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A. Communautés européennes et leurs États membres

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ommunication ex parte avec le Groupe spécial ou l'Organe d'appel en ce qui concerne les questions que l'un ou l'autre examine.











Note du Secrétariat: Le présent rapport sera adopté par l'Organe de règlement des différends (ORD) dans les 60 jours suivant la date de sa distribution, à moins qu'une partie au différend ne décide de faire appel ou que l'ORD ne décide par consensus de ne pas l'adopter. S'il fait l'objet d'un appel formé devant l'Organe d'appel, il ne sera pas examiné par l'ORD, en vue de son adoption, avant l'achèvement de la procédure d'appel. Des renseignements sur la situation à cet égard peuvent être obtenus auprès du Secrétariat de l'OMC.

TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION 1

II. ÉLÉMENTS FACTUELS 1

a) Dispositions pertinentes de la législation canadienne sur les brevets 1
b) Système canadien d'examen réglementaire des drogues 3

III. CONSTATATIONS ET RECOMMANDATIONS DEMANDÉES PAR LES PARTIES 8

IV. ARGUMENTS DES PARTIES 9

A. Communautés européennes et leurs États membres 10

1) ARTICLE 55.2 2) ET 55.2 3) DE LA LOI SUR LES BREVETS PRIS CONJOINTEMENT
AVEC LE RÈGLEMENT SUR LA PRODUCTION ET L'EMMAGASINAGE
DE MÉDICAMENTS BREVETÉS 10

a) Articles 28:1 et 33 de l'Accord sur les ADPIC 10
b) Article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC 11

2) ARTICLE 55.2 1) DE LA LOI SUR LES BREVETS 11

a) Article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC 11
b) Article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC 13

3) ÉVOLUTION HISTORIQUE DE LA LÉGISLATION CANADIENNE EN MATIÈRE
DE BREVETS ET COMPARAISON ENTRE LA SITUATION AU CANADA AVANT
ET APRÈS L'INTRODUCTION EN 1993 DU PROJET DE LOI C-91 ET DU
RÈGLEMENT SUR LA PRODUCTION ET L'EMMAGASINAGE
DE MÉDICAMENTS BREVETÉS 14

4) PERTES ÉCONOMIQUES SUBIES PAR L'INDUSTRIE
PHARMACEUTIQUE DE L'UE 18

5) ARTICLE 30 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC 18

B. Canada 19

1) ARTICLE 30 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC 19

a) Objet, but et sens 21

i) L'article 55.2 1) et 55.2 2) créait des exceptions limitées 25
ii) L'article 55.2 1) et 55.2 2) ne portait pas atteinte à l'exploitation
normale du brevet 28
iii) L'article 55.2 1) et 55.2 2) ne causait pas un préjudice aux
intérêts légitimes du titulaire du brevet 29
iv) L'article 55.2 1) et 55.2 2) tenait compte des intérêts légitimes des tiers 30

b) Travaux préparatoires et pratique ultérieurement suivie 33

2) ARTICLE 27:1 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC 36

a) Objet, but et sens 36
b) Travaux préparatoires et pratique ultérieurement suivie 38
c) L'article 55.2 1) et 55.2 2) n'a pas un caractère discriminatoire 39

3) ARTICLE 33 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC 40

a) Objet, but et sens 40
b) L'article 55.2 1) et l'article 55.2 2) ne réduisent pas la durée de la
protection minimale prescrite 41

4) L'HISTORIQUE DE L'ADOPTION DES DISPOSITIONS CONTESTÉES,
LEUR ÉLABORATION, LEUR CONTEXTE LÉGISLATIF ET LE DÉBAT SUR
LA MAÎTRISE DES COÛTS ET LES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES 41

a) L'historique de l'adoption des dispositions contestées 42
b) L'élaboration des dispositions contestées 44
c) Le contexte législatif 47
d) La maîtrise des coûts et les médicaments génériques 49

C. Communautés européennes et leurs États membres 55

1) ARTICLE 27:1 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC 57

2) ARTICLE 30 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC 60

a) Remarques préliminaires 61

i) Préambule et article 1:1, 7 et 8:1 de l'Accord sur les ADPIC 62

b) Interprétation des conditions énoncées à l'article 30 pour consentir des
exceptions aux droits conférés 65

i) L'exception "d'antériorité" 66
ii) L'exception pour "l'utilisation à des fins scientifiques ou
expérimentales" 68

c) L'article 55.2 2) et 55.2 3) de la Loi canadienne sur les brevets pris
conjointement avec le Règlement sur la production et
l'emmagasinage de médicaments brevetés 69

i) "Limitées" 69
ii) "Ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation
normale du brevet" 69
iii) "ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du
titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers" 70

d) L'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets 72

i) "Limitées" 72
ii) "Ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation
normale du brevet" 73
iii) "ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du
titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers" 73

3) LA PRATIQUE ULTÉRIEUREMENT SUIVIE 74

a) Article 55.2 2) et article 55.2 3) de la Loi canadienne sur les
brevets pris conjointement avec le Règlement sur la production et
l'emmagasinage de médicaments brevetés 75
b) Article 55.2 a) de la Loi canadienne sur les brevets 75

D. Canada 77

1) POINTS PRÉLIMINAIRES 77

a) Article 55.2 1) et 55.2 2) de la Loi canadienne sur les brevets 78
b) Pratique ultérieurement suivie 80

2) ARTICLE 27:1 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC 81

3) ARTICLE 30 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC 86

a) Articles 7 et 8 de l'Accord sur les ADPIC 87
b) Interprétation des conditions énoncées à l'article 30 pour que soient
consenties des exceptions aux droits conférés 89

i) L'exception "d'antériorité" 90
ii) L'exception pour l'"utilisation à des fins scientifiques et
expérimentales" 91

c) Article 55.2 1) et 55.2 2) de la Loi canadienne sur les brevets 94

i) "Limitées" 94
ii) "Ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation
normale du brevet" 95
iii) "ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du
titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers" 96

4) EXCEPTION POUR LA PRODUCTION D'UN DOSSIER RÉGLEMENTAIRE
EN VERTU D'UNE LOI "ÉTRANGÈRE" 97

a) Le caractère mondial de l'industrie pharmaceutique 98
b) La nécessité mondiale d'accéder aux médicaments essentiels 99
c) Le contexte de l'Accord sur les ADPIC 100
d) Approbation réglementaire à l'étranger et article 30 de
l'Accord sur les ADPIC 101
e) Création d'un obstacle au commerce 102

5) APPLICATION DE L'ARTICLE 33 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC 102

E. Les Communautés européennes et leurs États membres 103

1) ARTICLE 27:1 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC 103

2) ARTICLE 30 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC 103

F. Canada 107

a) Principes d'interprétation des traités 107

i) Pratique ultérieure 109
ii) Article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC 110
iii) Article 30 de l'Accord sur les ADPIC 112
iv) Exception pour la présentation réglementaire d'informations
à l'"étranger" 113

V. ARGUMENTS PRÉSENTÉS PAR LES TIERCES PARTIES 115

AUTRALIE 115
BRÉSIL 129
COLOMBIE 130
CUBA 134
INDE 143
ISRAËL 146
JAPON 147
POLOGNE 150
SUISSE 152
THAÏLANDE 161
ÉTATS-UNIS 164

VI. RÉEXAMEN INTÉRIMAIRE 173

VII. CONSTATATIONS 174

A. Mesures en cause 174

1) ARTICLE 55.2 1): EXCEPTION POUR L'EXAMEN RÉGLEMENTAIRE 175

2) ARTICLE 55.2 2): EXCEPTION POUR LE STOCKAGE 177

B. Allégation des parties 178

C. Principes d'interprétation 178

D. Charge de la preuve 179

E. Article 55.2 2) (exception pour le stockage) 180

1) APPLICATION DE L'ARTICLE 28:1 ET DE L'ARTICLE 30 DE
L'ACCORD SUR LES ADPIC 180

a) Introduction 180
b) Objet et but 183
c) "Exceptions limitées" 184

F. Article 55.2 1) (exception pour l'examen réglementaire) 188

1) APPLICATION DE L'ARTICLE 28:1 ET DE L'ARTICLE 30 DE
L'ACCORD SUR LES ADPIC 188

a) "Exceptions limitées" 188
b) "Exploitation normale" 191
c) "Intérêts légitimes" 194

i) Allégation principale des CE concernant l'intérêt légitime 195
ii) Définition des "intérêts légitimes" 196
iii) Deuxième allégation concernant l'"intérêt légitime" 199
iv) Conclusion concernant la conformité de l'article 55.2 1)
à l'article 30 202

2) APPLICATION DE L'ARTICLE 27:1 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC 202

a) Applicabilité de l'article 27:1 aux exceptions relevant de l'article 30 203
b) Discrimination quant au domaine technologique 205

VIII. CONCLUSIONS 209

ANNEXE 1: DOCUMENT WT/DS114/5 210

ANNEXE 2: RÈGLEMENT SUR LES ALIMENTS ET DROGUES – PARTIE C.08 212

ANNEXE 3: LETTRE DE M. JIM KEON, DE L'ASSOCIATION CANADIENNE
DES FABRICANTS DE PRODUITS PHARMACEUTIQUES,
À M. REAGAN WALKER 226

ANNEXE 4: RÈGLEMENT SUR LES MÉDICAMENTS BREVETÉS
(AVIS DE CONFORMITÉ) 227

ANNEXE 5: QUESTIONS POSÉES PAR LE GROUPE SPÉCIAL ET
RÉPONSES COMMUNIQUÉES PAR LES PARTIES ET LES
TIERCES PARTIES AU SUJET DE LA PRATIQUE SUIVIE PAR D'AUTRES PAYS QUE LE CANADA EN CE QUI CONCERNE
LES EXCEPTIONS POUR L'EXAMEN RÉGLEMENTAIRE ET
LES SYSTÈMES DE PROLONGATION DE LA DURÉE DES
BREVETS OU DE CERTIFICAT COMPLÉMENTAIRE
DE PROTECTION 234

ANNEXE 6: EXCEPTIONS AUX DROITS CONFÉRÉS PAR UN BREVET:
PROJETS DE TEXTES SUCCESSIFS EXAMINÉS PENDANT LES
NÉGOCIATIONS DU CYCLE D'URUGUAY 247


INTRODUCTION
1.1 Le 19 décembre 1997, les Communautés européennes et leurs États membres ont demandé au Canada de procéder à des consultations conformément à l'article 4 du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (Mémorandum d'accord) et à l'article 64 de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) au sujet de la protection des inventions dans le domaine des produits pharmaceutiques, telle qu'elle ressort des dispositions pertinentes de la législation d'application canadienne (en particulier la Loi sur les brevets), eu égard aux obligations résultant pour le Canada de l'Accord sur les ADPIC (WT/DS114/1). Aucune solution mutuellement satisfaisante n'a été trouvée au cours de ces consultations, qui ont eu lieu les 13 février et 12 juin 1998. Les Communautés européennes et leurs États membres ont demandé à l'Organe de règlement des différends (ORD), dans une communication datée du 11 novembre 1998, l'établissement d'un groupe spécial chargé d'examiner la question (WT/DS114/5). À sa réunion du 1er février 1999, l'ORD est convenu d'établir un groupe spécial doté du mandat type, conformément à l'article 6 du Mémorandum d'accord. L'Australie, le Brésil, la Colombie, Cuba, les États-Unis, l'Inde, Israël, le Japon, la Pologne, la Suisse et la Thaïlande ont réservé leurs droits de tierces parties.

1.2 Dans le document WT/DS114/6 du 29 mars 1999, l'ORD a été informé du mandat et de la composition du Groupe spécial. Faute d'accord entre les parties au différend sur la composition du Groupe spécial, celle-ci a été déterminée par le Directeur général en vertu de l'article 8:7 du Mémorandum d'accord.

