l'exemple de l'interruption volontaire de grossesse - Corrigé - Apses
TD : Normes et déviance ? l'exemple de l'interruption volontaire de grossesse -
Corrigé ... En 1941, ils peuvent être déférés devant le tribunal d'État. En 1942 ...
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TD : Normes et déviance lexemple de linterruption volontaire de grossesse - Corrigé
Problématique : Comment la sanction contre lIVG a-t-elle été abandonnée ?
Quelles étaient les sanctions contre lIVG ?
Des sanctions juridiques
Document 1 : histoire des sanctions contre lIVG
En 1920, lAssemblée Nationale vote une loi interdisant lavortement et la contraception, qui ne cessera dêtre renforcée par la suite.
En France, la loi de 1920 assimile la contraception à lavortement. Toute propagande anticonceptionnelle est interdite. Le crime davortement est passible de la cour dAssises. En 1923, limportation darticles anticonceptionnels est prohibée. Les jurys populaires se montrant trop favorables aux inculpé-e-s, lavortement est désormais jugé en Correctionnelle.
La loi de 1939, qui promulgue le Code de la famille, renforce la répression. Des sections spéciales de policiers sont créées. Les tentatives sont punies comme les avortements. Les avorteurs sont très sévèrement condamnés. En 1941, ils peuvent être déférés devant le tribunal dÉtat. En 1942, lavortement devient crime dÉtat. Pour lexemple, une avorteuse est condamnée à mort et guillotinée en 1943. Plus de 15 000 condamnations à des peines diverses sont prononcées jusquà la Libération.
La Libération ne remet pas en question larsenal législatif répressif, avec son corollaire de décès ou de mutilations provoqués par les avortements clandestins. Les procès auront lieu contre les avortées et leurs complices jusquaux années 1970. Toutefois, avocats et juges nappliquent plus la loi dans toute sa rigueur.
Source : http://8mars-online.fr/interdiction-de-la-contraception-et-de-l
Q1/ Quelle est la différence entre un délit et un crime ? Comment lavortement était-il considéré avant 1975 ?
Un délit est une infraction à la loi, punie dune peine correctionnelle. Par exemple, le vol est un délit, qui entraîne une peine, et une réparation (amende). Un crime est plus grave : cest une atteinte à la personne (meurtre, viol) et il est théoriquement jugé à la cour dAssises. Avant 1975, lavortement était un crime.
Q2/ Quelle était la peine maximale encourue pour un avortement ?
Peine de mort pour les avorteuses.
Des sanctions sociales
Document 2 : extraits de « lévénement » d Annie Ernaux.
Extrait n°1 :
Dans limpossibilité absolue dimaginer quun jour les femmes puissent décider davorter librement. Et, comme dhabitude, il était impossible de déterminer si lavortement était interdit parce que cétait mal, ou si cétait mal parce que cétait interdit. On jugeait par rapport à la loi, on ne jugeait pas la loi.
Extrait n°2
Le samedi, je retournais chez mes parents. La dissimulation de ma situation ne me coûtait pas ressortissant à létat de nos relations depuis mon adolescence. Ma mère appartenait à la génération davant-guerre, celle du péché et de la honte sexuelle. Jétais sûre que ses croyances étaient intangibles et ma capacité à les endurer navait dégale que la sienne à se persuader que je les partageais. Comme la plupart des parents les miens simaginaient détecter infailliblement au premier coup dil le moindre signe de dérive. Pour les rassurer, il suffisait daller les voir régulièrement, avec le sourire et avec un visage lisse, apporter son linge sale et remporter des provisions. Un lundi, je suis revenue de chez eux avec une paire daiguilles à tricoter que javais acheté un été pour me faire une veste restée inachevée. De grandes aiguilles bleu électrique. Je navais pas de solutions, javais décidé dagir seule.
Extrait n°3
Lauteure vient de se faire poser une sonde clandestinement pour provoquer lavortement. Face à sa douleur, elle appelle son médecin. A demi-mots, elle lui avoue son acte. Celui-ci lui donne le nom dun médicament anti-douleurs mais refuse de lui prescrire.
