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8 sept. 2016 ... Revenons-en à notre graphe du Cx frontal de la sphère pour faire ..... lui-même confesse le peu de connaissance disponible à l'époque au sujet du régime ..... Si l'on préfère manipuler des chiffres, la formulation analytique de ...




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VII. essais utopiques libertaires de « petite » dimension :
2° partie sur LES MICROCOSMES.

essais utopiques libertaires surtout pédagogiques : des « utopédagogies »
 TOC \o "1-5" \h \z \u 
 HYPERLINK \l "_Toc321164068" VII. essais utopiques libertaires de « petite » dimension :  PAGEREF _Toc321164068 \h 1
 HYPERLINK \l "_Toc321164069" B. essais utopiques libertaires surtout pédagogiques : des « utopédagogies »  PAGEREF _Toc321164069 \h 1
 HYPERLINK \l "_Toc321164070" 1. Un arrière plan théorique et expérimental très important et très riche :  PAGEREF _Toc321164070 \h 4
 HYPERLINK \l "_Toc321164071" a) Quelques précurseurs plus ou moins libertaires…  PAGEREF _Toc321164071 \h 4
 HYPERLINK \l "_Toc321164072" b) L’innovant Charles FOURIER, le prudent Victor CONSIDÉRANT et quelques autres disciples…  PAGEREF _Toc321164072 \h 6
 HYPERLINK \l "_Toc321164073" c) Les premiers anarchistes : William GODWIN et Mary WOOLSTONECRAFT  PAGEREF _Toc321164073 \h 18
 HYPERLINK \l "_Toc321164074" d) L’éducation exigeante de Max STIRNER  PAGEREF _Toc321164074 \h 20
 HYPERLINK \l "_Toc321164075" e) Primauté du travail et de l’éducation chez PROUDHON : pour une démopédie  PAGEREF _Toc321164075 \h 21
 HYPERLINK \l "_Toc321164076" f) Quelques autres libertaires quarante-huitards : DÉJACQUE, COEURDEROY, GAY, etc.  PAGEREF _Toc321164076 \h 24
 HYPERLINK \l "_Toc321164077" g) Louise MICHEL institutrice anarchiste - Gustave COURBET ministre libertaire de l’Éducation sous la Commune de Paris : 2 libertaires sous l’Empire  PAGEREF _Toc321164077 \h 24
 HYPERLINK \l "_Toc321164078" h) BAKOUNINE éducation complète et liberté  PAGEREF _Toc321164078 \h 27
 HYPERLINK \l "_Toc321164079" i) L’énorme engagement éducatif des frères RECLUS  PAGEREF _Toc321164079 \h 28
 HYPERLINK \l "_Toc321164080" j) Pierre KROPOTKINE éducation collective, entraide et rayonnement individuel  PAGEREF _Toc321164080 \h 30
 HYPERLINK \l "_Toc321164081" k) Jean GRAVE, pédagogue et écrivain utopiste  PAGEREF _Toc321164081 \h 31
 HYPERLINK \l "_Toc321164082" l) Ferdinand Domela NIEUWENHUIS  PAGEREF _Toc321164082 \h 32
 HYPERLINK \l "_Toc321164083" m) Entre autodidactisme, syndicalisme libertaire et Université populaire : Fernand PELLOUTIER, Georges SOREL  PAGEREF _Toc321164083 \h 32
 HYPERLINK \l "_Toc321164084" n) Le XIX° siècle espagnol et quelques anarchistes différents de FERRER en Espagne : TARRIDA, LORENZO, MELLA, QUINTANILLA…  PAGEREF _Toc321164084 \h 34
 HYPERLINK \l "_Toc321164085" o) James GUILLAUME et la pensée pédagogique sous la III° République  PAGEREF _Toc321164085 \h 36
 HYPERLINK \l "_Toc321164088" p) Le néo-proudhonisme éducatif et une vision syndicaliste de l’éducation avec Albert THIERRY (1881-1915), repris par Marcel MARTINET (1887-1944)  PAGEREF _Toc321164088 \h 37
 HYPERLINK \l "_Toc321164091" q) L’individu au centre : éducation et individualisme anarchiste vers 1900 : quelques exemples pris chez Manuel DEVALDÈS, Abel FAURE, Stephen MAC SAY, E. ARMAND, Émile MASSON…  PAGEREF _Toc321164091 \h 39
 HYPERLINK \l "_Toc321164094" r) Comment concevoir « L’éducation de demain » - C.-A LAISANT  PAGEREF _Toc321164094 \h 43
 HYPERLINK \l "_Toc321164113" s) Salvador SEGUI et l’éducation à la rébellion.  PAGEREF _Toc321164113 \h 44
 HYPERLINK \l "_Toc321164114" t) Luigi FABBRI penseur anarchiste et maître d’école  PAGEREF _Toc321164114 \h 44
 HYPERLINK \l "_Toc321164115" u) Pragmatisme libertaire et contre-culture aux ÉU : Paul GOODMAN  PAGEREF _Toc321164115 \h 45
 HYPERLINK \l "_Toc321164116" v) Quelques positions libertaires éducatives au Royaume Uni : Herbert READ, Colin WARD  PAGEREF _Toc321164116 \h 48
 HYPERLINK \l "_Toc321164117" 2. Quelques grands expérimentateurs et expérimentations libertaires - Fin XIX°-début XX°  PAGEREF _Toc321164117 \h 49
 HYPERLINK \l "_Toc321164118" a) Le cas Léon TOLSTOÏ (1828-1910) et l’expérience de Iasnaïa Poliana  PAGEREF _Toc321164118 \h 49
 HYPERLINK \l "_Toc321164119" b) L’école de Plotino C. RHODAKANATY au Mexique  PAGEREF _Toc321164119 \h 50
 HYPERLINK \l "_Toc321164122" c) Paul ROBIN (1837-1912) et Cempuis 1880-1894 : l’instruction intégrale liée au néo-malthusianisme et à l'internationalisme  PAGEREF _Toc321164122 \h 51
 HYPERLINK \l "_Toc321164123" d) « L’école libertaire » de DEGALVÈS et JANVION vers 1897  PAGEREF _Toc321164123 \h 57
 HYPERLINK \l "_Toc321164124" e) Quelques initiatives libertaires chiliennes XIX° - début du XX°  PAGEREF _Toc321164124 \h 57
 HYPERLINK \l "_Toc321164125" f) Les associations se réclamant de FERRER y GUARDIA Francisco  PAGEREF _Toc321164125 \h 59
 HYPERLINK \l "_Toc321164126" (1) FERRER et l’école «rationaliste» ou «moderne»  PAGEREF _Toc321164126 \h 59
 HYPERLINK \l "_Toc321164127" (2) Influences en Espagne  PAGEREF _Toc321164127 \h 62
 HYPERLINK \l "_Toc321164128" (3) Influences hors d’Espagne : Clivio, Lausanne, Malines, Stelton, Rio, Buenos Aires, Londres, Lisbonne, San Juan…  PAGEREF _Toc321164128 \h 66
 HYPERLINK \l "_Toc321164129" g) Sébastien FAURE (1858-1942), La Ruche 1904-1917 et L’Encyclopédie anarchiste (1926-1934)  PAGEREF _Toc321164129 \h 75
 HYPERLINK \l "_Toc321164130" h) L’éducation libertaire autour des autres Milieux libres dans l’aire francophone  PAGEREF _Toc321164130 \h 77
 HYPERLINK \l "_Toc321164131" i) Le « Centre Culturel Juif » de Londres et l’influence de ROCKER Rudolph  PAGEREF _Toc321164131 \h 79
 HYPERLINK \l "_Toc321164132" j) Madeleine VERNET (1878-1949) et L’Avenir Social (créé en 1906-1907)  PAGEREF _Toc321164132 \h 79
 HYPERLINK \l "_Toc321164133" k) La Bonne Louise, « nid d’enfant » 1907  PAGEREF _Toc321164133 \h 81
 HYPERLINK \l "_Toc321164136" 3. Les Bourses du Travail, Universités Libres, Nouvelles ou Populaires, Causeries populaires, Maisons du peuple, Écoles syndicales et « Athénées »…jusqu’à nos jours  PAGEREF _Toc321164136 \h 81
 HYPERLINK \l "_Toc321164137" a) Multiplicité des mouvements socioculturels pour l'enseignement populaire  PAGEREF _Toc321164137 \h 81
 HYPERLINK \l "_Toc321164138" b) Exemples d’Universités populaires, souvent liées aux Bourses du Travail  PAGEREF _Toc321164138 \h 83
 HYPERLINK \l "_Toc321164141" 4. Essais pédagogiques libertaires de l’entre deux-guerres  PAGEREF _Toc321164141 \h 87
 HYPERLINK \l "_Toc321164142" a) « L’Enfance Heureuse », une « société populaire d’éducation » aux teintes libertaires  PAGEREF _Toc321164142 \h 87
 HYPERLINK \l "_Toc321164147" b) Les « maîtres camarades » de Hambourg 1919-1933 et leurs précurseurs en Allemagne et en Autriche  PAGEREF _Toc321164147 \h 88
 HYPERLINK \l "_Toc321164152" c) Etta FEDERN, pédagogue anarchiste internationaliste : Autriche, Allemagne, Espagne et France…  PAGEREF _Toc321164152 \h 90
 HYPERLINK \l "_Toc321164153" d) Les explosions de l’année 1936 et les expériences durant la Révolution et la Guerre d’Espagne 1936-39  PAGEREF _Toc321164153 \h 90
 HYPERLINK \l "_Toc321164154" e) Quelques essais antiautoritaires en URSS  PAGEREF _Toc321164154 \h 96
 HYPERLINK \l "_Toc321164155" 5. Essais libertaires de la 2° moitié du XX° siècle  PAGEREF _Toc321164155 \h 97
 HYPERLINK \l "_Toc321164156" a) L’école progressiste de Burgess Hill à Londres - années 1940  PAGEREF _Toc321164156 \h 97
 HYPERLINK \l "_Toc321164158" b) Des pédiatres libertaires au CEIS (Rimini) dans les années 1940-1950  PAGEREF _Toc321164158 \h 97
 HYPERLINK \l "_Toc321164159" c) La « Walden School » en Californie depuis les années 1940-1950  PAGEREF _Toc321164159 \h 98
 HYPERLINK \l "_Toc321164160" d) La Colonia-Comunità Maria Luisa BERNERI 1951-1962  PAGEREF _Toc321164160 \h 99
 HYPERLINK \l "_Toc321164161" e) La thérapie autogestionnaire de Friedrich LIEBLING (1893-1982) et les initiatives identiques de Roberto FREIRE au Brésil.  PAGEREF _Toc321164161 \h 99
 HYPERLINK \l "_Toc321164162" f) Pragmatisme libertaire & école de la libération chez le brésilien Paulo FREIRE  PAGEREF _Toc321164162 \h 100
 HYPERLINK \l "_Toc321164163" 6. Quelques essais d’autogestion et de réalisations libertaires récents  PAGEREF _Toc321164163 \h 102
 HYPERLINK \l "_Toc321164164" a) Quelques essais plus ou moins autogestionnaires en France  PAGEREF _Toc321164164 \h 102
 HYPERLINK \l "_Toc321164166" b) Quelques autres cas d’écoles démocratiques, antiautoritaires et libertaires dans le monde entier - Surtout fin XX° – début XXI° siècles  PAGEREF _Toc321164166 \h 107
 HYPERLINK \l "_Toc321164167" 7. Essais et théories proches du mouvement libertaire, avec de nombreuses interactions :  PAGEREF _Toc321164167 \h 112
 HYPERLINK \l "_Toc321164168" a) Autour du mouvement de « l’école nouvelle » ou apparenté : AITKENHEAD, DEWEY, MONTESSORI, FERRIÈRE, KEY, DECROLY, PAPANEK, WASHBURNE et les autres…  PAGEREF _Toc321164168 \h 112
 HYPERLINK \l "_Toc321164169" b) The School of Living - Ralph BORSODI depuis les années 1930  PAGEREF _Toc321164169 \h 117
 HYPERLINK \l "_Toc321164170" c) « L’autoritaire » MAKARENKO  PAGEREF _Toc321164170 \h 117
 HYPERLINK \l "_Toc321164171" d) La pédagogie libertaire de Jiddu KRISHNAMURTI  PAGEREF _Toc321164171 \h 118
 HYPERLINK \l "_Toc321164172" e) L’importance des psychologues et psychanalystes dans l’éducation  PAGEREF _Toc321164172 \h 119
 HYPERLINK \l "_Toc321164173" f) Diversité des expériences autogestionnaires et anti-autoritaires : LANE, HOARE, NEILL, RUSSEL, KOHLBERG, DELIGNY et les autres…  PAGEREF _Toc321164173 \h 121
 HYPERLINK \l "_Toc321164174" g) Le mouvement « FREINET »  PAGEREF _Toc321164174 \h 128
 HYPERLINK \l "_Toc321164175" h) La « pédagogie autogestionnaire ou institutionnelle » : une pédagogie libertaire  PAGEREF _Toc321164175 \h 129
 HYPERLINK \l "_Toc321164176" i) La société sans école ou une société déscolarisée ? ILLICH, HOLT, BERNARDI et les autres  PAGEREF _Toc321164176 \h 134
 HYPERLINK \l "_Toc321164177" i) « La citadelle des rêves vécus » de Serge ALEXIS  PAGEREF _Toc321164177 \h 139
 HYPERLINK \l "_Toc321164187" j) La pédagogie de la résistance : Raffaele MANTEGAZZA  PAGEREF _Toc321164187 \h 139
 HYPERLINK \l "_Toc321164188" 8. Essai de définition « théorique » de l’utopie éducative libertaire  PAGEREF _Toc321164188 \h 139

L'éducation tient «un rôle central dans la pensée anarchiste», dans les projets politiques et utopiques du mouvement et dans l'engagement social des anarchistes dans le monde dans lequel ils vivent. Dans le camp socialiste «ils ont été ceux qui ont soutenu avec le plus de vigueur les idées éducatives nées à l'époque des Lumières…». Pour l’utopie anarchiste, visant la création d’un homme libre, idéal, nouveau... l’école est donc un élément fondamental, qui doit permettre aux élèves et autres apprenants de s’émanciper personnellement et socialement. C’est pourquoi l’utopie pédagogique et/ou éducative libertaire est sans doute la plus importante des propositions pédagogiques des différents courants socialistes, mis à part, peut-être, les réflexions d’OWEN sur ce même thème. Comme le rappelle très récemment Filippo TRASATTI, « le terme ‘’Éducation’’ a toujours été un mot puissant et dangereux, parce qu’il est évident qu’il porte avec lui une ou plusieurs images de l’homme, une vision du présent et du futur, une conception entre moyens et fin, valeurs implicites et explicites ». Bref un domaine où l’utopie à toute sa place. On comprend donc mieux la phrase un peu réductrice de l’historien chilien Sergio PEREIRA pour qui « le premier grand thème à diffusion publique pour la pensée libertaire fut celui de l’éducation ».

Ceci étant, il faut faire attention aux mots utilisés : l'éducation libertaire englobe l'éducation anarchiste, les deux notions ne sont donc pas synonymes, même si on les emploie souvent l'une pour l'autre et si peu font la distinction. D'autre part toute éducation anarchiste n'est pas forcément totalement libertaire (au sens fort), puisque certains éducateurs et écoles anarchistes inculquent notions et idées orientées (anarchisme, athéisme, antimilitarisme…), comme le font à leur manière et avec leurs propres priorités des écoles marxistes ou des écoles religieuses. Ce dernier point, on y reviendra, a causé des débats ardus dans le mouvement, jusqu'à nos jours, puisqu'aux yeux des anarchistes conséquents et cohérents, le refus de tout dogme s'applique aussi à l'anarchisme lui même. Bel exemple de pensée politique récursive !

Les puristes parlent de pédagogie libertaire ou de pédagogie non-coercitive, d’autres préfèrent la formule de pédagogie autogestionnaire ou celle d’éducation libertaire, globale, tout autant initiale que permanente. Ils réfutent souvent le terme de «formation», car celui s'apparente à conformisme, formater… c'est-à-dire à des concepts qui sont aux antipodes de l'émancipation. Une des meilleures synthèses sur ces questions de vocabulaire peut être celle de René LOUREAU en 1997 dans son article L’éducation libertaire publiée dans le numéro 123-124 de la revue L’homme et la société. Sans rentrer dans ces nuances, je vais prendre en compte tout projet éducatif jouant sur des moyens et des méthodes éducatives et pédagogiques libertaires, dans un cadre institutionnel non hiérarchique, misant sur un égalitarisme libertaire entre tous les membres de la communauté éducative, et proposant, grâce à cette éducation (co-éducation ?), de former l’esprit critique et la distanciation nécessaire vis à vis des institutions, pour que l’individu devienne autonome et épanoui, même dans le cadre d’une société détestable, ce qui est le propre de tout projet anarchiste. Le très récent livre (2005) de Francesco CODELLO, appelé à devenir la référence en matière de pédagogie libertaire, confirme désormais largement la vision large que je propose ici, puisqu’il écrit lui-même « qu’en somme, cette histoire de l’éducation libertaire est un mélange continuel de théories et d’expériences, d’idées anarchistes appliquées à l’éducation, mais également de théories et de pratiques organisationnelles et didactiques qui très souvent, de manière implicite, peuvent nous ramener à l’anarchisme ». Ce livre est une formidable et incroyable source sur les libertaires et l’éducation, et même si mes recherches remontent à des dizaines d’années, je lui dois une considérable reconnaissance pour les précisions et parfois les découvertes. En France les multiples écrits d'Hugues LENOIR, pédagogue libertaire spécialisé en andragogie (pédagogie des adultes), nous fournissent de sérieuses mises au point.
La pédagogie libertaire est bien dans ce cadre ainsi défini « l’anticipatrice des sociétés futures ».
L’éducation libertaire vise à préparer, rendre possible, et réaliser ce monde futur (c’est ainsi que l’on peut parler de gradualisme libertaire - CODELLO ajoute « possibilisme »-, l’école préparant progressivement la révolution attendue). Elle s’y épanouira alors pleinement. Cela ouvre d’ailleurs tout un débat qui parcourt l’anarchisme et distingue schématiquement deux grandes options, même si elles se rejoignent parfois : la première fait de l’école libertaire un moyen préparant la révolution et l’émancipation sociale (gradualisme ci-dessus évoqué) ; la seconde fait de la révolution le moyen qui permettra à l’éducation libertaire de se développer et d’être réellement libre. Éternel débat, un peu vain, de la poule et de l’œuf, pourtant récurrent en milieu anarchiste. Selon la perspective choisie, on s’engagera largement dans l’action pédagogique, ou on la délaissera ou minorera en privilégiant l’action révolutionnaire puisque comme l’écrivait Carlo PISACANE « le peuple ne sera pas libre quand il sera éduqué, mais sera éduqué quand il sera libre ». Heureusement, à mon sens, les libertaires les plus conséquents ont pris des positions moyennes par rapport à ces deux extrêmes.

Cependant, il faudra nuancer le propos en opposant parfois (certes de manière un peu caricaturale) les « éducateurs libertaires » (qui sont avant tout des militants anarchistes révolutionnaires, et qui tentent d’appliquer aussi leurs idées dans le champ de l’école et de la formation) des « éducationnistes » (qui sont plus proches de l’utopie pédagogique, pensant que l’œuvre scolaire ou éducative libertaire est presque autosuffisante dans son optique de changer le monde progressivement en changeant d’abord l’homme). Comme l’écrit Gaetano MANFREDONIA, ces « éducationnistes réalisateurs » font « de l’éducation des individus dans la société actuelle le levier du changement ». Pour mieux comprendre ces nuances, les avis de Errico MALATESTA, comme ceux de son ami et compagnon idéologique Luigi FABBRI (1877-1935), nous aident beaucoup : favorable à la culture intégrale pour tous et soutenant les efforts pédagogiques, il pense cependant que lors des périodes révolutionnaires, les éducationnistes, tout comme les autres militants éparpillés sur le front des « colonies libertaires » utopiques, gaspillent des forces et fragilisent le mouvement. En gros, il faut d’abord faire la révolution si on veut par la suite réaliser une éducation libertaire conséquente. Dans Scuola e rivoluzione - École et révolution, FABBRI réaffirme en 1912 que la vraie école libertaire ne pourra se faire qu’après la révolution achevée. La vaste étude italienne de Tina TOMASSI (Ideologia libertaria e formazione umana - Idéologie libertaire et formation humaine) nous aide beaucoup sur ces différents plans, même si l’édition militante espagnole que j’ai lue est malheureusement d’assez faible qualité.

J’ai regroupé en fichier annexe, et accessible sur le net, une aide bibliographique sélective sur la pédagogie et les pédagogues libertaires.
Un arrière plan théorique et expérimental très important et très riche :
Parlant de toutes les écoles socialistes entre 1830 et 1870, Nathalie BRÉMAND note « l’écart immense existant entre le surinvestissement intellectuel et théorique dans les questions concernant l’enfance et la pauvreté des réalisations lui étant destinées » ; c’est un peu sévère si on s’en analyse les tentatives fouriéristes et celles des libertaires, mais il est vrai que pour ces derniers, elles se manifestent surtout après les années 1870.
Quelques précurseurs plus ou moins libertaires…
Des traces d’auto éducation entre égaux, dans un lieu commun et avec une ouverture d’esprit sur tous les savoirs, toutes les sciences, pour toutes et tous... apparaissent dans de nombreuses utopies. RABELAIS en est un des exemples les plus cités en milieu libertaire. Il en est de même pour la maison commune, le heb, des hermaphrodites, jugés parfois libertaires, de Gabriel FOIGNY au XVIIème siècle.

Pas toujours admis en milieu libertaire (voire la haine de PROUDHON et les réfutations de BAKOUNINE), Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778) a incontestablement déblayé le terrain pour de nombreuses pistes sur lesquelles les libertaires vont s’engager : la « centralité » de l’enfant et de ses besoins, l’importance de la nature, la primauté du relationnel dans l’acte éducatif, la réduction des peines ou châtiments... ROUSSEAU, surtout avec l’Émile de 1762, a influencé de manière positive ou réactionnelle les divers mouvements pédagogiques socialistes ; un Gracchus BABEUF avait même renommé son fils Robert en Émile, et appelé sa fille Sophie, en hommage au grand pédagogue.
Certes ROUSSEAU fut lui-même un piètre éducateur et un père absent pour ne pas dire plus, mais ce n’est pas la principale critique des anarchistes à son égard. On sait en effet que l’attitude libertaire vis à vis de Jean-Jacques est un mélange d’approbation partielle et de refus systématique. Les anarchistes reprochent souvent à l’éducateur suisse d’être en fait un « manipulateur » de la jeunesse, et jugent insuffisante l’autonomie de l’enfant telle qu’elle est présentée dans L’Émile. Le préceptorat unique (un seul précepteur) envisagé par ROUSSEAU jusqu’à environ 25 ans a toutes les chances de transformer l’acte éducatif en un rapport inégalitaire entre un mentor-maître à penser et un élève qui manque d’ouverture et de moyens de comparaisons pour s’affirmer. Ce type de préceptorat, loin des livres (haïs apparemment par ROUSSEAU) et loin du monde risque de faire du futur adulte un être asocial ou complètement « paumé » dans un monde qui lui est étranger. Il faut donc être prudent, surtout quand on connaît les difficultés de ROUSSEAU vis à vis de l’éducation de ses proches. La théorie n’influence pas toujours la pratique ni le mode de vie.

Même Marie Jean Antoine Nicolas de CARITAT marquis de CONDORCET (1743-1794) aux yeux d’un Jean JAURÈS, et plus récemment de Maurice DOMMANGET, peut faire figure de précurseur libertaire de la pédagogie, puisqu’il cherche toujours « à s’évader de l’État » et à prévoir la fin des institutions trop contraignantes.
JAURÈS souligne l’importance de ce rêve éducatif (cette utopie ?) : « Quel magnifique rêve d’individualisme, ‘’d’anarchisme’’ intellectuel et scientifique ! Plus d’autorité enseignante : ni l’Église, ni l’État, ni corps savants : la vérité jaillissant de tout esprit comme une source… ».

Les idées du suisse Johann Heinrich PESTALOZZI (1746-1827), valorisant un enseignement concret et adapté à la personnalité des jeunes, vont, via l’utopiste britannique OWEN surtout, largement influencer la pédagogie libertaire et les diverses pédagogies actives des deux siècles suivants. Sa première grande expérience éducative se situe à Neuhof (Entreprise ou Exploitation nouvelle). GOETHE lui-même lui consacre tout un chapitre (Livre II) de son utopie Wilhelm MEISTER. Les années de voyage (1807-1821). Un autre allemand, réfugié en Suisse, propose à la même époque (1817) une vision communautaire inspirée du pédagogue, Le village des faiseurs d’or, de J.H.D. ZSCHOKKE. Les pédagogues anarchistes italiens le citent souvent. Aux ÉU, c’est dans le cercle transcendantaliste (EMERSON, THOREAU...), dont les liens avec l’anarchisme individualiste états-unien sont évidents, que PESTALOZZI émerge. Bronson ALCOTT cherche à appliquer ses idées dans son école de Boston dès 1818. En 1834 sa deuxième expérience, la Temple School, toujours à Boston, est assez largement étudiée. PROUDHON, comme indiqué ci-dessous, reprend sans doute les idées du penseur helvétique sur la nécessaire participation des élèves aux travaux productifs. En France, le philosophe MAINE de BIRAN (1766-1824), dans son école de Bergerac en 1808, fait figure de pestalozzien, puisqu’il mise sur l’éveil des facultés plus que sur l’accumulation des savoirs.

De Robert OWEN (1771-1858) les traces sont nombreuses en milieu libertaire. Lui-même reconnaît sa dette vis à vis de William GODWIN qu’il visite à plusieurs reprises, et avec lequel il partage le rôle primordial de l’éducation pour former l’homme nouveau, apte à réformer ensuite la société (Cf. ci-dessous). Le spécialiste de l’histoire ouvrière britannique, Edward THOMPSON écrit qu’OWEN apparaissait dans son expérience de New Lanark comme « GODWIN en personne ». Son opposition aux « folles notions » de mérite, d’émulation, de démérite…en matière éducative est une des bases de la pensée anarchiste en la matière. Sa volonté d’ouvrir l’école sur la vie, la nature, son honnêteté vis à vis des enfants sur les questions sexuelles… permettent de faire écrire à Maurice DOMMANGET que « ses idées de 1840 nous les retrouverons tout à fait précises soixante-dix ans plus tard sous la plume de Paul ROBIN ». Pour cet historien militant de la pédagogie socialiste, l’expérience owenienne de New Lanark anticipe Cempuis « à bien des égards ».

Auguste COMTE (1798-1857), un des pères du positivisme, est peut-être un des inventeurs de la formule d'enseignement intégral, si chère aux libertaires. Il concevait l'éducation comme «universelle et encyclopédique, s'adressant à tous les hommes et femmes et embrassant toutes les connaissances». Il mettait aussi l'accent sur l'observation et les méthodes actives.

Henry David THOREAU (1817-1862), souvent revendiqué par les anarchistes et libertaires états-uniens a commencé une carrière de professeur à Concord en 1837. Mais choqué par l’usage des châtiments corporels, il en démissionne aussitôt. Avec son frère John, il entreprend de monter une école plus libertaire avec ses propres moyens. C’est sa demeure qui sert de salle de classe.

Sans être particulièrement anarchiste, l’Association Fraternelle des Instituteurs, Institutrices et Professeurs socialistes fondée en 1849 compte des féministes, des fouriéristes et autres libertaires intéressants : Jeanne DEROIN (1805-1894), Marie-Désirée-Pauline ROLAND (1805-1852), Gustave LEFRANÇAIS (1826-1901)… Il s’agit d’un groupement qui oscille entre pré-syndicat enseignant et association éducative. Pluraliste par ses membres et par ses soutiens, le groupe ne dure pas longtemps et ne peut s’insérer dans la réalité, mais il a parmi les premiers essayé de mettre en cohérence un programme éducatif pour la liberté, et des revendications catégorielles. Par sa volonté de miser «sur le développement du corps en général et de chacun des sens en particulier», la primauté donnée à l'apprenant, le refus de distinguer formation manuelle et formation technique ou intellectuelle, l'universalisme de la formation, l'égalité de traitement pour hommes et femmes, le groupe peut lui aussi légitimement passer pour un des pionniers de l'éducation intégrale. Il a sans doute conservé quelques accents fouriéristes et influencé bien des pédagogues plus ou moins libertaires comme Paul ROBIN et Pierre LEROUX.
L’innovant Charles FOURIER, le prudent Victor CONSIDÉRANT et quelques autres disciples…
Charles FOURIER (1772-1837) : une forte cohérence et moderne radicalité
En apparence reprise par Victor CONSIDERANT (1808-1893)

Cohérent avec sa condamnation de la « civilisation » (le monde de son temps, autoritaire, tristement conventionnel et perverti par l’industrialisation naissante), Charles FOURIER dénonce fermement une de ses superstructures essentielles : l’éducation répressive et fermée à l’aube du XIX° siècle. L’éducation est mauvaise en bloc, car foncièrement antinaturelle et totalement manipulatrice et contraignante. Elle bloque (ou détourne) toutes les valeurs, toutes les passions et toute la spontanéité qui font la richesse d’un individu. Elle mutile en uniformisant et elle enrégimente (il parle d’éducation « servile ») ; l'école fouriériste sera au contraire variée, diverse et multiple. Pire encore, foncièrement autoritaire, l'éducation en civilisation ne concerne qu’une infime minorité de la population, écartant les pauvres et surtout les femmes. FOURIER, par cette condamnation sans appel, est en conformité avec quasiment tous les penseurs socialistes et surtout avec tous les libertaires.
D'autre part, ce qui est rédhibitoire pour le bisontin, cette école est également ennuyeuse pour les 7/8 des enfants.

C'est pourquoi FOURIER fait de l'éducation nouvelle un des axes prioritaires pour réussir tant les phalanges d'essai que l'état d'esprit harmonieux seul apte à permettre d'atteindre l'harmonie. L'éducation fouriériste est cohérente, et distingue peu entre la fin et les moyens : «c'est donc par l'éducation qu'il faut commencer…».

Cet auteur prolixe parle de l’enfance et de «l’éducation harmonienne» (René SCHÉRER) dans presque tous ses ouvrages, mais c’est surtout le Livre Deuxième du Traité de l’Association domestique et agricole (1822) et dans la Section III du Nouveau monde industriel et sociétaire (1829) qu’il développe largement ces thématiques note Nathalie BRÉMAND.

Dès 1932, Célestin BOUGLÉ note que FOURIER veut une éducation «la plus libertaire» possible. René SCHÉRER, dans une conférence donnée à Blois en octobre 2000 insiste sur cette éducation libertaire. Cette éducation doit partir des passions, de toutes les passions, et des goûts des apprenant(e)s. Ces passions peuvent être celles du bruit, des immondices, de la saleté et du désordre - ce qui est l'apanage des «petites hordes» ; à l'inverse les «petites bandes» préfèrent le luxe. Mais chaque groupe a son utilité et sa raison d'être. La petite horde, par sa «douce fraternité», son «mépris des richesses» et son sens de la «charité sociale» dispose même d'une position pivotale (centrale).
Comme le dit FOURIER elle doit être « naturelle et attrayante » et permettre à l’enfant « abandonné à la seule impulsion de la nature, à l’attraction, à la pleine liberté » de s’adonner « par plaisir aux travaux productifs ». C’est le réel humain, les désirs notamment, qui sont la base de l’édifice. Il démontre que l’enfance est bien pour lui « l’enfance du désir » (formule qu’on peut prendre dans tous les sens), de la spontanéité naturelle et de la vitalité inclassable, tant les désirs sont diversifiés puisqu’ils n’ont encore pas été totalement pervertis par la civilisation.
FOURIER insiste cependant pour que l’éducation soit liée au monde réel, ouverte sur la vie, la société, et essentiellement sur le monde du travail. Charles PELLARIN note à juste titre que «l'éducation sociétaire, au lieu d'isoler le jeune âge de la vie active… le rattache au contraire à l'œuvre sociale par tous les moyens de développement qu'elle emploie à son égard. Elle a pour but, en même temps que de développer intégralement les facultés physiques et intellectuelles, de les appliquer à l'industrie productive». L'industrie représente pour FOURIER pratiquement l'ensemble des activités humaines liée à toutes les formes de productions ou de services. Cela explique l’importance qu’il accorde, avant PROUDHON, au travail comme moyen régénérateur essentiel de la société. Ce travail bien sûr doit être « attrayant » et faire lui-aussi appel aux passions, et se dérouler selon l’attraction harmonieuse entre individus libres. Les relations au travail ou à l’école se font de manière affinitaire, toujours sur le mode ludique. En aucun cas il ne s’agit d’exploiter les énergies enfantines, ni de les canaliser autoritairement, ni de les manipuler. Il faut juste tenir compte de la spécificité enfantine pour rendre l’éducation, comme le travail, attractive, y compris en jouant sur des passions bizarres et hétérodoxes comme le goût pour la saleté souvent fréquent chez les petits.

Le phalanstérien est un des principaux précurseurs de la pédagogie moderne et spécialement libertaire, reposant sur les méthodes actives, la non-directivité, l’entraide éducative entre apprenants (ce qu’on appelle alors mutualité) et l’autogestion de l’apprentissage... FOURIER a beaucoup lu Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778), qu’il utilise et réfute tout autant. Il connaît certains écrits de Johann Heinrich PESTALOZZI (1746-1827). Il cherche à se lier au pédagogue bernois Philipp Emanuel Von FELLENBERG (1771-1844), fondateur d’Hofwil, lieu pédagogique novateur, et lié à une des premières colonies d’enfants. FELLENBERG met l’accent sur la formation du corps tout autant que celles de l’esprit, reconnaît l’importance des désirs (les sens) et respecte la personnalité des apprenants… toutes choses qui le rapprochent de FOURIER, même si ses motivations sont très réformistes.

En Harmonie (et pour l’atteindre, en passant par le Garantisme), l’éducation tient un rôle essentiel, et doit commencer dès la plus petite enfance, voire dès la naissance («dès le berceau»), pour prendre l’enfant non perverti, et plus apte au changement. On doit organiser l'éducation en priorité parce «les enfants n'étant que peu faussés par les préjugés et les défiances seront plus dociles à l'Attraction que leurs pères ; ils s'y livreront en plein dès la première semaine, et manifesteront bien vite l'excellence du régime des Séries passionnées». Certes le terme «dociles» nous fait tiquer et craindre une quelconque manipulation, mais l'analyse psychologique reste bien valide.
Dans cette première phase, et c'est sans doute une des inconséquences de FOURIER, le rôle des femmes semble encore majoritaire sinon unique, et le rôle des «bonnes», malgré sa valorisation, reste à nos yeux contemporains bien contestable sur le plan de l'égalité des sexes.
De nombreux projets de «phalanstères miniatures», de «phalanstères d'enfants», «phalanstères enfantins» ou de «phalanges miniatures» de «phalangettes», sont proposés dès le vivant de FOURIER. Ces disciples en le prolongeant parlent ensuite de «colonies enfantines». Lui-même, vers 1833-1834, en développant une pensée curieusement appelée «théorie familière», a rédigé un plan d'essai sur 500 enfants de 5 à 12 ans en juin 1833. Deux mois plus tard il réduit l'échantillon à 160 enfants de 3 à 12 ans cette fois. Peu après, il tente d'obtenir l'appui d'Adolphe THIERS pour une phalange qui cette fois comporterait 300 enfants et 40 adultes.
La place de l’enfant, centrale chez le bisontin qui est un des premiers à considérer l’enfant comme une personne à part entière et l'enfance comme une part essentielle de la vie sociale, est cependant parfois curieusement minorée. Le philosophe va jusqu’à prôner un épanouissement sexuel progressif, mais à partir de 15 ans. FOURIER est sur ce point de la sexualité infantile très conventionnel par rapport aux propositions très avancées qu’il propose pour les adultes ; il en vient à ignorer (autocensure ?) la sexualité des moins de 15 ans. C’est la grande absente de son utopie amoureuse. C’est assurément un des points faibles des idées de FOURIER, qui ne reconnaît pas d’autonomie sexuelle avant la fin de l’adolescence, et qui fait vivre un peu « à l’écart » les enfants dans le phalanstère. Ils sont logés dans l’entresol, une manière de les préserver ( ?) en les tenant loin des actes amoureux et sexuels des adolescents et des adultes. C’est pourquoi, hors de rares moments, la rue-galerie, lieu de communications et d’échanges (y compris amoureux) leur est interdite. Même si cela les protège, vise à prolonger l’enfance, ou renforce l’amitié au détriment d’une nature jugée trop bestiale pour les jeunes êtres, il n’en reste pas moins que sur le plan de la sexualité des enfants, FOURIER semble rétrograde, et hors de toute réalité (refus de montrer) ou d’éducation sexuelle (refus d’expliquer ou de préparer ?).
Les enfants vivent collectivement dans l’entresol, et sont séparés des parents le plus tôt possible ; ils sont pris en compte égalitairement, sans tenir compte des différences, notamment celles liées à la fortune. La volonté de favoriser l'éducation des enfants hors du milieu familial et de manière précoce est un des traits les plus revendiqués du fouriérisme. Plus tard, le Familistère de Guise, va essayer d’appliquer cette volonté. Dès leur plus jeune âge les petits sont souvent regroupés dans des « séristères » ; FOURIER, toujours maniaque du détail, développe toute une gradation entre « nourrissons », « poupons », « lutins », « bambins », « gymnasiens », «petites hordes», «petites bandes»…
Les études de Nathalie BRÉMAND et de Bernard DESMARS montrent que les disciples de FOURIER vont majoritairement conserver cette séparation, mais en la minorant, et donc en redonnant une place plus importante aux parents. Par contre ils vont oublier l’interdit vis-à-vis de la rue-galerie, et y tolérer beaucoup plus la présence des enfants.

L’éducation fouriériste est donc avant tout une éducation prise en charge par la collectivité, de manière « sociétaire ». Elle repose aussi sur la pratique des groupes, corporations, tribus affinitaires, hordes, bandes ou séries, combinant les volontés individuelles à la solidarité confraternelle entre classes d’âge. On peut y voir des prémisses de pratiques autogestionnaires par les enfants eux-mêmes.
FOURIER lui-même avance la belle formule de « mutualisme composé » reposant sur des échanges solidaires et des formations mutuelles, le rôle du coordinateur ou enseignant ou pair étant interchangeable, et pas forcément primordial, ce que toute la littérature anarchiste sur les maîtres-camarades développera ultérieurement.
Les plus âgés (seuls ou en tribus) aident et servent d'exemple aux plus jeunes : c'est «l'entraînement progressif du faible au fort». Il parle en d'autres endroits «entraînement ascendant» pour désigner le penchant de tout enfant à suivre les voies des adultes et à essayer de s'identifier à eux. Ainsi l'éducation harmonienne mise énormément sur «l'exemple» et l'appui mutuel, non pas comme modèle figé, mais comme action démonstrative, formative et stimulante. Comme les enfants, souvent proches du singe (et ce n'est pas péjoratif pour FOURIER qui développe la notion de «singerie» ou «manie imitative» pour désigner la mimésis), utilisent les gestes entrevus et répétés, de manière également répétitive, il faut développer cette mécanique. Cela n'a rien de réducteur, au contraire, elle permet un gain de temps et d'explications théoriques qui rendraient en plus la formation ennuyeuse et plus contraignante. Theodor ADORNO (1903-1969), proche de Walter BENJAMIN, et membre de l'École de Francfort, reprend cette idée fouriériste, en l'appliquant à la langue, à la danse et sans doute à tout ce qui touche au musical, qui est sa spécialité, et qui est mis comme chez FOURIER, au premier plan de la formation ludique envisagée.

L’éducation fouriériste est «unitaire», pour toutes et tous. Elle est donc évidemment mixte, FOURIER étant un des premiers promoteurs de ce que les libertaires vont par la suite appeler la coéducation sexuelle. Et pour le choix des enseignants, la différence de sexe n’a pour FOURIER aucune importance : belle cohérence. Cette volonté de coéducation est en avance de plus d’un demi-siècle sur les positions systématiques d’un Paul ROBIN (1837-1912) qui va vraiment la diffuser.
L'éducation intègre le mode de vie et la protection des enfants. Médecine, hygiène, sports, somascétique (exercices corporels, gymnastique…) et mets adaptés, soins vestimentaires, lieux agréables, et modes de productions ou d'activités… doivent permettre à l'individu de mieux s'épanouir et se développer. Il s'agit de partir du concret, du connu, pour ensuite pouvoir s'ouvrir. Si un enfant, nous dit FOURIER, s'intéresse à la «savaterie», il faut prendre en compte prioritairement cette attraction, qui permettra ensuite d'aborder la cordonnerie, la tannerie, la chimie, l'agronomie… Bref, sauf risquer le catastrophique «contre-sens de marche» il ne faut pas placer la théorie avant la pratique.
En principe aucun centre d'intérêt ne doit être écarté, mais ceux qui sont trop précoces (sexualité) ou trop dangereux (manie des armes à feu ou des objets coupants, par exemple) sont soumis à utilisation progressive «par degrés». La «pleine liberté» n'inclut pas les «licences dangereuses».
L’éducation est toujours innovante, plurielle et variée sinon on risque de l'appauvrir en pratiquant le «simplisme d'action» (une mono-activité déprimante). C’est une « école active » avant la lettre, par exemple avec les propositions d’utiliser la cuisine et la gastronomie (« gastrosophie » et rôle éducateur des « sybils »), le théâtre, les opéras et la musique, les classes ouvertes, la coéducation... Dans son ouvrage L’Opéra et la cuisine (publié en 1842 dans les Œuvres complètes), FOURIER veut développer des méthodes et des arts nouveaux, pour épanouir l’individu dans son intégralité, le corps étant même placé avant l’âme dans cet opuscule. Pour les adultes les « fées d’amour » tiennent un rôle éducatif dans le même registre que les « sybils » pour l’alimentation, note René SCHÉRER. La méthode GALIN-PARIS-CHEVÉ qui mise sur la musique comme forme ludique et efficace d'apprentissage est propulsée par le fouriériste Émile CHEVÉ (1804-1864). Il dispose de l'appui de Charles SAUVESTRE, de Charles PELLARIN et surtout de Pierre CASTELLAN et Prudent FOREST. L'opéra est donc central, si on le voit comme lieu de construction, d'organisation, de gestion, de peinture… et pas seulement caractérisé par des exercices choraux. De plus, «l'intervention chorégraphique» convient à tous les âges et à tous les sexes.
Pour l’importance de l’art et du jeu dans l’éducation, FOURIER, là aussi, annonce bien des positionnements libertaires du XIX° siècle (Gustave COURBET 1819-1877) et du XX° siècle, Colin WARD (1924-2010) et Herbert READ (1893-1968), entre autres, en sont les grands théoriciens dans le milieu anarchiste britannique. WARD fait même du «jeu une parabole de l'anarchie puisque c'est une activité humaine choisie par nous et par nous dirigée», idée que reprend plus récemment le pédagogue anarchiste italien Francesco CODELLO pour qui «le jeu est anarchiste par nature». Même un communiste comme Georges SNYDERS (1937-2011) semble redevable à FOURIER : ses propositions d'école de la joie, et sa volonté d'y utiliser tous les arts et notamment la musique sont à rattachés aux propositions du bisontin.
Quant à la cuisine ou «gastronomie sériaire» ou «cabalistique» comme lieu de formation et de «stimulation des cultures par la gourmandise», elle prend chez FOURIER un rôle premier : c’est un lieu d’expérimentation et de travaux pratiques simples, c’est une production rapidement gratifiante (intellectuellement et physiquement, puisqu’on déguste avec plaisir les mets obtenus), c’est un moyen de combiner tous les sens au service de la formation, un endroit pour développer des positionnements sur l’hygiène, l’apprentissage du goût, de la diététique même si FOURIER est plutôt poussé à la gourmandise, prise dans un sens non péjoratif, au contraire. Enfin c’est un lieu d’échanges et de convivialité fraternelle évidents, ce qui ne peut que renforcer les aspects collectifs de la formation. À la lumière de ces exemples, on voit bien que FOURIER anticipe largement l’éducation par « centres d’intérêts » que beaucoup de mouvements pédagogiques vont propulser des décennies après lui.
Il semble que la notion « d’éducation polytechnique et intégrale » qui sera la revendication des grands pédagogues socialistes de la fin du XIXème siècle soit pour la première fois largement formulée par FOURIER même si les britanniques contemporains GODWIN (1756-1836) et OWEN (1771-1858) l’abordent également. FOURIER utilise autant «intégrale» que «composée» pour la définir, dans la mesure où elle concerne autant le corps que l'esprit : «l'éducation sociétaire a pour but d'opérer le plein développement des facultés matérielles et intellectuelles…». Quelques fouriéristes, comme aux États-Unis John Sullivan DWIGHT (1812-1893), développent cette volonté « d’éducation intégrale », notamment dans la revue de la communauté de Brook Farm en 1847. ROBIN ne pourra qu’être d’accord en fin du XIX° siècle avec cette formule d’une « école active et non passive, composée et non simple, intégrale et non partielle, de développement et non de contrainte ».
Partir de l'enfant et de sa spécificité, c'est se fonder sur sa spécificité (sinon on sombre dans un «vice de forme» qui croit faussement que les élèves ont des caractères uniformes). Au contraire on mise surtout sur le sens du «furetage» enfantin («penchant à tout manier, tout visiter, tout parcourir, varier sans cesse de fonction»), son «goût pour les travaux bruyants» (ce qu'il nomme le «fracas industriel») et «son goût pour les petits ateliers» («la miniature industrielle»). Avec l’expérimentation et le travail manuel, et la visite des ateliers et autres lieux de travail et d’échanges, l’éducation pour FOURIER est beaucoup plus concrète et donc plus active que la seule culture livresque ou répétitive, plus imaginative et stimulante, et plus ouverte que pour la plupart des pédagogues de son temps. FOURIER ne tarit pas d'exemples ou de propositions de méthodes afin de stimuler les jeunes intelligences ; il est autant sensible aux «petits outils» et autres «gimblettes harmoniques» (par exemple utilisation des jouets à des fins harmoniennes) qu'aux parades ou activités festives…
D’autre part, et son compatriote Pierre-Joseph PROUDHON (1809-1865) reprendra ce trait, le travail des enfants (dès leur plus jeune âge) a aussi valeur productive, permettant aux jeunes de contribuer à payer leurs études, et s’il y a surplus, de leur fournir un pécule à l’adolescence. Dans l’expérience semi-phalanstérienne algérienne de l’Union Agricole d’Afrique, les idées fouriéristes sont appliquées : les enfants sont rémunérés à partir de 7 ans, et touchent la même chose que les vieillards de 7 à 14 ans.

Antiautoritaire, «réfutant toute délégation de pouvoir», la formation prévue par FOURIER refuse le «vice de fond» qui est l'utilisation de la contrainte. Elle réduit le rôle du maître, ne serait-ce qu’en faisant alterner les formateurs, et en chargeant la collectivité toute entière de l’éducation des enfants. Elle fournit à l’enfant une autonomie, et à l'enfance une vraie «souveraineté», et offre ainsi au jeune une réelle « majorité » comme l’écrit René SCHÉRER (Vers une enfance majeure). Cette volonté prémunit l'enfant de toute mauvaise influence puisqu'«il ne s'agit à aucun niveau de changer l'enfant, mais de participer à son effort, c'est en ce sens que l'enfant développé selon l'harmonie n'a pas, en passions de leçons à recevoir de l'adulte actuel, entravé par son enfance contrainte». L’idée fouriérienne rend superflues les institutions éducatives que sont la famille ou l’école. En parlant de « dé-pédagogisation » et de « dé-familiarisation », SCHÉRER semble vouloir nous montrer l’influence de FOURIER sur l’anarchiste Paul GOODMAN (1911-1972) et Ivan ILLICH (1926-2002). Jean GORET le rapproche plus d'Alexander NEILL (1883-1973), un des rares qui a tenté de faire exister sur le long terme une «phalangette d'enfants» NEILL a placé au centre de son école les notions de désir et de liberté. Jean CHRISTIAN, dans un esprit soixante-huitard assumé, le lie à Célestin FREINET (1896-1966).
L’éducation fouriériste s’oppose bien sûr à tout châtiment ou sanction, mais face aux mauvais élèves, aux mauvais sujets (nommés plaisamment « petits civilisés ») la position est de les blâmer, d’où ce sobriquet qui leur est attribué ; ce n’est pas cruel, mais néanmoins humiliant et peu libertaire. À la suite de FOURIER, la mise au ban ou « exclusion » des jeunes difficiles est proclamée par Joseph DÉJACQUE (1821-1864), souvent mieux inspiré et plus nettement anarchiste, et par la belge Zoé GATTI DE GAMOND (1806-1854).

Sur ce point éducatif, le disciple franc-comtois (et peu libertaire) Victor CONSIDERANT (1808-1893), tout en continuant à édulcorer son maître, poursuit cependant l’œuvre de dénonciation antiautoritaire de l’école de son temps. Il a des accents libertaires très forts dans cette analyse puisqu’il s’oppose à une école qui déforme et enrégimente, en détruisant la liberté, l’imagination et l’autonomie des jeunes élèves. Il se dresse contre tous les « chiens de garde » qui ne sont que « tourmenteurs, régens, pédans, espèce d’argousins préposés à la chiourme » ; « des imbéciles barbus » qui ne sont que « geôliers et bourreaux » au lieu d’être des éducateurs.
CONSIDERANT entré à l'École Polytechnique en tire maints avantages en termes de formation, de relations sociales et de considération politico-professionnelle. Mais il dénonce toujours le côté sclérosé, «esclavagiste» de cette «prison» dorée. Cette expérience a dû conforter son penchant critique vis-à-vis des institutions de son temps.
Même si CONSIDÉRANT a renié parfois FOURIER, DOMMANGET montre tout de même que dans son projet d’école « la liberté s’épanouit, et l’on sent bien tout ce que l’anarchisme a puisé dans le fouriérisme ». C’est sans doute une vision bien excessive car le poids des parents réapparaît avec CONSIDERANT, alors que FOURIER tenait à une plus nette séparation. Pour CONSIDERANT, comme pour François CANTAGREL (1810-1887) et bien d’autres disciples, les enfants rencontrent les adultes, donc leurs parents, en utilisant largement la rue-galerie.
Cependant CONSIDERANT reste essentiel, et pour une fois en avance sur son époque, pour ses positions en faveur des « droits de l’enfant » « reconnus et sacramentellement respectés dans les Phalanges… ». Il a aussi insisté sur le mutuellisme pédagogique, ce qu’on pourrait appeler coéducation ou solidarité éducative ; sa connaissance de l’école mutuelle de Salins y a peut-être contribué ?
Au niveau des réalisations, le bilan semble plus désespérant : par exemple, l’essai de Réunion au Texas, dont CONSIDERANT - malgré fortes rivalités, critiques et ses propres absences - reste le coordonnateur principal, quasiment rien n’est fait pour l’enfance, ni pour la promotion de la femme. On est très loin ici de FOURIER et des propres écrits de CONSIDERANT.

Des disciples nombreux et divers
Des projets et essais variés mais peu déterminants

Peu après la mort de FOURIER, le Congrès phalanstérien d'octobre 1848 rappelle la primauté d'expérimenter des «colonies enfantines» : phalanstères, phalanstérions, communes, essaims, séristères, colonies, essais sociétaires, phalanges, asiles, crèches, maisons rurales et villas d'enfants, fermes nourricières... concernant prioritairement (ou avec participation) des enfants, vont alors se multiplier sous les plumes fouriéristes, et dans de multiples réalisations. Mais les cours et formations pour adultes ne sont jamais oubliés. C'est bien l'aspect formatif et éducatif au sens large qui demeure un des axes forts et un moteur essentiel de cette émancipation harmonique voulue par le mouvement.
Cependant les enfants, apparemment plus purs et moins gangrénés que leurs aînés par la terrible «civilisation» restent un terreau utopique majeur. Leur regroupement apparaît donc «non comme un but mais un moyen» pour atteindre l'harmonie et la réalisation du bonheur phalanstérien. Cette idée émancipatrice contenue dans la formation d'un futur citoyen autonome est partagée par la plupart des utopistes sociaux, les anarchistes bien sûr malgré les réticences bakouniniennes, mais y compris les cabétistes ou icariens pourtant présentés souvent comme fort autoritaires.

En Belgique, la disciple féministe de FOURIER, Zoé GATTI DE GAMOND, se penche sur les problèmes éducatifs dans Réalisation d’une commune sociétaire (1840). Elle fonde à Bruxelles une école pour ouvrières, et une sorte d’école normale pour « jeunes personnes sans fortune ». Comme FOURIER elle insiste pour que l’enfance ne soit pas coupé des autres âges, et notamment des personnes âgées, car enfants et vieillards souvent se respectent et s’entendent bien. La fille de Zoé, Isabelle GATTI DE GAMOND (1839-1905), célèbre pédagogue, future libre-penseuse et socialiste, est surtout connue pour avoir fondé à Bruxelles en 1864 un des premiers Cours (laïcs) d’éducation pour les jeunes filles.
De 1848 à 1854, une autre expérience fouriériste est à noter : celle de L’École du travail par l’attrait, tentée par un auteur de théâtre prolifique, mais de faible renommée littéraire : Jean-Joseph FOURDRIN (né en 1800). L’expérience semble mêler fouriérisme et phrénologie. Elle s’adresse à des enfants, des deux sexes, des classes aisées (participation financière très élevée). Cette coéducation des sexes, très novatrice, repose également sur le refus des punitions et récompenses et sur un profond souci d’ouverture (presse, contacts…) : l’ébauche de pédagogie libertaire paraît ici incontestable, au moins dans les intentions.

En Espagne, le Liceo Gaditano (Cadix) fondé en 1855 et soutenu par le phalanstérien Manuel SAGRARIO de BELOY (1786-1859) est dans la lignée de formation humaniste en faveur des classes aisées, sa structure seule porterait des traces fouriéristes, ne serait-ce que par l’autonomie de chaque section et l’ébauche démocratique de sa gestion. Sinon il propose de promouvoir la propriété et a pour objet la volonté « d’améliorer la condition morale des hommes » dans le cadre du « pur esprit chevaleresque qui a toujours caractérisé la société espagnole », ce qui est loin d’être révolutionnaire.
Le très riche « médecin des pauvres » José DEMARIA (mort en 1862), sur Jerez, soutient vers 1837 une école gratuite pour les pauvres qui est plus une action philanthropique des riches négociants de la ville (dont il fait partie) qu’une activité fouriériste déclarée.

Aux États-Unis, le mouvement pédagogique adopte parfois des aspects fouriéristes, notamment avec l’admiratrice du système du Familistère de Guise qu’est la romancière Marie HOWLAND (1836-1921). Elle se bat pour une éducation intégrale, attentive aux enfants. Dans son roman Papa’s own girl de 1874, où elle s’inspire du Familistère (à tel point que la 3° édition du roman s’appellera justement The Familistere), elle adopte diverses propositions fouriéristes dans son phalanstère utopique d’Oakdale. Ainsi les enfants sont mêlés par groupes d’âge. Le respect réciproque leur est inculqué. Une certaine forme d’autogestion est implantée avec l’élection des responsables.

En France les réflexions et les initiatives sont assez nombreuses.
Un projet, appuyé par FOURIER lui-même et relancé à maintes reprises par son «premier» disciple bisontin Just MUIRON (1787-1881), de « phalange miniature ou phalanstère enfantin » (parfois dit « institut sociétaire » ou « phalanstérion ») date de 1833. Il concernerait entre 400 et 500 enfants. Rien n’aboutit, mais les idées centrées sur les enfants demeurent et réapparaissent 4 ans plus tard.
À Condé-sur-Vesgre, dans la Colonie sociétaire fondée en 1832-33, un projet de «ferme asile» pour enfants (auquel aurait participé le médecin Alexandre-François BAUDET-DULARY 1792-1878) n'a apparemment pas eu de suite. En 1837 après l'échec de la Colonie, le projet d'Institut industriel, agricole et scientifique de Condé, «visant à recueillir 400 enfants», n'a pas de suite.

Vers 1837, un autre projet semble largement avancé avec les plans proposés par l’architecte César DALY (1811-1894), et l’aide de MAURIZE (ou MORIZE) et de CONSIDERANT. Le fidèle fouriériste jurassien Joseph REVERCHON (née en 1807) est sollicité pour sa réalisation, mais il semble que le tout échoua.
En 1840, P.-A. GUILBAUD, spécialiste des orphelins de la région nantaise, propose une « maison rurale d’apprentissage pour 200 élèves » comme « germe d’harmonie sociétaire » sans plus de réussite. Il misait pourtant très large dans son expérimentation sociétaire, se fondant sur FOURIER et aspirant à un avenir meilleur. Il mise sur le «régime d'industrie combinée attrayante» pour la réussite de son plan. La fin de son ouvrage est «Dédié aux phalanstériens vrais et à tous ceux qui désirent sincèrement l'avènement du bien».
En Gironde, Jules DELBRÜCK (1813-1889) et sa compagne, créateur de la Revue de l'Éducation nouvelle (1848-1854), rêve d'établir une «colonie agricole et industrielle de petits enfants orphelins», tentative « de colonie éducative sur les bords de la Garonne ».
Dans la région parisienne, Arthur de BONNARD œuvre vers 1865 pour établir une «villa des enfants» sur les bords de la Marne.
Bien d’autres initiatives et expérimentations existent comme le projet de Félix CANTAGREL pour mettre Les enfants au phalanstère. Dialogue familier sur l’éducation (1844) où les remarques de l’alors fouriériste Constantin PÉCQUEUR (1801-1887).

La féministe Jeanne-Désirée VÉRET (1810-1891 ?), amie de FOURIER et sans doute un temps amante de Victor CONSIDERANT, eut la chance d’épouser Jules GAY, un socialiste d’abord oweniste et antiautoritaire, et partisan de la liberté des femmes. Il l’aida dans ses engagements et dans son école expérimentale pour petits-enfants (de 1 à 6 ans) de Châtillon-sur-Bagneux en 1840 : L’Institut de l’Enfance. Cet Institut ne vécut sans doute pas longtemps, malgré son organisation d’association en commandite. En 1848-1849, le couple tenta au même endroit une nouvelle création sans plus de succès. En 1868, Désirée, liée à l’AIT, publie L’Éducation rationnelle de la première enfance. Manuel à l’usage des jeunes mères. Elle met évidemment en avant la liberté et l’égalité des sexes, et le rôle primordial de l’amour.

Une autre grande expérience, cette fois intégralement fouriériste, concerne La Maison de Santé et de sevrage de Beauregard (1852-1868), liée à la Société agricole et industrielle du médecin Henri COUTURIER (1813-1894). La Maison, sise en Isère près de Vienne, accueille au total près de 200 enfants, l’extrême majorité ayant moins de 8 ans. La plupart sont pauvres, de milieu rural et/ou partiellement handicapés. Le côté entraide et assistance publique semble donc dominant.

Toujours dans la Vienne, existe en 1846 la Maison rurale industrielle et d’apprentissage de Saint-Benoît. Le docteur fouriériste P. JOUANNE y est peut-être ( ?) lié puisqu’un des protagonistes porte ce nom, mais de prénom Alfred. La Maison concernerait des enfants de 5 à 12 ans.

Un autre homonyme, le docteur et pharmacien Adolphe JOUANNE (mort en 1895), crée à Ry, près de Rouen en Seine Inférieure (aujourd'hui Maritime), la Maison rurale d’enfants pour l’expérimentation sociétaire qui est appelé parfois « phalanstère d’enfants » et qui se veut une vrai expérimentation fouriériste en marche vers un futur meilleur, ou au moins assurer «la conquête passionnelle» de la commune où elle est située. Elle est lancée en 1859 autour de la Société mutuelle de Ry (l'Unité fraternelle est fondée vers 1856), ce qui prouve la visée générale de son auteur, l'éducation côtoyant des activités commerciales (coopérative de consommation) et mutualistes (surtout dans le domaine sanitaire)… La Maison fonctionne vraiment de 1862 à 1884, en appliquant au mieux une synthèse des idées de FOURIER et du pédagogue allemand et partisan des Kindergarten, Friedrich FRÖBEL (1782-1852). Auguste SAVARDAN (1793-1867), François-Marguerite BARRIER (-1870) et Just MUIRON en sont partisans. Elle aurait même été reconnue officiellement par le ministre Victor DURUY (1811-1894). Lieu de production et de formation, cette Maison tente d’appliquer au mieux les idées d’éducation intégrale et d'enseignement ludique, actif et attrayant afin de favoriser «le libre essor des facultés de l'enfant». Depuis septembre 1870, l'initiative bénéficie de la revue École sociétaire - Maison rurale d'enfants à Ry (Seine-Inférieure) ; en fait ce bulletin s'ouvre à tout le mouvement fouriériste, et dépasse largement le seul aspect pédagogique ; vers 1875 il change de terme pour L'Éducation nouvelle par le libre essor des facultés, ce qui traduit une ouverture cette fois vers des courants pédagogiques qui ne sont plus seulement fouriéristes. Les effectifs furent toujours modestes, surtout vis-à-vis de bâtiments assez spacieux, bien agencés et rappelant les préceptes de FOURIER, notamment l'éloignement des parties bruyantes des lieux nécessitant lune certaine quiétude, et la présence de galerie vitrées. L'équilibre financier a toujours posé problème. L'échec et les ennuis administratifs obligent JOUANNE à transformer son école en une sorte d'orphelinat du département de la Seine, avec une motivation et des espoirs fouriéristes qui sont dès lors très limités.

Dans la mouvance fouriériste, plusieurs autres grands noms liés au monde éducatif apparaissent ici ou là. C’est le cas de Jean MACÉ (1815-1894) futur fondateur de la Ligue de l’enseignement (1866). Pour ce qui concerne justement l'éducation populaire, il semble que les disciples de FOURIER de la seconde moitié du XIX° siècle y fassent malgré tout peu référence, mais participent largement aux mouvements qui s'en réclament comme la Société Franklin fondée en 1862 et la Ligue de l'enseignement déjà citée ; on peut retenir les noms de personnalités connues : Charles SOUVESTRE, Charles LIMOUSIN, Édouard de POMPÉRY (Paris), Hippolyte RENAUD (Metz), Jean-Baptiste GUIZOU (Marseille) et Henri COUTURIER (Vienne)…

On peut aussi mettre en avant Marie PAPE-CARPANTIER (1815-1878) qui est une des fondatrices des premières écoles maternelles, à Paris ; vers 1848 elle anime l'École normale des salles d'asile. Elle publie l’année suivante L’enseignement pratique dans les écoles maternelles, qui est un manuel que bien des militants d’une nouvelle éducation vont utiliser.
Elle a eu le soutien du fouriériste Jules DELBRÜCK et de sa Revue de l’Éducation nouvelle. Journal des mères et des enfants, qui sort également en 1848. Il semble que cette revue soit une des toutes premières à parler « d’éducation nouvelle », terme appelé à faire fortune au XX° siècle. DELBRÜCK est un promoteur assidu des crèches.

La nièce de Clarisse VIGOUREUX (1789-1865), Clarisse COIGNET (1823-1918), occupe une bonne place dans la promotion de l’éducation féminine. Tous mettent le bonheur des enfants en première ligne.

Les crèches ont l’appui de l’architecte fouriériste Gabriel-Désiré LAVERDANT (1802-1884). Sur Lyon le médecin François-Marguerite BARRIER (1813-1870) se préoccupe beaucoup de la santé des enfants (Cf. Traité des maladies de l’enfance fondé sur de nombreuses observations cliniques en 1842) et lance une campagne pour la création des crèches (Cf. Considérations sur l’établissement des crèches à Lyon). Il a créé une « société de capitalisation » qui aide entre autres La Maison de Santé et de sevrage de Beauregard. BARRIER propose de créer «des colonies maternelles par la coopération» pour la petite enfance, l'objectif de fond restant celui de contribuer à faire diminuer la mortalité infantile.

Toutes ces initiatives s’appliquent très souvent aux enfants abandonnés ou en grande difficulté sociale : le docteur Auguste SAVARDAN, éternel promoteur et expérimentateur des phalanstères en France et au Texas, s’est beaucoup mobilisé dans la Sarthe en faveur des asiles ou crèches et de centres de formation adaptés et proposant une ébauche d’apprentissage à l’autonomie (« association libre »), comme le prouve dès 1848 son ouvrage Asile rural des enfants trouvés. Crèche, salle d’asile, école primaire, école professionnelle, ferme modèle, association libre des élèves à leur majorité. En 1851 ils rêve de «colonie maternelle». En 1860, la prise en charge des enfants doit contribuer à L'Extinction du paupérisme. Cet ancien responsable de l'inspection des écoles primaires reprend les idées de « grande famille » éducative, ou chacun aurait sa place, et d’une éducation mixte, forme de « coéducation » avant la lettre où les femmes deviennent égales aux hommes : bien des idées sont liées aux propositions de Marie PAPE-CARPANTIER qu’il doit sans doute connaître. SAVARDAN présente l'autre avantage de multiplier les propositions concernant l'hygiène, les équipements de base, la formation des nourrices… et prouve par là même que son utopie est très concrète et pratique, adaptée à un problème réel de son époque.
L’attention portée par SAVARDAN aux enfants délaissés est à rapprocher de quelques autres initiatives néo-fouriéristes. La romancière comtoise Marie-Louise GAGNEUR (née MIGNEROT en 1832, morte en 1902), aidée par Victor HUGO, a créé L’Adoption, société protectrice des enfants abandonnés. Jean-Baptiste-Henri COUTURIER (1813-1894), autrefois actif à Beauregard, et qui a fait ensuite une carrière politique en Isère, fonde au début des années 1880 en Algérie, sur le site de l’ancienne Union Agricole d’Afrique (essai d’implantation fouriériste depuis 1846), Orphelinats Agricoles d’Algérie (1881-1890). Il s’agit cependant plus d’une œuvre de solidarité et d’assistance que d’une institution sociétaire.
En Bretagne l’influence fouriériste, mêlée aux républicains et aux francs-maçons, serait une des origines de l’École pratique de l’industrie de Brest (1894).

Le cas de Guise mérite un développement particulier : le roman de Marie HOWLAND cité ci-dessus nous permet d’évoquer le réformiste fouriériste Jean-Baptiste-André GODIN (1817-1888) et sa compagne et future épouse Marie-Adèle MORET (1840-1908). Dans le fameux Familistère de Guise, à l’extraordinaire longévité (milieu du XIX° - 1968), les essais pédagogiques sont en nette avance sur leur temps. Attention prioritaire aux jeunes enfants, mixité (coéducation ou « écolage mixte »), volonté de gratuité ou du moindre coût d’entretien, obligation, laïcité, éducation intégrale incluant les travaux manuels et les sorties, prise en charge solidaire des enfants orphelins… L’égalité scolaire pour toutes et tous, hors des conditions sociales, morales et sexuelles, prime sans doute sur l’apprentissage de la liberté. Quant aux méthodes pédagogiques, elles sont éclectiques, évolutives et diversifiées, ce qui est la preuve d’un sain pragmatisme et d’une belle volonté expérimentale ; elles s’inspirent indifféremment de FOURIER, Friedrich FRÖBEL (1782-1852), Johann Heinrich PESTALOZZI, Napoléon LAISNÉ (1810-1896) pour la gymnastique, et surtout de l’épouse et animatrice infatigable qu’est Marie MORET.
La conception du travail qui est au centre de l’idéal sociétaire et éducatif de GODIN (qu’il partage donc avec FOURIER et PROUDHON) diffère cependant de celle de son maître ; le travail attrayant ne peut l’être qu’in fine, pas dans un premier temps. Les exigences collectives et morales, et donc une certaine obligation et directivité, semblent s’imposer pour le moraliste intransigeant qu’est GODIN. D’autre part la participation aux travaux n’est pas systématique, et peut apparaître marginale avant la phase de l’apprentissage : c’est une autre différence par rapport aux deux bisontins.
Mais ce qu’il appelle « l’éducation par l’attrait » renvoie pourtant directement à FOURIER, même si les désirs et passions ne sont pas pris en compte, et même si un certain « embrigadement » se fait sentir, toutes choses qui lui seront évidemment reprochées par certains fouriéristes et autres libertaires.
Dès 1861 une salle est réservée aux plus petits. Une sorte de crèche, avec nourricerie et pouponnat, est créée en 1866 ; une école suit en 1869, dans des bâtiments annexes. C’est GODIN qui vraisemblablement nous offre (et qui tente de réaliser) l’organisation scolaire la plus proche des pensées de FOURIER : « Nourricerie », « Pouponnat », « Bambinat », « Petite école », « Seconde école », « Première école » … alternent entre 2 ans et 13 ans. Près de 300 enfants en bénéficient dès la fin des années 1860. Au-delà ce sont les cours supérieurs, mais réservés seulement à une élite limitée. L’apprentissage, lui, est proposé à toutes et tous. Ce qui est très cohérent pour un penseur qui rêve de transformer le monde en transformant déjà les individus, c’est qu’il privilégie - comme FOURIER - les plus petits, la génération nouvelle devant connaître des conditions nouvelles dès son jeune âge ; cela démontre aussi un certain utopisme optimiste, car cette construction par étapes se fera forcément sur la longue durée.
En bon fouriériste, GODIN pense que l’éducation doit se faire en dehors des parents (de la naissance à 14 ans), mais les liens sont nombreux entre eux et les enfants, et les bâtiments de l’enfance et ceux des adultes sont très rapprochés, et reliés par des sortes de rue-galeries comme les imaginaient FOURIER. Pire peut-être, fenêtres et galeries circulaires donnent sur les cours et les lieux de jeux et de déplacements des bambins : une surveillance de presque tous les instants, de tous par tous, empêche toute vie libre et impose une sorte de norme sous le prétexte d’assurer la sécurité et la protection de la jeunesse. L’école buissonnière, tant vantée par les rêveurs et les libertaires pour la liberté et les découvertes qu’elle permet, pour l’apprentissage d’une forme hors norme d’autonomie, est impossible à Guise. Nous sommes plus proches du Panopticon de Jeremy BENTHAM (1748-1832), ou de la volonté de transparence et de contrôle de Nicolas LEDOUX (1736-1806) à Arc-et-Senans, que de FOURIER et de la pensée libertaire ; sur ce plan, Guise semble annoncer une sorte de Big Brother omniprésent mais heureusement n’utilisant pas la violence.
Les critiques sont fortes pour l’importance à Guise de l’émulation, du rôle des prix, décorations et récompenses, du paroxysme atteint lors de la fête annuelle de l’Enfance (instituée dès 1863)… qui doivent entretenir une concurrence permanente et stimuler l’étude. Ces « hochets » sont tout sauf libertaires. Pire encore sont les remontrances, avec selon la gravité, affichage public, et les privations et exclusions, que subissent enfants comme adultes pour le moindre délit. Nous sommes ici très éloignés de la pédagogie libertaire, voire à ses antipodes, et plus proches des systèmes oppressifs mis en place dans bien des dictatures plus tardives, avec cependant l’absence tout de même des châtiments corporels. Comme le note justement Nathalie BRÉMAND, cette ritualisation de l’émulation et leur théâtralisation dans le cadre du Familistère a aussi pour but de formater les parents. Personne n’échappe à l’emprise quasi totalitaire et nationaliste (on se déplace par rang avec bannières portées par les meilleurs élèves) du Palais social pensé par son fondateur.
L’autogestion parfois avancée pour décrire l’expérience n’est pas réalisée dans le domaine éducatif : c’est bien GODIN lui-même qui a tout pensé, tout prévu, tout fait réaliser au centimètre près - du pupitre ergonomique à l’éclairage des salles et à la disposition des bâtiments - et qui veille à la bonne exécution de l’ensemble et à l’obligation des membres d’y envoyer leurs enfants sous peine d’amendes ou d’exclusions. « Paternalisme éducatif et bienveillant » me semble donc la formule plus appropriée. Les rares tentatives pour créer des organismes élus au sein des élèves relèvent plus d’un principe aristocratique et élitiste que d’une réelle volonté démocratique : les meilleurs devant exercer une sorte de magistère et de surveillance sur les membres de leurs classes d’âge.
Malgré tout le journal anarchiste Le Révolté en juillet 1886 parle « d’un jalon planté sur la route du progrès pour l’enseignement du genre humain » ; et c’est le bakouniniste Paul ROBIN qui rédige la partie bienveillante sur le Familistère dans le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire coordonné par un parfois philo-anarchiste méconnu : Ferdinand BUISSON (1841-1932).

Au Mexique, avant l’expérience de Plotino RHODAKANATY (1828 ou 1832-1885 ?), des projets éducatifs teintés de fouriérisme sont exposés à Guadalajara (et dans tout l’État du Jalisco), par exemple dans le journal La linterna de Diógenes, celui d’une École pratique agronomique en 1847. Dans la même ville, le médecin italien, José INDELICATO, s’intéresse à l’éducation populaire dans son journal El socialista ; il est sans doute l’auteur de l’article De la instrucción del pueblo dans le numéro du 29/05/1856 du journal El constituyente. Le journal officiel du gouvernement du Jalisco, qui un temps s’appelle justement La Armonía social, évoque également d’autres plans éducatifs plus ou moins socialisants.

En Suisse, bien des pédagogues se réclament du fouriérisme, comme François-Marc-Louis NAVILLE (1784-1846), pasteur et responsable d’un Institut pédagogique célèbre. Il est l’auteur d’un ouvrage de 1833, reconnu dans le milieu éducatif, sur l’éducation publique.
C’est le cas également de l’enseignant de Fribourg, Alexandre DAGUET (1816-1894), qui est l’ami de l’écrivain franc-comtois Joseph-Maximilien dit Max BUCHON (1818-1869). Il devient directeur de l’École normale de Porrentruy.
Le philosophe Édouard RAOUX fonde un jardin d'enfants à Lausanne et s'appuie sur sa revue L'Éducation nouvelle (1861-1862). Son «école vocationnelle» est établie dans sa propriété des Charmettes, mais dure très peu de temps.

Dans l’île Maurice des années 1830, Gabriel-Désiré LAVERDANT (1802-1884) propose « une école rurale pour des enfants d’esclaves affranchis » qui mettent en avant attraction et liberté. Elle devait s’établir dans les « plaines Willems ». En 1851 il publie avec Auguste SAVARDAN Colonie maternelle. Appel aux phalanstériens.

Les écrits pédagogiques de FOURIER ont influencé des disciples plus ou moins fidèles, quelques anarchistes, mais également d’autres courants socialistes et pédagogiques, y compris parmi les plus autoritaires, comme c’est le cas de CABET qui était favorable à l’éducation attrayante, concrète et qui se dressait contre « prix, couronne et distinction ». Dans son Icarie, l’éducation doit donc être attractive, active, intégrale, et le rôle du maître réduit à celui d’éveilleur des jeunes consciences… Malheureusement, les aspects utilitaristes, moralisateurs et directifs restent l’essentiel pour le patriarche d’Icarie.
C'est surtout l'anarchiste Paul ROBIN (1837-1912) qui illustre et dépasse FOURIER, car «sur le plan pédagogique, (son) programme d'éducation intégrale résonne de nombreux échos qui évoquent l'éducation harmonienne de Charles FOURIER : même volonté de déceler chez l'enfant les vocations naturelles pour lui donner dans le groupe le rôle social qui convient à ses inclinations, même alternance des travaux manuels et des travaux de l'esprit, même attention portée aux exercices corporels et à la santé, même aspiration à la polyvalence contre l'excès de spécialisation». Si on ajoute l'importance donnée à la femme chez les deux penseurs, et le virulent refus du conformisme et des conventions, on ne peut qu'être frappé par les similitudes.
On pourrait presque le dire pour tous les projets éducatifs socialistes du début du XIX° siècle, et on doit lire avec attention la belle conclusion de Nathalie BRÉMAND qui reprend une citation éloquente de GÉLIS « l’intérêt pour l’enfant n’est pas synonyme d’intérêt de l’enfant » : ce dernier est vu comme exemple, comme prototype, comme moteur pour atteindre la nouvelle société, mais il est rarement vu pour lui-même et en fonction de ses propres besoins et de sa propre liberté : c’est pourquoi le retour aux fondamentaux anarchistes et à FOURIER lui-même s’impose, souvent envers et contre ses principaux disciples.
Les premiers anarchistes : William GODWIN et Mary WOOLSTONECRAFT
Même si les anarchistes ont largement emprunté à OWEN et à SAINT-SIMON, les vraies sources anarchistes sont à rechercher chez le britannique William GODWIN, chez l’allemand STIRNER et chez le français PROUDHON. KROPOTKINE et les frères RECLUS prennent plus tard la relève brillamment. Enfin les écrits de Wilhelm REICH, freudo-marxiste, assez libertaire cependant, sont souvent cités. Même BAKOUNINE, qui a peu écrit sur l’éducation, semble adopter les idées d’éducation intégrale, sans doute sous l’influence de Paul ROBIN qu’il a hébergé à Genève, vers 1869.

William GODWIN (1756-1836), amant puis mari de Mary WOLLSTONECRAFT et père de Mary SHELLEY est sans doute le premier théoricien anarchiste important qui met l’accent sur la recherche du bonheur et de la vertu via l’éducation, et qui se positionne pour un gradualisme non violent et ininterrompu très original. Pour Joël SPRING, GODWIN écrit le « premier texte libertaire moderne sur l’éducation ». Croyant en une évolution possible, une « perfectibilité » de l’homme via l’éducation, GODWIN est plus un réformiste qu’un révolutionnaire, et un bon adepte de l’esprit optimiste des Lumières. Il fait de l’éducation (et de sa notion de « persuasion » raisonnée) un des principaux moteurs de l’évolution et de l’émancipation humaine, avec comme objectif prioritaire : dépasser les préjugés et l’ignorance, et rendre l’esprit critique le plus fécond possible pour chaque individu.
Il a d’ailleurs enseigné comme précepteur et comme maître d’école – schoolmaster - (dès ses 15 ans il fut assistant de son ancienne institutrice à Hindolveston) et part d’une réalité qu’il connaît assez bien. On comprend donc l'importance qu'il attribue aux qualités nécessaires d'un bon précepteur. Cependant l’éducation est l’affaire de tous et ne doit pas demeurer une affaire de spécialistes coupés de la société. Il s’oppose donc sur ce point à ROUSSEAU en critiquant un préceptorat qui en isolant l’enfant le laisse sans défense ni moyen de résister aux pressions d’un maître qui, même bien intentionné, reste forcément dominateur et manipulateur. Au contraire, GODWIN insiste sur le fait que le maître est plus un conseiller, une aide ponctuelle et choisie, plus qu’un formateur omniprésent. Il réfute donc toute tromperie concernant l’enfant et est sans doute un des premiers grands penseurs à respecter la personnalité de l’enfant, de la même manière qu’il préconise vis-à-vis des adultes.
La primauté de l’éducation chez GODWIN, et le rôle du collectif dans la formation, est une forme de pré-proudhonisme. Mais attention, son école doit être libre, hors du carcan gouvernemental, car toute éducation nationale ou étatique est un moyen d’aliéner les individus, d’imposer un conformisme de pensée qui est détestable.
GODWIN s’oppose à toute contrainte, toute prime, tout châtiment, et à tout embrigadement. Il réfute les titres, le seul acceptable à ses yeux étant la reconnaissance de la vérité recherchée par l'individu. Il réaffirme souvent, à l'école comme dans la société rêvée que « là où il n'y a ni persécution ni oppression, les opinions ne conduisent pas à la violence ».
Il dénonce l’école de son temps comme un moyen de conditionnement aux mains de l’État moderne : le conditionnement scolaire est honteux par rapport à l’autonomie nécessaire de l’enfant, et il est totale manipulation au seul service de l’autoritarisme étatique, mais pas seulement celui-là. « L'éducation nationale » (comme il la développe dans le Chapitre 8 du Livre VI de son Enquête) n'est donc qu'uniformisation, conformisme, gouvernementalisme et mise en condition. Dès son premier projet pédagogique de 1783 dans An account of the seminary that wil be opened on Monday thr fourth day of august, at Epson in Surrey, for the instruction of twelwe pupils in th egreek, latin, french ans english languages, il instaure la libre discussion entre formateur et apprenant. Le premier doit partir des motivations et qualités du second, et l’aider à acquérir l’autonomie critique vis à vis des hommes et des sources de sa formation. Comme le note Giampietro BERTI « l’enseignant assume une fonction maïeutique de stimulation et d’aide à la recherche ». La spontanéité enfantine, sa joie de vivre doivent également être prises en compte ; ce point est essentiel et rejoint partiellement un rousseauisme ludique, favorisant rêverie et imagination enfantines. C’est un des premiers grands textes qui fait de l’enfance une entité originale, indépendante et propice à tout développement intellectuel et physique. Son projet à Epson n’a cependant visiblement jamais été réalisé.
Comme dans d’autres écrits (surtout L’Enquête sur la justice politique… An enquiry concerning political Justice, and its influence on general virtue and happiness de 1793 et The enquirer. Reflections on education, manners and literature - Réflexions sur l’éducation, les mœurs et le bonheur de 1797), il revient souvent sur les idées préconçues qui nous animent et faussent notre jugement, notamment la vision pro-gouvernementaliste que les hommes ont intégré. L’éducation doit nous permettre de les dévoiler et d’en diminuer l’effet. Il se trouve ainsi dans la lignée de LA BOÉTIE qui en pourfendant « la servitude volontaire » est un des premiers grands précurseurs de la pensée libertaire. Dans The Enquirer… qui compte plus de 16 chapitres sur 26 consacrés aux problèmes éducatifs, il insiste sur le rôle de pur conseiller que doit jouer le maître, et sur la nécessité d’ouvrir l’école à la vie, à la société. Un des premiers, il met en avant la nécessité de partir des besoins plus ou moins spontanés de l’apprenant. L’élève est au centre, dirions nous aujourd’hui ; mais plus que l’élève, ce qui est central c’est son autonomie. D’où l’exclusion des méthodes dogmatiques et autoritaires dans tout le processus éducatif ou formateur.
Il est préférable, assure GODWIN, d’apprendre à apprendre, de savoir discerner entre les choses et les connaissances, d’être donc maître le plus possible de son apprentissage et de son jugement : « en un mot, la première leçon dune éducation intelligente est : apprendre à penser, à discriminer, à se rappeler et à rechercher ».
Le rôle central de l’éducation est de développer un sens éthique fondé sur spontanéité et amour de la liberté. L’individu est un être social, mais la société à laquelle il participe ne doit en aucun cas limiter son esprit critique, son autonomie de jugement. Comme tous les grands théoriciens de l’anarchisme à venir, le souci de GODWIN pour une éducation libre, respectueuse, autonome correspond à la volonté de mettre en accord les moyens et la fin, une humanité débarrassée elle aussi de la servitude et du mensonge autoritaire.
Influencé partiellement par OWEN, il va lui-même influencer largement de nombreux écrivains essentiels, comme son gendre SHELLEY, sa fille Mary GODWIN-SHELLEY, et, nous affirme Tina TOMASSI, les transcendantalistes états-uniens ou les français Émile ZOLA et Octave MIRBEAU. Mais comme le note Alain THÉVENET, il semble curieusement méconnu par les grands théoriciens de l’anarchisme, sauf de KROPOTKINE.