Mandat

"Examiner, à la lumière des dispositions pertinentes des accords visés cités par les Communautés européennes et leurs États membres dans le document WT/DS114/5, la question portée devant l'ORD par les Communautés européennes et leurs États membres dans ce document; faire des constatations propres à aider l'ORD à formuler des recommandations ou à statuer sur la question, ainsi qu'il est prévu dans lesdits accords."
Composition

Président: M. Robert Hudec
Membres: M. Mihály Ficsor
M. Jaime Sepúlveda

1.3 Le Groupe spécial a entendu les parties au différend les 9 et 10 juin et le 15 juillet 1999. […]

ÉLÉMENTS FACTUELS
Dispositions pertinentes de la législation canadienne sur les brevets
2.1 Aux fins de la présente affaire, les principales dispositions de la législation canadienne sur les brevets qui sont pertinentes en l'espèce stipulent ce qui suit:

Loi sur les brevets, article 42. "Tout brevet accordé en vertu de la présente loi contient le titre ou le nom de l'invention avec renvoi au mémoire descriptif et accorde, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, au breveté et à ses représentants légaux, pour la durée du brevet à compter de la date où il a été accordé, le droit, la faculté et le privilège exclusif de fabriquer, construire, exploiter et vendre à d'autres, pour qu'ils l'exploitent, l'objet de l'invention, sauf jugement en l'espèce par un tribunal compétent."

Loi sur les brevets, article 44. "Sous réserve de l'article 46, la durée du brevet délivré sur une demande déposée le 1er octobre 1989 ou par la suite est limitée à 20 ans à compter de la date de dépôt de cette demande."

Loi sur les brevets, article 55 1). "Quiconque contrefait un brevet est responsable envers le breveté et toute personne se réclamant de celui-ci du dommage que cette contrefaçon leur a fait subir après l'octroi du brevet."

Loi sur les brevets, article 55.2 1). "Il n'y a pas contrefaçon de brevet lorsque l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente d'une invention brevetée se justifie dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information qu'oblige à fournir une loi fédérale, provinciale ou étrangère réglementant la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente d'un produit."

Loi sur les brevets, article 55.2 2). "Il n'y a pas contrefaçon de brevet si l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente d'une invention brevetée, au sens du paragraphe 1), a lieu dans la période prévue par le règlement et qu'elle a pour but la production et l'emmagasinage d'articles déterminés destinés à être vendus après la date d'expiration du brevet."

Loi sur les brevets, article 55.2 3). "Le gouverneur en conseil peut, par règlement, prendre les mesures nécessaires à l'application du paragraphe 2) étant entendu que toute période ainsi prévue doit se terminer à la date qui précède immédiatement celle où expire le brevet."

Loi sur les brevets, article 55.2 4). "Afin d'empêcher la contrefaçon de brevet d'invention par l'utilisateur, le fabricant, le constructeur ou le vendeur d'une invention brevetée au sens des paragraphes 1) ou 2), le gouverneur en conseil peut prendre des règlements, notamment:

a) fixant des conditions complémentaires nécessaires à la délivrance, en vertu de lois fédérales régissant l'exploitation, la fabrication, la construction ou la vente de produits sur lesquels porte le brevet, d'avis, de certificats, de permis ou de tout autre titre à quiconque n'est pas le breveté;

b) concernant la première date, et la manière de la fixer, à laquelle un titre visé à l'alinéa a) peut être délivré à quelqu'un qui n'est pas le breveté et à laquelle elle peut prendre effet;

c) concernant le règlement des litiges entre le breveté, ou l'ancien titulaire du brevet, et le demandeur d'un titre visé à l'alinéa a), quant à la date à laquelle le titre en question peut être délivré ou prendre effet;

d) conférant des droits d'action devant tout tribunal compétent concernant les litiges visés à l'alinéa c), les conclusions qui peuvent être recherchées, la procédure devant ce tribunal et les décisions qui peuvent être rendues; et

e) sur toute autre mesure concernant la délivrance d'un titre visé à l'alinéa a) lorsque celle-ci peut avoir pour effet la contrefaçon de brevet."

Loi sur les brevets, article 55.2 5). "Une disposition réglementaire prise sous le régime du présent article prévaut sur toute disposition législative ou réglementaire fédérale divergente."

Loi sur les brevets, article 55.2 6). "Le paragraphe 1) n'a pas pour effet de porter atteinte au régime légal des exceptions au droit de propriété ou au privilège exclusif que confère un brevet en ce qui touche soit l'usage privé et sur une échelle ou dans un but non commercial, soit l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente d'une invention brevetée dans un but d'expérimentation."

Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés. En vertu de ce règlement, "la période prévue au paragraphe 55.2 2) de la Loi sur les brevets est la période de six mois qui précède immédiatement la date à laquelle expire le brevet".

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Voir le paragraphe 2.7 ciaprès.

Système canadien d'examen réglementaire des drogues
2.2 En vertu de la loi canadienne sur les aliments et drogues, le Programme des produits thérapeutiques (PPT) du Ministère fédéral de la santé (Santé Canada) est chargé, au nom du Ministère de la santé, de veiller à ce que les "drogues nouvelles" satisfassent les prescriptions en matière de santé et d'innocuité.

2.3 L'article C.08.001 du Règlement sur les aliments et drogues donne la définition suivante de "drogue nouvelle": drogue qui renferme une substance n'ayant pas été vendue au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir son innocuité et son efficacité. Donc, "le caractère nouveau" n'est pas lié à la nouveauté et la catégorie des "drogues nouvelles" comprend à la fois des produits ayant un caractère de nouveauté (tels qu'une drogue dont la nouveauté et l'utilité ont été reconnues par l'octroi d'un brevet) ainsi que des drogues qui n'ont pas un caractère de nouveauté mais sont "nouvelles" en ce sens que la version en question n'a pas été commercialisée auparavant (comme dans le cas d'une version rivale ou générique d'une drogue ayant les mêmes propriétés qu'une autre version, protégée par un brevet ou non, qui a été commercialisée auparavant).

2.4 Sous réserve des distinctions indiquées ciaprès, les mêmes prescriptions du Règlement sur les aliments et drogues s'appliquent à la fabrication et au contrôle de l'ingrédient actif et de la forme posologique d'une drogue, que la demande d'examen réglementaire se rapporte à un produit breveté ou à un produit générique. Les deux produits sont traités comme une "drogue nouvelle" parce qu'un générique est équivalent, et non identique, à la drogue brevetée qu'il reproduit. Il contient le même ingrédient actif que la drogue brevetée mais sa forme pharmaceutique (matière inerte, agent liant et enrobage) est généralement différente.

- La demande contient des indications détaillées sur les installations, le mode de fabrication et les mécanismes de contrôle à appliquer pour la fabrication, la préparation et l'emballage de la drogue nouvelle, ainsi que sur les essais effectués pour contrôler la pureté, la stabilité et l'innocuité de la drogue nouvelle et des données attestant que tous les lots de la drogue nouvelle ayant fait l'objet d'essais dans le cadre des études que mentionne la présentation ont été fabriqués et contrôlés d'une manière représentative de la production commerciale.

- La grande différence entre une présentation concernant une nouvelle substance active (produit breveté) et un produit générique réside dans les données requises pour établir l'innocuité de la drogue nouvelle et son efficacité clinique aux fins et dans les conditions d'utilisation recommandées.

- Pour une nouvelle substance active, de nombreux essais précliniques sont effectués, y compris une évaluation pharmacologique et des essais de toxicité (toxicité aiguë, subchronique, cancérogénicité et études de reproduction) sur des animaux. L'éventail des recherches cliniques va des premières études de tolérabilité et études pharmacocinétiques à des essais à grande échelle sur des patients pour établir l'innocuité et l'efficacité cliniques.

- Pour une drogue générique, la preuve de l'innocuité et de l'efficacité cliniques peut être apportée par des études fondées sur des comparaisons avec un autre produit, généralement une drogue (brevetée) commercialisée par un innovateur – le "produit de référence canadien" défini à l'article C.08.001.1 du Règlement sur les aliments et drogues. L'équivalence pharmaceutique (quantités identiques d'ingrédients actifs, sous des formes posologiques comparables) et la bioéquivalence (équivalence thérapeutique) fondée sur les caractéristiques pharmaceutiques et, si nécessaire, sur les caractéristiques en matière de biodisponibilité (rythme d'absorption de l'ingrédient actif dans le corps humain) doivent être démontrées.

- Les études comparatives sur la biodisponibilité sont normalement effectuées en mesurant la concentration de la drogue dans le sang de personnes volontaires saines, les deux produits – d'origine et générique – étant administrés à des moments différents à chaque "sujet d'étude" (ou autrement dit à chaque volontaire). Il faut démontrer que la drogue générique libère la même quantité d'ingrédient actif au même rythme que la drogue d'origine. Le nombre de volontaires requis pour une étude dépend des caractéristiques du produit pharmaceutique en question. Sur cette base, les effets thérapeutiques des deux produits devraient être les mêmes puisque l'effet d'une drogue dépend de la concentration du (des) ingrédient(s) actif(s) dans l'organisme.

- Certains produits peuvent ne pas se prêter à des essais comparatifs de biodisponibilité. En pareil cas, d'autres méthodes, telles que la comparaison des effets cliniques ou pharmacodynamiques de la drogue générique et de la drogue d'origine, peuvent être utilisées. Les drogues génériques qui sont des solutions et sont administrées par injection directe dans le sang ne se prêtent pas à une étude comparative de la biodisponibilité parce que le rythme et le taux de pénétration des ingrédients médicinaux dans l'organisme ne dépendent pas de la forme pharmaceutique. Les produits topiques appliqués sur la peau peuvent également ne pas se prêter à des essais comparatifs de biodisponibilité.

- Des renseignements supplémentaires sur l'innocuité et l'efficacité de la drogue générique peuvent être nécessaires en fonction des résultats de l'évaluation des informations susmentionnées.

2.5 La procédure d'examen réglementaire prend du temps. Il peut falloir entre un an et deux ans et demi pour la mener à bien. Toutefois, un fabricant de génériques aura auparavant consacré de deux à quatre ans à mettre au point sa présentation réglementaire. Donc, le temps total dont un fabricant de génériques a besoin pour mettre au point sa présentation et achever le processus d'examen réglementaire est compris entre trois et six ans et demi. Après avoir mis au point sa présentation réglementaire, le fabricant de génériques dépose auprès de Santé Canada une présentation abrégée de drogue nouvelle ("PADN"). Il dépose une PADN parce qu'en général il se fonde sur des comparaisons avec un produit dont l'innocuité et l'efficacité ont été démontrées. Un innovateur, en revanche, déposera une présentation de drogue nouvelle puisqu'il doit fournir une série complète de données précliniques et cliniques pour établir l'innocuité et l'efficacité de la drogue en question. Il faut à un innovateur environ huit à 12 ans pour mettre au point une drogue et recevoir l'approbation réglementaire qui intervient au cours de la période de 20 ans couverte par le brevet. La période d'exclusivité commerciale qui en résulte au titre de la Loi canadienne sur les brevets varie d'une drogue à l'autre. Au moment de l'entrée en vigueur de la Loi, les estimations de l'Association canadienne de l'industrie du médicament (ACIM) donnaient une moyenne de huit à dix ans et celles de l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques (ACFPP), une moyenne de 12 à 14 ans.

2.6 Le délai inhérent aux activités à mener avant de commercialiser une drogue générique s'explique par le fait qu'après avoir observé qu'il existait un marché pour un produit déterminé, un fabricant de génériques cherche habituellement un fabricant extérieur de produits chimiques fins qui fournira l'ingrédient actif pour le produit, encore que la fabrication de la matière première soit parfois assurée en interne ou par l'intermédiaire d'une filiale. La technologie de la fabrication de produits chimiques fins exige des compétences et des équipements différents de ceux qui sont nécessaires pour fabriquer des formes posologiques (par exemple des comprimés).

- Le producteur de produits chimiques fins doit s'efforcer de mettre au point un moyen de fabriquer l'ingrédient actif au degré de pureté voulu. Parfois, plus d'un producteur sera prié par le fabricant de drogues génériques de mettre au point un processus de fabrication de l'ingrédient actif parce que tous ne réussiront pas à atteindre le degré de pureté nécessaire. Le fabricant de génériques effectuera ses propres essais sur les échantillons de matière première que lui enverra le producteur de produits chimiques fins pour s'assurer que le degré de pureté est acceptable. En moyenne, tout cela prend environ un an, mais il est arrivé que cela prenne beaucoup plus de temps.

- Une fois qu'un fabricant de génériques dispose d'une source satisfaisante de matière première, il achètera cette dernière suivant ses besoins au fabricant de produits chimiques fins. Il mettra alors au point la forme posologique définitive.

- Pour cela, il faut mélanger la matière première avec les excipients (c'est-à-dire les ingrédients inactifs), soit en plus de la matière inerte proprement dite, un agent liant et une sorte ou une autre d'enrobage. Un modèle sera construit pour les essais destinés à établir la bioéquivalence avec le produit de référence canadien de manière à répondre aux critères de Santé Canada.