Je suis entrée dans la pharmacie la plus proche en face du métro Paul pour acheter le médicament du Dr. N. Cétait une femme : « Vous avez une ordonnance ? On ne peut pas vous le donner sans ordonnance ». Je me tenais au milieu de la pharmacie. Derrière le comptoir, deux ou trois pharmaciens en blouse blanche me regardaient. Labsence dordonnance signalait ma culpabilité. Javais limpression quil voyait ma sonde à travers mes vêtements. Cest là des moments où jai été le plus désespérée.
Extrait n°4
Lauteure finit par avorter clandestinement dans sa chambre étudiante seule. Elle perd beaucoup de sang. Une amie appelle alors le médecin de garde. Voici sa réaction :
Il sest assis sur mon lit et il ma saisi le menton : « pourquoi as-tu fait ça ? Comment as-tu fait ça, réponds ! ». Il me fixait avec des yeux étincelants. Je lui suppliais de ne pas me laisser mourir. « Regarde-moi ! Jure-moi que tu ne le feras plus ! Jamais ! » A cause de ses yeux fous, jai cru quil était capable de me laisser mourir si je ne jurais pas. Il a sorti son bloc dordonnances, « tu vas aller à lHôtel-Dieu ». Jai dit que je préférerais aller dans une clinique. Fermement, il a répété « à lHôtel-Dieu » me signifiant que la seule place dune fille comme moi était à lhôpital. Il ma demandé de lui payer la visite. Je ne pouvais pas me lever, il a ouvert le tiroir de mon bureau et il a pris largent dans mon porte-monnaie.
Q1/ Les parents dA. Ernaux envisagent-ils que leur fille puisse être enceinte ?
Pour les parents dA. Ernaux, un avortement nest même pas envisageable, vu quils ne pensent même pas quelle puisse être enceinte sans être mariée. Il nest donc pas difficile de leur cacher la situation, parce quils ne lenvisagent pas comme possible. Ceci nous montre que la première sanction, cest linvisibilité de lacte : le fait quon ne puisse pas en parler, que lon considère quil nexiste pas.
Q2/ Montrez, à laide dexemples du texte, que lavortement fait lobjet de sanctions sociales.
Sanctions sociales : le mépris (la place dune « fille comme toi »), la culpabilisation, la culpabilisation. Les filles qui avortent sont stigmatisées, cest-à-dire quelles sont renvoyées à une image de filles qui ont « péché » de filles de mauvaise vie. Elles sont en effet porteuses dun stigmate, ainsi que le définit E. Goffman, c'est-à-dire dun attribut (ici, le fait davoir avorté) qui entraîne un discrédit, parce que cet attribut constitue un écart à la norme. (à cette époque, avoir des relations sexuelles dans le cadre du mariage)
Q3/ Expliquez la phrase soulignée de lextrait n°1 en vous aidant des deux documents.
Dans ce cas, les normes juridiques et les normes sociales sont intimement liées. Autrement dit, la loi qui interdit lavortement traduit un interdit social (le lien entre sexualité et procréation), cest dans ce sens que « cest interdit parce que cest mal ». Mais la loi renforce cette norme sociale, cest dans ce sens que « cest mal parce que cest interdit ». La force de la norme sociale fait que lon accepte la loi, quon ne la remet pas en question.
Synthèse :
Avant la loi Veil de 1975, lavortement était un
crime.., sanctionné par des
peines..pouvant aller jusquà la mort. Il sagissait donc dun acte passible de sanctions
juridiques
..
Cétait aussi un acte
déviant
.du point de vue des
normes
.sociales. Il était en effet sanctionné par du mépris, de lexclusion. Les femmes qui avortaient étaient
stigmatisées
: elles étaient renvoyées à une image de femmes « dépravées », qui étaient sorties du rôle qui leur était attribué et séloignaient de la « morale » sociale.
Comment le conflit autour de lIVG a-t-il fait évoluer les normes ?
Le mouvement pour la légalisation de lavortement
Document 4 : affiches du mouvement pour la légalisation de lavortement
Q1/ A quelles normes les femmes qui manifestent sopposent-elles ?
Elles sopposent à lobligation denfanter, et à lassociation entre sexualité et procréation. Ces normes sont portées par des institutions : ainsi, sur la 3ème affiche, ont voit à la porte de lhôpital un juge, un policier et un médecin qui sont des représentants de la morale dominante, et qui empéchent les femmes davorter.