Sa pensée pédagogique doit beaucoup à sa compagne et éminente féministe Mary WOLLSTONECRAFT (1759-1797) qui accentue le rôle dénonciateur du conformisme et de l’autoritarisme que doit absolument jouer l’éducation. Celle ci doit contrer l’influence liberticide néfaste de la famille autoritaire (pour la femme surtout, mais pas seulement). En bonne « annonciatrice » du féminisme libertaire, Mary vise l’universalité, pas la séparation des sexes, comme le prouvent deux ouvrages successifs : Défense des droits de l’homme en 1790, et Défense des droits de la femme en 1792.
L’éducation exigeante de Max STIRNER
L’allemand Max STIRNER (Johann Caspar SCHMIDT 1806-1856) a enseigné, comme professeur de lycée de 1834 à 1835, puis dans un Institut privé pour jeunes filles de Berlin, de 1839 à 1844, date à laquelle il est licencié après la parution de son livre principal jugé scandaleux. Il se retrouve dans une situation économique désastreuse pour les dix dernières années de sa vie, avec séparation familiale, emprisonnements pour dettes et maladies...
Même si dans son pensionnat de jeunes filles il n’a guère mis ses idées en pratique, ses nombreuses remarques sur l’éducation dans différents écrits en font le héraut de l’autonomie et de la non-directivité, dont la systématisation est affinée dans son œuvre majeure de 1845 L’Unique et sa propriété. Il s’y positionne résolument contre tout asservissement (moral ou réel) et contre tout moyen d’asservissement (il parle de dressage), dont l’école de son temps. Il refuse l’école étatique, et la pédagogie, qui ne sont que des formes très élaborées de conditionnement, et il rejoint ainsi, peut-être en l’ignorant, les pages importantes de son prédécesseur GODWIN. Son refus de la soumission volontaire et son appel à la rébellion individuelle (rébellion spirituel et matérielle) nous renvoient à LA BOÉTIE.
Il est d'ailleurs d'une grande logique, préférant la mauvaise éducation à une éducation-dressage, et l'indocilité même perturbante (parce que recelant une volonté d'autonomie libertaire) à tout endoctrinement.

STIRNER insiste essentiellement sur la liberté et l'épanouissement individuel que le savoir permet d’acquérir, et présente presque une vision purement utilitariste de la connaissance, celle-ci n’étant nécessaire que pour répondre aux besoins de l’apprenant. Mais c'est un savoir choisi, voulu, que l'apprenant s'approprie, pas un «savoir sans volonté» que l'école de son temps impose.
En anarchiste conséquent, il mise sur le refus de l'étatisme et sur le rôle primordial de l'individu, ce dernier devant montrer sa volonté d'autonomie et son « courage » intellectuel et moral pour prendre en main sa formation et maîtriser les savoirs. Le stirnérisme, comme un peu le proudhonisme, apparaît ainsi comme une forme élaborée de volontarisme libertaire. Le «Juste» proudhonien et «l'Égoïste» stirnérien sont donc plus proches qu'on ne le pense parfois sur la mise en avant d'un Individu responsable, fort, conscient de sa force et de son indépendance.
Refusant toute glaciation, comme il refuse tout système, STIRNER lutte contre « le principe de fixité », louant ainsi l'évolution, le pragmatisme, l'autonomie de jugement, le droit à changer…

Dans Les lois de l’école, de juin 1834, éditées pour la première fois en 1920, STIRNER propose les libertaires relations égalitaires maître - élèves, mais sa deuxième partie très conformiste est totalement contradictoire, voire étonnamment conformiste. D’autre part, pour ce pourfendeur des absolus, il fait de la vérité qui rend libre une bizarre abstraction.
Avec le Faux principe de notre éducation en avril 1842 (publié dans la Rheinische Zeitung) il se positionne pour une école de la vie, une école réaliste par opposition à l’humanisme scolaire d’alors jugé de plus en plus stérile, mais sans en faire un principe intangible. Le second titre de l’ouvrage s’intitule d’ailleurs : L’humanisme et le réalisme. Comme pour son idéal associatif, le savoir n’est pas une fin en soi. Il est acquis de manière continue, il est en perpétuel devenir, dépendant du « vouloir personnel » antiautoritaire et critique, au service du développement d’un esprit de contradiction indispensable (ce qu’il appelle « le sens de l’opposition » : « un savoir qui n’est pas devenu personnel offre une misérable préparation à la vie ». L’éducation doit permettre à « chacun de devenir son propre maître » et d’assurer son autodétermination, et développer sa propre « volonté ». Il est en cela très proche de GODWIN. Par « savoir personnel », STIRNER n’entend pas un savoir sclérosé et fermé, au contraire il prend ce qu’il y a de meilleur dans tous les systèmes, qu’ils soient humanistes ou réalistes. Il veut seulement signifier par là que le but ultime du savoir est bien une question d’affirmation de l’individu, et qu’il repose sur sa seule volonté et sa ferme appropriation de son environnement et de la culture. Le savoir n’a de sens que pour favoriser la libération individuelle et la totale autonomie de l’apprenant, jusqu’à la désobéissance vue comme une vertu puisque « l’insubordination et l’entêtement de l’enfant ont autant de droit que son désir de savoir ».
Cette « préfiguration de la pensée existentielle moderne » (Henri ARVON) en fait une pédagogie très novatrice et toujours fort sous-estimée et une somme quasi définitive contre l’école vue comme « assujettissement » des individus. Le rejet de la science pédagogique de son temps est total.
Primauté du travail et de l’éducation chez PROUDHON : pour une démopédie
Comme le rappelle souvent Maurice DOMMANGET, la place de Pierre-Joseph PROUDHON (1809-1865) est « exceptionnelle » dans la genèse de la pédagogie socialiste et diffère un peu de celle de GODWIN et STIRNER en donnant une place plus importante au travail, aux connaissances et aux diverses formations pour permettre de forger un homme nouveau : l’objectif est de rendre au peuple sa culture, et de lui donner une bonne formation générale et permanente, y compris philosophique (Cf. son Programme de Philosophie populaire dans De la Justice dans la Révolution et dans l'Église 1858). Bernard VOYENNE résume bien la position du bisontin : l’éducation « est pour lui à ce point centrale qu’on ne saurait en traiter de façon isolée. Elle s’applique à tout ce qui concerne le développement humain, individuel et social, est une dimension de toutes les questions que pose le devenir de l’homme et des progrès qu’il est capable d’accomplir ». Nous avons donc affaire chez PROUDHON à un terme « éducation » qui diffère du sens restreint d’aujourd’hui, puisqu’il englobe toutes les transmissions culturelles au sens large du terme : c’est « l’éducation comme création des mœurs » dont traite Pierre ANSART. C'est l'éducation comme démocratisation «des consciences et des intelligences» pour permettre une réelle autonomie.
Cependant, comme je l'ai déjà indiqué en parlant de STIRNER, les deux penseurs sont sans doute plus proches qu'on ne le pense sur le rôle prioritaire accordé à l'individu : il est libre et autonome, volontaire. Il agit pour son propre épanouissement, se servant des savoirs comme d'un moyen d'émancipation sur tous les plans. Si PROUDHON a une vision plus sociale que STIRNER, ils se rejoignent donc sur la curiosité, la « force » et le « courage » qui sont les qualités premières de celui qui cherche une formation profitable.
Pour PROUDHON, l’éducation est donc évidemment centrale : elle permet de créer « l’homme social », et de le faire de manière autonome, en misant sur le « principe d’immanence » (Pierre ANSART), car la «démocratie socialiste signifie instruction». Il faut bien entendu prendre le terme « éducation » au sens large de formation, à tout âge et en tout lieu, et donc pas centrée sur la seule école ni sur la seule formation initiale. L'éducation est donc forcément permanente et/ou continue «par obligation personnelle et économique», mais aussi comme «nécessité politique et sociale».

Comme pour GODWIN, elle repose sur l’idée basique de Justice, qu’il faut développer et atteindre en en faisant l’objectif de toute vraie éducation. Tout en reconnaissant qu’une bonne éducation ne peut exister dans une société de classe – ce qui renverrait l’école socialiste ou égalitaire à l’après-révolution – il n’en œuvre pas moins pour une école nouvelle et pour former l’homme nouveau, même au sein de la société capitaliste de son temps. Ainsi pour lui « l’éducation, sous toutes ses aspects, est à la fois la fin et les moyens de la révolution ». Comme toujours chez PROUDHON alternent donc des considérations profondément révolutionnaires avec un gradualisme réformiste d’ampleur. Mais il n’y a pas de contradiction, car l’éducation la plus socialiste possible favorisera le succès de la vraie révolution attendue, comme le note CODELLO « aucune révolution ne sera féconde sans une instruction publique rénovée qui lutte contre le paupérisme, les crimes militaires et toute forme de despotisme ».

Ce qu’il définit est une éducation totale, complète, « encyclopédique », «plénière» (Jean BANCAL), sans spécialisation. Elle est polytechnique et « intégrale, comme disait FOURIER » (intellectuelle et manuelle), et s’exprime sous l’appellation de « polytechnie de l’apprentissage ». Il s’agit, selon la belle formule de Georges NAVET, d’articuler le travail avec les Lumières. Partir du travail, du réel, de l’activité des êtres humains… font des propositions de PROUDHON une ébauche de matérialisme dialectique, d’autant plus que pour lui « l’idée naît de l’action et doit revenir à l’action ». Il développe une vraie éducation «travailliste». Mais ce souci du réel ne l’empêche pas d’utiliser largement la philosophie, la théologie et surtout l’histoire pour faire passer des idées de progrès, de mouvements, de continuité et de changements qui marquent toutes les sociétés humaines, qu’il tente, dans une démarche très moderne, d’analyser dans la longue durée et avec des méthodes comparatives.
Le travail manuel reste cependant omniprésent et varié, l’élève découvrant la diversité des métiers et passant progressivement de tâches simples à de plus complexes. Le lieu privilégié devient l’atelier-école dans lequel l’élève, à partir de 7 ou 8 ans, exerce un travail productif réel, concret, donc le plus attractif possible. Ce travail est à la fois formateur, complété par une formation encyclopédique qui permet de mieux le maîtriser. PROUDHON semble ici dans la lignée de PESTALOZZI, de FOURIER… mais il est également en accord avec son temps puisque la loi du 22/02/1851 déclare que « l’atelier est une véritable école où l’apprenti reçoit, non seulement une formation professionnelle, mais en grande partie l’éducation morale ».
Ce travail productif des enfants, généralisé dès l’âge de 9 ans, est également une nécessité pour obtenir l’autonomie de la formation, car il permet de compenser partiellement les dépenses sociales en matière éducative. Le lieu de formation n’est donc plus totalement dépendant des diverses institutions. Ce positionnement est exprimé par PROUDHON en fin de sa vie, car il s’était proclamé en faveur de l’instruction gratuite dans la période de la Révolution de 1848.
Cet atelier-école devrait être le plus décentralisé possible, et géré par la communauté, pour éviter les dérives étatistes ou centralisatrices.

Georges SOREL (1847-1922), pourtant marxiste à l’époque (La science dans l’éducation 1896), nous révèle des dispositions déjà proudhoniennes lorsqu’il affirme que « l’éducation scientifique vraiment complète ne peut être donnée que dans l’atelier, où se fait un travail réel dans les rapports de production ». Certes il n’en reste plus sur la réalité socio-économique et la nécessité d’une formation concrète que sur recherche de l’autonomie ouvrière. Deux ans plus tard l’évolution sorélienne s’accentue : « pour que l’apprentissage soit vraiment efficace, il faut qu’il ait lieu à l’usine », écrit-il dans son Instruction populaire, Note A de son L’avenir socialiste des syndicats.

Puisque la volonté constamment réitérée est de réaliser une formation polytechnique et encyclopédique, le bisontin refuse donc logiquement toute idée « d’éducation parcellaire », ce qu’on appellerait aujourd’hui formation ou activité spécialisée (au sens de travail spécialisé, c’est à dire limité, répétitif…).
L’éducation est bien fondée sur la liberté et sur le travail, car « le travail est l’éducation de notre liberté ». C’est du travail que sortent les principales idées éducatives. Donc logiquement les travailleurs doivent participer à la formation, comme formateurs, en lien avec les parents (ce qui est très contesté dans le milieu anarchiste car la main mise familiale n’est pas forcément libératrice, et les travailleurs pas forcément progressistes) et avec les associations de producteurs (qui reste la grande innovation proudhonienne, reprise partiellement par les Bourses du Travail en fin du XIXème siècle, ou par certains mouvements syndicalistes). On retrouve sans doute ici l’importance du courant des « écoles mutuelles » qui se sont développées largement au début du XIXème siècle, même si leur aspect antiautoritaire laisse fortement à désirer.
Cette idée du monde du travail qui contribue lui-même à l’éducation nouvelle est reprise dès 1868 par la Section bruxelloise de l’AIT lors du Congrès de Bruxelles du 06-13 septembre 1868, avec son Rapport sur l’enseignement intégral. La section liégeoise va dans le même sens et ajoute une définition plus stricte des associations chargées d’assurer l’éducation : « il est nécessaire que les associations ouvrières, en comprenant que leur intérêt consiste à fournir à chacun de leurs membres, présents et futurs, la plus grande somme possible d’instruction, créent elles-mêmes les institutions nécessaires au développement de cette instruction ». Bien entendu, ces associations doivent créer un système totalement différent de l’actuel, en le faisant reposer sur « l’association libre et le mutualisme ». L’émancipation des travailleurs, y compris sur le plan culturel, doit donc être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes : l’idée d’autonomie ouvrière et un penchant pour l’ouvriérisme vont largement marquer toute l’histoire du mouvement ouvrier. Ces textes prouvent bien, en tout cas, qu’aux débuts de l’AIT, la tendance proudhonienne est forte, notamment en France et en Belgique.

La notion de démopédie proudhonienne est primordiale, au service du peuple et de son émancipation. C’est une vraie alternative, en dehors de la main mise de l’Église, de l’État et du Patronat. L’éducation, pivot de la société future, est un des moteurs essentiels dans la société présente pour assurer la faisabilité et la qualité des changements à venir. Son influence sur Léon TOLSTOÏ, lui aussi pédagogue libertaire, est connue, pas seulement pour Guerre et paix, mais également pour l’engagement pédagogique. À cette notion de démopédie s’ajoute celle de démocratie, l’école devant s’adresser égalitairement à toutes et tous.
Comme SAINT-SIMON avant lui, PROUDHON lie l’éducation théorique à la pratique, et empêche une éducation trop abstraite et rébarbative. Sous la même influence, il conserve l’idée d’une formation ininterrompue, pendant toute l’existence (formation continue ou continuée dit on actuellement) : c’est le vrai sens pour lui d’autodidactisme, une formation qui s’ouvre aux autres, surtout aux travailleurs, en tout lieu et en tout temps, et qui ne néglige pas les centres institutionnels du savoir. Cette volonté s’appuie sur l’idée d’une possible progression permanente des individus, pensée qui rejoint l’optimisme de GODWIN sur la perfectibilité des êtres humains. La formation accompagne donc la vie entière, c’est aujourd’hui une pensée totalement acquise sinon réellement pratiquée.

Mais le rôle excessif donné à la famille (« éducation domestique »), aux pères essentiellement, forment une grossière ambiguïté. On voit mal comment l’autoritarisme familial peut être jugulé si on lui attribue en plus un rôle éducatif majeur, qui peut servir de nouvelle justification à l’autorité exercée. Quasiment tous les libertaires contesteront PROUDHON sur ce plan.
La place peu développée ou trop peu précisée accordée à l’éducation des jeunes filles est une autre des très grosses contradictions proudhoniennes pour les éducateurs anarchistes conséquents. Cependant, le misogyne qu’est PROUDHON reste partiellement égalitaire sur l’éducation : les jeunes filles disposent du même droit que les garçons à la « polytechnie » de l’apprentissage.
D’autre part PROUDHON n’applique pas toujours ses principes avec rigueur et honnêteté : ce penseur, parfois butté et conservateur, propose des analyses subjectives, datées et tranchées sur la révolution, les socialistes utopiques et étatiques, le rôle des nations, la place des juifs et celle des femmes…
Enfin ne parler que de l’atelier comme centre principal de la formation est une vision trop parcellaire ou pas assez précisée : l’unité agricole, les centres commerciaux, les grandes entreprises… ne voient pas leur rôle suffisamment explicité.
Quelques autres libertaires quarante-huitards : DÉJACQUE, COEURDEROY, GAY, etc.
Dans cette période centrale du XIX° siècle, il ne faut surtout pas oublier Joseph DEJACQUE (1821-1864 ?), anarchiste qui prend ce qu’il y a de meilleur chez PROUDHON et chez FOURIER et qui les dépasse tous deux sur bien des plans. La part donnée à l’enfant et à l’éducation dans son utopie L’Humanisphère est considérable.
Et comme FOURIER il ne distingue pas les sexes, et ne dévalorise jamais la femme : les enfants sont mêlés, les pédagogues sont autant hommes que femmes, les activités de tout type concernent absolument tout le monde.

Son compère anarchiste Ernest COEUDEROY (1825-1862) est encore plus radical : il prône une liberté totale de l’auto-apprentissage, l’enfant ne partant que de ses désirs et de ses besoins. Il récuse donc toute institution et tout programme contraignant.

Le socialiste antiautoritaire Jules GAY (1809-1883) leur est proche sur bien des points, notamment sur la coéducation des sexes, car c’est « la liberté pleine et entière [qui] sera, comme elle l’est toujours en tout, le meilleur préservatif des excès ». Il est lié à la féministe fouriériste Jeanne-Désirée VÉRET (1810-1891) dont le superbe parcours personnel est cohérent et exemplaire. Tous les deux passent du saint-simonisme et de l’owenisme, à un fouriérisme teinté d’anarchisme, même si Jeanne-Désirée reste fidèle au souvenir de CONSIDERANT. Le couple a tenté en 1840 de fonder une école pour les petits enfants à  HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2tillon-sous-Bagneux" \o "Châtillon-sous-Bagneux" Châtillon-sous-Bagneux.
Louise MICHEL institutrice anarchiste - Gustave COURBET ministre libertaire de l’Éducation sous la Commune de Paris : 2 libertaires sous l’Empire
L’institutrice et future communarde Louise MICHEL (1833-1905) assume les premiers essais, d’abord dans des écoles françaises où ses pratiques antiautoritaires, ses méthodes originales et sa pédagogie ouverte sur la vie, sur les animaux qu’elle adore, sur l’écriture romantique (voir ses liens avec HUGO, VERNE...) qu’elle développe en permanence... font merveille auprès des jeunes enfants. La sensibilité et le respect de l’enfant deviennent un élément essentiel de la pédagogie. Avec Émile GAUTIER elle écrit de nombreux contes pédagogiques. Sa participation à l’Encyclopédie Enfantine va dans le même sens.
Elle entre en 1850 à la pension BETHS et ROYER de Chaumont, afin de devenir institutrice. En mars 1852, à Versailles, après une première tentative infructueuse en 1851, elle devient institutrice diplômée. Son travail d’institutrice débute réellement en janvier 1853 en Haute Marne ; elle a alors 20 ans. Mais elle aurait donné ses premiers cours en 1851 comme sous-maîtresse à Paris selon Edith THOMAS. C’est dans l’école libre d’Audeloncourt qu’elle fait ses premières armes, dans une école « libre » pour jeunes filles. Elle y développe une éducation intégrale avant la lettre, utilise des méthodes modernes (jeux, découvertes concrètes, ouverture sur les arts, la nature et sur ses « chers » animaux…). Elle tente la mixité et dénonce l’autoritarisme, impérial et religieux, d’où ses difficultés avec les autorités. En 1855 elle ouvre l’école de Millières avec son amie Julie LONCHAMP qu’elle fréquente depuis la pension de Chaumont.
En 1856, c’est à Paris qu’elle poursuit son activité d’éducatrice, comme « sous-maîtresse ». Elle tente cependant des retours dans l’Est en milieu rural, mais de faible ampleur quant aux expériences pédagogiques suivies dans les écoles de Clefmont et de Millières. À Paris, dans la pension de Mme VOLIER, toujours avec son amie Julie LONCHAMP, elle peut s’exprimer assez librement, et mêler administration et pédagogie pour soulager la responsable. Côtoyant de plus en plus les milieux d’opposition, sa pédagogie se renforce dans ses aspects libertaires, égalitaires (hommes-femmes) et anticléricaux. Avant Paul ROBIN elle tente de mettre en pratique une éducation intégrale de plus en plus consciente. Son école de Montmartre (externat qu’elle ouvre en 1865) connaît de plus en plus le succès, malgré l’incontestable originalité parfois répulsive de Louise, et compte de plus en plus d’enfants scolarisés (environ 200 de 6 à 12 ans). Sa générosité et son humanité sont toujours reconnues, dans son école comme dans les cours du soir et l’aide pédagogique qu’elle pratique bénévolement.

Pendant la guerre de 1870, elle maintient avec un extraordinaire dévouement une activité éducative à laquelle elle ajoute une solidarité nécessaire pour résister aux rigueurs du siège. Elle donne des cours bénévolement à l’école professionnelle de la rue Thévenot. Avec l’inspecteur MAUTÉ de FLEURVILLE, elle s’occupe des orphelins pendant le siège. Mais cela n’empêche pas la pacifique institutrice de se lier à la Garde Nationale et de bientôt faire le coup de feu contre les allemands d’abord, contre les versaillais plus tard. C’est également dans l’école de la rue Thévenot que se réunit le groupe Le droit des femmes, où Louise côtoie entre autres Maria DERAISMES et André LÉO.

Durant la Commune, son Mémoire donné à la Commission de l’Enseignement d’Édouard VAILLANT et de l’ami de Louise, Augustin VERDURE, est un des premiers programmes anarchisants en matière éducative. Il met l’accent sur la nécessité de rendre l’enseignement plus concret et pratique, sur le respect de la personnalité de l’élève, sur le refus des récompenses et des châtiments, et sur le renforcement de la responsabilité personnelle. Elle rencontre l’anarchiste Élie RECLUS qui fait tout pour préserver les ouvrages de la Bibliothèque nationale dont il a la charge.
Louise MICHEL est liée à d’autres communardes influentes dans les milieux éducatifs, comme Paule MINCK (Pauline MINKARSKA 1839-1901) fondatrice d’une école gratuite à l’église Saint-Pierre de Montmartre. L’ex-fouriériste Margueritte Victoire TYNAIRE née GUERRIER (1831-1895), qui écrira ensuite avec Louise MICHEL sous le pseudonyme de Jean GUÊTRÉ (Cf. La misère, Cf. Les méprisés), est nommée par Édouard VAILLANT inspectrice des écoles de filles dans le XII° arrondissement et est chargée de programme de laïcisation. Son mari est exécuté et Victoire doit fuir en Suisse, puis s’installe pendant 5 ans en Hongrie.
Les idées de justice égalitaire pour toutes et tous et l’importance des femmes militantes de cette période font de la Commune une des premières tentatives de généraliser l’éducation féminine.

Louise, condamnée en décembre 1871 à la déportation, assume avec fierté (et un peu de brio romantique intempestif) tous ses engagements. Dans son pénitencier calédonien (dès décembre 1873 et jusqu’en 1880), elle assure le lien avec les canaques, une des rares parmi les communards à être logique avec elle-même ; elle va donc s’opposer au colonialisme et à l’inégalité des groupes humains. Son récent engagement anarchiste, contracté sans doute auprès de Nathalie LEMEL, l’amène à soutenir la lutte anticoloniale et l’insurrection canaque de 1878. Elle va être sans doute l’unique (avec Charles MALATO) à apprendre des termes canaques et essayer de maintenir une école indigène. Sa fonction pédagogique s’adresse bien sûr également aux enfants des déportés. Son souvenir en Nouvelle Calédonie va perdurer pendant des décennies.
Autrement, dans cette même Nouvelle Calédonie, « le matricule 2182 » ouvre une école pour enfants de déportés (bel engagement) et assurerait véritablement son statut d’institutrice en 1879. En effet, même le maire de Nouméa reconnaît son rôle actif, et elle peut ainsi donner en plus des cours dans des lieux officiels : cours du soir et cours dans un établissement scolaire. Cela lui procure un peu d’argent et lui donne l’occasion d’acquérir des livres et des informations multiples sur l’état du monde.

La répression lors de son retour en France l’empêche de mener à bien ses projets pédagogiques d’école professionnelle libertaire, ou d’école pour jeunes filles. Elle n’en poursuit pas moins ses analyses dans le domaine pédagogique, et en 1888 Les lectures encyclopédiques par cycles attractifs, reprenant ses idées de partir du concret et des besoins et centres d’intérêt de l’élève, annoncent DECROLY d’après CODELLO.
Bien plus tard elle va renouer avec l’enseignement lors de son séjour au Royaume Uni aux débuts des années 1890. Elle ouvre une école pour les enfants de proscrits (encore !) et tente la création d’une « International school », gérée par le Groupe libertaire de langue française, dont la devise est celle du communisme anarchiste et de la « Solidarité humaine », et dont la méthode s’inspire de l’éducation intégrale et anticipe l’œuvre de Francisco FERRER. En effet, « l’enseignement doit se fonder sur le développement scientifique de la raison, non sur celui de la foi ». La libre initiative, des horaires souples, le respect de l’autonomie et son renforcement n’exclut pas un ambitieux programme scientifique, littéraire et surtout linguistique. L’école, jugée trop dangereuse, est vite fermée par des autorités qui prennent l’hypocrite prétexte de locaux peu sûrs. Les pouvoirs ont si peur qu’ils condamnent quelques anarchistes responsables aux travaux forcés !
Toujours sensible aux problèmes éducatifs, à la promotion de l’enfant et de la femme, Louise MICHEL ne tente cependant plus de réalisations concrètes lors de son retour en France.

Quant au peintre réaliste Gustave COURBET (1819-1877), Louise l’a sans doute largement connu durant la Commune. Ce franc-comtois comme PROUDHON dont il est l’ami et le disciple, et de qui il a fait sans doute un des portraits les plus chaleureux (PROUDHON et ses filles), assume lors de ce mouvement révolutionnaire une charge symbolique forte : élu du VI° arrondissement, membre du Conseil de la Commune, il est aussi en quelque sorte ministre de la culture (et de l’éducation) puisqu’il prend la charge de responsable de la Commission des Beaux-Arts, et participe à la Commission générale sur l’enseignement. Il y insuffle des idées proudhoniennes comme l’art pour le peuple, l’autonomie des artistes et donc l’indépendance vis-à-vis de toute pression étatique, et celle d’une éducation liée au monde du travail. En matière artistique, le refus de l’Académie et des enseignements uniquement classiques forment une vision novatrice, ouverte sur l’imaginaire et sur d’autres références. Il propose aux jeunes artistes un apprentissage à mi-chemin entre « enseignement et formation » note Michèle HADDAD qui met en avant des principes « éminemment modernes » : « son individualisme affiché, sa conscience claire de l’originalité de l’artiste, qui fonde à la fois sa négation de l’enseignement de l’art et la distinction nécessaire entre savoir-faire et génie, conforte la vision moderne de l’artiste, étrange et unique ».
Il est à noter cependant que c’est le socialiste centraliste Édouard VAILLANT, et non COURBET, qui est délégué pour l’enseignement. Mais la majorité des autres membres sont proches des idées libertaires, que ce soit l’écrivain Jules VALLÈS (qui lui aussi revendique l’héritage proudhonien), Jean-Baptiste CLÉMENT (auteur de l’inoubliable Temps des cerises) ou Jean ALLEMANE (futur fondateur d’une puissante aile libertaire dans la mouvance socialiste).
La Commune se sent le devoir d’aider les jeunes, souvent orphelins ou délaissés durant le siège, et leur alloue une pension tout en créant des structures d’accueil. Dans cette nouvelle société qu’ébauche le mouvement parisien, comme le note Maurice DOMMANGET, l’accent est mis sur une éducation vraiment laïque et gratuite et donc logiquement obligatoire, ce qui anticipe sur les réalisations ultérieures d’une III° République qui s’est pourtant créée sur les ruines de la Commune. Sur la méthode, l’enseignement doit être le plus réaliste possible et reposer sur l’observation. La formule sur l’éducation ou « instruction intégrale » est lancée à plusieurs reprises, ce qui montre l’influence de PROUDHON et des « internationaux » (AIT) dans la révolution parisienne. L’objectif d’autonomie, et le respect du pluralisme sont fortement soulignés dans le Programme éducatif de la Commune voté le 18 avril 1871 à l’unanimité, alors que l’association L’Éducation nouvelle met l’accent sur la préparation « de la jeunesse à l’autogouvernement ».
BAKOUNINE éducation complète et liberté
Michel BAKOUNINE (1814-1876) est un partisan de l'éducation libertaire, mais globalement, il privilégie l'émancipation générale (essentiellement économique et sociale), ce qui place donc les problèmes éducatifs, soit au second plan, soit après la révolution dans la future société nouvelle.
Au niveau éducatif il y a très peu d’écrits de l’auteur concernant exclusivement l’éducation (sauf les 4 articles sur L’instruction intégrale parue dans l’Égalité de Genève en été 1869 note F. CODELLO), mais il en parle assez souvent dans l’ensemble de ses écrits. Le terme instruction ne doit pas être interprété dans un sens réducteur, BAKOUNINE traitant en fait de toute la formation au sens le plus large et le plus ouvert du terme (totale, intégrale, complète…).
En fait il reprend et développe les idées proudhoniennes d’une école antiautoritaire à la fois cause et conséquence de la révolution et de l’émancipation sociale. Comme PROUDHON il met l’accent sur la nécessité de la société dans la formation de l’individu, et rejette donc sur ce point autant ROUSSEAU que STIRNER dans leurs aspects les plus systématiques. Cela n’empêche pas l’anarchiste russe de revendiquer également une nécessaire personnalisation de l’éducation car « pour être parfaite, l’éducation devrait être beaucoup plus individualisée qu’elle ne l’est aujourd’hui, individualisée dans le sens de la liberté et uniquement par respect de la liberté ».
Comme PROUDHON il est sensible à la primauté du travail et de l’aspect polyvalent et polytechnique, à ce qu’il nomme « instruction intégrale et complète ». La formation manuelle et celle intellectuelle doivent être menée conjointement, et sans hiérarchie entre elles. La vision utopique de sa pédagogie est évidente puisque cette proposition doit « permettre pour tous, égalitairement, de devenir des hommes complets », c'est-à-dire dans son esprit libres (autonomes vis-à-vis des absolus et des institutions) et libérés (par l’action révolutionnaire).
Pour lui également, le point de départ doit être l’instinct vital, les qualités de chaque individu, de même que toutes les activités productives. Il réactualise en ce sens les positions fouriéristes.

Dans l’œuvre émancipatrice, l’éducation a donc toute sa place, au côté de l’instinct de révolte. Éduquer, c’est libérer l’individu et ses potentialités révolutionnaires, et respecter bien sûr la liberté de l’apprenant, y compris s’il s’agit d’un jeune élève.
Mais plus que ses prédécesseurs (notamment PROUDHON), BAKOUNINE met l’accent sur la nécessaire rupture révolutionnaire, dont l’éducation n’est alors qu’un élément, une préparation, un moyen. L’école s’inscrit ainsi chez BAKOUNINE dans la tactique et la stratégie de changements révolutionnaires, elle n’est donc pas totalement coupée du projet social anarchiste.

En dépassant PROUDHON sur ce point et en anticipant largement MALATESTA, il pense que seule une « société libre » peut assurer une formation humaine réelle, d’autant que dans la société présente, les élites intellectuelles et les savants sont peu sûrs, en terme d’émancipation. Il approfondit de manière systématique la méfiance vis à vis de savants dont les dérives « despotiques » et « métaphysiques » sont déjà mises en avant par SAINT-SIMON au début du XIXème siècle. Il note avec justesse que l'épanouissement proposé par l'école sera réduit ou rendu nul dans une société restant autoritaire et inégalitaire, ce qui est tout l'opposé de ce que la pédagogie libertaire aurait mis en place.
La vraie action pédagogique sera donc postrévolutionnaire, car « l’éducation socialiste est impossible dans les écoles et les familles actuelles ». L’être aura alors la possibilité d’un riche développement, de manière égalitaire, mais non uniformisant. La variété et la diversité sont indispensables à une société libertaire.
C’est pourquoi, en pensant au prolétariat, il rappelle que « La première tâche est celle de son émancipation économique, qui engendrera nécessairement et son émancipation politique, et son émancipation intellectuelle et morale ».
L’énorme engagement éducatif des frères RECLUS
Élisée RECLUS (1830-1905) fut toute sa vie un pédagogue, et tous ses écrits prouvent un souci constant de communiquer simplement, et d’allier un immense savoir scientifique avec un sens assez rare de la vulgarisation efficace. Le démontrent largement ses Histoires d’un ruisseau (en 1869) et d’une montagne (en 1880) qui sont souvent lus dans les écoles de la IIIème République : on rend hommage ainsi au grand géographe, mais on cache bien sûr hypocritement ses engagements anarchistes. En lui, le mythe (?) de l’éducation libératrice est fortement enraciné. Comme ROBIN qu’il soutient entre 1880-1894 à Cempuis, il propose une éducation intégrale.
Mais pour lui, à la différence de PROUDHON qu’il a rencontré, et dans le sens des idées bakouniniennes (il connaît BAKOUNINE surtout depuis 1864), cette éducation n’est réellement possible qu’après la révolution. Tant que la révolution n’est pas achevée, il affirme même en 1882, dans Le révolté, que « l’instruction intégrale n’est qu’un mirage » ! Cependant, pour cet analyste très fin de la dialectique évolution-révolution, ce n’est pas parce que seule une vraie révolution libèrera l’humanité et l’éducation, qu’il faut ne rien faire dans le temps présent. Au contraire « l’anarchiste conscient ne désespère jamais… et s’il ne peut agir sur l’ensemble du monde qu’en manière infinitésimale, il peut agir au moins sur lui-même, travailler à se libérer personnellement de toutes les idées toutes faites ou imposées, et regrouper autour de lui des amis qui vivent et agissent de la même manière. Ainsi, de proche en proche, grâce à ces petites sociétés solidaires et alertes, se constituera progressivement la grande société fraternelle ». L’utopie libertaire est à la fois un vrai projet pour un futur réalisable, et une méthodologie pour le présent qui contient en germe ce monde à venir. L’éducation libre et libératrice, et l’autodidactisme intelligent, deviennent dans ce cadre à la fois moyen et fin. C’est pourquoi on retrouve également assez souvent des formules d’utopies réalistes, progressives et gradualistes comme cet extrait d’une Lettre à Mlle DE GÉRANDO du 22/11/1904, c'est-à-dire au soir de sa vie : « Quelle belle existence auront les hommes quand l’instruction intégrale, physique, morale, intellectuelle en aura fait des frères vaillants et forts, travaillant pour le bien commun ».

Durant son enfance, Élisée, comme les autres enfants, a bénéficié des dons d’enseignante de sa mère institutrice Zéline TRIGANT (épouse RECLUS 1805-1887), qui a laissé des souvenirs très forts chez ses enfants comme chez ses élèves, et aussi auprès de sa nièce Pauline KERGOMARD. Elle fut sans doute une rousseauiste convaincue. Pour survivre avec sa nombreuse famille, elle ouvre une école et une pension dans sa propre demeure, notamment durant le passage à Orthez. Elle est récompensée par l’estime des élèves et par de nombreuses citations et décorations ; juste avant sa mort elle est même élevée au grade d’officier de l’Instruction Publique.
Déjà avant elle, l’oncle Jean RECLUS (donc le beau-frère de Zéline) né en 1794 (et mort en 1869) avait ouvert une école sur Bordeaux en 1820, fondée, selon les méthodes britanniques de BELL et LANCASTER, sur « l’enseignement mutuel » : les élèves les mieux formés aidant le maître pour former les plus en difficulté ou les novices, et devenant en quelque sorte des « moniteurs ». Le succès de Jean en fait officiellement « l’inspecteur départemental des écoles d’enseignement mutuel » de la ville en 1832, puis inspecteur départemental en 1835. Une des filles, Noémie, devient l’épouse d’Élie ; une autre, Pauline (1838-1925), en épousant l’écrivain Jules DUPLESSIS DE KERGOMARD devient l’institutrice Pauline KERGOMARD déjà citée. À son tour, elle accède à la reconnaissance et en 1879 elle est inspectrice générale des écoles maternelles. Elle contribue au développement d’un enseignement ouvert et adapté aux petits (moins de 6 ans) et ses idées sont rassemblées dans deux ouvrages de 1886 : L’éducation maternelle dans l’école. Cette cousine active et novatrice a forcément influencé Élisée ; l’influence s’est d’ailleurs déroulée dans les deux sens.

Dès sa jeunesse aventureuse, Élisée RECLUS est lié aux questions éducatives, puisqu’il donne à plusieurs reprises des cours (précepteur) pour assurer sa subsistance, tout comme son frère Élie RECLUS (1827-1904), lors de leur exil britannique après les évènements de 1848. Devenu plus célèbre et aisé, il paye de sa personne, et soutient toute sa vie de multiples projets pédagogiques, de l’École hongroise de jeunes filles dans les années 1870 (il est très proche de son animatrice Antonine de GÉRANDO), à l’École des Petites Études de Bruxelles en 1895 (qu’il fonde avec sa dernière grande amie, Florence de BROUCKÈRE), au Comité d’Initiative pour l’École Libertaire de Paris en 1897 et à sa participation aux Universités Populaires et surtout ses cours à l’Université Libre de Bruxelles où il est nommé en 1892. Mais son cours est ajourné en 1894 ; la crise, que ce renvoi provoque, entraîne la création de la dissidente Université Nouvelle... Il est rejoint dans cette Université qui porte mieux le nom de libre que la précédente, d’où parfois la confusion de quelques historiens, par son frère Élie et par son neveu Paul RECLUS (1858-1941). RECLUS exerce ensuite et longuement à l’Institut belge des Hautes Études qui devient en 1899 la Faculté des sciences sociales. L’enseignement ouvert de la géographie lui permet de tester ses idées pédagogiques ; ses cours sont évidemment plus un lieu d’échanges et de travaux solidaires, où maître et étudiants collabore comme des pairs, qu’un magister traditionnel.
Dès 1897 il rejoint Émile JANVION et Jean DELGALVÈS dans leur Comité d’initiative pour une école libertaire. Il y retrouve ses amis KROPOTKINE, Louise MICHEL (il meurt la même année qu’elle en 1905), Jean GRAVE…
Il manifeste sa solidarité avec l’expérience de Paul ROBIN, mais est plus proche du pédagogue catalan. En effet, ses liens avec Francisco FERRER font de RECLUS le géographe et l’éducateur le plus lu du monde libertaire ibérique. Le Boletín de la Escuela Moderna lui rend un hommage vibrant en 1908. Toujours en Espagne, pour prendre deux exemples célèbres, le géographe Gonzalo de REPARAZ ou l’écrivain anarchiste Felipe ALAIZ s’en réclament.

Il exprime dans tous ces engagements un rejet de l’autoritarisme scolaire laïque ou religieux, de l’élitisme, des sanctions et de la spécialisation outrancière... qu’il dénonce en bon anarchiste dans l’éducation officielle de son temps. Dans L’Homme et la Terre, il met l’accent sur l’importance du jeu, de la coéducation, de l’entraide enseignants-élèves, de l’hygiénisme et du rôle essentiel des langues (en rêvant un peu au succès de l’espéranto). L’importance accordée aux êtres faibles, dont l’enfant, l’amène à proposer une éducation totalement respectueuse de l’apprenant, de son autonomie et de ses propres besoins (Cf. son petit opuscule de 1886 L’avenir de nos enfants). C’est pourquoi il se dresse en permanence contre tout conditionnement et manipulation, surtout vis-à-vis des jeunes qui sont plus faciles à manipuler et qu’il faut donc protéger, mais sans paternalisme, car c’est une forme la encore d’autoritarisme. L’éducateur devient une aide, un exemple, un « grand frère » mais pas une autorité cassante. Pour préserver l’enfant et lui permettre de mieux s’accomplir, ses apprentissages doivent évidemment se dérouler dans un lieu adapté, et avec un petit nombre de personnes. RECLUS récuse ainsi toutes les classes ou ateliers à gros effectifs.
Pour ce défenseur de la femme et de l’amour librement choisi et exercé, la défense d’une vraie coéducation des sexes est un engagement naturel, logique et très puissant.
Enfin, et évidemment, toute son œuvre géographique, éducative et militante met au centre de la formation humaine cette volonté de réinsérer l’homme dans la nature, et de prévoir un nouveau monde libertaire qui saura réaliser cette symbiose. La géographie est plus qu’une science, elle devient une méthode et un idéal, dont les aspects éducatifs sont primordiaux, comme il l’écrit dans L’enseignement de la géographie en 1903. Pour cet observateur attentif du monde, de la nature et des sociétés humaines, la formation passait obligatoirement par ce souci réaliste d’analyser le concret, et comme KROPOTKINE, d’y déceler les potentialités libératrices et solidaires. C’est un des grands théoriciens de l’anarchisme qui a su mêler avec profit un travail scientifique de haute tenue avec un idéal profondément antiautoritaire de libération, et qui a mené de front toute sa vie ces deux actions, d’un côté chercher et divulguer, et de l’autre militer pour libérer. Cette interaction prend chez RECLUS, à mon humble avis, plus d’importance que chez KROPOTKINE, même s’ils partagent de manière incroyablement proches les travaux (tous les deux excellents géographes), la thématique, les engouements (une science non contraignante ni autoritaire) et l’espoir final.
Pierre KROPOTKINE éducation collective, entraide et rayonnement individuel
Les écrits proprement pédagogiques, comme pour BAKOUNINE, sont très rares chez Pierre KROPOTKINE (1842-1921), sauf peut-être dans ses remarques sur TOLSTOÏ et en relation avec Francisco FERRER ou Sébastien FAURE... Un article en italien de 1909 dans la revue animée entre autres par l’instituteur anarchiste Luigi FABBRI résume cependant bien ses positions sur L’école. Ce qu’elle est et ce qu’elle devrait être – La scuola. Che cos’è e che cosa dovrebbe essere.
Mais l’éducation et la formation, lespropositions didactiques, presque toujours libertaires… innervent toute son œuvre, surtout en rapport avec ses recherches sur l’éthique, la science et l’entraide.

KROPOTKINE mise évidemment sur l’autonomie idéologique, mais aussi économique, de l’apprenant, qui devrait se réaliser surtout à la veille de la majorité. D’où l’importance qu’il donne plus particulièrement à la formation professionnelle au sein de l’éducation intégrale, qu’il appelle plutôt « éducation complète » comme le disait déjà FOURIER et également BAKOUNINE, ou parfois « éducation générale ».
KROPOTKINE est beaucoup plus influencé par l’utopiste franc-comtois qu’on ne le pense souvent. Par exemple il développe l’idée de travail libre, donc attrayant, misant sur des activités ludiques, que FOURIER aurait bien fait sienne.
Dans le même ordre d’idée, le prince russe est favorable à un fort développement artistique dans l’éducation. On retrouve ce trait chez de nombreux utopistes. Il est en accord avec les vœux de ses amis préraphaélites au Royaume Uni, et on peut penser que ses liens assez profonds avec William MORRIS se retrouvent également en matière éducative. Un penseur libertaire comme Herbert READ va largement développer cet aspect qui fait de l’art un des moteurs de la bonne éducation (cf. ci-dessous).
En tant que savant, et que penseur socialiste, il met également l’accent sur l’importance de la science et de la technique, qui ne doivent jamais être séparées : comme BAKOUNINE qu’il prolonge, les idées (« travail cérébral ») et les aspects matériels (« travail manuel ») doivent être enseignés sur le même plan. L’instruction intégrale, pour lui, est donc une éducation totale et continue, le travail et la pensée étant tout autant sollicités. Ce trait est essentiel en ce qui concerne KROPOTKINE, d’autant qu’il a souvent été caricaturé comme optimiste idéaliste (et donc utopiste au sens péjoratif), y compris dans la mouvance anarchiste. Au contraire, son souci du réel, de l’observation, de l’expérimentation, du travail concret… doit éviter le bavardage creux et abstrait. Poussant encore l’analyse, il insiste sur une éducation permanente, car la vie, la science, les techniques évoluent et cette évolution rend indispensable une formation continue et réaliste, constamment modifiable.
Cette « éducation à la liberté pour la liberté » (Tina TOMASI) satisfait la volonté anarchiste de coordonner fin et moyens. L’individu, éminemment social, et donc profitant d’une formation au sein de la collectivité, de la commune libre, ne se réduit pas cependant à une simple composante d’un tout. Comme pour tous les anarchistes conséquents, le développement individuel, personnel, original est non seulement souhaité mais exalté, car la richesse globale profite évidemment du pluralisme et de la diversité. Le bon éducateur devient alors celui qui sait faire prendre conscience à l’élève de ses capacités propres et de son originalité, et qui l’aide de manière non hiérarchique ni autoritaire, à les développer.
Cette dimension collective de l’éducation s’insère évidemment dans le choix de « l’aide mutuelle » (entraide) et de la solidarité, qui rejettent totalement l’idée de compétition au profit d’une entente profitable à toutes les parties. KROPOTKINE insiste particulièrement sur les échanges : entre jeunes et adultes, entre écoles, entre apprenants et spécialistes… toujours de manière égalitaire, et autant que possible attractive. Le jeu, la «passion» du maître, l'intérêt stimulé par les choses concrètes (voyages, contacts directs avec les producteurs et la nature…) sont toujours des méthodes indispensables.
Jean GRAVE, pédagogue et écrivain utopiste
En France, l’incontournable Jean GRAVE (1854-1939) anime un groupe « L’école libertaire » qui par ses activités journalistiques permet à de nombreux compagnons de se retrouver et de s’exprimer. Une Ligue pour l’éducation libertaire est créée en 1897. Mais les fonds sont cruellement insuffisants. Grâce à Albert LAISANT et à d’autres militants, l’organe L’éducation libertaire est publié de 1899 à 1901. GRAVE défend les bases de L’école libertaire, dans une suite d’articles publiés dans sa revue Les Temps Nouveaux en 1898.
Pour GRAVE, l’école « bourgeoise » de son temps est évidemment à détruire, et à remplacer par une école « libertaire » comme il résume dans un opuscule de 1900 Enseignement bourgeois et enseignement libertaire. Cette école ne devra pas créer de nouveaux dogmes, mais au contraire favoriser les libres initiatives et toujours garantir l’indépendance.
L’écrit utopique Terre libre en 1908 propose une éducation critique seule manière d’atteindre cette autonomie. Déjà, dans son texte de 1893 La société mourante et l’anarchie, il affirmait que « s’instruire est une des formes de la lutte sociale ». Comme pour beaucoup d’anarchistes de sa génération, la lutte pour l’émancipation intègre donc la nécessaire formation : il ne faut donc pas tout attendre de l’après-révolution. Le combat émancipateur commence bien avant, dès aujourd’hui, et à travers les luttes concrètes que l’éducation doit valoriser et favoriser. Se former est d’autant plus nécessaire que cela aide le militant à mieux formuler ce qu’il souhaite (la société nouvelle) et comment l’atteindre le plus efficacement (méthodes révolutionnaires adaptées).
Dans sa Philosophie de l’anarchie en 1897 il rappelle que l’éducation « doit viser surtout à faire de l’enfant un homme libre, ayant conscience de sa liberté, et qui considèrera son indépendance et son bien être comme intimement liés à l’indépendance et au bien être de ses semblables ». Mais les enfants ne sont pas seuls concernés : ils ne seront réellement favorisés et autonomes que si l’ensemble de la société, et notamment leurs parents et leurs proches, bénéficient également des bienfaits d’une formation ouverte sur la vie et la solidarité.

Son ouvrage Nono est une des rares œuvres utopiques et anarchistes pour initier les enfants à la pensée libertaire. Largement diffusé en Espagne par les disciples de FERRER, cet écrit fut très célèbre en début du XXème siècle. Introuvable en France, c’est d’ailleurs dans une édition espagnole récente que j’ai pu enfin le lire. Il présente des enfants qui au contact de sociétés différentes se forgent une conscience progressiste, voire de classe. La pédagogie doit partir du réel, de l’expérience vécue, de la confrontation. Le message de GRAVE est donc clair et très actuel.
GRAVE, mais aussi Madeleine VERNET, André GIRARD ou Charles-Ange LAISANT participent à la rédaction du journal pour enfants Les petits bonhommes, entre 1911 et 1914. Il est soutenu par les syndicalistes et tiré dans les locaux de la Vie ouvrière, avec l'appui de MONATTE.
Ferdinand Domela NIEUWENHUIS
Le néerlandais, ancien pasteur et anarchiste anti-étatiste et antimilitariste convaincu, Ferdinand Domela NIEUWENHUIS (1848-1919) a des positions très proches de celles de Jean GRAVE à l’orée du XXème siècle, dans une analyse qu’il publie aux éditions Stock, L’école libertaire. En fait le premier écrit d’envergure en matière éducative est L’école libre de janvier 1894 qui est le n°109 de L’Éducation nouvelle.
En 1900 dans Les Temps Nouveaux (n°12) est publiée sa conférence L’éducation libertaire. Il affirme d’emblée que le futur dépend de l’éducation, ce qui induit un choix prioritaire et une vision assez longue de la révolution. Cette éducation ne vise qu’une chose : tirer de l’apprenant (de « l’intérieur ») ce qu’il y possède, « développer toutes ses facultés », pas lui imposer de l’extérieur des idées toutes faites. La formation repose donc sur la liberté car pour « devenir un homme, il nous faut la libre étude et le libre exercice de tous nos organes ». Le rejet de l’autorité, de toute autorité, à commencer par celle des parents est donc un préalable. Il réfute fermement PROUDHON sur ce point. L’enfant doit disposer du droit de « douter, d’avoir son opinion à soi et aussi du droit de révolte », et donc d’être autonome y compris face à des maîtres libertaires : on ne doit pas lui inculquer d’autres systèmes, d’autres dogmatismes. La formation doit être attractive (« attrayante » écrit NIEUWENHUIS qui cite ainsi FOURIER), ludique, reposer « sur la joie » et sur « la nature », donc favoriser l’ouverture. Enfin il privilégie la réflexion, la libre discussion à l’accumulation des connaissances, « il ne faut pas bourrer la mémoire d’une foule de choses qui ne sont bonnes qu’à être oubliées ». Pour résumer la pensée du militant néerlandais, l’œuvre éducative doit être un « effort vers un enseignement intégral, rationnel, mixte et libertaire » pour que chaque enfant devienne « un être doué d’une volonté propre, plein d’initiative, un homme de caractère haïssant toute autorité extérieure » ce qui permettra de préparer « un monde dans lequel les hommes libres vivront dans une société libre ». L’utopie éducative et l’utopie anarchiste sont bien sûr en symbiose, et mettent la personnalité de chaque individu, à commencer par celles des élèves, au centre de toute réflexion.
Antimilitariste et internationaliste de grande ampleur, NIEUWENHUIS s’efforce de renforcer dans l’éducation de son temps, et dans celle rêvée, le pacifisme et le cosmopolitisme, ne serait-ce qu’en développant les langues étrangères. Il est sensible, pour la même raison, à changer l’objet de l’histoire, remplaçant par exemple l’histoire des rois, des prêtres et des conflits, par celles des peuples.
Enfin il semble renouer avec FOURIER une nouvelle fois lorsqu’il propose la cuisine comme méthode pédagogique concrète et créatrice (Cf. Le rôle de la cuisine dans l’éducation que publie L’En-Dehors d’Orléans en octobre 1929).
Entre autodidactisme, syndicalisme libertaire et Université populaire : Fernand PELLOUTIER, Georges SOREL
En fin du XIXème siècle, en France, Fernand PELLOUTIER (1867-1901), infatigable défenseur de l’anarcho-syndicalisme et de la « culture de soi-même » met sur le même plan la puissance de l’autodidacte autonome et la formation collective, qu’il entrevoit très bien dans les Bourses du Travail et les Universités Populaires, et bien sûr dans le syndicalisme révolutionnaire tel qu’il le prône. L’honnête homme est alors pour lui celui qui se forme pour se rendre libre, sans exclusive thématique, dans une sorte de néo-humanisme, mais toujours dans un sens de respect envers soi-même et au profit d’une société libre. Le concept de « culture de soi-même » si souvent cité nous permet de mettre en évidence un des axes forts de la pensée de PELLOUTIER, celle de la promotion de l’autonomie individuelle, de la mise en avant des valeurs propres à tout être, ce qui lui permet de mieux résister au grégarisme et à l’imposition de modèles ou de systèmes contraignants. Mais cela n’exclut pas, bien au contraire, l’action collective, mais avec des êtres libres ou en passe de se libérer, conscient de leur individualité et de la nécessaire promotion de leur liberté.
L’éducation, comme pour PROUDHON, devient une priorité pour favoriser l’émancipation, comme le rappelle le titre d’un de ses articles Instruire pour révolter. Cette émancipation dispose d’une incontestable charge utopique, puisque c’est un pivot de la société libertaire souhaitée (Cf. L’enseignement en société libertaire, article de La Question sociale d’août 1895). Toute formation doit partir du concret, de la vie réelle, du travail (PELLOUTIER, comme PROUDHON, dont il est un incontestable successeur, met toujours la vie active au centre de sa réflexion). Il parle parfois « d’enseignement social » pour englober cette dimension socio-économique et sans doute aussi pour ne jamais perdre de vue le groupe social auquel il s’adresse prioritairement, même si l’anarchie concerne toute la société. Mais l’éducation, sans contrainte, la plus attractive possible, la plus libertaire possible (hors de toute imposition, surtout étatique – ici PELLOUTIER est un authentique anarchiste), doit préserver l’apprenant et lui fournir avant tout les moyens de son autonomie, une autonomie morale (idéologique) et économique (un emploi adapté et non dégradant).

L’importance du syndicalisme comme « « maître d’ouvrage et maître d’œuvre » est sous entendu. Georges SOREL (1847-1922) insiste sur ce plan, preuve qu’il est déjà proche du syndicalisme révolutionnaire de marque anarchisante dans son Instruction populaire, Note A de son L’avenir socialiste des syndicats de 1898. La belle formule suivante tirée du même texte ne serait pas reniée par les anarchistes entrés en syndicalisme : « le syndicat se révèle, pour peu qu’on le considère avec tout son développement comme une des plus fortes institutions pédagogiques qui puisse exister ».
Comme le montre Hugues LENOIR dans son riche article sur Georges SOREL et l’éducation, le philosophe, malgré son vieux fonds marxiste, est gagné aux idées proudhoniennes et syndicalistes-révolutionnaires dès le milieu des années 1890 : dénoncer l’emprise de l’État et l’abêtissement intéressé qu’il promeut, avancer l’importance du milieu socioprofessionnel et du travail, prôner l’autoformation des prolétaires... deviennent fréquents sous sa plume, et culmine avec sa Préface (écrite en 1901) à l’Histoire des Bourses du Travail de 1902.
Certes il n’est pas sur tout en accord avec les anarchistes. Il nous donne peu de traces du développement intégral des corps et des têtes qu’un ROBIN propose à son époque. Il accepte même, peut-être par sa formation scientifique (il est ingénieur et polytechnicien), une certaine division scientifique du travail, qui de manière incohérente justifie une forme de hiérarchie qu’il combat par ailleurs.

Les idées de PELLOUTIER s’appliquent à tous les êtres, hommes ou femmes (Cf. sa brochure La femme et la société moderne publiée dans La Revue Socialiste en 1894).
La démarche doit inclure diverses méthodes et divers lieux : par exemple les Bourses, le théâtre populaire, le Musée du travail, et d’une certaine manière tout engagement artistique qui permet une saine révolte contre toutes les contraintes de son temps. C’est aussi une manière, pour les producteurs, de contribuer à créer leur propre histoire, ou tout au moins à la revitaliser.

Un des ses principaux efforts porte sur l’organisation des Bourses du Travail, qui ne se limitent absolument pas dans son esprit à une agence de placement, même si l'amélioration du quotidien prolétaire est tout aussi indispensable que la préparation de la future société. Il est un des principaux artisans de leur constitution en Fédération (Cf. MAITRON et JULLIARD) dont il est le secrétaire en fin des années 1890. La première Bourse, à Paris, se crée en 1898-1899 (Cf. chapitre spécifique ci-dessous).
Les Bourses, environ 150 au début du XXème siècle, proposent divers services : bureau de placement autonome, entraide et mutualité, bureau de statistiques… et surtout celui de formation et d’éducation, de cultures par l’échange et le contact, par l’action... La formation est triple, elle est d’abord technique, professionnelle. Elle est souvent générale et éclectique, culturelle pourrait-on dire (mathématiques, langues…). Elle est enfin au service de la propagande, et de l’anarcho-syndicalisme souvent, analysant la société capitaliste pour mieux la combattre, et débattant de la société future où le syndicat aurait toute sa place, pour la remplacer.
En préfaçant l’ouvrage de PELLOUTIER sur les Bourses, Georges SOREL en résume l’importance éducative pour le syndicaliste: « …(lui) apprendre à vouloir, l’instruire par l’action et lui révéler sa propre capacité, voilà tout le secret de l’éducation socialiste du peuple ».

Centrale est la place de la Bibliothèque dans la plupart des Bourses : elle est un lieu de savoirs, de diffusion de la culture et un lieu d’échanges et de rencontres. Elle permet également l’apparition d’une autre culture, puisqu’elle associe ouvrages classiques, brochures militantes et textes de droits et d’organisation du travail.

En ce sens l’institution d’un Musée social ou Musée du Travail au sein des Bourses est emblématique de l’apparition assumée d’une culture populaire et militante, avec comme objectif évident d’illustrer le monde inégalitaire environnant et la nécessité de le changer.

L’intégration des Bourses dans la CGT et l’apparition de l’État Providence avec l’essor des lois sociales vont contribuer à diminuer leur rôle.
Les groupements anarcho-syndicalistes après PELLOUTIER vont tous s’occuper d’éducation, parfois en soutenant la création d’écoles syndicales ou libertaires, notamment en Espagne avec la CNT ou en Argentine avec la FORA.
Le XIX° siècle espagnol et quelques anarchistes différents de FERRER en Espagne : TARRIDA, LORENZO, MELLA, QUINTANILLA…
L’éducation laïque connaît, dans l’Espagne du XIX° siècle, divers précurseurs, pas toujours libertaires comme l’ancien moine Bartolomé GABARRÓ BORRÁS, qui offre une vision réformatrice et modérée, résolument laïque.
En Espagne, les idées d’écoles autonomes, déjà plus ou moins libertaires, apparaissent dès le milieu du siècle : Fomento de las Artes à Madrid en 1847, Escuela del Trabajador à Madrid en 1851, le centre culturel et pédagogique de l’Ateneo Catalán de la Clase Obrera à Barcelone en 1868. Autour des libertaires de journal La Tramuntana se tiennent également divers débats précurseurs, et plus radicaux. Ils prennent en compte parfois les revendications issues des athénées culturelles ouvrières dont le développement est si foisonnant et si original en Espagne. Autour de ces athénées se forment parfois des escuelas obreristas - écoles ouvrières. Cette prégnance des athénées est bien le trait original du mouvement ibérique dans tous les domaines culturels.
DIAZ DEL MORAL rappelait que tous les congrès ouvriers en terre ibérique mettent en avant le problème de l'enseignement. Les principales théories et expérimentations s'amplifient avec la Première Internationale. En 1872, au congrès de Zaragoza (Saragosse) de la FRE (Federación de la Región Española), branche espagnole de l’AIT, est approuvée une motion pour « l’éducation intégrale » présentée par Trinidad SORIANO ; elle montre les influences de Paul ROBIN et de BAKOUNINE au-delà des Pyrénées. Au Congrès suivant de Cordoba (Cordoue) en décembre 1872-janvier 1873, une motion réclame déjà la création « d’écoles internationalistes », c’est-à-dire fondées par et au service de l’AIT espagnole, pour permettre aux travailleurs d’obtenir une formation propre et engagée. Tous les congrès de la FTRE-Federación de los Trabajadores de la Región Española des années 1880, comme plus tard ceux de la CNT des années 1910-1930 prolongent cet engagement.
À Madrid en 1876 se développe l’Institució Libre de Enseñanza, plus laïque que révolutionnaire, mais qui permet la rencontre de mouvements radicaux de la capitale. C’est en Catalogne cependant que le mouvement laïque semble le plus important, notamment avec la constitution en 1888 des Amics de l’Enseñanza Laica. Nombreux seront ceux qui, partis de la laïcité et de la pédagogie rationaliste, soutiendront FERRER par la suite.
Depuis 1887 l’Ateneo obrero de Badalona en Catalogne se positionne en faveur de « l’instruction intégrale » alors qu’en 1888 sur Madrid, les « Amis du progrès » ébauchent déjà une sorte de coéducation laïque. En 1890 se fonde « l’école laïque (Escuela laica) » de Valence, à l’initiative du Centro de Trabajadores, pour « éclairer et émanciper la classe travailleuse ». Son principal animateur est le compagnon Francisco PASTOR.
Toute une ambiance mêlant républicains, francs-maçons et libertaires se crée progressivement et donne naissance à des penseurs ou mouvements féconds. On peut citer par exemple la Biblioteca del Obrero lancée par l'éducateur andalou José SÁNCHEZ ROSA (1864-1936). Toutes ces tentatives expliquent que même la Constitution de 1876 mis en avant la « liberté de l’enseignement ».

Enfin il ne faut surtout pas oublier le rôle absolument primordial des « maestros ambulantes (maîtres itinérants) ». Ils permettent à l’anarchisme ibérique de toucher les lieux les plus reculés et de faire passer les idées nouvelles en même temps que l’alphabétisation ou l’apprentissage des composants basiques de la formation (calcul, écriture…). Parmi ces idées, l’idéal ou acratie, bien sûr, mais aussi l’hygiène, les rudiments de médecine, le naturisme, les idées laïques, les notions d’égalité homme-femme ou d’union libre, de nouvelles techniques de travail, la propagande anti-tabac et anti-alcool également… La tradition andalouse est sans doute une des plus développées, sur la trace de Fermín SALVOCHEA (1842-1907), avec des maîtres libertaires comme José SÁNCHEZ ROSA ou Diego RODRÍGUEZ BARBOSA (1885-1936). Ces maîtres « en plus d’éveiller les intelligences cachées grâce à l’alphabet, illuminent également les personnes avec ce saint appel à l’idéal qui doit supprimer iniquités et misères du monde ». Le côté rédempteur et mystique est ici assumé par le militant de Chiclana, même s’il s’agit d’un roman.

En fin du XIXème siècle, la plupart des grands noms de l’anarchisme comme TARRIDA DEL MARMOL, Anselmo LORENZO et Ricardo MELLA préparent donc le terrain pour l’œuvre de FERRER. Comme je l’ai déjànoté, ils ne font que s’appuyer sur les positions de l’AIT, souvent d’ailleurs fortement imprégnées des théories de ROBIN. Dès 1872-1873, aux Congrès de Saragosse (2°) puis de Cordoue (3°) de la FRE – Fédération de la Région Espagnole, les textes se positionnent pour « éducation intégrale » et écoles « internationalistes ». Les espagnols sont donc en symbiose avec la position anti-autoritaire des italiens et des suisses. L’Ateneo Catalán de la Clase Obrera publie en 1872 El Ariete socialista internacional qui est largement consacré aux écoles populaires. L’éducation est donc désormais un élément essentiel dans la recherche de l’émancipation humaine.

Par la suite Ricardo MELLA CEA (1861-1926), qui comme beaucoup de ses contemporains, a du mal à distinguer entre instruction et éducation, défend dans ses Breves apuntes sobre las pasiones humanas - Quelques brèves remarques sur les passions humaines de 1889 « l’instruction intégrale » et « une éducation devant permettre à l’homme d’être son propre maître ».
Cependant dans sa lutte contre toute autorité et contre tout embrigadement, MELLA, en lançant sa formule de « enseñanza neutra » va se heurter plus tard à Francisco FERRER au nom d’une école libre de toute idéologie, fût-elle anarchiste ou rationaliste : c’est la notion de « neutralisme pédagogique » qui y ici lancé. C’est un peu ce que les syndicalistes « purs » et les tenants de la Charte d’Amiens en France diront par rapport aux influences anarchistes dans leur organisation. Il est bien dans la lignée de son « anarchisme sans adjectif » hors de tout système. Au début du XX° siècle, appuyé par d’autres théoriciens comme Euletariao QUINTANILLA (1886-1966), MELLA propose le modèle alternatif de « Escuela Neutral ». Dans la région de QUINTANILLA, les Asturies, aurait existé un centre éducatif appelé « La Escuela Neutra ».
Son travail théorique s’effectue dans des articles de la revue de Gijón, Acción libertaria, en 1911. Une bonne partie est reprise en 1913 dans son célèbre Cuestiones de Enseñanza - Questions d'enseignement. Ce livre est réédité en 1936 en plein mouvement révolutionnaire, et à nouveau en 1979 avec un ajout : Cuestiones de Enseñanza libertaria.
Par rapport à l’école de son temps, il s’en prend également à toute autorité contraignante, et adepte logique d’un pluralisme et d’un pragmatisme, il refuse également de s’aligner sur des méthodes pédagogiques particulières ou sur des affirmations péremptoires et « verbalistes ».

Anselmo LORENZO, qui sera un des piliers de l’École moderne de Barcelone, est auparavant un des moteurs de l’éducation radicale et militante. Son ouvrage très connu Il proletariado militante - Le prolétariat militant publié en 1902, donc juste au moment où s’ouvre l’école FERRER, contient plusieurs évocations des expérimentations pédagogiques, dont celle à Madrid dès le milieu du XIX° du Fomento de las Artes.
James GUILLAUME et la pensée pédagogique sous la III° République
Un des plus profonds penseurs anarchistes en matière éducative est le suisse, mais né à Londres en 1844, James GUILLAUME (1844-1916). Ce bakouniniste, célèbre organisateur de la Fédération Jurassienne, est également enseignant (histoire, littérature). Professeur à l’École industrielle du Locle en 1863, il est diplômé en 1865, mais est cependant exclu du professorat en 1869 et devient typographe et traducteur. Il gère jusqu’en 1872 une petite imprimerie à Neuchâtel. Mis à l’index, emprisonné, il vit dans une misère noire avant de s’exiler en France.
Il synthétise les idées proudhoniennes et internationalistes (de l’AIT) : une éducation intégrale, ouverte et permanente, jamais séparée du monde du travail ; un objectif libérateur, une recherche progressive de l’autonomie. Le pluralisme et le pragmatisme sont défendus dans une nette volonté libertaire. Un chapitre entier de Idées sur l’organisation sociale de 1874 y est consacré. L’éducation est « communalisée » dans la future société postrévolutionnaire. Les enfants jouent un grand rôle, en gérant eux-mêmes autant que possible leurs formations. La pensée du suisse est donc à placer parmi les antécédents des idées autogestionnaires. Le collectif communautaire l’emporte sur la famille dans le rôle éducatif, mais celle-ci conserve le côté affectif et ne disparaît donc pas. Les enseignants, des conseillers surtout, doivent garder un lien avec leur rôle de producteur, ce qui rejoint les idées de PROUDHON. Et inversement, les producteurs jouent un rôle de formateur : la volonté de GUILLAUME est de rompre avec une éducation fermée, du ressort des seuls éducateurs. Comme beaucoup de libertaires, il se méfie de tout corporatisme.
Avec son ami également suisse Adhémar SCHWITZGUÉBEL, il développe dans les années 1870, au sein de l’AIT antiautoritaire, l’idée d’un enseignement de plus en plus pris en charge par les communautés, au sein d’un fédéralisme révolutionnaire qui réfute l’État, même cet État minimaliste proposé au même moment par le belge César DE PAEPE. Ces débats sur les services publics et l’organisation sociopolitique que ces services sous-tendent posent alors des questions qu’on retrouve partiellement aujourd’hui, notamment en Europe occidentale, avec la dévolution de services éducatifs aux régions ou collectivités territoriales (Régions françaises, Länder allemands, États du Royaume Uni, Comunidades ibériques, Cantons suisses...).
Son ami ROBIN est théoriquement assez proche de lui. Tous les deux sont liés à l’incontournable militant pédagogique libéral Ferdinand BUISSON : c’est pourquoi GUILLAUME occupe des fonctions semi-officielles en France, ne serait-ce que par ses articles dans le Dictionnaire de pédagogie de 1877 à 1887. Il est secrétaire de la Revue de pédagogie parisienne et en 1887 il est même membre du Comité d’Instruction Publique. C’est alors le grand spécialiste de l’histoire de l’instruction pendant la Révolution Française (7 volumes sont publiés sur ce thème de 1891 à 1907). C’est peut-être pour cela qu’il se fait naturaliser en 1889. En 1890 il prolonge ses réflexions pédagogiques en écrivant sur PESTALOZZI un ouvrage essentiel mais quasiment introuvable (Johann Heinrich PESTALOZZI. Der Bürger der Revoluzion). Les idées pédagogiques du suisse ont sans doute un peu évolué, en passant d’un anarchisme fédéraliste intégral dans sa jeunesse, au service des fonctionnaires de l’État français. Mais cela ne concerne que l’organisation de l’instruction publique, pas les grandes idées sur l’égalité et l’instruction intégrale.
C’est au tournant du siècle qu’il renoue avec la vie militante libertaire, rencontre KROPOTKINE, se lie au syndicalisme révolutionnaire et s’occupe de l’Université Populaire du 14° Arrondissement vers 1903.


Le néo-proudhonisme éducatif et une vision syndicaliste de l’éducation avec Albert THIERRY (1881-1915), repris par Marcel MARTINET (1887-1944)
Albert THIERRY instituteur et écrivain syndicaliste révolutionnaire accompagne la CGT et les Bourses du Travail d'avant 1914 dans leurs réflexions pédagogiques et dans leur évocation de la société nouvelle. Entre réalisme et nécessaire utopie, sa voix allie «modestie constante et ambition infinie» comme l'écrit si bien Marcel MARTINET. Malgré sa lucidité, il est gagné comme beaucoup en 1914 par l'Union sacrée, et est tué au front en mai 1915 : terrible perte pour la pensée libertaire.
S’affirmant continuateur de PROUDHON (comme Fernand PELLOUTIER il est un des rares libertaires à le faire ouvertement) et de Domela NIEUWENHUIS en matière éducative, Albert THIERRY au tournant du siècle, en se centrant sur l’éducation des adolescents, réactive les notions d’enseignement professionnel, complet, en lien avec la classe ouvrière et pour son propre intérêt. L'enseignement primaire reste moins engagé et plus libéré vis-à-vis de la visée syndicaliste, surtout développée à des âges plus avancés.
Cette primauté de l'enseignement technique ou professionnel sur l'enseignement général ou intellectuel est cependant parfois excessif, et doit se lire dans un monde où l'ouvriérisme reste important, y compris dans ses aspects réducteurs. Sa formule d'une école syndicaliste «qui premièrement élèvera les enfants pour la production…» est inquiétante si on la détache de ce contexte, et reste toujours très discutable autrement. Certes il modère son propos et sent sur ce terrain qu'il faut bien préciser : d'abord il insiste que par production, il entend une classe ouvrière qui la gère elle-même, et s'il reconnaît que l'éducation doit rendre l'enfant apte à produire, elle ne vise pas à le faire produire…
Gaetano MANFREDONIA fait le même constat avec Édouard BERTH (1875-1939), intellectuel sorélien rangé également aux côtés des syndicalistes révolutionnaires.
Néanmoins, malgré le rôle pivotal du travail et de la production, THIERRY reste l'apôtre de l'enseignement intégral, qu'il nomme plutôt «global» ou «général» (y compris pour l'enseignement supérieur), et ses positions sont plutôt pour la symbiose entre tous les types de formations, manuelle, physique, sportive et hygiénique, artistique, intellectuelle et scientifique… ce qu'il précise notamment en 1912 dans L’école entre la science et le travail .
Son éthique exigeante, voire ascétique et puritaine (chasteté), se présente comme une illustration de la culture ouvrière, désintéressée (Cf. son « refus de parvenir ») qu’il partage avec Fernand PELLOUTIER ou Georges SOREL et bien sûr à nouveau PROUDHON. THIERRY est apparemment alors très proche de James GUILLAUME. Ami de Pierre MONATTE, écrivant surtout dans La Vie ouvrière de la CGT, il lie l’action pédagogique à l’action syndicaliste, à ce syndicalisme « d’action directe » (JULLIARD) dont la méthode doit aussi toucher l’éducation (Cf. son article de 1909 : Lectures. L’École rénovée et l’action directe en pédagogie). Ce qui importe, c’est la communauté entre les principes éducatifs et les principes syndicalistes, comme il l’écrit en 1912 dans Principes d’une éducation syndicaliste. Il est juste important de rappeler que l’esprit « syndicaliste » ici rappelé ne désigne pas le syndicalisme au sens générique du terme, mais la position des libertaires d’avant 1914 qui mettent l’autonomie ouvrière syndicale en dehors de toute secte, de tout parti ou de tout État (Cf. la Charte d’Amiens en 1906). L'ensemble de ses écrits pédagogiques parus dans la Vie Ouvrière entre 1912 et 1913 forme l'essentiel de l'ouvrage Réflexions sur l’éducation, suivies des Nouvelles de Vosve, publié à la Librairie du Travail en 1923. J'utilise pour ma part la réédition vers 1963 (non datée mais annoncée comme celle du cinquantenaire) faite par l'Amitié par le Livre sous le titre Réflexions sur l’éducation. Retour aux sources .

Ses méthodes sont absolument libertaires, en refusant toute émulation et toute sanction. L’éducation est donc un art libertaire de vivre et d’agir, et la fermeté de son propos permet à CODELLO de le rattacher également à TOLSTOÏ. Il met en effet largement en avant cette fusion entre conviction intime et vie concrète libertaire, entre moyens et fins, sans brutalité outrancière, de manière plus gradualiste, toutes positions qui le rapprochent plus du pacifisme tolstoïen que de l’action prioritairement destructive bakouniniste.
De manière assez originale, il pense que la formation libertaire la plus profitable doit se faire à l’adolescence, car c’est le moment des grands envols et de la plus grande liberté d’esprit et d’action. Les acquis de cette période sont ceux qui façonnent toute une vie. Et à cet âge, le jeune homme offre plus de résistance à tout endoctrinement.
De manière plus précise et volontaire que PROUDHON, il propose l'enseignement également pour les jeunes filles. Fidèle aux conceptions de l'AIT et du bakouninisme, il se range donc pour la coéducation, qu'il juge «excellente» dans son article Principes d’une éducation syndicaliste.
Et bien sûr, cela doit se faire hors de tout dogme, même (et surtout) anarchiste : « Catéchisme syndicaliste, catéchisme bourgeois, catéchisme catholique : peut m’importe, c’est au catéchisme même que j’en ai. C’est à l’homme, et à lui seul, de se créer sa propre vie intérieure ». Sur ce point THIERRY approuve la Déclaration issue du Congrès de la Fédération des syndicats d'instituteurs et d'institutrices, à Angers en mars 1911, qui en son point 3 énonce : «ne lui imposer aucun dogme, aucune formule. Fortifier en lui au contraire le sens critique…». Comme il l'écrit dans un autre article, «le propre de l'individu, c'est de se fonder soi-même», donc hors des cadres et des autorités, même si dans la fin de l'article il laisse tout de même une vision post-proudhonienne un peu écrasante, puisqu'il prône une «méthode de vie fondée par le travail, nourrit par le travail». Ce qui nous ramène aux considérations déjà énoncées sur un certain utilitarisme, une primauté qui peut être discutable du seul travail, et donc peut être un réel carcan dans l'apprentissage proposé.
Pour THIERRY, l'éducation est un des moteur essentiels du changement social, intégré au projet émancipateur brandi par le syndicalisme révolutionnaire : elle est «consubstantielle du syndicalisme». Elle doit donc précéder la révolution tout en y étant partie prenante : «Révolution… vous essayerez de la commencer aujourd'hui dans l'école, dans l'atelier, dans le syndicat, avec la collaboration constante des travailleurs…» recommande-t-il, en s'opposant à une révolution purement insurrectionnelle, et à l'éducation semblable, qu'il nomme «blanquiste» dans son article L'école et la révolution de 1912.

Marcel MARTINET (1887-1944) s’inspire de la même lignée proudhonienne et se revendique de PELLOUTIER et de SOREL avant d'être gagné une courte période par les sirènes bolcheviques. Proche de MONATTE et de ROSMER, il est un des penseurs du syndicalisme révolutionnaire et est un des animateurs de la prestigieuse revue qu’est La Révolution prolétarienne. Au niveau éducatif, il est lié au groupe L’École Émancipée, qui pour continuer ses publications pendant la 1° Guerre mondiale se fait appeler L’École de la Fédération.
Enfin et surtout il revendique l’héritage de la pensée de THIERRY, dont il se fait le diffuseur et d’une certaine manière le disciple, en développant ses idées sur l’éducation ouvrière ou l’éducation prolétarienne ; c'est par la lecture de THIERRY qu'il intègre encore plus les idées syndicalistes révolutionnaires. Ainsi en 1923 il préface l’ouvrage Réflexions sur l’éducation. Encore en 1939 il fait de cet ouvrage « le premier et le plus indispensable pour qui s’intéresse à la culture ouvrière ». Toute sa vie, MARTINET fait sienne la formule de THIERRY du « refus de parvenir », en s’engageant de manière désintéressée aux côtés des mouvements qu’il jugent le plus proche des aspirations de la classe ouvrière, d’où sa tragique erreur de l’adhésion, courte mais bien réelle, au Parti Communiste.
Son concept « d’éducation prolétarienne » est marqué par des relents d’ouvriérisme et par une croyance un peu trop optimiste en la « culture libératrice » (il rajoute cependant, perspicace, « si elle est libre »). Mais c’est une superbe proposition d’ouverture et de culture libertaire, à laquelle MARTINET reste fidèle jusqu’à la fin de sa vie. Cette éducation doit permettre aux prolétaires de prendre conscience de la réalité et de l’exploitation qu’ils subissent, ce qui donne une nouvelle vie à ce que PELLOUTIER définissait « la science de leur malheur ». Il faut en effet connaître ce qu’on cherche à rejeter. L’éducation ouvrière est ensuite vue comme une pédagogie utopique, réhabilitatrice : il faut que l’homme « lève les yeux, qu’il sort du labeur au ras de terre, pour rêver, pour désirer son propre redressement et vaincre la vie » : ma traduction italienne est sans doute mauvaise, mais la tonalité de ce texte est révélatrice de tout un courant utopiste libertaire.


L’individu au centre : éducation et individualisme anarchiste vers 1900 : quelques exemples pris chez Manuel DEVALDÈS, Abel FAURE, Stephen MAC SAY, E. ARMAND, Émile MASSON…
Manuel DEVALDÈS (en fait Ernest Edmond LOHY 1875-1956), bien qu’élogieux pour Paul ROBIN, n’en reste pas moins un défenseur essentiel de l’individu et de son propre cheminement face à tous les systèmes, y compris l’éducation (étatique ou autre). Bien sûr, il pourfend avant tout l’école autoritaire, mais il n’est pas loin de penser que toute école l’est par nature. Dans son L’éducation et la liberté, il n’admet une aide éducative que si, justement, elle vise prioritairement à détruire et empêcher toute tentative autoritaire et si elle vise à permettre l’autonomie absolue de l’individu. L’éducation ne doit donc pas éduquer, mais éveiller. On pourrait presque penser qu’il s’oppose à toute velléité utopique de l’éducation, car éduquer vers ou pour un projet de monde nouveau, c’est encore éduquer. L’essentiel n’est pas là : éveiller l’individu (par la connaissance, par le renforcement de sa liberté…) reste la seule attitude valable. À lui ensuite de choisir sa propre voie.

Abel FAURE développe ces positions, notamment en rappelant que la société est faite pour l’individu, et non l’individu pour la société. Il applique donc son individualisme à la critique de l’école, surtout avec L'Individualisme et la réforme de l'enseignement édité en 1911. Il lutte surtout contre le conditionnement que l’institution scolaire fait subir aux élèves, et dénonce par exemple la pseudo réforme universitaire de son temps (La crise du français et la réforme universitaire) ou la course aux diplômes (L'Éducation française. L'individu et les diplômes). Au contraire, il faut partir de l’essence individuelle, de l’autonomie de tout être, et comme pour DEVALDÈS, renforcer ces traits fondamentaux.

Prolongeant cette réflexion dénonçant l’écrasement de l’élève par l’institution (Vers l’éducation humaine. La Laïque contre l’enfant), Stephen MAC SAY (Stanislas Alcide MASSET 1884-1972), qui annonce incontestablement sur ce plan Paul GOODMAN et Ivan ILICH, en vient à réhabiliter l’autodidactisme, la connaissance primordiale de soi-même, l’introspection. Cette démarche de précaution et de réalité doit précéder tout acte pédagogique institutionnalisé, au nom de ce que CODELLO appelle « une éducation morale libre ». Tentant de mettre en pratique ses idées, avec sa compagne Mary SMILES (Marie-Adèle ANCIAUX 1887-1983), il rejoint La Ruche de Sébastien FAURE de 1906 à 1910. MAC SAY est un fin connaisseur de FOURIER, on peut penser à juste titre que ses propos éducatifs en soient influencés.

E. ARMAND, de son vrai nom Ernest-Lucien JUIN (1872-1962), vrai « existentialiste libertaire » (CODELLO) est peut-être le plus utopique des anarchistes individualistes, dans la mesure où toute sa vie il recherche la meilleure forme de société et de bonheur individuel, dans ses projets comme dans son quotidien. Toute son action vise à préserver et servir l’individu, en tentant de le soustraire aux mauvaises influences de la société environnante. L’autodidactisme, l’autoformation et la valorisation des richesses de chaque être sont donc prioritaires par rapport à toute éducation, car celle-ci porte toujours en elle, à divers degré certes, un danger d’une uniformisation et de conformisme. Vivre en liberté, expérimenter des formes de convivialité libertaire et hédoniste forment la meilleure éducation possible, car elles ont vertu d’exemples, de propositions qu’il suffit d’observer et sur lesquelles on peu méditer. La belle citation faite par CODELLO illustre parfaitement cette vision utopique pluraliste et expérimentale, respectueuse de chaque être qui est d’une étonnante actualité : la société future apparaît ainsi comme « un monde dans lequel tous les habitants se développeront intégralement selon leurs propres aspirations, sans que personne ne puisse imposer ses propres conceptions économiques, morales, intellectuelles. Ce sera un milieu où l’expérience personnelle et l’observation collective serviront de seul modèle éducatif et de fondement unique au libre accord mutuel. Cela formera une humanité dans laquelle les êtres s’aimeront les uns les autres ». Toute l’éducation libertaire (L’initiation individuelle anarchiste) est pour ARMAND une sorte de formation continue, d’expériences, d’analyses, de cheminement permanent : là encore son projet utopique est très actuel, misant sur le pragmatisme et une forme de gradualisme qui tout en étant modeste et évolutif, reste ferme sur l’essentiel : un anti-autoritarisme viscéral. Tolérance et pluralisme deviennent en éducation libertaire 2 propositions incontournables.