- La nature de ces essais variera en fonction de la drogue nouvelle. Les variables seront notamment les suivantes: à combien de sujets (autrement dit de volontaires sains) doiton avoir recours, quelle quantité de drogue faut-il administrer, faut-il faire une étude sur des sujets nourris ou une étude sur des sujets à jeun ou ces deux types d'études, combien d'échantillons de sang, d'urine, etc., faut-il prélever et comment seront-ils mesurés, un essai clinique comparatif (autrement dit un essai dans lequel l'efficacité du traitement est comparée à celle du produit de référence canadien) doit-il ou non être effectué?

- Des formes expérimentales seront mises au point, fabriquées en petits lots, puis testées sur des sujets. Cela sera répété s'il le faut jusqu'à ce que les résultats des essais montrent que l'équivalence pharmaceutique peut être établie en utilisant un modèle d'essai répondant aux critères de Santé Canada. Le fabricant de génériques doit aussi faire figurer dans sa présentation des données sur la stabilité couvrant une période de six mois pour montrer que la forme ne se dégradera pas prématurément. Tout cela pourrait prendre de un à trois ans qui s'ajoutent à l'année (approximativement) nécessaire pour mettre au point la matière première. Le développement d'une drogue générique prend donc au total de deux à quatre ans avant la présentation.

2.7 Le projet de loi C-91, qui a donné naissance à l'actuelle Loi canadienne sur les brevets, a été à l'origine d'un certain nombre de modifications de la commercialisation et de la vente de drogues brevetées au Canada ainsi que du processus d'examen réglementaire:

i) Les examens des PADN déboucheront sur la délivrance dans un délai de 12 à 30 mois d'un avis de conformité, sauf contestation au titre du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) promulgué en application de l'article 55.2 4) de la Loi sur les brevets. Le texte intégral de ce règlement figure à l'annexe 4 du présent rapport. Il "interdit la délivrance d'avis de conformité pour les drogues "liées à des brevets". Une drogue "liée à un brevet" est une drogue pour laquelle un avis de conformité ainsi qu'un brevet non expiré ont été délivrés. Le brevet peut viser soit la drogue elle-même soit la façon d'utiliser la drogue pour traiter une maladie". Cette interdiction de délivrance d'avis de conformité pour les drogues "liées à des brevets" signifie que le Ministre de la santé ne peut délivrer un avis de conformité à une partie qui n'est pas le titulaire du brevet (autrement dit à un fabricant de drogues génériques) lorsque le titulaire du brevet allègue que commercialiser le médicament reviendrait à contrefaire son brevet. La procédure envisagée par le règlement est la suivante:

- un titulaire de brevet peut soumettre au Ministre une liste de brevets à l'égard de toute drogue contenant un "médicament", tel que défini à l'article 2 du Règlement;

- lorsqu'un fabricant de génériques dépose une demande d'avis de conformité pour une drogue et que la demande compare la drogue ou fait renvoi à la drogue d'un autre fabricant (l'innovateur) qui a déjà été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité et à l'égard de laquelle l'innovateur a soumis au Ministre une liste de brevets, la PADN du fabricant de génériques doit inclure l'une ou l'autre de deux déclarations prescrites: i) une déclaration par laquelle le fabricant de génériques accepte que l'avis de conformité ne sera pas délivré avant l'expiration du brevet, ou ii) une allégation portant que, selon le cas, l'innovateur n'est pas le titulaire du brevet ou n'en détient pas la licence exclusive, le brevet est expiré, le brevet n'est pas valide, ou la commercialisation par le fabricant du générique ne contreferait aucune revendication pour le médicament breveté en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament breveté;

- si le fabricant du générique fait une des allégations cidessus, il est tenu de signifier à l'innovateur un avis d'allégation;

- l'innovateur peut ensuite, dans un délai de 45 jours après avoir reçu signification de l'avis d'allégation, demander à un tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer l'avis de conformité avant l'expiration du brevet visé par l'allégation;

- le ministre ne peut délivrer l'avis de conformité pendant la période de 24 mois qui suit la réception de l'avis de demande de l'innovateur, à moins que la demande ne soit définitivement rejetée par le tribunal au cours de cette période.

La pratique normale est la délivrance d'avis de conformité pour les drogues génériques dès l'expiration du brevet, au moment où les drogues sont disponibles sur le marché libre, sauf pour les plans provinciaux d'assistance publique, qui ont leur propre processus d'acceptation (prenant de un à 16 mois).

ii) Avant la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets (projet de loi C-91), rien n'empêchait de délivrer des avis de conformité une fois satisfaits tous les critères d'innocuité et d'efficacité. "Avant la proclamation du projet de loi C-91, une société pharmaceutique de produits génériques pouvait obtenir du Commissaire aux brevets une licence obligatoire l'autorisant à annoncer, à fabriquer et à vendre toute drogue pour laquelle un ADC avait été délivré. Même si la société était tenue de verser des redevances à la société ayant créé la drogue, elle pouvait vendre celleci malgré les droits de brevet conférés à la société qui l'avait élaborée. C'est le paragraphe 39 4) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985 [...], qui s'appliquait dans ce cas [...]. Le projet de loi C-91 avait pour objet de protéger les droits des sociétés pharmaceutiques innovatrices de distribuer et de vendre des médicaments brevetés, et il constitue un changement radical de la politique gouvernementale adoptée par le Parlement en 1923 [...]. Les effets immédiats du projet de loi  C-91 sont bien connus. L'article 3 a abrogé les dispositions de la Loi sur les brevets relatives à l'octroi de licences obligatoires tandis que le paragraphe 12 1) a annulé toutes les licences obligatoires accordées depuis le 20 décembre 1991 [...]".

CONSTATATIONS ET RECOMMANDATIONS DEMANDÉES PAR LES PARTIES
3.1 Les Communautés européennes et leurs États membres ont demandé au Groupe spécial de rendre les décisions et de formuler les constatations et les recommandations suivantes:

I. Article 55.2 2) et 55.2 3) de la Loi sur les brevets pris conjointement avec le Règlement sur la production et l'emmagasinage des médicaments brevetés

Article 28:1 pris conjointement avec l' article 33 de l'Accord sur les ADPIC

a) Le Canada, en autorisant la fabrication et le stockage de produits pharmaceutiques sans le consentement du titulaire du brevet au cours des six mois qui précèdent immédiatement l'expiration de la durée de validité de 20 ans du brevet en vertu des dispositions de l'article 55.2 2) et 55.2 3) de la Loi sur les brevets pris conjointement avec le Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés, a manqué à ses obligations au titre des articles 28:1 et 33 de l'Accord sur les ADPIC.

Article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC

b) Le Canada, en accordant en vertu de ces dispositions aux titulaires de brevet dans le domaine des inventions pharmaceutiques un traitement moins favorable que celui qu'il applique aux inventions dans tous les autres domaines de la technologie, a manqué à ses obligations au titre de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC selon lequel il faut que des brevets puissent être obtenus et qu'il soit possible de jouir de droits de brevet sans discrimination quant au domaine technologique.

II. Article 55.2 1) de la Loi sur les brevets

Article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC

c) Les dispositions de l'article 55.2 1) concernant les activités relatives à la préparation et la production du dossier d'information nécessaire pour obtenir l'approbation de la commercialisation de produits pharmaceutiques menées sans le consentement du titulaire du brevet constituaient une violation des dispositions de l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC.

Article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC

d) Le Canada, en accordant en vertu de ces dispositions aux titulaires de brevet dans le domaine des inventions pharmaceutiques un traitement moins favorable que celui qu'il applique aux inventions dans tous les autres domaines technologiques, a manqué à ses obligations au titre de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC selon lequel il faut que des brevets puissent être obtenus et qu'il soit possible de jouir de droits de brevet sans discrimination quant au domaine technologique.

III. Article 64:1 de l'Accord sur les ADPIC, article XXIII du GATT de 1994 et article 3:8 du Mémorandum d'accord

e) Les violations visées aux sections I et II cidessus constituaient prima facie une annulation ou une réduction d'avantages au titre de l'article 64:1 de l'Accord sur les ADPIC, de l'article XXIII du GATT de 1994 et de l'article 3:8 du Mémorandum d'accord .

f) L'ORD devrait demander au Canada de rendre sa législation nationale conforme à ses obligations au titre de l'Accord sur les ADPIC.

3.2 Le Canada a demandé au Groupe spécial de rejeter les plaintes des Communautés européennes et de leurs États membres sur la base des constatations suivantes:

Article 55.2 1) et 55.2 2) de la Loi sur les brevets

L'article 55.2 1) et 55.2 2) de la Loi sur les brevets est conforme aux obligations du Canada au titre de l'Accord sur les ADPIC parce que:

a) chacune de ces dispositions est une "exception limitée" aux droits exclusifs conférés par un brevet au sens de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC;

b) aucune de ces dispositions n'établit une discrimination, au sens de l'article 27 de l'Accord sur les ADPIC, quant au domaine technologique dans lequel toute invention pertinente intervient ou est intervenue parce que:

- l'interdiction énoncée à l'article 27.1 de toute discrimination fondée sur le domaine technologique ne s'applique pas aux exceptions limitées autorisées;

ou, si le Groupe spécial devait constater que l'article 27.1 est applicable, parce que:

- les exceptions limitées prévues à l'article 55.2 1) et 55.2 2) ne sont pas expressément liées à un domaine technologique déterminé;

c) aucune de ces dispositions ne ramène la durée minimale de la protection visée à l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC à une durée inférieure à ce minimum.

ARGUMENTS DES PARTIES
4.1 Les sections désignées plus loin par les lettres A à F se suivent logiquement en ce sens qu'elles représentent l'élaboration des arguments tels qu'ils ont été présentés par les parties, et font donc aussi apparaître les divergences entre les visions propres à chaque partie des questions considérées.

Communautés européennes et leurs États membres
1) ARTICLE 55.2 2) ET 55.2 3) DE LA LOI SUR LES BREVETS PRIS CONJOINTEMENT AVEC LE RÈGLEMENT SUR LA PRODUCTION ET L'EMMAGASINAGE DE MÉDICAMENTS BREVETÉS

a) Articles 28:1 et 33 de l'Accord sur les ADPIC

4.2 Les Communautés européennes et leurs États membres ont fait valoir qu'en autorisant la fabrication et le stockage de produits pharmaceutiques au cours des six mois qui précèdent immédiatement l'expiration de la durée de validité de 20 ans du brevet en vertu des dispositions de l'article 55.2 2) et 55.2.3) de la Loi sur les brevets pris conjointement avec le Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés, le Canada a manqué à ses obligations au titre des articles 28:1 et 33 de l'Accord sur les ADPIC. Les CE ont fait état des points suivants à l'appui de leur argumentation:

- La législation canadienne a autorisé tous les actes visés à l'article 28:1 a) de l'Accord sur les ADPIC, pour les brevets de produit, et à l'article 28:1 b) de l'Accord, pour les brevets de procédé, à la seule exception de l'acte consistant à les vendre à un distributeur ou à un consommateur sans le consentement du titulaire du brevet à compter d'une date antérieure de six mois à l'expiration de la durée de 20 ans de celuici. En d'autres termes, le Canada n'assurait que pendant 19 ans et six mois la protection minimale conférée par un brevet tel que l'imposaient les articles 28:1 et 33 de l'Accord sur les ADPIC.

- Dans la pratique, cela signifiait qu'il était permis à n'importe qui au Canada d'accomplir les actes consistant à fabriquer, construire et utiliser l'invention au cours des six derniers mois de la durée du brevet sans l'autorisation du détenteur de celui-ci. Cette possibilité était, au Canada, automatiquement offerte à tous, c'est-à-dire qu'il n'était pas nécessaire de demander une autorisation particulière à une autorité canadienne et d'obtenir à terme son accord. Cette faculté ne comportait absolument aucune limitation du point de vue de l'ampleur et du volume de l'utilisation, aucune redevance d'aucune sorte ne devait être versée au détenteur du brevet et ce dernier n'avait non plus aucun droit d'être informé de cette exploitation non autorisée de son invention. Ce refus de protection concernait les brevets de produit comme de procédé.

