le congres de grenoble - gerard quenel
3.2 Délivrance de la carte professionnelle par le CNAPS. 3.2.1 Avant la formation
: 3.2.2 Après la formation et l'examen réussi : 3.3 Les agents cynophiles.
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CGT- PCF : "ETUDE SUR L'ENTREE EN DOUBLE APPARTENANCE DANS LES DIRECTIONS DU PCF ET DE LA CGT DE 1981 A 2001. ENTRETIENS AVEC LES INTERESSES".
Par Gérard QUENEL, 30 janvier 2012
TOC \o "1-3" LE CONGRES DE GRENOBLE PAGEREF _Toc93732801 \h 7
LE 10 MAI 1981 : 12 DIRIGEANTS NATIONAUX EN DOUBLE APPARTENANCE CGT PCF PAGEREF _Toc93732802 \h 13
GEORGES SEGUY PAGEREF _Toc93732803 \h 14
HENRI KRASUCKI PAGEREF _Toc93732804 \h 17
GERARD ALEZARD PAGEREF _Toc93732805 \h 18
EDMOND AMIABLE PAGEREF _Toc93732806 \h 21
CLAUDE BILLARD PAGEREF _Toc93732807 \h 22
THERESE HIRZSBERG PAGEREF _Toc93732808 \h 25
GEORGES LANOUE PAGEREF _Toc93732809 \h 30
RENE LE GUEN PAGEREF _Toc93732810 \h 33
RENE LOMET PAGEREF _Toc93732811 \h 33
ANDRE SAINJON PAGEREF _Toc93732812 \h 34
LOUIS VIANNET PAGEREF _Toc93732813 \h 36
MICHEL WARCHOLAK PAGEREF _Toc93732814 \h 39
10 MAI 1981 3 FEVRIER 1982 PAGEREF _Toc93732815 \h 40
CGT PAGEREF _Toc93732816 \h 40
JANVIER 1982 : ALEZARD EST COOPTE AU BC PAGEREF _Toc93732817 \h 43
Cadres CGT PAGEREF _Toc93732818 \h 45
Elections législatives PAGEREF _Toc93732819 \h 45
Conflit du travail dans le secteur public et nationalisé PAGEREF _Toc93732820 \h 46
Renault PAGEREF _Toc93732821 \h 46
Fonction publique PAGEREF _Toc93732822 \h 47
Elections professionnelles PAGEREF _Toc93732823 \h 47
Pologne PAGEREF _Toc93732824 \h 47
URSS. Droits de lhomme PAGEREF _Toc93732825 \h 49
PCF PAGEREF _Toc93732826 \h 50
Elections législatives PAGEREF _Toc93732827 \h 50
Gouvernement. Formation du 2ème gouvernement Mauroy PAGEREF _Toc93732828 \h 52
LA QUESTION DES MINISTRES COMMUNISTES PAGEREF _Toc93732829 \h 53
Communistes critiques PAGEREF _Toc93732830 \h 56
Congrès du PCF PAGEREF _Toc93732831 \h 61
FEVRIER 1982 : VIANNET EST ELU AU BP PAGEREF _Toc93732832 \h 63
FEVRIER 1982 : OBADIA EST ELU AU COMITE CENTRAL PAGEREF _Toc93732833 \h 64
Portrait PAGEREF _Toc93732834 \h 64
7 FEVRIER 1982 13 JUIN 1982 PAGEREF _Toc93732835 \h 68
PCF PAGEREF _Toc93732836 \h 68
Elections cantonales PAGEREF _Toc93732837 \h 68
Elections municipales PAGEREF _Toc93732838 \h 70
Rencontres communistes PAGEREF _Toc93732839 \h 70
CGT PAGEREF _Toc93732840 \h 71
Fonction publique PAGEREF _Toc93732841 \h 71
Rencontre PS CGT PAGEREF _Toc93732842 \h 71
Elections professionnelles PAGEREF _Toc93732843 \h 72
Conflit du travail dans le secteur privé PAGEREF _Toc93732844 \h 72
Citroën PAGEREF _Toc93732845 \h 72
Automobiles Talbot PAGEREF _Toc93732846 \h 74
JUIN 1982 : SEGUY QUITTE LE SECRETARIAT GENERAL DE LA CGT PAGEREF _Toc93732847 \h 77
JUIN 1982 : HENRI KRASUCKI DEVIENT SECRETAIRE GENERAL DE LA CGT PAGEREF _Toc93732848 \h 78
JUIN 1982 : VIANNET EST ELU AU BC PAGEREF _Toc93732849 \h 80
JUIN 1982 : OBADIA EST ELU AU BC PAGEREF _Toc93732850 \h 80
JUIN 1982 : PAGE EST ELU A LA CE DE LA CGT PAGEREF _Toc93732851 \h 81
Portrait PAGEREF _Toc93732852 \h 81
JUIN 1982 : BILLARD QUITTE LA CE CONFEDERALE PAGEREF _Toc93732853 \h 87
18 JUIN 1982 6 FEVRIER 1985 PAGEREF _Toc93732854 \h 88
CGT PAGEREF _Toc93732855 \h 88
Elections professionnelles PAGEREF _Toc93732856 \h 88
Conflit du travail PAGEREF _Toc93732857 \h 89
Talbot-Poissy PAGEREF _Toc93732858 \h 89
Citroën PAGEREF _Toc93732859 \h 91
Renault. Flins PAGEREF _Toc93732860 \h 97
Chausson PAGEREF _Toc93732861 \h 100
Sidérurgie. Sacilor PAGEREF _Toc93732862 \h 100
Sortie du blocage des revenus pour fin 1982 et 1983 PAGEREF _Toc93732863 \h 102
Charbonnages de France PAGEREF _Toc93732864 \h 102
Santé PAGEREF _Toc93732865 \h 103
SNCF PAGEREF _Toc93732866 \h 103
Prudhommes PAGEREF _Toc93732867 \h 104
Crise de limprimerie PAGEREF _Toc93732868 \h 104
Travaux publics PAGEREF _Toc93732869 \h 105
Industrie. Mécanique lourde PAGEREF _Toc93732870 \h 105
Elections Sécurité sociale PAGEREF _Toc93732871 \h 106
Salaires. Fonction publique PAGEREF _Toc93732872 \h 106
PCF PAGEREF _Toc93732873 \h 111
Elections municipales PAGEREF _Toc93732874 \h 113
Rencontres communistes PAGEREF _Toc93732875 \h 113
Gouvernement PAGEREF _Toc93732876 \h 113
LE DEPART DES COMMUNISTES DU GOUVERNEMENT PAGEREF _Toc93732877 \h 114
MAI 1985 : LE CONFLIT SKF PAGEREF _Toc93732878 \h 117
1985 : DUTEIL EST ELU AU CC ET AU BC PAGEREF _Toc93732879 \h 126
Portrait PAGEREF _Toc93732880 \h 126
NOVEMBRE 1985 : LE GUEN QUITTE LA CE DE LA CGT PAGEREF _Toc93732881 \h 131
DECEMBRE 1987 : DUTEIL EST ELU AU BP PAGEREF _Toc93732882 \h 131
DECEMBRE 1987 : LEONARD EST ELUE AU CC PAGEREF _Toc93732883 \h 135
Portrait PAGEREF _Toc93732884 \h 135
DECEMBRE 1987 : LE DUIGOU EST ELU AU CC PAGEREF _Toc93732885 \h 139
Portrait PAGEREF _Toc93732886 \h 140
1988 : LES DEPARTS DE SAINJON DU CC ET DE LA CE PAGEREF _Toc93732887 \h 145
1990 : AMIABLE, LANOUE, LOMET QUITTENT LE CC PAGEREF _Toc93732888 \h 147
1992 : VIANNET REMPLACE KRASUCKI AU SECRETARIAT GENERAL DE LA CGT PAGEREF _Toc93732889 \h 148
LES « DIX » DE RENAULT PAGEREF _Toc93732890 \h 173
LE CCN DE JUIN 1991 PAGEREF _Toc93732891 \h 178
HENRI KRASUCKI ET LEVOLUTION DANS LES PAYS DE LEST PAGEREF _Toc93732892 \h 191
CGT FSM KRASUCKI PAYS DE LEST PAGEREF _Toc93732893 \h 192
LE DEPART DE HENRI KRASUCKI PAGEREF _Toc93732894 \h 198
LARRIVEE DE LOUIS VIANNET PAGEREF _Toc93732895 \h 200
1992 : SEGUY ET WARCHOLAK QUITTENT LA CE DE LA CGT PAGEREF _Toc93732896 \h 200
1992 : FOURNIER EST ELU A LA CE CONFEDERALE PAGEREF _Toc93732897 \h 200
Portrait PAGEREF _Toc93732898 \h 200
1994 : OBADIA QUITTE LE CC PAGEREF _Toc93732899 \h 203
1994 : BIARD EST ELU AU CC PAGEREF _Toc93732900 \h 212
Portrait PAGEREF _Toc93732901 \h 212
1994-95 : OBADIA QUITTE LE BC PUIS LA CE DE LA CGT PAGEREF _Toc93732902 \h 215
1995 : HIRZSBERG QUITTE LA CE DE LA CGT PAGEREF _Toc93732903 \h 218
1995 : ALEZARD QUITTE LE BC DE LA CGT PAGEREF _Toc93732904 \h 220
1996 : VIANNET QUITTE LE BN DU PCF PAGEREF _Toc93732905 \h 224
1996 : ALEZARD QUITTE LE CC PAGEREF _Toc93732906 \h 224
1996 : VIANNET QUITTE LE BN DU PCF PAGEREF _Toc93732907 \h 226
1996 : DUTEIL QUITTE LE BN DU PCF PAGEREF _Toc93732908 \h 231
1996 : LE DUIGOU QUITTE LE CN PAGEREF _Toc93732909 \h 231
1996 : FOURNIER QUITTE LE CN PAGEREF _Toc93732910 \h 234
1996 : THIBAULT ENTRE AU CN PAGEREF _Toc93732911 \h 235
Portrait PAGEREF _Toc93732912 \h 235
1996 : COHEN EST ELU AU CN PAGEREF _Toc93732913 \h 238
Portrait PAGEREF _Toc93732914 \h 238
1997 : THIBAULT ENTRE AU BC DE LA CGT PAGEREF _Toc93732915 \h 241
1999 : THIBAULT EST ELU SECRETAIRE GENERAL DE LA CGT PAGEREF _Toc93732916 \h 241
1999 : VIANNET QUITTE LE SECRETARIAT GENERAL DE LA CGT PAGEREF _Toc93732917 \h 242
1999 : LEONARD QUITTE LA CE DE LA CGT PAGEREF _Toc93732918 \h 244
1999 : PAGE QUIITE LA CE DE LA CGT PAGEREF _Toc93732919 \h 245
1999 : COHEN QUITTE LA CE DE LA CGT PAGEREF _Toc93732920 \h 247
LA MANIFESTATION DU 16 OCTOBRE 1999 PAGEREF _Toc93732921 \h 248
2000 : CANALE EST ELUE AU CN DU PCF PAGEREF _Toc93732922 \h 252
Portrait PAGEREF _Toc93732923 \h 253
2000 : BOLZINGER EST ELU AU CN DU PCF PAGEREF _Toc93732924 \h 255
Portrait PAGEREF _Toc93732925 \h 255
2001 : THIBAULT QUITTE LE CN DU PCF PAGEREF _Toc93732926 \h 259
2001 : PUTHOD EST ELUE AU CN DU PCF PAGEREF _Toc93732927 \h 261
Portrait PAGEREF _Toc93732928 \h 261
2001 : LAZARRE EST ELUE AU CN DU PCF PAGEREF _Toc93732929 \h 264
Portrait PAGEREF _Toc93732930 \h 264
LE CONGRES DE GRENOBLE
En 1975, Alain Obadia, à 25 ans, devient le secrétaire politique de Georges Séguy, alors secrétaire général de la CGT :
« Jai été son secrétaire politique, cest-à-dire là pour notamment travailler sur ses discours, pour lui réunir la documentation nécessaire, lui préparer ses dossiers. »
Mais, ses responsabilités évoluent rapidement :
« René Lomet, qui mavait précédé dans cette tâche, était devenu membre du Bureau confédéral, chargé de sa coordination, il a donc été convenu que je sois aussi le collaborateur de la coordination du Bureau confédéral. Je cumulais ces deux casquettes. »
Evoquant cette double activité, il ajoute :
« Cest devenu une responsabilité un peu stratégique, puisque lorsquon est à la fois le collaborateur du secrétaire général et quon assure la coordination du Bureau confédéral, même si je le faisais en deuxième ligne, on est un peu au courant de tout ce qui se passe. »
Cest dans cette situation quil prépare le 40ème congrès de la CGT qui se déroule à Grenoble du 26 novembre au 1er décembre 1978.
Ce sont les suites de ce congrès quil décrit pour nous :
« Les problèmes politiques, cétaient laprès-congrès de Grenoble et notamment le fait quune partie de la direction confédérale, dans laquelle je mets Georges Séguy il la dit dailleurs récemment - On a fait un très bon congrès. Je peux témoigner de cela. On était avec René Lomet et Jean-Luc Destrem, on formait léquipe de mise en uvre : quelles initiatives prendre pour réunir des assemblées dans les départements, les régions ? Et puis un jour, un peu avant Noël, Georges est revenu décomposé dune réunion du Bureau politique. En gros, il nous a fait comprendre quil sétait fait ratatiner. Georges Marchais avait décidé de mener une offensive forte. On sarrête tous, on était sur les genoux. Georges nous dit : il ne faut pas faire ça. Cest un retournement de situation avec une victoire dHenri Krasucki sur Georges, parce que, à lépoque, cétait Henri qui était le porte-parole du Parti à lintérieur de la direction confédérale. Georges, qui nétait plus en réalité le secrétaire général de la CGT, a rapidement décidé de prendre ses distances. Son raisonnement était : puisque cest ça, ce nest pas moi qui le ferais. Cest donc Henri qui est monté en première ligne avec une direction confédérale parallèle en réalité, dont jétais. »
René Lomet, quAlain Obadia vient de citer, a une version en partie différente de cette période.
Comme on la vu, ancien secrétaire politique de Georges Séguy, il dresse un portrait de lhomme en ces termes :
« Cest un homme extrêmement chaleureux avec qui il était extrêmement facile de travailler. Les années passées à son secrétariat, ce sont parmi les meilleures que jai passées à la Confédération. Vraiment. Il y avait du travail mais on le faisait dans une ambiance formidable et on avait des relations qui dépassaient des relations de travail. On se voyait les uns et les autres. »
Puis, il en vient à lun des aspects du dirigeant syndical :
« Jai apprécié pendant toute la période où il a été secrétaire général le fait que dans des situations un peu difficiles, il a toujours fait de grands efforts pour essayer daffirmer la personnalité et lautorité de la CGT indéniablement même si cela a été un peu battu en brèche. Je fais allusion au congrès. »
Ici, René Lomet précise :
« Il y a une chose qui est claire cest que cest Henri Krasucki qui a bloqué, je crois quon peut le dire, dans la direction confédérale avec certains appuis du côté du Parti qui lont poussé à faire ça. Il ne la pas fait tout seul. Ce nest pas une initiative personnelle. »
Il en vient au 40e congrès :
« Il y a ce phénomène extraordinaire dun 40e congrès qui démarre sur une ligne : ouverture, unité, pratique démocratique, etc., et qui, en plein milieu amorce un virage à 180 degrés .Il y une orientation qui a été complètement modifiée, en douceur, certes. »
Il ajoute :
« Moi, je suis convaincu quil y a eu des pressions qui sont venues de la direction du Parti. Je ny étais pas mais je pense quil y a eu une conversation pendant le congrès
Dailleurs, pour qui veut sen convaincre, il suffit de lire le rapport douverture et puis de lire les conclusions. Ce nest pas la même chose. Il y a une pression, cest indéniable. »
Sur lanalyse de cette « pression », René Lomet ajoute encore :
« Je pense que certains ont crû quil risquait dy avoir une distanciation entre la CGT et le Parti, que ça allait se faire un peu à son détriment. Je pense que certains ont pensé ça. Au contraire, pour moi et pour beaucoup dentre nous à lépoque, une ouverture, une grande ouverture ne pouvait quélargir la base des idées qui nous sont communes et que faciliter le rôle et la place des uns et des autres. »
Pressé par nous dexpliquer comment une telle évolution a pu se dérouler durant le congrès lui-même, René Lomet, qui indique que pour lui les congressistes ne se rendent pas compte de ce changement, tente un début dexplication mais revient, rapidement, aux textes même du congrès, en terme de constat :
« Il y a eu une offensive organisée par
on a fait monter au créneau un certain nombre de poids lourds des fédérations dans le congrès. »
Mais, ajoute-t-il :
« La grande question quon se pose, quon peut se poser, cest : le rapport douverture, cest ça, la conclusion, cest ça. Est-ce que cest la discussion qui a conduit à modifier les choses ? Il ny a quà regarder la discussion. Et là, on peut se poser la question : quest-ce qui sest passé ? »
Cette question, nous lavons donc posé à Georges Séguy, pour qui :
« La manière dont les choses se sont passées et les oppositions quon a eues au sein de la CGT de la part dHenri Krasucki, notamment, qui se référait à des positions qui se sont plus ou moins exprimées
non pas dans une délibération dun organisme de direction du Comité central, ni Bureau politique, mais qui se sont exprimées dans des conversations personnelles, il y avait manifestement une opposition à lorientation du 40e congrès. »
Il précise à propos de ce quil nomme « les événements qui ont traversé le 40e congrès » :
« Il y a eu, un certain moment, de la part du Parti, la propension de solliciter la CGT pour quelle soutienne un peu ses positions et cétait très difficile parce que cétait des positions qui étaient en dents de scie dans beaucoup de circonstances et ce nétait pas facile pour le syndicalisme de prendre position ou darbitrer dans lhypothèse où il aurait accédé à cette sollicitation, comment faire si un jour on devait dire bravo et le lendemain à bas. Cétait difficile et il sen est suivi que la CGT, à ce moment-là, est restée sur une prudente réserve, disons, et na pas accepté de jouer ce rôle. Ce qui était, dans un moment de déclin électoral du Parti et déclin politique même, cétait une des pires choses qui nous arrivait, une situation du même genre est arrivée aussi au moment des événements de Hongrie où il y a eu des pressions pour que la CGT prenne position et la CGT na pas pris position au niveau confédéral. Il nétait pas question quon prenne position. Cest arrivé aussi avec lAfghanistan à un moment donné, nous navons pas souhaité prendre position car il aurait fallu forcer les choses et courir le risque davoir des perturbations graves au niveau du Bureau confédéral lui-même. »
Ce 40e congrès de la CGT, dautres dirigeants lévoqueront au cours des entretiens.
Pour Gérard Alezard :
« Le 40e congrès, cest la réflexion sur lexpérience concernant le Programme commun. Cest lidée parfaitement juste et lanalyse tout à fait correcte que la façon dont la CGT sest en quelque sorte enfermée dans le Programme commun a contribué à ce que sa spécificité et son identité syndicale aient été quelque peu réduites. Cela a amené, assez rapidement, lidée quil fallait retrouver un champ syndical qui ne soit pas de remise en cause de lorientation de lutte de classes, mais qui soit un champ syndical typiquement, spécifiquement autonome. Donc, le débat a eu lieu à cette époque. A Grenoble, cétait aussi le débat sur lunité et ce fameux Comité national dunité daction, qui avait été adopté avec beaucoup de difficultés, mais quand même avec une très forte majorité ce qui est paradoxal, et qui a été, très rapidement, mis aux oubliettes. Ceci, dailleurs, sans trop de problèmes dans la CGT. La culture syndicale et les divergences entre les organisations syndicales, dune part, et ce qui se passait sur le plan politique, dautre part, a favorisé, je crois, la mise au placard de cette démarche-là au bénéfice dune sorte de retour au rapport classique partis syndicats. »
Pour Edmond Amiable :
« Le congrès de Grenoble
je crois quil a bien préparé la CGT à traverser cette période. Les idées avancées pour porter plus loin lindépendance syndicale, la démocratie interne, pour être une véritable organisation de masse avec un plus grand nombre dadhérents, tout cela rentrait dans la vie un peu de façon chaotique du fait quau sein de la Confédération, il y avait des forces qui jugeaient réformistes les avancées. »
Pour Thérèse Hirzsberg :
« Cest un congrès assez difficile. Il y avait déjà le problème Moynot qui se pointait après la conférence des femmes. Il y avait le débat avec Georges sur la signature des accords. Nous nous étions bien sûr des anti-signatures. Javais fait un discours sur la politique du syndicalisme des fonctionnaires et les revers de la politique contractuelle, une avancée sur des positions beaucoup plus de classe, qui mavait valu les foudres de Bertheloot, Lambert, Buhl, etc. »
LE 10 MAI 1981 : 12 DIRIGEANTS NATIONAUX EN DOUBLE APPARTENANCE CGT PCF
Deux dentre eux sont membres des structures hiérarchiques supérieures des deux organisations : Georges Séguy, secrétaire général de la CGT et membre du Bureau politique du PCF, Henri Krasucki, membre du Bureau confédéral de la CGT et du Bureau politique du PCF.
Les 10 autres sont membres du Comité central du PCF et de la Commission exécutive confédérale de la CGT. Ce sont : Gérard Alezard, le secrétaire général de lUnion départementale CGT de Paris ; Edmond Amiable, le secrétaire général de lUnion régionale dIle-de-France de la CGT ; Claude Billard, le secrétaire général de lUnion départementale CGT du Loiret ; Thérèse Hirszberg, la secrétaire générale de lUnion générale des fédérations de fonctionnaires CGT ; Georges Lanoue, le secrétaire général de la Fédération CGT des Cheminots ; René Le Guen, le secrétaire général de lUnion générale des ingénieurs, cadres et techniciens CGT et membre du Bureau politique du PCF ; René Lomet, membre du Bureau confédéral de la CGT ; André Sainjon, secrétaire général de la Fédération CGT de la Métallurgie ; Louis Viannet, le secrétaire général de la Fédération CGT des PTT ; Michel Warcholak est membre du Bureau confédéral de la CGT.
Comment sont-ils arrivés à cette situation ?
GEORGES SEGUY
Georges Séguy, fils dun militant CGT de sensibilité communiste, se syndique en 1942, pendant la Résistance, au Syndicat du Livre qui, dit-il, était « un syndicat de Pétain » :
« On avait décidé de rentrer dans les syndicats de Pétain pour en prendre la direction. »
En même temps quil entre à la CGT et au Parti communiste, à 16 ans, il entre dans la Résistance, au sein du FTPF. Il est dans la Résistance au titre de la Jeunesse communiste alors dissoute. Cela se passe dans le Sud-ouest de la France, dans la région de Toulouse plus précisément. Il nous précise :
« Jétais à Toulouse à ce moment-là, jai travaillé dans une imprimerie clandestine qui faisait des tracts pour toutes les organisations de la Résistance de la région Sud-ouest, qui faisait également beaucoup de fausses pièces didentité pour les illégaux, pour les Juifs.
« Cest moi qui faisais passer dans limprimerie clandestine tout le matériel qui était pour le Parti, le Parti nenvoyait personne dautre que moi et cétait seulement le patron de mon imprimerie, qui était un libre penseur anarcho-syndicaliste franc-maçon, qui savait ça. Cétait donc un secret entre lui et moi. Souvent jallais travailler la nuit dans cette imprimerie pour imprimer et sortir le matériel pour le Parti, pour la CGT illégale, pour les FTP. Après, jai été intégré dans lappareil technique des FTP de toute la région de Toulouse. Cest pour ça que mon titre de résistant est plutôt FTP que communiste ou syndicaliste. »
Durant cette période, il rencontre des dirigeants du mouvement ouvrier, notamment Gaston Plissonnier quil retrouvera quelques années plus tard au Bureau politique du PCF.
En février 1944, il est arrêté par la Gestapo et déporté à Mauthausen.
A son retour, indique-t-il :
« Je nétais pas en état de reprendre mon travail dans limprimerie car javais eu une pleurésie en déportation et à cette époque-là dans les imprimeries de labeur les émanations de plomb étaient incompatibles avec ma maladie. Il fallait donc que je trouve un truc au grand air. Voilà comment je suis rentré à la SNCF comme apprenti électricien où jai appris le métier. »
Il est lun des plus jeunes résistants rescapés de déportation, ce qui le rend localement connu :
« Mon nom a tout de suite, à Toulouse, pris une sorte de dimension. Javais même fait, je me souviens, un meeting avec le président de la République, Vincent Auriol, à Toulouse. Lui, pour parler au nom de la République contre le nazisme, et moi pour témoigner sur ce qui sétait passé dans les camps de concentration. »
Cette réputation lui vaut dêtre promu dans toutes sortes de responsabilités. Il devient, en effet, sur le plan syndical, un des secrétaires du Syndicat des Cheminots de Toulouse et un des secrétaires de lUnion départementale CGT de Haute-Garonne. Sur le plan politique, il est élu au secrétariat de la fédération du Parti communiste. Tout ça en même temps et à 18 ans.
Cependant, précise-t-il :
« Cest quand même le syndicalisme qui ma capté le plus en tant que cheminot. Je me suis occupé beaucoup de la jeunesse dans le syndicalisme et cest pour ça que je suis devenu secrétaire de la Fédération CGT des Cheminots à vingt-deux ans alors que je travaillais toujours à la SNCF. »
Douze ans plus tard, en 1960, il devient le secrétaire général de cette fédération. Entre temps, en 1954, il est élu au Comité central du PCF, puis, en 1956, membre suppléant du Bureau politique, il a 29 ans :
« Jétais le plus jeune membre du Bureau politique et ça me paraissait bizarre parce que ça me dépassait un peu à ce moment-là. »
Mais, explique-t-il :
« Jétais censé apporter à la direction du Parti lexpérience dun jeune syndicaliste. »
Son élection à la Commission exécutive confédérale se fera au début des années 1960, après son élection au secrétariat général de la Fédération des Cheminots. Puis, il sera élu au Bureau confédéral de la CGT et en deviendra son secrétaire général en 1967.
Dans cette double activité de dirigeant national des deux organisations, il distingue nettement deux périodes :
« Pendant les deux années où je suis resté au Comité central et les premières années où jétais membre du Bureau politique, jai accompli beaucoup de missions pour le Parti, pour suivre une fédération ou pour parler mais dès que je suis devenu secrétaire général de la CGT on ma dispensé de toute participation publique à des choses du Parti. On a respecté, comme cétait le cas pour Benoît Frachon sauf ce qui sest passé pendant la Résistance, le fait que je naie pas une charge particulière en tant que membre de la direction du Parti pour apparaître publiquement, pour parler un jour au nom de la CGT et un jour au nom du Parti. Cétait le respect de lindépendance syndicale. Je nai plus été sollicité. Jai participé aux débats du Comité central et au Bureau politique, mais je navais pas de responsabilités particulières, surtout pas publiques. »
HENRI KRASUCKI
Henri Krasucki naît en 1924 en Pologne, près de Varsovie dans un milieu familial communiste et de langue yiddish.
Deux ans plus tard, son père, fuyant lantisémitisme et lanticommunisme, sinstalle à Paris. Cest là, quà nouveau deux ans plus tard, le petit Henri et sa mère le rejoignent. Entre temps, il est devenu militant de la CGTU dans le textile. Il sera arrêté par la police en 1943 pour des actes de sabotage, interné, déporté et gazé. La mère dHenri Krasucki est également arrêtée la même année pour activités clandestines et déportée.
Le futur dirigeant ouvrier interrompt sa scolarité à 15 ans, faute de moyens financiers.
Il adhère aux Jeunesses communistes et en devient le responsable du 20ème arrondissement de Paris. En 1942, il est nommé à la direction parisienne des organisations de jeunes de la section juive de la MOI.
En 1943, la même année que ses parents, il est lui aussi arrêté pour des actions clandestines. Il est déporté à Auschwitz puis à Buchenwald.
De retour en France, il travaille dans la métallurgie, passe un CAP dajusteur et acquiert la nationalité française.
Responsable de lUnion locale CGT du 20ème arrondissement, en 1949, il devient membre du secrétariat de lUD CGT de la Seine. Cest à ce titre quil sera élu, en 1955, à la CA confédérale, puis, en 1966, au Bureau confédéral de la CGT.
Sur le plan du PCF, ses élections au responsabilités nationales ont lieu dans des périodes voisines : en 1956, il est élu membre suppléant du Comité central, et, en 1964, membre du Bureau politique.
En 1982, il est élu secrétaire général de la CGT et le demeurera jusquen 1992. Il quitte à ce moment-là le Bureau politique et quittera le CC en 1994.
En 1986, il est élu vice-président de la FSM.
Il est décédé en 2004.
GERARD ALEZARD
Gérard Alezard a huit ans lorsque son père, déporté à Buchenwald pour fait de résistance en août 1944, meurt :
« Cela a nourri chez moi une culture de résistance très tôt. Jétais jeune mais quand même très marqué par cela et cela a nourri toute mon adolescence. »
Il y voit lun des motifs de son adhésion à la CGT :
« Je pense que mon adhésion à la CGT doit à la fois beaucoup à cette démarche-là et puis aussi à la guerre en Algérie. Jai adhéré beaucoup plus pour cela à la CGT et à la CGT seulement, en 1957, que dans une réflexion achevée sur le rapport au mouvement ouvrier. »
Gérard Alezard devient ingénieur et travaille dans le 15e arrondissement de Paris, au Laboratoire central des Ponts et Chaussées. Ce laboratoire de 350 salariés compte plus de 200 adhérents à la CGT mais peu chez les ingénieurs. Il sensuit, indique-t-il :
« Que mon éducation syndicale a été très marquée au coin de louvriérisme. Jétais ingénieur et cétait assez répandu, à lépoque, que les ingénieurs qui étaient à la CGT étaient plus soucieux dexpliquer pourquoi ils étaient au côté de la classe ouvrière que soucieux de prendre en charge les revendications des cadres. Cétait assez agréable, en toute bonne foi, de monter sur un tabouret pour expliquer quon était au côté des ouvriers du laboratoire. »
Mais, poursuit-il :
« Peu à peu, la question sest posée avec les collègues quil existait de vrais problèmes chez les cadres, ingénieurs et techniciens, et, curieusement, jai été beaucoup plus porté, après, à assumer cela plutôt que la défense des revendications générales du personnel. Ce qui ma aidé à cela, cest, probablement, quand je regarde rétrospectivement, linterprofessionnel. Dans interprofessionnel, il y avait aussi inter catégoriel, il y avait des préoccupations ou des soucis spécifiques à prendre en charge. Je pense que cela a fonctionné ainsi. »
En effet, dans cette période, il est sollicité pour militer au Centre intersyndical CGT du 15e arrondissement, ancêtre de la future Union locale.
En 1967, Gérard Alezard, devient membre du secrétariat de lUnion départementale CGT de Paris qui venait de naître.
Entre temps, en 1960, il a adhéré au Parti communiste :
« Mon adhésion au Parti résulte de ce qui était assez courant à lépoque : prolonger son adhésion syndicale par une adhésion politique. Jai adhéré au Parti, sans sollicitations particulières ni pressions de qui que ce soit, avec une sorte de rapport normal entre le fait dêtre à la CGT et davoir un engagement politique pour être, comme on disait à lépoque, sur ses deux jambes. Cétait normal. Je lai vécu comme cela et très bien vécu à ce moment-là. »
Il devient membre du Comité fédéral de Paris du PCF et, en 1975, secrétaire général de lUD CGT de Paris, ce qui lui vaut daccéder au Bureau fédéral du PCF à Paris, car, explique-t-il :
« Il sagissait dun systématisme » qui, ajoute-t-il, « nest pas complètement évacué aujourdhui. »
Il précise cependant que :
« Ce systématisme était quand même associé à une vie militante communiste assez importante. Lautomaticité était lélément dominant en temps que concomitance de responsabilités, mais néanmoins avec une présence dans la vie du Parti non négligeable. »
Cest également en 1975 quil est élu à la CE confédérale de la CGT :
« Ca coïncide avec mon élection au secrétariat général de lUnion départementale CGT de Paris. Puisque, il y avait, à lépoque, et il y a encore un peu, une sorte dautomaticité, en tout cas de coïncidence quasi-systématique, entre certains niveaux de responsabilité et la Commission exécutive de la CGT. Donc, il sagissait de lUD de Paris, qui était lunion départementale la plus importante quantitativement et, dune certaine façon, qualitativement. Il y avait automaticité. Mon prédécesseur, cétait Marius Bertou et il était à la CE de la CGT. A partir du moment où je suis devenu secrétaire général, il se trouve que la même année il y avait le congrès de la CGT, donc je suis devenu membre de la Commission exécutive. Cest une promotion qui est beaucoup liée au niveau de responsabilité. Ajoutons quand même quavant que je sois secrétaire général de lUD, mes rapports avec la Confédération étaient très étroits parce que jétais membre du Bureau de lUGICT et, en même temps, je travaillais déjà sur les questions économiques au niveau de Paris et de la région parisienne et ces deux éléments ont contribué aussi à ce que mes relations à la Confédération aient été assez étroites. »
Il précise encore que la sollicitation pour cette élection à la CE de la CGT vient dHenri Krasucki lequel :
« Avait toujours un il très attentif, une sensibilité particulière sur Paris et la région parisienne. »
Lélection au Comité Central de Gérard Alezard a lieu en 1979. Il lexplique ainsi :
« Le Bureau fédéral de Paris du Parti et le secrétariat général de la CGT à Paris sont deux éléments qui expliquent ma présence au Comité central. Ca cest probablement doublé dun débat qui a eu lieu à lépoque sur le thème syndicalisme et Parti. Dans le cadre de la préparation du congrès du Parti, jai participé à la Tribune de discussion. Cette contribution au débat a contribué, probablement, à ce que je sois élu. »
Ici, nous précise Gérard Alezard, la sollicitation émane de la Fédération de Paris du PCF, de son Premier secrétaire Henri Fiszbin.
EDMOND AMIABLE
Edmond Amiable est le fils dun ajusteur et dune ménagère, mère de huit enfants. Ses parents sont communistes et adhérents à plusieurs organisations de masse. Son père fut candidat du Front populaire en 1936 et est responsable à la Fédération des Cheminots CGT. En mai 1940, ce père est arrêté par la police française et est interné dans plusieurs camps. Il réussira à sévader pour rejoindre la résistance FTP en Bretagne.
Cest après la guerre, en 1947, quEdmond Amiable adhère à la CGT. Il est alors apprenti au dépôt SNCF de Montrouge Châtillon. Trois ans plus tard, à loccasion dun meeting, il rejoint le PCF.
En 1962, il quitte la SNCF et devient permanent du PCF à la Fédération Seine sud qui deviendra la Fédération des Hauts-de-Seine ; il est, notamment, secrétaire de la section de Montrouge. De 1964 à 1965, il suit lécole des cadres communistes à Moscou. A son retour, il devient, en 1966, permanent de la CGT avec la responsabilité du secrétariat général de lUnion départementale des Hauts-de-Seine nouvellement créée suite à la décentralisation des UD CGT de la région parisienne.
Lannée suivante, il est élu à la CE confédérale de la CGT, au congrès de Nanterre.
Cest dans la même ville, lors du 19e congrès du PCF, en 1970, quil est élu au Comité central :
« Dans la préparation du congrès, cest ma fédération, où jétais un militant actif, qui ma proposé sur recommandation du Bureau politique. »
Edmond Amiable commente ainsi son accession à cette responsabilité :
« A un peu plus de 30 ans, jétais perplexe, je minterrogeais : moi, le simple ajusteur, nayant été quau niveau du certificat, avec un CAP, vais-je être capable dassumer de telles responsabilités ? Cela ma tout le temps hanté, y compris par la suite. Pour avoir confiance en moi, jai beaucoup travaillé pour étudier des documents déconomie, pour être en capacité dintervenir pour défendre les salariés face aux patrons, aux préfets, etc. Par la suite, jai mieux compris ma promotion au Comité central. En effet, avant chaque congrès du PCF, il y avait un échange de vues sur la future composition du CC avec le souci dy voir des ouvriers, des employés, des syndicalistes, des ICT, des intellectuels, des responsables de FD, sections, des permanents. Cétait une sérieuse réflexion, un sacré dosage. »
En 1978, il quitte lUD CGT des Hauts-de-Seine et est élu secrétaire général de lUnion régionale CGT dIle-de-France.
CLAUDE BILLARD
Le père et la mère de Claude Billard sont issus dun milieu rural ; ils sont catholiques peu pratiquants. Chacun deux, jusquau mariage, cultive la terre de leurs parents. A leur mariage, le père quitte la ferme et devient ouvrier à la Verrerie du Loing, à Buges, sur le bord du canal dOrléans. Cette verrerie détruite par le feu, un peu plus tard, loblige à sembaucher chez Hutchinson (« dans cette région du Montargois, il ny a pas un membre dune famille qui na pas travaillé à Hutchinson »), grande entreprise de 4.000 salariés, à lépoque. Il y exercera toute son activité professionnelle.
A propos de ses ascendants, Claude Billard nous indique :
« Mon père est gaulliste, mon grand-père paternel aussi qui, dailleurs, a joué, sans le vouloir évidemment, un rôle dans mon engagement syndical et politique. Les repas de famille étaient pour mon grand-père, qui était un passionné et féru dhistoire, loccasion de parler de la Résistance. Il nous a beaucoup parlé à nous ses petits-enfants de cette période et de la Libération. Mon grand-père a fait beaucoup de ce point de vue. Donc, lidée de la France, la nation, lidentité nationale, ça cest des thèmes qui me sont toujours chevillés au corps. »
Cette précision apportée, Claude Billard avoue :
« Jai un parcours un petit peu particulier. Je ne viens pas de la Jeunesse communiste. »
En effet, il est catholique et membre du Mouvement rural de la jeunesse chrétienne :
« A lépoque, le Mouvement rural de la jeunesse chrétienne à Corquilleroy était assez actif. »
Puis, il lorsquil entre chez Hutchinson lui aussi, il est membre de la JOC :
« Il y avait beaucoup de prêtres-ouvriers dans cette usine, il y avait des communistes. Le secrétaire du syndicat de lépoque était un catholique, militant de lAction catholique ouvrière. Cest avec eux que jai fait mes premières armes. »
Ce sont eux qui le font adhérer à la CGT. Il reste deux ans chez Hutchinson, à la mécanique, et part à larmée pour dix-huit mois :
« Au retour, on nous a dit : On ne vous rembauche pas. Ils voulaient supprimer latelier. Déjà, à lépoque, cétait la sous-traitance. Donc, au retour de larmée, en 1963, je suis rentré à la CIT-Alcatel. »
Huit ans plus tard, en 1971, il est élu secrétaire général de lUD CGT du Loiret. Entre temps, en 1966, il adhère au PCF :
« Cest le mouvement syndical qui a contribué à mon adhésion. »
Cette élection au secrétariat général de lUD provoque, par ailleurs, un conflit familial :
« Le jour où il apprend que je deviens permanent et secrétaire général mon père ne voulait plus me voir. Moi je nai pas voulu couper les ponts. Au fil des ans, ça sest estompé, mais moi je nai jamais cédé. Mais, pendant toute une période, ça a duré au moins deux ou trois ans, mon père ne voulait plus me voir. Ca ne plaisait pas, cest clair. »
En 1975, il est élu à la CE confédérale de la CGT :
« En fait, cest une proposition qui a été formulée par le camarade qui suivait, à lépoque, lUD. Lannonce a été faite lors du congrès départemental de 1975. Cest Jean Magniadas qui participait au congrès au nom de la Confédération et lors de la première réunion de la Commission exécutive Jean Magniadas formule la proposition de ma candidature à la CE confédérale. »
Quatre ans plus tard, il est élu au Comité central du PCF :
« Je suis membre du Bureau fédéral de la Fédération du PCF du Loiret et le camarade, à lépoque, qui suivait la fédération au nom du Comité central était un camarade du Val-de-Marne, Jean-Claude Lefort. Il fait la proposition très peu de temps avant une conférence fédérale. Il en avait informé le secrétaire fédéral lequel ma appelé en me disant :il faut que tu saches, tu es sollicité pour devenir membre du Comité central. Jai donné personnellement mon accord. »
A propos des motifs de cette proposition, Claude Billard indique :
« A cette époque, on nétait pas très nombreux comme secrétaire général et membre du Comité central. Il y avait certainement, selon moi, une préoccupation pour quil y ait des syndicalistes à la direction du Parti. Je suis rentré avec Gayssot. On est de la même fournée. »
A ce même congrès du PCF, sont également élus au Comité central René Lomet et Alain Obadia.
THERESE HIRZSBERG
Thérèse Hirzsberg se définit comme :
« Le produit de deux origines déterminantes. Du côté de mon père, je suis dorigine immigrée italienne ; je suis une immigrée de la troisième génération ; ça ma profondément marqué : une enfance bercée par le récit de ce quétaient les misères de lItalie du Nord. Mon père avait fait un peu son trou mais il nétait pas à laise avec ses origines immigrées, il nétait pas vraiment intégré. Ceci étant dit, il avait fait une assez belle carrière sur les bateaux. Il parlait neuf langues. Syndiqué CGT, mais parce que dans la marine on était syndiqué CGT, mais pas dengagement militant. Très difficile à situer politiquement.
« Du côté de ma mère, cest la petite paysannerie bretonne. Un milieu pas engagé, un milieu pas religieux au sens de la prégnance idéologique de lEglise. Une mère qui elle aussi a joué un rôle très important. Elle avait souffert de navoir pas pu aller à lécole. Elle voulait être institutrice et a été obligée dêtre couturière. Elle nous a élevé ma sur et moi, mon père naviguait beaucoup. Ma grand-mère, elle, cétait le discours : mes filles, il faut étudier, il ny a pas dindépendance des femmes si vous nallez pas à lécole .
« Petite, je me suis passionnée pour la guerre dIndochine. A dix ans, il paraît, je soutenais les accords de Genève, Mendès-France, qui était contre la colonisation. On allait au catéchisme, jai fait ma communion, mais jai vu au moment de la chute de Diên Biên Phu, les discours hystériques des curés, ça a conduit à un rejet total de ce point de vue là et surtout à une grande passion de ma vie : la lutte anticoloniale, la lutte contre le racisme. »
Vers douze ou treize ans, Thérèse, qui, dit-elle, se sent un peu rejetée dans lombre dune demi-surr à qui leur mère trouve toutes les qualités, décide quelle fera Sciences Po. Elle obtient ses deux bacs avec mention bien et effectue une première année de droit et de science politique à Aix. Seuls les deux premiers de la promotion ont le droit dintégrer Sciences Po à Paris. Elle finit major ex aequo. Elle se retrouve donc à dix-huit ans à Paris :
« Je tombe amoureuse dun bel Africain, jai une petite fille. Ca, ça a été plus compliqué. Je suis une mère célibataire de dix-neuf ans. Cest la période de ma vie dont je suis la plus fière : javais un petit élève, je faisais des ménages, des traductions, mes cours à Sciences Po. »
Elle réussit, à vingt et un ans et demi, sa licence de droit des relations internationales à Sciences Po, « même promotion que Christine Ockrent », et se marie :
« Jai une petite fille dun père noir, Camerounais, et je me marie, dans la foulée, avec un juif dorigine polonaise. »
Elle décide alors de faire une pause dans ses études, « la connerie de ma vie », dit-elle aujourdhui, et passe des concours dattachée dadministration centrale en recherchant à entrer au ministère de la Culture. Elle y débarque en 1966, elle a vingt-deux ans.
Le 13 mai 1967, elle fait sa première grève, contre les attaques portées à la Sécurité sociale, et demande à se syndiquer. On lui demande dattendre le 1er janvier de lannée suivante, car, lui dit-on, « ici, on donne les cartes à lannée. » Elle reçoit donc sa première carte syndicale CGT le 1er janvier 1968 :
« Là-dessus les événements. Je my suis donnée à fond. Jai vécu des moments extraordinaires. Cétait un ministère avec des tas de catégories, où il y avait beaucoup de petites catégories, il faut voir ce quétait la vie des modèles des Beaux-Arts. On a marqué pas mal de beaux succès. Cétait la période où trois semaines, un mois, ça valait des années dexpérience. »
En novembre 1968, elle est élue secrétaire générale adjointe du syndicat du ministère et mène une activité syndicale à lUnion générale des fédérations de fonctionnaires de Paris et à lUD de Paris.
Cest durant cette période quelle va devenir, en 1969, membre du PCF, « pendant la campagne électorale de Duclos » :
« Si le militant syndical, qui a vraiment envie de pousser à fond son engagement ne prolonge pas par un engagement politique, cest le danger majeur de la politisation du syndicat, la CFDT, syndicat parti, en donnait très bien la signification à lépoque. »
A propos de son adhésion au Parti communiste, elle ajoute :
« Jai adhéré au PC en toute lucidité. Je connaissais bien lhistoire. Le PC, malgré tous ses défauts, restait pour moi un parti profondément enraciné dans le double terreau national et international. Cétait le parti des petits et des pauvres et le parti de lengagement contre la guerre, de la décolonisation. En toute lucidité sur ses déviances, ses insuffisances et ses erreurs, jai adhéré les yeux grands ouverts. Il ny avait rien dautre. Le PSU, sur certains aspects, avait des sensibilités qui étaient un peu les miennes, mais en déconnant complètement sur un certain nombre de trucs. Moi, cette petite bourgeoisie, ce nétait pas mon truc. »
En décembre 1969, elle est déléguée au congrès confédéral de la CGT. Au printemps 1970, on lui propose daccéder au secrétariat de lUGFF : elle accepte. Lorsquelle rejoint lUGFF, en juin, celle-ci est en pleine préparation de son prochain congrès, au mois de novembre, avec un changement de secrétaire général à lordre du jour :
« Alors, on ma foutu dans un trou, dans un coin, dans une pièce, on ma dit : mets-toi là jusquau mois de novembre. Ca ma démoralisé. Jassistais à rien. Je passais douze heures à lire, tous les Peuple, toutes les Tribunes du fonctionnaire. Je me suis meublée la tête pendant cinq mois, ça ma beaucoup fait de bien. »
Le congrès de lUGFF de novembre 1970 se donne un nouveau secrétaire général : René Bidouze. Thérèse prend véritablement ses fonctions au secrétariat :
« Cest une période compliquée du syndicalisme fonctionnaire. 1968 avait conduit à des renouvellements importants dans la sociologie des fonctionnaires. Il y avait une diversification des secteurs de la Fonction publique, il y avait des catégories qui vivaient ça très mal. Donc, à lUGFF, nous nous battions pour faire avancer le droit commun à tous les fonctionnaires. Et, cest là quétait le conflit. Nous nous heurtions au corporatisme des catégories. Nous portions nous, les jeunes fonctionnaires notamment les jeunes femmes, la solidarité des fonctionnaires. Nous sommes avant tout des fonctionnaires, avant dêtre des agents des impôts, etc. Je mexcuse de dire ça, mais cest moi qui ai inventé le mot confédéralisation dont tout le monde maintenant parle et abuse. Confédéralisation du syndicalisme fonctionnaire ne voulait pas dire, contrairement à ce que certains nous ont fait dire, une confédération des fonctionnaires dans la Confédération CGT, cétait, au contraire linsertion dans une confédéralisation dun syndicalisme fonctionnaire qui était de plus en plus spécifique, particulier. Cest la ligne des années 70-78. »
Sur cette période et face à cette conception, note Thérèse Hirzsberg :
« Les financiers, les Buhl, Lambert, Bertheloot, font des trucs absolument épouvantables. La Confédé tanguait, notamment Séguy. »
Elle ajoute :
« La suite, cest la succession de René Bidouze. Très, très compliquée. Parce que moi, jétais communiste, confirmant la présence du Parti en tant que tel à la tête du syndicalisme des fonctionnaires considéré comme une chasse gardée des non communistes. Le syndicalisme fonctionnaire était très corpo, très marqué par ses catégories, totalement dominé par le SNADGI, lancien SNACI. Le SNACI, la FD des Finances, lUGFF étaient les grands pourvoyeurs de non communistes au Bureau confédéral. »
Finalement, « après des débats torrides dont nous étions lenjeu, y compris dans les débats confédéraux », en 1978, Thérèse Hirzsberg succède à René Bidouze comme secrétaire générale de lUGFF :
« Me voilà, à trente-quatre ans, secrétaire générale, la plus jeune de tous les temps, parce que cétait en général des mecs dans lâge plus que mûr. »
Cette responsabilité va conduire Thérèse Hirzsberg à la CE confédérale de la CGT, mais non sans péripéties :
« LUGFF, en tant que telle, na aucune existence dans les statuts confédéraux. Pour être à la CE confédérale, il faut toujours que tu sois présenté par ta FD dorigine, laquelle était en délicatesse avec moi puisque les dirigeants de la FERC de lépoque soutenaient à fond ceux des Finances. Pas pour des raisons politiques la FERC à lépoque était dirigée par des purs et durs mais sur un fond de corporatisme et de débat sur la syndicalisation des enseignants moi, javais décrété que cétait une stupidité. Et il y avait ce paradoxe que la FERC ne voulait pas me présenter. Alors la CGT leur a fait entendre raison. Jai été présentée et élue à la CE confédérale au 40e congrès. »
Lannée suivante, en 1979, elle est élue au Comité central :
« Comme tout coco, jétais en train de préparer le congrès dans ma cellule, ma section, le 1er arrondissement de Paris. Un soir, à trois jours du congrès du Parti, je reçois un coup de téléphone de la secrétaire de Georges, Yvonne Breteau, qui me dit : il faut que tu passes à la Confédé, Georges veut absolument te voir, cest hyper urgent. Toutes affaires cessantes, jarrive. Il me dit : le Bureau politique a décidé, on va te proposer comme membre du Comité central. Voilà comment ça sest fait. Jai remplacé une fille qui devait être de la FD de lHabillement qui avait été promue le congrès davant, elle sétait illustrée dans une grève et élue au congrès dans la foulée. Et puis, je crois quil y avait eu, avec elle, un problème de militantisme. Donc, jétais la seule femme de la CGT, à lépoque, qui accède au Comité central du Parti. Ca cest fait comme ça trois jours avant. Il a fallu dare-dare avertir le secrétaire de section puisquil fallait quand même que je sois mandatée. Voilà, comment ça cest fait, de manière tombée du haut, mais ça se faisait comme ça, ça choquait strictement personne. »
GEORGES LANOUE
Georges Lanoue est cheminot et dit de lui : « je ne pouvais guère faire autre chose. »
Il est vrai quavec un père cheminot, deux grands-pères cheminots, un oncle cheminot, la voie était un peu ferrée.
Sa mère, avant son mariage, était vendeuse, puis est devenue femme au foyer.
Son père est syndiqué à la CGT, sans responsabilité syndicale, à Saint-Pierre-des-Corps, près de Tours. Ses parents sont membres du Parti communiste et participent aux campagnes électorales en distribuant des tracts, en mettant sous enveloppes, sans davantage de militantisme. Ses deux grands-pères cheminots étaient tous deux adhérents à la CGTU, lun membre du PCF, lautre un temps, avant la guerre, membre de la SFIO.
Georges, fils unique, rentre à la SNCF en 1956 comme élève exploitation :
« On passait un concours entre 15 et 17 ans, qui était du niveau du brevet. Jai passé ce concours au mois de mars 1956, jai été reçu. Jai donc été embauché. On était élèves pendant deux ans avec des cours en école et puis des stages de terrain dans des gares. Au bout de deux ans, on passait lexamen de mineur facteur enregistrant. »
Georges Lanoue est reçu à cet examen et part à larmée : vingt-six mois en Algérie. Il sy trouve en 1958 lors du putsch des généraux :
« Le contingent a mené des actions pour manifester son opposition. Le capitaine qui dirigeait le centre de transmission, qui était un mec dévoué aux putschistes, nous en a fait baver quelques jours, mais après nous lui avons rendu la monnaie de sa pièce. Au moment du putsch il y a eu un soutien au pouvoir légal même si ce nétait pas toujours sur des idées de gauche très prononcées. »
Il ajoute :
« Je nétais pas engagé avant de partit mais je peux dire sans risque de me tromper que, aussi bien pour mon engagement syndical que pour mon engagement politique, linfluence des vingt-six mois en Algérie a été quand même assez déterminante. »
A son retour de larmée, en juillet 1962, il est affecté dans une petite gare à vingt-cinq kilomètres de Tours. Cest là quil adhère à la CGT. Il assure quelque temps la trésorerie de son petit syndicat de ligne puis des responsabilités dans le service de lexploitation et au secteur CGT de Tours. En 1964, il devient le secrétaire général de ce secteur.
Cette même année, il adhère au PCF. Il prend rapidement, « parce quen province cétait comme ça », des responsabilités syndicales et politiques : membre du Bureau de lUD dIndre-et-Loire et membre du Comité puis du Bureau fédéral de la fédération départementale du PCF.
En janvier 1968, il devient permanent à la Fédération CGT des Cheminots pour assurer la responsabilité des syndicats de tout le réseau Sud-Ouest. »
Quatre ans plus tard, il est élu au Comité central du PCF, lors du 20e congrès :
« La direction de la Fédération des Cheminots commençait déjà à réfléchir un peu au remplacement de Charles Massabiaux qui aurait cinquante-cinq ans en décembre 1976. Cétait quatre ans avant et je figurais parmi les possibles. Sans être une tradition, souvent le secrétaire général de la Fédération des Cheminots a été membre du Comité central. Il y a eu bien entendu P. Sémard et, ensuite, Tournemaine, Hernio, il y a eu Georges Séguy, qui était passé au Bureau politique.
« Massabiaux ny a jamais été mais, en 1972, la question sest posée et Massabiaux a dit : Ecoutez, moi jai plus que quatre ans à faire, il vaut mieux investir sur un plus jeune. Je crois que Georges Séguy avait la conception que cétait bien quil y ait des syndicalistes au Comité central pour que le Parti bénéficie dans sa réflexion politique de lapport de copains qui avaient une expérience syndicale, qui étaient quand même assez près dans les luttes sociales. »
Le « plus jeune » retenu est Georges Lanoue, qui, à lépoque, est membre du Comité de section des cheminots dAusterlitz.
En 1975, la même logique opère pour son élection à la CE confédérale de la CGT :
« Comme ça se précisait que ce serait moi qui remplacerais Charles comme secrétaire général, il y a eu ma candidature à la CE confédérale, au congrès du Bourget. »
En novembre 1976, Georges Lanoue devient, effectivement, secrétaire général de la Fédération CGT des Cheminots.
RENE LE GUEN
Né en 1921, adhérent du PCF depuis 1944, René Le Guen est ingénieur de Gaz de France.
Il devient secrétaire général du Groupe national des cadres CGT dEDF, puis, sera, de 1963 à 1982, secrétaire général de lUGICT.
En 1967, il est élu à la CE confédérale.
En 1972, il est élu au Comité central, puis, en 1979, au Bureau politique.
En 1985, il quitte la CE confédérale.
Il décède en 1993.
RENE LOMET
Les parents de René Lomet, ouvriers dans la région lyonnaise, ne sont pas des militants ni politiques, ni syndicaux :
« Ils avaient des idées de gauche en général. »
Lui, adhère et commence à militer à la CGT au Syndicat des chèques postaux de Lyon. Il y adhère également, assez rapidement, au PCF, mais dit-il :
« Jétais dans ma cellule du coin, mais je nai jamais eu de responsabilités importantes. »
En revanche, à la CGT, il milite tant au Syndicat départemental des PTT du Rhône quà lUnion départementale CGT où il est responsable des jeunes :
« Cest à ce moment que jai été sollicité pour prendre cette responsabilité au niveau national. »
Ensuite, il devient secrétaire de Georges Séguy et cest occupant cette fonction que ce dernier lui propose de devenir, en 1975, membre de la CE confédérale, puis, en 1978, membre du Bureau confédéral.
En 1979, il est élu au Comité central :
« Jai été élu au Comité central parce que jétais un des responsables du Bureau confédéral de la CGT, responsable de la coordination du Bureau confédéral. Il faut le dire clairement. Ce nest pas mon travail sur le terrain politique qui justifie cette élection. »
ANDRE SAINJON
Le père dAndré Sainjon est OS dans la métallurgie ; sa mère concierge. Ni lun, ni lautre ne sont le moins du monde militants.
André commence à travailler à quatorze ans comme télégraphiste. Quelques temps après, en formation accélérée, il apprend le métier de tourneur et entre dans une entreprise de la métallurgie, Hotchkis.
Cest à son retour du service militaire quil sengage syndicalement :
« Moi, la CGT je ne la portais pas dans mon cur parce que javais plutôt une éducation chrétienne et même anticommuniste. »
Son adhésion à la CGT, il lattribue aux « circonstances » : la direction de son entreprise qui lui avait promis une promotion à son retour du service, ne respecte pas son engagement :
« Le délégué CGT, qui était à côté de moi, ma défendu, parce que jai fait appel à lui, et il a obtenu satisfaction. Cest comme ça que jai pris ma carte CGT, cest aussi simple que ça. Ce nest pas sur une base idéologique. Ce nest quaprès que je me suis engagé. Puis, il y a eu les événements de 68 et je crois avoir été actif. »
Cette adhésion à la CGT intervient en 1964. Elle est suivie, lannée suivante, par ladhésion au PCF, dans les conditions suivantes :
« Revenu du service militaire, je nai pas dargent et, à lépoque, la CGT faisait des vacances pour les jeunes en RDA. Jétais responsable de la jeunesse et les types de la CGT me disent : écoutes, tu peux aller en vacances, ça ne coûte pas cher. Cest comme ça que je suis parti en RDA. Jai découvert ce pays et comme cétait dans un camp avec des festivités, tout ça, pour moi le socialisme était vertueux. En même temps, dans mon entreprise, les militants de la CGT étaient tous, sans exception, membres du Parti communiste. Ils avaient un tel dévouement que moi, qui avait cette formation chrétienne, humaniste, je me suis dit : allez, je continue avec eux. Lévolution sest faite comme ça. »
En septembre 1967, André Sainjon devient permanent de la Fédération CGT de la Métallurgie, responsable de la jeunesse :
« Cest lépoque où Georges Séguy avait opté pour rajeunir les cadres de la CGT. Jai été porté à des responsabilités à la Confédération au Centre confédéral de la jeunesse crée à ce moment-là. En 1969, je suis élu à la CE confédérale. »
André Sainjon, après quatre années où il exerce cette responsabilité confédérale, revient à la Fédération de la Métallurgie, dirigée alors par Jean Breteau :
« Jean Breteau avait décidé de quitter ses fonctions de secrétaire général et cest au congrès de novembre 1976 que je suis élu secrétaire général. »
Cette position va le conduire trois ans plus tard à accéder au Comité central :
« Auparavant Breteau avait été membre du Comité central mais pour des raisons de désaccord à propos dune élection qui se déroulait à Grenoble, ville dont il suivait le département pour le Comité central -, il avait été sanctionné, viré du Comité central. Depuis cette période, qui devait remonter aux années 70-72, non, bien avant, il ny avait plus de représentant de la Fédération de la Métallurgie au Comité central, sauf Claude Poperen, secrétaire du Syndicat CGT de Renault Billancourt et, à lépoque, membre du Bureau de la Fédération de la Métallurgie, qui était officiellement le membre du Comité central dans linstance dirigeante de la fédération. Pour revenir à un dispositif normal, cest comme cela en tout cas quil faut linterpréter, jai donc été élu au Comité central en 1979. »
LOUIS VIANNET
Louis Viannet a pour père un ouvrier aux usines chimiques du Péage de Roussillon, syndiqué CGT, communiste affirmé de toujours mais jamais encarté. Ceci étant, précise-t-il :
« Lambiance familiale est quand même très nettement établie. »
Cependant, ajoute-t-il :
« Jen suis relativement émancipé pour une raison simple : je suis entré interne au lycée de St Etienne en 6ème, donc il y a eu une coupure parce que, à lépoque, il ny avait pas beaucoup de moyens de liaison, je revenais chez moi pour les vacances. »
Cest à vingt ans, sortant de son enseignement secondaire, que Louis Viannet entre dans les PTT, en janvier 1953, à Paris « Jétais heureux de venir à Paris. » En août 1953, une grande grève se déclenche dans cette administration :
« Dans cette grève, je suis dans le même bureau, le bureau 62 dans le 17ème, que Madeleine Vigne, qui, elle, est membre du Comité central et membre de la CE de la CGT. Je te fais grâce des discussions que lon pouvait avoir dans le bureau parce quil y avait beaucoup de jeunes. Toujours est-il que, pendant la grève de 53, jadhère à la CGT et, dans les trois semaines qui suivent larrêt de la grève, jadhère au Parti. Cest exactement dans la même période et avec la même démarche.
« Cest vraiment la grève qui minterpelle à plein par rapport à toute une série de phénomènes et, en particulier, à la trahison des dirigeants FO CFTC, qui ont signé dans la nuit
et cela ma révolté. Jai adhéré à la CGT vraiment sur ce fond-là : il ny a que ce syndicat qui sest tenu proprement pendant la grève, moi jadhère à la CGT. »
La jeunesse de ce milieu professionnel est aussi loccasion de rencontres :
« On était des groupes de jeunes, les PTT recrutaient à tour de bras. Ceux de province arrivaient. On sortait tout le temps ensemble Il y avait un copain avec qui javais plus daffinités. Il avait déjà, lui, une culture politique qui ma conduit à lire beaucoup, à mintéresser. Il est devenu par la suite écrivain, cest Paul Louis Rossi. »
Arrive le moment du service militaire. Cest le début de la guerre dAlgérie. Le jeune homme ne sait pas encore sil va y être expédié :
« Je peux dire que jai commencé à militer dans larmée, avec toutes les conséquences que cela avait à cette période. Vraiment, cétait dur. En plus, jétais marqué à lencre rouge parce que mon père, à la déclaration de guerre 39, avait été arrêté comme communiste et pourtant il nétait pas membre du Parti. Mais, il navait pas lhabitude de mettre son drapeau dans sa poche. »
Finalement, il reste en métropole.
A sa démobilisation, en 1956, il est réintégré aux PTT, aux chèques postaux de Lyon. Il y trouve un militant CGT quil ne connaît pas encore : René Lomet. Il lui dit :
« Je veux militer. »
Muni des bienfaits de plusieurs écoles déducation syndicale auxquelles il participe, Louis Viannet, en 1963, est élu secrétaire départemental des PTT du Rhône. Lannée suivante, il entre à la Commission exécutive fédérale des PTT, puis, en 1970, au Bureau fédéral.
Parallèlement, il participe également à des écoles du Parti et, en 1962, est élu au Comité fédéral de la Fédération du Rhône du PCF.