L’anarchiste breton Émile MASSON (1869-1923), anarchiste, utopiste et antimilitariste peut être classé dans la rubrique individualiste (« individualisme anarchique » note René SCHÉRER), malgré des engagements collectifs majeurs (anarcho-syndicalisme, mouvements culturels et bretons…) et malgré sa proximité avec des anarchistes sociaux comme Jean GRAVE par exemple. Il utilise divers pseudonymes Brenn, Ewan GWEZNOU (ou GWESNOU), RÈR-HOUARN et Ionn PRIGENT.
Son positionnement pédagogique s’exprime dans diverses revues ou journaux (libertaires, pédagogiques…) et dans deux ouvrages essentiels pour notre propos.
Il s’agit tout d’abord de Yves MADEC, professeur de collège qu’il publie aux Cahiers de la Quinzaine en février 1905 et qui est réédité à plusieurs reprises, y compris en feuilleton dans La Bataille syndicaliste en 1912. Il s’agit pour l’époque « d’un des rares documents de référence sur les collèges au quotidien », durement critiqué par les réactionnaires de Loudun qui s’y reconnaissent, mais loué par tous les vrais libres penseurs, comme Jean GRAVE dans les Temps Nouveaux du 27/05/1905 ou Ferdinand BUISSON dans L’Humanité.
L’autre ouvrage est son L’Utopie des îles bienheureuses dans le Pacifique en l’an 1980, heureusement rééditée en 1984, et que j’ai commentée en autre place.
Nous devons à Jean-Yves GUIOMAR un bel effort pour revitaliser la pensée de MASSON : il lui dédie un chapitre entier de son anthologie critique, intitulé 12. Éducation et révolution.
On peut ajouter à cette liste sa Lettre d’un répétiteur en congé qu’il publie mensuellement d’avril à juin 1899 dans l’Union pour l’Action Morale de son ami Gabriel SÉAILLES.
Enfin, bien qu’inédit, le roman de 1920, L’anneau de rubis, traite largement d’un projet d’École nouvelle bretonne qui fonctionne selon des caractéristiques libertaires, et qui rend hommage aux amies pacifistes et éducatrices dont il est proche (Cf. ci-dessous le chapitre sur L’Enfance heureuse).

MASSON est intéressant sous divers aspects en matière pédagogique et éducative, bien entendu en mettant en avant, comme tous les individualistes, la primauté de la formation épanouissante et libertaire pour chacune et chacun :
Il affirme que l’éducateur est avant tout un citoyen, qu’il doit donc avoir sa liberté de penser, et que « partout et toujours » il doit « de se conduire en homme, et à traiter les hommes en hommes ». C’est une manière de refuser le caporalisme et la servitude des fonctionnaires, qui lui cause quelques ennuis, tout comme à son ami HERVÉ, et de s’opposer à ces « proviseurs et principaux, policiers au service du Pouvoir ».
Il est partisan des Universités populaires, et de l’éducation populaire (« une de ses convictions profondes »), chères à de nombreux anarchistes et libertaires de son temps (Cf. ci-dessous). Il a tenté d’en créer une sur Loudun lors de l’une de ses premières affectations vers 1900. Il connaît de près, au travers de leurs amis communs Sylvain PITT et SÉAILLES, un des animateurs anarchistes de la « culture populaire », dans le bon sens du terme, et de la « coopération des idées », qu’est Georges DEHERME (1870-1937). C’est aussi, dans les mêmes cercles parisiens qu’il fréquente, qu’il fait la connaissance de Ferdinand BUISSON, pédagogue important, aux charges officielles, et pourtant ouvert aux idées libertaires, ne serait-ce que par ses amis James GUILLAUME et Paul ROBIN. Un autre secrétaire de la Société des Universités populaires, le proudhonien Charles GUIEYSSE (1868-1920), est un ami intime des MASSON, et en plus comme Émile il est breton et de la mouvance de PÉGUY. L’engouement pour l’éducation populaire se fait également par le biais d’un autre ami très proche, le poète dreyfusard André SPIRE (1868-1966), bien qu’il soit peu libertaire.
Il est favorable au plurilinguisme alliant langue locale (le breton), langues « nationales » (le français bien sûr, ou l’anglais dont il est enseignant), et langue internationale (esperanto ou « ilen ou sperando » comme il la nomme dans son utopie - ilen pour langue de l’île). Il s’inspire sans doute largement de l’exemple gallois qu’il connaît bien. Reconnaître le breton, et l’utiliser, c’est reconnaître les droits à toute culture de se maintenir et de prospérer, dans le respect de ses membres. Altérité et diversité ne nuisent pas à l’harmonie universelle, bien au contraire, et c’est un positionnement cohérent et fréquent de la pensée anarchiste. D’autre part, le breton est le moyen de toucher les gens modestes ou enclavés qui profiteront ainsi des ouvrages et idées modernes, et tout simplement de la culture en général : par exemple MASSON fait traduire en breton des ouvrages anarchistes, notamment RECLUS. Avec cohérence, de janvier 1913 à juillet 1914 (19 numéros), il publie une revue bilingue Brug-Bruyères éditée à Guingamp. Il propose également un Rapport au Congrès d’Hennebont de la Fédération régionaliste de Bretagne en août 1913 qui détaille tout un ensemble de méthodes pour utiliser au mieux le vocabulaire breton (vocabulaire de la géographie, des mœurs et activités…) pour mieux se faire comprendre et pour donner à cette langue toute son ampleur. Pour tenter de terminer sur le problème de la langue, il faut rappeler que les linguistes d’aujourd’hui reconnaissent que l’apprentissage multiple favorise chacune des langues apprises et la faculté de les maîtriser. MASSON est donc un des précurseurs de cette manière de penser lorsqu’il rappelle, en 1913, qu’une « langue ne nuit pas à une autre langue. Au contraire, deux langues s’entraident, maniées intelligemment ».
Il compte parmi les libertaires qui refusent un total anti-autoritarisme, et qui peuvent donc paraître ambigus sur ce plan, voir pire : certaines remarques évoquent une sorte de « dressage social » par l’éducation. Pour MASSON les jeunes doivent connaître une mini-contrainte sociale et accepter une autorité pédagogique parfois nécessaire pour mieux affronter la vie réelle et en connaître les aspects diversifiés. Il anticipe sur ce plan des idées que l’actuelle communauté éducative Paideia d’Estrémadure continue à promouvoir (Cf. ci-dessous). René SCHÉRER dénonce cette ambigüité et le paradoxe éducatif du libertaire MASSON en évoquant « cette discipline draconienne » qu’il instaure. MASSON maintient en effet le concept de maître, au sens d’éveilleur, de « professeur de liberté », de sage, d’homme de bien, de juste et membre des « vrais hommes libres »… mais également d’élite aristocratique (au sens propre du terme), des « meilleurs », dans une pensée mêlant STIRNER et NIETZSCHE. Il se positionne pour une société de pairs « qui s’aident mutuellement à s’affranchir ». Sur cette influence nietzschéenne, il serait bon de connaître les rapports entre MASSON et son contemporain et un des grands introducteurs de la pensée du philosophe allemand en France, Georges PALANTE, proche de lui géographiquement (Pontivy et Saint-Brieuc). À la lecture des divers textes, assez emberlificotés, de MASSON sur cette question, il faut bien reconnaître rétrospectivement que la méfiance et la critique de l’anarchisme sur ces notions d’autorité nécessaire disposent de solides arguments.
Il place cependant l’enfant au centre. On lui doit respect, attention et amour (rapport affectueux écrit-il). Il faut « les comprendre… et se faire comprendre ». Les termes d’affection et d’amour sont sans doute un des aspects les plus datés de la pensée de MASSON, même si à l’époque ces idées sont en droite filiation de celle de TOLSTOÏ et autres pédagogues novateurs.
Il est comme ROBIN ou d’autre un adepte de la coéducation, y compris quand les enfants de tout sexe se côtoient librement dans leur nudité (Cf. son Utopie).
Il reconnaît toutes les méthodes actives, l’éducation intégrale, l’ouverture sur la nature… propres aux diverses éducations libertaires et à l’influence exercée par RUSKIN. L’exercice physique, et une alimentation seine, font partie de la formation globale. MASSON lui-même était contre l’alcool, mais pas intégriste, il en buvait parfois, apparemment presque jamais en public affirment ses biographes. Comme Élisée RECLUS, qu’il connaît, il met l’accent sur la primauté de l’étude directe de la nature et du respect de celle-ci. Le corps n’est pas tabou, la nudité est importante dans son utopie. Mais la sexualité librement pratiquée, comme chez Charles FOURIER, ne concerne guère que les jeunes adultes. Toujours comme FOURIER, dont il peut légitimement apparaître parfois comme un disciple tardif, il mise sur l’importance de la danse et du chant, l’expression corporelle permettant aux plus jeunes surtout de se développer plus harmonieusement.
Il refuse tout cloisonnement corporatiste, notamment entre primaire et collège, en demandant une unité de fonction exemplaire, scandaleuse pour l’époque car brisant les hiérarchies et la routine administrative. Aujourd’hui MASSON serait taxé péjorativement de libéral utilitariste dans la mesure où il peut paraître comme adepte de la bivalence, alors qu’il ne souhaitait que fluidité et passerelles ponctuelles d’un corps à l’autre.
Il accorde une grande place à la formation au sein du foyer, depuis le plus jeune âge, car c’est là que se fait « la vraie révolution ». Dans un milieu chaleureux et non sexiste, avec partage des tâches (voir son étonnant article Bébé et la révolution), l’enfant peut réellement s’épanouir. Certes, là aussi, la sous-estimation tant de l’importance du collectif dans l’éducation, que de l’aspect renfermé et traditionnel du cadre familial, ont dû hérisser bien des anarchistes ! À sa décharge, sur le modèle de CARLYLE qu’il traduit, MASSON et sa compagne Elsie nous révèlent un couple égalitaire, ouvert et généreux, curieux, et en constante autoformation. Sans doute la cohérence de sa propre vie l’a empêché de bien analyser les aspects discutables d’une formation purement familiale.
Et bien sûr il met l’accent sur l’autodidactisme éclectique, tolérant (par exemple en matière religieuse) et libre, qu’il a pratiqué toute sa vie, et qui le rattache à tout un filon anarchisant et un peu élitiste : PROUDHON, PELLOUTIER… par exemple.
On le voit, MASSON n’est pas exempt d’ambigüités. Il donne cependant au mouvement pédagogique anarchiste une vision tolstoïenne et nationalitaire qui est assez peu présente. On peut penser qu’il a dû appliquer au moins partiellement ses principes comme licencié de philosophie (Rennes 1895) et d’anglais (Rennes 1898), répétiteur (Saint Brieuc 1896 ; Rennes 1898 ; Nantes 1899 ; Brest 1900) puis professeur d’anglais. Il est alors nommé à Loudun (1900) où il enseigne… l’allemand !, puis à Saumur (1901) et ensuite et enfin à Pontivy (1904).


Comment concevoir « L’éducation de demain » - C.-A LAISANT
Le scientifique anarchiste Charles-Ange LAISANT (1841-1920) se penche sur l’éducation libertaire sous deux angles principaux. Le premier, dans une version optimiste et favorable au progrès scientifique, est publié en 1905 : L'éducation fondée sur la science.
En 1906, la Colonie Communiste d'Aiglemont dans son n°5 sort L'éducation de demain, un opuscule de 32 pages. La Bibliothèque des Temps Nouveaux ressort cet ouvrage dans son numéro 68 de 1913. LAISANT lui-même avoue qu’il n’y a rien à changer. C’est ce texte que je me suis procuré sur internet sur le site de la Bibliothèque libertaire ; c’est un document de 15 pages en A4. Il doit reprendre sans doute les positions du L’éducation de l’avenir, paru dans Les Temps nouveaux n°22 de 1906.

Ce pourfendeur de La barbarie moderne (1912) se positionne dès l’introduction pour une « éducation qui veut dire libération (et qui) est le gage de la transformation sociale qui s’apprête ». L’utopie pédagogique est ici posée comme une évidence, tant l’éducation doit assurer « le développement intégral de l’être humain, au point de vue physique, intellectuel, moral et social ». L’objectif final n’occulte pas les nécessités du moment, la proposition de méthodes, notamment pour le plus jeune âge « exclusivement sous une apparence d’amusement, de jeux » qui ferait plaisir aux fouriéristes. Le concret, l’observation, la découverte du milieu, l’initiation scientifique… se retrouvent dans tous les grands essais libertaires éducatifs. Il préconise une gradation : initiation pour les enfants jusqu’à 11 ou 12 ans, étude ensuite qui s’exprime dans « l’enseignement intégral », « c’est à dire l’ensemble des connaissances humaines utiles » sans bourrage de crâne par des notions cumulatives excessives ; et enfin « l’éducation vraie, l’auto-éducation » tout au long de sa vie, avec l’aide des Universités Populaires. Mais celles-ci doivent être rénovées (LAISANT est très critique sur cette expérience à laquelle il a pourtant participé). Les aspects libertaires, engagés, sont nettement assumés « sans honte », comme la volonté « d’enseignement anti-religieux », et la promotion de l’espéranto (LAISANT écrit d’ailleurs un ouvrage de 15 pages sur le sujet L'espéranto et l'avenir du monde publié à Paris, à la librairie Koletko Paco Libereco, sans doute vers 1910).
En bon libertaire conscient et opposé à tout dogme, il souhaite une utopie pragmatique, et gradualiste, même si le ton est parfois emphatique « …nous voulons par des flots de lumière, par un torrent de vérité, faire graduellement une humanité éclairée (et) consciente ».


















Salvador SEGUI et l’éducation à la rébellion.
Le grand leader syndicaliste espagnol Salvador SEGUI (1887-1923), assassiné en 1923 en pleine guerre entre milices patronales et groupes de choc cénétistes (de la CNT), fut également, comme tous les leaders ouvriers de la péninsule ibérique, très intéressé par les problèmes éducatifs. Son roman pédagogique et sans doute largement autobiographique, Escuela de rebeldia (Historia de un sindicalista) – L’école de la rébellion (Itinéraire d’un syndicaliste) est publié en 1923 à Madrid.
SEGUI met l’accent sur l’autodidactisme, et sur l’importance du travail et des travailleurs dans le processus éducatif. Il prolonge les réflexions de PROUDHON et de PELLOUTIER. Comme tout libertaire, il dénonce l’école officielle ou privée de son temps, car elle est source de domination et de manipulation des esprits. Il a donc contracté une forte dette vis-à-vis de son compagnon FERRER.
Luigi FABBRI penseur anarchiste et maître d’école
L’italien Luigi FABBRI (1877-1935), grand disciple et ami de MALATESTA, est un des grands théoriciens et hommes d’action du communisme anarchiste organisé italien, avant de s’exiler en France puis en Uruguay où il trouve la mort. Sa fille Luce poursuit longtemps son œuvre dans ce pays d’accueil. Théoricien, il n’en est pas moins pédagogue, puisqu’il débute sa carrière comme maître d’école, mais aussi comme précepteur et formateur dans sa famille, auprès des militants, et à travers ses lettres et ses écrits : un des premiers exemples en ce sens est Lettere a una donna sull’anarchia – Lettre à une femme sur l’anarchie en 1905. La dimension de formation, d’autoformation et d’édification d’une morale libertaire est donc au cœur de toute sa pensée et son action, comme le prouve son opuscule L'ideale anarchico que la Scuola moderna réédite à Bologne en 1909.
Comme beaucoup d’anarchistes de sa génération, il est marqué par l’expérience de la mouvance syndicaliste révolutionnaire d’imprégnation française (le rôle des Bourses, les Universités populaires…) et surtout par tout ce qui tourne autour de FERRER, pédagogue très populaire en Italie. Dès 1906, il analyse La scuola moderna di Barcellona. À la mort de FERRER il approfondit cette analyse pour le Comitato pro Scuola Laica – Comité pour l’École laïque de Rome. Il dresse également cette même année un bel éloge du pédagogue ibérique, Ultimo martire del libero pensiero - Le dernier martyr de la libre pensée. À travers La Scuola moderna, sa revue pédagogique de Bologne de 1910-1911, il se penche dans de nombreux articles sur Il movimento per la Scuola moderna - Le mouvement pour l’école moderne et sur sa distinction par rapport à l’école laïque (Scuola moderna e Scuola laica). En ce sens, il soutient les actions de Luigi MOLINARI sur Milan, et participe aux débats ouverts par sa revue L’università popolare.
S’il reste très critique vis-à-vis de l’école d’État, conformiste, autoritaire et religieuse (Cf. son L’inquisizione moderna), il n’en demeure pas moins acteur dans une école italienne qu’il rêve plus laïque et plus soucieuse de l’autonomie de l’enfant. Intéressé comme on vient de le voir par l’expérience de l’École moderne ou rationaliste, il craint cependant le ghetto que peut parfois constituer cet îlot pédagogique privilégié, alors que le combat pour tous reste sa première préoccupation. C’est l’éternel débat autour des expérimentations utopiques au sein d’un univers archaïque, et le risque de fuite hors du siècle de militants qui seraient ainsi perdus pour la cause. C’est en tout cas la ligne (plus dure que la sienne) de son maître à penser MALATESTA. Les deux leaders pensent qu’une éducation libertaire ne peut être réelle et opératoire que au sein d’une nouvelle société, ou dans le cadre d’un bouleversement social profond et général de l’ancienne : l’école n’est pas un univers clos, et l’évolution de l’école ne peut pas être isolée du reste du mouvement social. Cela ne veut pas dire, cependant, que les nouvelles pédagogies, plus libertaires, ne sont pas importantes : au contraire, il faut les promouvoir (Cf. La libertà d’insegnamento - La liberté d'enseignement), mais de la même manière qu’on promeut le syndicalisme révolutionnaire, la libération de la femme et des mœurs et qu’on lutte pour une future société libertaire... L’école, la formation doivent également contribuer à aider le révolutionnaire, l’aider dans son œuvre d’émancipation. Se battre pour l’école libertaire doit donc se faire en même temps que la lutte pour la révolution sociale, et au service de celle-ci et de l’individu. Certes la révolution sociale prime, mais si elle ne s’accompagne pas d’une formation et d’une émancipation par l’éducation et l’auto-éducation des participants, et d’un renforcement de la morale anarchiste, elle risque bien d’accoucher d’un monstre ou d’immédiatement retomber : dans l’exil sud-américain il continuera à en 1928 promouvoir L’éducation pour la révolte - La educación para la revuelta en prenant le terme « éducation » au sens large de formation intégrale.
FABBRI est un ainsi un des penseurs révolutionnaires qui combine le mieux cette dialectique nécessaire entre éducation et révolution. L’ensemble de ses positions se résument surtout dans La scuola e la rivoluzione - L'école et la révolution de 1911, et également dans l’écrit plus tardif Politica e scuola (1931). Cependant, après 1914, l’investissement « éducationniste » libertaire semble plus modéré, ou en tout cas plus à relativiser par rapport aux urgences de l’heure : révolution russe, fascisme, exil et dispersion des libertaires...
Juste après sa mort, sa fille Luce continue le combat avec naturellement l’hommage au père, lutteur, penseur et éducateur, avec un article au nom bien choisi : L’educatore.
Pragmatisme libertaire et contre-culture aux ÉU : Paul GOODMAN
Paul GOODMAN (1911-1972) est surtout connu comme un des principaux représentants de la contre-culture et un scientifique de haut vol. On ignore souvent son anarchisme revendiqué, aux influences diverses et variées : sur le mouvement communautaire, le renouveau libertaire des sixties, la lutte contre la guerre du Vietnam, les pédagogues et intellectuels antiautoritaires (Erich FROMM, Susan SONTAG, et Ivan ILLICH dont il serait « le précurseur »…), la beat-generation (surtout Allen GINSBERG) et le Living Theatre de Julian BECK et Judith MALINA... Il est paradoxalement largement méconnu en France, y compris dans l’aire libertaire. Sa vision non-violente, gradualiste et pragmatique, ses positions réformistes parfois, y sont sans doute pour quelque chose au moment où la mythologie révolutionnaire semblait refaire surface.
Ce docteur es-lettres de l’Université de Chicago est aussi un spécialiste des problèmes de la jeunesse et un responsable de l’Institut de Gestalt-Therapy de Cleveland. « GOODMAN retrouve ainsi, avec REICH qui est une de ses références, l’indissociable complémentarité de la libération psychologique et de l’émancipation politique, en insistant lui aussi sur le rôle fondamental de la sexualité comme facteur social d’aliénation ou d’émancipation ».
Liant Gestalt-thérapie, transcendantalisme (il fut « un nouveau THOREAU » ou plutôt un nouvel EMERSON), anarchisme, humanisme et taoïsme, GOODMAN donne à la nature (on évoque parfois son « naturalisme »), aux forces profondes et à l’environnement… un rôle majeur dans le processus éducatif et dans celui de recherche de l’autonomie (qui sont en fait pour lui comme pour la plupart des libertaires conséquents une seule et même chose). Cette position reflète l’importance de l’immédiateté dans sa pensée (le contact avec notre milieu environnemental se faisant ici et maintenant), et le passé comme le futur semblent alors rejetés ou dévalorisés : ce qui est en partie paradoxal avec son positionnement utopiste si souvent cité.
Il a procédé à de multiples analyses en milieu éducatif, et s’est largement inspiré des expériences de Léon TOLSTOÏ, et il a même été un temps inspecteur de l’Instruction primaire à New York. Dans le champ utopique libertaire, il a publié des livres essentiels rétablissant l’importance des communautés décentralisées, autonomes et organisées en réseau : Communitas, et Les Communautés d’étudiants. Il est évidemment une des sources de BOOKCHIN même si celui-ci le cite de manière critique, ne le trouvant sans doute pas assez révolutionnaire. On peut aussi en dire de même d’Hakim BEY puisque GOODMAN proposait des structures souples et mouvantes (ancêtre des TAZ ?) pour à la fois contrer le système hiérarchique en place en s’insérant ou en remplaçant toutes ses institutions, et pour vivre une alternative riche en potentialités.
Ce « théoricien de l’utopie » propose de limiter l’institution scolaire (sinon la supprimer ; il va sur ce plan moins loin que les théories de la déscolarisation absolue d’un ILLICH par exemple) et de redonner toute autonomie aux apprenants : le maître libertaire avec lequel il renoue n’est donc plus qu’un pair parmi d’autres. Très enthousiaste vis-à-vis de Summerhill, mais également des expérimentations de John DEWEY, il contribue largement à populariser le mouvement des écoles libres ou alternatives qui s’en inspire dans le continent nord-américain. Il cherche à « attacher l’utopie à la réalité vécue », ce qui est « aussi lié à son empirisme d’américain » et à sa « philosophie pragmatiste ».

Pour notre propos, son œuvre principale est Compulsory mis-education publiée à New York en 1964, et dont j’ai lu la version française de 1972, au titre polémique discutable : La contre-éducation obligatoire. On devrait plutôt utiliser le concept de « mal-éducation » (ou de mauvaise éducation) que l’auteur utilise lui-même. Sa critique libertaire de l’école, trop éloignée de la vie, et véritable institution autoritaire souvent utilisée comme moyen de conditionnement et comme il l’écrit, « d’enrégimentation »… est sans faille : l’énorme institution scolaire produit désormais du conformisme. Il analyse donc ce qu’il appelle la « superstition » dans le domaine éducatif, c'est-à-dire la croyance dans les effets bénéfiques de l’institution étatique sur le développement des individus. Son rejet de l’école publique au nom du respect de l’autonomie individuelle le place souvent comme une des références de la pensée « déscolarisatrice » de ILLICH, d’autant qu’il se dresse souvent contre la scolarisation des petits, comme en Suède Ellen KEY, qui l’affirmait déjà en 1900 dans son Le siècle des enfants. Il affirme même que l’école n’est « qu’un service de garderie et de police » ! et renoue ainsi avec les pamphlets de Victor CONSIDÉRANT. Il dénonce fréquemment « l’illusion » qu’est l’enseignement classique comme moyen d’émancipation, et à la suite de DEWEY se positionne pour un plus important enseignement des sciences (Cf. son Chapitre 7. L’enseignement des sciences), tout en restant critique sur les modes proposés par les institutions scientifiques, qui visent leur intérêt propre et non le développement harmonieux des individus. Il insiste fréquemment sur le fait que la scolarité réprime, limite, déprave… et empêche le libre épanouissement des sentiments, jouissance, plaisirs… L’éducation obligatoire est donc l’imposition d’une mauvaise éducation, d’une « contre-éducation » puisqu’elle produit l’inverse de ce qu’elle devrait atteindre, une contre-éducation opposée aux besoins réels et à la nécessité de libérer les êtres.
Comme FOURIER, REICH et NEILL, il met l’accent sur l’importance de la sexualité, et lutte contre les tabous et les interdits sociaux. Il prône même un libre exercice de la sexualité à l’école, car ce serait le moyen, en satisfaisant les individus, de les libérer et de leur permettre d’être plus réceptifs ou imaginatifs : « la satisfaction des instincts sexuels favorise la sérénité et permet à l’esprit d’être mieux réceptif, plus apte à exercer une attention soutenue, plus ouvert à l’étude ». Il est là encore proche des idées de NEILL et tous les deux sont évidemment en symbiose avec la pensée reichienne.
Toutes ses réflexions projettent de fonder « une éducation (qui) doit stimuler la pensée et l’expression indépendante ». Sa proposition est toujours de réhabiliter le moi, la culture individuelle et l’apprentissage de l’autonomie, de la responsabilité. Cette importance attribuée à l’individu est équilibrée, chez GOODMAN, avec sa volonté d’appuyer le développement de la « communauté » scolaire ou estudiantine. Cela nécessite un cadre de vie plus harmonieux, plus libre et centré sur la vie des jeunes, d’où la proposition de créer des « Foyers de jeunes » plus adaptés à leurs occupants ; cela impose un essor de la démocratie étudiante, et donc la multiplication des formes d’autogestions des campus et des universités.
Pour y parvenir, soit on aménage l’école en ce sens, soit on refonde totalement l’institution. Les deux axes sont présents chez GOODMAN, même si on le fait plus souvent passer pour un pragmatique.
Mais à la différence d’ILLICH, GOODMAN ne se positionne pas pour une totale déscolarisation. Il préfère des aménagements rationnels permettant de mieux prendre en compte l’apprentissage inséré dans la vie réelle, en lien avec le travail productif et la culture diversifiée de différents milieux. D’où sa formulation « d’école de la vie », d’école ouverte, thèmes que nous retrouvons chez tous les pédagogues anarchistes et libertaires. Ces structures scolaires doivent être de petites dimensions, pour permettre aux jeunes de s’y sentir au mieux. Le milieu socio-économique n’est pas à rejeter, mais au contraire à utiliser pour ancrer l’école dans la réalité, et motiver les élèves en partant de situations concrètes qu’ils connaissent, et dont l’analyse peut leur profiter. Les élèves peuvent ainsi s’intégrer dans les activités citadines dont GOODMAN est un bon observateur. Sur tous ces points, il annonce plus les idées et essais de John HOLT que ceux d’ILLICH. Son programme peut se résumer en celui d’une école minimale, avec une formation intégrée à la vie réelle, et disposant d’une grande faculté d’adaptation au nom d’un pragmatisme efficace. Il soutient donc des aménagements que nous pourrions qualifier de réformistes si on les prenait isolément : réduire le nombre d’élèves par classe ; insérer le monde du travail dans la vie scolaire et donc utiliser largement des personnes extérieures comme formateurs ponctuels ; augmenter le libre choix des matières à suivre ; supprimer récompenses, classements et peines ; introduire plus d’activités ludiques et de loisirs ; multiplier le nombre d’universités pour éviter la sélection à l’entrée ; permettre aux jeunes d’interrompre momentanément leurs études pour faire un voyage d’études ou un travail ; développer les travaux autonomes sans « impératif de dates ni d’horaires », etc. Même si in fine GOODMAN reconnaît l’importance des pouvoirs publics dans le domaine éducatif, il en dénonce l’aspect centraliste et dogmatique : il se dresse pour un pluralisme institutionnel, pour une plus grande souplesse, afin de mieux appréhender la diversité des jeunes et de leurs besoins réels.
Il se range évidemment pour l’effacement du maître et en faveur de la non-obligation scolaire, redonnant à l’apprenant l’autonomie de ses choix et de son engagement. L’autodétermination surtout de 17 à 25 ans est la seule vraie solution. C’est ce que pratique d’une certaine manière NEILL à Summerhill (Cf. ci-dessous) ; en tout cas, GOODMAN s’en inspire ouvertement, et loue le libre choix des cours par les élèves de l’école britannique.
Quelques positions libertaires éducatives au Royaume Uni : Herbert READ, Colin WARD
Pendant le second conflit mondial, Herbert READ (1893-1968) gagné à l’anarchisme, s’intéresse également à l’éducation de la liberté et pour la liberté dans deux ouvrages principaux ; Education through art en 1943, et The Education of free men - L'éducation des hommes libres en 1944.
L’importance de l’aspect artistique n’est pas étonnant chez ce surréaliste, fin connaisseur de l’art moderne et des libertaires britanniques comme William MORRIS. Il récidive sur ce thème en 1961 avec Creative arts in american education - Les arts créatifs dans l'éducation américaine. En 1949 avec Education for peace - Éducation pour la paix, il fait preuve de positions internationalistes très sensibles en cette période de début de Guerre Froide.
En tant que directeur de l’école londonienne Burgess Hill School, il va largement contribuer à mettre au point une pédagogie libertaire (Cf. ci-dessous).
Ses idées principales reposent sur le fait que la pratique et la volonté artistique sont naturelles chez tout individu. Une éducation complète et bénéfique doit donc aider cette impulsion artistique à se développer de manière libre et spontanée. Il faut libérer la créativité, mettre en avant le rôle de tous nos sens dans notre formation. La dimension artistique devient ainsi un des axes libérateurs majeurs de toute pensée pédagogique libertaire. READ renoue ici avec FOURIER.
Il insiste également sur l’aspect social, coopératif de la création artistique dans le cadre de l’éducation, entre jeunes créateurs, et également entre les élèves et les formateurs. L’enseignant devient donc bien un égal, une aide, et non une autorité hiérarchique sclérosante. S’opposant au repli élitiste souvent développé dans certains milieux artistiques, il propose des méthodes collectives d’expérimentation artistiques, afin que l’art soit un des axes majeurs des relations sociales (« une fonction naturelle des relations humaines »).

Colin WARD (né en 1924), qui revendique l’énorme influence de READ sur sa trajectoire personnelle, participe également de temps en temps à Burgess Hill School. De READ, il retient surtout le rôle essentiel de l’art, notamment la musique, dans la formation des jeunes ; en cela il est dans la droite filiation de FOURIER. Son intérêt pour la pédagogie ressort de ses deux premiers ouvrages (Violence en 1970 et Works en 1972) qui sont des livres pour les adolescents, publiés dans la collection Education de Penguin.
Mais son œuvre prend une autre dimension avec son rôle d’enseignant et de formateur dans des écoles expérimentales dès 1964 (au Garnet College 1964-65, puis au Croydon Technical College, ensuite au Wandsworth Technical College). Il s’occupe des « liberal studies » acquiert un rôle important dans le recrutement de formateurs occasionnels.
En 1971 il devient enseignant au Town and Country Planning Association, et lance le BEE, Bulletin of Environmental Education. Il y reste jusqu’en 1979, puis continue d’écrire pour les publications de cette institution dans les années 1980.
Poursuivant les idées de Herbert READ, il cherche à faire de l’art, de l’architecture et de l’initiation à l’environnement (car les constructions doivent respecter notre milieu), une discipline scolaire et une méthode éducative ouverte. Il rejoint des propositions italiennes (Gian Carlo DI CARLO et sa revue milanaise Spazio é Società) et formule son Education for mastery of the environment - L'éducation pour la maîtrise de l'environnement en 1978. Avec Eileen ADAMS il développe ces idées en 1982 dans Art and the built environment - L'Art et la maîtrise de l'environnement. Il y reviendra en 1995 avec Talking schools - En parlant d'écoles.
Tous ses travaux sur l'éducation mettent en avant 4 principes selon Francesco CODELLO:
1- l'absence de coercition dans le processus éducatif
2- miser sur la motivation naturelle de l'enfant vis-à-vis de l'apprentissage
3- stimuler la capacité de résistance de l'apprenant à toute idéologie véhiculée par l'école
4- développer une éducation intégrale.
Il faudrait y ajouter le refus de l'école comme lieu fermé et oppressif, l'éducation se faisant au contraire partout, ouverte à la vie et à l'environnement, et le plus possible dans un lieu inséré dans le tissu social.

Bien que proche des travaillistes, on peut relier à Colin WARD le sociologue Michael Dunlop YOUNG (1915-2002), historien et militant des communautés : il fonde en 1953 The Institute of Community Studies à Bethnal Green (Londres) et le dirige jusqu’en 2001. Auteur d’une analyse entre sociologie, utopie et contre-utopie (The rise of the meritocracy - La montée de la méritocratie – 1958), il est surtout à placer ici pour son action en faveur de l’Université ouverte à Londres (Open University, 1969), et pour le Centre d’entraide (Mutual Aid Centre, 1977) « pour tenter d’appliquer les principes de Robert OWEN et de KROPOTKINE » et qui laisse une grande place à l’éducation libertaire. Dans la lignée de READ et de WARD, il tente d’ouvrir en 1987 un institut faisant de l’art un moteur central pour l’éducation : l’Open College of the Arts. Fondateur d’une demi douzaine d’autres instituts, liés à la formation et à la pédagogie, YOUNG tient une place importante et méconnue dans la volonté de rénovation pédagogique au Royaume Uni, et dans la place centrale qu’il accorde au social dans cette éducation.
Quelques grands expérimentateurs et expérimentations libertaires - Fin XIX°-début XX°
Le cas Léon TOLSTOÏ (1828-1910) et l’expérience de Iasnaïa Poliana
TOLSTOÏ, écrivain célèbre, mais anarchiste chrétien méconnu, avec son école populaire (et gratuite) de Iasnaïa Poliana dans le gouvernement de Toula, vers 1860, révèle les influences qui l’ont marqué : PROUDHON, ROUSSEAU, PESTALOZZI et FROEBEL surtout. De ROUSSEAU, il garde une vision optimiste de l’idée de nature, et donc de la possibilité qu’elle influe de manière positive sur la formation des enfants. De PROUDHON, qu'il lit depuis 1857 et qu'il rencontre à Bruxelles en 1861, il développe l'idée «d'instruction populaire» ; l'article de 1862 Le Progrès et la Détermination de l'Instruction aurait dû être dédié au bisontin.
Il se mobilise pour une école fondée sur l’expérimentation et sur la liberté (de choix, du rythme, de l’assistance ou non aux cours…), et privilégie l’instruction sur l’éducation, car pour lui, la seconde voie cherche à former, à façonner alors que l’instruction vise à aider au développement personnel en fournissant des éléments que chaque apprenant va s’approprier, selon son rythme, ses besoins et ses propres croyances ou sa propre morale. Cette notion d’instruction est vue comme une culture ouverte sur la vie, alors que l’institution scolaire et ses méthodes sont présentées comme un enfermement qu’il faut supprimer : il peut être vu partiellement comme un précurseur de la pensée d’ILLICH. Son extrême permissivité annonce également NEILL et Summerhill.

Son école est construite sur ses terres en novembre 1859, ce qui lui assure une certaine indépendance. L’écrivain en assume la direction, même si ses voyages l’en éloignent parfois. TOLSTOÏ cherche à se mettre aux services des jeunes ruraux, pas de leur imposer un credo incompréhensible. Les élèves sont les plus autonomes possibles et doivent gérer eux-mêmes le plus possible les choses qui les concernent, y compris, ce qui est peu libertaire, le choix des châtiments. TOLSTOÏ se positionne pour une « autorégulation » progressive (l’ordre devant émerger progressivement du désordre) plus que pour une autogestion immédiatement appliquée. C’est le concept « d’ordre émergent », concept peu évident et par trop optimiste, comme le note Michael SMITH, car la tendance spontanée des jeunes à se calmer est parfois lente et éprouvante pour le maître ou formateur. D’autant que programmes, notes, châtiments, discipline... sont évidemment largement, mais pas totalement, proscrits. La meilleure méthode semble être l’absence de méthode, prise comme dogme. En fait, on devrait plutôt dire que chaque méthode est bonne si elle respecte l’apprenant. Donc un pragmatisme, adapté à chaque condition personnelle ou locale particulière, est proposé avec modestie par TOLSTOÏ. L’enseignement doit être ludique, attractif, et partir avant tout des besoins des enfants et de la réalité de leur vie (ce qui explique partiellement son fameux concept « d’école de la vie »). Il rejoint en cela bien des idées fouriéristes, surtout sur les aspects ludiques. Il va influencer incontestablement le mouvement de l’École Nouvelle. C’est d’autant plus évident que ses méthodes pédagogiques privilégient les méthodes actives, le plus souvent hors les murs. En bon écrivain, TOLSTOÏ mise aussi sur l’importance de la lecture collective.
Avec l’anarchiste chrétien TOLSTOÏ, on assiste ainsi à la première importante expérience pédagogique libertaire, même si un certain simplisme est à craindre, surtout si on pense à cette phrase souvent reproduite : « L’unique méthode d’instruction se résume à l’expérimentation, et l’unique critère pédagogique est la liberté ». Elle est partiellement issue de son article sur L’instruction populaire de 1862.
Avec TOLSTOÏ, l’enfant est donc valorisé, pris pour ce qu’il est, un être autonome, à respecter et à comprendre, et à aimer bien sûr. Cela signifie l’absolue nécessité, pour tout éducateur libertaire, de ne pas occulter sa propre enfance, de l’assumer au contraire pour être mieux au diapason des nouvelles vies qu’il a pour tâche d’aider à se former. C’est sans doute pourquoi une des ses œuvres majeures, en tout cas pour ses propositions pédagogiques, est Enfance en 1851 ; l’ouvrage est quasiment suivi par Adolescence en 1854, puis Jeunesse en 1857, avec la même perspective. CODELLO avance le concept de pédagogique libertaire « emphatique », qui correspond bien à toute l’approche tolstoïenne, puisque l’écrivain mise d’abord sur amour, confiance et compréhension dans tout acte d’échange et de rencontre, donc y compris et surtout dans l’acte pédagogique. Son autre intérêt est de mettre en avant la capacité intuitive d’un apprenant, même s’il n’a ni les connaissances, ni la formation requise. L’être humain est riche de lui-même, de sa vie, de ses expériences : l’école doit en profiter, pas mésestimer ou nier cette richesse.
En 1862-1863 il publie une Revue pédagogique « Iasnaïa Poliana » (du nom de l’école) qui atteint les 12 numéros. Fatigué et en butte aux critiques et répression, TOLSTOÏ délaisse un peu les questions pédagogiques, mais pas son engagement auprès des jeunes.
En 1872, un deuxième essai scolaire est lancé au même endroit et c’est l’année ou est publié son fameux Abécédaire qui atteindrait presque les 760 pages. Il se range du côté du mouvement coopératif et de l’enseignement mutuel. Dans les années 1870 un gros débat est lancé sur ses méthodes pédagogiques, les critiques sont sévères, les tests lancés. Malgré l’opposition des responsables de son temps, son livre se vend bien et des écoles sur le modèle tolstoïen semblent se généraliser : il y en aurait près de 70 vers 1875. En 1875 sort Le nouvel abécédaire.
En 1898 il est un des signataires, souvent oublié, du Manifeste pour la liberté de l’enseignement. En 1903, nous rappelle Tina TOMASSI, il réaffirme « Moi aussi je suis anarchiste, si par anarchisme on entend le refus de toute autorité autre que celle de notre propre volonté et de notre conscience ». Malgré l’évolution vers un mysticisme religieux n’enlève rien aux contacts libertaires noués à travers le monde, comme le montre sa proximité avec KROPOTKINE ou Jean GRAVE, avec Les Temps nouveaux en France, Il Pensiero en Italie… Cela explique son excommunication en 1901 !
Après la révolution de 1917, sa fille Tatiana reprend le flambeau.
L’école de Plotino C. RHODAKANATY au Mexique
De 1865 à 1867, le proudhonien Plotino C. RHODAKANATY (1828 ou 1832-1885 ?) qui vient de s’implanter au Mexique depuis 1861, crée la « Escuela de la razón y del socialismo », à Chalco vers 1865. Cela en fait une des premières écoles libertaires, aux racines fouriéristes, et une des rares volontairement engagées au service de la libération des individus.
Retournant à México DF, il laisse la direction de l’école à un disciple, futur bakouninien, Francisco ZALACOSTA (1844-1881). Ce dernier apparaît comme un des internationalistes libertaires parmi les plus novateurs, et aux origines du mouvement ouvrier révolutionnaire mexicain. Parmi ses élèves on trouve un des premiers insurrectionnalistes « acráta » (anarchiste) du Mexique : Julio CHÁVEZ LÓPEZ, fusillé en 1869.
Vers 1880 RHODAKANATY aurait tenté sans succès de rouvrir l’école de Chalco.
RHODAKANATY, personnage très étonnant, a-t-il cherché par son établissement pédagogique, à implanter son nébuleux « Neopanteismo » dont il a traité dans son livre de 1864 ? On a peu de données sur son école, mais elle devait s’inspirer d’un socialisme harmonique, « libre », non sexiste et modéré, même si CHÁVEZ LÓPEZ puis ZALACOSTA, formés dans cette école, représentent un anarchisme plutôt insurrectionnel.


Paul ROBIN (1837-1912) et Cempuis 1880-1894 : l’instruction intégrale liée au néo-malthusianisme et à l'internationalisme
Paul ROBIN, vieux militant de la Première Internationale et du Conseil Général (dont il fut exclu pour bakouninisme en 1871), ami de BAKOUNINE, de VARLIN et des RECLUS, milite en fin du siècle dans le mouvement néo-malthusien dont il est un des principaux fondateurs, et le vrai introducteur en France.
Mais la passion pédagogique et l’idée d’éducation intégrale dont il est un des principaux théoriciens l’éloignent parfois de son utopie de la régénération humaine par la responsabilisation sexuelle. Il cherche cependant à lier les deux analyses à sa militance libertaire, puisque sa devise célèbre est « Bonne naissance, bonne éducation, bonne organisation sociale ».
Il est diplômé de l’École normale supérieure de la rue d'Ulm, où il fut élève plutôt moyen, mais assez indépendant, et surtout très habile dans les sciences expérimentales et la musique, ce qui lui servira plus tard. Il connaît bien les aspects éducatifs: il est répétiteur en lycée (Rennes, puis Brest) dès 1856, puis a exercé le métier de professeur durant l’Empire dès 1861 (La Roche-sur-Yon puis Brest).
Dans le même temps, il est formateur bénévole et en 1865 il projette l'établissement de cours d'enseignement populaire sur Brest, projet qui nous fait penser aux premières Universités populaires. Mais le Rectorat s'y oppose et l'idée n'a pas de suite.
En 1865, il abandonne son métier et entreprend des voyages, en commençant par la Belgique. C’est à Liège, au congrès International des Étudiants de 1865 qu’il expose vraiment publiquement pour la première fois ses idées pédagogiques et qu’il ébauche son idée d’éducation intégrale. Au Second Congrès de 1867, il récidive avec des textes plus élaborés. ROBIN est donc bien un théoricien, avant d’être un praticien, alors que beaucoup d’analystes se limitent à l’expérience de Cempuis quand ils se penchent sur ce précoce militant et penseur.
L'exil belge lui sert pour nouer des contacts avec des étudiants français démocrates (Aristide REY) et avec les futurs fondateurs de l'Université nouvelle (Paul JANSON et E. PICARD), pour laquelle il sera appelé en 1894.
En Belgique, déjà, il teste ses idées sur «l'éducation populaire» et sur «l'éducation mutuelle» dans divers organismes pour adultes, notamment la Société des Cours Populaires Publics. Dès 1867, il a fondé un journal pédagogique Le soir. Moniteur de l'enseignement libre, des associations, des réunions périodiques et irrégulières, et il collabore à L’éducation Moderne. Dès 1866 sort son premier ouvrage pédagogique important, sa Méthode de lecture ; la même année il adhère à La Ligue de l’Enseignement par l’instruction populaire. Éducation, formation… sont désormais et pour longtemps au cœur de sa pensée, de ses pratiques et des ses espérances plus ou moins utopistes.
Il participe à différents Congrès de l’AIT (il est membre de la Section belge en fin 1867) et depuis Lausanne en 1867, il est en partie chargé du rapport sur l’enseignement intégral, rapport exposé au 3° Congrès de Bruxelles en septembre 1868. Expulsé de Belgique en 1869, il passe en Suisse, s’y lie à BAKOUNINE et à James GUILLAUME et est sans doute un des rédacteurs du texte du 4° Congrès de Bâle (septembre 1869) qui rappelle la primauté de « l’instruction intégrale ». L'engagement bakouniniste l'amène à intégrer l'AIDS - Alliance Internationale de la Démocratie Socialiste, et à remplacer le russe dans l'Égalité.
Puis il se rend en France en 1870, où il subit la répression qui frappe les internationalistes (2 mois de prison au 3° Procès de l'AIT). Il passe par la Belgique, est arrêté et expulsé, revient sur Brest où il participe partiellement à la Commune de Brest.
Il se réfugie enfin au Royaume Uni, ce qui lui est reproché, et ne participe donc pas malgré les montages policiers, à la Commune de Paris. Dans son exil londonien, il est souvent traducteur, professeur, donneur de leçons particulières et participe à de nombreux travaux sur l’éducation. Fidèle à BAKOUNINE, et en rupture totale avec un MARX qu'il juge mesquin et manipulateur, il est expulsé de l’AIT le 17/10/1871, ce qui l’amène à rejoindre ensuite définitivement le mouvement antiautoritaire qui se solidifie à Saint-Imier en 1872. Il peut désormais, plus libre et moins occupé, se concentrer sur sa famille (3 enfants) et ses idées pédagogiques.

Entre 1869 et 1872 il publie L’enseignement intégral dans la Revue de Philosophie Positive tenue par son ami LITTRÉ et que Volonté Anarchiste, dans son numéro 41 de 1992 a réédité. À propos de LITTRÉ et de ses liens avec ROBIN, sa biographe Nathalie BRÉMAND parle de « positivisme de gauche » pour cette époque de la vie du pédagogue. Car ROBIN est au carrefour de plusieurs traditions : le positivisme d'Auguste COMTE, la pédagogie de l'atelier de Pierre-Joseph PROUDHON, les idées novatrices et ludiques de Charles FOURIER, et les pensées de tout le mouvement socialiste international. Sa position personnelle, amorcée dès 1865, a considérablement mûri en fonction des échanges internationaux de ROBIN et de son rôle important, quoique court, dans l'AIT. C’est bien vers 1870 que sa doctrine éducative apparaît décidemment solide.
Par «enseignement intégral» (parfois nommé «éducation», ou parfois «instruction»), il faut entendre formation globale, humaniste, universaliste (« enseignement théorique et pratique complet, qui forme (l’enfant) à la fois comme travailleur manuel et travailleur intellectuel » écrit le texte du Congrès de Bâle, ou comme l’écrit de manière plus imagée la traduction italienne, « travailleur du bras et de l’esprit – lavoratore del braccio e della mente »). Il s’agit donc d’une formation générale, manuelle et intellectuelle faisant une large place à l’apprentissage professionnel comme le souhaitait PROUDHON. Sciences, arts, disciplines littéraires... sont mêlés sans hiérarchie aucune. Au congrès de Lausanne de l’AIT en septembre 1867, un rapport de commission où l’influence de ROBIN semble évidente, fait effort de précision : « ce qui est appelé la polytechnicité de l’apprentissage, l’enseignement intégral ou professionnel, n’est pas nécessairement la pratique de tous les métiers, mais la connaissance des principes scientifiques et industriels indispensables à l’exercice d’une profession ». Certes, pour une association de travailleurs, et avec encore cette forte prégnance proudhonienne, l’aspect « professionnel » reste mis en avant. Mais très vite l’enseignement intégral sera plus ouvert, plus complet au sens bakouninien et se détachera donc un peu de l’utilitarisme de métier. Il intégrera de plus en plus les notions d'harmonie du corps et de l'esprit, l'importance des aspects ludiques et des découvertes expérimentales… Il donnera de plus en plus d'importance à l'épanouissement de l'apprenant (enfant ou adulte) pour lui permettre d'atteindre son autonomie de réflexion et d'action. La formule en tout cas devient presque une banalité éducative dans les milieux anarchistes, et sera reprise au Congrès anarchiste d’Amsterdam en 1907 avec la relation de Léon CLÉMENT L’éducation intégrale de l’enfant.
D'autre part, dès la fin des années 1860, ROBIN avance dans les milieux internationalistes l'idée d'égalité de traitement pour filles et garçons. Dès 1868 au moins apparaît donc la notion de «coéducation des sexes». Ce positionnement est loin d'être évident dans un milieu encore parfois négativement proudhonien sur ce plan, et pour des travailleurs qui voient dans la femme d'abord une concurrente sur le marché du travail avant d'être une égale en émancipation !
C'est dans 3 numéros de la Revue de Philosophie positive (1869, 1870 et 1872) que sa pensée sur De l'enseignement intégral s'affine. Le développement autonome de l'enfant, dans un cadre et avec des méthodes libertaires et épanouissants, doit lui permettre d'apprendre à être indépendant, de s'organiser avec les autres de manière égalitaire voire autogestionnaire, et donc à réfuter (et combattre - «arme de combat social») la société inégalitaire et autoritaire de son temps.
Après ses longues analyses, ROBIN va pouvoir passer au plan expérimental.

Soutenu par l’ancien ami de BAKOUNINE également, Ferdinand BUISSON, qui désormais se trouve aux plus hautes charges de l’État français pour l’éducation, Paul ROBIN peut exercer une fonction officielle (l’anarchiste militant devient inspecteur primaire à Blois en 1879 !) et peut également mener dans l’ancien Orphelinat PRÉVOST de Cempuis dans l’Oise une des plus profondes expériences pédagogiques libertaires, qui va fortement influencer l’espagnol FERRER y GUARDIA, ou Sébastien FAURE. L’utopie exprimée dès 1867 va pouvoir être largement réalisée, et, ce qui n’est pas rien, en faisant le choix de la tenter en milieu public, pas en marge. Avec James GUILLAUME et la toujours bienveillante attention de Ferdinand BUISSON qui coordonne l'ensemble, il participe au Dictionnaire de Pédagogie et d’instruction publique vers 1878, pour lequel il rédige environ 17 articles, la plupart dans les domaines scientifiques et techniques, sauf celui concernant le Familistère de Guise (là encore la naissance du fouriérisme est présente). En 1880, à Blois, ROBIN a créé le premier Cercle pédagogique de France et encourage fortement la constitution de bibliothèques et de musées scolaires.

En décembre 1880, grâce à Ferdinand BUISSON (qui avait lui-même en 1871 postulé pour la direction de la structure) et à son ancien compère de Belgique, Aristide REY, devenu membre du Conseil général de la Seine, il devient directeur de l'Orphelinat PRÉVOST.
Cet établissement est créé grâce au mécénat d'un saint-simonien généreux (Joseph-Gabriel PRÉVOST), 20 ans auparavant (1863). Ce personnage, apparemment peu cultivé, était fort intéressé par les idées de PESTALOZZI. À sa mort (1875) il laisse gracieusement la totalité de ses biens au département de la Seine, à condition d'entretenir et de développer l'orphelinat (qui devient Orphelinat de la Seine), centre composé de vastes locaux sur près de 19ha, le tout cependant en assez piètre état. La Commission administrative qui gère dès lors le centre est plutôt composée d'hommes libéraux, assez discrets ou bienveillants, ce qui laisse une certaine marge de manœuvre au nouveau directeur.
ROBIN dirige cette institution à Cempuis de fin 1880 à 1894, date où il est révoqué après une campagne de diffamation surtout liée à ses idées néo-malthusiennes. 14 ans, c'est une durée assez importante pour une expérience novatrice, déstabilisante et en butte à de multiples hostilités.
Le groupe d’adultes (ainsi que les enfants) y vit en quasi-communauté affinitaire (ROBIN emploie parfois la formule «d'association» ou de « famille sociétaire » qui sent bon son néo-fouriérisme), la proximité idéologique et pédagogique, le sens du dévouement et le respect de l’enfance étant le minimum commun : c’est surtout le cas pour Gabriel GIROUD (ancien de l'Orphelinat et époux de Lucie ROBIN), mais également pour Paul GUILHOT et Charles DELON (spécialiste de PESTALOZZI et de FROEBEL), sans compter Madame ROBIN. Mais l'isolement, les faibles salaires, les rares avantages de carrière, les charges très lourdes… entraînent une difficulté de recrutement et un turn-over assez élevé ; ROBIN, malgré ses exigences, doit donc parfois se montrer moins regardant et accepter des personnels peu motivés ou peu qualifiés. Cet aspect va forcément limiter les expériences pédagogiques novatrices.
Cette école primaire et laïque va prendre en charge près de 700 jeunes jusqu’en 1894, dans une fourchette d'âges qui va de 4 à 17 ans ; de 45 élèves en 1881, on passe à 180 en 1889-1891. Même si les chiffres prévus (bien supérieurs) ne sont pas atteints, il faut remarquer qu'il s'agit donc bien d'une vraie école, pas d'un réduit alternatif sans envergure et de faibles effectifs.
Les éducateurs, les administratifs, leurs familles (épouses et époux, enfants…), les élèves forment une vraie famille élargie et conviviale, la plus égalitaire possible, car tous sont sur le même plan, y compris pour l’habillement. Les enfants portent un uniforme, comme dans presque toutes les autres écoles de l'époque. Les repas sont pris en commun, les enfants des adultes sont mêlés aux scolarisés. Cempuis est bien un essai de commune au sens de milieu de vie alternatif, avant la lettre. Mais l’autorité (voire l'autoritarisme, étonnante pour un libertaire !) de ROBIN est évidente, et la dimension collective, autogestionnaire est de fait très limitée. D'autre part la présence des familles est plus que réduite et peu encouragée, ce qui est en contradiction avec les écrits antérieurs de ROBIN. Enfin la forte hiérarchie des salaires semble limiter fortement le côté idyllique de cette utopie concrète : 6 000 francs pour le directeur, mais moins de 1 800 pour les maîtres, et près de 300 seulement pour l'aide cuisinier.
L'organisation permet une certaine autarcie : blanchisseries, ateliers, caves, cuisines, appartements, piscine, salle servant pour gymnase et représentations culturelles, dortoirs, infirmerie, buanderie… Mieux, dans un souci d'économie, de formation autant que d'autonomie, les adultes et les pensionnaires participent eux-mêmes aux travaux d'aménagement. ROBIN n'est pas peu fier d'annoncer la création d'un bassin de natation, évalué à plusieurs milliers de francs, et fait entièrement avec la main d'œuvre gratuite et les fonds propres de l'Orphelinat ! la buanderie, le jardin, les voies d'accès, les canalisations, l'eau courante et le tout à l'égout … doivent beaucoup également à la main d'œuvre enfantine. La ferme attenante fournit beaucoup d'aliments de base : viande, cidre, légumes et fruits…
Dans cet espace libre, les enfants évoluent en toute liberté et mixité ; tout est fait pour les stimuler, les faire réagir. Mais le rythme (scolaire, de vie commune et des loisirs) imposé laisse cependant très peu de temps libre, et limite la spontanéité des intervenants. Les jours sont longs et les occupations multiples, d'autant qu'aux programmes officiels assumés, ROBIN et ses collaborateurs ont ajouté une grande quantité d'autres matières ou d'activités…
La santé et l’hygiène sont placées au premier rang. Tout est fait en ce sens : nourriture variée et riche mais dosée, activités de plein air, bains (à l'eau froide !), pratiques sportives (surtout gymnastique, marche, boxe sans toucher, natation et cyclisme), pratiques de maintien corporel et donc pupitres ergonomiques, apprentissage des soins et de l’hygiène, santé préventive, anthropométrie... Toutes et tous savent très rapidement nager, et rouler à bicyclette, ce qui est assez rare à l'époque. Lors de compétitions sportives les enfants de Cempuis sont toujours bien placés, preuve de l'efficacité des méthodes utilisées ; et pourtant l'émulation et la compétition ne sont pas des valeurs positives dans l'institution, puisque le sens du collectif prime. Dès 1882 ROBIN amène le groupe en vacances à la mer (Mers-les-Bains), ce qui est sans doute une des toutes premières colonies de vacances en milieu éducatif. L’importance donnée au développement physique de l’individu, sous toutes ses facettes, est un des traits les plus novateurs et modernes de la pensée de ROBIN ; il doit évidemment être lié à ses idées néo-malthusiennes. Cependant le contrôle systématique de la propreté et de la tenue, et la rigueur de l'inspection, sont assez contraignants et rappellent plus la caserne qu'une école libertaire.
L’éducation intégrale est une évidence : théorie et travaux manuels alternent.
Les expérimentations, les travaux pratiques, les méthodes ludiques d'apprentissage, et le rôle des ateliers... sont très importants. L'imprimerie (complétée par la lithographie) - tout à la fois centre d'enseignement et réel atelier productif - joue un rôle pivotal dirait FOURIER, car on y apprend la conception, l'ordonnancement, la composition, la fierté de la réalisation finale et le souci de l'efficacité et du respect du destinataire dans la communication. Les travaux manuels, très variés et avec rotation («papillonne» fouriériste assez évidente) commencent dès le jeune âge, et le passage dans tous les ateliers se fait progressivement. La liste des propositions est si importante que chacun(e) y trouve son compte, et que garçons et filles choisissent sans distinction ni apriori. L'enfant intègre ainsi des connaissances polyvalentes et une intelligence pour s'adapter qui le rendront aptes à s'intégrer dans tout corps de métier par la suite.
La vie artistique est très développée : chant, fanfare, théâtre... belle résurgence des idées fouriéristes. La presse à l’école (et la machine à écrire) est une nouveauté que de nombreux mouvements pédagogiques ultérieurs vont réutiliser (Cf. FREINET nettement plus tard). Le chant dispose sans doute d’une place privilégiée, car Paul ROBIN est lui-même chansonnier et musicien à ses heures ; il est notamment l’auteur d’un Hymne au soleil qui nous rappelle autant l’importance de la nature que le côté utopique qu’a pris cet astre pour bien des auteurs. En vrai pacifiste et internationaliste, il fait également chanter aux jeunes enfants La Marseillaise de la paix qu’il a également rédigée.
Comme Cempuis suit les programmes officiels, toutes les matières sont enseignées. Mais ROBIN et ses collaborateurs transforment cet enseignement obligatoire en mettant en avant des méthodes et des finalités diverses. Les jeux sont partout utilisés pour mieux intéresser, stimuler l'imagination, et faire passer des notions par ailleurs trop complexes. L'observation, des éléments de la vie concrète des enfants… servent de base à bien des raisonnements abstraits et parviennent à mieux les faire comprendre. L'histoire, trop souvent orientée, est revue dans un sens humaniste et libératoire, sans nationalisme ni religiosité. Cempuis d'ailleurs a supprimé très logiquement tout enseignement religieux.

La recherche du développement individuel et de l’autonomie priment. L’enfant est considéré comme un être à part entière, à respecter et à rendre autonome, mais également à le sociabiliser dans une collectivité épanouissante et joyeuse (voir le rôle important des fêtes) et respectueuse de cette autonomie. L’auto production est encouragée. Les produits réalisés sont en effet vendus ou servent au bon approvisionnement de l’école, tant pour le jardinage que pour les productions matérielles.
Ce lieu de vie global, de « coéducation » des sexes (sauf dortoirs et sanitaires) et des âges, propose donc déjà des bribes d’autogestion. Tous les sens doivent être éveillés et le jeu largement utilisé, d’où la nécessaire rotation des activités. La filiation fouriériste semble évidente, ce qui amène sans doute Maurice DOMMANGET à parler dans l’expérience de Cempuis de pédagogie « papillonne » (ou alternante).
Enfin l’éducation à évidemment une finalité éthique et révolutionnaire : il faut former un homme nouveau, antiautoritaire, fortement égalitaire, misant sur l’entraide et l’autogestion fédéraliste, même si cette dernière n’est pas vraiment appliquée à Cempuis. ROBIN a toujours été conscient, et il l’a dit et écrit, que Cempuis était aussi « une œuvre d’expérimentation et de propagande », dans le bon sens des termes, évidemment. Nous sommes totalement au cœur de « l’agir utopique » d’un libertaire convaincu. Ainsi tout est partagé à Cempuis : les savoirs, les cadeaux et friandises, les prix reçus… Le sens de l'égalité et de la justice collective est donc inculqué très tôt. L'entraide est systématique, entre adultes et enfants, entre enfants eux-mêmes, les plus grands ou les plus instruits aidant les plus jeunes ou ceux qui sont en difficulté d'apprentissage.
L’éthique pacifiste, humaniste, libertaire est nettement affirmée : pas de nationalisme, condamnation du chauvinisme, du militarisme, du cléricalisme... On voit émerger « une morale biologique, utilitaire et hédoniste » par une « éducation libératrice et pacifique ». Cette « morale en action » se fonde sur « vérité, laïcité, fraternité par l’altruisme et la coéducation ». Les récompenses et les punitions sont réduites au minimum. La différence entre les divers participants est fortement limitée, ROBIN lui-même vit comme tous les autres, partage les mêmes tâches...

Ce micromonde n’est pas replié ni clos ; ce n’est pas une île utopique fermée et isolée : les jeunes et les adultes sortent, les invités sont acceptés voire sollicités après 1890. Pédagogues, administratifs et élus, libertaires, écrivains, familles… s’y bousculent parfois. Débats, expositions, fêtes diverses, stages de formation (les Sessions normales de pédagogie pratique)… intègrent un grand nombre de personnes extérieures.
ROBIN assume de nombreuses conférences (internes et hors les murs), donne des conseils, écrits de multiples articles, organise des expositions… Cempuis est désormais au centre de toute une réflexion. C’est surtout vrai lors de la Session normale de pédagogie pratique, à Gand, en Belgique en été 1893.
Les jeunes et leurs accompagnateurs sortent souvent, pour raison pédagogique, artistique, sportive, festive… Ils participent comme on l'a vu à de multiples concours ou compétitions malgré les réticences éthiques, et sont partie prenante de nombreuses expositions, comme à Londres en 1884, mais aussi à Chicago, Moscou, Beauvais, Nouvelle Orléans, Paris (Exposition universelle de 1889)...
Depuis novembre 1882 sort la revue Bulletin de l’Orphelinat PRÉVOST pour en décrire les méthodes, et en diffuser les réussites et les projets.
Octave MIRBEAU, alors compagnon de route des anarchistes, s’élève fermement contre l’expulsion de ROBIN (été 1894) dans un périodique de grande diffusion, Le Journal (09/09/1894). Il en profite pour faire l’éloge de l’éducation libertaire et sa force utopique, car il a bien saisi que là se trouve l’enjeu principal, puisque « jamais on ne vit, dans une agglomération d’enfants, autant de santé et autant de joie ». Il poursuit en reconnaissant que « pour la première fois, j’ai eu l’impression d’une enfance et d’une jeunesse vraiment jeunes et enthousiastes et j’ai compris qu’il pourrait sortir de là de vrais hommes et de vraies femmes, c’est à dire des êtres admirablement armés pour le travail et la vie sociale, et qui protégés contre les disciplines esclavagistes de l’autorité, contre les déceptions énervantes des religions, puis de tout mensonge, sauront, peut-être, trouver le bonheur en soi-même et réaliser par là, la beauté de la vie ».

Cette école devient modèle, référence plutôt, et profite au lancement d’une expérience analogue à l’Orphelinat DUGARDIN vers Bruxelles en 1891.
En 1893, suite à la rencontre pédagogique de Gand citée ci-dessus, sort un Manifeste aux partisans de l'éducation intégrale. Il revendique une «éducation libératrice et pacificatrice» et la volonté de «régénération sociale par l'éducation».
Bientôt se crée l’Association Universelle d’Éducation Intégrale dont le siège se trouve à Bruxelles. L’année suivante apparaît une École Normale d’Éducation Nouvelle à Cempuis même. Dans l’orphelinat, une exposition permanente, un musée pédagogique... affirment l’ouverture de l’école sur l’extérieur, ce que les visites, excursions, colonies de vacances... permettaient dans l’autre sens. Ce n’est pas une île utopique classique, isolée et figée, mais bien une expérimentation libertaire en milieu ouvert.
Même après le départ de ROBIN, l'Orphelinat garde bien des traces de son passage, dans les méthodes, la volonté d'enseignement général ou intégral…

ROBIN n'abandonne d'ailleurs jamais le terrain pédagogique ; il continue son œuvre éducative sur le long terme : recherches musicales, en sténographie, enseignement à l’Université Nouvelle de Bruxelles, recherches autour d’une langue universelle (mais il n’est que moyennement favorable à l’espéranto)... toutes activités qui le maintiennent sur la brèche. Il relance à deux reprises (1895 ; 1903-1905) le bulletin L’Éducation intégrale. Il écrit de nombreux articles pédagogiques dans la Revue générale de bibliographie française.
Il contribue en 1895-96 à diffuser ses idées dans le mouvement de la Libre pensée. Mais le projet d'école nouvelle n'aboutit pas.
En 1896 il milite pour l'établissement d'une Maison du peuple dans le XX° arrondissement, en mettant surtout en avant les possibilités de formation et d'animation culturelle qu'elle permettrait.
En 1905 il soutient la naissance de La Ruche de Sébastien FAURE. En 1907 il soutient FERRER et participe avec lui à la création de la Ligue Internationale pour l’Éducation rationnelle de l’enfance, aux côtés d’autres anarchistes de grande envergure : MALATO, Sébastien FAURE, LAISANT et en Italie Luigi FABBRI... mais aussi du « compagnon de route » Anatole FRANCE. Il écrit dans la revue de la Ligue : L’École rénovée. Après 1910 il remet une grande partie du matériel pédagogique à l’École FERRER de Lausanne.
En 1908, lors d’un voyage en Nouvelle Zélande il souhaite, sans succès, mener une ultime expérience utopique, en créant une communauté idéale.

Mais dès la fin des années 1890 Paul ROBIN privilégie désormais la lutte néo-malthusienne, ce qui lui amène d'autres contacts mais aussi bien des ruptures avec les milieux qui jusque là l'ont soutenu. Il renoue aussi avec le fouriérisme, par sa condamnation du mariage et son souci de l'amour libre, par la réhabilitation du plaisir, et par le rôle pivotal donné à la femme. Son projet est surtout celui de l'émancipation sociale, la liberté sexuelle (et son autocontrôle) menée par des nouvelles «générations conscientes» vont permettre d'avoir des enfants choisis, et de mettre sur pied une société humaniste et épanouie. La régénération qu'il envisage est donc plus globale que le seul aspect sexuel souvent mis en avant. Elle rejoint incontestablement les projets utopiques libertaires, même si des anarchistes fort orthodoxes condamnent ROBIN pour déviance.
Nous ne nous écartons pas de la pédagogie, car les propositions étonnantes et provocantes pour l'époque d'éducation sexuelle «théorique et pratique», sans tabou, misant sur l'expérience des formatrices-formateurs… peuvent aisément se rajouter à la définition de l'éducation intégrale.
De la même manière, la proximité de ROBIN avec le mouvement féministe néo-malthusien de Nelly ROUSSEL et surtout de Gabrielle PETIT (EIDF - Entente Internationale Des Femmes), et la création d'une Université populaire féministe (La Maternelle - XVIII° arrondissement parisien) lient toujours éducation et émancipation.

Vivant en ascète, dans un milieu très modeste malgré ses immenses relations internationales, il fait don de son corps à la science et souhaite que l’on répande ses cendres dans la nature. Parmi les biens qu’il distribue, l’Encyclopédie de DIDEROT est remise à la CGT syndicaliste révolutionnaire et l’imprimerie de Cempuis donnée à Sébastien FAURE pour sa « Ruche »... Fidèle à toute sa vie, il se suicide par poison à l’été 1912 ; ultime acte d’autonomie, qu’il avait légitimé auparavant dans un article important, froidement et scientifiquement intitulé Technique du suicide.

Son œuvre et sa pédagogie « active » marquent largement la pédagogie progressiste ultérieure, tant anarchiste ou rationaliste, que « moderne » : Sébastien FAURE, Francisco FERRER, Jean WINTSCH et Adolphe FERRIERE surtout, Maria MONTESSORI, Célestin FREINET évidemment, Ovide DECROLY... qui tous reconnaissent l’influence de ROBIN.
Ce sont particulièrement un ancien de Cempuis, Gabriel GIROUD et sa femme Lucie ROBIN, Sébastien FAURE avec La Ruche, et Madeleine VERNET avec L’Avenir social... qui reprennent le flambeau en milieu libertaire.
« L’école libertaire » de DEGALVÈS et JANVION vers 1897
À Paris, Le Comité d’initiative pour l’École libertaire de 1897 est l’œuvre de Jean DEGALVÈS (instituteur révoqué), Émile JANVION (mort en 1927), Jean GRAVE et Jules ARDOUIN. Elle est soutenue par La Ligue d’enseignement libertaire fondée en juin 1897.
Un premier article de DEGALVÈS et JANVION paraît dans la Revue Internationale, L’Humanité Nouvelle en 1897 : il s’intitule L’école libertaire. Une brochure popularisant leurs idées et méthodes se nomme, et c’est tout un programme, La liberté par l’enseignement. Ce texte de 1898 est signé également par Élisée RECLUS, Léon TOLSTOÏ, Pierre KROPOTKINE, Louise MICHEL… Bref, presque tous les grands noms de l’anarchisme et de la pédagogie libertaire se retrouvent dans cette croyance ( ?) en l’école libératrice (ce titre-programme L’école libératrice, sera repris plus tard par le Syndicat National de Instituteurs).
En octobre 1900, Émile JANVION fait une sorte de bilan des idéaux d’une école antiautoritaire avec son article des Temps Nouveaux (n°25) : L’enseignement libertaire.

En 1898-1899, une « colonie » de vacance, des cours (aux Sociétés savantes), des excursions... sont entrepris, mais l’école doit fermer en 1900-1901, tant par manque d’audience et de fonds que par dissensions entre les deux fondateurs.
L’initiative de « vacances libertaires » de l’été 1898 a concerné une vingtaine de jeunes gens, dans une propriété de La Manche à Pontorson.
L’ensemble de ces initiatives fut pourtant soutenu par quelques écrivains anarchisants, symbolistes ou anciens symbolistes, comme par exemple Pierre QUILLARD (1864-1912), mais également par Émile ZOLA, Octave MIRBEAU, et Maurice BARRÈS, etc.

Le postulat majeur de ce regroupement anarchiste tient dans le respect de l’enfant, et dans l’aide à lui apporter pour qu’il se forme lui-même. Les méthodes pédagogiques viennent naturellement au secours d’un enseignement qui doit être attractif, ludique et ouvert. La coparticipation est vivement encouragée, c’est ce qu’en partie on nommera, près d’un siècle, plus tard l’autogestion éducative. L’éducation intégrale, la mixité, l’ouverture sur la vie… sont des données normales pour des anarchistes convaincus, tout comme la cohérence entre moyens et fin parce qu’« on ne peut pas apprendre la liberté avec des gestes d’esclave ». L’école doit donc être avant tout profondément antiautoritaire.
Quelques initiatives libertaires chiliennes XIX° - début du XX°
Au Chili, l’anarchisme s’enracine seulement dans la dernière décennie du XIX° siècle. Mais il a connu de réels appuis dans une forme de mutualisme proudhonien dont l’Unión de Artesanos de 1862 à Santiago est une des plus importantes. Elle a créé une école : la Escuela Benjamin FRANKLIN pour la formation des artisans et de leurs enfants.
En 1876, la Sociedad de Trabajadores Filarmónicos développe des cours de toute nature, et bien sûr de musique et de danse et participe à l’animation culturelle, politique et de loisirs du monde ouvrier chilien. « Toutes ces mutuelles (Mutuas) créèrent un type de culture et de société alternative », une vraie « République parallèle » reposant sur « liberté, mutualité, solidarité, éducation et effort personnel » reconnaît Larry GAMBONE.
Ces premières formes de syndicalisme ouvrier se rattachent ensuite à la bonne tradition de l’anarcho-syndicalisme et de PELLOUTIER, les organisations mutualistes ou de résistance luttant pour l’autoformation ouvrière. Certaines sociétés de résistances semblent offrir des écoles du soir (escuelas nocturnas) pour leurs membres : c’est en tout cas ce qu’offre le mouvement des boulangers à Valparaíso au début du XX°, en s’organisant autour de Magno ESPINOSA dans la Federación Obrera de Resistencia et dans la Sociedad de Resistencia de Panaderos.
Dans la zone minière du salpêtre autour d’Iquique, et surtout à Tarapacá, les anarchistes chiliens misent sur une forte activité pédagogique. Une école est fondée en fin 1906 dans le bureau (oficina) Santiago, proche de Huara. Une école mixte appelée « Benjamin Franklin » voit peu après le jour dans le bureau (oficina) California du canton de Dolores, avec à sa tête un anarchiste très actif, Luis A. PONCE. Dans cette région du nord Chili, la liaison école-mouvement ouvrier est également prédominante. C’est également le cas sur Antofagasta autour de l’active société qui édite Luz y Vida et qui s’appuie depuis 1908 sur le Centro Instructivo de Obreros.
Quant au Centro de Ilustración « Amor y Libertad », il se consacre largement dans la première décennie du XX°, à l’éducation populaire, aux côtés d’autres centres sociaux comme « Germinal » ou « La Luz ».

La plupart de ces Centres sociaux et athénées soutiennent une activité de diffusion, autour de journaux et de diverses autres publications. La presse anarchiste (peut-être 24 périodiques entre 1900 et 1917), entre informations ponctuelles et écrits idéologiques n’hésite jamais à faire œuvre éducative au sens fort du terme. Poésies, chants, petites œuvres littéraires sont également hébergées par cette édition « ácrata ».
Une information intéressante, mais sur laquelle je ne dispose pas de plus amples développements, nous révèle l’existence d’une société libertaire d’édition à Santiago qui prend le nom emblématique de Casa Editora « La Educación Libertaria » fondée par Nicolás del C. ORELLANA vers 1900. Elle diffuse surtout de nombreux auteurs anarchistes du monde entier, dont l’incontournable KROPOTKINE.
Parmi les publications, les œuvres théâtrales présentent l’intérêt d’une diffusion aisée, d’une lecture plus facile car plus proche du quotidien, et surtout d’une réalisation pratique attractive. Ce théâtre engagé semble manichéen et simple dans ses compositions, son décors et ses messages pour toucher tous les milieux sympathisants et faire œuvre éducative de base. La dramaturgie anarchiste chilienne (comme l’étudie Sergio PEREIRA POZA - ouvrage cité) revêt donc, comme sans doute dans d’autres pays, un rôle propagandiste et éducatif de premier plan : « le caractère pédagogique du texte dramatique anarchiste s’impose avec plus de force, en liant les idées, valeurs et croyances du destinataire, aux vertus inhérentes au mode de vie libertaire », actualisation embellie évidemment par les œuvres littéraires. Pour faciliter sa diffusion et lutter contre la réticence des circuits commerciaux, est fondée en 1913 la Compañía Drámatica Chilena. Globalement ce théâtre très ciblé, ritualiste et formaliste parait assez pauvre et sans doute trop schématique. Il ne convient guère qu’aux militants et aux classes pauvres pour lesquelles il a été créé. Cependant il contribue largement à la mise en place d’un imaginaire alternatif à la société chilienne de son temps, par exemple en promouvant le rôle de la femme, en attaquant les riches, les gouvernementalistes, les nationalistes, les militaristes… « Chacune de ses propositions contribue à établir des espaces alternatifs à ceux qu’occupent la société contemporaine, sans laisser de côté, cependant, la réalité même ; mais il s’agit bien de construire un ordre nouveau, un « meilleur des mondes possibles », à partir des propres contenus potentiels qui subjuguent le monde extérieur ». Nous sommes bien dans la dualité de toute utopie : dénonciation de l’existant et proposition d’une meilleure alternative.

Enfin, dans cette œuvre éducative, il ne faut pas oublier les multiples groupements athées ou libres-penseurs, qui assurent un rôle important dans l’éducation populaire libertaire. La célèbre militante « sombrerera revolucionaria » (ouvrière dans une fabrique de chapeaux) Maria DEL TRÁNSITO CABALLERO joue un grand rôle dans le Centro de Propaganda Anticlerical Giordano BRUNO ; atteinte de maladie incurable, elle préfère se laisser mourir vers ses 25 ans en 1905 plutôt que de perdre son bras droit.

Depuis sa fondation en 1906, la FECH - Federación de Estudiantes de Chile valorise l’esprit libertaire dans l’université, notamment autour du leader anarchisant Juan GANDULFO. Dans les années 1920, le mouvement universitaire poursuit cette implantation, menée largement par Moisés CÁCERES AVENDAÑO. Ce dernier n’hésite pas à côtoyer d’autres formes de pensée et à adopter une attitude pragmatique au sein de l’Asemblea Pro-Reforma Universitaria qu’il anime très largement.

Une note particulière peut être faite sur les Centros Filarmónicos - Centres philarmoniques, qui mêlent loisirs et éducation (néo-fouriérisme ?), pour toucher l’ensemble du monde du travail y compris durant les loisirs. Lors de promenades, de veillées, de jeux collectifs… s’échangent beaucoup d’idées et de conseils. La présence des familles dans leur ensemble touche ainsi toute la communauté, et permet de faire passer des conceptions éducatives ou formatives même aux plus jeunes, mais pas seulement : c’est bien sûr l’occasion de parler d’égalité des sexes ! Nombreux sont les écrivains qui y lisent leur poèmes ou leurs nouvelles, ou qui y font jouer leurs pièces. Les chansons y tiennent une grande place, mais pas seulement les chants libertaires, dont le répertoire est vaste. Les bals sont fréquents, et l’initiative féminine y est parfois encouragée.
Les associations se réclamant de FERRER y GUARDIA Francisco
FERRER et l’école «rationaliste» ou «moderne»
Le plus grand et le plus célèbre des pédagogues libertaires, dont la mort atroce va contribuer à diffuser ses idées dans le monde entier, est incontestablement Francisco FERRER I GUARDIA (1859-1909). Il s’appuie largement sur les expériences antérieures (Cf. ci-dessus sur le XIX° siècle espagnol), sur les mouvements laïcs et de libre pensée, et sur une aile républicaine, franc-maçonne et catalaniste parfois, qui va le soutenir de manière irrégulière. Il met l’accent sur la centralité du changement sociopolitique et la préparation à celui-ci via l’éducation, ce qui fait que son projet sera parfois critiqué par les anarchistes eux-mêmes.

En 1901, FERRER dirige le Periódico Libertario « La huelga general - la Grève générale » et fonde l’École Moderne (Escuela Moderna) de Barcelone. C’est la première tentative d’école rationaliste, qui dure jusqu’en 1906. D’emblée il rappelle que son action militante en vue de la société libertaire future allie mouvement ouvrier révolutionnaire et front culturel dans lequel l’éducation dispose d’une large place. Réduire FERRER à un simple éducateur progressiste comme on peut encore le lire aujourd’hui est donc bien une vision totalement réductrice. L’attentat de MORRAL entraîne la fermeture de l’école en 1906, et l’accentuation de la répression contre l’anarchiste FERRER ; celui-ci, à nouveau et injustement accusé en 1909 après la « semaine tragique » de Barcelone, est malgré tout exécuté sur la colline barcelonaise de Montjuich le 13/10/1909. La réaction espagnole veut faire un exemple et choisit un nom célèbre. Sa mort en fait un martyr de la cause anarchiste et d’une libre pédagogie. Des manifestations énormes, internationales, d’une ampleur que l’on ne retrouvera qu’au moment de l’exécution de SACCO et VANZETTI en 1927, éclatent un peu partout et discréditent fortement la monarchie espagnole, tout en donnant à la propagande pour l’École moderne une publicité hors du commun. On ne compte plus les articles, ouvrages, pamphlets parus autour de 1909 après l’exécution ; Francesco CODELLO en donne une liste impressionnante. En Toscane, par réaction, une grève sauvage, massive, résolument internationaliste enflamme toute la province. Plus que ROBIN, pourtant le principal modèle, ou que Sébastien FAURE, FERRER et son œuvre acquièrent une énorme renommée internationale. Une légende FERRER se développe après dans de nombreuses contrées et fait de FERRER une sorte de Saint laïque, avec une espèce de véritable culte honorant son martyre. Nous sommes alors hors de l’anarchisme…
L’anarchiste italien Camillo BERNERI cherche à ramener l’analyse de FERRER sur des bases moins émotives, et critique certains aspects de sa théorie. En camp anarchiste, d’autres militants et historiens critiquent son intransigeance, son dogmatisme, jugés peu libertaires. Il faut dire à la décharge de FERRER que l’obscurantisme dominant dans l’Espagne de son époque, même dans l’avancée Catalogne, avait conduit le pédagogue à adopter des attitudes de combat, certes sans doute trop rigides pour une totale éducation libertaire.
Pour la petite histoire des correspondances étonnantes, le petit fils du pédagogue, lui aussi anarchiste et portant le même nom (Francisco FERRER), est abattu par des staliniens dans l’Espagne en révolution (05/05/1937).

Le pédagogue est au croisement de diverses influences : l’anarchisme d’abord (et donc toutes les notions d’éducation intégrale), l’humanisme scientifique voire scientiste et positiviste de l’époque (ce qui rapproche de FERRER une partie de la bourgeoisie éclairée catalane), le radicalisme catalan et la Franc-maçonnerie, voire quelques spiritistes...
La libre pensée, un des courants majeurs de la province catalane, se rencontre souvent dans les milieux fréquentés par FERRER et anticipe un certain nombre de ses idées anticléricales et rationalistes qui sont celles qui le caractérisent fortement. Il est d’ailleurs très intéressant de noter que Libre pensée et Anarchisme s’organisent réellement au même moment, vers 1868 (FANELLI en Espagne) et 1869 (1° groupe de Libre pensée catalan) ; d’autre part, et c’est encore plus révélateur, ce groupe et la FRE-AIT se retrouve bientôt dans les mêmes locaux barcelonais (5 rue Mercaders). Beaucoup d’anarchistes de premier plan sont membres ou très proches de la libre pensée, notamment ceux cités par PALÁ MANCUSÍ en s’appuyant sur une thèse ancienne restée curieusement inédite : Gaspar SENTIÑON, Antoni MARSAL ANGLORA, Anselmo LORENZO et Fernando TARRIDA del MARMOL (membre du groupe La Luz), les deux derniers très présents pour les aspects éducatifs. L’auteur note la convergence dans la libre pensée du « rationalisme scolaire, du républicanisme et de l’anarchisme ». Beaucoup de libertaires gravitent autour du groupe de La Tramontana, athée, matérialiste et favorable à un changement de société ; la forte personnalité de son directeur Josep LLUNAS I PUJALS assurant cependant l’autonomie de cette tendance, mais sans exclure un net penchant libertaire. D’autre part, c’est bien FERRER qui semble le moteur du renouveau de cette libre pensée catalane au tout début du XX° siècle, ce qui en accentue les rapprochements avec l’anarchisme. Il permet notamment le rapprochement entre une bourgeoisie éclairée et radicale et une base sociale plus prolétaire, ce qui contribue à ouvrir un peu un anarchisme ibérique assez ouvriériste.
Malgré ses liens avec quelques catalanistes, FERRER ne sombre pas dans le catalanisme et renonce même au catalan au profit du castillan pour son école, par volonté d’ouverture et par internationalisme, ce qui est notable. Il a toujours affirmé qu’un vrai enseignement libérateur ne pouvait qu’être cosmopolite.

