d'une origine particulières. En revanche, dans l'affaire Commission/France, précitée, le but poursuivi par les manifestants était clairement d'empêcher la circulation de produits déterminés en provenance d'États membres autres que la République française, au moyen non seulement d'obstacles mis au transport des marchandises visées, mais aussi de la destruction de celles-ci en cours d'acheminement ou lors du transit par la France, voire alors qu'elles se trouvaient déjà à l'étalage des magasins dans l'État membre concerné.

En quatrième lieu, il convient de rappeler que, en l'occurrence, différentes mesures d'encadrement et d'accompagnement avaient été prises par les autorités compétentes afin de limiter autant que possible les perturbations de la circulation routière. Ainsi, notamment, lesdites autorités, y compris les forces de police, les organisateurs de la manifestation et diverses associations d'automobilistes ont collaboré en vue de garantir le bon déroulement du rassemblement. Bien avant la date à laquelle ce dernier devait avoir lieu, une vaste campagne d'information avait été lancée par les médias et les automobile-clubs, tant en Autriche que dans les pays limitrophes, et divers itinéraires de contournement avaient été prévus, si bien que les opérateurs économiques concernés étaient dûment informés des restrictions à la circulation applicables à la date et au lieu du rassemblement prévu et se trouvaient en mesure de prendre à temps toutes dispositions utiles pour obvier à ces restrictions. En outre, un service d'ordre avait été mis en place sur le lieu même où la manifestation devait se tenir.

Par ailleurs, il est constant que l'action isolée dont il s'agit n'a pas engendré un climat général d'insécurité ayant eu un effet dissuasif sur les courants d'échanges intracommunautaires dans leur ensemble, contrairement aux troubles graves et répétés à l'ordre public en cause dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Commission/France, précité.

Enfin, s'agissant des autres possibilités envisagées par Schmidberger au regard dudit rassemblement, il y a lieu, compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont disposent les États membres, de considérer que, dans des circonstances telles que celles du cas d'espèce, les autorités nationales compétentes ont pu estimer qu'une interdiction pure et simple de celui-ci aurait constitué une interférence inacceptable dans les droits fondamentaux des manifestants de se réunir et d'exprimer paisiblement leur opinion en public.
Quant à l'imposition de conditions plus strictes en ce qui concerne tant le lieu - par exemple sur le bord de l'autoroute du Brenner - que la durée - limitée à quelques heures seulement - du rassemblement en question, elle aurait pu être perçue comme constituant une restriction excessive de nature à priver l'action d'une partie substantielle de sa portée. Si les autorités nationales compétentes doivent chercher à limiter autant que possible les effets qu'une manifestation sur la voie publique ne manque pas d'avoir sur la liberté de circulation, il n'en demeure pas moins qu'il leur appartient de mettre cet intérêt en balance avec celui des manifestants, qui visent à attirer l'attention de l'opinion publique sur les objectifs de leur action.
S'il est vrai qu'une action de ce type entraîne normalement certains inconvénients pour les personnes qui n'y participent pas, en particulier en ce qui concerne la liberté de circulation, ceux-ci peuvent en principe être admis dès lors que le but poursuivi est essentiellement la manifestation publique et dans les formes légales d'une opinion.
À cet égard, la république d'Autriche fait valoir, sans être contredite sur ce point, que, en tout état de cause, toutes les solutions de remplacement envisageables auraient comporté le risque de réactions difficiles à contrôler et susceptibles de causer des perturbations autrement plus graves des échanges intracommunautaires ainsi que de l'ordre public, pouvant se matérialiser par des démonstrations «sauvages», des confrontations entre partisans et adversaires du mouvement revendicatif concerné ou des actes de violence de la part de manifestants s'estimant lésés dans l'exercice de leurs droits fondamentaux.

En conséquence, les autorités nationales, compte tenu du large pouvoir d'appréciation qui doit leur être reconnu en la matière, ont raisonnablement pu considérer que l'objectif légitimement poursuivi par ledit rassemblement ne pouvait pas en l'occurrence être atteint par des mesures moins restrictives des échanges intracommunautaires.
Au vu des considérations qui précèdent, il y a donc lieu de répondre aux première et quatrième questions que le fait pour les autorités compétentes d'un État membre de ne pas avoir interdit un rassemblement dans des circonstances telles que celles de l'espèce au principal n'est pas incompatible avec les articles 30 et 34 du traité, lus en combinaison avec l'article 5 de celui-ci. »


7.10 Les mesures à l’exportation

7.10.1 La raison d'être de l'interdiction

L'art. 29 TCE prévoit que les restrictions quantitatives à l'exportation, ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les États membres. En principe ce sont les produits domestiques qui sont visés par une restriction à l'exportation mais rien n'empêche à ce que dans un contexte d'investissement libéral et règles d'origine accommodant que des produits étrangers soient aussi visés.
L'art. 29 TCE a, par prescription législative, comme but l'intégration du marché. Tandis que la raison d'être d'une restriction à l'importation (en l’absence naturellement de motifs non économiques) ne peut être que la protection de la production nationale, les motifs protectionnistes n'épuisent pas l'éventail des motifs qui expliquent une restriction à l'exportation: le souci de maintenir les prix bas, par exemple, peut justifier une mesure qui restreint l'exportation d'un produit. Il est tout à fait possible qu'une restriction quantitative soit mise en place pour protéger la production nationale: par exemple, une mesure nationale interdisant l'exportation d'une matière première nécessaire à la production d'un produit final tant par des entreprises domestiques (qui grâce à l'interdiction auront un accès garanti à ladite entrée) que par les entreprises étrangères (qui n'auront plus cette facilité).

Une restriction à l'exportation peut toutefois avoir pour but l'augmentation du bien-être des consommateurs: par exemple, l'interdiction de l'exportation d'un produit final qui aurait pour but d'assurer l'approvisionnement des consommateurs à des prix raisonnables.

Vu sous cet angle là, en éliminant la pertinence de l'intention pour laquelle une certaine mesure a été mise en place, l'interdiction des restrictions à l'exportation de l'art. 29 TCE est en soi une mesure qui va au-delà du combat contre le protectionnisme et devient un moyen d'assurer l'intégration des marchés des Etats membres.

7.10.2 L'interprétation du terme 'restriction à l'exportation'

La jurisprudence démontre la tendance de la Cour à construire le terme ‘restriction à l’exportation’ de façon assez large : selon la Cour, des mesures nationales qui même potentiellement peuvent conférer un avantage soit à la production nationale soit au marché intérieur sont visées par l’interdiction de l’art. 29 TCE.

Sur la même longueur d’ondes, la Cour dans l’affaire Commission c. France [aff. 68/76, Rec. (1977) 515] a confirmé que même si les licences d’exportation sont octroyées automatiquement, l’exigence d’en avoir une comme condition préalable à l’exportation constitue une entrave interdite par l’art. 29 TCE, et ce du fait qu'une telle demande entraîne, en soi un retard, et ainsi un effet dissuasif (atts. 14-16) :

«ATTENDU , AINSI QUE L ' A ETE JUGE DANS L ' ARRET DU 15 DECEMBRE 1971 , RENDU DANS LES AFFAIRES 51 ET 54-71 (INTERNATIONAL FRUIT COMPANY/PRODUKTSCHAP VOOR GROENTEN EN FRUIT , RECUEIL 1971 , P . 1107-1116) , QU ' EN DEHORS DES EXCEPTIONS PREVUES PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE LUI-MEME , LES ARTICLES 30 A 34 FONT OBSTACLE A L ' APPLICATION , DANS LES RAPPORTS INTRACOMMUNAUTAIRES , D' UNE LEGISLATION NATIONALE QUI MAINTIENDRAIT L ' EXIGENCE , MEME PUREMENT FORMELLE , DE LICENCES D ' IMPORTATION OU D ' EXPORTATION OU TOUT AUTRE PROCEDE SIMILAIRE;
QUE , DES LORS , MEME SI POUR LES ECHANGES INTRACOMMUNAUTAIRES LE VISA DU FORMA ETAIT APPOSE SANS DELAI ET POUR TOUTES LES QUANTIES DEMANDEES , ET QUE L ' OBJET DE LA MESURE N ' ETAIT EFFECTIVEMENT QUE CELUI DE CONNAITRE LES INTENTIONS DES EXPORTATEURS , LA MESURE DOIT ETRE QUALIFIEE DE MESURE D ' EFFET EQUIVALANT A UNE RESTRICTION QUANTITATIVE A L ' EXPORTATION ;

QU ' EN EFFET , L ' IMPOSITION DE TOUTE FORMALITE SPECIALE A L ' EXPORTATION , PAR LE RETARD QU ' ELLE ENTRAINE ET L ' EFFET DISSUASIF QU ' ELLE COMPORTE A L ' EGARD DES EXPORTATEURS , CONSTITUE UN OBSTACLE AUX ECHANGES. »

Dans son arrêt Procureur de la République c. Bouhelier [aff. 53/76, Rec. (1977) 197], la Cour était confrontée à une législation française qui imposait aux exportateurs de montres l'obligation de se procurer soit une licence soit un certificat de qualité avant de procéder à l’exportation. La Cour a estimé que ces deux mesures constituaient une entrave au sens de l’art. 29 TCE qui ne pouvait pas être justifiée parce qu’elles constituaient une discrimination arbitraire ne pouvant pas être justifiée par le biais d'une des exceptions prévues dans le TCE et parce que l'exigence d'obtenir un certificat de qualité n'était imposable qu'aux transactions visant le marché à l'exportation et non pas le marché domestique (atts. 12-17):

«ATTENDU QUE LA SECONDE PARTIE DE LA QUESTION EST RELATIVE AU POINT DE SAVOIR SI UN CONTROLE DE QUALITE PAR UN ETAT MEMBRE ASSORTI DE L ' INTERDICTION D ' EXPORTER LES PRODUITS QUI NE REPONDENT PAS AUX NORMES DE QUALITE PREVUES PAR LA REGLEMENTATION NATIONALE PEUT ETRE QUALIFIE DE RESTRICTION QUANTITATIVE A L ' EXPORTATION OU DE MESURE D ' EFFET EQUIVALENT;
ATTENDU QU ' AUSSI SOUHAITABLE QUE SOIT UNE POLITIQUE DE QUALITE DE LA PART D ' UN ETAT MEMBRE , CELLE-CI NE PEUT ETRE DEVELOPPEE DANS L ' ESPACE COMMUNAUTAIRE QUE PAR DES MOYENS CONFORMES AUX PRINCIPES FONDAMENTAUX DU TRAITE ;
QU ' UNE REGLEMENTATION DU GENRE DE CELLE DE L ' ESPECE NE PEUT ETRE TENUE POUR COMPATIBLE AVEC CES IMPERATIFS ;
QU'EN EFFET, LES NORMES DE QUALITE OBLIGATOIREMENT EXIGEES NE S'APPLIQUANT QU'AUX PRODUITS DESTINES A L'EXPORTATION ET NE S'IMPOSANT PAS AUX PRODUITS COMMERCIALISES A L'INTERIEUR DE L'ETAT MEMBRE, IL EN RESULTE UNE DISCRIMINATION ARBITRAIRE ENTRE CES PRODUITS, CONSTITUTIVE D'UNE ENTRAVE AUX ECHANGES INTRACOMMUNAUTAIRES REGIS PAR L'ARTICLE 34 DU TRAITE;
QU ' EN DEHORS DES EXCEPTIONS PREVUES PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE , LE TRAITE FAIT AINSI OBSTACLE A L ' APPLICATION , DANS LES RAPPORTS INTRACOMMUNAUTAIRES , D ' UNE LEGISLATION NATIONALE QUI MAINTIENDRAIT L ' EXIGENCE DES LICENCES D ' EXPORTATION OU DE TOUT AUTRE PROCEDE SIMILAIRE OBLIGATOIRE POUR LA SEULE EXPORTATION , TEL QUE DES CERTIFICATS DE CONFORMITE , MESURE D ' EFFET EQUIVALANT AUX RESTRICTIONS QUANTITATIVES , EN TANT QU ' ILS SONT SUSCEPTIBLES D ' ENTRAVER DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT, ACTUELLEMENT OU POTENTIELLEMENT LE COMMERCE INTRACOMMUNAUTAIRE;
QUE DE TELLES MESURES SONT INTERDITES INDEPENDAMMENT DE TOUTE CONSIDERATION DU BUT EN VUE DUQUEL ELLES ONT ETE INSTITUEES.»