Sil devient permanent en 1967, ce nest quen 1970 quil vient à Paris :
« Jai vécu les événements de 68 à Lyon. Je suis monté deux fois à Paris pendant les événements de 68. Cétait une vraie expédition. On avait fait un Bureau fédéral important. On nous avait demandés de prendre des dispositions pour venir à Paris. Jai dormi chez un copain. A Paris, jassiste le soir à une manif extraordinaire. Là, je minsurge contre la caricature que donnait le Parti des manifestations étudiantes. Parce quà lépoque on parlait des groupuscules. Et donc je redescends à Lyon, je fais une intervention fracassante au Comité fédéral sur ce qui se passait à Paris et, à ma grande surprise, je suis écouté. On me dit : cest bien, mais il faut que tu tiennes compte que le mouvement nen est plus où il était au début. Moi je dis : je ne conteste pas que les dirigeants du mouvement étudiant sont des gauchistes, mais par contre moi je conteste que ce soit un mouvement de groupuscules. Cétait vraiment un mouvement de masse. »
Cette venue à Paris se fait sur la base dun choix entre responsabilité politique et responsabilité syndicale :
« On voulait me proposer à la direction fédérale du Parti dans le Rhône alors que Frischmann mavait sollicité pour venir au secrétariat de la Fédération des PTT. Jai dit non, je ne peux pas accepter cette responsabilité. A lépoque les pressions étaient fortes dans la Fédération du Rhône pour que jaccepte. Là, jai donc fait intervenir Frischmann pour quil stoppe les pressions. »
Arrivé à Paris, le militantisme politique est différent :
« Je milite à Argenteuil dans le comité des locataires où jai atterri et puis au Parti dans la mesure des possibilités parce que dans la semaine je ne suis pas disponible, je suis au secrétariat fédéral, donc je me déplace déjà souvent en province. »
Début 1974, Louis Viannet devient secrétaire général adjoint de la Fédération CGT des PTT.
En 1975, il est élu à la fois à la CE confédérale de la CGT et au Comité central. Pour la première de ces élections, il sagit dune candidature proposée par la Fédération des PTT. A propos de la seconde, il indique :
« Je lai appris au congrès. Je nétais pas candidat. Je lai même eu un peu au travers de la gorge, car jétais encore à la FD des PTT et Frischmann était membre du BP. Donc, Frischmann savait que jallais être proposé et il ne ma pas dit un mot. »
En 1979, Louis Viannet est élu secrétaire général de la Fédération CGT des PTT.
MICHEL WARCHOLAK
Michel Warcholak est né en 1933.
Ouvrier chaudronnier, il devient permanent syndical, secrétaire national puis secrétaire général de la Fédération des Travailleurs de lEtat, jusquen 1975.
En 1969, il est élu à la CE confédérale et, en 1975, il entre au Bureau confédéral où il est chargé su Secteur Organisation.
En 1976, il est élu au Comité central du PCF.
De ces 12 dirigeants en situation de double appartenance (à la CE de la CGT et au CC du PCF) lon peut noter que la durée de cette situation mesurée au 10 mai 1981 varie considérablement : Krasucki, depuis 25 ans ; Séguy, depuis 20 ans ; Amiable, depuis 12 ans ; Le Guen, depuis 9 ans ; Lanoue, Lomet et Viannet, depuis 6 ans ; Warcholak, depuis 5 ans ; Alezard, Billard, Hirzsberg et Sainjon, depuis 2 ans.
Notons encore que pour tous ladhésion à la CGT et au PCF se fait dans un écart de trois ans maximum (Alezard, Amiable) et la même année pour 2 (Séguy, Viannet) Pour tous, ladhésion à la CGT précède celle au PCF.
Les professions représentées sont : Cheminots (3), Equipement, Métallurgie (3), FERC, PTT (2), Energie. Travailleurs de lEtat. Soit : 7. En tête : Métallurgie et Cheminots, suivis des PTT.
10 MAI 1981 3 FEVRIER 1982
CGT
Le 14 mai 1981, la Commission exécutive de la CGT demande aux militants de « se placer résolument à la tête du courant qui anime les travailleurs » et critique le « minimalisme » de la CFDT. Le 17, la Fédération des travailleurs de la métallurgie (FTM-CGT) demande des négociations immédiates dans les entreprises. Le 18, lors dun meeting de la CGT à Paris, Henri Krasucki se prononce pour un « gouvernement stable dunion de toute la gauche », estime que certaines revendications peuvent être satisfaites immédiatement et invite à « ne pas attendre que tout se règle par en-haut. »
Georges Séguy souhaite un nouveau relèvement de 10 % du SMIC et linstauration de la semaine de 38 heures « dans les plus brefs délais ». Il se déclare partisan dun resserrement de léventail des salaires de 1 à 5 et dun blocage de certains prix de détail. Il estime que la cinquième semaine de congés payés sera acquise avant la fin de 1981. Il réaffirme lindépendance de la CGT, considère que les données de lunité syndicale sont modifiées par la situation politique, affirme que « tout le monde peut sexprimer au sein de la CGT dans les organismes de direction » et que « le débat va connaître une amplification importante dans les mois à venir, notamment sous des formes largement démocratiques ».
Le 7 juillet, devant le CCN, Henri Krasucki déclare quil convient de ne se faire aucune illusion ni sur le patronat, ni sur « les partenaires syndicaux ou politiques » et que lon est au début dune période de « luttes de classes actives » dans laquelle il convient de coopérer sans complaisance à légard du gouvernement.
Georges Séguy déclare envisager une rentrée sociale « différente » sous le signe de la concertation et rappelle lattachement de la CGT à lunité daction syndicale et lexistence de « différences sérieuses » avec la CFDT sur le nucléaire et les négociations avec le CNPF.
Le 19 août, il présente six mesures durgence proposées au gouvernement par la CGT : amélioration de 10 % du pouvoir dachat du SMIC ; blocage temporaire et sélectif des prix des biens de consommation ; le contrôle des prix et des loyers ; la suspension de toute décision de fermeture dentreprises et des plans de licenciements ; la réduction à trente huit heures de la durée hebdomadaire du travail ; lamélioration de la situation des chômeurs dont ceux privés dindemnités.
Du 1er au 8 septembre, semaine daction de lUnion régionale CGT de lIle-de-France, sur le thème « Pour réussir le changement » contre linflation, le chômage et la désindustrialisation de lIle-de-France. Le 3, conférence de presse de Georges Séguy, qui demande lattribution aux comités dentreprise dun droit de recours suspensif sur les projets de restructurations des entreprises, sur les problèmes de lemploi et sur les conditions de travail. Le 7, conférence de presse de la CGT sur les droits des travailleurs dans les entreprises de moins de 50 salariés, de la création de conseils dateliers, de l élimination des « formes précaires de travail » et la suppression des règlements intérieurs des entreprises. Le 8, meeting à Paris avec Henri Krasucki, qui déclare que la CGT est un partenaire « constructif », « libre et vigilant » du gouvernement. Le 9, conférence de presse de René Le Guen, qui dénonce le « sabotage de la relance » par le patronat.
Du 6 au 8 octobre, CCN de la CGT. Le 6, Georges Séguy confirme son souhait dabandonner ses fonctions en juin 1982 et propose Henri Krasucki pour lui succéder. Celui-ci présente le rapport préparatoire au 41e congrès de la CGT. Ce rapport, qui approuve avec nuance la politique gouvernementale, est adoptée le 8 malgré les critiques de Gérard Gaumé et de Jean-Louis Moynot, membres du Bureau confédéral. Le 8, Georges Séguy reconnaît des divergences à lintérieur du syndicat et se déclare favorable à lorganisation dun débat démocratique « dans les formes les mieux appropriées ». Le 14, Jean-Louis Moynot et Christiane Gilles démissionnent en désaccord avec les orientations du CCN sur lunité daction, la démocratie interne et lanalyse de la crise économique.
Du 6 au 11 décembre, semaine daction revendicative organisée par la CGT.
Le 2 janvier, la CE de la CGT approuve le rapport de Pierre Gensous à lunanimité moins 9 voix : (Gilles, Lambert, Gaumé, Deiso, Buhl, Moynot, Feuilly, Jevodan et Rousselot.) qui entérine les positions du BC de la CGT sur la Pologne, reconnaissant que « les erreurs ne sont pas unilatérales » et condamnant les « forces extrémistes », et sur la politique sociale en France, qui « va dans le bon sens » mais il faut « élever le ton » sur la Sécurité sociale.
Début janvier, René Buhl, membre de la CGT, annonce que Georges Séguy lui a demandé de remettre son mandat de membre du Conseil économique et social.
Le 20 janvier 1982, réunion du CCN. Adoption dune résolution sur les positions du Bureau et de la CE à propos de la Pologne et de la situation politique et économique en France confirmant un durcissement à légard de la politique économique du gouvernement. Adoption à lunanimité moins une abstention de lentrée de trois nouveaux membres du BC (Jacqueline Léonard, secrétaire général de lUD-CGT de lOise, membre du PCF ; Gérard Alezard, membre de la CE, membre du CC du PCF ; Bernard Lacombe, prêtre-ouvrier, membre du secrétariat de lUD-CGT de Haute-Garonne) en remplacement de trois démissionnaires (Buhl-Lambert, Christiane Gilles et Jean-Louis Moynot). Le 28, 27e congrès de lUnion générale des fédérations de fonctionnaires CGT, à St Etienne. Henri Krasucki se déclare satisfait par certaines mesures gouvernementales (nationalisations, retraite à 60 ans, réglementation du travail temporaire) mais critique de linsuffisance du relèvement du pouvoir dachat (« nous ne signerons aucun texte qui ne serait pas un progrès, que ce soit avec le gouvernement ou avec le patronat ») et les imperfections de lordonnance sur la durée du travail.
JANVIER 1982 : ALEZARD EST COOPTE AU BC
Cest Henri Krasucki qui sollicite Gérard Alezard pour sa venue au Bureau confédéral, comme il lavait fait pour sa venue à la CE confédérale.
Il va y prendre la responsabilité du Secteur Economique à la place de Jean-Louis Moynot qui vient de démissionner de cette responsabilité. Comment vit-il ce moment ?
« Difficilement, mais moins par rapport au débat politique interne à la CGT que par une hésitation à assumer une responsabilité de ce niveau-là. Je quitte une union départementale dont javais assumé, avec un certain résultat, la responsabilité et on me demande de prendre en charge un Secteur Economique passablement traversé par des conflits réels. Donc, de remplacer Jean-Louis Moynot à une période où plusieurs dirigeants confédéraux quittent le Bureau confédéral. Puisque, il y a également René Buhl, Christiane Gilles. Donc, il y a trois arrivées au Bureau confédéral : ce sont Jacqueline Léonard, Bernard Lacombe et moi.
« Je prends en charge le Secteur Economique avec le souci de travailler avec la démarche qui était la mienne, sans conflit avec Moynot, sans conflit personnel et sans conflit sur le plan politique. Ca ne veut pas dire que je nai pas exprimé des divergences avec Jean-Louis Moynot, mais, autant que je me souvienne, et après avoir relu beaucoup de choses de lépoque ces dernières années, sans condamnation forte de ce quil a pu faire. Mais, avec la conviction que le Secteur Economique doit assumer sa responsabilité dans le cadre dune orientation majoritaire de la direction de la CGT. Cela se passe dautant mieux, si je puis dire, que le Secteur Economique est littéralement aspiré, pressé, convoqué pour intégrer la nouvelle donnée politique qui est celle de larrivée de la gauche au pouvoir. Donc, avec des exigences de travail qui, dune certaine façon, mettent au second plan le débat politique interne dans la CGT. Le Secteur Economique est interpellé pour préparer des dossiers sur le plan industriel. Il est très présent dans le débat sur la nationalisation, la planification. Et, du même coup, curieusement, les divergences politiques passent vraiment au troisième plan. Jean-Louis Moynot prend des responsabilités et contribue à un travail de cabinet sur le plan de lindustrie par exemple. Je le rencontre à ce titre-là : moi, dirigeant de la CGT, et lui de lautre côté. On se connaissait quand même beaucoup par lUGICT. Jai avec lui des rapports assez curieux et dans lesquels les débats politiques qui expliquent le départ de Jean-Louis Moynot nont jamais eu cours entre nous. Pourtant nous étions sur des analyses du rôle du syndicat complètement différentes. Je nai jamais vécu mes relations avec lui comme des conflits ouverts. Je pense que la période de 82 a aidé à cela. On avait du pain sur la planche, beaucoup durgences à assumer, beaucoup de réflexions et de propositions à organiser, à animer. »
Dans cette période, Gérard Alezard est amené à entretenir des relations avec le secteur équivalent au sien au PCF : la Section Economique du Comité central :
« Assez naturellement, je me retrouve aussi à la Section Economique avec de vraies convergences sur les analyses comme sur les démarches de propositions. Mais, ce nest pas le Secteur Economique de la CGT qui se retrouve à la Section Economique, cest Alezard. Je dois à la vérité de dire quand même que plusieurs membres du Secteur Economique de la CGT participent à des groupes de travail de la Section Economique. Mais, ce nest pas le Secteur Economique de la CGT qui vient à la Section Economique. Cest à la fois plus simple que cela et moins structuré, moins organisé quon pourrait le penser. »
Le 31 janvier est annoncée un « Appel unitaire pour le succès du socialisme en France », signé par soixante et onze personnalités politiques et syndicales (dont plusieurs responsables du Parti socialiste comme Claude Estier et Didier Motchane, et danciens membres du Bureau confédéral de la CGT comme René Buhl et Jean-Louis Moynot), visant à rassembler dans lunité et le pluralisme les partisans de lexpérience socialiste menée en France.
Cadres CGT
Le 18 mai, conférence de presse de René Le Guen, qui demande que lUGICT-CGT soit reconnue comme représentative au même titre que la CFE-CGC.
Les 4 et 5 décembre, colloque de lUGICT-CGT réclamant le maintien du pouvoir dachat pour tous les salariés.
Elections législatives
Le 2 juin, la CE de la CGT adopte un texte appelant à voter pour une majorité de gauche aux élections législatives.
Le 17 juin, le Bureau confédéral appelle à élire les candidats de gauche devenus « les candidats de lunion pour le changement ».
Conflit du travail dans le secteur public et nationalisé
Renault
Le 18 septembre, grève à latelier de peinture de lusine de Boulogne-Billancourt à lappel de la CGT pour obtenir une revalorisation de la prime de pénibilité. La grève commencée depuis trois semaines à latelier sellerie de lusine de Sandouville se poursuit.
A partir du 2 octobre, grève dans plusieurs ateliers (montage et presses) de lusine de Boulogne-Billancourt. Le 7, arrêt de la fabrication des R4. Le 9, la direction de la Régie décide de mettre 4 000 ouvriers en chômage technique à partir du 12. La Fédération de la Métallurgie CGT proteste contre la direction de Renault. Le 13, Georges Marchais appelle le gouvernement « à résoudre le conflit ». Le 14, le travail reprend partiellement. Jean Auroux, ministre du Travail, à lAssemblée nationale, critique linsuffisante volonté de négocier de la direction. Le 15, journée daction intersyndicale pour réclamer louverture de négociations sur les conditions de travail. Des arrêts de travail ont lieu à Billancourt, Sandouville, Cléon, Flins, Dreux, Le Mans.
Le 20 octobre, un communiqué de la direction annonce la mise en chômage technique de 150 salariés de Billancourt sajoutant aux 4 000 ouvriers rendus inactifs en une semaine. Le 22, la CGT dans une lettre au Premier ministre demande la création de 2 000 emplois à Renault-Billancourt, avant la fin de lannée. Bernard Hanon, le futur PDG de Renault, propose une négociation pour le lendemain. Le 23, échec des négociations. Le 27, ouverture de négociations générales. Le 28, reprise du travail malgré lopposition dune partie de la CFDT. Il est mis fin aux mesures de chômage technique à Renault-Billancourt. La grève se poursuit à Renault, en Seine-Maritime.
Le 26 janvier, Henri Krasucki adresse une lettre au Premier ministre dans laquelle il dénonce « limmobilisme social » chez Renault.
Fonction publique
Le 18 septembre souvre des négociations salariales dans la Fonction publique entre les sept fédérations de fonctionnaires et Anicet Le Pors, ministre de la Fonction publique, qui propose une augmentation de 4,3 % au 1er octobre avec ajustement en fin dannée. Le 29, FO, la FEN, la CFDT et les autonomes signent un accord. La CGT, FO, la FEN, la CFDT ratifient un second texte relevant « les engagements de négociations » pour 1982, la CFTC et la CGC refusent les deux textes.
Elections professionnelles
Parution dune étude portant sur les élections professionnelles dans trente et une grandes entreprises depuis la victoire socialiste de mai-juin 1981 et faisant état dune remontée de la CGT dans les collèges ouvriers depuis octobre et dun élargissement de son audience chez les employés, techniciens et cadres.
Les 20 et 22 janvier, élections professionnelles à Renault-Billancourt. Le 20, dans le premier collège, la CGT obtient 62,02 % des suffrages exprimés contre 74,78 % aux élections précédentes. Dans un communiqué la CGT stigmatise « la démagogie et la surenchère des syndicats CFDT et FO » accusés davoir voulu faire supporter à la CGT la responsabilité du conflit des OS de lautomne 1981 et condamne la direction accusée de ne pas respecter les orientations gouvernementales. Le 22, dans le deuxième collège (employés, techniciens et encadrement), la CGT obtient 30,39 % des suffrages exprimés contre 41,63 % aux élections précédentes.
Pologne
Du 14 au 21 octobre 1981, Lech Walesa, président du syndicat indépendant polonais Solidarité, effectue une visite en France à linvitation des syndicats CGT, CFDT, CFTC, FO et FEN. Le 15, il sentretient avec des responsables de la CGT.
Du 13 au 30 décembre, réactions à la CGT après linstauration de létat de guerre en Pologne. Le 13, un communiqué du Bureau confédéral de la CGT estime quil faut faire « preuve de mesure et de sens des responsabilités pour préserver une issue positive aux événements de Pologne. Georges Marchais déclare quil entend « sabstenir de toute initiative qui pourrait gêner la recherche dune issue pacifique à la cris. Le 14, il déplore les « surenchères qui ont entravé le processus de réformes » en Pologne et ajoute que lattitude « la plus responsable » est déviter toute ingérence extérieure. Le journal LHumanité dénonce « les extrémistes et les excès de Solidarité. »
Le 14, Georges Séguy justifie laction du général Jaruzelski et refuse « toute ingérence dans les affaires polonaises », et, le 15, déclare « faire confiance aux autorités polonaises pour prolonger le processus de renouveau démocratique » et souhaite la cessation de létat durgence en Pologne « sil est vrai que dauthentiques syndicalistes polonais ont fait lobjet de mesures dinternement ». Divergences de certains responsables fédéraux et confédéraux notamment, le 14, de Gérard Gaumé et neuf membres de la CE (Lambert, Gilles, Caudron, Parent, Buhl, Moynot, Jevodan, Feuilly, Carassus), qui condamnent « larrestation des syndicalistes » et réclament le rétablissement des libertés syndicales et politiques en Pologne. Le 17, le Syndicat national des douaniers CGT condamne les événements en Pologne. Le BP affirme que les communistes français « comprennent et partagent » lémotion provoquée par la situation en Pologne.
Le 18, le Bureau confédéral refuse de participer à larrêt de travail dune heure organisée le 21 par les autres syndicats. Les neuf membres de la CE lancent un appel en faveur de « Solidarité ». Il se crée une « Coordination syndicale CGT pour Solidarité » à linitiative de militants hostiles à la position confédérale. Le 21, plusieurs organisations de la CGT participent à larrêt de travail dune heure. Georges Marchais estime que la grève dune heure des syndicats CFDT, FO, FEN, CFTC, CGC est un échec et un désaveu, que la droite et le CNPF « qui sétaient déchaînés pour assurer le succès de cet arrêt de travail » reçoivent un « cinglant camouflet ». Il condamne également les grands moyens dinformation « qui plusieurs jours durant, ont donné une image systématiquement déformée de létat réel de lopinion de notre pays pour essayer dagir sur elle ». Le 23, il écrit au général Jaruselski, président du Conseil militaire de salut national, pour appeler à « rapporter dans les meilleurs délais toutes les mesures dexception ».
Le 30, la Coordination syndicale CGT pour Solidarité affirme représenter 355 organisations et sections de la CGT. Georges Marchais condamne les sanctions américaines à lencontre de lUnion soviétique du 29 estimant que lURSS ne porte pas de responsabilité dans la situation polonaise.
URSS. Droits de lhomme
Début décembre, se poursuit la grève de la faim commencée le 22 novembre par Andrei Sakharov, physicien soviétique dissident et par son épouse, pour obtenir le visa de sortie de leur belle-fille, Lisa Alexeieva, qui veut rejoindre son mari aux Etats-Unis. Le 9, fin de la grève des Sakharov après la promesse des autorités soviétiques daccorder un visa de sortie à Alexeieva. Le 10, la CGT proteste contre les entraves à la liberté de circulation en URSS.
PCF
Elections législatives
Le 12 mai, le Bureau politique du PCF se déclare « au service de laction pour le changement » et prêt à assumer des responsabilités gouvernementales. Le 15, lors du Comité central, le rapport de Georges Marchais insiste sur la nécessité de réélire les députés communistes sortants. Dans une conférence de presse, Pierre Juquin, membre du Bureau politique, affirme que le PCF est prêt à « aller au gouvernement tout de suite », mais souligne que le premier gouvernement formé par le président François Mitterrand avant les élections législatives aura un « caractère particulier » et provisoire. Le 18, il estime que les électeurs perdus par le PCF le 26 avril reviendront vers lui aux élections législatives. Le 18, Georges Marchais, devant le groupe communiste de lAssemblée nationale, déclare que les communistes sont « membres à part entière de la majorité présidentielle » et appelle à élire une Assemblée nationale à majorité dunion de la gauche. LHumanité constate que le gouvernement formé le 22 par Pierre Mauroy ne comprend pas de ministres communistes et réaffirme que le PCF reste prêt à assumer des responsabilités gouvernementales, elle fixe des objectifs relatifs au niveau de vie, à la relance de léconomie, à la durée et aux conditions de travail et déclare : « Pour réussir, il faut les communistes. » Pierre Juquin estime possible de « trouver les bases dun accord. » Le 29, premier contact entre Charles Fiterman, membre du secrétariat du Comité central, et Jean Poperen, secrétaire national du PS. Le 28, Guy Hermier considère que le PCF ne serait pas engagé par un gouvernement dont il ne serait pas membre, mais voterait les projets quil jugerait positifs. Georges Marchais déclare quun accord avec le PS est possible et se prononce pour le maintien de léquilibre des forces en Europe. Charles Fiterman reconnaît que le débat au sein de la gauche a été perçu de façon négative par lopinion et estime quil faut « constater ce qui permet laccord ».
Le 2 juin, les négociations reprennent avec le PS. Le 4, une déclaration commune est signée et, lors dun meeting à Paris, Georges Marchais souligne l « esprit positif et constructif » du PCF devant la « situation nouvelle » et déclare que « le PCF peut considérer avec fierté le combat quil a mené pour lélection présidentielle. » Le 11, Charles Fiterman estime « normal » que le résultat des élections législatives soit influencé par celui de lélection présidentielle. Marchais juge « extrêmement importantes » les convergences avec le PS, souhaite que lURSS retire ses troupes dAfghanistan dès que les « ingérences étrangères » cesseront et indique que le PCF ne souhaite pas aller au gouvernement « pour quelques jours ou quelques mois. » Il signe un article intitulé « La gauche a besoin de tous ses atouts. » Le 14, le PCF obtient 4 050 719 voix, soit 16,18 % des suffrages exprimés. Le PS et le MRG obtiennent 9 411 275 voix, soit 37,60 % des suffrages exprimés.
Le 14, Georges Marchais évoque le respect du désistement PC-PS et le désir du PCF dassurer toutes ses responsabilités, y compris au gouvernement. René Andrieu, rédacteur en chef de LHumanité, explique le « score modeste » du PCF par les réflexes de « vote utile » de lélectorat et non par un « déclin historique ». Le 15, le BP appelle à élire tous les candidats communistes placé en tête, afin de permettre une participation du PCF au gouvernement.
Charles Fiterman annonce louverture prochaine dun débat au sein du Parti pour tirer les conclusions des résultats électoraux, dans la ligne des 22e et 23e congrès.
Le 21 juin, au 2ème tour des élections législatives, le PC obtient 44 élus, soit une perte de 42. Le PS emporte 269 sièges, soit un gain de 162 sièges, qui lui donnent la majorité absolue à lAssemblée nationale. A Paris, le PCF perd ses 4 élus.
Le 21 juin, Georges Marchais évoque « la contribution du Parti communiste à la victoire » de la gauche et lexistence de convergences suffisantes avec le PS « pour gouverner et être solidaires au sein du gouvernement. » Charles Fiterman indique : « Dès lors que nous entrerons au gouvernement, nous respecterons la solidarité gouvernementale. » Pierre Juquin met en avant « lapport décisif des voix communistes » et la résolution du PCF « dassurer toutes ses responsabilités dans la mise en uvre de la politique nouvelle » en étant « immédiatement prêt à ce que des ministres communistes siègent au gouvernement. »
Gouvernement. Formation du 2ème gouvernement Mauroy
A la suite de laccord PS-PCF du 22-23 juin, approuvé le 23, à lunanimité, par le CC du PCF, Mauroy constitue le 23 son gouvernement où entrent quatre ministres communistes : Charles Fiterman devient ministre dEtat aux Transports, Anicet Le Pors, Jack Ralite et Marcel Rigout, deviennent ministres de la Fonction publique et aux réformes administratives, à la Santé et à la Formation professionnelle.
Charles Fiterman déclare : « Nous ne sommes pas les délégués du Parti communiste. Nous dénions à qui que ce soit le droit moral de mettre en doute notre loyauté à légard de la France. »
Un peu plus tard, il indique quil ne participe pas à une « expérience social-démocrate classique » et quil entend respecter la solidarité gouvernementale.
Philippe Herzog caractérise laction du Parti communiste par rapport au gouvernement par « solidarité et différence » mais sans « surenchère » et souligne la nécessité des réformes.
Anicet Le Pors estime que les ministres communistes sont « parfaitement à laise » dans le gouvernement.
René Piquet considère comme « positifs » les premiers actes gouvernementaux. Il affirme la nécessité dune action « ambitieuse » pour résoudre les difficultés économiques et réaffirme lattachement du PCF au principe de la solidarité gouvernementale.
Charles Fiterman estime que le gouvernement « avance dans le bon sens », dénonce « le tapage organisé par certains milieux de droite » contre les réformes entreprises, juge que le contrat de gouvernement « est respecté de part et dautre » et lie le « regain des tension » internationale à lattitude des Etats-Unis.
LA QUESTION DES MINISTRES COMMUNISTES
Chez nos dirigeants interrogés la présence de ministres communistes dans le gouvernement formé par Pierre Mauroy, en juin 1981, est diversement ressentie.
Nous évoquerons dabord ceux en responsabilité à ce moment là à la direction du PCF et à celle de la CGT.
Pour le plus connu, dentre eux, Georges Séguy :
« Jétais, à ce moment-là, favorable à lentrée des communistes, pas par illusion mais parce que je pensais que dans la manière dont les choses sétaient passées et avaient évolué, limmense majorité de nos électeurs naurait pas compris quaprès la victoire dune majorité de gauche et malgré un affaiblissement du Parti, on refuse daller au gouvernement ainsi quil avait été proposé. Et, dans ces circonstances, jai beaucoup insisté, on peut le retrouver dans les écrits qui sont publiés dans Le Peuple ou La VO, sur lidée quil ne fallait surtout pas quon sen remette à laccord de sommet qui est vraiment très fragile, mais persévérer dans lidée que toute la suite dépendait de la manière dont le mouvement social, les travailleurs interviendraient dans les questions et les difficultés. »
Cet avis nest pas partagé par Louis Viannet :
« Je suis contre lentrée des communistes au gouvernement parce que je considère, alors, que politiquement le Parti nest pas prêt
Je le dis. Je me fais ramoner. Jai un tête-à-tête mémorable avec Gaston Plissonnier
pendant une heure il ma expliqué que javais tort. Et quand je me remémore la discussion que jai eue avec Gaston à ce moment-là, il était marqué par la période quil avait connue et que moi je navais pas connue du lendemain de la guerre où effectivement les communistes avaient joué un rôle important. Il a eu du mal à me convaincre parce que moi je lui disais : tu as tout à fait raison, mais on nest plus dans la même période, on est avec un président de la République socialiste qui veut nous faire la peau, qui veut nous ramener à la portion congrue et cela cest pas pour faire une politique de transformation de la société, cest pas possible. Mon souci était que le Parti garde sa liberté daction. »
Outre ces deux dirigeants, dautres avec qui nous avons eu des entretiens évoquent la question de la présence des ministres communistes au gouvernement.
André Sainjon évoque :
« Un événement majeur dans la vie nationale.
Claude Billard, à lépoque non encore membre du Comité central, indique :
« Le communiste, il voit dabord le déséquilibre entre les deux partis de gauche, le fait que le Parti ne sorte pas renforcé, bien au contraire
Donc, déçu. Et le syndicaliste croit, enfin il espère quil y a des choses qui vont bouger, les nationalisations notamment, annoncées dans le programme, et en même temps très réservé. Lorsquil y a lannonce des résultats avec la fameuse image télévisée, je suis chez moi avec des copains du Bureau de lUD. On voit le front de Mitterrand qui se dessine. Je suis à La Source, cest un quartier dOrléans tout neuf de 3.000 habitants et pour lessentiel des immeubles. Jentends une explosion de joie sur les balcons. Il y a une manifestation de joie dans les rues dOrléans, quelques-uns dentre nous y vont dailleurs. Moi, je ny serais pas et dautres restent avec moi. Donc, cest un sentiment partagé, le communiste nest pas satisfait mais le syndicaliste pense que, après tout, il y a peut-être une chose qui peut bouger et notamment les nationalisations. Il y a quand même un espoir, le syndicaliste, il se dit : ça peut peut-être bouger, en tout cas ça ne peut pas être pire que la droite. »
Thérèse Hirszberg nous dit :
« On avait quand même vu arriver les choses. Honnêtement, ceux qui nont rien vu, je veux bien, mais
Donc, moi javais réuni mes copains du secrétariat de lUGFF dans les heures qui avaient précédé, puis on sétait réunis immédiatement et on sétait calés. Pendant les semaines qui avaient précédé, nous avions eu quelque avant-goût de ce qui nous attendait. Nous avions mis la main sur le chiffrage par le PS de ce que serait sa politique de la Fonction publique. On était jeune, on avait tout déballé à une conférence de presse. Ca nous avait valu des volées de bois vert. Javais dit aux copains : nous allons entrer dans la tourmente la plus totale
nous ne dérogerons pas dun iota à lindépendance de la CGT et tous nos actes seront fait en fonction de ce que nous considérons être nos positions. Ca a été le fil conducteur de nos actes et nous avons résisté à tout.
« Dès quon a su quon avait un ministre communiste de la Fonction publique, jai passé deux nuits blanches
les gens téléphonaient chez moi pour demander de les pistonner pour entrer au cabinet. Je garde toujours pour moi les noms parce que certains je my attendais mais dautres pas du tout
81 ma permis de découvrir ce quest lattrait épouvantable du pouvoir. Tu as eu des copains, dénonciateurs du PS, avant et pendant la campagne électorale, tu ne pouvais pas trouver mieux, qui, du jour au lendemain, allaient trouver bien tout ce qui la veille était mal. »
Georges Lanoue indique :
« Moi, jétais partisan, dans le contexte de lépoque, à ce quil y ait des ministres communistes. »
Communistes critiques
Le 13 mai 1981, Henri Fiszbin, ancien membre du Comité central du PCF, annonce la création dun « Centre de rencontres communistes » dans le but de « favoriser le débat et la réflexion à lintérieur du PCF. »
Jean Gajer, conseiller PCF de Paris, écrit aux électeurs du 18ème arrondissement, demandant la démission de Georges Marchais de ses fonctions de secrétaire général du PCF. René Piquet, membre du BP, souligne que la position de Georges Marchais « nest pas menacée » et que les décisions du PCF sont de la responsabilité de lensemble de la direction du Parti et non de Georges Marchais seulement.
Le 25 juin, le collectif fondateur des Rencontres communistes, que préside Henri Fiszbin, publie une déclaration évoquant les « variations de la ligne politique » du PCF, qui « ont porté atteinte à sa crédibilité », et préconisant dans limmédiat un vaste débat « à partir de la base du Parti. » Le 29, Henri Fiszbin est exclu du Comité fédéral de Paris du PCF, ainsi que les dix autres animateurs de Rencontres communistes, sur proposition du Bureau fédéral.
Henri Fiszbin critique lanalyse politique du PCF depuis 1977 et son mode de fonctionnement. Il met laccent sur limportance de la ligne unitaire et la nécessité des changements dans le Parti afin délargir le débat démocratique. Henri Malberg estime que les organisateurs de « Rencontres communistes » ébauchent la création « dun Parti parallèle » et ne respectent pas « les règles élémentaires » du PCF. Le 3, douze exclus de « Rencontres communistes » appellent le CC du PCF à demander lannulation de cette sanction en contradiction avec la promesse dengager un débat ouvert. Le 7, Alain Leygnier, journaliste à LHumaniité, sous le pseudonyme de Nicolas Prayssac, démissionne : il dénonce « la politique sectaire et ouvriériste imposée au Parti par une direction coupée des masses. » Le 8, Henri Fiszbin récuse lappellation de « Parti parallèle » et affirme que, malgré les sanctions, il ne modifie pas sa ligne de conduite critique, tout en conservant la plate-forme du PCF comme référence. Maurice Goldring, membre du Conseil de rédaction du journal communiste Révolution, écrit une lettre critiquant le rapport de Georges Marchais devant le dernier CC.
Le 23 septembre, lors dune conférence de presse, les animateurs de « Rencontres communistes » rendent publique une lettre adressée au CC affirmant que la remontée de linfluence du PCF suppose de profondes transformations de sa vie intérieure. Le 29, est annoncé la décision de la cellule Jaurès du Paris, du 19e arrondissement de Paris, de demander au CC lexclusion de Henri Fiszbin, ancien premier secrétaire de la Fédération de Paris du PCF.
Le 2 octobre, dans un communiqué « Rencontres communistes » dénonce « le caractère illégal » de leur « exclusion de fait ». Henri Malberg affirme que lexclusion de fait des animateurs de « Rencontres communistes » ne sanctionne que leur activité de tendance. Le 6, les membres de « Rencontres communistes » adressent une lettre au CC demandant « le respect de la légalité du Parti » et louverture dun débat démocratique avant le 24e congrès. Le 7, « Rencontres communistes » organise un débat à Paris. Une pétition de soutien signée par 250 membres du PC, notamment des élus et des responsables locaux, est publiée.
Le 14 octobre, le groupe communiste du Conseil de Paris exclut de ses rangs Françoise Durand, Henri Fiszbin, Michel Férignac, Jean-Jacques Rosat, tous membres de « Rencontres communistes » en raison du refus de se démettre de leur mandat en faveur de leurs suppléants. Le 19, dans une lettre au maire de Paris, Henri Fiszbin et ses amis contestent au plan statutaire cette décision et réaffirment leur appartenance au groupe communiste.
Publication dune liste de 500 signatures dune pétition lancée dans le PCF contre lexclusion de fait de Henri Fiszbin et des 29 autres fondateurs de « Rencontres communistes ».
Le 17 novembre 1981, Jeannette Thorez-Vermeersch, militante PCF, veuve de Maurice Thorez, adresse une lettre au CC exprimant son désaccord avec les dirigeants du Parti depuis 1956, critiquant le projet de résolution en vue du 24e congrès, dénonçant lopportunisme et le réformisme de la direction actuelle du PCF qui a conduit au « recul historique » du Parti.
Une contribution publiée dans la tribune de discussion préparant le 24e congrès du PCF annonce 1 700 signatures de membres du PCF dans une pétition condamnant les sanctions contre « Rencontres communistes ».
Dans la tribune de discussion, Jacques Arnault, ancien rédacteur en chef de la Nouvelle-Critique, critique la candidature de Georges Marchais pour le renouvellement de son mandat. Dans une réponse, Lucien Sève soutient Georges Marchais.
Publication dune nouvelle liste de 250 signatures de la pétition dopposant à lexclusion de fait de 30 membres fondateurs de Rencontres communistes.
Le 19 janvier 1982, « lettre ouverte » des animateurs de Rencontres communistes qui condamne la préoccupation des dirigeants du PCF de franchir léchéance du vingt-quatrième congrès sans mise en cause de leur responsabilité dans la situation actuelle du Parti. Au sujet de la Pologne, ils critiquent un refus de « regarder en face la réalité du socialisme existant ». Ils demandent que lordre du jour du congrès soit modifié pour y traiter de la position du PCF vis-à-vis du nouveau pouvoir, de la situation concrète du pays et du monde et de nouvelles « normes démocratiques » de fonctionnement interne. Le 28, Charles Fiterman souligne la nécessité dun travail dapprofondissement des idées communistes dans le pays.
Le 19 janvier, conférence de presse de quinze journalistes licenciés de LHumanité-Dimanche, qui dénoncent des motivations politiques dans leur licenciement et soulignent la difficulté de réembauchage à la télévision ou à la radio par suite dun accord PS-PCF prévoyant que les seuls communistes susceptibles dêtre embauchés sont ceux qui figurent sur une liste établie par Pierre Juquin.
Jeannette Thorez-Vermeersch, ancienne membre du BP du PCF, critique Georges Marchais pour sa « politique au jour le jour ».
En réaction au 24e congrès du PCF, Henri Fiszbin affirme que celui-ci « va senfoncer davantage encore dans limpasse politique ».
Les 25 et 26 juin, le CC se réunit. Il adopte à lunanimité le rapport de Georges Marchais. Ce rapport fait le bilan des élections législatives et analyse les causes du « sérieux revers » subi par le PCF. Il annonce lorganisation du 24e congrès fin janvier-début février 1982. Le congrès sera préparé à partir doctobre 1981 sur la base dun document qui sera lui-même préparé par une commission (dont les 22 membres sont désignés) et adopté par le CC de manière à « créer les conditions dun débat sérieux, large, approfondi dans tout le Parti ». Georges Marchais analyse les effets du « fait présidentiel », mécanisme institutionnel qui marginalise les forces politiques mal placées pour participer au second tour et favorise la « conduite de vote utile » et la constitution dun « parti du président ». Il relève un certain nombre d « erreurs » du PCF (mauvaise conception de la « forme dunion » retenue en 1972 ; échec à faire comprendre ses véritables positions, notamment sur les problèmes des immigrés, de la drogue et de lAfghanistan ; action trop exclusivement tournée vers les travailleurs les plus défavorisés au détriment des autres catégories). Il confirme la validité de la stratégie adoptée au 22e congrès et au 23e congrès. Il analyse lévolution du PCF depuis 1934-36. Il définit quelques directions de réflexion et daction (« rendre plus perceptible la perspective du socialisme démocratique » que propose le PCF, « traduire plus concrètement la stratégie davancées pas à pas, de conquêtes démocratiques toujours plus poussées », « redonner un nouvel élan à lactivité de masse des communistes », « prendre en charge les intérêts de tous sans relâcher leffort prioritaire en direction de la classe ouvrière »). Il définit des tâches immédiates du Parti et de son rôle (« ni force dappoint, ni mouche du coche, notre Parti est une force qui compte et qui comptera ») pour la solution des problèmes sociaux et du problème de lemploi, pour la défense et la relance de lactivité économique, technique, scientifique et culturelle du pays, pour lextension des droits et des libertés démocratiques, pour la démocratisation de lEtat, des institutions et de la vie politique (décentralisation, régionalisation, représentation proportionnelle). Il affirme la détermination du « parti révolutionnaire » quest le PCF à « contribuer à la réussite du changement », aussi bien au gouvernement quà lAssemblée nationale et « dans tout le pays », dans les entreprises et les localités. Le successeur de Charles Fiterman au secrétariat du CC nest pas désigné.
Georges Marchais déclare que les ministres communistes sont des « ministres à part entière » et que les mesures prise et annoncées « vont dans le bon sens de ce que souhaitent les Français. »
Il affirme le soutien « sans réserve » des communistes au gouvernement, tout en faisant des propositions et en luttant pour leur succès. Il se félicite des mesures de défense du franc et du plan daction présenté par le Premier ministre.
Les 8 et 9 octobre, le CC, réunit, fixe la date du 24e congrès (3-7 février 1982, à Saint-Ouen) et confirme lexclusion des membres de « Rencontres communistes ». Le projet de résolution adopté par le CC en vue du 24e congrès est publié. Ce projet contient des explications de « limportant recul électoral » du PCF (stratégie inadaptée à lévolution de la société, « retard à définir la perspective du socialisme démocratique et autogestionnaire », effets négatifs du Programme commun et de la bipolarisation de la vie politique) et énumère les objectifs du PCF en matière économique (« dautres nationalisations seront nécessaires ») et sociale (réformes fiscales, reconnaissance de droits nouveaux aux travailleurs dans lentreprise).
Paul Laurent affirme que la « stratégie dunion » de la gauche a conduit le PCF à « léchec électoral actuel. »
Le 4 décembre 1981, Georges Marchais présente un rapport au CC justifiant la participation des communistes au gouvernement. Le CC adopte une résolution invitant le gouvernement à « résoudre les problèmes de la crise, le chômage et la hausse des prix. »
Le 11 décembre 1981, à Lens, il critique les tentatives du patronat pour « faire échouer laction gouvernementale » et estime que « le gouvernement soriente dans la bonne direction. »
Le 12 janvier 1982, réunion du CC. Adoption du rapport de Madeleine Vincent, membre du BP, préparant les élections cantonales des 14 et 21 mars 1982. Il fixe le double objectif de favoriser la réalisation du changement et de renforcer linfluence du Parti.
Congrès du PCF
Du 3 au 7 février 1982, 24e congrès du PCF à Saint-Ouen. Le 3, Georges Marchais présente le rapport du Comité central. Il analyse lactivité du Parti, dresse un bilan critique du recul électoral du PCF depuis 1973, examine les rapports avec le PS et le gouvernement (« notre Parti entend jouer son rôle de grande force populaire, révolutionnaire et nationale »), apporte des réflexions sur « la voie française au socialisme » (« le socialisme nest pas un objet dimportation »), expose les positions du PCF sur la politique extérieure (dénonciation de la campagne pour les droits de lhomme qui « nest pas humanitaire mais politique » ; appel à la coexistence pacifique et au désarmement), rappelle la position du PCF sur la question polonaise (le PCF souhaitant « une issue pacifique qui favorise une entente nationale et la mise en uvre des réformes »), les autres PC (refus de leuro-communisme), en ce qui concerne la politique intérieure française, Georges Marchais réclame des élections à la représentation proportionnelle et linstauration dun « véritable pouvoir régional », il récuse lidée dun « soutien massif » au gouvernement « même si celui-ci comporte des ministres communistes ». Le 4, interviennent notamment Henri Malberg, premier secrétaire de la Fédération de Paris (qui évoque la participation du PCF à la politique gouvernementale et dénonce lactivité fractionnelle de « Rencontres communistes », de Philippe Herzog, membre du Bureau politique, qui souligne que le gouvernement « va dans la bonne direction », que le PCF ne veut « faire aucune surenchère » mais estime que les réformes doivent être poursuivies « au rythme nécessaire »), de Daniel Garipuy, délégué de la Haute-Garonne, qui critique « la faute politique grave qui consistait à rejter le PS vers la droite et qui est responsable du recul électoral du PCF » et juge « la démocratie insuffisante dans le Parti » ce qui « crée les conditions de la naissance des fractions ». Charles Fiterman insiste sur la présence positive des communistes au gouvernement (les ministres communistes travaillent au changement). Le 5, Georges Marchais, devant la presse, évoque la réduction du temps de travail (« ce nest pas un bon accord
») pour se dire favorable au maintien des avantages acquis et du pouvoir dachat. Il évoque encore : les divergences dappréciation avec le PS qui nempêche pas « une solidarité sans faille » dans laction gouvernementale ; les communistes critiques (« Fiszbin nest pas communiste »). André Lajoinie, Georges Marchais et Paul Laurent déclarent que les médias et linformation « déforment les prises de position de la direction du Parti ». Le 6, les interventions des délégués se poursuivent : notamment de Jacques Estager, directeur du quotidien du Nord Liberté, sur la Pologne (la crise polonaise nest pas due à « léchec historique du socialisme mais à léchec dune politique qui a méconnu les réalités économiques et lexigence de démocratie dont le socialisme est porteur », et de Guy Hermier, membre du Bureau politique et rapporteur de la Commission de la Résolution, sur la situation politique en France, qui estime que le pays ne sengage pas fatalement dans une « expérience social-démocrate » grâce à « lintervention révolutionnaire » du PCF, et réclame « le droit à une information pluraliste et honnête » contre « les professionnels de lintoxication publique ». Le projet de résolution est adopté à lunanimité moins une abstention. Il condamne notamment toute tentative « au sein de la gauche » daffaiblir le Parti, appelle au renforcement dun « syndicalisme de classe » et invite les communistes à jouer leur rôle à lintérieur de la CGT. Il regrette les « difficultés et les surenchères qui ont conduit la Pologne à la proclamation de létat dexception. »
FEVRIER 1982 : VIANNET EST ELU AU BP
Louis Viannet évoque pour nous cette élection :
« Au moment de lélection de François Mitterrand, je suis membre du Comité central et membre de la CE de la CGT. Mais, dans quelques mois, va se tenir le congrès du Parti et dans la même foulée, à quatre mois près, le congrès de la CGT. Les discussions sur le renouvellement des organismes, dans lun et dans lautre, démarrent en amont. Moi, celui qui demande à me voir et qui me dit quil pense à moi pour le Bureau politique, cest Georges Séguy. Au moment où commencent les discussions pour le renouvellement de la direction du Parti communiste, Séguy a pris la décision et annoncé, en tout cas au Bureau politique et au Bureau confédéral, quil ne solliciterait pas le renouvellement de son mandat de secrétaire général. Ce sont des périodes qui ouvrent toujours moult spéculation, supputation. Georges minforme quil à lintention de me proposer au Bureau politique mais il ne men dit pas plus. Ce doit être au mois de décembre, cest-à-dire quelques huit semaines avant le congrès, peut-être même pas. Dans quel état desprit Georges fait-il cette proposition ? Georges a décidé de sen aller et il défend lidée, devant le Bureau politique, quil considère, lui, que ce serait mauvais pour le Parti et pour la CGT que Henri Krasucki soit le seul représentant de la CGT au Bureau politique. Henri défend la thèse inverse : un tout seul ça suffit. Je vais, dit-il, me retrouver à la tête de jeunes, jai besoin dasseoir mon autorité- ce qui était complètement faux, parce que lautorité il lavait. Donc, Georges défend lidée dune deuxième candidature au Bureau politique et il propose ma candidature. Sur le contenu des débats au BP, je nai su que lessentiel. Georges ma fait lire lintervention quil a faite au Bureau politique. Le résultat est que le Bureau politique, à deux exceptions près, accepte ma proposition : Henri qui reste sur sa position et Le Guen. Tous les autres membres du Bureau politique disent daccord avec une deuxième présence CGT. Je suis donc élu au Bureau politique au congrès.
« Je ne sais pas si au moment de cette proposition Georges voyait déjà plus loin. Je ne sais pas. Je pense que oui, mais cest tout. Par contre, ce qui est sûr, son souci cétait quHenri ne soit pas seul au Bureau politique. Avec lidée, je crois, quil voulait éviter quHenri puisse se servir de lautorité du Parti pour imposer un certain nombre de choses au Bureau confédéral. Parce que, à lépoque, il y avait au Bureau confédéral, Michel Warcholak qui était membre du Comité central, René Lomet qui était membre du Comité central. »
FEVRIER 1982 : OBADIA EST ELU AU COMITE CENTRAL
Portrait
Le père dAlain Obadia, quil ne voit que de temps en temps, est chauffeur de taxi, vote communiste depuis toujours et lit régulièrement LHumanité. Sa mère, après avoir été ouvrière dans le textile, est entrée comme poinçonneuse intérimaire à la RATP au début des années 60. Ils sont séparés et il vit avec sa mère, sa grande sur et son petit frère dans une HLM, porte de Clignancourt. Sa mère est syndiquée à la CGT et vote communiste :
« Elle me disait : il faut voter communiste, cest eux qui défendent les ouvriers. Cétait pour elle un vote naturel, un vote sociologique, de classe. Elle se disait : il faut se défendre. »
Alain Obadia fréquente le collège, le directeur de lécole primaire, où il a effectué sa scolarité primaire, ayant dissuadé sa mère de lenvoyer au lycée parce que pour une famille ouvrière, il vaut mieux songer à des études courtes :
« Ca a été une période bénie de ma vie. Jai trusté tous les prix, sauf le prix de gymnastique que je nai jamais réussi à avoir. Jai trusté tous les prix mais, visiblement, parce que mon orientation était mauvaise. Et donc, à partir de là, alors que le collège devait sarrêter en troisième, on ma transféré au lycée. Jai fait la suite de ma scolarité à Honoré de Balzac, jusquau bac. Je ne peux pas dire que jétais un élève exceptionnel, ça se passait bien. Ca cest très bien passé à partir du bac. Javais une motivation particulière : ma mère était seule et cétait quand même difficile à la maison, on était ric et rac du point de vue financier et je me disais il faut que je fasse des études parce que si je ne fais pas détudes je ne men sortirais pas. En même temps, il faut que je fasse des études où je ne traîne pas, parce que ça ne pourra pas durer longtemps comme ça. Javais un goût pour les questions politiques, historiques, sociales. Je métais renseigné. A lépoque, Sciences Po se faisait en trois ans et on avait un diplôme qui avait une certaine cote. Donc, lannée du bac, jai bossé comme un fou, jai eu une mention ce qui fait que je nai même pas eu à passer le concours de Sciences Po, je suis rentré directement. Sciences Po sest bien passé. Mais, jy ai découvert le côté ségrégation sociale, les enfants douvriers on devait être cinq ou six. Il y avait le fils Lesieur, des fils de préfets, etc. Je me disais que jamais je narriverais à être à égalité avec eux. Cette année sest terminée par Mai 68 et, tout dun coup, je suis devenu quelquun de très populaire là-bas, jétais le fils douvrier. Cest là où je suis rentré dans le militantisme étudiant. Je suis devenu le président de lUNEF Science Po. Ensuite, les études se sont bien terminées. »
Alain Obadia termine sa scolarité en 1971, il a vingt et un ans et, en poche, son diplôme de Science Po. Il devient cadre à la RATP :
« Jai fait trois demandes demploi, lune à la RATP, lautre à la SNCF, la troisième à Air France. Javais déjà fait un stage détudiant à la RATP parce que ma mère y était et la RATP ma répondu la première. Comme il me proposait un truc sympa, je me suis dit : cest une entreprise que je connais, allons-y. Après, les deux autres mont répondu positivement aussi. On voit bien que la situation était différente. »
Il ajoute :
« Il y avait de ma part la volonté dêtre dans une entreprise publique, une entreprise de service public. »
Plus généralement, dit-il :
« Je voyais ma vie avec une forte composante de militantisme. »
Cest ce militantisme qui la conduit, un an plus tôt, à adhérer à lUEC, où, étant actif, il prend rapidement des responsabilités.
A la RATP, après lembauche, il convient dattendre une année pour que lemploi devienne statutaire. Alors :
« Les copains du syndicat mont dit : Tu te tiens à carreau, pas trop de vagues. Donc, à ce moment-là, jai plutôt eu une activité politique mais qui était extérieure à lentreprise. »
Il est rattaché à la cellule communiste dentreprise de Bercy de la RATP, mais milite sur le plan local dans le 12ème arrondissement avec la responsabilité de lactivité en direction des entreprises et notamment lobjectif dimplanter des cellules dans les nouvelles tours de Bercy.
Cest aussi la période où il envisage son mariage. Sa future épouse nest pas une militante et la perspective dune activité militante par trop intense, le soir et le week-end, linquiète quant aux conséquences pour leur jeune couple. En 1973, après la campagne des élections législatives, il décide de faire évoluer son activité militante vers lentreprise. Il est élu à la commission économique du comité dentreprise de la RATP. Cest cette responsabilité qui lamène à participer à un congrès de lUGICT :
« René Le Guen ma repéré. Il sest dit : lui, il faut le prendre pour renforcer les organismes de direction. »
Et cest ainsi que :
« Tout en restant dans mes fonctions syndicales à la RATP, je suis devenu, en 1974, responsable dune structure qui na pas duré très longtemps, qui était le Centre des jeunes de lUGICT.
« Et puis, à partir de là, Georges Séguy cherchait un secrétaire pour remplacer René Lomet qui accédait au Bureau confédéral, il a demandé à René sil ne connaissait pas quelquun et René lui a dit : Oui, jai quelquun, mais je te le prête. »
En 1975, Alain Obadia devient le secrétaire politique de Georges Séguy.
En 1978, au congrès de Grenoble, il est élu à la CE confédérale. Lon a vu plus haut, ce quindique Alain Obadia sur les suites de ce congrès. En tout cas, dit-il
« Le problème sest posé pour moi dévoluer dans les responsabilités et cest à peu près à cette époque que René Le Guen a considéré quil souhaitait récupérer le capital quil avait investi dans la Confédération avec moi. Et donc, en 1979, je suis revenu à lUGICT où jai été très rapidement élu secrétaire général adjoint. Jétais membre de la CE confédérale et secrétaire général adjoint de lUGICT avec la perspective den devenir rapidement le secrétaire général. »
En février 1982, Alain Obadia est élu au Comité central :
« Il est clair que si je suis devenu membre du Comité central en 1982 cest parce que je devenais le secrétaire général de lUGICT. Le congrès du Parti communiste a dû avoir lieu au mois de février, jai donc été élu au Comité central à cette date-là. Il était de notoriété publique que jallais devenir secrétaire général de lUGICT au mois de mai, si mes souvenirs sont bons. La fonction syndicale de secrétaire général de lUGICT ouvrait tout naturellement la porte à la nécessité dêtre au Comité central à cette époque-là. »
7 FEVRIER 1982 13 JUIN 1982
PCF
Elections cantonales
Le 5 mars 1982, à Saint-Quentin, Georges Marchais estime quil reste « de graves problèmes à résoudre notamment lemploi, le pouvoir dachat et le manque de droits pour les travailleurs » et affirme que « la lutte des classes ne sest pas terminée en mai dernier ». Il appelle les électeurs à voter lors des cantonales pour que « les communistes aient une juste représentation au sein de la majorité. »
Le 14 mars, lors du 1er tour des élections cantonales, le PCF, avec 15,9 % des suffrages exprimés, est en recul. Le PS, avec 29,71 %, se maintient. Le 17, Georges Marchais déclare que son parti « améliore son pourcentage par rapport à juin 1981 » et estime que la gauche a des réserves pour le deuxième tour. Dans un appel le PCF constate que « la gauche nest pas entièrement parvenue à mobiliser ses forces » et affirme vouloir que « le changement continue ». Dans un communiqué commun, PS et PCF appellent au désistement réciproque en faveur du candidat de gauche le mieux placé.
Le 21 mars, au deuxième tour des élections cantonales, la majorité obtient 51,84% des suffrages exprimés, mais perd une centaine de sièges, lopposition en gagne 267. Le PCF obtient 191 sièges, soit une perte de 45, le PS 504 sièges, soit une perte de 7 sièges, le MRG obtient 61 sièges, soit une perte de 27 sièges. Georges Marchais affirme que la droite « na pas hésiter à se livrer à une opération contre le franc » et appelle à la poursuite du changement.
Le 25 mars 1982, le CC se réunit pour tirer les enseignements des élections cantonales. Georges Marchais estime, au sujet des résultats obtenus par le PCF, que les événements de Pologne portent un « préjudice » à la cause du socialisme et que la position « humaniste » du PCF a été « déformée » par les moyens dinformation.
Les 15 et 16 avril 1982, réunion du CC. La résolution adoptée le 16 réaffirme la nécessité de développer la démocratie dans lentreprise et de renforcer la syndicalisation.
Le 20 avril, lors dune assemblée des sections de la Fédération communiste de Paris, Georges Marchais estime que la rupture de lalliance gouvernementale serait « désastreuse pour notre peuple et pour le Parti communiste. »
Il indique quon ne peut faire un bilan de laction de la gauche avant lexpiration des mandats de lAssemblée nationale et du président de la République. Il note la persistance « de graves problèmes. » il critique les « cadeaux » du gouvernement au patronat et appelle les militants communistes à « resserrer lunion ». Du 11 au 13 mai, « séminaire » du CC et des secrétaires fédéraux non membre du CC, à Saclas, sur la mise en uvre des orientations du dernier congrès. Le 13, le rapport de Paul Laurent est adopté. Il porte sur les problèmes dorganisation du Parti et annonce le lancement dune campagne dadhésion.
Du 14 au 16 mai, se tient le deuxième congrès de lAssociation nationale des élus communistes et républicains (ANECR). Marcel Rosette, sénateur communiste du Val de Marne, président de lANECR, y déclare que les élus communistes sont « dans la majorité » mais nentendent pas être « la courroie de transmission du gouvernement. »
Le 9 juin, suite à une conférence de presse du président François Mitterrand, Pierre Juquin souligne la continuité dans les objectifs et les orientations et réaffirme la volonté du PCF de participer à la majorité et au gouvernement. Georges Marchais estime que Mitterrand a « confirmé le cap ».
Le 13 juin 1982, suite à la dévaluation et aux mesures daccompagnement, Philippe Herzog fait le procès des causes intérieures de la dévaluation (comportement des « privilégiés », des dirigeants de lindustrie et du crédit). Il affirme la nécessité de maintenir le pouvoir dachat des salariés et daméliorer les bas salaires et celle de « mesures nouvelles » pour relancer linvestissement. Pierre Juquin indique qu « il faut maintenir le cap » et faire preuve de rigueur à légard des « privilégiés».
Elections municipales
Le 6 mai 1982, début des négociations entre le PS et le PCF au sujet des élections municipales de 1983. Georges Marchais demande « lunion de la gauche dès le premier tour ».
Le 3 juin 1982, René Piquet dénonce la « gloutonnerie électorale » du PS vis-à-vis des municipalités dirigées par des communistes ou des radicaux de gauche.
Rencontres communistes
Le 6 avril 1982, les animateurs de Rencontres communistes annoncent la constitution dun Collectif national et appellent les militants du PCF à « combler le vide laissé par la politique de la direction. »
Le 13 mai 1982, assemblée débat des Rencontres communistes sur le thème : « Comment faire naître une nouvelle politique communiste pour la réussite du changement et le socialisme démocratique. »
CGT
Fonction publique
Le 8 février, Thérèse Hirzsberg déclare attendre « des avancées significatives » en 1982 en ce qui concerne la durée du travail, les créations demplois et les salaires et souligne que le maintien du pouvoir dachat sur la base de lindice de lINSEE « est inacceptable. » Le 9, Anicet Le Pors propose aux syndicats une augmentation de 10,5% avec possibilité dajustement au 1er juin 1982, qui permet danticiper la hausse du coût de la vie daprès le calcul de lindice INSEE.
La CGT conteste ces propositions estimant quelles aboutissent à « un recul du pouvoir dachat ». La CFDT les trouve « tout à fait inacceptables », FO, la CFTC, la FEN
les considère insuffisantes.
Le 16 février, poursuite de la négociation. Le 24, grève à lappel de la CGT pour exiger le maintien du pouvoir dachat.
Le 10 mars 1982, signature de laccord salarial pour 1982 pour la Fonction publique par la FEN, FO, la CFTC, la CGC et les Autonomes. La CFDT et la CGT napprouvent pas les propositions gouvernementales jugées « insuffisantes ».
Rencontre PS CGT
Le 17 février, PS et CGT se rencontrent. Georges Séguy estime que laction de la CGT est toute entière orientée vers la réussite du changement et que les orientations du gouvernement vont dans la bonne direction en soulignant des « défauts » (pouvoir dachat des salariés, SMIC, salaires dans la Fonction publique, ordonnance sur les trente-neuf heures, lenteur des réformes de la Sécurité sociale, des droits nouveaux des travailleurs et de lordonnance sur la retraite). Une déclaration commune est publiée, qui souligne le « caractère positif des réformes engagées » et les « problèmes » que pose la mise en uvre du changement. Elle appelle à une « coopération efficace ».
Elections professionnelles
Le 23 mars, élections professionnelles à Peugeot-Sochaux dans le collège ouvrier : la CGT avec 46,25 % des suffrages exprimés perd 2,96 % sur 1981. Le 31, dans le collège employés, techniciens, cadres : la CGT réalise 5,38 %, soit 1,02 % sur les «élections de 1981.
Les 14 et 15 avril, élections des délégués du personnel aux usines Renault de Douai, dans le collège ouvrier, la CGT avec 48,14 % des suffrages exprimés perd 11,6%, dans le collège cadres, avec 14,78 %, elle perd 13,3 %.
Le 13 mai 1982, élections des délégués du personnel à Renault-Flins. Dans le collège ouvrier, la CGT obtient 43,6 % des suffrages exprimés, soit une perte de 9,2 % sur les élections de 1981.
Le 9 juin 1982, élections des délégués du personnel aux Houillères du Nord. Pour les circonscriptions du fond, la CGT obtient 62,8 % des suffrages exprimés, soit 7,3 % sur les élections de 1979. Pour les circonscriptions de jour : 62,8 % des exprimé, soit 1,3 % sur les élections de 1979.