L’enseignement de FERRER se veut surtout rationaliste et intégral. Ce rationalisme, qui donne son nom à l’école est, comme je l’ai noté, parfois excessif et aujourd’hui critiquable (à la lueur de l’avancée de la psychologie par exemple). À la limite, il y aurait presque du dogmatisme dans certains écrits de FERRER, puisqu’il voyait « en la science le seul maître de la vie ». Pour FERRER, éduquer rationnellement, c’est former le futur individu libre et autonome, le préserver des dérives religieuses ou étatistes, et le rendre capable d’appréhender la vie de manière constamment rationnelle. Il y a là une incontestable rigidité ou un vrai optimisme scientiste et rationaliste qui nous rappelle les schématismes d’un KROPOTKINE sur d’autres plans. Heureusement, il y a d’autres pages de FERRER qui louent l’initiative individuelle, la spontanéité, ce qui prouve qu’il sait évidemment prendre en compte d’autres aspects que la pédagogie rationaliste.
L’importance évidente du collectif, de l’entraide scolaire ne doit pas nous faire oublier l’importance de ce que FERRER appelle déjà « la enseñanza individualizada (l’enseignement individualisé)», ce que la plupart des pédagogies progressistes reprendront dans les périodes suivantes.
Quant à l’éducation intégrale, propre à tous les courants de l’anarchisme pédagogique, il semble que pour FERRER, cela vise la formation complète d’un individu, mais sans forcément lier cette pratique au travail, en tout cas pas autant que le voulait PROUDHON ou qu’essayaient alors à le mettre en œuvre les syndicalistes révolutionnaires. Francesco CODELLO à juste titre pense que cet aspect le distingue surtout de PROUDHON, mais aussi de ROBIN, ce que je trouve plus discutable.
C’est une école résolument mixte (cependant, la fameuse coeducación est un concept large qui s’applique autant aux différences sociales, de sexe, d’âge…), laïque, centrée sur l’apprenant, ouverte à tous. La coéducation concerne aussi les diverses classes sociales, l’école n’est donc pas réservée aux seules membres des couches populaires, ou libertaires ; certains anarchistes ou anarcho-syndicalistes reprochent à FERRER cet aspect non-classiste.
Elle refuse toute punition ou récompense mais encourage cependant fortement le travail collectif et la solidarité. Elle pratique des méthodes actives fondées sur l’expérimentation manuelle ; elle est ouverte au monde, à la nature, dans la droite ligne de ROBIN. Elle s’accompagne d’efforts d’éditions et d’échanges de publications, comme ROBIN encore, et comme FREINET plus tard.

Mais plus encore que celle de Cempuis, c’est une école engagée, menée au nom d’une éthique libertaire et pédagogique affirmée, et liée de ce fait au mouvement anarchiste et à l’anarcho-syndicalisme. L’école moderne doit être un moteur pour le changement révolutionnaire. Elle est presque organisée comme une « contre-école », tant elle se place aux antipodes des écoles religieuses traditionnelles espagnoles qu’elle dénonce systématiquement : l’anticléricalisme et l’athéisme sont deux axes majeurs de l’expérience catalane. Elle est également hors des projets et pratiques d’écoles publiques, car toute école institutionnelle est pour FERRER une école dogmatique et de propagande. Elle apparaît donc comme « une école de rupture », « d’alternative à la société bourgeoise » et cléricale. Son athéisme militant lui amène d’ailleurs de durs déboires. École politique libertaire, elle est antiétatique, voir a-étatique (« anti-estatal y a-estatal »). Ainsi elle refuse toute aide de l’État et se condamne à développer des écoles privées. Les fonds sont partiellement fournis par les athénées, syndicats et autres groupements locaux, et par les parents, mais proportionnellement aux revenus, ce qui ne décourage pas les membres des classes populaires.
Cette position va poser en 1936 de graves problèmes à ses partisans, lorsque l’anarchisme va accepter de se compromettre avec les structures étatiques tant en Catalogne (la Généralité) que dans le gouvernement de Madrid-Valence. De nombreux maîtres rationalistes conséquents resteront alors en dehors des structures éducatives républicaines, pourtant dirigées par des anarchistes comme en Catalogne.

L’école de FERRER se voit donc comme « une école émancipatrice » (texte préparatoire de 1900) et comme une ébauche de l’école du futur. La fonction utopique est bien présente, modeste mais très réelle. L’école rationnelle est donc vécue à la fois comme une expérimentation socio-éducative, une préfiguration du futur pédagogique et comme un élément de lutte : nous sommes très proches du dualisme anarcho-syndicaliste de l’époque. L’interaction semble évidente.
Un des gros problèmes cependant est la contradiction entre la volonté « ferrerienne » de créer un homme nouveau, ouvert aux évolutions, hostile aux superstitions et au dogmatisme, et la vulgate anticapitaliste, antiétatique et antireligieuse qui est une des bases fondamentales de l’éthique de l’école. Cette contradiction se retrouve dans la plupart des mouvements éducateurs militants, avec le risque d’un « bourrage de crâne » inversé.

Le « mouvement de l’école moderne » est bien partie prenante de l’utopie libertaire, ce que revendiquait en 1909 un des plus proches compagnons anarchistes de FERRER, le vieil internationaliste Anselmo LORENZO : « Pour moi, l’enseignement rationnel est comme une anticipation de la société future, c’est à dire une partie de la future révolution triomphante… » (cité par Pere SOLÀ).

Comme presque toutes les autres expériences d’écoles alternatives libertaires, l’école est également un microcosme libertaire. C’est un lieu de « convivialité et de compagnonnage (compañerismo) », où les éducateurs, les élèves et les idées, non coupés du milieu socio-économique environnant, œuvrent égalitairement de manière militante pour un monde meilleur.

L’œuvre de FERRER s’est appuyée sur de multiples actions à vocation propagandiste et internationale, autour surtout de la maison d’édition La Editorial.
Le Bulletin de l’École Moderne (Boletín de la Escuela Moderna) connaît 62 numéros de 1901 (n°1 – 31/10/1901) à 1906. Une deuxième version est imprimée de 1908 à 1909. C’est Anselmo LORENZO qui contribue à son lancement en prenant, aux débuts, la direction du périodique.
À Bruxelles, puis à Paris, FERRER dirige la revue L’École Rénovée de 1908 (n°1 – 15/04/1908) à 1909, qui continue à publier un Bulletin à Bruxelles. Son sous-titre est un vrai programme Revue d’élaboration d’un plan d’éducation moderne.
À Rome, FERRER dirige également la revue Scuola laica dont le n°1 date du 15/05/1908.
Depuis 1908 La Ligue Internationale pour l’Éducation Rationnelle de l’enfance permet un certain rayonnement. L’ancienne aide de Paul ROBIN, Henriette MEYER, y joue un rôle fondateur et assure ainsi la continuité entre les deux penseurs libertaires.
Influences en Espagne
L’essor du mouvement lancé par FERRER est assez fantastique : on compte pour la seule province de Barcelone près de 150 succursales en 1904-1905 (d'autres sources parlent de 18 écoles catalanes, ce qui pose un problème de terminologie). La seule ville de Barcelone compte une dizaine d’écoles modernes en 1908. Lors de la répression de 1909, 94 écoles rationalistes et laïques et 34 centres culturels et pédagogiques sont fermés par le gouverneur pour la seule province de Barcelone.
Depuis 1907 l’Asociación de Profesores Laicos Racionalistas permet aux adeptes de se regrouper, dans une communauté pluraliste qui déborde largement le champ libertaire.
Le mouvement gagne assez rapidement toutes les régions espagnoles, spécifiquement l’Andalousie, où la tradition d’éducation libertaire est ancienne. FERRER contribue à lier aux écoles des bibliothèques, des centres d’édition et un centre de formation des éducateurs, la Escuela normal. Le directeur José JUNCAL est favorable aux idées libertaires.
Cependant, si tout le mouvement libertaire va soutenir l’éducation libératrice, ce n’est pas toujours sur des positions « rationalistes ». On peut au contraire montrer qu’en Espagne, 4 grands types d’écoles libertaires vont coexister de 1901 à 1938, même si les idées du pédagogue sont partout discutées et essayées :
- l’école rationaliste de type « ferrerien » ou « moderne », autonome par rapport à toutes les institutions.
- les écoles syndicalistes, plus ou moins fonctionnalistes, sorte de « contre-écoles » anarchistes, dans la lignée de MELLA, QUINTANILLA… Les frères CARRASQUER entre Aragón et Barcelona font le lien entre les idées de FERRER et cette volonté anarcho-syndicaliste. L’idée exprimée dès le 1° Congrès de la CNT en 1911 proposait surtout la solution « d’organiser des écoles à l’intérieur des syndicats ouvriers ».Cette vision syndicaliste révolutionnaire, d’un syndicat autonome, capable de s’émanciper lui-même, n’est pas vraiment anarchiste, puisque pour le mouvement anarchiste, les divisions de classe ne sont pas les seuls obstacles à la révolution humaine projetée. Le Congrès de Madrid de la CNT en 1919 avance même l’idée d’une École normale nationale pour former les éducateurs, et prévoit une quote-part prise sur les cotisations pour mieux prendre en charge les problèmes éducatifs. Une des plus célèbres écoles syndicalistes (de la branche manufacturière) est la Escuela Obrera del Arte Fabril La Constancia fondée en janvier 1918 dans le quartier du Clot à Barcelone. Elle pose d’ailleurs problème car elle serait une des rares et des premières à utiliser le bilinguisme castillan-catalan, ce qui l’éloigne de l’enseignement de FERRER et entraîne des critiques anarchistes au nom de la fidélité à une forme unitaire (une seule langue) de l’enseignement. Cette école est plus connue sous le nom de Farigola (Cf. ci-dessous).
- les écoles de quartiers ou d’athénées, autogestionnaires et « assembléistes ». On ne dira jamais assez que l’ateneo est un des pivots essentiels de l’anarchisme ibérique, et qu’il tient autant du club prolétaire (mais pas au sens britannique de pub, car l’alcool y est souvent exclu par des anarchistes volontairement abstinents) que de l’Université Populaire ou du cercle militant d’action directe. Pour illustrer ce point, je me permets une longue citation tirée des souvenirs de Francisco CARRASQUER : « L’Athénée libertaire de Las Corts – comme tous les athénées libertaires- était un centre pour tous et pour tout type de choses, sauf pour boire de l’alcool et jouer aux cartes. Y affluaient des syndicalistes CNT des deux sexes. Il s’y organisaient des actes culturels très diversifiés : petits cours monographiques, classes de culture générale, conférences, récitals de poésies, jeux théâtraux, projections de films et surtout réunions pour débattre de problèmes idéologiques et assemblées pour résoudre les conflits du travail et analyser les projets de l’Organisation dans toutes ses branches : FAI, CNT, Jeunesses libertaires, Mujeres Libres, Étudiants, parents et maîtres de l’École ‘’Eliseo RECLUS’’ soutenue par les membres de l’athénée qui y amenaient leurs enfants, etc… En plus des réunions et assemblées avec ordre du jour pour débattre, l’athénée était aussi un lieu de rencontre des travailleurs du quartier, et il ne manquait jamais de groupes de discussion improvisés, d’auditeurs en nombre, au côté d’un spontané lecteur de la ‘’Soli’’, ce qui permettait d’apprendre ce qui se passait dans le monde, et surtout en Espagne et à Barcelone ». Un des plus anciens et des plus importants Athénées de Barcelone est le Ateneo Enciclopedico Popular de 1903.
- l’École nationale unifiée (CENU) dans la Généralité de 1936-38, notamment avec l’anarchiste José de TAPIA.

Le mouvement libertaire ibérique, de manière irrégulière et partielle, va prolonger le mouvement de FERRER. Après l’exécution du pédagogue, c’est le fidèle et âgé (« el abuelo » le grand père, l’ancêtre de l’anarchisme espagnol) Anselmo LORENZO (né en 1841) qui jusqu’à sa mort en 1914 assume une difficile transition. Malheureusement il contribue à construire une histoire exemplaire, hagiographique, et donc bien peu anarchiste, de son maître. Dans le sud de l’Espagne, c’est surtout José SANCHEZ ROSA qui combat pour l’intégration systématique des écoles en milieux culturels libertaires.
Dès 1911, au Congrès CNT de Barcelone, il est affirmé que « …nous croyons que l’enseignement rationaliste est un moyen adapté aux nécessités du syndicalisme. Nous croyons que le plus important en ce sens est la propagande, dont le travail doit être réalisé principalement par des professeurs rationalistes. Nous recommandons aux syndicats, comme appuis matériels, d’éventuellement fixer une participation financière volontaire, en fonction de leur moyens ». Pour le syndicat anarcho-syndicaliste, cette proclamation approuvée par le congrès marque une volonté de revanche face à l'exécution de FERRER, et fait de l’éducation un des moyens de la révolution libertaire à venir. De même lors du Congrès de Sants en juillet 1918, la Confédération Régionale (Catalane) du Travail offre son soutien aux athénées et écoles rationalistes. Le 2° Congrès CNT de Madrid (1920) propose la création d’une « école normale nationale » pour former des maîtres, évidemment largement rationalistes.
Lors du meeting de Barcelone du 4 février 1917 se fonde La Liga para la Defensa y la Propagación de la Enseñanza Razionalizada qui fait œuvre intense de propagande pour les écoles rationalistes.

La Catalogne reste le grand centre des expérimentations rationalistes. Beaucoup d’établissements se réclament de l’anarchiste espagnol. Depuis l’époque de FERRER fonctionne le Centro de Estudios Sociales, qui se transforme pendant la 1° Guerre mondiale en Ateneo Sindicalista (rue Ponent - Barcelone). Dès 1915 il ouvre une bibliothèque et rayonne sur la ville et sur les mouvements syndicalistes, notamment grâce à l’activité de son secrétaire qui n’est autre que le célèbre Salvador SEGUI.
Dans la Péninsule, d’autres exemples se sont mis en place, d’abord évidemment à Barcelone. Dans les vieux quartiers du Clot barcelonais, la Escuela Natura (surnommée La Farigola c'est-à-dire El Tomillo, le thym), animée par Juan PUIG ELIAS (qui sera Secrétaire du CENU – Centre Unifié de l’Enseignement en Catalogne en 1936) a marqué toute une génération, comme le rappelle Abel PAZ (Diego CAMACHO) dans ses mémoires. Fondée par le syndicat CNT de la branche manufacturière (Arte Fabril - Cf. ci-dessus), elle est avant tout une école rationaliste autonome dans le domaine pédagogique. Elle dispose du soutien du groupe naturiste Sol Y Vida et de la FAI après 1927. Liberto SARRAU en maintient l’esprit toute sa vie, même dans l’exil français (où il meurt en 2001). La compagne d’Andreu NIN y fut également responsable. Parmi les élèves importants qui y passèrent on peut noter Federico ARCOS, Helenio et Aurora MOLINA en plus de de PAZ et SARRAU. L'école dispose d'une revue pour enfants de grande qualité Floreal (n°1 en janvier 1928). Les collaborateurs de la revue sont souvent des personnalités connues du monde culturel libertaire : Ramón ACÍN, Antonia MAYMÓN, Ángel SAMBLANCAT, Mateo SANTOS… Dans cette revue pédagogique et utopique, l'enfant autonome se développe librement dans un cadre collectif épanouissant, et est proposé comme une sorte de modèle pour la société future. Juan PUJALTE, des années plus tard rappelait que militer en Sol y Vida et dans la Escuela Natura, c'était «vivre en utopie».
L’autre grand modèle à Barcelona, lié à l’Ateneo Racionalista de Sants, est l’école rationaliste - Escuela Racionalista Luz/Lumière animée par Juan ROIGÉ dont la bibliothèque militante est souvent citée. Comme LORENZO, ROIGÉ est le grand continuateur de FERRER et celui qui contribue largement à conserver et étendre le mouvement. Il est largement pris en charge par les organisations syndicales, ce qui prouve une fois de plus que l’antagonisme proposé parfois entre écoles rationalistes pures et écoles syndicalistes est une vision excessivement conflictuelle d’une même réalité. Dans cette école rationaliste de Sants s’illustre également le maître Félix MONTEAGUDO.
À l’Ateneo des Corts, rue Ballester, à Barcelone, les frères CARRASQUER, surtout Félix « possédé toute sa vie par une espèce de messianisme pédagogique », maintiennent très haut l’étendard de l’utopie libertaire en tentant en 1934-1935 de créer une réelle école autogestionnaire tournée vers la société future, la Escuela Eliseo RECLUS. Ils reconnaissent leur dette vis à vis de FERRER et surtout du mouvement FREINET. La journée est réservée aux jeunes, et les soirées sont consacrées aux adultes et aux adolescents. Ils avaient déjà, notamment l’instituteur Félix , une longue expérience pédagogique avec sous la dictature de RIVERA l’organisation de Groupes Culturels dans leur Aragón natal, et avec la création d’une école de type FREINET dans leur localité d’Albalate de Cinca ouverte pour tous, hommes et femmes, de 6 ans jusqu’à plus de 70 ans, dès l’explosion de la II° République en 1931. Pendant la révolution, ils réorganisent une école pour militants au service des collectivisations, qui va se déplacer de Albalate, à Caspe (clandestinement pour fuir la pression communiste hostile) puis à San Gervisio, Llança et Sant Vicenç dels Hots en fonction de l’évolution du front. Elle se prolonge dans l’exil à la frontière suisse au profit de dizaines de petits réfugiés républicains.

Toujours en Catalogne, mais hors de la métropole, la Escuela Horaciana de Sant Feliu de Guixols, animée par José CASASOLA, ancien collaborateur de FERRER, est une de ces écoles qui va le plus loin dans l’ouverture, les sorties en montagne ou à la plage. Même si les libertaires y côtoient des républicains libéraux, le féminisme anarchiste s’y exprime fortement grâce à Antonia MAYMÓN.
À Sabadell, la Escola del Instituto Pedagogico Cultura y Solidaridad animé par Edgardo RICETTI est fondé en 1926. Liée au mouvement ouvrier anarcho-syndicaliste (CNT), elle est installée dans les locaux de la coopérative sociale justement appelée Cultura y Solidaridad. Les idées de FERRER se mêlent à celles de MONTESSORI et de FREINET. Elle touche environ 150 enfants des deux sexes. L’école dure jusqu’à la fin de la Guerre civile (1939).
A Badalona, Joan SANS SICART (1915-2007) instituteur (et futur commissaire politique militaire de la République) assume des tâches militantes et d’enseignement à l’école rationaliste Salud y Alegría avant de devenir enseignant à l’école mixte Numéro 2 dans la même ville, « qui est déjà une école d’État ».
À L'Hospitalet, Josep XENA TORRENT (1908-1988) et Harmonia PUIG sont fort influents dans l'Escuela FERRER I GUARDIA. Josep remplace comme maître racionaliste Joan ROIGÉ. L'ensemble s'appuie sur l'Ateneo Racionalista de La Torrassa fondé en 1931 par Ginés ALONSO (Murcia 1911-Lavelanet 1988).
À La Torrassa, la famille OCAÑA présente un vrai modèle de «phalanstère familial», nous rappelant que l'école libertaire est aussi et peut être avant tout un milieu libre. L'école dispose de l'appui de la municipalité, de la CNT, et de pédagogues importants comme José CASAJUANA.
Dans son livre sur les écoles rationalistes catalanes de 1909 à 1939, Pere SOLÀ recense environ 125 écoles « laïques et rationalistes », dont 68 sur l’aire barcelonaise, 24 dans le reste de la Catalogne et 33 pour le reste de l’Espagne (notamment en Andalousie). À ces chiffres loin d’être exhaustifs doivent s’ajouter les nombreuses écoles créées par les collectivités libertaires en 1936-1937, surtout dans l’industrie.

Hors de la Catalogne, les écoles rationalistes fleurissent surtout dans le Levant et en Andalousie, où l’engagement éducatif libertaire est en permanence réaffirmé, notamment avec la création à Séville après 1910 de l’Agrupación Pro-Enseñanza Racionalista. À Valence Samuel TORNER a fondé la Escuela Moderna dès 1906.

Cependant, même dans les Asturies où dominent les socialistes se développent des écoles qui utilisent bien des axes de l’école de FERRER. À Gijón, la Escuela neutra Gradua dans les années 1910-20, bien qu’animée par un républicain modéré, accueille des maîtres libertaires dont le plus célèbre est le leader anarcho-syndicaliste Eleuterio QUINTANILLA. La CNT soutient les initiatives de ce milieu scolaire bien connu sur la ville.

En Galice les écoles laïques animées par libertaires et républicains sont assez nombreuses. À La Coruña, l'école laïque de l'association Miguel SERVET, est soutenue par l'association Antorcha Galaica del Librepensamiento (fondée en 1897). Elle dure jusqu'en 1909, et est supprimée dans la vague de répression qui suit l'affaire FERRER. Elle est alors remplacée - dans le même local et avec le même soutien - par El colegio laico FROËBEL dirigé par l'anarchiste antimilitariste Constancio ROMEO LASARTE (-1917).
Sa compagne Luiza ELIZALDE VELLIDO anime la Escuela Integrale, mais celle-ci ne pratique pas la coéducation, elle est strictement réservée aux filles.
Toujours à La Coruña Joaquín Patricio PATIÑO anime la Escuela Rationalista du quartier Os Castros de 1911 jusqu'à sa fermeture en 1915. Après la fermeture il est un des animateurs du Colegio La Luz qui prolonge l'école. Ces diverses expériences ont l'appui de l'organe de la Fédération locale Ouvrière anarchosyndicaliste : La Voz del Obrero.
À Vigo José QUINTAS VILA dirige une école primaire rationaliste, soutenue par le Centre des Sociétés Ouvrières de la ville. En 1923 Gaston LEVAL exerce dans une autre école rationaliste de Vigo.
À Tui (Pontevedra) la Fédération des Travailleurs soutient une expérience en 1923 : le Groupe scolaire de Tui.
Plus tard sous la République, après de nombreux échecs, l'école la plus célèbre est La Escuela Rationalista de Ferrol. Elle est soutenue par la Ligue rationaliste et par CNT et FAI. Son principal animateur semble être Francisco ITURRALDE. En 1933-34 elle compte 158 élèves dont 49 adultes. Ses pratiques, ses cours, sa motivation sont très proches des vœux de ROBIN ou de FERRER. Jugée dangereuse, elle subit de nombreux tracas et répressions. Il semble que Gaston LEVAL ait enseigné dans cette école, soutenue notamment par le Sindicado de Mariñeiros qui édite El Despartar Maritimo.
À Lugo en 1936 existe également une Escuela rationalista.

Dans les années 1920, dans la région de Valence (Levant), l’ancien mineur andalou, né en 1894, Higinio NOJA RUIZ (sous un faux nom, vu la répression) applique les idées de FERRER à Valence d’abord, puis à Alginet. Il réactive le Centro de la solidaridas obreras et l’utilise pour proposer des cours. Réfugié dans ce milieu rural, il ouvre une école sans moyen mais pleine de vie, nommée du beau nom d’Armonia. Cet essai méconnu se fait pourtant en pleine intégration avec la population locale et avec l’appui des ouvriers de la Federación. Également romancier, cet auteur fait preuve d’un optimisme pédagogique rare : l’éducation libertaire, préparant de nouveaux individus, va contribuer à transformer le monde dans le sens du communisme libertaire, tout en combattant « les fausses valeurs de notre civilisation ». Harmonie, Civilisation… sont des termes très utilisés par NOJA RUIZ et ils nous évoquent souvent les positions de FOURIER ; il faudrait sans doute creuser cet aspect pour voir si l’auteur espagnol a réellement lu l’utopiste franc-comtois. En tout cas, avec lui, l’utopie pédagogique débouche logiquement dans l’utopie anarchiste, et semble-t-il avec grand talent.

En Murcie, l'école de Nonduermas est animée par Floreal RÓDENAS. Depuis 1902 existe à Jumilla un Centro Obrero anarcosindicalista et une école rationaliste animée par le professeur Constancio ROMERO.
À Castellar de la Frontera, la Escuela Racionalista est brutalement fermée par les autorités en janvier 1933.
Influences hors d’Espagne : Clivio, Lausanne, Malines, Stelton, Rio, Buenos Aires, Londres, Lisbonne, San Juan…
Mais il semble bien que le « culte de FERRER » (Tina TOMASSI) soit exceptionnellement vif en Italie. Des auteurs récents parlent de « mythe », de « béatification laïque » (notamment en Toscane) pour décrire ce processus de récupération-encensement de FERRER par le mouvement anarchiste, républicain, franc-maçon et libre penseur qui explose dès 1905-1906 jusqu’à l’avènement du fascisme. En 1909 le mouvement pro-FERRER réunit tous ceux qui, autour essentiellement de l’anticléricalisme, tentent de mettre sur pied une société plus rationnelle et solidaire.
En Allemagne, en Bavière durant l’éphémère République des Conseils de 1918-19, le ministre de l’Éducation populaire, l’anarchiste communiste Gustav LANDAUER tente de développer les idées de FERRER.
En Argentine, au début du XX° siècle, comme partout le débat reste fort et bloquant entre les partisans de la révolution d'abord (et donc l'école rêvée ensuite) et les éducationnistes. Parmi ces derniers, l'influence de FERRER est majeure. C’est surtout le libraire et éditeur Bautista FUEYO qui représente La Escuela Moderna. Entre 1912 et 1914 sort à Buenos Aires le périodique La Escuela Popular. Son directeur, l'intellectuel féministe et libertaire, et maître rationaliste, Julio R. BARCOS (1883-1960) tient un grand rôle au début du siècle, avant de passer progressivement au radicalisme. Le pédagogue militant Amadeo LLUÁN, plus connu sous le pseudonyme de Enrique NIDO est attaché au mouvement. Avant de créer une École rationaliste dans un quartier ouvrier de Rosario vers 1915, il fit 5 ans de prison pour une tentative d’attentat, contre le consul espagnol de Rosario, visant à venger l’assassinat de Francisco FERRER.
Le premier projet d'Escuela libertaria à Buenos Aires serait lancé vers 1898 par Julio MOLINA Y VEDIA avec l'appui du groupe anarchiste Los Ácratas (qui s'inspire partiellement des écrits du français André GIRARD). L'échec n'empêche pas la création en 1899 de la Escuela libertaria du Grupo de Propaganda Libertaria Los Corrales dans le Parque Patricios de la capitale. Elle compte 70 élèves en 1901, l'année de sa fermeture après moins de 3 ans d'existence. Elle a pourtant disposé d'appuis issus de tous les courants de l'anarchisme, et a surtout bénéficié du poids du vétéran Antonio PELLICER PARAIRE.
Dès 1902 divers groupements porteños (de Buenos Aires) relancent l'affaire : les Amigos de la Enseñanza libre, des gremios (organisations de travailleurs) locaux, le Centro de Enseñanza Popular Compañeros Unidos de la Boca, le centre Arte por la Vida… et en 1905 le Comité De Escuelas Libre émanation de nombreux groupes et soutenu officiellement par La Protesta. L'écrivain alors anarchiste Alberto GHIRALDO est tout dévoué à ce type de projet.
Une école « laïque » (« La Escuela Moderna » ?) aurait fonctionné à Luján (vers Buenos Aires) avec John CREAGHE (1841-1920), un irlandais d’origine, principal animateur de La Protesta au début du XXème siècle. Elle est fermée en 1909.
CREAGHE soutient également la Escuela Integral Libertaria de Bahía Blanca en 1902, qui renoue avec le terme utilisé déjà par les membres de l’AIT (intégrale).
D'autres écoles sont parfois citées comme la Escuela Laica de Lanús (dont J. BARCOS fut directeur). Cette dernière n'est d'ailleurs pas spécifiquement anarchiste, elle provient d'un regroupement de forces laïques et pluralistes locales, et semble au début plutôt d'idéologie socialiste. Elle démarre en 1906 avec la libre penseuse Ramona FERREIRA, très critiquée par les anarchistes, forcée à démissionner, et remplacée par BARCOS jusqu'en fin 1907. En 1908 près de 125 élèves le jour et une trentaine le soir assistent à ses cours. Elle ferme en 1909. À la description qu'en fait longuement Juan SURIANO, il est clair que nous nous trouvons plus proche d'une espace social et culturel, d'un athénée avec axe éducatif que d'une simple école, puisqu'elle déborde largement sur l'extérieur. Face aux milieux catholiques locaux, elle fait également figure de contre société.
En 1907 à Buenos Aires se met en place avec l'aide d'une vingtaine de sociétés une commission administrative pour porter à bien le projet d'une Escuela Moderna sur le modèle de celle de Barcelone. Mais ce projet ambitieux accouche dans le secteur de Barracas à Villa Crespo d'une structure fragile, d'abord de formations du soir, puis d'une école autour de J. BARCOS, qui ne va vraiment tenir qu'une année (jusqu'en août 1909). Elle aurait concerné une centaine d'élèves. Le manque de moyens, de formateurs, de locaux salubres… et un soutien mitigé du mouvement sont les raisons principales de cet échec.
Durant la répression de 1909 l'État argentin, comme son homologue espagnol, ferme les établissements libertaires : moins de 10 ici, près de 130 là-bas.
En 1912 se constitue La Liga de Educación Racionalista. Julio BARCOS et son Escuola popular en forment l'ossature. La Liga édite un Boletín.
En 1916 est fondée par des anarchistes juifs de Buenos Aires la Ratzionalistische Ligue - Asociación Racionalista Judía (ARJ), avec salle de lecture et librairie ; elle regroupe des tolstoïens, des syndicalistes, des pédagogues... Parmi eux les CHALCOFF, les GORODISKY, les MILSTEIN (Lázaro, César futur Nobel en1984…) les BURSUCK… Mme MILSTEIN est un temps maîtresse rationaliste sur Bahía Blanca. La Ligue prolonge l’Arbeiter Farband de 1909 (Union Ouvrière juive) qui visait déjà à créer des écoles rationalistes. Dans ce milieu yiddish, l’ARJ fonde la Freie Yidishe Schule qui est la première école yiddish d’Argentine. Même plus tard sous la dictature péroniste l’ARJ continue à diffuser clandestinement des écrits anarchistes et rationalistes (Cf. son bulletin Di Velt en fin des années 1940). Cette ARJ meurt en fin des années 1970, après la mort de Juán GORODISKY : le siège de l’association et plus de 2 000 livres sont vendus et vont profiter au Département d’Études sur l’Anarchisme Argentin de Tel Aviv, au journal anarchiste israélien Problemen et à la fondation argentine Biblioteca José INGENIEROS.
En fin des années 1920, Fortunée BARTHE lance ses Comités pro-Escuelas Racionalistas, mais innove un peu en les réservant aux seuls enfants de travailleurs, ce qui contredit le principe de coéducation sociale. Le premier Projet d’école libertaire est cependant plus ancien, rédigé par Julio MOLINA y VEDIA en 1898 et publié dans la Protesta Humana de Buenos Aires. Les premières écoles libertaires argentines ne sont donc pas totalement reliées au mouvement rationaliste, même si les méthodes et les objectifs sont semblables. Les Centres ouvriers et les centres sociaux en forment presque toujours l’ossature, comme à Rosario en 1901, lorsque le Centro Obrero de Estudios Sociales est à l’origine de la première Escuela racionalista. Le mouvement anarchiste organisé en fait une de ses priorités : la jeune FOA (Fédération Ouvrière Argentine) le rappelle dans tous ses congrès. En 1901 toujours, J. CALVO avec son Proyecto educativo libertario, découpe la formation en 7 stades, le dernier incluant bien sûr une histoire de la pensée « acrata » depuis la Révolution française… La FORA reprend la propagande de la FOA et serait à l'origine (ou en soutien) de centaines d'écoles plus ou moins rationalistes ou syndicalistes, la plus prestigieuse étant peut être la Escuela del Sindicato de la FCCA de Rosario, qui compterait plus de 450 élèves.
Que ce soit dans les centres ouvriers, en lien avec la FOA (surtout après le congrès de 1903) puis la FORA, dans les universités libres ou officielles, le docteur en Philosophie et Sciences de l'éducation, José María LUNAZZI (1904-1995), actif anarchiste de La Plata, joue un rôle majeur. Ouvert, éclectique, il lance de multiples initiatives en plus de son engagement libertaire : on lui doit le Centro de Estudios Pedagógicos de La Plata, et la RAE - Revista Américana de Educación. Il est un des fondateurs du MAPE - Movimiento de Afirmación y Progreso de la Eucación.
En Belgique, à Bruxelles, l’influence de FERRER est très forte dans les milieux de libres-penseurs, et surtout auprès de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) devant laquelle se dresse une statue de FERRER édifiée par souscription en 1909, et remise en place depuis 1985 après une interruption qui datait de l’occupation allemande. À Malines, autour du groupe Vrije Groep très pro-FERRER est lancé l’Ontspanningschool rationaliste en novembre 1911. Elle a l’appui des libres-penseurs locaux, très liés à l’anarchisme et commence avec environ 25 élèves. Elle se veut contre tous les dogmes et pour l’ouverture la plus large possible.
En Bolivie, Rómulo CHUMACERO, tailleur à Potosí et leader de la FOT-Federación Obrera del Trabajo (président du 2° Congrès de 1925) dirige une école "Francisco FERRER GUARDIA". S'agit-il de celle de Sucre ?
Au Brésil Paul ROBIN a soutenu un projet d'école à Rio de Janeiro fonctionnant un peu comme à Cempuis dès 1892. Une autre tentative d'école ouverte est fondée par le professeur Luigi BASILE dans le quartier de Braz à São Paulo en 1900. Il n'est pas libertaire, mais libéral ; cependant son école est proche du modèle rationaliste. Le mouvement rationaliste s’étend rapidement dès 1910- 1912 en liaison avec le mouvement ouvrier souvent anarcho-syndicaliste et les Centres culturels et sociaux ; la presse libertaire, les leaders… multiplient informations et conférences, comme les multiples initiatives d'Oreste RISTORI. Les libertaires d'origine italienne semblent de vraies figures de proue comme nous le trace le livre d'Egard RODRIGUES sur les Lavoratori italiani in Brasile. Ce mouvement a été précédé par la création d’écoles purement anarchistes, parfois fort anciennes. Ainsi à Porto Alegre, des descendants de la Colonia Cecilia contribuent à la création d'une école libertaire dès 1896, le Collegio Unione Operaia. C'est également le cas de l'Escola Libertária - École libertaire « Germinal » de São Paulo de 1902 ; elle est liée au Círculo Educativo Libertário Germinal et au journal O Amigo do Povo - L'Ami du Peuple. Y militent des noms prestigieux de l'anarchisme international : Gigi DAMIANI, Neno VASCO, Benjamim MOTA... Il existe aussi des écoles plutôt syndicalistes : Escola Social - École sociale ou Escola Livre – École libre de Campinas fondée en 1907 par la Liga Operária de Renato SALLES et à laquelle participa le militant anarchiste Adelino de PINHO, École des verriers d’Agua Branca à São Paulo en 1909 (surtout des militants anarcho-syndicalistes de l'usine Santa marina), l’École libre 1er mai de Rio de Janeiro fondée par Pietro Battista MATERA (quartier de Vila Isabel) en 1908-1909 également… Celle d’Agua Branca avec Edmundo ROSSONI est un des exemples importants d’union socialiste et anarchiste en milieu éducatif. Dès 1909-1910 apparaissent des mouvements structurés pro-FERRER, notamment la Comissão Pró-Escola Moderna de Rio de Janeiro en début 1910 ; elle est très liée au syndicalisme révolutionnaire de la COB – Confédération Ouvrière Brésilienne. À São Paulo, l’Associação Pró-Escola Moderna - Comitato Pro-Scuola Moderna del Brasile compte notamment parmi ses membres les plus prestigieux anarchistes et anarcho-syndicalistes de la ville : Neno VASCO, Edgard LEUENROTH, Oreste RISTORI et Gigi DAMIANI. À partir de 1912 se créent les Écoles Modernes, la n°1 et la n°2 de Sao Paulo en 1912, la 3ème de São Caetano (Sao Paulo) en 1918. Le directeur de la n°1 est Jõao PENTEADO (1877-1965) qui reste actif dans la pédagogie libertaire jusqu’à sa mort. Deux autres écoles modernes, Bauru et Cãndido Rodrigues dans l’État de Sao Paulo, existent également depuis 1914. Le mouvement éducatif libertaire est lié également aux Centros de Estudos Sociais, comme ceux de Rio de Janeiro, Pelotas et Porto Alegre en 1915. Ces centres sociaux sont une vieille tradition du mouvement ouvrier brésilien, dans ses trois grandes tendances : socialiste, républicaine ou anarchiste. Après 1916 l'École moderne de Porto Alegre semble en pleine croissance, appuyée par la FORGS-Fédération Ouvrière de Rio Grande do Sul et par la Revista liberal. En 1919 la répression anti-ouvrière entraîne souvent leur fermeture, même si se crée cette année là l'École ouvrière 1° mai d'Olaria (Rio). Encore en 1920 et toujours à Rio une École nouvelle semble en formation, à côté d'Écoles professionnelles fondées par l'UOFT. De nombreux anarchistes sont liés au mouvement, comme Oreste RISTORI, Gigi DAMIANI et João PENTEADO ou Adelino de PINHO. Des syndicats, comme la COB, les aident financièrement et politiquement. La vision utopique y est très forte, mêlant cependant aspirations humanistes et pragmatisme utilitariste. L’école fait partie du mouvement ouvrier libertaire, participe à sa propagande, à ses actions, d’où sa logique suppression pendant la répression. Ces écoles furent mixtes (coéducation des sexes), ouvertes à tous (coéducation des classes d’âges) mais surtout proposées aux familles des militants. Les maîtres sont massivement membres du mouvement anarchiste et leur message est celui d’agir pour atteindre une société libertaire.
Au Canada des écoles rationalistes du milieu libertaire juif apparaissent à Montréal vers 1910, comme la Ratsyonale Shul fondée par le groupe Frayhayt.
Au Chili, il existe un Centro « Francisco FERRER » vers 1914 à Antofagasta. Sur Santiago, le Centro de Estudios Sociales « Francisco FERRER » (créé en 1912) est connu pour son ouverture au monde féminin, notamment avec la professeure Rita MAR. Il compte de nombreux artistes et intellectuels : le poète Francisco PEZOA, les écrivains libertaires Manuel ROJAS, José Domingo GÓMEZ ROJAS, José Santos GONZÁLEZ VERA… Plus qu’un centre éducatif, c’est un centre de propagande et de rencontres, résolument antimilitariste et féministe. Sur Valparaíso vers 1913, autour du Centro Defensa y Despertar de la Mujer - Défense et Éveil de la femme se crée une petite escuela racionalista - école rationaliste dirigée par Daniel ANTUÑANO.
À Cuba, les écoles laïques et libertaires sont anciennes, et sont liées au Círculo de Trabajadores de La Habana, fondé surtout par des anarchistes en 1885. En 1906 est lancé un Manifeste pour créer des écoles modernes avec l'aide des journaux libertaires ¡Tierra! et La Voz del Dependiente. Une École rationaliste du soir est fondée en 1922 ou 1923, en liaison sans doute avec l’Athénée syndicaliste créée l’année précédente, et dans la foulée du vaste mouvement étudiant qui vient d’éclater. Elle a l'appui des syndicats libertaires la FOH puis la CNOC, et celle d'un de leurs principaux responsables Alfredo LÓPEZ ROJAS (1894-1926). Cette école est accompagnée de la création de l’Université Populaire José MARTÍ en fin 1923. La mort de FERRER en 1909 avait causé dans l’île d’énormes manifestations de soutien. Déjà en 1912, au Congrès rural de Cruces qui se positionne pour une Fédération autonome des Travailleurs, une des résolutions demande le développement des écoles rationalistes. Celle de 1922 en est sans doute une lointaine conséquence.
En Amérique du Nord et spécialement aux États-Unis Joseph COHEN anime une Modern School à Philadelphia avant de rejoindre New York pour diriger la Fraye Arbeter Shtime. Il y devient responsable du FERRER Center-Centre FERRER fondé en 1911, et animateur de la Modern School locale. Ce centre éducatif libertaire et militant doit également beaucoup aux idées de john DEWEY. À cette époque, Alexander BERKMAN y donne quelques cours. L’historien Will DURANT, présent avec sa compagne Arial qui est alors élève, donne également des cours à l’école FERRER de New York. Vers 1915, avec entre autres les FERM, COHEN lance le célèbre Centre de Stelton (Communauté) dans le New Jersey, avec sa Modern School. L’école dure jusqu’au début des années 1950 (1953 ?). Le couple Ida et Valerio ISCA y est très actif ; Ida PILAT ISCA (1896-1980) assume le secrétariat new-yorkais de l’Association de l’École Moderne Francisco FERRER de Stelton. La poétesse Rosa FREEMAN, compagne de Joseph ISHILL, y est un temps institutrice ; l’historien Will DURANT y intervient, ainsi que le peintre Alfred LEVITT d’origine ukrainienne. La Mère de Joan BAEZ y fut élève. Stelton est autant une colonie (on dirait commune ou communauté aujourd’hui) anarchiste diversifiée qu’un centre éducatif. Le couple britannique Jim et Nellie DICK, arrivé aux ÉU en 1917, et riche d’une déjà longue expérience pédagogique libertaire (Cf. ci-dessous) y passe un long moment avant d’ouvrir sa propre Ferrer School à Lakewood dans le New Jersey de 1933 à 1958 ; c’est une des plus longues expériences (plus de 25 ans), puisqu’elle dure jusqu’en 1958. Sur la côte ouest, dans l’après deuxième Guerre mondiale, autour de la communauté libertaire italienne de San Francisco, se développe la Walden Community and School, à laquelle participe David KOVEN et sa compagne Audrey GOODFRIEND, ainsi qu’une dizaine d’autres personnes (Cf. ci-dessous). Paul AVRICH a recensé plus de 20 écoles rationalistes aux ÉU, sans compter d’autres écoles libertaires. Elles étaient surtout composées d’immigrés récents, souvent d’origine européenne. Dans la colonie de Sunrise (Michigan) que des anciens de Stelton mettent en place dans les années 1930 existe une maison d’enfants (environ 34 de 4 à 14 ans) dont on respecte l’autonomie, et auxquels est fournie une éducation libertaire qui rappelle ce qui existait dans les Modern Schools citées. Mais désormais l’individualisme semble l’emporter sur les volontés collectives qui prévalaient au début du siècle.
En France, où FERRER est bien connu, les essais d’écoles libertaires et les réflexions sur l’éducation antiautoritaire sont nombreuses mais débouchent rarement sur des écoles rationalistes. La mort de FERRER a causé un choc important, et bien des militants s’inspirent du catalan pour relancer le débat sur l’éducation : par exemple au Havre, lors du Congrès de 1909 de l’Union des Syndicats, le cas FERRER est développé, et un long débat a lieu sur la « méthode du libre examen engendrant l’éducation rationnelle ».
En Italie, FERRER a marqué les esprits par sa venue au Congrès International de La Libre Pensée, à Rome en septembre 1904. Le Congrès anarchiste de Rome en 1907 soutient toute création d’institution prenant exemple sur celles mises en place ou promues par FERRER. L’Asilo Laico - Scuola Moderna Razionalista di Clivio (1909-1922) vers Varese (autrefois province de Côme, à la frontière tessinoise) tente cette utopie pédagogique indépendante avec au départ une douzaine d’élèves, d’abord du 31/01/1909 à 1914 puis pour quelques mois en débuts des années 1920, avant d’être ravagée par les escadrons fascistes, qui se livrent à un vrai autodafé des archives et de la bibliothèque le 23/04/1922. Son Bulletin mensuel témoigne de l’engagement de ses participants, principalement l’anarchiste Felice MONZONI, proche de Luigi MOLINARI. La revue Scuola Moderna di Clivio – Rivista per gli Atti e la Cultura Razionalista est éditée de 1910 (n°1 – novembre 1910) à 1922, certes de manière irrégulière, et pour environ 44 numéros. Les habitations, construites par une cinquantaine de travailleurs en 1908-1909, sont récupérés illégalement par la commune de Viggiù (qui englobe Clivio) en 1933. Les anarchistes (Fedération Communiste Libertaire Lombarde) tentent sans succès de récupérer les locaux et de rouvrir l’école en 1946-1949, en créant un Comitato pro Scuola Moderna. L’Asilo-Scuola Razionalista (c’est son premier nom) s’inspire dès 1910 du mouvement pédagogique libertaire international, en se rattachant au Manifeste de la Ligue Internationale pour l’Éducation Rationnelle de l’Enfant de Francisco FERRER. Le premier maître est Anita MOLINARI (qui meure trop tôt en 1912) et l’appui extérieur principal est sans doute celui de Luigi MOLINARI. En 1914 c’est la fille du militant anarchiste Camillo DI SCIULLO, Sista Anna Domenica, qui reprend le flambeau pour peu de temps. Dans les années 1920, la seconde période de l’école doit beaucoup au rationaliste Luigi MASCIOTTI qui essaie de remplacer l’infatigable mais désormais disparu Felice MONZONI. La visée utopique et militante est dès le début affirmée, puisque dans le premier Bulletin il est dit que « l’École moderne de Clivo se dresse comme un milieu salutaire, un phare de vie qui poussera l’enfance vers de plus grands et plus roses horizons ». L’éducation est donc pour ces militants à la fois un moyen de développement individuel harmonieux, et un moteur du changement social. Cette éducation intégrale est avant tout « morale-intellectuelle (sociale, morale, sexuelle économique) ». Comme celle de Lausanne, l’école de Clivio s’insère dans le mouvement ouvrier et anarchiste local et régional. L’engagement anarchiste est de plus en plus important, tant dans Umanità nova que par la présence de Francesco GHEZZI.
D’autres tentatives sont dignes d’être mentionnées, comme, à Milan, celle autour de l’avocat et pédagogue anarchiste Luigi MOLINARI dès 1907, et du comité milanais Société coopérative anonyme pour « l’École moderne » vers 1913, qui a même acheté des terrains dans la banlieue milanaise. Il y a également une tentative à Bologne vers 1910 autour de Luigi FABBRI, Pietro GORI et de Domenico ZAVATTERO, avec l’édition d’une revue Scuola Moderna – Rivista quindicinale di Cultura Popolare pendant quelques mois (10 numéros de novembre 1910 à mai-juin 1911). ZAVATTERO y relance la Tipografia « La Scuola Moderna » en hommage évident à FERRER (1911- début 1914). Une école libertaire à Pise (Scuola Moderna Antidogmatica Francisco FERRER di Pisa) est parfois également mentionnée dès 1906, et sa suppression est indiquée dans la presse libertaire en 1911. À Mezzano (Ravenne), la Scuola Moderna Francisco FERRER créée vers 1912 regrouperait une trentaine de membres ; s'agit-il d'une école ou d'une société libertaire ?
Enfin la Scuola laica, revue éditée à Rome en 1908-1909, dirigée par FERRER, et en Italie par Luigi FABBRI (1909) relie fortement la pensée libertaire pédagogique italienne à la mouvance rationaliste.
Au Mexique, les idées pour l'école rationaliste sont favorisées à México et dans le District Fédéral par le journal El Tipógrafo mexicano fondé en 1911 par l'exilé catalan Amadeo FERRÉS, et surtout par le Grupo Anarquista Luz fondé en 1912 et appuyé par l'Unión de Canteros Mexicanos et par des militants charpentiers. La Escuela Racionalista doit s'ouvrir le 08/09/1912 et est dirigée par le colombien Juan Francisco MONCALEANO aidé de sa compagne Blanquita. Mais la répression empêche la réalisation et MONCALEANO est expulsé. Juste après ces évènements, la création de la COM-Casa del Obrero continue la divulgation de l'idéal, et rend hommage au «martyr» colombien ; cette institution militante assure également la tenue de cours gratuits sur tous les thèmes au profit des militants et syndicalistes. Ce sont toujours les militants de Luz (et ceux regroupés dans la Confederación Cívica) qui sont au premier rang comme Pioquinto ROLDÁN, Antonio DÍAZ SOTO Y GAMA, Rafael PÉREZ TAYLOR y Jacinto HUITRÓN. En février 1913 la Casa est en pleine expansion, dans de nouveaux locaux ; elle attire un grand nombre d'intellectuels progressistes qui assurent moult conférences. En 1914 la Casa ouvre le Centro Cultural Racionalista. Paula OSORIO y assure un cours sur l'égalité des sexes. Après quelques péripéties dramatiques, la Casa ré-ouvre ses portes le 21/08/1914 dans l'ancien couvent de Santa Brígida, et un de ses premiers actes est de rendre hommage à Francisco FERRER représenté par un buste exécuté par Jerónimo RIVAS membre des Canteros. En octobre 1915, autour de Jacinto HUITRÓN (nommé inspecteur), la COM inaugure un Ateneo obrero et la première Escuela racionalista du Mexique (?). Elle fonctionne avec 6 professeurs : Adolfo GONZÁLEZ, l'ingénieur Manuel E. VELASCO, Lorenzo CAMACHO ESCAMILLA, et Paula OSORIO AVENDAÑO, Reynalda GONZÁLEZ PARRA y Genoveva HIDALGO. L'ateneo aussitôt après prend le nom d'Ateneo Ciencia, Luz y Verdad. L'école est gratuite et ouverte à tous les travailleurs et financée par eux. Elle se réclame de manière très stricte de l'idéal de FERRER. Mais là aussi la répression violente de début 1916 ordonnée par CARRANZA détruit la COM et ses diverses réalisations. Mais l'héritage de FERRER n'est pas supprimé ; le 13 octobre 1919, la Fédération des syndicats du District Fédéral lui rend à nouveau hommage.
À México une nouvelle École rationaliste proche de la CGT, où l’anarcho-syndicalisme est toujours présent, dure environ deux ans de 1925 à 1926. L’aide des anarchistes expropriateurs Buenventura DURRUTI et Francisco ASCASO, alors au Mexique, a en grande partie contribué à cette réalisation.
Dans le Yucatán a lieu en 1915 le 1° Congrès pédagogique de l'État. Les idées rationalistes y sont bien implantées, tant par le PSY-Parti Socialiste du Yucatán que par quelques intellectuels comme José de la LUZ MENA (animateur de l'École rationaliste de Merida entre 1917-1923). Quelques écoles rationalistes s'y développent vers 1920 en toute autonomie pédagogique et politique. En 1922 un étonnant décret de l'alors gouverneur Felipe CARRILLO PUERTO (lié au PSY devenu PSS-Partido Socialista del Sureste) rend obligatoire l'enseignement rationaliste. Cette expérience originale et méconnue qui dure jusqu'en 1924 est contrée tant par les conservateurs locaux que par l'État fédéral.
Dans le Tabasco le gouverneur socialisant et anticlérical radical Tomás GARRIDO CANABAL (1921 -1925), convertit la Cathédrale de Villahermosa en Escuela Racionalista (FERRER GUARDIA), puis en Théâtre ouvrier, avant de la détruire ! Les idées de FERRER doivent ici se conjuguer avec un «laïcisme jacobin» et régionaliste assez particulier. En 1925-1926 d'autres Escuelas racionalistas sont implantées par l'État.
L’anarcho-féministe, devenue ensuite proche du communisme, Juan BELÉN GUTIÉRREZ (1857-1942) tente une école ancrée dans le monde rural en 1921 dans le Morelos « la colonia agrícola experimental: Santiago Orozco ». De plus en plus intégrée dans les institutions étatiques, elle dirige ensuite l’Hôpital de Zacatecas en 1922 et devient inspectrice des écoles fédérales dans le Querétaro et le Zacatecas de 1925 à 1930.
Un peu partout durant les années 1920 et 1930 l'héritage pédagogique rationaliste et antihiérarchique est perverti progressivement par les États fédéraux et par l'État central. En 1934 l'instauration de «l'éducation socialiste», malgré quelques intellectuels résistants, n'est plus que le triomphe d'une vision étatique et centralisée de la pédagogie progressiste.
À Porto Rico, l’anarcho-féministe Luisa CAPETILLO, en bonne disciple de FERRER et de Madeleine VERNET, espère un temps mettre en route une école disposant d’une activité agricole (« Granja Escuela Agrícola »). Elle évoque l’importance de « l’école moderne » dans sa petite utopie La Humanidad en el futuro de 1910. En 1916, dans le Prologue de ses Influencias de las ideas modernas, elle indique que le produit de la vente servira à fonder la Granja.
Au Portugal, une première tentative, se réclamant autant des français FAURE et ROBIN que de FERRER est menée par Campos LIMA, qui achète pour cela une propriété vers Lisbonne. En 1909 diverses écoles sont créées, dont l’École-Atelier n° 1 de Lisbonne. L'institutrice Lucinda TAVARES tient un rôle assez important dans les milieux libertaires et syndicalistes vers 1910. Le Portugal compte un nombre important de militants anarchistes et libertaires connus liés à l’enseignement et à la formation. L’UPPO - Union des Professeurs de l’Enseignement Primaire et l’APP - Association des Enseignants du Portugal, sont très proches de la CGT. Une revue comme Educação Social a eu un fort retentissement dans le milieu éducatif libertaire et au-delà.
Au Royaume Uni, de multiples écoles FERRER sont tentées entre 1907 et 1921. À Liverpool se trouve The Liverpool anarchist-communist Sunday School de 1908 à 1916 ; elle est animée par James Hugh DICK, proche de FERRER, et le caractère idéologique est très marqué et l’emporte semble-t-il sur la didactique. C’est pourquoi l’école est également ouverte aux adultes. DICK est lié depuis 1913 à Naomi PLOSCHANSKY qui devient Nellie DICK en 1916 ; cette anarchiste convaincue s’est déjà rendue célèbre en animant la FERRER Sunday School de Whitechapel en 1912 ; elle déborde le milieu juif auquel est liée Nellie. Sur Londres, trois expériences semblent marquantes : The FERRER School (1912-1915), The Modern School (1915-1920) et The International Modern School (1921-1928). La dernière école dispose d’un outil pédagogique et de propagande : The International Modern School Magazine. The FERRER School est reprise par le couple DICK, et plus que James, c’est Nellie DICK qui est la plus importante pour définir la pédagogie libertaire : à Londres, plus qu’à Liverpool, la pédagogie revient au centre de l’expérimentation, même si le côté engagé de l’école et son ouverture aux adultes sont maintenus. L’ensemble du mouvement anarchiste londonien se mobilise pour The Modern School et The International Modern School, notamment les restes du mouvement anarchiste de langue yiddish, autrefois boosté par Rudolf ROCKER, dans l’East End. Ce mouvement avait fortement contribué, avec l’aide des communistes anarchistes se réclamant de KROPOTKINE, vieux réfugié anarchiste en Angleterre, à développer une école spécifique en 1906, à Jubilee Street : The anarchist socialist Sunday School. Dans ce premier essai apparaissent comme conférenciers ou conteurs les figures les plus marquantes du mouvement libertaire international, dont MALATESTA et KROPOTKINE. Dans toutes ces écoles, les aspects révolutionnaires anarchistes sont toujours présents : dans les liens avec le mouvement révolutionnaire et syndical, dans les pratiques pédagogiques, dans la fin poursuivie (permettre le développement d’hommes libres pour une société future libérée), et dans les essais de gestion et d’auto-organisation. Les enfants participent souvent aux décisions, même s’il n’y a pas réellement autogestion.
En Russie soviétique, à Odessa, Samuel SCHWARZBARD milite pour la création d'une maison d'enfants, et obtient la réquisition d'une datcha pour l'installer. Il cherche à appliquer les idées du pédagogue révolutionnaire Chaïm RUT : une «école libre et jardin d'enfant» fonctionnerait plusieurs mois.
En Suisse, à Lausanne, L’École FERRER connaît un bon développement autour de Jean WINTSCH, militant anarchiste (1880-1943), membre depuis 1900 de la rédaction du Réveil - Il Risveglio socialista anarchico de Luigi BERTONI. La fondation se fait en novembre 1910 et l’école perdure jusqu’en 1919. Elle prolonge en fait une expérience pédagogique antérieure, liée au groupe Libero Pensiero, depuis 1905, et animée par Émile DUVAUD médecin pédiatre du Canton de Vaud dont la révocation par les institutions helvétiques en 1910 fit un certain bruit. L’École FERRER dispose elle aussi de nombreux matériels légués par Paul ROBIN, décidément incontournable, et sans doute plus que FERRER le vrai modèle suivi à Lausanne. L’influence de FAURE via C. A. LAISANT, le professeur de mathématique de La Ruche, est également très importante. L’école ne vit que par des aides de syndicats et de militants libertaires, notamment celles de russes exilés en Suisse. Elle est effectivement fortement liée au syndicalisme révolutionnaire, la FUOSR – Fédération des Unions Ouvrières de Suisse Romande, mais aussi à la FACSR - Fédération Anarchiste Communiste de Suisse Romande et à divers autres mouvements dont la gauche socialiste autour du libertaire Fritz BRUPBACHER, la coopérative socialiste anarchiste et des libres-penseurs. Une bonne partie des cours se tient à la Maison du Peuple, puis dans la maison de Chailly d’une sympathisante Mme SCARGINSKY, et enfin dans une maison appartenant à Jean WINTSCH. Elle se veut avant tout une école de classe, liée au monde du travail ; cette forte relation avec le monde réel empêche de considérer l’école comme une microsociété utopique isolée du réel. Au contraire, les liens entre enseignants, élèves, parents, proches, militants, milieux socio-économiques extérieurs… sont systématiquement sollicités. La Société de l’École FERRER regroupe toutes les bonnes volontés, de manière assez pluraliste ; ses Statuts (sans doute rédigés par Jean WINTSCH) sont imprimés en 1910 par L’Imprimerie des Unions ouvrières. L’école va toucher une cinquantaine d’enfants de 5 à 14 ans, avec une nette composante internationale (présence notamment d’enfants italiens) ; des cours pour adultes, le soir, se tiennent dès 1912. En avril 1913 serait ( ?) édité à Lausanne un Bulletin de l’École FERRER ; mais il semble que ce soit seulement en octobre 1916 que commence un publication régulière. Parmi les usages dans l’école, la pratique de la coéducation des sexes posait problème par rapport aux écoles romandes. Peu novatrice par rapport aux matières enseignées, c’est surtout dans les pratiques actives d’ouverture et dans le respect de l’enfant et de l’autonomie, sans prix ni sanction, qu’elle est bien dans la ligne du modèle barcelonais, mais également de ROBIN. Le concret, la découverte, l’ouverture (visites, fêtes…), l’expression artistique, les expérimentations, les travaux pratiques et préprofessionnels, les activités ludiques et sportives… semblent nettement prioritaires par rapport aux contenus. Les élèves, individuellement et collectivement, sont les premiers éducateurs, par leurs initiatives, le développement de « l’entr’aide à l’école », l’expression de leurs besoins. Nous avons affaire à une expérience anarchiste (« sans dieu et sans dogme ») plus que pédagogique, vécue comme « une œuvre de propagande par le fait » affirme son fondateur. La morale anarchiste, sans bourrage de crâne, hors de toute référence religieuse ou étatique est apparemment omniprésente. Ce qui engendre des dissensions inévitables avec le modéré Émile DUVAUD, remplacé dès 1911 par Théodore MATTHEY, puis par Louis-Joseph AVENNIER en 1913, et par Théodore ROCHAT en 1915. Les dissensions en camp libertaire, liées partiellement à la position pro-Entente de WINTSCH pendant la Guerre, et à la dissolution de la FUOSCR sont parmi les causes de la fermeture en mai 1919, tout autant que les raisons économiques souvent avancées. Le Bulletin se prolonge encore quelques années. Jean WINTSCH renoue avec le mouvement libertaire (revue parisienne Plus Loin, soutiens à l’Espagne républicaine…) et continue ses analyses psychopédagogiques, tout en reprenant son métier de docteur en milieu scolaire, jusqu’à sa mort en 1939.
En Uruguay, une école rationaliste fonctionne vers 1908 sur la colline (el Cerro) autour du maître d'origine espagnole LEREDO. Elle est liée au mouvement ouvrier, car forme un grand nombre de prolétaires. La FORU, comme toute fédération anarcho-syndicaliste, maintient un rôle culturel et pédagogique important : rencontres, théâtres, bibliothèques…
Sébastien FAURE (1858-1942), La Ruche 1904-1917 et L’Encyclopédie anarchiste (1926-1934)
Depuis 1888 environ, le socialiste Sébastien FAURE rejoint les anarchistes et commence une carrière de théoricien, et d’orateur itinérant doué, et devient une référence morale énorme pour le courant anarchiste. Sa position de « synthèse » entre les différents courants se réclamant de l’anarchisme est toujours un des axes principaux des mouvements « orthodoxes » de l’anarchisme. Sa solide culture, acquise partiellement chez les jésuites, lui permet d’écrire de profondes critiques de la religion, et surtout d’acquérir une vision critique de l’éducation. De l’Affaire DREYFUS jusqu’à la révolution espagnole, Sébastien FAURE tient un rôle fondamental dans l’anarchisme international. Comme ROBIN, avec qui il partage bien des idées pédagogiques, il est proche du néo-malthusianisme.

FAURE est également sensible à l’idée de prouver par l’exemple, sorte de propagande par le fait non-violente, et c’est pourquoi il est également un créateur et acteur du mouvement anarchiste. En début 1904, au Pâtis, vers Rambouillet en Seine et Oise, il occupe 25 ha avec une vingtaine de membres. Dans cet endroit surnommé « La Ruche », il veut appliquer les idées de Paul ROBIN en matière éducative, avec quelques modifications, mais en en conservant l’essentiel. Une photographie de l’époque montre une maison basse et longue, avec un portail ouvert, une haie vive, une cour semée d’arbres et un toit apparemment en tuiles portant une énorme inscription peinte : « LA RUCHE ». Le bâtiment d’un seul tenant qui nous est montré est « Vu des champs » (titre de la carte postale), et effectivement, tout le premier plan, hormis une allée rudimentaire partiellement envahie par la végétation, est occupé par un champ de blé ( ?) en pleine épanouissement.
En même temps Sébastien FAURE veut créer un milieu communautaire, c'est-à-dire « une microsociété authentiquement libre », dès le début de l’expérience. Elle rappelle la grande famille voulue par ROBIN, mais avec moins de centralité autour du leader. Cependant le pédagogue lui-même parle de « famille élargie ». FAURE, tout aussi charismatique que ROBIN, a cependant moins pesé sur sa communauté que son modèle. En tout cas la volonté utopique de société alternative, hors de toute institution, est plus dans la lignée de FERRER que dans celle de Cempuis, puisque l’orphelinat géré par ROBIN était intégré et reconnu dans le système scolaire français. Durant la guerre Julia BERTRAND (1877-1960), institutrice anarchiste radiée pour pacifisme, rejoint La Ruche et abandonne les Vosges où elle laisse seule son amie féministe Gabrielle PETIT (1860-1952).
Cette sorte de phalanstère pédagogique, au milieu de la nature, avec ses locaux collectifs, ses jardins et vergers, et ses ateliers (imprimerie, atelier de reliure, menuiserie…) et maisons spécialisées, vit une sorte de communisme autogestionnaire et d’autoproduction avant la lettre. Les décisions sont prises collectivement, l’assemblée générale, égalitaire, se tenant au moins une fois par semaine, avec présence des grands enfants (en général dès leur douzième année). Pour l’autosuffisance recherchée, l’élevage et l’apiculture (normale pour une ruche ?) complètent le cadre agricole dans lequel les bâtiments s’insèrent. Tous les travaux se font avec une participation des adultes et des enfants. Les travaux y sont effectués bénévolement, pour la cause. En compensation, les travailleurs puisent au tas, c'est-à-dire sont logés, nourris, blanchis, et se servent dans le pot commun selon les besoins…
En fait La Ruche ne vit vraiment, et toujours avec déficit, que grâce aux apports extérieurs, et notamment aux revenus tirés de l’activité de conférencier d’un FAURE qui de se fait est souvent absent. Mais une carte postale de l’époque montre « Une causerie » de Sébastien FAURE dans la cour même de la Ruche : une foule considérable fait face au bâtiment, et l’homme qui apparaît à une fenêtre de l’étage est sans doute le conférencier.
La dimension utopique de La Ruche est bien plus importante que celle d’une simple expérience pédagogique. C’est, selon la belle formule de Francesco CODELLO, « une communauté égalitaire éducative », une « petite république sans hiérarchie ni autorité constituée » qui pratique aussi (mais pas seulement) l’éducation.
À son apogée, La Ruche compte environ 60 personnes, dont une vingtaine d’adultes. Les enfants ont entre 6 et 16 ans. C’est rapidement un vrai succès puisqu’en 10 ans il va recevoir près de 4 000 demandes d’adhésions. Cette « grande famille » vit pratiquement en autogestion sur tous les plans.
L’éducation y est bien sûr libre, mixte et intégrale. Une carte postale intitulée « Les Grands » nous montre garçons et filles dans un cadre champêtre autour d’une bicyclette sur laquelle se trouve une fille ; un des garçons porte un tablier d’artisan, ce qui nous renvoie à la participation des enfants aux travaux de la Ruche. L’enseignement professionnel est effectivement largement représenté, ce qui nous rapproche peut-être plus de PROUDHON que de ROBIN sur ce point.
La Ruche vise au développement harmonieux de l’autonomie individuelle, et participe à la volonté anarchiste de préparer un monde nouveau. La qualité et l’idéal priment donc sur l’accumulation des connaissances. Punitions, compétition, récompenses sont donc logiquement exclues. L’ensemble est bien sûr très marqué par l’éthique (FAURE est le digne successeur de PROUDHON et de KROPOTKINE sur ce plan). Comme ROBIN il prône hygiène, bonne nourriture, voire végétarisme et surtout vertu de l’exemple. Les repas mêlent d’ailleurs adultes et jeunes dans « Le réfectoire » fleuri que nous révèle une autre carte postale, mais avec un Sébastien FAURE lisant un journal et non assis comme les autres autour d’une table.
Les aspects conviviaux sont fondamentaux, et les jeux ou participations collectives largement encouragés. Les chansons semblent également très utilisées et Sébastien FAURE a même écrit un Recueil de chansons, chœurs et petites comédies pour les jeunes (« les petits ») de la Ruche, sans endoctrinement et avec le souci de leur âge.
Il faut apprendre à apprendre, partir d’exemples, du concret, expérimenter plus qu’accumuler des savoirs mal maîtrisés. Les travaux manuels et préprofessionnels sont multiples, surtout avec l’imprimerie reçue de Paul ROBIN. Bref toute l’éducation intelligente et progressiste de la fin du XXème siècle paraît ici annoncée. Cependant, une carte postale de l’époque, intitulée « Couture et repassage » nous montre 3 jeunes filles debout (repassage) et 4 jeunes femmes assises (couture) dont sans doute l’éducatrice habillée en noir à la différence des jeunes élèves toutes habillées en blanc, ce qui est assez surprenant. Le tout se fait dans la cour, en plein air, avec une atmosphère détendue mais pas trop souriante cependant. Par contre l’absence de tout élément masculin montre qu’il y a encore beaucoup à faire pour appliquer une réelle égalité des genres et sortir des tâches spécialisées par sexe !
Cette école libertaire est ouverte, accueillante, autant pour les compagnons que pour les pédagogues ou les simples curieux. On peut sans rendre compte avec la carte postale sur la « Causerie » que j’ai évoquée ci-dessus. Un Bulletin de La Ruche (10 numéros) est édité en 1914. Les colonies de vacances, qui sont un vrai luxe pour l’époque, y sont pratiquées, surtout en mars 1914 quand 22 enfants partent 5 semaines au Maghreb. L’esprit d’ouverture se manifeste également dans la formation linguistique, surtout en anglais, mais aussi en esperanto. Cette langue internationale a toujours représenté pour les libertaires une forme d’internationalisme actif, et c’est pourquoi ils sont nombreux à la pratiquer.

C’est la guerre, l’engagement pacifiste de Sébastien FAURE, l’échec de l’autarcie économique, les provocations policières, et la dispersion forcée des compagnons... qui amènent la disparition de la Ruche en 1917. La liquidation est effectuée en début 1918 et c’est Madeleine VERNET et son Avenir Social qui en bénéficient.

En 1921, dans son principal projet utopique et antiautoritaire Mon communisme. Le bonheur universel, Sébastien FAURE rappelle la primauté de l’acte pédagogique anti-autoritaire. L’éducation doit d’abord précéder la révolution, afin de lui apporter des principes libertaires et l’aider à lutter contre toute dégénérescence autoritaire. Mais il ajoute en 1925 dans un article important de La Revista Internacional Anarquista de Paris Antes de la revolución : gestación que l’éducation doit « précéder mais également dominer » les autres œuvres de l’anarchisme. Cela signifie que la révolution engagée doit immédiatement développer l’éducation libertaire pour l’accompagner et en renforcer les traits anarchistes, mais dans la reconnaissance du libre débat et des autres positions émises. L’éducation anarchiste, et une organisation fédéraliste de libres associations d’individus libres, sont donc les garants de la réussite du projet anarchiste.

Après 1925 Sébastien FAURE se lance dans sa grande œuvre, l’Encyclopédie Anarchiste qui atteint près de 3 000 pages en 4 volumes en 1935, encyclopédie à laquelle avait financièrement contribué Buenaventura DURRUTI (à partir d’actions illégalistes, pour la petite histoire). On ne s’étonnera donc pas de trouver sur le front de Saragosse durant la Guerre Civile espagnole une centurie Sébastien FAURE dans la Colonne DURRUTI.
L’Encyclopédie est pour ses fondateurs et acteurs « une œuvre d’éducation libertaire » à la portée mutualiste et utopique évidente puisqu’elle souhaite « Le bonheur pour tous ! La liberté pour tous ! Rien ne doit être dû à la contrainte, tout doit être réalisé par la libre volonté ! ». Œuvre de propagande, dans le bon sens du terme (ni obligatoire, ni imposée, ni fermée à d’autres pensées – ce n’est « ni un catéchisme, ni un évangile »), c’est également une œuvre pédagogique, car la multiplicité des accès thématiques est prévue pour en faciliter la lecture, et surtout pour tenter de répondre à toutes les questions que les anarchistes et les curieux se posent sur le présent et sur un autre futur possible, bref tout ce qui concerne « l’étude extrêmement complexe de la vie sociale universelle ». L’objectif est à la fois naïf, utopique et tout empreint de cet « éducationnisme » humanisme et de volonté scientifique qui caractérise FAURE dans toutes ses activités. Cet éternel propagandiste, dont l’efficacité oratoire a souvent été notée, a toujours pensé que la formation provenait des échanges et de la force de la conviction, tout autant que de la profondeur de la réflexion.
En soi œuvre pédagogique, L’Encyclopédie est également une œuvre pour la pédagogie libertaire et pour débattre des positionnements anarchistes en matière d’éducation, d’autoformation, de coéducation, d’émancipation de l’enfant, de la place de l’école… Si on suit le superbe site de la Bibliothèque libertaire ( HYPERLINK "http://bibliolib.net/article.php3?id_article=223" http://bibliolib.net/article.php3?id_article=223), on peut noter le nombre impressionnant des entrées sur les thèmes évoqués. À ma connaissance, seul Francesco CODELLO dans son livre majeur, La Buona educazione - La bonne éducation de 2005 en propose une analyse approfondie.
L’éducation libertaire autour des autres Milieux libres dans l’aire francophone
L’ouverture de La Ruche se manifeste également par le soutien apporté par Sébastien FAURE et par d’autres membres de la Ruche à d’autres expériences éducatives anarchistes dans les Milieux libres. Parmi eux, l’institutrice Eugénie CASTEU (née TRÉBUQUET vers 1880), qui meurt accidentellement en Espagne sous les bombardements en 1937. Ces essais communautaires bénéficient de l’appui de journaux libertaires (notamment L’Anarchie 1905-1914 et Le Libertaire 1903-1910), de personnalités de renom, notamment celles provenant de l’individualisme (Cf. ci-dessus) mais pas uniquement. Les liens entre eux, malgré de fortes rivalités, permettent d’échanger des expériences.
Quant FERRER était en France, il est rentré en contact avec bien des militants que l’on retrouve dans les Milieux libres. Et avant FAURE, Paul ROBIN, bien sûr, suivait de près les réflexions et les initiatives en ce domaine.

Les Milieux libres, plus nombreux qu’on le croit, ont également attirés pas mal de pédagogues en rupture de ban, comme les compagnes de LIBERTAD, les sœurs MAHÉ (Armandine et surtout Anna 1881-1960) ou Émilie LAMOTTE (1877-1909) qui s’inspire également de FERRER. Même si elle agit peu dans le cadre éducatif, Rirette MAÎTREJEAN (1887-1968) compagne de Victor SERGE, est également institutrice.
C’est également le cas d’Eugénie MEMBRARD-JARD, institutrice libertaire liée au Milieu libre de Paris. Spécialisée dans l’éducation de la petite enfance, elle rejoint en 1910 la Ligue de Coopérative Internationale d’Assistance pour les Enfants Moralement Abandonnés, à Rosny-sous-Bois.
Eugénie REY-ROCHAT, artiste peintre, n’hésite pas à s’occuper de formation et de promotion féminine dans les milieux artistiques. En 1911 elle appartient à l’Association féminine d’encouragement aux Lettres, aux Arts, aux Sciences et aux Œuvres humanitaires de France : tout un programme !

Institutrice sans poste, Anna MAHÉ mérite d’être analysée plus longuement par son rôle et son tempérament. Un temps co-directrice de L’Anarchie, elle est également féministe et partisane de l’amour libre et de la coéducation des sexes, qu’elle appelle « éducacion mixte » ; elle lutte pour une réforme de l’orthographe (« ortografe simplifiée »). Lors de la fondation de L’anarchie en 1905, c’est elle qui visiblement impose le a minuscule.
Elle se préoccupe d’une éducation qui doit contrer les différences sociales et économiques liées notamment au milieu familial Elle écrit en 1908 une brochure en ce sens L’hérédité et l’éducation.

Il faut aussi insister sur Émilie LAMOTTE, néo-malthusienne affirmée. C’est une institutrice qui a connu l’école religieuse avant d’être une des militantes de la Colonie de Saint-Germain et d’assumer des charges de rédactrice au Libertaire et à L’Anarchie. Sa brochure de 1912 reprend la formule de FERRER sur l’éducation « rationnelle ». À Saint-Germain, ne serait-ce que par la présence de ses 4 enfants, elle est bien obligée d’assurer une pratique éducative en accord avec ses idées. Sa grande idée, exprimée dans la brochure aujourd’hui heureusement rééditée, c’est de partir de l’enfant, considéré comme un être très riche (un « génie ») et lui procurer toutes les facilités que nécessite son développement. L’enfant en milieu libertaire « doit être le premier artisan de son éducation ». Pour favoriser cette formation, il faut une éducation attrayante, qui évite « ennui, dégoût, fatigue » et qui fait primer l’observation de la nature et de la société : si le mot n’est pas là, l’esprit néo-fouriériste est évident. En authentique anarchiste, elle refuse d’inculquer des idées toutes faites à l’enfant, fussent-elles anarchistes : « c’est sans morale que nous pensons qu’il convient d’élever l’enfant ». C’est ce que reprochaient certains pédagogues à FERRER, qui lui, souhaitait inculquer aux enfants des positions idéologiques. Logiquement, pour Émilie, le maître n’en est pas un : « ces enfants resteraient nos amis. Camarades de leur adolescence » les éducateurs libertaires pourraient ensuite continuer leur tâche d’entraide, même si l’auteure utilise le mot paradoxal de « diriger ».

Anna et Émilie, toutes les deux, redonnent aux parents, et curieusement pour des anarchistes surtout à la mère, un rôle éducateur qui leur permet d’empêcher le « bourrage de crâne » des écoles institutionnelles, tant religieuses que laïques. D’où le curieux titre en « ortografe simplifiée » de l’article d’Anna MAHÉ dans L’Anarchie Hijiène du cerveau. La Mère, Éducatrice.

Comme le remarque fort justement Céline BEAUDET, dans la version modifiée de La Clairière, l’institutrice Hélène SOURICET est devenue un personnage essentiel de la colonie libertaire décrite dans la pièce. Privilégiant la vie, l’observation, le questionnement… elle refuse volontairement de « faire la classe », rejetant avec cohérence ce mode conventionnel de formation.

Sans trop généraliser et avec de fortes nuances notamment sur la réalité vécue, on peut reprendre la belle formule de conclusion de Céline BEAUDET : le milieu libre est bien une volonté de fonder « une école libertaire intégrale pour tous », la formation s’intégrant naturellement dans une vie communautaire rêvée hors de la société environnante malfaisante.
Le « Centre Culturel Juif » de Londres et l’influence de ROCKER Rudolph
Vers 1902 se fonde l’importante Fédération des Groupes anarchistes de langue yiddish du Royaume Uni et de Paris. En 1905, elle compte près de 19 groupes en Grande Bretagne dont une dizaine à Londres, surtout dans l’East End. L’influence de Rudolph ROCKER est immense depuis son arrivée en 1895, malgré sa tardive intégration au mouvement yiddish. Seul un autre émigré de dimension internationale, Rudolf GROSSMAN (dit Pierre RAMUS) lui fait de l’ombre dans le mouvement anarchiste d’alors. En 1907, sur environ 14 syndicats purement yiddish, 10 se réclament de l’anarcho-syndicalisme.
En 1906, la Fédération dispose d’un centre important à Jubilee Street. Ce Centre Culturel yiddish dispose d’une typographie, d’un centre théâtral animé par Rudolph ROCKER, de sa compagne Milly WITKOP et de MOSKOVITCH, et surtout d’une école avec Jim DICK, Nelly PLOSHONSKY-DICK et Firmin ROCKER. Le programme éducatif de la Fédération est très proche de celui que développent sur le continent les Universités populaires d’alors, d’après George WOODCOCK. François BÉDARIDA montre l’importance de ce choix éducatif, lié à l’activité syndicale, conforme à l’esprit non-violent de nombreux militants.
À la formation libertaire et forcément antiautoritaire s’ajoute une école de propagande au service de la cause. L’engagement pédagogique n’est donc qu’un axe parmi d’autres de la militance anarchiste.
Madeleine VERNET (1878-1949) et L’Avenir Social (créé en 1906-1907)
Cette action menée à Neuilly-Plaisance (puis à Épône en Seine et Oise dès 1908) doit beaucoup aux idées de Paul ROBIN. Elle est menée par Madeleine CAVALIER qui se fait appeler VERNET (1878-1949). En 1904 elle tente de créer un orphelinat coopératif rouennais, en liaison avec le mouvement ouvrier local, mais ce projet échoue. Elle se transfert peu après à Paris. Elle fait divers métiers, se lie au mouvement libertaire et néo-malthusien (Cf. L’amour libre - 1905), et écrit dans plusieurs journaux dont Le Libertaire et Les Temps nouveaux. Sa démarche éducationniste et libertaire sur le plan amoureux est repris par une disciple portoricaine, Luisa CAPETILLO : dans son ouvrage de 1913 elle a même tout un chapitre intitulé Madeleine VERNET explique.
Proche de Madeleine dans cette initiative on trouve Édouard ROTHEN, plus connu sous le pseudonyme de Charles HOTZ (1874-1937), critique d'art libertaire né en Suisse, proche des milieux individualistes et associatifs, lié à Esther DIENER (sœur de Marie KÜGEL) mais en rupture avec E. ARMAND. HOTZ est un peu plus tard également lié à La Ruche de Sébastien FAURE.
C’est seulement en 1906 qu’est créé dans un pavillon près de Neuilly-Plaisance L’avenir social Société philanthropique d'éducation mixte et laïque, dont l’ouverture se passe symboliquement un premier mai. Elle a obtenu divers appuis familiaux et également celui de son futur compagnon Louis TRIBIER. Les Statuts datent également de 1906. Dès 1907 l’orphelinat compte une trentaine d’enfants, de 3 à 12 ans, dont environ les 3/5 sont des garçons. La coéducation des sexes est donc une réalité assumée dès l’origine. Au printemps 1908 le centre se déplace à Épône (Seine-et-Oise), sans doute pour des raisons financières, et aussi pour profiter d’un plus vaste espace, mieux inséré dans la campagne.
L’éducation se veut rationaliste (donc dans la foulée de Francisco FERRER), hygiéniste et intégrale (sans doute sur ces deux derniers points Madeleine VERNET est très influencée par ROBIN dont elle connaît bien les positions, même si elle ne partage pas totalement son néo-malthusianisme). L’importance de l’entraide, de la solidarité, de l’amour dans les actes éducatifs et sociaux range notre pédagogue dans la lignée de KROPOTKINE et de Sébastien FAURE.
L’objectif, comme dans toute école libertaire, est de favoriser l’apprentissage de l’autonomie individuelle, envers et contre tous les dogmes. Cependant, l’éducation ne doit pas être laxiste, et l’orphelinat propose un programme ambitieux ; il semble que l’expérience pédagogique de l’Avenir social soit une des plus directives en milieu libertaire. L’autre fin de l’éducation est de permettre l’apparition d’un monde nouveau et plus juste. L’objectif est donc totalement révolutionnaire et utopique, ce qui transparaît dans le nom de l’institution, et Madeleine pense fermement que « seule l’éducation peut préparer l’avenir ». Elle réduit donc de fait l’œuvre purement révolutionnaire, ou en tout cas, l’accompagne d’autres actions dont l’éducation. Cependant, à la différence de FERRER, il semble que Madeleine VERNET, avec une forte volonté d’autonomie, refuse de faire une école anarchiste, au sens idéologiquement contraignant, puisqu’elle se dresse contre tous les « ismes ».
Malgré de nombreuses difficultés l’orphelinat se maintient grâce à l’appui de l’extrême gauche ouvrière de l’époque, et surtout des militants de la CGT. L’aspect proprement libertaire cède peu à peu la place à un pluralisme de pensée obligatoire vu la diversité des soutiens.
En 1914, l’orphelinat, devenu association type 1901, se présente comme une institution officielle du mouvement ouvrier français. Ce positionnement syndicaliste n’est pas étonnant, car Madeleine VERNET s’est souvent rangée pour l’éducation des fils de prolétaires par le prolétariat lui-même, vision autonome et sans doute réductrice car trop « classiste » (dirait MALATESTA) mais qui est bien en symbiose avec l’autonomie ouvrière exprimée alors par la Charte d’Amiens. Elle se dresse pour que le prolétariat conscient, non seulement éduque, mais prenne en charge les enfants prolétaires abandonnés, comme elle l’écrit en 1911 dans un ouvrage préfacé notamment par l’anarcho-syndicaliste Georges YVETOT : Les Sans-famille du prolétariat organisé.
En 1917 elle a fondé La Mère éducatrice pour diffuser ses positions pédagogiques, internationalistes et pacifistes.
L’avenir social reste globalement libertaire jusqu’en 1922/23, les communistes forcent alors Madeleine VERNET à démissionner et prennent la gestion. En 1923 l’orphelinat change de site (pour Mitry-Mory) et c’est une nouvelle déchirure pour Madeleine, coupée d’enfants avec qui elle avait gardé des rapports chaleureux, et qui, de plus, est calomniée par un communisme sectaire. La CGTU remplace la CGT comme principal soutien. L’organisme change de nom et devient l’Orphelinat ouvrier, situé à La Villette aux Aulnes (Seine et Oise).