- À la connaissance des Communautés européennes et de leurs États membres, le Canada était le seul pays au monde – industrialisé ou en développement – qui autorisait la fabrication et le stockage de produits couverts par un brevet pendant la durée de celuici. Le Canada lui-même reconnaissait qu'au moins aux États-Unis et dans les États membres des Communautés européennes, une telle possibilité n'existait pas.

b) Article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC

4.3 Les Communautés européennes et leurs États membres ont fait valoir qu'en accordant aux détenteurs de brevet dans le domaine des inventions pharmaceutiques un traitement moins favorable que celui qu'il applique aux inventions dans tous les autres domaines technologiques, le Canada a manqué à ses obligations au titre de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC. Les CE ont fait état des points suivants à l'appui de leur argumentation:

- La législation canadienne en matière de brevets, qui, dans la pratique, au titre de l'article 55.2 2) et 55.2.3) pris conjointement avec le Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés, ne prévoyait une protection des brevets que pendant 19 ans et demi, s'appliquait exclusivement aux brevets de produit ou de procédé concernant des inventions dans le domaine des produits pharmaceutiques. Au cours du processus législatif, d'autres domaines technologiques n'ont même pas été pris en considération et aucun projet de texte visant à étendre la portée de ces dispositions à d'autres domaines technologiques ou à la totalité d'entre eux n'était, d'après les renseignements dont disposaient les Communautés européennes et leurs États membres, actuellement en instance devant le législateur canadien. Dans ce contexte, il était également intéressant de noter que, considéré isolément, l'article 55.2 2) de la Loi canadienne sur les brevets était une disposition non exécutoire et n'avait d'effets juridiques que par le biais de la promulgation du Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés. Ce Règlement était expressément limité aux "médicaments brevetés" et ne pouvait s'appliquer à aucun autre produit.

- La législation canadienne introduisait donc une discrimination à l'encontre des inventions pharmaceutiques en les traitant moins favorablement que les inventions dans tous les autres domaines technologiques et le Canada manquait par conséquent à ses obligations au titre de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC.

2) ARTICLE 55.2 1) DE LA LOI SUR LES BREVETS

a) Article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC

4.4 Les Communautés européennes et leurs États membres ont fait valoir que l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets autorisait toutes les activités en rapport avec la préparation et la production du dossier d'information nécessaire pour obtenir l'approbation de la commercialisation de produits pharmaceutiques par un tiers sans le consentement du détenteur du brevet, à tout moment, pendant la durée du brevet, nonobstant les droits exclusifs énoncés à l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC. Ces activités étaient complètement illimitées en quantité et en ampleur et comportaient les actes consistant à offrir à la vente et à vendre, au moins dans la mesure où un fabricant du produit ou du procédé breveté pouvait faire valoir ce droit, à la seule condition que l'acheteur final du produit ait l'intention d'utiliser celuici "[...] dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information qu'oblige à fournir une loi fédérale, provinciale ou étrangère réglementant la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente d'un produit". L'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets devait donc être considéré comme incompatible avec les dispositions de l'article 28:1 a) et b) de l'Accord sur les ADPIC. Les CE ont fait état des points suivants à l'appui de leur argumentation:

- Les activités admissibles au titre de l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets n'étaient pas limitées dans le temps. En d'autres termes, elles pouvaient être accomplies pendant la durée de validité de 20 ans du brevet, à tout moment, sans le consentement du détenteur des droits.

- L'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets privait les titulaires de brevet de tous les droits qui leur étaient accordés, c'estàdire le droit de fabriquer, de construire, d'utiliser (y compris d'importer) et de vendre et ne stipulait aucune limite quantitative pour ces activités. La seule limite énoncée par la loi avait trait à l'objectif de ces activités, puisqu'elles devaient se justifier "... dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information" à fournir pour obtenir l'approbation de la commercialisation où que ce soit dans le monde.

- Les conditions à remplir pour obtenir l'approbation de la commercialisation de produits pharmaceutiques dans les pays industrialisés étaient similaires et principalement axées sur trois critères: l'innocuité, la qualité et l'efficacité du produit. La documentation exigée par les administrations nationales compétentes en matière de médicaments devait donc contenir des renseignements sur la composition, la fabrication, le contrôle de la qualité et la stabilité du produit. Il fallait aussi, au Canada, apporter la preuve de la viabilité d'une série de production complète et il pouvait être nécessaire de procéder à des essais complets par lot, ce qui passait par la fabrication de quantités importantes du produit protégé par un brevet. Les renseignements à fournir sur les essais non cliniques avaient trait aux effets pharmacologiques du produit en relation avec l'utilisation proposée sur les êtres humains et à ses effets toxicologiques sur l'organisme et sur différents organes. Les données relatives aux essais cliniques qui devaient être rassemblées constituaient de loin la partie la plus importante des activités en rapport avec l'approbation de la commercialisation en termes de temps, de ressources et de coûts. Ces activités comportaient généralement trois phases: essais d'administration de petites doses à un petit nombre de patients (phase I), utilisation du produit dans des études comparatives de vaste portée menées sur un grand nombre de patients, pouvant aller jusqu'à plusieurs dizaines de milliers pour certaines indications (phases II et III).

- Il était également intéressant de noter que l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets n'autorisait pas seulement l'accomplissement de toutes les activités qui y étaient énoncées par quelqu'un qui avait lui-même l'intention d'utiliser les substances pour préparer sa demande d'approbation de la commercialisation, mais autorisait toute personne à mener des activités telles que la fabrication, l'importation et la vente, à la seule condition que leurs résultats soient destinés en fin de compte à être utilisés par quelqu'un d'autre pour la demande d'approbation de la commercialisation qu'il adresserait à une autorité compétente dans n'importe quel pays du monde. Il importait à cet égard de comprendre que, si les sociétés pharmaceutiques spécialisées dans la recherche produisaient généralement elles-mêmes les ingrédients pharmaceutiques actifs, de nombreux producteurs de copies (génériques) – petits et moyens producteurs – achetaient les ingrédients actifs à des fabricants indépendants opérant dans leur pays ou à l'étranger. En effet, la production des ingrédients actifs constituait fréquemment une activité à forte intensité de capital et une fois que les équipements étaient en place et fonctionnaient, d'énormes quantités pouvaient être fabriquées par un personnel très réduit en peu de temps.

- L'interaction et le cumul de toutes ces possibilités étaient à l'origine d'une situation dans laquelle des quantités très importantes de produits protégés par un brevet pouvaient, pendant la durée de celui-ci, être fabriquées, importées et vendues à tout moment sans le consentement du détenteur du brevet.

- La législation des États membres des CE ne comportait aucune disposition qui autoriserait une partie à mener les activités visées à l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets sans le consentement du titulaire.

b) Article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC

4.5 Les Communautés européennes et leurs États membres ont fait valoir qu'en autorisant toutes les activités visées plus haut au paragraphe 4.3 qui ont trait à la préparation et à la production du dossier d'information nécessaire pour obtenir l'approbation de la commercialisation de produits pharmaceutiques et qui sont menées par un tiers à tout moment, pendant la durée du brevet, sans le consentement de son détenteur, le Canada a traité les détenteurs de brevets pharmaceutiques moins favorablement que les détenteurs de brevets dans tous les autres domaines technologiques et a donc manqué à ses obligations au titre de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC. Les CE ont fait état des points suivants à l'appui de leur argumentation:

- Il était vrai que l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets ne mentionnait pas expressément les produits pharmaceutiques ou les médicaments, mais visait les cas où "… une loi fédérale, provinciale ou étrangère […] réglemente la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente d'un produit". Toutefois, il ne s'appliquait en fait qu'aux produits pharmaceutiques. Ce n'était pas étonnant parce que les considérations liées à l'élaboration et à l'adoption du projet de loi C-91, dont l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets constituait un élément central, se rapportaient exclusivement au traitement des produits pharmaceutiques., 

- Si le texte de la loi se lisait comme si cette disposition s'appliquerait à tous les domaines technologiques, elle ne s'appliquait en pratique qu'aux produits pharmaceutiques. Cela ressortait manifestement de l'historique de l'élaboration de cette disposition puisque d'autres domaines technologiques n'ont même pas été mentionnés dans les discussions – en tout cas à en juger par les rapports dont disposaient les Communautés européennes et leurs États membres. Les autorités canadiennes avaient confirmé au cours des consultations formelles au titre du Mémorandum d'accord que cette disposition n'était appliquée qu'aux produits pharmaceutiques. C'était particulièrement intéressant dans une situation où pour de nombreuses autres catégories de produits "… la préparation et la production d'un dossier d'information" étaient exigées par "une loi fédérale, provinciale ou étrangère réglementant la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente d'un [tel] produit". Au nombre des catégories de produits qui remplissaient cette condition figuraient, parmi beaucoup d'autres, les produits chimiques utilisés dans l'agriculture, certaines denrées alimentaires, les véhicules à moteur, les aéronefs et les navires.

- Alors que la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente d'une énorme quantité de produits étaient, en vertu d'une loi fédérale, provinciale ou étrangère, soumises à une réglementation, l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets ne s'appliquait à aucun de ces autres types ou groupes de produits. Cela a été confirmé par le Canada au cours des consultations formelles au titre du Mémorandum d'accord.

3) ÉVOLUTION HISTORIQUE DE LA LÉGISLATION CANADIENNE EN MATIÈRE DE BREVETS ET COMPARAISON ENTRE LA SITUATION AU CANADA AVANT ET APRÈS L'INTRODUCTION EN 1993 DU PROJET DE LOI C-91 ET DU RÈGLEMENT SUR LA PRODUCTION ET L'EMMAGASINAGE DE MÉDICAMENTS BREVETÉS

4.6 Les Communautés européennes et leurs États membres ont fourni les renseignements suivants sur l'évolution de la législation au Canada et comparé la situation dans ce pays avant et après l'introduction en 1993 du projet de loi C-91 et du Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés, en exprimant l'opinion que la réduction des droits de brevet relatifs aux produits pharmaceutiques telle qu'opérée par le Canada était incompatible avec les dispositions relatives aux brevets de l'Accord sur les ADPIC, indépendamment de la question de savoir s'il s'agissait d'une licence obligatoire, comme dans le cadre du régime antérieur au projet de loi C-91, ou d'"exceptions" relevant de ce projet de loi.

- Un régime de protection conférée par des brevets était en vigueur au Canada depuis bien des décennies et les inventions dans le domaine des produits pharmaceutiques étaient brevetables dans les conditions ordinaires. Dés 1923, le Canada a modifié cette protection pour les produits pharmaceutiques en introduisant en ce qui les concerne un régime de licences obligatoires qui permettaient à un tiers de fabriquer, utiliser ou vendre, sans l'autorisation du titulaire du brevet, des produits pharmaceutiques brevetés. La licence obligatoire pouvait être accordée à tout moment pendant la durée du brevet. Le titulaire de celuici avait droit à une redevance versée par le détenteur de la licence obligatoire.

- La concession des licences obligatoires étant soumise à la condition que les ingrédients actifs utilisés dans le produit pharmaceutique soient produits au Canada, peu de licences obligatoires ont en fait été accordées à l'époque, puisqu'il était difficile d'obtenir des ingrédients actifs fabriqués au Canada.

- En 1969, l'obligation de produire l'ingrédient actif au Canada a été supprimée de sorte que de nombreuses licences obligatoires ont été accordées après cette date. Le droit de licence correspondait généralement à 4 pour cent du prix de vente des produits fabriqués sous la licence obligatoire, qui couvrait souvent plusieurs brevets.

- En 1987, la Loi canadienne sur les brevets a de nouveau été modifiée en remplaçant la durée antérieure de protection de 17 ans à compter de la date de délivrance du brevet par une durée de 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande de brevet. Cet amendement est entré en vigueur en 1989. Dans ce nouveau régime, il est resté possible d'obtenir des licences obligatoires mais avec une limitation de temps – à compter de sept ans après la date où le produit breveté avait été mis sur le marché canadien si le titulaire de la licence comptait le fabriquer au Canada ou de dix ans s'il comptait importer l'ingrédient actif. Ces amendements ont eu pour effet, en pratique, de garantir au détenteur du brevet une protection pendant au moins sept ans (dix ans si le détenteur de la licence obligatoire n'avait pas l'intention de produire ou d'acheter l'ingrédient actif sur le territoire national).