Conflit du travail dans le secteur privé
Citroën
Le 22 avril, une grève débute à lusine dAulnay-sous-Bois. Le 3 mai, entretiens séparés de représentants du ministère du Travail avec la CGT, la CFDT, FO, la CGC, la CSL et la direction : aucun accord nen résulte. Le 5, extension du mouvement à lusine de Levallois-Perret. Manifestation à Paris soutenue par la CGT, la CFDT, la FEN, les élus communistes et socialistes. Le 10, la direction mène une action en référé pour entrave à la liberté du travail. Le 11, extension du mouvement à lusine dAsnières. Le 15, début des négociations dans des locaux séparés et reliés par des caméras vidéo au siège de Citroën. A Aulnay, Levallois et Asnières, les piquets de grève, levés le 15, sont réinstallés le 16 et les négociations entre les syndicats et la direction qui devaient reprendre le 17 sont annulées puis acceptées le 18. Ce jour-là, le conflit sétend à lusine des Epinettes à Saint-Ouen. Le 19, la direction envoie aux syndicats un mémorandum, engage une procédure à lencontre de 17 militants CGT et demande au ministre de lIntérieur de faire appliquer les décisions de justice visant à rétablir la liberté du travail. La CGT dénonce « le coup de force de la direction » contre les piquets de grève dAulnay : la direction dément. La CSL et le président du RPR, Jacques Chirac, se rencontrent et dénoncent « une volonté politique de déstabilisation des entreprises et des rapports sociaux. » A lAssemblée nationale, le ministre du Travail lance un appel à la direction et aux syndicats pour que « les négociations reprennent et aboutissent rapidement. »
Le 21 mai, il nomme un médiateur. Le 25, manifestation organisée par la direction et les ouvriers non grévistes. Le 26, manifestation unitaire de la CGT, de la CFDT et de la FEN soutenue par les fédérations parisiennes du PS, du PCF et du PSU. Le médiateur fait connaître ses « recommandations » : création de deux instances de concertation et dincitation présidées par des « sages » et visant à assainir le climat social de lentreprise ; respect des libertés collectives et individuelles, réduction des mutations, révision du règlement intérieur, mesures spécifiques pour améliorer les conditions de vie et de travail des immigrés, faciliter lexercice du droit syndical, assurer le bon déroulement des élections professionnelles ; diffusion au personnel des barèmes de salaires et des informations sur les charges de travail et les cadences ; accord sur les augmentations de salaires avec un minimum de 400 F. Réactions favorables des syndicats et de la direction. Le 28, mise au point entre les syndicats et la direction dun protocole daccord sur lorganisation délections à Aulnay prévues pour le 22 juin. Levée des piquets de grève et accord de reprise du travail le 1er juin.
Le 1er, reprise du travail à Aulnay-sous-Bois, Saint-Ouen, Asnières, Montreuil et Levallois, après accord avec la direction sur des élections libres et la reconnaissance des syndicats CGT et CFDT. Meeting à Aulnay avec Henri Krasucki et André Sainjon qui qualifient les résultats du conflit de « grande victoire ». Le 8, débrayages contre les « cadences trop élevées ». Les 14 et 15, chômage technique des 3 000 employés : protestation de la CGT qui craint un report des élections professionnelles. Le 22, élection des délégués du personnel à lusine dAulnay, sous le contrôle de linspection du travail : la CGT obtient 57,57 % des voix et 12 sièges (contre 9,6 % et 1 siège en 1981), la CSL 33,03 % et 6 sièges contre 82,5 % et 17 sièges. Le 23, la CSL demande lannulation du scrutin, en raison du « climat de violence et de terreur qui a précédé les élections. »
Automobiles Talbot
A partir du 2 juin, débrayages CGT-CFDT aux ateliers dassemblage des voitures « Samba » et « Horizon » des Automobiles Talbot à Poissy, pour lamélioration des salaires et des relations sociales. Le 3, affrontements grévistes non grévistes. Un fonctionnaire du ministère du Travail est nommé, chargé dorganiser la concertation. Le 6, Henri Krasucki condamne le « régime féodal » des entreprises Talbot et Citroën. Le 7, la CGT demande lannulation des élections professionnelles de mars et mai 1982, ayant donné la majorité à la CSL. Le 9, manifestation de solidarité avec les grévistes. Lusine est évacuée par la police. Les négociations sont rompues. Le 10, manifestation de soutien à la CSL, à Poissy, avec la participation du RPR. Le 14, CGT-CFDT condamnent tout refus de revalorisation par la direction qui invoque le blocage gouvernemental des salaires. Le 15, André Sainjon réclame la nomination dun médiateur. Des entreprises sous-traitantes, notamment à La Rochelle et Cerizay, sont mises en chômage technique. Le 16, le ministre du Travail convoque une commission paritaire de conciliation, le 17, qui est un échec sur la question des salaires. Le 22, lors dun meeting CGT, incidents avec la CSL. Une manifestation de sous-traitants réclame la liberté du travail. Un médiateur est nommé le 23, qui reçoit, le 24, la CSL, la CFDT et la CGT. Sainjon critique « la mauvaise loi (de blocage des salaires ») décidée par le gouvernement, mais souligne la possibilité dutiliser des dispositions concernant les bas salaires.
Publication du « Projet de documentation dorientation » préparant le 41e congrès de la CGT, prévu du 13 au 19 juin à Lille. Les principaux thèmes en sont : la nécessité de trouver une issue véritable à la crise grâce à une nouvelle politique (développement du pouvoir dachat, création demplois, politique industrielle, possibilité pour les travailleurs dintervenir dans le secteur nationalisé), critique du patronat et de la CFDT « absente dans toutes les luttes importantes et à la recherche daccords au rabais avec le patronat » ; acceptation « du droit à la divergence » mais opposition « aux tendances organisées » dans le syndicat ; reconnaissance « des difficultés économiques » et de l « insuffisante progression de la démocratie » dans les pays socialistes qui ont pourtant « mis fin à lexploitation de lhomme par lhomme ». Le 3 mars, conférence de presse de René Lomet présentant le bilan des travaux de la CE : soutien de la CGT aux mesures positives du gouvernement, mais rappel des priorités revendicatives : réduction du temps de travail sans perte du pouvoir dachat et sans remise en cause des droits acquis, maintien du pouvoir dachat, retraite à 60 ans avec 70 % du salaire, réforme transitoire des caisses de la Sécurité sociale, droits nouveaux des travailleurs. Le 5, Henri Krasucki présente à la presse le projet de document dorientation pour le 41e congrès, qui souhaite un débat en profondeur (« chez nous, cest cartes sur table »).
La CGT publie un document sur son « état de santé » : 95 664 adhésions au cours du 1er trimestre 1982.
Du 22 au 25 avril 1982, 8e congrès de lUGICT : élection de Alain Obadia au secrétariat général en remplacement de René Le Guen.
Publication dune étude sur lévolution des effectifs de la CGT de 1977 à 1980 : 2322 055 en 1977, 1 918 503 en 1980, soit 17,5 % (en ce qui concerne les syndiqués actifs : 1 634 375 en 1980 contre 2 016 841 en 1977).
Le 3 mai, grève de la rédaction dAntoinette à la suite dun conflit de ligne politique avec le BC de la CGT ayant entraîné la mise à lécart de deux rédactrices. Le 21, incidents entre les grévistes et la nouvelle équipe mise en place pour réaliser le magazine.
Les 7 et 8 mai, Colloques des « clubs de lunité », au Sénat, réunissant des militants syndicaux et politiques « soucieux dapprofondir lunion de la gauche ». Envoi dun message du Premier ministre et participation notamment de Jean-Louis Moynot, membre de la CE de la CGT.
Le 1er juin, à Antoinette, licenciement officiel pour « fautes graves » de la rédactrice en chef et de ladministratrice. Henri Krasucki déclare quil ny a pas de journalistes avec un « grand J » à Antoinette mais des « permanents au service de la Confédération.
Du 13 au 18 juin 1982, 41e congrès de la CGT, à Lille. Dans son discours douverture Henri Krasucki évoque la nécessité pour la CGT de « sadapter » à la nouvelle situation politique et économique depuis larrivée de la gauche au pouvoir. Il caractérise ainsi cette situation : actualité des « réformes démocratiques, progressives » susceptibles de « constituer un chemin nouveau
pour une transformation plus profonde de la société » ; refus de toute gestion de gauche de la crise ; indépendance de la CGT vis-à-vis du gouvernement ; participation de la CGT à la lutte contre linflation avec un appel à la rigueur à lencontre des « profiteurs dhier » ; prise de position en faveur dun « blocage collectif des prix », déconomies sans réduction des prestations pour la Sécurité sociale ; unité daction avec tous les syndicats représentatifs ; en matière internationale, prise de position en faveur de la libération des syndicalistes emprisonnés, de la levée de létat de siège et de létablissement des libertés syndicales en Pologne ; appui à la lutte pour la paix et le désarmement (« ni Pershing, ni SS 20 »). En ce qui concerne la situation interne à la CGT, affirmation du droit au désaccord (qui « ne crée pas lobligation » de quitter la CGT, mais permet de le faire librement). Le 13, les congressistes sont reçus par Pierre Mauroy qui présente les mesures économiques et sociales consécutives à la dévaluation. Du 14 au 17, débat général : affirmation croissante de lopposition des congressistes au blocage des salaires (interventions de André Sainjon, Poirier, Jean Magniadas, Louis Viannet) que Henri Krasucki qualifie, le 17, d « erreur économique » et de « faute politique ». Manifestations dhostilité des congressistes à légard de divers militants critiques (incident le 14 à propos de larrivée de Jacqueline Lambert et de René Buhl ; mouvements lors des interventions de minoritaires, en particulier Jean-Louis Moynot, qui met en cause le blocage du débat et plaide pour un renouveau syndical et lacceptation de « certaines formes daustérité, nécessaires pour sortir de la crise ». Le rapport dactivité est approuvé par 97,34 % des mandats (96 % en 1978) contre 1,17 % de mandats défavorables (2,55 % en 1978) et 1,05 % dabstentions (1,45 % en 1978). Le rapport dorientation qui fixe la ligne de la centrale pour trois ans est adopté par 98,62 % des mandats, ainsi que le programme daction qui fixe la revendication du SMIC à 4 100 F par mois (valeur au 1er juin 1982). Les instances dirigeantes sont élargies, la CE passant de 101 à 131 membres (les non-communistes passant de 21 à 25 %) et le BC de 16 à 18 membres. Le 17, élection de Henri Krasucki comme secrétaire général. Le 18, discours de clôture de Livio Mascarello, qui lance un avertissement aux militants critiques. Dans son discours dadieu, Georges Séguy fait appel à la tolérance.
JUIN 1982 : SEGUY QUITTE LE SECRETARIAT GENERAL DE LA CGT
Ce qui se passe au moment du 40e congrès a à voir avec le départ de Georges Séguy du secrétariat général de la CGT :
« Quand ces choses-là se sont produites, jai dit dune manière plus nette que je partirais à 55 ans comme je lavais envisagé. »
Cependant, à propos de ce départ, il montre que les choses, pour lui, nétaient pas irrémédiables quant à son départ :
« Avant que le 41e congrès arrive, jai été lobjet de fortes pressions pour renoncer
dans la CGT et dans le Parti. Très fortes pressions même fraternelles. Et jy ai répondu en disant : je pourrais éventuellement céder à ces pressions pour faire un mandat de plus, conserver ma responsabilité au 41e congrès, si je sens dans la CGT et de la part de mes camarades communistes lacceptation daller dans le sens de la direction conclue par le 40e congrès. Que je nai pas obtenue intégralement !
On a continué à me dire : il faut revenir dans le droit chemin. On ne me la pas dit comme ça. Jai utilisé cette expression le droit chemin, parce que
ça fait un peu religieux. (Rires) Mais, voilà, jai maintenu ma décision. »
JUIN 1982 : HENRI KRASUCKI DEVIENT SECRETAIRE GENERAL DE LA CGT
Il est de tradition à la CGT que le secrétaire général qui quitte son mandat propose le nom de son successeur. Cest ce que fait Georges Séguy à loccasion du congrès de 1982. Comment concilie-t-il le constat quil fait sur le rôle joué par Henri Krasucki au sujet du congrès de Grenoble et le fait quil en fasse son successeur ?
« Cest vraiment mon choix. Cest vraiment mon choix ou alors jaccepte de continuer un an de plus. Mais, je pensais quil ny avait pas, parmi les communistes, dhommes supérieurs à Krasucki. Malgré tous les problèmes quon a eus tous les deux, il est resté quand même mon camarade jusquau bout, jusquà sa mort. Donc, je pensais quil était capable. Je vais dire te dire quelque chose que je naie pas souvent dit, mais il faut que tu saches : javais proposé à Henri
parce que si javais dit : je men vais, débrouillez-vous, ça laissait un problème complexe de direction à la CGT, très complexe, dautant quil y avait la démission de plusieurs non communistes à cette période-là, donc cétait une sorte de crise de direction, dure de conséquences. Donc, je me suis dit que la meilleure solution cétait quHenri prenne le relais, mais je lui avais dit, ce dont je nai pas parlé à beaucoup de monde, je lui avais dit : tu devrais, sans quon lappelle comme ça, prendre un mandat transitoire du 41e au 42e. Si tu me dis que cest ton intention, dici là, on aura un camarade susceptible de me remplacer, et je pensais déjà à Louis Viannet, et : on règle tout à fait la question, si moi je propose que tu me remplaces, tout le monde va accepter, il ny aura pas de discussion, il ny aura pas de polémique. Il mavait donné son accord. Il ne la pas respecté. Il a voulu rester Henri, voilà. Alors, je ne pense pas
dailleurs, franchement, je lui ai dit après, plus tard. Il ma répondu : ce nest pas de la mauvaise volonté, je ne trouve pas de remplaçant. Je pense quon aurait pu trouver un remplaçant parce que cest dans la responsabilité quon est
quon donne la capacité de ses aptitudes. Voilà. Voilà comment les choses se sont passées. Alors, je
je te réponds plus exactement, ce nest pas le Parti qui ma demandé de proposer Henri Krasucki. Mais cétait
dailleurs, il était
à ce moment-là, au Bureau politique, il y avait aussi René Le Guen, il était cadre et il aurait été difficile de demander à un cadre, à un haut cadre de lEDF, de prendre la direction de la CGT. Après, on a fait rentrer Viannet au Bureau politique, quand je me suis retiré. Jai proposé Viannet et Le Guen proposait Duteil. Ils sont rentrés tous les deux. »
Dès son entrée en fonction dans sa fonction de secrétaire général de la CGT, il apparaît à un certain nombre quil change. Cest le cas pour René Lomet et pour Thérèse Hirzsberg.
Ainsi, René Lomet nous indique à propos dHenri Krasucki :
« Jai quelques inquiétudes au démarrage de nos relations. Si la ligne quil inspire est celle que jai pu vérifier au moment du 40e congrès et même après, ça pose des problèmes. Et curieusement, après avoir critiqué un peu Henri au 40e, je voudrais maintenant lui rendre hommage parce que, au fur et à mesure des temps qui passaient, jai vu un autre Henri Krasucki. Un Henri Krasucki qui était profondément convaincu de la nécessité que la CGT soit indépendante et quon avance dans tous les domaines qui avaient dailleurs été combattus au moment du 40e congrès. Et pour ça, je lui rend hommage. Parce que cest un homme du sérail, qui a vécu toutes les périodes difficiles avec tout ce que cela implique et que quand on a eu la formation quil a eue cela ne devait pas être facile de faire cette espèce de retour sur lui-même pour être le secrétaire général de la CGT avec tout ce que cela impliquait. Et, les peaux de banane nont pas manqué après, dans toute la suite des opérations.
« Je sais pas si lon peut dire que la fonction crée lorgane mais cest vrai quil a changé complètement. Il est devenu vraiment un battant avec la volonté que la CGT soit considérée pour ce quelle est, avec la force quelle est, la place quelle doit tenir. Il a vraiment impulsé, durant toute cette période, impulsé cela. »
Pour sa part, Thérèse Hirzsberg, nous dit :
« Il sest passé un phénomène. A partir du moment où il est devenu secrétaire général, lhomme a changé. Alors, pourquoi ? Que voulait-il ? Je ne sais pas. Je constate que lhomme devenant secrétaire général a changé, cest clair. »
JUIN 1982 : VIANNET EST ELU AU BC
Louis Viannet indique :
« Quand je suis élu au Bureau politique, Henri a déjà eu une discussion avec moi pour me dire quil compte sur moi pour venir au Bureau confédéral. Les deux congrès se déroulent dans la foulée. Jaccède au Bureau politique au mois de février et au Bureau confédéral au congrès de Lille, en juin. »
JUIN 1982 : OBADIA EST ELU AU BC
Alain Obadia nous indique :
« Je rentre au Bureau confédéral au moment du congrès de Lille. Javais été élu secrétaire général de lUGICT deux mois avant, ce doit être en mars ou avril 1982. Cela était une novation parce que René Le Guen navait pas été au Bureau confédéral. Cette novation, consistant à ce que le secrétaire général soit membre du Bureau confédéral, est un souhait dHenri Krasucki de façon à mieux assurer la convergence dactivités entre la Confédération et lUGICT. Celle-ci et moi en particulier ny trouvions que des avantages parce que le Bureau confédéral était quand même un lieu décisionnel. »
JUIN 1982 : PAGE EST ELU A LA CE DE LA CGT
Portrait
Le père de Jean-Pierre Page, dorigine bretonne, est déporté en Allemagne, puis en Pologne. Cest dans ce pays quil rencontre sa mère, une polonaise. Ils sy marient. Après avoir envisagé dy demeurer, ils partent en Union soviétique à la fin de la guerre et, via Odessa, Istanbul et Marseille, sétablissent finalement au Mans.
Le père de son père était sabotier et adhérent à la CGTU. Celui de sa mère, mineur.
« Jai grandi dans un milieu où mes parents étaient engagés à la CGT. Ma mère, déléguée du personnel à la manufacture des tabacs du Mans, mon père militant actif chez les cheminots. Ils nétaient pas membres du Parti, mais fidèles électeurs, toujours dans les manifs, dans de nombreuses associations, FRANCE URSS, etc. Faisant un choix très clair sur ce que représentaient les pays socialistes ils avaient été libérés par lArmée rouge -, dautant que nous y avions de la famille dont certains occupaient des charges importantes.
« Je passais toutes mes vacances en Pologne, je parlais polonais. Un homme a eu beaucoup dinfluence sur moi, il navait pas denfant et me considérait un peu comme son fils. Cétait le frère de ma mère. Il était une personnalité politique importante en Pologne, vice-ministre du Tourisme et des Sports. Il a été secrétaire général du Comité national olympique et a eu un rôle très important au sein du Comité international olympique. Il voyageait énormément du fait de ses fonctions. Je le voyais souvent.
« Tout ça ma beaucoup marqué. On parlait beaucoup politique et syndicat. Mon père trouvait que le Parti nétait pas assez ferme. Il le trouvait un peu opportuniste. Javais, lorsque jétais au Comité central, des discussions assez vives avec mon père. Il nétait pas du tout en faveur de lunion avec les socialistes et encore moins notre participation au gouvernement. Mes parents étaient très tournés vers la politique. »
Jean-Pierre Page adhère à la Jeunesse communiste puis au Parti très jeune :
« Jétais militant de la Jeunesse communiste et puis jai adhéré au Parti javais quinze, seize ans, cest Jacques Duclos, qui ma signé ma carte. En février 64, par-là, 65, javais quinze ans. »
Dans la Sarthe, il est un dirigeant départemental de la JC.
Son bac en poche, il part aux Etats-Unis. Pendant quelques temps, il suit, comme auditeur, des études dhistoire de lart à Harvard. Parallèlement, il entre en contact avec le milieu de lart. On lui propose de diriger une galerie. Lépoux de la propriétaire de cette galerie est un grand restaurateur dart américain. Notre étudiant commence, avec lui, à apprendre le métier. Dans cette période, dit-il :
« Je vivais beaucoup dans le milieu de la peinture contemporaine, de lart contemporain et particulièrement de lavant-garde. Jai fait un film pour la télévision américaine avec Andy Warhol pour une émission qui sappelait Al Cap Show. Al Cap était une personnalité américaine, auteur dune bande dessinée qui la rendu célèbre. Il nous avait commandé ce film. »
Au début de 1968, il revient à Paris. Avec des peintres contemporains, Gérard Fromantier, Rouchemont, il participe à une bataille contre la tenue de la Biennale de San Paolo, compte tenu de la dictature militaire.
« Jétais très impliqué là-dedans. Cest dans ces conditions que jai exposé avec le groupe avec lequel je travaillais au Salon de mai du Musée dart moderne de la ville de Paris. Tu peux consulter, il y a un ouvrage sur les expositions du Musée où tu trouveras mon nom. »
Mais, poursuit-il :
« Jai rompu complètement parce quon était sur des positions très radicales, assez extrémistes. Pendant de nombreuses années, jusquau début des années 80, jai coupé tous les contacts avec le milieu de lart. »
Bientôt, son sursis militaire est résilié, il doit accomplir son service. Il est affecté à Paris, dans le 20e arrondissement, à létat-major du 1er régiment du train, secrétaire dun commandant. En mai, les manifestations étudiantes éclatent :
« A lépoque, les soldats du contingent étaient en caserne, mais à Paris, curieusement, on avait, ceux qui étaient dans les secrétariats, les bureaux, la possibilité de sortir. Avec des copains tous aussi très politisés, à cinq heures, on se changeait et on filait vers le Quartier latin. Cest dailleurs sur une barricade, place Saint-Germain-des-Prés, que jai rencontré ma future femme, qui, à lépoque, faisait des études de lettres à La Sorbonne. Elle est devenue professeur de lettres. »
Ils se marient en 1970. Son épouse est enceinte et continue ses études :
« Jai passé le concours dentrée à Air France. Jai été reçu dans les premiers et, à lépoque, il existait la possibilité pour les premiers dêtre immédiatement intégré aux effectifs de la compagnie. Donc, jai été intégré et après un certain temps je me suis syndiqué parce que je trouvais ça normal. Jai commencé à militer très activement au syndicat. Je nétais plus membre du Parti.
« Je me souviens davoir fait un stage syndical à lUD du Val-de-Marne durant lequel je métais absenté pour me rendre aux obsèques de Pierre Overney assassiné quelques jours plus tôt. Jai expliqué mon absence devant tous et une bonne partie des camarades approuvait ce que javais fait. Cela préoccupait beaucoup Roland Foucart, le secrétaire général de lUD, qui était venu pour remettre de lordre. Celui qui dirigeait le stage était Bernard Jourdhui, avec qui je suis devenu très ami par la suite, qui avait été au Comité central et au Bureau politique et, à sa mort, on a exhumé des histoires assez sordides dopposition entre Jourdhui et Marchais, on a même dit que Jourdhui était le candidat préféré et que Marchais avait été imposé par les Soviétiques, cest toute une histoire qui avait été lancée, à lépoque, par Le Matin, le journal socialiste. »
Trois ans après son adhésion à la CGT, Jean-Pierre Page devient secrétaire du Syndicat CGT dOrly. En 1973, il reprend sa carte au PCF :
« Jétais soumis à beaucoup de pressions. Jai repris ma carte au Parti. Cétait une période un peu euphorique avec lhistoire du Programme commun. Presque immédiatement, compte tenu des responsabilités syndicales que javais jétais au secrétariat national du Syndicat dAir France -, je suis devenu lun des dirigeants de la Section du Parti de laéroport dOrly. Je signale, pour la petite histoire, que cétait la deuxième section dentreprise de France après Billancourt. On a été, je crois, jusquà 600 communistes et une quarantaine de cellules à lintérieur de lentreprise.
« Jétais donc très impliqué au syndicat et au Parti. »
Cette situation a conduit Jean-Pierre Page à être élu au Comité fédéral de la Fédération du Parti du Val-de-Marne et, en 1976, à se voir proposer de venir au secrétariat de lUD du Val-de-Marne. Mais, explique-t-il :
« Il y avait une bagarre, qui a dailleurs été arbitrée par le Parti, entre la Fédération CGT des Transports et lUD du Val-de-Marne sur mon avenir. Brun voulait que je vienne à la FD pour y occuper des responsabilités importantes et lUD avait dautres plans.
« LUD du Val-de-Marne, il ny a là rien de péjoratif pour les autres, ce nest pas nimporte quelle UD. Cétait une UD importante, qui comptait dans la Confédération. De surcroît dans un département dirigé par les communistes, avec des dirigeants de premier plan à lépoque, il y avait encore Séguy qui habitait le Val-de-Marne, il y avait Marchais, il y avait Fiterman, il y avait, comme on dit, du linge. »
Le choix se fait : il devient secrétaire de lUD, chargé de lorganisation, puis, en 1979, secrétaire général de lUD :
« Jai découvert, par la suite, que tout était réglé davance. Jai remplacé, au secrétariat général de lUD, une personnalité. Roland était vraiment une personnalité. Il venait du Parti. Quand il y a eu la décentralisation de la région parisienne, il est passé du Parti à la CGT. Mais, du point de vue politique, cela ne sest pas passé dans des conditions optimum. Cétait lépoque de Garaudy, il y avait les bagarres avec Jourdhui, tout ça. Il y avait eu une répartition des UD en fonction des différents courants et Roland avait eu le Val-de-Marne. »
Avant cette élection au secrétariat général de lUD, lannée précédente, au moment du congrès de Grenoble, la question de lentrée de Jean-Pierre Page à la CE confédérale sétait posée :
« Jétais proposé par Georges Séguy. Cest le Bureau confédéral qui a téléphoné à Foucart en disant : On a fait le point, il faut que Page soit candidat. LUD a dit daccord. Jai été proposé. Moi, tout ça me tombait sur la tête de tous les côtés : jétais au Comité fédéral pour le Parti, donc devenant secrétaire général de lUD je suis presque automatiquement devenu membre du Bureau fédéral, jétais secrétaire général de lUD porté sur les fonds baptismaux par Georges Séguy avec la bénédiction de Georges Marchais, et, maintenant, jétais proposé à la Commission exécutive. Ca faisait beaucoup et jétais un jeunot quand même. »
Mais, en 1978, Jean-Pierre Page nest pas élu à la CE confédérale :
« André Allamy est venu me voir, est venu voir Roland et moi, il nous a dit, en plein congrès, lors des élections des organismes de direction : Tout compte fait, Jean-Pierre ne sera pas élu parce quil ny a pas de possibilité avec louverture à diverses sensibilités, mais on réglera le problème la prochaine fois, au prochain congrès, après tout Jean-Pierre arrive. Moi, je navais pas de problème, jétais sous la table. »
Pour lui, la vie continue :
« Ca fonctionnait bien à lUD, jétais au Bureau fédéral du Parti, je participais beaucoup à la vie du Parti. »
A la veille du congrès du PCF de février 1982, le Premier secrétaire de la Fédération du Val-de-Marne, Guy Poussy lui dit quil va être proposé au Comité central et lui demande sa réponse :
« Je ne savais pas trop. Ensuite, il y a eu une très brève discussion avec Georges Marchais et ma candidature est partie. Tout le monde était content. Moi, je ne voyais pas trop où tout cela allait me conduire. Et puis, il y a eu le congrès et moi je nai pas été jusquà la fin parce que je partais à La Havane, la Confédé avait eu lidée de me mettre dans la délégation qui allait au congrès de la FSM. Je suis parti, pour ne pas rater lavion, juste avant la proclamation des résultats de lélection des organismes de direction. Mais, le matin, javais croisé Georges Séguy qui mavait dit : Félicitations. Cétait avant le vote, mais enfin, cétait comme ça à lépoque.
« Arrivé à La Havane, je me couche. A neuf heures du matin, on frappe à ma porte, je crois que cétait Gilbert Julis. Il me dit : A onze heures, il y a une réunion très importante, ta présence est indispensable. A onze heures, je me pointe. Il y avait toute la délégation CGT au complet. Roland Jacquet prend la parole pour dire : On est tous réunis pour la raison suivante, je voulais vous lannoncer. Il y a parmi nous un camarade qui, hier, a été élu membre du Comité central, cest Jean-Pierre. Cétait très émouvant, une belle manifestation qui était très chaleureuse. Jai appris à La Havane, officiellement, que jétais membre du Comité central. »
A propos de cette élection, Jean-Pierre Page analyse ainsi les choses :
« Ce que je peux dire sur mon élection, cest que je crois que, contrairement à dautres camarades de la CGT, pour lesquels la proposition venait de dirigeants de la CGT membres du Bureau politique, en ce qui me concerne elle nest pas venue de là mais du Parti. Cest-à-dire, pour être clair, que jai été proposé au Comité central par le Parti et non par la CGT. Mais, ça sest fait avec laccord de la CGT. Je le dis parce que ce nétait pas trop la règle. La règle cétait linverse.
« Poussy ma raconté, assez récemment, quil avait eu une discussion avec Marchais et que celui-ci lui linterrogeant sur les candidatures du Val-de-Marne pour le Comité central lui avait dit : Jespère que tu as pensé à mettre Page. Voilà comment je suis arrivé au Comité central. »
Quatre mois après, en juin 1982, au congrès de Lille de la CGT, la promesse faite par André Allamy, au congrès précédent, est tenue : Jean-Pierre Page est élu à la CE confédérale.
Ce quil faut, ici, noter cest que Jean-Pierre Page nentre pas au Comité central dans le « contingent » des syndicalistes choisis par la direction de la CGT, mais est choisi, en tant que syndicaliste, par le Parti.
JUIN 1982 : BILLARD QUITTE LA CE CONFEDERALE
En juin 1982, Claude Billard quitte la CE confédérale de la CGT.
A ce moment, il est sollicité par Jean-Claude Gayssot, qui vient dêtre élu au Bureau politique du PCF, pour venir travailler au Comité central. Il explique :
« On est devenu secrétaire général dUD à peu près en même temps, élus, je crois, en même temps à la direction confédérale, il était, à lépoque, lui, pendant un laps de temps assez court, au secteur orga avec Warcho. Donc, on se connaissait. Et puis, quand Gayssot est devenu, en 82, membre du Bureau politique, il a formé son équipe. Il avait la responsabilité des entreprises et de limmigration. Et, donc, il cherchait à former son équipe. Il a pris contact avec moi directement, pas avec la fédération. Cela sest fait en direct. Ensuite, jai informé, jai demandé évidemment à réfléchir, parce que cest quand même pas simple. »
Claude Billard accepte la proposition :
« Jai quitté Orléans pour venir habiter en région parisienne. Pour quelquun qui na jamais quitté son département natal, la région parisienne ça apparaît difficile. En même temps, la perspective de travailler au Comité central, avec Jean-Claude que je connaissais, me séduisait assez. Mais je ne pouvais cacher cette situation à la CGT. Je reste encore secrétaire général de lUD. En fait, je fais les deux. Cest une période un peu transitoire. Je vais travailler quelques jours par semaine au Comité central et les autres jours à lUD. Ceci jusquen juillet 1982, cest-à-dire quelques mois. En août, je pars minstaller à Fontenay-sous-Bois. Au départ, on mavait fait des propositions pour aller dans lEssonne, mais quand on est arrivé avec mon épouse et quon a vu les avions passer au-dessus de nos têtes, on a dit : Non, non, pas ça. »
18 JUIN 1982 6 FEVRIER 1985
CGT
Elections professionnelles
Le 29 juin 1982, aux élections professionnelles à lusine Citroën de Levallois, dans le collège ouvrier, la CGT obtient 53,1 % des voix, soit + 32 % par rapport aux élections de 1981. La CSL perd 30 %.
Le 7 juillet 1982, aux élections des délégués du personnel de lusine Citroën de Saint-Ouen, dans le collège ouvrier, la CGT obtient 41,7 %, soit + 13 % par rapport à 1981. La CSL perd 18,1 %.
Du 21 au 23 mars 1983, aux élections professionnelles dans les PTT, la CGT obtient 35,1 %, soit une perte de 3,8 % sur 1980.
Le 29 novembre 1983, aux élections des membres des commissions de classement à la RATP, dans le 1er collège, avec 39,25 % la CGT perd 5,75 % sur 1981.
Le 19 janvier 1984, aux élections des DP à Renault-Billancourt, la CGT recule de 4,51 %.
Le 12 mars 1984, aux élections au CE de lusine de Grand-Couronne de la Chapelle-Darblay, dans le 1er collège, la CGT obtient 56,25 %, soit une chute de 17,61%, dans le 2ème collège, avec un résultat de 12,63 %, la chute est de 4,85 %.
Le 19 mars, le ministère des Affaires sociales publie les résultats obtenus en 1982 par les syndicats dans lensemble des élections aux CE. Avec 32,3 %, la CGT perd 4,2 % sur 1980.
Le 26 avril 1984, aux élections au CE de lusine de la Chapelle Darblay, à Saint-Etienne du Rouvray, dans le 1er collège avec 70,80 % des suffrages, la CGT perd 13,97 % sur 1982, dans le second collège avec 36,56 % elle perd 39,82 %.
Le 16 juillet 1984, FO publie ses statistiques sur les élections professionnelles de juillet 1983 à juillet 1984. La CGT avec 31,81 %, est en recul de 3,70 %. FO affirme que sur seize ans, la CGT est passée de 48,3 % à 31,81 %.
Conflit du travail
Talbot-Poissy
Le 1er septembre 1982, polémique et heurts entre militants CGT dune part, CSL, FO et autonomes dautre part, à Talbot-Poissy, sur la mise en uvre des propositions du médiateur à lissue du conflit de juin 1982. Jusquau 10 des débrayages ont lieu. Le 6, le ministère du Travail annonce la mise en place dune commission denquête sur lapplication du rapport du médiateur. Le 8, le ministre du Travail estime quil faut maintenir les sanctions à lencontre des délégués CGT pour faits de violence.
Le 19 novembre, un militant CGT est attaqué et blessé par des militants CSL, dont 2 sont arrêtés et écroués le 20.
Le 28 janvier 1983, chômage technique à Talbot Poissy.
Le 10 mars, élections des délégués du personnel à Talbot-Poissy, dans le collège ouvrier la CGT obtient 42,25 % des suffrages, soit une progression de + 12,93 %. La CSL perd 15,95 %. Le 29, la direction annonce 5 jours de chômage technique partiel en avril.
Le 12 juillet 1983, à Peugeot et Talbot, les comités centraux dentreprises sont convoqués par la direction. Selon les syndicats, près de 8 000 suppressions demplois sont envisagées. Le 20, le BC dénonce le « coup de force » de la direction de Peugeot. Le 21, les directions de Peugeot et de Talbot annoncent aux comités centraux dentreprise la suppression de 7 373 emplois, soit 9,1 % des effectifs et la prochaine mise sur pied dune convention avec le Fonds national de lemploi sur les pré-retraites. Grève totale le 21 chez Talbot à Poissy. Le PS et le PCF dénoncent les méthodes de la direction.
Le 11 octobre 1983, la Direction départementale des Yvelines refuse dautoriser les 2 905 licenciements demandés par la direction Talbot-Poissy, en labsence dun plan social de formation et de reclassement, mais accepte les 3 231 et 2 861 mises en pré-retraite envisagées respectivement chez Peugeot et Talbot. Le 12, la CGT se dit satisfaite.
Le 7 décembre 1983, premiers débrayages à lappel séparé de la CGT et de la CFDT de lusine de Talbot-Poissy pour protester contre les licenciements. Lentreprise est totalement paralysée et occupée le 12 par plus de 5 000 ouvriers, selon les syndicats. Le 12, Jack Ralite, secrétaire dEtat à lEmploi, à lAssemblée, critique labsence de perspectives sociales du plan de licenciements. Le 14, entretien entre le ministre des Affaires sociales, le président dAutomobile Peugeot et André Sainjon. Le 15, la direction annonce, en raison de la grève et de labsence de réponse du gouvernement, quelle ne peut plus assurer les rémunérations à partir du 19 décembre et que « la présence des 16 000 salariés de lusine est sans objet ». CGT et CFDT protestent. Le 17, le gouvernement autorise 1 905 licenciements sur les 2 905 demandés par la direction. Le plan social est « amélioré » : lentreprise verse une somme de 20 000 francs à lembauche des licenciés par de nouveaux employeurs ; des formations à la réparation automobile sont mises en place ; la direction renonce au non-paiement des salaires. Le Premier ministre évoque le « caractère exemplaire » de la solution adoptée. Les sections CGT et CFDT manifestent leur désaccord. André Sainjon déclare que laccord contient des acquis non-négligeables mais demande une négociation direction-syndicats pour lexamen cas par cas du volet social. Le 18, la direction annonce que lentreprise ne reprendra son activité que le 2 janvier. Le 21, les premières notifications de licenciements sont envoyées aux salariés ; la CFDT demande lannulation de tous les licenciements. Le 22, entretiens entre CGT CFDT et les pouvoirs publics qui déclarent « accueillir favorablement les demandes volontaires de retour au pays ». Le 27, le tribunal de Versailles ordonne lexpulsion des occupants de lusine. Les négociations tripartites sont en échec. Le 30, la direction annonce de nouveau la suspension des rémunérations et linutilité de la présence des ouvriers dans lusine. Dans la nuit du 30 au 31, les forces de lordre évacuent lusine. CGT et CFDT protestent.
Le 1er janvier 1984, lusine est évacuée. Du 3 au 5, affrontements entre grévistes et non grévistes lors de la reprise du travail. La CFDT appelle à la poursuite de la grève, la CGT à la reprise du travail. Le 5, la direction ferme lusine. Une manifestation a lieu à Paris à lappel de la CGT et une à Poissy à lappel de la CSL. Du 11 au 17, le travail reprend progressivement. Le 11, après une réunion tripartite est mis en place de plan social daccompagnement aux 1 905 licenciements accordés par le gouvernement, lequel propose aux travailleurs immigrés un système fondé sur le volontariat pour une allocation-retour. Le 24, nouvelle réunion tripartite : 1 019 stages de formation et 308 offres demploi sont proposés aux 1 905 ouvriers licenciés.
Citroën
Le 10 septembre, à lusine Citroën dAulnay, incidents entre la maîtrise et les OS relatifs à la prime de rentrée. Le 14 un accord intervient. Henri Krasucki se prononce pour rétablir la discussion sans paralyser lentreprise. De nouveaux incidents avec violences ont lieu. Un agent de maîtrise blessé par un OS demande son licenciement. Du 14 au 20, ont lieu des débrayages alternés de la maîtrise et des OS selon la présence ou non de lOS incriminé. Le 20, André Lajoinie adresse une lettre au ministre du Travail pour demander le gel du licenciement de lOS qui accepte le 21 la proposition de la direction daffectation dans un autre établissement. Le travail reprend. Le 30, à lusine de Levallois, grève de protestation contre les retenues opérés sur les salaires.
Le 1er décembre, élections du Comité détablissement de lusine dAulnay-sous-Bois. Dans le collège ouvrier, la CGT recueille 60,7 % des suffrages contre 10,2 % en 1980. La CSL passe de 81 % à 31 %. Des débrayages sporadiques dans les usines dAulnay et de Levallois ont lieu après des licenciements douvriers pour violences à légard dagents de maîtrise. La production diminue (900 voitures jour au lieu de 1 200 à Aulnay) et la qualité baisse. Le 11, à Aulnay, la direction lance un appel aux syndicats en faveur dune « reprise normale du travail ». La CGT met en cause les méthodes de gestion du personnel, tout en demandant à celui-ci de prendre en charge « la qualité de la production » et en réclamant la constitution dune commission de contrôle de la production. Le 17, à Levallois, la direction justifie un licenciement en réponse à un communiqué du ministère du Travail laccusant de « maladresse ». Le 23, à Aulnay, « à titre exceptionnel », la direction transforme des licenciements en mises à pied. Le travail, interrompu le 21, reprend. La CGC critique la mise en place de « délégués de chaîne » et craint « une soviétisation ». Le 22, la CSL, lors du lancement dune campagne sur les libertés, accuse la CGT de « faire régner la terreur » et de « détourner abusivement les immigrés de leur syndicat dorigine ».
Début janvier 1983, à Citroën Levallois, débrayages pour la réintégration dun ouvrier licencié. Le 18 ont lieu des incidents entre la CGT et la CSL. A partir du lendemain, débrayages à latelier de ferrage et extension du conflit à lappel de la CGT. Les revendications portent sur le paiement des heures de débrayage, le refus des 3 jours de chômage technique prévus par la direction. A Nanterre, à partir du 25, grève à latelier de fonderie, qui sétend à dautres ateliers. Le 31, chômage technique. Protestation de la CFDT et de la CGT.
Le 1er février, reprise du travail à Citroën-Nanterre, après accord direction-syndicats : augmentation de 120 francs au 1er février et récupération des jours de grève. Le 2, reprise du travail à Citroën-Levallois : même augmentation, pas de chômage technique si acceptation de mutation vers dautres usines. Le même jour, à Citroën-Aulnay, incidents entre grévistes et non grévistes sur le plateau de peinture : 17 blessés. Le ministre du Travail condamne « les actes de violence relevant de pratiques terroristes qui conduisent leurs auteurs à être exclus de leur collectivité de travail, le gouvernement étant prêt à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire respecter la loi devant la mise en cause des libertés individuelles ». André Sainjon regrette que « le ministre du Travail tombe dans la provocation patronale qui veut affaiblir les forces de progrès » et rejette la responsabilité des incidents sur la direction et la CSL. La CFDT approuve les déclarations du ministre et met en cause des « responsabilités profondes » de la direction et de lorganisation taylorienne du travail. La CSL approuve les déclarations du ministre. FO regrette le remplacement dune féodalité par une autre. La CSL appelle à la grève, elle demande avec les agents de maîtrise du plateau des retouches le licenciement des « agresseurs ». La CGT demande au gouvernement la mise en place dune commission denquête. Le Premier ministre condamne la violence et annonce louverture dune procédure judiciaire pour déterminer les responsabilités. Jean Auroux condamne lincapacité de la CGT à maîtriser les désordres ou met en cause sa responsabilité si ces débordements étaient prévus. La CGT appelle au calme. La direction annonce la mise à pied conservatoire de 30 salariés « pour arrêter la violence et assurer normalement le travail ». Le 7, 3 des salariés concernés dont Akka Ghazzi, responsable CGT, reçoivent des lettres de licenciement. La direction refuse la création dune commission denquête. La CGT lance un nouvel appel au calme. Le 8, le travail reprend. 9 nouvelles lettres de licenciements sont reçues. Henri Krasucki et André Sainjon interviennent à Aulnay pour appeler à la détente, soutenir les salariés mis à pied et rejeter la responsabilité des incidents sur la CSL et la direction. Georges Marchais critique le « système Citroën » et appelle les travailleurs à « faire front ». Le 15, la CGT demande la médiation du gouvernement. Le 16, de nouvelles lettres de licenciements sont adressées. Le 18, Henri Krasucki déclare qu « il ny aura pas de licenciements à Citroën ». Le même jour, à Issy-les-Moulineaux, le premier secrétaire du PS, condamne la violence et refuse de se prêter à une campagne contre la CGT. Le 19, meeting de la CGT à Paris et appel à la grève pour le 21. Le même jour, un communiqué commun PCF-PS-PSU-MRG proteste contre les licenciements. Le 20, le ministre du Travail appelle au sens des responsabilités de chacun pour éviter tout retour à la violence et à la nécessité de la paix sociale pour garantir la compétitivité de lindustrie automobile française et le respect de la dignité et des libertés de chacun. Le 22, le travail reprend et la CGT manifeste pour accompagner les licenciés à leur poste de travail à lintérieur de létablissement. Dans une conférence de presse, Henri Krasucki se déclare prêt à rencontrer la direction afin de trouver une solution. La direction refuse et engage une procédure de référé contre la présence des licenciés. Le 25, les licenciés retournent à leur poste de travail et la direction dépose une nouvelle plainte en justice.
Le 1er mars 1983, le tribunal de Bobigny interdit laccès de lusine aux salariés licenciés. Le 2, CGT et CFDT appellent à la grève pour protester contre le refus de la direction de négocier sur les licenciements. Les non-grévistes manifestent de leur côté. La CGT dépose une plainte contre les « pratiques sociales » de Citroën. Le 4, la réunion de la Commission de conciliation débouche sur un accord prévoyant un stage de formation professionnelle pour les travailleurs sanctionnés, signé le 6 par la direction à condition que la « fourniture dun emploi » à lissu du stage nincombe pas à Citroën. Le 11, lInspection du travail de Seine-Saint-Denis refuse daccepter la demande de licenciement (contestation de la métérialité des faits reprochés). La CGT se dit satisfaite. La CSL en appelle au ministère du Travail. Le 13, Henri Krasucki souhaite un apaisement, « les conditions existant pour dépasser la crise récente ». Le 14, les salariés retournent à leur poste de travail. Le même jour, deux dentre eux, dont Akka Ghazzi, secrétaire générale de la CGT dAulnay sont inculpés pour coups et blessures volontaires et entrave à lexercice du travail, par le tribunal de Bobigny, saisi le 4 février 1982. Le 15, Henri Krasucki demande à être entendu comme témoin. Le 16, la direction dépose un recours hiérarchique auprès du ministère du Travail contre la décision de lInspection du travail.
Le 15, Henri Krasucki dénonce les « falsifications » de lAFP sur le conflit Citroën. Le même jour, les syndicats FO et CFDT de lAFP protestent. Le 16, le SNJ-CGT appelle à un débat entre les professionnels de linformation sociale. Le même jour, les journalistes de lAFP protestent en indiquant leur total désaccord avec les critiques formulées. Le 17, le BC confirme la falsification dénoncée.
Les 6 et 7 avril, grève à lappel de la CGT à Citroën-Aulnay. La CSL proteste. Le travail reprend le 8.
Le 26 juillet 1983, le ministre des Affaires sociales refuse dautoriser le licenciement des 4 délégués CGT de Citroën-Aulnay (recours déposé par la direction le 21 mars 1983 après un premier refus de lInspection du travail. La direction dépose un recours devant le tribunal administratif.
Le 1er septembre 1983, grève à latelier de ferrage de Citroën-Aulnay à lappel de la CGT (revendications salariales). Le 6, réunion du comité détablissement et reprise du travail le 8. Le 9, la direction du groupe annonce aux comités détablissement des usines de Citroën-Aulnay, Saint-Ouen, Clichy et Asnières une mise au chômage technique de 3 jours par mois au cours du denier trimestre de 1993.
Le 13 février 1984, lors du Comité central dentreprise de Citroën (43 000 salariés), la direction annonce sa volonté de « résorber rapidement un important sureffectif » et de préparer une convention FNE en consultant les salariés concernés : 3500 salariés âgés de 55 à 60 ans partiraient en pré-retraite. Est instituée une consultation des salariés étrangers qui désireraient retourner dans leur pays. La CGT est daccord avec les pré-retraites, la formation, elle se dit satisfaite du non-recours aux licenciements. Elle demande un éventuel appui aux candidats au retour.
A la mi-mars, la direction de Citroën indique que 3 144 salariés ont accepté de partir en pré-retraite, mais que le sur-effectif restant sélève à 2 937 postes ouvriers. La CGT refuse « tout départ qui ne serait pas volontaire » et réclame des négociations sur les modalités daide au retour.
A partir du 11 mai, début dun mouvement doccupation des usines Citroën de la région parisienne, à lappel de la CGT, pour sopposer au projet de 6 000 suppressions demplois dans le groupe, dont 2 800 licenciements. Le 15, les établissements dAulnay-sous-Bois, Levallois-Perret, Nanterre, Asnières et Saint-Ouen sont occupés. CGT et CFDT se prononcent pour une réduction du temps de travail, en remplacement des licenciements prévus, avec compensation salariale intégrale pour la CGT et compensation à 70 % pour la CFDT. Le ministre des Affaires sociales propose aux partenaires une réduction de deux heures de la durée hebdomadaire du temps de travail afin de limiter le nombre de licenciements. Les 16 et 17, les tribunaux de Nanterre et de Bobigny ordonnent lévacuation des usines de leur ressort à la suite dun référé de la direction. Le 18, le ministre accepte les départs volontaires et refuse des licenciements. Il invite les partenaires à négocier sur la réduction du temps de travail dans le groupe. Le 20, Jacques Chirac, président du RPR, accuse le gouvernement de donner une importance excessive à la CGT. A partir du 21, le travail reprend progressivement. Le 24, le Conseil dadministration de Citroën refuse le principe de la réduction du temps de travail. Le 25, la direction assigne en justice Akka Ghazzi et neuf autres responsables CGT pour loccupation de lusine dAulnay. Les jours suivants, négociation avec les syndicats, mais les représentants de la CGT ne sont pas reçus, la direction nacceptant que les délégués des usines Citroën et refusant de négocier avec les représentants nationaux du syndicat. La direction met laccent sur les sureffectifs et sur ses réticences à la réduction de la durée du travail compte tenu des perspectives de lentreprise.
Le 14 juin 1984, aux élections des DP à lusine dAsnières, la CGT obtient 46,3 %, soit un recul de 7,9 % sur 1983.
Le 28 juin, le ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale confirme son refus des licenciements demandés chez Citroën en labsence de négociation entre partenaires. Les 13 et 16 juillet, le PDG dAutomobiles-Citroën consulte les syndicats. CGT et CFDT soulignent lévolution de létat desprit de la direction. En accord avec FO, CGC, CFTC et CSL, la direction refuse toute mesure de réduction du temps de travail.
Le 14, le ministère du Travail, de lEmploi et de la Formation professionnelle rappelle que les pouvoirs publics nont accepté que 3 600 suppressions demplois sous forme de préretraite ou de départs volontaires sur les 6 000 demandés par Citroën, en raison de linsuffisance du plan social présenté. Le 17, le président de Citroën sentretient avec les organisations syndicales sur le plan social qui accompagnerait les 2417 autres licenciements demandés. CFDT et CGT émettent des réserves sur les propositions de la direction. Le 22, le CCE approuve le plan social de la direction, sauf la CGT qui refuse de se prononcer tant que les ouvriers ne seront pas rentré de vacances. Le 23, le ministère du Travail accepte 1 950 des 2 417 licenciements demandés. Le 24 mai, la CGT estime inacceptable cette décision. Le 31, incidents à la reprise du travail à lusine dAulnay-sous-Bois durant lesquels Akka Ghazzi, le secrétaire du syndicat CGT est blessé. CGT et PCF protestent.
Le 5 septembre, André Sainjon adresse une lettre au ministre de lEmploi par laquelle il dénonce le plan de suppression demplois de Citroën, « étape vers un nouveau déclin de lentreprise et un affaiblissement de toute lindustrie automobile ». Les 10 et 11, le travail reprend normalement à lusine dAulnay. Le 11, examen par le CE de la demande de licenciement de 29 représentants du personnel. Le 13, André Sainjon déplore que lon ne puisse consulter la liste des licenciés. La direction de Citroën dément. Le 13, le ministre de lEmploi sentretient avec une délégation de la FTM CGT.
Le 17 septembre 1984, Akka Ghazzi est candidat de lUnion socialiste des forces populaires au Parlement marocain. Il est élu au siège de député du Nord de la France pour limmigration.
Renault. Flins
A Renault Flins (17 700 salariés, dont 53 % dimmigrés), à partir du 6 janvier 1983, grève à lappel de la CFDT à latelier de peinture. Les revendications concernent les salaires (300 F mensuels) et le passage à la qualification supérieure. A partir du 10, 10 300 salariés sont mis en chômage technique. A partir du 12, la grève sétend. Le 17, les grévistes se prononcent à la quasi-unanimité pour la poursuite de la grève. A Billancourt (12 400 salariés, 55 % dimmigrés) : à partir du 11, grève à latelier de peinture (prime de 180 F, passage à la qualification supérieure, conditions de travail, revendications vite alignées sur Flins). Le 20, la grève se termine. Une commission paritaire sur les conditions de travail est mise en place. A partir du 21, grèves à latelier de sellerie, qui se poursuit jusquen février, et à latelier de montage mécanique, où la grève finit le 27. Le 21, la direction générale souligne la gravité de la situation du fait de la paralysie des deux usines. Henri Krasucki dénonce lattitude de la direction. Le 24, le PDG de Renault propose aux syndicats une discussion sur « les problèmes spécifiques les plus urgents » et la reprise des négociations salariales, sous la condition que soient débloquées les chaînes occupées par les grévistes. Le 25, échec des réunions des comités détablissement à Flins et Billancourt. Lors dune conférence de presse, le même jour, Henri Krasucki demande « des mesures rapides de détente capables de rétablir un climat de négociation ». Le 27, Pierre Mauroy indique que « les travailleurs immigrés
sont agités par des groupes religieux et politiques ». Le 27, pour lensemble de Renault, accord entre la direction et les syndicats, sauf la CGC, sur la répartition de la masse salariale pour 1983. A Flins, le 28, accord sur loctroi de primes entre 190 et 275 F, mais incidents lors dune consultation des salariés sur les propositions de la direction concernant lindemnisation du chômage technique. Débrayages à Flins et poursuite du conflit à Billancourt.
Le 1er février 1983, débrayage CFDT et CGT à latelier de sellerie. Le 2, débrayage à latelier de tôlerie R 5. Le 3, consultation des salariés sur lindemnisation du chômage technique dû au conflit à latelier de peinture. Sur 5 000 inscrits à la consultation, 1 090 voix se portent en faveur des propositions de la direction et 1 068 contre. CFDT et FO contestent la représentativité du résultat. Le 7, le travail reprend dans la plupart des ateliers et la direction annonce trois licenciements de salariés marocains, pour entrave à la liberté du travail et incitation à la violence. Le 16, aux élections du comité détablissement, dans le collège ouvriers, la CGT obtient 40,37 % des suffrages, soit une perte de 15,47 % sur 1981. La CFDT progresse de 13,76 % et FO de 2,35 %. Le 17, la CFDT appelle à une grève de protestations contre les 3 licenciements du 7 février. Le 21, le Comité détablissement rejette les demandes de licenciements. CFDT et CGT appellent à la grève, suivie « massivement » selon la CFDT. Le 22, la CFDT appelle à la reprise du travail. Le 23, la direction repousse au 25 sa décision définitive quant au licenciement des trois délégués CFDT. Le 24, la direction transmet à lInspection du travail les demandes de licenciements. Le 25, la CFDT appelle à la grève et la CGT a des débrayages sporadiques.
Le 8 septembre 1983, les syndicats CGT de Renault se réunissent à Rueil-Malmaison. Critique de la stratégie de la direction en matière demploi.
Le 22 février 1984, lors de la réunion du Comité de groupe de Renault (160 000 salariés, dont 103 000 pour le secteur auto), la direction annonce 3 500 suppressions demplois en 1984 dans la région parisienne, sans licenciements. La CGT estime « inacceptable lorganisation de laffaiblissement du potentiel humain industriel de lentreprise » et déclare que les départs doivent être totalement compenser des embauches. Elle réclame la réduction du temps de travail et louverture de négociations sur « une véritable pré-retraite ». Le même jour, lors de la réunion du Comité dentreprise de Renault-véhicules industriels à Lyon, la direction annonce la suppression de 3 750 emplois sur 27 000, en 1984. 1 641 salariés seront pris en charge par le FNE. Mouvements de grève à Blainville, Bourg-en-Bresse, Vénissieux St Priest et Limoges.
Le 4 mai, manifestation à Paris des ouvriers des usines de Renault et de RVI à lappel de la CGT contre les 7 250 suppressions demplois prévues en 1984 (dont 1 600 licenciements). André Sainjon déclare quil nest pas question de céder sur le pouvoir dachat et lemploi.
Chausson
Chez Chausson, le 17 janvier 1983 commence une grève à lappel de la CGT sur les salaires, le paiement des heures de grève, le remboursement pour les immigrés dune part du billet davion et sur le thème de la « dignité ». Le 29, les grévistes occupent les ateliers.
Les 1er et 2 février, alors que la grève se poursuit à lappel de la CGT et de la CFDT, échec des négociations pour les revendications salariales, le thème de la « dignité et lamélioration des conditions de travail. Le 3, les élus du PCF de Gennevilliers interviennent. Le 11, les propositions de la direction sont refusées. Le 17, le travail reprend après un accord salarial et consultation des salariés à lappel de la CGT. La CFDT ne donne pas de consigne de vote.
Sidérurgie. Sacilor
Le 3 octobre 1982, journée « portes ouvertes » à Pompey. Dans les mines de fer, le 8, grève à lappel de la CGT aux mines de Lorraine dUsinor, dArbed et de Sacilor. A Usinor (Société des aciers spéciaux de la Chiers), le 25 des manifestants de la SASC occupent le centre des impôts de Fumay et dEDF à Revin. Le 26, une délégation de la CGT retient dans son bureau le député maire de Revin. Les 30 et 31, manifestations et affrontements avec la police à Vireux-Molhain, dans le cadre des « derniers samedis du mois » organisés par les sidérurgistes avec des militants anti-nucléaires de Chooz.
Le 26 novembre, le Premier ministre effectue une visite dans le Nord. A Valenciennes, il affirme que la sidérurgie française doit « avoir le courage de concentrer les investissements sur ses points forts », de faire « le choix dune production moderne et compétitive ». A Denain, des manifestations hostiles ont lieu de sidérurgistes CGT et CFDT.
Le 8 avril 1983, journée daction des mineurs de Lorraine CGT.
Le 15 avril, la FTM CGT rejette le nouveau plan de restructuration dUsinor.
Le 8 septembre 1983, manifestation à lappel de lUnion des industries minières et métallurgiques CGT qui protestent contre la suppression de 55 000 emplois dans cette branche depuis 1983.
Le 29 février 1984, la FTM CGT estime à 30 000 le nombre de suppressions demplois dans la sidérurgie dici deux à trois ans.
Le 1er mars, le secrétaire dEtat à la Mer annonce une réduction dun tiers de la capacité de production des chantiers navals et la commande de navires aux chantiers français. Ce plan de réduction entraîne la suppression de 5 000 emplois.
Le 3 avril 1984, conférence de presse des unions régionales CGT, FO, CFTC, CGC, CFDT, FEN, qui condamnent le plan gouvernemental de restructuration de la sidérurgie. Le 4, grève générale en Lorraine et manifestations à Metz, Nancy, Longwy, Bar-le-Duc, Commercy, Pompey et Verdun. Nombreux incidents avec les forces de lordre dans les Vosges. Soutien des agriculteurs et ouvriers du textile. Du 18 au 20, incidents et affrontements entre forces de lordre et sidérurgiques à lusine de Chiers à Vireux-Molhain. Les 19 et 20, manifestations des ouvriers dUsinor-Rehon, suivie dincidents. Le 28, manifestations de sidérurgistes CGT de Rehon à Longwy.
Sortie du blocage des revenus pour fin 1982 et 1983
Dans le secteur public et nationalisé. EDF-GDF, le 6 octobre 1982, manifestation intersyndicale à Paris et arrêts de travail à loccasion de la 3ème réunion sur les salaires. RATP : FO, autonomes, CFTC et indépendants appellent à la grève le 27 ; CFDT et CGT appellent à une journée daction le même jour. SNCF : arrêts de travail et grève du 26 au 28 à lappel de la CFDT. Charbonnages de France : grève le 29 octobre.
A la RATP, la CGT donne son accord, le 15 décembre sur lavenant bas-salaires. Le 16, FO, la CFDT, la CFTC, la CGC et les indépendants rejettent les propositions de la direction. A la SNCF, le 10 décembre, un protocole daccord est signé par FO, la CGT, la FGAAC (autonomes) et la CGC. Refus de la CFDT et de la CFTC.
Dans la Fonction publique : action FO et CGC le 22, CFDT le 26, CGT le 27.
Le 22 novembre, la FEN, FO, la CFDT et les autonomes signent un « relevé de conclusions. CGT, CFTC, CGC refusent de signer.
Le 27 décembre, un bilan du ministère du Travail indique que sur 77 accords nationaux de sortie du blocage des salaires dans le secteur privé la CGT en a signé 18.
Le 12 janvier 1983, le Conseil supérieur de la fonction publique adopte le projet de statut général des fonctionnaires de lEtat et des collectivités territoriales. Le 13, CGT et CFDT font état de leur satisfaction.
Charbonnages de France
Le 9 octobre, Henri Krasucki met en garde sur linsuffisance des moyens accordés à la politique charbonnière. Le 15, Georges Valbon, président du CDF, met en cause lannonce par Le Monde du 16 octobre de la révision en baisse des objectifs de production et de la fermeture de certains puits. Le ministère de lEnergie précise quune concertation interministérielle et avec les partenaires concernés est en cours au sujet du plan de production 1983 et de contrat de plan.
Le 20 avril 1983, lAPC, filiale des Charbonnages de France annonce un plan comprenant 690 licenciements ou départs en pré-retraite. Il est rejeté par lIntersyndicale CGT-CFDT-CGC. Le 25, CDF annonce la création dune « plate forme dessai charbon » (laboratoire de lindustrie charbonnière et para-charbonnière) à Mezingarbe, dans le Pas-de-Calais. Le 27, le secrétaire dEtat à lEnergie évoque la nécessité de fermer certaines exploitations dont le déficit est excessif au regard de laide de lEtat.
Le 14 octobre, Georges Valbon, président de CDF depuis février 1982 et membre du CC, démissionne. Il déclare que « la politique charbonnière et la réduction des moyens conduisent au déclin de la production nationale ».
Début décembre, la presse évoque 8 000 suppressions demplois dans les Charbonnages de France.
Le 9 janvier 1984, lors dun Comité extraordinaire des Houillères du Nord Pas de Calais, le directeur annonce une diminution de 2 000 emplois (retraites et mutations). Les jours suivants, les directions des Houillères du Centre Midi et de la Lorraine prévoient, pour 1984, la suppression de 4 000 postes dans lensemble des bassins.
Le 2 mars, grève générale aux Charbonnages de France et manifestation à Paris. Le même jour, la direction adopte un plan de restructuration de 5 ans prévoyant la suppression de 5 à 6 000 emplois par an.
Le 5 septembre, la direction générale des Charbonnages de France présente un projet de réorganisation de lentreprise aux organisations syndicales : 3 000 suppressions demploi (6 000 par an dici 1988), arrêt des exploitations
Santé
Le 3 novembre, entretien de Jack Ralite avec Henri Krasucki. Le ministère confirme la création de 8 000 postes au budget 1983 des hôpitaux publics et la titularisation de 10 000 auxiliaires.
SNCF
Le 10 mai 1983, à la réunion du Conseil dadministration de la SNCF est examiné le nouveau cahier des charges. Il est décidé de supprimer 1 500 postes dici la fin de 1983. La Fédération CGT des Cheminots proteste. Le 11, Charles Fiterman indique quil ny aura pas de licenciements, mais compensation partielle des départs en retraite.
Du 5 au 23 mai, journées daction pour la défense du pouvoir dachat des fédérations CGT des Services publics, des Métaux (construction navale), des Finances (impôts), de la SNCF, du Bois-papier et de lEnergie. Le 10, lUGICT-CGT propose la création dun fonds national de développement industriel reposant sur une souscription volontaire des cadres et salariés, destiné à soutenir lindustrie, lemploi, la qualification professionnelle et lamélioration des conditions de travail.
Prudhommes
Le 8 décembre, élections prudhomales. Chez les salariés, pour la métropole, les abstentions progressent (41,39 %). La CGT recule : 36,81 % des voix contre 42,4 % en 1979. CFDT et FO stagnent. La CFTC et la CGC progressent. Pour la CGT, il sagit dun « avertissement pour les milieux dirigeants de la majorité ».