Q2/ Au nom de quelles normes le font-elles ?
Pour les femmes qui manifestent, le libre-choix, et la possibilité de décider sont plus importante que linjonction à avoir des enfants. En disant « lutérus est au femmes », elles revendiquent le droit pour les femmes à disposer de leur corps.
Document 5 : le manifeste des 343 femmes ayant déclaré avoir avorté (dit des « 343 salopes »)
Un million de femmes se font avorter chaque année en France.
Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples.
On fait le silence sur ces millions de femmes.
Je déclare que je suis lune delles. Je déclare avoir avorté.
De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons lavortement libre. AvortementMot qui semble exprimer et limiter une fois pour toutes le combat féministe. Être féministe, cest lutter pour lavortement libre et gratuit.
AvortementCest une affaire de bonnes femmes, quelque chose comme la cuisine, les langes, quelque chose de sale. Lutter pour obtenir lavortement libre et gratuit, cela a lair dérisoire ou mesquin. [
] La complexité des émotions liées à la lutte pour lavortement indique avec précision notre difficulté dêtre, le mal que nous avons à nous persuader que cela vaut le coup de se battre pour nous.
Il va de soi que nous navons pas comme les autres êtres humains le droit de disposer de notre corps. Pourtant notre ventre nous appartient.
Lavortement libre et gratuit nest pas le but ultime de la lutte des femmes. Au contraire il ne correspond quà lexigence la plus élémentaire, ce sans quoi le combat politique ne peut même pas commencer. Il est de nécessité vitale que les femmes récupèrent et réintègrent leur corps. Elles sont celles de qui la condition est unique dans lhistoire : les êtres humains qui, dans les sociétés modernes, nont pas la libre disposition de leur corps. Jusquà présent, seuls les esclaves ont connu cette condition.
Le scandale persiste. Chaque année 1 500 000 femmes vivent dans la honte et le désespoir. 5 000 dentre nous meurent. Mais lordre moral nen est pas bousculé. On voudrait crier.
Lavortement libre et gratuit cest :
- cesser immédiatement davoir honte de son corps, être libre et fière dans son corps comme tous ceux qui jusquici en ont eu le plein emploi ;
- ne plus avoir honte dêtre une femme.
Un ego qui fout le camp en petits morceaux, cest ce quéprouvent toutes les femmes qui doivent pratiquer un avortement clandestin ;
- être soi à tout moment, ne plus avoir cette crainte ignoble dêtre prise , prise au piège, dêtre double et impuissante avec une espèce de tumeur dans le ventre ;
- un combat enthousiasmant, dans la mesure où, si je le gagne, je commence seulement à mappartenir en propre et non plus à lEtat, à une famille, à un enfant dont je ne veux pas ;
- une étape pour parvenir au contrôle complet de la production des enfants. Les femmes comme tous les autres producteurs ont de fait le droit absolu au contrôle de toutes leurs productions. Ce contrôle implique un changement radical des structures mentales des femmes et un changement non moins radical des structures de la société.
1. Je ferai un enfant si jen ai envie, nulle pression morale, nulle institution, nul impératif économique ne peut my contraindre. Cela est mon pouvoir politique. Comme tout producteur, je peux, en attendant mieux, faire pression sur la société à travers ma production (grève denfants).
2. Je ferai un enfant si jen ai envie et si la société dans laquelle je le fais naître est convenable pour moi, si elle ne fait pas de moi lesclave de cet enfant, sa nourrice, sa bonne, sa tête de Turc.
3. Je ferai un enfant si jen ai envie, si la société est convenable pour moi et convenable pour lui, jen suis responsable, pas de risques de guerres, pas de travail assujetti aux cadences.
Non à la liberté surveillée
La bataille qui sest engagée autour de lavortement se passe au-dessus de la tête des principales intéressées, les femmes. La question de savoir si la loi doit être libéralisée, la question de savoir quels sont les cas où lon peut se permettre lavortement, en bref la question de lavortement thérapeutique ne nous intéresse pas parce quelle ne nous concerne pas.