- Le Canada a de nouveau changé sa législation en matière de brevets en adoptant la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets (projet de loi C-91), qui est entrée en vigueur en février 1993. Les inventions dans le domaine des produits pharmaceutiques ne pouvaient en vertu du régime des brevets antérieur à ce projet de loi donner lieu qu'à des brevets de procédé (ou ce que l'on appelait des "brevets relatifs à des produits obtenus par un procédé") et les brevets de produit n'ont été introduits pour les inventions pharmaceutiques qu'en 1993 par le projet de loi C-91. La principale modification a consisté à éliminer le régime existant de licences obligatoires pour les produits pharmaceutiques et à introduire des exceptions aux droits de brevet du détenteur d'un brevet dans le domaine des produits pharmaceutiques qui constituaient en l'espèce l'objet du litige. Pour comprendre les mobiles des autorités canadiennes, il fallait examiner la situation à laquelle elles étaient confrontées en 1991 et 1992 en ce qui concerne l'établissement de règles internationales auxquelles le Canada était partie au sujet des questions de propriété intellectuelle.

- En décembre 1991, Arthur Dunkel, alors Directeur général de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, avait élaboré pour conclure les négociations du Cycle d'Uruguay un projet d'acte final dans lequel figurait aussi le texte d'un projet d'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC). L'Accord sur les ADPIC tel qu'il figure dans ce que l'on appelle le texte Dunkel a fait l'objet d'un accord informel de toutes les parties aux négociations et a été incorporé virtuellement mot pour mot dans l'Accord finalement adopté en 1994 à Marrakech. L'article 31 de l'Accord sur les ADPIC contenait des dispositions détaillées sur les "utilisations sans autorisation du détenteur du droit". Il était certain que le régime canadien de licences obligatoires pour les produits pharmaceutiques en vigueur avant l'adoption du projet de loi C91 aurait été incompatible avec l'article 31 de l'Accord sur les ADPIC. Cela avait été expressément admis par le gouvernement canadien.

- Si les négociations du Cycle d'Uruguay étaient encore peu avancées en 1991/92, celles sur l'Accord de libreéchange nordaméricain (ALENA) entre le Canada, les ÉtatsUnis d'Amérique et le Mexique ont été achevées en 1992 et l'Accord a été signé à la fin de cette annéelà. Le chapitre 17 de l'ALENA contenait de larges disciplines sur la protection des droits de propriété intellectuelle. Les dispositions du chapitre 17 reposaient dans une large mesure sur les dispositions de ce qui était alors le projet d'accord sur les ADPIC et, souvent, les reprenaient mot pour mot. L'article 31 de l'Accord sur les ADPIC a été repris presque textuellement dans l'article 1709(10) de l'ALENA. Donc, le système canadien de licences obligatoires pour les produits pharmaceutiques du régime antérieur au projet C91 aurait aussi été incompatible avec les obligations du Canada au titre de l'ALENA, et en particulier avec les dispositions de son article 1709(10). Cette conclusion avait été expressément formulée par le gouvernement canadien.

- Pour apprécier pleinement la "doctrine" canadienne relative à la protection conférée par les brevets dans le domaine des produits pharmaceutiques, il était important de comprendre l'interaction entre la recherche pharmaceutique, le brevetage des inventions et l'approbation de la commercialisation des médicaments. De la date de dépôt d'une demande de brevet concernant un produit ou un procédé pharmaceutique jusqu'au moment où le produit pharmaceutique qui en résultait pouvait effectivement être mis sur le marché, il s'écoulait en moyenne de huit à 12 ans. Cette période de huit à 12 ans était nécessaire pour la mise au point du produit, qui comportait d'importantes phases d'essais précliniques et cliniques. À la suite de ces essais, il fallait préparer le dossier à soumettre à l'autorité compétente pour approuver la commercialisation, qui devait l'examiner. Cela signifiait dans la pratique qu'en vertu des dispositions de la législation en matière de brevets actuellement applicable au Canada, le détenteur d'un brevet pharmaceutique n'en jouissait effectivement que pendant une période de huit à 12 ans au cours de laquelle il pouvait revendiquer l'exclusivité sur le marché, et c'était pendant cette période que toutes les dépenses de R&D devaient être amorties par les ventes. Dans le régime antérieur au projet de loi C91, des licences obligatoires étaient automatiquement concédées à tous les exploitants canadiens qui voulaient copier l'invention une fois que le produit pharmaceutique breveté avait figuré sur le marché canadien pendant au moins sept ans (dix ans si les ingrédients actifs du produit générique étaient importés). En outre, une période d'au moins deux ans et demi pour obtenir l'approbation de la commercialisation au Canada de la copie devait être prise en considération parce que, selon la législation canadienne antérieure en matière de brevets, les producteurs de copies ne pouvaient commencer à mettre en place des activités d'essai préalable à l'approbation de la commercialisation qu'une fois la licence obligatoire concédée. Ce régime prévoyait pour le détenteur du brevet relatif au produit original une période d'exclusivité commerciale effective allant de neuf ans et demi à 12 ans et demi. Cela avait aussi pour conséquence que l'exclusivité commerciale effective dont jouissait le détenteur du brevet se prolongeait parfois au-delà de la durée de 20 ans du brevet. En résumé, la situation économique des détenteurs de brevet du point de vue de l'exclusivité commerciale effectivement accordée dans le cadre du régime en vigueur de 1989 à 1993  onze ans en moyenne  restait très comparable dans le cadre de celui mis en place à compter de 1994 par le projet de loi C-91, où cette exclusivité était en moyenne accordée pour dix ans.

4) PERTES ÉCONOMIQUES SUBIES PAR L'INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE DE L'UE

4.7 Les Communautés européennes et leurs États membres ont également étayé leurs allégations en fournissant des informations sur les pertes économiques subies par leur industrie pharmaceutique du fait des dispositions de l'article 55.2 1) et 55.2 2) de la Loi sur les brevets et du Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés. La Fédération européenne des associations de l'industrie pharmaceutique (EFPIA), qui regroupe les entreprises dont la production est fondée sur la recherche (EFPIA) a fait le calcul des pertes qu'elle aurait subies au Canada et qui seraient supérieures à 100 millions de dollars canadiens par an. Ce calcul reposait sur l'hypothèse prudente selon laquelle, alors que les dispositions susmentionnées permettaient aux fabricants de copies de commercialiser le produit aussitôt après l'expiration du brevet, la commercialisation effective ne serait possible au plus tôt, sans ces dispositions, que deux ans après cette date. Cette extrapolation était basée sur les ventes des 100 produits pharmaceutiques originaux les plus vendus au Canada entre 1995 et 1997.

5) ARTICLE 30 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

4.8 En ce qui concerne l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, les Communautés européennes et leurs États membres ont initialement considéré que le Canada, lors des consultations formelles au titre du Mémorandum d'accord, avait justifié les mesures en cause en invoquant l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, mais de façon assez sommaire et rudimentaire. Par conséquent, les CE se sont bornées sur ce point, dans leur première communication écrite, à indiquer que selon elles, les mesures canadiennes ne pouvaient être justifiées au titre de l'article 30 parce que les conditions énoncées dans cette disposition n'étaient pas remplies: les "exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet" ne s'étendaient pas à la réduction des droits de brevet au titre de la législation canadienne. En outre, ces exceptions portaient atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet et causaient un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers. En tout état de cause, une violation des dispositions de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC ne pouvait se justifier au titre de l'article 30.

Canada
4.9 En réponse, le Canada a demandé au Groupe spécial de rejeter la plainte des Communautés européennes et de leurs États membres, en faisant valoir que:

1) Les exceptions canadiennes aux droits exclusifs conférés par un brevet étaient des "exceptions limitées" au sens de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, parce que:

elles ne portaient en aucune manière atteinte à l'"exploitation normale" du brevet;

elles ne causaient pas un préjudice, ou en tout cas "un préjudice injustifié" aux "intérêts légitimes" du titulaire du brevet compte tenu des "intérêts légitimes" des tiers; et

les intérêts des tiers dont les exceptions tenaient compte étaient les "intérêts légitimes" des tiers pertinents.

2) a) la prohibition à l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC de la discrimination sur la base du domaine technologique ne s'appliquait pas aux exceptions limitées susceptibles d'être autorisées;

2) b) en tout état de cause, les exceptions limitées du Canada aux droits exclusifs conférés par un brevet n'étaient pas discriminatoires quant au domaine technologique dans lequel une invention intervenait parce qu'elles se rapportaient à des produits qui étaient soumis à des lois réglementant leur fabrication, leur construction, leur utilisation ou leur vente et qu'elles ne se rapportaient pas expressément à un domaine technologique déterminé; et

3) en ce qui concerne l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC, les exceptions limitées du Canada aux droits exclusifs conférés par un brevet ne réduisaient pas la durée de la protection accordée à celuici parce qu'elles ne compromettaient en rien le droit du titulaire du brevet à l'exploiter pendant toute la période de protection dans son propre intérêt commercial.

1) ARTICLE 30 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

4.10 Le Canada a fait valoir que la question essentielle en l'espèce était celle de savoir si les dispositions de l'article 55.2 1) et 55.2 2) étaient "des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet", au sens de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC. Selon le Canada, ces deux mesures:

a) étaient "des exceptions limitées" au sens de l'article 30, puisqu'elles donnaient aux titulaires de brevet une latitude complète pour exploiter leurs droits pendant toute la durée de la protection conférée par le brevet, en laissant intacts le monopole de l'exploitation commerciale et l'exclusivité des avantages économiques pendant la durée du brevet;

b) ne portaient pas atteinte à l'exploitation normale du brevet et ne causaient pas de préjudice aux intérêts légitimes du titulaire du brevet puisqu'elles n'influaient sur l'exploitation commerciale du brevet par le titulaire qu'après l'expiration du brevet;

c) en tout état de cause, elles prenaient en compte l'intérêt porté au Canada, au plan national, aux mesures propices au bien-être social et propres à assurer un équilibre de droits et d'obligations, ou autrement dit à deux objectifs énoncés à l'article 7 de l'Accord sur les ADPIC; et

d) elles prenaient en particulier en compte, comme le prescrivait l'article 30, les intérêts légitimes des tiers étant donné qu'elles:

- permettaient à des concurrents potentiels de se mesurer librement avec le titulaire du brevet après l'expiration de celuici, conformément à la politique de pleine concurrence qui soustend la prescription de l'article 29 selon laquelle, en échange de la protection conférée par le brevet, les titulaires doivent divulguer leurs inventions au public; la disposition de l'article 33 selon laquelle les droits exclusifs ne sont conférés que pour une période précisément définie; l'autorisation à l'article 40 de mesures nationales destinées à prévenir un usage abusif des droits de propriété intellectuelle ayant un effet préjudiciable sur la concurrence; et

- cherchaient à protéger la santé publique – valeur dont il est fait état à l'article 8:1 de l'Accord sur les ADPIC – en favorisant l'accès à des médicaments génériques efficaces et peu coûteux après l'expiration du brevet et, dans cette perspective, prenaient en compte l'intérêt légitime des particuliers, des assureurs privés et des entités du secteur public qui finançaient les soins de santé au maintien de l'accès à des médicaments financièrement abordables.

4.11 Selon le Canada, l'article 30 autorisait les utilisations qui ne portaient pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet ni ne causaient un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers. Le Canada a fait valoir que l'article 30 autorisait donc des mesures limitant les droits exclusifs, à condition qu'aucune exploitation commerciale – ou autrement dit vente – n'ait lieu pendant la durée du brevet. Toute autre interprétation:

- méconnaîtrait la présence du terme "injustifié" à l'article 30 et, de ce fait, perdait de vue que porter atteinte à l'exploitation normale et causer un préjudice aux intérêts du titulaire du brevet était autorisé;

- ne tiendrait aucun compte des principes de politique générale publique inhérents aux articles 29 et 33, qui encourageaient le libre jeu de la concurrence avec le titulaire du brevet dès l'expiration de celuici; et

- favoriserait par conséquent, lorsqu'un examen réglementaire retardait l'arrivée de produits concurrents sur le marché, la pratique d'un respect des droits de brevet assuré pendant la durée de celuici de manière à prolonger le monopole du titulaire du brevet audelà de cette durée, mesure que les Communautés européennes et leurs États membres avaient cherché à faire figurer dans l'accord, mais qui n'y figurait pas. Autrement dit, comme elles l'avaient clairement indiqué dans leur première communication écrite, les Communautés européennes et leurs États membres cherchaient à obtenir par des procédures contentieuses la période inattendue de protection qu'elles n'ont pu obtenir par la négociation.