Crise de limprimerie
Le 6 septembre 1983, actions des ouvriers CGT de limprimerie Montsouris contre limprimerie Arts Graphiques. Le secrétaire dEtat aux techniques de communication exprime sa « préoccupation » à légard de certaines organisations syndicales qui mettent en cause la liberté dexpression. Le 15, le CFN de la FFTL CGT demande : larrêt des fermetures dentreprises, des mesures pour le retour des travaux effectués à létranger, la constitution dun Fonds spécial pour la modernisation de limprimerie, la mise en place dun plan emploi-formation de 3 ans. Du 19 au 23, semaine daction de la CGT pour « la sauvegarde du papier de presse français. »
Travaux publics
Le 6 septembre 1983, la Fédération nationale des travaux publics présente aux organisations syndicales un protocole daccord sur lemploi, prévoyant notamment le départ de 30 000 travailleurs immigrés.
Industrie. Mécanique lourde
Le 28 juin 1984, le premier groupe français de mécanique lourde, Creusot-Loire SA, 30 270 salariés, est mis en règlement judiciaire. Le ministre de la Recherche et de lIndustrie dénonce le « comportement scandaleux » des dirigeants de lentreprise qui voulaient « privatiser les gains et faire payer les dettes par lEtat ». Le président de Creusot-Loire déclare que pouvoirs publics ont pris « la responsabilité du gâchis » et condamne la volonté de « nationalisation rampante ». Le 29, manifestation au Creusot à lappel des syndicats CGT, CFDT, CGC, et le soutien de la FEN. Le 30, le président de la République, à Clamecy, condamne « ceux qui nont pas compris quils devaient assurer la modernisation pour affronter la concurrence ». La CGT appelle à manifester le 5 juillet.
Le 2 juillet, CGT et PCF demandent le maintien de lensemble du groupe et la nationalisation par les pouvoirs publics de lensemble du groupe en cas de blocage du patronat. Le 3, à lissue dun entretien avec le ministre de la Recherche et de lIndustrie, André Bergeron déclare que le gouvernement na pas lintention de nationaliser Creusot-Loire. Le président de lentreprise estime que le nombre de suppressions demplois pourrait atteindre 5 000 à 10000. Le 13, le tribunal de commerce de Paris désigne un mandataire de justice chargé de négocier avec les pouvoirs publics. Le 19, le président de Creusot-Loire démissionne. Le 20, le médiateur de justice présente un projet de plan de redressement critiqué par les syndicats CGT et CFDT, et est nommé administrateur provisoire le 26.
Le 3 septembre 2004, les salariés de Creusot Loire, à lappel de lIntersyndicale CGT, CFDT, CGC rejettent le plan de reprise de Fives-Lille du 31 août. Le 5, accord de principe sur la reprise par Jeumont-Schneider de lensemble des activités ferroviaires de Creusot Loire et maintien de tous les emplois (2 050 personnes). Le 7, la FTM CGT déclare que « les réelles solutions passent par la prise de contrôle public ». Le 12, nouvelle rencontre pouvoirs publics syndicats (CGT, CFDT,FO, CGC, CFTC) qui demandent une solution globale et rejettent la partition du groupe. Le 13, occupation de la gare TGV de Montchanin par les salariés de Creusot Loire. Le 27, le tribunal de commerce de Paris autorise la poursuite de lexploitation de Creusot Loire et refuse de transformer le règlement judiciaire prononcé le 28 juin en liquidation de biens.
Elections Sécurité sociale
Henri Krasucki indique que « le scrutin du 19 octobre nest pas un scrutin politique ».
Le 19 octobre 1983, aux élections aux Caisses dassurance-maladie, la CGT arrive en tête avec 28,25 % des suffrages. Elle arrive aussi en tête aux Caisses dallocations familiales avec 28,35 % des suffrages.
Salaires. Fonction publique
Le 16 février 1984, grève et manifestations, séparées, à lappel de la CGT, de FO et des fédérations Santé et Finances de la CFDT. Le 29, échec de la réunion de négociations. La FEN, la CGT et les autonomes appellent à une grève le 8 mars.
A la réunion du 27 mars, FO et la CGT quittent la séance.
Le 25 août 1982, lors de la conférence de presse de rentrée Henri Krasucki propose : le rattrapage des retards dus au blocage des salaires, lamélioration des bas salaires et le SMIC à 3 600 F, le maintien « le plus tôt possible » du pouvoir dachat couverts par les conventions, le maintien du blocage des prix de grande consommation. Il lance une quinzaine daction du 13 au 25 septembre.
Le 7 septembre, lors de son discours de rentrée, il affirme son désaccord avec le gouvernement sur le problème du pouvoir dachat (qui doit être rattrapé fin 1982), mais il indique le refus de sa centrale de « prôner le tout ou rien. Il met en cause le patronat.
Le 14 octobre, réunion du CCN. Dans le rapport introductif Gérard Gaumé évoque un désaccord avec le gouvernement qui a commis « des erreurs économiques et des fautes politiques » (blocage des salaires, fermetures dans la sidérurgie, forfait hospitalier, cotisation des préretraités), mais réaffirme lappui critique de la CGT. Appel pressant à lintervention des travailleurs « sans laquelle il ny aura pas de changement ».
Le 26 octobre, lors dune conférence de presse, Henri Krasucki affirme un « désaccord catégorique » sur la baisse du pouvoir dachat et évoque le manque de crédibilité dune politique qui combattrait linflation aux frais des salariés. Louis Viannet, responsable de la politique revendicative, annonce lenvoi dune lettre au Premier ministre demandant de porter le SMIC à 3 700 F au 1er novembre.
Il indique la fermeté de la CGT sur la progression du pouvoir dachat du SMIC. Il reconnaît les efforts du gouvernement pour discuter avec les syndicats et indique la volonté de « sérieux » de la CGT pour que « la gauche réussisse quelque chose de bien ».
Le 9 novembre, Edmond Maire, devant lAssociation de la presse anglo-américaine, met en garde le gouvernement au sujet du pouvoir dachat du SMIC (« rupture daccord » avec le gouvernement de la part d « une fraction de ceux qui ont le plus souhaité le changement »). Devant lUnion confédérale des cadres-CFDT, il évoque labsence de « définition dune politique industrielle cohérente ». Le 10, Henri Krasucki refuse de « se livrer à une surenchère verbale ».
Il évoque des convergences avec la politique gouvernementale, mais des désaccords précis, notamment sur le blocage des salaires et le pouvoir dachat.
Le 18 novembre, à la suite dentretiens du Premier ministre avec les syndicats sur le SMIC, il évoque un retard « regrettable » dans laugmentation du pouvoir dachat du SMIC.
Il dénonce, à propos du pouvoir dachat, le « dérapage » du gouvernement.
Le 9 mars 1983, la CGT note lexistence de motifs dinsatisfaction mais appelle à voter pour la gauche aux élections municipales.
Fin mars 1983, réagissant au plan de rigueur présenté par le ministre de lEconomie, des Finances et du Budget, la CGT y trouve des mesures indispensables mais juge que des modifications sont nécessaires du point de vue des atteintes au pouvoir dabat des plus modestes.
Le 28 mars, la CGT propose à la CFDT et à la FEN dorganiser un 1er mai unitaire.
Le 29 mars, le BC exprime son désaccord avec « une partie importante des mesures du plan de rigueur ». Il refuse de porter atteinte au pouvoir dachat des salariés et des retraités et fait quatre propositions : renforcement de limpôt sur la fortune ( + 6MF) ; taxation des sorties de capitaux (6 à 7 MF) ; prélèvement sur les revenus fonciers et les dividendes autres que les livrets A et lépargne logement sous forme dun impôt de 5 % (14 MF) ; suppression de la déductibilité de la TVA sur certaines dépenses des entreprises (publicité par ex.) et renforcement de la lutte contre la fraude fiscale.
Le 6 avril 1983, la CE de la CGT se prononce en faveur dun 1er mai unitaire. Le 12, accord pour un 1er mai unitaire entre les organisations régionales des syndicats CGT, CFDT et FEN, le 19 accord à Marseille.
Du 9 au 13 avril 1983, 31e congrès, à Saint-Ouen, de la FTM CGT. André Sainjon est réélu secrétaire général. Il déclare que « les améliorations apportées au plan de rigueur ne font pas encore le compte ».
Le 1er mai à Paris, manifestation unitaire CGT-CFDT-FEN pour la première fois depuis 1979.
Le 4 mai 1983, le premier secrétaire du PS et Henri Krasucki se rencontrent, notamment sur le problème du pouvoir dachat et des élections aux organismes de la Sécurité sociale.
Georges Séguy declare que « les récentes options économiques et sociales du gouvernement vont à lencontre des engagements pris par la gauche ». La CE du affirme qu « il nest pas acceptable que les mesures gouvernementales aggravent la situation des travailleurs ».
Le 27 juillet 1983, lors dune conférence de presse, Louis Viannet et André Deluchat indiquent que depuis la mi-mars 1983 77 000 emplois ont été supprimés ou sont menacés, notamment dans lautomobile, la sidérurgie, la chimie, la construction et les entreprises nationalisées.
Le 5 août 1983, la CGT proteste contre 3 000 suppressions demploi annoncées par Péchiney-Ugine-Kulmann.
Le 6 septembre, le président de la République sentretient avec Henri Krasucki qui réaffirme le souhait dune plus grande justice dans leffort et la rigueur.
Le 8 septembre, dans son discours de rentrée, il met en cause des comportements « inadmissibles » dans des entreprises publiques, des administrations ou des ministères et la pression des « forces du passé ». Il indique limportance pour la réussite de la politique de la gauche de la question du financement du développement industriel. Il critique la fiscalité prévue dans le budget 1984 qui « frappe trop bas ».
Il met en garde contre lanticommunisme et évoque le temps limité dont dispose la gauche pour mener à bien des réformes.
Le CCN qui se tient du 8 au 10 novembre, évoque un accroissement de lécart entre les objectifs de la CGT et la politique du gouvernement.
Le 11 décembre, la CGT annonce que 163 667 emplois ont été supprimés entre mars et décembre dont 85 900 depuis le 1er juillet : 81 978 dans la métallurgie, 16 513 dans la construction, 14 909 dans la chimie, 10 431 dans le verre-céramique.
Le 28 décembre, la Fédération CGT du textile-habillement annonce que 4 000 emplois ont été supprimés dans le textile et 10 000 dans lhabillement.
Henri Krasucki déclare : « Nous sommes à un moment charnière, le CNPF multiplie ses exigences et entend poursuivre un déclin industriel qui entraînera le chômage ; il y a également des dispositions du gouvernement préoccupantes sur plusieurs sujets sensibles ; cest notre devoir de crier casse-cou et de sonner le tocsin ».
Le 13 janvier 1984, le président de la République sentretient avec lui sur des dossiers nationaux (sidérurgie) liés à la politique européenne.
Le 1er février 1984, à la CE, Henri Krasucki appelle à l « action la plus unitaire » face à la pression patronale.
Le 6, il conteste la réduction des capacités de production dans la sidérurgie, demande un prélèvement exceptionnel sur les grandes fortunes et appelle à lunité syndicale.
La CFDT dénonce la « frénésie unitaire de la CGT » destinée à « appuyer la politique de rupture du PCF ».
Le 23 mars, journée nationale daction de la CGT pour la défense de lemploi et le pouvoir dachat.
Le 30 mars 1984, à Bruxelles, Henri Krasucki condamne le refus de la CES dintégrer la CGT.
Le 20 avril, participation de Guy Hermier et Henri Krasucki à une journée daction à Fos-Sur-Mer et Marseille consacrée à la sidérurgie et aux Charbonnages dans les Bouches-du-Rhône. Ce dernier condamne la politique économique du gouvernement.
Le 12 juillet 1984, lors dune conférence de presse, Henri Krasucki déclare que « laction syndicale de masse est le moyen dempêcher des mesures absolument inacceptables ».
Le 19 juillet 1984, la CGT fait part de la préoccupation parmi les travailleurs quant à la non participation du PCF au gouvernement. Elle évoque la nécessité de résoudre les problèmes de lemploi, de la politique industrielle, du pouvoir dachat, de la justice fiscale, de la protection sociale. Elle appelle à lunité des travailleurs.
Le 25, le BC évoque la préoccupation et les désaccords de la CGT après le discours de politique générale du Premier ministre.
Le 27, Henri Krasucki préconise la concertation et appelle « à une action syndicale de masse afin de peser pour que des mesures positives soient prises ».
Le 22 août, lors dune conférence de presse, il appelle à une nécessaire mobilisation « les yeux ouverts » des travailleurs, qui ne doivent pas attendre les échéances électorales pour exprimer leur mécontentement.
PCF
Le 19 juin 1982, conférence national du PCF à Arcueil. Le rapport du BP, présenté par Madeleine Vincent, est entièrement consacré aux problèmes économiques et sociaux consécutifs à la dévaluation. Il appuie la lutte contre les causes internes de linflation et demande des moyens accrus de contrôle du blocage des prix. Il soppose à toute réduction du pouvoir dachat des salariés petits et moyens. La conférence de presse finale fait appel aux travailleurs pour que leurs réactions soient positives pour approuver leffort demandé par le gouvernement.
Georges Marchais évoque le bilan « non négligeable » de laction de la gauche au pouvoir. Il appelle le gouvernement à « ne pas dévier de sa route
pour aller de lavant
en faisant preuve de fermeté ». Le BP appelle les militants à sengager dans la « bataille de la production nationale » et condamne les dirigeants dentreprises qui, jusque dans le secteur public, tentent de prolonger la gestion du passé.
Le 12 septembre, à la Fête de LHumanité, à La Courneuve, Philippe Herzog invite « les travailleurs à se mobiliser dans une grande campagne pour la poursuite et la réussite de la politique nouvelle ».
Le 30 septembre, le BP réaffirme son « unité totale » autour de Georges Marchais.
Les 4 et 5 octobre, réunion du CC. Le 4, dans son rapport, André Lajoinie évoque lengagement « à part entière » du PCF dans la majorité mais reproche au gouvernement de ne pas respecter « les engagements pris » et de céder à la « pression de la droite et du patronat ». Il juge nécessaire une « intervention massive des travailleurs ». Dans son discours de clôture, rendu public le 6, Georges Marchais affirme la poursuite de lengagement du PCF au gouvernement et dans la majorité « dans la droite ligne des choix fondamentaux qui sont les siens depuis quinze mois ». Cependant, à propos de la politique gouvernementale, il indique que « le compte ny est pas encore ».
Le CC décide dune « action nationale pour la production, lemploi, le pouvoir dachat et les droits des travailleurs ».
Charles Fiterman indique que « la solidarité dans laction gouvernementale doit prévaloir » et ajoute : « se comporter ainsi est conforme à ma sensibilité communiste ».
Georges Marchais dénonce la campagne sur son éventuel remplacement. Il approuve la « rigueur pour tenir les engagements de mai 1981 » et indique son accord pour laide aux entreprises à condition quelles « produisent français et créent des emplois ».
Au CC des 8 et 9 novembre, le rapport de Jean-Claude Gayssot, membre du BP et chargé de lactivité du Parti dans les entreprises, est adopté. La résolution appelle à la mobilisation des travailleurs pour « mener la bataille de lentreprise ».
Georges Marchais affirme le soutien du PCF au gouvernement qui ne connaît pas de « dérive droitière ou social-démocrate ».
Le 20 décembre, le BP adopte un « Appel aux Françaises et aux Français » dans lequel il dénonce « la campagne dintoxication et de falsification anticommuniste menée par les grands moyens dinformation, notamment la radio et la télévision nationale ».
Elections municipales
Le 22 juin, communiqué commun PCF PS pour des négociations au niveau local pour la constitution de listes communes.
Le 4 janvier 1983, la section de Sèvres du PCF soutient la candidature de Roger Faynzylberg, membre de Rencontres communistes. Henri Fiszbin annonce la constitution de sa propre liste dans le 19ème arrondissement. Le 6, Paul Laurent rejette toute alliance avec des membres de Rencontres communistes.
Le 6 janvier, Georges Marchais déplore les lenteurs de lapplication de laccord PCF PS du 22 décembre sur la constitution des listes des villes de plus de 30 000 habitants. Il appelle la gauche à se mobiliser sur le bilan positif de laction gouvernementale.
Rencontres communistes
Le 12 octobre, le Collectif national de Rencontres communistes, que préside Henri Fiszbin, lance un « appel à tous les communistes » à se mobiliser dans le combat contre la droite, que « le comportement actuel du PCF handicape ».
Gouvernement
Le 18 juillet 1984, entretien entre le nouveau Premier ministre, Laurent Fabius, et Georges Marchais, Charles Fiterman et André Lajoinie. A son issue, Georges Marchais évoque le mauvais résultat de la gauche aux élections européennes et déclare : « Au centre de la discussion entre Fabius et le PCF se trouve un problème : est-ce que nous allons nous engager dans une politique nouvelle, permettant daller vers la résorption du chômage ? » Dans la nuit du 18 au 19, le CC se réunit. A son issue Charles Fiterman déclare que le problème de la lutte contre le chômage na pas reçu de réponse satisfaisante de Fabius. Un nouvel entretien a lieu entre les mêmes, après lequel le CC déclare que les réponses du Premier ministre « ne permettent pas aux communistes dentrer dans le gouvernement » et indique quil continuera « à soutenir toute mesure qui ira dans le sens des engagements pris ». Le 19, le premier secrétaire du PS déclare : « Les socialistes restent favorables à la participation des communistes au gouvernement ; la politique économique et sociale de Fabius nest pas différente de celle de Mauroy et quapprouvait Marchais ».
LE DEPART DES COMMUNISTES DU GOUVERNEMENT
Louis Viannet évoque pour nous cette période :
« Arrive 84. On est en juillet. Les vacances sont commencées. Marchais est en vacances et dautres. Leroy est en vacances. Krasucki était en vacances. Le BP est pratiquement partagé en deux. Le Parti a lhabitude, dans les périodes de vacances, dassocier les secrétaires fédéraux de la région parisienne aux réunions du BP. Un vendredi, Gaston Plissonnier me téléphone en me disant : Louis, jaimerais bien te demander que tu rapportes au BP sur la situation. Je lui dis : dis donc, tu ne me laisses pas beaucoup de temps. Le dimanche est passé. Je prépare mon rapport pour le mardi. Je fais un rapport parce que là, cétait tendu dans les entreprises, le patronat faisait le forcing en disant, en gros, pour commencer : Quand je fais lanalyse de la situation, jen arrive à considérer que lon est dans une zone de turbulence parce que de partout les salariés sont quand même confrontés à une politique qui ouvre des marges au patronat. Et, je fais mon exposé, disant : Manifestement, on ne sent pas du côté du gouvernement une volonté quelconque de peser dans le rapport de forces pour aider les luttes des salariés. Et jajoute : Les salariés ont quand même du mal à percevoir le poids des ministres communistes au gouvernement. Je ne te dis pas. Pour un pavé, cétait un pavé. »
« Fiterman était membre du Bureau politique. Tout en étant ministre, il participait régulièrement aux réunions du Bureau politique. Le premier qui prend la parole est Paul Laurent. Il me descend. Derrière lui, Gaston. Gaston, lui, à la limite, il était prêt à discuter de tout ce que javais dit mais, il me la dit après, il men voulait davoir posé ce pataquès alors que Georges nétait pas là. Fiterman prend la parole et dit : Je pense quil y a des choses sans doute excessives mais il faut quand même bien reconnaître que lon nest complètement bloqué. On nest dans une situation bloquée. Nous, on ne peut plus bouger. Cest un deuxième pataquès. La discussion se poursuit. Majoritairement, cest une idée qui nétait pas partagée par les membres du Bureau politique.
« On mange ensemble, comme dhabitude, puis on se sépare en début daprès-midi. A sept heures du soir, le téléphone sonne à la maison. Cétait Gaston Plissonnier. Il me dit : Viens vite, tout de suite, au Comité central, on fait une réunion du BP. Le gouvernement Mauroy vient de démissionner.' Alors jarrive et le leur dis : En guise de turbulence, cétait quand même pas mal. Il y avait pas mal de problèmes à régler. Il fallait faire rentrer Georges Marchais. Il était en Roumanie. Ils ne voulaient pas le réveiller. Finalement, ils réveillent Georges Marchais qui dit : Je rentre tout de suite. Fiterman a mis un avion à la disposition de Lajoinie qui est parti le chercher en avion. En attendant, le Bureau politique est réuni. On savait à peu près que cétait Fabius qui allait prendre le gouvernement. Il y a donc un premier échange au Bureau politique au milieu de la nuit. Lors dun premier tour de table, je dis : Je suis pour quon quitte le gouvernement, ce nest pas possible dy rester. Fiterman était très emmerdé après ce quil avait dit le matin. Il dit : Je ne reviens pas sur ce que jai dit. Je considère que lon est vraiment coincé. Mais cela doit-il se traduire par notre départ du gouvernement ? Cela demande réflexion. Bref, il fait une intervention qui sauvegardait un peu la suite. Tous les autres sexpriment contre le départ du gouvernement. Georges rentre le mercredi en fin de matinée et Lajoinie lui a évidemment raconté les débats du Bureau politique. Le mercredi après-midi, le Bureau politique se réunit. Tous étaient rentrés, ils avaient été rappelés. Le seul qui navait pas pu rentrer, cest Henri. Il est rentré vingt-quatre heures plus tard. Le débat reprend et au bout de la discussion : pataquès. Marchais dit : Je vous ai écoutés. Je pense quil faut quon quitte le gouvernement. Cest mon opinion. Mais, je ne propose pas que ce soit lopinion du Bureau politique parce que je sens quil y a des réticences. On va réunir le Comité central. Le Comité central est convoqué pour le lendemain. Le premier qui intervient, cest Georges Séguy, qui navait plus de responsabilités syndicales mais qui était toujours membre du Comité central. Georges intervient net et sans bavures, disant : Il faut quon sorte du gouvernement. On est en train denterrer le Parti. Derrière, cela a suivi. Il y a eu au moins trois ou quatre interventions dans le même sens. Après, cela sest un peu rééquilibré. Marchais na pas attendu la fin du CC pour intervenir, il la fait assez vite pour dire : Les camarades du Bureau politique le savent, mon opinion est quil faut que lon quitte le gouvernement. Et là, jai assisté à quelque chose de pas très joli. Un certain nombre qui défendaient mordicus le maintien au gouvernement, à partir du moment où Georges avait parlé, ont changé davis. Cela ma beaucoup éclairé sur les hommes.
« Il y a eu une campagne de presse sur le thème : les dirigeants de la CGT emportent le morceau au Comité central. Elle était inspirée de lintérieur du Parti par ceux qui étaient vraiment opposés au départ : Ralite et dautres.
« Finalement, cela sest terminé par le départ du gouvernement. Quand on regarde cette période, dire que la CGT a joué un rôle de courroie de transmission, cest prendre des libertés avec la réalité. »
Thérèse Hirzsberg, de son côté, relate ainsi ce moment :
« Moi, cela faisait longtemps que je disais : Il faut sortir de là. Je pense que lon naurait pas dû y rentrer. Cétait de la folie. La mort du PC elle a commencé là. Je sais que les gens nous en auraient voulu, mais cétait de la folie. On y allait dans des conditions épouvantables. En plus, comme onen a rajouté trois louches, on avait la dose. Je parlais beaucoup avec Louis, on nétait à peu près du même avis.
« Alors, comment cela sest présenté. On a été convoqué. Je me souviens, cela a commencé laprès-midi. Marchais était en Roumanie. On attendait quil revienne. On discutait entre nous, mais personne ne disait rien. Il y avait eu, entre temps, des réunions du Bureau politique.
« Marchais arrive. Je nai jamais eu le cur qui a battu autant. La séance commence. Cest le brave Plissonnier qui présente les choses sans dire ce que le BP pensait. Le premier qui est intervenu, cest Séguy. Il invitait à sortir du gouvernement. Il mavait agréablement surprise. La deuxième, cest moi, disant : Il faut sortir. Il y a eu Louis. Henri était prudent, enfin pas prudent, mais il faisait attention. Ensuite, cela a été plus compliqué. Page sest emberlificoté. Warcholak, nen parlons pas. Javais senti que lon avait marqué des points.
« Honnêtement, lhistoire devrait retenir que les syndicalistes, lors de ce Comité central, ont joué un rôle décisif pour la sortie des communistes du gouvernement. Il faut rendre à César ce qui est à César.
« Il y a eu un vote majoritaire. Ce qui est extraordinaire cest que Le Pors, qui ne sattendait pas à ce que le Comité central décide ainsi, à demander à rectifier son vote. »
Georges Séguy présente, quant à lui, les choses ainsi :
« Le premier intervenant au Comité central, cétait moi, en disant : Il ne faut pas rester. Mais, ce nétait pas absolument unanime. Manifestement, les quatre ministres communistes étaient plutôt pour rester. Plusieurs autres membres du Comité central étaient du même avis. Mais, disons que le poids de ce que venait de dire le secrétaire général de la CGT, avec une argumentation inspirée de la déception sociale, cela a pesé tellement fort que lon na pas accepté la reconduction.
« Dans ces circonstances, la thèse de la courroie de transmission était on ne peut plus subjective. »
MAI 1985 : LE CONFLIT SKF
Le 2 décembre 1983, à lappel de la CGT, lusine de roulements à bille SKF dIvry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, est occupée. Le 8 décembre, Georges Marchais, dans une déclaration à Ivry, dénonce la situation des entreprises dIle-de-France notamment la menace de fermeture de SKF et se référant à la déclaration commune PCF PS du 1er décembre 1983 annonce quil a écrit à Fabius, ministre de lIndustrie, pour que celui-ci reçoive une délégation du PCF et de la CGT.
Interviewé à la radio, il réaffirme son opposition à la fermeture de SKF, dénonce la désindustrialisation de la région parisienne et critique laction gouvernementale.
Le 19 décembre 1983, lors dun entretien entre Laurent Fabius et Georges Marchais, il est convenu notamment de lancer un programme de concertation à propos des difficultés de lusine SKF.
A lissue de son voyage officiel en Suède, les 16 et 17 mai 1984, le Président de la République tient une conférence de presse, à Stockholm. A une question par laquelle on lui demande si on lui a parlé de la manifestation des travailleurs de SKF France en Suède, il répond notamment:
«
SKF fait partie en effet des quelques problèmes industriels, où lon voit des travailleurs français occuper leurs usines, souvent de façon préventive, au moment où ils entendent dire quil pourrait y avoir soit la fermeture de lusine, soit son déplacement à lintérieur de la France, ou de la France à un autre pays étranger, soit de très graves et de très nombreuses suppressions demplois. (
) Il en va de SKF comme il en va dautres conflits, étant entendu, quen fin de compte, tout étant fait pour que le droit social et le droit de chaque individu soit respecté, la loi soit elle-même être appliquée. »
Plus dun an plus tard, le 28 mai 1985, la police évacue les locaux de lusine toujours occupée. Aussitôt une manifestation de protestation a lieu à Ivry ainsi quun meeting, à lappel de la CGT qui dénonce le quadrillage de la ville et la mise en place dun véritable dispositif militaire avec laccord du Premier ministre. Georges Marchais fait une déclaration sur lintervention des forces de police. Le lendemain, il tient un meeting et, sur TF1, demande au Premier ministre de faire évacuer les CRS, de reprendre les négociations, et rend le gouvernement responsable de la perte de 400 000 emplois dans lindustrie depuis 1981.
Le 5 juin 1985, des affrontements ont lieu entre la police et des militants de la CGT lors dune tentative de réoccupation de lusine gardée depuis le 28 mai par les forces de lordre : on dénombre, selon les chiffres officiels, une centaine de blessés, dont soixante-quatre CRS. La Commission exécutive de la CGT proteste contre lintervention de la police. Le Bureau politique du PCF, dans un communiqué, met en cause la responsabilité du gouvernement et demande la prise en compte des propositions demplois industriels de la CGT. Marcel Debarge, secrétaire national du PS, appelle au « sang froid » et condamne la « mobilisation agressive » du PCF et de la CGT. A lAssemblée nationale, le ministre de lIntérieur, Pierre Joxe, en réponse à une question du député communiste du Val-de-Marne Paul Mercieca, condamne la « provocation » contre les forces de lordre et refuse le « droit à lémeute ». Le CNPF, la CFTC et la CGC condamnent laction de la CGT. Le 6 juin, dans un communiqué, le Bureau exécutif du PS dénonce les méthodes violentes de la « direction » du PCF. Ce même jour et le jour suivant, des manifestations de la CGT ont lieu à Paris et en province pour dénoncer lintervention des forces de lordre à la SKF. Le 7 juin, Georges Marchais déclare quil approuve lutilisation du personnel et du matériel communal contre les forces de lordre par la municipalité dIvry-sur-Seine. André Deluchat et Gérard Gaumé, membres socialistes du Bureau confédéral de la CGT critiquent les mots dordre anti-socialistes de la manifestation CGT du 7 juin qui « nont rien à voir avec la démarche syndicale. » La Fédération CGT de la Métallurgie affirme sa volonté dagir en syndicat et son refus de se substituer aux partis politiques. La CFDT critique la « dénaturation politicienne » de laction syndicale par la CGT. Dans des déclarations, André Bergeron, secrétaire général de FO, dénonce les incidents « délibérément provoqués » par le PCF.
A loccasion du CCN de la CGT des 25 et 26 juin 1985, dans une interview, Gérard Gaumé se prononce pour une attitude dindépendance syndicale et de refus de politisation des luttes, telle celle de SKF, notamment vis-à-vis de laction gouvernementale ou des relations avec le PS.
Au moment où à lieu ce conflit, Jean-Pierre Page est secrétaire général de lUD CGT du Val-de-Marne, membre du Comité central et de la CE confédérale de la CGT :
« On était engagé dans cette grève avec occupation de la SKF qui était assez symbolique de la période parce que lon menait la bataille sur le terrain des propositions industrielles et cétait un secteur stratégique que Fabius, à lépoque Premier ministre, que le gouvernement voulaient abandonner. Cest devenu très tendu. A ce moment-là, tout le monde était à peu près sur la même longueur donde sauf la Fédération de la Métallurgie, Sainjon et léquipe qui était avec lui. Ils participaient mais vraiment de très loin. Le conflit avait pris une ampleur nationale. La CGT mais surtout le Parti avaient donné, notamment à travers LHumanité, beaucoup déchos à tout ce que lon faisait. En plus, il y avait une implication personnelle de la direction du Parti. A ce moment, les choses ont commencé vraiment à se durcir. Il a été convenu que ce serait Viannet qui suivrait laffaire. Viannet et Gérard Gaumé, avec qui jétais très pote bien que lon navait pas les mêmes options politique.
« On a durci le conflit du fait de lattitude du gouvernement. Cest devenu de plus en plus, par la politisation qui caractérisait le conflit, un sujet daffrontement entre les communistes et le gouvernement.
« Et puis, on sest fait virer de lusine. Le soir même, il y a eu une grande manifestation. Je crois que lon était 10 000. Jétais en tête, javais à ma droite Georges Marchais et à ma gauche Louis Viannet ou cétait linverse. On marchait dans la rue pour aller à la SKF. Quand on est arrivé devant la SKF, je te donne ma parole cest la vérité vraie, jai dit à Georges : Tu sais, ce quil faudrait que lon fasse parce que lon avait vraiment un sentiment dhumiliation il faudrait reprendre cette boite. Il ma dit : Ah oui. Tu sais, cela a déjà été fait mais lon navait pas réussi. Je lui dis : Comment ça ? Il me dit : Oui, cela a été fait dans les années 50. Il y avait eu une usine métallurgique à Gentilly, je ne sais plus comment elle sappelait je crois quAmiable sen souvient puisque Amiable me la raconté aussi et je crois même quil avait participé à cette opération décidée par le Parti , que lon avait décidé de reprendre et lon navait pas réussi. On avait été viré par les flics qui étaient trop forts. Je me penche, alors, vers Louis et lui dis : Je disais à Georges quil faudrait que lon reprenne lusine et Georges pense que cest juste, enfin il est daccord. Et Louis dit : Ah oui. Je te jure, cela sest fait comme cela. Aussitôt dit, aussitôt fait, on a mis au point une stratégie avec mon ami Jean-Claude Lefort. Une stratégie militaire. On a mobilisé vraiment énorme. Cétait dingue. 2 000 gars, dedans il y avait 400 ou 500 mecs du Livre, ils étaient armés, mais armés armés. Si les femmes avaient jeté des fleurs aux CRS, je peux tassurer quon ne leur jetait pas des fleurs. Le jour J, on était prêt, les conditions étaient réunies. On avait pris comme consigne que je prévienne Louis. Il y avait la réunion du Bureau politique, je lai fait sortir de la réunion et lui ai dit : Ca y est, on est prêt. Dis à Georges que lon est prêt, tout est prêt, on peut faire lopération demain. Il est rentré dans la salle de réunion du BP puis ressorti et ma dit : Banco ! A Montreuil, on nétait pas au courant. Je navais pas à prévenir, il y avait un secrétaire confédéral qui le savait. Henri, qui était présent à la réunion du BP, nétait pas dans la confidence.
« A cinq heures quinze du matin, jai appelé le préfet. Je lui ai dit : On a repris la SKF, les CRS ont été viré manu militari. Tu connais la suite des événements, la bagarre, ils ont mis les grands moyens, même les hélicoptères. Joxe a donné lordre de me faire arrêter. Il y a eu presque 200 blessés, 200 arrestations, on dit même quil y a eu des morts, pas de notre côté, enfin cela na jamais été trop éclairci cette histoire. Jétais suivi en permanence et lon ma coincé. Jétais avec des camarades en voiture, ils mont aspergé, menotté et mis dans le panier à salade. On était au commissariat dAlfortville. On ma autorisé à téléphoner. Jai prévenu. On a annoncé quil y avait une manifeste immédiate au commissariat. Ca a commence à rappliquer pour me libérer. Finalement, on a donné lordre de me libérer. Moi, je ne voulais pas quon me libère, je voulais attendre quil y ait la manif. Je suis sorti. Ils mavaient quand même matraqué la gueule. On pouvait pas sapprocher de moi tellement jétais plein de gaz lacrymogène, tous mes vêtements étaient imprégnés. On ma emmené à la FD du Parti. Georges Marchais était là. Il ma emmené chez un médecin. On ma fait passer des radios, etc. Puis, le Bureau confédéral voulait absolument que je vienne. Cétait quand même le secrétaire général de lUD, membre de la CE confédérale, membre du Comité central qui avait été arrêté. Je suis arrivé dare-dare. Tout le monde pleurait à cause de mon odeur de gaz lacrymogène. Henri a gardé une attitude très digne. Il avait été mis devant le fait accompli dans cette affaire. Jai eu loccasion de lui dire quil y avait deux secrétaires confédéraux chargés de laffaire et que je les avais informés en permanence. En même temps, il doit bien constater que Viannet ne lui a rien dit.
« Donc, on décide dune manifestation. Je me rappelle : on a fait cette manif de la Bastille à la République. Il y avait Henri. Il y avait Warcholak, il était très content de cette situation. Il y avait les gars de la SKF. Cétait une grosse manif. On avait fait cela en quelques heures, cétait le lendemain matin. Les gars gueulaient contre le gouvernement socialiste. Henri avait une sainte horreur de ce mot dordre et il me dit : Mais, pourquoi ils crient cela ? Tu peux pas faire quelque chose ? Jy peux rien, après ce qui vient de se passer, ce nest pas étonnant. Ah, bon. Arrivé place de la République, jai pris la parole monté sur un camion. Jy suis allé avec passion contre le gouvernement socialiste. Les mecs étaient très heureux et Henri ne létait pas du tout.
« Ces événements ont suscité des tensions assez fortes entre Henri et la direction du Parti. »
A propos du conflit SKF, nous avons demandé à nos interlocuteurs de nous faire part de leur vécu de ce conflit.
Dabord, deux des principaux acteurs.
Pour Louis Viannet :
« SKF, cest vraiment lUD du Val-de-Marne qui a décidé, qui a monté son opération et ce nest pas le Parti qui a poussé lUD. Cest lUD qui a informé le Parti en lui disant : On va faire cela. Le Parti a dit : Allez-y. En plus, cétait Marchais qui était dans le Val-de-Marne. Je suis à peu près convaincu que cest de cette période quont commencé à grandir les tensions entre Henri et Georges Marchais. Est-ce quil y avait dautres raisons ? Parce quils avaient une antériorité par rapport à moi tous les deux. Là, je suis incapable de répondre. Mais, cest dans cette période-là qua commencé à monter dans la presse lidée de clans : les durs, les moins durs, les mous. Le Monde et Libé ont commencé à accréditer lidée que Krasucki navait plus vraiment la main. »
Pour André Sainjon :
« Dabord SKF
je nai pas manifesté. Cela a été remarqué. Jean-Pierre Page avait reçu un coup, semble-t-il, par des policiers à loccasion dun heurt. Cette affaire, je lai appris ensuite, ressemblait à une opération préméditée, donc douteuse. Non pas quil ny avait pas de problèmes posés sur le plan économique et social concernant SKF, mais cest la méthode employée par certains éléments de la CGT, membres du Parti, qui créait, dans mon esprit, un sentiment de rejet. Il sagissait de monter en épingle sur le plan national cette affaire pour accuser le gouvernement socialiste et sa police. On revenait à une certaine époque. Je me suis refusé à minscrire dans cette démarche. Je me souviens dailleurs très bien que le jour de la manifestation à Ivry se tenait le CCN ou une CE de la CGT et Krasucki, dans la présentation de son rapport, avait dit : Sil ny avait pas eu la CE, je me serais rendu à Ivry et cela en me regardant. Je nai pas bougé. Je nai pas bougé parce que je nai pas du tout apprécié la façon dont cette action avait été organisée. »
Ensuite
Pour Gérard Alezard :
« SKF, je lai vécu de lextérieur. Je pense que ce conflit-là a été tiré beaucoup de lextérieur de la CGT et a amené celle-ci à être obligée, en quelque sorte, à tort, mais obligée quand même de sy investir. Cest sûr que cest un confit quelque peu artificiel pour des raisons politiques. Mais, je lai vraiment vécu de lextérieur. La seule chose que je puisse dire cest que je nai pas connu dans le Bureau confédéral de contestation ouverte. Je sais quen coulisse il y avait plus que des débats sur le sujet. Mais, je nétais pas très concerné. Dabord parce que le Secteur Economique nétait pas engagé là-dedans. »
Pour René Lomet :
« Cest à partir de ce moment-là quil y a eu de plus fortes tensions. Il y avait une différence dappréciation. Majoritairement, le Bureau et même la CE confédérale avaient pour opinion quil fallait essayer délargir laction, daller vers des mouvements de masse de plus en plus importants, de travailler à réaliser lunité.
« Henri était vraiment là-dessus. Au Parti, cétait lidée quil fallait des opérations coup de poing. Il y a eu SKF, les Dix de Renault, mais cétait aussi dans les départements. Par exemple, dans les Bouches-du-Rhône cétait La Ciotat. Ou bien les immigrés à Vitry ou ce quils ont fait chez Robert Hue.
« Là, il y a une réelle différence dappréciation sur la façon de conduire les luttes à lépoque. Et cest vrai que le Parti a pris très directement le relais des militants syndicaux pour faire appliquer cette stratégie. »
Pour François Duteil :
« Pour moi, le conflit SKF, même sil a pu donner limpression que cétait un conflit initié de lextérieur, était, je crois, un combat juste, très syndical, contre la désindustrialisation de la région parisienne. »
Pour Edmond Amiable :
« SKF fut une action menée à un haut niveau par les salariés de lentreprise. A un moment, il fallut élargir, soutenir leur mouvement. Ce ne fut pas simple. LUD du Val-de-Marne en avait fait sa lutte. Il y eut des désaccords à la CGT. Lorsquil y eut laffrontement avec les CRS, il y eut des blessés sérieux parmi les syndicalistes. Ce fut une journée intense. Georges Marchais, député du Val-de-Marne, simpliqua beaucoup pour que les intérêts des salariés de SKF qui défendaient leur entreprise et leur emploi soient pris en compte. »
Pour Georges Lanoue :
« Concernant SKF, ce sont surtout les cheminots de Paris Sud-Ouest qui étaient impliqués dans laffaire avec le soutien de la FD.
« Peut-être que sur SKF le Parti a vu loccasion de montrer quil était lui aussi capable dêtre lélément moteur dune bataille. Peut-être que dans ce cas précis le Parti a voulu montrer que laction cétait aussi son affaire ? »
Pour Alain Obadia :
« Laffaire SKF sest déroulée au début du congrès de lUGICT de 1985, à Toulouse. Dans lavion qui nous emmenait au congrès Henri et moi, toute la presse était à nos basques pour nous demander ce que lon en pensait. Evidemment, il nétait pas question que lon désavoue les camarades, mais en même temps ce truc ne nous semblait pas très porteur davenir. Jai discuté avec Henri, il était contre. »
Pour Jacqueline Léonard, à ce moment non encore élue au CC :
« Jai vécu SKF avec les éléments quon nous a donnés sur la situation de lentreprise, sur la décision de lUD du Val-de-Marne dagir comme on sait. Il y avait dans le Bureau confédéral sans doute des expressions nuancées ou plus fermes, pour dire que oui il fallait cette lutte pour affronter le capital, mobiliser plus radicalement les salariés. Et puis, des expressions plus contradictoires sur la méthode, sur laffrontement avec les forces de police, etc. Jai pris en compte SKF comme une initiative du Val-de-Marne telle quelle a été présentée dans lorganisation syndicale. Je ne me suis pas posée de questions par rapport au Parti, pour savoir si cétait Marchais à lépoque qui avait pris la direction des luttes ! En tant que membre du Bureau confédéral, jai pris en compte les explications telles quelles étaient données dans la CGT. Dailleurs, si Jean-Pierre Page, qui était secrétaire général du Val-de-Marne, était à la tribune au CCN suivant, cest bien que nous étions solidaires du Val-de-Marne dans cette action pour marquer laffrontement des travailleurs avec la direction de lentreprise et ses orientations. Donc, je nai pas vécu de contradictions ou de débats compliqués qui ont pu être ceux dautres camarades plus ou moins engagés. »
Enfin, interrogé par nous sur cette période, Georges Séguy indique :
« Pas le Parti, mais un certain nombre à la direction du Parti ont pensé que le moment était venu dessayer dobtenir du mouvement syndical des attitudes qui confortent sa position. Ca cest sûr. Cest à cela que Henri sest heurté.
« Sur cette question, les communistes à la CGT nétaient pas daccord entre eux. Il y a eu des débats internes ou même qui sexprimaient plus ou moins publiquement qui le montraient. Il y avait, à ce moment-là, des appréciations différentes pour ne pas dire divergentes sur ces problèmes-là. »
1985 : DUTEIL EST ELU AU CC ET AU BC
Portrait
François Duteil est issu dune famille rurale de neuf enfants de la Normandie profonde. Son père est ouvrier maçon et sa mère soccupe dune petite ferme. La famille est catholique non pratiquante.
Il qualifie son père de « plutôt libertaire sans que cela se voit réellement » et ajoute :
« Le mouvement ouvrier, la CGT, le Parti communiste, cest très loin de moi. Ma jeunesse a été bercée par le curé du village et par mon instituteur, militant laïque, ancien résistant mais, nous ne le savions pas, à lépoque -, faisant preuve dune grande tolérance réciproque. »
Il évoque encore, à propos de cette période, quelques initiatives de la Jeunesse agricole chrétienne qui « le moins que lon puisse dire ne se marquaient pas par une démarche progressiste et démancipation. »
Cest à lécole professionnelle dEDF, à laquelle il entre à dix-sept ans, quil indique découvrir un petit peu le mouvement ouvrier à partir des valeurs de service public. Dans ce début des années 60, certains des professeurs techniques adjoints sont des militants syndicaux issus des exploitations dEDF, mais ils ne font pas état de leur appartenance syndicale.
Puis, cest le service militaire. La guerre dAlgérie est terminée. Sa formation professionnelle le conduit à être affecté sur une base aérienne pour les Ponts et chaussées, cette administration y gérant notamment la centrale électrique.
Le 10 mars 1965, il est embauché à EDF et prends sa carte à la CGT le jour même :
« Jai rencontré un copain qui ma accueilli en me disant : Tu arrives, il serait bien que tu te syndiques. Les choses étaient mûres pour morganiser quelque part. Cela aurait été un militant CFDT, avec le recul je ne pense pas, mais à linstant T, je ne suis pas sûr que lidée de sorganiser naurait pas prédominé sur le choix de lorganisation. »
François Duteil travaille à la toute nouvelle centrale de Saint-Ouen. Il y retrouve de nombreux camarades de lécole professionnelle, au total vingt-quatre, dont dix-neuf, comme lui, ont adhéré à la CGT. Les anciens leur confie des responsabilités syndicales allant de lorganisation des loisirs à la participation aux organismes statutaires.
Dès novembre 1965, il participe à une conférence de la jeunesse de lUD de la Seine et découvre lUnion locale CGT de Saint-Ouen dont il devient, un an plus tard, le secrétaire à lorganisation. Puis, très vite, dès 1966, il est élu à la CE de la nouvelle UD de Seine-Saint-Denis.
En 1968, il est impliqué dans les grèves. En 1969, il devient permanent au Syndicat des centrales thermiques de la région parisienne. Deux ans plus tard, il est sollicité par la Fédération CGT de lEnergie qui lui confie la jeunesse et la formation syndicale. Dans cette fédération, il va gravir tous les échelons : CE fédérale, Bureau fédéral, secrétariat général, secrétaire général.
Dès novembre 1966, il avait pris sa carte au PCF :
« Cest Michel Madieu, le secrétaire à lUL de Saint-Ouen, à lépoque, qui me dit : Tu as lair de tintéresser à la vie politique, la meilleure façon de ty intéresser encore plus, cest de devenir adhérent.
« Cela sest fait tout naturellement. Cela a été le prolongement logique de ma responsabilité syndicale.
« Ensuite : Comité de section, Bureau de section dune des sections de Saint-Ouen. »
Cest en 1979 que François Duteil accède au secrétariat général de la Fédération CGT de lEnergie et cest ainsi quil entre à la CE confédéral en 1982 :
« De 79 à 82, cest Jean Thomas qui était secrétaire général adjoint de la Fédération qui était membre de la CE confédérale déjà depuis le congrès du Bourget puisque Roger Pauwels, mon prédécesseur, avait souhaité ne plus être à la CE confédérale. Au congrès de Lille, la Fédération considère que nous devons avoir quelquun à la CE confédérale et que ce doit être son secrétaire général par conséquent je suis proposé par ma fédération sans sollicitation particulière. La seule chose quil y ait eu, cest une discussion entre Henri et moi sur une série de questions. Henri était venu au congrès du Touquet, en 1979, quand jai été élu secrétaire général et on avait continué à travailler un peu ensemble pour faire le point sur la façon dont les choses avançaient. »
En février 1985, il est élu au Comité central du PCF :
« A lépoque, dans le processus des candidatures au Comité central, il y a une double voie : la voie des fédérations départementales et la voie de la direction nationale sortante. En ce qui me concerne, cest la direction nationale sortante qui ma proposé. Au CC, javais déjà des responsabilités au Secteur Entreprises depuis Jean Colpin et un peu aussi à la Section Economique. A la Fédération de la Seine-Saint-Denis, à laquelle jappartenais, je nétais pas en responsabilité. Je crois que Georges Séguy, Le Guen et dautres font partie de ceux qui ont suggéré que je sois membre du Comité central par rapport, dune part, à ce que javais pu déjà faire avec le Secteur Entreprises et la Section économique du Parti et, dautre part, au poids des questions énergétiques dans notre pays. Je crois que ce sont les motivations essentielles. Le fait que je sois à la CE confédérale ou peut-être dautres perspectives, à mon avis, il ne me semble pas que cela ait influé si jen crois ce que Georges Séguy a pu me dire. »
Cette même année 1985, en novembre, il est élu au Bureau confédéral de la CGT :
« Trois semaines avant le Congrès, Henri souhaite que je vienne le voir et me fait part dune réflexion de sa part et du Bureau confédéral sortant. Ils souhaitent que lon commence à faire lexpérience de camarades en double responsabilité dans leur FD ou dans leur UD et comme membre du Bureau confédéral.
« Je rappelle que je venais dêtre élu secrétaire général de la fédération trois ans auparavant. Je nétais pas le candidat du secrétaire général sortant de ma fédération, cest après un débat assez compliqué dans la fédération que la CE fédérale a décidé que cest moi qui devait être le secrétaire général. Donc, trois ans après, je venais juste de trouver mes marques et javoue que jétais quelque peu réticent à venir au Bureau confédéral sachant quà lépoque nous étions logés à Pantin et que même si ce nest pas très loin de Montreuil, cest quand même une demi-heure dans un sens et une demi-heure dans lautre.
« Jindique à Henri que jétais daccord sur le principe mais que lune des conditions que javais cest que, dans un premier temps, je nai pas de tâche particulière. Cest-à-dire de ne participer quaux réunions du Bureau et, en tant que besoin, à la représentation du Bureau confédéral dans les congrès dUD ou de fédérations. Cest ce qui sest fait dailleurs. Henri était assez daccord sur ma démarche.
« Il y a un autre aspect dans la proposition qui mest faite, je crois. Il ny a aucune trace écrite de ce que je suis amené à tindiquer mais
je ne suis pas sûr mais je crois que lorsquils avaient commencé à composer le Bureau confédéral avec à lépoque moitié de communistes et moitié de non communistes, si je naccepte pas de venir au Bureau confédéral, il manque un communiste dans la direction confédérale. Je crois savoir que cétait un des éléments mais plus de quelques camarades que du Bureau confédéral dans son entier.
« Mais la demande qui mait faite émane réellement du Bureau confédéral. Les choses se font de manière concomitante en cette année 1985 sans vraiment grand lien entre une instance et lautre dans la mesure où Le Guen nest plus en responsabilité à lUGICT depuis 1982 et que Georges Séguy a pris beaucoup de recul. Dautre part les rapports entre Georges et Henri étaient, cest le moins que lon puisse dire, complexes, pour ne pas dire compliqués. Donc, dans le choix qui est fait, en dernière instance, le poids dHenri pèse pour que je vienne au Bureau confédéral. Sans nul doute, connaissant Henri, les deux choses sont entremêlées : le temps partagé entre membre du Bureau et responsable dune grosse fédération, la plus forte à lépoque, je crois en nombre de syndiqués ; le fait quon conserve un équilibre entre communistes et non communistes au sein de la direction confédérale.
« Cela restera ainsi pendant un an et demi, sans responsabilité particulière et au bout dun an et demi, Henri ayant souhaité que Michel Warcholak se déleste dune partie de ses responsabilités au Secteur Orga il avait lorga, la coopération, les régions -, je prends lactivité régionale. Je dois avouer que je nai pas eu le temps de men occuper dans la mesure où la Fédération me prenait pas mal de temps. »
Il faut, ici, noter que dans lentretien quil nous a accordé Jean-Pierre Page fait état du fait que pour ce 42e congrès de la CGT :
« Ma candidature au Bureau confédéral a été évoquée dans la CGT et ailleurs, et pas que la mienne, celle dAndré Sainjon aussi.
« Mais les événements de SKF ont suscité pour le moins de nombreux commentaires et quelques vagues dans lesquels jai été mêlé et Sainjon aussi. Finalement, on a été réélus tous les deux à la CE, mais on na pas été élus au Bureau, ni lui, ni moi. »
NOVEMBRE 1985 : LE GUEN QUITTE LA CE DE LA CGT
Au 42e congrès de la CGT, en novembre 1985, René Le Guen nest pas réélu à la CE confédérale de la CGT.
DECEMBRE 1987 : DUTEIL EST ELU AU BP
En décembre 1987, François Duteil est élu au Bureau politique du PCF :
« Cest Georges Marchais qui ma sollicité, comme cétait de tradition à lépoque en plein congrès du Parti.
« Le deuxième jour du congrès, il demande à ce que je le vois. Nous avons passé une heure et demie ensemble. Il souhaitait quil y ait de nouveaux camarades ayant une fibre syndicaliste qui soient au Bureau politique. Il trouvait intéressant ce que javais fait à faire, à la fois mimpliquer dans le Comité central, dans le suivi des fédérations, à contribuer sur les questions du travail à lentreprise. Il pensait que cétait bien que je sois au Bureau politique. »
Cette entrée éventuelle au Bureau politique de François Duteil porte à trois dans cette instance le nombre des membres du Bureau confédéral de la CGT puisque y sont reconduits Henri Krasucki et Louis Viannet. Traditionnellement, ils avaient toujours été deux.
François Duteil considère cette situation positivement :
« Effectivement, trois syndicalistes, cest, sans nul doute, une situation nouvelle. Cest un des éléments qui a contribué à ce que les rapports Parti communiste CGT continuent à évoluer dans une autonomie de lun par rapport à lautre et de lautre par rapport à lun. Jinsiste sur le double mouvement. Nous sommes trois camarades dont la première responsabilité est le mouvement syndical. Nous sommes de profils très différents. Henri, résistant, déporté, un des dirigeants historiques de laprès-guerre de la CGT. Louis, il a son expérience, douze ans de plus que moi. Moi, cest la génération post 68. Ce qui fait que lorsque nous étions amenés à intervenir dans les débats du Bureau politique, chacun avait son approche, son accroche différente. Cela confirme bien quil ny a pas les syndicalistes dans le Bureau politique. Cest vrai également au Comité central. Je pense, par exemple, aux interventions de Gérard Alezard et Thérèse Hirzsberg qui ne sont pas du tout de la même tonalité. Il y a vraiment une diversité dapports de camarades qui sont en responsabilité dans le mouvement syndical et qui sont dans la logique du cheminement de chacun.
« Cette situation ne durera quun congrès puisquau congrès suivant Henri souhaite partir. Nous nous retrouvons donc à deux au Bureau politique et force est de constater je ne sais pas si Louis te la dit que Louis participait peu aux réunions du Bureau politique. Sans nul doute pour des raisons de temps. Sans nul doute, également, il avait commencé à mûrir sa position de se retirer des instances de direction du Parti. »
Lon peut légitimement se poser la question de savoir si cette arrivée éventuelle de François Duteil a à voir avec lévolution de la future direction de la CGT, en particulier son futur secrétaire général.
François Duteil répond ainsi à cette interrogation :
« Cela nest pas dit, implicitement ou explicitement. A aucun moment, avec tous ceux avec qui jai pu être amené à discuter, cela nest venu dans le débat. Je crois quil ny avait pas de lien direct entre être membre de linstance de direction du Parti et le premier responsable de la CGT. Dautre part, il faut avoir en tête les conditions dans lesquelles Henri a remplacé Georges. Henri était de deux ans plus âgé que Georges. Jinsiste là-dessus parce que, à mon avis, cela explique bien des choses. Georges, à mon avis à tort, a dit : Chez les cheminots, on part à 55 ans. Cest vrai quon ne meurt pas au poste de combat, mais entre 55 et 60 ans, il y a cinq ans et je pense que lon aurait pu les mettre à profit pour commencer à rajeunir les instances de direction de la CGT, y compris la fonction de secrétaire général. Or, le fait quHenri remplace Georges en étant de deux ans plus âgé que lui et quil ne pouvait pas faire quun seul mandat, cela nous conduit quand même à un certain âge pour Henri au bout de deux mandats. Mais on ne refait pas lhistoire. On peut se poser la question : si Henri nest pas secrétaire général, quest-ce qui se passe ? Ce qui fait que lon a été conduit lorsque Louis est parti à faire un saut de génération très important : vingt ans.
« Donc, dans ma tête, il est bien clair que ma venue au Bureau politique ne pouvait sinscrire dans une démarche en rapport avec la future direction de la CGT.
« Mais, pour revenir à la discussion avec Marchais, cest une proposition à laquelle je ne mattendais pas. Cest un peu tempête sous un crâne. Dautant que lon na pas trois semaines ou un mois pour réfléchir, mais que cest dans les vingt-quatre ou trente-six heures quil faut donner la réponse. Jen ai parlé à deux camarades que je connaissais bien. Séguy qui, à lépoque, était mon voisin à Montreuil et Le Guen que je connaissais depuis très longtemps. Jen ai parlé à mes copains de la FD. Jétais assez réticent sur le problème demploi du temps et dorganisation du travail mais non pas sur le fond de la démarche. Parce que je considérais, et je considère toujours, que le syndicalisme a ses limites, même si aujourdhui il sen donne un peu trop sur un certain nombre de problèmes de société, et que cest tout naturel quil y ait un prolongement politique ou un engagement politique à côté dun engagement syndical ou associatif si on veut changer le cours des choses dans ce pays. Après, ce nest pas un problème de dualité entre une responsabilité ou lautre, ce nest pas un problème dincompatibilité sur le fond des responsabilités, cest un problème de gestion de son emploi du temps. Ceci dans la mesure où les choses se font dans la clarté et dans lhonnêteté vis-à-vis de tout le monde. Je serais même tenté de dire que cest un problème déthique personnelle et quun militant communiste se doit de se montrer parmi les meilleurs là où il est, dans une organisation, une association. Après ce qua vécu le communisme au niveau international, lon a besoin de lui redonner des lettres de noblesse. Voilà comment je voyais les choses. Cétait mon interrogation. Et, là aussi, une des conditions que jai mis cest de ne pas avoir de tâches particulières. Ce qui était le cas, de manière explicite, pour Louis et pour Henri, même si, à un moment donné, au BP Henri avait la responsabilité directe de la question des intellectuels. Bien sûr, comme tout le monde, je me suis engagé dans la campagne électorale : meetings, suivi dune fédération. Mais, toujours dans des limites de compatibilité avec mon emploi du temps et de ma vie familiale.
« Donc, voilà comment les choses se sont passées. »
En regard de ces propos, il nous paraît intéressant den évoquer quelques autres.
Louis Viannet est net : larrivée de François Duteil au Bureau politique « a à voir avec la CGT » :
« Majoritairement, le Bureau confédéral considérait, sans que ce soit une infamie, quHenri avait fait son temps. Moi, je gambergeais à comment on allait pouvoir étoffer après. Donc, un jour en discutant avec Georges Séguy, parce que lon discutait souvent, on chassait ensemble. On partait tous les deux du Loiret, on était à huit kilomètres lun de lautre. On partait en voiture ensemble. Georges ma dit : Je pense à François Duteil. Ils étaient voisins à Montreuil. Il le connaissait bien. Je dis : Pourquoi pas. Jen parle à Henri. Dans un premier temps, il me dit trop rien et puis un jour il mappelle et me dit : Jai réfléchi, je suis daccord. Et je pense que cest Henri qui en a parlé à Marchais pour que Duteil monte au Bureau politique. Warcholak aussi avait poussé. Donc, javais discuté avec François, je lui avais dit : Il faut que tu prennes un peu dautorité dans la CGT, parce quil avait tendance à papillonner, il la toujours dailleurs. Je lui avais dit : Si tu veux jouer un rôle dans la CGT, il faut que tu te fasses connaître, que tu écrives, que, en tant que dirigeant du Parti, les communistes sachent à qui ils ont affaire.
« Alors, ce nest pas une démarche du Parti. Cela part dune réflexion de Georges Séguy. De Le Guen sans aucun doute. Jai discuté avec Georges, je nai pas discuté avec Le Guen, mais Le Guen cétait un peu son père spirituel à Duteil. Mais, ce nest pas une démarche du Parti. »
Quant à René Lomet, il nous indique que lidée que ce soit François Duteil qui remplace Henri Krasucki au secrétariat général de la CGT était effective, mais que les choses nont pu se réaliser :
« Larrive de François Duteil au BP a été vu par beaucoup de camarades, y compris dans les fédérations et les UD, comme celui qui allait prendre la succession dHenri. Il est plus jeune. Il faut bien penser à la suite. On voit arriver Dutreil. Ils ont sans doute là-haut, tu sais comment on dit, ils ont sans doute là-haut lidée que cest François qui prendra la suite.
« Avec le fait quil entre et au Bureau politique et au Bureau confédéral, il y a le label.
« Il y avait deux hommes possibles au BP : François Duteil et Louis Viannet. François, charmant garçon, très affable na pas su ou pas pu au fil du temps affirmer son autorité et lidée que ce pourrait être lui a petit à petit reculé . »
DECEMBRE 1987 : LEONARD EST ELUE AU CC
Portrait
Cest dans une famille ouvrière, « plutôt à droite », sans doute « gaulliste », que Jacqueline Léonard effectue son éducation familiale.
Son père, jardinier, se rend dans les maisons bourgeoises pour faire les jardins. Sa mère est domestique :
« Isolés dans le sillon des patrons, donc à penser un peu comme eux, à réagir comme eux par rapport aux valeurs. »
Elle se « découvre un peu », indique-t-elle, à lécole au début des années 60 :
« Il y avait la guerre dAlgérie, les questions de lOAS, une actualité et des événements qui faisaient discuter. Javais une prof, dont jignorais quelle était communiste, mais ce quelle disait mintéressait, on en débattait, on discutait plus à lépoque à lécole. »
Sa scolarité sarrête en seconde, elle a seize ans et demi :
« Par nécessité. Mes parents navaient pas trop dargent pour me laisser continuer. Et puis, javais envie de travailler comme ma copine, javais envie de gagner ma vie, de mémanciper, de sortir de la maison, de gagner de largent. »
En 1962, elle est embauchée dans une entreprise en plein développement de 200 salariés E : Poclain. Deux ans plus tard, elle rencontre son futur époux, lui aussi chez Poclain :
« Lui était ouvrier, moi employée, jai un peu découvert le syndicat à travers lui, à travers, y compris, les gars de latelier qui me sollicitaient pour taper des tracts parce que jétais dans les bureaux. »
En 1965, elle se syndique à la CGT. Mais, cest 1968 qui va opéré un changement de situation :
« Javais été sollicitée pour des élections professionnelles et javais refusé parce que javais deux petites filles. 68 est arrivé. Jai participé au grand mouvement avec engagement et conviction, avec une adhésion totale. Si javais pu jaurais occupé lentreprise nuit et jour, mais la nuit je ne pouvais pas. Cest là où jai vraiment découvert laction syndicale, la CGT. »
Lannée 1971 la voit accéder à son premier mandat de déléguée du personnel et à la responsabilité, dans son syndicat dentreprise, de lactivité syndicale en direction des femmes. Très vite, dans ce cadre, elle fréquente lUnion départementale de lOise et, en 1973, celle-ci la sollicite pour devenir permanente.