Dans son arrêt Delhaize c. Promalvin [C-47/90, Rec. (1992) I-3669], la Cour a écarté en raison de son incompatibilité avec l’art. 29 TCE une mesure espagnole qui conditionnait l’octroi d’un certificat de qualité à l’exportation de vin en bouteille. Ainsi, le vin espagnol exporté en vrac ne pouvait bénéficier d’un tel certificat. Par conséquent, le volume total d'exportations de vin espagnol vers le marché communautaire en était réduit (atts. 13-27):

« Tel est précisément le cas d' une réglementation nationale qui, d' une part, limite la quantité de vin susceptible d' être exportée en vrac vers d' autres États membres et qui, d' autre part, ne soumet à aucune restriction quantitative les ventes de vin en vrac entre les entreprises situées à l' intérieur de la région de production.
En effet, une telle réglementation a pour effet de restreindre spécifiquement les courants d' exportation du vin en vrac et notamment de procurer ainsi un avantage particulier aux entreprises d' embouteillage situées dans la région de production.
Le gouvernement espagnol a souligné que, l' obligation d' embouteiller le vin dans la région de production constituant une condition pour l' attribution à ce vin de la mention "denominación de origen calificada", une telle exigence relevait de la protection de la propriété industrielle et commerciale, au sens de l' article 36 du traité.
En l' état actuel du droit communautaire, il appartient à chaque État membre de définir, dans le cadre tracé par le règlement (CEE) n 823/87 du Conseil, du 16 mars 1987, établissant des dispositions particulières relatives aux vins de qualité produits dans des régions déterminées (JO L 84, p. 59, ci-après "règlement n 823/87"), tel que modifié, les conditions auxquelles est soumise l' utilisation du nom d' une zone géographique de son territoire, en tant qu' appellation d' origine permettant de désigner un vin provenant de cette zone. Toutefois, dans la mesure où ces conditions constituent des mesures visées par l' article 34 du traité, elles ne sont justifiées par des raisons tenant à la protection de la propriété industrielle et commerciale, au sens de l' article 36 du traité, que si elles sont nécessaires afin de garantir que l' appellation d' origine remplisse sa fonction spécifique.
A cet égard, il convient de relever que l' appellation d' origine a pour fonction spécifique de garantir que le produit qui en est revêtu provient d' une zone géographique déterminée et présente certains caractères particuliers.
Par conséquent, l' obligation de mettre le vin en bouteilles dans la région de production, en ce qu' elle constitue une condition à l' utilisation du nom de cette région en tant qu' appellation d' origine, serait justifiée par des raisons visant à garantir que l' appellation d' origine remplisse sa fonction spécifique si l' embouteillage dans la région de production imprimait au vin originaire de cette région des caractères particuliers, de nature à l' individualiser, ou si la mise en bouteilles dans la région de production était indispensable à la conservation des caractères spécifiques que ce vin a acquis.
A cet égard, il n' a pas été démontré que la mise en bouteilles du vin en cause dans la région de production était une opération conférant à ce vin des caractères particuliers ou une opération indispensable au maintien des caractères spécifiques qu' il a acquis.
Par ailleurs, le gouvernement espagnol a souligné que les pouvoirs de contrôle conférés au conseil régulateur étaient limités à la région de production. Par conséquent, il serait nécessaire de procéder à l' embouteillage du vin portant la mention "denominación de origen calificada" dans la région de production.
Cet argument ne saurait être admis. En effet, le règlement (CEE) n 986/89 de la Commission, du 10 avril 1989, relatif aux documents accompagnant les transports des produits viti-vinicoles et aux registres à tenir dans le secteur viti-vinicole (JO L 106, p. 1), établit un système de surveillance visant à assurer que l' authenticité du vin n' est pas affectée au cours du transport. Or, le règlement n 986/89 pose, en son article 9, des règles concernant spécifiquement le transport en vrac des vins visés par le règlement n 823/87, précité, tels que les vins désignés par la mention "denominación de origen calificada".
Lors de l' audience, le gouvernement espagnol a fait valoir qu' une réglementation telle que la réglementation nationale en cause s' inscrivait dans le cadre d' une politique visant à promouvoir la qualité du vin.

Cette justification ne saurait être admise. En effet, il n' a pas été établi que la localisation des activités d' embouteillage était, en tant que telle, susceptible d' affecter la qualité du vin.
Une réglementation telle que la réglementation nationale en cause ne saurait pas davantage être justifiée sur la base de l' article 18 du règlement n 823/87, précité.
Certes, en vertu de l' article 18 du règlement n 823/87, les États membres producteurs peuvent, en tenant compte des usages loyaux et constants, imposer des conditions de circulation additionnelles ou plus rigoureuses que celles posées par le règlement n 823/87, pour les vins de qualité produits dans des régions déterminées qui sont élaborés sur leur territoire, tels que les vins désignés par la mention "denominación de origen calificada".

Toutefois, l' article 18 du règlement n 823/87 ne saurait être interprété comme autorisant les États membres à imposer des conditions qui seraient contraires aux règles du traité relatives à la circulation de marchandises.

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question posée par la juridiction nationale qu' une réglementation nationale applicable aux vins portant une appellation d' origine qui limite la quantité de vin susceptible d' être exportée en vrac et qui, par ailleurs, autorise les ventes de vin en vrac à l' intérieur de la région de production, constitue une mesure d' effet équivalant à une restriction quantitative à l' exportation, prohibée par l' article 34 du traité. »

Dans son arrêt Commission c. Grèce [C-110/89, Rec. (1991) I-2659], la Cour s’est prononcée en faveur de la thèse selon laquelle le monopole grec à l’exportation de maïs constituait une entrave au sens de l’art. 29 TCE (atts. 18-24) :

« S' agissant du commerce intracommunautaire, il y a lieu de relever, comme le rappelle l' article 21 du règlement n 2727/75, précité, que les dispositions du traité relatives à la libre circulation des marchandises à l' intérieur de la Communauté, et notamment l' article 34 de ce traité, sont applicables au secteur des céréales . Il en résulte que, dans ce secteur, les restrictions quantitatives à l' exportation, ainsi que toutes mesures d' effet équivalent, sont interdites entre les États membres .
Les exportations de céréales à destination des pays tiers sont régies par les dispositions du titre II du règlement n 2727/75, précité . Il ressort de ces dispositions que ce n' est que dans le cadre particulier des mesures de sauvegarde prévues par l' article 20 de ce règlement et du règlement d' application ( CEE ) n 2748/75 du Conseil, du 29 octobre 1975, définissant les conditions d' application des mesures de sauvegarde dans le secteur des céréales ( JO L 281, p . 85 ), qu' un État membre peut prendre des mesures conservatoires ayant pour objet la suspension des exportations . Sous cette dernière réserve, qui n' est pas applicable dans le cas d' espèce, les États membres ne peuvent restreindre les exportations de céréales à destination des pays tiers.
Aucune des mesures restrictives visées par la Commission dans son recours ne peut, dès lors, quelle que soit la destination des exportations en cause, être justifiée par les règles qui leur sont applicables.
Il convient, enfin, de rappeler que les organisations communes des marchés sont fondées sur le principe du marché ouvert, auquel tout producteur a librement accès dans des conditions de concurrence effectives et dont le fonctionnement est uniquement réglé par les instruments prévus par ces organisations . En particulier, dans des domaines couverts par une organisation commune des marchés, à plus forte raison lorsque cette organisation est, comme en l' espèce, fondée sur un régime commun des prix, les États membres ne peuvent plus intervenir par des mesures unilatérales affectant le régime des échanges et le mécanisme de formation des prix tels qu' ils résultent de l' organisation commune ( voir arrêt du 12 juillet 1990, Commission/Grèce, point 29, C-35/88, Rec . p . I-3125).
Toute intervention d' un État membre qui a pour objet de restreindre, au bénéfice d' un seul organisme, les exportations réalisées par les autres opérateurs est, en conséquence, incompatible avec les principes de l' organisation commune des marchés.
Il résulte de ce qui précède que les restrictions aux exportations de maïs imposées, dans les conditions précédemment décrites, par la République hellénique constituent une violation des dispositions de l' article 34 du traité et du règlement n 2727/75, précité.
Il y a lieu, en conséquence, de constater que, en gênant et en limitant par des mesures diverses, pendant la période allant du 1er septembre au 31 décembre 1985, les exportations de maïs par des opérateurs autres que la KYDEP, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l' article 34 du traité et des dispositions du règlement n 2727/75 du Conseil, du 29 octobre 1975. »

Toutefois, il faut démontrer que la mesure en cause confère un avantage soit à la production nationale, soit au marché intérieur. Dans sa jurisprudence Groenveld [aff. 15/79, Rec. (1979) 3409] la Cour a eu l'opportunité de préciser que l'art. 29 TCE visait non seulement les mesures édictées afin de protéger une production nationale mais également toute mesure visant la séparation entre le marché national et les marchés des autres Etats membres.

Dans cette affaire, la Cour a dû faire face à une loi néerlandaise qui interdisait aux producteurs de viande d'avoir des stocks de viande de cheval. La raison d'être de cette loi était que les consommateurs étrangers (par exemple, du Royaume Uni) voyaient d'un mauvais œil la consommation de viande chevaline. Le gouvernement néerlandais craignait qu'une augmentation de la production de viande chevaline (puisque, les producteurs néerlandais, s'ils avaient la possibilité de maintenir des stocks de viande chevaline auraient davantage la possibilité de produire des saucisses de viande chevaline) ait des répercussions négatives sur l'image de marque de la viande néerlandaise en général. Il faut aussi noter, que la ladite loi n'interdisait pas aux bouchers de vendre des saucisses de viande chevaline directement aux consommateurs et n'interdisait pas non plus l'importation ou l’exportation dudit produit. Il s'agissait tout simplement d'une mesure de dissuasion. La Cour s'est prononcée en faveur de la thèse selon laquelle une telle mesure, applicable à tous produits indépendamment de leur origine, ne conférait aucun avantage au marché national (atts. 7-9):

«CETTE DISPOSITION VISE LES MESURES NATIONALES QUI ONT POUR OBJET OU POUR EFFET DE RESTREINDRE SPECIFIQUEMENT LES COURANTS D ' EXPORTATION ET D ' ETABLIR AINSI UNE DIFFERENCE DE TRAITEMENT ENTRE LE COMMERCE INTERIEUR D'UN ETAT MEMBRE ET SON COMMERCE D'EXPORTATION, DE MANIERE A ASSURER UN AVANTAGE PARTICULIER A LA PRODUCTION NATIONALE OU AU MARCHE INTERIEUR DE L ' ETAT INTERESSE, AU DETRIMENT DE LA PRODUCTION OU DU COMMERCE D'AUTRES ETATS MEMBRES. TEL N'EST PAS LE CAS D ' UNE PROHIBITION COMME CELLE DE L ' ESPECE QUI S'APPLIQUE OBJECTIVEMENT A LA PRODUCTION DE MARCHANDISES D ' UN CERTAIN TYPE SANS FAIRE UNE DISTINCTION SELON QUE CELLES-CI SONT DESTINEES AU MARCHE NATIONAL OU A L ' EXPORTATION.
CETTE APPRECIATION N ' EST PAS MODIFIEE PAR LA CIRCONSTANCE QUE LA REGLEMENTATION EN CAUSE A POUR BUT , ENTRE AUTRES , DE SAUVEGARDER LA REPUTATION DE LA PRODUCTION NATIONALE DE CHARCUTERIE SUR CERTAINS MARCHES D ' EXPORTATION , A L ' INTERIEUR DE LA COMMUNAUTE ET DANS DES PAYS TIERS , OU EXISTENT DES OBSTACLES D ' ORDRE PSYCHOLOGIQUE OU REGLEMENTAIRE A L ' EGARD DE LA CONSOMMATION DE VIANDE CHEVALINE , ALORS QUE LA MEME PROHIBITION S ' APPLIQUE DE MANIERE IDENTIQUE A LA PRODUCTION COMMERCIALISEE SUR LE MARCHE INTERIEUR DE L ' ETAT MEMBRE EN QUESTION . LE CARACTERE OBJECTIF DE CETTE PROHIBITION N ' EST PAS ALTERE PAR LE FAIT QUE LA REGLEMENTATION EN VIGUEUR AUX PAYS-BAS PERMET LA VENTE AU DETAIL DE CHARCUTERIE CHEVALINE PAR LES BOUCHERIES . EN EFFET , CETTE TOLERANCE EXERCEE AU NIVEAU DU COMMERCE LOCAL N ' A PAS POUR EFFET D ' ENTAMER UNE PROHIBITION APPLIQUEE A L ' ECHELLE DE LA FABRICATION INDUSTRIELLE DU MEME PRODUIT , QUELLE QUE SOIT SA DESTINATION.
IL Y A DONC LIEU DE REPONDRE A LA QUESTION POSEE QUE , DANS L ' ETAT ACTUEL DE LA REGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE , UNE MESURE NATIONALE INTERDISANT A TOUT FABRICANT DE CHARCUTERIE DE DETENIR EN STOCK ET DE TRANSFORMER DE LA VIANDE DE CHEVAL N ' EST PAS INCOMPATIBLE AVEC L ' ARTICLE 34 DU TRAITE SI ELLE NE COMPORTE AUCUNE DIFFERENCE DE TRAITEMENT ENTRE PRODUITS DESTINES A L ' EXPORTATION ET PRODUITS COMMERCIALISES A L ' INTERIEUR DE L ' ETAT MEMBRE CONCERNE.»