4.12 Le Canada a également mentionné la règle d'interprétation énoncée à l'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités et a fait valoir que les termes de tout traité international, y compris l'Accord sur les ADPIC, devaient être interprétés de bonne foi et conformément à leur sens ordinaire dans leur contexte et à la lumière de l'objet et du but du traité. Lorsque les dispositions de la Partie II de l'Accord sur les ADPIC relatives aux exceptions étaient interprétées conformément à cette règle, il devenait manifeste que l'article 30 conférait aux Membres le pouvoir général susceptible d'être utilisé avec souplesse, d'adopter des mesures propres à assurer un équilibre entre les intérêts des titulaires de brevet et ceux de tiers, objectif de l'Accord sur les ADPIC expressément énoncé dans son article 7.

- Les termes de l'article 30 étaient nettement différents des autres dispositions autorisant des exceptions aux droits nés d'un traité. Ainsi, l'article XX du GATT de 1994 prescrivait – dans son alinéa b) – que les mesures d'exception soient nécessaires à la protection de la santé humaine, et le texte introductif de cet article énonçait des restrictions supplémentaires. Aucune restriction similaire n'était prescrite par l'article 30. De même, ni l'article 13 de l'Accord sur les ADPIC, ni d'ailleurs l'article 9 2) de la Convention de Berne de 1971 pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, conçu sur le modèle de l'article 13, n'autorisaient les atteintes à l'exploitation normale de l'œuvre.

- Donc, l'Accord sur les ADPIC envisageait que les Membres pourraient, en mettant en œuvre leurs obligations dans le cadre de leur système juridique, adopter des mesures qui, comme celles qui étaient contestées en l'espèce, introduisaient des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet et restreignaient le monopole institué par le brevet à la durée précise pour laquelle il était délivré, dans l'intérêt de la promotion d'une pleine concurrence sur les marchés des produits réglementés après l'expiration de ce brevet et de la réalisation des économies que la concurrence sur ces marchés (en particulier le marché des produits pour soins de santé) permettait à la société de faire. L'Accord sur les ADPIC n'envisageait pas qu'un prétendu droit des titulaires de brevet à exploiter les lenteurs de la procédure d'examen réglementaire  qui n'a pas été conçue en vue ou dans l'intention de protéger les droits de propriété intellectuelle  pour prolonger la durée de la protection conférée par le brevet et obtenir un monopole inattendu porte atteinte à ces intérêts importants de la société.

- L'Accord sur les ADPIC n'envisageait pas non plus que la prescription antidiscriminatoire de son article 27:1 porte atteinte à ces intérêts importants de la société. Cette disposition n'avait pas pour objet d'imposer des dérogations générales aux droits de brevet. Cela ne ferait qu'aboutir à un résultat contraire à celui visé à l'article 30, l'autorisation d'exceptions qui étaient "limitées", et obligerait à recourir à des exceptions quand cela n'était pas nécessaire. En revanche, puisque l'article 27:1 ne prétendait pas définir les "droits de brevet" qui devraient pouvoir être obtenus et dont il devait être possible de jouir sans discrimination, ces droits étaient ceux énumérés à l'article 28:1 de l'Accord, sous réserve de toute exception qui pourrait être faite en vertu de l'article 30. Cette interprétation donnait effet aux termes de l'article 27:1 considéré dans son contexte et non isolément et permettait d'assurer l'équilibre envisagé par l'article 7 comme un objectif de l'Accord sur les ADPIC.

a) Objet, but et sens

4.13 Pour répondre à la question essentielle en l'espèce, celle de savoir si les mesures contestées étaient des "exceptions limitées" au sens de l'article 30, le Canada fait valoir que les termes de l'article 30 devaient être interprétés conformément aux règles d'interprétation énoncées dans la Convention de Vienne sur le droit des traités. L'article 31.1 de cette convention énonçait le principe fondamental selon lequel "[u]n traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. L'article 31.2 de la Convention de Vienne précisait ensuite que le contexte dans lequel les termes du traité devaient être interprétés comprenait notamment son préambule. Le Canada a fait état des points suivants qu'il était, selon lui, important de garder à l'esprit lorsqu'on cherchait à déterminer la portée de l'article 30:

- Le premier considérant du préambule de l'Accord sur les ADPIC indiquait que les Membres étaient "[d]ésireux de réduire les distorsions et les entraves en ce qui concerne le commerce international" et qu'ils tenaient "compte de la nécessité de promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle, et de faire en sorte que les mesures et les procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle ne deviennent pas elles-mêmes des obstacles au commerce légitime" (pas d'italique dans l'original). Il ressortait donc du préambule que les Membres s'étaient accordés à considérer que la protection des droits de propriété intellectuelle ne devait pas aller audelà de ce qui était "efficace et suffisant": une plus grande sécurité compromettrait en effet d'autres intérêts importants.

- En énonçant les objectifs de l'Accord, son article 7 a développé ce point d'accord fondamental. Cet article indiquait clairement que les droits de propriété intellectuelle n'étaient pas conférés dans le vide et que l'Accord sur les ADPIC ne visait donc pas à assurer un degré de protection de ces droits qui causerait un préjudice excessif à l'intérêt public vital du bien-être social et économique ou aux droits de tiers. L'article 7 disposait que "[l]a protection et le respect des droits de propriété intellectuelle devraient contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie, à l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques et d'une manière propice au bien-être social et économique, et à assurer un équilibre de droits et d'obligations" (pas d'italique dans l'original).

- Lorsque l'article 30 était interprété dans son contexte, on constatait qu'il montrait que les Membres reconnaissaient et s'accordaient à considérer que la pleine application de tous les droits énoncés à l'article 28, à tout moment et dans toutes les circonstances, serait incompatible avec les objectifs d'"équilibre" de l'Accord sur les ADPIC. Contrairement à des dispositions comme celles des articles 31 et 40, qui ne permettaient des mesures réduisant les droits des détenteurs de brevet que lorsque des conditions précisément définies étaient remplies, l'article 30 accordait aux Membres la latitude de limiter la pleine application des droits de brevet en fonction des circonstances propres au territoire relevant de leur juridiction lorsqu'il fallait assurer un équilibre et que le bien-être social et économique devait être pris en considération. L'existence de cette latitude était compatible avec la disposition de l'article 1:1 selon laquelle les Membres seraient libres de déterminer la méthode appropriée pour mettre en œuvre les dispositions de l'Accord sur les ADPIC, parmi lesquelles figuraient bien entendu ses articles 7 et 30 ainsi que ses articles 27, 28 et 33.

- La latitude ainsi offerte, afin d'assurer un équilibre approprié dans chacun des systèmes juridiques nationaux, témoignait du désir des Membres de faire en sorte que les limitations de la portée des droits de brevet que conférait ou envisageait leur propre législation en matière de propriété intellectuelle au moment où l'Accord était négocié seraient prises en compte.

- Au cours du Cycle d'Uruguay, la formulation d'une disposition adéquate en matière d'exceptions avait fait partie intégrante des négociations. De nombreux Membres avaient fait des propositions, notamment pour des exceptions aux droits de brevets.

- Tout en convenant de la nécessité de dispositions de cette nature, les négociateurs n'ont pu s'accorder sur les circonstances précises qui mériteraient une protection et avaient retenu le texte fondé sur de larges critères qui était maintenant l'article 30. Cet article n'était pas limité à une circonstance particulière. Il n'était pas limité par référence à un but ou à un objectif particulier de politique générale. Il n'était pas limité à un type d'exceptions particulier. Il n'était pas limité par référence à une liste exhaustive d'exceptions admissibles. Il n'était pas limité non plus par référence à une liste illustrative mais non exhaustive de cas particuliers justifiant une exception.

- Plus précisément, l'article 30 n'obligeait pas, contrairement au texte introductif de l'article XX du GATT de 1994, les Membres qui invoquaient son application à prouver que leur mesure n'était pas une restriction déguisée au commerce international. De même, l'article 30 n'exigeait pas des Membres qu'ils prouvent que leur mesure introduisait des restrictions aussi limitées que possible, contrairement à l'article 2.2 de l'Accord sur les obstacles techniques au commerce et à l'article 5:6 de l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires. Il n'obligeait pas non plus les Membres à prouver que leur mesure était nécessaire à une fin déterminée, par exemple "à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux", comme c'était le cas de l'alinéa b) de l'article XX du GATT de 1994. En outre, contrairement à l'article 2.2 de l'Accord sur les obstacles techniques au commerce, l'article 30 ne contenait même aucune obligation pour les Membres de faire en sorte que leur mesure réalise un objectif déterminé ou tienne compte des risques que sa nonréalisation entraînerait.

- L'article 30 différait aussi nettement des autres exceptions de l'Accord sur les ADPIC lui-même. L'article 13 (droit d'auteur) stipulait que les "Membres restreindront les limitations des droits exclusifs ou exceptions à ces droits à certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du détenteur du droit". L'article 17 (marques de fabrique ou de commerce) prévoyait que les "Membres pourront prévoir des exceptions limitées aux droits conférés par une marque de fabrique ou de commerce, par exemple en ce qui concerne l'usage loyal de termes descriptifs, à condition que ces exceptions tiennent compte des intérêts légitimes du titulaire de la marque et des tiers". (Pas d'italique dans l'original)

- Au contraire, l'article 30 n'était pas limité à certains cas spéciaux ou à un usage loyal et permettait de porter atteinte à l'exploitation normale du brevet à condition que l'atteinte ne soit pas injustifiée. En d'autres termes, contrairement aux autres dispositions susmentionnées, l'article 30 ne contenait rien qui en limite l'application ou la restreigne à des cas spéciaux.

- L'ampleur ou la portée des exceptions autorisées par l'article 30 n'était restreinte que par les prescriptions suivantes:

a) elles devaient être "limitées";

b) elles ne devaient pas porter "atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet ... compte tenu des intérêts légitimes des tiers"; et

c) elles ne devaient pas causer "un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers".

4.14 Le Canada a fait valoir que les exceptions créées par l'article 55.2 1) et 55.2 2) de sa Loi sur les brevets remplissaient chacune de ces conditions pour les raisons exposées ciaprès.

i) L'article 55.2 1) et 55.2 2) créait des exceptions limitées

- Les mesures canadiennes étaient "limitées" au sens ordinaire de ce terme. L'exception pour l'exploitation rapide ne concernait que les circonstances étroitement définies où un tiers fabriquait, construisait, utilisait ou vendait une invention brevetée dans la seule mesure nécessaire à l'examen réglementaire. L'exception pour le stockage ne pouvait être utilisée que par la personne qui s'était prévalue de la première exception et était limitée aux six mois précédant l'expiration du brevet en question. Aucune de ces deux mesures n'avait de répercussions sur les ventes commerciales du détenteur du brevet pendant la durée de celuici ou sur tout autre avantage économique procuré par le brevet, par exemple les bénéfices qui pouvaient être obtenus du fait des redevances liées à la concession d'une licence ou de la vente du droit.

- L'article 55.2 1) ne permettait à un tiers d'exploiter une invention brevetée sans responsabilité pour contrefaçon que lorsque ce tiers fabriquait, construisait, utilisait ou vendait une invention brevetée pour des formes d'exploitation de l'invention qui se justifiaient dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information qu'obligeait à fournir une loi réglementant la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente d'un produit en rapport avec l'invention. (Il avait fallu mentionner la vente de l'invention puisque les fabricants de génériques devait généralement acheter l'ingrédient actif de leur produit à un fabricant de produits chimiques fins. D'autres "transferts" techniques faits au cours de la préparation du dossier réglementaire avaient notamment trait à l'administration du médicament à des cobayes et à l'utilisation d'un laboratoire extérieur pour des essais prioritaires.)

- Ce que soutenaient les Communautés européennes et leurs États membres en disant que les activités exonérées de la responsabilité pour contrefaçon étaient illimitées dans le temps, ainsi qu'en volume et en ampleur, ne pouvait se concilier avec les termes parfaitement clairs que le Parlement canadien avait utilisés. Les allégations selon lesquelles "des quantités très importantes de produits protégés par un brevet" pouvaient être fabriquées, importées et vendues et ce "à la seule condition que l'acheteur final du produit" ait l'intention de l'utiliser aux fins d'un examen réglementaire, en particulier, différaient totalement de la prescription claire selon laquelle toute personne qui entreprenait les activités devait le faire pour des utilisations qui se justifiaient "dans la seule mesure nécessaire" à la préparation d'un dossier d'information. Toute autre exploitation d'une invention brevetée serait exposée au risque de responsabilité pour contrefaçon. Il était significatif que les CE n'aient pas expliqué comment ces termes clairs pouvaient donner lieu à l'interprétation erronée qu'elles invoquaient et ne se soient référées à aucune règle légale d'interprétation pour étayer leur position.