Elle accepte. A lépoque, elle nest pas engagée politiquement, son mari est adhérent au Parti communiste :
« Il y avait des réunions de cellule qui se tenaient parfois à la maison. Je ny participais pas mais jen avais envie. »
Son adhésion au PCF intervient deux ans plus tard :
« En 1975, cétait lAnnée internationale des femmes. Il y avait un très gros conflit dans le département dans une boite où il y avait beaucoup de femmes. Je nétais pas encore communiste et jai été confrontée aux communistes plutôt sur une base un peu conflictuelle, parce que je considérais que ce que lon décidait syndicalement était trop souvent remis en cause par des camarades de la CGT par ailleurs membres du Parti. Jai adhéré un peu en réaction, en me disant : Je vais leur expliquer, leur montrer que laction syndicale cela ne se passe pas ainsi. Cela a été une adhésion un peu de colère, au niveau local. Après, ma conviction sest forgée plus politiquement sur la base du Programme commun. Jétais très attachée, depuis 1972, au Programme commun et à son contenu social. Je nentendais que les communistes pour le défendre sur le fond. Jai pensé que ce parti avait besoin dêtre plus fort, quil fallait y être, parce quil défendait dans le Programme commun tout ce sur quoi je me battais syndicalement : le SMIC, la retraite à 55 ans pour les femmes, les crèches, les nationalisations, etc. Cest une démarche syndicale qui ma conduite vers la politique. »
Membre du secrétariat de lunion départementale de lOise, toujours sur lactivité en direction des femmes, Jacqueline Léonard participe au Secteur Femmes salariées confédéral de la CGT animée par Thérèse Poupon quelle même avait remplacé à lUD de lOise :
« Cest elle qui a dû proposer ma candidature pour la CE confédérale à loccasion du congrès de 1978, à Grenoble. »
Cest ainsi que Jacqueline Léonard se trouve élue, en 1978, à la CE confédérale de la CGT. A ce moment, elle est secrétaire générale « en intérim » de lUD de lOise, le secrétaire en titre étant malade. Cest en 1980 quelle est élue secrétaire générale de cette UD.
En janvier 1982, elle accède au Bureau confédéral :
« Cétait sur la base de trois départs du Bureau confédéral quil fallait remplacer. Etant membre de la CE, il y avait déjà une prédisposition et dautre part jétais secrétaire générale dune union départementale à une époque où il ny en avait quand même très peu, deux ou trois. On rentre à trois, à un CCN : Gérard Alezard, Bernard Lacombe et moi. »
Sur les conditions de cette prise de responsabilité, elle explique que :
« Cela sest passé difficilement, parce que je ne voulais absolument pas venir à la Confédération. Je venais dêtre élue secrétaire générale de lUD, jétais jeune, javais deux enfants. Jai résisté un bon moment, y compris avec lUD. Puis, il y a eu un entretien avec Henri Krasucki qui allait devenir secrétaire général de la CGT. Il sest entretenu avec les deux secrétaires de lUD et moi pour nous convaincre quil fallait absolument accepter cette responsabilité. En bout de course, jai accepté. »
Elle quitte alors lUD de lOise.
Cinq ans plus tard elle est élue au Comité central. Elle évoque, pour nous, cette élection :
« A ce moment-là, jétais membre du Comité fédéral de lOise du PCF. Cest Gisèle Moreau, alors membre du Bureau politique, qui suivait notre fédération. Elle remarque mes interventions au Comité fédéral parce que je suis sensible aux problèmes des femmes et jai une expérience de vécu, japporte des éléments de connaissance acquis syndicalement au plan social et économique. Cela me donne une certaine compétence.
« Un jour, à la veille dune conférence fédérale, lon me dit : Jacqueline, on va proposer ta candidature au Comité central. Mouvement arrière, je dis : Non, ce nest pas possible, je ne peux pas, je ne suis pas daccord, je suis secrétaire confédérale, je ne vais pas mengager plus que cela au Parti communiste. Oui, mais on pense que tu as les qualités pour cela. Finalement, cest Gisèle Moreau qui va emporter mon oui, parce quelle me sensibilise sur le côté un peu féministe des responsabilités, fait appel au sens syndical et politique, disant que cela me sera utile. La Conférence fédérale se passe pendant le week-end, je suis élue comme candidate au Comité central.
« Ma première réaction le lundi matin a été daller trouver le secrétaire général de la CGT , Henri Krasucki, pour lui dire que je venais dêtre proposée pour le Comité central.
« Il était surpris. Apparemment, il ne le savait pas. En tout cas, la manière dont il a reçu linformation montrait quil était très surpris. Il ma longuement expliqué que cétait une lourde responsabilité, importante, nationale, que jallais découvrir un monde que jignorais. Il est certain quil ignorait tout de cette proposition. Je sais bien que cela étonne toujours. »
Ainsi, après Jean-Pierre Page, une autre syndicaliste communiste, de surcroît membre du Bureau confédéral de la CGT, est élue au Comité central non pas sur le « contingent » des candidatures syndicales maîtrisées par la CGT, mais sur sollicitation directe de la direction du PCF.
DECEMBRE 1987 : LE DUIGOU EST ELU AU CC
Portrait
Jean-Christophe Le Duigou a pour grand-père un ancien combattant de 1914-1948, mutilé de guerre, militant cheminot CGT, ayant participé à la fondation de lARAC et très attaché aux uvres laïques. Cest lui-même qui le lui a raconté.
Son père est enseignant, secrétaire dune union locale CGT, syndicat auquel il demeure adhérent jusquen 1952 :
« Il a gardé pendant tout le temps où cela a été possible la double appartenance CGT FEN. »
Ce père est également un militant politique du PCF, notamment responsable, dans les Côtes-du-Nord, du mouvement de résistance du Font national. En 1952, il quitte le Parti communiste dans les circonstances suivantes : secrétaire de section, il refuse de participer à la campagne des cadeaux à Staline, ce qui lui vaut dêtre mis en accusation et démis de ses responsabilités. Il ne reprendra plus sa carte au PCF, se consacrant à des activités syndicales, mutualistes et coopérative.
Sa mère est institutrice. Syndiquée, elle est pédagogiquement très engagée. Elle nest pas militante communiste, mais vote communiste :
« Le milieu familial était très politisé, très syndicalisé. Jai toujours baigné là-dedans. Il y avait des journaux, bouquins, discussions. Jai le souvenir dans mon enfance de repas à la maison auxquels étaient présents François Leyzour, qui fut ensuite député communiste, le député maire PSU de Saint-Brieuc, Mazier, qui avait été le prof de mon père, Marie-Madeleine Diénesch, la sénatrice démocrate-chrétienne de Loudéac, qui avait été la prof de ma mère. Tous ceux-là venaient déjeuner ou dîner à la maison. Ce nétait pas un milieu enclavé dans la seule tradition. Il y avait un souci douverture vers dautres. On rencontrait lécrivain Louis Guilloux, qui avait été condisciple de mon grand-père au collège de Saint-Brieuc. On avait des relations avec de nombreuses personnes qui avaient joué des rôles importants dans la Résistance ou occupés des places de premier plan à la Libération. Jai donc baigné dans ce que lon pourrait appeler aujourdhui une culture plurielle. »
En 1962, à quatorze ans, Jean-Christophe Le Duigou à la Jeunesse communiste. Avec une amie, il recrée un cercle de la JC, au lycée à Guingamp :
« Dans les faits, lorganisation mêlait politique et syndicalisme. Cétait une forme dorganisation où il ny avait pas de différence entre la dimension politique et la dimension syndicale. »
Luniversité de Rennes laccueille en 1966. Il y devient secrétaire des étudiants communistes et, un peu plus tard, en 1968, membre du Conseil national de lUEC :
« Mais les réunions nationales me laissent sur ma faim. Lactivisme y domine, alors que je recherche plus de réflexion. »
En 1970, il rentre aux Impôts comme Inspecteur élève :
« Cétait le temps béni où lon pouvait se faire financer ses études par ladministration. »
Dans le même mouvement, il adhère au SNADGI :
« Un syndicat original, national et non catégoriel, de masse, à dominante non communiste avec de fortes influences franc-maçon socialistes de gauche. «
En 1972, il prend des responsabilités à lEcole des impôts et est élu à la CE du Syndicat des Impôts, trois ans plus tard. Il en devient permanent en 1978 :
« Ce qui nétait pas mon souhait. Jétais chef de projet informatique, avec comme tâche les premières expériences de dossiers informatisé des contribuables. Cela me passionnait. Javais fait des études dinformatique, de droit et déconomie. Mais, je commence à moccuper à temps partiel au syndicat des questions dévolution de ladministration, de décentralisation. En 1978, le syndicat estime quil y a un enjeu stratégique à se positionner sur les évolutions du service public et je deviens permanent, tout en continuant à exercer des fonctions politiques. »
Sur ce plan, à ce moment, Jean-Christophe Le Duigou est secrétaire dune section du PCF, dabord, dans le 1er arrondissement de Paris, puis de la Section des Finances quil contribue à créer et qui va atteindre les 80 adhérents. Par ailleurs, il participe à la direction communiste de larrondissement. Il ne devient pas membre, bien que candidat à plusieurs reprises, du Comité fédéral de Paris car, indique-t-il :
« Curieusement, je me fais systématiquement barrer, dabord par Fiszbin, puis par ses successeurs. Jai été présenté régulièrement par larrondissement, mais toujours non élu. On a toujours été deux dans cette situation, le deuxième étant Anicet Le Pors. Il paraît quon dérangeait. En réalité, je pense que lon était inclassables, ce que nappréciaient pas les dirigeants de lépoque. »
Durant cette période, il commence à travailler avec la très structurée Section Economique du PCF. Cela se fait par le biais du ministère des Finances avec les anciens de la Direction de la prévision : Olive, Herzog, Le Pors. Il y est intégré totalement dans les mois qui suivent laccession de la Gauche au pouvoir. » Très rapidement, il y prends la responsabilité du Département Finances :
« Je rentre, presque immédiatement, au Bureau de la Section Economique, puis je deviens, officiellement dans lorganigramme, adjoint de Philippe Herzog, après le départ de Jean-Claude Gayssot, qui intègre le secrétariat du Parti. »
En 1980, il est sollicité pour devenir permanent à la Section Economique du PCF. Il la récuse :
« Je ne veux pas rompre avec la dimension syndicale. Je suis déjà permanent depuis deux ans au SNADGI et en plein dans la crise Impôt-Finance. Mais, cest plus pour des raisons personnelles que je naccepte pas. »
Cest en 1982 quil va être élu à la CE confédérale de la CGT.
A propos de cette élection, il nous indique :
« Elle se fait vraiment dans une conjoncture particulière. Celle de la crise de la Fédération des Fiances, qui, elle-même, traduisait des oppositions très vives au sein de ses principaux syndicats et, notamment, du SNADGI, qui était larmature de la Fédération des Finances. Cette crise prend ses racines dans la deuxième partie des années 1970 avec linfluence des débats politiques extérieurs. Il sagit principalement du conflit sur le Programme commun, et qui se prolonge dans la CGT dans le débat posé dans notre secteur dun programme revendicatif réaliste dans la perpective de laccession de la Gauche au pouvoir. Cest le débat sur le programme revendicatif minimum suivant la terminologie proposée par ses promoteurs.
Ce débat-là, très vif à la Fédération des Finances, nétait quun élément du débat plus large qui traversait le Bureau confédéral et la CE de la CGT. Cest aussi la toile de fond de ce que jestimais être un autre débat : celui de lévolution des structures et démarches syndicales justement dans notre secteur des fonctionnaires.
« Le congrès de la Fédération des Finances de juin 1982 précède dune semaine le congrès confédéral. Le rapport dactivité de la direction sortante nobtient pas la majorité absolue des suffrages. Ce nest pas un effondrement puisquil obtient une majorité relative, les abstentions faisant la différence. La direction démissionne. Une nouvelle CE est élue par le congrès et mélit comme secrétaire général avec une seule voix de majorité. Voilà comment jaccède au secrétariat.
« Préalablement, il y avait eu une bataille sur la présentation des candidatures à la CE confédérale, au printemps 1982. Il y avait, en fait, deux candidats mais un seul présenté par la FD des Finances, Perrichoux, qui nétait pas membre de la CE confédérale, et moi-même, présenté par lUD dIlle-et-Vilaine. Je ne cache pas que cette présentation a été sollicitée à la suite du refus de la fédération de me présenter avec Perrichoux au prétexte que cela aurait pu être ensuite utilisé pour me privilégier. Cétait donc une tentative pour faire barrage à mon entrée éventuelle à la CE confédérale. »
Evoquant, à notre demande, lattitude du Bureau confédéral devant cette situation, il poursuit en indiquant :
« Il est divisé. Il choisit une position de non intervention officielle dans le débat. La réalité est bien sûr plus complexe. Suite au congrès de Grenoble Séguy a décidé de partir dans des conditions peu satisfaisantes. Visiblement, avec lautorité quil lui reste encore, il essaye de jouer non lapaisement, parce que la paix nétait pas possible dans la fédération, mais lapplication des règles de vie collective. Jai eu loccasion daller le voir dans son bureau du 213. En fait, la non intervention na pas été si évidente. Il y avait, dun côté, le secteur orga, Michel Warcholak et Thérèse Hirzsberg, et, de lautre côté, René Buhl, Jacqueline Lambert et Jean-Louis Moynot. »
Finalement, Jean-Christophe Le Duigou est élu à la CE confédérale.
Trois ans plus tard, à loccasion du congrès du PCF qui se tient cette année-là, Philippe Herzog, responsable de la Section économique du PCF et membre du Bureau politique, lui annonce quil a présenté sa candidature au Comité central. Mais celle-ci nest pas retenue :
« Jai dû être sur une short-list, mais pas retenu in fine. Moins sans doute en raison dun obstacle sur mon nom que parce que rien ne poussait à accroître le poids de la Section Economique dans le Comité central. »
Mais, ce nest que partie remise au congrès suivant :
« En 1987, le dossier est ficelé différemment. Aimé Halbeher, qui était à la Section Economique, quitte le Comité central et donc je le remplace dans les équilibres internes fonctionnels du Comité central. »
Cependant, les choses se compliquent un peu car :
« La tribune de discussion préparatoire au congrès dans LHuma avait publié une contribution que javais adressée et qui avait suscitée quelques critiques. Jy prenais quelques distances vis-à-vis de la théorie du retard de lépoque, en disant : Je veux bien accepter cette théorie, mais on ne peut pas la jouer avec les mêmes hommes qui ont pris le retard.
« Je crois que mes difficultés de relation avec Georges Marchais datent de ce moment. On ne sest jamais parlé hormis bonjour et bonsoir. Je nai jamais été marchaisien. Il incarnait, à mes yeux, une forme de politique qui ne correspondait pas à ma vision des relations entre les individus. »
Malgré cela, il est élu :
« Cest Herzog, je pense, qui a gagné ma place, au nom de lapport de la Section Economique. Je sais quavant de conclure sur mon élection, je lui avais demandé quil voit Krasucki. Ce dernier lui aurait dit : Le Duigou nest pas élu en tant que syndicaliste, mais le syndicat ne voit pas dobstacle à son élection. »
Ainsi après Jean-Pierre Page, et Jacqueline Léonard, un troisième syndicaliste accède au CC hors « contingent » CGT. Même si, pour lui, il ne sagit pas dune demande de la direction du PCF, mais dune démarche propre au responsable dun secteur dactivité de celui-ci.
1988 : LES DEPARTS DE SAINJON DU CC ET DE LA CE
En octobre 1986, au 32e congrès de la Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie, qui se tient à Marseille, André Sainjon est réélu secrétaire général.
Ce congrès est notamment consacré à la défense de lemploi. Henri Krasucki participe au congrès.
Le 18 février 1988, dans une déclaration, il demande la démission de Raymond Lévy, le PDG de Renault. Le 23 février, André Lajoinie, candidat du PCF à lélection présidentielle, et Georges Marchais dénoncent une « escalade de la répression » contre les militants syndicaux et demandent le départ de Lévy.
Le 13 septembre 1988, il démissionne de son poste de secrétaire général
Le 15 septembre, lors dune conférence de presse, il explique son départ par dimportantes « divergences de vues » avec la majorité de la direction de la fédération sur la conduite des luttes, les méthodes de travail et la reconquête des forces syndicales. Le 16, Jean Desmaison est élu pour le remplacer.
Le 14, Louis Viannet sexplique sur cette démission. Le lendemain, cest au tour de Henri Krasucki.
En avril 1989, lors de la Convention nationale du PS, la liste de celui-ci pour lélection européenne du 18 juin 1989 est formée : André Sainjon y figure.
Le 24 avril 1989, interviewé à Antenne 2, Georges Marchais dénonce la politique de débauchage par le PS à lintérieur du PCF, en particulier linscription de André Sainjon sur la liste du PS pour les élections européennes.
Les 26 avril et 12 mai 1989, André Sainjon sexplique sur son engagement dans la liste PS.
Dans lentretien quil nous a accordé, André Sainjon fait remonter lorigine de sa démission au conflit Talbot de 1983 (Voir plus haut) et indique :
« Jai essayé de résister à cette campagne de dénigrement pendant quatre ans, puis jai démissionné, en septembre 1988, de ma fonction de secrétaire général de la fédération. Javais dit à Marchais, qui mavait ensuite reçu, quil ny avait plus aucune raison que je reste au Comité central puisque javais été élu à ce niveau, parce que jétais secrétaire général de la Fédération de la Métallurgie. »
André Sainjon nest pas réélu au congrès de la CGT de mai 1989.
1990 : AMIABLE, LANOUE, LOMET QUITTENT LE CC
Pour ces trois dirigeants, il sagit de départs naturels.
Edmond Amiable, après avoir passé vingt ans au Comité central quitte celui-ci. Il quitte également, dans lannée qui suit, sa responsabilité de secrétaire général de lUnion régionale CGT dIle-de-France.
Son successeur à lURIF, Joël Biard, sera élu au CC, en 1994, lors du congrès suivant.
Georges Lanoue nous indique que ce départ a lieu à sa demande et ajoute :
« Pas sur une base de désaccord. Ca faisait quand même dix-huit ans. Je voulais souffler un peu et je savais que deux ou trois ans après, jallais quitter ma responsabilité à la FD. »
Aucun autre dirigeant syndicaliste cheminot nentrera au Comité central jusquà lélection de Bernard Thibault, six ans plus tard :
« Il y a eu une période où, à mon avis à tort, la direction du Parti elle-même a jugé que lapport des syndicalistes nétaient peut-être pas quelque chose dindispensable. »
René Lomet, pour sa part, nous indique :
« Cest moi qui décide de partir. »
Un peu plus dun an plus tard, il quitte la CE confédérale :
« Aussi à ma demande. Jai toujours admiré chez Georges Séguy le fait quil est dit quà un moment donné quand arrive lâge de la retrait, il était bon de la prendre. Javais soutenu pendant toute la période où jétais à la direction confédérale cette idée-là, parce quil y avait eu quelques moments un peu compliqués dans les années qui sétaient écoulées lorsquil sétait agi de demander à certains camarades de partir et je métais toujours dit : Tu ne vas pas faire comme eux. Quand tu auras lâge de la retraite, tu partiras. Cétait annoncé à lavance. Cela sest passé tout à fait normalement comme prévu.
« La situation conflictuelle de la période na pas influé sur ma décision. »
1992 : VIANNET REMPLACE KRASUCKI AU SECRETARIAT GENERAL DE LA CGT
A notre question directe de savoir si la direction du PCF a eu son mot à dire dans le choix qui le voit accéder, en janvier 1992, à la responsabilité de secrétaire général de la CGT, Louis Viannet, répond :
« Tu me poses une colle. Je suppose, mais cest une supposition et je nai rien qui puisse létayer, que Krasucki en a parlé, non pas à Marchais, mais il a dû en parler en réunion du Bureau politique. Seulement, il faut que je te dise quau précédent congrès de la CGT, la question du départ de Krasucki sétait posée. Manifestement, il ne voulait pas partir. Il y avait dans le Bureau confédéral une pression pour quil sen aille. Y compris de gens qui étaient près de lui, comme Alezard, comme Obadia. Sans doute certains pensaient que plus il resterait, plus la succession serait difficile.
« La discussion pour le renouvellement du Bureau confédéral sest passée à Courcelle. On avait fait un Bureau confédéral de deux jours, qui avait été quand même compliqué. Des camarades se sont exprimés en disant : Henri, maintenant il faudrait que tu ten ailles, que tu laisses la place. Lorsque jai compris que cela ne pourrait se faire que par un clash, jai stoppé. Jai dit : Non, on ne va pas déchirer la CGT. Jétais bien conscient des insuffisances dHenri mais le leur at dit : On a fait face jusquà maintenant, on tiendra la maison. Je ne le regrette pas. Vraiment, je pense que cela ce serait très mal passé Je sais que certains me lont reproché, en me disant : Si tu avais poussé toi
. Mais, jétais conscient que si javais poussé devant le CCN et tout, cela allait partager la CGT. Je ne dis pas en deux parties égales, mais cela aurait partagé et puis laisser des traces profondes.
« Krasucki men a su gré. Ce qui fait que le mandat qui a suivi ce congrès, jai eu de plus en plus les coudées franches, même si lon saccrochait. Mais, il en avait pris son parti.
« Je sais que je nétais pas son candidat. Mais, jétais devenu un peu incontournable et de cela il était très conscient.
« Pour le congrès suivant de 1992, je suis persuadé que le Parti na pas fait pression pour que je devienne secrétaire général et quensuite le Parti navait pas de candidat. Il navait pas dhomme à pousser. »
Entre ces deux périodes, celle de la tenue du congrès de 1989 et celle de la tenue de celui de 1992, que se passe-t-il dans la CGT et au PCF ?
Le rapport du Bureau confédéral de la CGT, présenté par Henri Krasucki, au 43e congrès de la CGT, en mai 1989, ses réponses aux débats, le document dorientation présenté par Louis Viannet, mettent en relief la « question vitale » de la syndicalisation. Linsuffisance dadhérents y est évoquée comme un « handicap » pour les luttes à mener. Un appel est lancé au congrès pour quil adopte une résolution exceptionnelle en vue danimer une bataille permanente en vue d « animer une bataille permanente et sans précédents pour la remontée des effectifs. »
Henri Krasucki est réélu, à lunanimité, secrétaire général et Louis Viannet comme « numéro 2 ». La Commission exécutive est composée de 108 communistes et de 21 non communistes, dont 5 socialistes contre 10 précédemment. Les 16 membres du Bureau confédéral sont réélus à lunanimité, dont un socialiste, André Deluchat.
Le 18 juin 1989, aux élections européennes, le PCF recueille 7,71 % des voix et 7 sièges. Les abstentionnistes sont 51,27 %. Georges Marchais souligne le « refus de vote des Français, notamment dans lélectorat populaire. »
Le 22 juin 1989, au CC, dans son rapport, Paul Laurent, membre du BP, attribue la forte abstention au rejet de lEurope préconisée par le PS et la droite et à une « dépolitisation dangereuse ». Il indique la déception du résultat de la liste du OCF tout en indiquant quil ne faut pas isoler la faible mobilisation de lélectorat populaire de la « remontée de linfluence communiste » marquant les autres élections. Il soutient laction de Gorbatchev et la perestroïka.
La CE qui se réunit le 23 juin 1989 fait de sa priorité de travail la syndicalisation et le renforcement de la CGT. Elle crées un « collectif national » de direction de cette activité et attribue de nouvelles responsabilités à Louis Viannet au Bureau confédéral. Les secrétaires généraux sont directement responsables des questions dorganisation, de formation syndicale, de propagande et de trésorerie. Il est décidé dengager laction sur la base de « ladresse aux salariés », qui a fait lobjet de la résolution du congrès. Des directives sont données pour la pratique militante.
Le 3 juillet 1989, dans Le Monde datée du 5, Raymond Lévy, PDG de la Régie Renault, se prononce contre la réintégration des dix militants CGT de Renault licencié pour faute lourde après les manifestations de lété 1986 à Renault-Bilancourt, et se déclare prêt à utiliser « tous les recours possibles pour sauvegarder les droits de Renault et la paix dans lentreprise. » Jean Kaspar, secrétaire général de la CFDT, estime que lamendement voté le 30 juin 1989 par lAssemblée nationale instituant lamnistie des « Dix », accroît les inégalités « en visant essentiellement à permettre » la réintégration des militants licenciés. Le 6 ; une manifestation de militants CGT a lieu devant le domicile de François Mitterrand demandant la réintégration des « Dix ». Le 8, la CGT demande à Mitterrand d « imposer » la réintégration chez Renault des dix militants licenciés. Dans une déclaration Louis Viannet estime que lamnistie est un « acte politique » et devrait être accordée aux militants qui luttent « pour la défense de leurs droits. » Le 12, suite à la désignation par Jean-Pierre Soisson, ministre du travail de lemploi et de la formation professionnelle, dun médiateur chargé de « rechercher dans le cadre des lois les bases dun règlement de la situation actuelle », les dix militants de la CGT décident de suspendre loccupation de leur poste de travail, débutée à la mi-mai. Une manifestation a lieu, à Paris, à lappel de la CGT pour demander la réintégration des « dix ». Le 13, le médiateur sentretient avec une délégation du syndicat CGT de Renault-Billancourt. Le 25, la CGT rejette les propositions du médiateur, qui consistaient à ce quun bilan professionnel et un projet professionnel soient établis par le service de lemploi de Renault pour le 15 septembre et des propositions de reclassement dans des entreprises extérieures au groupe soient faites pour le 15 décembre, et organise le 27 à Paris une manifestation de soutien aux dix syndicalistes. Le 29, dans une déclaration au journal Le Monde, Daniel Labbé, secrétaire de la CFDT de Renault-Billancourt, dénonce la « saga montée » par la CGT et le PCF autour de ces dix militants et estime que celle-ci « masque les problèmes auxquels sont confrontés les salariés de Renault et caricature les enjeux du mouvement syndical ? »
A propos des manifestations des syndicats CGT de Renault-Billancourt et de la région parisienne, à Paris, des 6 et 12 juillet 1989, voir les interviews radios-télévisés de Louis Viannet.
Il intervient également dans la presse écrite.
Lancien secrétaire général de la FTM CGT intervient également sur la question de la réintégration des 10 délégués de Renault licenciés.
Toujours sur la même question, la CFE CGC publie des communiqués les 10 et 19 juillet et le président de cette organisation Paul Marchelli, est interviewé.
Il en vas de même pour Jean-Pierre Soisson.
De son côté, Henri Krasucki signe deux articles dans LHumanité.
Jean Kaspar est interviewé sur les méthodes daction de la CGT.
Le 25 août 1989, la CGT organise une journée daction pour les droits de lhomme et les libertés syndicales. Henri Krasucki prononce un discours sur les droits de lhomme, les libertés publiques et le droit syndical, et sur laction pour obtenir la réintégration des « 10 de Renault ». Il appelle à lunité syndicale.
A lissue de la CE du 6 septembre 1989, Henri Krasucki tient une conférence de presse sur lappel à lunité daction fait par la CGT aux autres syndicats.
Le 7 septembre 1989, dans une conférence de presse, Jean Kaspar fait le constat de convergences intersyndicales, à lexclusion de la CGT à propos de laquelle il évoque des divergences sur les « revendications, les moyens daction et la place de la négociation. »
A loccasion de linauguration de la Cité internationale le 9 septembre 1989, à la fête de LHumanité, Georges Marchais présente une motion en faveur notamment dune réintégration des « dix de Billancourt ».
Le 5 septembre 1989 débute une grève des ouvriers du centre de production automobile Peugeot à Mulhouse, à lappel des syndicats CGT, CFDT, FO et CFTC qui réclament une revalorisation des salaires de 1 500 francs par mois. Le 8, le conflit sétend à Sochaux. Le 12, les grévistes occupent latelier de montage et de carrosserie à Mulhouse. Le 19, la CGT envisage de bloquer le lancement de la 605. Le 26, Le Canard enchaîné publie les déclarations des revenus de Calvet, PDG de PSA, qui révèlent que le revenu du PDG a progressé de 45,9 % depuis 1986. Le 28, Henri Krasucki apporte à Sochaux son soutien aux grévistes et appelle à une entente syndicale « à tous les niveaux. » Le 29, sur A2, Georges Marchais dénonce les « méthodes » de Calvet et Rocard, Premier ministre.
Le 14 septembre 1989, Marcel Rosette, ancien président de lAssociation des élus comministes et républicains, adresse une lettre à tous les membres du CC. Il y critique le mode de fonctionnement du PCF et reproche à Georges Marchais labsence de démocratie interne au Parti.
Claude Labres, porte-parole du mouvement des rénovateurs communistes, est interviewé.
Louis Viannet publie un article sur les conflits et les revendications salariales chez Peugeot et chez les fonctionnaires.
Le 6 octobre 1989, Henri Krasucki visite la forge de Mulhouse occupée par les grévistes. Le 10, le conciliateur nommé par le gouvernement le 5, propose lévacuation de la forge occupée et louverture simultanée de négociations. Les syndicats CFDT, CFTC, FO et CGC acceptent. La CGT refuse . Le 12, les ouvriers de Mulhouse décident, par 589 voix contre 493, dévacuer la forge, occupée depuis le 27 septembre, malgré lhostilité de la CGT à cette décision. Le 13, le directeur central du personnel de Peugeot accepte de lever toutes les sanctions prises depuis le début du conflit (130 licenciements et 61 mises à pied) à condition quil ny ait pas de « nouvelles atteintes » à la « liberté du travail ». Le 16, PSA décide dinclure la totalité des primes liées au poste de travail dans le calcul du treizième mois (soit 350 à 800 francs par an) et de ne plus en déduire le montant en cas daccident du travail. Le 17, le directeur central du personnel de Peugeot propose notamment de revaloriser le salaire minimum de 400 francs, portant à 5 400 francs le salaire le plus bas, et précise quil sagit dune « proposition définitive ». Le 20, les syndicats CFDT, CFTC et FO de lusine Peugeot de Mulhouse décident dappeler les salariés à reprendre le travail. Les 23 et 24, le travail reprend à Mulhouse et à Sochaux.
Henri Krasucki et Louis Viannet sont interviewés sur le conflit chez Peugeot, les revendications des fonctionnaires des finances et les méthodes du dialogue social.
Le 4 octobre 1989, Henri Krasucki fait une déclaration sur le conflit des gardiens de prison, des personnels des impôts et du ministère des Finances, les revendications et la nécessité de négocier.
Le 9 octobre, message de Henri Krasucki aux grévistes des usines Peugeot de Mulhouse ; le 12, il tient une conférence de presse sur loccupation des locaux et les revendications des grévistes.
Le 11 octobre, il est interviewé sur loccupation des locaux par les grévistes de Peugeot, le conflit des personnels des finances, et laccord entre Renault et Volvo.
Le même jour, il est interviewé sur le climat social dans les secteurs public et privé, les conflits de la rentrée, et les relations intersyndicales.
Le lendemain, sur la proposition de rénovation de la grille des salaires dans la Fonction publique et sur les conflits aux Finances, aux Impôts et chez Peugeot.
Le 12 octobre 1989, dans le rapport quil présente à la réunion du Comité central, Georges Marchais, à propos des orientations daction pour le PCF, évoque notamment la nécessité de renforcer le PCF et la CGT.
Charles Fiterman, membre du BP, à ce même CC effectue une analyse de lévolution internationale, marquée par des transformations progressistes, et fixe trois orientations pour le PCF : les perspectives : transformer la société par une alliance entre une démarche de classe et la prise en charge des intérêts généraux de la société ; une pratique politique dans la société française (il met les choses au point sur le type et la forme des interventions) et la nécessité dune pratique démocratique et dalliances à gauche ; sur lorganisation du PCF, adaptation à une stratégie démocratique et autogestionnaire, relance dun débat politique ouvert. Il est interviewé.
Le 15, à RTL, Georges Marchais estime quil possède le soutien de « lécrasante majorité » du Parti et que Fiterman exprime un « clivage » sur la différence dapproche de la stratégie du PCF, « sous-jacent depuis 1984 ».
Le 16 octobre 1989, lors dune assemblée générale des agents du centre des Impôts de Noisy-le-Sec, en Seine-Saint-Denis, Henri Krasucki fait une déclaration.
Le 17, André Lajoinie reproche à Charles Fiterman et à Anicet Le Pors de vouloir « infléchir » la politique du PCF vers « plus daustérité ».
Le 19, Jean-Claude Gayssot, membre du secrétariat du CC, estime que la position de Charles Fiterman et de Anicet Le Pors exprime un « retour en arrière » et précise que le PCF ne doit pas se transformer en parti social-démocrate.
Le 22 octobre 1989, Henri Krasucki adresse une lettre à François Mitterrand sur les méthodes gouvernementales vis-à-vis des conflits sociaux et sur les libertés syndicales.
Le 26 octobre 1989, journée daction et manifestation nationale à lappel de la CGT pour le soutien aux revendications des grévistes de Peugeot et du ministère des Finances. A cette occasion, Henri Krasucki est interviewé les 24 et 26 octobre.
Il publie un article sur les divergences avec la CFDT dans la grève des agents des Finances.
Il est interviewé sur les conflits et la pratique de lutte de la CGT à propos des grèves de Peugeot et des agents des Finances.
Le 7 novembre 1989, grève et manifestation de la Fonction publique à lappel de la CGT et de FO.
Le 9 novembre 1989, à loccasion de louverture du mur de Berlin, Henri Krasucki est interviewé.
Le 15 novembre 1989, Louis Viannet adresse un message aux grévistes des Chantiers de lAtlantique.
Le 21 novembre 1989, lon apprend dans un communiqué que Renault décide en accord avec le gouvernement de mener la « décroissance dactivité » de lusine de Billancourt jusquà fermeture définitive en 1992, pour cause de « handicaps structurels » qui « interdisent » toute évolution. Dans un communiqué la CGT exprime son mécontentement et estime que les licenciements de 1986 ne « doivent pas se renouveler ». André Lajoinie, président du groupe communiste à lAssemblée nationale, estime quil faut « sauver Billancourt ». Le 24, sur Europe 1, il déclare nexclure « aucune hypothèse » pour lutter contre la fermeture du site. Le 27, La Tribune de lExpansion publie un entretien avec Henri Krasucki qui estime quil faut lutter contre une politique « dabandon national. »
Le 22 novembre Henri Krasucki se rend en Tchécoslovaquie à loccasion de la réunion à Prague du Conseil général de la FSM. Il déclare quil « approuve » le processus de réformes démocratiques à lEst et quil décide dengager « activement » la CGT dans le soutien de la perestroïka.
Le 23 novembre, devant la Fédération des Finances, il fait une déclaration sur la grève des fonctionnaires des Impôts et du ministère des Finances.
Le même jour, il donne une interview sur la fermeture de Renault Billancourt et sur lévolution politique des pays de lEurope de lEst.
Le 2 décembre 1989, lors du colloque « Les travailleurs immigrés et lEurope de 1992 », à Essen, en RFA, il fait une déclaration sur la situation des travailleurs immigrés dans la perspective du marché unique européen de 1992.
Lors du CCN qui se tient du 4 au décembre, dans le rapport du BC présenté par Louis Viannet et dans une déclaration de Henri Krasucki est évoqué le « processus révolutionnaire » dans les pays socialistes et limportance de la « bataille idéologique » pour la démocratie et les valeurs du socialisme.
Les 5, 13 et 20 décembre 1989, déclarations de Henri Krasucki et de Gérard Alezard sur la décision de fermeture de Renault Billancourt, la proposition de la CGT dune visite télévisée de lusine et la « transparence » de linformation, notamment sur « les dix de Renault. »
Le 11 décembre et le 18 décembre, Henri Krasucki publie deux articles respectivement sur lévolution des sociétés socialistes et capitalistes, et la démocratie et le tournant historique de 1989.
Du 13 au 15 décembre 1989, le CC se réunit. En sont absents : Georges Marchais, Charles Fiterman et Henri Krasucki. Le 15, est adopté un rapport de Maxime Gremetz, membre du BP chargé de la politique extérieure, qui reproche aux dirigeants communistes de lEst leur inertie « pendant des décennies » et réaffirme que « lavenir appartient au socialisme. ». Le 16, Félix Damette, ancien membre du CC, et « reconstructeur » du PCF, critique le rapport présenté par Maxime Gremetz et déclare que le PCF « savait ce qui se passait » dans les pays de lEst.
Le 14 décembre 1989, à loccasion des Rencontres dOptions organisées par lUGICT, à Bagnolet, Alain Obadia est interviewé sur laction revendicative et limage de « politisation » de la CGT, les changements en Europe de lEst et la construction de lEurope sociale.
Le 16 décembre, Jean Kaspar, dans une interview, évoque notamment les conséquences de la démocratisation en Europe de lEst pour le mouvement syndical. A ce propos, il affirme le principe dindépendance et dautonomie du syndical par rapport au politique et critique « lhypocrisie » de la CGT dans ses relations avec les partis communistes et sa « stratégie de surenchère » dans sa pratique syndicale. Par ailleurs, à propos de la fermeture de Renault Billancourt, il évoque le « combat darrière-garde » de la CGT.
Le 19 décembre 1989, la Cour de cassation rejette les pourvois formés par les « dix » de Renault qui, depuis trois ans, réclament leur réintégration à Renault-Billancourt. Le PCF et la CGT protestent et jugent cette décision « révoltante ».
Le même jour « les reconstructeurs » du PCF appellent à rompre « immédiatement » toute relation du PCF avec les dirigeants roumains. Le BP condamne la répression en Roumanie.
Le 20 décembre 1989 la CGT publie un communiqué sur la situation en Roumanie.
Le 27 décembre 1989, André Sainjon, est interviewé (avec Georges Marchais), sur la situation en Roumanie et le voyage de Georges Marchais en 1984, et sur la « perversion du socialisme » en Europe de lEst.
Début janvier 1990, Yannick Simbron, secrétaire général de la FEN, publie un article.
Le 4 janvier 1990, les syndicats de la Régie Renault, sauf la CGT, signent un accord dentreprise valable pour une durée indéterminée visant à adapter Renault à son environnement concurrentiel. Le 5, les syndicats CFDT, CFTC, FO, CFE-CGC et CSL signent laccord sur la plan social daccompagnement de la fermeture de lusine de Billancourt, prévue en 1992. Le 22, dans un communiqué, Renault annonce 2 346 suppressions demplois en 1990 (dont 400 pour Billancourt) et souhaite « favoriser la mobilité » à lintérieur du groupe.
Le 10 janvier, Henri Krasucki est interviewé sur laction syndicale, les revendications des fonctionnaires, la fermeture de lusine Renault Billancourt, les relations avec la CFDT et lanticommunisme (avec sur ce thème la déclaration de la CE de la CGT dans LHumanité le 11 janvier).
Le 23 janvier Henri Krasucki écrit au Premier ministre sur le droit à la retraite à 60 ans et la nécessité de la concertation pour son financement.
Le 24 janvier, lors des élections professionnelles aux Chantiers navals de lAtlantique à Saint-Nazaire, la CGT perd le contrôle du comité dentreprise au profit de la CFDT. Aux élections des DP, dans le collège ouvrier, elle perd un siège et 4,51 % des voix, dans le deuxième collège, elle perd 7,36 % des voix.
Henri Krasucki publie un article sur la « dégradation » de la vie politique française, la « perversion » du débat politique et le développement de lanticommunisme, à propos des événements en Roumanie et des changements en Europe de lEst.
Il y estime que le « besoin de démocratie » et « de vérité » est une « force immense à lOuest pas moins quà lEst. »
Le 1er février 1990, Marcel Rigout, déclare devant le club de la presse de Limoges, quil refuse la réduction de léchiquier politique français au clivage « partis de droite et social-démocratie » et propose « une perspective politique qui puisse rassembler toute la gauche » pour combler « la place naturelle que devrait occuper le PCF et quil noccupe plus ». Le 7, Marcel Rigout, Claude Poperen et Félix Damette, communistes reconstructeurs, présentent une lettre ouverte au CC demandant labandon du centralisme démocratique et une réforme des statuts du PCF. Le 12, dans une déclaration à Nancy, Claude Poperen juge « insensée » la position sur la réunification allemande développée dans le rapport de Francette Lazard au CC. Le 24, dans un entretien au Monde, Anicet Le Pors , reconstructeur communiste, considère que le centralisme démocratique au sein du PCF est « une question centrale » dans la préparation du prochain congrès communiste. Il se prononce contre lorganisation du PCF en « tendances » mais souhaite que le point de vue de la « minorité » soit « organiquement » pris en compte.
Le 7 février 1990, la CE de la CGT décide dune journée nationale daction pour la protection sociale le 31 mars 1990.
Article de Jean Kaspar déclaration du Bureau national de la CFDT sur lappel de la CFDT à une stratégie de coopération intersyndicale et au renouvellement de limage du syndicalisme dans lopinion.
Il y est fait le constat des convergences avec les organisations syndicales CGC, CFTC, FEN, FO et certaines organisations autonomes, à lexclusion de la CGT, et lancé un appel pour une « stratégie de coopération intersyndicale » (et non pour la recomposition syndicale autour dune centrale unique) avec notamment la proposition dun « comité de coordination pour laction syndicale en Europe », élargi à lEurope de lEst, pour promouvoir un syndicalisme démocratique et indépendant.
Le 12 février 1990, au CC, dans une intervention, Charles Fiterman estime nécessaire une « revivification » de lidée communiste et pose la question de la « crédibilité » de la notion de centralisme démocratique, abandonnée par certains pays de lEst.
Louis Viannet est interviewé sur la demande dadhésion à la CES faite par la CGT et sur laction revendicative au niveau européen.
Charles Fiterman publie un article sur la nécessité dun débat entre les communistes sur lévolution du monde, notamment la crise du socialisme étatique et sur la situation en France.
Le 3 avril 1990, au CC, Anicet Le Pors demande lexamen de la notion de « débat démocratique exemplaire » au sein du Parti. Le 4, interviewé à France Inter, Guy Hermier, membre du BP, souhaite « quil y ait un profond débat au sein du Parti ». Le même jour, Jean-Claude Gayssot, secrétaire du CC, dans une conférence de presse, indique que Guy Hermier « a des divergences quil confirme à chaque occasion », repousse la proposition dAnicet Le Pors.
Le 26 avril 1990, à Nantes, Georges Marchais appelle à lunion du monde syndical et des forces de gauche pour faire échec à la politique du gouvernement qui ne cesse « de se compromettre avec la droite. »
Charles Fiterman est interviewé sur lévolution du socialisme à la suite des transformations à lEst, sur le nécessaire débat au sein du PCF en préparation du 27e congrès.
Au CC des 14 et 15 mai 1990, Charles Fiterman critique la stratégie du PCF.
Le 3 juin, les « reconstructeurs » communistes se rassemblent à Saint-Prieux-la-Peche, en Haute-Vienne. Félix Damette, le chef de file du mouvement, déclare à cette occasion quil faut « refonder le communisme ».
A la réunion du CC du 20 au 22 juin, le 21 Charles Fiterman insiste sur la détermination de la « minorité » du Parti à contester la démarche de Georges Marchais. Anicet Le Pors souhaite modifier le fonctionnement du Parti et la procédure de préparation du congrès. Philippe Herzog, membre du BP, souhaite une politique de renouvellement. Le 22, le CC rejette les propositions de la « minorité » et adopte, à lunanimité moins six abstentions, les orientations proposées par Georges Marchais qui affirme, lors dune conférence de presse, sa volonté de dialogue avec les minoritaires.
Le 5 septembre 1990, dans la perspective de la préparation du 27e congrès du PCF, les reconstructeurs communistes réunis à Camon, dans la Somme, soulignent labsence de discussions au sein du PCF, critiquent la dissolution de certaines sections et la direction du PCF.
A la réunion du 20 au 23 septembre du CC, le 19 Charles Fiterman, reconstructeur communiste, remet à Georges Marchais un « texte alternatif » demandant la convocation dun « congrès extraordinaire » et une « nouvelle rédaction » des statuts du Pari. Le 20, il insiste sur les « mouvements » en cours dans la société française et au plan international (crise du Golfe, Pays de lEst) et déclare craindre un « contresens historique » compromettant lavenir du Parti. Georges Marchais estime que le contre-projet de Charles Fiterman ne contient pas de propositions « précises » et refuse de proposer plusieurs motions au vote du CC. Le 23, le texte de la direction est adoptée comme texte unique de discussion pour le 27e congrès et est adoptée une proposition de Georges Marchais de publier le projet de Charles Fiterman dans la tribune de discussion préparatoire au congrès ouverte dans LHumanité et dans Révolution. Charles Fiterman dénonce « le pilonnage accusateur » menée contre lui. Le 24, dans une conférence de presse, Georges Marchais juge « excessivement optimiste » lanalyse par Charles Fiterman de la situation en URSS et dans le monde.
Le 8 octobre 1990, publication dans LHumanité du texte « alternatif » à celui de la direction du PCF, rédigé par Charles Fiterman. Il y critique le jugement négatif de la direction sur les changements intervenus en Europe, et réclame « plus de démocratie au centre de la vie du Parti » ainsi quune nouvelle rédaction des statuts du PCF.
Le 11 octobre 1990, plusieurs élus « reconstructeurs » du PCF, dont Marcel Rigout, annonce, à Orly, la création dun mouvement national délus « progressistes ».
Le 25 octobre 1990, journée daction et de manifestation à lappel de la CGT contre le projet de loi sur la CSG.
Charles Fiterman écrit à la commission de la tribune de discussion du 27e congrès et réponse de celle-ci, sur sa démission de cette commission.
Du 13 au 20 novembre 1990, à Moscou, 12e congrès de la FSM, qui regroupe 400 organisations, dont une centaine adhérentes. Henri Krasucki y conduit une délégation de la CGT. Il y fait une déclaration et donne une interviiew
Dans sa déclaration il soppose à la volonté de dépolitisation du mouvement syndical exprimée par les syndicats soviétiques.
Le 13 novembre 1990, dans une déclaration à lAFP, André Lajoinie propose à Charles Fiterman de participer à une réécriture de projet de résolution soumis aux militants. Le 14, dans un communiqué, Charles Fiterman estime que « toutes les conditions politiques et pratiques » dun tel travail doivent être créées et affirme qu « aucune » de ses propositions na été prise en considération. Il demande que le congrès permette un débat démocratique et pluraliste. Le 15, sur la Cinq, Anicet Le Pors demande une réunion du CC afin de définir les modalités dun congrès « véritablement » démocratique. Le 16, Charles Fiterman sentretient avec André Lajoinie. Georges Marchais affirme sa volonté douverture et invite Charles Fiterman à, contribuer concrètement au travail de la commission chargée dorganiser la discussion préparatoire au congrès. Le 18, dans une interview au Journal du Dimanche, Charles Fiterman souhaite que le congrès élabore une nouvelle résolution.
Le 24 novembre, Claude Poperen, chef de file des « reconstructeurs » du PCF, rend publique sa contribution adressée à la commission de discussion préparatoire au 27e congrès. Il souligne les « questions essentielles » posées par Charles Fiterman et demande lélaboration dun document prévoyant « une nouvelle politique, de nouveaux statuts et une nouvelle direction. » Il réclame la rupture des liens entre le PCF et le PC chinois.
En décembre 1990, interview de Henri Krasucki sur lautonomie de laction syndicale de la CGT par rapport au PCF.
Le 12 décembre 1990, lors dune conférence de presse, les « reconstructeurs » communistes estime que le 27e congrès du PCF « est entaché dillégitimité au départ ». Claude Poperen, Félix Damette et Marcel Rigout appellent à la formation dun « collectif national des reconstructeurs » pour « faire du nouveau à lintérieur du Parti ».
Dans le rapport quil présente en introduction au 27e congrès du PCF du 18 au 22 décembre, Georges Marchais annonce une modification des statuts du PCF pour le 28e congrès et rappelle que le 27e nest pas bouclé.
Charles Fiterman, membre du CC et « refondateur » critique les conditions de désignation des délégations au congrès et considère que le rapport de Georges Marchais « ne paraît pas porter déléments nouveaux significatifs ». Le 19, Anicet Le Pors, membre du CC et refondateur, demande labandon par le PCF du centralisme démocratique. Charles Fiterman souligne « la remontée dattitudes sectaires » et invite le PCF à « éviter un contre-sens historique ». Le 20, le rapport de Georges Marchais recueille 1 678 voix, 16 abstentions, et 1 voix contre, celle dAnicet Le Pors. Charles Fiterman sabstient et souligne « la tournure ouverte » de la discussion concernant le projet de résolution. Le 21, elle est adoptée à l »unanimité moins trois voix et 22 abstentions. Le 22, Georges Marchais est réélu comme secrétaire général, Anicet Le Pors sabstient. Tous les contestataires sont réélus au CC, notamment Charles Fiterman. Félix Damette, « reconstructeur », annonce sa décision de ne pas renouveler sa carte du PCF après ce congrès « indécent » qui ne constitue quune « cérémonie dallégeance collective » au secrétaire général. Le 23, sur FR3, Charles Fiterman indique quil a senti « une amorce découte, de comportements différents ».
Le 30 janvier 1991, la presse publie la nouvelle répartition des responsabilités au sein du PCF, adoptée la veille par le BP. On y note notamment le remplacement de Jean-Claude Gayssot, numéro deux du PCF chargé de lorganisation du Parti par Pierre Zarka, membre du secrétariat. Jean-Claude Gayssot prend en charge les fédérations et comités régionaux du Parti.
Le 12 février 1991, lAFP publie les résultats du dernier cycle délections professionnelles (organisé du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1990) en vue du renouvellement des 150 comités détablissement du groupe Renault : la CGT perd la majorité absolue au sein du comité central dentreprise avec 46,53 % des suffrages, contre 51 % au précédent scrutin. Dans une conférence de presse, la CGT indique quelle souhaite conserver les « premières responsabilités » dans les deux principales instances représentatives : le comité central dentreprise et le comité de groupe. Les autres syndicats réagissent en souhaitant assurer lalternance. Le 13, réunion de cinq syndicats consacrée à la répartition des responsabilités au sein des comités : la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC et FO entendent créer une « entente majoritaire » afin de remplacer la CGT.
Le 14 février 1991, les résultats des élections professionnelles au CE du centre de production Peugeot de Mulhouse se traduisent dans le collège ouvriers par une perte pour la CGT de 4,24 % des voix et dun siège sur 1989. Lalliance FO-CFTC-CGC reprend la majorité à la CGT et à la CFDT avec huit sièges sur quinze.
Au CC, le 14 février 1991, Philippe Herzog, membre du BP, reproche au Parti de « négliger » le front économique.
Le 9 mars 1991, les reconstructeurs du PCF se réunissent et déclarent engager « un processus de concertation et de discussions » avec des formations et des « gens de gauche » (notamment les rénovateurs communistes, les Verts et lAlternative rouge et vert), en vue de la création dune nouvelle force politique « progressiste ».
Le 12 mars 1991, le BP adopte un document sur les « enseignements de la guerre du Golfe » qui déplore le « nouvel ordre international » voulu par les Etats-Unis et affirme que cet Etat souhaitait cette guerre pour des raisons économiques, financières et politiques. Le 13, Charles Fiterman et Guy Hermier, membres « Refondateurs » du BP, expriment leur désaccord.
Michel Warcholak fait une déclaration sur le bilan des résultats aux élections professionnelles pour 1990.
Il estime « quen dépit dun léger tassement, la CGT demeure bel et bien la première centrale syndicale de notre pays ». La CGT affirme avoir obtenu lors des élections 1990 des délégués du personnel et des membres des comités dentreprises 46,46 % des voix contre 47,48 % en 1989. Il critique « les manuvres pour évincer la CGT de la direction du comité central dentreprise de Renault » où elle a obtenu 48,6 % des suffrages contre 49,38 % aux autres syndicats.
En mars 1991, les élections des délégués du personnel aux 16 comités détablissement dAir France se traduisent par pour les personnels au sol la perte de 2,7 % des voix pour la CGT.
Le 13 avril 1991, à lappel de la CGT journée daction pour la défense des retraites.
Louis Viannet publie un article sur les résultats des élections professionnelles à La Poste et à France Télécom.
Henri Krasucki fait une déclaration sur sa décision de ne pas solliciter le renouvellement de son mandat au terme du prochain congrès confédéral.
Le 15 avril, il écrit au CCN et à la CE. Le 18, le BC publie un communiqué.
Dans sa lettre, il annonce quil ne sera pas candidat à un 4e mandat lors du prochain congrès du 26 au 31 janvier 1992. Le BC décide de proposer « aux instances concernées qui auront à en débattre et à en décider », la candidature de Louis Viannet au poste de secrétaire général.
Le 15 avril 1991, les refondateurs du PCF publient un manifeste qui préconise une « refondation » de la gauche et constate « léchec du communisme et de la social-démocratie ». Ce manifeste est signé par 32 personnalités de gauche, dont Charles Fiterman, chef de file des communistes « refondateurs », Claude Cheysson et Max Gallo, députés européens PS.
Charles Fiterman sexplique sur la démarche du manifeste Refondations.
Le 18 avril, dans le rapport quil présente au CC, des 18 et 19, souligne que « le parti nest pas monolithique » et que la véritable modernisation sidentifie avec la démocratisation. Le 19, Henri Krasucki déclare que « le PCF a décidé de changer mais a du mal à le faire. » Le rapport de Lajoinie est adopté à lunanimité moins sept abstentions, les membres refondateurs.
A loccasion du congrès de la CES, à Luxembourg, du 13 au 17 mai, Henri Krasucki est interviewé sur la demande dadhésion de la CGT à la CES (en annexe réponse de la CES à la demande faite par la CGT en 1980). Il publie un article sur le déroulement du congrès de la CES.
Le 13 mai 1991, sur Europe 1, Marc Blondel déclare sopposer à ladhésion à la CES de la CGT, qui selon lui « ne pratique pas lindépendance » au niveau européen dans sa conception du syndicalisme.
Le 31 mai 1991, lors dun rassemblement pour lemploi et lindustrie avec les salariés des chantiers navals de La Ciotat, à Paris, Henri Krasucki fait une déclaration sur la politique industrielle et les chantiers navals de La Ciotat.
A loccasion des rencontres avec Edith Cresson, Premier ministre, et les organisations professionnelles, Marc Blondel publie un éditorial sur la rencontre de FO avec Cresson et sur les déclarations de la CGT.
Charles Fiterman et Claude Cheysson sexpliquent sur le mouvement Refondations et sur la participation de ministres communistes au gouvernement de 1981 à 1984.
Les 7 et 8 juin 1991, se tient le premier colloque de « Refondations », il regroupe des communistes contestataires, des militants autogestionnaires et des socialistes critiques. Charles Fiterman, à propos du rapprochement PCF-PS, met en garde contre « lillusion des schémas anciens ».
Au CCN qui se tient du 12 au 14 juin, Louis Viannet présente un rapport sur le syndicalisme et les perspectives pour la CGT. Il y analyse la conception du rôle et du fonctionnement de la CGT en évoquant la nature du syndicalisme aujourdhui et notamment du syndicalisme de classe par rapport à la diversité du salariat. Il note que la démarche syndicale doit consister à discuter des points essentiels sur le lieu de travail. Il évoque le fonctionnement des instances dirigeantes en en appelant à la transformation du BC et à un rôle pour la CE de lieu de confrontation et dé décision.
Henri Krasucki y présente un rapport où il rappelle le calendrier et des points dorganisation jusquau 44e congrès. Il analyse la décennie 80 : lélection de F. Mitterrand et lattitude de la CGT par rapport à lunion de la gauche ; le bilan des réformes entreprises et lanalyse critique de la situation actuelle. Sur le bilan de laction de la CGT, il porte une appréciation positive de laction de la CGT depuis 1981, notamment par le renouvellement de la réflexion et des méthodes dans les domaines de laction revendicative, de la pratique syndicale, de la prise en compte de toutes les composantes du salariat, de la lutte pour lunité daction et de laction internationale. Il critique des défauts entravant laction de la CGT, avec au niveau des cadres dirigeants la permanence, chez certains, dune conception et dune stratégie élitistes et monolithiques de type courroie de transmission, qui se traduit par un étiquetage par rapport à la notion de classe, de louvriérisme, des positions partisanes par rapport à la classe politique. Il présente des principes de fonctionnement nécessaires : expression des diversités, confiance mutuelle, politique de cadre, démocratie syndicale. Dans une déclaration, il donne des réflexions sur le débat au CCN et sur son apport pour lavenir.
Il est interviewé sur les travaux du CCN.
Louis Viannet aussi.
Fin juin 1991, la direction du PCF diffuse un tract consacré à limmigration qui critique notamment « les abus du regroupement familial », déclare que « limmigration est devenue un vrai problème », et estime que « lexistence dune nombreuse population immigrée dans une même ville conduit à des déséquilibres qui mécontentent dautres couches de la population ». Anicet Le Pors demande « la mise au pilon du tract » quil considère comme « complaisant vis-à-vis des attitudes dexclusion ».
Louis Viannet est interviewé, notamment sur lévolution du syndicalisme à la CGT.
Le 19 août 1991, un coup dEtat est annoncé en URSS. Charles Fiterman et Anicet Le Pors condamnent le putsch. Dans un communiqué le BP déclare que « les conditions déviction » de Mikhaïl Gorbatchev, président de lURSS, sont « inacceptables » et que cela « constitue un développement nouveau et critique de la grave crise » que connaît lURSS. Au cours de cette réunion, Charles Fiterman et Philippe Herzog expriment leur réserve sur ce texte. Le 23, neuf mambres « refondateurs » du CC (dont Charles Fiterman, Anicet Le Pors et Jack Ralite) adressent une lettre à Georges Marchais dans laquelle ils expriment leur désaccord avec la position du BP et estiment que la direction a commis une « faute danalyse » en tenant « pour acquise léviction illégale » de Gorbatchev. Le 26, dans un entretien au Parisien Libéré, Marcel Rigout affirme quil faut « déboulonner » Georges Marchais de son poste et juge « inadaptée » la façon dont est dirigé le Parti. Le 27, le BP adopte une déclaration, à lexception de Charles Fiterman et Guy Hermier, directeur de lhebdomadaire communiste Révolution. Le 29, Charles Fiterman appelle les militants communistes à se prononcer sur la situation du PCF après les événements en URSS et estime que le PCUS « en senfermant dans lerreur
sest avéré incapable » de se transformer pour « devenir loutil politique de la perestroïka ».
Philippe Herzog publie un article sur le renouvellement du PCF.
Lors du CC, du 3 au 5 septembre, dans la discussion, le 3, Charles Fiterman, Anicet Le Pors et Jack Ralite condamnent lattitude « désastreuse » du BP et demandent sa démission. Le 4, Philippe Herzog critique le rapport de Lajoinie et appelle au « renouvellement des idées » et à la tenue dun nouveau congrès. Le 5, le rapport de Lajoinie est voté par 128 voix contre 14. Charles Fiterman estime que cette réunion du CC a permis dexprimer « lébranlement profond » du Parti.
Lors dune conférence de presse, Louis Viannet évoque notamment la portée des événements en URSS pour la réflexion et laction syndicale.
Le Monde du 24 septembre 1991 publie un entretien avec Philippe Herzog qui estime que « la faillite du socialisme étatiste » doit permettre décarter certaines illusions » et de créer un Parti « foncièrement différent ».
Louis Viannet est interviewé et publie un articlesur la désyndicalisation et la démarche revendicative de la CGT avant son congrès.
Georges Marchais publie un article sur les relations entre la CGT et le PCF à l approche du congrès de la CGT, il sagit dune réaction à un texte de la revue CFDT Documents du 19 juillet 1991.
Louis Viannet fait des déclarations sur notamment les relations CGT-PCF à propos du précédent article de Georges Marchais.
Le 1er octobre 1991, le CC réuni les 30 septembre et 1er octobre, voit adopté à lunanimité moins 10 abstentions (notamment Charles Fiterman, Philippe Herzog, Guy Hermier, membres du BP, et Jack Ralite) une résolution approuvant le rapport présenté par Pierre Blotin, membre du secrétariat, consacré au lancement dune campagne de débats publics portant notamment sur les bouleversements en Union soviétique.
A loccasion de la commémoration de lexécution de 27 otages par les troupes nazies à Chateaubriant le 22 octobre 1941, Henri Krasucki fait une déclaration sur laction des syndicalistes CGT et des communistes dans la Résistance au cours de la deuxième guerre mondiale.
Le 12 novembre 1991, le « reconstructeur » Claude Poperen annonce sa démission du PCF.
Charles Fiterman sexplique sur la démarche et les analyses du PCF, et les objectifs de Refondations.
Le 22 novembre 1991, les « refondateurs » et les « reconstructeurs » du PCF fusionnent en une nouvelle entié : Alternative pour la Démocratie et le Socialisme (ADS). Marcel Rigout et Claude Poperen notamment sont membres du Bureau de ce mouvement qui veut « militer pour un réformisme fort » et participer aux prochaines élections régionales et cantonales. Le 27, Charles Fiterman et Guy Hermier publient un texte en faveur « dun renouvellement profond de lidentité communiste » et de la constitution dune entente démocratique des forces du travail et de la création.
Le 22 novembre 1991, élections professionnelles pour les 150 000 agents dEDF-GDF, la CGT recule de 1,64 %.
Les 3 et 4 décembre 1991, le CC est réuni pour préparer les élections cantonales et régionales de 1992. Le 3, Philippe Herzog et Anicet Le Pors font des propositions visant à faire modifier lordre du jour pour débattre des questions européennes dans la perspective du sommet de Maastricht des 9 et 10 décembre, des éventuelles réformes institutionnelles annoncées par le président de la République, et de limmigration. Le CC rejette ces propositions et approuve, à lunanimité moins 7 abstentions, lordre du jour établi par le BP. Dans une intervention, Philippe Herzog dans une « adresse aux communistes » appelle le PCF à sortir de son isolement sur les questions européennes et à relever le « défi de lEurope sociale ». Le 4, le CC adopte, à lunanimité moins 5 abstentions (Charles Fiterman, Guy Hermier, Roger Martelli, Jack Ralite, Lucien Sève) et un refus de vote (Anicet Le Pors), le rapport du BP sur la préparation des élections cantonales et régionales.
Le 5 décembre 1991, lancien Premier ministre Michel Rocard participe à un colloque organisé à La Défense par Philippe Herzog, membre du BP, et Paul Boccara, membre du CC, sur le thème « Créativité institutionnelle, nouvelle mixité, avancées autogestionnaires ». Le 7, est annoncée la création dune association nommée « Confrontations », parrainée notamment par Philippe Herzog, Rocard, Pierre Guillen, vice-président du CNPF, Jean-Christophe Le Duigou, Jean Peyrelevade, PDG de lUAP. Lassociation se propose de devenir « un lieu détude et de débat » pluraliste « pour une conflictualité ouverte, viable, créative ».