Militante féministe, anarchiste et pacifiste elle milite durant la Guerre avec ce qu’il reste d’anarchistes internationalistes et pacifistes, aux côtés de Sébastien FAURE, dans Ce qu’il faut dire ou dans son propre organe Les voix qu’on étrangle. En 1921 elle anime la Ligue des Femmes contre la Guerre. Elle est délogée de son rôle dans cette Ligue par les communistes qui décidemment lui en veulent. Cela n’empêche pas Madeleine, logique avec elle-même, et son compagnon Louis TRIBIER, de continuer pendant la Deuxième Guerre mondiale ses activités en hébergeant résistants et parachutistes. De 1928 à 1936 elle a animé la revue pacifiste La volonté de Paix. Les influences tolstoïennes semblent de plus en plus fortes sur sa pensée.
Son féminisme ne l’empêche pas de magnifier le rôle de La mère éducatrice, comme elle l’écrit dans L’Encyclopédie anarchiste (1924-1936). Sur ce plan, sa mère aimante, attentionnée de tous les instants, idéalisée, totalement dévouée au jeune enfant est une vision peu moderne, en tout cas qui a considérablement vieilli. Son article n’est pas assez ancré dans la réalité sociale (la volonté des femmes de vivre en propre, pas seulement pour les enfants), ni dans la psychologie (une mère trop tournée vers ses enfants peut étouffer leur personnalité, les fermer au monde extérieur et bloquer leur autonomie). La mère idéale n’existe pas, c’est un être avec ses propres contradictions, ses erreurs (même faites au nom de l’amour ou du bien de son rejeton). La vision de la mère éducatrice (même si elle concerne surtout le jeune enfant) est ici utopique au sens péjoratif, et douteuse en terme d’égalité père-mère. Où est le père éducateur ?
Toujours dans L’Encyclopédie anarchiste, entre d’autres contributions, elle reprend ses positions sur l’Orphelinat et les Sans-famille en y donnant une vision encore plus d’expérimentation utopique que dans le passé. L’orphelinat proposé ressemble à une sorte de phalanstère, vivant sur ses propres productions, bénéficiant de ses propres services. Tout est pratiqué en commun, travail, entraide, éducation.
La Bonne Louise, « nid d’enfant » 1907
Parfois citée dans des ouvrages anarchistes, cette expérience semble difficile à situer. L’expression « nid d’enfant » est alors parfois utilisée et anticipe la notion de « jardins d’enfants » que les libertaires germaniques vont populariser après la première guerre mondiale, ou de « ruche » qui a alors le même sens. Le terme de « bonne Louise » est bien sûr une allusion à Louise MICHEL, parfois nommée ainsi dans des ouvrages ou articles de l’époque.


Les Bourses du Travail, Universités Libres, Nouvelles ou Populaires, Causeries populaires, Maisons du peuple, Écoles syndicales et « Athénées »…jusqu’à nos jours
Multiplicité des mouvements socioculturels pour l'enseignement populaire
Ces mouvements et organisations sont très importants au début du XXème siècle dans la plupart des pays de l’Europe Occidentale. Utilisés par différents courants socialistes et humanistes, ils sont surtout soutenus et animés par bien des libertaires, qui les utilisent comme moyens de conquête de leur «autonomie» : autonomie d'organisation, d'action, sociale et culturelle, sociétale et politique. La Bourse notamment apparaît ainsi comme une microsociété alternative aux caractères d'utopie concrète bien marqués.

Les Bourses du Travail, entre ANPE militante et centre culturel, ont bénéficié de l’engagement d’un PELLOUTIER par exemple (Cf. ci-dessus) ou d'Albert THIERRY : «il faut que l'instituteur aille à la Bourse du Travail. Oui, vraiment : il faut qu'il y aille soit pour enseigner, soit et bien plus souvent pour apprendre». Elles sont massivement dominées par le « syndicalisme d’action directe », de marque anarchiste, blanquiste ou allemaniste, par opposition à un guesdisme incarnant plutôt un marxisme assez dogmatique. Ces Bourses sentent le besoin d’aller plus loin, et sont souvent à l’origine de la plupart des Universités Populaires. Leur Fédération s’est constituée au Congrès de Saint Étienne en 1892. Elle appuie la fondation de la CGT au Congrès de Limoges en 1895. Les Bourses ont toujours été sensibles à la formation et l’autonomie ouvrière, et la plupart de leurs Congrès traitent à un moment ou à un autre de l’éducation au sens large du terme : elles apparaissent ainsi comme un «effort de culture autodidacte (…) héroïque». Ainsi en 1908 au Congrès de Marseille de la CGT, les 108 Bourses représentées abordent dans le point 2 (sur 3 points essentiels à l’ordre du jour) celui de « L’adaptation de l’enseignement aux besoins de la classe ouvrière ».

Les Unions syndicales disposent souvent de lieux adaptés aux Causeries populaires, et se dotent parfois de structures coopératives, par exemple dans le domaine de l’imprimerie : brochures et journaux connaissent ainsi une certaine autonomie. Ainsi l’Union des Syndicats du Havre en 1910 se dote d’une imprimerie coopérative. Le journal Vérités en bénéficie : son long sous-titre est intéressant par sa volonté d’autoformation, de regroupement et de pluralisme : « Organe social, économique et scientifique des Syndicats ouvriers, Coopératives et Universités populaires ».

Les Universités populaires permettent, notamment en Belgique et en France, de mettre en contacts militants libertaires, ouvriers autodidactes et professeurs libéraux, c’est à dire « l’élite du peuple et les intellectuels » comme le note avec satisfaction Alexandra DAVID-NEEL. Une bonne « éducation populaire » doit servir les ouvriers, militants ou non. Comme le remarque Gaston BORDET le mouvement est ample (près de 250 UP en France avant 1914 ?) et de très courte durée (1899-1906 pour la très grande majorité des cas) ce qu’il nomme « une floraison vite fanée ».

Le lien avec le syndicalisme révolutionnaire est souvent très fort. Comme l’exprime très bien une militante dans une pièce de Vera STARKOFF (elle même très active dans les Universités populaires), l’œuvre pédagogique des UP « est une coopération, un échange d’idées entre le conférencier et l’ouvrier ». La co-formation est bien une des bases de toute pédagogie anarchiste.
Dans de nombreux pays, et surtout en Espagne, les syndicats eux-mêmes développent des écoles syndicales. La CNT en fait un axe essentiel dès le Congrès de Barcelone en 1910, et surtout celui de Madrid en 1919.

Les athénées sont un des investissements culturels essentiels du mouvement libertaire ibérique et latino-américain, et sont omniprésentes en Catalogne libertaire. Ce sont des mouvements entre centres sociaux et clubs ouvriers ou de quartiers dont la dimension culturelle est toujours très élevée : bibliothèques, formations, cours, lectures publiques de journaux, théâtre… Bien sûr, les anarchistes ne sont pas les seuls à utiliser cette forme de militance et de convivialité culturelle et politique, mais ils en forment la grande majorité.

Les causeries populaires sont une forme d’université populaire, mais sans structure fixe ni règle précise, jouant sur le volontariat et la gratuité, et aux thématiques essentiellement libertaires. Elles sont surtout lancées à Paris par le correcteur Albert LIBERTAD (en fait Joseph ALBERT 1875-1908) et le scientifique vulgarisateur (Georges-Mathias) PARAF-JAVAL (1858-1941) dès 1902. Le premier cherche surtout à développer la propagande, le second mise plus sur les côtés formateurs et éducatifs, d’où de fortes tensions entre les deux compères. Le journal l’anarchie fondé en début 1905 est un des vecteurs essentiels de ce mouvement.
La plus célèbre concerne la Cité d’Angoulême dans le XI°, puis celle de la rue Muller dans le XVIII°. D’autres naissent plus ou moins spontanément à Paris et en province, sous forme très informelle et prioritairement militantes.
Dans la rue Grégoire de Tours le groupe La libre recherche, fondé par Victor-Napoléon Lvovich KIBALTCHICHE (dit Victor SERGE 1890-1947), anime une causerie populaire visant à réunir les diverses tendances de l’anarchisme. Il a l’appui du trimardeur Édouard FERRAND.
Exemples d’Universités populaires, souvent liées aux Bourses du Travail
Allemagne : le pédagogue libertaire Gustav LANDAUER participe fréquemment aux initiatives des Universités populaires dans sa période berlinoise, au début du XXème siècle.
Argentine : La Sociedad Luz dans le quartier de La Boca à Buenos Aires fait figure de première Université populaire. Elle est largement soutenue par la FORA et tout le mouvement anarchiste.
Belgique : Rôle important d’Élisée et d’Élie RECLUS à l’Université Libre de Bruxelles ; mais le rejet d’Élisée entraîne la création de l’Université Nouvelle en 1894, où enseigne également pendant quelques temps Paul ROBIN. L’université qui prônait une forte liberté d’expression végète jusqu’en 1914. L’anarchiste néerlandais Ferdinand Domela NIEUWENHUIS (1854-1939) a également participé aux expériences belges. Cette université compte parmi ses principaux soutiens l’écrivain libertaire BERNARD-LAZARE, qui voit en elle une vraie université « anarchiste ».
Dans les années 1970-1980, la Belgique renoue avec son histoire ancienne : des Universités ouvrières, vraies « alternatives partielles », pédagogiques et sociales, souvent liées aux théories de la pédagogie de la libération de Paulo FREIRE, se lient au mouvement alternatif et syndicaliste. Elles partent d’abord des problèmes sociaux, et adoptent une formation inductive, permettant aux apprenants de s’auto-former à partir de leurs propres vécus.
Brésil : dès 1902 se développent des Centres d’Études Sociales libertaires reposant sur un enseignement collaboratif (on dit à l’époque mutualiste). Ils s’appuient sur l’expérience ancienne de centres socialistes ou pluralistes. En 1904 se fonde à Rio l’Université Populaire d’Enseignement Libre – Universidade Popular de Ensino Livre, dont Fabio LUZ, futur anarchiste important, est un des principaux animateurs. Ce docteur en hygiène, qui donne cours et consultations gratuites, membre de « l’Académie carioca des lettres » est surtout connu pour ses romans sociaux libertaires, notamment Os emancipados en 1906. Il est également en charge de la fonction d’inspecteur scolaire (Inspetor Escolar no Distrito Federal) de 1893 à 1918. Mais le vrai animateur et le plus connu reste l’intellectuel alors anarchiste Elysio de CARVALHO (1880-1925). Cette université ne dure que quelques mois. Elle est établie dans le local du Centro Internacional dos Pintores, ce qui en accentue son caractère prolétarien et militant, à une époque brésilienne de développement du syndicalisme révolutionnaire largement d’inspiration libertaire.
Canada : évoluant entre socialistes libertaires et communistes dissidents, Albert SAINT-MARTIN (1865-1947) fonde une Université ouvrière à Montréal en 1925. Pour une dizaine d'années, elle assure le maintien d'un vent frais libertaire sur le Québec, et résiste aux tentatives de récupérations des léninistes canadiens. Elle dispose d'une bibliothèque militante. Il a l'appui fort actif de l'anarchiste d'origine française Paul FAURE, et du libre penseur Gaston PILON.
Chili : en 1901 se fonde à Santiago la Casa del Pueblo, sur initiative, entre autres, de l’italien Pietro GORI, et sur des formes qui ont déjà fait leurs preuves en Argentine. Ce centre culturel militant, lié au monde ouvrier, participe à l’auto-formation des militants et à l’essor d’une contre-culture assez pluraliste. Un des axes forts est aussi de lutter contre l’analphabétisme. Un autre siège s’ouvre à Iquique. L’Université Populaire José Victoriano LASTARRIA à Santiago doit beaucoup au kropotkinien et tolstoïen Pedro GODOY PÉREZ. Cette Universidad Popular nait en 1918 et s’appuie fortement sur le mouvement étudiant, souvent libertaire, organisé dans la FECH (Fédération des Étudiants du Chili). À Valparaiso, l'écrivain de sensibilité libertaire Víctor Domingo SILVA fonde l'Ateneo de la Juventud de Valparaíso et l'Universidad Popular dès 1901.
El Salvador : la Universidad Popular fonctionne en fin des années 1920.
Espagne : les liens avec l’École Moderne ou Rationaliste sont parfois évidents. À Valence, le romancier Vicente BLASCO IBAÑEZ est un des fondateurs en 1903 de l’Université Populaire de la ville, dans une époque où il est assez proche des anarchistes, puisqu’il va publier en 1905 son fameux roman social La Bodega. À Barcelone, l’Institut Lliure prépare nombre d’adhérents à intégrer l’Université populaire de la ville.
États-Unis : Dans les années 1960, l’Alternative University de New York est un modèle d’université libre. L’anarchiste Murray BOOKCHIN y enseigne, avant de fonder l’Institute for Social Ecology dans le Vermont qui est libertaire par la thématique autant que par son mode de fonctionnement.
Dans une période récente, l’anarchiste John CLARK qui milite pour une éducation alternative aux États-Unis (essai de lycée autogéré, écoles coopératives, présidence du Centre de Développement Coopératif…) participe à l’Université libre de la Nouvelle Orléans, qui sans être une Université populaire, rappelle un peu l’expérience belge au début du XX°.
France : Comme on l'a déjà écrit, l'idée des Universités populaires vient de loin, notamment dès 1865 avec les projets de Paul ROBIN sur Brest. La première UP serait celle du faubourg St Antoine à Paris, en octobre 1899 : elle s’appelle Coopération des idées (reprenant le nom de l’association fondée par Georges DELHERME en 1898 dans la rue Paul Bert) ; le nom évoque tout un programme aux relents libertaires évidents. En effet les anarchistes, surtout ceux organisés dans les Bourses du Travail, sont souvent à l’origine du mouvement des Universités Populaires, surtout à Montreuil, à Grenoble (avec Charles ROBERT et Gustave HENRY) ou au Foyer du Peuple dans le XVIII° arrondissement.
Georges DEHERME (1870-1937), le principal fondateur, fut anarchiste dans sa jeunesse comme beaucoup d’ouvriers typographes (de 1884 à 1887 affirme Caroline GRANIER), et toujours tenté par l’utopie : pour lui l’Université Populaire devait être « le creuset de l’homme nouveau ». Au Havre la Bourse du Travail, fortement influencée par anarchistes et allemanistes, est inaugurée en 1898 dans le vieux Cercle Franklin (créé lui en 1876).
Il semble que celle de Besançon (Enseignement supérieur pour tous) de 1899-1900 à 1908 doive également beaucoup aux ouvriers de la Bourse du Travail et de la Fédération ouvrière locale et à l’universitaire proudhonien Édouard DROZ. «La Fédération (est) le bras armé de l'Université populaire» locale. Le succès est immédiat, se compte par plus de 2446 inscrits entre 1900 et 1906, à 43% ouvriers, et à 45% de femmes, ce qui offre de très beaux pourcentages. Les 25 et 26 juin 1904, l’UP bisontine offre de grandes fêtes en l’honneur des deux grands socialistes de la ville : FOURIER et PROUDHON.
Comme nous l’avons déjà noté, James GUILLAUME, l’ancien responsable de la Fédération Jurassienne, s’occupe de l’Université Populaire du XIV° arrondissement à Paris. Mais les anarchistes délaissent souvent cette institution dès qu’elle s’institutionnalise, ou qu’elle perd le caractère militant et émancipateur du début. Parmi les principaux anarchistes et libertaires qui ont soutenu le mouvement on trouve encore Jean GRAVE, Georges YVETOT, Fernand PELLOUTIER, Charles MALATO, Han RYNER, Pierre MONATTE, Émile MASSON (tentative d’UP sur Loudun vers 1900), le philosophe Félicien CHALLAYE (UP de Laval) et PATAUD... c’est à dire presque tous les principaux leaders de l’anarchisme et du syndicalisme-révolutionnaire ; seul le sceptique Paul DELESALLE est notable par ses critiques. Le Breton MASSON (1869-1923) est l’ami de Sylvain PITT (1860-1919), secrétaire de la Société des Universités Populaires, et proche des libertaires.
En Touraine, un mouvement assez proche, L’Union Populaire pour l’éducation populaire, animée par Victor COISSAC, « socialiste anarchisant » dispose de l’appui d’E. ARMAND pour organiser cours et « causeries », notamment sur l’émancipation féminine.
Ce lien avec le féminisme est également mis en avant par Vera STARKOFF, militante des U.P., et auteure de pièces militantes, dont L’amour libre de 1902 qui place les protagonistes dans une discussion animée au sein d’une Université Populaire.
En France toujours, les U.P. ne se limitent pas aux cours et discussions, mais favorisent le théâtre libre comme celui d’Henri DARGEL au faubourg St Antoine, le Théâtre de la Coopération des Idées, qui, d’après Caroline GRANIER, aurait compté le jeune Louis JOUVET parmi ses membres.
En France presque toutes les Bourses du Travail (BT) d’avant 1914, et liées structurellement avec la CGT depuis le Congrès de Montpellier de 1902, proposent des cours professionnels ou de culture générale, et assument un rôle d’éducation ouvrière (conférences, bibliothèques, débats…) dans la lignée de ce que souhaitait l’anarchiste Fernand PELLOUTIER. Même lorsqu’elles ne sont pas dominées par les libertaires, ce rôle éducatif et formateur est essentiel : en 1910, 131 BT sur 141 possèdent une bibliothèque ; en 1900, 119 cours sont recensés dans ces BT pour près de 5 000 personnes. La formation strictement professionnelle domine, mais les conférences, représentations théâtrales, et quelques cours sur hygiène, féminisme, néo-malthusianisme, antimilitarisme, espéranto, droit ouvrier et bien sûr éducation libertaire (Cf. l’omniprésent conférencier que fût Sébastien FAURE)… rappellent que le rôle d’émancipation sociale et donc de volonté utopique de favoriser la venue d’un monde nouveau est partie intégrante de ce mouvement. Comme le note Daniel COLSON dans sa Préface au livre de David RAPPE, « avec les BT les ouvriers français entreprennent de créer une contre-société, de construire dès maintenant – sans attendre des lendemains qui ne devaient pas beaucoup chanter – un monde émancipé dont ils perçoivent alors tous les possibles ». La dualité des BT, comme celle de tout l’anarcho-syndicalisme et du syndicalisme révolutionnaire est donc bien « de répondre aux besoins immédiats de la classe ouvrière tout en préparant la société future » : c’est donc bien comme il le répète dans sa conclusion « un lieu d’action et d’élaboration de la société future ».

En France parmi les expériences plus récentes, l’Université Nouvelle de Vincennes (le CUEV - Centre Universitaire Expérimental de Vincennes), de 1968-699 à 1980 environ est un bel exemple de liberté et de pédagogie libertaire et ouverte. Son transfert à Saint Denis en 1980 marque sa fin. Issue de l’esprit libertaire de mai 1968 qui « carburait à l’espoir et à l’utopie » et qui mêlait volontiers atypie et utopie, elle ouvre en janvier 1969. Le pouvoir d’alors se sent certainement obligé de lâcher un peu de lest dans un monde universitaire encore en ébullition, en pleine « effervescence », et espère peut-être piéger les contestataires en les enfermant dans un ghetto isolé ?
Cette exception française sert de mini laboratoire, mais aussi de refuge pour un grand nombre de penseurs critiques et pour des étudiants qui souhaitent poursuivre le rêve soixante-huitard. L’esprit de mai s’y installe comme chez lui : « ce fut une expérience extraordinaire d’enseignement hors-norme, une sorte de communauté étudiante unique, où les cours n’étaient pas dissociés de la recherche, de a discussion, en dehors des programmes académiques imposée et de toute idée de sélection » rappelle avec nostalgie René SCHÉRER. Cela ne l’empêche pas d’être critique sur les interruptions systématiques ou sur l’intolérance de quelques groupes gauchistes stupides, avec une forte emprise du maoïsme dans sa version « spontanéiste ».
L’université de Vincennes accueille étudiants et non-étudiants, tous les âges s’y côtoient dans un joyeux mélange, ce qui n’exclut pas un travail sérieux de réflexion. Le bac n’est pas obligatoire, ce qui accentue la diversité des auditeurs. Les discussions, conférences et cours sont ouverts la plupart du temps. Les cours magistraux laissent la place la plupart du temps à des petits groupes plus conviviaux. En dehors des cours et des amphithéâtres, tout un ensemble d’animations se succèdent, de marchés plus ou moins légaux qui évoquent les souks maghrébins, aux happenings du Living Theatre qui y passe de longs moments.
Les enseignants y sont traités sur un pied d’égalité, les charges et les salaires étant le plus souvent harmonisés.
De nombreux intellectuels d’esprit frondeur, utopistes, autogestionnaires ou libertaires s’y installent pour un bout de route, y compris des étrangers qui y sont bien accueillis. Pour Édouard LAUNET, l’esprit sartrien y côtoie le structuralisme décliné sous toutes ses formes et un marxisme curieusement tout à la fois orthodoxe et ouvert.
Dans le domaine philosophique et sociologique, la richesse est très grande : Hélène CIXOUS (qui semble le vrai moteur en 1969), Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI, René SCHÉRER et Guy HOCQUENGHEM, Michel FOUCAULT, Jacques RANCIÈRE, François CHÂTELET, Georges LAPASSADE, Alain BADIOU…
Des pédagogies alternatives et autogestionnaires s'y expérimentent ; Michel LOBROT y est professeur depuis 1970.
De nouvelles thématiques sont développées : département de linguistique (présence forte de Noam CHOMSKY), séminaire sur le cinéma avec GODARD, liens avec le groupe sur les prisons, séminaire de sexologie critique, premiers cours sur le féminisme, par exemple.
Des départements scientifiques (informatique, mathématique…) apparaissent et contribuent à limiter le cloisonnement entre les universités. Le meilleur exemple semble être le GAIV - Groupe Art et Informatique de Vincennes.

Au début du XXIème siècle, le philosophe libertaire français Michel ONFRAY décide de sortir de l’Éducation Nationale, et de renouer avec les Universités populaires, libres et ouvertes, hors des carcans de l’État et des règles de fonctionnement traditionnels (diplômes, obligation scolaire…). L’Université Populaire de Caen, qu’il anime avec d'autres, se fonde en 2002. Dans son ouvrage de 2004, ONFRAY, en minimisant trop les aspects collectifs et sociaux, rappelle et confirme que « la perspective de l’Université populaire n’est pas révolutionnaire au sens marxiste du terme, mais libertaire : elle crée des occasions de liberté et de libération personnelle. Car seule la construction d’un individu radieux, souverain, solaire et libertaire est réellement révolutionnaire ».
Sur un modèle semblable apparaissent entre 2003-2006 celles de Narbonne, Lyon, Avignon, Saint-Brieuc, Perpignan, Montpellier et une équipe se met en place sur Toulouse en 2007. Comme le rappelle un des animateurs de celles du Sud-Est, Michel TOZZI, ces UP sont « dans la lignée des courants de l’Éducation populaire, (et renouent avec) l’utopie de mettre les savoirs dans les mains du peuple, avec la difficulté de le faire effectivement venir. Pas de prérequis, de cursus, de niveau, d’examen et une formation de qualité universitaire. Pas de frais d’inscription pour participer et bénévolat des animateurs. Un îlot de gratuité dans un océan de capitalisme. Une forme de militance moderne, avec de la culture, et non une carte, à la clef ». L’utopie libertaire réapparaît à l’orée du XXI° siècle.

Toujours en France d'autres universités populaires, ou centres de formation, ou cafés-débat (d'histoire, de philosophie…) pour adultes se développent rapidement à l'orée du XXI° siècle. La fédération la plus diffusée semble être l'AUPF - Association des Universités Populaires de France. Son président, Denis RAMBAUD, est tout à fait dans la lignée des UP imprégnées d'autodidactisme libertaire d'il y a un siècle quand il affirme que derrière le sigle d'université populaire «nous retrouvons une volonté de partage du savoir pour permettre à chacun de forger ses propres outils pour conforter son libre arbitre (…) et ce type d'éducation contribue à l'émancipation des citoyens».
Dans ma petite Haute-Saône, les Universités ouvertes sont fort bien accueillies, et toujours font salle comble. Chez mon accueillant ami Antoine SIMONIN (ancien professeur de philosophie), dans sa belle demeure qu'il a rénovée à Montcourt (70500), se tiennent des conférences-débat très sympathiques, agrémentées d'activités artistiques et de bonne chère. J'y ai contribué ces dernières années (2008-2010) notamment sur l'anarchisme aujourd'hui, le fouriérisme ou sur les expériences d'utopies libertaires sud-américaines, et c'est toujours un vrai plaisir d'y participer.

Italie : l’infatigable Luigi MOLINARI (1866-1918) anime la revue italienne « Università popolare » au sous-titre éloquent « organe de toutes les institutions libertaires d’éducation du peuple », depuis 1901 jusqu’à sa mort en 1918, d’abord à Mantoue puis à Milan. En 1913, elle ajoute un autre sous-titre Bulletin bimensuel de l’École Moderne Francisco FERRER. Les diverses universités populaires, souvent liées comme en France aux Bourses du travail, aux Chambres syndicales... connaissent une bonne participation anarchiste. L'Université populaire d'Ancône s'ouvre en décembre 1909, suite aux mouvements pro-FERRER très forts dans les Marches ; dans la province, au moins 8 cités comprennent des groupes anarchistes portant le nom de FERRER, et c'est sans compter les groupes éducatifs ou rationalistes qui font de même.
Pérou : en 1920 l’Université Populaire « Manuel GONZÁLEZ PRADA » est très fréquentée par les anarchistes, relativement influents avec l’importance du Congrès Ouvrier de Lima tenu cette même année.
Portugal : comme dans l’Espagne voisine, athénées, Universités populaires et Centres culturels développent les idées de l’éducation libertaire. En 1927, à Gaia, un effort de coordination se produit avec la création de la Fédération des Écoles et des Bibliothèques Sociales. En milieu syndicaliste révolutionnaire (CGT), dans les années 1910-1920, se développe une forte propagande en faveur d’écoles syndicales (pour enfants et pour adultes), notamment lors du Congrès national de Covilhã en 1925. Certains syndicats construisent eux-mêmes locaux ou bâtiments nécessaires (travailleurs du liège de Silves, marins de Setúbal…) ou font des locaux communs à d’autres associations (Cf. commission scolaire de Belém). Le mouvement anarchiste portugais du début du XX° siècle place l’éducation à une haute place, comme en témoignent les 113 groupes sur environ 700 qui « possédaient une école ou qui se consacraient à une activité d’enseignement ». Des Universités Libres se créent à Porto, Lisbonne et Coimbra, alors que l’Université Populaire Portugaise est largement ouverte aux pédagogues libertaires.
Royaume Uni-Pays de Galles : sans être vraiment libertaires, les UP du Pays de Galles ont l’intérêt de s’appuyer sur une tradition assez ancienne et sur le mouvement ouvrier local, surtout celui des mineurs. Émile MASSON les connaît bien et fait tout pour faire connaître l’University of Wales de 1893 qui rayonne sur des « collèges » à Aberystwith, Cardiff, Bangor… Les mineurs contribuent largement à sa création.
Uruguay: une Universidad Popular est fondée par des étudiants, dont des anarchistes, vers 1937-38 à Montevideo. Luce FABBRI se souvient de l'intellectuelle et pédagogue libertaire Inés GÜIDA DE IMPEMBA (1914-1988) qui y participe.


Essais pédagogiques libertaires de l’entre deux-guerres
« L’Enfance Heureuse », une « société populaire d’éducation » aux teintes libertaires
Juste après la Première Guerre mondiale, quelques syndicalistes, féministes et pédagogues, souvent marquées par l’esprit libertaire, fondent un foyer éducatif pour enfants de 5 à 13 ans : L’Enfance heureuse, « société populaire d’éducation ».

Nelly ROUSSEL (1878-1922), ancienne militante proche de l’anarchisme et résolument favorable à l’amour libre et à la « grève des ventres » en décrit ainsi l’état d’esprit : « former des êtres sains et libres, capables de penser, de sentir, de vouloir ». Parmi les fondatrices on trouve la pacifiste Marguerite THÉVENET (1879-1962), la compagne d’Alfred (GRIOT) ROSMER, et Simone RIHOUËT.
En 1910 Marguerite THEVENET s’occupe déjà des problèmes enfantins, et dirige une colonie de vacances pour enfants parisiens, située à l’angle des rues de la Champagne et de la Chaussée de l’Étang à PERIGNY-sur-YERRES. Après son retour d’URSS, en 1923, elle achète « une remise de maraîchers, accolée à cette colonie, qui deviendra après aménagement La Grange ». Ce lieu sert comme ainsi de centre de vie et de local politique, de plus en plus tourné vers le trotskysme.
Simone RIHOUËT est une amie et admiratrice d’Elsie et d’Émile MASSON, anarchistes de Bretagne.
MASSON rend hommage à ces femmes et à leurs initiatives politiques et éducatives dans son roman inédit de 1920 L’anneau de rubis. Il y décrit une « École nouvelle bretonne », empruntant à FERRER, RECLUS et TOLSTOÏ. Cette institution est libre, autonome. Elle pratique l’éducation intégrale, et se veut résolument ouverte, notamment sur l’aire anglo-saxonne si chère à l’auteur, brillant angliciste et compagnon d’une galloise.

Les méthodes actives et l’ouverture y sont la règle. Les activités culturelles sont nombreuses : chants et théâtre, visites de musée, etc. L’ouverture se traduit par l’importance des langues étrangères, les visites d’usines, etc. La formation intégrale intègre bien sûr les travaux manuels.
Il semble cependant qu’il s’agisse d’une école liée au mouvement ouvrier et plutôt communiste. L’influence de la conversion des ROSMER aux thèses moscovites y est sans doute pour beaucoup. En tout cas les enfants défilent parfois drapeau rouge déployé lors des fêtes militantes. Les MASSON, et la libertaire ROUSSEL, s’en offusquent, cette dernière tonnant «  « ces jeunes cerveaux, camarades, ils ne vous appartiennent pas. Vous n’avez pas le droit de les confisquer ; vous n’avez que le devoir de les cultiver ».
De fait liée très vite au Parti Communiste, malgré ses méthodes ouvertes, L’Enfance heureuse quitte très vite la sphère éducative libertaire, et est très rarement analysée parmi les expériences pédagogiques antiautoritaires.




Les « maîtres camarades » de Hambourg 1919-1933 et leurs précurseurs en Allemagne et en Autriche
Pendant la République de Weimar, la Gemeinschaftsschule (Communauté scolaire) aurait regroupé près de 100 institutions, légèrement en marge de l’école publique, mais encouragée par le régime.
Elles sont incontestablement liées à la révolution allemande de 1918/1919 et à la diffusion d’idéaux pédagogiques antérieurs provenant de « l’école active » (Cf. ci-dessous). Il y a en effet des expérimentations en ce sens dès 1905 en Allemagne, comme la Arbeitsschule d’Hambourg. Ce concept « d’école du travail » doit beaucoup aux réflexions de Georg Michael KERSCHENSTEINER (1854-1932), penseur réformiste, d’origine chrétienne mais assez radical quant aux méthodes proposées.
On peut y rattacher les innovations pédagogiques entreprises par Gustav LANDAUER dans l’éphémère République des Conseils de Bavière.
Les idées d’auto-administration ont déjà été testées à Berlin par J. LANGERMANN au début du XXème siècle. Le « mouvement des Écoles nouvelles » (Landerziehungsheime) dont celle de Hermann LIETZ en Allemagne sont une des autres sources importantes, notamment par ses liens avec une pédagogie expérimentale de nette facture anarchiste (comme celle de Paul ROBIN). De multiples penseurs, souvent néo-rousseauistes comme Ludwig GURLITT à Berlin, dénoncent l’autoritarisme de l’école et peuvent servir de référence au mouvement. Le tolstoïsme (forme d’anarchisme chrétien) et ses expériences pédagogiques commencent également à se diffuser en matière éducative dans l’Allemagne d’alors. Toujours en milieu anarchiste, les idées « communautaires » de Gustav LANDAUER et de Martin BUBER exercent un grand rôle, surtout avec la participation du premier dans le mouvement révolutionnaire.

Il semble que les deux penseurs les plus féconds (pour J.R. SCHMID) sont Berthold OTTO (1859-1933) et Gustav WYNEKEN (1875-1964).
Le premier développe des idées d’éducation « naturelle » (liée à la spontanéité de l’enfant) et d’autonomie éducative (libre choix des maîtres et des matières, par exemple) dès 1906 dans son école de Gross Lichterfelde vers Berlin, la Hauslehrerschule. Il part prioritairement des besoins et des rythmes propres aux enfants. La liberté est donc bien la base de cette expérience, et les maîtres camarades sauront plus tard se souvenir de cette célèbre expérience.
Le second est connu pour sa « Libre communauté scolaire » de Wickersdorf, près de Saalfeld en 1906, qu’il a fondé avec Paul GEHEEB. Elle reprend d’ailleurs de 1918 à 1931 puis est fermée par les nazis. Le Comité des élèves et l’Assemblée générale y semblent la base d’un véritable essai autogestionnaire avant la lettre. L’historien Jean HUSSON fait de Wickersdorf une « école libertaire allemande » et rejoint J.R. SCHMID pour en faire l’antécédent principal des communautés libres de Hambourg. Le côté engagé, révolutionnaire, de WYNEKEN est en tout cas incontestable, surtout quand il propose une nouvelle culture, base du changement et d’une totale autonomie, pour la jeunesse allemande. Comme plus tard avec les libertaires d’Hambourg, les élèves de WYNEKEN sont totalement participants et acteurs de leur propre formation.
Un théoricien de premier plan s’ajoute à ceux-ci, note Francesco CODELLO : Wilhelm PAULSEN (1875-1943) avec son Die Überwindung der Schule - Réflexion sur l'école de 1926. Il serait le chef de file de cette « école solidariste » (titre en français d’une anthologie le concernant).

En 1919 on compte 4 « communautés scolaires » principales à Hambourg, et une de moindre importance, qui durent jusqu’en 1925, 1930 et pour la dernière jusqu’en 1933 lors du triomphe du nazisme. Il y en a également 2 dans la Ruhr. À Vienne en 1919 Siegfried BERNFELD (1892-1953) anime une école libertaire comparable, la Kinderheim Baumgarten ; elle utilise la psycho-analyse pour dénoncer l’autoritarisme de l’école traditionnelle. Des expériences similaires, pas forcément aussi engagées politiquement, existent à Brême, Magdeburg, Leipzig, Berlin…
Pour les militants, l’école est vue « comme une utopie réalisée ». La liberté pédagogique y est totale, et toutes les expérimentations visent à limiter voire détruire l’autorité du maître qui devient un conseiller, un « camarade », un « compagnon » disent les italiens et les espagnols. À Wendeschule, Kurt ZEIDLER semble être un de ceux qui poussent le plus loin la destruction des distances entre maître et apprenants. Les âges, les sexes, les fonctions… sont désormais mélangés, et nous découvrons une sorte de communauté scolaire de pairs, qu tente de respecter chacun(e). L’objectif est de fournir aux élèves une autonomie maximale, en les soutenant dans des pratiques de self-government et de pratiques de coopération actives. La pédagogie part de leurs centres d’intérêt, et sollicite leurs envies et leur spontanéité. La primauté des droits reconnus de l’enfant empêchent de donner à l’école une fonction d’adaptation au système ambiant. Il n’y a pas « d’utilitarisme socio-économique ». Les influences anarchistes ou anarcho-syndicalistes se manifestent dans le refus de la religion, de l’État et de tout prosélytisme politique.

Les écoles libertaires d’Hambourg ont influencé Célestin FREINET qui a visité plusieurs sites. NEILL, le futur fondateur de Summerhill connaît bien cette expérience et Etta FEDERN en a sans doute été très proche.
Les jardins d’enfants (Kinderläden) des années 1960 et 1970 s’inspirent de ces diverses expériences. Vers 1970 on en compte près de 70. C’est surtout la Kommune II de Berlin qui sert alors de référence. Mais c’est à Charlottenbourg qu’apparaît vers 1968 le 1er Kinderladen, sans doute en lien avec le SDS et le Conseil Central Pour la Libération de la Femme. Ce mouvement aux théories plutôt freudo-marxistes et lié à l’école de Francfort s’inspire également beaucoup de Summerhill. Sa pratique est nettement libertaire. Cependant c’est un gauchisme très ouvriériste (notamment le Rotkol, ou « Collectif Rouge en Éducation ») qui le récupère, en fait un axe de la lutte des classes et lui enlève ses aspects utopiques libertaires initiaux.




Etta FEDERN, pédagogue anarchiste internationaliste : Autriche, Allemagne, Espagne et France…
Etta FEDERN (1883-1951), libertaire d’origine autrichienne, se transfert à Berlin. Elle dispose d’une formation de philosophie, de littérature (à Vienne) et se spécialise ensuite en psychologie. Elle maîtrise rapidement plusieurs langues et exerce souvent le métier de traductrice, dont le yiddish. Sa famille, de lointaine origine juive, se veut totalement intégrée, et va même jusqu’à contrarier les amours d’Etta avec un aristocrate juif ! Elle devient Etta FEDERN-KOHLKAAS lors d’un deuxième mariage. Poète et romancière, elle commence à se faire un nom dans les années 1920.
Elle se lie alors à toute une intelligentsia libertaire, comme Emma GOLDMAN ou le couple Rudolf ROCKER-Milly WITKOP. Elle milite dans le syndicalisme et adopte des positions féministes révolutionnaires, notamment dans la Syndikalistischer Fraienbund - Union Syndicale Féminine qui est membre de la FAUD-AIT. Ses engagements lui amène des menaces et de graves problèmes et elle doit s’exiler, notamment en Espagne dès 1932.

Elle a dirigé en Allemagne dans les années 1920 une classe rurale comportant jardin, volière, aire d’élevage pris en charge par les élèves eux-mêmes. Elle y affirme encore cette volonté anarchiste de lier travail et étude, et de chercher autonomie et autosuffisance.
Elle applique les principes de l’enseignement intégral, mêlant toutes les formations, les jeux et les arts aux exercices physiques et aux travaux manuels. Elle est sensible également à l’éducation sexuelle, ce qui est logique pour cette militante de la procréation consciente, parfois favorable à la « grève des ventres ».
En 1923, cesse cette expérience, le propriétaire et pédagogue devenant nazi.

Dans l’exil espagnol Etta FEDERN reste anarchiste, milite dans la CNT et pour l’aide aux réfugiés antifascistes, notamment germaniques. Elle participe à sa manière à la révolution de 1936-1939 en Espagne. Elle fait partie du Groupe féministe humaniste anarchiste Mujeres Libres, qui édite ses textes et qui lui offre l’occasion de rêver encore « en son école idéale » qu’elle veut mettre au service de la révolution et de l’émancipation humaine. Elle écrit quelques articles dans la revue du même nom. Pour Mujeres Libres, elle enseigne dans la Maison de la femme travailleuse, au Paseo de Gracia à Barcelone. Elle intervient à Blanes (Catalogne) en 1937 pour soutenir 4 écoles laïques et rationalistes.

En 1938 elle repasse en France avec ses enfants. Elle participe à la Résistance dans la région lyonnaise, son fils Hans étant tué dans le Vercors, son autre fils Michael combat lui dans les Pyrénées. Elle finit sa vie à Paris en 1951.
Deux écrivains suédois ont retracé partiellement sa vie militante et pédagogique, l’anarchiste Stig DAGERMAN (dans Skuggen av ? en 1947) et Arne FORSBERG dans Utan Varaktig stad en 1948.
Les explosions de l’année 1936 et les expériences durant la Révolution et la Guerre d’Espagne 1936-39
De 1931 à 1936 la création d’écoles rationalistes est deux fois plus importante que durant la période de 1917 à 1931. Pourtant les institutions libertaires ont fort à faire face au développement de l’enseignement étatique et laïc : Cf. la loi du 6 mai 1931 qui interdit l’enseignement religieux dans l’école publique.
Les 12-14 avril 1936, en Catalogne, le Congrès des écoles libres rappelle la primauté de la liberté dans le domaine pédagogique. Il est important de rappeler que, en plus de FERRER, d’autres influences sont fécondes en Catalogne surtout et à Valence. Ainsi FREINET, MONTESSORI, CLAPARÈDE… sont souvent analysés, et à l’origine d’expériences très diverses. Le rôle de L’Institution libre de l’enseignement, animée par un non anarchiste, Manuel Bartolomé COSSÍO, est la preuve de cet important pluralisme. Parmi les disciples de FREINET, qu’ils rattachent bien sûr aux essais rationalistes, on doit mettre en avant la forte personnalité de José de TAPIA BUJALANCE, libertaire, et infatigable lutteur en faveur des écoles du monde rural (Cf. notamment sa rubrique dans le journal anarcho-syndicaliste des travailleurs de la terre í Campo !). Patricio REDONDO (connu sous le pseudonyme de Paco ITIR) tient également une place de choix.
À Madrid, la Federación Local de Ateneos Libertarios est très présente dans ce mouvement de reprise des écoles rationalistes.
Depuis le Congrès de Saragosse (mai 1936) la CNT adopte le communisme libertaire comme finalité, et voit dans la Commune libre le lieu privilégié pour développer les écoles libertaires. La formation et l’éducation, intégrales et pragmatiques, doivent auparavant aider à préparer les esprits pour faire triompher la révolution et permettre la fin libertaire attendue. L’éducation est donc à la fois un moyen et une fin de l’utopie libertaire pour les révolutionnaires espagnols. Cependant c’est bien la révolution victorieuse, et elle seule, qui pourra vaincre l’analphabétisme et rendre la culture aux classes populaires.

La révolution attendue, et longuement préparée, éclate cependant spontanément pour contrer le Coup d’État des militaires à l’été 1936. Immédiatement les initiatives spontanées vont se développer partout, et dans tous les domaines, donc y compris dans le domaine éducatif et pédagogique. Par exemple, en Aragon, comme le rappelle naïvement un commentaire de septembre 1936, une « des premières choses qui ont été prises en considération dans ce village (libéré et autogéré) fut la mise en marche des écoles, étant donné que les enfants d’aujourd’hui, qui seront les hommes de demain, doivent être orientés et éduqués comme il faut ».

En Catalogne, le 27 juillet 1936, se met en place une centrale chargée de l’éducation, le CENU – Consejo de la Escuela Nuova Unificada (Consell de l’Escola Nova Unificada), sous l’égide de la Généralité ; il influence également très largement l’Aragon voisin, du moins la zone « libérée » par les milices catalanes. Les écoles confessionnelles sont fermées. Il s’agit d’une des rares expériences mondiales d’écoles libertaires concernant surtout le primaire, à une grande échelle, dépendante de l’État : auparavant on ne dispose que de l’expérience des maîtres camarades dans l’Allemagne de Weimar. Ce lien avec l'État pose problème aux anarchistes cohérents et à de nombreux membres de la FRER-Federación Regional de Escuelas Racionalistas.
La nouvelle école unifiée, publique, pluraliste, n’est pas spécifiquement libertaire ni même rationaliste, même si ces deux axes sont très prégnants dans la Catalogne insurgée, et largement soutenus. En effet pour la mettre en place il faut réquisitionner tous les maîtres disponibles (au départ habilités par les seuls syndicats, la CNT évidemment mais également l’UGT) puisque le slogan est « pas d’enfant sans école et pas d’école sans maître ». Or beaucoup d’entre eux sont au front ou dans les milices confédérales, ce qui n’est pas sans poser de graves problèmes : la Généralité n’est, par obligation, pas trop regardante sur les qualifications et la qualité du travail fourni. D’autre part les rigueurs du conflit et le manque de moyens laissent bien des tâches scolaires embryonnaires.
Pourtant, le succès de la politique scolaire catalane pendant la Guerre civile est reconnu par tous les analystes, tellement la massification de l’enseignement et la lutte contre l’analphabétisme sont évidents. Mais les aspects anarchistes, bien réels, ne sont pas toujours évoqués.
Une partie des formations se fait en catalan, ce que n’avait pas fait FERRER et cela n’est pas sans poser quelques problèmes dans une Catalogne où les réfugiés (donc non catalans) sont très nombreux. Sans compter que tous les habitants de la région ne sont pas forcément aptes à comprendre la langue locale.
Mais la CENU voit son rôle marginalisé avec la montée du centralisme et la reprise des fonctions étatiques dès l'été 1937.

Pourtant les idées de FERRER restent souvent très présentes et les anarchistes militants y sont très influents.
De même, la CNT et la FAI, qui n’ont jamais délaissé les questions éducatives, font pression et incitent leurs militants à s’investir, comme lors de l’Assemblée nationale sur l’éducation organisée le 02 (ou le 08 selon d’autres sources) octobre 1936 à Barcelone (Cinema América). Il s’agit d’un Plenum très important, comprenant plus de 200 délégués (CNT, groupes spécifiques, athénées…) et ouvert à un public nombreux. La volonté confédérale est de soutenir toutes les écoles (rationalistes ou publiques) dans la mesure où elles visent à développer l’individu en dehors de tout dogme.
Quant à la Federación Regional de las Escuelas Recionalistas de Cataloña, ses analyses et ses interventions sont toujours bien placées. Une revue cénétiste très portée sur les problèmes éducatifs comme Cultura y acción a un large rayonnement.
Enfin, il est très important de rappeler que le responsable du CENU est l’ancien maître rationaliste (Cf. ci-dessus) bien connu Juan PUIG ELIAS (1898-1972). Il assume des charges pour le syndicat anarcho-syndicaliste, la CNT, dans la municipalité de Barcelone et prend la place de président du Conseil du CENU. En début 1938 il est même Sous-secrétaire (Conseiller) de l’enseignement public dans le gouvernement BLANCO. PUIG ELÍAS, réel adepte de FERRER, semble alors plutôt se rapprocher des idées de Ricardo MELLA sur le « neutralisme pédagogique », et donc sur le refus de l’alignement idéologique anarchisant de l’éducation rationaliste.
Aux côtés de PUIG ELÍAS se trouvent d’autres libertaires, dont le géologue Alberto CARSÍ, et les responsables cénétistes Miguel ESCORIHUELA, Juan P. FÁBREGAS et Jacínto TORYHO, soit 4 membres sur 12 dans le premier Comité directeur.
PUIG ELÍAS reste ensuite un important responsable dans les camps de concentration, dans la résistance et dans les organismes confédéraux en France, il s’exile à Porto Alegre au Brésil en 1952 où il demeure longtemps toujours très actif.

Partout, dans l’Espagne républicaine, fleurissent écoles libertaires et/où rationalistes. Elles se nomment école, académies, colonies, universités, instituts ou athénées… L’enthousiasme révolutionnaire et l’importance de « la Idea » se retrouvent dans quelques noms des nouvelles réalisations (ou anciennes renommées sous un autre vocable). Par exemple, on peut citer pour 1936 Escuela Racionalista Eliseo RECLUS, Escuela Labor (Travail) animée par Germinal PUIG ELÍAS et anciennement liée au syndicat de la métallurgie, Escuela Racionalista 19 de julio… et pour 1937 : Escuela Racionalista Aurora (Aurore d’un monde nouveau), Escuela Racionalista BAKUNIN…

Ces établissements sont pris en charge par les Athénées (sorte de centres culturels le plus souvent libertaires très présents dans la péninsule et connaissant un nouvel essor avec la révolution libertaire), les Coopératives ou institutions syndicales, les Milices et Colonnes militaires, les Communes libres, les Collectivités... D’où une extraordinaire variété difficile à présenter et même tout simplement à énumérer. Même en Catalogne, malgré le CENU, la diversité est grande, car celui-ci n’a jamais le monopole de l’enseignement.

Le développement des Athénées est particulièrement important en 1936, au point qu’une Federación de los ateneos  se met en place dès l’automne de la même année dans la région madrilène. Une de ses importantes créations est L’Instituto FERRER (juillet 1937) dans le quartier madrilène de Vallehermoso, en lien avec le Conseil Local Culturel : il compte 750 élèves lors de l’ouverture. Cet institut valide le cursus de la formation confédérale (« bachillerato confederale »).
Cette Fédération revendique près de 111 classes en fin 1938, avec 38 maîtres et 73 maîtresses, le tout pour 2 000 garçons, 2 000 filles et près de 1 300 adultes. Nous sommes pourtant à quelques mois de la fin de la guerre !
D’innombrables efforts sont faits partout pour trouver des maîtres formateurs, doter les écoles de bibliothèques et de moyens techniques, et pour leur assurer le quotidien (chauffage, habillement, nourritures…) et pour rénover ou créer des locaux adaptés. Ces fournitures et ces travaux sont souvent assumés par les collectivités ou les entreprises sous contrôle ouvrier, et parfois les aides sont débloquées grâce à l’intervention des colonnes confédérales, ou par des groupes des Jeunesses Libertaires ou de Mujeres Libres. Étables, vieux bâtiments, entrepôts, couvents… sont réquisitionnés ou récupérés, comme cette misérable bâtisse, vieil entrepôt ayant servi d’étable, et qui sert à la fois de siège au Comité et de salle de classe dans le village andalou décrit par GOMEZ-ARCOS.

Le cas des Collectivités et Communes (Municipios) est souvent évoqué: celles-ci font tout pour assumer une autogestion de la totalité de la vie locale : économie et approvisionnement, effort de guerre, santé, culture… Ainsi dans le domaine éducatif elles construisent des bâtiments, ouvrent des écoles, centres d'alphabétisation, bibliothèques, asiles (crèches ou « nids d'enfants ») pour petits… Elles font appel aux volontaires pour encadrer et coordonner, souvent des maîtres rationalistes ou des militants autodidactes. Elles organisent activités diverses culturelles pour élèves mais aussi pour tous les autres membres de la communauté : pièces de théâtre, visites, activités d'éveil, débats…
L'importance des Collectivités d’Aragon est un des secteurs les plus mis en valeur, grâce aux écrits des frères CARRASQUER LAUNED, Félix et Francisco : la plus emblématique de ces réalisations, entre Aragon et Catalogne, commence dans l’école militante de Monzón (Escuela comarcal de Militantes de Aragón), proche du village d’origine des CARRASQUER et dans une région où les écrits de l’écrivain alors libertaire Ramón SENDER, leur ami, étaient encore très vifs. Ce centre de formation, établit dans une superbe demeure bourgeoise de la rue Calderón, dépend des collectivités (on en connait 32 dans la comarca de Monzón) qui le financent et le soutiennent. Il s'adresse à une quarantaine de militants des deux sexes (de 12 à 17 ans pour la plupart), pour leur fournir la formation nécessaire aux réalités de l'heure : former des cadres pour épauler les collectivités sur tous les plans et «pour impulser la révolution en marche». La gestion administrative et économique de l'école est collective (autogérée); par contre la pédagogie est laissée en grande partie à l'initiative de l'enseignant. Cette formation est intégrale, et assure autant le développement physique qu'intellectuel. Pour les besoins économiques, elle met bien sûr en avant des disciplines disons plus utilitaires : agronomies, comptabilité… Détruite et délogée par l'offensive contre les collectivités, elle obtient l'aide du SIA français et se transforme en Grande École Sébastien FAURE.
On trouve dans le Levant une expérience de même portée, celle de l’École des secrétaires des Collectivités.
Dans la région de Moncada, toujours liée aux collectivités, se développe une Université Agricole.
Pour la Castille, un Instituto Regional Agropecuario tient la même fonction.

Le rôle des colonnes, qui préservent Collectivités, Communes libres et donc établissements scolaires libertaires est souvent important, notamment en Aragon. Les miliciens favorisent les Missions pédagogiques – Misiones pedagógicas, souvent organisées en Brigadas volantes afin de préserver et de promouvoir l’esprit libertaire dans le mouvement éducatif. C'est le rôle assumé par les fameuses Milicias contra el analfabetismo dépendantes du Conseil d'Aragon.
Partout sont fondées, y compris dans les tranchées, des centres de formation, souvent temporaires, luttant d’abord contre l’analphabétisme mais développant également d’autres formations, techniques, d’hygiène et parfois plus idéologiques. Les libertaires sont au premier plan, mais vite relayés par d’autres tendances et organisations. Cela peut être gigantesque si l’on tient compte d’un rapport des Milicias de la Cultura - Milices de la Culture de front du Centre qui en 1937, en faisant le bilan de leurs actions, parlent de 1 330 écoles édifiées dans les tranchées et les casernes, 200 émissions de radio, 178 séances cinématographiques… La Guerre se déroule vraiment sur tous les fronts, et pas seulement ceux militaires.

L’appui syndicaliste (CNT-AIT, mais aussi souvent l’UGT) est omniprésent en 1936. Il intervient autant pour les aides matérielles que pour la prise en charge de multiples formations, surtout préprofessionnelles. La CNT, malgré l'impulsion gouvernementale, participe -comme l'UGT- à l'expérience des Institutos Obreros qui permettent de former au Bachillerato abreviado para trabajadores, une formation accélérée destinée aux travailleurs. Dans la même optique, la centrale libertaire contrôle les Institutos Confederales de Segunda Enseñanza.
Cette présence syndicaliste s’amplifient en 1937, avec en juin la création de la Fédération Nationale des Syndicats de l’Enseignement de la CNT, énorme effort organisationnel pour regrouper tous les intervenants dans le domaine éducatif, et pour coordonner tous les efforts en ce domaine.
Du côté des paysans est fondée en septembre 1937 une Escuela de Secretarios del colectividades de Levante sous impulsion de la Federación de Campesinos de Levante, ce qui prouve que syndicat et collectivités ne sont pas antinomiques. Cette Fédération dispose également d'une Université Agricole sise à Moncada.
Il est à noter que l’enseignement polytechnique, ou purement préprofessionnel et professionnel, semble avoir été malgré tout paradoxalement minoré par la CNT, pour un motif idéologique évident : l’ouvrier ne se réduit pas à son travail, et la culture englobe la technique, mais ne s’y limite pas. Cette position humaniste semble un peu taillée en brèche durant le conflit, notamment avec l’impulsion donnée par des leaders nationaux, au premier rang desquels on doit place Juan PEIRO, en faveur d’un enseignement ouvrier plus orienté vers la pratique professionnelle et la dextérité technique : d’où le projet « d’écoles professionnelles, technico-industrielles ». On lui doit peut-être les appuis obtenus par les rares fermes-écoles (une importante à Barcelone) ou écoles spécialisées liées à une branche bien précise. C’est sans doute le cas, toujours à Barcelone, pour l’école créée en 1938 de l’industrie Cervecera y Maltera (brasserie et malterie) et pour la Farigola (ex-Constancia), déjà citée, qui a toujours conservé son lien avec l’industrie textile, malgré ses multiples changements de dénomination. À Madrid se fonde la Escuela Politécnica Confederal liée au Syndicat Unique madrilène des Techniciens ; elle accueille indifféremment cénétistes et ugétistes.

L’effort international ne doit pas être sous-estimé. Ainsi à Llansa dans la province de Gerona, le Comité pour l’Espagne libre de Paris a créé en 1937 une « colonie » ASCASO-DURRUTI dans un vieux château afin d’y accueillir les jeunes (de 4 à 14 ans) évacués madrilènes.
Ces colonies (ou centres d’accueil de réfugiés), sont soit familiales (l’accueil est pris en charge par les familles et le jeune réfugié devient un enfant parmi d’autres), soit collectives. Par « collectives » il faut entendre : les athénées et centres sociaux, les milices, les collectivités ou communes, les syndicats de la CNT, les associations anarchistes (FAI, JJLL, Mujeres Libres, SIA…). Ainsi en 1938, lors de son troisième voyage en Espagne républicaine, Emma GOLDMAN, membre de SIA visite 19 colonies dans le secteur pyrénéen. L'Adunata dei Refrattari de New York a lancé une souscription ; elle permet à des anarchistes dont Enrico ZAMBONINI de fonder en novembre 1938 une colonie d'orphelins de guerre L'Asilo della rivoluzione, vers l'actuel Sant Gugat (alors Pins del Valles) : la solidarité internationale fonctionne donc jusqu'au terme du conflit.
La colonie Ascaso-Durruti est collective, et vise au développement intégral des enfants : alimentation, hygiène, formations… L’objectif est d’apprendre l’auto-organisation et le sens de la responsabilité. Autour de l’instituteur Ildefonso GONZALEZ, les étrangers Pierre ODÉON et Paula FELSTEIN donnent un coup de mains pour la bonne marche du projet.

Pour la formation plus spécifiquement féminine, voire parfois féministe, on ne peut que citer l’importante présence des femmes anarchistes organisées dans Mujeres libres (existant réellement depuis avril 1936), groupement qui mêle formation professionnelle, promotion de l’hygiène, de la sexualité et de la santé, et aides au front. Le rôle important en 1936-1937 d’Etta FEDERN a été évoqué ci-dessus. Leur activité pour développer centres gynécologiques, crèches pour enfant et Centres d’accueils pour prostituées, avec l’appui de la Ministre anarchiste de la Santé, Federica MONTSENY (non membre du mouvement), est novatrice pour l’époque. La Casa de Maternidad de Barcelone est aussi, évidemment, un centre de formation. Des Instituts de formation de Mujeres Libres se fondent à Valence et Madrid, mais le plus célèbre est celui du quartier de Gracía à Barcelone : Casal de la Dona Treballadora. Les objectifs visés sont : d’abord alphabétiser massivement, puis donner une culture générale. Très vite ces rudiments sont complétés par des formations préprofessionnelles dans des Clases complementarias profesionales, avec autant que possible, des stages pratiques dans des lieux réels (infirmeries, ateliers…). Le 4° axe est ce qui se nomme Formación social, qui comprend des « cours d’organisation syndicale, de sociologie, d’économie et des conférences hebdomadaires d’application générale ».
On ne peut cependant que regretter l’écho modeste des idées féministes, et leur faible reconnaissance institutionnelle, dans un mouvement anarchiste ibérique encore paradoxalement marqué par de nombreuses formes de paternalisme.

Les groupes de jeunes anarchistes, surtout l’importante FIJL – Fédération Ibérique des Jeunesses Libertaires, sont également très intégrés dans cet effort éducatif, et fournissent animateurs, aides aux athénées et aux écoles, création de bibliothèques... En début 1937, la Fédération compterait près de 100 000 membres.
Les étudiants disposent de la Federación Ibérica Estudiantil Revolucionaria, issue de la Conférence nationales de Valence de la FIJL de fin 1937.
Les plus jeunes, et donc également ceux exilés de zones dangereuses, ou orphelins de guerre, sont pris en charge dans des colonies (d’été, ou permanentes) ou des camps de refuge. Elles sont massivement présentes en Catalogne et surtout sur la côte du Pays valencien, car jugée plus sûre pendant longtemps. CODELLO avance le nombre de 558 colonies pour environ 45 000 enfants. Certaines sont prises en charge par des institutions libertaires internationales comme SIA – Solidarité Internationale Antifasciste. Dans ces micro-milieux, les aspects d’hygiène, d’ouverture, de vie naturelle, de respect écologique, de solidarité… si chers au milieu anarchiste ibérique peuvent encore être mieux mis en pratique que dans les écoles proprement dites. En Catalogne, la Généralité prolonge l’expérience des écoles « del Bosc i del Mar - des forêts et de la mer», c'est-à-dire des centres de formation en symbiose avec la nature environnante. Le mouvement pédagogique naturiste (à tous les sens du terme) dispose de profondes racines dans cette province, et les libertaires y ont souvent été très proches. Les CARDONA citent l’expérience de Berga, dans les Pyrénées, qui abrite plus de 300 jeunes.
La jeunesse n'est ni exclusive ni isolée : ainsi l'Academia de Juventudes Libertarias y Mujeres Libres de Onteniente, créée en 1936, accueille des élèves de 6 à 50 ans. La plupart des centres culturels et sociaux dans tout le pays permettent aux différentes classes d'âges de se rencontrer et d'agir parfois en commun.

Quant aux activités et formations artistiques et culturelles, théâtres, cinéma et lectures publiques sont sans doute à leur apogée au moins dans les premiers mois de la guerre : l’énorme travail des fédérations cénétistes madrilène et catalane dans le monde du cinéma permet un essor sans précédent des créations militantes et de fiction.

Mais au sommet de l’État républicain, et dans le Ministère de l’Instruction Publique, même si les idées rationalistes sont présentes, tout est fait pour limiter l’influence des anarchistes organisés. C’est la grosse différence avec la Catalogne, où la présence anarchiste omniprésente laisse à la pédagogie libertaire toute sa chance et toute son influence.
Quelques essais antiautoritaires en URSS
Il y a eu semble-t-il quelques expériences pédagogiques liées au mouvement révolutionnaire et utopique. Avec la multiplication des communes (Kommouna) en fin des années 1910 et au début des années 1920, notamment en Ukraine, la prise en main des aspects pédagogiques est mise en avant par Éric AUNOBLE, tant dans les campagnes qu’en milieu urbain. Il est même cité un « communauté scolaire » sans doute tolstoïenne créée en 1920 à 40 km de Moscou.
Même le Commissaire du Peuple à l’Éducation d’Ukraine, Grigori GRINKO (1890-1938) se range (en 1920 encore !) dans sa Déclaration pour l’éducation sociale pour des Maisons de l’enfant, qu’il nomme « commune des enfants » et qui devront prendre en charge une « éducation sociale » en particulier pour les enfants du prolétariat. En fait ses propositions très pragmatiques évoluent et ne sauvegardent que l’essentiel « la minoration du rôle de la famille et la fusion des activités éducatives, productives et récréatives ».
Un collectif se spécialise même en « commune pédagogique particulièrement égalitaire » pour combattre « l’inertie administrative ».
Un pédagogue averti (sans doute influencé par le psychiatre moscovite ZALKIND ou surtout par les positions plus hétérodoxes et antiautoritaires d’Alexandre BOGDANOV), A.N. KAROUN cite son expérience dans une Maison de l’enfant de Kharkov de 1920 à 1924, avec une extension sous forme de colonie agricole. Des traces utopiques s’y mêle aux méthodes employées, « le collectivisme n’est pas seulement un ‘’truc’’ de pédagogue pour transformer des petits vagabonds en honnêtes citoyens, mais que la commune est bien l’embryon de la société de l’avenir ». Mais KAROUN lui-même reconnaît que « l’autogestion (samoupravlenie) n’est pas assez développée » ou trop aux mains des seuls jeunes communistes, et que l’utopie en acte reste donc bien imparfaite et mal partagée. À partir du cas de KAROUN, et avec d’autres exemples, Éric AUNOBLE a le grand mérite de nous montrer que les aspects spontanés, libertaires, foncièrement révolutionnaires des débuts de la révolution réussissent parfois à perdurer plus qu’on ne le pense, y compris parfois jusqu’aux marges du stalinisme triomphant.
Malheureusement ( ?) bien des volontés et bien des expériences se limitent bientôt aux seuls enfants errants, ou délinquants, et les colonies éducatives deviennent des « communes de travail » avec des élèves qui y sont placés autoritairement, souvent après arrestation. On rejoint un peu ici les positions d’un MAKARENKO (Cf. ci-dessous) et les problèmes posés par la réhabilitation par le travail.

Les analyses de Wilhelm REICH (très souvent analysé en milieux anarchistes) se développent en URSS, et donnent naissance à un freudo-marxisme assez proche des tentatives libertaires en milieu éducatif.
La principale expérience est menée en 1921-1924 par de Vera SCHMIDT à Moscou avec son Foyer-Laboratoire de l’Enfance qui est cité parfois dans les expériences d’asiles psycho-analytiques libertaires.
Le freudo-marxisme, dont MARCUSE relève le flambeau en fin du XXème siècle, est avec ROUSSEAU et les pédagogies anarchistes, l’une des branches essentielles des pédagogies antiautoritaires. Wilhelm REICH a visité l’école de Vera SCHMIDT et en a retenu les aspects antiautoritaires très marqués, et l’absence de tabous, notamment sur le questionnement des enfants sur les problèmes sexuels.

L’École nouvelle (Cf. ci-dessous) dispose également d’un représentant important en URSS avec Petrovitch BLONSKIJ (1884-1914). Ses idées sont acceptées au début du nouveau régime mais bien vite rejetées, au bénéfice des théories plus orthodoxes et plus autoritaires de l’ambigu MAKARENKO.
Essais libertaires de la 2° moitié du XX° siècle
L’école progressiste de Burgess Hill à Londres - années 1940
Cette école du nord de Londres compte nombre d’anarchistes : Tony WEAVER, Tony GIBSON (1914-2001), Marjorie MITCHELL… Elle pratique une pédagogie antiautoritaire.
En 1947 elle accueille la première École estivale anarchiste, organisée notamment par le psychologue Tony GIBSON. Cette expérience des écoles d’été se prolonge jusqu’en 1957, et s’étend à Liverpool en 1948, Glasgow en 1949 et l’île d’Aran la même année.
Liée au groupe Freedom Press, elle s’intéresse également aux expériences de Summerhill. La jeune et active Maria Luisa BERNERI - RICHARDS a fait une série de photographie sur l’école de NEILL.
Herbert READ fut un des directeurs de la Burgess Hill School et l’architecte et pédagogue Colin WARD un passant assidu. Avec READ l’école s’est ouverte sur l’art comme moyen de libération et d’apprentissage (Cf. son Education through art) et a pris une voie résolument libertaire (Cf. The education of free men). Dès l’année suivant la publication de Education through art) une Société pour l’éducation par l’art s’est constituée et perdure aujourd’hui.

Des pédiatres libertaires au CEIS (Rimini) dans les années 1940-1950
En janvier 1946, avec l’aide de la Suisse (personnels, baraquements, mobiliers, finances…) est fondé le CEIS - Centro Educativo Italo-Svizzero à Rimini en Italie. Une crèche (asilo) est aussitôt créée. Une école élémentaire se développe dès 1947. D’emblée l’école se veut « active », misant sur l’initiative des élèves et le respect de leur personnalité. Les maîtres mots de l’institution sont « solidarité et tolérance » et l’encouragement permanent à la spontanéité et à l’imagination enfantiles.
Les travaux collectifs sont prioritaires, et le travail est fait conjointement entre enfants et adultes, y compris les parents. Dans son article, Virgilio GALASSI évoque une école mettant en place « un socialisme libre, équilibrant individu et communauté, construit autour du travail, pour un profit réciproque ». « Chaque chose produite était faite par tous » se souvient GOBBI. La méthode utilisée est dite « globale ».
Les activités artistiques, ludiques, sportives… sont largement pratiquées, avec une idéologie de « socialisme humanitaire » (formule de GOBBI) grâce à Margherita ZOEBELI.
Les travaux manuels sont également prisés, et le centre dispose d’une menuiserie, d’une imprimerie et un atelier de couture.

Dans ce centre, des libertaires, socialistes humanistes ou marginaux (bordiguistes) et anarchistes s’y installent un temps, y placent leurs enfants, donnent un coup de mains, leurs compagnes ou compagnons participant aux diverses activités. Une communauté libertaire crée des liens affinitaires et donne un ton très particulier et chaleureux à ce CEIS qui avait déjà bénéficié de suisses plus ou moins indépendants : pédagogues adoptant les idées de PIAGET, ancien secours des antifascistes espagnols… Des anarchistes importants y passent ou y restent. On peut en lister quelques uns en s’inspirant des mémoires du premier d’entre eux, Ugo GOBBI.

Le pédiatre libertaire Ugo GOBBI (né en 1921), lui aussi de Rimini, exerce dans sa ville, à l’Aiuto Materno et à l’Hôpital civil (Ospedale Civile). Il s’est formé à Bologne : thèse en médecine à 24 ans en 1945, et spécialisation pédiatrique en juin 1947.
Il s’intègre dans le CIES dès l’été 1947 pour un grand moment (près de 30 ans ?), et tente de faire contrepoids à la DC et au PCI, alors omniprésents autour et dans le CEIS. Il y inscrit également ses deux filles et plus tard ses deux fils. Il sert de médecin d’appui jusqu’en 1951, puis devient officiellement pédiatre et médecin officiel de l’institution, « naturellement à titre gratuit » ! Il part pour Fano en 1974 après la fermeture de l’Hôpital d’enfants.
Lors de sa formation à Bologne il a milité avec des anarchistes de renom : Armando BORGHI, Tonino SCALORBI, Pio TURONNI, Carletto DOGLIO et s’est souvent opposé au PCI. Il garde la plupart de ses contacts dans ses travaux sur Rimini.

D’autres scientifiques ou pédagogues, plutôt libertaires, et des anarchistes actifs, ont été liés au CEIS, notamment Lamberto BORGHI.
De l’extérieur, le soutien de l’anarchiste Pietro (dit Rino) SPADA (Cesena et Milan) semble avoir compté beaucoup pour GOBBI, et encore plus celui de Pio TURRONI (lui aussi sur Cesena). Ce dernier venait causer avec les enfants, et construire avec eux des bordures de jardin (il était maçon de profession).
Dans la menuiserie, l’anarcho-syndicaliste Gaetano GERVASIO donne un coup de mains. Sa fille Giovanna GERVASIO est elle aussi très présente, avant d’aller s’installer sur Florence.
L’urbaniste Carlo DOGLIO place son fils au CEIS, et sa compagne Diana CENNI participe un bon moment aux activités du centre. DOGLIO est sans doute à l’origine des liens de l’architecte Giancarlo DE CARLO avec Rimini, qui offre ses services professionnels pour une construction.
Tonino SCALORBI (travaillant à un haut poste à l’Olivetti d’Ivrea) y place sa fille, et sa compagne Lina DA MARGHERITA travaille également quelques temps au CEIS.
Virgilio GALASSI, ancien compagnon travaillant à la COMIT offre son aide de temps en temps. Sa progéniture est inscrite au CEIS.
La « Walden School » en Californie depuis les années 1940-1950
Dans les années 1940-1950 la Walden Community de l’East Bay crée une école, la Walden School. Autour de David KOVEN se réunissent 4 à 5 couples, tous plus ou moins anarchisants et pacifistes : notamment les GOULD (Stan et Mary Lou), les McRAE (Lee et Alan), les WILCHER (Denny et Ida) et celui de David avec Audrey GOODFRIEND (une mathématicienne). Tous y participent bénévolement, surtout les compagnes. Chacun y apporte ses talents pédagogiques et sa pratique professionnelle (David par exemple assure les fonctions d’électricien).
L’école est résolument libertaire, du type « coopérative d’enseignants et d’étudiants ».
Comme Herbert READ au Royaume Uni, elle cherche à développer au mieux l’enseignement artistique pour assurer un meilleur développement individuel. Ida utilise ses qualités professionnelles (ballerine de danse moderne) pour développer théâtre et danse. Barbara MOSKOWITZ, céramiste, utilise le travail manuel comme principal support créatif. Alan se sert de sa formation d’architecte et profite de la présence de parents charpentiers pour monter des projets très concrets. Des soirées de conférences, d’animations culturelles, ouvrent l’école à d’autres milieux.
La pratique des excursions formatrices, notamment dans les sierras, nous renvoient aux idées lancées par ROBIN plus d’un demi-siècle auparavant.
Idéologiquement, la cohérence pacifiste et antimilitariste amène l’école à héberger le Vietnam Day Committee de Berkeley. La plupart de ses membres participent aux manifestations contre la guerre du Vietnam, et dans ses souvenirs David et Audrey placent cette action parmi les plus fécondes de son existence.
La Colonia-Comunità Maria Luisa BERNERI 1951-1962
En Italie, aux marges de l’expérience pédagogique et de la colonie de vacances se crée en 1951, dans la maison de Cesare ZACCARIA à Piano di Sorrento, la Colonia Maria Luisa BERNERI qui va héberger dans un premier temps 13 enfants liés à des familles anarchistes du monde entier. ZACCARIA, ingénieur et issu de famille aisée, donne beaucoup de son temps et de ses moyens pour faire vivre l’installation. L’autre grand donateur serait Adriano OLIVETTI.
C’est la compagne de ZACCARIA, Giovannina (dite Giovanna) CALEFFI (1897-1962) qui a tout fait pour lancer cette opération solidaire en mémoire à sa fille morte à 31 ans, la libertaire et historienne des utopies Maria Luisa BERNERI (1918-1949). Giovannina, veuve de Camillo BERNERI (1897-1937) est alors encore un des piliers de l’anarchisme orthodoxe, qu’elle a contribué à animer notamment via la revue Volontà. Elle a déjà ouvert une colonie de vacances pour enfants du Sud accueillis par des familles du Nord en 1948 et en 1949.
La colonie est soutenue par l’anarchisme britannique, dont Maria Luisa était un membre éminent. Colin WARD se rend même en Italie pour la visiter. Du côté des anarchistes italiens, Giovanna GERVASIO et Ugo GOBBI, très actifs sur Rimini (CEIS - Cf. ci-dessus) sont présents quand il le faut.
D’après Lina ZUCCHINI SCALORBI qui y réside parfois avec sa fille, la colonie compte de 20 à 25 présents.
L’expérience communautaire va durer 7 années, mais sombrer dans les déficits et dans la brouille « familiale » et politique avec l’abandon de ZACCARIA.
Giovannina n’abandonne ni la cause, ni l’expérience. Après avoir acquis un terrain dans la pinède de Ronchi di Massa (MS) en bordure de la mer, elle rouvre ce qui s’appelle la Comunità Maria Luisa BERNERI, où œuvrent 4 compagnons, mais pas la sœur de maria Luis, Giliana, qui abandonne le projet. Cette communauté persiste mais semble disparaître avec la mort de sa principale animatrice à Gènes en mars 1962.
D’après la revue A Rivista anarchica, cette colonie se trouvait en fait dans la petite villa entourée de pinède de la localité de Poveromo (commune de Marina de Massa). Les locaux semblent vendus au milieu des années 1970, et une grande partie de cette vente aurait permis la publication d’écrits choisis de MALATESTA.
La thérapie autogestionnaire de Friedrich LIEBLING (1893-1982) et les initiatives identiques de Roberto FREIRE au Brésil.
Cet autrichien, né en 1893, est un « psychologue libertaire » proche de l’anarchiste Pierre RAMUS (dont le vrai nom est Rudolph GROSSMAN ou GROSSMANN) vers 1918. Il est lié au mouvement pacifiste viennois et appartient à un groupe kropotkinien et au Bund herrschaftslosen Sozialisten-Anarchisten. Il est exilé en Suisse depuis 1938, d’abord en résidence contrôlée à Schaffhouse, où il demeure quasiment sans travail jusqu’en 1951, puis à Zurich.
C’est est un psychologue d’abord freudien, et en même temps adepte des pédagogies libertaires (ROBIN, FERRER, FAURE...) et des théories antiautoritaires (RAMUS, bien sûr mais surtout KROPOTKINE, BAKOUNINE et un peu STIRNER). Au début du XXème siècle il est élève d’Alfred ADLER dont il a retenu les idées sur la psychothérapie de groupe.
Il va appliquer quelques principes humanistes libertaires à sa thérapie autogestionnaire de grand groupe, et à la communauté de travail qu’il propose à ses patients à Zurich (au service psychologique municipal) notamment depuis 1951. Il crée une sorte d’Université Populaire de Psychologie notamment à la Rote Villa, et un centre célèbre le Psychologische Lehr und Beratungsstelle (Service de formation et de consultation psychologique). Il publie beaucoup de ses idées dans sa revue Psychologische Menschenkenntnis fondée en 1964.
Comme PROUDHON il trouve primordiale l’éducation, et son ancienne élève et disciple, Gerda FELLAY, réaffirme encore plus de 20 ans après sa mort qu’il « faut partir de l’éducation ». Comme STIRNER il place l’individu au centre.
Sa thérapie doit permettre à l’individu « d’apprendre à penser » dans un cadre libertaire évident puisqu’en « totale liberté, sans chef, sans hiérarchie et sans violence ». Cette thérapie anti-autoritaire est pacifiste, et absolument non-violente et repose sur « l’entraide comme facteur de guérison » et sur la tolérance. Pour LIEBLING, il faut toujours partir de l’affectif pour comprendre le comportement humain, et toujours encourager un climat de confiance en autrui pour lui permettre de gérer de manière la plus autonome possible ses problèmes personnels. Le collectif devient une aide précieuse (entraide ou « appui mutuel » de type kropotkinienne) et un micro-milieu solidaire favorable à la formation : c’est une communauté autonome d’individus libres et égaux entre eux. Même les psychologues et autres soignants n’y bénéficient pas d’un statut hiérarchique, cependant ils gardent un rôle omniprésent d’observation et de conseil.
Pour parfaire l’épanouissement sont tentés des expériences de jardins d’enfants, de petites groupes spécialisés, d’activités de soutien scolaire ou universitaire, et des vacances communes sont un des autres lieux de cette psychologie collective de tous les instants.
Il est mort en 1982. Pour lui « l’éthique de solidarité permet d’éviter l’échec humain. Le projet éducatif doit s’inscrire dans un sens dynamique de justice sociale et d’utopie, pour ne pas mourir de pure inanition dans une société non solidaire et hyper-capitaliste ».
Après sa mort, l’école s’est divisée, la revue à peu à peu disparue, mais son héritage a été prolongé par Gerda FELLAY et Josef RATTNER.
Les anarchistes redécouvrent sa pensée depuis quelques années, d’autant plus que l’École de Zurich apparaît comme « la plus grande école libertaire en Europe » : sur 30 ans, elle a touché plus de 2 000 personnes nous assure Gerda FELLAY.

Au Brésil, Roberto FREIRE (né en 1927 à São Paulo) développe depuis les années 1970 une thérapie de groupe autogéré qui me semble un peu comparable avec les essais de LIEBLING. Il s’agit de la « SOMA, thérapie anarchiste », qui s’inspire également beaucoup du message reichien. Le travail du groupe doit libérer les corps et la créativité, en misant sur des jeux, des mises en scènes théâtrales et sur des danses, et en privilégiant les sensations et l’émotion. Le Collectif anarchiste Brancaleone (dont FREIRE fait partie) continue cette pratique au début du XXIème siècle.
Pragmatisme libertaire & école de la libération chez le brésilien Paulo FREIRE
Au Brésil les recherches et initiatives de Paulo FREIRE (1921-1997) renouent avec l’ampleur des idéaux pédagogiques libertaires, mais avec une portée sociale et collective marquée, et qui semble prioritaire par rapport au seul développement individuel. Bien qu’issu d’une famille aisée de Récife, il garde toute sa vie la marque des bidonvilles dans lesquels il a enseigné et beaucoup fait d’animation, y compris des charges officielles avant le coup d'État de 1964. Ses visées éducatives s’adressent prioritairement aux adultes opprimés (Cf. sa Pédagogie des opprimés de 1969), mais ses conceptions pédagogiques peuvent se généraliser à tous les niveaux.
FREIRE n’est cependant pas anarchiste, ses liens pédagogiques et politiques passant d’une démocratie chrétienne progressiste (proche des idéaux de la théologie de la libération) et réformiste (au Brésil et au Chili) à un engagement tardif à l’extrême gauche (il reconnaît quelques influences marxistes et des liens avec l'école de Francfort) puis à gauche tout simplement au côté du Parti des Travailleurs, et proche de mouvements autogestionnaires et néo-zapatistes. Ces actions officielles pour divers États et gouvernements limitent donc la théorie « acracía » qu’on lui prête parfois. Cependant, ses fonctions n’entraînent ni compromission, ni reniement de ses convictions : il se dresse fermement, tel TOLSTOÏ autrefois, contre les écoles officielles, organes de domestication des individus, et cela dans tous les régimes, y compris ceux de gauche.
Cependant il est par excellence, évidemment le pédagogue du sous-développement, mais également le pédagogue de la libération et de la liberté (Cf. en 1967 L'Éducation : pratique de la liberté). Il est devenu la grande référence de tous ceux qui s’intéressent à l’éducation populaire (educação popular) et à l’alphabétisation des adultes en difficulté. Bon connaisseur des libertaires FERRER GUARDIA et Célestin FREINET, il est en amitié conflictuelle avec le mouvement d’ILLICH et les idées de HOLT. Il a participé comme beaucoup de pédagogues libertaires aux réunions de Cuernavaca, centre de rencontre fondé par ILLICH et très actif dans les années 1960. Parmi d’autres influences libertaires on peut compter dans des registres différents Martin BUBER et Erich FROMM.
Libertaire il l'est avant tout par son refus des dogmes et des systèmes figés ; son utopie refuse toute notion ou idée préétablie, au contraire il s'agit d'une utopie concrète en formation et adaptation constantes. Son pragmatisme et son réformisme vont toujours dans le même sens : permettre à des apprenants (surtout des adultes analphabètes) de se former (se «conscientiser») par des méthodes actives, liées à leurs conditions de vie, et mettant l’autonomie au premier plan. L’objectif est de former des hommes libres, et sachant se libérer pour réformer ou transformer leur société, mais qui se forment eux-mêmes, en autonomie, à partir de leurs propres capacités. FREIRE mise sur le dialogue (Cf. Pedagogia : diálogo e conflito, 1995), le questionnement (Cf. Por uma pedagogia da pergunta, 1985) la libération du discours, même balbutiant et peu structuré, pour redonner goût à l’apprentissage et à la réflexion personnelle et autonome (Cf. Pedagogia da autonomia, 1997). Dans ce cadre, FREIRE reprend les mêmes idées que les libertaires sur la validité des petits groupes, relativement homogènes, et sur le rôle de l’éducateur. Ce dernier doit surtout coordonner, inciter, mais non imposer ses méthodes ou ses idées. Il s'agit d'une pédagogie «respectueuse». Éducateurs et apprenants sont des pairs, qui pratiquent l’échange d’informations et qui juxtaposent leurs pratiques et leurs expériences. Il s'agit toujours de rapports égalitaires, «horizontaux», jamais de rapports hiérarchiques ou verticaux, et ses échanges valorisent toujours l'apprenant, l'autre, car l'éducation est forcément interactive et bipolaire. L’entraide et la coopération proposées par FREIRE renvoient à celles de KROPOTKINE, avec un même fond humaniste et optimiste, mais avec des soubassements idéologiques différenciés.
L’école doit être ouverte sur la vie, et être école de la vie, c'est-à-dire ne pas se couper de la réalité, et mieux préparer les gens à l’affronter ou à la transformer. La meilleure méthode repose sur donc sur l’interdisciplinarité et sur l’ouverture intellectuelle. Il s'agit d'une utopie réaliste au sens fort du terme, partant du réel, et notamment de la condition des apprenants : si elle s'adresse aux opprimés, il faut forcément partir de l'oppression, de comment elle se manifeste et comment on peut l'appréhender pour mieux la combattre. En cela c'est bien une utopie militante dont il s'agit.
L’utopie est chez lui très puissante, notamment dans la « pédagogie de l’espérance » qu’il approfondit surtout en fin de sa vie : « La pédagogie néolibérale combat la possibilité du rêve. Or l’impossibilité du rêve bloque l’avenir. » Cette pédagogie de l’espérance renvoie évidemment au « principe espérance » si cher à Ernst BLOCH, même s’il n’y a pas de corrélation directe : les deux penseurs renouent avec la nécessité de l’utopie et la force de l’idéal pour rendre les hommes plus heureux et transformer le monde.
Le mouvement Alternativa latinoamerica qui s’en réclame cherche à relancer les « idéaux libertaires » afin de culbuter la vie sociale inégalitaire de leur sous continent, comme l’exprime de manière radicale leur ouvrage Después del neoliberalismo - Après le néolibéralisme en 1998.
Dans la mouvance libertaire, on peut classer FREIRE proche de la pensée humaniste et non-violente, empreinte de religiosité, d’un TOLSTOÏ. Ses actions désordonnées, ses contradictions, son charisme et ses prises de positions tumultueuses ne sont pas sans rappeler BAKOUNINE.