Dans sa jurisprudence Hedley Lomas [C-5/94, Rec. (1996) I-2553], la Cour a dû faire face à une mesure britannique qui interdisait l’exportation de bétail en raison du traitement dégradant (selon l’avis des Britanniques) auquel le bétail serait soumis dans le pays d’exportation (Espagne). En effet, selon l’avis des autorités britanniques, les Espagnols ne respectaient pas la législation communautaire en la matière qui leur imposait des obligations bien précises quant au traitement du bétail. Confirmant que l’art. 30 TCE constitue une exception à l’art. 29 TCE, la Cour s’est posé la question de savoir dans quelle mesure un motif d’ordre public peut constituer une justification dans un tel scénario (dans lequel la violation de l’ordre public britannique et communautaire a lieu en Espagne). La Cour a exclu le recours à l’art. 30 TCE sans se prononcer sur la question de l’extraterritorialité. Selon la Cour, les arguments en faveur de cette exclusion sont à rechercher dans fait que le non-respect de l’ordre juridique communautaire par l’Espagne peut être attaqué par le biais d’un recours un manquement et non pas par une restriction à l’exportation. Indépendamment des considérations d’efficacité, les arguments en faveur de l’approche de la Cour proviennent du fait qu’un recours en manquement vise toute transaction future, tandis qu’une restriction à l’exportation ne peut viser qu’une seule transaction (atts. 14-21) :

« La première question doit être comprise en ce sens que la juridiction nationale cherche à savoir si le droit communautaire s' oppose à ce qu' un État membre invoque l' article 36 du traité pour justifier une limitation des exportations de marchandises vers un autre État membre au seul motif que, selon le premier État, le second ne respecte pas les prescriptions d' une directive communautaire d' harmonisation poursuivant l' objectif que le recours à l' article 36 tendrait à protéger, sans cependant prévoir de procédure de contrôle de leur application ni de sanction en cas de leur violation.
Avant de répondre sur le fond, il y a lieu de constater, ainsi qu' il ressort de l' ordonnance de renvoi, que, en l' occurrence, la ligne de conduite générale adoptée par les autorités du Royaume-Uni, consistant à refuser d' octroyer les licences d' exportation vers l' Espagne, reposait uniquement sur la conviction qu' un certain nombre d' abattoirs espagnols ne respectaient pas les règles de la directive elle-même et qu' il existait à tout le moins un risque non négligeable que les animaux exportés vers l' Espagne y subissent, lors de leur abattage, un traitement contraire à la directive.
C' est eu égard à ce contexte factuel qu' il convient de répondre à la première question posée par la juridiction de renvoi.

D' abord, il y a lieu d' observer que le refus par un État membre de délivrer des licences d' exportation constitue une restriction quantitative à l' exportation, contraire à l' article 34 du traité.

Ensuite, le recours à l' article 36 du traité permet de maintenir des restrictions à la libre circulation des marchandises justifiées par des raisons de protection de la santé et de la vie des animaux, laquelle constitue une exigence fondamentale reconnue par le droit communautaire. Toutefois, ce recours n' est plus possible lorsque des directives communautaires prévoient l' harmonisation des mesures nécessaires à la réalisation de l' objectif spécifique que poursuivrait le recours à l' article 36.
Cette interdiction de recourir à l' article 36 ne saurait être affectée par la circonstance que, en l' occurrence, la directive n' aménage pas une procédure communautaire de contrôle de son observation ni ne prévoit de sanction en cas de violation de ses dispositions. En effet, l' absence, dans la directive, de procédure de contrôle et de sanction n' a pour conséquence que d' obliger les États membres, conformément aux articles 5, premier alinéa, et 189, troisième alinéa, du traité, à prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l' efficacité du droit communautaire (voir, notamment, arrêt du 21 septembre 1989, Commission/Grèce, 68/88, Rec. p. 2965, point 23). A cet égard, les États membres doivent se témoigner une confiance mutuelle en ce qui concerne les contrôles effectués sur leur territoire respectif (voir également arrêt du 25 janvier 1977, Bauhuis, 46/76, Rec. p. 5, point 22).
Dans ce contexte, un État membre ne saurait s' autoriser à prendre unilatéralement des mesures correctives ou des mesures de défense destinées à obvier à une méconnaissance éventuelle, par un autre État membre, des règles du droit communautaire (arrêts du 13 novembre 1964, Commission/Luxembourg et Belgique, 90/63 et 91/63, Rec. p. 1217, et du 25 septembre 1979, Commission/France, 232/78, Rec. p. 2729, point 9).

En conséquence, il y a lieu de répondre à la première question que le droit communautaire s' oppose à ce qu' un État membre invoque l' article 36 du traité pour justifier une limitation des exportations de marchandises vers un autre État membre au seul motif que, selon le premier État, le second ne respecte pas les prescriptions d' une directive communautaire d' harmonisation poursuivant l' objectif que le recours à l' article 36 tendrait à protéger, sans cependant prévoir de procédure de contrôle de leur application ni de sanction en cas de leur violation. »


7.10.3 Les justifications contre les interdictions à l’exportation

Il est explicitement mentionné à la première phrase de l'art. 30 TCE (qui suit les arts. 28 et 29 TCE) que les motifs inclus dans cet article peuvent être invoqués afin de justifier des mesures considérées comme des restrictions à l'exportation. Dans la jurisprudence Oebel, précitée, la Cour a accepté qu'une exigence impérative (en l'occurrence l'amélioration des conditions de travail) puisse servir comme base justifiant une mesure qui violerait l'art. 29 TCE.

7.10.4 Mesures communautaires imposant une interdiction à l'exportation

Il se peut que la CE, afin de protéger la santé publique, adopte des mesures interdisant les exportations. Tel était le cas lors de la crise de la vache folle (la maladie de Kreutzfeld). Cette maladie a été géographiquement concentrée au Royaume-Uni et par conséquent, la CE a imposé une interdiction des exportations de viande bovine de la part dudit Etat membre aux autres Etats membres de la CE. Lors de son jugement Royaume Uni c. Commission [C-180/96, Rec. (1998) I-2265], la Cour était saisie d’une demande britannique de lever l’interdiction, imposée par la Commission, d’exporter de la viande bovine depuis le Royaume-Uni, parce qu’à son avis cette interdiction d'exporter n'était fondée sur aucune base scientifique et n’aurait exclusivement ou essentiellement été décidée qu’afin de rassurer les consommateurs et de protéger le marché de la viande bovine. Or, loin de réaliser cet objectif, elle aurait plutôt été contre-productive du point de vue de la confiance des consommateurs. La thèse de la Commission est résumée dans l’attendu 48 dudit arrêt :
« La Commission, en revanche, estime que le Royaume-Uni n'a prouvé ni le fumus boni juris ni l'urgence ou la probabilité d'un préjudice grave et irréparable. Elle considère également que la mise en balance des intérêts plaide clairement en faveur du maintien des mesures d'urgence et provisoires existantes jusqu'à ce que, le cas échéant, les études actuellement en cours fournissent une base solide pour les lever. Le Conseil l' a appuyée en ce sens. »

La Cour a d’abord constaté que conformément à la Dir. 90/425 (qui prévoit la communication par les Etats membres à la Commission des maladies dont souffrent les animaux sur leur juridiction), la Commission a adopté la décision 96/239 qui interdisait au Royaume-Uni les exportations de viande bovine. Cette décision a été adoptée après que les scientifiques aient émis leur opinion (atts. 60-61) :
 « Même si les scientifiques, par prudence, n'avaient émis aucune certitude, la situation avait considérablement changé dans la mesure où la transmissibilité de l' ESB à l' être humain avait cessé d' être considérée comme une hypothèse théorique, mais était désormais regardée comme l' explication la plus probable de la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob qui venait d' être détectée chez un certain nombre de personnes. Bien que l'éventualité d'un tel danger pour la santé humaine ait été envisagée depuis plusieurs années, le communiqué du SEAC a révélé de nouveaux éléments qui la rendaient plus vraisemblable et qui justifiaient l'intervention de la Commission. 
Les informations prises en considération par la Commission pour adopter la décision 96/239 étaient donc particulièrement sérieuses. Elles ont d' ailleurs été considérées comme telles par le gouvernement du Royaume-Uni, puisqu' il a lui-même immédiatement arrêté diverses mesures pour se conformer aux recommandations du SEAC. »

Alors, selon l’avis de la Cour (att. 62) :

« Dans ces conditions, rien ne permet d' estimer que, comme le prétend le Royaume-Uni, la Commission a agi uniquement pour des raisons économiques de stabilisation du marché de la viande bovine. Au contraire, comme il résulte du cinquième considérant lu dans son ensemble, les circonstances montrent qu' elle a eu avant tout égard à la protection de la santé publique dans le contexte du marché intérieur, ainsi qu' elle en a d' ailleurs l' obligation en application des directives 90/425 et 89/662. ».

Ensuite, la Cour écarte l’argument du Royaume-Uni selon lequel la décision de la Commission n’aurait pas été motivée (att. 65) :
 « A cet égard, il ressort de l' examen des considérants de la décision 96/239 qu' elle est motivée par un ensemble d' éléments parmi lesquels figurent, tout d' abord, la publication de nouvelles informations relatives à l' apparition de certains cas de la maladie de Creutzfeldt-Jakob au Royaume-Uni, ensuite, l' adoption, par cet État membre, de mesures supplémentaires relatives au traitement de la viande bovine et à l' utilisation de la farine de viande osseuse dans l' alimentation des animaux de ferme et, enfin, les mesures d' interdiction d' importation adoptées par d' autres États membres. Ces éléments suffisent à établir qu' il existait, au regard du risque concerné, une grande incertitude quant à l' efficacité et au caractère suffisant des mesures antérieurement adoptées tant par le Royaume-Uni que par la Communauté européenne. »

La Commission doit, quand elle adopte de telles mesures, respecter le principe de proportionnalité. La Cour traite de ce point aux atts. 73-76 :
« S' agissant, en quatrième lieu, de la violation du principe de proportionnalité, il y a lieu de relever que la mesure d' interdiction était motivée par un objectif légitime, à savoir la protection de la santé, et que, en tant que mesure de confinement préalable à des mesures d' éradication, elle était indispensable à la réalisation de cet objectif.
A cet égard, il n' est pas contesté que les mesures adoptées par le Royaume-Uni pour interdire l' utilisation de farines de viande et d' os de ruminants dans l' alimentation des ruminants et celles relatives au traitement des viandes ont produit des résultats positifs et, notamment, une diminution des cas d' ESB. Il existe cependant des doutes sérieux quant à leur efficacité. Il apparaît en effet que, malgré l' interdiction édictée en 1988, une partie du bétail a continué à être alimenté avec des farines suspectes pendant au moins cinq ans, parce que certains des éleveurs ont utilisé leurs stocks, parce qu' ils ont, volontairement ou par inadvertance, donné aux bovins de la farine de viande et d' os de ruminants destinée à d' autres animaux de ferme ou encore parce qu' ils ont donné aux bovins de la nourriture pour bovins en principe saine, mais qui, lors de sa fabrication, avait été infectée à défaut de mesures de précaution suffisantes.
En tout état de cause, quand bien même l' on connaîtrait avec certitude la composition de la nourriture que chaque éleveur a donnée à ses animaux, l' absence de moyens permettant de retracer l' origine et les mouvements de ceux-ci ("traceability") ne permettrait pas de déterminer, avec certitude, le troupeau au sein duquel est né l' animal, le nombre de transactions dont il a fait l' objet et, dès lors, s' il a pu être alimenté avec de la nourriture infectée dans chacun des troupeaux dont il a fait partie.
Quant aux mesures relatives à l' abattage des animaux et au découpage des viandes, il résulte des documents annexés à la requête en annulation du Royaume-Uni que ce n' est qu' à partir de mai 1995 que des contrôles inopinés ont été effectués dans les entreprises concernées (Bovine Spongiform Encephalopathy in Great Britain, précité, point 16). Selon ce rapport, en septembre 1995, 48 % des abattoirs ne respectaient pas entièrement les prescriptions légales. Or, il est établi que certains manquements concernaient la séparation des abats de viande bovine spécifiés (tête, moelle épinière). En octobre 1995, le pourcentage d' abattoirs en infraction était toujours de 34 %. » 