- L'article 55.2 2) ne permettait aux tiers qui fabriquaient, construisaient, utilisaient ou vendaient une invention brevetée de la manière envisagée par l'article 55.2 1) de fabriquer, construire ou utiliser l'invention sans responsabilité pour contrefaçon que pendant les six derniers mois de la durée du brevet et uniquement aux fins de la production et de l'emmagasinage d'articles destinés à la vente après la date d'expiration du brevet.

- En attaquant cette exception, les Communautés européennes et leurs États membres retenaient de nouveau une interprétation des termes utilisés qui n'était pas étayée par leur sens ordinaire. L'UE alléguait que la disposition relative au stockage pouvait être invoquée par "n'importe qui au Canada". Manifestement, ce n'était pas le cas. L'application de l'article 55.2 2) était expressément limitée aux personnes qui avaient entrepris les activités énoncées à l'article 55.2 1), c'estàdire aux personnes qui avaient préparé un dossier d'information aux fins d'un examen réglementaire. Aucun des termes de l'article 55.2 2) n'étayait l'allégation selon laquelle il pouvait être plus largement appliqué et les CE n'expliquaient absolument pas pourquoi elles l'interprétaient ainsi.

- Tout en limitant le droit d'engager une action en contrefaçon dans les circonstances étroitement définies qui étaient mentionnées à l'article 55.2 1) et 55.2 2), les mesures d'exception ne réduisaient pas d'une autre manière un des droits exclusifs dont jouissait le titulaire du brevet. Le détenteur des droits restait, pendant toute la durée de la protection, habilité à engager des actions en contrefaçon pour empêcher des tiers de fabriquer, d'utiliser, d'offrir à la vente, de vendre ou d'importer l'objet breveté en dehors du cadre restreint des exceptions prévues à l'article 55.2. L'allégation infondée selon laquelle toutes sortes d'activités de contrefaçon pourraient être menées pendant la durée du brevet n'était pas conforme au sens ordinaire des termes effectivement utilisés dans les exceptions.

- En fait, tous les effets dont les Communautés européennes et leurs États membres se plaignaient se sont produits après l'expiration de la période de protection. La prolongation de la période d'exclusivité commerciale perdue parce que des fabricants de génériques ont été autorisés à produire un dossier d'information réglementaire pendant la durée du brevet se situait bien entendu après l'expiration de celuici. Il en allait de même des bénéfices que le titulaire de brevet aurait réalisés, sinon, au cours de cette prolongation de la période de protection et qu'il perdait. Ces effets étaient simplement les conséquences pratiques d'une législation destinée à faire en sorte que des produits concurrentiels moins chers, et en particulier des produits pharmaceutiques, soient mis sur le marché dès que possible après l'expiration du brevet. Il s'agissait de considérations purement commerciales et non de violations de droits découlant de la législation en matière de propriété intellectuelle que l'Accord sur les ADPIC soit reconnaissait, soit cherchait à compenser.

- La tentative des Communautés européennes et de leurs États membres d'assimiler le régime actuellement en vigueur au Canada à son système antérieur de licences obligatoires ne reconnaissait pas que la totalité des principaux effets de la concession de ces licences se faisaient sentir pendant la période de protection conférée par le brevet. Le titulaire d'une licence obligatoire était autorisé à exploiter une invention brevetée en pleine concurrence avec le titulaire du brevet. Ce n'était évidemment pas le cas en vertu des mesures contestées puisqu'elles interdisaient toutes les ventes commerciales jusqu'à ce que la date d'expiration du brevet soit passée.

- En outre, les Communautés européennes et leurs États membres, en exprimant l'opinion que la période d'exclusivité commerciale du détenteur du brevet était du même ordre au titre du régime d'exceptions limitées qu'en vertu du système antérieur de licences obligatoires, partaient d'une hypothèse erronée. La législation antérieure au projet de loi C91 autorisait la délivrance de licences obligatoires à tout moment. Mais cette loi prévoyait en outre que les licences de ce type ne permettraient effectivement des activités qui constitueraient sinon des contrefaçons et étaient liées à la "vente à la consommation au Canada" qu'une fois le produit breveté mis sur le marché canadien depuis sept à dix ans. Les CE avaient tort de penser que ce texte empêchait les détenteurs de licences obligatoires d'entreprendre les types d'activité aujourd'hui envisagés par l'article 55.1 1) et 55.2 2) avant l'expiration de ce délai et que la période d'exclusivité du titulaire du brevet était effectivement prolongée. La Cour suprême du Canada avait considéré auparavant que les activités de ce type entraient dans le cadre de l'utilisation à des fins expérimentales (experimental use defence).

- En tout état de cause, même si les périodes respectives d'exclusivité commerciale étaient à peu près identiques, cela n'aurait aucune importance en l'espèce. Les licences obligatoires étaient un moyen de poursuivre l'objectif de stabilisation des coûts adopté par le Canada, qui était pleinement compatible avec les règles internationales du droit de la propriété intellectuelle alors en vigueur. Lorsqu'il est apparu que ces règles seraient adaptées par l'Accord sur les ADPIC, le Canada a pris des mesures pour modifier sa législation nationale afin de se conformer à ses nouvelles obligations. Même si cela se traduisait par une période d'exclusivité commerciale à peu près inchangée par rapport à celle résultant des règles antérieures, ce serait simplement une coïncidence, et non une question ayant une quelconque importance dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC. La période effective d'exclusivité commerciale citée par l'UE correspondait du reste à une notion purement commerciale, et non à un droit résultant de la législation en matière de propriété intellectuelle ou à une notion prise en compte par l'Accord sur les ADPIC.

ii) L'article 55.2 1) et 55.2 2) ne portait pas atteinte à l'exploitation normale du brevet

- Les droits exclusifs conférés par un brevet étaient normalement exploités en "faisant fructifier" celuici en vue d'un bénéfice commercial. En général, le titulaire du brevet entreprenait plusieurs des activités suivantes: exploiter le brevet pour fabriquer et vendre le produit en tant que monopoleur; concéder des licences donnant à des tiers le droit d'exploiter l'invention contre paiement d'une redevance ou rémunération d'un autre type; vente partielle ou totale du droit de propriété sur l'invention et du brevet. Aucune de ces activités n'était compromise ou empêchée par les exceptions limitées que l'article 55.2 1) et 55.2 2) a créées. Le titulaire du brevet gardait entièrement le droit exclusif et absolu d'exploiter celuici pour réaliser des opérations commerciales pendant toute la période de protection que ce soit en exerçant le droit exclusif et entier de fabriquer et de vendre le produit; le droit exclusif et entier de concéder une licence donnant à des tiers le droit d'exploiter l'invention contre paiement d'une rémunération; le droit exclusif et entier de vendre en totalité et en partie son droit de propriété sur l'invention et le brevet. Par conséquent, pendant la période de protection, aucune de ces deux exceptions ne portait atteinte d'une manière quelconque, à un moment ou à un autre, à l'exploitation normale de brevet.

- En l'absence d'atteinte, le "caractère non justifié" n'était pas en cause.

iii) L'article 55.2 1) et 55.2 2) ne causait pas un préjudice aux intérêts légitimes du titulaire du brevet

- Les intérêts légitimes d'un titulaire de brevet devaient par définition être des intérêts se rapportant aux droits et obligations que le droit des brevets conférait ou imposait, suivant le cas, aux personnes qui avaient mis au point ou acquis antérieurement une invention brevetable. En d'autres termes, des intérêts légitimes découlaient de la condition de détenteur d'un brevet et non de la condition plus générale d'homme ou de femme d'affaires ou de fabricant. Donc, un détenteur de brevet avait, en échange de la divulgation des inventions au public et de l'obtention d'un brevet, un intérêt légitime à exploiter et à faire respecter pendant la durée de la période de protection le droit exclusif de "faire fructifier" le brevet en tant que monopoleur et de percevoir les revenus qui rémunéraient l'activité inventive et l'investissement. Mais une fois la période de protection parvenue à expiration, l'intérêt à exploiter l'invention ne pouvait plus être celui d'un monopoleur. Il se réduisait au contraire: a) au droit d'entrer en concurrence sur le marché ouvert; b) à un intérêt concernant le nom de la marque du produit d'origine qui persistait après l'expiration du brevet; c) à un droit d'empêcher la substitution de produits en vertu de la common law; et d) à un droit d'auteur relatif aux documents décrivant le produit. Aucun de ces intérêts ne concernait la protection conférée par le brevet et aucun n'était affecté par les exceptions limitées du Canada.

- Étant donné que les exceptions créées par l'article 55.2 1) et 55.2 2) ne portaient pas atteinte à l'exploitation normale du brevet pendant la période de protection, elles ne causaient aucun préjudice aux intérêts légitimes du titulaire du brevet en ce qui concerne le droit d'exploiter le brevet pendant toute la durée de la période de protection. De même, étant donné qu'elles ne portaient pas atteinte au droit du titulaire du brevet d'engager une action en contrefaçon pendant la période de protection, à tout moment, pour empêcher des tiers de procéder à une vente commerciale de l'invention brevetée, elles ne causaient aucun préjudice à l'intérêt légitime du titulaire du brevet à interdire l'exploitation commerciale pendant la période de protection.

- L'intérêt qu'un titulaire de brevet pouvait avoir à empêcher, pendant la période de protection, les activités exonérées de la responsabilité pour contrefaçon par l'article 55.2 1) et 55.2 2) englobait la mise à profit de la législation en matière d'examens réglementaires, qui retardait l'arrivée sur le marché des produits concurrents soumis à cette législation, pour prolonger le monopole dont il jouissait audelà de la période de protection définie par le droit des brevets. C'était un droit à cette période inattendue de protection que les Communautés européennes et leurs États membres, ainsi que le montrait leur communication, faisaient valoir en l'espèce. Une telle distorsion gratuite d'un marché ouvert à la concurrence ne saurait être présentée comme un intérêt légitime. On ne pouvait dire qu'il s'agissait d'un intérêt légitime parce qu'en vertu du droit des traités et des législations nationales, les brevets ne conféraient des droits exclusifs que pour une période définie. À l'expiration de cette période, les droits exclusifs venaient à échéance. Donc, et malgré l'avantage économique qu'il s'assurerait personnellement en agissant ainsi, le titulaire d'un brevet ne pouvait avoir aucun intérêt légitime découlant du droit des brevets à exercer ses droits d'utilisation exclusive ou à recourir aux moyens de faire respecter ses droits pendant la période de protection afin d'obtenir, par l'exploitation de la législation en matière d'examen réglementaire, une prolongation de facto de cette période de protection audelà de la durée prescrite, modifiant ainsi unilatéralement le marché qu'il avait conclu avec la société. À cet égard, les intérêts du titulaire d'un brevet relatif à une invention pharmaceutique ne pouvaient être différents de ceux des titulaires de brevets concernant d'autres domaines technologiques.

iv) L'article 55.2 1) et 55.2 2) tenait compte des intérêts légitimes des tiers

- Si, toutefois, l'"exploitation normale" par un titulaire de brevet ne se limitait pas à faire fructifier celuici pour obtenir un bénéfice commercial ou si l'"intérêt légitime" du titulaire de brevet comportait l'exercice de ses droits exclusifs pendant la période de protection afin de prolonger celleci unilatéralement audelà de la limite fixée par la loi, ni cette exploitation ni cet intérêt n'étaient affectés de manière injustifiée par les mesures contestées, "compte tenu des intérêts légitimes des tiers".

- Dans ce contexte, le mot "tiers" devait désigner les personnes dont les intérêts étaient opposés à ceux du titulaire du brevet. Les personnes dont les intérêts n'étaient pas opposés, comme les titulaires d'une licence, étaient déjà couvertes par la protection accordée au titulaire du brevet. En conséquence, le terme "tiers" devait désigner tous ceux qui, n'ayant aucun intérêt du même ordre que le titulaire du brevet, avaient un intérêt à la disponibilité, à la consommation, au coût ou à la production des produits réglementés soumis à la protection conférée par un brevet. Donc, ces "tiers" englobaient la société en général, les particuliers et les établissements qui consommaient ces produits réglementés et les producteurs concurrents potentiels de ces produits. Dans le cas particulier des produits pharmaceutiques, les "tiers" englobaient les particuliers qui avaient recours au système canadien de soins de santé et les entités des secteurs public et privé qui le finançaient.