Il a fortement influencé en Belgique un autre libertaire d’origine chrétienne, Jef ULBURGHS, qui a une lecture sociale, voire libertaire, de l’Évangile, ajoute une pratique « basiste » dans de multiples mouvements alternatifs, et une volonté pédagogique libératrice et concrète, partant toujours des problèmes concrets des apprenants. L’objectif, comme chez FREIRE, est de favoriser leur autonomie dans l’apprentissage et d’être en mesure de mieux gérer leur vie dans un sens autogestionnaire, hors des autorités réductrices.
Quelques essais d’autogestion et de réalisations libertaires récents
Il y a deux types grands d'écoles novatrices ou nouvelles :
- celles qui sont à l'intérieur du système, reconnues expérimentales globalement, ou utilisant des méthodes diverses admises par l'institution,
- celles qui se mettent hors du système (écoles sauvages, naturelles, alternatives, etc.), avec le risque qu'en faisant très souvent payer les parents, elles touchent surtout les classes aisées et les plus motivés des parents, et créent de nouvelles disparités.
Sinon on assiste parfois à une forme de déscolarisation sauvage (mais légalement reconnue en France par la l'ordonnance du 06/01/1959 sur l'obligation scolaire), des enfants restant en famille (traditionnelle ou élargie, comme certaines communautés) pour y connaître une formation quasi individualisée.
Quelques essais plus ou moins autogestionnaires en France
Le théoricien et activiste Gaby COHN-BENDIT (né en 1936) est dans ce mouvement récent une valeur forte. Avec BOUMARD Patrick, il a tenté de définir les termes, souvent confus dans ce domaine. L’autogestion pédagogique doit également beaucoup à Georges LAPASSADE au début des sixties et des seventies. Gaby préfère le terme de « pédagogie autogestionnaire », de conception antiautoritaire des rapports sociaux dans une institution autogérée. En fait sa conception pose l’autogestion comme le ferment destructeur des cloisonnements. L’autogestion englobe l’administratif, l’organisationnel, le pédagogique... « L’autogestion est d’emblée intégrale (dans l’établissement) ou elle n’est pas ». Mais il refuse l’identité autogestion = utopie, car l’autogestion qu’il propose, ici et maintenant, est ancrée dans le local, dans le microcosme, n’est qu’une brèche dans le modèle en vigueur, mais pas un mythe révolutionnaire ni même un modèle transposable. Le « grand soir pédagogique » n’existe pas ! D’autre part, en refusant un système figé, voire en refusant tout projet préétabli, il mise en bon libertaire sur « l’invention en permanence », sans barrière ni a priori. Une utopie modeste et relative, en quelque sorte…
Dans le mouvement de Nanterre (fin 1967-1968), COHN-BENDIT tout comme une bonne partie du Mouvement du 22 mars prolongent les recherches de la Pédagogie institutionnelle (Cf. ci-dessous) et reprennent l’idée forte « d’autogestion du savoir » : à la fois rejet des mandarins, auto-organisation et prise en charge collective assumée.
Gaby met aussi en avant l’objectif libertaire à atteindre : former des êtres autonomes et critiques, et faire de la désobéissance une vertu civique : Cf. son L'école doit éduquer à la désobéissance : le lycée expérimental de Saint-Nazaire en 2001.
Enfin il prône une nécessaire solidarité, y compris au plan international : en 1988 il est un des fondateurs du Groupement des Retraités et Éducateurs sans Frontières (GREF), « association se donnant pour but de faire profiter les pays en voie de développement de l'expérience d'enseignants retraités ».

Dans ce domaine ainsi délimité, le lycée d’Oslo (Forsoksgymnaset) avec autogestion par les élèves eux-mêmes, déjà ancien, reste en France une référence, ainsi que les multiples essais alternatifs et antiautoritaires depuis les années soixante et soixante-dix.
Les collectifs antihiérarchiques (CERISE, Réseau Classes Ouvertes, rôle des militants libertaires de l’École Émancipée surtout, écoles sauvages, écoles parallèles, centres alternatifs, centres innovants...) semblent réapparaître depuis les années 1980. L'ANEN - Association nationale pour le développement de l'Éducation Nouvelle, fondée vers 1970, promulgue les notions d'élève-acteur, de solidarité ou coopération, et de participation de tous à la vie démocratique de l'établissement, ce qui est très proche du mouvement libertaire. L'ANEN compte encore 6 établissements en 2009.
Au début du XXI° siècle en France la FESPI - Fédération des Établissements Scolaires Publics Innovants regroupe huit établissements alternatifs : le Collège Clisthène (Bordeaux - environ 100 élèves), le Collège Anne Franck (Mans), le Collège Pionnier de la Maronne (St Martin Valmeroux dans le Cantal), le Collège Lycée Expérimental (Hérouville Saint-Clair vers Caen), le CLE - Collège Lycée Élitaire pour Tous (Grenoble), le MicroLycée (Sénart - environ 80 élèves), le Pôle Innovant Jean LURÇAT (Paris), le CEPMO - Centre Expérimental Pédagogique Maritime (Oléron), l’école primaire de Vitruve (Paris). Le 9° établissement de la FESPI, le Collège de la 7° île (Brest) est désormais fermé. Bien d’autres établissements existent hors de cette Fédération soit dans le public, soit sous forme d’initiative privée.

On peut retenir comme expériences suffisamment importantes:
Depuis 1959, passage de la « coopérative scolaire à l’autogestion » dans l’école de Jean LE GAL en Loire-Atlantique. Dès 1964-65, il institue une forme d’autogestion dans une classe de perfectionnement pour des 10-12 ans. Militant « FREINET », il en est à l’avant-garde avec cette autogestion qu’il cherche à généraliser dès 1968.
Dès 1962, l’école primaire de Gennevilliers peut également s’y rattacher, avec l’œuvre de Raymond FONVIELLE.
Depuis 1962, l’école publique Vitruve du XXème arrondissement parisien (membre actuel de la FESPI) tente une pratique autogestionnaire, avec la participation volontaire d’une dizaine d’adultes, instituteurs pour la plupart. Ceux-ci sont pour la plupart proche de la tendance École Émancipée, aile d’extrême-gauche et souvent libertaire - et très critique pédagogiquement - du syndicalisme enseignant. La création remonte à loin, puisque l’école a été liée au GFEN - Groupe Français d’Éducation Nouvelle, au début influencé par le PCF ; en 1962 Vitruve est une des 3 écoles membres du Groupe Expérimental de Pédagogie Active du XX° Arrondissement.
Le principe de base est le respect et l’engagement de l’élève, « entreprendre pour apprendre » étant la devise affichée. L’apprentissage de l’autonomie est le but souhaité. La pratique des « classes vertes » autogérées avec les enfants est un des axes forts de l’apprentissage. L’ouverture prend en compte également des activités ludiques et culturelles : la fête foraine et le cirque (expérience du « Cirque étoilé » en 1974-1975 avec déplacement sur plusieurs semaines en représentation dans les Pyrénées), la musique, etc. Ces activités d’autonomie et d’ouverture sont souvent liées à une pédagogie de projet et de démocratie directe, ce dernier étant mené sur une période longue, une année scolaire parfois.
Les membres de l’équipe d’animation sont eux aussi en recherches d’ouverture et de prise en compte de l’esprit du temps. Par exemple l’institutrice Jeanne, l’ancienne communiste décrite par Julie PAGIS, participe aux communautés, au mouvement féministe, rejoint les LIP dans leur essai autogestionnaire, et est un des piliers du projet de Cirque étoilé.
Depuis 1965 environ existe un Conseil d’École regroupant des délégués élèves (sur le principe de la rotation) et aidé d’adultes. Cette autogestion du quotidien, parfois très limitée vue de l’extérieur, est pourtant un apprentissage lent et profond des participants, autant enfants qu’adultes. Il ne faut rien précipiter. Les Assemblées générales sont une des caractéristiques fortes de l’école.
Après 1968, le côté autonomie et respect des apprenants est encore accentué, ainsi que la volonté de permettre la formation de jeunes aptes ensuite à transformer plus harmonieusement la société. La plupart des parents des élèves scolarisés (au moins ceux du grand groupe menant l’action « cirque étoilé ») auraient participé au mouvement de mai ou à ses suites.
L’auteure de l’article note avec intérêt que le renforcement de l’engagement pédagogique d’anciens militants de mai est sans doute une forme de poursuite de la volonté utopique de changement, dans d’autres sphères, une fois les essais « révolutionnaires » mis en échec entre 1968-1973. Une bonne partie des écoles nouvelles de la période apparaissant d’après elle après 1972.
En 1963-1964 René LOURAU expérimente des pratiques de «pédagogie démocratique» au Lycée Technique de l'Aire-sur-Adour. Il tente ensuite (1964-65) des essais de pédagogie autogestionnaire à Paris au Lycée Technique Dorian.
En 1969 se monte une École en bateau, qui devient P.W. International School, pour des enfants de 7 à 14 ans (moins d'une dizaine en 1976). Le siège est à Meudon. Des croisières en Méditerranée ou des excursions sur les côtes africaines permettent une formation attractive, autour du projet de construire un nouveau navire-école. La plupart des formations sont utilitaires, liées à la navigation, aux contacts, à la géographie… Toutes les charges sont partagées. Cette étonnante initiative autour de Léo KAMENEFF n'est que tolérée par l'Éducation nationale.
En 1973 l'ACCEN - Association pour la Création d'un Centre d'une École Nouvelle s'installe rue d'Arcueil (paris XIV°) pour des jeunes de 10 à 18 ans (42 en 1976). Les groupes d'élèves et l'assistance aux différents cours est libre, chaque élève faisant ses propres choix. Cette association de type loi 1901 passe à l’autogestion en 1974. Une Assemblée générale (parents, formateurs et élèves) dispose mensuellement des pleins pouvoirs ; entre temps, il y a des réunions hebdomadaires de préparation. Bien des tâches administratives ou autres connaissent des rotations qui impliquent également les élèves. Mais bien des jeunes restent aux marges, à la fois des cours et ateliers, ou de la vie démocratique de l'établissement.
En 1973 La Barque est fondée par des parents rue de Baudricourt à Paris (XIII°), pour des enfants de 3 à 9 ans (20 en 1976). La liberté d'action et de parole des enfants semble sans limite, avec pour conséquence une faible assiduité aux activités de base, l'omniprésence des jeux pas forcément formateurs, et le rétablissement d'une certaine agressivité entre eux, avec des rapports de pouvoir qui gênent les formateurs.
En 1973 se crée le Collectif d'enfants d'Argenteuil-Houilles, pour des enfants de 2 à 7 ans (7 en 1976). Le refus des normes imposées et le jeu formateur sont au centre de l'expérience encadrée par une dizaine d'adultes non-directifs et fortement engagés à l'extrême-gauche. Les sorties sont fortement encouragées.
En 1973 apparaît Terrevigne-en-Beaujolais vers Villefranche-sur-Saône. Elle est membre de l'ANEN et touche des enfants de 3 à 11 ans (24 en 1976). En 1976 elle est sous contrat avec l'État. Les principales disciplines sont maintenues, mais contrôles et assiduité sont très lâches. Les pratiques manuelles (cuisine, jardin, jeux pédagogiques…) sont fortement encouragés. Les jeunes participent à des assemblées générales abordant tous les sujets. Les parents sont présents en appuis pour aider les instituteurs, ou faire des tâches indispensable (pour les repas par exemple).
1973 Le Tournesol vers Vaugneray dans le Rhône est également membre de l'ANEN. L'école touche les jeunes de 3 à 11 ans (52 en 1976). Des ateliers (matières ou activités manuelles ou jeux ou sorties pédagogiques…) sont proposés aux enfants, sans obligation pour ceux-ci de les suivre. La liberté semble absolue pour les enfants, ce qui a pour contrepartie de les faire peu participer à la vie de l'école, l'autogestion n'y existe donc pratiquement pas.
En 1974 l'ARE - Association pour les Relations Éducatives apparaît rue d'Arcueil à Paris (XIV°). Des parents y encadrent des enfants de 4 à 7 ans (9 en 1976). La liberté de choix des activités semble totale. Les jeux et les sorties (toutes les après-midi) sont prioritaires.
En novembre 1974 s'ouvre Autour de la Némo, Collectif d'enfants d'Orléans, sis à Saint-Lyé-la-Forêt, pour des enfants de 2 à 5 ans (une dizaine en 1976, date de la fin de l'expérience). Ce petit monde s'autogère, avec une Assemblée générale hebdomadaire. L'école tourne autour d'adultes souvent artisans ou agriculteurs, d'où l'importance de l'observation et des travaux manuels.
En 1974 la tentative d'école sauvage de Noyarey vers Grenoble échoue immédiatement du fait des tensions internes entre éducateurs et parents sur ce qu'ils pensent être l'autogestion. Elle aurait concerné un douzaine d'enfants de 2 à 5 ans.
Depuis septembre 1974 L'École et la ville, membre de l'ANEN, fonctionne rue René-Boulanger dans le X° arrondissement parisien. Elle concerne les jeunes de 9 à 18 ans (50 en 1976). La formation reste assez classique, et l'autogestion absente. Seule l'atmosphère détendue et un état d'esprit un peu libertaire, et la volonté de faire appel aux initiatives des élèves, font de cet établissement une école alternative.
En 1975 Le Har est fondé à His (Haute Garonne) pour des enfants de 3 à 14 ans (une dizaine en 1976). L'école est membre de l'ANEN. Raymond PRADINES et quelques formateurs tentent d'assurer le rattrapage scolaire par des méthodes attractives. L'internat permet l'établissement d'une vie collective, et les adultes tentent d'y inculquer les principes d'entraide et d'apprentissage de l'autonomie. Toutes les activités sont « scolarisées », de la cuisine aux mathématiques. La non directivité semble ici absente ou fortement limitée. La création d'un journal de A à Z est l'occasion de tester tous les problèmes de l'heure, y compris celui de l'autocensure… : il porte le nom fabuleux ou ironique de Mirage.
En 1975 s'établit La Mosaïque à Gez dans l'Ain, sur l'initiative de parents pour leurs enfants de 3 à 6 ans (9 en 1976). Ces « Antiéducateurs » veulent libérer les enfants des carcans scolaires, libérer leurs mains et leurs sens, afin de favoriser une auto-formation attractive qui part de leurs besoins et de leurs activités. La non-directivité s'appelle ici « non intervention ». Le jeu semble le pilier essentiel de toutes les pratiques.
En 1976 selon Luc BERNARD existe un Collectif d'enfants à Génicourt près de Pontoise.
En 1976 selon Luc BERNARD existe L'Enfant 2000, une école alternative maternelle à Issy-les-Moulineaux.
En 1982 le ministre socialiste Alain SAVARY accepte la création de 4 établissements expérimentaux, dans le cadre de l’Éducation nationale. S’ouvre alors le Lycée Autogéré de Paris (LAP), dans le XIV° arrondissement (rattaché aux locaux du Lycée François VILLON). Il est prévu pour environ 200 à 250 élèves, encadrés par 24 enseignants cooptés. Cette pratique d’autonomie éducative et de réelle volonté autogestionnaire a été voulue par son principal créateur, Jean LEVI, et idéologiquement par la plupart des enseignants. Les règles de vie et de fonctionnement sont décidées collectivement. Les Assemblées générales, avec le quorum atteint, sont souveraines, et ouvertes à toutes les composantes du lycée. Les conseils décisionnels ou «commissions» sont paritaires (élèves-équipe) et portent sur tous les sujets, de la cuisine au budget en passant par l'évaluation. L’élève y est pleinement intégré, comme personne complète, véritable citoyen de l'institution. La citoyenneté est conçue comme un «savoir vivre ensemble», donc comme une manière de favoriser des liens plus harmonieux entre des individus autonomes et le collectif scolaire. Le principe affirmé de « libre fréquentation » pose parfois pédagogiquement et démocratiquement problème. Cependant c’est un établissement public, préparant au bac, et soumis à évaluation et auto-évaluation. Comme tous les établissements, il est soumis à la réduction drastique des professeurs, ce qui pour 2011 rend très problématique sa survie.
En 1982 s’ouvre également le Lycée Expérimental Maritime d’Oléron (LEPMO) qui compte en 1995 environ 100 élèves pour une quinzaine d’enseignants. La cogestion y est plus perceptible que l’autogestion. Ce lycée repose apparemment sur une ambiguïté de départ entre les partisans d’un lycée original au sens professionnel, car centré sur les métiers de la mer, et les partisans libertaires et autogestionnaires. Ce deuxième groupe devenant assez rapidement minoritaire, l’aspect autogestionnaire reste donc fort limité, et vaincu, malgré le projet libertaire plus radical en ce sens qu’est l’EMILE en 1989. Il s’agit sans doute aujourd’hui du CEPMO Centre Expérimental Maritime d’Oléron, membre de la FESPI. Au LEPMO s'inscrivent quasi naturellement des jeunes passés par l'École libertaire Bonaventure.
Dans un des 4 projets de 1982, celui du Collège-Lycée d’Hérouville-Saint-Clair (membre de la FESPI), la notion d’autogestion est quasiment absente. Il n’a donc pas à être développé dans le cadre ici choisi.
Mais depuis 1982 c’est le Lycée Public Autogéré de St Nazaire (Centre ou Lycée Expérimental de St Nazaire) tournant avec environ 150 élèves, avec notamment Gaby COHN-BENDIT, qui est l’expérience la plus analysée. Il se rattache ouvertement à « l’esprit de 1968 », mais aussi au mouvement Freinet et à l’École Émancipée (tendance d’extrême gauche de la FEN). Le projet est centré sur l’apprentissage à l’autonomie de l’apprenant, qui choisit lui-même où s’insérer et qui participe à l’autogestion (cogestion semble un terme plus juste, et repris par beaucoup d’analyses) du quotidien et du pédagogique. Cette autogestion repose sur 4 paramètres : « participer, cogérer, contrôler et coopérer ». Un des grands intérêts de l’expérience est d’avoir pu, en la mettant en pratique dès 1982, critiquer la faible efficience de la pratique des Assemblées Générales, et le retour à un cadre « conseilliste » plus structuré à tous les niveaux. Enfin, en affirmant une position « constructiviste » donc pragmatiste et progressive, les théoriciens de l’expérimentation (Gaby COHN-BENDIT et Patrick BOUMARD) peuvent conclure que « l’autogestion n’est pas l’utopie » (au sens péjoratif ou global du terme), face au facteur essentiel de la réalité du terrain.
Dans un cadre plus limité s’est créé le Centre expérimental d’Anduze-Gard.
Depuis septembre 1993, en milieu purement anarchiste (FA et CNT surtout, mais également mouvement FREINET…), l’École libertaire Bonaventure est beaucoup plus imprégnée d’exigence idéologique, mais joue aussi sur une institution plus limitée en taille. Cette petite «république éducative» est située dans l’île d’Oléron en Charente-Maritime. C’est un microcosme (en 1998 une douzaine d’enfants de 4 à 11 ans pour moins de 10 familles) qui se réclame ouvertement de l’héritage de Paul ROBIN sur l’éducation polytechnique et intégrale, et plus précisément de Sébastien FAURE plus souvent cité. L’école est privée, mais laïque et gratuite, et non parallèle pris dans un sens hostile à l’école publique. Elle est ouverte sur le milieu social et géographique environnant et sur le milieu libertaire en général. Cette « République éducative » en bonne logique antiautoritaire est « tout le contraire d’un modèle, d’un exemple, d’une règle ou de tout autre monument aux morts du même acabit ». C’est juste un « semis parmi d’autres... » qui s’appuie sur la primauté du respect de l’enfant «comme individu à part entière», l’apprentissage de l’autonomie et de l’autogestion - notamment par le Conseil des Enfants et le Conseil des Adultes -, dans un cadre solidaire et non compétitif. La Charte insiste sur ce point : «éduquer les enfants à la liberté, à l'égalité, à l'entraide, à l'autogestion en avançant ensemble à petits ou grands pas selon le moment». Mais attention, rien ne se décrète ni ne s'impose, les principes admis par toutes et tous «se construisent chaque jour». C’est pourquoi elle est souvent présentée, à juste titre, comme « une expérience éducative autogérée » (ERMINI). Une « Assemblée Générale » mensuelle et un « Congrès » trimestriel tentent de faire le point et de réguler au mieux la pluralité des demandes et des besoins, en s’appuyant sur de multiples commissions (par exemple « Contrôle extérieur », « Finances », « Pédagogique »…). Elle dure 9 années et marque durablement l'île d'Oléron. Liée au LEPMO, et se prolongeant dans les Éditions libertaires puisque souvent ces animateurs sont les mêmes, elle reste un des rares cas réussis sur courte durée pour la petite enfance.
Sur Poitiers, le Lycée Pilote Innovant, prévu pour 500 élèves dans le cadre de l’Éducation Nationale, est parfois cité : ses méthodes sont diversifiées, mais il ne semble pas vraiment lié aux perspectives autogestionnaires.
Depuis 2005, d'abord à Mirabeau puis à St Léger (84240 GRAMBOIS) « l’école libre RECRÉÉS » se réclame du double héritage de MONTESSORI et de FREINET, et reprend tous les principes de base des écoles alternatives et libertaires, y ajoutant plus spécifiquement l’intégration des enfants en difficulté, la non violence, et l’axe écologique et environnemental. La solidarité s’exprime aussi apparemment dans des droits d’inscription modulables selon les revenus des parents. Elle est agréée par l'Éducation nationale. Elle compte 23 enfants en 2009 et emploie 3 pédagogues et 1 assistante pédagogique.

Quelques autres cas d’écoles démocratiques, antiautoritaires et libertaires dans le monde entier - Surtout fin XX° – début XXI° siècles
Dans différents pays, les Sudbory Schools sont de véritables écoles autogestionnaires. Les élèves-étudiants gèrent classes, cours, rythmes, interventions ou non des adultes… avec un fonctionnement satisfaisant, y compris pour des unités assez importantes (F. CODELLO parle d’une expérience comptant environ 300 étudiants).
Le Congrès International de l'École démocratique de Berlin en 2005 a tenté de mettre en avant les points communs de toutes ces initiatives. Une école «démocratique» fonctionne comme une école libertaire (respect de l'autonomie, méthodes adaptées, refus des sanctions…) mais dispose d'un projet social et culturel moins ambitieux.

En Allemagne, Ute SIESS est un des soutiens actifs de «l'école démocratique» Kapriole de Freiburg. Mais elle souhaite maintenir les liens entre tous les pédagogues démocrates et/ou libertaires qui œuvrent hors et dans l'école publique. Les élèves de Kapriole décident quand, où, quelle chose ils veulent étudier, et avec qui.

En Argentine, la Comunidad nº 1 (ou Comuna Uno) de San Antonio de Padua représente depuis 1972 une tentative de « garderie antiautoritaire autogérée ». Elle est fondée par des étudiants anarchisants dans un premier temps au sein de l’Université. Au départ elle concerne une vingtaine de jeunes enfants. C’est en 1974 qu’elle s’émancipe et devient la Comuna-Guardería Uno de Padua. L’autogestion implique autant les parents que les maîtres. La Commune est autant un mode de vie alternatif qu’une garderie au sens restrictif du terme. Les méthodes ludiques, de mises en scène… sont prioritairement pratiquées.

En Australie, en fin du XXème siècle, la School without Walls, école ouverte, se veut également libertaire.

En Bolivie, «l'école-communauté» indigène ayllu Warisata fondée en 1931 par Elizardo PÉREZ et Avelino SINAMI rappelle de manière étonnante les expérimentations libertaires. L'école est assumée par la communauté, et en symbiose avec elle ; si on remplace communauté par atelier, on se trouve en plein proudhonisme indigène ! Les locaux et dépendances, les formations, les finalités… sont assumées par les membres de la communauté. L'autogestion est totale. L'éducation est intégrale, l'ensemble se composant d'ailleurs d'un local, d'un atelier, et d'un jardin. Partout l'autonomie est recherchée, qu'elle soit de pensée ou économique (autoconsommation des produits fournis par les cultures, indépendance technique, etc.).
Avec cet exemple bolivien, qui s'applique à bien d'autres choix latino-américains, on comprend bien la volonté d'indépendance et de recouvrer ses propres racines ; on admire les choix quasiment libertaires et autogestionnaires pratiqués naturellement. Mais on peut être inquiet cependant que ces écoles indigènes, comme des écoles catholiques ou des écoles sectaires, ou comme un préceptorat purement familial, en ne comptant que sur elles-mêmes, s'étiolent et ne s'ouvrent pas suffisamment, voire créent à leur tour une idéologie dominante locale tout aussi fermée ou exclusive que d'autres à des échelles plus vastes.

Au Brésil, la Escola Municipal Amorim Lima (São Paulo), dirigée par Ana Elisa SIGUEIRA est proche des pratiques des écoles libertaires et se réclame de la charte des Écoles Démocratiques (Congrès International de Berlin 2005). Elle assure à la fois la formation initiale (environ 800 élèves) et la formation pour adultes (environ 90 le soir). Une centaine d'adultes forment l'encadrement, sans ségrégation entre les fonctions. La formation est totalement autonome, chaque apprenant devant seulement sur une période déterminée acquérir un certain nombre de points définis par avance : il gère ses rythmes, choisit ses ateliers ; il apprend «quand il veut, où il veut, avec qui il veut»… Toutes les parties présentes participent lors des assemblées générales au fonctionnement quasiment autogestionnaire de l'école; les enfants ont largement contribué ainsi au règlement intérieur.

Au Danemark, dans la proximité de Copenhague, l’école Ny Lilleskole présente des traits libertaires importants. C’est un milieu ouvert, où l’assistance aux cours est souhaitée mais non obligatoire. Les jeunes gèrent leur cursus et choisissent leurs activités : ils gardent l’initiative principale, mais les enseignants n’abandonnent pas pour autant leurs propres exigences ou personnalités. Les groupes sont donc informels et temporaires. Il n’y a aucune obligation stricte : ni horaire rigide, ni contrôle intempestif, ni punition (mais par contre il y a franche réprobation en cas de mauvaise conduite). Le Danemark est un bon exemple du développement de l’éducation libre, volontaire et relativement indépendante. La tradition de formation continuée, culturellement très ouverte, est un des traits marquants de ce petit pays. L’essor des « écoles libres », hors du cadre traditionnel, en présente une autre caractéristique : près de 162 écoles y sont reconnues légalement vers 1970.

En Espagne, certaines « Écoles populaires » apparues à la fin du franquisme, au milieu des années 70, et souvent inspirées par les théories de Paulo FREIRE, ont souvent misé elles aussi sur l’autonomie de l’élève, la disparition du rapport hiérarchique maître-élève/apprenant et sur des méthodes autogestionnaires. Comme elles s’inspirent également de l’héritage des tentatives espagnoles du début du siècle, de FERRER forcément..., elles mettent parfois l’accent sur l’éducation intégrale, ouverte, et sur un apprentissage collectif, basé sur l’égalité et l’entraide, et utilisant souvent les ateliers et la méthode de « l’apprentissage par l’action ». La plus célèbre est incontestablement la PROSPE à Madrid, ou Escuela Popular de Prosperidad de Madrid, qui se relie au courant libertaire, et promeut une pratique assembléiste, autour d’assemblées générales (les Comecocos) et de commissions ouvertes... L’entraide dans l’apprentissage y est assurée par les GAC ou Groupes d’Apprentissage Collectifs. Cette école est en difficulté dans les années 1990 et 2000 et résiste aux pouvoirs locaux pour subsister.
Certaines de ces écoles entre 1975-1979 (la Transición) s'intitulent Escuelas en Luchas ; à Barcelone, 3 apparaissent libertaires : Ferrer y Guardia, Soller et Pegaso.

Toujours en Espagne, une tentative eut lieu à Fregenal de la Sierra (Estrémadure) dans les années 1970. De ce premier essai est sorti une école libertaire célèbre (Una Escuela de la Anarquía) du genre de Bonaventure en France se maintient dans la zone sud avec Escuela Paideia. C’est d’abord le nom d’un collectif d’enseignants anarchistes. C’est ensuite une école privée, donc payante, fondée en 1978-1979 et animée surtout par Josefa MARTÍN LUENGO, qui accueille des enfants de 6 mois à 16 ans, répartis en 4 groupes d'âge. Il semble q'uaujourd'hui l'inscription doit se faire avant 9 ans, âge où les mauvaises idées sont déjà trop inculquées. L'école est située dans une ancienne ferme de 2 étages dans les faubourgs de Mérida, mais est menacée actuellement par la spéculation immobilière, qui transforme profondément les paysages : abandon des terres de cultures et des oliveraies au profit de maisons individuelles. L’éthique libertaire (« la ética de la anarquía ») est affirmée : respect des enfants, refus des prix et des sanctions, travaux systématiquement encouragés à être collectifs avec apprentissage de la responsabilité, développement de la solidarité et de l’appui mutuel, mais respect évidemment des individualités... Les enseignants se considèrent comme des «facilitateurs d'expériences» plus que comme des transmetteurs de connaissance.
Cependant, les enfants (58 au moment de la visite d'Isabelle FREMEAUX vers 2010) ne sont pas des rois absolus, où leur égoïsme serait systématiquement encouragé. Ce n'est pas une école du laisser-faire, d'où ses critiques des théories de NEILL ou d'ILLICH. Pour le collectif, laisser libre les enfants sans directives et contre-directives, ne peut pas mener à l'anarchie, car ils véhiculent des valeurs qui sont celles de la société environnante. Lorsque les élèves sont incapables de prendre des décisions et d'agir, ou ne suivent pas leurs propres engagements de manière autonome, le collectif d'enseignants pratique le «mandato» (qui peut être individuel ou collectif), une phase dirigiste temporaire, jusqu'à ce que le jeune se reprenne, ou que le collectif, en Assemblée générale, décide de reprendre la main. D'autre part, la vie collective, le respect de l’autre, l'égalité et ses contraintes… entraînent de nécessaires limites qui ne sont pas évacuées, mais bien affrontées directement. Cela nous évoque irrésistiblement les positions d’Émile MASSON au début du XX° siècle (Cf. ci-dessus). Les enseignants développent ainsi la curieuse notion de «manipulation» des enfants, ou de «contre-manipulation» qui choquent le lecteur non hispanophone. Eux-mêmes le ressentent et s'en expliquent. Il s'agit d'inculquer d'autres valeurs, alternatives à celles de la société elle-même, et donc donner priorité au collectif sur l'individu, tout en le respectant au maximum.
La démocratie directe sous forme d’assemblée permet de choisir librement les horaires, les formations, mais également la répartition des tâches « domestiques » pour l’entretien des locaux, le jardinage, la cuisine et la participation aux divers ateliers… L'alimentation, du jardinage et de la récolte, à la préparation des repas et à leur réalisation se fait par un groupe autonome, qui varie selon les périodes : comme chez FOURIER le «gastrosophe», une bonne alimentation et des repas en commun doivent favoriser une harmonieuse coopération.
Une méthode basée sur un apprentissage « grapho-moteur » de l’écriture est une des originalités de l’expérience. Les maîtres qui ne sont plus que des coordinateurs, ou des personnes chargées d’aider les jeunes à s’orienter, espèrent que le libre développement des apprenants sera assuré par leur initiative.
Toute l’école repose donc sur un « apprentissage de l’autogestion » à tous les niveaux. La cohérence fin et moyens se présente comme une évidence : «Les personnes qui désirent vivre l'anarchie (…) doivent démontrer que l'autogestion est possible en lui donnant une réalité pratique, et pour cela nous devons vivre autogestionnairement et devons établir un type d'éducation qui affirme une convivialité autour des valeurs d'autonomie, de liberté, de justice, d'égalité, des responsabilité social et donc de bonheur».
Au fur à mesure des années, l’école s’engage de plus en plus en faveur d’une société anarchiste et d'une révolution vue comme transformation éthique et sociale de la société, révolution non-violente où l'école justement serait à la fois un des moyens et des buts possibles. C'est pourquoi la communauté met systématiquement en avant au moins 7 valeurs principales note Isabelle FREMEAUX, tout à la fois pragmatiques et utopiques : «égalité, justice, solidarité, liberté, non-violence, culture et bonheur» ; il faut ajouter évidemment celles d'autonomie et d'autogestion, et celle de totale laïcité, la religion étant «fuera» (hors) de l'école.
L'ouvrage de 1993 est très ferme là-dessus : il faut une école la plus anarchiste possible si on veut avoir des chances d'atteindre l'anarchisme. Certains membres s’en retirent alors (années 1990), sans doute un peu sur des positions qui rappellent Ricardo MELLA au nom du « neutralisme » et de l’anti-autoritarisme idéologique - positions durement critiquées par Josefa MARTÍN LUENGO. Cependant il y a sans doute là un mauvais procès, car si MELLA réfute toutes les écoles orientées, y compris l'anarchiste, MARTÍN LUENGO affirme la même chose : il ne s'agit pas d'un bourrage de crâne anarchiste partisan, il s'agit de tenter de vivre de manière anarchiste, au sens justement de l'anti-dogmatisme et de l'autonomie les plus classiques, et donc dans la variété des expérimentations et avec des évolutions notables.

Aux ÉU, dans la foulée du mouvement digger (Cf. ci-dessous) et des communautés des sixties et seventies, la Hearth school créée à San Francisco en 1967-68 existe toujours comme école libre à tous les sens su terme. Elle est reconnue aujourd’hui comme une institution à but non lucratif en milieu éducatif. Depuis 1969, l'expérience pédagogique de l'école démocratique d'Albany à New York reste toujours en 2011 une référence pour la coéducation entre les âges et les groupes humains ; les apprenants s'organisent eux-mêmes, sans recours imposé aux adultes.
L’Alternative Education Resource Organization - AERO (Cf. des informations sur son site  HYPERLINK "http://www.educationrevolution.org/" http://www.educationrevolution.org/), recense un certain nombre d’écoles alternatives en mai 2008, qui concerne surtout les ÉU, un peu le Canada et l’Afrique du Sud.
“LList of Schools AERO Has Recently Helped to Start” :
 HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLueiYmfriqnuNZ1SKF5YsIAScSj4xb8pntEzX_B5CSNQEwrTrmFn2IQLwRyEZxjSrch42NnSP8mKPD9IIZ6kAUh4AR_72FULCGb5tA42EWP6x-nXHd4zX98uXfRiCfdBT-g=" Raleigh Progressive School (NC, U.S.A)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLucbIz5G6rMKp5OJNSrmDln5Tc4Qk6OiVi3ZC1VY0Yxer3PDqRFu-Npv0Og3wQmyKHNrv3Np9WEviq2nlhBey-m1OvySNbOI6IjLdL7ukbYGowEyb9BpY3DG" Brooklyn Free School (NY, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLufL28qUkvCpr6FHhUxwsnbzbUFn2P6ICnCxdlQ7Y_x5mXqyz0w4-SFlHURq48WTQxsx_t2AS-Z2g4JuHLDECw0Z4u0pyLNEXk8WM3EYKtHuqw==" Ridge and Valley Charter School (NJ, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLueCTPJgpx8KGfbInK2Jy-ALTpUQLtyGo27taD0XfoonLLoSWsRv-_KXbHDVbbCrANo4VN_gWoal8d0mug1wESu8-L6EBKzz-Oe5hs0HuIgoLg==" Manzanita School (CA, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLucthsbM0haJVqZZiCkds1P9jEdXhUWrwUURl2vh35gnire1a_Cn-0dMsaQfhzfXjbGtY7gThr5IMUwvCyn2iaQnrSDBaKhiemO1bAN5JM8YvdGvd68DWJcX" Golden Independent School (CO, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLufNeGrgGuOGiU-CzQ8bjSFaOTzqlJ_h7mL9clCVazX-uV6byFnzsnAeR-YxgZzQJmJw85RBPTQz2E1KEnGDOaopCBsC80h6qo_Ab5jifhGxBEp8n5V_Q__N" Wellspring School (NJ, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLueq3rbj4JCo99hkhtdrIzbJN37Gr2ciJHMQBYGLhYx7OVh8mGDCO5r2Xz5oDUUEnyKpM1rFXDEpN7HeSJAOKVGy_a4gx-O646trS0g-ReTlkw==" Nahoon Montessori School (New London, South Africa)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLuc3dJWeyo2Y_uyh1DAeo0qbFNciW7ayz3_7MAEjGxEQg4rl4EG9jPahEA-WYgsLcXILSSQSA3tL3dkh_vfj7-N0g1CbV_kh4xs=" Terry McArdle Free School (NJ, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLufCjVU2d0ORMJq0eccF8tCuJT3NCLQqR9k-shDkoZa7cQpdaS54JL-u0Oh3ROo4ooVhqIy5aKFIlph2uJiOrBFrz-hReytC7Lz4QmjRjpw3xQ==" Voyagers Learning Center (NJ, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLueRjWx14iR5VjLxHQBb9TqcG_vqBXImRjUKyJFY2nm02As2mg5ojTvmBtw_HJPV46VeF88LYRq2x54tb0SQMcYfOs5sumNoP2WKxDvOXzppSFP7TyWAxaI5" Village Free School (OR, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLucifiAkFeQhR9W8sIpiuT4kYdaAzvKHmxwgWOBAsQNrpJd85WsjI4LTswp-hxaAj_oV6XXnJdvJ9IvIVZ4iHjL5448VLSHVqcroGDNhox8rmTmr62X_dYc-" Missoula Community School (MT, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLue1q8Z7aQtvIjJPZCr-ARw9cyEnUu7oHFbyrcxRqDV5m2fbInqBqbghcztyy8ToNaaLxR6--SL4Oc8XZvna8aAjaec4OsjdsNfue1EJz0Q0H4-GHNTAWbsjJKjriYfG7-naQ3oTl3wNWw==" Hill Country Montessori (GA, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLudcTivWGvizRwg7IxhdZAeg_pGUM7GRfR1Ucze6ADZlLV1tOxJQOI-iWCQUzI93Ikry1box6EwwO2Z-RJGWCnKDIqAiytauge8YVp7WrdB0v7Nzl5pogVvN" Arch Academy (VA, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLuf2R2DebcCtWONnxWq21yDbSkAs4vR9tJbG7T4SS28fyduEflxwSjHwYig5Gvuvzvvk3qHiXrtVXMYLRXj4bcUhKcStvPseHg1elbzhgN_P7qC9K5gEVzf-" Celebration Education (CA, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLue2S8jI2w6zOLTGqsBrbQWx4x_tunR7u9Xej2rQAyZd6_sODL5i5-7i5nAKMjCT7Zkwsq9__RZ5pLX8iURuQf7QI4GhGGOaZQZrccQh_Fdf9w==" Harriet Tubman Free School (NY, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLueLVQ9JK4Grt156ZmIepAqpuaetHPMSggfM-jp2xAdwc4EkF3bDlTq_iKumM1II9GJdJ79nXfuXYhOThUZGQE7eguTJe8GrWk3LTjE2RR93azv8zmLYupvI" Foundations School (CA, U.S.A.) Espacio A (PR, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLucSKiVhyByRZTDzUxpVJuJDdGW0DkCOn-_3-eWtl4WnY_cyPZc8Pf7X0m81KeArZCoeWyw2sO33JF-e7mlLqh0f3Vub7vWqBTET_jRIyvVw6pGlLNH7Zo-W" The Discovery School (ME, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLueY_HR54kw42t5N80bORRpsUbLiA2FDlD3PiAOz5aPVM_o_t12wgqo-Y9DfAIuuxPY9nJQtqy758_eOkHaKRehwiIM0iP6ihgc=" Shenendoah Valley Community School (VA, U.S.A.) Forest School (ON, Canada)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLucT8HRsYmrrOxCeJfXbyLPfPL6ChmzN17hJuga6zxdsiYDzmLMMz2y946xogiscVYLzJJcoXuj0zRHZNdtErrRCgPt-H7BCRWT0-HaEXiYRDTeVa3F96eHqHpe5rz-RSbc=" The Central Coast Village School (CA, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLufEDBvMb8MFtnP9Bpdyqj4IRDXP5d57Sf7-_f8N_mKLr2bryE8RrP7BW80-40N4HIchaQAkiW76r7GOPJ87OJ18MZxXI9Ld2YcgjdkPP2Nq7CFzqUsRC6OL" Wheels of Life School (WA, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLucjvqAE9sMwiWNukzLH0GA18TmI6gRaAO9HgRYBQKUKEWafOUtlboH74ix2ct5d9H74Dp4FknxmkAg_3DZHxWYXr1JHr7UWBfjwb6GEO4d6Ac1KRKCdLSHw" The School Without Walls (FL, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLufvMqDq4hcOgzDJt_mxXFqk03Eq0HcntEzCxorMMEuLz3S6xfKCjYyHxYCTgUG3nr91BVc0jCIFFAKO7g1uFBC8TTBhWaDiWRS6wgtJcjcaWQ==" The Journey School and Resource Center (VT, U.S.A.) Wildwood School (BC, Canada) The Watershed Learning Center-Circleville (NY, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLuemId1Ryw9NaBGAfwMevTqdRdE0dlHdhFvfiRKvYtULlQY-sBbYH_cZdlqCjOvbqyN4uGFu3dZnzUzzRXxKBqGv5OEd_33Y0mc=" Ashuelot River Free School (NH, U.S.A.) The Whole School Limerick (ME, U.S.A.)  HYPERLINK "http://rs6.net/tn.jsp?e=001roINDcosLufyYkC8GWqS8UGmAmG9xZKQNqCrRHlrbKScBlNCfHwxDRk-O_Y9FlPLqZmYNKvYd_CaYqjtfhcGUJmEasE7wNGbGRz4ZSjVEFgE4UYA7-TtMg==" Home Life Academy (TN, U.S.A.) Liberty Learning Center (TX, U.S.A.) Laura Austin Achievement Center (NY, U.S.A.) Beacon Academy, Lafayette (IN, U.S.A.)
En Hongrie, la Carl ROGERS School de Budapest mise également sur la démocratie à base d’assemblées et de conseils pour faire vivre son institution.

En Inde, de multiples écoles égalitaristes (entre enfants quelque soit leur origine, entre enfants et adultes…) tentent de lutter contre le système des castes au sein de communautés scolaires unifiées. Elles misent sur l’apprentissage à l’autonomie, sur un rapport égalitaire maître-élève et sur un refus « laïc » des distinctions entre élèves, ce qui est encore une belle performance dans l’Inde du XXI° siècle. C’est le cas de la Anugriha Charitable School, de la Namma Shale MONTESSORI School et d’une bonne vingtaine d’autres vers 2006.

En Israël, l’école libertaire de Hadara est animée par Yaccov HECHT.

En Italie, L’Instituto Comprensivo de San Biaggio (vers Treviso) regroupe 950 élèves en 2004. Le milieu de vie est adapté et géré par tous les membres de la communauté. Les administrations sont ouvertes, et la démocratie une réalité chaque jour confirmée.
À Reggio Emilia, l’école La Villetta est une ancienne école autogérée (en 1969) devenue école communale, où les jeunes enfants sont respectés et stimulés pour devenir responsables de leurs actes et construire leur propre savoir et leur propre individualité, en misant également sur les relations avec les autres enfants, les adultes, les familles... Les idées pédagogiques libertaires sont celles de Loris MALAGUZZI. On parle de « pédagogie de la relation » et de « constructivisme » pour ce type d’école.
Depuis septembre 2010 à Cadriano (Bologne) se fonde une petite école libertaire (maternelle et primaire) pour une dizaine d'enfants, en lien avec les deux principales familles concernées qui fournissent les locaux. Elle mise surtout sur le plaisir et les motivations des enfants comme point de départ des activités pédagogiques.

Dans le Mexique méridional, les Universités de la Terre de San Cristóbal de las Casas - université maya fondée par Raymundo BARRAZA et liée au mouvement zapatiste -, et d'Oaxaca (fondée par Gustavo ESTEVA) promeuvent toute les deux des pratiques autogestionnaires et d'autonomie culturelle (indigène) et économique. Ce sont des centres de formation et de production (agricole, technique et artisanale) qui s'inspirent autant des traditions indigènes, des expérimentations utopiques du passé latino-américain, que des idées d'ILLICH.
Les écoles primaires des caracoles zapatistes s'inspirent de la même volonté d'autogestion, en faisant participer les enfants aux prises de décisions des communautés insurgées. Le caracol Oventic compterait près de 70 écoles au printemps 2007, répartis dans 8 communes rebelles et 7 autres communes «institutionnelles».

En Pologne, à Varsovie au début du XX° siècle, Janusz KORCZAK (1878-1942) dirige des instituts d'enfants, orphelinats plus ou moins autogérés. Il crée ainsi de véritable «républiques d'enfants» :  HYPERLINK "http://korczak.fr/m1korczak/realisations/les-deux-orphelinats-korczak_varsovie.html" \l "dsintro" « Dom Sierot » fondée en 1912 et  HYPERLINK "http://korczak.fr/m1korczak/realisations/les-deux-orphelinats-korczak_varsovie.html" \l "ndintro" « Nasz Dom » en 1919). Le pédagogue utilise d'ailleurs le concept de samosz (autogestion) qui sera plus tard repris par Solidarnosc. D'origine juive assumée, KORCZAK choque la Pologne de son époque en adoptant une attitude résolument laïque et en mettant au centre l'apprenant. Ce dernier doit être respecté, «aimé» pour ce qu'il est, et pris dans sa globalité, en mettant en avant ses besoins et motivations. Son engagement empathique le porte à accompagner les enfants dont il a la charge au camp d'extermination de Treblinka. Véritable héros en Pologne, il est réhabilité par le film de WAJDA Korczak de 1989.

En Suisse, l’école de Wetzikon expérimente quelques aspects autogestionnaires, mais dans un cadre qui reste globalement hiérarchique et intégré dans le système scolaire global. En fait, pendant une grande partie de leur cursus (le « semestre autogéré »), les étudiants gèrent eux-mêmes leurs formations, en pleine autonomie pour choisir les rythmes et l’alternance des matières. Mais ils dépendent d’une institution et d’examens qui eux restent gérés de manière traditionnel.
Essais et théories proches du mouvement libertaire, avec de nombreuses interactions :
« ...L’éducation libertaire fut la plus belle des victoires (de l’anarchisme), même si... du chemin reste à parcourir jusqu’à l’anarchisme, car son influence fut constante et fertile. Elle est une manifestation constructive et permanente de l’anarchisme social. Ses propositions...ont largement irrigué les réflexions et pratiques pédagogiques contemporaines » nous rappelle Hugues LENOIR.

«…on appelle autogestion pédagogique un système dans lequel la gestion des apprentissages, des programmes, des horaires, du personnel enseignant, bref de tout le système académique, est assuré par les assemblées générales composées de tous ceux qui sont concernés par les décisions.» Même si cette citation de Georges LAPASSADE de 1970 est insuffisante (il se limite au système académique, et n'inclut pas suffisamment la société globale dans le processus…), elle permet d'introduire les multiples expérimentations et théories qui suivent.

Un des meilleurs ouvrages pour présenter ces multiples courants entremêlés est celui coordonné en 2001 par TRILLA BERNET Jaume El legado pedagógico del siglo XX para la escuela del siglo XXI - Le legs pédagogique du XXème siècle pour l’école du XXIème, Barcelona, Graó, 360p, 2001 (référencé Collectif-TRILLA 2001).
Autour du mouvement de « l’école nouvelle » ou apparenté : AITKENHEAD, DEWEY, MONTESSORI, FERRIÈRE, KEY, DECROLY, PAPANEK, WASHBURNE et les autres…
Tout un ensemble de chercheurs et de pédagogues, surtout au RU, se regroupent dans le mouvement de l’École Nouvelle. Cet « enseignement » apparaît fin du XIXème siècle, mais s’affirme réellement après la Première Guerre mondiale. Il se prolonge jusqu'à nos jours, même s'il a été largement détrôné par les nouvelles tendances, qu'il a souvent anticipées : par exemple l'historien de la pédagogie, Georges SNYDERS, affirme en 1971 et 1975 que «la non-directivité, quoiqu'elle en proclame, s'inscrit dans le prolongement des méthodes nouvelles, qu'il faut partir de celles-ci pour comprendre celle là».
Par rapport à l'école traditionnelle, les divers mouvements de l'école nouvelle insistent sur quelques aspects communs :
1- lier l'école à la vie.
2- refuser les modèles contraignants et le conformisme qu'ils entraînent. Développer l'esprit critique.
3- accroître l'autonomie de l'apprenant par rapport au(x) maître(s).
4- plus miser sur les intérêts, besoins de l'enfant, bref «prendre l'enfant au sérieux».
5- faire de l'école une source de joie, de bonheur, pour en renforcer l'intérêt et l'efficacité.
6- s'appuyer sur l'imaginaire, la liberté, le sens de l'initiative des apprenants.
7- renforcer les travaux de groupes et les inter-échanges, la communication et la coopération…
8- renforcer le goût et l'usage de la démocratie.
9- pratiquer une éducation/instruction globale.

Au Royaume Uni ce mouvement naturaliste et libre, alternant travail et loisir, semble avoir été précédé par les réflexions et tentatives menées par des socialistes plus ou moins libertaires s’inspirant de RUSKIN ou de MORRIS. Ainsi l’exemple de la RUSKIN-School-Home fondée en 1900 sur la côte est de l’Angleterre a inspiré les MASSON, Elsie la gratifiant d’un article.
À Stratford en 1915 se tient le premier congrès britannique de ces écoles nouvelles : nous ne serons pas étonnés d’y trouver Lord LYTTON, romancier utopiste, comme président : il y loue « la liberté et l’auto-expression des enfants » qu’il juge préférables à l’autorité du maître. En 1920 est créée une « Association pour l’école nouvelle », et L’ère nouvelle est sa principale publication.
Ce regroupement cherche notamment à rétablir plus de liberté et d’autonomie à la fois pour le milieu scolaire et pour les apprenants. L’élève est respecté ; l’apprentissage se fait autour de ses rythmes et de ses propres besoins : c’est pourquoi on peut avancer avec Sir John ADAMS la notion de « paidocentrisme ». Elle se veut active, d’apparence démocratique (on dirait citoyenne ou civique aujourd’hui), parfois presque autogestionnaire. Un fort idéalisme s’y manifeste, souvent néoromantique, hostile à une société moderne et industrielle frustrante (MORRIS, WHITMAN sont souvent cités - et également THOREAU nous rappelle Elsie MASSON). Le maître cherche avant tout à éveiller, à accompagner. La plupart de ces aspects sont bien communs avec ceux de l’éducation libertaire, et les connections sont nombreuses, tant sur le plan des idées, que des pratiques ou des individualités qui s’y manifestent.

Un des hauts lieux de l’école nouvelle se trouve évidemment dans les îles britanniques. Mais la très grande diversité idéologique de ce mouvement pose de gros problèmes. Si Summerhill de NEILL, ou Dartington Hall School (Totnes – Devon) fondée en 1926 par le couple Leonard et Dorothy ELMHIRST, ou Kilquhanity du disciple de NEILL John AITKENHEAD sont proches de la mouvance radicale libertaire, d’autres, très majoritaires, s’inspirent plus du scoutisme de Baden POWELL (1857-1941), d’un aristocratisme « éclairé », voire de positions pédagogiques proches de celles qui vont s’étendre sous le nazisme. Et presque toutes les écoles nouvelles, du moins dans l’exemple britannique, toutes très chères, touchent essentiellement des enfants des seuls milieux favorisés. Cela nous amène à rappeler que l’éducation nouvelle n’est pas forcément révolutionnaire ; elle peut au contraire être très réactionnaire (au sens politique), en cherchant à redonner aux classes aristocratiques une place de premier plan. L’ambiguïté politique d’un Kurt HAHN à Gordonstoun (dans le Morayshire écossais) et l’autocratie élitiste de Cecil REDDIE à Abbotsholme (1889-1927) confirment cette analyse. Ces écoles sont donc novatrices pas tant pour l’idéologie que pour les méthodes pédagogiques et la volonté humaniste qui les animent souvent.

Plusieurs autres appellations sont possibles comme l’enseignement moderne, d’Adolphe FERRIÈRE, les écoles progressistes indépendantes pour le chercheur H.A.T. CHILD et l’école active de Maria MONTESSORI, par exemple, qui doivent beaucoup aux travaux de Paul ROBIN. Le terme d’école active est lancé semble-t-il par Pierre BOVET en 1907.
Presque tous partent de ROUSSEAU, de PESTALOZZI et surtout de Friedrich FROËBEL ou FRÖBEL (1782-1852) qui est sensible à la spontanéité enfantine, et aux liens entre école et vie sociale, même si la nature divine reste au centre de sa réflexion. Ses Kindergarten visent à permettre aux enfants un épanouissement progressif en symbiose avec le milieu naturel. Il a créé tout un environnement pédagogique, utilisant des mobiles géométriques, les Gifts, pour permettre un apprentissage plus concret et plus ludique (ce qui en fait un précurseur évident de MONTESSORI). Il est intéressant de rappeler que la mère de Frank Lloyd WRIGHT a insufflé ces bases pédagogiques à son fils. Ce créateur, souvent considéré comme un architecte libertaire (de tempérament et de conception), avoue à plusieurs reprises la dette qu’il a vis-à-vis des idées de FRÖBEL, qui a sans doute marqué son concept « d’architecture organique » et ses méthodes pédagogiques dans son institut créé en 1932, le Taliesin Fellowship.
En Allemagne l’école nouvelle (Landerziehungsheime) est redevable envers H LIETZ à Berlin au début du XXème siècle.

L’école active des DEWEY (John 1859-1952, et Alice CHIPMAN sa compagne et son ex-étudiante dans le Michigan) à Chicago influence de nombreux pédagogues libertaires, dont Célestin FREINET. Noam CHOMSKY s’y réfère également en matière éducative, mais conteste les analyses concernant les conflits et les guerres. DEWEY reconnaît sa dette vis-à-vis d’Alice sur le plan pédagogique. Il fonde une première association pédagogique de réflexions afin de rompre les barrières entre les différents niveaux d’enseignement : le Michigan Schoolmasters’ Club. Mais c’est en dirigeant le département de pédagogie de l’Université de Chicago (entre 1894 et 1904) qu’il peaufine ses positions sur école et société. C’est là qu’il organise la fameuse École élémentaire de l’Université de Chicago dès 1896 : pour lui il s’agit d’une « école-laboratoire » dans laquelle les enfants expérimentent, mêlent théorie et pratique, ce qui permet de tester les idées de son coordinateur.
Les idées de DEWEY, acquises pour beaucoup lors de sa formation à l’université du Vermont puis en observant ses propres enfants, centrées sur la vie, la réalité sociale, la spontanéité enfantine... sont partagées à la même époque par Ovide DECROLY (1871-1932) et par Édouard CLAPARÈDE (1873-1940). DEWEY est avant tout un démocrate pragmatique et un « libéral » au sens philosophico-politique du terme, pas un anarchiste. Mais la volonté de réaliser « la démocratie à l’école » afin de permettre aux êtres humains de « librement s’associer les uns aux autres sur une base égalitaire » fait de John DEWEY une référence somme toute importante en milieu antiautoritaire. Il place effectivement son livre Democracy and Education - Démocratie et Éducation de 1916 au centre de sa réflexion philosophique.
C’est vrai également pour sa notion « d’éducation progressive », pragmatique, antisystème… qui convient bien à tout formateur anarchisant ou libéral (au sens politique et social du mot). Il fait du pluralisme et du relativisme une composante essentielle de toute formation. Seule compte l'efficacité au profit des apprenants, toute méthode ou activité qui leur profite est donc encouragée, sans norme ni règle ni modèle figé. Le débat sur moyens et fins est chez DEWEY d'une grande richesse, car pour lui ce n'est pas une finalité ou un objectif bien défini qui importe, c'est vivre et s'éduquer en liberté qui compte. L'ici et le maintenant est supérieur au projet final.
La portée utopique de son œuvre est donc très forte mais pas au sens de rédaction d'un projet utopique pour le futur : l’école doit permettre de renouer avec une démocratie réelle, directe, non figée, en créant « les conditions dans lesquelles les membres de la société détermineront eux-mêmes leur futur » ce qui est une des plus séduisantes formules utopiques.
Respectant les enfants et leurs propres pensées, expériences et cheminements, il cherche à leur permettre un épanouissement qui parte de leur propre réalité : toute l’école moderne et libertaire est en conformité avec cette idée fondamentale. L’enseignant n’est pas pour autant sans pouvoir ni centralité, même s’il doit agir de façon non-directive : il faut absolument qu’il puisse réinsérer les programmes, les notions de base, etc. dans ce cadre pourtant très ouvert. La place de l’enseignant est donc centrale, beaucoup plus que dans la plupart des écoles libertaires.
Autre aspect de sa pensée : la solidarité, l’auto-éducation et le développement d’une philosophie pédagogique du don. L’échange réciproque des savoirs, des expériences, des idées… forme la base d’une école alternative à tout esprit marchand ou concurrentiel. DEWEY en poussant trop l’importance de l’environnement adapté, du cadre et des moyens scolaires semble osciller parfois entre behaviorisme et conditionnement subtil ; sur ce point il annonce SKINNER.
En Italie, DEWEY reste un des maîtres à penser de Lamberto BORGHI (1907-2000), éducateur libertaire de fait, privilégiant l’autonomie scolaire tant vis à vis des institutions, qu’au profit des individus-apprenants. Favorable à l’éducation active, permanente, il concevait l’école comme un lieu de contacts profitables tant aux maîtres (simples révélateurs, dans une vision profondément socratique) qu’aux élèves. Toute sa vision est anti-autoritaire, et sa pédagogie une vraie « résistance aux pouvoirs », à tous les pouvoirs.

Le suisse Édouard CLAPARÈDE (1873-1940), de l'Institut Jean-Jacques Rousseau de Genève est surtout un médecin psychologue et neurologue. Mais il a développé l'idée «d'éducation fonctionnelle» et s'est rangé pour une pédagogie active («École active»), mouvante, permettant à l'apprenant de se confronter à des réalités nouvelles et changeantes afin de mieux stimuler sa formation par tâtonnement. L'intelligence, soumise à des situations diversifiées, ne peut que s'ouvrir et se conforter.

En Californie, les jardins d’enfants de la communauté de Llano vers 1914-1917 cherchent à valoriser les méthodes assez libertaires (notion de « liberté active » chez l’enfant et de primauté à l’éducation sensorielle) de l’italienne Maria MONTESSORI (1870-1952), qui menait une expérience scolaire à Roma depuis 1907, avec sa « maison des petits » (Casa dei bambini). Cette première femme italienne docteur en sciences naturelles et en médecine est une référence forte sur l’auto-apprentissage (et l’autocorrection) des enfants. L’autonomie libertaire dans l’apprentissage s’appuie beaucoup sur l’œuvre de cette italienne dynamique, qui s’oppose à toute compétition et sanction, qui respecte les rythmes de chacun, et qui cherche à promouvoir un cadre et des outils ludiques, agréables et attractifs et pensés pour l’enfant. Il faut apprendre à l’enfant à conquérir sa liberté pour « sentir, penser, choisir, décider et agir ». Elle est malheureusement plus souvent citée pour les matériels et objets pédagogiques pour l’enfant que pour la vision globale libératrice que je viens d’évoquer.
À côté de MONTESSORI travaille la maîtresse libertaire Fanny dal RY (1877-1961), qui est également militante féministe et pacifiste (elle participe au journal La Pace de Ezio BARTALINI). Elle est d’origine de Vérone. Elle est l’auteur d’études psycho-éducatives et mena diverses expériences dans le champ pédagogique. Elle sera inquiété durant le fascisme.

En Suisse, le Dr Adolphe FERRIÈRE (1879-1960), proche de LIETZ à Ilsenburhg et Haubida, fonde l’École de Glarisegg en 1902, mais y reste peu de temps. Il faut attendre 1920-21 pour une deuxième expérience, l’École nouvelle de Bex. Son rôle dans l’école nouvelle est primordial, comme coordinateur (Office International des Écoles nouvelles de 1899, Ligue Internationale pour les Écoles nouvelles de 1921) que comme vulgarisateur. Comme ses principaux ouvrages le rappellent, il prône une école active (L’école active - 1922), respectueuse de la liberté des élèves (L’autonomie des écoliers 1921) et qui doit donc totalement se modifier (Transformons l’école – 1920).

En France, il semble qu’un des premiers à introduire les écoles nouvelles soit Edmond DEMOLINS (1852-1907) ; il est même cité par l’anarchiste néerlandais Domela NIEUWENHUIS. Pourtant sont expérience, L’école des Roches vers Verneuil sur Avre, ouverte en 1899, s’inspire plus des écoles britanniques (notamment celle de Cecil REDDIE), adaptées à l’élite, que des écoles syndicalistes ou libertaires. Son expérience proche de celles des public schools, mise sur le sport, les faibles effectifs, des méthodes actives et une vision assez libérale de l’éducation. Il popularise lui-même ses idées, inspirées assez largement de ROUSSEAU, dans un livre intitulé L’éducation nouvelle en 1898.

Les expériences menées par la suédoise Ellen KEY (1849-1926) vont un peu dans le même sens, ainsi que celles d’Helen PARKHURST avec sa « nursery » pendant la Première Guerre Mondiale. Cette pédagogue cherche à laisser la plus grande autonomie aux enfants, en leur faisant gérer leur démarche et leurs rythmes autour d’un projet permettant d’intégrer diverses disciplines et méthodes.
KEY a contribué à révolutionner la pensée pédagogique en mettant l’enfant, être entier avec une propre personnalité, au centre de tout l’acte éducatif ; son livre de 1900 Le siècle des enfants, est fréquemment cité.

C’est le cas également des essais de Luis GURLITT (1855-1931).

À Bruxelles, dès 1907 l’École de l’Ermitage d’Uccle, du neuropsychiatre Ovide DECROLY (1871-1932), rassemble de nombreux courants pédagogiques progressistes. Il œuvre dans son Institut dès 1901 pour les enfants anormaux puis à l’Ermitage, il s’ouvre aux autres enfants en 1907. Sa volonté de lier l’école à la vie, d’en tirer des enseignements... est très proche de la réflexion de Paul ROBIN et de celle de son contemporain FERRER qu’il connaît (jusqu’en 1909). Sa devise est justement célèbre : « L’école par la vie et pour la vie ». Totalement pragmatique, lui aussi, il est également marqué par un souffle utopique permanent, en voulant « apporter plus de bonheur aux individus et à toute l’humanité ». Partir des centres d’intérêt des élèves, et développer un enseignement global, transversal le rend très actuel, et en fait une des sources importantes du mouvement FREINET. Même s’il ne va pas jusqu’à l’autogestion, il souhaite faire de l’école un lieu de participation démocratique pour tous les acteurs.

En Allemagne, Georg KERSCHENSTEINER (1854-1932), professeur de mathématique en fin du XIXème siècle, puis Conseiller éducatif à Munich mise sur la Arbeit-Schule, l’école du travail qui dure de 1900 à 1932, date de sa mort. Son école active permet de rattacher KERSCHENSTEINER à l’école nouvelle. L’importance attribuée au travail réel rejoint les idées proudhoniennes et celle d’enseignement intégral. H.G. WELLS lui a consacré une étude, preuve de l’importance de ce pédagogue aujourd’hui oublié, alors qu’il a marqué les idées de développement de l’apprentissage en Allemagne.

Les essais » de Ernst PAPANEK avant guerre en France (à Montmorency vers 1938) et aux États-Unis pour les filles (New York -Brooklyn) dès 1947, puis pour les garçons (Wiltwyck) en 1949 utilisent souvent des idées comparables, mais il s’inspire également de l’expérience menée par NEILL à Summerhill. En tout cas il utilise des méthodes comparables antiautoritaires, et fondées sur la démocratie interne. PAPANEK théorise ses pratiques en étant professeur à Queens College.

Bien des « psychologues humanistes » et optimistes comme Abraham MASLOW (1908-1970) travaillent sur les mêmes bases, en attribuant beaucoup d’importance à la richesse de chaque individualité, même les qualités les plus inattendues sont à prévoir et à prendre en compte. L’éducateur serait plus alors un découvreur de talent, un révélateur des potentialités des apprenants qu’un enseignant. Une sorte d’éveilleur, pourrait-on dire.

Aux ÉU Carleton WASHBURNE (1890-1961) propose le plan Winnetka en 1922. Le nom provient d'une localité de l'Illinois, et a donné naissance à un mouvement qui existe toujours : le Winnetka Public Schools, qui dispose d'un site ( HYPERLINK "http://www.winnetka36.org/" http://www.winnetka36.org/) qui liste 5 écoles en 2010 : Crow Island School, Greeley School, Hubard Woods School, The Skokie School et Carleton Wasburne School.
Comme beaucoup de pragmatistes plus ou moins libertaires, WASBURNE est surtout connu pour son souci de pédagogie différenciée, le lieu, le plan de travail, les groupes d'âges mêlés… étant adaptés pour permettre à chaque apprenant d'agir selon son rythme et ses méthodes propres. Ce qui explique son concept de «progressive education».
Les méthodes actives sont évidemment recommandées, ainsi que l'auto-instruction et l'entraide (entre classes d'âge différente et au sein d'un même groupe) : l'objectif étant ici de jouer à plein sur l'initiative individuelle et la liberté des choix.
Parmi les méthodes actives à gestion collective, le journal vendu et la boutique, placent l'école dans un cadre capitaliste, ou tout au moins commercial, qui doit poser de réels problèmes aux libertaires.
WASBURNE apparaît cependant comme un des grands précurseurs ou modèles de la pédagogie FREINET dont il partage bien des vues.

Toujours aux ÉU, le psychologue d'origine allemande (anti fasciste) Kurt Zadek LEWIN dit Kurt LEVIN (1890-1947) ébauchent dans les années 1930 des techniques et concepts sur la dynamique de groupe. Il esquisse déjà ce qu'on appellera plus tard l'autogestion, en réduisant la part directive de l'animateur. Celui-ci devient aussi «démocrate» et «non interventionniste» dans les petits groupes d'enfants mis en place vers 1939. C'est un premier essai de ce qui va devenir le «T-Group» ou «Training Group» (groupe de formation ou d'entraînement à la dynamique de groupe) qui se forme vers 1946 dans le Maine (Séminaire de Betel).
The School of Living - Ralph BORSODI depuis les années 1930
« School of Living » (qu’on peut traduire par École de la vie ou pour la vie) fut organisée en 1934 par Ralph BORSODI (1886-1977), avec des enfants provenant de Westchester County. Le siège se trouve à Rockland County (New York). Il cherchait à trouver des alternatives économiques à la Grande dépression des années 1920-1930.
Cette forme d’école et de pensionnat fut novatrice, car elle s’appuyait sur la notion de « Land Trust » que BORSODI créa avec Bob SWAN : les terrains furent occupés par 6 « communautés intentionnelles » différentes. Cette Independence Foundation - Inc. fonctionne comme une sorte de coopérative de crédit pour permettre des installations à coût modérés.
L’autre idée repose sur celle « d’Organic farming and food » (volonté de vivre en autonomie économique, en pratiquant un travail agricole). On peut parler de formes de pré-autogestion et d’autoproduction (« self-direction & self-reliance ou self-sufficient living»).
L’expérience va se poursuivre avec Mildred LOOMIS dans les années 1970 à  HYPERLINK "http://en.wikipedia.org/wiki/Heathcote_Community" \o "Heathcote Community" Heathcote Community in Freeland (MD).
Un site mutualiste permet d’en savoir plus :  HYPERLINK "http://www.schoolofliving.org/" http://www.schoolofliving.org/.
« L’autoritaire » MAKARENKO
En URSS les tentatives pédagogiques pour réinsérer les enfants délinquants d’Anton Semionovitch MAKARENKO (1888-1939), dans leur souci du collectif et de l’intégration à des tâches sociales sur la société réelle... sont souvent analysées en milieu éducatif libertaire. Il mise sur la réhabilitation par l’effort et le travail réel (productif), notamment agricole au début puis plus lié à l’industrie. À mon avis, il est considéré à tort comme pédagogue libertaire, car il y a confusion entre les aspects collectifs et quasi-autogestionnaires de la Colonie GORKI vers Poltava en milieu rural dès 1920 ou de la Commune DZERZHINSKI de Karkhov en 1927 et le fond autoritaire et centraliste de cet auteur qui est tout compte fait dans la ligne stalinienne. Sa pédagogie stakhanoviste et/ou pavlovienne assumée du travail et de l’effort, la minimisation de l’individu face au collectif sont aux antipodes de la pédagogie libertaire. L'importance qu'il donne aux modèles, au rôle du maître, au recours aux punitions… le rapprochent de l'école traditionnelle, ou au mieux, d'une voie médiane (ou «une synthèse» ?) entre école traditionnelle et mouvement de l'École moderne. C’est un marxiste autoritaire, pas un libertaire, et il n’est pas étonnant que placé sous l’autorité du Guépéou, il fasse l’éloge des policiers dans son Poème pédagogique : « la collectivité des tchékistes possédait les qualités mêmes que pendant 8 ans j’avais voulu inculquer à la collectivité des colons » !
Certes il a bénéficié de l’aura de son engagement révolutionnaire, de son amitié avec GORKI, de la qualité littéraire de ses écrits, notamment le fameux Poème pédagogique en trois volumes sur l’expérience de la Colonie GORKI. Son autre œuvre célèbre de la même époque (1938) se nomme Les drapeaux sur les tours. Ils ont connu une belle diffusion en milieu francophone.
La charge utopique de sa pensée reste cependant forte : l’école doit contribuer à former l’homme communiste. Il a donc en quelque sorte mystifié quelques analystes, comme ceux de l’École de Francfort ou quelques adeptes de la pédagogie institutionnelle, quoique LAPASSADE, très lucide, s’il voyait en lui une des origines de la pensée autogestionnaire sur l’école, le plaçait dans la branche « autogestion autoritaire ». Même Georges SNYDERS, lui-même communiste et bienveillant vis-à-vis de MAKARENKO n'ose pas utiliser le terme d'autogestion à son propos, et lui préfère celui de cogestion (même en en réhabilitant le sens).

Un autre pédagogue du nouvel État « communiste », Pavel Petrovitch BLONSKIJ (1884-1941) présente des traits plus sympathiques, moins autoritaires. Il mise toujours sur la primauté du travail, de l’insertion dans la vie économique. Il utilise également les pratiques de groupe. Son objectif est l’autonomie, et pour ce faire, les méthodes et moyens préconisés empruntent beaucoup d’éléments à « l’école active » et à FREINET. Mais le social semble l’emporter tout de même sur l’individuel, et la primauté du marxisme et d’une vision de classe de la société, restent incontournables. Il y a sans doute chez lui des pratiques et motivations libertaires, mais elles restent mineures par rapport à une idéologie étatique non remise en question. Elles ont cependant dû être encore trop gênantes, car avec l’intensification du stalinisme, BLONSKIJ est peu à peu écarté et rejeté dans l’oubli.
La pédagogie libertaire de Jiddu KRISHNAMURTI
Jiddu (1895-1986) est un maître spirituel indien qui refuse sa pensée théosophique initiale et son rôle de maître pour déboucher sur un positionnement libertaire évident, et une vision antireligieuse complète.
Dans les années 1920 il réfute toutes les religions, toutes les pensées, toutes les voies, car pour lui la vérité ne connaît pas de sentier préétabli (« La Vérité est un pays sans chemins » écrit-il en 1929). Il mise sur une pensée de l'auto-libération de tous les carcans autoritaires et de toutes les conventions, et propose ensuite avec cohérence une démarche pédagogique libertaire et comme LA BOÉTIE autrefois un refus de la servitude volontaire. Il faut se libérer des pressions de l'extérieur mais aussi de sa propre personnalité, et être en quelque sorte en insoumission permanente.
L'éducation doit apparaître comme un art de la vie, «un art de vivre», en symbiose avec la complexité du monde, et sans œillère d'aucune sorte.
Cette formation libératrice, oscillant entre auto-formation et coopération pédagogique (même s'il se dit parfois hostile à toute aide extérieure), cherche à permettre la réalisation totale de l'individu (spirituelle, manuelle…).

KRISHNAMURTI semble dans la lignée des THOREAU, TOLSTOÏ et GANDHI pour la non-violence et la révolte ou résistance passive à l'autoritarisme.
On le lie également à Ivan ILLICH pour sa réfutation du système scolaire.
Sa pensée démocratique est peut-être à comparer aux idées de ROGERS ou des DEWEY.
Ses amis Bertrand RUSSEL, Aldous HUXLEY, David BOHM et Annie BESANT ont contribué à accroître son libéralisme et son universalisme opposé à tous les systèmes.

Des expériences pédagogiques se réclamant de KRISHNAMURTI existent un peu partout, et ont surtout connu un important retentissement avec la vague libératrice des sixties.
- la KFI-Krishnamurti Foundation Trust fondée depuis  HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1968" \o "1968" 1968.
- le Centre éducatif Krishnamurti de Brockwood Park dans le Hampshire (RU) en  HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1969" \o "1969" 1969.
- le Centre d'Oak Grove à Ojaï en Californie depuis 1975.
- le Centre de Wolf Lake au  HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Canada" \o "Canada" Canada
En Inde il appuie particulièrement les écoles de Rishi Valley et de Rajghat Besant.

Ce libertaire ne l'était visiblement pas, comme ZOLA en son époque, en ce qui concerne sa propriété et ses droits d'auteur. De longs procès triviaux ont terni son image en fin de sa vie.
L’importance des psychologues et psychanalystes dans l’éducation
Sans être anarchistes, ni même libertaires reconnus, d’importants chercheurs en psychologie éducative et en science du comportement mettent souvent l’accent sur la primauté de la liberté en éducation.

Dès le début du XXème siècle, le français Alfred BINET (1857-1911), élève de CHARCOT et lié à Ferdinand BUISSON, lance la Société Libre pour l’Étude Psychologique. Il est célèbre pour ses travaux sur le développement de l’intelligence chez les jeunes enfants.

Dans l’aire germanique (Allemagne et Autriche) du début du XIX° siècle, le psychanalyste libertaire autrichien, Otto GROSS (1877-1920) développe des idées d’éducation anti-autoritaire, devant privilégier le développement de l’individu contre toute structure autoritaire, à commencer par la famille patriarcale, mais également l’État et l’école. L’enfant, comme l’adulte, doit laisser le libre développement à ses potentialités innées, pour se façonner un être individuel non frustré et libre de toute domination, ce qui est la garantie de toute réelle révolution. Il conçoit donc une bonne thérapie anti-refoulement comme un moyen révolutionnaire de premier ordre, et rejoint FOURIER dans l’idée de libérer nos instincts réprimés pour se former et s’épanouir hors de toute contrainte. Ainsi « il faut rétablir l’humanité dans sa pureté en libérant l’homme des effets de la suggestion, de la séduction et de la contrainte qui le déforment, le modifient et le limitent » écrit-il en 1920 dans son article Zur neuerlichen Vorarbeit : vom Unterricht - Travaux préliminaires : de l’enseignement.

Les analyses en « psychologie génétique » du suisse Jean PIAGET (1896-1980), fondateur en 1955 du Centre International d’Épistémologie Génétique, doivent être citées impérativement dans cette étude, parce qu’elles tournent souvent autour de l’autonomie de l’élève et la prise en compte des ses propres rythmes. Parmi les stratégies éducatives qu’il propose, la création d’un environnement riche, et la réalisation d’une sorte de mini société démocratique dans la classe, doivent favoriser ce qu’il appelle une « position constructiviste spontanéiste » et s’inspirent sans doute de John DEWEY. Cette position doit justement favoriser l’autonomie dans l’acte cognitif, et donc dans la vie actuelle et future de l’apprenant. L’Institut des Sciences de l’Éducation de Genève lui doit beaucoup.

Sur bien des points PIAGET est proche du biélorusse Lev VIGOTSKY (1893-1934), fondateur en 1929 de l’Institut de Défectologie Expérimental. C’est lui aussi un constructiviste, peut-être moins systématique que son confrère helvétique. Toutes ses recherches sur le milieu, le langage… cherchent à mettre en évidence que « l’éducation se situe au centre du futur des personnes comme source de libération et d’identité, de manière que chaque individu trouve son propre chemin pour se réaliser… » : lui aussi insiste donc sur ces valeurs clés que sont pluralisme, liberté et autonomie, valeurs que nous retrouvons chez la plupart des mouvements analysés dans ce chapitre…
VIGOTSKY influence le professeur états-unien James V. WERTSCH, pour qui l’éducation doit permettre à l’individu de se créer un monde intelligible, adapté à ses capacités d’analyse et à ses besoins. Mais sans isolement, puisque pour ce psychologue l’apprentissage coopératif ou mutuel (encore KROPOTKINE ou PROUDHON) est primordial. Cette solidarité entre élèves doit intégrer l’éducateur, qui n’est donc plus qu’un « facilitateur », en aucun cas un maître dominateur.

Au Royaume Uni, plusieurs expériences de « therapeutic communities » mettent en avant les méthodes psycho-analytiques. C’est le cas d’Otto SHAW et de son Red Hill School (1934-1940) dans le Kent, qui s’inspire autant de Wilhelm REICH que de NEILL (c’est pourquoi je l’évoque ci-dessous dans le chapitre sur NEILL et les autres), mais aussi des pionniers que furent Leila RENDEL et Homer LANE…
Francesco CODELLO cite également The Barns Experiment en Écosse, à Peebles, durant la 2° Guerre mondiale (1940-1944) ; on trouve également l’autre appellation de Barns Hostel. Il note son fondateur, David WILLS, mais omet de rappeler que SHAW et WILLS sont très proches, et qu’ils vont mettre en commun en 1951 leurs expériences et leurs méthodes pour fonder l’Association of Workers for Maladjusted Children. Les deux compères se réclament de fréquemment de LANE et WILLS lui a même consacré une biographie.
WILLS à déjà créé en 1936 Hawkspur Camp à Hawkspur Green vers Great Bardfield ; elle ferme en 1940 et The Barns experiment prend la suite. Il passe pour le vrai initiateur en Grande Bretagne de la « Planned Environmental Therapy » et s’appuie notamment sur la psychiatre Marjorie FRANKLIN. En 1961 est fondé le Planned Environmental Therapy  Trust.
Toutes ses expériences britanniques utilisent la psychanalyse et la psychologie pour contrer les dérives autoritaires de l’éducation traditionnelle, et tentent d’aider les jeunes à s’en sortir en misant sur leur sens des responsabilités et en les insérant dans de mini-républiques éducatives dans des milieux adaptés et épanouissants.

Dans les années 1920-1930 surtout le psychanalyste pacifiste, non violent (tolstoïen ?) et antiautoritaire Charles BAUDOIN (1893-1963) développe l'idée de «psychagogie» et s'intéresse à une éducation non directive qui permette à l'apprenant de développer sa propre personnalité, hors de toute idée préétablie. Il est pour une école active, misant sur les énergies propres aux enfants et sur leurs besoins ou désirs, sans tabous et avec une attention propice à l'épanouissement personnel, sans refoulement.

Le cas du docteur d’Harvard en 1931, Burrhus Frederic SKINNER (1904-1990), principal exposant du comportementalisme fort critiqué en milieu libertaire, est plus délicat. Son utopie (ou contre-utopie pour certains commentateurs) Walden Two de 1948 a été très commentée (Cf. chapitre sur les utopies libertaires). Beaucoup n’ont vu dans les écrits de SKINNER qu’un risque de manipulation mécanique des êtres humains (conditionnement), puisqu’il osait affirmé que tous les êtres (humains et animaux) obéissent aux mêmes types de règles de conduite. Certains n’ont alors vu en lui qu’une sorte de PAVLOV appliquant ses techniques aux êtres humains dans une société totalitaire, et ont dénoncé son apparent scientisme primaire. C’est oublier qu’il est un des principaux défenseurs de l’enseignement individualisé, adapté aux apprenants, et que Walden Two est d’abord une proposition de société utopique libre et pacifiste. Dans ses écrits plus politiques, il réaffirme la primauté de la liberté comme base et finalité de l’éducation, sans s’interdire pour des cas particuliers et contrôlés d’utiliser des méthodes de « conditionnement psychologique ». Il s’agit donc d’un auteur difficile à classer en milieux libertaires et sans doute trop souvent caricaturé, alors qu’il fut un des éléments (surtout à cause de son utopie) qui ont préparé l’explosion des sixties.

En 1971, le livre de Gérard MENDEL Pour décoloniser l’enfant est un curieux mélange de marxisme, de freudisme et de néo-proudhonisme. C’est le dernier point qui nous intéresse, car l’inventeur de la « sociopsychanalyse » pense comme PROUDHON en son temps que la révolution pédagogique est un axe essentiel de la solution du problème social. Comme lui il s’oppose au caractère transcendantal de l’autorité (le sous titre de son livre s’intitule Sociopsychanyse de l’autorité). L’éducation doit permettre à l’enfant d’acquérir son autonomie, mais sans rejeter l’aide des adultes (il parle « d’assistance »), au contraire, puisqu’une « co-éducation » enfant et adultes est projetée dans le schéma de l’auteur. Ce terme de co-éducation est souvent utilisé en milieu libertaire, surtout depuis FAURE et FERRER, mais rarement utilisé ailleurs.
L’autre grand axe proudhonien de MENDEL est sa volonté de réhabiliter les conflits, les antagonismes. Comme PROUDHON il récuse en quelque sorte la synthèse hégélienne, et affirme que l’évolution repose sur des oppositions internes et externes qui permettent à l’individu de se former. Il dit lui-même que la « notion de pérennisation du conflit, l’importance accordée à une lutte sans fin des contraires, nous approche ici de PROUDHON ».
L’aspect utopique, post-fouriériste pourrait-on dire, provient de sa volonté de « réhabiliter l’enfant » chez l’adulte. En ne niant plus son passé, l’adulte assurerait son épanouissement, et reprendrait son « inégalable plaisir de jouer, imaginer, créer, rêver comme un enfant ». Redonner sa place au plaisir et à l’irrationnel, c’est une position forte en milieu libertaire. Et rêver et imaginer, c’est la base de toute utopie.