Finalement, la Cour met en balance l’intérêt britannique à être dédommagé pour la perte commerciale que ses producteurs ont subie en raison de la décision de la Commission et l’intérêt public à la protection de la santé publique. Dans ce contexte, le Royaume-Uni a contesté la légalité de l’action communautaire au vu sa base juridique, selon lui, défaillante. La Cour a tout de même adopté une vue globale de la situation et a écarté tout argument du Royaume-Uni à cet effet (atts. 89-94) :

« Il résulte de tout ce qui précède que, si certains des moyens avancés par le Royaume-Uni ne peuvent, à ce stade, être entièrement écartés, la Commission a néanmoins présenté des arguments sérieux quant à la légalité de sa décision dans son ensemble, tant pour ce qui concerne le commerce intracommunautaire que pour les exportations vers les pays tiers. Dès lors, même si le Royaume-Uni avait, par hypothèse, pleinement établi l' existence d' un préjudice grave et irréparable, il incomberait encore à la Cour de mettre en balance, d' une part, l' intérêt de la requérante à voir suspendre l' interdiction d' exporter des bovins, de la viande bovine et des produits dérivés et, d' autre part, l' intérêt des autres parties à voir maintenir une telle interdiction. Lors de cet examen, il lui faudrait déterminer si l' annulation éventuelle de la décision litigieuse par le juge du fond permettrait le renversement de la situation provoquée par son exécution immédiate et, inversement, si le sursis à l' exécution de cette décision serait de nature à faire obstacle à son plein effet au cas où le recours au principal serait rejeté (ordonnance Commission/Atlantic Container Line e.a., précitée, point 50).
A cet égard, il convient de constater qu' une telle balance des intérêts pencherait, en tout état de cause, du côté du maintien de la décision de la Commission, dans la mesure où l' intérêt à voir maintenir la décision litigieuse est difficilement comparable à l' intérêt de la requérante à la voir suspendre.
Certes, l' analyse qui précède a fait apparaître qu' un préjudice, en termes d' intérêts commerciaux et sociaux, du fait du maintien, dans l' intervalle, de l' interdiction d' exporter est vraisemblable et que ce préjudice serait pour partie difficilement réparable si le recours au principal devait être accueilli.
Un tel préjudice ne saurait toutefois l' emporter sur le dommage grave, en termes de santé publique des populations, que la suspension de la décision litigieuse serait susceptible de provoquer et auquel il ne pourrait être remédié en cas de rejet ultérieur du recours au principal.
En effet, la maladie de Creutzfeldt-Jakob et, plus particulièrement, la variante découverte récemment, n' est encore qu' imparfaitement connue des scientifiques. Son caractère mortel a été rappelé à plusieurs reprises au cours de l' audience. Il n' y existe actuellement aucun remède. La mort survient quelques mois après sa détection. Vu le fait que l' explication la plus probable de cette maladie mortelle est une exposition à l' ESB, aucune hésitation n' est permise. Tout en admettant les difficultés d' ordre économique et social engendrées au Royaume-Uni par la décision de la Commission, la Cour ne peut que reconnaître l' importance prépondérante à accorder à la protection de la santé.
Au vu de toutes les considérations qui précèdent, il convient de rejeter la demande introduite par le Royaume-Uni, tant à titre principal qu'à titre subsidiaire. »


7.11 Les monopoles étatiques à caractère commercial (art. 31 TCE)

Selon l'art. 31.1 TCE, les États membres assument l'obligation d'aménager leurs monopoles nationaux présentant un caractère commercial. Il leur est demandé d’exclure toute discrimination entre les ressortissants des États membres dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés.
Dans l'affaire Procédure pénale contre Harry Franzén [C-189/95, Rec. (1997) I-5909] la Cour a eu l'opportunité de clarifier plusieurs aspects dudit article lors d'un litige qui mettait en question la compatibilité du système suédois de vente de boissons alcooliques. Aux atts. 3-28, la Cour décrit de façon détaillée l'organisation et le fonctionnement du monopole mis en place par la Suède pour la vente et la distribution des boissons alcooliques:

«La loi sur l'alcool
La loi sur l'alcool, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1995, réglemente la production et le commerce des boissons alcoolisées en Suède. Elle vise à limiter la consommation de ces boissons, notamment de celles à forte teneur en alcool, afin de réduire les conséquences néfastes d'une telle consommation sur la santé des personnes.
Au sens de cette loi, on entend par «boissons alcoolisées» les boissons dont le titre alcoométrique volumique est supérieur à 2,25 %. Ces boissons comprennent le «vin» (boisson fermentée à base de raisins ou d'autres fruits dont le titre alcoométrique volumique est inférieur à 22 %), la «bière» (boisson fermentée à base de malt dont le titre alcoométrique volumique est compris entre 2,25 % et 3,5 %), la «bière forte» (boisson fermentée à base de malt dont le titre alcoométrique volumique est supérieur à 3,5 %) et les boissons «spiritueuses» (boissons alcoolisées autres que le vin, la bière ou la bière forte).
La loi sur l'alcool subordonne la production des boissons alcoolisées à la détention d'une «licence de fabrication» et le commerce de gros des boissons spiritueuses, du vin et de la bière forte à la détention d'une «licence de commerce de gros». Elle permet toutefois aux titulaires de licences de fabrication de se livrer au commerce de gros des produits correspondants.
La loi subordonne aussi l'importation en Suède de vin, de bière forte ou de boissons spiritueuses à la possession d'une licence de fabrication ou de commerce de gros.
La licence est délivrée par l'Alkoholinspektion (Inspection sur l'alcool) sur la base d'une demande accompagnée des pièces justificatives déterminées par un arrêté de cette Inspection. Il est précisé dans l'arrêté que, pour les demandeurs étrangers, il doit être tenu compte des pièces que ces derniers peuvent raisonnablement obtenir de leurs autorités nationales.
Le dépôt d'une demande est soumis au paiement d'un droit fixe, dont le montant s'élevait à 25 000 SKR à l'époque des faits litigieux. Selon M. Franzén, qui n'a pas été démenti sur ce point, ce droit n'est pas remboursé si la demande de licence est rejetée.
L'Inspection sur l'alcool doit procéder à une appréciation objective et non discriminatoire de la demande en prenant en considération la situation personnelle et économique du demandeur ainsi que tous les éléments revêtant une importance pour l'octroi de la licence, tels que les connaissances professionnelles du demandeur, notamment en ce qui concerne la réglementation applicable au commerce de l'alcool en Suède, ou son aptitude à respecter les dispositions de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO L 76, p. 1). Elle doit aussi vérifier la capacité du demandeur à respecter la loi et à s'acquitter de ses obligations envers l'État, notamment au travers de ses capacités financières et des condamnations pénales dont il a éventuellement fait l'objet.
Le demandeur doit démontrer qu'il dispose de capacités de stockage suffisantes pour se livrer à son activité. L'Inspection sur l'alcool apprécie, au cas par cas, les capacités à exiger eu égard à la forme et à l'orientation de l'activité du demandeur. En particulier, une capacité de stockage n'est pas exigée des opérateurs qui livrent directement des boissons aux acheteurs situés sur le territoire national. Le demandeur doit aussi fournir la garantie, notamment sous forme bancaire, du paiement des droits d'accises qui peuvent être exigés de lui, en sa qualité d'entrepositaire ou de destinataire de la marchandise, en application de la directive 92/12, précitée.
Enfin, le titulaire d'une licence doit acquitter annuellement une taxe pour la surveillance de ses installations, dont les taux sont fixés par l'État. A l'époque des faits litigieux, le taux de base variait entre 10 000 et 323 750 SKR selon les boissons et les quantités produites ou commercialisées.
En réponse aux questions écrites posées par la Cour, le gouvernement suédois a précisé que la loi sur l'alcool n'exigeait pas que le demandeur fût domicilié en Suède, ce qu'indiquait expressément une décision du 5 octobre 1995. Il a confirmé ce point lors de la procédure orale.
Selon les indications fournies à la Cour, 223 licences de fabrication ou de commerce de gros avaient été délivrées à la date du 7 octobre 1996.
La loi sur l'alcool charge une société d'État, spécialement constituée à cette fin, d'assurer la vente au détail du vin, de la bière forte et des boissons spiritueuses. La société désignée à cet effet est Systembolaget Aktiebolag (ci-après «Systembolaget»), société par actions entièrement détenue par l'État suédois.
L'activité, l'exploitation et les modalités de contrôle de cette société sont fixées par une convention passée avec l'État.
La loi sur l'alcool subordonne, en outre, la vente au comptoir du vin, de la bière forte et des boissons spiritueuses à l'obtention d'une «licence de débit de boissons». Les titulaires de licences de fabrication ou de commerce de gros ne peuvent vendre des boissons qu'à la société chargée d'en assurer la vente au détail, aux autres titulaires de licences de fabrication ou de commerce de gros ou aux titulaires de licences de débit de boissons. La société de vente au détail est, elle-même, autorisée à solliciter des licences en vue de la vente en gros de boissons alcoolisées aux titulaires de licences de débit de boissons.
La vente de boissons alcoolisées sans autorisation, intentionnellement ou par négligence, est passible de sanctions pénales.
Enfin, la lag med vissa bestämmelser om marknadsföring av alkoholdrycker 1978:763 (loi portant diverses mesures en matière de commercialisation des boissons alcoolisées), sans prohiber de manière générale la publicité en faveur des boissons alcoolisées, interdit les mesures encourageant la consommation de ces boissons, telles que les mesures de promotion insistantes ou pressantes et le démarchage, ainsi que les messages publicitaires à la radio, à la télévision, dans les journaux et périodiques. La promotion des boissons alcoolisées est, toutefois, autorisée dans les écrits mis à la disposition du public dans les points de vente, notamment ceux de Systembolaget, et dans les moyens de transport bénéficiant d'une autorisation de servir de l'alcool. La loi n'interdit pas non plus la mention des boissons alcoolisées dans les articles de presse, notamment les rubriques relatives au vin et aux alcools dans les quotidiens ou les périodiques.