Lavortement thérapeutique exige de bonnes raisons pour avoir la permission davorter. En clair cela signifie que nous devons mériter de ne pas avoir denfants. Que la décision den avoir ou pas ne nous appartient pas plus quavant.
Le principe reste quil est légitime de forcer les femmes à avoir des enfants.
Une modification de la loi, en permettant des exceptions à ce principe, ne ferait que le renforcer. La plus libérale des lois réglementerait encore lusage de notre corps. Lusage de notre corps na pas à être réglementé. Nous ne voulons pas des tolérances, des bribes de ce que les autres humains ont de naissance : la liberté duser de leur corps comme ils lentendent. [
]Nous ne voulons pas une meilleure loi, nous voulons sa suppression pure et simple. Nous ne demandons pas la charité, nous voulons la justice. Nous sommes 27 000 000 rien quici. 27 000 000 de citoyennes traitées comme du bétail.
Aux fascistes de tout poil quils savouent comme tels et nous matraquent ou quils sappellent catholiques, intégristes, démographes, médecins, experts, juristes, hommes responsables , Debré, Peyret, Lejeune, Pompidou, Chauchard, le pape nous disons que nous les avons démasqués.
Que nous les appelons les assassins du peuple. Que nous leur interdisons demployer le terme respect de la vie qui est une obscénité dans leur bouche. Que nous sommes 27 000 000. Que nous lutterons jusquau bout parce que nous ne voulons rien de plus que notre dû : la libre disposition de notre corps. [
]
Manifeste paru dans le Nouvel Observateur n°334 du 5 avril 1971.
Q1/ Expliquez la phrase soulignée.
La phrase soulignée énonce le stigmate qui est associé à lavortement : celui-ci est considéré comme « quelque chose de sale », dont on en peut pas parler en public.
Q2/ Pourquoi des femmes considérées comme déviantes refusent-elles ce statut ? Quels sont leurs arguments ?
Les femmes qui avortent refusent dêtre considérées comme déviantes, parce quelles pensent que leur corps leur appartient, et que personnes dautre quelles na le droit de décider davoir un enfant.
Toute la force de largumentation tient dans ce point : les femmes qui signent le manifeste refusent dentrer dans un débat sur les cas davortement possibles ou non. Elles affirment quelles ont le pouvoir de faire des enfants, et quelles exerceront ce pouvoir si elles en ont envie, si elles jugent que les conditions sont réunies (notamment si les inégalités hommes femmes se réduisent, parce quelles ne veulent pas être « esclaves » de cet enfant).
Elles refusent donc le stigmate associé par la société à lavortement, refusent la honte liée aux avortements clandestins.
Q3/ Commentez lusage de lexpression « 343 salopes », qui a été utilisée contre les auteures du Manifeste, puis reprise par le mouvement des femmes.
« 343 salopes » est le signe du stigmate associé aux femmes ayant avorté.
Les femmes le reprennent à leur compte, car cest une façon de revendiquer leur existence comme normale, et non déviante : cest une façon de dire quelles ont bien des pratiques déviantes, mais que le problème cest la norme (lutilisation du corps des femmes pour procréer) et sa traduction juridique (linterdiction de lavortement), et pas leurs pratiques. Elles reprennnent donc le stigmate à leur compte pour en faire un instrument de fierté (nous sommes des salopes, et alors, cela ne regarde que nous
) : cest ce quon appelle le retournement du stigmate.
Par ce texte, les femmes entendent stigmatiser les institutions qui réglementent lusage de leur corps, et remettre en question les normes dominantes pour en imposer de nouvelles, basées sur le libre-choix de la maternité.
Ladoption de la loi de Veil
Document 5 : extrait de JT de 1974 sur les débats et le projet de loi de S. Veil
Q1/ Quels sont les arguments de Simone Veil pour défendre son projet de loi ?
elle dit que la loi de 1920 sur lIVG nets plus appliquée, en raison de la multiplication des avortements clandetins : la nomres juridiques doit donc sadapter aux évolutions de la société
-argument des inégalités sociales : les femmes les plus pauvres ne peuvent pas avorter
Q2/ Considère-t-elle pour autant lavortement comme un acte « normal » ?
Non : elle pense que lavortement soit rester exceptionnel, et doit disparaître avec la diffusion de la contraception.