En 1975 se crée en Lozère Solstices : un centre de soins et d'accueil pour enfants (autistes ou marqués par des troubles psychologiques ou de comportement). À l'origine nous trouvons lep psychanalyste Bernard DUREY. Le centre a duré une trentaine d'années. Il fonctionnait de manière proche de l'autogestion. La parole des enfants y était respectée et fondamentale. Ce «laboratoire pour l’autisme» (Jacques HOCHMAN) ne misait que sur l'échange égalitaire et démocratique, et non sur médicaments et méthodes coercitives. Les jeunes étaient les principaux acteurs de leur formation et de leur évolution. Il concernait une douzaine de couples d'accueil et près de 35 enfants.
Diversité des expériences autogestionnaires et anti-autoritaires : LANE, HOARE, NEILL, RUSSEL, KOHLBERG, DELIGNY et les autres…
En fin du XIXème, W.R. GEORGE tente aux États Unis une « république d’enfants » qui est une première approche des idées de self-government.
Dans le même pays L. WILSON GILL développe son système de la « school city » qui peut s’en rapprocher.

En Allemagne, Hermann LIETZ (1868-1919) imprégné de culture classique et romantique, admet cependant des aspects semi-autogestionnaires, les jeunes participant à la gestion, au choix et à l’organisation des études. Il est connu pour les écoles d’Ilsenburg (1898), Haubida (1901), Biererstein (1904), les deux premières ayant fortement marqué le Dr FERRIÈRE. L’auto-administration a déjà été expérimentée par J. LANGERMANN.
Le libertaire Gustav WYNEKEN (1875-1964) s’inspire semble-t-il largement de Haubida dans son centre de Wickersdorf.
La tradition des « boutiques d’enfants » allemandes, au début du XXème siècle et dans les années soixante et soixante-dix surtout, est largement rattachée au mouvement libertaire et souvent animée par des militants anarchistes. Mais le pluralisme des approches et des théories est très grand. Cf. ci-dessus, le chapitre sur les « maîtres-camarades ».
Le mouvement des Freie Schule/Écoles libres sur Frankfurt et Berlin dès 1970 en forme une autre tendance.

Dans la même période BURCKHARDT tente des expériences comparables (au moins sous forme de cogestion) à Bâle, de même que K. PRODINGER en Autriche, et que Frederick William SANDERSON (1857-1922) dans sa volonté de réformer le collège Oundle (Cambridgeshire) dès 1890. On peut être tenté de rattacher « l’école sereine » de Mme BOSCHETTI ALBERTI dans le Tessin (Agno) puisque l’autonomie des enfants est forte dans le choix des matières et des moments d’enseignement. Mais ce ne sont que des essais autogestionnaires partiels.

Au Royaume Uni, le cas de l’étasunien Homer LANE (1875-1925) est un peu à part, avec son centre du Dorset (à Evershot) du début du XXème siècle consacré à la rééducation pour des jeunes jusqu’à 19 ans, appelé The little commonwealth. Il est nommé responsable en 1913. Il tente d’y faire pratiquer une sorte de self-government par les jeunes eux-mêmes, moyen de leur redonner une base citoyenne et un apprentissage de l’autonomie autogérée. Il est un des premiers à tenter la thérapie de groupe. Sa petite république est une république d’égaux, sans récompenses, ni émulation entre rivaux. L’autoritarisme et la violence des châtiments sont exclus, au nom du respect de l’enfant, fût-il ex-délinquant. Chaque membre de la communauté dispose d’une voix, éducateurs, administrateurs et enfants. LANE influence très certainement NEILL qui le connaît surtout depuis 1917. C’est une des sources essentielles, pas assez mise en avant, de la pédagogie autogestionnaire. L’expérience est arrêtée en 1918, suite à de fausses accusations concernant LANE. Déçu, LANE pourtant blanchi, quitte le Royaume Uni et meurt peu après à Paris.
Autre école « spéciale » (terme utilisé par CODELLO), celle animée par Aunt Edith depuis 1911 : The Caldecott Community. Elle prolonge le refuge pour enfants délaissés fondé par Leila RENDEL dans l’East End en fin du XIX° siècle, et dont une des premières appellations était Randolph Caldecott nursery. La Communauté s’est établie hors de Londres, à Mersham-le-Hatch dans le Kent, dans une maison de campagne de la famille KNATCHBULL. Par la suite, l’école change de nom et devient The Caldecott Foundation. Elle se situe aujourd’hui dans la Caldecott House à Smeeth. Il s’agit, par l’entraide et la vie collective, de permettre la réinsertion de jeunes en difficultés sociales ou familiales, mais également (depuis les années 1920) de jeunes marqués par des troubles du comportement. Les pratiques d’autogouvernement sont à la fois méthode pédagogique et règle de vie en commun. Cette école, d’évidente pratique et fondements libertaires, renoue également avec les pratiques humanistes charitables d’autrefois.
Dans le même registre que celui de LANE, l’anarchiste individualiste Russell HOARE crée Sysonby House en 1914 à Riverside Village. L’expérience se prolonge jusqu’en 1919. L’objectif est d’y intégrer les enfants rejetés de partout, et de combiner discipline consentie et self-government pour les aider à se recomposer psychologiquement et socialement. HOARE s’inspire de l’école moderne et de l’éducation rationaliste (FERRER) mais connaît également LANE et Leila RENDEL. Plus que ces deux derniers, il tente d’appliquer une autogestion égalitaire plus poussée qu’à Caldecott ou dans le Little Commonwealth. Son expérience se rattache plus à l’éducation anarchiste que libertaire, au moins dans les intentions de son fondateur.
Autre école « spéciale », mais cette fois dans la lignée de NEILL, celle que Otto SHAW crée vers Maidstone dans le Kent : Red Hill School, et pour une longue durée : 1934-1990 (1992 ?). Il s’agit d’une communauté autogérée pour enfants rejetés, souvent délinquants. La pratique de l’autogouvernement en matière éducative est là aussi un moyen pour redonner aux jeunes le sens de la responsabilité, et pour favoriser leur éventuelle réinsertion sociale. SHAW y pratique la psycho-analyse et s’inspire aussi des études de Wilhelm REICH. In 1951, Otto SHAW et David WILLS fondent l’Association of Workers for Maladjusted Children. Après 1992, l’expérience semble se prolonger avec d’autres objectifs dans le Red Hill Trust.

Un peu à part, mais dans une forte tradition libertaire, on peut citer au sein d’une institution étatique l’œuvre de Edward Frances O’NEILL (1890-1975) à la Prestolee Elementary School (1918-1951), dans le Lancashire, à Farnworth. Les jeunes y sont acceptés de 3 à 15 ans. Dans une atmosphère de liberté, et sans violence contre les jeunes, O’NEILL applique les méthodes du mathématicien éducateur W.W. SAWYER pour créer une « école sans larmes ». Les élèves travaillent en totale autonomie, et choisissent eux-mêmes les matières et les matériaux pédagogiques. Les méthodes actives, pour permettre d’apprendre en faisant, deviennent la règle.

L’expérience majeure du fils d’instituteur écossais, Alexander Sutherland NEILL (1883-1973), à Summerhill (région de Lyme Regis en Angleterre, dans le Dorset) dès 1923-24 est sans doute la plus connue, une des plus longues expériences et peut être la plus analysée dans et autour du mouvement libertaire. Elle se prolonge ensuite dans le Suffolk, à Leiston. Depuis 1985, c’est la fille de NEILL et ancienne élève de Summerhill, Zoë READHEAD qui en assure la direction. Elle est la fille de la deuxième compagne de NEILL, Ena WOOFF. Cette dernière, avant Zoë, a également dirigé l’école. D’autres enseignants on beaucoup aidé : Cristine BAER, Mary ARTNER, Inge FOESTAL…
NEILL s’appuie sur ses expériences et ses contacts, puisqu’après avoir été élève-maître dans l’école dirigée par son père à Kingsmur, il est en poste dès 1902 à Bonnyrigg puis à Kingskettle. De 1905 à 1908, il est à l’université de Newport. Il reprend du service scolaire durant la 1° Guerre mondiale, puisqu’il est réformé, à Gretna Green. Lié dès 1917-18 à Homer LANE et à sa pensée, il s’installe dans la King Alfred’School de Hampstead (Londres). En 1921, une première expérience pédagogique alternative se développe en Allemagne, dans un faubourg de Dresde (Hellerau) ; elle se prolonge quelques mois dans le Tyrol autrichien en 1923, mais l’école, jugée scandaleuse, fut aussitôt fermée. C’est dans cette École internationale liée à la Neue Schule de Hellerau que NEILL, militant déjà pacifiste et antiautoritaire, avait fait ses premiers pas.
La pensée libertaire de NEILL apparaît très tôt comme son Journal d’un instituteur de campagne – A dominie’s log, publié en pleine guerre (1915), nous le révèle. Il y refuse déjà l’autorité en matière éducative, et s’affirme « contre la loi et la discipline » mais par contre, pour la « liberté d’action ». Cet ouvrage est sympathique par la manière dialoguée et honnête adoptée par NEILL. Il y refuse une position systématique et dogmatique, et revendique son aspect « hérétique » et conclut par cette phrase, qui permet de l’intégrer totalement dans la problématique de notre essai : « je suis un utopiste » ; il confirme plus loin que « les idéaux émanent de l’imagination », qu’il faut donc encourager. . Pétri des lectures de MORRIS, WELLS, SHAW, IBSEN et TOLSTOυ mais également de NIETZSCHE qu’il cite souvent, il nous permet de confirmer son engagement pour une forme de socialisme libertaire précoce anti-gouvernemental, antiparlementaire et hostile à la propriété. C’est un socialiste libertaire individualiste, sinon anarchiste, qui s’exprime. Il dénonce fermement l’autoritarisme et le militarisme des institutions de son pays, et surtout ceux de l’école britannique.
Sa méthode éducative repose sur « une discipline librement consentie » (et «l’autodiscipline ») et consiste à « questionner, détruire et rebâtir », formule à tonalité très bakouninienne.
C’est sans doute également grâce à LANE que NEILL reconnaît de fortes influences freudiennes. Il va compléter et systématiquement développer les idées LANE, surtout pour l’autogouvernement, mais en y intégrant même les jeunes enfants.
L’utopie pédagogique et autogestionnaire (il prône le self-government) de NEILL cherchant à créer de Libres enfants de Summerhill, du nom de son ouvrage le plus lu sur ce thème dans les années soixante-dix, est incontestablement à soubassements libertaires ou post-fouriéristes. Il apporte cependant une nuance, puisque pour lui il s’agit de « la liberté, pas l’anarchie », titre d’un autre livre le concernant (Freedom, not licence ! de 1966). Le mot est pris au sens péjoratif, évidemment, et non avons donc une assez mauvaise traduction : on aurait dû écrire chaos, ou bordel pour être plus vulgaire. Tout cela signifie que l’autogestion et l’autonomie sont bien le pivot de l’école, par le biais d’une Assemblée Générale souveraine, qui se tient hebdomadairement, en général le samedi soir. Mais ce n’est pas l’absence de règles, de contrôles : au contraire, cette Assemblée joue à la fois un rôle législatif (définition des « lois ») et judiciaire (tribunal des délits commis). Par contre, tous peuvent participer, y compris les plus petits ! Parmi les interdictions les plus appliquées, il y a bien sûr en toute logique libertaire, le refus de toute violence, car c’est une preuve inadmissible d’autorité. Mais le vol est toléré, seulement dénoncé, en espérant que la pression communautaire le fasse disparaître : on retrouve ici une position fréquente dans les utopies anarchistes, que Jean GRAVE par exemple a plusieurs fois développée.
Comme la plupart des libertaires, NEILL part du présupposé que l’homme dispose d’une bonté naturelle que la société pervertit ou étouffe. La bonté et la liberté sont donc les deux soubassements de son expérimentation. Il prêche une approche « d’amour » vis-à-vis des jeunes, à qui il a « décidé d’offrir le bonheur » qu’ils n’ont jamais connu. NEILL place donc les sentiments devant l’intelligence (Cf. son « Hearts not heads in the school - Il faut des cœurs ouverts, pas des têtes pleines dans l’école »). Il faut donc accepter des comportements même déviants, ou antisociaux car on risquerait de les figer en les interdisant. FOURIER ne disait pas autre chose en parlant des passions. Pour PIAGET, c’est une forme nécessaire d’autorégulation qui doit en venir à bout. La rencontre en Suède que fit NEILL avec Wilhelm REICH (freudo-marxiste - 1897-1957) vers 1936-1937 a sans doute été décisive sur ces thèmes, comme en témoignent le rejet (fréquent mais pas systématique) des tabous vis-à-vis du corps et de la nudité, et la reconnaissance de l’importance vitale du plaisir, dans ce que CODELLO appelle une « psycho-pédagogie de la libération ». NEILL a d’ailleurs consacré un livre à REICH ; il a revu le psychanalyste marxiste aux ÉU dans les années d’après Seconde Guerre mondiale, d’où son intérêt d’alors au poids de la famille sur la pensée et le développement autonome des enfants. À Summerhill s’épanouit donc « une pédagogie de la non-répression » qui en libérant l’individu des tabous et des frustrations, tente d’en réduire l’agressivité personnelle ou collective (une des thèses centrales de REICH dans sa Psychologie de masse du fascisme).
Toujours influencé par FOURIER, NEILL propose une pédagogie du travail libre, ludique et attractif. Les tâches ne sont pas obligatoires, ni normalisées, faites à heure fixe par exemple. Chacun choisit d’exercer son travail ou pas, et s’il le fait, il s’auto-définit un rythme qui lui convient. « Le jeu prend une place prépondérante » dans toutes ces activités, avec souvent une grande part de créations artistiques, notamment théâtrales, et également des concerts, des bals... Tous les plaisirs sont formateurs.
La volonté utopique est permanente : l’école devant permettre d’atteindre le bonheur individuel et collectif. « On peut dire que la liberté sexuelle et la recherche du bonheur sont pour NEILL la meilleure révolution qu’on puisse imaginer » affirme Josep PUIG ROVIRA. L’autogouvernement (l’autogestion) et l’autodétermination individuelle, la « co-formation » (qui rappelle la « coéducation » de FERRER), la libre assistance aux cours et activités, la tolérance sexuelle… sont autant de traits présents dans bien des tentatives éducatives anarchistes. « Le plaisir est aussi une forme d’autogouvernement » précise le journal anarchiste milanais A Rivista anarchica, tout en reconnaissant que NEILL n’a pas été assez loin dans le domaine de la libération sexuelle (par prudence ou par choix), ce que Wilhelm REICH lui reprochait déjà.
Toujours comme pour FERRER, la coéducation, des sexes cette fois, c'est-à-dire la mixité, est appliquée jusqu’à 15 ou 16 ans (il y a des élèves de 5 à 16 ans, répartis en 3 groupes d’âges). Les activités ne sont pas sexuées, chacun fait tous les types d’activités, sans machisme ni féminisme absurde. De FERRER et de ROBIN il reprend également, sans doute implicitement, les notions d’instruction ou d’éducation « intégrales ».
Cette forme utopique qu’est incontestablement Summerhill est fréquemment analysée dans le Dossier : pour ou contre Summerhill que les éditions Payot ont traduit en 1970 : Michael ROSSMAN y parle de « communauté éducative insulaire », Fred HECHINGER « d’îlot », Eda LESHAN « d’île, d’utopie », Nathan ACKERMAN de « culture insulaire »… Tous font donc référence à l’île utopique, fermée. Mais c’est contradictoire avec la volonté d’ouverture des animateurs de l’expérience. Un autre analyste, LAGUILLAUMIE, évoque « la parfaite harmonie » qui règne dans cette microsociété.
Son îlot cependant trop préservé, parfois hors du monde, avec ses caractères élitistes l’éloigne cependant du mouvement anarchiste pour les plus rigoureux de ses analystes. Sa vision sociale est limitée, car pour lui « Summerhill a plus d’importance que la société, aussi (il restera) un insulaire » comme il l’affirme de manière sans doute polémique et caricaturale en 1948. Il en est de même des concessions que fait NEILL au milieu environnant (par exemple pour la liberté sexuelle, qui n’est jamais totale) afin de ne pas faire l’objet d’une fermeture légale. En ce qui concerne l’autogestion, les limites sont également fortes, car le directeur conserve toutes les prérogatives administratives. Cependant NEILL est conscient du rôle de gourou qu’il incarne, et n’a de cesse d’en limiter la portée.
L’école NEILL n’est donc pas l’anarchie, ni une utopie achevée et hors du monde. Les compromis existent avec l’environnement capitaliste et moralisateur extérieur. L’école se présente donc plus comme une tentative réformiste libertaire, pour un microcosme assez privilégié. Mais bien des traits, méthodes et présupposés se rapprochent des idéaux fouriéristes et anarchistes et elle intègre parfaitement l’ensemble des essais libertaires de démocratie directe. C’est donc à juste titre une expérience essentielle.

Hormis Summerhill, l’expérience la plus longue d’école libertaire et de pratique d’auto-gouvernement se trouve à Dartington Hall School (1926-1987). Le couple Dorothy (née WHITNEY 1887-1978) et Leonard Knight ELMHIRST (1893-1974) y développe une pratique égalitaire de coopération solidaire entre maîtres et apprenants. Située en milieu rural vers Totnes dans le Devon, l’école mise également sur une petite production agricole et artisanale ; les jardins sont créés par Dorothy. Le cadre rural, les bâtiments d’allure médiévale (manoir du XIV° siècle) donnent au site une allure bien définie qui marque autant les visiteurs que les enfants. La démocratie directe, dans cette école plus peuplée que celle de Summerhill, est plus contrôlée, et tient compte des différentes classes d’âges, les plus jeunes ayant moins de part dans les décisions. Le grand intérêt de Dartington Hall est la place très importante accordée aux activités artistiques. Le mélange des sexes est total (réplique anglaise de la coéducation de ROBIN et de FERRER ?) mais la vie privée est respectée car les chambres individuelles sont créées à côté des espaces collectifs.
L’expérience s’effondre après la mort des fondateurs et pour des raisons purement administratives.

Une partie des enseignants de Darlington (3 : David GRIBBLE jusqu’en 1992, Sean BELLAMY et Sybilla HIGGS) et des anciens élèves (14) poursuivent l’expérience à proximité, dans une autre école libertaire existant toujours dans les années 2000, la Sands school, fondée en 1987 au 48 East Street à Ashburton dans le sud du Devon.
Il s’agit d’une école privée, payante (somme modique ?), ouverte seulement en journée. Elle se fixe dans une grande maison avec jardin et dépendances pour loisirs et activités pédagogiques.
En 1987-1988 elle compte 22 élèves entre 11 et 16 ans. En 1997 le total atteint 50 élèves et le cursus va jusqu’à 18 ans.
L’autogestion s’appuie sur une Assemblée générale égalitaire (maîtres et apprenants) et toujours consultée. Les réunions sont hebdomadaires. Mais la délégation de pouvoir, imposé par la loi, profite à deux comités : un Comité de Gestion et un Comité directeur. Les parents s’intègrent dans de multiples réunions et commissions.
Les cours sont libres.
L’été, traditionnellement, est organisé un camping entre détente et formation.

Toujours au Royaume Uni, l’expérimentation menée à Beacon Hill d’après les idées de Bertrand Arthur William RUSSEL (1872-1970), souvent compagnon de route des libertaires, est également quelquefois mentionnée. Dora et Bertrand RUSSEL créent cette école en 1927, une année après Dartington ; elle dure jusqu’en 1943. Dans le grand parc de Telephone House, les RUSSEL s’installent avec une vingtaine d’élèves. Comme pour La Ruche de Sébastien FAURE, les coûts de l’établissement sont largement payés par les conférences données par RUSSEL. Dans cette école, le cheminement scolaire n’est pas aussi libre qu’à Summerhill, et certains passages et cours sont obligatoires. Il en est de même pour la démocratie interne, qui laissent une plus grande place et des domaines réservés aux adultes. Il y a plus cogestion qu’autogestion, mais les pratiques sont réellement libertaires et les idées s’inspirent de l’humanisme socialiste de son fondateur.

De 1929 à 1938 (ou 1940 ?), la Forest School, liée à l’association artisanale des travailleurs du bois Order of Woodcraft Chilvary (créé en 1916 par Ernest WESTLAKE), s’établit au milieu de la nature à Godshill, Fordingbridge, Hampshire. L’influence de Summerhill paraît évidente. L’approche naturaliste, écologique et libertaire y est maximale, la liberté des apprenants semble totale quant aux choix des cours à suivre. L’autogouvernement y est quotidien, l’assemblée générale assumant et contrôlant la bonne marche de l’ensemble. Le père et le fils Ernest et Aubrey WESTLAKE apparaissent déterminants ; ils tentent d’appliquer les principes humanistes des Quakers. Cette expérience de vie au grand air est également revendiquée par des écoles liées au scoutisme.

Toujours dans la lignée de Summerhill, d’autres exemples sont évoqués par CODELLO : Burgher Hill School de 1936-1962 dans le Hampstead, Monkton Wyld School 1940-1982 à Charmouth dans le Dorset et bien sûr Kilquhanity House School à Castle Douglas dans le Kircudbrightshire de 1940 à 1990.

Dans les années 1966 et suivantes, la London Free School animée par Michael X (Michael DE FREITAS) est une expérience liée au mouvement underground britannique de maintenir une école hors des normes et du système contraignant britannique.
Dans la contre-culture londonienne à partir des sixties, l’école libre de Notting Hill Gate et l’Anti-université lancées par les artistes et écrivains engagés autour du projet Sigma d’Alexander TROCCHI présentent des tonalités libertaires fortement affirmées.

Aux États-Unis, la « thérapie non directive » ou «psychothérapie non freudienne» de Carl Ransom ROGERS (1902-1987) débouche sur l’expérience de La Jolla en Californie en 1963, avec le Center for studies of the person. L’idée est de toujours valoriser l’individu, de le respecter lui et ses choix, de manière systématique, pour le mettre en confiance et lui permettre d’assumer un développement optimal, et de surtout être capable de «s'auto-enseigner». Cette « compréhension empathique » impose donc à l’éducateur d’être toujours en retrait et non-directif, d’être plus un « facilitateur » qu’un maître. L'apprenant doit compter d'abord sur ses propres facultés d'auto-organisation, et sur celles du groupe auquel il appartient. Le rapprochement avec l’idée de bonté naturelle de l’être humain est souvent faite et explique que le nom de ROGERS soit parfois lié aux essais de NEILL. Il misait fortement sur les côtés altruistes de l'échange dans l'éducation de groupe (ou «psychologie de groupe», ou «socio-psychologie», ou «psychopédagogie»… selon les critiques), ce que les kropotkiniens appelleraient plutôt entraide.
Malcolm KNOWLES ( HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1913" \o "1913" 1913- HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1997" \o "1997" 1997) prolonge les analyses de ROGERS, les appliquant surtout à l'andragogie. C'et un spécialiste de la dynamique de groupe, qui développe l'idée d'une co-formation vécue comme un plaisir et un art, avec le risque de fausser l'auto-apprentissage pourtant sollicité. Car plus on peaufine son rôle de formateur, plus on risque de manipuler l'apprenant et l'amener à penser par autrui.

Aux États Unis, la « communauté juste » de Laurence KOHLBERG (1927-1987) permet de lier la sociologie de DURKHEIM aux idées autogestionnaires et à la pensée de PIAGET. Ce docteur de Harvard, reconnaissant de manière positive le pluralisme éthique d’une société ouverte, recherche pour l’éducation une morale commune minimale de convivialité. Les expériences participatives des élèves, éducateurs et parents, reposant sur la démocratie la plus directe possible doit déboucher sur l’affirmation chez l’apprenant d’un jugement moral libre, tolérant et solidaire. Cette pratique quasiment autogestionnaire repose sur diverses entités, dont les assemblées hebdomadaires de la Communauté scolaire forment l’essentiel, à côté des groupes d’assesseurs et d’administrateurs, et de la commission paritaire de discipline…

En France, depuis les années quarante, Fernand DELIGNY (1913-1996), est le fameux défenseur des autistes et des petits délinquants, surtout dès les années soixante (après 1967 surtout) à la clinique de La Borde dans les Cévennes.
Mais avant-guerre, DELIGNY est instituteur dans les années 1930 (Paris, Nogent…) ; très vite il travaille en « asile » vers 1941, à Armentières (Institut Médico-Pédagogique) et son fameux Pavillon 3. Ce lieu sert de cadre à certains de ses écrits. En fait il connaît l'asile , ses conditions difficiles, et son attractivité, depuis 1933.
Toujours pendant la guerre, démobilisé, il participe à la création d’un foyer de délinquants à Lille : un Centre d’observation et de triage, aux mots mal choisis, mais qui est un centre ouvert.
Au sortir de la guerre il se lie aux mouvements populaires, aux auberges de jeunesses, et propose une association solidaire et faisant de « La liberté » l’axe primordial : La Grande cordée, qui a tant marqué Émile COPFERMANN. C’est en effet vers 1948, lié au psychologue Henri WALLON, qu’il travaille au laboratoire de psychobiologie de l’enfant de Paris et qu’il expérimente une pédagogie de la liberté s’appuyant sur les « cures libres » destinées aux enfants. Les activités de plein air, culturelles (par exemple la caméra comme « outil pédagogique ») et sportives sont valorisées, ainsi que les travaux manuels (édification d’une maison par exemple). Le « refus de sanction », globalement et dans l’extrême difficulté, semble tenu. « L’imprévu », le spontané… est non seulement accepté mais valorisé, car il part d’une réalité existentielle bien concrète : c’est le « n’importe quoi », qui ouvre parfois des portes infinies. La méthode n’existe pas comme programme figé, c’est plutôt une non-méthode systématique qui est adoptée. Tout est bon pour tenter de rendre le silence des autistes lourd de sens et d'humanité. L'accent est mis sur la «démarche», en aucun cas sur les aprioris, les dogmes ou une science infuse.
Vers 1967 il s’installe effectivement à Monoblet dans les Cévennes, dans une bâtisse immense et mal organisée, d'une cinquantaine de pièces, isolée dans la nature. Il y vient pour créer les « radeaux de survie » (un « radeau en Cévennes ») où il expérimente diverses méthodes sans aucun dogmatisme et en toute liberté, hors des contraintes des institutions, avec pour volonté de retirer l'enfant concerné de l'internement : c'est clairement revendiqué une «tentative en marge». Il veut vivre «en présences proches» avec les jeunes autistes et un groupe-communauté d'adultes tout autant marginaux, militants que spécialistes volontaires. Il s'agit d'un petit «réseau» (DELIGNY emploie souvent ce terme), une famille élargie, où jeunes et adultes sont ensemble, pas séparés. L'objectif clairement affirmé, c'est de redonner goût à la vie et à une (petite) autonomie aux jeunes autistes ou psychotiques. Lourde tâche, que la convivialité de l'équipe d'encadrement rend cependant plus facile à assumer. Un des moyens est de faire participer au mieux les jeunes aux activités du petit centre communautaire, cuisine, création de cabanes, organisation de l'espace, participation aux petites activités agricoles…
Cet ancien communiste atypique, est bien un réel pédagogue libertaire, et sur le tard il revendique son ascendance venue dune espèce « de section libertaire des Ardennes ». Il s’affirme lui-même, à plusieurs reprises, de « convictions libertaires », notamment dans sa nouvelle Le pont d’Oncques. Plus il avance, plus il réaffirme ses convictions antimilitariste et libertaire, mais en précisant justement qu'à la formule « "ni dieu ni maître", il faut y ajouter "ni moi" ».
Cet « éducateur de l’extrême » développe une pédagogie libre, coltinée au réel, ouverte sur tous les extérieurs, donc hors de toute norme et de tout apriori thérapeutique pour assurer la plus grande autonomie aux « Graines de crapule » et autres « Vagabonds efficaces » pour reprendre les titres de ces ouvrages célèbres qui datent des années 1940. Il affirme qu’un lieu libre peut recréer (peut-être) des êtres libres, mais qu’un lieu « encaserné », disciplinaire ne peut que produire des hommes des casernes.
Il développe ainsi une critique et une méfiance des éducateurs et psychologues « officiels », et tente partout où il le peut de s’appuyer sur des gens « normaux » pour réaliser un encadrement lâche et respectueux des jeunes marginaux. À Lille, il ne prend que des éducateurs sans liens, passionnés de terrain, et non farcis de théorie et de désir d’ordre. Sa lutte est en effet cohérente et totale contre les « ennemis de l’enfance » qui ne visent qu’à reproduire « leurs propres désirs d’obéissance servile, de conformisme avachi et de moralisme de pacotille ». Comme tout vrai libertaire, il accepte les termes « amoral » et « asocial » puisqu’il rejette la moralité et la société autoritaire, capitaliste et bourgeoise de son temps. Tout son engagement, c’est pour que « le peuple se délivre et ose marcher à ses pas » : l’autonomie pédagogique et l’autonomie sociale sont une même réalité rêvée.

En France le Collectif d'Art Sociologique fondé à Paris en 1974 autour de Fred FOREST, Jean-Paul THÉNOT et Hervé FISCHER fonde en mai 1976 l'École sociologique interrogative dont la pratique et la finalité repose sur l'autogestion, l'autonomie et la connaissance de l'art. Cet art est vu comme moyen, savoir et pratique de l'apprentissage aux apparences libertaires. Cette primauté de «l'art sociologique» nous renvoie autant à FOURIER qu'à Herbert READ.
Le mouvement « FREINET »
En France notamment, le mouvement lancé par Célestin FREINET (1896-1966), connait un large succès, pour au moins trois grandes raisons note Ahmed LAMIHI :
- c'est un mouvement parti de la base, des instituteurs eux-mêmes.
- la formation en est courte et rapidement maîtrisable.
- le coût est très réduit, l'essentiel étant la création d'une petite imprimerie.

Dans ce mouvement militent de nombreux antimilitaristes, objecteurs ou libertaires, à côté de franges de l’extrême gauche marxiste et bien sûr de pédagogues apolitiques ; il est bien aux marges de l’anarchisme, ou parfois à son contact. Les méthodes actives (reprises surtout de FERRIÈRE), l’usage de l’imprimerie à l’école (qui renoue avec ROBIN, FAURE et FERRER), l’autonomie des élèves (comme pour NEILL), le souci d’ouverture (promenades, visites, échanges par courriers... initié par ROBIN)... se retrouvent dans notre essai de définition préalablement dressé.
Il est bon de rappeler qu’en 1922, FREINET avait fait un voyage d’étude auprès des « maîtres-camarades » libertaires d’Hambourg. Il popularise l’expérience dans la revue communiste Clarté en 1923. C’est dans cette revue ouverte et assez éclectique, malgré son marxisme parfois très orthodoxe, qu’entre 1923 et 1925 surtout, il aborde pour la première fois de manière concise ce que seront ses méthodes pédagogiques. Des articles comme L’imprimerie à l’école, Vers l’école du Prolétariat, ou L’école du travail sont la marque de la naissance d’une nouvelle proposition pédagogique, même si bien des moyens ou convictions sont largement empruntés à des penseurs et expérimentations antérieurs.
En 1932, FREINET se positionne déjà pour « l’auto-organisation des enfants », ce que plus tard on appellera autogestion. À partir de 1934/35 « l’école autonome, éducationnelle et sociale de Vence » devient rapidement célèbre. Son projet « d’école moderne » populaire (le terme est un évident hommage à l’anarchiste FERRER GUARDIA) est proche en fait des idéaux autogestionnaires, malgré les critiques des scissionnistes du Groupe d’Éducation Thérapeutique (Cf. ci-dessous).
Il reprend bien des idées rationalistes (influence de FERRER) et vise surtout à promouvoir l’autonomie de l’enfant en lui permettant de développer sa personnalité.
L’importance proudhonienne qu’il donne au travail ou la notion d’éducation intégrale et de l’importance des expérimentations qu’il reprend largement de Paul ROBIN le classent très proche des pédagogues libertaires, d’autant que son antimilitarisme, son pacifisme, son internationalisme et l’importance qu’il accorde à l’espéranto le font souvent côtoyer les anarchistes, Louis LECOIN surtout, à propos de l’antimilitarisme et de l’objection de conscience. FREINET a voulu rester au départ dans le cadre de l’école publique, comme Paul ROBIN en son temps. Mais l’école de Vence est pourtant une création privée, comme l’étaient avant lui les écoles rationalistes de FERRER.
Enfin son « refus de l’autorité en éducation » est une nette déclaration libertaire.
Par contre son utopie pédagogique a été également influencée par la proximité des penseurs du marxisme, comme le révèle cette conclusion simpliste et « ouvriériste » d’un article qu’il a publié dans Clarté en 1924 : « l’école actuelle est fille et servante du capitalisme. À l’ordre nouveau doit nécessairement correspondre une orientation nouvelle de l’école prolétarienne ».

La principale organisation est l'ICEM-Institut Coopératif de l'École Moderne, qui se dote d'antennes départementales. Il s'appuie sur la CEL-Coopérative de l'Enseignement Laïc. L'IPN-Institut Pédagogique National, malgré son rôle institutionnel officiel, est assez favorable aux initiatives du mouvement, et permet la diffusion de biens des écrits.
Sur Paris, dès 1952 est fondé l'IPEM-Institut Parisien de l'École Moderne. Raymond FONVIELLE (1923-2000) y acquiert très vite une grande importance. Mais les initiatives et le rayonnement, ainsi que les visions critiques du groupe parisien, entraînent une réaction assez autoritaire de FREINET, et l'exclusion du groupe en 1961. Comme quoi la pédagogie antiautoritaire n'empêche pas des comportements autoritaires et d'étonnante orthodoxie.

Parmi d'autres écoles françaises se réclamant de FREINET, on peut citer Thélème, école alternative, de Vernet-les-Bains, dans les Pyrénées Orientales, ou l’École Publique Célestin FREINET d’Avranches dans le Finistère.

Le cas italien du Movimento di Cooperazione Educativa est assez identique à l’aventure du mouvement FREINET. Il joue un grand rôle dans l’idéologie du mouvement international et dans la proposition de pratiques antiautoritaires.

En Espagne le mouvement FREINET avait connu avant la victoire franquiste un rapide essor, surtout en Catalogne, où il est parfois lié aux expériences des maîtres « rationalistes », comme je l’ai noté à propos des frères anarchistes CARRASQUER en Aragón et en Catalogne. Un libertaire comme José de TAPIA est un de ses plus illustres représentants. Il faudra attendre la fin de la nuit franquiste pour que renaisse ce mouvement, c’est à dire dans les années 1970-1980.
La « pédagogie autogestionnaire ou institutionnelle » : une pédagogie libertaire
Depuis 1952 est introduite en France la notion de «psychothérapie institutionnelle», qui en fait est déjà pratiquée dans le milieu psychiatrique depuis les années 1940. Elle s'inspire partiellement de la «thérapie active» testée en Allemagne après 1945. L'ancien poumiste marqué par les expériences de 1936, le psychiatre d’origine catalane François TOSQUELLES (1912-1994), joue un grand rôle dans la réflexion entreprise sur le milieu asilaire, et sur l'importance du travail comme élément de réinsertion sociale, mais aussi «d'outil thérapeutique». Dans de nombreux centres, l'échange soignants-malades permet, en partant de la récupération de la parole par les intéressés eux-mêmes, de fournir des pistes de guérison et/ou de formations enrichissantes. La rencontre avec des pédagogues (F. OURY, FREINET…) s'opère dès la fin des années 1940.
En 1960 se met en place un GTPSI-Groupe de Travail de Psychologie et de Sociologie Institutionnelle autour de TOSQUELLES ; il devient ensuite GPI-Groupe de Psychothérapie Institutionnelle, une des composantes en 1965 de la SPI-Société de Psychothérapie Institutionnelle. Il influence les volontés d’intervention dans diverses institutions, notamment le milieu de la formation au sens large ; le pont est assuré entre diverses branches par des chercheurs et acteurs, souvent également militants, comme le docteur Jean OURY (né en 1924 et déjà adepte de la « psychothérapie institutionnelle ») et l’ami de Fernand OURY, Félix GUATTARI (1930-1992) qui œuvrent ensemble à la clinique psychiatrique de La Borde (Cour-Cheverny, Loir-et-Cher) : La Borde est tout à la fois un centre expérimental, et un laboratoire permettant de valider de nouveaux concepts (transversalité, contre-transferts, analyseur…). Ils appartiennent au GPI. Jean a acheté un bâtiment en ruines en 1953. Félix s’installe en 1955. Ils y instaurent très vite une communauté égalitaire, avec rotation des tâches (la fameuse « organisation communautaire ») et un mode de vie assembléiste très démocratique et pré-autogestionnaire, même si le « groupe gestionnaire » reste essentiellement aux mains des fondateurs. Cette communauté mélange soignants, administratifs et patients dans une volonté d’ouverture et de respect qui est le propre de tout positionnement libertaire (même si GUATTARI par exemple est un temps membre du PCF). Même les patients ont leur propre organe délégué, le « Club » dit « des pensionnaires ». Des conférences, des spectacles souvent organisés par les patients, ouvrent encore plus la clinique sur l’extérieur et en font une référence absolument incontournable.
Au tournant des années 1960 une rupture se produit au sein du mouvement FREINET notamment de la part de maîtres urbains. Raymond FONVIELLE et Fernand OURY (frère de Jean 1920-1998) sont exclus de la tendance orthodoxe de l'ICEM-Institut Coopératif de l'École Moderne. Ils fondent alors le GTE-Groupe Techniques Éducatives (mai 1961-autodissolution octobre 1966), actif sur Gennevilliers. Ce GTE, qui se revendique toujours de FREINET, cherche par contre une ouverture sur d'autres champs, pas forcément directement liés à la pédagogie : médecine, psychanalyse, architecture, journalisme… La rencontre avec les psychothérapeutes et les psychanalystes se fait donc naturellement et rapidement : en 1963-1964 des membres du GTE mettent donc en place un GET-Groupe d'Études Théoriques, cherchant à finaliser ce que pourrait être une «pédagogie thérapeutique» (définition de F. OURY qui est le principal animateur du GET). Ce GET devient membre de la FGRI ou FGERI-Fédération des Groupes d’Études et de Recherches Institutionnelles.
Dès cette époque Raymond FONVIELLE surtout applique prioritairement une pédagogie non directive, et recherche autant l'autonomie des apprenants que celle du groupe classe lui même. Il place le désir de l'élève au centre du dispositif et propose des formes d'autogestion pour l'ensemble de la classe. En prolongeant FREINET, il l'a dépassé ; en réfléchissant sur l'institution il aborde à sa manière ce qui devient la pédagogie institutionnelle.
Cela explique sans doute que le GTE soit en lien depuis 1963 avec Georges LAPASSADE (1924-2008), lui-même membre du CAIP-Centre d'Analyse et d'Intervention Psychosociologique. LAPASSADE depuis 1957-58 s'intéresse à la dynamique de groupe et aux éléments thérapeutiques du T-Group (Training Group), formule de psychologie sociale qui permet à un groupe d'adultes, souvent futurs formateurs, de pratiquer l'autoformation et l'auto-observation réciproque à la fois sur le groupe, sur les objectifs du stage, et sur leurs comportements réciproques. Depuis l'été 1962 (stage de Royaumont) avec l'appui des GTU-Groupes de Travail Universitaires et de l'UNEF-Union Nationale des Étudiants de France, réformes pédagogiques, projets sociétaux, et visées autogestionnaires s'insèrent en milieu étudiants, sans pour autant convaincre la majorité (LAPASSADE est mis en minorité). On peut cependant désormais avancer l'idée «d'autogestion pédagogique» (1962) et celle «d'autogestion du stage» (LAPASSADE 1963-1964). Le terme de «pédagogie institutionnelle» apparaît dans ses écrits dès 1963. Intéressé par les expériences et théories autogestionnaires depuis déjà quelques années, il applique le concept à la pédagogie l'année suivante: «pédagogie autogestionnaire». Plus tard les notions sont reliées, par exemple avec Ahmed LAMIHI : «pédagogie institutionnelle-autogestionnaire».
Les liens de LAPASSADE avec les enseignants Bernard BESSIÈRE et FONVIELLE à Gennevilliers permettent d'avancer des pistes et de largement dépasser la pédagogie FREINET : le conseil de coopérative, précurseur de l'autogestion pédagogique, perd sa prépondérance par rapport aux conseils de classe qu'on cherche à mettre en place. Le maître devient une sorte de citoyen de la classe, comme les autres, même s'il garde un rôle clé : initiateur du projet, analyste et consultant, savant et ressource… C'est loin d'être simple à réaliser, d'autant que le maître (surtout également par le fait qu'il reste souvent le seul adulte présent en permanence), garde forcément une fonction d'autorité (pas nécessairement autoritaire).
En 1964 est fondé le GPI-Groupe de Pédagogie Institutionnelle autour de LAPASSADE, René LOURAU (1933-2000) et Michel LOBROT (né en 1924) et Raymond FONVIELLE qui se sépare alors de F. OURY ; il est nettement intégré dans la mouvance pédagogique libertaire par sa vision antihiérarchique et antibureaucratique. LOBROT, spécialiste de l'animation non-directive de groupe, est alors également un militant politique : dans son cursus il passe par Socialisme et Barbarie, le PSU et se sent ensuite proche des anarchistes car il met au premier le refus de tout autoritarisme et de tout messianisme ; il connaît LAPASSADE depuis 1958 et reconnait qu'avec lui, ils ont développé l'idée autogestionnaire et précédé de fait l'explosion de mai 1968. Lié au GTE, à Socialisme et Barbarie, à l'ARIP-Association pour la Recherche et l'Innovation Pédagogique, le groupe de Nanterre… le GPI se pose des problèmes bien plus larges que ceux de la seule sociologie. Il disparaît en 1967, mais il a ouvert des pistes, appuyé de nombreuses revues… et son influence reste très forte (LAHIMI).
En 1966, se fonde le GET - Groupe d’Éducation Thérapeutique animé par Fernand OURY, Raymond FONVIELLE, Georges LAPASSADE, Jacques PAIN, Michel LOBROT et Aïda VÁSQUEZ qui s'installe en France vers 1962 (psychologue d’origine vénézuélienne - Caracas). OURY et VASQUEZ obtiennent la collaboration de Françoise DOLTO (1908-1988) qui préface un de leurs ouvrages. En 1966 la FGERI propose un regroupement international et lance la revue Recherches dont le numéro 1 paraît en avril 1966. Il s’agit d’un milieu très hétéroclite, tant à cause des personnalités fortes qui le composent, que des trajectoires et des milieux concernés : architectes, instituteurs (FONVIELLE et BESSIÈRES le sont à Gennevilliers), psychologues, pédagogues, philosophes, psychanalystes… cohabitent et se mêlent avec richesse, du fait d’une « fermentation assez étonnante » comme le rappelle GUATTARI.
En 1967 autour de Michel LOBROT dans le Centre National de Pédagogie Spéciale à Beaumont-sur-Oise se fonde le GRIP-Groupe pour la Rénovation des Institutions Pédagogiques. La même année à Nanterre autour de René LOURAU se développe le GAI-Groupe d'Analyse Institutionnelle.

Tous ces courants annonciateurs de 1968, s’inspirent plus ou moins de la contre-culture et adoptent des positionnements antiautoritaires et volontiers antihiérarchiques par rapport aux institutions. L'arrière plan contestataire, les expériences autogestionnaires (Yougoslavie depuis 1948, Algérie après 1962), l'évolution des mœurs et la montée d'une critique sociale et socialiste radicale… permettent de développer des idées nouvelles ou alternatives dans les champs qui touchent à la formation. Leur mouvement est très influent dans les années 1960-1970-1980 et marque de manière durable, en France au moins, les pédagogies autogestionnaires et les théories radicales, comme par exemple « la non-directivité intervenante » proposée par Michel LOBROT ou la volonté de sortir de l'autorité de Bruno ROBBES. Michel LOBROT, autogestionnaire convaincu et penseur essentiel de ce courant de la pédagogie libertaire institutionnelle, propose le «plaisir» comme élément central de l'apprentissage en 1996, et renoue ainsi avec une forme de fouriérisme ; en d'autres écrits il met en avant l'importance du rogérisme (Carl ROGERS) sur la pédagogie institutionnelle et autogestionnaire, notamment via la primauté de l'empathie, de rapports non violents et amicaux, et d'une non-directivité systématiquement utilisée. L’impact de cette mouvance sur les évènements de 1968 est certes mineur, mais il ne faut pas le sous-estimer, de même que l’influence sur l’expérience pédagogique de l’université de Nanterre.
Le groupe de Nanterre (ville où Aïda VÁSQUEZ est aide psychologue à l'Office Public d'hygiène Social), mené par LAPASSADE et René LOURAU, proche des surréalistes et de la pensée situationniste, de Socialisme ou Barbarie (LAPASSADE et LOBROT en seraient membres) et du Mouvement du 22 mars en 1968 est un des plus radicaux et un des plus libertaires. Il participe largement aux évènements de 1968, qu’il avait d’une certaine manière préparés et anticipés. Il avait déjà mis en place dès 1967 le premier GAI - Groupe d’Analyse Institutionnelle, qui est fréquenté, entre autres militants, par Daniel COHN-BENDIT. Preuve, à contrario s’il en est, de leur influence culturelle et militante, ce sont les critiques des situationnistes qui passaient leur temps à pourfendre ceux par qui ils avaient été les plus marqués : LEFEBVRE, LAPASSADE…
Comme l’écrivait René LOURAU dès 1966, leur objectif commun est de « transformer la parodie d’éducation légalement dispensée dans nos écoles en une éducation au sens propre du terme : une formation de l’homme en tant qu’être social, autonome, responsable de lui même, capable d’initiative et de liberté ». Il s’agit donc de suivre les idées de ce qu’il nomme plus tard en 1970 la « révolution copernicienne du non-directivisme » et ce que d’en d’autres écrits il appelle la « pédagogie des camarades », concept libertaire voulant détruire les barrières entre étudiants et enseignants, et entre apprenants (école) ou malades (asile) et le milieu ambiant, l'institution. « L’idéologie qui sous-tend la recherche des praticiens réunis dans les groupuscules que la FGERI tente de fédérer, c’est une idéologie que d’autres nomment libertaire (pourquoi pas), voire anarchiste, sinistre dégradation d’un mot qui désigne en fait le rêve le plus secret, le désir le plus légitime de tout homme : l’absence d’autorité extérieure, c’est çà dire l’exercice de la liberté ». La même année dans le premier numéro de la revue Recherches, LOURAU récidive en affirmant qu’il « serait naïf de nier une certaine coloration (d’autres diront une coloration très certaine) anarchiste dans les antécédents et jusque dans l’actuel état d’esprit du GPI ».
L’intérêt de LOURAU pour la « pédagogique utopique » (1964) et foncièrement démocratique est ancien. Les voyages qu’il fait avec LAPASSADE, notamment au Canada, au Brésil (expériences à la FUMG - Fondation Universitaire du Minas Gerais en 1972)… permettent d’étendre le réseau des adeptes de l’autogestion. LAPASSADE propose même le titre « d’autogestion tropicaliste » pour définir les essais malheureux du Brésil, reprenant ainsi un concept d’explosion libertaire, culturelle et politique, qui explose alors autour de Gilberto GIL notamment.
Ces deux compères participent à diverses expériences sur la dynamique de groupe, notamment LAPASSADE à la MNEF, et cela dès 1962. Dans les années 1960 cette Mutuelle Nationale des Étudiants de France est assez en avance sur son époque en matière de pédagogie et de refus du mandarinat.

Presque tous ces chercheurs-praticiens se définissent pédagogues institutionnels car leurs actions pédagogique et sociale visent à remettre en cause le concept polysémique d’institution. Certains distinguent les institutions externes (le système scolaire en gros qui impose cadre et directives) des institutions internes (le cadre et règlement du groupe classe) : tous contestent le système dans sa globalité (externe) et tous cherchent à rendre le plus libre, le plus collectif et égalitaire et le plus autogéré possible le cadre local (interne).
Jean OURY compare souvent l’hôpital et l’école, deux lieux identiques où autorité, mise en condition… s’exercent pareillement, toujours au détriment de l’autonomie individuelle. D’autres parlent « d’école-caserne ». La relation entre l'individu et l'institution est centrale et complexe, riche également de réseaux relationnels multiples, que l'enseignant ou le psychothérapeute ne maîtrise ni ne décèle toujours. Mais il faut en tenir compte, si on veut avancer vers l'autonomie. Jacques ARDOINO, conservant cette analogie avec l’hôpital, et s’interrogeant sur « l’imaginaire du changement », affirme que « pour la psychologie sociale et plus particulièrement pour la psychosociologie, l’intervention devient une démarche clinique appliquée à des ‘’ensembles pratiques’’ ». C’est une manière d’exprimer ce qu’on appelle parfois l’utopie réaliste, ou l’utopie concrète : la volonté d’agir de manière pragmatique et parfois au niveau local, au nom d’un idéal et d’une démarche de nature globale. Tous les partisans de l’intervention institutionnelle s’inspirent des travaux et pratiques sur l’analyse de groupes, et du concept de recherche-action, et sont sensibles, comme les libertaires, à l’imbrication entre l’engagement individuel et le respect de ses choix dans un collectif non autoritaire : « la finalité de l’intervention restant toujours le développement de l’autonomie du client (le demandeur) ». La non-directivité devient leur méthodologie commune.
Plus que d’autres, ils découvrent que le groupe est supérieur à la somme de ses composantes, retrouvant les précoces et perspicaces analyses proudhoniennes sur les forces productives collectives. En ce sens, Gérard MENDEL peut remarquer que « tout notre effort consiste à définir à repérer un processus des mouvements collectifs » et à le valoriser, au profit des individus. L’attitude foncièrement antiautoritaire de ce mouvement s’appuie souvent au départ sur les positions de la pédagogie non-directive élaborée par Carl ROGERS, malgré les déceptions causées par le réformisme de ce dernier lorsqu’il viendra faire des conférences en France. Cette analyse non-directive, au départ largement prônée pour sa spontanéité créatrice et son anti-autoritarisme (rôle important de Georges LAPASSADE en ce sens), est cependant parfois critiquée car porteuse de dégénérescence, aux antipodes de ce qu’elle avance : dans la pratique, elle peut même « favoriser l’émergence de phénomènes de consensus, de redondances oppressives… » affirme Félix GUATTARI.
Les analystes institutionnels ne sont également pas tous au diapason sur leur rôle propre : maintenir une extériorité absolue pour tenter de ne pas fausser le groupe pour lequel ils font une intervention, ou cogérer le groupe sur un pied égalitaire (comme le fait Georges LAPASSADE avec l’UNEF dès 1962-1963), l’analyste ne devenant qu’un participant parmi d’autres, un « conseiller en formation », sans pouvoir officiel, mais avec sa spécialité revendiquée. On retrouve là toute la thématique du positionnement du maître ou formateur dans toute la pédagogie libertaire.

FONVIELLE, LAPASSADE ou René LOURAU étendent donc logiquement leur analyse institutionnelle à toutes les institutions sociales (figées et autoritaires par nature, comme pour Ivan ILLICH), pas seulement à l’école, et se rapprochent donc très souvent des positions anarchistes et autogestionnaires. Le travail dans l’institution pédagogique doit être de la même nature que vis à vis des autres institutions autoritaires dont l’État est la principale. Leur passage sud-américain (René LOURAU puis Georges LAPASSADE font un séjour au Brésil, le dernier à Belo Horizonte en 1972) les rapproche également géographiquement des pédagogues de la libération ou partiellement autogestionnaires (Cf. la brésilienne FUMG - Faculté Libre de Pédagogie du Minas Gerais) et d’ILLICH.
Fernand OURY et VÁSQUEZ semblent eux mettre plus l’accent sur l’aspect thérapeutique et rester très proches de FREINET. La notion de médiation, pour permettre à l'apprenant ou au malade de se réapproprier le lieu et l'activité, reste souvent prépondérante : ce peut être un objet, une activité, une moyen ou un outil (l'imprimerie et le journal scolaire chez FREINET), ou une autre personne. Ces moyens ou méthodes de médiation engendrent de nouveaux comportements, de nouvelles relations ou échanges, et sont bien un moyen et non une fin pour sortir du carcan institutionnel traditionnel vécu pesamment par les individus, avec de multiples blocages.
Une des idées principales est leur volonté de permettre l’autogestion du groupe classe par les élèves et les maîtres, autant pour les aspects pédagogiques que sociaux. Ces pédagogues misent donc sur le groupe, « la classe coopérative », et sur les valeurs positives de celui-ci : «l'échange généralisé», la «réciprocité» plus ou moins obligée (héritage maussien), bref l'entraide. Partie de la gestion autonome de la classe (autogestion pédagogique limitée) elle devient une nécessité plus étendue (autogestion de l'établissement concerné) et plus globale (tous les aspects de la vie en société dans le monde scolaire et au-delà). Cette autogestion est donc un objectif de plus en plus radical à mesure qu’on se rapproche de 1968, et rétrospectivement, Georges LAPASSADE confirme que cette « autogestion sociale ne deviendrait possible qu’après une subversion radicale du système social et une destruction complète de l’État, avec son armée, sa police et sa bureaucratie ». Il est passé ici de considérations pédagogiques à des propositions purement et simplement anarchistes. Dans un autre article, LAPASSADE fait remonter l’idée d’autogestion aux premières interventions qu’il assume dans les années 1960, et notamment au colloque de Royaumont en juillet 1962. Il montre également l’importance de « l’autogestion pédagogique » dans le cadre des formations, et la forte influence de celle-ci sur « l’autogestion socio-analytique » dont il est un des promoteurs. Pour LAPASSADE comme pour LOURAU, malgré leur antagonisme en fin des années 1970, cette autogestion est tout à la fois un objectif global de transformation de l’institution où ils « interviennent » (voire transformation projetée de la société, du monde ?) qu’une méthode cohérente qui la traduit dans la réalité à travers les petits groupes autogérés et la pratique des Assemblées Générales fréquentes. 1968 a incontestablement accentué cet « assembléisme ». Comme l’écrit rétrospectivement LOURAU « instaurer l’autogestion ou l’assemblée générale permanente, c’est avant tout se battre pour briser les résistances individualistes ou groupistes, les murailles hiérarchiques, les secrets petits ou grands, la division du travail instituée comme normale… ».
La libération des forces créatrices ainsi occasionnées doit transformer l’institution scolaire et réduire de manière drastique le rôle de l’éducateur. Il devient « facilitateur » (un peu comme les médiateurs de Summerhill) et doit répondre aux difficultés inhérentes aux premiers essais autogestionnaires. L’école doit être « pour l’enfant », pas pour l’institution, les maîtres et l’administration.

Comme pour tous les autres courants pédagogiques libertaires, les pédagogues « institutionnels » misent avant tout sur la demande, le désir des enseignés, au point de proposer une véritable « sociologie de la demande » et surtout sur des méthodes en accord avec la fin projetée, donc avec de larges traits libertaires et autogestionnaires.
La société sans école ou une société déscolarisée ? ILLICH, HOLT, BERNARDI et les autres
L’idée de déscolarisation a ses fondements chez des pédagogues et chercheurs du début du XXème siècle, comme Ellen KEY en Suède ou Henri ROORDA qui publie en 1918 Le pédagogue n’aime pas les enfants, où il proposait une école réduite à 2 heures par jour. La vision de KEY était plus optimiste lorsqu’en 1905 elle publie Le siècle des enfants.
Les liens avec la réflexion de l’anarchiste Paul GOODMAN sont aussi très souvent cités et reconnus, notamment avec son livre important Growing up absurd.
Plusieurs concepts sont aujourd’hui révélateurs de tous ces courants de déscolarisation :
unschooling ou refus de l’école
homeschooling ou développement de l’école hors des classes, dans le milieu familial ou ailleurs : cela rejoint tous les courants d’écoles alternatives, des « écoles autrement »…
objection scolaire, en parallèle avec les objecteurs de croissance : se mettre hors des institutions…

Le mouvement plus récent lancé par l'autrichien Ivan ILLICH (1926-2002) (et Everett REIMER) est d’esprit foncièrement anarchiste, même si non revendiqué. Les deux enseignants se sont rencontrés à l’Université Catholique de Porto Rico dans les années 1950. L’ouvrage de REIMER, School is dead. Alternatives in education - La mort de l'école. Alternatives éducatives, publié en 1971, est au diapason des idées d’ILLICH.
ILLICH est très influencé par l’anarchiste Paul GOODMAN qu’il rencontre souvent entre 1968 et 1970 et avec qui il partage (comme Paulo FREIRE d’ailleurs) la notion « d’éducation incidentale » (qui naît d’un besoin contingent, des besoins des apprenants, du quotidien…). Compulsory mis-education - La mauvaise éducation obligatoire de GOODMAN est un de ses livres de référence.
Sur le rôle des technologies alternatives, libératrices et douces, il est bien un des militants de son époque, et sa proximité avec Murray BOOKCHIN renforce encore son côté libertaire.
Ces références prouvent qu'ILLICH est bien à la confluence entre « pensée critique et pensée utopique » comme l 'analyse Patrick VIVERET. L'auteur insiste cependant sur ce qui est positif dans la « fonction utopique », l'ouverture d'un possible à investiguer, bref une utopie qui devance la science mais ne l'exclut pas : l'analyste est alors le pivot stimulant d'une pensée et d'une «œuvre stratégique(s) ». ILLICH refuse l'enfermement et toute glaciation, et n'esquisse que quelques solutions alternatives très modestes: « je veux donner un guide pour l'action et laisser libre cours à l'imagination ».
ILLICH se range cependant de manière un peu provocatrice sous la bannière d’une « Société sans école ». En fait il s’agit d’une mauvaise traduction française de l’ouvrage « Deschooling society » : la déscolarisation s’en prend au système scolaire et à la manipulation des individus qu'il opère, pas à l’école en tant que telle, ou plutôt pas à l'instruction en tant que telle. L’école n’est que le paradigme de l’État institutionnalisé, comme l’armée, l’Église ou la médecine… qu’il va également analyser. En fait il faudrait traduire le terme « scolarisé » par « conditionné » pour bien comprendre les analyses d’ILLICH ; en ce sens, se déscolariser signifierait se libérer du conditionnement et du bourrage de crâne.
Les rencontres de Cuernavaca au Mexique (où il a créé un Centre Interculturel et de Documentation, plus tard laïcisé sous le nom de CIDOC en 1968) ont connu un réel développement dans les années soixante-dix et ont donné à l’équipe d’ILLICH un vrai retentissement. La position pour une société dés-institutionnalisée, au service de l’homme, d’un collectif convivial et non de l’État-nation qu’ILLICH dénonce constamment… rattachent le mouvement de Cuernavaca à la mouvance libertaire.
À la base de ses idées se trouve la séparation entre la nécessaire éducation (qui pour lui est la formation au sens large, sur toute une vie) et l’école (vue comme institution étatique ou privée) sclérosante et aliénante. Cette éducation au sens large peut reposer sur des réseaux détournés (par exemple en utilisant les technologies de la communication), qui permettraient à tous d'avoir accès à des informations ou formations. Comme pour de nombreux autres libertaires, cette vision horizontale, réticulaire forme un contrepoids essentiel aux structures pyramidales et autoritaires des diverses institutions.
Sa critique du système éducatif, comme de toute institution bureaucratisée et manipulatrice, est bien une vraie critique anarchiste et se retrouve dans toutes les analyses libertaires des systèmes autoritaires. Notre « aliénation » est pour lui due « à notre abandon aux choses, aux systèmes et aux héros » ce qui est une belle dénonciation du capitalisme et de son matérialisme, de la domination idéologique prolongée par les institutions, et du culte de la personnalité. Ils s'opposent à la toute puissance des «outils» ; pour ILLICH, l'outil est un moyen, une forme de développement des forces productives, qui atteint l'inverse de son objectif en se développant excessivement : «l'outil, de serviteur, devient despote».
Son « radicalisme humaniste », comme le note Erich FROMM, se dresse contre les « supercheries », les certitudes conventionnelles et conformistes de toutes nos institutions. Il faut apprendre à les « ridiculiser », à les désacraliser pour rendre à l’homme sa liberté de jugement et d’action. Il faut donc refuser notre servitude idéologique, ce qui est un beau renvoi aux pensées anciennes de LA BOÉTIE.
Toute son œuvre peut se résumer en un mot : « dés-institutionnaliser », c’est à dire refuser la médiation et le pouvoir des institutions pour rétablir un vrai dialogue, une vraie rencontre entre êtres humains, en détruisant ou minimisant les intermédiaires, et en se réappropriant et en utilisant au profit de tous des technologies ou systèmes choisis. Sa démarche alternative renforce la convivialité la plus naturelle. Cette «convivialité» est une forme d'utopie concrète, réaliste, de l'ordre du possible et de la volonté ; elle vise au respect de trois notions : les rapports entre les hommes, ceux entre les hommes et leur appareil productifs et leurs outils (ces derniers étant contrôlés et rendus à leur usage bénéfique premier), et enfin ceux entre les hommes et leur environnement. Ainsi une utopie globale permet d'accepter des institutions ouvertes, reposant sur le libre choix des usagers et reconnaissant le droit à la critique et au rejet : il oppose ainsi ces « institutions conviviales » aux « institutions manipulatrices ».
La pertinence d’ILLICH est d’autant plus forte qu’ancien prêtre, il révèle la forte ressemblance entre l’institution religieuse et l’institution scolaire : rituels identiques, même conditionnement des individus (école du conformisme, du statu quo, de la justification de la société qui la paye ou la contrôle…), même retrait monacal du monde… dans un ton très anarchiste. Il parle « d’endoctrinement », « d’opium » scolaire et de « reproduction » sociale et politique.
Pour renforcer sa dénonciation, il juge que l’enseignement est « une vaine entreprise », inadaptée surtout mais pas seulement aux pays en développement qu’il connaît bien. C’est une solution trop chère (l’école est une vraie « vache sacrée » écrit-il). Son mouvement s’appuie sur une analyse du concept de « contre-productivité », qui permet de montrer qu’à partir d’un certain seuil, de « sur-développement », toute institution crée l’inverse de ce qu’elle souhaite et conduit à l'esclavage, mot qu'il utilise par exemple pour dénoncer la domination et l'omniprésence de la voiture dans nos sociétés développées. L’école trop poussée ne forme plus, elle patine. Au « lieu d’améliorer, on paralyse » dit Jean-Pierre DUPUY dans Libération du 05/12/2002. Dans le numéro spécial de L’Arc de 1975, Étienne VERNE confirme que « plus on allonge et on force la scolarisation, plus on tue le désir d’apprendre » : l’école systématique et obligatoire détruit ainsi son objectif humaniste initial.
Le mouvement de déscolarisation qu’il prône renforce alors les positions libertaires : refus de tout monopole culturel, autonomie des choix, droit au refus de l’obligation scolaire. Il se range pour une éducation de la liberté, dans la liberté, en respectant l’identité de chacun. Il cherche à faire sauter le monopole éducatif de l’école.
Il espère le développement d’autres écoles (autres lieux, autres formations, autres expérimentations…) sous formes de réseaux alternatifs et mutualistes (entre « pairs ») d’auto-formation, dans des cadres libérés et diversifiés (familial, professionnel, communautaire ou dans un centre culturel). En bon utopiste libertaire, il refuse de figer l’avenir, forcément imprévisible, et privilégie le vécu et toutes les expérimentations. Il prône une utopie ouverte où sa nouvelle conception de l’école contribuera à façonner la nouvelle société. L’ouverture souhaitée sur la vie concrète, l’environnement naturel et socio-économique, rappelle les anciennes analyses de ROBIN, FAURE et FERRER…
Mais il sous-estime cependant le rôle lui même institutionnel de la famille ou de l’entreprise, ce qu’un anarchiste conséquent dénoncerait, sauf PROUDHON peut-être. Un père formateur peut être efficace ou nocif, non pas à cause de sa fonction, mais selon ses convictions et sa personnalité, et par le pouvoir affectif très lourd qui est le sien par rapport à ses enfants. D’autre part, en donnant beaucoup d’importance aux « maîtres à penser » dans un sens néo-socratique (même s’ils ne sont considérés que comme des pairs, des conseillers…), il laisse la porte ouverte à l’emprise de ces formateurs sur les apprenants et retombe peut-être dans l’ornière jadis tracée par ROUSSEAU. Cadre familial et capitaliste intéressés, et maîtres doués (charismatiques ?) n’ont peut-être alors plus rien à voir avec l’éducation libertaire ?
Comme le note Michael SMITH, pour être un vrai anarchiste de l’éducation, ILLICH aurait dû plus peaufiner son analyse du pouvoir. C'est un jugement un peu sévère, car le concept de «polarisation du pouvoir» que propose le penseur autrichien est suffisamment pertinent pour être retenu à la place de celui de concentration par exemple. D'autre part, en libertaire conséquent, il dénonce la notion de prise de pouvoir, qui n'aboutit qu'à changer de maître, et peaufine, à la place, une vision horizontale, interactive, égalitaire et conviviale, qui n'est pas sans évoquer autonomie, autogestion et fédéralisme libertaires. Ainsi ses valeurs essentielles pour une nouvelle société sont «survie, équité et autonomie créatrice». Sur un autre versant, sa volonté de «démythologisation» de la science et sa lutte contre la spécialisation outrancière nous rappellent certains avertissements bakouniniens. Enfin la nécessité du «recouvrement du droit» (en fait l'inversion du droit actuel), pour l'enlever aux parasites ou mystificateurs et pour remettre le bien commun au centre, a d'incontestables accents anarchistes ; pour remonter aux sources il suffit de citer GODWIN, PROUDHON, KROPOTKINE… et la primauté qu'ils accordent à la Justice ou à l'éthique.

Cette idée de « déscolarisation » ou de « unschooling » contre une école « anxiogène » et donc obstacle à l’épanouissement, se retrouve dans les écrits du professeur d’Harvard John Caldwell HOLT (1923-1985), surtout dans son livre pour « mieux faire les choses » de 1976 Instead of education où il se rallie à de nombreuses positions d’ILLICH. Cela l’amène à faire l’éloge de l’autodidactisme heureux, en proposant une nouvelle voie en 1981 avec Teach your own. HOLT ancien réformateur de l’institution scolaire, passe donc progressivement du côté de la critique radicale. Il a enseigné dans le Colorado et à Boston. Il serait l’inventeur, vers 1977, du terme unschooling, notion qu’il développe dans sa revue au titre emblématique de Growing without schooling.
Comme TOLSTOÏ bien avant lui, HOLT met l’accent sur l’apprentissage spontané, la soif innée de découverte, d’expérimentation (ce qu’il appelle une « prédisposition » ou une « impulsion » naturelle) que chaque enfant porte en lui, et qu’il faut stimuler ou simplement libérer. Mais son ouvrage le plus marquant, avant la synthèse d’ILLICH qu’il annonce, date de 1969 : L’échec de l’école (Underachieving school). Il reprend les idées déjà exprimées dans How children fail de 1964. Il est cependant moins systématique qu’ILLICH et se positionne parfois pour une présence minimale en classe, en reconnaissant cependant le droit à l’absence scolaire (ce qui là encore le rapproche de TOLSTOÏ). Il est donc plus proche de l’anarchiste Paul GOODMAN.
Il se différencie également par une recherche d’écoles alternatives, non obligatoires et donne une large place à la formation dans un cadre familial ou convivial. Il est donc un des grands théoriciens du mouvement de home education (homeschooling ou Home School) qu’on peut traduire en français par « L’école à la maison », et qui comprend souvent des cours à distance. Ces initiatives cherchent à revitaliser les formations dans le cadre familial ou au sein de petites communautés, ce qui rejoint les idées de Paul GOODMAN.
Le maître est pour HOLT un conseiller, un appui, un éveilleur, certes bien présent dans le processus éducatif, mais non autoritaire, comme dans toute la tradition libertaire. SMITH parle en ce sens de caractéristique de « feedback » (rétroaction) pour désigner le rôle de l’enseignant : une aide en quelque sorte pour l’amélioration et l’autonomie, qui part de l’analyse des actes de l’enfant, et qui lui propose des corrections ou modifications, qu’il est libre d’accepter ou de rejeter.
Plutôt favorable à l’expérience de NEILL à Summerhill, il en loue la tolérance, la liberté et la volonté de se mettre au niveau de l’enfance. Les pratiques autogestionnaires y forment un bon moyen pour développer le sens de la responsabilité.

Dans l’apogée du mouvement communautariste des sixties et seventies, le repli éducatif sur le petit groupe et la valorisation de l’autodidactisme fut souvent la règle, et pas forcément au nom de doctrines bien définies. Mais les dérives sectaires ou l’enfermement communautaire ou familial n’ont dès lors plus rien à voir avec le mouvement anarchiste, tout au contraire.

Un penseur et praticien comme George DENNISON, proche un temps de Paul GOODMAN, appartient à la mouvance de la déscolarisation quand il met l’accent sur les rapports quasi familiaux entre le jeune enfant et son éducateur qui lui accorde le même intérêt que de bons parents lui offriraient. C’est pourquoi il se range également en faveur de très petits groupes scolastiques, dans lesquels les jeunes apprenants autogèrent au maximum leur apprentissage et leurs relations.

Une autre tendance étatsunienne promeut les Charter Schools, des écoles publiques qui accueillent des mouvements pédagogiques alternatifs, autour d’une communauté scolaire incluant les parents.

Dans le quartier de Manhattan, John Taylor GATTO (né en 1935) semble dans la lignée d’ILLICH et de HOLT en rejetant une école (Against school) qui tue l’enfance, et en devenant à son tour un « objecteur d’école ». Il démissionne en 1991 de ses tâches professorales. Dans ses livres il décrit la « tyrannie » scolaire et ses méfaits.

C’est aussi le cas de l’auteur et enseignante Grace LLEWELLYN dont l’ouvrage de 1991 The Teenage Liberation Handbook. How to quit school and get a real education propose une synthèse pour les courants « d’unschooling » et de « homeschooling ». Le livre se comme un Manuel de libération de la jeunesse, puisqu’il indique les moyens de quitter l’école pour réaliser enfin une vraie éducation. Dans un livre plus récent et peut être plus radical, elle parle de « guerilla learning » !

Au Danemark, tout un ensemble de pédagogues militants s’alignent partiellement sur le mouvement de la déscolarisation et sur une critique radicale de la société  dans la foulée de 1968: Bo Dan ANDERSEN, Soren HANSEN, Jesper JANSEN… Leur Little Red Schoolbook de 1971, qui sent le soufre, notamment avec des passages sur une libéralisation de la drogue, des pratiques sexuelles diverses..., a été bloqué plus ou moins totalement par la censure de nombreux pays.

En Espagne, un premier mouvement de déscolarisation se tient à Barcelone de 1985 à 1989, autour du collectif Vida Sana dans une maison de Bellaterra.
Les militants de cette option animent une revue Crecer sin escuela - Croître sans école.
Dans l’ensemble, ils favorisent toutes les méthodes de pédagogie libertaire : travaux de groupes, autogestion, usages de méthodes ludiques et non directives, etc.

Au Royaume Uni, un mouvement comparable à celui des ÉU a pris le nom de Education Otherwise - L’éducation autrement.

Sans aller aussi loin dans la déscolarisation, il y a chez le pédiatre et pédagogue italien Marcello BERNARDI (1922-2001) des accents de rejets de l’éducation parentale (Cf. son Imperfetti genitori – Des parents imparfaits) ou de celle des éducateurs professionnels. En misant sur l’enfant (Cf. Il nuovo bambino – L’enfant actuel ou Le nouvel enfant) il prônait la liberté comme axe central de toute formation, y compris dans le domaine sexuel (Cf. sa La maleducazione sessuale. Dalla repressione alla liberazione del piacere come premessa a una società non autoritaria - La mauvaise éducation à la sexualité. De la répression à la libération du plaisir comme prémisse à une société non autoritaire de 1978). Ce texte a de nettes connotations néo-fouriéristes. C’est pourquoi il est dans le modèle de « l’éducation négative » (Filippo TRASATTI) y compris contre les pédagogues libertaires car il leur reproche une vision éducative positive, ce qui les amène parfois à promouvoir une forme (limitée) de conditionnement. BERNARDI s’est dressé, au nom des enfants, contre tous les conditionnements via la famille, les mass-médias (TV), et l’école bien sûr. Pour lui toute obéissance est une capitulation, une « abdication de sa propre dignité », sauf celle fondée sur le respect et l’égalité entre pairs. D’où le premier plan qu’il accorde au respect dû aux enfants, si on veut qu’ils deviennent libres. Pour mieux les respecter, il faut sortir des schémas, des conventions, des dogmes que les adultes utilisent ou justifient et toujours « Écouter les enfants » comme le proclame le titre de son dernier ouvrage paru à titre posthume. BERNARDI est un évident libertaire, car, disait-il, « ma foi repose dans la liberté. Ou mieux, dans l’individu libre. Je ne crois pas que cela soit une utopie… ». En plus, ses intérêts pour la science fiction et la bande dessinée nous le rendent encore plus sympathique, et son néo-malthusianisme renvoie à ROBIN et ses successeurs.
« La citadelle des rêves vécus » de Serge ALEXIS
Sous ce titre utopique paru aux éditions ACL lyonnaises en 1999, Serge ALEXIS évoque une expérience « utopiste et gargantuesque » de pédagogie libérée, « à la lisière du mouvement libertaire » précise la rédaction, qui a plus pour cadre un modèle proche des colonies de vacances actives, des centres de réadaptations par l’effort et par les loisirs, ou de camps d’adolescents autogérés que d’institution scolaire. L’idéologie y semble peu présente ; le pragmatisme, un empirisme créatif, et l’importance de la spontanéité et du vitalisme des participants y apparaissent primordiaux. Ainsi « imagination et motivation sont les clés de la réussite ».
La Citadelle est un haut lieu (1500 m) visiblement dans la région alpine sur les hauts plateaux du Vercors, qui fait suite à des passages en Corse et dans l’Ouest français (années 1960-1970). Une poignée d’animateurs convaincus, souvent bénévoles, et des enfants qui y sont passés pendant des années (un texte évoque les 20 ans du lieu) on permis d’édifier un lieu de vie et de loisirs, un lieu d’animation et de rencontres, au contact de la nature et des animaux (le cheval, et les activités qui tournent autour, étant un élément fédérateur assez puissant).
L’idée qui semble primer, à partir d’un texte plus poétique que précis, c’est l’importance de la réalisation autonome au sein d’un collectif qui coordonne (« autonomie certes, mais dans l’esprit constructif »). On apprend, on échange, on se réalise en faisant, en nettoyant, en construisant… bref on peut évoquer une réelle tentative d’autogestion d’un lieu, dans son aménagement et dans les activités qui s’y déroulent. Il s’agit de partir des apprenants, et d’agir pour eux, mais avec eux « pour l’enfant par l’enfant » selon le postulat proposé.
L’apparence anti-autoritaire, sinon libertaire, est omniprésente dans le texte qui s’adresse ainsi « à l’enfance libérée des carcans, des jougs et des tabous, …, à celle qui se construit, découvre sans contrainte le monde et ses contradictions… ». Mais l’animateur principal est lui aussi omniprésent, et son charisme semble évident : l’autogestion ici ne semble pas éliminer les maîtres à faire et à penser.