Les règles de fonctionnement de Systembolaget
La convention passée entre Systembolaget et l'État suédois, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, prévoit notamment que cette société doit:
- exercer son activité de manière à prévenir dans la mesure du possible les conséquences publiques, sociales et médicales néfastes de la consommation d'alcool;
- sélectionner les boissons qu'elle commercialise sur la base de leurs qualités, de leurs effets négatifs sur la santé humaine, de la demande des consommateurs ou de considérations d'ordre commercial ou éthique;
- fournir par écrit à tout fournisseur les motifs pour lesquels elle décide de ne pas ou de ne plus commercialiser un produit et l'informer des voies de recours dont il dispose;
- adopter des mesures de commercialisation et d'information impartiales et indépendantes de l'origine des boissons;
- s'employer à faire connaître aux consommateurs les nouvelles boissons qu'elle commercialise tout en tenant compte des restrictions figurant dans la loi sur l'alcool; - fixer sa marge commerciale selon des critères objectifs et indépendants de l'origine des boissons;
- exercer son activité de manière rationnelle, assurer un service de qualité et fixer ses prix de manière à couvrir ses frais, à assurer à l'État un rendement raisonnable de son capital et à éviter un enchérissement inutile des boissons;
- créer ou fermer ses points de vente en fonction des contraintes de sa gestion, des services à rendre et de la politique en matière d'alcool, tout en permettant à chaque commune de pouvoir disposer d'un point de vente, si elle en fait la demande, et tout en veillant à ce que, dans les localités sans point de vente, la vente puisse avoir lieu par correspondance sur simple demande et aux frais de Systembolaget;
- arrêter les heures d'ouverture des points de vente conformément aux directives du Parlement suédois.
Selon les indications figurant au dossier, Systembolaget dispose de 384 «boutiques» réparties sur tout le territoire suédois. En outre, les produits vendus par Systembolaget peuvent être commandés et livrés dans 550 points de vente environ en zone rurale (magasins d'alimentation, points de vente de journaux ou de tabac, stations-services...) ou dans le cadre de 56 lignes d'autobus et de 45 tournées de poste rurale.
En vertu des règlements internes à l'entreprise, les boissons commercialisées par Systembolaget (2 454 produits en octobre 1995) sont réparties en «assortiments». L'assortiment dit «de base» comprend des boissons situées dans les catégories de prix inférieures ou moyennes, disponibles toute l'année dans tous les points de vente (1 288 produits en octobre 1995). L'assortiment dit «provisoire» comprend des boissons disponibles de façon limitée, notamment pendant une partie de l'année seulement, telles que des vins millésimés, des boissons saisonnières (930 produits en octobre 1995). L'assortiment dit «à l'essai» regroupe des boissons proposées, à titre probatoire, dans certaines «boutiques», en vue de leur inscription dans l'assortiment «de base» (236 produits en octobre 1995). L'assortiment dit «à la commande» comprend les produits que Systembolaget ne détient pas en stock mais qui peuvent être obtenus sur commande. Systembolaget procède, en outre, à des importations de boissons à la demande et aux frais de ses clients (importations dites «privées»).
Les boissons des trois premiers assortiments figurent sur une liste de prix globale, publiée plusieurs fois par an, disponible dans les «boutiques» et points de vente de Systembolaget ou sur abonnement. Les produits «sur commande» figurent sur une liste spéciale, disponible sur demande dans les «boutiques». Les nouveaux produits commercialisés par Systembolaget font l'objet d'une présentation systématique dans la revue mensuelle d'information éditée par le monopole, qui est disponible dans les «boutiques» et points de vente de ce dernier et qui est adressée aux abonnés et aux restaurants, ainsi qu'auprès des journalistes de la presse écrite et audio-visuelle spécialisés dans la critique des vins et alcools. Ils sont, en outre, exposés dans les vitrines des «boutiques» du monopole.
Systembolaget élabore un plan d'achat annuel de ses produits, qui est révisé tous les trimestres. La société invite les titulaires de licences de fabrication et de commerce de gros à soumettre des offres. Celles-ci font l'objet d'une première sélection par ses services sur la base de critères économiques ou commerciaux, tels que le caractère compétitif du prix du produit ou ses antécédents commerciaux, puis d'un test gustatif «en aveugle». Les produits sélectionnés sont inscrits dans l'assortiment «de base» ou dans l'assortiment «provisoire». Les produits non sélectionnés peuvent, à la demande du fournisseur, faire l'objet d'une inscription dans l'assortiment «à l'essai» après sélection sur la base d'un nouveau test gustatif effectué par un panel de consommateurs. Les boissons ne sont, en principe, maintenues dans l'assortiment «de base» que si leurs ventes atteignent des quantités et des parts de marché prédéterminées.
Il ressort des pièces versées au dossier que Systembolaget a commercialisé 185,2 millions de litres de boissons alcoolisées de janvier à septembre 1995 (45,2 % en provenance de Suède et 41,8 % en provenance des autres États membres) et 176,9 millions de litres de boissons alcoolisées de janvier à septembre 1996 (45,1 % en provenance de Suède et 40,6 % en provenance des autres États membres). Durant les huit premiers mois de l'année 1996, Systembolaget a reçu 12 576 offres, dont 10 711 en provenance des États membres de la Communauté (227 de Suède et 10 484 des autres États membres), en a examiné 7 417, dont 6 325 provenant de la Communauté (149 de Suède et 6 176 des autres États membres), et retenu 908, dont 704 provenant de la Communauté (85 de Suède et 619 des autres États membres).

Les faits du litige au principal et la procédure devant la juridiction nationale
M. Franzén est poursuivi devant le Landskrona tingsrätt notamment pour avoir, le 1er janvier 1995, vendu intentionnellement et sans autorisation du vin acheté auprès de Systembolaget ou importé du Danemark.
Il a soutenu devant cette juridiction qu'aucun délit ne pouvait lui être reproché, car la loi sur l'alcool était contraire aux articles 30 et 37 du traité.»
La question pertinente devant la Cour était de savoir dans quelle mesure une telle législation pouvait être considérée comme étant incompatible avec l'art. 31 (à l'époque, 37) TCE (att. 29) :

« Doutant de la réponse à apporter à cette argumentation, le Landskrona tingsrätt a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes: «1) Un monopole légal tel que celui de Systembolaget est-il compatible avec l'article 30 du traité de Rome?
2) Un monopole légal tel que celui de Systembolaget enfreint-il l'article 37 du traité de Rome et, dans l'affirmative, ce monopole doit-il être supprimé ou un aménagement est-il possible?
3) Au cas où un monopole légal tel que celui de Systembolaget devrait être considéré comme enfreignant l'article 37, existerait-il une période d'adaptation ou bien la société aurait-elle dû être dissoute à la date du 1er janvier 1995 ou l'aménagement avoir été réalisé à cette date?»

La Cour a dû faire face à deux types des mesures: primo, des mesures qui régissaient strictement le fonctionnement du monopole suédois; secundo, des mesures qui malgré le fait qu'elles ne régissaient pas strictement le monopole suédois, avaient une influence sur son fonctionnement. La Cour a décidé d'examiner la première catégorie sous l'angle de l'art. 31 (ex- 37) TCE, et la deuxième sous celui de l'art. 28 (ex-30) TCE (att. 36):

«En revanche, l'incidence, sur les échanges intracommunautaires, des autres dispositions de la législation nationale, qui sont détachables du fonctionnement du monopole bien qu'elles aient une incidence sur ce dernier, doit être examinée au regard de l'article 30 du traité (voir, en ce sens, arrêts Miritz, précité, point 5, Cassis de Dijon, précité, point 7, et du 13 mars 1979, Peureux, 86/78, Rec. p. 897, point 35). »

La Cour a d'abord répété sa jurisprudence constante selon laquelle l'art. 31 TCE n'exige pas l'abolition de tels monopoles, mais seulement leur aménagement (att. 38):
«La Cour a, toutefois, indiqué, à maintes reprises, que cet article n'exigeait pas l'abolition totale des monopoles nationaux présentant un caractère commercial, mais prescrivait leur aménagement de façon que fût assurée, dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés, l'exclusion de toute discrimination entre les ressortissants des États membres (arrêts, précités, Manghera e.a., point 5; Hansen, point 8; Commission/Italie, point 11, et Banchero II, point 27). »

La fonction objective de l'art. 31 TCE est expliquée aux atts. 39 et 40 où la Cour admet que ladite disposition n'a pas pour objet d'éliminer toute restriction aux échanges intra-communautaires, mais tout simplement la discrimination entre les ressortissants des Etats membres dans les conditions d'approvisionnement:
«L'article 37 du traité a, en effet, pour objet de concilier la possibilité, pour les États membres, de maintenir certains monopoles à caractère commercial, en tant qu'instruments pour la poursuite d'objectifs d'intérêt public, avec les exigences de l'établissement et du fonctionnement du marché commun. Il vise l'élimination des entraves à la libre circulation des marchandises, à l'exception toutefois des effets restrictifs sur les échanges qui sont inhérents à l'existence des monopoles en cause.
Ainsi, l'article 37 exige que l'organisation et le fonctionnement du monopole soient aménagés de façon à exclure toute discrimination entre les ressortissants des États membres dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés, de sorte que le commerce de marchandises en provenance des autres États membres ne soit désavantagé, ni en droit ni en fait, par rapport à celui des marchandises nationales et que la concurrence entre les économies des États membres ne soit pas faussée (voir, en ce sens, arrêt Commission/Italie, précité, point 11). »

Dans ce cas-là, il n'y a avait aucune contestation sur le fait que ledit monopole suédois poursuivait la protection de la santé publique et la Cour s'est posée la question de savoir dans quelle mesure le monopole suédois respectait l'obligation de non-discrimination dans la poursuite de son but. La Cour est d'avis que le système d'offres établi par le monopole suédois ne viole pas l'art. 31 TCE pour les raisons suivantes (atts. 46-52):

«Sur ce point, il ressort, en premier lieu, des éléments portés à la connaissance de la Cour que le plan d'achat suivi par le monopole pour lancer ses appels d'offres est fondé sur l'évolution prévisible de la demande des consommateurs. Les organisations de producteurs, d'importateurs et de consommateurs sont d'ailleurs consultées à cet effet lors de son élaboration.
En deuxième lieu, les appels d'offres lancés par Systembolaget concernent tous les titulaires de licences de production ou de commerce de gros et portent sur tous les types de boissons, indépendamment de leur origine.
En troisième lieu, les offres sont sélectionnées par Systembolaget sur la base de critères purement commerciaux (caractère compétitif du prix du produit, antécédents commerciaux...) ou qualitatifs (test gustatif en aveugle), qui ne sont pas de nature à avantager les produits nationaux.
Il est vrai que les boissons sélectionnées ne sont maintenues dans l'assortiment «de base» de Systembolaget que si leurs ventes dépassent une certaine quantité et une certaine part de marché. Cependant, cette contrainte, si elle peut avoir pour conséquence de désavantager les petits producteurs, n'est pas de nature, en elle-même, à favoriser directement ou indirectement les produits nationaux. En tout état de cause, elle apparaît justifiée tant au regard de la liberté de choix dont dispose le monopole dans sa politique commerciale que par les exigences inhérentes à la gestion de ce dernier. En effet, elle vise à assurer la fourniture d'un nombre varié de boissons alcoolisées dans tous les points de vente du monopole, pendant une période déterminée, dans les limites compatibles avec une gestion rentable de ce dernier. En outre, elle ne concerne pas les produits dont les quantités sont, par nature, limitées, tels que les boissons millésimées ou saisonnières, et qui sont inscrits dans l'assortiment «provisoire».
En quatrième lieu, les opérateurs disposent d'autres possibilités pour faire commercialiser leurs produits par le monopole. Ainsi, ceux dont les offres n'ont pas été sélectionnées par Systembolaget peuvent demander à ce que leurs produits fassent l'objet d'un deuxième test qualitatif devant un panel de consommateurs et, le cas échéant, d'une commercialisation par le monopole, à titre d'essai, pendant une période déterminée. Les produits qui n'ont pas été retenus par Systembolaget et qui remplissent les conditions objectives fixées par le point 4 de la convention passée entre l'État et Systembolaget peuvent être inscrits dans l'assortiment «sur commande» et vendus à la demande du client. Enfin, Systembolaget est tenue d'importer toute boisson alcoolisée à la demande et aux frais du consommateur.
En cinquième lieu, les opérateurs sont en droit d'obtenir communication des motifs des décisions prises par le monopole en ce qui concerne la sélection des boissons et leur maintien dans l'assortiment «de base», et peuvent les contester devant une commission présentant toutes garanties d'indépendance.
Ainsi, compte tenu des éléments portés à la connaissance de la Cour, les critères ou les méthodes de sélection de Systembolaget n'apparaissent ni discriminatoires ni de nature à désavantager les produits importés. »
Ensuite, la Cour examine dans quelle mesure le réseau de vente du monopole viole l'obligation établie par l'art. 31 TCE. La Cour rejette une telle violation pour deux raisons: parce que l'Etat suédois a assuré un nombre satisfaisant de 'boutiques' vendant des produits alcoolisés et parce que même si le système mis sur place était jugé comme restreignant les ventes de boissons alcooliques, celui-ci ne discrimine aucunement en faveur de boissons alcooliques domestiques. Notons toutefois que, pour parvenir à cette conclusion, la Cour n'a pas procédé à une analyse du marché pertinent (atts. 56 et 57):

«Ensuite, d'après les indications fournies à la Cour, les boissons alcoolisées peuvent être commandées et livrées dans les 384 «boutiques» du monopole, dans 550 points de vente environ ainsi que dans le cadre de 56 lignes d'autobus et de 45 tournées de poste rurale. En outre, une «boutique» au moins est implantée dans 259 des 288 communes du pays et Systembolaget prévoit que chaque commune disposera au moins d'une «boutique» en 1998.
Enfin, à supposer même que des imperfections affectent le réseau de vente au détail de Systembolaget, elles ne porteraient pas davantage préjudice à la vente des boissons alcoolisées provenant d'autres États membres qu'à celle de boissons alcoolisées produites sur le territoire national (voir, mutatis mutandis, à propos de l'article 30 du traité, arrêt Banchero II, précité, point 40). »