Henri Krasucki est interviewé sur la nécessité de faire évoluer le syndicalisme à la CGT par la prise en compte des « diversités », la démocratie directe et le « débat au grand jour » et sur la recherche de convergences intersyndicales au niveau national et européen.
Le 25 décembre 1991, Mikhaïl Gorbatchev, président de lex-URSS démissionne. Charles Fiterman salue le « combat » pour la démocratie de Gorbatchev et Anicet Le Pors salue « le rôle décisif » joué par Gorbatchev et regrette que le PCF ne se soit pas « approprié » les idées de la perestroïka.
Le CC de janvier 1992 adopte à lunanimité moins deux abstentions (Philippe Herzog et Bernard Marx) et un refus de vote (Anicet Le Pors) le rapport de Jean-Claude Gayssot qui présente le « non » du PCF au référendim sur la ratification du Traité de Maastricht comme un rejet du Traité et de la politique du gouvernement. Le 19, dans une interview au Monde, Philippe Herzog se prononce en faveur du « non » au référendum, tout en soulignant « lincapacité de la plupart des non à porter une dynamique constructive ». Il appelle à la création dune nouvelle Union européenne en cas de victoire de « non » ouverte à « lEst et au Sud », avec « des institutions nouvelles, des pouvoirs dintervention et de contrôle non seulement au sommet mais à la base, par les syndicats et les élus locaux et régionaux ».
A loccasion du 44e congrès de la CGT, article de Louis Viannet et interview de Alain Obadia, sur la mise en uvre de la démocratie syndicale dans laction revendicative.
Interviews de Louis Viannet sur laffaiblissement de la CGT et les nécessaires mutations de lactivité syndicale par la mise en uvre de la démocratie dans lélaboration des revendications, thème central du 44e congrès de la CGT.
Interviews de Henri Krasucki sur son action depuis 1982, les valeurs défendues par la CGT dans le contexte des transformations en URSS et en Europe de lEst pour le syndicalisme mondial, et le nécessaire renouvellement de la pratique syndicale.
Au 44e congrès, déclarations de Henri Krasucki et Louis Viannet.
Le 26 janvier 1992, dans son discours douverture, Louis Viannet déplore que le syndicalisme soit perçu « comme une institution » utile dans les négociations entre employeurs et salariés et non « comme lanimateur indispensable de laction » et déclare vouloir engager le « renouveau » de la CGT. Le 31, le document dorientation est adopté. Il affirme la volonté de « changement » et d « indépendance » de la CGT. Louis Viannet est élu à lunanimité au poste de secrétaire général en remplacement de Henri Krasucki qui part à la retraite.
Alain Obadia est interviewé, notamment, sur la « crise du syndicalisme » et la mise en uvre de la démocratie dans lélaboration des revendications.
Sur trois des aspects de cette période : les « Dix » de Renault, le CCN de juin 1991, Henri Krasucki et les évolutions dans les Pays de lEst, nous avons recueilli les points de vue de plusieurs de nos interviewés.
LES « DIX » DE RENAULT
Les 17 et 23 février 1989 des meetings, à lappel de la CGT, ont lieu à Boulogne-Billancourt suite à la décision en Conseil des prudhommes ordonnant la réintégration des « dix » de Renault. Le 17, Jean Desmaison, secrétaire général de la FTM CGT, y fait une déclaration. Le 23, déclaration de Henri Krasucki, qui est également interviewé et qui publie un article sur la réintégration des militants de Renault licenciés.
Interviewé, Georges Marchais évoque les « dix de Renault ».
Cest aussi le cas de Laurent Fabius, président de lAssemblée nationale et tête de liste du PS pour les élections européennes de 1989.
Interviewé, Pierre Arpaillange, ministre de la Justice, aborde la décision du Conseil constitutionnel rejetant le droit à la réintégration des dix de Renault.
Cest aussi le cas pour Henri Emmanuelli, secrétaire du PS.
Puis du président de la République.
Voir plus haut.
Pour Louis Viannet, avec les « Dix » de Renault, le PCF court-circuite la CGT et Henri Krasucki subit la situation sans ne plus trop avoir les rênes en main. Cela du point de vue des formes daction et du caractère des initiatives :
« Les deux premières manifestations qui ont eu lieu par rapport aux Dix se sont préparées entre le Parti et la direction syndicale de Renault. Cest incontestable. Mais, dans la mesure où lon était vraiment conscient de lenjeu pour la CGT, il ny a pas eu de débat sur le fait de savoir ou non sil fallait défendre les Dix. Sauf quà la troisième manifestation, il y avait à peu près, je nexagère pas, 95 % dextérieurs à Renault et 5 % de militants de Renault. Il ny avait aucun salarié.
« Là, vraiment les questions ont commencé à venir, en se disant : Il faut mener la bataille mais si on la mène comme cela elle est perdue. Et là, il y a eu confrontation CGT Parti et puis le Parti a continué en sen foutant éperdument.
« Je ne sais pas si un jour il y aura un retour historique sur cela, mais ça a été une bataille très mal menée. »
Pour François Duteil, le cas des Dix de Renault est plus « complexe » que celui de SKF, mais il névoque pas les relations CGT Parti :
« Je crois quon a un syndicalisme chez Renault qui a quelques difficultés à appréhender les mutations qui interviennent et qui sont de double nature. Dune part, linternationalisation de la production avec le besoin dattraper cette question de manière positive. Dautre part, les mutations dans le salariat. Inconsciemment, Renault, que lon avait appelé la forteresse ouvrière, a généré quelques illusions.
« Je minterroge, mais cest toujours compliqué de porter un jugement sur une organisation que lon connaît moins bien que celle où lon pratique, sur le fait de savoir sil ny a pas eu une espèce de fuite en avant générée par les Dix de Renault. Une espèce descalade dont je ne suis pas sûr que lon pouvait la maîtriser. Et donc, sans doute, derrière il y a eu lidée de faire des coups. Alors quil aurait fallu, mais cest plus facile à dire après que sur le moment, créer les conditions dune prise de conscience plus grande sur les problèmes nouveaux auxquels on était confronté et, sans doute, conduire une autre lutte que celle qui a été conduite. »
Gérard Alezard :
« Jai vécu du début à la fin les Dix de Renault. Jai été un des protagonistes les plus actifs sur cette question-là. Je pense, aujourdhui, que lon a eu tort de sinvestir à ce point sur ce seul aspect des Dix de Renault, en oubliant la situation globale de Renault.
« Quand lon regarde rétrospectivement, il y a même quelque chose que lon a du mal à comprendre. Le Secteur Economique, la direction de la CGT, travaillent intensément sur la stratégie Renault avec des propositions très avancées. On narrête pas de noircir des pages et à nourrir des dossiers très approfondis sur lindustrie automobile et singulièrement Renault. On était sur ce terrain-là sans doute lorganisation syndicale qui proposait le plus. A cette époque, la CGT, seule, formule une proposition pour une petite voiture, la Neutral. On fait travailler des maquettistes parmi les plus éminents. On crée une association Neutral avec à sa tête un des ingénieurs les plus cotés chez Renault. On fabrique une maquette, dont on peut toujours discuter la ligne. On la met en exposition au siège de la CGT. On est même obligé de défoncer deux portes, parce quelle nentrait pas.
« Puis, tout dun coup, voilà la question des Dix de Renault extrêmement poussée par le Parti communiste, au point den faire une exclusivité dans la bataille syndicale. Tout ce que lon a fait est neutralisé. Cest ahurissant.
« Les Dix de Renault étaient injustement frappés, la question nest pas là. La nécessité de défendre leur situation nest pas contestée. Mais, de là à mobiliser 24 heures sur 24, pendant des mois et des mois toute une organisation là-dessus, pas simplement la CGT Renault mais la CGT, cela à un côté complètement fou, rétrospectivement.
« Pourtant, on la fait. Alors, est-ce que lon était à ce point tiré par le politique ? Cest plus compliqué que cela. Il y avait quand même une certaine conviction denjeu et derrière cet enjeu cétait limage et lexistence de la CGT Renault qui étaient menacées. Il y a eu une sorte de déplacement chez Renault de la théorie du complot que lon a pu connaître dans dautres périodes. Il y avait, cest vrai, de cela. En même temps, lon a forcé la main de personne pour faire les mobilisations quil y avait à la porte de chez Renault, avec des représentants de boites et les principaux dirigeants fédéraux de la CGT. Cest encore pire.
« Aujourdhui, je continue de penser que cest une erreur. Mais, si on ne ramène pas cela au contexte on ne comprend rien.
« Ceci étant, je suis tout à fait convaincu que les ficelles ont quand même été tirées par la direction du Parti et par Georges Marchais personnellement. Je me souviens dune rencontre, un peu imprévue, à la fête de LHumanité, au cours de laquelle Georges Marchais fait venir Charles Ledermann, en tant quavocat, pour lui dire : Il faut que tu prennes en charge ce dossier-là. Il est politiquement trop important pour moi. Et, lon me demande à moi dexpliquer où en est la CGT sur ce sujet-là. Selon lopinion de la direction du Parti, nous étions à lépoque un peu trop en retrait et, donc, lon me dit : Il faut mobiliser le ban et larrière-ban. Jai pris cela comme une démarche inacceptable Henri Krasucki était très réticent à lépoque -, mais il nempêche que le coup était parti et que lon a pris en charge jusquaux bouts, cest-à-dire : un bout de succès juridique avec une décision prudhomale de réintégration des Dix, et, ensuite, une sorte de déliquescence syndicalo-politique puisque lon na pu obtenir quoi que ce soit et, surtout, lon sest coupé dune foule de travailleurs de chez Renault à un moment où il y avait des restructurations, des licenciements et, sans doute, la nécessité de pouvoir négocier une restructuration moins difficile pour le plus grand nombre de gens concernés.
« Donc, dun côté, on rédigeait des textes, on répondait à des interviews dans Le Figaro, dans Le Nouvel Economiste, dans LExpansion, en disant quil y avait une autre politique industrielle pour Renault, et, dun autre côté, on était complètement engagé dans cette affaire des Dix, dans une sorte de fuite en avant qui se révélait quand même une vraie impasse syndicale. »
Alain Obadia, nous indique que, sur limportance donnée aux Dix de Renault, comme pour SKF, « Henri était très contre » et ajoute :
« Jai vécu au Comité central le début de laffaire des Dix de Renault. Cest une intervention de Georges Marchais le début de laffaire, sur le thème la CGT nest pas assez combative, on laisse des choses épouvantables se faire. Il prenait le cas des Dix, en disant : Il faut mener une forte bataille, cest une bataille de défense des libertés publiques, de défense de la démocratie. Ensuite on a tout enclenché.
« A lépoque, cest très difficile une situation comme cela, en tant que citoyen. Parce que, dun côté, on ne peut pas ne pas défendre des camarades victimes de la répression, et, dun autre côté, plus le temps passait et plus javais le sentiment que Raymond Lévy nous avait bien eus dans cette affaire parce quil agitait le chiffon rouge des Dix et, pendant que nous y étions polarisés de toutes nos forces, il y avait 30 000 licenciements dans le groupe. Je pense que, encore une fois, nous étions unilatéraux. On ne tenait pas bien tous les aspects du problème. Il y avait des analyses différentes et une volonté dimposer des analyses, donc, obligatoirement, on tordait le bâton en mettant trop le poids sur un aspect. »
René Lomet confirme ce quil nous avait dit pour SKF.
André Sainjon procède par « rappel des faits » :
« Les Dix de Renault, cest un incident qui est intervenu entre un leader de la CGT et un agent de maîtrise. Cétait Georges Besse qui était encore Président de la Régie. A ce moment-là, je pensais quon pouvait trouver une formule pour éviter un conflit majeur. Indiscutablement, le Parti communiste mobilisait ses forces, avec la CGT des Hauts-de-Seine et de lIle de France en particulier. Avec laccord, naturellement, de la Confédération, pour faire de grandes manifestations populaires devant le siège de chez Renault.
« Je me souviens très bien quil y avait eu une manifestation à lappel de la CGT avec la participation de Georges Marchais comme leader du Parti à cette époque. Jétais à cette manifestation et quelque chose mavait marquée compte tenu de la symbolique Renault, forteresse ouvrière. Jen faisais la remarque au secrétaire général de la Fédération de la Chimie qui sappelait Jean Vincent, en lui disant : Tu sais Jean, il y a quelques années, si la CGT avait appelé à une telle manifestation, il y aurait eu une haie dhonneur des travailleurs de la Régie. Ils seraient sortis de Billancourt pour nous accueillir. Or, là, il ny avait pas un chat.
« Cest-à-dire quil y avait un grand décalage entre ce conflit porté au niveau national, pour accuser, là encore, la répression antisyndicale du patronat avec la complicité des socialistes et laction des salariés de la Régie qui étaient, semble-t-il, peu enclin à se mobiliser sur le problème des Dix de Billancourt . »
LE CCN DE JUIN 1991
Nous avons interrogé notre cible sur la façon dont ils ont vécu cette réunion.
Pour Louis Viannet :
« Le fond du débat, cest un Comité central où, dans le cadre de la situation il me semble que cest Gayssot qui rapportait, mais je nen suis pas sûr -, en tout cas dans le rapport douverture au CC, il y a une phrase qui, en gros, dit : Le Parti pense que le mouvement syndical nest pas assez ferme par rapport au gouvernement. Cest pas la CGT texto mais cela voulait dire ça.
« Donc, souvre un débat difficile. Jétais arrivé en retard, vers onze heures. Les copains me mettent au parfum. Le premier qui est monté au créneau, cest Warcholak. Il dit : Je suis daccord avec le rapport. Je pense que lon fait trop de cadeaux aux socialistes. La discussion démarre et dans les interventions qui se font il y a quand même une mise en cause de Henri, sans le nommer. Lui, continuait de considérer quil y avait des pas à ne pas franchir, ce qui provoquait des débats et des discussions. Mais là, à ce Comité central, cela a monté dun cran.
« Je ne suis pas intervenu en chargeant Henri. Je suis intervenu en disant : Sans doute, il faut faire monter dun cran laction, mais ce nest pas simple. En plus, cétait vrai.
« Le lendemain : campagne de presse effroyable, avec un titre en première page de Libé, toute la page : Krasucki au banc des accusés. Libération, Le Monde, enfin toute la presse parisienne nationale tape là-dessus.
« Henri était rentré. Il navait pas assisté à la suite du Comité central. Cela avait vraiment provoqué une tension, parce que, en fait, cétait vraiment lexemple de pressions que voulaient exercer le Parti pour obtenir de la CGT une attitude plus dure, plus ferme par rapport aux socialistes. Le fond du débat qui a continué de perdurer est là.
« A partir de ce jour-là, Henri est entré en guerre ouverte avec Warcholak. Beaucoup plus avec Warcholak quavec moi, je dois à lhonnêteté de le dire. Même si à moi, il ma dit : Tu aurais pu me défendre. Je lui ai dit : Henri, je navais pas à te défendre, je ne considère pas que tu es accusé. La CGT, cest toi mais cest toi et les autres. Je minterpelle moi-même autant que tu peux tinterpeller.
« Alors, les deux rapports
Il fait son rapport avec un double souci : dabord, mettre à la raison Warcholak, qui, il faut bien le reconnaître, à plusieurs reprises a passé le trait. Il lui arrivait, à Warcholak, de prendre des initiatives de réseau avec tous les communistes quil connaissait et, comme il était au secteur Orga, il avait les moyens de peser dans la CGT. Mais, je dois à la vérité de dire, que cétait de son propre chef. Je suis absolument convaincu que jamais le Parti ne le lui a demandé. Et, cest vrai quà plusieurs reprises, il a passé le trait. Cela devenait pénible parce que dès que Henri prenait la parole au Bureau confédéral, Warcholak le contrait, et réciproquement. Javais eu une discussion avec Warcholak qui navait pas été bonne. Warcholak mavait dit : De toute façon, je men fous, je vais men aller. Après, je pense quil y a eu dans la direction du Parti des gens qui lui ont dit :Il faut pas que tu ten ailles. Il faut que tu restes. Je pense que Gayssot na pas joué un rôle très glorieux dans toute cette période. Je le dis comme je le pense.
« Cela sest amplifié et a donné ce rapport, qui lui a valu, même dans le CCN, des réactions assez dures de camarades lui disant : Pourquoi tu dis cela aujourdhui, tu es secrétaire général depuis près de dix ans et cest au moment où tu ten vas que tu balances.
« Lui, il lavait fait avec le souci de protéger le Parti. Cest pourquoi, quand il parlait de ceux qui étaient en mission, je lui avais dit : Ton terme est malheureux, si tu dis quils sont en mission, cela veut dire quils sont missionnés par quelquun dautre. Alors, il mavait dit : Non, ce nest pas le Parti. Personne ne demande à Warcholak de faire ce quil fait.
« Ce qui fait que ce dernier a quitté la CGT en mauvaise condition. Ceux qui normalement ou logiquement auraient dû den réjouir en particulier ceux qui continuaient à mener la bataille pour des transformations nont pas dit un mot. Les quelques-uns qui nétaient pas daccord nont pas dit un mot. Ce qui fait quil y a eu un débat très plat. Une dizaine de camarades sont intervenus pour dire quils étaient daccord, que cela allait aider. Mais, ce nest pas allé plus loin. Les uns et les autres sont restés un peu en dedans. »
Pour François Duteil :
« Le rapport de Krasucki nous est un peu tombé dessus au Bureau confédéral. Le principe voulait que les grandes lignes des rapports au CC N soient discutées au Bureau confédéral, mais, en tout cas dans la période où jy étais, le Bureau confédéral na jamais changé sur le fond les propositions de rapport formulées par les uns et les autres.
« Alors, cela nous tombe dessus, oui et non. Il y a toujours une difficulté à parler des hommes. Quand ils sont là, on peut leur faire des reproches. Mais, quand ils ne sont plus là, il y a toujours le risque de porter un jugement de valeur alors que lintéressé ne peut pas répondre.
« Personnellement, je pensais que Henri aurait attendu la préparation du congrès confédéral pour dire les choses. Pourquoi a-t-il anticipé ? Je ne sais sil a pu le dire à quelquun ou sil a consigné ses pensées quelque part. Mais, pour moi, cest la conséquence du choix qui a été fait quand Henri a été élu secrétaire général. La passation de pouvoir Georges Henri ne se passe pas très bien, il faut le reconnaître. On va vivre quand même pendant deux mandats une certaine ambiguïté. Henri veut, et il a raison puisquil a été élu légitimement comme secrétaire général de la CGT, montrer quil est le secrétaire général légitime et donc marquer son territoire. Sans nul doute, en interne, il y a chez lui beaucoup de contradictions. Je crois que son parcours, polonais ,résistant, déporté, fait quil a toujours le souci du Parti. Je ne dis pas quil y donne la primauté, mais toujours le souci. Il ny avait pas une espèce déquilibre. Cest un ensemble qui fait le personnage et la personnalité dHenri. Je crois quil serait bien quun historien travaille sur cela. Ca se fera un jour. Mais, si lon na pas cela en tête, je crois que lon a du mal à comprendre ce qui fait que le rapport dHenri, sans nul doute, jen suis convaincu puisque lon en a discuté avec un certain nombre de camarades, a été vécu douloureusement par des camarades qui ont pu y voir une espèce de reniement de ce quavait été la CGT, de ce quavait été la place dun certain nombre de camarades dans leur diversité dans la CGT. Y compris dans ce quavait été Henri lui-même.
« Moi, jai vécu douloureusement ce rapport. Henri se pose-t-il la question de savoir sil ne doit pas rester un mandat de plus ? Cest une de mes interrogations. Je pense quil se rendait compte quand même quil fatiguait, quil y a besoin de passer le relais. Cest un ensemble de choses très contradictoires qui doit nourrir sa réflexion et qui conduit à ce double rapport. Il serait bien dailleurs que lon revienne sur les points de convergence et de divergence entre les deux rapports.
« Donc, cette période-là, à mon avis, tient compte de la culture des hommes, de leurs parcours.
« 1982, cest un petit peu lélément charnière. Aurait-on pu anticiper des choses ? Je nen sais rien. Mais, je pense que lon na pas bien posé les problèmes en 82. Ce nest pas le choix dHenri en tant que tel qui est en cause. Il a fallu, plus tard avec Bernard, sauter une génération, pour ne pas repartir avec un copain qui avait plus de cinquante ans. On aurait dû et sans doute pu le faire plus tôt. Cest la société qui est comme cela. »
Pour Gérard Alezard :
« Non, je ne suis pas surpris par le rapport dHenri, parce que cela a fait lobjet avant de quelques conversations ou consultations. La proximité de relations que je pouvais avoir avec lui, y compris dans les divergences, faisait que, comme il faisait souvent des consultations subreptices avec certains dentre nous, il mavait consulté pour tester.
« Donc, sur des questions comme les gens en mission ou le monolithisme dans la CGT ou encore la crise du syndicalisme, on en a parlé ensemble avant quil ne rédige totalement.
« En tout cas, je nai pas été surpris. La seule surprise, peut-être, que je pouvais avoir, cest la force de certains passages ou, surtout, la fermeté de son argumentation dans le débat après avoir présenté ce rapport. Parce quil y a eu ses réponse, il ny a pas eu que le rapport. Il t a eu des réponses assez dures. Là-dedans, il y avait aussi des retours sur image à propos de débats internes au Parti auxquels je navais pas participé.
« Il était très discret dans les débats au CC. A une exception près, en 1985.
« Donc, certains de ces éléments sont apparus à ce moment-là, sans prévenir, dans la CGT.
« Mais, je savais. On en avait parlé tous les deux. Par exemple, le débat sur le secteur Organisation, sur la façon dont Michel Warcholak avec qui jai eu plein de divergences et pour autant que je respecte avait fait grandir ce secteur. Cela faisait lobjet dun vrai débat dans la maison. Pas toujours où il fallait, mais, en tout cas, cela était devenu un élément primordial dans lévolution de la CGT. Laissait-on ce secteur se développer ainsi avec des effets pour la nouvelle direction de la CGT ou mettait-on cela au grand jour ? Cest devenu un élément public de débat. La question était de savoir comment cela serait exprimé dans le rapport dHenri. On en a parlé ensemble. Ce nétait pas une surprise.
« Je pense que la question des camarades en mission dépassait largement la question du secteur Organisation. Là, on touche à la question de la courroie de transmission. Le terme ne convient pas bien, mais ce qui est vrai cest que la culture des militants communistes est telle que certains pouvaient se considérer en mission sans avoir de mission, pouvaient considérer que pour des dirigeants syndicalistes le terme communiste devait lemporter sur le terme syndicaliste. Et, quà partir de là, nourris de débats internes au plan politique ou membres dun groupe de travail, ils sautorisaient à être en quelque sorte des envoyés spéciaux du Parti. Il y en a eu des envoyés spéciaux mandatés.
« Mais, Henri visait autre chose. Il visait plus que cela. Je me souviens quil disait souvent à ses camarades dirigeants communistes : Vous devriez écouter un peu plus ceux qui ne sont pas communistes à la CGT. Ils ne sont pas nombreux, raison de plus pour les écouter. Vous ne pouvez pas dire quuntel, qui est membre du Bureau confédéral, est un ennemi de la CGT ou un ennemi du Parti. Si ils sont à ce niveau dans la CGT, il faut les écouter. Il était attentif à cela et donc son discours au CCN visait bien autre chose. Il était beaucoup à usage global sur ce que devait être le syndicalisme dans cette période.
« Ce nétait pas une sorte de reniement de ce qui a pu exister avant, mais une sérieuse alarme sur ce qui existait maintenant.
« Cela a été très mal reçu par beaucoup de syndicalistes, parce quils lont pris directement.
« Aurait-il fallu faire autrement ? Ce que je crois, cest que ce débat aurait dû être public bien avant. Je pense quil ne le voulait pas. Il nosait pas ou ne pouvait se le permettre, je nen sais rien. Mais, il laurait fallu. »
Alain Obadia, évoquant ce CCN, procède lui par un retour en arrière historique :
« Pour comprendre, il faut faire un petit rappel historique. Je remonte à lorigine, cest-à-dire les vingt et une conditions de Lénine. Elles ont posé un problème aux militants syndicaux révolutionnaires. Il y a eu la fameuse délégation qui se rend auprès de Lénine et qui aboutit à ce que, pour la France, la condition de la subordination du syndicat au Parti ne sapplique pas. A lépoque, cela était totalement sincère et politiquement clair. Sauf que, le fil de lhistoire a été différent. Puisque les communistes sont chassés de la CGT, ils sont obligés de créer la CGTU. Et, dès lors que lon crée la CGTU, la condition de non subordination ne marche plus parce quil y a un syndicalisme réformiste » et un syndicalisme révolutionnaire avec un parti correspondant dans les deux cas. Je crois que cette histoire de la CGTU a finalement structuré les comportements, ce qui nétait probablement pas voulu initialement. Cest le premier point.
« Le deuxième point, cest que lemprise du stalinisme sur les partis communistes, y compris le Parti communiste français, a fait que tout ce qui pouvait être pensé en terme de nuance, y compris par des copains très méritants dans cette période, je pense notamment à Benoît Frachon et à dautres, Monmousseau, etc., qui ont essayé de maintenir comme ils le pouvaient la spécificité de la pensée syndicale, a été annihilé par lidée que lorientation révolutionnaire simpose à tous.
« Si je fais ce rappel, cest pour dire que la pensée suivant laquelle le Parti, qui était fort à lépoque et hégémonique au bon sens du terme dans la classe ouvrière, donne un peu le la à la CGT, était une sorte de pensée spontanée.
« Jajoute un élément qui a structuré ce comportement. Cest que, par exemple, lorsque je suis rentré à la CGT, lessentiel du corps militant, enfin le corps militant le plus actif, le plus aguerri, était communiste et comme le Parti était fort, avait une ligne, discutable aujourdhui, mais semblant cohérente, il ny avait pas besoin, dun certain point de vue, que le Parti donne des 'ordres. Pour chaque militant, dont jétais, cela jouait un peu comme des épingles par rapport à un aimant, on pensait par nous-mêmes mais comme on pensait avec la ligne du Parti, on se trouvait rapidement sur la même longueur donde.
« Sauf que lon arrive dans des années où tout ce substrat historique explose. Crise du communisme, de la stratégie du Parti. Ce truc, qui marchait, dun certain point de vue, tout seul, explose. A partir de là, il nest pas étonnant quil puisse y avoir non seulement des divergences dappréciation naturelles quant à la situation, mais aussi lidée que un parti politique, fut-il révolutionnaire, et un syndicat, fut-il de classe et de transformation de la CGT, ce nest pas la même chose et cela na pas la même fonction. Tout dun coup, cela apparaît en pleine lumière et le débat cétait celui-là.
« Henri est fondamentalement dans cette histoire. Dans un premier temps, celui des années 79-80, nétant pas le premier responsable, il a plus, me semble-t-il, la préoccupation de la ligne de classe, de veiller à ne pas dériver. A lépoque, jétais du côté de Georges Séguy, je le dis clairement. Mais, avec le recul, aujourdhui, jessaye de voir ce quil y avait de valable dans chacune des argumentations, sans être manichéen et unilatéral. Mais, une fois quil est le premier responsable de la CGT, il se dit : Ou est-on en train de memmener et demmener lorganisation dont je porte le poids et la responsabilité ?
« Le débat de ce CCN, cest profondément celui-là. »
Pour René Lomet, ce CCN :
« Cest laboutissement logique de tout ce quavait entrepris Henri ces dernières années.
« Jai eu beaucoup de conversations avec Krasucki. On travaillait ensemble, on discutait souvent. Ce fameux rapport, cétait vraiment parce quil pensait quil fallait faire cela. Il ne pouvait pas partir sans faire cela, parce quil le pensait profondément. Ce nétait pas pour faire de la peine à Marchais ou à je ne sais qui. Absolument pas. Cest ce à quoi il croyait. .
« Il avait fortement conscience de lémoi que ça allait provoquer dans la CGT. Mais il pensait que, malgré tout, il fallait quand même poser ces problèmes et engager le débat. »
Pour Thérèse Hirzsberg :
« Je nai vraiment jamais élucidé tout ce qui sest passé. Je ne sais pas. Il sest passé quelque chose chez cet homme [Henri Krasucki]. Quoi ? Honnêtement, je ne sais pas. Je ne sais pas ce qui a fait que tout dun coup, il a repris une tapée de thèmes quil avait lui-même dénoncés. Je pense à tous les débats sur le 40e congrès.
« Jai trouvé bien le rapport de Louis, mais je nai jamais participé aux campagnes contre Henri. Parce que je suis persuadée quil y a eu des éléments qui nétaient pas des éléments politiques.
« Que voulait-il ? Je ne sais pas. Il y a un truc dans une logique de ce qua été sa vie, son parcours. Je constate que lhomme devenu secrétaire général a changé, cest clair.
« Jai toujours pensé quil y avait aussi une raison dâge. Jen suis persuadée. Il ne finissait plus un rapport sans chialer. »
Pour Jean-Pierre Page, il faut partir du contexte :
« Henri participait régulièrement, je crois, aux réunions du Bureau politique. Ce qui na pas été le cas de Viannet, qui même, pour tout dire, ny allait pas à une certaine période.
« Au début des années 90, enfin depuis déjà quelques années, le Parti sest très affaibli électoralement. La direction est questionnée, y compris le premier dentre eux. Il y a des courants organisés, des tendances organisées. Elles ne sont pas reconnues, mais cest implicite. Avant Fiterman, il y a eu Fiszbin, Juquin, Poperen. Il y a une direction qui tangue dans une période extrêmement perturbée. Celui qui tient quand même le gouvernail, là-dedans, cest Marchais.
« Jai assisté à une réunion du Comité central après 1983, je crois, après les élections municipales. On croyait que la maison allait exploser. On sest retrouvé paumé. Les camarades ne savaient plus où ils en étaient. Le CC, il ne savait plus où il allait. Cétait une période très compliquée. Et, par dessus, arrivent les événements internationaux qui se précipitent avec toutes les conséquences que lon sait.
« Cela, je crois, pèse dans le débat. Henri veut préserver la CGT. Dautres veulent absolument préserver le Parti. Y compris des camarades dans la CGT sont sur cette ligne-là. Alors, on voit des ennemis partout, des complots partout. Il y a donc une tendance au raidissement. On serre les coudes et, évidemment, cela favorise des comportements outranciers, sectaires, et. Tout changement intervenant dans ces circonstances, comme larrivée de Louis, est marqué de ce sceau-là.
« Par rapport au CCN, Henri cest un mec qui se bat. Ce nest pas quelquun, en tout cas, qui partira dans nimporte quelles conditions. Et, il va se battre dans les conditions que lon sait.
« Pour moi, à propos de tout ça, il y a des choses qui remontent de très loin. Dans cette évolution parallèle de la CGT et du PCF, ce qui me semble caractéristique, dans les deux cas, cest que lon arrive à un moment où on a complètement perdu le contrôle de la situation. Lon nest plus les maîtres du jeu. Lon ne peut pas dire que lon était les maîtres avant, que lon contrôlait tout, mais cétait difficile de faire sans nous. »
Pour Jacqueline Léonard, le CCN de juin 1991 paraît compliquer les choses :
« Parce que je le vis un peu comme une mise en cause de mon engagement communiste. Jai un peu de mal à parler de cette période. Cétait tellement difficile et douloureux par certains aspects. Cest encore très dur pour moi dy revenir »
Elle ajoute avec beaucoup démotion dans la voix :
« Cela a été une période de tension très forte dans le Bureau confédéral que, moi-même, jai mal vécu. Les rapports humains, la confiance, la fraternité en ont pris un coup. Jai un peu de mal à en parler. »
Par exemple, elle précise avoir pris pour elle la critique de Henri Krasucki à propos des « camarades en mission dans la CGT », alors que, dit-elle :
« Je ne me sens pas en mission dans la CGT, pas du tout, mais en tant que communiste je me sens mise en cause dans ma citoyenneté, mon appartenance, dans ma responsabilité au Comité central avec de la suspicion, des reproches que je ne considère pas être justes. En tout cas, je ne comprends pas bien, je ne comprends pas en fait. Je ne me sens pas en mission dans la CGT. Je suis à laise dans la CGT, je suis à laise dans le Parti. Je nai pas le sentiment que je confonds les deux. Jai celui denfreindre quelque chose par rapport à ce que lon décide collectivement.
« Donc, je naccepte pas de recevoir une étiquette. »
Georges Lanoue nous indique :
« Je ne peux pas dire que cela a été une énorme surprise mais enfin cela était quand même une surprise, même sil y avait des signes avant-coureurs. Des problèmes, il y en avait, mais je ne pensais pas que cela en était à ce point.
« Jai davantage apprécié le style du rapport de Viannet parce que, sil ny avait pas de différences de conception absolument irréductibles entre les deux rapport, lun, celui de Louis Viannet, présentait les choses de manière à être recevables par tout le monde et à permettre une réflexion et une évolution, alors que lautre, celui dHenri Krasucki, tapait dans la motte de terre. Je ne sais si jétais visé ou non, mais lon sait bien que la Fédération des Cheminots est une fédération qui, historiquement, a été assez politisée.
« Je nétais plus membre du Comité central, donc je naurais pas dû normalement me sentir visé par le terme de camarades en mission, mais on sait ce que parler veut dire. Je me suis dit : Il doit bien y avoir quand même quelques pierres qui vont dans ton jardin. Pourtant, je ne me suis jamais considéré comme en mission, comme gardien de la loi ou de je ne sais quoi.
« Jai ressenti le discours de Viannet comme permettant de faire évoluer les choses alors que celui de Krasucki me semblait les cristalliser. Tout en étant conscient quil y avait sans doute des choses à changer. Mais, Viannet proposait de les changer aussi. »
Pour Edmond Amiable :
« Henri Krasucki, dont le départ comme secrétaire général avait été annoncé, présente, selon moi, un rapport qui se voulait laisser une situation saine de la CGT. Cétait le moment de lécroulement de lURSS et des pays socialistes qui a durablement ébranlé les militants, créant un traumatisme important. Le rapport dHenri était emprunt de tous les problèmes nationaux et internationaux pour définir la place de la CGT dans ce contexte.
« Ce quil développa fut reçu de façon controversée. Certains parlaient de règlement de compte. Pour moi, cest ce quHenri Krasucki pensait sincèrement, que sa réflexion avait évolué devant les événements.
« Ce qui fut présenté comme un deuxième rapport ne fut pas en opposition avec celui dHenri mais complémentaire dans le sens où Louis Viannet, futur secrétaire général, allait devoir diriger la CGT en tenant compte de la réalité marquée par des questions importantes en travaillant avec des dirigeants, femmes et hommes, blessés par des mois de débats difficiles. »
Georges Séguy :
« Je lai vécu dun peu loin quand même. Mais, jai constaté que ma conception des relations syndicat parti au 40e congrès, quHenri qui lavait combattue, ladopte treize ans après, à peu près la même. Et, il sest trouvé lui même un peu en situation dabandon du droit chemin.
« Ca la rattrapé. Cest dans sa qualité de secrétaire général quil a trouvé un certain nombre de choses qui ne lui arrivaient pas lorsquil était simplement mon bras droit ou mon second, comme on disait. Il a plutôt, à ce moment-là, porté appui aux critiques dont jétais lobjet. Contestation au moins de ma persévérance dans cette orientation. »
Enfin, donnons la parole à deux participants à ce CCN, à lépoque non encore dirigeants nationaux ni de la CGT, ni du PCF, mais qui vont le devenir.
Bernard Thibault nous indique, quà lépoque, cela lui tombe dessus :
« Je ne comprends pas. Je comprends aujourdhui avec le recul, cest-à-dire en métant plongé dans des éléments que je ne possédais pas, y compris sur les précédents congrès de lorganisation.
« En 1978, au 40e congrès, il y avait un an que jétais à la CGT. Pour moi, le départ de Georges, larrivée dHenri, je constatais un changement à la direction de la CGT, mais je nétais pas du tout branché sur ce qui avait pu provoquer ce changement. Dailleurs, les uns et les autres avaient une attitude un peu retenue sur ce qui les opposaient du point de vue des conceptions. Au point que Georges très récemment seulement en a dit un peu plus que ce quil avait dit jusqualors quant aux conditions qui avaient entouré son départ. Il ne lavait jamais dit jusquà présent.
« Au moment du CCN, ce qui est un peu édifiant, cest de découvrir que lon en est à écouter deux rapports de cette tonalité-là, dont lun celui de Henri qui, alors que les choses sont engagés pour sa succession, envoie un message très rude, qui navait pas du tout été le sien jusqualors. Cest un peu surprenant.
« Ce que je ressens, cest une immense difficulté qui va poindre pour la suite. Moi, ce qui me soucie, cest cela. On risque une fragilité extrême de lorganisation sil apparaissait un tant soit peu que lon nest pas sur un passage de témoin, un affrontement dur.
« Donc, je suis de ceux qui ne partagent pas le rapport dHenri, voire qui y voit une menace pour lorganisation. Dautant plus que je ne ressens pas les choses de la façon dont il les caractérise. Il est vrai que je suis dun milieu où les militants communistes sont majoritaires dans lorganisation, mais en même temps notre audience, notre implantation vont bien au-delà. Il y a, certes, une sensibilité politique qui domine toutes les autres, mais cela ne nous empêche pas de travailler CGT avec ce que doit être la CGT. »
Nous demandons alors à Bernard Thibault de nous parler de ce CCN à partir des éléments de connaissance qui sont les siens aujourdhui :
« Je lexplique dautant moins avec le recul lorsque je sais ce quont été les discussions dix ans avant. Cest dautant plus contradictoire. En même temps, si lon analyse plus précisément ce qua été le parcours dHenri lui-même, il y a des choses qui sexpliquent. Son parcours très jeune, les camps, lopposition Est Ouest, le rôle qua joué lUnion soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale, le Parti qui, il le disait lui-même quand il en avait loccasion, était un peu sa famille, sa deuxième famille. Donc, je crois que, pendant très longtemps, il a été dans une représentation où, de toute façon, il ne pouvait absolument pas avoir quelque critique que ce soit à légard de son Parti. Cétait plus fort que lui.
« Alors, peut-être quaprès, je ne saurais pas lexpliquer, mais peut-être quil considère, avec presque dix ans dactivité à la première responsabilité, que la mission de la CGT cest peut-être autre chose.
« Mais, ce qui ne fonctionne pas, en tout cas pour moi, cest que ce type danalyse se produit à ce moment-là. Je ne comprends pas que ce soit sur le départ quil y ait un diagnostic aussi violent qui soit livré pour la future équipe, parce quil est sensé préparer linstallation dune nouvelle équipe. Ce qui, dailleurs, va objectivement compliqué la tâche de Louis derrière. »
Christine Canale participe à son premier CCN en ce mois de juin 1991 :
« Je me souviens. Je narrêtais pas de dire à Bernard Vivant : Il faut un décodeur. Je comprenais bien, parce que jétais militante, ce qui se passait, quil y avait deux conceptions qui saffrontaient, mais je tavoue que pour quelquun qui nétait pas impliqué dans la direction confédérale, qui venait pour la première fois à un CCN, ce nétait pas évident.
« En même temps, je me suis bien rendue compte quil y avait quand même une question politique forte, qui allait marquer la CGT dans son histoire et qui allait la marquer irrémédiablement. Il y avait quelque chose qui était en train de se passer et cela allait marquer les années à venir. »
Claude Billard, alors membre du BP du PCF, indique pour sa part :
« Je me souviens. Je considérais cela excessif. Non pas que je nie le fait quil y ait des camarades membres du Parti, en situation de responsabilité syndicale, qui parfois mordent le trait. Mais, je considérais cela excessif. Peut-être quil y avait lappréciation nationale quavait Henri et que je navais pas, évidemment.
« Mon sentiment était plus proche de celui exprimé par Louis. »
HENRI KRASUCKI ET LEVOLUTION DANS LES PAYS DE LEST
CGT FSM KRASUCKI PAYS DE LEST
Le 24 mars 1977, Henri Krasucki prononce un discours devant le congrès des syndicats soviétiques sur « le socialisme et les droits de lhomme ».
En octobre 1977, lors dune réunion de la FSM, créée par les pays du bloc communiste, à Budapest, Georges Séguy, présent, souhaite sa « rénovation ».
En janvier 1978, il tient une conférence de presse, à Paris, sur la préparation du 9e congrès de la FSM prévu à Prague en avril et sur la publication, à ce propos, de la déclaration universelle des droits syndicaux et du document dorientation et daction de la FSM.
Du 16 au 24 avril 1978 se tient à Prague le 9e congrès de la FSM. Le 17, Georges Séguy annonce le retrait de la CGT de la FSM et rappelle les divergences entre les deux organisations sur lindépendance syndicale vis-à-vis de lEtat et sur les droits de lhomme. Le socialiste Pontillon met en cause la présence de la CGT à Prague. La délégation CGT réagit en dénonçant latteinte à lindépendance de la CGT, des socialistes militants de la CGT réagissent également. Le 22, le congrès adopte à lunanimité une déclaration universelle des droits syndicaux dorigine française. Le 24, de retour à Paris, Georges Séguy fait état de contacts de la CGT avec les porte-parole de la « Charte des 77 ».
Le 14 mai 1978, dans LHumanité Dimanche, Georges Séguy reprend les positions de la CGT au congrès de la FSM : paralysie de celle-ci par des préoccupations diplomatiques dEtat, refus de toute restriction du droit de grève en pays socialiste, rappel de la possibilité pour la CGT de quitter la FSM.
Henri Krasucki sexplique sur la Pologne. Il y indique que la crise nest pas un affrontement entre le pouvoir et les syndicats et a pour aspect positif la perspective de solutions démocratiques et le fait que « la classe ouvrière a donné une leçon à ses dirigeants » qui lacceptent.
Henri Krasucki, en 1980, rappelle la position critique de la CGT à légard des syndicats polonais au congrès de la FSM en 1978. Sur la Pologne, il apporte son soutien au processus de renouveau pour démocratiser une société socialiste et à lensemble des syndicats polonais.
Un peu plus tard, il fait une mise au point sur la participation de la CGT au congrès de la FSM à La Havane. Il sexplique que la CGT a la volonté de ne pas intervenir dans le règlement des problèmes en Pologne et davoir de bonnes relations avec toutes les organisations syndicales, en ce sens elle envoie une délégation au congrès de Solidarité.
Sur la Pologne, Henri Krasucki évoque un droit de critique dans les débats internes de la CGT mais le respect de la décision de la majorité.
Dans son rapport au CCN doctobre 1981 sur les grandes orientations en vue de la préparation du 41e congrès, il évoque parmi les thèmes à débattre Solidarnosc en Pologne.
Sexpliquant sur le problème polonais, il indique la nécessité de trouver une issue démocratique et pacifique et la contribution de la CGT à la création dun climat favorable. Il reconnaît des discussions et des points de vue différents au sein de la CGT. Il nenvisage pas de consultation des militants. Il indique que la CGT ne participera pas à la grève dune heure.
Il publie un article sur les répercussions de la situation en Pologne dans la vie politique française. Il appelle à une position de prudence et de responsabilité sur la Pologne (« ne rien faire qui risque de compromettre les chances dune solution nationale
») en accord avec une majorité de syndicats ouest-européens, dirigeants et Eglises.
Il explique la position de la CGT sur la Pologne. Ni approbation, ni condamnation du gouvernement polonais, la CGT préconisant une attitude de « mesure et de prudence », favorisant la négociation démocratique et le dialogue entre Polonais sans ingérence extérieure.
Du 10 au 15 février 1982 se tient à La Havane le congrès de la FSM. Le 11, dans son discours Henri Krasucki estime que « la crise polonaise sexplique en partie par labsence de rôle réel donné aux syndicats » et que « le problème décisif des pays socialistes à ce stade de développement est celui de la démocratie. »
Dans ce discours, il rejette les positions unilatérales de la FSM, la CGT refusant de condamner les mesures dexception prises par le gouvernement polonais et appelant les forces dentente nationale à reprendre luvre de renouveau démocratique assurant les libertés syndicales et individuelles. Concernant l Chine, il recommande la prudence dans les relations avec les syndicats reconstitués qui ont leur place à la FSM. Enfin, à propos du fonctionnement de la FSM, il critique son manque defficacité et dindépendance syndicale, les centrales de plusieurs pays socialistes étant encore trop liées à des considérations nationales de Parti ou de diplomatie.
Dans son rapport au congrès de la CGT à Lille en 1982, Henri Krasucki évoque le soutien aux revendications de liberté syndicale dans le cadre socialiste en Pologne et fait le constat de retards dans laction syndicale internationale. Il se prononce en faveur de la libération des syndicalistes emprisonnés et la levée de létat de siège.
Le 15 octobre 1982, il se déclare « heurté profondément » par ladoption, le 8, par la Diète polonaise dune loi sur les syndicats interdisant « Solidarité ».
Il sexplique sur la stratégie de la CGT après le 41e congrès, critiquant notamment les syndicats dociles dans les pays socialistes.
Il explique la nécessité dune issue politique à la situation en Afghanistan incluant lévacuation des troupes soviétiques et lindépendance nationale.
Du 7 au 16 décembre 1983, il effectue un voyage en URSS et sentretient notamment, le 16, avec Gueidar Aliev, premier vice-ministre soviétique et membre du BP du PCUS, sur le développement de la coopération syndicale.
Il sexplique sur le voyage de cette délégation CGT en URSS.
Le 1er octobre 1984, il indique que la CGT a pris contact avec le syndicat afghan pour lui demander dintervenir pour la libération de Jacques Abouchar, journaliste dAntenne 2, fait prisonnier en Afghanistan.
En septembre 1985, se tient à Montreuil le congrès constitutif de lOrganisation internationale des mineurs (OIM), à linitiative de la CGT et du Syndicat national des mineurs britanniques. Elle ne saffilie ni à la FSM ni à la CISL.
Du 16 au 22 septembre 1986, se tient à Berlin-Est le 11e congrès de la FSM. La CGT y participe et envisage de se réinvestir dans le secrétariat. Le 16, Henri Krasucki note les réformes denvergure engagées par les pays de lEst dans le sens dune plus grande modernisation et invite la FSM à poursuivre son adaptation. Le 22, Henri Krasucki est élu vice-président de la FSM.
Henri Krasucki sen explique.
Le rapport quil présente au CCN des 19 et 20 novembre 1986 évoque la FSM.
En février 1987, paraît son ouvrage Un syndicat moderne ? Oui ! dans lequel il évoque limportance des transformations politiques en URSS.
Au CCN de juin 1988, dans le rapport de Alain Obadia et les conclusions de Henri Krasucki est évoquée la situation en URSS.
En avril 1989, CGT et FSM organisent une journée débat au siège de lUNESCO à Paris. Henri Krasucki y prononce un discours sur le développement des emplois « atypiques » et laction revendicative contre la précarité.
Dans le rapport du BC quil présente lors du 43e congrès, dans ses réponses aux débats et dans le document dorientation présenté par Louis Viannet, sont évoquées les initiatives de Gorbatchev pour le désarmement et les mouvements de démocratisation des pays socialistes, y compris en Chine.
Le 22 novembre 1989, Henri Krasucki se rend à Prague à loccasion de la réunion du Conseil général de la FSM. Il y déclare quil « approuve » le processus de réformes démocratiques à lEst et quil décide dengager « activement » la CGT dans le soutien à la perestroïka.
Au CCN qui se tient du 4 au 6 décembre 1989, dans le rapport présenté par Louis Viannet au nom du BC et dans une déclaration de Henri Krasucki est évoqué lévolution des relations syndicales internationales et de la FSM vers le congrès syndical mondial à Moscou en novembre 1980. Le CCN met également laccent sur limportance de la « bataille idéologique » pour la démocratie et les valeurs du socialisme.
Henri Krasucki publie des articles sur lévolution des sociétés socialistes et capitalistes et sur la démocratie et le « tournant historique » de 1989.
A loccasion du congrès de la FSM à Moscou du 13 au 20 novembre 1980, Henri Krasucki y conduit une délégation de la CGT. Un compte rendu de sa déclaration au congrès est publié et il sexplique sur le congrès de la FSM et lévolution du syndicalisme international dans le contexte de la démocratisation des pays de lEst.
Ce congrès a regroupé 400 organisations, dont une centaine adhérentes à la FSM. Le 15, dans son discours, Henri Krasucki sest opposé à la volonté de dépolitisation du mouvement syndical exprimé par les syndicats soviétiques.
En décembre 1990, sont publiées des déclarations communes de la CGT et dorganisations syndicales internationales (CMT, FSM), dAfrique et des pays arabes (OUSA et CISA), de lUnion générale des syndicats du Koweit, sur lévolution de la tension dans le Golfe et la tenue dune Conférence internationale sur le Proche-Orient.
Joannès Galland, secrétaire de la CGT, publie un article sur la place et le rôle de la FSM et la définition dune « stratégie syndicale internationale », à loccasion du congrès de la FSM à Moscou.
Henri Krasucki, en qualité de secrétaire général de la CGT et de vice-président de la FSM, publie un article sur la guerre du Golfe, linstauration dun « nouvel ordre international » et la politique daustérité.
A loccasion du 44e congrès de la CGT, il sexplique sur les valeurs défendues par la CGT dans le contexte des transformations en URSS et en Europe de lEst pour le syndicalisme mondial.
Lors du Conseil présidentiel de la FSM à Larnaca, les 12 et 13 mars 1993, Louis Viannet intervient sur laction syndicale au niveau international.
A loccasion du Conseil général de la FSM, du 12 au 15 octobre 1993, Louis Viannet et Alphonse Véronèse interviennent à la CE du 7 octobre 1993, sur la position de la CGT à la veille du congrès de la FSM à Varsovie.
Dans une interview, Louis Viannet sexplique sur la volonté de la CGT dadhérer à la CES tout en restant à la FSM
A la CE des 13 et 14 septembre 1994, Louis Viannet intervient sur les organisations du syndicalisme international (CES, CISL et FSM), et la situation de la CGT par rapport à la FSM.
A loccasion du congrès de la FSM à Damas, du 21 au 26 novembre 1994, Louis Viannet sexplique sur le prochain départ de la CGT de la FSM et son adhésion à la CES et sur le syndicalisme international.
Il y souligne la possibilité dun retrait de la CGT de la FSM et sa candidature à la CES.
Il sexplique sur les raisons du retrait de la CGT de la FSM.
LE DEPART DE HENRI KRASUCKI
Dans plusieurs entretiens sont évoqués le départ de Henri Krasucki et plus généralement sa figure.
René Lomet évoque ainsi le départ de Henri Krasucki :
« Dire quil part de gaieté de cur, je ne crois pas. On ne peut pas dire cela. Je pense quil ne peut pas prolonger, non pas parce quil y a des attaques contre lui, mais parce quil était fatigué. Il a eu des problèmes de santé. Il mavait demandé mon avis et je lui avais dit : Henri, je pense quil faut que tu partes, parce que tu es fatigué. Tu ne peux pas donner limage de quelquun qui est diminué. »
Il est, par ailleurs, dit-il , « énormément » éprouvé par ce qui se passe dans les pays de lEst, parce que :
« Pendant de longues années, il a essayé sinon dexpliquer tout au moins datténuer les problèmes quil y avait là-bas. Par exemple au moment de la Pologne, au moment de la Tchécoslovaquie, au moment de la Hongrie. Tout en disant : Cest vrai, il y a cela qui ne va pas, je lentends encore dire, par exemple, sur lURSS : Oui, mais enfin, cest un grand pays, cela tourne quand même. Ils sont allés dans lespace. Cest dire que sur les questions internationales et sur les questions intérieures, pendant de longues années, il a été lhomme du sérail avec tout ce que cela impliquait dans tous les domaines, y compris au moment du 40e congrès. Et après, quand il a commencé à évoluer, il na pas évolué que sur la façon dont il fallait diriger la CGT, il a évolué aussi sur les questions internationales. Il a été quand même un combattant dans la FSM pour essayer de la faire évoluer, dessayer à ce quelle sorte du carcan soviétique. Parce que à la FSM on peut vraiment parler de courroie de transmission, au sens plein du terme.
« Lui a toujours pensé que Gorbatchev pouvait gagner, alors que dans un certain nombre dorganisations du Parti on se gaussait de ce que faisait Gorbatchev, carrément. Pour Henri, cétait : Il y a une chance de faire évoluer, de ne pas tout casser, daller dans la bonne direction. »
Cest en ce sens, que le débat dans le Parti de cette période entre Georges Marchais et Charles Fiterman, est vécu par Henri Krasucki sans déplaisir :
« Lui, avait lidée quil fallait discuter, débattre, avancer et évoluer. Ce qui ne veut pas dire quil partageait tout ce que disait Fiterman. »
Aurait-il pu tenter dimposer un successeur autre que Louis Viannet, déjà légitimé comme n° 2 par le précédent congrès ? René Lomet indique que Henri Krasucki nenvisageait pas cette situation, car :
« Cela allait poser des problèmes dans la CGT. Ce quil ne voulait pas. Il se battait sur des idées de fond mais avec responsabilités. Cétait pas Louis XV : Après moi le déluge. Non, non, pas du tout. Déjà, il faut voir les problèmes qui ont été posés par ce fameux rapport pour avoir une idée de ce qui aurait pu se passer. La bataille contre ce fameux rapport dHenri, cela a été menée y compris par le PCF et bien sûr de lintérieur de la CGT. »
Plus généralement, il ajoute :
« Je pense quil a joué un rôle important pour faire évoluer la CGT, très important et il fallait que ce soit un poids lourd comme lui, qui puisse avoir cette envergure pour pouvoir résister. Il avait une légitimité : son passé de résistant, dancien déporté, une vie militante complètement exemplaire et, il faut bien le dire, une fidélité à tout crin à légard du Parti. Et puis, avec des nerfs dacier. Je lai souvent dire, il avait une expression : Quand cest la bagarre ou le bordel au rez-de-chaussée, je monte à létage au-dessus.
LARRIVEE DE LOUIS VIANNET
René Lomet, là encore, nous confirme les propos de Louis Viannet selon lesquels celui-ci nétait pas le candidat dHenri Krasucki, bien quil soit amené à le proposer :
« Je crois quil ne le faisait pas de gaieté de cur. »
Pour René Lomet, cest en définitive le PCF qui choisit :
« Je pense que dans lhistoire du Parti communiste, celui-ci a toujours donné son avis sur qui devait être secrétaire général de la CGT. Quand Georges a décidé de partir pour les raisons quil a données, je ne suis pas sûr que son candidat cétait Henri Krasucki. »
1992 : SEGUY ET WARCHOLAK QUITTENT LA CE DE LA CGT
Lors du 44ème congrès de la CGT, Georges Séguy et Michel Warcholak quittent la CE confédérale.
1992 : FOURNIER EST ELU A LA CE CONFEDERALE
Portrait
Le père de Jean-Louis Fournier était militant chez Renault. Il y a été vingt ans délégué du personnel :
« Dailleurs, il y avait eu un article, à lépoque, quand jétais chez Renault : A la CGT de père en fils. »
Sa mère travaillait également chez Renault. Cest là que ses parents se rencontrent :
« Ma mère mattendait, elle était enceinte. Tu vois, jai vraiment baigné là-dedans. Elle mexpliquait quavec avec un ventre comme ça, durant les grèves, jétais déjà dans le coup. »
En mai 1968, Jean-Louis Fournier accomplit son service militaire. Il est impressionné par la grève à la Régie :
« Billancourt occupé. Mon père qui remplissait les cartes. Il y avait la queue pour adhérer. Un côté très sympathique. »
Le service militaire accomplit, il se syndique :
« Javais une soif davoir une argumentation, y compris sur le plan du Parti. On allait à lUniversité nouvelle, il y avait des cours déconomie politique. Tu avais une bonne formation. On se couchait il était une heure du matin et à cinq heures et demi on était prêt pour aller distribuer le tract. On disait aux anciens : On est allé se former parce que vous ne nous donnez rien pour nous former. On avait adhéré, les jeunes, sur lidée du socialisme. On voulait lire Lénine. Dans latelier tu discutais. Lidée de la perspective, du socialisme, ce nétait pas le modèle. On cherchait.
« Tu avais un côté amical, fraternel dans la boite. On sortait le jambon, les baguettes, on se tapait la croûte. Puis, ça discutait. On préparait les interventions collectivement. On se levait le matin pour aller distribuer le papier auquel on avait participé à la rédaction. Même le tract que tu distribuais, cétait un super moment de débat. Tu discutais. Japprenais. «
En 1981, Jean-Louis Fournier est secrétaire général du Syndicat CGT de Boulogne-Billancort.
Quatre ans plus tard, il est élu au Comité central dans les conditions suivantes :
« Mon élection au Comité central est une affaire assez compliquée. Jétais secrétaire général du Syndicat CGT de Renault-Billancourt et déjà depuis de nombreuses années membre du Comité de la section du Parti de Renault Billancourt et membre du Comité fédéral des Hauts-de-Seine.
« Il se trouve quil y a eu un membre du Comité central qui était le secrétaire de la section du Parti de Renault Billancourt, Daniel Lacroix, qui na pas été représenté au Comité central. Je lai remplacé. Cela, cest un choix de la direction du Parti auquel sétait impliqué, à lépoque, Herzog et Krasucki, en tant que membre du Bureau politique. Je me suis retrouvé au Comité central, je ne dis pas contre mon gré, mais
« Je me rappellerais toujours. Jétais en train de faire mon sac pour partir, après la conférence fédérale, quelques jours à la neige. Je reçois un coup de fil me disant : Tu peux partir, mais ce serait bien que tu reviennes pour les derniers jours du congrès parce que lon va te proposer au Comité central. Sur le coup, jai dit : Cest pas possible. Vous voulez mettre au Comité central le premier responsable de la CGT de lentreprise et vous retirez celui qui est en première responsabilité sur la section du Parti.
« Enfin, il y avait suffisamment de liens entre Lacroix et moi pour que cela ne prenne pas une tournure
On a essayé dassumer le choix qui était fait par la direction du Parti de telle sorte que les choses se passent le mieux possible.
« Cela a vraiment été un choix interne au Parti.
« Ce qui est beaucoup reproché à Lacroix, à lépoque, cest quil a des interventions au Comité central qui sont complètement en décalage avec lopinion des communistes de Renault. Par la suite, il savère que Daniel a fait des choix, y compris le soutien à Claude Poperen, qui était issu aussi de chez Renault. Cest toute une période un peu complexe dans laquelle il peut y avoir des batailles y compris dans le Parti. Cest juste avant que néclatent les désaccords exprimés par Fiterman au sein de la direction du Parti. Il y a des risques déclatement du Parti qui sont tout à fait réels.
« Donc, jarrive à ce moment-là.
« Il y en un qui nest pas favorable à mon élection, cest Sainjon qui est au CC à lépoque. Ce que je sais, cest que quand je suis élu il gueule comme un veau davoir dans sa direction fédérale un autre membre du CC. »
En 1992, Jean-Louis Fournier est élu secrétaire général de la Fédération CGT de la Métallurgie.
Dans la foulée, il est élu, lors du 44e congrès, à la CE confédérale :
« Je suis secrétaire général en titre donc je suis élu naturellement. Le secrétaire général de la FD des Métaux non membre de la CE, à cette époque-là, ce nest pas possible. Les grosses FD étaient représentées à la CE. La FD des Métaux, cétait la première FD en nombre dadhérents, devant lEnergie. »
1994 : OBADIA QUITTE LE CC
Le 23 décembre 1993, Alain Obadia , secrétaire confédéral de la CGT chargé de la communication et membre du Comité central du PCF, annonce sa décision de ne pas se représenter au Comité central car il refuse « dentretenir des situations toujours ambiguës et parfois problématiques de cumul de mandats politiques et syndicaux. »
Il sexplique.
Pour sa part, Louis Viannet, à propos des relations CGT PCF, considère quil ny a pas de remise en cause de lindépendance syndicale du fait de lappartenance à un parti politique et au PCF en particulier.
Il explique cette décision par ce qui sest passé dans la période précédente, en particulier au moment de son remplacement comme secrétaire général de lUGICT, en juin 1992 :
« René Le Guen, Michel Dauba jouent un rôle inacceptable. Jai été obligé de leur répondre publiquement.
« Nous considérons, cétait une pensée collective, les militants de lUGICT, le collectif de direction de lUGICT, jusquà la Commission exécutive, ce nest pas un petit collectif militant, cest un collectif large, que Maïté était la militante la mieux à même de prendre la responsabilité de lUGICT.
« Il se trouve que Maïté, qui était communiste, nétait pas considérée comme suffisamment sûre par certains camarades. A mon avis à tort. Mais il y avait cette conception de la sûreté de quelquun quon pouvait tenir, modeler à sa guise. Dun certain point de vue, ils navaient pas été mieux servis avec moi. Parce que je considérais que lorganisation syndicale avait son indépendance de pensée et de décision. Après, en tant que militant communiste, javais mes convictions que je partageais avec beaucoup de camarades de lUGICT. Cétait alors à nous, en tant que syndicalistes, de voir comment les choses pouvaient aller dans le même sens mais pas en violation des règles de fonctionnement et des règles déontologiques nécessaires dans une organisation syndicale.
« Moi, cétait cela. Mais Maïté qui elle navait pas, dun certain point de vue, les contraintes du Comité central et qui avait plus de distance par rapport à René Le Guen, ce nétait pas leur candidate. Ils ne la considéraient pas assez sûre, dune part, et, dautre part, ils avaient la volonté de nous proposer une ou deux autres personnes. Ce qui était inacceptable pour lorganisation. Cela aurait été perçu illégitime puisque Maïté existait. Je ne vois pas comment on aurait pu dire que ce ne serait pas Maïté.
« Javais prévenu René depuis longtemps que ce serait Maïté. Je reconnais quil mavait dit : Est-ce que tu es bien sûr ?Il avait fait un certain nombre de réserves, mais pas plus. Javais continué. On avait entamé tout le processus et puis, presque à la fin, à proximité du congrès, tout dun coup, ils nous sortent une lettre publique pour dire quils étaient très préoccupés par la situation de lUGICT. Lun, en tant quancien secrétaire général, lautre, en tant quancien secrétaire de lUFICT-Métallurgie. Ce texte est insupportable.
« Je pense que ce texte ce nest pas René qui la écrit. Cest Michel Dauba. A lépoque, René était très malade. Il était tellement malade que cest la maladie a eu raison de lui. Je pense que dans une phase où il aurait été plus en forme, René naurait pas fait une bêtise pareille, naurait pas accepté une telle ingérence dans les affaires syndicales.