La pédagogie de la résistance : Raffaele MANTEGAZZA
En Italie, Raffaele MANTAGAZZA, philosophe de la pédagogie, responsable du dossier de la pédagogie « interculturelle » de l’Université de Milan, dirige un groupe de travail sur la domination en milieu pédagogique et l’écrasement de la potentialité libertaire des scolarisés. Il se réclame de l’École de Frankfurt et de FOUCAULT. Son livre Pedagogia della resistenza - Pédagogie de la résistance, publié en 2003 est un ensemble d’analyses et de propositions pour démasquer la question du pouvoir dans les milieux éducatifs et mieux contrer cette domination aliénante. Un site sur le net permet de multiplier les interventions en ce sens :  HYPERLINK http://www.pedagogiadellaresistenza.org http://www.pedagogiadellaresistenza.org.
Pour lui, toute éducation « est une forme de pouvoir », un « pouvoir d’assujettissement », et il dénonce le faible travail de tous les membres de l’institution scolaire pour prendre cette valeur en compte et mieux la dénoncer et la combattre.
Essai de définition « théorique » de l’utopie éducative libertaire
L’école ou l’éducation nationale, étatique, régionale, même laïque et libérale, est souvent dénoncée par les anarchistes comme une école du conformisme, du conventionnel et donc d’une certaine manière comme cause importante d’embrigadement et d’uniformité, de « mise en condition ». Elle développe notamment le patriotisme, et donc la haine de l'autre, en minimisant l'universalisme. C’est une école de la « résignation », de « l’empoisonnement » (Conférence des Bourses du Travail- 1908), de la « servitude » (PROUDHON) et de la transformation des individus en « automates », dénonce Georges DARIEN dans Le Voleur (1897). Pire, dans La Belle France (1898) il affirme que « l’enseignement supérieur et secondaire produit, sauf exceptions, des malheureux, des tyrans, des gardes-chiourmes. Quant à l’enseignement primaire, il ne produit que des esclaves ». La formule caricaturale de l’étatsunien John ZERZAN n’est pas loin d’être partagée par beaucoup d’anarchistes sans nuances quand il dit que « l’école t’enseigne à rester à ta place (dans un lieu et un temps donné) et te prépare à la vie en usine. Elle te calibre pour le système ». Dans le pire des cas elle brise toutes les velléités des individus à être autonomes et à gérer leur propre cheminement éducatif et cognitif. Comme le disait Ivan ILLICH « la scolarisation finit inévitablement par dégrader plus d’individus qu’elle n’en avantage ». Bien avant eux, le philosophe libertaire nietzschéen Georges PALANTE dénonçait en 1903 les illusions de « l’éducationisme », qui fait de l’éducation un système « de dressage intellectuel et moral subordonné à certaines fins collectives », une vraie « entreprise de moralisation collective » « conformiste, autoritaire et étatiste ». L’école libertaire est donc résolument l’opposé de ce cadre général, même si des libertaires veulent lutter au sein de l’école publique et ne pas s’isoler dans des îlots pédagogiques minoritaires. C’était la position de GODWIN contre le préceptorat rousseauiste dès la fin du XVIIIème siècle.
L’école devrait être donc indépendante de toute autorité, de l’État, des institutions (d’où le terme de « pédagogie institutionnelle » qui les dénonce toutes), des Églises, de la famille (sauf PROUDHON ?)... Ainsi l’école de FERRER est payante, à Barcelone, afin de préserver son autonomie par rapport aux institutions. Cependant la mouvance syndicaliste libertaire (notamment la CGT française d’avant 1914, la CNT ibérique ou l’USI italienne) militait souvent pour des écoles syndicalistes (ou assumées par des syndicalistes), comme moyen pour préserver les apprenants et pour permettre l’éducation libertaire par les libertaires eux-mêmes. Ce cas peut apparaître comme un risque de dérapage institutionnel car le syndicat, aux yeux des anarchistes, est une entité qui a ses propres fonctionnements et ses propres insuffisances. En refusant toute autoritarisme et toute imposition d’un dogme ou d’une attitude, l’école libertaire n’est cependant pas pour une éducation du laisser-faire sans objectifs ni pensée critique, et sans reconnaissance des « autorités » acceptées dans différents domaines (savants, techniciens, sportifs…) bien au contraire comme le montrent tous les points suivants.
S’il faut choisir entre école publique et école privée, la majorité des libertaires choisissent « l’école publique », car ouvertes pour toutes et tous, à égalité de conditions, et parce qu'au moins en théorie, elle œuvre pour le bien commun sans discrimination. Ce fut la position d'Eugène VARLIN dans l'AIT. Mais ils ont soin de préciser que par école publique, ils ne pensent pas à l’école étatique actuelle, mais à une école publique non instrumentalisée, à tenter dans le présent et à préparer pour l’avenir. Cependant certains comme Rino ERMINI font preuve de réalisme : l’école publique touche des millions de personnes dans les pays (occidentaux surtout), c’est donc là qu’il faut intervenir de manière massive si on veut aider à changer les choses. D’autres diront que ce changement espéré est illusoire, et qu’agir dans l’école publique supposée libératrice, c’est se perdre dans des sables mouvants, d'où les multiples essais autogestionnaires en marge de celle-ci, totalement ou partiellement.
L’école libertaire est l’affaire de toutes et de tous, et ne peut en aucun cas être laissée aux seuls spécialistes, éducateurs, pédagogues et encore moins aux administratifs… même s’ils sont libertaires. On vient cependant de noter que ce n’est pas totalement partagé par certains anarcho-syndicalistes ou syndicalistes révolutionnaires.
Cela signifie aussi que les rôles doivent être renversés ou supprimés, avec par exemple l'intégration plus forte des hommes dans l'enseignement des petits (alors que les femmes y sont massivement présentes, et parfois même les seules), comme l'a fait Andrea PAPI en Italie.
Elle doit donc être capable de s’autogérer (économiquement et pédagogiquement) avec tous ses membres (administratifs, ouvriers, enseignants, élèves et étudiants...). Certaines écoles recherchent même l’autosuffisance alimentaire, ou développent certaines productions artisanales. La formule de « co-éducation » (FERRER) ou d’enseignement mutuel ou solidaire est souvent utilisée. Parfois elle est balbutiante, et ne concerne que le Conseil de gestion de la coopérative, mais c'était déjà un début et c'est toujours formateur. Dans la filière kropotkinienne, le premier numéro de L’École rénovée (fondé par FERRER et d’autres en 1908) résume les 4 points essentiels de la pédagogie libertaire : le 4° se range pour « une éducation pratique fondée sur ‘’la grande loi naturelle’’ de la solidarité » ; KROPOTKINE aurait écrit « appui mutuel » ou « entraide ». Cette autogestion pédagogique n’est pas l’apanage des seuls anarchistes, même si elle est en position centrale : d’autres pédagogies libertaires s’en réclament plus ou moins, le mouvement FREINET, Summerhill… par exemple.
Cette autogestion implique (et développe) la solidarité (KROPOTKINE, mais également CHOMSKY), l’appui mutuel, l’échange réciproque des savoirs et expériences, le don gratuit, la fraternité éducative, «l'interdépendance solidaire»… Pour Albert JACQUARD, qui reprend les notions de réseaux et de liens égalitaires, « éduquer… c'est créer des réciprocités » : belle formule ! Pour ce scientifique hors norme, l'éducation est « l'instant de la mise en commun du trésor collectif », un lieu d'échange et de mutualisation entre pairs.
L’éducation doit former des « hommes complets » ; elle est presque toujours intégrale, globale, complète, ou générale (les termes sont équivalents pour les auteurs libertaires qui les emploient indifféremment, même si le premier est le plus usité depuis Charles FOURIER), c’est à dire :
- qu’elle est autant intellectuelle que manuelle
- qu’elle est autant sportive, physique... que livresque
- scientifique, littéraire, artistique, technique...
- l’école libertaire dispose de ses propres ateliers, jardins, centres d’élevage, cuisines... où chacun participe. Depuis FOURIER les vertus de la « gastrosophie » rentrent de plein pied dans la pratique formative.
Dans tous les projets et expérimentations libertaires, l’importance du travail, de la formation manuelle et technique, l’apport des travailleurs... sont essentiels.
Carlos DÍAZ avance la formule assez compliquée de « meta-noèse » intégrale, c’est à dire la faculté de penser le global, sans le compartimenter ni le réduire. La pédagogie libertaire permet donc à la fois une transformation morale et culturelle individuelle et collective, et une transformation socio-économique, car elle devient moteur du changement social et individuel. À Clivio, en Italie, cette vision intégrale se définissait comme « une éducation prise dans son triple aspect : physique, intellectuel, moral : en voulant développer intégralement le corps, l’intelligence et la conscience : en un mot, développer l’être humain complet ». Cette revendication de « l’éducation intégrale » est placée au premier rang par Michael SMITH lorsqu’il définit l’éducation libertaire ; et il reconnaît avec justesse que c’est une des revendications que l’on retrouve aisément dans d’autres courants socialistes, oweniste ou marxiste par exemple.
L'éducation libertaire est ainsi également « polytechnique » (le terme est déjà utilisé par PROUDHON) pour éviter toute fermeture, en refusant de se spécialiser et de se scléroser, de se figer... La valorisation du travail et de l’école vont de pair pour de nombreux anarchistes qui reprennent les idées proudhoniennes : « l’instruction et le travail sont le salut de l’homme » affirme encore Luisa CAPETILLO en 1907.
On doit également insister sur le rôle central de l'art, comme thème à part entière, mais aussi comme moyen, comme vecteur, comme élément attrayant… d'où les références à FOURIER, Paul ROBIN, Colin WARD, Herbert READ, Paul GOODMAN, Fabrizio DE ANDRÉ…
L'éducation libertaire est, dans le même esprit, « permanente », «continue», pour tous les âges de la vie, pour tous les types d’activités (loisirs, travail…). Elle refuse de séparer formation initiale des autres formations, et en dénonce une «dichotomie» traditionnelle qui est une vraie «imposture». Elle affirme que rien ne doit jamais être définitif et stationnaire, car la perfection ne peut exister. Elle est donc anti-utopique au sens classique du terme. Elle impose aussi beaucoup d'humilité, car les certitudes ne sont pas de son registre.
Elle mise sur des contenus alternatifs et contestataires, mais plus ouverts, plus égalitaires, plus proches du peuple dans son ensemble, plus libertaires : par exemple parler de l’histoire des peuples plus (ou autant) que de l’histoire des princes, parler des mouvements rebelles et hérétiques plus (ou autant) que des mouvements religieux, parler du pacifisme et de l’antimilitarisme plus (ou autant) que de l’histoire des conflits, plus des femmes (ou autant) que des hommes, du travail plus (ou autant) que du capital, des peuples dits primitifs ou non européens plus (ou autant) que des civilisations dites dominantes, etc. La cohérence libertaire nous rappelle à juste titre que les exemples ne sont jamais neutres, et c’est vrai pour toutes les disciplines. Cela renforce le point 18 ci-après, sur l’aspect engagé, mais sans « bourrage de crâne » de l’école libertaire. Dans tous les cas les contenus doivent être définis de manière pluraliste, entre enseignants, apprenants-usagers et responsables administratifs s'ils existent.
Elle doit être évidemment mixte (la fameuse coéducation), filles et garçons, ce qui n’était pas rien au XIXème. L’Encyclopédie anarchiste dispose d’un article spécifique d’E. DELAUNAY sur ce terme bien oublié aujourd’hui. Le retour des volontés séparatistes, dans l’aire islamique plus ou moins intégriste et ailleurs, devrait remettre au premier plan cette volonté de mixité partout et dans toutes les activités. La mixité, c’est aussi la nécessaire adaptation au monde réel, à la diversité, à la confraternité… sans discrimination.
Elle met souvent l’accent sur tout ce qui touche à la vie des personnes, en cohérence avec la mixité affirmée et en respect avec la nature, le milieu : l’hygiène, la bonne alimentation (rappelons la « gastrosophie » fouriériste), l’écologie, la culture physique et l’épanouissement du corps, l’éducation sexuelle, l’eugénisme au sens de l’idée de « bonne naissance » permise par le néo-malthusianisme. Cette idée, lancée surtout par Paul ROBIN, a été reprise par bien d’autres libertaires comme Sébastien FAURE, Francisco FERRER, Jean WINTSCH, Charles-Ange LAISANT… Les formules eugéniques sont parfois naïves comme celle de l’école de Clivio qui dans son programme, dans l’article premier, veut promouvoir « Une vie ouverte, un régime régulier, l’hygiène, les promenades, les sports afin de former des êtres sains, vigoureux et beaux ».
Cette école nécessite donc des locaux adaptés à tous ses utilisateurs, car le lieu est lui aussi attractif (là où il fait bon vivre), formateur (comme exemple de ce qui devrait être partout) et propice à l’échange et à l’apprentissage :
- vastes et aérés, lumineux…
- avec des parties prévues pour le repos et la détente, la cuisine, les petits groupes, les ateliers…
- loin des bruits et des nuisances,
- propres et respectueux des gens et de la nature, écologiques,
- sécurisée notamment pour les parties dangereuses ou difficiles, comme les ateliers ; il faut être attentif à la forme des mobiliers pour éviter au maximum les chocs, etc.
- l'espace scolaire doit se situer dans un environnement végétal si possible, ou prévoir un contact avec la nature, ne serait-ce que par la présence de plantes…
- et surtout pour des libertaires «l'espace doit être vécu, non subi», tous ses utilisateurs se l'appropriant, l'agrémentant au mieux… surtout la partie collective, mais pas seulement.
Cependant il faut rappeler que la formation libertaire se pratique en tous lieux, le plus proche des milieux de vie et d'activité, et que la classe ici décrite n'est qu'un des endroits, ouverts et temporaires, de son exercice.
Elle privilégie et respecte l’apprenant(e) et cherche à lui fournir un milieu et des méthodes qui permettent son épanouissement et son autonomie, considérant avec VANEIGEM qu’« une éducation qui ne favorise pas la création de soi déshumanise ». Ce concept de « paidocentrismo » (pédocentrisme) est largement utilisé en terre ibérique. Tout cela implique qu’il faut :
- «redonner sa dignité au sujet» en brisant l'aliénation présente dans maints actes d'éducation et de formation,
- l’écouter, partir de ses centres d’intérêt et de son(ses) désir(s) voire de son «désir-plaisir» ou «plaisir-désir» (terme utilisé dans les deux sens, aux connotations post-fouriéristes, de Jean-Marc RAYNAUD). Il est donc impératif de tenir compte de ses propres hésitations ou incompréhensions, de le considérer comme un pair, un vrai partenaire, un « co-protagoniste » pour reprendre la formule de Marina LANDOLFI, dans des rapports les plus égalitaires possibles, « d’honnête réciprocité » (Rino ERMINI)... Toute la pédagogie libertaire cherche donc à individualiser toujours plus l’enseignement, comme le rappelait déjà L’Encyclopédie anarchiste de 1926-34. Dans tous les cas, il ne faut pas lui imposer de rythme, d'activités non acceptées ou comprises, et éviter toute comparaison, même amicale, avec d'autres apprenants : le respect de l'apprenant implique une forte tolérance et sans doute aussi beaucoup de patience, ce qui fait forcément éclater toutes les tensions de l'école traditionnelle. La diversité des besoins, des motivations, des capacités… des apprenants renforce donc le pluralisme des parcours et des initiatives.
- le considérer comme un futur homme nouveau, une personne à part entière, capable d’être autonome très tôt. Pour ce dernier point elle se rattache au courant rousseauiste sur la bonté naturelle de l’homme et fait preuve d’un bel optimisme (ou aveuglement) vis à vis des capacités de l’enfant, dont elle respecte « l’individualité ». Son « objectif majeur » est bien la « promotion de l’individu ». Pour tout projet libertaire, éducatif ou non, l’individu prime, la société devant lui garantir une meilleure vie.
- le faire agir en propre, pour son développement harmonieux et son intérêt personnel. L’apprenant doit être actif, critique, maître et créateur autant que possible de son propre cheminement, donc le vrai auteur de sa formation. Son autonomie en dépend, l'éducation étant alors souvent vue comme un cheminement «de la dépendance à l'autonomie» (Edoardo PUGLIELLI). Il faut donc lui faciliter la tâche, en réduisant ou supprimant l’impact hostile du milieu (scolaire, familial, personnel). Il faut enfin lui faire prendre conscience de sa capacité à l’autoformation, en stimulant et en l’aidant à développer son engouement naturel à l’apprentissage.
L’école libertaire vise donc « la felicidad del educando » (le bonheur de l’élève) comme déjà le 13 février 1898 l’indique le Projet d’École libertaire de la Protesta Humana de Buenos Aires. Dans le texte sur le communisme libertaire adopté au Congrès de la CNT de Saragosse en mai 1936, on peut lire : « nous estimons que la fonction primordiale de la pédagogie est d’aider à la formation d’hommes pourvus d’un jugement critique – et soyez certains qu’en parlant d’hommes nous entendons genre humain – c’est pourquoi il sera nécessaire que le maître cultive toutes les facultés de l’enfant afin de permettre ce développement complet de toutes ses potentialités ». Plus tard, Erich FROMM, analysant l’éducation libertaire et l’expérience de NEILL, affirme également que « le but de l’éducation, comme de la vie, est de travailler avec joie et d’atteindre le bonheur » : nous sommes bien ici dans le cadre des volontés eudémoniques (qui visent au bonheur). MAIS ATTENTION, l’école libertaire refuse une individualisation isolante, et si elle met en avant le bien être et la formation individuelle, elle le fait pour que chaque personne puisse s’insérer au mieux dans un milieu collectif harmonieux.
L’école libertaire veut donc être logiquement une école de la liberté pour la liberté (ici encore on trouve la cohérence moyens-fin), de la « non-directivité », du pluralisme revendiqué, et qui doit «faire le deuil de l'autorité» (formule de Gérard MENDEL reprise par Hugues LENOIR). Ce sont les seuls moyens de créer des hommes libres. L’école libertaire est une école opposée à toute coercition, c'est l'école de la « non-soumission » écrit JACQUARD. « L’anti-autoritarisme est la caractéristique centrale du paradigme éducatif anarchiste » affirme avec justesse Francisco José CUEVAS NOA. Cela se traduit par :
- refus de l’autorité : le maître (professeur, enseignant ou précepteur…) est un appui, un « camarade » (pour les libertaires allemands), un médiateur, un conseiller, un « facilitateur » (Carl ROGERS), un « initiateur » (LACAZE-DUTHIERS dans L’Encyclopédie anarchiste), un médiateur (Michel LOBROT et la pédagogie non-directive), un pair qui doit autant apprendre des apprenants que leur donner à connaître ou leur fournir le climat adéquat et propice pour leur (auto)formation, pour «s'auto-enseigner» selon la formule de Carl ROGERS. Ses connaissances, sa culture, ses propositions, ses savoir-faire sont reconnus, mais ne doivent en aucun cas écraser l’esprit d’initiative ou rendre docile l’apprenant ; l’autorité ne peut être admise que temporairement, conjoncturellement et librement par l’élève. C'est ici un exercice (et une motivation idéologique et/ou «éthique» forte) difficile car le formateur, malgré sa volonté égalitaire et libertaire, reste toujours au moins partiellement un formateur, identifié comme tel par les apprenants.
- refus de l’homogénéité car celle-ci « doit être par nous combattue à tout moment, c’est l’hétérogénéité qui est notre raison d’être » affirment les libertaires ibériques de 1936 en parlant d’éducation : l’individu est divers, dispose de sa propre personnalité, de son propre rythme, de sa propre pensée, de la pluralité de la vie… Cette revendication est profondément humaniste, hostile à toute unification sclérosante et restrictive, ou discriminante.
- refus des sanctions, et de l’émulation et des récompenses et donc de toute sélection : il faut d’abord miser sur la coopération, la solidarité dirait KROPOTKINE (Cf. Point 6 ci-dessus) ; Noam CHOMSKY condamne ce système des récompenses qui génèrent un « comportement très antisocial ». Albert JACQUARD, savant humaniste plus que libertaire, affirme fortement qu'un « système éducatif fondé sur la sélection » est un « véritable Big Brother ». Des libertaires cohérents éliminent également les contrôles et autres interrogations, refusant d’être juges, et favorisent parfois l’autoévaluation personnelle ou collective (mais en veillant à ne pas dévaloriser les personnes).
- refus d'une évaluation autoritaire et dépréciative, mais mise en place d'une auto-évaluation enrichissante, propice aux changements ou aux prises de conscience, donc «une évolution comme levier pour apprendre, non comme couperet». Vis-à-vis de cette évaluation, il faut renforcer les positionnements «éthiques« et savoir «oser» évaluer l'évaluation elle-même, pour la restituer au groupe et à (aux) l'apprenant(s) et en désamorcer et détruire tout côté autoritaire ou conformiste. Tout doit donc être objet d'évaluation, les présupposés de la formation, les méthodes, les résultats… elle sert donc autant au cadre de formation, aux formateurs et aux apprenants, et permet d'évoluer ou de mieux comprendre les enjeux et les motivations mis en œuvre. Il est clair que l'idéologie émancipatrice sous-jacente devient une la clé essentielle de ce processus, sinon on reste au niveau de la formation systémique traditionnelle.
- refus des méthodes, même douces et prônant l’autonomie, qui risquent d’influencer l’enfant : d’où par exemple le rejet des idées de MONTESSORI par NEILL et LANE, puisque son système visait à modeler le caractère des élèves, ainsi que le rejet de ROUSSEAU et de son précepteur « gourou » par quasi tous les pédagogues libertaires.
- apprentissage de l’autonomie, de l’autogestion... dans les rythmes de travail, le choix des matières et des programmes, la vie quotidienne, la gestion économique de l’école, des loisirs… Comme le note Michael SMITH, pour les libertaires « un programme n’est pas un produit tout fait, mais un processus », c'est-à-dire qu’il se crée et se modifie selon les besoins et volontés des intéressés.
- apprendre à « désobéir », à vivre et penser hors norme et hors convention, et à refuser tous les préjugés et les obstacles divers à l’autonomie, comme le note C. ALEXANDRE dans l’article Obéir de L’Encyclopédie anarchiste.
- utilisation de toutes les méthodes actives, dites parfois « modernes » (mais tout ce qui est moderne n’est pas forcément actif !) pour aider l’apprenant à se prendre en charge, et développer les aspects ludiques, car le jeu est autant une détente nécessaire qu’une méthode de formation et de travail attractive (Cf. l’article Jeu (Éducation) de L’Encyclopédie anarchiste). On peut sans doute évoquer un néo-fouriérisme éducatif dans toutes les pédagogies libertaires notamment quand elles s’appuient sur le chant, la musique, le théâtre…
- acceptation de toutes les actions, mêmes les plus étonnantes ou dépréciées, voire les plus méprisées (spregevole) comme le note le pédagogue libertaire italien Giuseppe PONTREMOLI, car l’essai, l’expérimentation libre et l’erreur sont des moyens de formation et permettent d’avancer. Cette expérimentation ressort autant des enseignants-formateurs que des apprenants.
Cela exclut toute méthode unique ou figée, tout dogmatisme pédagogique tant dans les pratiques que dans les théories. Le pragmatisme, l'acceptation de la variété et de la remise en cause permanente, et le principe de précaution sont évidemment essentiels.
Donc elle est hostile à toute méthode figée et à tout dogme, y compris anarchiste, ou rationaliste (c’est à dire dans la lignée de FERRER). Dans le mouvement libertaire espagnol, cela se nomme le « neutralismo pedagógico - neutralisme pédagogique », et est à mettre en parallèle avec l’apolitisme du syndicalisme révolutionnaire, qui mettait l’indépendance avant tout, y compris vis-à-vis des mouvements les plus proches comme l’anarchisme. L'anarchisme doit être choisi librement, pas imposé, même par les pédagogues ou militants les mieux intentionnés du monde. Ce neutralisme doit beaucoup à Ricardo MELLA CEA (1861-1925). En 1936, dans la revue Mujeres libres, les femmes libertaires rappelaient « qu’il n’y a pas de doctrine rationaliste, tout excellente ou infaillible qu’elle soit, qui puisse être imposée comme raison suprême à toutes les mentalités infantiles. Dans l’enfant, il y a beaucoup plus que cela… ». Et le même groupe rappelle que « les enfants ne peuvent pas être, ni ne doivent être catholiques, socialistes, communistes, libertaires. Les enfants doivent être seulement ce qu’ils sont, des enfants ». Sébastien FAURE rappelait en fin 1909 que « notre action n’a pas pour objet de détacher nos contemporains des curés et des églises ; elle a pour but et se propose pour résultat de les éloigner de tous les dieux, de toutes les religions, et, encore une fois, de tuer en eux les dogmes civiques autant que les autres ». Et NEILL reprend la même position, en s’opposant à l’autosuggestion, à toute imposition morale, même la sienne ou même pour les meilleurs idéaux possibles : « enseigner le pacifisme est presque aussi dangereux qu’enseigner le militarisme… Derrière tout enseignement de ce genre se cache le désir de façonner le caractère de l’enfant ». Il reprend là le principal reproche que les pédagogues anarchistes formulaient envers FERRER. En Uruguay, Luce FABBRI insiste sans cesse pour que chacun, refusant toute idole et tout dogme, découvre son «propre héros intérieur», sa propre personnalité. En Italie le pédiatre antiautoritaire Marcello BERNARDI (1922-2001) se déclare « libertaire intolérant », c’est à dire en opposition à tout dogme ou pensée toute faite, fut-elle anarchiste.
Elle doit partir du réel, être ouverte sur la vie, la société, la réalité extérieure, l’environnement... - S’exercer ou se déplacer dans les lieux de travail, l’atelier proudhonien, l’entreprise industrielle sorélienne, la ferme plus ou moins autogérée des milieux libres… - Pratiquer voyages, découvertes, camping, randonnées, visites... - Inviter conférenciers, travailleurs invités, expositions... - Connaître des commentaires de la presse, des médias, des événements... - travaux concrets, si possible dans le cadre économique normal, dans et hors l’école… C’est Georges SOREL qui avançait l’idée d’une formation s’exprimant dans le « chef-d’œuvre du concret », et non pas dans une abstraction trop évanescente. - Participer à la gestion et aux activités extérieures : cadre municipal, d’entreprise, d’administration - Participer à, et/ou connaître les mouvements sociaux et communautaires… Bref l’éducation libertaire se développe partout, dans le temps et dans l’espace, sans cloisonnement. L’école dans ses murs n’est pas un lieu unique et fermé. Et comme le dit Carlos DÍAZ, « l’école n’est pas la salle de classe, c’est le quartier, les assemblées de travailleurs, les centres culturels et de loisirs ; toutes les activités collectives sont des écoles ».
C’est donc aussi une école engagée, au service des idéaux anarchistes et des utopies libertaires (anti-autoritarisme, pacifisme, internationalisme, athéisme...) et au service du mouvement émancipateur dont elle est un rouage, à la fois cause et conséquence. « Le deuxième axe de l’éducation libertaire (après celui en faveur de l’éducation intégrale) est qu’elle doit être politiquement émancipatrice ». Elle a pour tâche première, dit le brésilien Silvio GALLO, de « déconstruire » l’idéologie dominante, celle du capital, de l’autoritarisme, du néolibéralisme… Les anarcho-syndicalistes disaient autrefois qu’il faut connaître « la Science de son malheur », pour mieux le contrer. Avec Léon CLÉMENT (dans La Voix du Peuple, 1910) « il s’agit seulement de leur (aux enfants) inspirer le conscient dégoût de l’autorité, de la hiérarchie et le goût de l’activité utile, de la liberté, de l’entente ». Déjà dans le Noticiero obrero de Séville, le 07/08/1901, il est affirmé que « l’éducation est le chemin le plus court d’où peut venir la régénération de l’ouvrier ». Mais comme « l’école libertaire n’impose aucune idéologie », elle se heurte parfois aux anarchistes trop dogmatiques ou sectaires. C’est sans doute Luigi FABBRI (Cf. ci-dessus) qui a le mieux développé le double rôle de l’éducation libertaire et s’est le plus intéressé à la place qu’elle devait occuper dans le progrès social. Pour résumer rapidement, l’éducation libertaire prépare les individus à être indépendants, actifs, moralement plus forts, donc mieux préparés pour s’émanciper et émanciper toute la société, et éviter que la révolution ne dégénère faute de préparation ou d’idéal solide. L’école libertaire au sens large a donc sa place en amont, pendant et en aval du phénomène émancipateur ; même si des libertaires ont parfois privilégié l’éducation vis-à-vis de la révolution, et d’autre l’ont totalement occultée tant que l’insurrection n’est pas victorieuse, la vision de FABBRI est plus globale et satisfait les deux camps. La formation libertaire est évidemment nécessaire tout le temps, à tous les moments. Elle ne vise pas à créer une société nouvelle figée et établie une fois pour toute ; au contraire elle est un processus en mouvement, au profit de personnes libres, et libérées de tout apriorisme (y compris anarchiste), un processus qui permettra de limiter ou d'éviter la dégénérescence prévisible de toute nouvelle construction. Bref, «sans l'apprentissage à la fois personnel et social, et sans "la révolution des consciences" qu'il entraîne (conçue non seulement comme acquisition des connaissances, mais également comme transformation de valeurs, attitudes et coutumes), la révolution sociale resterait incomplète. De fait, seule la présence d'êtres pleinement avertis (ilustrados), conscients, auto-émancipés et libérés des préjugés sera capable de garantir pour le long terme la consolidation d'une future société postrévolutionnaire».
Pour qualifier globalement l’éducation libertaire, on peut reprendre le « nouveau concept éducatif » proudhonien de « démopédie », comme la nomme Carlos DÍAZ, qui parle aussi de « culture praxis ». Cela rejoint l’idée de « révolution (éducative) permanente » dont parlait KROPOTKINE, ou l'idée que «l'éducation et la pédagogie libertaires sont des principes en action», mettant en cohérence moyens et fins.
Bref, l’école libertaire est bien un des axes forts de l’utopie et de l’engagement libertaires, puisqu’elle vise tout autant la préservation de l’espèce humaine, que sa régénération (« preservación o regeneración de la especie humana », écrit la Protesta Humana citée ci-dessus). L’implantation dans le présent est riche de possibles pour l’avenir, pourvu que les moyens utilisés respectent la fin poursuivie et souhaitée. Hostile aux utopies classiques figées et normatives, « l’utopédagogie » libertaire est au contraire une énorme porte ouverte sur l’avenir, puisqu’elle mise sur la totale liberté des apprenants, et sur leurs capacités créatrices et imaginatives. L’Encyclopédie Anarchiste ne disait pas autrement : « l’éducation a pour but d’éduquer l’enfant pour qu’il puisse accomplir la destinée qu’il jugera la meilleure, de telle façon qu’en toute occasion, il puisse juger librement de la conduite à choisir et avoir une volonté assez forte pour confronter son action à ce jugement ». Pour le redire encore avec Francesco CODELLO, qui cite BERNERI dans l’introduction à un recueil d’articles, « l’éducateur (accompli, ou libertaire évidemment) est par définition un utopiste qui ‘’allume les étoiles dans le ciel, mais qui navigue dans une mer sans port ‘’», et donc qui laisse ouverte la formation libre de chacun. Giorgio SACCHETTI attribue cette citation à BARBIERI, l’ami de BERNERI avec qui il partage la même mort sordide à Barcelone en mai 1937, sous une formule à peine différente « L’utopie allume une étoile dans le ciel de la dignité humaine, mais nous contraint à naviguer dans une mer sans port ».

Conclusion partielle…

Le champ éducatif est un de ceux que l’utopie libertaire et anarchiste a le plus visité et utilisé. L’ampleur de ce dossier le prouve aisément.

C’est normal : pour vivre mieux dans l'actuelle société, et pour espérer mettre en place une société meilleure, il faut préparer les hommes qui vont résister et innover dans le présent, et agir pour le futur. Pour rendre cette alternative efficace, humaine et cohérente, et la modifier une fois qu’elle sera lancée, il faut que l’utopie ou le projet intègre une formation permanente, ouverte, complète, et indépendante de tout dogme.
De tous les pédagogues, les libertaires cherchent à être les plus conséquents, car il faut adapter les moyens à la fin, et faire que la fin soit dans les moyens. Si on vise une société libre, libertaire, il faut utiliser des moyens libertaires. Si on veut des hommes autonomes, s’autogérant, s’auto-éduquant, assumant leur responsabilité, il faut que l’éducation soit elle-même la plus autonome et la plus autogérée possible.

L’utopie pédagogique libertaire est intéressante sur un autre plan : elle est proche de l’élève, de l’apprenant, donc elle est proche de l’humain, de la vie, du changement… Elle est forcément pragmatique, évolutive, modeste par honnêteté et par choix. L’utopie libertaire est bien une utopie antisystème, un anti-absolu. C’est sa grande force et sa grande originalité.

Enfin on peut remarquer que la puissance des principes et des essais libertaires, et la cohérence entre moyens et fin ont imprégné une multitude de penseurs pédagogues, sociologues, psychologues… Dans le secteur de l’éducation, de la formation, l’anarchisme culturel a énormément influencé son époque.
L’imprégnation culturelle reste toujours évidente, même si aujourd’hui on assiste à une remise en cause des pédagogues (Cf. l’horrible mot poujadiste de « pédagogo », malgré les dérives de certains) et à un retour en force de l’autorité contre une société jugée trop « laxiste ».

Ce travail est une œuvre mutualiste en constante modification. Soyez donc attentifs aux dates de mise à jour indiquées. Si vous trouvez des erreurs ou des ajouts à faire, merci de me les communiquer, cela profitera à tous.
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Michel ANTONY Contact :  HYPERLINK "mailto:Michel.Antony@wanadoo.fr" Michel.Antony@wanadoo.fr Première édition : 1995 - Mise à jour  TIME \@ "dd/MM/yyyy" 15/05/2012 Cliquer ici pour revenir au site principal sur  HYPERLINK "http://artic.ac-besancon.fr/histoire_geographie/new_look/Ress_thematiq/thematiq/utopies.htm" Les utopies libertaires 

 TRASATTI Filippo Le utopedagogie, -in-Volontà, Milano, L’utopia comunitaria, 1989
 SUISSA Judith "The Space now possible": anarchist education as utopian hope, -in-DAVIS Laurence/KINNA Ruth Anarchism and Utopianism, Manchester-New York: MUP, XVIII+286p, p.241-259, 2009, p.241
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 Cf. LENOIR Hugues De la pédagogie à l'andragogie, -in-Guide de la formation et du développement professionnel, Paris: Retz, 2006
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 BRÉMAND Nathalie Les socialismes et l’enfance : expérimentation et utopie : (1830-1870), Rennes : Presses universitaires de Rennes, 365p, 2008, p.205
 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.20
 DOMMANGET Maurice Les grands socialistes et l’éducation, Paris, Armand colin, 1970, p.444
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 Cité par MANFREDONIA Gaetano Anarchisme et changement social. Insurrectionalisme, Syndicalisme, Éducationnisme-réalisateur, Lyon, ACL, 362p, 2007, p126
 DOMMANGET Maurice Chapitre VIII. Robert OWEN, -in-Les grands socialistes et l’éducation, Paris : A.Colin, 470p, 1970, p.189
 DEMEULENAERE-DOUYÈRE Christiane Paul ROBIN (1837-1912) : un militant de la liberté et du bonheur Paris: Publisud, 480p, 1994, p.152
 BRÉMAND Nathalie Les socialismes et l’enfance : expérimentation et utopie : (1830-1870), Rennes : Presses universitaires de Rennes, 365p, 2008, p.119-122
 FOURIER Charles L'Association et Le Travail attrayant, Paris: Librairie de la Bibliothèque Démocratique, 192p, 1873, p.117
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 BOUGLÉ Célestin Socialismes français. Du «socialisme utopique» à la «démocratie industrielle», Paris: Armand Colin, 3° édition, 200p, 1941, p.126
 FOURIER Charles Texte inédit adressé à FELLENBERG, -in-Cahiers Charles FOURIER, Besançon : n°6, 1995, p.26
 BOUCHET Laurence L’enfance du désir, -in-Cahiers Charles FOURIER, Besançon : n°7, 1996
 VUILLEUMIER Marc Philipp Emmanuel VON FELLENBERG, FOURIER et l’École sociétaire, -in-Cahiers Charles FOURIER, Besançon : n°6, 1995
 FOURIER Charles L'Association et Le Travail attrayant, Paris: Librairie de la Bibliothèque Démocratique, 192p, 1873, p.117
 BRÉMAND Nathalie Éducation et révolution: les réalisations pour enfants chez les fouriéristes, les communistes icariens et les anarchistes, -in-Vivre l'anarchie. Expériences communautaires et réalisations alternatives antiautoritaires. Actes du colloque de Ligoure, mai 2009, Lyon: ACL, 160p, p.26-46, novembre 2010, p.27
 FOURIER Charles La théorie familière ou l'école d'éclosion des instincts, appliqués à tous genres de travaux et d'études: plan d'essai sur 500 enfants de 5 à 12 ans, -in-La Réforme industrielle ou Le Phalanstère, n°26, p.301-306, 28/06/1833
 FOURIER Charles Détails sur l'épreuve minime en travaux à courtes séances, appliqués à 160 enfants de 3 à 12 ans, -in-La Réforme industrielle ou Le Phalanstère, n°30, p.349-352, 02/08/1833
 Cf. BRÉMAND Nathalie La rue-galerie et les relations adultes-enfants chez FOURIER et les fouriéristes, -in-Cahiers Charles FOURIER, Besançon : p.29-50, n°18, décembre 2007, p.34 & ss
 DESMARS Bernard Militants de l'utopie ? Les fouriéristes dans la seconde moitié du XIX° siècle, Dijon:Les Presses du Réel, 432p, 2010, p.193
 Cf. Cahiers Charles FOURIER, Walter BENJAMIN lecteur de Charles FOURIER, Besançon: n°21, 160p, décembre 2010, p.136
 FOURIER Charles L'Association et Le Travail attrayant, Paris: Librairie de la Bibliothèque Démocratique, 192p, 1873, p.142
 FOURIER Charles, 1873, op.cit., p.145
 FOURIER Charles L’Opéra et la cuisine, Paris : Gallimard, 2006
 SCHÉRER René Pour un nouvel anarchisme, Paris : Éditions Cartouche, 185p, 2008, p.91
 DESMARS Bernard Militants de l'utopie ? Les fouriéristes dans la seconde moitié du XIX° siècle, Dijon:Les Presses du Réel, 432p, 2010, p.268-269
 Cité par CODELLO Francisco Né obbedire, né comandare. Lessico libertario, Milano: Elèuthera, 160p, 2009, p.86-87
 Cf. pour ne retenir qu'un titre SNYDERS Georges La Musique comme joie à l'école, Paris: L'Harmattan, 2000
 FOURIER Charles L'Association et Le Travail attrayant, Paris: Librairie de la Bibliothèque Démocratique, 192p, 1873, p.117
 SMITH Mickael P. Educare per la libertà. Il metodo anarchico, Milano : Eleuthèra, 192p, 1990, p.33
 FOURIER Charles L'Association et Le Travail attrayant, Paris: Librairie de la Bibliothèque Démocratique, 192p, 1873, p.132-135
 BRÉMAND Nathalie Les socialismes et l’enfance : expérimentation et utopie : (1830-1870), Rennes : Presses universitaires de Rennes, 365p, 2008, p.182-183
 CHRISTIAN Jean FOURIER-FREINET. Finalités utopiques pour une pédagogie réaliste, -in-Autogestion et Socialisme, Charles FOURIER, Paris: Anthropos, n°20/21, 240p, p.115-158, septembre-décembre 1972,p.139
 IVERNEL Philippe Utopie pédagogique et souveraineté de l'enfance, -in-Cahiers Charles FOURIER, Walter BENJAMIN lecteur de Charles FOURIER, Besançon: n°21, 160p, p.80-88, décembre 2010
 SCHÉRER René Vers une enfance majeure. Textes de Charles FOURIER réunis et présentés par René SCHÉRER, Paris : La Fabrique, 232p, 2006
 Cité par CHRISTIAN Jean FOURIER-FREINET. Finalités utopiques pour une pédagogie réaliste -in-Autogestion et Socialisme, Charles FOURIER, Paris: Anthropos, n°20/21, 240p, p.115-158, septembre-décembre 1972, p.140
GORET Jean FOURIER et l'économie dialectique de l'autorité -in-Autogestion et Socialisme, Charles FOURIER, Paris: Anthropos, n°20/21, 240p, p.09-56, septembre-décembre 1972
 CHRISTIAN Jean FOURIER-FREINET. Finalités utopiques pour une pédagogie réaliste, -in-Autogestion et Socialisme, Charles FOURIER, Paris: Anthropos, n°20/21, 240p, p.115-158, septembre-décembre 1972
 BRÉMAND Nathalie Les socialismes et l’enfance : expérimentation et utopie : (1830-1870), Rennes : Presses universitaires de Rennes, 365p, 2008, p.86
 CONSIDÉRANT Victor Bases de la politique positive. Manifeste de l’École fondée par FOURIER, Paris : 1842
 BEECHER Jonathan Victor CONSIDERANT. Grandeur et décadence du socialisme romantique, Dijon: Presses du Réel, 640p, mars 2012, p.45
 DOMMANGET Maurice Chapitre X. Victor CONSIDÉRANT, -in-Les grands socialistes et l’éducation, Paris : A.Colin, 470p, 1970, p.223 e p.239
 CONSIDÉRANT Victor Théorie de l’éducation naturelle et attrayante : dédiée aux mères, Paris : Librairie sociétaire, 1844
 CANTAGREL François Les enfants au phalanstère. Dialogue familier sur l’éducation, Paris : 1846
 Cf. BRÉMAND Nathalie Les socialismes et l’enfance : expérimentation et utopie : (1830-1870), Rennes : Presses universitaires de Rennes, 365p, 2008, p.27
 BRÉMAND Nathalie Éducation et révolution: les réalisations pour enfants chez les fouriéristes, les communistes icariens et les anarchistes, -in-Vivre l'anarchie. Expériences communautaires et réalisations alternatives antiautoritaires. Actes du colloque de Ligoure, mai 2009, Lyon: ACL, 160p, p.26-46, novembre 2010, p.28
 BRÉMAND Nathalie op.it., p.33-34
 BARTIER John FOURIER en Belgique, Bruxelles : Université Libre & Du Lérot, 240p, 2005, p.20-21
 CABRAL CHAMORRO Antonio Socialismo utópico y revolución burguesa : el fourierisme gaditano 1834-1848, Cádiz : Historia 12, 194p, 1990, p.55-56
 Cf. Reglemento interior del Liceo Gaditano, -in-CABRAL CHAMORRO Antonio op.cit., p.169-171
 CABRAL CHAMORRO Antonio op.cit., p.167
 FOURIER Charles La théorie familière ou l’école d’éclosion des instincts, appliqués à tous genres de travaux et d’études : plan d’essai sur 500 enfants de 5 à 12 ans, -in-La Réforme industrielle ou Le Phalanstère, n°26, 28 juin 1833, p.301-306
 Cf. surtout AMIS DE LA COLONIE Les origines de la Colonie fouriériste de Condé-sur- Vesgre, Condé-sur-Vesgre: 12p, 2012
 (2008). " Projet d’institut sociétaire pour quatre cents enfants, 1843, autographié. ". Les premiers socialismes, bibliothèque virtuelle de l'Université de Poitiers. [ En ligne ] Publié en ligne le 23 décembre 2008. URL : http://premierssocialismes.edel.univ-poitiers.fr/index.php?id=490. (consulté le 30/03/2009)
 GUILBAUD P.-A. Plan pour l’établissement comme germe d’harmonie sociétaire d’une maison rurale industrielle d’apprentissage pour 200 élèves… Paris: Lacourt & Cie, 26p, 1840
 RICHE-CARDON Colonie éducative en préparation sur les bords de la Garonne, par la sollicitude de M. et Mme DELBRÜCK, -in-La Renaissance, p.150-152, mai 1866
 DESMARS Bernard Militants de l'utopie ? Les fouriéristes dans la seconde moitié du XIX° siècle, Dijon:Les Presses du Réel, 432p, 2010, p.192
 PÉCQUEUR Constantin De l’éducation, -in-La Réforme industrielle, n°7, 15/02/1833
 BRÉMAND Nathalie Les socialismes et l’enfance : expérimentation et utopie : (1830-1870), Rennes : Presses universitaires de Rennes, 365p, 2008, p.137-139
 JOUANNE Adolphe La conquête passionnelle d'une commune et la maison d'expérimentation sociétaire de Ry, -in-La Science sociale, 16/07/1870
 BRÉMAND Nathalie op.cit., p.144-150
 DESMARS Bernard Militants de l'utopie ? Les fouriéristes dans la seconde moitié du XIX° siècle, Dijon:Les Presses du Réel, 432p, 2010, p.162
 Cf. photo du bâtiment principal -in-DESMARS Bernard op.cit., p.166
 DESMARS Bernard op.cit., p.265-272
 COSNIER Colette Marie PAPE-CARPANTIER, fondatrice de l’école maternelle, Paris : Fayard, 2003
 DELBRÜCK Jules Visite à la crèche modèle, et rapport général adressé à M. MARBEAU sur les crèches de Paris, Paris : Paulin, 138p, 1846
 DESMARS Bernard Militants de l'utopie ? Les fouriéristes dans la seconde moitié du XIX° siècle, Dijon: Les Presses du Réel, 432p, 2010, p.192
 SAVARDAN Auguste/LAVERDANT Gabriel-Désiré Colonie maternelle: appel aux phalanstériens, Paris: Librairie phalanstérienne, 40p, 1851
 SAVARDAN Auguste L’extinction du paupérisme réalisée par les enfants, ou La Commune telle qu’elle est et telle qu’elle pourrait être, Paris: Garnier, 244p, 1860
 COSNIER Colette Auguste SAVARDAN et le phalanstère sarthois, -in-Cahiers Charles FOURIER, Besançon: n°16, 2005
 DESMARS Bernard L’Union Agricole d’Afrique : projet phalanstérien, œuvre philanthropique ou entreprise capitaliste ?, -in-Cahiers Charles FOURIER, Besançon : n°16, 2005, p.46
 GUENGANT Jean-Yves « Les Élus de SULLY et de FOURIER ». Une rencontre durable entre franc-maçons brestois et fouriéristes (1839), -in-Cahiers Charles FOURIER, Besançon : p.51-66, n°18, décembre 2007, p.64
 Cf. la partie sur Guise présentant les origines, les créations et la plupart des évolutions dans ANTONY Michel c) Quelques expérimentations fouriéristes : Europe et colonies, Amériques…, -in-Quelques éléments biographiques sur Charles FOURIER & Courte présentation du fouriérisme, Magny Vernois : Fichier sur le même site, 1° édition 1995, 51p, août 2009
 BRÉMAND Nathalie La rue-galerie et les relations adultes-enfants chez FOURIER et les fouriéristes, -in-Cahiers Charles FOURIER, Besançon : p.29-50, n°18, décembre 2007, p.41-42
 BRÉMAND Nathalie Les socialismes et l’enfance : expérimentation et utopie : (1830-1870), Rennes : Presses universitaires de Rennes, 365p, 2008, p.306-309
 Cité BRÉMAND Nathalie op.cit., p.208
 BUISSON Ferdinand Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire Paris : Hachette, 1887 - réédition 1911
 DE LA TORRE Federico Les idées socialistes au Mexique au milieu du XIX° siècle : Guadalajara et ses liens avec le fouriérisme de Victor CONSIDERANT, -in-Cahiers Charles FOURIER, Besançon : n°19, p.61-78, décembre 2008, p.67
 NAVILLE François-Marc-Louis De l'éducation publique: considérée dans ses rapports avec le développement des facultés, la marche progressive de la civilisation et les besoins actuels de la France, Paris : P. Dufart, 1833
 FORNASIO Jean Vers une histoire du fouriérisme à l’île Maurice, -in-Cahiers Charles FOURIER, Besançon : n°18, décembre 2007, p.67-69
 DEMEULENAERE-DOUYÈRE Christiane Paul ROBIN (1837-1912) : un militant de la liberté et du bonheur Paris: Publisud, 480p, 1994,p.153
 BRÉMAND Nathalie Les socialismes et l’enfance : expérimentation et utopie : (1830-1870), Rennes : Presses universitaires de Rennes, 365p, 2008, p.323
 Cf. 1. William GODWIN entre pensée rationaliste et utopie – 1793, -in-ANTONY Michel V. Quelques œuvres utopiques libertaires ou résolument anarchistes…, Magny Vernois : Fichier sur le même site, 1° édition 1995, 155p, août 2009
 GODWIN William Enquête sur la justice politique, Lyon : ACL, 624p, 2005, p.356
 GODWIN William op.cit., p.436
 BERTI Giampietro Capitolo quattordicesimo. Uomo nuovo o uomo libero ? Il problema educativa nell’anarchismo, -in-Il pensiero anarchico dal Settecento al Novecento, Manduria : Lacaita, 1034p, 1998, p.695
 THÉVENET Alain William GODWIN, des lumières à l’anarchisme, Lyon : ACL, 228p, 2002
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 CUEVAS NOA Francisco José Anarquismo y educación : la propuesta sociopolítica de la pedagogía libertaria, Madrid : FAL, 170p, 2003, p.88
 ARVON Henri Max STIRNER ou L’expérience du néant, Présentation, choix de textes, Paris: Seghers, 184p, 1973, p.41
 BOUCHÉ-MULET Jacques Le Juste et l’Égoïste, STIRNER et PROUDHON, -in-L'Éducation : PROUDHON, proudhonisme (XIXe - XXe siècle). Colloque de Paris : 4 & 5 novembre 1994, Paris : Les Cahiers de la Société P.-J. PROUDHON, p.59-76, 1995, p.64
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 BARRUÉ Jean Max STIRNER De l’éducation, Paris, Spartacus, 1974
 STIRNER Max Le faux principe de notre éducation et L’anticritique, Paris, Aubier-Montaigne, 185p, 1974
 Cité par LEBOEUF Bernard Éducation à l’Unique, -in-Réfractions, Enfants (Les), les jeunes… c’est l’anarchie, Lyon, n°16, 168p, 2006, p.126
 DURANTE Guido La scuola in fiamme. Reflessioni su « Le faux principe de notre éducation », -in-Individualismo e insurrezione, 1993
 VOYENNE Bernard Les textes de PROUDHON sur l’éducation, -in-L'Éducation: PROUDHON, proudhonisme (XIXe - XXe siècle). Colloque de Paris : 4 & 5 novembre 1994, Paris : Les Cahiers de la Société P.-J. PROUDHON, p.11-18, 1995, p.15
 ANSART Pierre PROUDHON, philosophe de l’éducation, -in-L'Éducation: PROUDHON, proudhonisme (XIXe - XXe siècle). Colloque de Paris : 4 & 5 novembre 1994, Paris : Les Cahiers de la Société P.-J. PROUDHON, p.19-34, 1995, p.19-20
 BANCAL Jean PROUDHON, démocratie, démopédie et république (1970), -in-Archives proudhoniennes 2009, Paris: Société P.-J. PROUDHON, 114p, p.55-76, 2009, p.68
 Cf. BOUCHÉ-MULET Jacques Le Juste et l’Égoïste, STIRNER et PROUDHON, -in-L'Éducation : PROUDHON, proudhonisme (XIXe - XXe siècle). Colloque de Paris : 4 & 5 novembre 1994, Paris : Les Cahiers de la Société P.-J. PROUDHON, p.59-76, 1995
 BANCAL Jean PROUDHON, démocratie, démopédie et république (1970), -in-Archives proudhoniennes 2009, Paris: Société P.-J. PROUDHON, 114p, p.55-76, 2009, p.70
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 DOMMANGET Maurice Chapitre IX. PROUDHON –in-Les grands socialistes et l’éducation, 1970, p.254
 NAVET Georges Les Lumières et l’atelier, -in-L'Éducation: PROUDHON, proudhonisme (XIXe - XXe siècle). Colloque de Paris : 4 & 5 novembre 1994, Paris : Les Cahiers de la Société P.-J. PROUDHON, p35-48, 1995
 Dans Idée générale de la Révolution au XIX° siècle. Choix d'études sur la pratique révolutionnaire et industrielle, Paris : Garnier frères, 1851
 BANCAL Jean La pédagogie travailliste de PROUDHON, Technique, Art et Science, -in-Revue des Enseignements Techniques et Professionnels, n°9-10, 1969
 GAILLARD Chantal PROUDHON, professeur d’histoire,-in-L'Éducation: PROUDHON, proudhonisme (XIXe - XXe siècle). Colloque de Paris : 4 & 5 novembre 1994, Paris : Les Cahiers de la Société P.-J. PROUDHON, p.49-58, 1995
 NAVET Georges Introduction, l’enfant déplacé, -in-L'Éducation: PROUDHON, proudhonisme (XIXe - XXe siècle). Colloque de Paris : 4 & 5 novembre 1994, Paris : Les Cahiers de la Société P.-J. PROUDHON, p.05-10, 1995, p.09
 LENOIR Hugues Georges SOREL et l’éducation, -in-Les Temps maudits, Paris : n°27, p.83-98, octobre 2008, p.86
 LENOIR Hugues Op.cit., p.89
 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.153
 ANSART Pierre PROUDHON, philosophe de l’éducation, -in-L'Éducation: PROUDHON, proudhonisme (XIXe - XXe siècle). Colloque de Paris : 4 & 5 novembre 1994, Paris : Les Cahiers de la Société P.-J. PROUDHON, p.19-34, 1995, p.25
 Cf. 3. Joseph DÉJACQUE et « L’Humanisphère. Utopie anarchique » 1857, -in-ANTONY Michel V. Quelques œuvres utopiques libertaires ou résolument anarchistes, Magny Vernois : Fichier sur le même site, 1° édition 1995, 154p, juin 2009
 BRÉMAND Nathalie Les socialismes et l’enfance : expérimentation et utopie : (1830-1870), Rennes : Presses universitaires de Rennes, 365p, 2008, p.58-59
 Cité par BRÉMAND Nathalie op.cit., p.74
 THOMAS Édith Louise MICHEL ou la Velléda de l’anarchie, Paris, Gallimard, 1871
 SCHKOLNYK Claude Victoire TYNAIRE, 1831-1895. Du socialisme utopique au positivisme prolétaire, Paris, L’Harmattan, 412p, 1997
 BARONNET Jean & CHALOU Jean Communards en Nouvelle Calédonie, Paris, Mercure de France, 432p, 1987
 LEJEUNE Paule Louise MICHEL ou l’indomptable, Paris, Édition des femmes, 1978
 MICHEL Louise Lectures encyclopédiques par cycles attractifs, Paris, Éditions Laïques, 16p, 1888
 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.469
 HADDAD Michèle Gustave COURBET. Peinture et histoire Pontarlier, Belvédère, 245p, 2007, p.188 et suivantes
 HADDAD Michèle Op. cit., p.190
 CHAUVET Paul La Commune face à l’éducation et la culture, -in-La Rue, n°10, Paris, 1971
 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.161
 Cité par PATRY Laurent Ateliers d’écriture-in-Réfractions, Enfants (Les), les jeunes… c’est l’anarchie, Lyon, n°16, 168p, 2006, p.88
 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.109
 RAYNAUD Jean-Marc Michel BAKOUNINE et l'éducation libertaire, -in-La Rue, Paris: n°22, p.75-84, 1976, p.77
 BAKOUNINE Michel L’instruction intégrale, 1869
 RECLUS Élisée Évolution et révolution, Genève, Temps Nouveaux, n°38, 25p, 1880
 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.182
 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.206
 CLAVERIE Jean-Louis Zéline TRIGANT de la FANOUISE (1805-1887), « l’inoubliable ». Jacques RECLUS (1796-1882), son mari, « l’intransigeant », -in-RECLUS (Élisée) 1830-1905, Les Amis de Sainte-Foy et sa région, Sainte-Foy-la-Grande, n°86, Cahier n°2, 57p, 2005
 VICENTE MOSQUETE Maríat Teresa La aportación de la geografía al pensamiento anarquista : Eliseo RECLUS y España, -in-El anarquismo español y sus tradiciones culturales, 1995
 RECLUS Élisée Discours sur l'éducation, Bruxelles, Université Nouvelle, 1895
 RECLUS Élisée L'avenir de nos enfants, Lille, Lagache, 7p, 1886
 RECLUS Élisée L’enseignement de la géographie, Bruxelles, Société Belge d’Astronomie, 9p, 1903
 KROPOTKINE Pierre Lettera a Francisco FERRER, -in-L’Università Populare, a.VIII, n°12-13, Milano, 15/06-15/07/1908
 KROPOTKINE Pierre La scuolo, che cos’è, che cosa devrebbe essere, -in-Il Pensiero, a.VII, n°17, Roma, 01/09/1909
 BORGHI Lamberto Giustizia e mutuo appogio, -in-Rivista anaarchica, n°198, marzo 1993
 Cf. notamment KROPOTKINE Pierre La science moderne et l’anarchie, 1901
 EVA Fabrizio La didattica di Piotr KROPOTKIN, -in-A Rivista anarchica, Milano: a.40, n°5(354), p.44-45, giugnio 2010
 GRAVE Jean Enseignement bourgeois et enseignement libertaire, Paris, Temps Nouveaux, n°14, 16p, 1900
 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.236
 GRAVE Jean Las aventuras de Nono, Madrid, MCA Arlequín, 168p, 2000
 BRÉMAND Nathalie Les anarchistes et l'éducation sous Jules FERRY, -in-Le Monde libertaire, Paris: été 1994
 NIEUWENHUIS Domela L’éducation libertaire (Conférence – 1900) reproduite sur  HYPERLINK http://bibliolib.net/Nieuwenhuis-educlib.htm http://bibliolib.net/Nieuwenhuis-educlib.htm, 9pA4, 05/03/2004
 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.243
 PELLOUTIER Fernand Instruire pour révolter, -in-L’ouvrier des deux mondes, n°15, mai 1898
 LENOIR Hugues Georges SOREL et l’éducation, -in-Les Temps maudits, Paris : n°27, p.83-98, octobre 2008, p.89
 LENOIR Hugues Op.cit., p.92
 PELLOUTIER Fernand Histoire des Bourses du Travail, Paris : Schleicher, 232p, 1902
 LENOIR Hugues Georges SOREL et l’éducation, -in-Les Temps maudits, Paris : n°27, p.83-98, octobre 2008, p.94 & p.96
 PELLOUTIER Fernand Histoire des Bourses du Travail, Paris : Schleicher, 232p, 1902
 PELLOUTIER Fernand Mémoire pour la construction d'un théâtre populaire, -in-Revue d'Art Dramatique, 1899
 PELLOUTIER Fernand L’enseignement social : le Musée du travail, -in-L’Ouvrier des deux mondes, Paris, n°14, avril 1898
 PELLOUTIER Fernand L'art et la révolte, conférence du 30/05/1896, Paris, L'Art Social, 32p, 1896
 MATÉOS George L’expérience historique des Bourses du Travail, -in-Réfractions, n°9, 2002
 LENOIR Hugues Georges SOREL et l’éducation, -in-Les Temps maudits, Paris : n°27, p.83-98, octobre 2008, p.89
 Cf. surtout CARDONA CASTRO Ángeles/ CARDONA CASTRO Francisco-Luis La Utopía Perdida. Trayectoria de la pedagogía libertaria en España, Barcelona, Bruguera, 228p, 1977
 DÍAZ DEL MORAL Juan Historia de las agitaciones campesinas andaluzas, Madrid: Revista de Derecho Privado, 586p, 1929
 DOMMANGET Maurice Francisco FERRER, -in-Les grands socialistes et l’éducation, 1970
 Escuela laica en Valencia, -in-MADRID Francisco/VENZA Claudio, Antología documental del anarquismo español, Vol.I, 2001, p.365-366
 Cf. GUTIÉRREZ MOLINA José Luis El anarquismo en Chiclana : Diego RODRIGUEZ BARBOSA, obrero y escritor (1885-1936), Chiclana (Cádiz), Ayutamiento de Chiclana de la Frontera, 311p, 2001, p.222-223
 Cf. MELLA Ricardo Cuestiones de enseñanza libertaria (antologia), Madrid, Zero, 1979
 MELLA Ricardo Cuestiones de enseñanza, Madrid, 1913
 MELLA Ricardo Cuestiónes de enseñanza libertaria. Antología, Madrid, Zero-ZYX, 1979
 MELLA Ricardo El verbalismo de la enseñanza, -in-Il Libertario, n°7, Gijón, 21/09/1912 (Cité par CODELLO)
 LORENZO Anselmo El proletariado militante, Barcelona, 2 vol., 1902
 MARTINET Marcel Préface à THIERRY Albert Réflexions sur l’éducation. Retour aux sources, Blainville-sur-Mer: L'amitié par le livre, 168p, p.07-28, vers 1963, p.19
 BRÉMAND Nathalie Le proudhonisme dans les conceptions pédagogiques libertaires, -in-L'Éducation: PROUDHON, proudhonisme (XIXe - XXe siècle). Colloque de Paris : 4 & 5 novembre 1994, Paris : Les Cahiers de la Société P.-J. PROUDHON, p.77-94, 1995, p.82
 DOMMANGET Maurice Albert THIERRY, -in-Les grands socialistes et l’éducation, 1970
 THIERRY Albert L'apprentissage industriel, -in-Réflexions sur l’éducation. Retour aux sources, Blainville-sur-Mer: L'amitié par le livre, p.119-145, 1963
 THIERRY Albert L'enseignement primaire, -in-Réflexions sur l’éducation. Retour aux sources, Blainville-sur-Mer: L'amitié par le livre, p.81-97, 1963
 THIERRY Albert Réflexions sur l’éducation. Retour aux sources, Blainville-sur-Mer: L'amitié par le livre, 168p, vers 1963, p.41
 THIERRY Albert Réflexions sur l’éducation. Retour aux sources, Blainville-sur-Mer: L'amitié par le livre, 168p, vers 1963, p.48
 MANFREDONIA Gaetano Culture encyclopédique ou culture ouvrière chez Édouard BERTH, -in-L'Éducation: PROUDHON, proudhonisme (XIXe - XXe siècle). Colloque de Paris : 4 & 5 novembre 1994, Paris : Les Cahiers de la Société P.-J. PROUDHON, p.95-109, 1995
 THIERRY Albert L'éducation générale supérieure (juin 1913), -in-Réflexions sur l’éducation. Retour aux sources, Blainville-sur-Mer: L'amitié par le livre, p.146-166, 1
 THIERRY Albert L’école entre la science et le travail (1912), -in-Réflexions sur l’éducation. Retour aux sources, Blainville-sur-Mer: L'amitié par le livre, p.63-80, 1963
 THIERRY Albert Lectures. L’École rénovée et l’action directe en pédagogie, -in-Pages libres, Paris, n°440, 05/06/1909
 THIERRY Albert Principes d’une éducation syndicaliste, -in-La Vie ouvrière, Paris, n°63, 1912
 THIERRY Albert Réflexions sur l’éducation. Retour aux sources, Blainville-sur-Mer: L'amitié par le livre, 168p, vers 1963
 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.253
 THIERRY Albert Réflexions sur l’éducation. Retour aux sources, Blainville-sur-Mer: L'amitié par le livre, 168p, vers 1963, p.44 & 45
 THIERRY Albert L’école et la révolution, -in-La Vie ouvrière, Paris, n°61, 1912, cité par CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.256
 THIERRY Albert Réflexions sur l’éducation. Retour aux sources, Blainville-sur-Mer: L'amitié par le livre, 168p, vers 1963, p.36
 THIERRY Albert L’école et l’individu (1912), -in-Réflexions sur l’éducation. Retour aux sources, Blainville-sur-Mer: L'amitié par le livre, p.55-62, 1963
 LENOIR Hugues S’éduquer pour acquérir La Science de son malheur (à Jacques TOUBLET), -in-Les Temps Maudits, Paris: CNT, n°17, 168p, p.123-144, octobre-décembre 2003, p.129
 THIERRY Albert Réflexions sur l’éducation. Retour aux sources, Blainville-sur-Mer: L'amitié par le livre, 168p, vers 1963, p.39
 LENOIR Hugues, op.cit., octobre-décembre 2003, p.130
 JACQUIER Charles Marcel MARTINET o l’orgoglio della fedeltà, -in-GIULIANELLI Roberto (A cura di) Luigi FABBRI. Studi e documenti sull’anarchismo tra otto e novecento, Pisa, Quaderni della Rivista Storica dell’Anarchismo, BFS, n°1, 211p, 2005, p.137
 DEVALDÈS Manuel Paul ROBIN, -in-L'Idée Libre, n°18-19, mai juin 1913
 DEVALDÈS Manuel L'éducation et la liberté, Paris, 53p, 1900
 FAURE Abel L'Individualisme et la réforme de l'enseignement, Paris, P.-V. Stock, 71p, 1911
 FAURE Abel La crise du français et la réforme universitaire, Paris, P.-V. Stock, 76p, 1911
 FAURE Abel L'Éducation française. L'individu et les diplômes, Paris, P.-V. Stock, 356p, 1909
 MAC SAY Stephen Vers l’éducation humaine. La Laïque contre l’enfant, Paris, Schleicher, 1911
 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.274
 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.278
 ARMAND E. L'initiation individualiste anarchiste, Paris, 344p, 1923
 ARMAND E./DEVALDES Manuel/LORULOT André/RECLUS Paul/RYNER Han etc. Questions de tolérance et d'éducation..., Paris, L'Ère Nouvelle, 24p, 1911
 Cf. Bibliographie quasi complète -in-ANTONY Michel Bibliographie sur mouvements et théories libertaires en France. Partie 3 de M à Q, Magny Vernois, Fichier sur le même site, 1° édition 1995, 89p, novembre 2008
 SCHÉRER René Le rêve d’Émile MASSON, -in-GIRAUD J.-Didier et Marielle sous la direction de Émile MASSON, prophète et rebelle (Actes du colloque international de Pontivy, 26, 27 et 28 septembre 2003), Préface d' HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Edmond_Herv%C3%A9" \o "Edmond Hervé" Edmond HERVÉ, Rennes : Presses Universitaires, 350p, p.91-98, 2005, p.95
 GIRAUD J.-Didier et Marielle Émile MASSON, professeur de liberté, Chamalières : Éd. Canope, 383p, 1991, p.110
 GIRAUD J.-Didier et Marielle op. cit., p.128
 MASSON Émile L’Utopie des îles bienheureuses dans le Pacifique en l’an 1980, Quimper-Le Guilvinec : Calligrammes-Ar Vorenn, 232p, mai 1984
 Les pacifistes libertaires d’Émile MASSON en 1918-1921 -in-ANTONY Michel V. Quelques œuvres utopiques libertaires ou résolument anarchistes, Magny Vernois, Fichier sur le même site, 1° édition 1995, 150p, novembre 2008
 12. Éducation et révolution, -in-GUIOMAR Jean-Yves Émile MASSON. Les Bretons et le socialisme, Paris : Maspéro, p.257-278p, 1972
 GIRAUD J.-Didier et Marielle Émile MASSON, professeur de liberté, Chamalières : Éd. Canope, 383p, 1991, p.99
 GIRAUD J.-Didier et Marielle op.cit, p.111
 GIRAUD J.-Didier et Marielle op. cit., p.67
 La Coopération des Idées est une association d’éducation populaire fondée par DELHERME à Paris en 1898
 GIRAUD J.-Didier et Marielle Émile MASSON, professeur de liberté, Chamalières : Éd. Canope, 383p, 1991, p.51
 MASSON Émile La langue internationale et les langues nationales, -in-Les Temps nouveaux, 06/07/1912
 MASSON Émile Rapport au Congrès d’Hennebont d’août 1913 de la Fédération régionaliste de Bretagne, -in-GUIOMAR Jean-Yves Émile MASSON. Les Bretons et le socialisme, Paris : Maspéro, p.263-270, 1972
 Cité -in-GIRAUD J.-Didier et Marielle Émile MASSON, professeur de liberté, Chamalières : Éd. Canope, 383p, 1991, p.207
 GIRAUD J.-Didier et Marielle op.cit, p.288
 SCHÉRER René Le rêve d’Émile MASSON, -in-GIRAUD J.-Didier et Marielle sous la direction de Émile MASSON, prophète et rebelle (Actes du colloque international de Pontivy, 26, 27 et 28 septembre 2003), Préface d' HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Edmond_Herv%C3%A9" \o "Edmond Hervé" Edmond HERVÉ, Rennes : Presses Universitaires, 350p, p.91-98, 2005, p.94
 Cf. surtout le débat qu’il a avec Jean GRAVE sur ce plan -in-Lettres à Jean GRAVE, GUIOMAR Jean-Yves Émile MASSON. Les Bretons et le socialisme, Paris : Maspéro, p.88-114, 1972
 D’où le titre de la belle biographie GIRAUD J.-Didier et Marielle Émile MASSON, professeur de liberté, Chamalières : Éd. Canope, 383p, 1992
 GUIOMAR Jean-Yves Émile MASSON. Les Bretons et le socialisme, Paris : Maspéro, 288p, 1972, p.180
 Cf. MASSON Émile Démocrates ou aristocrates, -in-La Guerre sociale, n°7, 30/01-05/02/1907, -in-GUIOMAR Jean-Yves Émile MASSON. Les Bretons et le socialisme, Paris : Maspéro, p.176-178, 1972
 GUIOMAR Jean-Yves Émile MASSON. Les Bretons et le socialisme, Paris : Maspéro, 288p, 1972, p.259
 CLARK John Élisée RECLUS et Émile MASSON : prendre conscience de soi-même, -in-GIRAUD J.-Didier et Marielle sous la direction de Émile MASSON, prophète et rebelle (Actes du colloque international de Pontivy, 26, 27 et 28 septembre 2003), Préface d' HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Edmond_Herv%C3%A9" \o "Edmond Hervé" Edmond HERVÉ, Rennes : Presses Universitaires, 350p, p.107-115, 2005, p.114
 MASSON Émile (BRENN) Bébé et la révolution, -in-La Plèbe, n°2, 20/04/1918, -in-GUIOMAR Jean-Yves Émile MASSON. Les Bretons et le socialisme, Paris : Maspéro, p.270-273, 1972
 LAISANT Charles-Ange L’éducation de demain, -in- HYPERLINK http://bibliolib.net http://bibliolib.net, 15pA4, 08/03/2004, p.2
 LAISANT Charles-Ange L’éducation de demain, -in- HYPERLINK http://bibliolib.net http://bibliolib.net, 15pA4, 08/03/2004, p.14
 FABBRI Luigi Lettere a una donna sull'anarchia, Chieti, Di Sciullo, 137p, 1905
 FABBRI Luigi (pseudo RANIERI E.) La Scuola Moderna di Barcellona, -in-Il Pensiero, 01/10/1906
 FABBRI Luigi La scuola moderna de Barcellona e Francisco FERRER, Roma, Comitato pro Scuola Laica, 1909 ?
 FABBRI Luigi Francisco FERRER y GUARDIA : ultimo martire del libero pensiero, Roma, Tuzzi, 32p, 1909
 FABBRI Luigi Il movimento per la Scuola Moderna, -in-La Scuola Moderna, I, n°3, Bologna, 01-15/01/1911
 FABBRI Luigi Scuola Moderna e Scuola laica, -in-La Scuola Moderna, I, n°5, Bologna, 01-15/02/1911
 FABBRI Luigi L'inquisizione moderna, Roma, Serantoni, 48p, 1904
 FABBRI Luigi La libertà d’insegnamento, -in-La Scuola Moderna, I, n°8, Bologna, 16-31/03/1911
 FABBRI Luigi La educación para la revuelta, -in-La Protesta, Buenos Aires, a.VI, n°295, 19/11/1928
 FABBRI Luigi La scuola e la rivoluzione, Milano, L'Università Popolare, 36p, 191
 FABBRI Luigi Politica e scuola, -in-Enciclopedia delle enciclopedie. Pedagogia, Roma, Formiggini, 1931
 FABBRI Luce L’educatore, -in-Studi sociali, Montevideo, a.VI, n°1, 20/11/1935
 Cf. SONTAG Susan On Paul GOODMAN, -in-The New York Review of Books, 21/09/1972
 VINCENT Bernard Paul GOODMAN, prophète du présent. Un précurseur d’Ivan ILLICH, -in-Esprit, octobre 1974
 GOODMAN Paul Growing up absurd : problems of youth in the Organized System, New York, Random House, 1960
 FUGLER René L’anarchisme pragmatique de Paul GOODMAN, -in-Écologie, graines d’anarchies, Réfractions, n°18, p.97-109, printemps 2007, p.102
 Cf. VINCENT Bernard « Le Virgile de l’Amérique ». Paul GOODMAN entre avant garde et tradition, -in-Transatlantica-revue d’études américaines, 21pA4, 2003, p.8
 VINCENT Bernard op.cit., p.7
 GOODMAN Paul/GOODMAN Percival Communitas : means of livelihood and ways of life, Chicago, 1947
 GOODMAN Paul The community of scholars, New York, Random Press, 1962
 VINCENT Bernard Paul GOODMAN, critique de la société technologique et théoricien de l'utopie, Lille, Thèse, 1982
 VINCENT Bernard « Le Virgile de l’Amérique ». Paul GOODMAN entre avant garde et tradition, -in-Transatlantica-revue d’études américaines, 21pA4, 2003, p.11
 GOODMAN Paul La contre-éducation obligatoire (Compulsory mis-education), Paris, Fleurus, 192p, 1972
 GOODMAN Paul La contre-éducation obligatoire (Compulsory mis-education), p.172
 Collectif Pour ou contre Summerhill, 1972, p.42
 GOODMAN Paul La contre-éducation obligatoire (Compulsory mis-education), p.38
 GOODMAN Paul La contre-éducation obligatoire (Compulsory mis-education), p.77
 GOODMAN Paul La contre-éducation obligatoire (Compulsory mis-education), p.159
 Cité par SMITH Mickael P. Educare per la libertà. Il metodo anarchico, Milano, Eleuthèra, 192p, 1990, p.147
 GOODWAY David L’anarchie en société. Conversations avec Colin WARD, Lyon, ACL, 151p, 2005, p.63
 WARD Colin Education for mastery of the environment, -in-Spazio e Società, Milano, n°4, dicembre 1978
 CODELLO Francisco Leggere Colin WARD, -in-A Rivista anarchica, Milano: a.41, n°4(362), p.79-80, maggio 2011
 WARD Colin Luoghi dove s'impara (1987), -in-A Rivista anarchica, Milano: a.41, n°4(362), p.81-86, maggio 2011
 BANCAL Jean La rencontre de 2 cultures : PROUDHON et TOLSTOI. Influence de PROUDHON sur l'œuvre du grand créateur russe (1974-75), -in-Archives proudhoniennes 2009, Paris: Société P.-J. PROUDHON, 114p, p.09-54, 2009, p.20
 BANCAL Jean, op. cit., 2009, p.35
 SMITH Mickael P. Educare per la libertà. Il metodo anarchico, Milano, Eleuthèra, 192p, 1990, p.82
 HUSSON Jean Théoriciens et pionniers de l’éducation nouvelle, L’Éducateur, n°19, 01/07/1946
 TOLSTOÏ Léon L’éducation libertaire, -in-Les Temps nouveaux, Paris, n°20, 11-17/09/1897
 ANTONY Michel Quelques éléments biographiques sur Charles FOURIER 1772-1837 et Courte présentation du Fouriérisme, Magny Vernois, Fichier sur le même site, 1° édition 1995, 44p, décembre 2008
 F. Des mouvements libertaires mexicains trop méconnus (environ 1860-1930), -in-ANTONY Michel VIII. Essais utopiques libertaires de grande dimension, Magny Vernois, Fichier sur le même site, 1° édition 1995, 178p, décembre 2008
 VIOLET Renaud Régénération humaine et éducation libertaire, –in-Dissidences, n°14-15, 6°a., 2003-2004
 DEMEULENAERE-DOUYÈRE Christiane Paul ROBIN (1837-1912) : un militant de la liberté et du bonheur, Paris: Publisud, 480p, 1994, p.53
 LE YAOUANQ Jean Les conceptions pédagogiques de Paul ROBIN 1870-1894, Paris: DES, 152p, 1959-1960
 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.423
 Cité par CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.149
 DEMEULENAERE-DOUYÈRE Christiane Paul ROBIN (1837-1912) : un militant de la liberté et du bonheur Paris: Publisud, 480p, 1994, p.139
 DEMEULENAERE-DOUYÈRE Christiane op.cit., p.149
 DEMEULENAERE-DOUYÈRE Christiane op.cit., p.170-171
 ROBIN Paul La famille de Cempuis, -in-Bulletin de l’Orphelinat PRÉVOST, a.14, n°2, avril 1895
 DEMEULENAERE-DOUYÈRE Christiane Paul ROBIN (1837-1912) : un militant de la liberté et du bonheur Paris: Publisud, 480p, 1994, p.183-184
 DEMEULENAERE-DOUYÈRE Christiane op.cit., p.200-201
 Cf. liste pour 1887 DEMEULENAERE-DOUYÈRE Christiane op.cit., p.212
 DOMMANGET Maurice Paul ROBIN, Paris, SUDEL, 1951
 GIROUD Gabriel Paul ROBIN. Sa vie, ses idées, son action, Paris, 318p, 1937
 MIRBEAU Octave Combats politiques, Paris, Séguier, 1990, p.159
 ROBIN Paul Manifeste aux partisans de l'éducation intégrale (août 1893), -in-DEMEULENAERE-DOUYÈRE Christiane Paul ROBIN (1837-1912) : un militant de la liberté et du bonheur, Paris: Publisud, p.410-420, 1994
 DEMEULENAERE-DOUYÈRE Christiane Paul ROBIN (1837-1912) : un militant de la liberté et du bonheur Paris: Publisud, 480p, 1994, p.315
 ROBIN Paul Technique du suicide, -in-La Critique, 05/06/1901
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 Pour les cartes postales, j’utilise les reproductions fournies dans CODELLO Francisco Sébastien FAURE e il laboratorio pedagogico de la Ruche, -in-Bolletino Archivio G. PINELLI, Milano, n°10, p.27-33, dicembre 1997
 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.508
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 LEWIN Roland Sébastien FAURE et La Ruche, Paris, Ivan Davy, 1989
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 FAURE Sébastien Mon communisme (Le bonheur universel), Paris, Les Amis de Sébastien FAURE, 408p, 1921
 -in-FAURE Sébastien/FLORES MAGÓN Enrique Nuestra encuesta mundial sobre la labor inmediata y futura del anarquismo, -in-La Revista Internacional Anarquista, Paris, n°4, 15/02/1925
 BEAUDET Céline Les milieux libres. Vivre en anarchiste à la Belle Époque en France, St Georges d’Oléron, Éditions libertaires, 256p, 2006, p.80
 Cf. ANTONY Michel VII. Essais utopiques libertaires de « petite » dimension. A. L’extrême variété des « microcosmes » libertaires, alternatifs et autogestionnaires, Magny Vernois, fichier sur le même site, 1° édition 1995, 56p en janvier 2007
 BEAUDET Céline Les milieux libres. Vivre en anarchiste à la Belle Époque en France, St Georges d’Oléron, Éditions libertaires, 256p, 2006, p.142
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 LAMOTTE Émilie L'éducation rationnelle de l'enfance, Paris, Éditions de l’Idée Libre, 24p, 1912
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 LAMOTTE Émilie Op.cit., p.22
 LAMOTTE Émilie Op.cit., p.34
 -in-L’Anarchie, n°92, 10/01/1907
 BEAUDET Céline Les milieux libres. Vivre en anarchiste à la Belle Époque en France, St Georges d’Oléron, Éditions libertaires, 256p, 2006, p.82
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 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.492
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 Pour cette citation et les suivantes, Cf. GIRAUD J.-Didier et Marielle Émile MASSON, professeur de liberté, Chamalières : Éd. Canope, 383p, 1991, p.324
 Cf. site  HYPERLINK "http://www.perigny-sur-yerres.org/assoc-detail.php?idpage=18&folio=38" http://www.perigny-sur-yerres.org/assoc-detail.php?idpage=18&folio=38, consulté le 03/02/2009
 GIRAUD J.-Didier et Marielle op.cit., p.331
 PAULSEN William L'École Solidariste. Traduction et Préface de Adolphe FERRIÈRE, Bruxelles : 1931
 BERNFELD Sigfried Antiautoritarismo e psicoanalisi nella scuola, Milano, Feltrinelli, 1971
 SCHMID Jakob Robert Le maître-camarade et la pédagogie libertaire, Neuchâtel, 1936
 Cf. surtout FREINET Célestin Les instituteurs allemands, -in-Clarté, n°29, 1923
 NAHOUN Philippe Allemagne anti-autoritaire, Condé, Ed. du Cercle, 1971
 MÜLLER-SEWING Hans Etta FEDERN 1883-1951, -in-Bolletino Archivio G. PINELLI, Milano, n°12, p.50-52, gennaio 1999
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 Mujeres Libres. Luchadoras libertarias, Madrid, FELAL, 1999
 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.590
 JIMÉNEZ MIER Y TERÁN, F. Vida, pensamiento y obra de José TAPIA BUJALANCE. Un maestro singular. México, 1989
 Cf. GUTIÉRREZ MOLINA José Luis La idea revolucionaria : el anarquismo organizado en Andalucia y Cadix durante los años treinta, Móstoles, Madre Tierra, 235p, 1993, p.146-147
 MINTZ Frank Autogestion et anarcho-syndicalisme. Analyse et critique sur l’Espagne 1931-1990, Paris, CNT-RP, 136p, 1999, p.36
 CARDONA CASTRO Ángeles/ CARDONA CASTRO Francisco-Luis La Utopía Perdida. Trayectoria de la pedagogía libertaria en España, Barcelona, Bruguera, 228p, 1977, p.176-177
 GOMEZ-ARCOS Agustín L’enfant pain, Paris, Points Seuil, 1983
 Cf. CNT-AIT (REGIONAL DE ARAGÓN, RIOJA Y NAVARRA) Realizaciones revolucionarias y estructuras colectivistas de la Comarcal de Monzón (Huesca). Con notas sobre la represión comunista, Huesca: Ediciones Cultura y Acción, 160p, 1977, p.24 & ss
 CARRASQUER LAUNED Felix La escuela de militantes de Aragón. Una experiencia de autogestión educativa y económica, Barcelona, Ediciones Foil, 1978
 Cf. photo -in-CNT-AIT (REGIONAL DE ARAGÓN, RIOJA Y NAVARRA) Realizaciones revolucionarias y estructuras colectivistas de la Comarcal de Monzón (Huesca). Con notas sobre la represión comunista, Huesca: Ediciones Cultura y Acción, 160p, 1977, p.81
 OTERO URTAZA Eugenio M. Las Misiones Pedagógicas. Una experiencia de educación popular, Sada-A Coruña, Ediciós do Castro, 1982
 CARDONA CASTRO Ángeles/ CARDONA CASTRO Francisco-Luis La Utopía Perdida. Trayectoria de la pedagogía libertaria en España, Barcelona, Bruguera, 228p, 1977, p.166
 CARDONA CASTRO Ángeles/ CARDONA CASTRO Francisco-Luis, op. cit., p.196
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 Cf. Site ANEN,  HYPERLINK "http://www.anen.fr/anen-direct.php3?id_article=77" http://www.anen.fr/anen-direct.php3?id_article=77, consulté le 01/11/2009
 Cf. l’ouvrage collectif En sortant de l’école… Un projet réalisé par des enfants de la rue Vitruve, Paris : Casterman, 1976
 PAGIS Julie « Déscolarisons l’école », -in-Mai-juin 68, Paris : Éditions de l’Atelier, p.370-382, 2008
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 BERNARD Luc Les écoles sauvages, Paris : Vivre / Stock 2, 272p, 1976, p.191-215
 BERNARD Luc op.cit., p.75-90
 BERNARD Luc op.cit., p.143-150
 BERNARD Luc op.cit., p.37-55
 BERNARD Luc op.cit., p.56-72
 BERNARD Luc op.cit., p.91-103
 BERNARD Luc op.cit., p.123-141
 BERNARD Luc op.cit., p.223-238
 BERNARD Luc op.cit., p.217-220
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 LEBOEUF Bernard Éducation libertaire, aujourd'hui… Bonaventure, -in-Anarchisme (L') : Images et Réalités. Actes du colloque de Perpignan 01-04/11/1995, Paris: Éditions du Monde Libertaire, 176p, p.167-173, 1996, p.168
 LEBOEUF Bernard, 1996, op.cit., p.169
 Cf. le beau résumé dans RAYNAUD Jean-Marc Meurtres exquis à l'île d'Oléron, Saint-Georges d’Oléron: Les Éditions libertaires, 96p, 2010
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 LENOIR Hugues Une expérience d'éducation libertaire, -in-Éducation, autogestion, éthique, St Georges d'Oléron: Les Éditions libertaires, p.57-62, 2010
 Cf. le site de l'IDEN  HYPERLINK "http://www.idenetwork.org/idec-newsletters/idec-lettres-de-diffusion-francais-0.htm" http://www.idenetwork.org/idec-newsletters/idec-lettres-de-diffusion-francais-0.htm, consulté le 13/08/2011
 SMITH Mickael P. Educare per la libertà. Il metodo anarchico, Milano, Eleuthèra, 192p, 1990, p.98
 Cf. RUST Val D. Alternatives in education, London, Sage, 1977
 Cf. La educación popular... -in-Ekintza Zuzena, n°28, Bilbao, 2001
 MARÍN SILVESTRE Dolors Anarquistas. Un siglo de movimiento libertario en España, Barcelona: Ariel, Colección Historia, 490p, 2010, p.365-366
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 Cf. FREMEAUX Isabelle/JORDAN John Les sentiers de l'utopie, Paris: La Découverte-Zones, 320p, p.75-99, 2011
 FREMEAUX Isabelle/JORDAN John, op.cit., p.77
 MARTIN LUENGO Josefa La Escuela de la Anarquía, Móstoles : Madre Tierra, 92p, 1993, p.10 & 62
 MARTIN LUENGO Josefa op.cit., p.38 & 53
 MARTIN LUENGO Josefa op.cit., p.66
 CARBONELL SEBARROJA Jaume Escuela Libre Paideia. El aprendizaje de la autogestión, -in-Cuardernos de Pedagogía, n°247, p.38-46, mayo de 1996
 MARTIN LUENGO Josefa La Escuela de la Anarquía, Móstoles : Madre Tierra, 92p, 1993, p.67
 MARTIN LUENGO Josefa op.cit., p.84
 FREMEAUX Isabelle/JORDAN John Les sentiers de l'utopie, Paris: La Découverte-Zones, 320p, 2011, p.77
 MARTIN LUENGO Josefa La Escuela de la Anarquía, Móstoles : Madre Tierra, 92p, 1993, p.35
 MARTIN LUENGO Josefa op.cit., p.75-76
 Courriel d’Education Revolution  HYPERLINK "mailto:jerryaero@aol.com" jerryaero@aol.com, Date: Sun, 11 May 2008 20:35:00 -0400 (EDT)
 CODELLO Francisco La démocratie directe à l’école, -in-Réfractions, Enfants (Les), les jeunes… c’est l’anarchie, Lyon, n°16, 168p, 2006, p.101-102
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 LOURAU René L’illusion pédagogique, Paris, L’Épi, 1969, p.111
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 Cf. notamment LAPASSADE Georges Les chevaux du diable, une dérive transversaliste, Paris : Éditions universitaires, 129p, 1974
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 GUATTARI Félix Entretien, -in-Collectif L’intervention institutionnelle, Paris, Payot, 1980, p.133-134
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 Cf. la notion de « enseñanza general » de Luisa CAPETILLO (p.62 de Obra completa).
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 Cf. DELL'ACQUA Maria Luisa L'antieducazione del « Faber». Il percorso poetico di Fabrizio DE ANDRÉ e la sua « pedagogia politica » attraverso la memoria di libertari e non, Milano-Bicocca : Tesi di laurea in Scienze dell'Educazione, Facultà di Scienze della Formazione, Università degli Studi, 2005-2006
 Cf. LENOIR Hugues Pour une éducation permanente et libertaire, -in-Le Monde libertaire, Paris: 03/02/2007
 LENOIR Hugues Formation initiale et formation continue: l'imposture de la dichotomie, -in-Le Nouvel Éducateur, n°128, p.29-34, avril 2001
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 ERMINI Rino Pedagogia libertaria, Salerno, Associazione culturale Hop Frog, 33p, site consulté le 04/02/2008  HYPERLINK "http://www.hopfrog.it/biblioteca_online/libertaria/Ermini%20-%20Pedagogia%20libertaria.pdf" http://www.hopfrog.it/biblioteca_online/libertaria/Ermini%20-%20Pedagogia%20libertaria.pdf, p.10
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 CUEVAS NOA Francisco José Anarquismo y educación : la propuesta sociopolítica de la pedagogía libertaria, Madrid : FAL, 170p, 2003, p.82
 LOBROT Michel L'animation non-directive des groupes (1974), Paris: Payot - pbp n°353, 256p, 1979, p.107
 Cf. LENOIR Hugues Éthique et formation, -in-Éducation, autogestion, éthique, St Georges d'Oléron: Les Éditions libertaires, p.165-185, 2010
 Cf. les réflexions de LENOIR Hugues Éducation, autogestion, éthique, St Georges d'Oléron: Les Éditions libertaires, 224p, 2010, p.145
 CODELLO Francesco « La buona educazione », 2005, p.592
 CHOMSKY Noam De la propagande. Entretiens avec David BARSAMIAN (2001), Paris : Fayard, 330p, 2002, p.316
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 DALGALIAN Gilbert/DELLA SUDDA Bruno/GIANI Guy École et éducation, -in-Collectif Lucien COLLONGES Autogestion hier, aujourd'hui, demain, Paris: Ed. Syllepse, p.313-326, 2010, p.322
 LENOIR Hugues Pour une éthique de l'évaluation, -in-Éducation, autogestion, éthique, St Georges d'Oléron: Les Éditions libertaires, p.187-221, 2010, p.189
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 TRASATTI Filippo Le utopedagogie, -in-Volontà, Milano, L’utopia comunitaria, 1989, p.140
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 CODELLO Francisco Vaso, creta o fiore ? Né riempire, né plasmare ma educare, Lugano, La Baronata, 256p, 2005
 SACCHETTI Giorgio Senza frontiere : pensiero e azione dell’anarchico Umberto MARZOCCHI 1900-1986 Milano, Zero in condotta, 556p, 2005, p.59