Finalement, la Cour examine l'interdiction imposée aux producteurs et commerçants de boissons alcooliques de faire de la publicité pour leurs produits directement auprès des boutiques de vente mises en place par le monopole suédois et chargées de la vente aux consommateurs finaux de boissons alcooliques. La loi suédoise laisse aux intéressés la possibilité de faire de la publicité pour leurs produits seulement auprès du monopole et à aucun autre stade de production. Une telle restriction de publicité n’est toutefois pas, selon l'avis de la Cour, incompatible avec l'art. 31 TCE (atts. 59-66):
«Sur ce point, il convient de relever, tout d'abord, que la limitation des possibilités de promotion des boissons alcoolisées auprès du public est inhérente à l'existence d'un opérateur unique sur le marché de la vente au détail de ces boissons.
Ensuite, les règles du monopole n'interdisent pas aux producteurs ou aux importateurs de promouvoir leurs produits auprès du monopole. S'il est vrai que les fournisseurs ne peuvent pas faire une telle promotion directement auprès des responsables des «boutiques» du monopole, il apparaît que cette interdiction répond au souci, exprimé par certains fournisseurs, notamment auprès du Konkurrensverket (Office suédois chargé des questions de concurrence), d'assurer une stricte égalité dans les conditions de promotion des produits.
Il convient de relever également que la promotion des boissons alcoolisées auprès du public est soumise, dans l'État membre en cause, à une limitation de portée générale, dont le bien-fondé n'est pas mis en cause par le juge national ni contesté par M. Franzén. Cette limitation se traduit, en particulier, par l'interdiction de la publicité à la radio, à la télévision ainsi que dans tous les journaux ou autres périodiques, c'est-à-dire par l'interdiction des moyens traditionnellement utilisés par les producteurs pour la promotion de leurs produits auprès du public. La publicité des boissons sélectionnées par Systembolaget est, cependant, autorisée dans les écrits disponibles sur les lieux de vente. En outre, toute boisson alcoolisée peut être mentionnée dans des articles de presse.
Dans ce cadre, la convention passée entre l'État suédois et Systembolaget fait obligation à cette dernière d'adopter des mesures de commercialisation et de publicité impartiales et indépendantes de l'origine des produits et de s'employer à faire connaître aux consommateurs les nouvelles boissons tout en tenant compte des restrictions figurant dans la loi sur l'alcool.
S'il est exact que la promotion en faveur des boissons alcoolisées effectuée par le monopole se fait, pour l'essentiel, sous forme de présentation des produits, il apparaît que ce mode de promotion ne fait que répondre aux obligations qui viennent d'être rappelées ci-dessus. Il y a lieu, cependant, de relever que les nouveaux produits font systématiquement l'objet d'une présentation soit dans la revue mensuelle diffusée par le monopole, soit auprès des journalistes de la presse écrite et audio-visuelle spécialisés dans la critique des vins et alcools, soit, enfin, sous la forme d'une exposition dans les «boutiques» du monopole.
Il y a lieu de relever, enfin, que le mode de promotion retenu par le monopole s'applique indépendamment de l'origine des produits et n'est pas de nature, en lui-même, à désavantager, en droit ou en fait, les boissons importées des autres États membres par rapport à celles produites sur le territoire national.
S'il est exact que les boissons de l'assortiment «sur commande» figurent sur une liste de prix spéciale fournie sur demande au consommateur, cette différence de traitement, indépendante, elle aussi, de l'origine des produits, se justifie par le fait que ces boissons ne sont pas détenues en stock par Systembolaget et ne se trouvent donc pas dans une situation comparable à celle des boissons figurant dans les autres assortiments de Systembolaget. Ainsi, compte tenu des éléments dont dispose la Cour, il apparaît qu'un monopole de vente au détail, tel que celui en cause dans le litige au principal, répond aux conditions de conformité avec l'article 37 du traité, rappelées aux points 39 et 40 du présent arrêt.»

8 Les aspects externes de la LCM

L’unification du marché contient une externalité (positive) : la libéralisation du marché communautaire. Chaque étude empirique de la Commission en la matière confirme ce point. Prenons par exemple, la jurisprudence Cassis de Dijon : un pays tiers dont le standard de production est en conformité avec les standards d’un pays communautaire, peut y exporter librement (après avoir payé le ‘billet d’entrée’ au marché communautaire) et entrer dans le marché des 25 par la suite.

Mais le rapport entre libéralisation interne et libéralisation externe a d’autres aspects aussi : la discussion concernant la relation entre l’art.25 et l’art. 90 TCE offre un exemple approprié dans cette perspective ; la soumission d’une taxe sous l’art. 25 TCE est un pas vers la libéralisation interne mais aussi externe (vu que l’Etat membre en cause ne pourra plus imposer cette taxe ni aux produits communautaires ni aux produits extra-communautaires). L’inverse est vrai si une taxe est soumise sous l’intitulé de l’art. 90 TCE.

D’un autre côté, en matière de commerce international des marchandises, l’UE étant membre de l’OMC doit respecter son cadre législatif. En gros, la CE a accepté des obligations spécifiques sur les instruments du commerce (consolidation des droits de douane, impossibilité de recourir à des restrictions quantitatives), sur les instruments de politique industrielle (l’octroi des subventions doit se passer en conformité avec l’accord de l’OMC sur les subventions et sur l’agriculture) et en ce qui concerne sa politique réglementaire qui peut influencer le commerce des produits, la CE doit respecter le principe de non-discrimination et traiter les produits en libre pratique comme s’ils étaient des produits communautaires.

Dans la logique de la Cour, les dispositions de l’OMC (in toto) sont dépourvues d’effet direct. Par conséquent, les particuliers ne peuvent pas se prévaloir de dispositions dans le contrat de l’OMC pour attaquer des mesures communautaires. De plus, suivant la jurisprudence Biret, il est clair que la construction du droit communautaire en conformité avec le droit de l’OMC n’aura lieu que dans les circonstances limitées évoquées dans ladite jurisprudence.

9 Conclusions

Au lieu de regrouper les conclusions de chaque domaine traité, il nous paraît opportun de procéder à un inventaire de la situation contemporaine. Pour arriver à une conclusion rationnelle (et non pas impressionniste) sur l’état d’avancement en matière d’intégration du marché communautaire des marchandises, il faut faire appel à des études économétriques dont la Commission dispose bon nombre. De l’autre côté, il est très difficile d’attribuer le succès (ou l’échec) avec précision à des sources particulières.

Voilà comment la Commission, l’organe moteur de l’intégration communautaire, voit l’état contemporain d’intégration du marché communautaire (Source :  HYPERLINK "http://www.europa.eu.int/comm/internal_market/score/index_fr.htm" http://www.europa.eu.int/comm/internal_market/score/index_fr.htm):


« PRINCIPAUX RESULTATS

Transposition de la législation

Le déficit de transposition pour les directives marché intérieur se creuse à nouveau. Il est à présent de 2,4 %, contre 1,8 % seulement il y a un an. Seuls 5 États membres (le Danemark, la Finlande, la Suède, l'Espagne et le Royaume-Uni) satisfont actuellement à l'objectif d'un déficit de transposition de 1,5 % ou moins. L'Italie est au dernier rang, précédée de peu par le Portugal et l'Irlande. Seuls le Danemark, la Finlande, le Portugal et le Royaume-Uni ont atteint l'objectif de tolérance zéro pour les directives qui auraient dû être transposées depuis plus de 2 ans.

Procédures d'infraction et résolution alternative des problèmes

Le nombre d'affaires pendantes a augmenté de 6 % par rapport à l'année dernière. La Commission a mis au point des mécanismes alternatifs pour résoudre certains problèmes et éviter si possible des procédures d'infraction. Des réunions "paquet" regroupent des experts des États membres et de la Commission pour qu'ils discutent d'un ensemble d'infractions au droit communautaire en cours d'examen par la Commission. Près de la moitié des cas sont résolus et, même lorsqu'il n'y a pas d'accord, les positions sont clarifiées de telle sorte que les procédures d'infraction peuvent être menées plus rapidement. Le réseau SOLVIT est conçu pour traiter les cas de mauvaise application de la réglementation du marché intérieur par les administrations nationales et locales. Les premiers résultats montrent que SOLVIT résout plus de 70 % des affaires, la plupart dans le délai visé de 10 semaines.

Obstacles fiscaux dans le marché intérieur

15 régimes différents de fiscalité des entreprises dans les États membres entraînent des coûts importants pour les sociétés et en fin de compte pour les consommateurs. Une assiette fiscale unifiée commune pour les entreprises réduirait sensiblement ces coûts sans priver les États membres de la possibilité de fixer des taux d'imposition en fonction de leurs objectifs nationaux. La complexité des exigences en matière de TVA constitue un obstacle réel aux activités transfrontalières. Les prix des voitures neuves varient sensiblement d'un État membre à l'autre. Cette variation est due en partie à d'importantes différences dans la taxe d'immatriculation et la taxe à la valeur ajoutée. Un traitement fiscal discriminatoire des fonds de pension étrangers limite la circulation transfrontalière des travailleurs et empêche les sociétés de mettre en place un régime de pension unique financièrement viable pour tous leurs établissements dans l'Union.

Les prix sont sensiblement plus bas dans les pays en voie d'adhésion

La moyenne des prix dans les pays en voie d'adhésion est de près de moitié inférieure à la moyenne de l'Union européenne des 15. Le niveau inférieur des revenus n'explique qu'en partie cette différence. Les services sont en moyenne beaucoup moins chers dans les pays en voie d'adhésion, tandis que les prix de l'électronique grand public, par exemple, sont plus proches de la moyenne de l'Union des 15. Les élargissements précédents ont provoqué une convergence des prix. On est en droit de penser que le prochain élargissement donnera lieu au même phénomène. »


La Commission veille à l’application du droit communautaire. Ses méthodes sont de plus en plus sophistiquées et en même temps, la transparence quant aux infractions aide à rendre les parties intéressées à ce qui est vraiment en jeu. Nous citons par exemple, ci-après, l’opinion de la Commission en ce qui concerne le déficit de transposition des Etats membres ainsi que le retard dans la transposition de quelques directives-clés (suivant toujours l’avis de la Commission, source :  HYPERLINK "http://www.europa.eu.int/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/04/176&format=HTML&aged=0&language=fr&guiLanguage=fr" http://www.europa.eu.int/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/04/176&format=HTML&aged=0&language=fr&guiLanguage=fr):

Tableau d’affichage du marché intérieur 2004: situation en matière de transposition
Transposition – États membres de l’UE15
Déficit de transposition des États membres de l'UE15 au 31 mai 2004
État membreDKESUKIEFIATSEPTBENLITLUDEELFRDéficit de transposition (%)0,70,81,21,21,31,71,81,92,12,83,13,23,53,94,1Nombre de directives101218192026282932424749535962Performance des États membres de l’UE15 par rapport à l’objectif 0% pour les directives comptant un retard de plus de deux ans au 31 mai 2004
État membreESDKPTSEUKFIELITATLUIENLBEDEFRNombre de directives000011112333459
Transposition – 10 nouveaux État membres
Les données dont dispose la Commission pour les États membres de l’UE10 sont moins détaillées que pour les États membre de l’UE15. Il n’est donc pas encore possible de comparer les deux groupes. S’agissant de l’UE15, il a été vérifié pour chaque loi nationale d’exécution si la directive a été transposée en totalité ou si des mesures nationales supplémentaires sont nécessaires. La Commission réalise actuellement cet exercice de vérification pour les milliers de mesures nationales d’exécution notifiées par les 10 nouveaux États membres depuis leur adhésion à l’UE.
Déficit de transposition des États membres de l’UE10 au 31 mai 2004
État membreLTPLSIEEHUSKCYLVCZMTDéficit de transposition (%)0,83,95,78,31112,618,11923,640,4Nombre de directives126087127168193276290360617Directives clés en retard de transposition dans les États membres de l’UE15 au 31 mai 2004
DirectivePas encore transposée par 1998/44: protection juridique des inventions biotechnologiquesBE, DE, FR, IT, LU, NL, AT1999/44: vente et garanties des biens de consommationBE, FR2001/18: dissémination d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnementBE, DE, EL, FR, NL, AT, FI2001/19: reconnaissance des qualifications professionnelles (modification)BE, DE, EL, FR, AT, SE2001/29: droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’informationBE, ES, FR, NL, PT, FI, SE2002/39: concurrence des services postaux de la CommunautéFR2001/12: 1er paquet ferroviaireDE, EL, SE, UK2001/17: assainissement et liquidation des entreprises d’assuranceBE, FR, SE, UK2002/19-20-21-22: réseaux de communications électroniquesBE, DE, EL, FR, LU, NL2002/77: concurrence dans les marchés de communications électroniquesDE, EL, FR, LU, NL2003/48: fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêtsDK, EL, FR, IT, LUProcédures d’infraction engagées contre les États membres de l’UE 15 au 1er mai 2004
État membreITFRESDEELBEUKIENLATPTLUFISEUKNombre de procédures d’infraction en cours149125104947977585553524439282824Nombre de normes européennes et de normes harmonisées en retard de transposition
Premier groupe
 CZEESKSEDEDK ENHSENHSENHSENHSENHSENHSNombre de normes en retard442117458151473195500172605129617278 NLFIBEIEHUIT ENHSENHSENHSENHSENHSENHSNombre de normes en retard724144804176833195102212912001421522336Deuxième groupe
 MTUKATSIPTLULT ENHSENHSENHSENHSENHSENHSENHSNombre de normes en retard1809100198846624182853189244337364036346113686294 FRESPLLVELCY ENHSENHSENHSENHSENHSENHSNombre de normes en retard3764581377541640733344457387530260269011199EN = norme européenne; HS = norme harmonisée