« Cela ma obligé à réagir pour dire : Mêlez-vous de ce qui vous regarde. Ce ne sont pas les affaires du Parti. Jai été obligé de dire : Vous signez cela en tant quanciens, mais tout le contenu de la lettre est une ingérence. Nul ne peut ignorer ce que vous êtes par ailleurs.
« Cela cest le résumé mais tu imagines bien tous les événements politiques autour dune pareille affaire. On a été lobjet de pressions terribles. On parlait de cela dans tout le pays. Les fédérations du Parti avaient été mobilisées sur le thème on va laisser lUCICT dans des mains réformistes. Donc, nos copains des commissions départementales étaient eux-mêmes lobjet de pressions.
« Mais on na pas laissé faire. »
Alain Obadia poursuit :
« Ce que lon nous suggérait cétait de dire que le congrès devait rester ouvert, sans candidature annoncée. Moi, quil y ait plusieurs candidatures cela ne maurait pas choqué, cest la démocratie. En revanche, que le collectif de direction sortant puisse dire que la candidature de Maïté Demons lui paraissait la bonne me semblait légitime. Rien naurait été pire que de penser cela et de ne pas le dire. Je pensais, et tout le monde avec moi, quil fallait jouer la transparence.
« La lettre publique avait précédé le congrès confédéral de la CGT de janvier 1992. Mais, lorsque lon est arrivé au congrès confédéral, les organismes dirigeants de lUGICT sétaient prononcés. On avait anticipé. La décision concernant Maïté devenait irréversible. Ce qui fait que Maïté a été élue au Bureau confédéral. Si lon avait pas anticipé il y aurait eu une situation de fait où le secrétaire général de lUGICT naurait plus été au Bureau confédéral, ce qui, à lépoque, aujourdhui ce nest plus la même conception, aurait été un grave recul pour lUGICT. »
Avec lentrée de Maïté Demons au Bureau confédéral, si cest une communiste qui rejoint celui-ci, elle na pas le label de la direction du PCF.
Mais revenons à la décision dAlain Obadia de quitter le Comité central :
« Tout ça ma fait beaucoup réfléchir. A un moment donné, je suis amené à penser, et je le pense toujours, quil faut rompre avec cette conception. Ce nest pas seulement lexpérience que javais vécue ou que lUGICT avait vécue mais cest aussi tout ce qui nous remontait de toute la CGT. Cest-à-dire que ce que moi javais vécu de nombreux secrétaires généraux dUD le vivait. Etant membres du Bureau fédéral du Parti, certains secrétaires fédéraux leur disaient : Telle lutte, je ne la conduirais pas comme cela. Je pense que vous devriez prendre telle initiative. Il y avait toujours cette espèce dambiguïté : est-ce que cétait le premier secrétaire de la fédération du Parti qui parlait amicalement à un militant communiste pour réfléchir ensemble, et là pourquoi pas, ou est-ce que cétait le premier secrétaire fédéral qui parlait officiellement au secrétaire général de lunion départementale, et là cette conversation navait pas lieu dêtre dans ces termes, ou bien encore est-ce que cétait le premier secrétaire fédéral qui parlait au membre du bureau fédéral avec lidée de on te demande de faire cela. Cela créait beaucoup de situations insupportables.
« Donc, premièrement, javais toute cette réflexion. Deuxièmement, il y avait aussi derrière une autre question. Cest que lon voyait bien que par rapport à la volonté qui sétait développée dans la CGT dune orientation syndicale ouverte sur les mutations de lépoque, qui est finalement aujourdhui la ligne de la CGT, le Parti nallait, à lépoque, pas dans ce sens-là. Il la été depuis, mais à lépoque, ce nétait pas cela. Il avait la volonté dans la promotion des cadres politiques syndicalistes dessayer de peser sur la future direction de la CGT. Je considérais que pour cela aussi il fallait casser le jeu. Parce que lun des problèmes, si je me souviens bien, cest un peu confus dans mon esprit, mais il me semble quil y avait un problème de promotion au Bureau politique de je ne sais plus trop qui, peut-être de Jean-Louis Fournier. Il y avait la volonté de flécher, de dire : les futurs bons dirigeants de la CGT, cest untel. Donc, cette conception des choses dont je viens de parler. »
Ce départ de Alain Obadia du CC est diversement commenté dans le cadre de nos entretiens.
Pour Louis Viannet, cette décision dAlain Obadia sinscrit dans un débat plus large :
« Le débat, dans les deux années 92 et 93 qui suivent mon accession au secrétariat général, est quand même assez compliqué au sein du Bureau confédéral. En particulier, il y a parmi les membres du Bureau, un petit groupe autour de Maïté Demons, Alain Obadia, Gérard Alezard et Lydia Brovelli, qui mène la bourre alors que ni les uns ni les autres nont jamais levé la langue sous la direction dHenri Krasucki pour transformer la CGT beaucoup plus vite, quitter la FSM, etc.
« Un jour lon a une discussion assez serrée au Bureau confédéral et je leur dis : Je nai aucun désaccord avec les objectifs que vous prétendez atteindre. Je suis daccord sur la nécessité que la CGT bouge, quelle se transforme. Je suis tout à fait convaincu quil faut avancer encore plus sur la voie de lindépendance syndicale. Je suis partisan de quitter la FSM. Mais, cela, je ne le ferais pas au risque de couper la CGT en deux. Sans doute que vous êtes plus pressés que moi mais ce qui me guide cest de faire cela avec toute la CGT et cela demande de pousser le débat
« Les discussions sont sorties du Bureau confédéral. Cela a éclaté à la CE, au CCN.
« Et le départ dObadia, la décision quil prend sans en discuter mais, à la limite cest son droit -, elle sinscrit dans ce débat.
« Dans les arguments quil donne, il y a quand même aussi une tonalité de désaccord avec un certain nombre de prises de positions et dorientations du Parti, ce qui est, ma foi, fort légitime.
« Dans la discussion qui suit au Bureau confédéral, je dis à Obadia : Je ne crois pas que cest en faisant cela que lon va aider à la réflexion dans la CGT. En revanche, je te le dis très fraternellement, prmièrement, tu as braqué, tu braques un certain nombre de camarades dans la CGT, des camarades communistes. Et, à partir de là, à mon avis, non seulement tu naccélères pas le processus mais tu le freines. Tu prends le risque de créer des points de blocage. Deuxièmement, je ne suis pas contre les initiatives individuelles, mais si on veut quelles aient un impact, il faut quand même les situer dans un processus qui engage plus collectivement.
« Les débats se sont poursuivis. Puis, cela sest traduit par le départ dAlain Obadia de la direction confédérale. »
Nous y reviendrons plus loin.
Pour François Duteil :
« Humainement, cest toujours dramatique, jutilise volontairement le terme, quand un camarade est amené, comme cela, publiquement, à faire un constat de désaccord et en conclure quil ne peut plus assumer ses responsabilités. Ce nest pas mieux quand lintéressé part sur la pointe des pieds, sans rien dire, parce quil y en a eu sans doute dautres comme cela.
« Mais, cela veut dire quen amont il a manqué quelque chose, des discussions. Alors, doù cela vient-il ? De lintéressé ? De lorganisation ? Cest complexe, sans doute les deux, de lintéressé et de lorganisation.
« A lépoque, jai une crainte : que cela soit effectivement utilisé pour dire : vous voyez bien, il y a impossibilité pour les camarades dassumer des responsabilités
Dautant que, si jai bonne mémoire, il parle dincompatibilité à assumer les deux responsabilité mais il privilégie quand même le terme de pression dune organisation sur lautre par rapport à une incompatibilité ce que jaurais pu comprendre pour le secrétaire général.
« Cest une période un peu complexe de composition de léquipe de Louis, de niveau de responsabilités des uns et des autres. Je sais que la VO, cela aurait intéressé un certain nombre de camarades. Jai cela en toile de fond. Je ne veux pas donner plus de poids à une chose quà une autre mais ma crainte cest que cela pèse entre les choix des uns et des autres.
« Mais, après mûre réflexion, je crois que cest ce que jai dit devant le CCN, cétait un choix qui était le choix personnel dAlain. Je ne le partageais pas mais je le respectais. Par conséquent, point nétait besoin de lui donner une autre signification. Pas de récupération dans un sens ou dans un autre, ni contre Alain cest lépoque où il est dans lassociation Agir » avec Martine Aubry, ni
« Il y a quand même tout un contexte compliqué. Mais, je minterdis de porter un jugement de valeur sur le comportement et jai été heureux de retrouver Alain, quil reprenne sa place dans le Parti communiste. »
Pour Gérard Alezard :
« Lorsque Alain décide cela, il en parle avec nous mais le coup est parti. Quand je dis nous, il en parle à Lydia Brovelli, il en parle à quelques autres, à Lomet. Moi, ma réaction est de dire : Je comprends mais, en même temps, moi, quitter le navire je ne sais pas faire. Donc, on en parle. Il a dailleurs modifié sa lettre pour tenir compte un peu de cela, cest-à-dire pour ne pas accréditer lidée que ceux qui restaient étaient des gens qui ne comprenaient rien. Ce qui était un peu initialement son texte.
« Donc, on discute de cela et je lui dis : Je pense que partir, et surtout à ce moment-là, est inadapté et je continue à penser quagir à lintérieur peut être bon pour lorganisation. Je ne me vois pas quitter comme cela un débat ouvert au congrès du Parti. Dailleurs cest ce qui sest passé.
« Enfin ouvert, entrouvert. Mais, cest ce qui sest passé puisque Alain fait sa lettre et il ne participe pas au débat du Parti. Il est présent, mais il ne dit rien. Et moi, je ne sais pas faire cela. On était dailleurs côte à côte au congrès. Lui ne parle pas, moi je parle. Je me fais rappeler à lordre par Marchais. Il ne dit rien non plus.
« Cest une différence importante. Il ny a pas de fracture entre nous définitive, mais, il y a un vrai désaccord là-dessus, sur la méthode.
« Dautant plus que je savais que cela aurait des conséquences probablement assez importantes dans le débat interne à la CGT. Ce qui na pas manqué dêtre, dailleurs. Je me disais et je lui ai dit : Tu restes membre du Bureau confédéral, dans ces conditions cela va quand même être plus compliqué pour tout le monde.
« Il a expliqué sa décision au Bureau confédéral avant quelle ne soit définitivement rendue publique. Il y a eu un Bureau confédéral quasi extraordinaire où il a expliqué sa position. Jai expliqué la mienne. Finalement, le Bureau navait pas à trancher là-dessus. Mais, du même coup, est venu de sa part et de la mienne des propos différents qui ont conduit à un débat un peu différent, puisque la conclusion est différente, sur lindépendance de la CGT. A la question : peut-on continuer à être membre du Bureau confédéral et dirigeant du Parti au plan national, lui disait non, et moi je disais : cela ne peut pas devenir une règle statutaire explicite, mais chacun doit quand même réfléchir à son niveau sur la façon de vivre cela. On en est resté là. »
Pour Jacqueline Léonard :
« Personnellement, je nai pas de problème de gestion entre mon mandat syndical et politique. Donc, quand cela a commencé à se produire ces dilemmes de certains communistes entre leur appartenance à un endroit et à lautre, je ne me suis pas sentie concernée dans la mesure où jai considéré que cétait leur problème.
« Cétait leur problème, ce nétait pas le mien, le mien je le vivais bien, je lassumais, je nentendais pas quon me le reproche.
« Dailleurs, jai eu à le dire au Bureau confédéral, plus tard, où ce débat avait été ouvert, principalement pour mettre en question lappartenance du secrétaire général de la CGT au Bureau politique du PCF. Cela avait donné lieu à un débat dans lequel je métais positionnée pour dire que jétais attachée à mes choix politiques, que je respectais celui des autres membres du Bureau confédéral, communiste, catho ou socialiste. Donc, que je naccepterais pas que lon mette en cause les miens et que, jusquà ce quon me prouve que cétait un obstacle au fait dassumer mes responsabilités confédérales, je nentendais pas en changer. Et, je nen ai pas changés. Mais, cela a été la période la plus difficile. »
Pour Thérèse Hirzsberg :
« Moi, Obadia, jai toujours eu de bons rapports avec lui. Je représentais lUGFF, à lépoque, à la CE de lUGICT.
« Cest un pur produit de lorganisation Alain, que jaurais pu être moi aussi, car il a un cursus un peu comme moi, on a à peu près le même âge.
« Ce sont de purs produits fabriqués par lorganisation. Je peux comprendre cela. Je ne ladmets pas mais je peux comprendre quil y a une série de copains qui ont transféré dans lorganisation ce quils auraient voulu faire et puis être dans leur vie professionnelle.
« Il y a eu la succession dHenri. Je pense quil avait de grands espoirs sur cela. Et, les espoirs sont tombés.
« Il sétait jamais tué dans les débats. Je suis témoin. Au CC, on la jamais vu prendre une quelconque position. Je pense quil considérait que les carottes étaient cuites. Dailleurs, tu vois le cursus quil a fait après. Ca ne me gêne pas. Cest un mec sympa, je laimais bien.
« Je vais te dire très franchement, pour certains copains, le PC a été une trajectoire porteuse, pour des tas de raisons. A partir du moment où celui-ci est entré en période de totale décadence, cela a été vécu comme la remise en cause des possibilités offertes par cette trajectoire. »
Nous reviendrons sur cet aspect à propos du départ dAlain Obadia de la direction confédérale de la CGT.
1994 : BIARD EST ELU AU CC
Portrait
Cest en 1945, que naît Joël Biard.
Son grand-père maternel, blessé au Chemin des Dames, à Verdun, est cheminot et socialiste, jauressiste :
« Comme on est socialiste à cette période-là, et très en faveur de la paix. »
Son père est lui aussi cheminot et :
« Résistant, CGT, CGTU, communiste, stalinien, comme on est à cette période-là. »
Quant à son grand-père paternel, quil na pas connu, était mousse dès lâge de onze ans.
Lenfance de Joël Biard se déroule à Granville, puis à Avranches :
« Une enfance qui a été marquée par des valeurs de justice, de solidarité mais aussi dautorité et dautoritarisme. »
Dès lâge de 13 ans, il tente de partir comme apprenti dans la marine marchande. Cest léchec. Deux ans plus tard, il vient à Paris où il trouve à semployer comme apprenti dans le bâtiment et les travaux publics :
« Je suis plongé dans lexploitation. Six fois dix heures par jour. Soit soixante heures par semaine. Chemine en moi la notion de linjustice. »
En 1964, cest le service militaire, avec lécole dapprentissage du morse, à Nantes :
« Je suis reçu et jopte pour aller en Somalie. Une enquête se mène au sujet de mes parents. Compte tenu des antécédents familiaux, cest impossible. Cela accroît un sentiment dinjustice profond.
« Je me mets à lire Sartre. Puis, à mon retour de larmée, je me mets à lire LHumanité pratiquement tous les jours. »
Survient mai 68 :
« Dans le mouvement de 68, jadhère en même temps, le même jour, dans le même lieu et auprès de la même personne, à la CGT et au Parti communiste. »
Ce lieu cest lUnion locale CGT de Goussainville, ville dans laquelle réside Joël Biard à ce moment-là. Au militant local de la CGT qui lui objecte que pour ladhésion au PCF, ce nest pas le bon endroit, il répond :
« Ne racontes pas dhistoires. Cela me semble naturel. Cest naturel pour moi, la lecture de LHumanité depuis deux ans a certainement contribué au passage à lacte. »
Dans lentreprise Entra, à Aubervilliers, avec quelques autres, il crée le syndicat CGT, dont il est secrétaire. Dans cette même période, il milite dans une cellule du PCF dun grand quartier nouvellement créé de Goussainville. Et :
« Comme je suis un jeune ouvrier syndicaliste, issu du mouvement de 68, on minvite au Comité de Section et au Bureau de Section. »
Sur le plan syndical, les sollicitations faites auprès de Joël, qui à présent est membre du secrétariat de lUnion syndicale du commerce de Seine-Saint-Denis, sadditionnent :
« Début 70, la Fédération de la Construction me propose de devenir permanent pour moccuper de la VO. Simultanément, mon Union départementale de Seine-Saint-Denis me propose de devenir permanent pour créer lUnion locale CGT dAulnay-sous-Bois.
« Je fais le choix de lUD. Pourquoi ? Parce que cela correspond davantage à mes attentes, cest-à-dire le caractère interprofessionnel sans le sens de lintérêt général.
« En septembre 1970, jarrive donc à lUnion locale CGT dAulnay-sous-Bois où tout est à bâtir. Et, je suis aussi mandaté par lUS de la Construction pour suivre, avec lUL de Goussainville, le départ de la construction de laéroport de Roissy-en-France. »
Cette même année 1970, il est élu à la Commission exécutive de lUD de Seine-Saint-Denis. En 1972, il est élu au Comité fédéral du PCF du même département :
« Jy côtoie des dirigeants nationaux du PCF de la génération antérieure, celle de la Résistance et de laprès-guerre : Jean Kanapa, Jacques Duclos, Etienne Fajon, Louis Odru, Robert Ballanger, Georges Valbon. »
Deux ans plus tard, en 1974, Joël Biard est élu secrétaire général de lUD de Seine-Saint-Denis, ce qui le conduit au Bureau de lUnion des Syndicats CGT de la région parisienne dans lequel sont présents quelques syndicalistes membres du Comité central du PCF, comme Edmond Amiable et Jean Dréan. En 1975, il entre au Bureau fédéral du PCF. Il na pas encore trente ans.
Son élection au secrétariat général de lUD se fait, avec laccord de la Confédération :
« Afin de ne pas décider de choisir entre deux tendances quil y avait dans la direction sortante de lUD. »
En 1982, il est élu à la CE confédérale de la CGT :
« Cest un souhait de la direction de lUD, mais pas forcément de la direction confédérale sortante.
« A chaque fois les demandes venant de la Confédération pour la perspective des différents congrès confédéraux qui sétalent de 1975 à 1982 ne concernent jamais le secrétaire général de lUD. A un moment donné, cela pose un problème à la direction de lUD. Une discussion a lieu entre la direction de lUD et la direction confédérale. Personnellement, je refuse de discuter de cette question avec la direction confédérale et jaccepte que ce soit une délégation de la direction de lUD qui discute avec la direction confédérale quelles sont les raisons de ses réticences. La principale résidait, à mon avis, dans le fait que je suis secrétaire général de lUD. Je dois dire pour lhonnêteté des choses quaprès mon élection cela na posé aucun problème. »
Cest douze ans plus tard quest posée la question de la candidature de Joël Biard au Comité central dont il est proposé quil se dénomme à présent Comité national :
« Ce sont des camarades syndicalistes de la Fédération de la Seine-Saint-Denis du PCF qui font la proposition à la Fédération dans le cadre de la Conférence fédérale.
« Ils le font à loccasion de la tenue de la Commission des candidatures lors de la Conférence fédérale. Celle-ci retient la proposition me concernant parmi un ensemble de camarades. »
1994-95 : OBADIA QUITTE LE BC PUIS LA CE DE LA CGT
En octobre 1994, Alain Obadia quitte le Bureau confédéral de la CGT :
« Je suis dans létat desprit suivant : je pense de plus en plus quil y a un énorme malentendu avec Louis Viannet. Cest la vie ça.
« Louis a pensé, pour une raison qui méchappe, que je devais avoir des ambitions de secrétariat général. Ce qui na jamais été le cas. Cest même moi, cest historiquement vérifiable, qui ai proposé son nom lors de la réunion du Bureau confédéral qui préparait le congrès sur les problèmes de direction. Je suis intervenu pour dire : Je pense que le remplaçant légitime de Henri Krasucki cest Louis Viannet. Dailleurs, certains camarades me lon reproché en me disant : Tu naurais pas dû fermer le jeu comme cela. Mais, je sais pourquoi ils me lont reproché. Il y avait des arrière-pensées chez certains de me mettre en avant. Mais, je pensais que je nétais pas légitime pour des tas de raisons, ne serait ce que sociologique parce que je ne voyais pas comment la CGT de ce moment-là aurait pu accepter que le secrétaire général de lUGICT devienne le secrétaire général de la CGT.Je nai jamais eu dambiguïté sur cette question. Mais je pense que du fait quil y avait une campagne de certains, un jeu compliqué, Louis a dû considérer que je jouais ce jeu, ce qui nétait pas le cas.
« Ce qui fait quil est arrivé une situation où finalement je ne pouvais plus rien faire. Jétais à la Communication.
« Les choses se sont déroulées de manière telle que jai mené beaucoup de batailles dintérêt général, si jose dire : celle de Maïté Demons pour lUGICT, celle de Maïté Demons pour le Bureau confédéral dans le cadre de la nécessité du renouvellement de celui-ci alors quil y avait des pressions fortes du Parti, enfin de lentourage de Georges Marchais, pour que Michel Warcholak reste dans cette période de transition avec largument explicite que cest lui qui est porteur des intérêts du Parti dans la CGT. Ce qui faisait partie de la conception dont je te parle et que je refusais complètement. Il y a eu cette bataille.
« Ensuite, il y a eu la bataille sur le document dorientation dont jétais responsable.
« Finalement, jai mené toutes ces batailles en première ligne et la dernière bataille que je nai pas pu mener, parce que là cela faisait trop, cest celle pour mes propres responsabilités.
« Jétais dans cette phase, nétant plus responsable de lUGICT, où javais la responsabilité des problèmes de communication. Cela mintéressait dun certain point de vue mais, en même temps, cétait complètement piégé. Dans cette responsabilité il faut être en osmose totale avec le secrétaire général. Ce qui nétait pas le cas. Je me suis donc retrouvé dans une situation où je ne pouvais plus rien faire. Je ne pouvais plus bouger une oreille sans quil ny ait des campagnes politiques dans toute la France. Si je sortais une affiche, cétait mal fichu. Cétait ceci, cétait cela.
« Je me souviens du truc le plus emblématique de cela. Javais, avec laccord du Bureau confédéral unanime, proposé que nous lancions un baromètre sur le syndicalisme qui soit une série de questions avec lidée de le faire sur le long terme, de garder pendant des années la même structure de questionnaire de façon à pouvoir faire des comparaisons. Il sagissait de nous donner un outil pour observer comment le syndicalisme est apprécié, quelles sont les attentes des salariés, comment la CGT est appréciée. Alors que cétait une décision du Bureau confédéral, lorsque jai présenté cette affaire devant la Commission exécutive, Louis Viannet sest désolidarisé totalement de ce que javais dit. Je me souviens même quil avait dit dans ses conclusions quelque chose du genre : Il y a les opérations confiées à des officines. Les officines, en loccurrence, cétait linstitut de sondage CSA. Jobserve aujourdhui que ce baromètre existe depuis douze ans et que les camarades de la CGT sont très heureux quil existe. Cest pour eux un outil de travail utile. Enfin, cest pour te dire dans quelle situation jétais arrivé. Il y a aussi les aspects humains.
« Je me suis dit : tu ne vas pas constamment continuer à être lobjet de batailles telles que je me sens inutile. Javais 45 ans à lépoque. Je me suis dis : Si tu veux faire autre chose dans ta vie, cest le moment, parce que si tu le fais pas maintenant après ce sera difficile. Donc, jai décidé de réintégrer la RATP. Finalement après jai fait des tas de choses qui sont en dehors de tout cela, et puis, aujourdhui, je suis à nouveau membre de la direction du Parti communiste. »
Dans la foulée de son départ du Bureau confédéral, Alain Obadia quitte également, au début de 1995, la CE confédérale :
« Pendant un moment, je métais dit que jallais rester à la CE confédérale. Puis, je me suis aperçu que cela navait aucun sens. Ou tu restes ou tu pars. »
1995 : HIRZSBERG QUITTE LA CE DE LA CGT
« Mon départ se passe mal. »
nous indique-t-elle.
Mais, avant de nous en donner lexplication, elle indique :
« Je sais très bien que pour certains je suis un prototype du stalinisme, un pur produit du stalinisme. Pour d autres, un pur produit de ce réformisme atypique de la Fonction publique, gauchiste pour dautres encore. Tout cela dans la mesure où je nentre dans aucun des clans ou des grandes familles monolithiques de pensée. Cest le risque. Et puis, jai une personnalité assez indépendante. Le problème cest que jai toujours essayé de mettre en uvre, cest le rêve inachevé de ma vie, la fidélité à des positions de classe au sens marxiste primaire, fondamental et lexercice de celles-ci dans les conditions de son temps. Cela a toujours été mon obsession. Je suis une idéaliste, qui signore peut-être, avec un très gros souci dhumanité. Je me caractérise comme cela.
« Cela ma valu les pires emmerdes de tout le monde. Pour les copains de Warcholak, je suis issue de la Fonction publique, donc une réformiste qui signore et qui pouvait basculer dun jour à lautre. Pour eux, je portais cela avec ma volonté de prendre en compte les évolutions de laprès-guerre, de comprendre la montée du tertiaire, les évolutions des catégories sociales, toute chose que le Parti était incapable de prendre en compte.
« Pour les autres, ceux qui veulent nous entraîner autre part, les Le Duigou, etc., jétais évidemment un danger majeur, parce que je suis sur leur terrain danalyse dun certain nombre de réalités mais en tentant dy apporter des réponses différentes.
« Ce qui fait que javais les deux sur le dos. »
Elle situe ce propos en lien avec son départ de la direction de lUGFF, en 1992 :
« A partir des années 1980, tout ceci sest cristallisé sur le thème de la décentralisation. Cest là-dessus que, avec Chantal Rey avec Armand mon mari ,nous nous battions sur lidée que lon ne pouvait plus vivre sur un Etat étatique. Nous avions sur le dos tous les étatistes, les centralisateurs purs et durs, le courant qui est idéologiquement libéral. Cela cest cristallisé sur toutes les modifications que nous proposions dans lorganisation du syndicalisme des fonctionnaires.
« Javais décidé de partir depuis longtemps. Je voulais partir depuis 1986, parce que javais quarante et quelques années, je venais de refaire ma vie. Henri ma dit : Si tu pars, cest la catastrophe. De toute manière, il sest vérifié que cétait la catastrophe. Mais, en attendant le temps a passé. Le congrès de lUGFF de 1992 où je suis parti a été typique. Les réformistes nous ont sanctionné sur lactivité. Il ny a pas eu la majorité sur lactivité. Les Finances nous sanctionnaient sur notre activité, mais ils ont voté lorientation, et le SGPEN, les agents de léquipement, qui eux avaient voté lactivité, nous ont sanctionné sur lorientation par peur de la décentralisation.
« Je suis partie. LUGFF est entrée dans une crise épouvantable. Depuis, elle a disparu. Globalement, le syndicalisme des fonctionnaires existe mais ne compte plus. Il ny a pas dapport théorique, il ny a plus danalyse, il ny a pas de renouvellement de la pensée. Je le regrette beaucoup. Il a un peu vécu sur son fond de commerce mais maintenant il faut renouveler le fonds de commerce.
« Donc, en 1992, je voulais partir. Jétais très atteinte de tout cela. Louis accédait au secrétariat général. Il ma dit : Viens avec moi. Jai accepté de bosser avec lui. Mon premier mandat sest bien passé. Nous étions encore bien en osmose. Puis, jai vu la montée en puissance de Decaillon, de Jean-Christophe.
« Nous sommes juste avant le congrès confédéral de 1995. Jai foutu le camp. Tout cela devenait relativement intenable. Quand jai vu cela, jai fait un DEA, à Marne-la-Vallée, sur la clause sociale dans les accords de commerce international. Que voulais-tu que je fasse ? En 1992, jétais plus que quinquagénaire. Je ne pouvais pas faire grand chose. Et puis, au congrès confédéral, quand Louis a donné son autorisation à ce que Decaillon diffuse le tract de la CES sur les services publics, alors là jai craqué complètement. Jai dit : Ca suffit. Louis est arrivé. Jai dit : Je me tire, cest fini. Je suis partie. Je ne suis plus revenue à la CGT. «
Lors du congrès suivant du PCF, en 1996, Thérèse Hirzsberg quitte le Comité national :
« Javais décidé de ne pas me représenter. Jallais écrire lorsque un brave gars qui soccupe des cadres me passe un coup de téléphone pour me dire : On est en train de renouveler le Comité national, comment vois-tu ton avenir ?Jai dit : Pour moi, cest terminé. Il ny a eu aucun problème. On ne ma pas mise dehors. Je suis partie de moi-même, sans problème. »
1995 : ALEZARD QUITTE LE BC DE LA CGT
Sur les façons dont les choses se passent, il nous indique :
« Il faut revenir sur la période 1992-1995. Au congrès de 1992 est élu un nouveau Bureau confédéral sérieusement remanié. Sa composition est majoritairement marquée par les options de la CGT même si cela peut faire lobjet de débats entre nous, y compris chez ceux qui souhaitaient que la CGT évolue.
« Mais, cest un Bureau confédéral décidé à appliquer plus le rapport dHenri et le document dorientation que le rapport de Louis Viannet. Ceci donne lieu à des recherches, des réflexions, des évolutions sur la façon dont le CCN ou la CE pourrait travailler. Tout ceci est très vite marqué par des conflits dès 92, en tout cas dès 93, sur un certain nombre dorientations. Je rappelle que 1993 cest, en plus, larrivée de Balladur, donc la nécessité de prises de position fortes de la CGT. Là, des divergences apparaissent que lon peut retrouver dans les compte rendus des travaux.
« Je me souviens dune qui est assez forte. A loccasion du budget du gouvernement, le Bureau confédéral a décidé de sortir des fiches à la fois critiques de la politique gouvernementale et en même temps comportant des propositions. Il y a eu un vrai conflit au CCN sur cette question-là, puisque la rédaction qui avait été adoptée au Bureau confédéral se trouve remise en cause au CCN. Cela peut se comprendre, sauf que, là, la remise en cause vient aussi de Louis Viannet. Cela cest un problème.
« Je dois dire que je nétais pas resté jusquà la fin de ce CCN, javais une journée de travail dans le Vaucluse le lendemain donc je suis parti un peu avant la fin. Je pensais que le CCN nallait pas trop mal se terminer et il sest terminé en eau de boudin, en conflit réel puisque, après la contestation des fiches par des membres du CCN et Louis Viannrt, Le Duigou et Obadia, je crois, étaient intervenus. Le Duigou pour dire quil ne voyait pas pourquoi lon contestait des fiches qui ne faisaient que chiffrer la façon de trouver largent, dans le même budget, pour les revendications de la CGT. Le débat portait sur le fait que ce nétait pas à la CGT de faire cela, de gérer le budget gouvernemental, son rôle étant de le contester, de le condamner. Louis Viannet, dans ce débat, affirmant que le chiffrage de nos propositions nallait pas du tout dans le sens de la démarche de la CGT et quil nétait donc pas question de publier les chiffres ainsi.
« Cela avait amené Obadia à intervenir après les conclusions de Louis Viannet, ce qui était tout à fait exceptionnel. Il avait dit : Ce nest pas possible, ce nest pas acceptable. Le Duigou, mais peut-être il lavait fait après, avait dû dire que cela devait nous amener à réfléchir sur la nature du discours de clôture, qui souvent se contentait de reprendre les propositions du rapport sans tenir compte de ce qui avait pu se passer dans le débat.
« Suite à cela, le Bureau confédéral majoritairement a demandé une Commission exécutive exceptionnelle pour que le secrétaire général sexplique, ce qui était complètement ahurissant, du jamais vu, ni avant ni après, à la CGT. Louis a accepté et il y a eu une Commission exécutive assez difficile.
« Le conflit ne sest pas étendu mais cela a été le point de départ de vraies divergences au sein du Bureau confédéral. Il sy installe une pratique, non concertée mais réelle, de contestation explicite, lorsque cela paraît nécessaire, par des membres du Bureau confédéral lors de débats à la CE. Pour la première fois depuis longtemps à la CGT, des membres du Bureau confédéral font entendre leur voix personnelle dans le débat après la présentation dune orientation ou de propositions du Bureau.
« Le décès de Maïté Demons, au-delà de ce drame, modifie singulièrement le rapport de forces, je ne sais pas si lon peut dire cela comme cela, dans le Bureau confédéral. Néanmoins, beaucoup de sujets font lobjet de débats à la CE ou au CCN, où des membres du Bureau confédéral non seulement sexpriment mais votent différemment de la majorité.
« Dans les débats, il y a à nouveau la question proposition et contestation, cest un sujet important et le couple est un couple conflictuel. Je suis, en tant que responsable du Secteur Economique, au centre de ce débat. Il y a le débat sur lEurope, le débat sur la FSM, et quelques autres. Ce sont des débats sur des sujets plus pointus, mais qui, néanmoins, traduisent des conceptions stratégiques. Par exemple, le débat sur la mobilité : la CGT doit-elle dire non à la mobilité ou sinscrire dans une mobilité maîtrisée par des garanties sociales ? Des choses aujourdhui banales.
« Cela fait beaucoup de sujets sans parler de ceux qui viennent au Bureau confédéral sans arriver à la CE. Notamment, celui sur lindépendance. De nombreux sujets de débats deviennent publics pour diverses raisons. Dabord, parce que les membres du Bureau confédéral qui sont en désaccords estiment quil ny a aucune raison pour se taire lorsque la presse les interroge. Cela a donné lieu à pas mal daccusations. Et puis, parce quà partir dun moment cela ne peut plus rester interne. Le départ dAlain Obadia aussi est une occasion pour ouvrir des débats réels parce que dans les raisons quil donne de son départ, que lon partage ou non ce quil a fait après cela est un autre débat -, on saperçoit que perdure à la CGT des pratiques tout à fait inacceptables. Par exemple, le jour où débat a lieu et où il confirme son départ, on présente un rapport au nom du Bureau confédéral que celui-ci na jamais adopté. Ce qui donne lieu à plusieurs mises au point, de ma part, de Lydia, etc., pour contester cela et mettre au grand jour un état des lieux très lourd de ce qui se passe au Bureau confédéral et du clivage qui se creuse.
« Dans la préparation du congrès de 1995, se pose la question darrivées ou de départs du Bureau confédéral. Mon départ est annoncé dans un Bureau confédéral courant 1995, au nom du rajeunissement. Ce que je refuse en disant : Comme cest une question de divergence, il faut dire à tout le monde quil y a un débat et quil y a deux conceptions de ce que peut être la CGT. Si on affiche mon départ au titre du rajeunissement, ce nest pas correct.
« On a donc essayé que ce débat-là soit très public. Mais, il na pas été accepté comme tel. Le débat dorientation a été biaisé, ce qui nous a amené à décider de sortir notre bouquin.
« Donc, mon départ nétait pas un départ consenti. Jai dit que je partais en désaccord. »
Nous avons demandé à Gérard Alezard dêtre plus précis à propos du débat dans le Bureau confédéral sur lindépendance syndicale durant cette période :
« Je disais : Parmi les marques lisibles dune reconnaissance de lindépendance de la CGT, il y a le fait que les dirigeants de la CGT ne doivent pas être des dirigeants nationaux du Parti et, au plan départemental, évitons les automatismes. Il y avait un débat là-dessus.
« Par exemple, quand le bouquin est sorti, je lai adressé à Henri Krasucki que je navais pas prévenu que nous faisions un bouquin il était un peu en pétard là-dessus. Il ma dit après lavoir lu : Je suis daccord sur tout, sauf ce que vous dites sur lindépendance. Je continue à penser que lexpérience des syndicalistes est nécessaire pour que le Parti évolue. Cest pas complètement idiot, cest même juste. Mais, je lui disais : Essayes de mexpliquer quel rôle ont pu jouer les syndicalistes dans lévolution du Parti parce que tu étais à la direction. Il ma répondu : Oui, cest vrai. Ce nest pas très utile.
« Quand jai envoyé le bouquin à Robert Hue, lui ma dit : Cest scandaleux de penser que le Parti peut se priver de dirigeants syndicalistes à sa direction.
« La situation était comme cela. A lépoque, ce débat il commençait à souvrir.
« Par exemple, au dernier Comité fédéral du Parti à Paris auquel jai participé, cest-à-dire pour le congrès de 1996, lorsque les candidatures du CF au CC sont arrivées en débat, dans la liste il y avait celle de Bernard Thibault. Je vote contre, parce que cétait cohérent avec ce que je venais de dire sur le cumul des mandats. Mais, comme je navais aucune raison de me fâcher avec Bernard et que je craignais beaucoup les bruits qui pouvaient courir sur le sujet, le lendemain je suis allé le trouver pour lui dire : Sans doute tu apprendras ce que jai fait hier soir et je préfère te dire pourquoi, parce que je ne veux pas quil y ait de malentendus entre nous. Il venait dêtre élu secrétaire général de la FD des Cheminots. On a discuté pendant deux heures. Il ma dit : Japprécie beaucoup que tu viennes me voir, cest sympa, cest ton droit davoir voté contre, mais je ne suis pas daccord avec toi. Je pense que cest bien que je puisse être au Comité national pour jouer un rôle dans lévolution du Parti. Je lui disais : Regardes ce qui se dit déjà dans la presse. Est-ce que cela ne va pas te desservir ? Tu as une belle image de syndicaliste. Il ma dit : Non, la presse, ce nest pas mon problème. Je serais membre du CN et je crois que je pourrais jouer un rôle. On en parle souvent tous les deux.
« Ce débat était très étriqué au fond. Il était : est-ce que cela peut servir ou non le Parti ? Or, la question qui était posée était : est-ce que cest un élément important pour afficher une évolution de la CGT vers lindépendance ? Ce débat-là, on ne lavait pas. On en avait que le versant politique. »
1996 : VIANNET QUITTE LE BN DU PCF
Il nous explique les conditions de ce départ :
«
1996 : ALEZARD QUITTE LE CC
Nous reproduisons en annexe lintervention faite le 22 décembre 1996 par Gérard Alezard devant le Congrès du PCF. Document quil a bien voulu nous remettre.
En substance, on peut y lire:
« Je quitte le CN. (
)
« Je ne perçois plus mon utilité au CN.
quelles sont mes raisons ? (
) Il y en a deux
« (
) Depuis longtemps déjà je pense
quil nest pas bon quau niveau national notamment, se cumulent responsabilité syndicale et responsabilité politique. Je nai pas toujours pensé ainsi mais aujourdhui ma conviction est faite. Lambiguïté que cela nourrit nest bonne ni pour le syndicalisme ni pour le parti. (
) Une majorité de salariés estiment en effet que, pour regagner de linfluence, la CGT devrait dabord se couper de toute influence politique. (
)
«
ce qui pour moi est la raison politique essentielle de mon départ du CN
Nous visons la mutation du parti. [souligné par GA] Selon moi, elle reste à faire. (
)
« (
) Je sais trop dexpérience combien les transformations à opérer dans une organisation relèvent du travail dHercule. Mais je crois que nous sommes au milieu du gué avant tout parce que nous ne voulons pas ou nous ne savons pas mettre à nu les raisons profondes de ces transformations.
Nous hésitons entre héritage et mutation. (
)
« Le manichéisme a toujours droit de cité. Nous continuons à vivre sous la contrainte du parler juste plutôt que sous la dynamique du parler vrai. Le pluralisme a incontestablement fait des avancées comme en témoigne ce congrès mais il piétine. (
) On pratique de mieux en mieux le droit à la différence. Mais est-ce normal que cela saccompagne de lindifférence ?
« A cet égard jai été très marqué par le discours de P. Herzog. Je partage nombre des critiques et des réflexions quil a énoncées, même si je nen tire pas toutes les mêmes conclusions.
« (
) Pourquoi ny a-t-il pas eu débat là-dessus ? (
)
« A dire vrai, je pense que nous nous limitons trop à transposer, dans la situation daujourdhui, des repères obsolètes dhier. (
)
« (
) Je ne renonce pas pour autant à tenir ma place de communiste, dans le parti comme à lextérieur, avec mes idées et ma conviction propres même si à ce stade jai une ambition, celle de consacrer lessentiel de mon temps à mes responsabilités syndicales pour contribuer autant que faire se peut au dynamisme et au renouveau dont le syndicalisme a besoin. »
En 1999, il ne sera pas réélu à la CE confédérale.
1996 : VIANNET QUITTE LE BN DU PCF
Du 18 au 22 décembre 1996, se tient, à la Grande Arche de la Défense, dans les Hauts-de-Seine, le 29e congrès du PCF. Le 19, Louis Viannet annonce son départ du bureau national du fait de la nécessaire « indépendance » de laction syndicale.
Si Louis Viannet quitte le BN au congrès du PCF de 1996, cest dès le congrès précédent, en 1994, que la question de la double appartenance à ce niveau de responsabilité le préoccupe :
« Jétais tout à fait conscient que lon rentrait dans une nouvelle période. Pourquoi ? Parce que le Parti avait décidé de rendre les débats publics. Pas ceux du Bureau politique, ils étaient mis à la disposition des membres du Comité central qui pouvaient les consulter, mais ceux du Comité central étaient dorénavant publiés dans LHumanité.
« Javais dit à Georges Marchais : Je me considère comme muselé. Je ne peux plus intervenir dans les débats du Parti, parce que tout ce que je vais dire va être repris et propagé, va servir de point dappui dans la CGT et pollué le débat que celle-ci doit avoir sur des questions importantes. Je lui avais dit :Donc, considères que si le débat est public, je ninterviens plus. Cest ce qui sest passé. Je ne suis plus intervenu.
« Par ailleurs, javais de plus en plus de difficultés pour participer à toutes les réunions du Bureau politique parce que la charge était lourde à la CGT. Et, dans cette période, les bureaux politiques étaient très tendus, les discussions duraient. Javais participé à un Bureau politique qui sétait terminé à deux heures et demie. On sétait mis à table à deux heures et demie, on en était sorti à cinq heures, parce que durant le repas on discutait autant que durant la réunion. Javais dit : Je ne peux plus. Je ne peux pas consacrer une journée par semaine pour les réunions du Bureau politique. Ce nest pas possible.
« Donc, il y avait un processus qui était enclenché. Quand la préparation du congrès sest rapprochée de léchéance, jai eu une discussion non pas avec Marchais mais avec Robert Hue. Je lui ai dit : Il faut se poser la question, parce que si je ne peux plus parler dans les débats, à quoi cela sert-il que je sois élu ? Et Robert Hue mavait dit : Je ten supplie, on verra comment on fera par la suite, mais là, pour moi, si en même temps que je suis élu tu pars cela ne va pas. Javais pris cela en compte. Mais, en fait, même si je suis resté jusquau congrès suivant, cest à ce moment-là que jai pris la décision de quitter le Bureau politique. »
Entre ces deux congrès, Louis Viannet indique pratiquer :
« Une participation mutilée parce que les conditions de fonctionnement ne permettent pas de sinvestir à plein. »
Pour le congrès de 1996 :
« Jai eu une discussion avec Robert Hue, qui a résisté parce quil était sous la pression dun certain nombre de camarades du Bureau politique qui ne voulaient pas que je men aille. Mais, jai dit : Tu te souviens que nous avions déjà eu une première discussion au dernier congrès. Jai tenu compte des arguments que tu avais avancés. Jai considéré quils étaient fondés. Mais cette fois, non. De mon côté, je ferais tout pour que cela se passe bien, que cela napparaisse pas comme un désaccord ou un jugement sur la façon dont le Parti est dirigé. Mais, je ne reste pas. Pour la CGT, cest maintenant important que je ne restes pas. Javais en perspective tous les débats à venir sur notre positionnement par rapport à la FSM, etc.
« Or, il se trouve que la veille de louverture du congrès, je me ramasse une grippe ou un coup de froid. Je ne peux être présent à louverture du congrès. Je nassiste ni à la première ni à la deuxième séance. Entre temps, quelquun de la direction du Parti, Robert ma assuré que ce nétait pas lui, a fait partir linformation à la presse que je quittais le Bureau national. Ce qui fait que Le Monde est sorti dans laprès-midi avec un gros titre : Viannet quitte le Bureau national. Cela tombe dans la séance de laprès-midi du congrèsà laquelle je ne suis pas présent. Tu imagines toutes les supputations. Robert Hue, qui ne sétait pas rendu compte que jétais absent, le soir, discute avec les camarades qui lui disent : Il y a un malaise dans le congrès, cest terrible. Donc, il me fait appeler, je crois que cest Gayssot qui ma appelé. Je lui dis : Jai informé, on ne vous a peut-être pas transmis, mais jai informé que javais quarante de fièvre. Il me dit : Il faut absolument que tu viennes te monter au congrès. Je lui dis : Jy vais demain. Jinterviens. Jy suis allé le lendemain et je suis intervenu le matin. »
Cette intervention provoque des réactions. Louis Viannet les évoque :
« Il y a des camarades qui très logiquement et très sainement mont écrit. Dautres mont dit : On a besoin de discuter. Il faudrait que lon se voit. On a discuté. Mais, il y en a aussi qui ont fait campagne autour du thème : on brade tout, on lâche tout.
« Donc, jai préparé une intervention au Bureau confédéral pour expliquer ma décision et je lai fait en lien avec tout ce que lon avait déjà écrit sur lindépendance syndicale. En plus, jai dit : Ce nest pas un reniement. La preuve, je reste au Comité national. Parce quil fallait aussi procéder par étapes. On peut bousculer mais il faut aussi être compris et suivi. Mis à part dans quelques secteurs, comme lAgroalimentaire, un peu la Construction, un peu EDF aussi où là il y eu vraiment des camarades qui tombaient le nez, très vite globalement cela sest tassé.
« On a eu un débat pas très poussé à la CE. Ceux qui, normalement ou logiquement, auraient dû sen réjouir, en particulier ceux qui continuaient un peu à mener la bagarre pour la transformation de la CGT, nont pas dit un mot. Les quelques uns qui nétaient pas daccord non plus. Ce qui fait quil y a eu un débat très plat. Une dizaine de camarades sont intervenus pour dire quils étaient daccord, que cela allait aider. Ce nest pas aller plus loin. Les uns et les autres sont restés un peu en dedans. »
Nous avons interrogé notre cible sur ce départ de Louis Viannet du BN :
Pour François Duteil, qui va lui aussi quitter le BN, nous le verrons plus loin :
« Je considère que la façon dont Louis a annoncé les choses dans le congrès, outre linterprétation qui a pu en être faite, a pesé négativement, je pèse ses mots, sur les rapports syndicats-partis. Je crois quil aurait été mieux que cela vienne en amont, quil y ait une logue réflexion.
« Parce que je considère que lindépendance syndicale ne se mesure pas à la présence ou non dun militant syndical dans une instance de direction à quelque niveau que ce soit. Après, comment fait-on ? Cela va-t-il de la localité au niveau national ? Cest une question de disponibilité à assumer pleinement deux responsabilités.
« Je comprends, je partage même le fait que Louis ait considéré que, de ce point de vue, cela ne lui était plus possible. Mais, cela ne maurait pas choqué quil y ait encore un ou deux syndicalistes au Bureau national. Je suis toujours partisan quil y ait encore des camarades dont la première responsabilité à la direction nationale du Parti soit le syndicalisme, y compris des camarades qui pourraient être membres du Bureau confédéral.
« Donc, le problème na pas bien été posé. Dautre part, cette décision a eu des conséquences dans les départements. Des camarades, de manière un peu systématique, ont posé la question de leur départ des instances de réflexion politique. Même sil est vrai quil y a eu des systémacités qui étaient excessives, si un camarade qui est secrétaire général dUD a un engagement politique et quil lui est possible en terme demploi du temps de participer à des instances de réflexion, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas le faire. Cest un problème de disponibilité desprit et physique pour assumer la diversité de ses responsabilités.
« La décision de Louis a complexifié les rapports PCF CGT, même sil y a eu après une rencontre en juillet
entre une délégation du Bureau confédéral et du Bureau national, qui a aidé à clarifier les choses.
« Je ne dis pas que lon aurait pu faire autrement, je dis que lon aurait dû faire autrement. »
Pour Jacqueline Léonard :
« Je ne dis pas que cela ne ma rien fait. Jai entendu Louis et cela ne ma pas laissé indifférente, parce que cétait un acte politique dimportance.
« Jétais dans une contradiction vis-à-vis de lindépendance de la CGT, que japprouvais totalement, mais cela me gênait quau nom de cette indépendance on puise se remettre en cause dans le Parti communiste.
« Jétais dans la démarche : Louis, cest son problème et sa liberté, mais pour moi cela ne changera rien et cest aussi ma liberté.
« Donc, la décision de Louis ne ma pas choquée du point de vue de lindépendance de la CGT. En revanche, un peu comme pour Alain même si ce nest pas la même démarche, le fait que dêtre engagé syndicalement et politiquement pouvait être préjudiciable dun côté ou de lautre, pour moi cela nexistait pas et cela nexiste encore pas aujourdhui. Ce qui ne veut pas dire que lon soit indifférent ou bien inconscient des responsabilités que lon engage vis-à-vis de lorganisation dans laquelle on est.
« Cette question de lindépendance de la CGT, jy étais aussi très sensible et attentive. »
Pour Gérard Alezard :
« Lorsque jai parlé à Louis, par correction, de ma décision de quitter le Comité national, il ne ma pas fait part de son intention de quitter le Bureau national.
« Quoi quil en soit, sans épiloguer, cest incontestablement un geste que jai apprécié, puisquil était conforme à ce que je pensais. Néanmoins, lon est resté quand même au milieu du gué puisque Bernard Thibault est arrivé à la direction du Parti. Louis Viannet et François Duteil sont restés au Comité national. Cela na pas été au bout de la réflexion. Il y a eu un pas de chur, dune certaine façon. »
1996 : DUTEIL QUITTE LE BN DU PCF
Louis Viannet évoque ainsi ce départ :
« Cest Robert Hue qui lui a demandé de se retirer, en lui disant : Il ne faut pas rester parce que cela va créer une situation fausse. Ce quil a fait dailleurs.
« Il ne reste des dirigeants CGT quau Conseil national. »
Pour sa part, François Duteil indique :
« Il maurait été difficile de rester tout seul au Bureau national comme syndicaliste de haut niveau. Cela aurait été interprété dune façon ou dune autre. Les conditions nétaient pas réunies. Cest la raison pour laquelle, outre le fait que je métais fixé un peu cette limite-là dans cette responsabilité, mon souci a été de prendre en compte la façon dont les choses auraient pu être perçues par le syndiqué militant de base. »
1996 : LE DUIGOU QUITTE LE CN
Jean-Christophe Le Duigou nous précise, tout dabord, que son départ du Comité national, qui coïncide avec celui de dirigeants dont il était proche à la Section Economique du PCF, comme Philippe Herzog ou Bernard Marx, nintervient pas dans le cadre dun départ groupé. Il ajoute :
« Cest un choix personnel. Je suis allé le discuter à Fabien, puisquil y avait une pression pour que je reste. Jai écrit une lettre à Robert Hue expliquant mes motivations. Ce nétait pas une marque de défiance mais un constat dinefficacité.
« Jai à ce moment-là 44 ans et je minterroge sur ma deuxième partie de carrière professionnelle. Dès 1992, je quitte la Fédération des Finances avec lintention de revenir dans ladministration des Finances après une courte période de décompression que je souhaite passer à la Confédération.
« Dans la CGT, Henri Krasucki en fin de mandat prône louverture. Spontanément, je saute sur loccasion sans mesurer que tout cela perturbe sérieusement la succession. Mon conflit avec Thérèse Hirzszberg se poursuit. Elle joue de son influence auprès du nouveau secrétaire général et lui présente sous un jour négatif ma proposition de collaboration à la Confédération. Joël Decaillon, qui était très proche de Louis, malerte assez rapidement. Je me dégage de cela. Je sollicite la direction confédérale pour un poste temporaire de deux ans en vue de préparer ma réintégration aux Finances.
« Je tombe malade payant sans doute la fatigue accumulée dans la dernière période de mon mandat à la Fédération. Je demande à aller au Secteur International pour travailler sur les questions de léconomie internationale. Javais travaillé sur la possible rénovation de la FSM, sans doute avec beaucoup dillusion. On travaillait, mais léchec du congrès de décembre 1990 de Moscou était déjà évident. Je métais donc investi beaucoup dans les questions économiques internationales. Je demande à aller dans ce Secteur. Mais Véronèse, qui pouvait être intéressé, semble refuser.
« Je me retrouve, en fait sans que je lai souhaité, à la demande de Gérard Alezard, au Secteur Economique.
« Là, jai une discussion franche avec Louis, qui me demande une réponse précise : Est-ce toi qui a fait le choix daller au Secteur Economique ? Je lui réponds : Je nai pas fait de choix. Jai demandé à aller au Secteur International afin de moccuper des questions économiques internationales et cela pour un temps limité. Cest vous là-haut qui me mettez là. Ny vois aucune interprétation. Pour moi, tu le sais très bien, seuls mintéressent les débats de fond. Jai de lamitié pour Gérard, tu ne me la feras pas changer, mais je ne mengage pas dans un clan.
« Je pense que Gérard Alezard avait discuté avec Véronèse. Il avait dû aussi voir Lomet. Ils ont apparemment mis Louis devant le fait accompli, sans que moi je lai souhaité.
« Au total, cette affaire me permet davoir une explication franche avec Louis et, y compris, de commencer à développer un dialogue avec lui sur ses choix. Je pense que cest un moment important. Jen ai le sentiment. 1993-1994, cest un moment très important dans la vie de la CGT. Louis arrive dans les circonstances que lon connaît. Il fait le choix des évolutions quil va intégrer dans sa démarche : lentrée dans la CES, la rentrée dans le jeu négociatoire et lunité des syndicats.
« Létape suivante, cest le congrès de la CGT en 1995, en plein mouvement revendicatif. Je fais une intervention au congrès qui, à lépoque, na pas suscité de remous, mais cest une intervention dans laquelle je posais plusieurs questions très clairement levant toutes les interrogations que je pouvais encore avoir. Cest net à propos de lunité alors que lon était en pleine action de 1995 et dans u antagonisme CGT CFDT. A la tribune du congrès, dans son intervention, Louis répond à la discussion générale en disant : Oui, lon continuera une stratégie dunité. Pour moi, cest le tournant. Après, je commence à travailler très directement avec lui.
« Il mavait laissé entendre que je devrais être au Bureau confédéral mais quil y avait plusieurs oppositions. Il me propose de travailler avec lui assez régulièrement. »
Cest dans ce contexte, quun an plus tard, Jean-Christophe Le Duigou quitte le CN
En 1999, il sera élu au Bureau confédéral de la CGT.
1996 : FOURNIER QUITTE LE CN
Jean-Louis Fournier est élu au Bureau confédéral en 1995 :
« Cest une sollicitation de Louis.
« Au 45e congrès, il y a un choix qui est fait, celui dessayer de travailler lidée de double responsabilité : responsabilité dans une fédération et responsabilité nationale. Avec lidée de confédéralisation de lactivité. On en discute avec Louis. Je partageais cette idée et je savais les difficultés que la FD et ses syndicats avaient, après la période Sainjon, à recueillir la confiance. Tout est à reconstruire et une place est à retrouver pour la Fédération des Métaux qui avait, toujours avec Sainjon, une image complètement dégradée vis-à-vis des UD et des autres FD. Il venait à la CE confédérale, se tirait après le rapport et puis tu ne le voyais plus. Quelle image de la FD des Métaux et, en plus, ses interventions cétait donneur de leçon. Donc, des liens à reconstruire, reprendre la place que la FD naurait jamais dû perdre.
« On est plusieurs à monter ainsi au Bureau confédéral : il y a Maryse Dumas, il y a Jacqueline Garcia, il y aura, un peu plus tard, Bernard Thibault.
« Louis a eu une période ultra compliquée à son arrivée, entre le 44e et le 45e congrès et là il y a une équipe nouvelle qui arrive. Il y a du sang neuf qui arrive. Cela crée une dynamique nouvelle qui va permettre dengager des transformations. Lorientation qui est prise implique les FD et en même temps crée de nouveaux liens entre elles.
« Moi, à la FD, cela mest vraiment très utile. Il y a besoin dun esprit critique au bon sens du terme pour ne pas gérer une situation mais essayer de la transformer. Et cela, cest compliqué.
« Cest pour cela que, malgré que jen avais déjà beaucoup sur les épaules, jaccepte. Je pense que la vie a montré que cela navait pas été mauvais. Lidée était intéressante. »
Un an plus tard, il quitte le CN :
« Déjà lors du congrès précédent, javais eu une discussion avec Rolande Perlican, responsable des cadres, et Alain Bocquet.
« Avec ce que javais sur les épaules, je ne pouvais plus être dans la cellule, dans la section afin davoir au CN le moyen dintervenir sur des choses sur lesquelles je travaillais directement. Dailleurs, à cette période, je nintervenais pratiquement pas. Je ne me sentais pas en capacité de le faire compte tenu de cela.
« Là, jai une discussion avec Claude Billard qui me dit : Restes un peu. Mais, je nai plus le temps matériel de minvestir dans la vie du Parti. Certains mont dit : Tu es bien scrupuleux, il y en plein qui nont pas ces scrupules. Jai dit : Libre à eux dintervenir en étant complètement hors de lactivité, mais vous ne me ferez pas faire cela à moi. Je ne me sens pas moins communiste, mais je ne suis plus dans lactivité quotidienne du Parti. Quand jétais chez Renault, javais un lien quotidien avec lactivité du Parti. A présent, je voyais cela de loin. Je navais plus le temps matériel. Je préfère donc me retirer. »
En 2003, suivant son souhait, il ne sera plus candidat à la CE confédérale.
1996 : THIBAULT ENTRE AU CN
Portrait
Bernard Thibault naît à Paris, en 1959.
A 15 ans, il entre comme apprenti à la SNCF. Il obtient un CAP de mécanique générale. Il est embauché et affecté au dépôt de Paris La Villette.
Il adhère à la CGT.
Six ans plus tard, il devient secrétaire général du syndicat :
« Jétais secrétaire dun syndicat de cheminots dans un environnement où il était quand même de tradition que les principaux responsables syndicaux soient au Parti. Donc, jétais un peu une exception dans le panorama. Je nétais pas membre du Parti et jétais proposé pour être premier responsable dun syndicat. Il y a beaucoup de pressions amicales pour me faire adhérer au Parti. Je résiste. Pour moi, cétait un gage pour mon indépendance syndicale. Au motif que jétais secrétaire du syndicat, je considérais que je devais minterdire un engagement politique partisan quelque part. Cétait, pour moi, incompatible avec le mandat syndical que javais. Cétait ma grille de considérations.
« Il y a même des camarades qui me font assister à des réunions politiques sans que je sois membre du Parti. Mais je reste sur cette posture-là. »
Cette posture va être la sienne durant trois ans, puis, en 1986, il adhère au PCF :
« Ce qui me fait changer, cest le conflit de 1986, le très long conflit où on est en grève à Noël et au Jour de lan. Le mouvement part sans que la FD en soit à lorigine et, après un petit peu dhésitation, la CGT assume ses responsabilités. Laffrontement est dur. Cest Chirac qui est Premier ministre à lépoque. Cest là où lon voit, dun côté, Mitterrand recevoir des grévistes, et, de lautre, Chirac qui nous affronte avec la volonté de dresser les usagers contre nous. Lon parvient à faire supprimer le projet de rémunération au mérite mais la fin du conflit est pleine damertume.
« Je prends conscience de la dimension politique des situations. Même en se battant syndicalement comme il faut, en ayant un rapport de forces syndical très important, on ne peut pas faire comme si lenvironnement politique était totalement négligeable. Je décide donc dadhérer au Parti. Cela juste après le conflit, en janvier février 1987. »
En 1989, à 30 ans, il est élu à la CE confédérale :
« Cest une candidature réfléchie par la FD.
« Je pense que Georges Lanoue avait déjà un peu lidée que je lui succède. Je ne me souviens plus combien on était à la CE à lépoque, cent vingt ou quelque chose comme cela, un volume qui autorisait certaines organisations à préparer un peu lavenir. Mais, lon ne mavait pas explicitement justifié cette proposition comme pouvant être de nature à préparer le passage de témoin au sein de la Fédération des Cheminots. »
Lannée suivante ce passage de témoin semble être confirmé, puisquil devient secrétaire général adjoint de la fédération. Il lest, en tout cas, complètement en 1993, année durant laquelle il en est élu secrétaire général.
Depuis son adhésion au PCF, il est resté simple adhérent :
« Je participe à quelques réunions. Je nai pas de responsabilités au sens structurelles. »
En 1996, il est élu au CN :
« Cest Jean-Claude Gayssot qui joue un rôle pour susciter cette proposition. Ma candidature est proposée par la Fédération de Paris du PCF.
« Il y a le mouvement de 1995 qui, aussi bien du côté syndical que du côté politique, a des répercussions.
« Je ne vis pas ma candidature en opposition avec ma volonté dindépendance syndicale. Même si Louis Viannet et François Duteil quittent le Bureau national au même moment, le sens de ma candidature ne soppose à ces départs.
« Autant je peux comprendre ceux-ci, autant je ne les compare pas à lacceptation qui est la mienne. Celle dêtre dans un collectif national beaucoup plus vaste, dont la mission est beaucoup plus large que celle dun collectif réduit de direction. Puis, je ny suis pas le seul en tant que responsable syndical, il y en a dautres. Cest une formation très large, de plus de deux cent membres, qui est très différente du Bureau national.
« Pour moi, il ny a pas du tout la même dimension de représentation. Cest pour cela que je relativise ce que cela peut représenter.
« Par ailleurs, cela correspond à une période où le Parti lui-même réfléchit à la composition de son collectif de direction nationale et où il envisage davoir des syndicalistes dun profil nouveau que celui des seuls dirigeants CGT de fédérations syndicales. Cest aussi cela qui mamène à dire que je suis favorable pour contribuer à cette évolution-là.
« Mais, en même temps, je maperçois que cela est difficile de sortir de la grille de représentation qui existe dans les organes dirigeants du Parti. Inévitablement, pour certains et même pour beaucoup, parce que historiquement cela a été comme cela, il y a les syndicaux, les dirigeants de FD, et les autres. Il y a des catégories. Cela me gêne, parce que mon apport est entendu comme celui dun dirigeant syndical et moi je souhaite mimpliquer avec lapport de tout militant politique.
« Je vois que lon arrive à des limites. »
1996 : COHEN EST ELU AU CN
Portrait
Denis Cohen est né en 1953 dans une famille ouvrière non militante syndicalement et politiquement :
« Mon père est italien, né en Egypte et viré dEgypte au moment de la première guerre israélo-arabe, puisquil est dorigine juive. Il se retrouve en France. Il est monteur électricien chez Erikson. Il nest ni syndiqué ni communiste. Il vote régulièrement communiste aux municipales et régulièrement socialiste aux législatives, sur lambiguïté avec Israël.
« Ma mère vote communiste, parce que le Parti défend les ouvriers. »
A 16 ans, il quitte la maison familiale.