Un verre est à moitié plein, ou a moitié vide. Il est probablement opportun que la Commission le voit plutôt vide vu que son but est toujours de le compléter. Pourtant, ce qui a été accompli jusqu’à maintenant est quand même remarquable, spécialement si nous tenons compte du début du processus.
D'un autre côté, même le terme ‘intégration’ est apte à plusieurs interprétations : si par intégration nous entendons le combat du protectionnisme, la conclusion ne peut être que le système communautaire a à démontrer quelques belles victoires à cet égard. Il reste toujours à faire dans un contexte ou les politiques sont définies unilatéralement par des personnes redevables devant leur demos local. Dans ce sens là, le principe de subsidiarité aura fort probablement une influence importante aux tendances centrifuges. Il reste à voir comment les institutions communautaires réagiront aux défis de l’expérience future.



TROISIEME PARTIE


Questions et commentaires


1. Miguel Poiares Maduro dans son livre sur la libre circulation des marchandises (We The Court, The European Court of Justice and the European Economic Constitution, A Critical Reading of Article 30 of the EC Treaty, Hart Publishing: Oxford, UK, 1998) avance la thèse qu'en effet la Cour a adopté ce qu'il appelle un activisme axé vers l'opinion majoritaire ('majoritarian activism') en ce qui concerne l'interprétation des arts. 28 et s. TCE. A son avis, la Cour a favorisé presque toujours l'opinion de la Commission comme présentée devant la Cour durant les procédures parce que cette opinion constituait l'opinion majoritaire dans le construit communautaire en la matière. Comparez la plaidoirie de la Commission pendant les litiges Dassonville, Cassis de Dijon et Keck & Mithouard avec l'arrêt de la Cour. Est-ce, à votre avis, l'argument de Maduro valable?

2. Joseph H. H. Weiler, dans son article « The Transformation of Europe » (pp. 10-101 dans Joseph H.H. Weiler, The Constitution of Europe, Cambridge Un. Press : Cambridge, U.K, 1999) essaie d’expliquer la transformation de l’Europe en faisant appel à une doctrine classique d’Alfred Hirschmann (‘Exit and voice’). Lisez cet article et essayez de voir dans quelle mesure la méthodologie offerte par l’auteur vous aide à comprendre Keck & Mithouard.

3. Lisez l'arrêt Cassis de Dijon et pensez à sa répercussion internationale. Admettons qu'en ce qui concerne un certain produit, 24 sur 25 Etats membres pensent qu'une réglementation concernant son processus de production est nécessaire, sinon on risque une externalité environnementale très importante. Le 25ème pays estime toutefois que le risque est assez banal. Les conseillers dudit pays, adeptes de la littérature offerte par Cass Sunstein (Risk and Reason, Un. of Chicago Press: Chicago, Ill, 2002), après avoir effectué une analyse coût/bénéfice décident de ne pas intervenir par voie réglementaire et par conséquent, la législation du 25ème pays laisse aux producteurs nationaux le soin de produire ledit produit à leur guise. Admettons maintenant que le même produit est produit dans un pays extra-communautaire en dehors d’un quelconque cadre réglementaire. Les producteurs extra-communautaires de ce pays commencent à exporter ledit produit vers le 25ème Etat membre qui l'importe après le paiement de droits de douane. La demande dudit pays ne peut pas absorber le montant total des importations et par conséquent, les produits importés sont re-exportés vers le reste du marché communautaire. Est-ce que vous voyez quelque chose qui ne va pas dans cette histoire? Comment 24 pays qui ont réglementé peuvent se protéger et bloquer les importations dudit produit? Est-ce qu'ils peuvent différencier le traitement conféré aux produits du 25ème pays du traitement conféré aux importations d'origine extra-communautaire? Si oui, quelle base juridique doivent-ils invoquer?

4. Restons dans les paramètres de Cassis de Dijon. Pensez-vous que le principe de la reconnaissance mutuelle de façon inhérente porte le germe d'une course vers le fond (race to the bottom)? Est-ce une harmonisation de minimis toujours nécessaire dans le contexte de reconnaissance mutuelle?

5. Wouter P.J. Wils (The Search for the Rule in Article 30 EEC: Much Ado About Nothing?, European Law Review, 18: 475-492, 1993) pense que l' analyse de la jurisprudence en matière de l'art. 28 TCE, si elle est effectuée dans le contexte de la comparaison entre 'règles' (qui demandent une détermination étoffée ex ante de ce qui est punissable) et 'standards' (qui laissent la détermination ex post au stade d'adjudication) doit plutôt être décidée en faveur de la deuxième approche. Dans cette perspective, à son avis, une intégration partielle qui constitue un compromis entre le désir d'intégration et celui d'intervention réglementaire constitue la solution pragmatique. Lisez cet article et pensez aux implications pour le juge communautaire: aura-t-on besoin d'un(e) juge avec plus ou moins de discrétion? Et quels sont les pros et les cons à votre avis, de cette conséquence?

6. Quand vous comparez les arrêts Keck &Mithouard d'un côté et Dassonville de l'autre, est ce que vous avez le sentiment que plus on avance dans le temps moins on arrive à intégrer le marché communautaire? Qu'est ce qui explique à votre avis le recul jurisprudentiel à Keck & Mithouard par rapport à Dassonville?

7. G. Marenco (Pour une interprétation traditionnelle de la notion de mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative, Cahiers de droit européen, 291-364, 1984) avait déjà en 1984 opté pour un test sophistiqué de non-discrimination au sein de l'art. 28 TCE. Pensez-vous que l'arrêt Keck & Mithouard lui a donné raison?

8. Eric White (In Search of the Limits to Article 30 of the EEC Treaty, Common Market Law Review, 26: 235-255, 1989), examinant la jurisprudence post-Cassis de Dijon avait proposé que la Cour fasse une distinction quant au traitement de réglementations régissant les charactérisiques de produits et réglementations concernat les circonstances de vente. Est-ce en gros ce que Keck & Mithouard a cristallisé?

9. J. Steiner (Drawing the Line: Uses and Abuses of Article 30 EEC, Common Market Law Review, 29: 749-774, 1992) est d'avis qu'une application non-mécanique de Dassonville reste le bon test. A son avis, une telle application demande une enquête sur les effets de mesures nationales. Dans sa logique, des mesures avec des effets de minimis (telles celles visées lors des arrêts Blesgen, Oebel, Quietlynn) devraient être considérées compatibles avec le droit communautaire? Etes vous d'accord avec cette analyse ou voyez-vous des inconvénients à celle-ci?

10. Norbert Reich (The 'November Revolution' of the European Court of Justice, Common Market Law Review, 31: 459-492, 1994) offre sa propre perspective sur Keck & Mithouard: à son avis, cet arrêt ne constitue aucune révolution, mais plutôt une évolution du droit communautaire dans le sens que dorénavant il faut plutôt viser la discussion en matière sous l'angle de la concurrence entre régimes juridiques. Les Etats membres sont en principe libres d'intervenir par voie réglementaire pour promouvoir leur intérêt public, et le droit communautaire ne sert que comme le juge qui va écarter du champ de légalité les interventions injustifiables. Que pensez-vous de cette analyse et sous quelles conditions, à votre avis, on passe à des définitions communautaires de l'intérêt public?

11. Dans un article critique de l'attitude de la Cour, Stephen Weatherill (Recent Case-law Concerning the free Movement of Goods: Mapping the Frontiers of Market De-regulation, Common Market Law Review, 36: 51-85, 1999) argumente que la Cour n'a pas toujours accepté le principe de la reconnaissance mutuelle et a quelques fois écarté comme illégales des particularités législatives qui ne correspondaient pas à sa propre évaluation de ce qui est permissible. En gros, la Cour a taillé le principe de reconnaissance mutuelle pour correspondre à un critère indéfini par la Cour ou défini sous l'intitulé générique 'intégration'. Avez-vous eu le sentiment en lisant les arrêts présentés au présent volume qu'il y a effectivement des cas qui donnent raison à Weatherill?

12. Catherine Barnard (Fitting the Remaining Pieces into the Goods and Persons Jigsaw? European Law Review, 26: 35-59, 2001) pense que la distinction entre conditions et modalités de vente revêt son importance si elle est perçue sous l'angle du fardeau de la preuve .A son avis le fardeau de la preuve qui doit être assumé à l'encontre d'une condition de vente est presque insurmontable puis que les conditions sont per se illégales. Au contraire, il n'est pas exclu qu'une modalité de vente soit effectivement contrariée pourvu que le haut fardeau de preuve soit effectivement assumé. Pensez-vous que son évaluation corresponde à la réalité?

13. Chris Hilson (Discrimination in Community Free Movement Law, European Law Review, 24: 445-462, 1999) pense que la Cour a bien fait d'écarter un test axé sur l'intention d'un Etat membre afin de se prononcer sur la compatibilité d'une intervention réglementaire avec l'art. 28 TCE. L'auteur ajoute qu'ex post (c'est-à-dire, en examinant les effets) on peut probablement établir aussi l'intention originelle. Etes-vous d'accord avec ce point de vue?

14. Peter Oliver et Wulf-Henning Roth (The Internal Market and the Four Freedoms, Common Market Law Review, 41: 407-441, 2004) sont d'avis que toute réglementation étatique qui ne distingue pas en fonction de la destination finale des produits et qui, par conséquent, impose une entrave aux produits exportés doit être écartée par la Cour sauf si une justification existe. Il pourrait sembler que leur opinion méconnaît le principe de reconnaissance mutuelle comme établi lors de la jurisprudence Cassis de Dijon, mais tel n'est pas le cas: comme les deux auteurs l'expliquent, une telle réglementation au marché d'exportation peut valablement exister au cas où les conditions pour invoquer une exigence impérative sont remplies. Qu'en pensez-vous?

15. Stephen Weatherill (After Keck: Some Thoughts On How To Clarify The Clarification, Common Market Law Review, 33: 885-906, 1996) explique qu'après les arrêts sur l'ouverture des magasins les jours fériés (les arrêts sur 'Sunday trading' que nous avons examinés) et spécialement avec Keck & Mithouard, la Cour commence à interpréter les arts. 28 et s. TCE plutôt comme une garantie constitutionnelle de la liberté de commercer que comme un instrument d'intégration du marché communautaire. Vu la reconnaissance que l'art. 28 TCE ait effet direct, quel est à votre avis la conséquence de la constatation de l'auteur?

16. René Joliet (La libre circulation des marchandises: l'arrêt Keck et Mithouard et les nouvelles orientations de la jurisprudence, Journal des Tribunaux, 12: 249-255, 20 octobre 1994) conclut sur Keck & Mithouard:

'L'article 30 est un instrument de libéralisation des échanges entre Etats membres et rien d'autre. Ce n'est pas un instrument de dérégulation de l'économie: autrement dit, ce n'est pas une arme dans le combat que mènent les entreprises contre les réglementations les plus diverses qui, dans chacun de nos Etats, régissent leur activité commerciale. Telle est la laçons de l'arrêt Keck et Mithouard.'

A votre avis, la conclusion de l'auteur est de lege lata ou de lege ferenda? Comment l'appréciez-vous à la lumière de la jurisprudence qui a suivi Keck & Mithouard?

17. Richard Baldwin [Regulatory Protectionism, Developing Nations and a Two-Tier World Trade System, pp. 237-280 dans Susan M. Collins et Dani Rodrik (eds.), Brookings Trade Forum, Brookings: Washington DC, 2000] est d'avis que la reconnaissance mutuelle présuppose un certain niveau de confiance entre les régulateurs. A son avis tel est le cas entre régulateurs des Etats membres de l'Union européenne mais, tel n'est manifestement pas le cas entre pays développés et pays en voie de développement. Il rejette, par conséquent, comme irréaliste la proposition d'étendre la reconnaissance mutuelle au-delà des contours géographiques de l'Union européenne. Etes- vous d'accord avec l'auteur?

18. Alan O. Sykes (Product Standards for Internationally Integrated Goods Markets, Brookings: Washington DC, 1995), se référant à la pratique entre Japon et Etats-Unis explique comment les japonais, qui étaient d'accord de voir leurs produits testés in situ, ont pu acquérir un avantage au marché américain, ce qui n'était pas le cas pour d'autres producteurs. Admettons qu'un Etat membre de l'Union européenne a sur place une réglementation quelconque justifiée par une exigence impérative. Envisagez-vous la solution décrite par l'auteur comme appropriée pour facilité l'accès audit marché?

19. Lisez la contribution de Jacques Pelkmans [Regulation and the Single Market: An Economic Perspective, pp. 91-117 dans Horst Siebert (ed.), The Completion of the Single Market: Symposium 1989, Mohr: Tübingen, 1990], où l'auteur explique comment la reconnaissance mutuelle a été transformée de principe judiciaire en principe réglementaire. A votre avis, est ce que l'auteur a raison d'insister sur ce point comme le tournant en ce qui concerne l'unification du marché communautaire?

20. André Sapir (Domino Effects in Western European Trade, 1960-1992, Discussion Paper 1576, Centre for Economic Policy Research: London, 1997) estime que l'intégration des marchés dans l'AELE était bien plus intense que parmi les marchés de la CE en 1975. A votre avis, quelle était la contribution d'analyses pareilles au changement de direction en matière de libre circulation des marchandises dans le contexte de l'Union européenne?

21. Patrick Messerlin (Measuring the Cost of Protectionism in Europe, Institute of International Economics: Washington DC, 2001) offre une discussion sur les directives de la nouvelle approche. A son avis, il y a au moins trois catégories de problèmes auxquels la CE devra tôt ou tard faire face : les organisations communautaires de standardisation sont sous l’influence de quelques compagnies européennes dominantes ; le besoin de transposer les directives ajoutent aux retards considérables de leur adoption ; les multiples infractions des directives adoptées offrent peu de sécurité en ce qui concerne les coûts de transaction en la matière. Etes-vous d’accord avec l’auteur ?

22. Regardez la décision de la Commission du 29 mai 1996 concernant le renouvellement, pour la période 1993-1997, de la taxe sur certains produits pétroliers au profit de l’Institut français du pétrole (96/615/CE du 25.10.1996 L/272/53 et s.). A votre avis, respecte-t-elle la lettre et l’esprit de la jurisprudence Commission c. Italie [aff. 21/79, Rec. (1980) 1] ?

23. Lisez l’article de Joanne Scott et Ellen Vos, The Juridification of Uncertainty: Observations on the Ambivalence of the Precautionary Principle within the EU and the WTO (pp. 253-286 dans Christian Joerges and Renaud Dehousse, Good Governance in Europe’s Integrated Markets, Oxford Un. Press: Oxford, 2002). Que pensez-vous du traitement de l’opinion publique comme fondement des mesures de précaution?

24. Si on vous demandait de décider Dassonville aujourd’hui, seriez-vous arrivé(e) à la même conclusion que la Cour en 1974? Quels critères sont pertinents à votre avis pour confirmer et quels en sont pour vous éloigner de ladite jurisprudence ?

25. Pourquoi à votre avis, la Commission a recours à des indicateurs économétriques quand elle s’occupe des litiges relevant du domaine du droit de la concurrence pour établir le marché pertinent et elle n’en fait pas autant usage quand elle établit un rapport de concurrence entre deux produits afin d’évaluer si une imposition intérieure est compatible avec l’art. 90 TCE ?

26. Lisez les atts. 24-28 de l’arrêt Déchets wallons. A votre avis, est la solution avancée par la Cour compatible avec le droit des contrats des pays de common law, selon lequel il faut toujours une considération pour qu’il y ait valablement contrat ? Si non, qu’est que cet arrêt implique pour le droit des contrats desdits pays ?

27. Vu l’insatisfaction quelquefois de la Cour avec sa jurisprudence (démontrée, entre autres, avec ses efforts de dépasser par exemple le cadre d’analyse de Keck et Mithouard), est ce qu’à votre avis il est opportun de nommer par exemple quelques économistes au TPI et à la Cour qui pourront éventuellement plus précisément mesurer (quantifier) les effets d’une législation qui entrave la libre circulation des marchandises ? Connaissez vous des cours nationales qui emploient des économistes comme juges ?

28. Pensez sur la mise en parallèle entre la jurisprudence de la CJ pour les taxes internes et pour les MEE. Joseph Weiler [The Constitution of the Common Market Place: Text and Context in the Evolution of Free Movement of Goods, pp. 349 dans P. Craig et G. de Búrca (eds.), The Evolution of EU Law, Oxford Un. Press: Oxford, 1999] est d’avis que dans le traité : si l'art. 90 interdit clairement les taxes internes discriminatoires et leur consacre une disposition distincte (celle de l’art. 25 TCE qui prohibe les droits de douanes et les TEE), il n'effectue aucune telle dissociation pour les mesures non pécuniaires. Weiler s'interroge sur le sens de cette lacune. Pour lui, soit l'on inclut les mesures non-pécuniaires dans la notion de MEE et la discrimination n'est alors selon lui un élément nullement nécessaire, soit on suit la logique du GATT et de l’art. 95 TCE en les excluant du champ de l’art. 28 TCE, et en les soumettant simplement à l'interdiction générale de non discrimination pour des raisons de nationalité. Pour l’auteur les deux approches sont soutenables, et il incombe à la CJ d'opérer un choix. Etes-vous d’accord avec cet avis ?

 Pour un excellent panorama de cette jurisprudence, voir Vandersanden, Georges, Examen de jurisprudence (1983 à 1991), Communautés européennes (Le droit économique de la CEE), Revue critique de jurisprudence belge, 1993 : 113-183 et Examen de jurisprudence (1993 à 1998), Première partie, Communautés européennes, Le droit économique de la CEE, Revue critique de jurisprudence belge,1999 : 457-530.
Voir sur ce point Kyle Bagwell et Robert W. Staiger, An Economic Theory Of GATT, 89 American Economic Review 215 (1999).
 12 pays ont déjà accepté l euro (¬ ), 3 pays ont un statut particulier (la Suède est dans la troisième phase d intégration monétaire faisant l objet d une dérogation ; le Danemark et le Royaume Uni ont signé un protocole qui leur permet de quitter l UM, décrit comme clause ‘opt-out’).
 NB: Actuellement, les arts. 28ff. TCE.
N.B: les arts. 16 et 36 sont les nouveaux arts. 25 et 30 TCE. Sur ce point, à voir aussi les conclusions de l’Avocat Général Karl Römer dans l’affaire Marimex c. Administration italienne des finances [29/72 Rec. (1972) pp. 1321 et s.]
Comme nous le verrons plus loi sous Section 4, en ce qui concerne la taxation indirecte, il y a des disciplines communautaires qu’il faut respecter.
Voir Henrik Horn et Petros C. Mavroidis, Still Hazy After All These Years : The Interpretation of National Treatment In The GATT/WTO Case-Law On Tax Discrimination, European Journal Of International Law, 15 : 39-69 (2004), qui examinent la jurisprudence du GATT/OMC sur ce point de 1947-2003.
A voir aussi la discussion dans la Section 4 sur la relation entre l’art. 90 TCE et l’art. 87 TCE (aides d’état).
 Sixième Directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, JO L 145 du 13 juin 1977, p. 1.
 Etats-Unis – Traitement fiscal des “sociétés de ventes à l'étranger” (Recours des CE), WT/DS108/OA, rapport adopté le 20 mars 2000.
 Je reconnais sur ce point, mes longues discussions avec Nicolaos Apostolidis, qui m’ont aidé à clarifier (espérons) ma compréhension dudit arrêt.
Contrairement par exemple, à la pratique de la Commission en matière de droit de la concurrence où les questions sont assez similaires puisqu’il faut établir un marché pertinent afin de mesurer le pouvoir du marché.
Ce tableau vient d’un document de la Commission que l'on peut trouver sous :  HYPERLINK "http://europa.eu.int/comm/enterprise/newapproach/legislation/guide/document/guidepublicfr.pdf" http://europa.eu.int/comm/enterprise/newapproach/legislation/guide/document/guidepublicfr.pdf.
En ce qui concerne le statut du CEN, voir:  HYPERLINK "http://www.cenorm.be/boss/supporting/reference+documents/the+statutes+of+cen.asp#27" http://www.cenorm.be/boss/supporting/reference+documents/the+statutes+of+cen.asp#27.
En ce qui concerne le statut du CENELEC, voir:  HYPERLINK "http://www.cenelec.org/NR/rdonlyres/50ED0F88-592E-4246-90E1-EBB6337373E1/0/articleassociation.PDF" http://www.cenelec.org/NR/rdonlyres/50ED0F88-592E-4246-90E1-EBB6337373E1/0/articleassociation.PDF. Le CENELEC regroupe non seulement les Etats membres de l’UE, mais aussi l’Islande, la Norvège et la Suisse. Le CENELEC a été créé à la suite de la dissolution du CENEL et du CENELCOM en 1972, centres dont il a pris la place.
 Publié dans JO C 91/7 du 16.4.2003.
 C’est Yvan Fauchère qui a fait ce point lors d’une conférence sur la LCM.
 Source :  HYPERLINK "http://europa.eu.int/comm/enterprise/newapproach/newapproach.htm" http://europa.eu.int/comm/enterprise/newapproach/newapproach.htm.
 JO L 204/37 du 21.07.1998.
 Ensuite, on trouvera le rapport de l’année 2002 de la Commission sur les résultats de l’application de la Directive 98/34 conformément à l’art. 11 de ladite Directive (JO C 131/18 du 5.6.2003).
 Pour plus d’informations sur ce sujet, voir  HYPERLINK "http://www.europa.eu.int/comm/internal_market/solvit" www.europa.eu.int/comm/internal_market/solvit.
 Voir sur ce sujet le livre classique de Thomas S. Kuhn, The Structure of Scientific Revolutions, Harvard Un. Press, Cambridge : Mass. (1962).
 Bien sûr, la différence à l’approche devrait plutôt être expliquée au sein de la jurisprudence Sunday Trading qui chronologiquement ont suivi Oebel.
 Coase [The Problem of Social Cost, 3 Journal of Law and Economics 1-44 (1960)], bien sûr, évoquait une solution drastiquement différente: à son avis, si les coûts de transaction ne font pas obstacle, il est probablement impertinent si les droits de propriété sont assignés aux pollueur ou aux pollués. Des négociations entre les partenaires sociaux optimalisent du point de vue de la richesse globale la solution éventuellement acceptée.

Comparez aussi la classification de Peter Oliver dans son œuvre magistrale, Free Movement of Goods in the European Community, Sweet & Maxwell : London (2004) 4th edition.
Voir David Edward et Mark Hoskins. 1995. Article 89 : Deregulation and EC Law : Reflections Arising From the XVI FIDE Conference, Common Market Law Review, 32 : 157 – 186 pour une présentation d’un contexte analytique en matière et la discussion critique de la jurisprudence dans Petros C. Mavroidis et Patrick Messerlin, Has Article 90 ECT Prejudged The Status of Property Ownership ? pp. 345-360 ainsi que les commentaires de Damien J. Neven pp. 361-365 in Thomas Cottier et Petros C. Mavroidis (eds.), State Trading In The Twenty-First Century, Un. Of Michigan Press: Ann Arbor, Michigan (1998).
Voir Commission Staff Working Paper, The 1996 Single Market Review, SEC (96) 2378 du 16.12.1996.
A titre anecdotique, le fonctionnaire de la Commission en charge de l’ex-Art. 115 TCE est parti à la retraite.
L’ancienne numérotation des arts. 296, 297 et 298 TCE est respectivement 223, 224 et 225 $%KL`‰ó
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