Il passe des concours pour entrer dans les écoles professionnelles de la SNCF et dEDF :
« A lépoque, ces écoles professionnelles étaient une promotion pour les fils douvriers. Je suis reçu à EDF. »
Il en sort technicien à dix huit ans et demi et adhère à la CGT :
« Le jour où jadhère à la CGT, je navais aucune notion de ce quétait le monde ouvrier. Au militant du GNC qui sapprête à me remettre ma carte syndicale je demande comment je dois faire pour adhérer au Parti, car javais des copains qui étaient au Parti. Il ma engueulé. Cest un autre militant du syndicat ouvrier employé qui ma fait adhérer aux deux, au Parti et à la CGT. »
Il devient secrétaire du syndicat de son centre en Seine-Saint-Denis et milite à Paris pour le Parti.
Cest dans cette période quil évoque son « premier souvenir de problème de rapport du syndicat au politique » :
« Vers 1976, je me rappelle une conversation avec Heckli, qui était à lépoque le secrétaire à lorganisation de la Fédération de Paris du PCF. Il me demande de passer à la CFDT. Il ne mavait pas échappé que Fiszbin narrêtait pas de parler de la CFDT, mais on ne mavait jamais fait ce coup-là. »
Il devient secrétaire de la Section Popaincourt du PCF dans le 11ème arrondissement, puis crée la cellule sur son lieu de travail :
« On était 35 communistes à lépoque dans la cellule. Mais, je nétais pas le secrétaire de cellule. »
Evoquant cette période, il indique :
« Jétais un mec heureux. On faisait 96 % pour la CGT aux élections professionnelles. Jaimais mon boulot. Je navais pas du tout lintention de devenir permanent, ni de monter à la FD, jusquau moment où François Duteil ma coincé. »
En juin 1989, à 36 ans, il devient, remplaçant François Duteil, secrétaire général de la Fédération de lEnergie CGT.
En mai 1989, il venait dêtre élu à la CE confédérale :
« Cétait une candidature de la FD. Je suis devenu secrétaire général de la fédération juste après. Cétait la prise en compte du fait que jallais le devenir. Cela faisait partie de la promotion des cadres. Cétait lidée de maider.
« On est dans cette logique-là, le jeune militant à qui lon co,nfie des responsabilités et que lon met en situation davenir. »
En décembre 1996, il entre au CN :
« La question sétait déjà posée deux congrès auparavant. On mavait sollicité pour devenir membre du Comité central, à lépoque.
« Jétais déjà dans la Commission Services publics et dans la Commission Orga du Parti. Cest René qui mavait posé la question. Mais javais considéré que ce nétait pas le moment daccepter. Jétais en situation de prendre la dimension de la fédération et donc cétait une question de charge de travail et de disponibilité.
« Je métais toujours dit que le jour où jaccepterais je prendrais une responsabilité. Je ne voulais pas y entrer en tant que communiste syndicaliste, mais comme un dirigeant communiste en tant que tel. A lépoque, il y avait encore la démarcation entre communistes syndicalistes et communistes non syndicalistes.
« Je préférais avoir à traiter de la vie du Parti que des services publics, parce chaque fois que je parlais de cette question-là, que je le veuille ou non, cétait le secrétaire de la fédération qui parlait en même temps.
« Mon acceptation a été motivée par lidée de mutation, qui se voulait une rupture. La question de refonder le communisme me plaisait. Cest en cela que jai dit oui. En plus, à la fédération léquipe était constituée, ce qui me laissait la possibilité de faire des choses. »
Lon peut observer quavec les arrivées au CN de Bernard Thibault et de Denis Cohen, il sagit du même type dengagement : des syndicalistes, qui ne situent pas leur entrée au CN comme fondée par leur position de syndicalistes mais qui entendent, en tant que communistes, jouer un rôle dans lévolution de leur Parti.
1997 : THIBAULT ENTRE AU BC DE LA CGT
« Cest Louis qui me sollicite.
« La question sétait déjà un peu posée en 1995, au moment du congrès que lon a pendant le grand mouvement. Je venais dêtre élu secrétaire général de la FD et donc javais coupé court en considérant que ce nétait pas sérieux. Jétais à peine à mimprégner de la responsabilité de secrétaire général. Ma priorité cétait les cheminots.
« La disparition, en 1997, de Michèle Commergnat, qui occupait une place importante, amène Louis à réfléchir à un nouveau dispositif. Maryse Dumas avait été intégrée au Bureau un peu plus tôt. Elle a vu son rôle redimensionné. Mais, sest posée la question de renforcer léquipe. Cest à ce moment-là que la question est revenue.
« Commençaient à poindre les débats concernant la succession de Louis.
« Jai accepté dans léquilibre des responsabilités. Ma venue au Bureau confédéral ne saccompagnait pas de mon départ de la FD. Cétait aussi une manière davoir un Bureau accroché au quotidien à des organisations. Ce deal sest noué, même si je savais bien quéventuellement, après ce qui sétait passé en 1995, la problématique de la succession de Louis pouvait être présente dans les esprits. »
1999 : THIBAULT EST ELU SECRETAIRE GENERAL DE LA CGT
Interrogé par nous afin de savoir si cette élection modifie son rapport à sa participation au CN, il nous répond :
« Non, mais, en même temps, je sais bien que je suis dans une configuration où la moindre expression de ma part au CN, plus quauparavant, sera teintée de la dimension syndicale.
« Je perçois que le fait de pouvoir livrer mes convictions personnelles dans le débat politique du CN est plombée par ma responsabilité syndicale, que si je le fais il y a le risque d emmener avec moi ceux que je suis censé représenter syndicalement et que je nai pas droit de le faire en regard de lidée que je me fais de la CGT. Je nai pas le droit dusurper le mandat syndical qui est le mien pour le mettre au service dune démarche qui ne correspond pas au choix de tous les adhérents de la CGT. A ce titre, je commence à mautocensurer.
« Donc, je ninterviens jamais dans les débats.
« Cest aussi une période où lon a des compte rendus du CN qui sont de plus en plus exhaustifs. Inévitablement, cela donne de la puissance à ce que pouvaient dire les uns et les autres. Au point que certains débats sont un peu viciés dans la mesure, enfin cest mon sentiment, que daucuns avaient plus pour objectif que leurs interventions paraissent dans LHumanité que de lapport quelles constituaient pour le débat lui-même.
« Cette amplification donnée aux propos de chacun mincite encore davantage à une certaine prudence, à une réserve objective par rapport à ce que je pourrais dire, parce que cela est susceptible dêtre exploité.
« Ce qui nétait pas le cas lorsque je pouvais avoir des conversations informelles avec tel ou tel dirigeant du Parti. Cela navait pas la même résonance. Ce que je pouvais y livrer, là, nétait pas mis systématiquement au compte de la CGT. »
1999 : VIANNET QUITTE LE SECRETARIAT GENERAL DE LA CGT
A propos du rôle quil joue dans le choix de son successeur Louis Viannet nous indique :
« Non seulement jai joué un rôle, mais jai usé de la salive. Cest incroyable ce que jai pu user comme salive.
« La première discussion que jai eue avec Bernard, dans la période où lon préparait sa montée, je lui dis : Voilà, je pense à toi. Il était au quatrième dessous. Sa réponse a été un non massif et catégorique. Je me suis dit : Ce nest pas gagné.
« Or, javais commencé à tâter le terrain et à discuter avec des camarades. Il fallait bien que jai une position de repli si il refusait. Il y avait vraiment un consensus de tout le monde sur Bernard. Ensuite, une bonne partie du Bureau confédéral évoquait Maryse Dumas. Elle, mavait très honnêtement informé que sa réponse était non.
« Jai revu Bernard trois fois sans succès. Alors, jai fait travailler quelques réseaux. Jai discuté avec Georges Séguy en lui disant : Il faut que tu me donnes un coup de main. Ils étaient tous deux cheminots.
« Et puis, plus tard, un jour je mange avec Bernard, je reviens sur le sujet et je sens quil a un peu réfléchi, mais il me dit : Il y a une condition, cest que je veux absolument garder mes liens avec le Parti. Je lui dis : Il ny a pas de problème. Tu verras toi même comment tu géreras les choses. La phase où lon en est du processus dindépendance syndicale nimplique pas de reniement. Je ne te demanderais jamais dêtre un communiste clandestin. »
Quant à limplication du PCF dans le choix de Bernard, Louis Viannet nous indique :
« Là est vraiment le grand changement. Non seulement je nen parle pas à Robert Hue mais alors quil a dépêché auprès de moi plusieurs messagers pour essayer de me faire dire qui dans léquipe allait me succéder, je ne lai informé personnellement quaprès que la CE de la CGT ait été associée à la discussion sur mon remplacement. Je lui ai dit : Dans les discussions que tu vas avoir, il faut que tu fasses comprendre que maintenant les décisions de la CGT sont prises à la CGT. Cest un positionnement auquel les camarades doivent shabituer.
« Antérieurement à cela, javais déjà demandé une rencontre avec le Parti sur les rapport CGT partis. Javais dit lors la rencontre : Il y a des pratiques quil faut changer. De nôtre côté lon va essayer dy contribuer mais il faut que le Parti aussi le fasse. Par exemple, aujourdhui, quand le Parti décide dapprofondir un certain nombre de problèmes, il crée des commissions et y invite un ou deux communistes qui militent à la CGT, se considérant ainsi en règle avec elle. Je ne suis pas daccord. Je ne serais pas choqué, en revanche, que le Parti écrive à la CGT pour lui dire quil lui propose une rencontre de travail sur tel ou tel problème afin de connaître sa position. Cest ce qui se fait avec le Parti socialiste. Je pense que javais à peu près convaincu Robert Hue, mais il a été battu dans son staff. Il na pas pu faire passer cela. Je pense que maintenant quelque chose est en train de se passer mais tout nest pas réglé. Il y en a qui travaillent par dessous, ils forment des groupes de travail sans rien dire à personne. Cest maladif, cest plus fort queux. »
1999 : LEONARD QUITTE LA CE DE LA CGT
Elle nous indique :
« Je vis très bien ce départ. La décision que je nirais pas au-delà de 1999 était prise depuis le 45e congrès. Cela était acquis individuellement et collectivement.
« Individuellement, parce que secrétaire confédérale depuis très longtemps jétais acquise à tout ce que lon travaillait déjà sur le renouvellement, le rajeunissement, etc. Cela mallait très bien. Donc, de mon propre chef, cétait décidé, cétait arrêté.
« Et puis, dautre part, on sétait dit au dernier congrès que lon sengageait à renouveler léquipe quasi totalement pour le prochain congrès.
« Donc, jétais à la fois à laise pour moi et à laise collectivement puisque jétais impliquée dans une démarche de renouvellement quasiment total du Bureau confédéral.
« Jai vraiment vécu très bien le congrès où je pars. De plus, il y avait lélection dun jeune secrétaire général que javais eu la chance de connaître un peu au Bureau confédéral. Jétais enthousiasmée par larrivée de Bernard Thibault et les choses se passaient très bien avec Louis Viannet. Il ny avait pas de conflit.. Il y avait de vrais débats au Bureau confédéral sur des bases claires. Il y avait une liberté de parole. Je navais pas le sentiment, contrairement à auparavant, que certains étaient plus au courant que dautres. On sy exprimait en transparence et à égalité. Ce que lon disait était pris en compte, soutenu ou contesté mais ne tombait pas à plat. La période précédente de tensions était complètement dépassée. »
Lannée suivante, Jacqueline Léonard, « un peu en lien », dit-elle, avec ce départ de la direction de la CGT, quitte le CN.
1999 : PAGE QUIITE LA CE DE LA CGT
Il ne sagit pas dun départ à sa demande. Il sen explique :
« Lorsque Louis est devenu secrétaire général en 1992, jétais à lUD. Il ma dit quil voulait que je vienne travailler avec lui sur lInternational. Moi, cela mallait bien, parce que je voyageais beaucoup, javais beaucoup de contacts à létranger et javais déjà travaillé pour le Département International. Déjà en 1977, René Duhamel avait proposé à Foucard que je vienne y travailler. A lépoque, cest moi qui avait établi des relations avec les syndicats yéménites. Je faisais des missions. Et puis, cela ne sest pas fait, parce que jétais destiné à autre chose. Mais, lorsque Gilbert Julis a quitté le Département International, il a dit à Henri Krasucki quil pensait à moi pour son remplacement, bien quà ce moment-là il y avait Galland. Henri a dit : On continue avec Galland. Ceci étant, je nétais pas un inconnu des activités internationales.
« Donc, jarrive au Département International. Cela me plaisait beaucoup et je my suis énormément impliqué. Ce nétait pas une période facile, puisque lon quittait la FSM. Jai beaucoup participé à cette opération, puisque cest moi qui participait aux réunions, sauf celles du Conseil présidentiel. En même temps, on essayait délargir le champ de nos relations. On avait mis au point une stratégie qui sest révélée payante puisquau 45e congrès il y avait eu de très nombreuses délégations étrangères, y compris certaines fédérations de lAFL-CIO. Il y avait eu le voyage de Louis aux Etats-Unis, le rétablissement de nos relations avec les Chinois. Il y avait aussi notre action vis-à-vis de la CES.
« Je faisais également un certain nombre de missions pour le compte de Louis, qui navaient pas le coup de tampon officiel. Javais beaucoup de contacts syndicaux et politiques. Cest à ce moment que je suis devenu membre du Bureau de la Commission de la Politique extérieure du PCF. Je travaillais avec Francis Würtz.
« En 1997, lon a eu des discussions avec des dirigeants syndicalistes de la gauche de lIG Metal, avec des syndicalistes membres du secrétariat de la CGIL, des Commissions ouvrières, etc. Dans ces organisations où le courant social-démocrate était aux commandes, ces syndicalistes représentaient un courant de lutte, revendicatif. On a commencé à se voir régulièrement, à Paris, à Rome, en Espagne, en Allemagne. Louis était informé dans les moindres détails de ces rencontres. On discutait beaucoup avec eux, non pas comme cela a été écrit en vue de constituer une tendance de gauche dans la CES, mais parce quil y avait un besoin déchange à partir dun point de vue critique sur le syndicalisme en Europe, notamment vis-à-vis de la CES. On discutait sur les contenus revendicatifs, la stratégie de la CES. Louis était informé de tout.
« Et puis, il y a eu une connerie de faite. Ces rencontres ont été connues. Tout se sait, tôt ou tard. Il y a eu un article dans Le Figaro, un bon quart de page, qui expliquait que la CGT pratiquait le double langage, que pendant que Viannet faisait les yeux doux à la CES, son bras droit, dirigeant du PCF, organisait la gauche en Europe. A ce moment-là, il y a eu de fortes pressions de la CFDT et de la CES sur la CGT, à propos des conditions dadmission de la CGT à la CES.
« Evidemment, à la CGT, cela a eu du retentissement. Un certain nombres en ont profité pour me porter un coup, pour affaiblir la position que javais et que certains trouvaient excessive. Lon ma donc fait comprendre que cela nous mettait dans une position impossible.
« La pression exercée par la CFDT a porté sur quatre conditions mises de sa part à son accord pour notre entrée à la CES : larrêt de nos campagnes anti-CFDT, larrêt de notre soutien aux tendances anti-Notat dans la CFDT cest lépoque où Viannet avait eu une standing ovation au congrès de la CFDT et Notat sétait fait siffler -, le départ de la FSM de nos deux fédérations de la Construction Bois et de lAgroalimentaire qui y étaient encore affiliées, le changement dorientation du Département International.
« La CFDT a levé son veto. Tu en tires les conclusions que tu veux.
« A ce moment-là, ma position devenait très difficile. Il a été décidé de ne pas me reconduire à la CE. »
Lannée suivante Jean-Pierre Page quitte le CN, sans « relation de cause à effet », dit-il, tout en évoquant « une espèce de parallélisme entre lévolution du Parti et de la CGT dans laffaiblissement et lappauvrissement ».
1999 : COHEN QUITTE LA CE DE LA CGT
Denis Cohen explique :
« Au moment où la question de la parité hommes femmes à la CE confédérale a été posée, jétais monté très fort au créneau en disant : Une fois que lon décide la parité, il faut aussi accepter quil y ait des hommes qui sortent de la CE, sinon on ny parviendra pas. A lépoque, jétais déjà sur lidée de ma succession à la fédération comme secrétaire général jai été élevé en orga par Warcholak et son idée de changement de mandat au bout de neuf ans.
« Mais, je nai pu partir à ce moment-là, la bataille était trop intense dans la fédération sur la question de la déréglementation et des décisions de mise en uvre de la directive européenne concernant lénergie.
« On avait travaillé sur des possibilités de succession, parmi lesquelles figurait Jacqueline Lazarre. Jai donc retiré ma candidature pour laisser passer la candidature de Jacqueline.
« En plus, Louis connaissait Jacqueline Lazarre et il souhaitait quelle prenne des responsabilités. Cela nous allait bien. On pouvait la mettre en formation au Bureau confédéral pour être en situation de préparer la succession pour la FD. »
LA MANIFESTATION DU 16 OCTOBRE 1999
Le 8 septembre 1999, lors de la présentation de ses résultats semestriels en progression de 20 % , le groupe Michelin annonce un plan de restructuration prévoyant la suppression de 7 500 postes en Europe en trois ans. Les jours suivants, le PCF demande au gouvernement de réagir concrètement. Les syndicats CGT, CFDT, FO et CFE-CGC dénoncent la suppression des 7 500 postes. Le 15, les groupes communistes de lAssemblée nationale et du Sénat demandent à L. Jospin dinscrire à lordre du jour du Parlement leur proposition de loi relative aux licenciements pour motif économique.
Le 12 septembre, à La Courneuve, lors de la Fête de LHumanité, Robert Hue prononce un discours appelant à une manifestation nationale contre le chômage, suite à lannonce de la suppression par Michelin de 7 500 emplois.
Cette manifestation nationale est destinée à réclamer un moratoire sur les licenciements, la transformation de tous les emplois-jeunes en emplois durables et une seconde loi sur les 35 heures plus justes. Le 13, Dominique Voynet, ministre de lAménagement du territoire et de lEnvironnement, la juge inutile dans la mesure où le gouvernement a fait de lemploi sa priorité.
Le même jour, au journal télévisé de France 2, le Premier ministre prend lengagement, dans le cadre de la « deuxième étape » de laction gouvernementale, prend lengagement de poursuivre prioritairement la lutte contre le chômage. Il indique son opposition au contrôle administratif des licenciements au motif quil nest pas possible d « administrer léconomie ». Il critique le caractère « choquant » des suppressions demplois annoncées par le groupe Michelin et lance un appel aux salariés et aux syndicats de Michelin à se mobiliser. La CFDT exprime son scepticisme quant à lefficacité de la mobilisation des salariés contre les suppressions demploi dans le groupe Michelin. La CGT approuve lappel à la mobilisation de L. Jospin.
Le 14, la CFDT et FO rejettent la manifestation au nom de la nécessaire distinction des fonctions syndicale et politique, la CGT et la FSU exprimant des réserves. Les Verts et le MDC se déclarent favorables. Le PS se déclare prêt à discuter dune éventuelle participation.
Le 15, le PCF appelle le gouvernement à ne pas se résigner à la loi des marchés.
Le 19, au Grand jury RTL Le Monde LCI, D. Voynet revient sur sa position et donne son accord de principe, mais déplore la confusion entre la responsabilités des partis de gouvernement et celles des « contre-pouvoirs ». Du 20 au 23, le PCF organise des rencontres bilatérales sur la préparation de la manifestation, dont la date est fixée au 16 octobre. Le 20, il rencontre le PS. Les 21 et 22, il rencontre la LCR et LO qui participeront à la manifestation en défendant leurs propres revendications. Le 22, il rencontre le MDC, qui soutient la manifestation mais souhaite une déclaration préalable des partis de la majorité. Le 23, les Verts donnent leur accord de principe, mais souhaitent un élargissement de la mobilisation aux syndicats et aux mouvements de chômeurs. Le 27, dans LHumanité, Robert Hue définit la manifestation du 16 octobre comme un « premier rassemblement contre le nouveau capitalisme » et assure que son objectif nest pas de déstabiliser le gouvernement mais de le « mettre en phase avec le pays réel ». Le 28, François Hollande, premier secrétaire du PS, refuse de défiler avec des organisations mettant en cause « le sens même de laction gouvernementale. »
Bernard Thibault sexplique notamment sur les rapports de la CGT avec le PCF.
Le 4 octobre, les Verts décident de participer à la manifestation pour lemploi du 16 organisée à linitiative du PCF, en dépit des réserves de Dominique Voynet. Le 5, le PS décide de ne pas y participer, sauf Jean-Luc Mélenchon, sénateur de lEssonne et animateur du courant de la Gauche socialiste. Le 7, la CGT décide de ne pas figurer parmi les organisateurs de la manifestation en raison du caractère « politique » de celle-ci et appelle ses membres à se déterminer personnellement.
Alain Bocquet, président du groupe communiste à lAssemblée nationale, sexplique notamment sur la manifestation organisée par le PCF et les relations avec la CGT.
Robert Hue le fait aussi, notamment sur les relations entre le PCF et la CGT.
Bernard Thibault fait une déclaration sur la prise de position de la CE de la CGT à propos de la manifestation du PCF, les relations entre le PCF et la CGT et la participation des salariés au débat politique, le 8 octobre.
La CE de la CGT fait une déclaration sur sa décision de ne pas se positionner comme organisateurs de l manifestation appelée par le PCF.
Le 12, Bernard Thibault annonce sa participation « à titre personnel ». Dans une déclaration commune, les ministres communistes apportent leur soutien à la manifestation sans toutefois y participer. Le PS critique le caractère ambigu des slogans de la manifestation.
Alain Bocquet sexplique notamment sur la préparation de la manifestation et les relations entre le PCF et la CGT.
Robert Hue aussi.
Le 14, une centaine de personnalités du monde syndical et associatif publient une pétition dont ils sont signataires, revendiquant « lautonomie du mouvement social ».
Robert Hue continue de sexpliquer.
Bernard Thibault nous explique :
« Linitiative est construite dabord par des partis qui sont dans une problématique qui est la leur. Ils prennent linitiative de concevoir un rendez-vous avec un contenu : les licenciements. Là ou cela coince dans la conception, cest un peu le départ. Cest dans cette idée quautomatiquement dès lors que lon est sur un sujet qui préoccupe les uns et les autres, il suffirait que des organisations prennent linitiative pour que les autres sy rallient.
« Au-delà du fait que notre approche syndicale du problème de lemploi était un peu différente de la manière dont linitiative était conçue, ce que lon a voulu essayer de marquer à cette occasion cest quil ny avait pas dautomaticité de ce point de vue et que ce nétait pas au motif que des partis prenaient une initiative que pour autant lorganisation syndicale devait obligatoirement sy rallier. Ceci même si le sujet quils souhaitaient porter venait en résonance avec nos préoccupations.
« Cest la raison pour laquelle notre choix a plutôt consisté nos adhérents libres de se positionner en regard de cette initiative, sans que pour autant lorganisation soit partie prenante de ce rendez-vous là.
« Alors, cest vrai que cela a un peu surpris et fait débattre, parce que cela nétait pas très classique. En même temps, je crois que cela a contribué à mieux nous faire comprendre dans la démarche que lon essayait dimprimer : une démarche autonome au sens sain du terme, cest-à-dire pas insensible à ce que peuvent faire dautres forces mais, en même temps, soucieuse de ses propres prérogatives et de sa propre mission et non uniquement, comme lévoquait certains, une force dappoint à certaines initiatives.
« Cest cela qui a un peu chahuté. Il était acquis, en quelque sorte, que dès lors quun certain nombre de partis étaient daccord pour ce type dinitiative inévitablement la CGT suivait. Non, cela ne peut pas marcher à tous les coups. »
Plus précisément, prenant en compte précisément la situation politique du moment, il ajoute :
« On est dans un débat récurrent au sein de la gauche plurielle sur ce quil convient de faire en matière demploi. Il est évident que lon perçoit bien que, à notre corps défendant, on peut être utilisé dans les rapports entre les partis.
« Or, notre objectif, en tant que syndicat, nest pas de dire quel parti aurait raison. On a des revendications en matière demploi, mais on ne peut pas être utilisé comme arbitre dans le débat entre les partis. Dans dautres périodes, la CGT a joué le rôle de facilitant. Je pense au Programme commun. Ceci a conduit à des hauts et des bas sur les ambitions que sassignaient la CGT. Il y eu des périodes où la manière dont la CGT a essayé de contribuer à ce que des réponses politiques coordonnées au sein de la gauche se précisent a pu être une aide. A dautres moments, cela a été le contraire. On était au centre du tourbillon qui opposait les partis entre eux. Cette expérience ne nous a pas fait fuir la dimension politique des situations, mais nous a conduit à préserver lorganisation pour ce quelle doit être en toute circonstance. Cela a pour conséquence notre volonté dapprécier, à chaque fois, quelle est lattitude, la position, lexpression qui peut être la plus utile possible sans quelle ne soit instrumentalisée ou considérée au service de tel ou tel parti, ce qui permettrait de considérer que lon serait alors en dehors de notre mission et de notre rôle fondamental. »
Joël Biard nous indique :
« La décision de la CE de la CGT de ne pas participer ne ma pas posé de problème, car les conditions dannonce et dobjectif de cette manifestation ne portaient en germe, dans le contexte du moment, guère de possibilité de participation nationale des confédérations syndicales.
« Le véritable problème posé était celui de lutilité et de loriginalité de la participation communiste au gouvernement. »
2000 : CANALE EST ELUE AU CN DU PCF
Portrait
Christine Canale , née en 1960, est issue dune famille ouvrière de six enfants, dont elle est la dernière. Son père est dans le bâtiment, sa mère est ouvrière dans la métallurgie.
Tous les deux sont syndiqués à la CGT et, à lépoque, adhérents au PCF, dont ils resteront sympathisants après avoir lavoir quitté.
A 18 ans, elle est embauchée à lusine de salaison Olida, comme secrétaire administrative. Un an plus tard elle se syndique à la CGT :
« Certainement mon parcours familial ma rendue plus sensible aux injustices, aux inégalités, aux conditions de travail. »
Aussitôt, elle devient délégué du personnel, puis commence à fréquenter lUnion locale CGT.
A lépoque elle vote communiste mais ce nest que quelques années plus tard, en 1983, quelle adhère au PCF, à la cellule de lentreprise :
« Je me dis : maintenant il faut sengager, on ne peut pas que renvoyer cela aux autres, il faut sengager politiquement. »
Bientôt, en 1985, lentreprise ferme, après une lutte avec occupation des locaux de huit mois. La Fédération CGT de lAgroalimentaire lui propose de devenir permanente au niveau de sa région, Rhône-Alpes. Elle accepte et occupe cette responsabilité durant trois ans. Puis, elle milite à lUD du Rhône.
Sur le plan du militantisme politique, elle poursuit son activité dans une cellule locale de quartier et au Comité de Section et, en 1989, lors des élections municipales, elle est candidate pour le Conseil du 7ème arrondissement de Lyon. Elle nest pas élue immédiatement mais, très vite, elle doit remplacer un élu Vert, qui part :
« Jai trouvé que cétait intéressant. On pouvait faire des choses. On travaillait avec les associations du quartier. Javais senti lutilité du manda politique. »
Durant cette période elle participe à lactivité de la Fédération du Rhône du PCF et est élue au Comité fédéral.
Cest en 1999 quelle est élue à la CE confédérale de la CGT :
« Je pense que cela doit être une candidature proposée par mon UD dans le cadre de la question de la parité hommes femmes. Cest Christiane Puthod, la secrétaire générale de lUD, déjà membre elle de la CE confédérale, qui ma sollicitée. Jétais déjà engagée dans plusieurs collectifs de travail confédéraux sur les questions revendicatives. Peut-être avait-il eu des sollicitations mais je nen sais rien. »
Lannée suivante, elle est élue au CN :
« Jai été sollicitée par la Fédération du Parti du Rhône, laquelle le faisait dans le cadre de la volonté manifestée par le Parti à lépoque davoir dans la direction nationale des hommes et des femmes issus du mouvement social, du mouvement associatif, etc. La question de la parité était aussi posée, mais cétait surtout sous langle : tu es syndicaliste, le Parti a besoin dêtre en lien avec des hommes et des femmes qui sont sur le terrain du syndicat ; on a besoin davoir ce rapport avec le mouvement sociaL ; on ne te demandera pas de venir faire du syndicalisme dans le Parti, mais simplement dy exprimer ton apport original.
« Au départ, je ne voulais pas, parce que cela fait double responsabilité et change les débats dans la CGT sur lindépendance. En même temps, la façon dont cela avait été formulé, cette place que faisait le Parti aux acteurs au-delà de la sphère politique, me paraissait intéressant. Donc, cest dans ces conditions que jai accepté de prendre des responsabilités au Conseil national.
« Il était bien clair pour moi, dès le départ, que cela ne percuterait pas mon mandat et mes responsabilités dans la CGT, dont je partageais profond le positionnement dorganisation syndicale indépendante car je voyais bien à lUnion locale que cette question revenait avec les salariés, les syndiqués. Elle était très ancrée dans la culture de gens qui demandaient : Mais, pour être à la CGT, il ne faut pas être communiste ?. Jétais sur une position dindépendance syndicale, mais pas de neutralité syndicale. »
En 2002, elle nest plus candidate à ce qui est devenu, depuis lannée précédente, le Conseil national du PCF :
« Ils ne mont même pas proposé dy être, mais en tout état de cause je naurais pas voulu y être. Je participais de moins en moins, je ne me sentais plus à laise dans les débats quil y avait, la façon dont on travaillait. »
2000 : BOLZINGER EST ELU AU CN DU PCF
Portrait
Jean-Louis Bolzinger naît en 1953 dans une famille lorraine de commerçants, dont la sympathie politique va à droite, plus tard elle se traduira électoralement par le vote RPR.
Ses engagements vont être vécus de façon conflictuelle dans ce cadre familial.
Il commence par militer, au milieu des années 70, dans le syndicalisme étudiant en y occupant des postes de responsabilité et, parallèlement, est militant à la Jeunesse indépendante chrétienne :
« On appelait cela les milieux non ouvriers. Mais, on travaillait tout le temps avec la JOC. »
Il ajoute :
« En Lorraine, cétait le moyen déchapper à dautres milieux cathos, à lEglise. »
Il y exerce des responsabilités nationales :
« Jai toujours vécu dans différentes organisations en même temps, sans que cela ne me pose de problème.
« Jai toujours pensé quil fallait quil y ait des organisations, quelles quelles soient. Chacune à un rôle particulier. »
Il acquiert une formation dingénieur en génie chimique, à Nancy :
« A lécole dingénieurs on invitait des syndicalistes de la CGT à venir pour faire des exposés sur ce quils vivaient. Sur la manière de concevoir le boulot de cadre, il y avait déjà un certain nombre de repères que lon se forgeait entre nous. On réfléchissait à comment lon pouvait faire autre chose que ce que le patronat mettait dans la fonction de cadre. Je nai jamais bougé de cette logique-là. »
Il quitte la Lorraine pour venir à Paris. A ce moment, il est président de la JIC. Puis, il connaît une période de chômage.
Cest alors, en 1979, quil adhère au PCF :
« Mon adhésion au Parti se fait dans le cadre de ce qui sest passé en Lorraine, la situation de dégommage de lensemble de la région. Jai vu de près comment les choses se passaient et les seuls qui proposaient de réagir, qui proposaient autre chose, cétaient les communistes »
Il habite alors Poissy. Il est membre du secrétariat de la section du PCF de la ville :
« Dans mon quartier, on avait des centaines dadhérents ».
Au début des années 1980, toujours au chômage, il participe au conflit Talbot :
« Il y avait besoin de monde. Un jour, on a fait quelques milliers dadhésions en une journée. On avait les stylos qui étaient vides à remplir des cartes. Après les copains mont dit : Tu es ingénieur, il faut que tu fasses cela chez les ingénieurs. »
Quelques temps après, il est embauché chez Bull. Il adhère à la CGT, à lUGICT-CGT :
« Jétais dans une unité où il y avait 400 ingénieurs. Jai dabord créer la section ouvrière. On a syndiqué toute la cantine. Une fois la section ouvrière créée, cela a empêché les ingénieurs syndiqués à la CGT de ne soccuper que des ouvriers, qui, par ailleurs, étaient tout à fait capables de soccuper deux tout seuls. En fait, il y avait, comme dans beaucoup dendroits, un syndicat général dirigé par des cadres ayant un engagement très idéologique et qui pensaient quil fallait dabord soccuper des ouvriers. Cétait une forme de paternalisme déguisé. »
Chez Bull, il rejoint également la cellule dentreprise du PCF :
« Contre lavis du Parti jai décidé daller sur la cellule dentreprise. Jai lâché le militantisme sur la ville que je ne sentais pas bien. »
Deux ans plus tard, en 1985, la Fédération de la Métallurgie CGT lui confie des responsabilités nationales sur les cadres.
Dans la période, il est élu au Bureau de la Fédération du PCF des Yvelines :
« Je me suis fait élire contre mon gré. On mavait pris la tête. Javais refusé, mais je suis élu quand même. Jai négocié pour ne pas avoir de tâches.
« Je pense que je nétais pas pris comme syndicaliste. A la différence du secrétaire général de lUD CGT des Yvelines il y avait pour le Parti un tout autre rapport avec moi.
« Finalement, au Bureau fédéral, jai travaillé sue les tâches que javais choisies : les techniciens et cadres. »
Au début des années 1990, après avoir été délégué central de Bull, il devient permanent « de fait » à la FD de la Métallurgie :
« Chez Bull, jai une action syndicale et une action politique conjointe, car le fait quil ny ait pas de perspective politique dans la tête des gens cest un problème. Cétaient des engagements différents mais qui globalement allaient dans le même sens. Je lai vécu comme cela.
« En 1989, jai été élu administrateur après une bataille interne assez sanglante. Les vieux voulaient faire de la gestionnite. Nous, on avait lancé une dynamique revendicative très forte face à des copains qui avaient élaboré le Programme commun, avec la nationalisation de Bull, etc., enfin des gestionnaires den haut. Moi, ma génération était sur une autre dynamique, revendicative à partir de la situation des gens. On a fait une campagne très forte et on a gagné un siège de plus que ce que lon pensait.
« Il a donc fallu trouver un autre administrateur salarié. A partir du moment où je lai été, je me suis détaché. Jétais tout le temps à la FD des Métaux. La direction a mis deux ans pour me convoquer. Je leur ai dit que, sils voulaient, je pouvais passer tous les matins à lentreprise faire une prise de parole. Ils ont dit : Non, non. Ils ont négocié un détachement avec la FD des Métaux. »
Jean-Louis Bolzinger prend alors la responsabilité des ingénieurs, cadres et techniciens à la FD des Métaux.
Il est élu à la CE de lUGICT, puis indique-t-il :
« En 1996, jai dû faire un choix entre la Fédération des Métaux et lUGICT. Fournier veut que je vienne au secrétariat fédéral. Il y a discussion entre Fournier et Viannet et celui-ci me dit : Lenjeu majeur est davoir une UGICT qui retrouve ses marques. Donc, je fais le choix daccepter dêtre au secrétariat de lUGICT. Je cumule donc les deux responsabilités : secrétaire général de lUFICT-Métaux et membre du secrétariat de lUGICT. »
Trois ans plus tard, lors du 46e congrès de la CGT, il est élu à la CE confédérale :
« Jai été présenté par lUGICT, qui ma sollicité pour la CE confédérale. »
Dans la période qui suit, au niveau du PCF il prend linitiative dinitier un réseau des ICT :
« Parce quil ny avait plus de travail sur les techniciens et les cadres.
« Je pars des connaissances que jai et avec les anciens du réseau à Le Guen. On crée un collectif de caractère national que la direction du Parti intègre.
« Cest un réseau qui utilise beaucoup Internet. Je suis ingénieur informatique et cest le début dInternet. »
En mars 2000, il est élu au CN :
« Cest le secrétaire de la Fédération des Yvelines du Parti qui ma sollicité. Lui, était critique par rapport à la direction du Parti sur le travail de celle-ci. Il me dit : Toi, tu peux apporter là-dessus. Sur les ICT, il me disait quil y croyait. Moi, je croyais pas trop. Mais jai vu lintérêt dy être pour essayer davoir une réflexion politique plus poussée sur les ICT. »
2001 : THIBAULT QUITTE LE CN DU PCF
Il explique :
« Il y a un congrès du PCF. Cest un congrès où le Parti lui-même réfléchit à une évolution de ses organismes de direction. Je me dis que cest le bon moment pour partir, car ainsi mon départ sinscrit dans une démarche plus globale de révision des instances. Je pense que le non renouvellement de mon mandat va être un peu noyé par dautres changements qui ont lieu.
« Le fait est que cela na pas complètement été noyé quand même.
« Chacun remarque bien quil y a quelque chose de nouveau qui se passe à ce moment-là. Avec mon départ, il y a une dimension un peu particulière.
« Mais je dois dire que cela se fait en parfait accord avec Robert Hue. On était vraiment en phase tous les deux sur lidée : il faut le faire maintenant. »
Denis Cohen indique :
« Bernard nest jamais intervenu au CN. Je lui avais posé la question et il mavait dit : Si jinterviens, cest le secrétaire général de la CGT qui parle.
« Je comprends le choix de Bernard, mais je me dis aussi que si tu te débarrasses de cette question-là tu ne règles pas le problème.
« Donc, je ne regrette pas dêtre resté. Cest pas toujours facile à vivre, surtout dans la période où la position du Parti nétait pas comprise, mais je pense que cela mérite quand même de continuer. »
Christine Canale nous indique :
« Pour moi, cest un signe fort que la CGT veut montrer son indépendance pleine et entière. Jai compris à ce moment-là, quil y en avait besoin.
« On recevait les sondages qui martelaient que limage politisée de la CGT persistait, même si les militants pensaient que cela pouvait être évacué. Je me rendais compte, au fur et à mesure, que les choses nétaient pas évacuées. »
2001 : PUTHOD EST ELUE AU CN DU PCF
Portrait
Christiane Puthod naît en 1952 dans une famille ouvrière dun quartier populaire de Lyon, tout à côté de la Manufacture des tabacs.
Son père est laveur de carreaux et sa mère femme de ménage :
« On est quatre frères et surs. On nest pas riche. Mes parents ne sont pas militants. Mon père na jamais adhéré nulle part. Ma mère non plus. Ils ont toujours voté à gauche. Pour eux, ça voulait dire socialiste. »
A 17 ans, elle arrête ses études avec un brevet professionnel de secrétariat et technologie radiologie. Elle exerce de suite en radiologie et lorsque, en 1979, le diplôme dEtat de technicienne en radiologie sort elle lobtient.
Après avoir exercé dans de petits cabinets, elle est embauchée dans une clinique mutualiste de Vénissieux de 150 salariés, où existe un syndicat CGT. Elle est sollicitée pour adhérer à la CGT. En 1978, elle adhère à la CGT :
« Cela me paraît tout à fait logique dadhérer au syndicat.
« Je suis mariée avec quelquun qui est adhérent à la CGT, fonctionnaire territorial. »
Très vite elle est élue déléguée.
Dans la clinique où elle travaille se crée une cellule du PCF. Cest là, en 1979, quelle adhère au Parti communiste et participe à la vie de la section de Vénissieux.
Elle participe également à lactivité locale de la CGT et devient membre du secrétariat de lUnion locale CGT de Vénissieux. En 1981 :
« Bernard Vivant, le secrétaire général de lUL de Vénissieux, devient secrétaire général de lUD du Rhône. Il me prend avec lui et jarrive à la direction de lUD. »
Elle entre au Comité fédéral du Rhône du PCF. A lUD CGT du Rhône, elle est secrétaire à lorganisation :
« Je suis une fille à Warcholak. »
En 1989, elle est élue à la CE confédérale de la CGT :
« Cest lUD qui me sollicite dans le cadre dune sollicitation confédérale. Bernard Vivant est déjà à la CE depuis pas mal de temps. »
En 1992, lors du 44e congrès confédéral, Bernard Vivant devient secrétaire confédéral de la CGT. Cest Christiane Puthod qui le remplace au secrétariat général de lUD du Rhône.
Par la même occasion, elle entre au Bureau fédéral du Rhône du PCF :
« Cela avait toujours été comme cela. Bernard Vivant était au Bureau fédéral du Parti.
« Mais il y a une particularité rhodanienne. Dans le Rhône, si lUD CGT et le PCF ont beaucoup de liens, cest sur une base de respect mutuel.
« Ainsi, je me souviens que lors du premier Bureau fédéral auquel je participais, à un copain qui me disait : Il faudrait que la CGT
, jai répondu, tout de suite : Non, ici je ne suis pas la CGT.
« Jai toujours essayé de ne pas mélanger les genres. Mais, dans le Rhône, je crois que des distances saines étaient déjà prises entre la CGT et le Parti.
« Lorsque jétais dans le Parti, naturellement je faisais état des réflexions que lon pouvait avoir dans la CGT, mais cétait pour pousser ces réflexions sur le plan politique. »
En 1999, Christiane Puthod est sollicitée pour entrer au Bureau confédéral de la CGT. Elle accepte :
« Je suis sollicitée par la direction confédérale, par Bernard Thibault.
« Dun côté, je doute de mes capacités à exercer les deux responsabilités de secrétaire générale de lUD et de secrétaire confédérale, mais, dun autre côté, je suis dans un moment de sérénité car, à lUD, il y a une équipe bien en place.
« Je trouve, par ailleurs, que cette double responsabilité peut enrichir le travail du Bureau confédéral et en même temps lactivité de lUD. »
Deux ans plus tard, lors du même congrès où Bernard Thibault quitte la direction du PCF, elle entre au Conseil national :
« Cest une sollicitation qui vient de la direction du Parti, de Jean-Paul Magnon, qui à lépoque est secrétaire national. Il me connaît bien puisque lon a milité ensemble lorsquil était secrétaire fédéral du Parti dans le Rhône.
« Cela se fait à un moment où la CGT affirme de façon assez spectaculaire ses distances avec le Parti avec la décision politique que prend son secrétaire général.
« Pourtant, jaccepte. Non pas par provocation mais parce que si je trouve discutable que le secrétaire général de la CGT soit systématiquement au Bureau national, je ne trouve pas normal quen tant que citoyen, y compris en étant responsable à la CGT, on ne puisse pas être dirigeant national de son Parti. Je ne suis pas daccord avec cette conception.
« Donc, si jaccepte la sollicitation, cest autant parce que je voulais amener ma réflexion au Conseil national que pour marquer le fait quil ny a pas un alignement général sur la décision du secrétaire général de la CGT.
« Une part de ma décision est une réponse à cela. Il sagit dafficher mon indépendance desprit. Je nai pas obéi à un ordre, je nobéis pas aux ordres. »
2001 : LAZARRE EST ELUE AU CN DU PCF
Portrait
Jacqueline Lazarre naît en 1957, en Algérie :
« Ma mère est issue de la petite bourgeoisie pied-noire. Mon père est agriculteur. Je ne dis pas colons, car mon grand-père a acheté sa terre.
« Cest un milieu terriblement anticommuniste. »
En 1962, la famille rentre en France et sinstalle à Lyon. Le père devient salarié :
« Le milieu familial demeure très anticommuniste, raciste, anti-Marchais. Je trouvais que cétait un gars bien, à la télé. Jai toujours été un peu rebelle dans ma famille, un peu à part. »
En 1974, à loccasion des élections présidentielles, elle se situe ainsi :
« Jétais très éloignée de la politique. Je ne comprenais pas lenthousiasme de mes amis entre Mitterrand et Giscard. Pour moi, cest tous les mêmes, tous pourris. Javais 17 ans. »
A 19 ans, elle entre à EDF, au service clientèle :
« Parce que je suis à lécole avec la fille dun chef de service dEDF et cest lépoque où lentreprise veut plus de bacheliers. »
Elle arrête la son parcours universitaire en première année de psychologie.
A EDF :
« Très vite, je rencontre beaucoup de syndicalistes. Ceux de la CFDT, je les trouve très réac, cathos-réac. Ceux de la CGT, je les trouve très opportunistes, très beaufs. Lors des premières élections professionnelles, je ne vote pas. Tout le monde, y compris mon chef de service me dit : Il faut voter, ici on vote. Je réponds : Je ne vote pas. Je ne les connais pas. »
Un an plus tard, elle adhère au PCF puis à la CGT :
« Mon futur mari, que je rencontre alors à EDF, est un ancien permanent de lUD de Haute-Saône qui a été muté à Lyon. On discute surtout politique. Il me fait connaître LHumanité. Je lis LHumanité. Cest la période de la lutte des détenus républicains Irlandais avec Bobby Sands. Cela me bouscule et jadhère au Parti. Dans la foulée, jadhère à la CGT. Mais mon engagement va surtout vers le Parti, parce que je me dis que cest par là dabord que commence le combat et je ne vois pas trop la portée du syndicalisme. »
Cependant, très vite, elle prend des responsabilités syndicales :
« Parce que je tombe sur des types formidables, des militants communistes CGT qui me font confiance. »
Elle devient responsable de la section syndicale du service clientèle, puis membre du secrétariat du syndicat.
Et :
« Très vite, je vais à lUD, parce que personne ne veut y aller et moi cela me plaît bien. Je suis élue à la CE de lUD. Je travaille au Collectif Femmes de lUD. Je rentre assez vite au Bureau de lUD. A lépoque, le responsable de lUD, Bernard Vivant, est très attaché à la place des femmes. Par ailleurs, je prends lOrganisation dans mon syndicat. On structure les sections syndicales. Notre syndicat est un gros syndicat, qui na pas loin de 1 000 adhérents. »
Sollicitée pour être élue au Comité fédéral du PCF du Rhône, elle refuse.
Une autre sollicitation intervient alors :
« Depuis 1991, mon mari avait des responsabilités syndicales fédérales et donc ne rentrait que le week-end. Après quatre ans de cette vie, je suis sollicitée par la direction de la FD de lEnergie pour être membre de la direction fédérale.
« On discute de ma place dans la direction fédérale, du fait de venir habiter en région parisienne et, à la fin de la réunion, dans la mesure où jétais très impliquée au titre de lUD du Rhône dans la préparation du 45e congrès confédéral notamment dans une démarche de construction de la CE confédérale avec des camarades dentreprises non permanents, je dis à Denis Cohen : Je pensais que vous me receviez dans ce cadre-là. Je pensais que vous vouliez me proposer à la CE confédérale. Denis me dit ou plutôt dit à Frédéric Imbrecht : Ca cest une bonne idée. Ce peut être une sorte de monnaie déchange.
« Cest-à-dire que je suis proposée à la direction confédérale de la CGT dans un état desprit de représentation de la fédération et de rapport de forces que je ne maîtrise pas forcément à lépoque. »
Les choses vont se dérouler ainsi. Jacqueline Lazarre, présentée par sa fédération, est élue à la CE confédérale.
En juin 1996, elle est élue à la CE de sa fédération et le couple Lazarre se retrouve en région parisienne.
Puis, en 1997, elle est cooptée au Bureau confédéral de la CGT :
« Cest le fruit du hasard et toujours de cette stratégie de rapport de forces.
« Michèle Commergnat décède. Le Bureau confédéral, Louis décident de la remplacer, en nombre, par Bernard Thibault. Mais, en même temps, Louis, attachée à la féminisation de la direction de la CGT, voulait une femme. Et là, autour de mon nom, sans que je sois impliquée, un rapport de forces se produit. Louis, je pense, me présente parce que jai les caractéristiques requises par rapport à la recherche confédérale et veut aussi un peu contrecarrer dautres candidatures féminines. Et, ma fédération voit avec ma candidature une sorte de cheval de Troie introduit dans le Bureau confédéral. »
Avec ce double soutien, Jacqueline Lazarre entre au Bureau confédéral, mais, explique-t-elle :
« Surgit une difficulté avec ma fédération du fait que je ne porte pas les orientations ou les attitudes de celle-ci, notamment sur la question de lindépendance de la CGT. Sur cet aspect, je suis totalement en désaccord avec la fédération. Je ne partage pas une série de questions : les appels à voter PCF de la part de la CGT, la décision de la FD de participer à la manifestation sur lemploi du 16 octobre 1999. »
Se présente alors, en octobre 2001, le 31e congrès du PCF :
« Là encore, ma candidature fait lobjet de stratégies qui méchappent complètement.
« Un certain nombre de militants ayant des responsabilités nationales dans la CGT et membres du Comité national veulent renforcer le poids de la CGT dans la direction nationale du Parti, en termes de débats didées et dapport de ce que peuvent amener dans ceux-ci lexpérience de militants CGT. Ils me contactent dans ce sens pour que je présente ma candidature. Je dois dire que je trouve leur démarche intéressante car malgré les insuffisances de la CGT celle-ci reste en phase avec le salariat et son évolution. Le Parti pouvait tirer bénéfice de cet apport de militants CGT. La proposition était aussi faite à Christiane Puthod.
« Mais deux obstacles se lèvent immédiatement quant à ma candidature.
« Le premier, cest que Denis Cohen ne laccepte pas. Pour lui, je nincarne pas une continuité dans la courroie de transmission par rapport à la direction du Parti du moment. De son côté, François Dureil nest pas vraiment daccord avec ma candidature.
« Le second, cest que jai posé comme condition à mon acceptation davoir le feu vert de Bernard Thibault. Les mêmes camarades qui nous proposaient le voix et sa réponse est : Moi, cest ni oui ni non. En même temps, je ressens que cest mal vécu par un certain nombre de militants et de dirigeants que lon accepte, mais tout aussi mal vécu par dautres que lon refuse.
« Ce qui fait que lon est dans une situation un peu compliquée ».
Finalement Jacqueline Lazarre accepte, mais ajoute-t-elle :
« A aucun moment je nai rencontré un dirigeant du Parti. Dun autre côté, parmi les camarades du Bureau confédéral, on en parle peu, on ne va pas au bout de ce que cela veut dire dêtre réellement indépendant. Cela veut-il dire que parce que lon est membre dune direction syndicale lon ne peut plus être citoyen ? Ce débat-là on ne la pas poussé à lépoque.
« Si cétait à refaire, je demanderais à rencontrer Bernard directement. Je nai vu ni un dirigeant du Parti, dans les premiers responsables, ni Bernard Thibault. Je pense que cest un peu dommage. Je le regrette. »
A propos de ces deux arrivées de membre du Bureau confédéral de la CGT au Conseil national du PCF au moment où lui a décidé de sen retirer Bernard Thibault indique :
« Je défend lidée quil est normal quun parti comme le Parti communiste français puisse estimer opportun davoir dans sa direction des militants politiques qui sont plus particulièrement investis sur le terrain syndical.
« Si je regarde parmi les soucis quont dautres partis de gauche, leur direction est pour la plupart dentre eux soucieuse de ce manque de dimension sociale, syndicale dans leur corps militant et leur corps de direction. Je trouve donc tout à fait sain que le Parti demeure attaché à lidée davoir dans ses organismes de direction des militants politiques dont la tâche principale est plutôt sur le terrain syndical.
« Mais pour mettre cela en musique, plusieurs conceptions sont possibles.
« Je milite plutôt pour défendre lidée quil y a pléthore de militants politiques qui ont une expérience syndicale et quil ne faut pas, contrairement peut-être a ce que lon a pu faire pendant des années, sattacher à une dimension de représentation de telle ou telle organisation. Cela nest pas forcément très efficace au regard de la charge de travail pour les uns et pour les autres. Si lon recherche laffichage, cela peut produire des effets mais je crois que cela a aussi ses limites. En pratique, cela nest pas très productif. Les camarades sont très chargés, ils ne peuvent pas cumuler des responsabilités dans différents domaines plus que quiconque ne peut en supporter. Il y a des limites humaines à tout.
« Donc, je milite plutôt pour que, dans cet objectif du Parti que je partage, celui-ci regarde en son sein, parce quils sont nombreux, les militants communistes qui peuvent être investis à différents niveaux de responsabilité. Ce peut-être des militants dentreprises, ce peut-être des militants au sein de fédérations ou de collectifs régionaux.
« Jestime aussi quil ny a pas de raison pour quils soient exclusivement à la CGT. En tant que Parti, on peut aussi concevoir le fait quil puisse y avoir des dirigeants communistes, et il y en a dailleurs, qui peuvent être engagés syndicalement dans différentes organisations. Il ny en a pas quune.
« Mais je minterdis de faire des suggestions nominatives. Je ne fais pas de propositions nominatives et lorsque des candidatures viennent par le réseau interne propre au Parti, je minterdis de donner mon avis pour dire : « Celui ou celle-là oui, celui ou celle-là non.
« Alors, le fait que je quitte une structure et que lon y retrouve la CGT par une autre voie, en loccurrence celle de membres du Bureau confédéral, cela a suscité un peu dincompréhension. »
Le 29 septembre 2004, à loccasion de la présentation de louvrage de René Buhl, Ensemble, organisée par les deux coéditeurs VO Editions et La Toison dOr, dans une intervention prononcée en qualité dancien secrétaire général de la CGT et de président dhonneur de lInstitut CGT dhistoire sociale, Georges Séguy déclarait notamment : «
le mouvement de mai 1968 ne manquait pas daspects positifs
Mais, ce qui était le plus fascinant pour nous, adeptes passionnés du syndicalisme indépendant, démocratique, de masse et de classe, cétait le fait que près de 10 millions de salariés, dont 85 % dinorganisés, venaient de prendre part à un mouvement extraordinaire et si riche dexpérience qui rajeunissait dun coup la CGT de 400 000 adhésions nouvelles, autrement dit dune formidable incitation pour la CGT à souvrir à ce vaste élan social nous offrant la perspective de traduire en réalité notre vision du syndicalisme de classe. Cela impliquait incontestablement des changements de nature à nous libérer de méthodes et pratiques désuètes, de routines paralysantes, détroitesses sectaires, de lever très haut le drapeau de lunité et douvrir toutes grandes les portes et les fenêtres de la CGT de bas en haut afin de capter, le plus largement possible, lapport militant qui émanait de cette poussée sociale inattendue. Cest à partir de cette incitation que sengagea le débat quévoque René Buhl. Un débat marqué au fil rouge dune forte volonté dindépendance et de démocratie syndicales, pas seulement proclamées mais réellement pratiquées. Un débat très animé, mais qui ne fut pas aussi bref quon aurait pu lespérer puisquil traversa deux congrès avant daboutir au 40e congrès à Grenoble, fin 1978. Cest sur la base des idées qui émergèrent de ce débat que mon rapport à ce Congrès fut élaboré et soumis au CCN précédent le Congrès qui le ratifia à lunanimité moins une voix contre. Et, ce sont les mêmes idées largement adoptées par le Congrès que René Buhl soutint dans son discours de clôture : son livre relate objectivement comment par la suite sest manifestée au sein de la CGT une opposition plus ou moins concertée aux orientations du 40e Congrès taxées dopportunistes, voire de réformistes, comme en témoignent certaines correspondances critiques ou fraternelles mais de même inspiration qui mont été personnellement adressées pour me prier de revenir dans le droit chemin, cest-à-dire de renoncer à mes convictions. Ce genre de pression ne pouvait que minciter à quitter ma responsabilité de secrétaire général. Cest ainsi que le 41e Congrès contrasta en maints domaines avec le 40e et que plusieurs membres du Bureau confédéral, en désaccord avec ce quils estimèrent être un retour en arrière démissionnèrent. (
) Chacun comprend que les appréciations dont fait état le livre de René Buhl concernent de près ou de loin la question toujours dactualité des relations syndicats partis politiques et plus précisément les rapports CGT Parti communiste français. » (Supplément à la NVO 3141/193, pages 13 et 14).
Le Monde, 6 juin 1981.
Europe 1, 7 août 198i.
Le Monde, 31 janvier 1982.
Le Monde, 22 décembre 1981.
LHumanité, 13 décembre 1981.
Le 29 décembre 1981, les USA annoncent la prise de sanctions économiques à lencontre de lURSS portant sur le matériel de haute technologie.
LHumanité, 23 mai 1981.
France-Inter, « Face au public », 27 mai 1981.
Antenne 2, 30 mai 1981.
Europe 1, « Club de la pesse », 31 mai 1981.
Le Matin, 11 juin 1981.
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Le Peuple, 24 avril 1982.
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Lettre confédérale, 17 décembre 1982.
Radio-Caraïbes internationale, 4 février 1983.
Le Matin, 4 février 1983.
LHumanité, 9 février 1983.
Nord-Eclair, 27 janvier 1983. Le 29, à Marrakech, le président de la République déclare que son Premier ministre sest exprimé en « connaissance de cause ». Le 31, la Fédération des associations de solidarité avec les travailleurs immigrés (FASTI), lAssociation des travailleurs algériens en France (ATAF) et lAssociation de solidarité franco-arabe (ASFA) protestent.
Le 22 septembre 1982, le vice-président de la Commission de Bruxelles, Etienne Davignon, lance un avertissement sur lextrême gravité de la crise européenne de la sidérurgie. Les 22 et 24 septembre, les directions des deux groupes Usinor et Sacilor confirment les plans de restructuration prévus dans le cadre du 3ème plan acier (1982-1986) décidé au Conseil des ministres du 9 juin, précisés en juin et juillet après concertation au sein des groupes et devant être présentés à Bruxelles à lautomne par le gouvernement français. Le plan Usinor est doté de 8,5 milliards dinvestissements dont une grande partie à Dunkerque. Il prévoit la suppression avec reclassement de 4 000 emplois, dont 1 100 à Denain, 2 100 à Longwy et 800 à la Société des aciers spéciaux de la Chiers à Vieux Molhain qui doit fermer. Le plan de Sacilor doté aussi de 8,5 milliards dinvestissements notamment à la Sollac et à Gandrange, prévoit la suppression avec reclassement de 6 000 emplois, dont 2 300 sur 3 500 emplois à la Société nouvelle des aciéries de Pompey. A Creusot-Loire : le 25, la direction dImphy SA annonce la suppression de 624 emplois. Des actions qyndicales émettent de « profondes réserves » et demandent de réexaminer les programmes. Le 24, à Pompey, grève générale intersyndicale, blocage de la circulation ferroviaire et journée « ville morte ». Le 25, meeting mensuel des sidérurgistes de la SASC de Vieux Molhain et des militants « antinucléaires » de Chooz. Des incidents ont lieu. Le 28, le ministre de la Recherche et de lIndustrie reçoit les organisationq syndicales : aucune fermeture ninterviendra avant 1984 et il ny aura pas de licenciements sans reclassement préalable.
Antenne 2, 28 juin 1984.
Europe 1, 3 juillet 1984.
Sud-Ouest, 10 octobre 1983.
Europe 1, 31 octobre 1982.
Révolution, 11 novembre 1982.
Le Monde, 21 novembre 1982.
France Inter, 6 juin 1983.
Le Monde, 12 octobre 1983.
Europe 1 , 29 janvier 1984.
Syndicalisme hebdo, 23 février 1984.
LHumanité-Dimanche, 3 septembre 1982.
Révolution, 8 octobre 1982.
RTL, 7 novembre 1982.
France-Inter, 6 décembre 1982.
TF 1, 11 janvier 1983 ; Europe 1, 23 janvier 1983.
LHumanité, 18 octobre 1983.
Europe 1, Le Club de la presse, 11 décembre 1983. Interview publiée dans LHumanité du 30 mai 1985.
LHumanité, 29 mai 1985.
LUnité, 5 juillet 1985.
Voir son interview à France-Inter du 15 septembre 1988 et celle de Jean Desmaison, secrétaire de la Fédération CGT de la Métallurgie, à La Cinq, le 13 septembre 1988.
A Antenne 2.
A Europe 1.
A Antenne 2.
A RTL.
Le Peuple, 22 juin 1989.
Le Peuple, 6 juillet 1989.
Le 30 juin 1989, un amendement du PS adopté en première lecture à lAssemblée nationale élargit la loi portant amnistie des indépendantistes guadeloupéens et martiniquais aux indépendantistes corses et aux « dix » de Billancourt, salariés militants CGT de Renault-Billancourt, licenciés après les manifestations de lété 1986 pour fautes lourdes (séquestration de cadres, coups et blessures et saccage de matériel).
A Europe 1, le 7 juillet ; à France-Inter, RMC et FR3, le 10 juillet ; à RTL, le 12 juillet.
Interview dans France-Soir, du 8 juillet 1989 ; article dans LHumanité, 10 juillet 1989.
RTL, 10 juillet 1989.
A RTL, le 10 juillet ; à Valeurs actuelles, le 17 juillet 1989.
RMC, 11 juillet 1989.
Les 12 et 19 juillet 1989.
Libération, 12 juillet 1989.
Voir LHumanité des 7 et 8 septembre 1989.
LHumanité, 11 septembre 1989.
LHumanité, 29 septembre 1989.
France Inter, 22 septembre 1989.
L. VIANNET, « Avec plus de force, partout », La Vie ouvrière, 25 septembre 1989.
A RTL, le 3 octobre 1989.
A TF1, le 6 octobre 1989.
LHumanité, 4 octobre 1989.
LHumanité, 10 octobre 1989.
LHumanité, 13 octobre 1989.
France-Inter, 11 octobre 1989.
Le Figaro, 11 octobre 1989.
La Cinq, 12 octobre 1989.
LHumanité, 16 octobre 1989.
Libération, 17 octobre 1989, Le Monde, 18 octobre 1989.
RMC, 19 octobre 1989.
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Lors de la réunion du CC des 12 et 13 février 1990, le 12, dans son rapport introductif, Francette Lazard, membre du BP, dénonce « le processus dannexion de fait de la RDA par la RFA », refusant « toute vision unilatérale du passé » des pays de lEst et dénonçant en France « une attaque dune rare ampleur contre les droits et les acquis démocratiques. »
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Le 5 octobre 1993, Martine Aubry, ancienne ministre socialiste du travail, annonce la création de la Fondation agir contre lexclusion (FACE), avec le soutien dune vingtaine de patrons de grandes entreprises et de responsables dassociations, afin de soutenir de façon « concrète » les initiatives prises pour enrayer la progression des exclus et leur marginalisation par la drogue.
G. ALEZARD, L. BROVELLI, G. DELAHAYE, J.-M. LETERRIER, Faut-il réinventer le syndicalisme ?, LArchipel, Batailles, 1995.
Voir annexe.
Voir A. BEUVE-MERY, « Louis Viannet va quitter le bureau national du Parti communiste », Le Monde, 19 décembre 1996.
Compléter.
RTL, 3 octobre 1999.
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LHebdo de lactualité sociale, 15 octobre 1999.
RMC, 13 octobre 1999.
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La Dépêche du Midi, Le Progrès, 16 octobre 1999.
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