- Cette interprétation de l'article 30 était celle qui donnait l'effet voulu à ses termes dans le contexte où ils figuraient. L'Accord sur les ADPIC pris dans son ensemble a été rédigé de manière à assurer un équilibre entre des intérêts concurrents et à garantir que faire valoir des droits de brevet n'empêche pas d'atteindre d'autres objectifs importants de la société. Comme indiqué dans le premier considérant de son préambule et dans les objectifs énoncés dans son article 7, l'Accord sur les ADPIC n'était pas destiné à favoriser les droits de brevet au détriment du commerce légitime, du bienêtre social et économique et des droits des tiers. Pour assurer l'équilibre souhaité, ces derniers intérêts avaient été pris en compte en faisant mention des tiers à l'article 30.

- Les intérêts de ces tiers étaient que les droits exclusifs accordés aux titulaires de brevets pendant une période de protection définie seraient éteints à l'expiration de cette période et que des conditions de concurrence régiraient ensuite le fonctionnement du marché auparavant monopolisé des produits réglementés en cause. L'intérêt pour le rétablissement de la concurrence n'était pas simplement un "intérêt légitime", c'était un droit qui découlait des premiers principes du droit des brevets. Comme l'indiquait un rapport remis au Congrès des ÉtatsUnis par la Commission sur l'énergie et le commerce de la Chambre des représentants: "[L]a Constitution habilite le Congrès à accorder des droits exclusifs à un inventeur pour une période limitée. Cette période limitée doit être bien déterminée et une concurrence immédiate doit être encouragée ensuite."

- Des tiers avaient donc un intérêt incontestablement légitime à des mesures qui veillaient à ce que les droits de brevet ne puissent être exercés de manière à prolonger en fait la durée de la protection autorisée par la Loi, conférant ainsi à l'ancien titulaire du brevet un monopole gratuit et restreignant le commerce sur le marché postérieur à l'expiration de manière injustifiée.

- À cet égard, il était significatif que les articles 8:2 et 40 aient reconnu que les Membres pouvaient appliquer des mesures destinées à contrôler l'exploitation abusive des droits de brevet en réduisant, par licence obligatoire ou par révocation, le droit de brevet pour une partie ou la totalité du reste de la période de protection. Lorsque des mesures compatibles avec l'accord pouvaient être prises pour lutter contre l'exercice de droits de propriété intellectuelle constituant un usage abusif ou ayant un effet anticoncurrentiel pendant le laps de temps fixé pour leur protection, des mesures similaires, qui ne portaient pas atteinte à l'exploitation normale du brevet et étaient compatibles avec l'accord, pouvaient aussi, à plus forte raison, être prises pour éviter les effets anticoncurrentiels du brevet après l'expiration de la période de protection.

- La légitimité de l'intérêt de tiers à l'adoption de mesures comme celles promulguées par l'article 55.2 pour combattre le monopole sur des produits réglementés après l'expiration du brevet était particulièrement marquée aussi bien pour ceux qui utilisaient que pour ceux qui payaient les produits servant aux soins de santé. La santé publique était une valeur dont l'importance était posée en principe à l'article 8:1 de l'Accord sur les ADPIC. En conséquence, l'exercice de droits exclusifs en ce qui concerne les produits réglementés pour soins de santé pendant la période de protection afin de prolonger le monopole du titulaire de brevet sur le marché postérieure à l'expiration préoccupait tout particulièrement le secteur des produits pharmaceutiques: "Il est généralement admis que la portée et la durée du monopole conféré par un brevet doivent être limitées parce que les monopoles sont par nature inefficaces sur le plan économique. Les monopoles bénéficient d'une réduction de la production en dessous des niveaux concurrentiels et d'une élévation correspondante du prix, ce qui représente pour la société une "perte sèche". Dans le contexte des produits pharmaceutiques, un monopole signifierait, endehors de la période de protection, que la quantité de médicaments disponibles pour la société serait inférieure à son niveau optimal, du fait des ventes à des prix beaucoup plus élevés que le coût marginal."

- Le coût des soins de santé préoccupait fortement tous les pays Membres de l'OMC. Un élément significatif de ces coûts était celui des médicaments. La plupart des Membres, y compris les deux parties au présent différend, avaient pris des mesures concrètes pour contenir ces coûts, y compris un contrôle direct des prix et des mesures incitatives visant à encourager l'emploi de médicaments génériques. Ces dernières étaient particulièrement pertinentes en l'espèce puisque l'institution d'examens réglementaires sophistiqués et techniques avait eu pour conséquence que le seul moyen d'assurer un approvisionnement du marché en médicaments génériques aussitôt que possible après l'expiration du brevet était une exception au monopole conféré par le brevet dans la seule mesure nécessaire à la préparation du dossier d'information à produire pour obtenir l'autorisation de commercialiser des versions concurrentes d'un produit breveté.

- L'utilisation de médicaments génériques se traduisait pour le système public de soins de santé par d'importantes économies et contribuait ainsi à sa viabilité et à la protection de la santé publique. C'est pourquoi il n'était pas surprenant que les Membres aient pris des mesures très diverses pour favoriser l'utilisation de médicaments génériques: "Le taux effectif de croissance du marché des génériques est de plus en plus influencé par les mesures réglementaires adoptées par les pouvoirs publics et d'autres financeurs des soins de santé en vue d'imposer ou d'encourager un usage accru des produits génériques. Ces mesures ont été introduites pour faire face au coût croissant des soins de santé sur les principaux marchés."

- Des mesures tendant à maîtriser les coûts du système de soins de santé et à assurer l'accès aux médicaments nécessaires étaient évidemment propices au bien-être social. À ce titre, elles pouvaient à bon droit être adoptées par des Membres conformément aux dispositions de l'article 30, en tant que moyens d'assurer l'équilibre envisagé par l'article 7. Après l'expiration des brevets, les consommateurs et les payeurs avaient un intérêt légitime et important à assurer un accès sur le marché à des médicaments génériques moins chers, alors que celui du titulaire du brevet à prolonger la période de monopole n'était pas un intérêt pris en compte dans l'Accord sur les ADPIC, et encore moins reconnu comme légitime.

- La légitimité des mesures visant à promouvoir le recours à des médicaments génériques pour protéger la santé publique a été confirmée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans une résolution dont l'adoption était prévue en mai 1999, l'OMS a prié instamment ses membres, au titre de sa stratégie pharmaceutique révisée, "d'étudier et de réexaminer les options qui leur sont offertes dans le cadre des accords internationaux pertinents, notamment des accords commerciaux, pour préserver l'accès aux médicaments essentiels". La stratégie pharmaceutique révisée de l'OMS a également demandé le recours aux médicaments génériques en tant que moyen nécessaire d'assurer aux particuliers, dans tous les États membres, un approvisionnement en médicaments essentiels: "L'approvisionnement en médicaments est certainement l'élément de la politique relative aux médicaments essentiels dont les avantages économiques ont été le plus étudiés. Les programmes de médicaments génériques sont probablement aujourd'hui la stratégie économique la plus adoptée pour l'approvisionnement en médicaments. La caractéristique économique la plus importante des médicaments génériques est que, contrairement à ce qu'il se passe avec les médicaments d'origine, ils permettent une concurrence entre producteurs d'un médicament donné." (pas d'italique dans l'original)

- Donc, la société en général et les consommateurs individuels et institutionnels de soins de santé avaient un intérêt incontestablement légitime, et même essentiel, à veiller à ce que des médicaments génériques soient accessibles à des prix compétitifs dès que possible après l'expiration du brevet. Les mesures canadiennes correspondaient à cet intérêt et étaient ainsi conformes aux objectifs fondamentaux, énoncés dans l'Accord sur les ADPIC, de promotion du bien-être social et d'équilibre de droits et d'obligations tout en protégeant les intérêts légitimes des détenteurs de droits de propriété intellectuelle.

b) Travaux préparatoires et pratique ultérieurement suivie

4.15 Le Canada a également fait valoir que le recours aux moyens complémentaires d'interprétation des traités visés à l'article 32 de la Convention de Vienne, à savoir les "travaux préparatoires" et les "circonstances dans lesquelles le Traité a été conclu" ainsi qu'à "toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du Traité" confirmait la conclusion que ses mesures correspondaient tout à fait au sens ordinaire du texte de l'article 30. Le Canada a fait état des points suivants à l'appui de son argumentation:

- Au cours du Cycle d'Uruguay, l'UE avait cherché à limiter les exceptions à des fins non commerciales, comme l'attestait sa proposition de projet d'accord sur les ADPIC du 29 mars 1990, où figurait une disposition qui se lisait comme suit: "Les droits exclusifs conférés par un brevet pourront faire l'objet d'exceptions limitées pour certains actes, tels que les actes couverts par des droits fondés sur une utilisation antérieure, les actes privés sans caractère commercial et les actes accomplis à des fins expérimentales, pour autant que ces exceptions tiennent compte des intérêts légitimes du propriétaire du brevet et des tiers."

- Toutefois, de nombreux pays en développement avaient plaidé pour un éventail beaucoup plus large de mesures d'exception, y compris des mesures qui permettraient la concession de licences obligatoires pour les produits alimentaires et les médicaments: "Rien dans le présent accord ne sera interprété comme empêchant une Partie de prendre les mesures nécessaires:

i) pour exploiter ou utiliser un brevet pour les besoins des pouvoirs publics; ou

ii) dans le cas où un brevet a été délivré pour une invention pouvant servir à la préparation ou à la fabrication de produits alimentaires ou de médicaments, pour concéder à quiconque en ferait la demande une licence limitée à l'utilisation de l'invention en vue de préparer, de fabriquer et de distribuer les produits alimentaires et des médicaments."

- En fin de compte, on est parvenu à un compromis, devenu l'article 30. Il était significatif que ses termes, non seulement n'étaient pas limités aux "actes … sans caractère commercial", mais permettaient aussi expressément, dans une certaine mesure, des dispositions qui portaient atteinte à l'exploitation normale du brevet ou causaient un certain préjudice aux intérêts légitimes du titulaire du brevet.

- Cela tenait en partie au fait que les États-Unis, principal demandeur de protection des brevets, étaient déterminés à obtenir une exception permettant de préserver d'une disposition déjà en vigueur, leur "exemption Bolar". Cela a été confirmé par le Représentant des ÉtatsUnis pour les questions commerciales internationales (et réitéré ultérieurement par son successeur): "[N]os négociateurs ont veillé à ce que l'Accord sur les ADPIC permette le maintien de l'exemption Bolar."

- L'"exemption Bolar" existait depuis plusieurs années lorsque l'Accord sur les ADPIC a été négocié et les négociateurs le savaient certainement. Il ne semblent pas avoir contesté la thèse selon laquelle il s'agissait d'une exception limitée. Par conséquent, l'"exemption Bolar" devait être un exemple du type d'exception que l'article 30 était destiné à couvrir.

- En outre, à l'époque où l'Accord sur les ADPIC était négocié, des lignes directrices publiées par l'Office américain de contrôle des médicaments et des produits alimentaires contenaient une disposition prescrivant que, en tant que condition préalable de l'approbation réglementaire, les fabricants de génériques fassent au moins trois séries de production complètes à l'échelle commerciale.

- Il n'était pas concevable qu'on ait pu parvenir à un accord sur les produits pharmaceutiques sans l'adhésion des ÉtatsUnis puisqu'un accord dans ce domaine était déterminant pour l'achèvement de tout le Cycle d'Uruguay: "La question de la protection conférée par les brevets pharmaceutiques était un des enjeux essentiels des négociations dans leur ensemble et peutêtre l'enjeu essentiel de la dimension nordsud des négociations. Ce fut la dernière question résolue dans le cadre des négociations qui ont eu lieu avant que le projet d'accord soit présenté à la fin de 1991. À cette date, il était clair qu'il n'y aurait pas d'Accord sur les ADPIC sans un engagement à permettre une protection des brevets pendant 20 ans dans la quasitotalité des domaines technologiques, y compris celui des produits pharmaceutiques, et que sans Accord sur les ADPIC, il était douteux que le Cycle d'Uruguay puisse être conclu."

- De plus, la pratique ultérieurement suivie par de nombreux Membres depuis le texte Dunkel – que ce soit par le biais de l'interprétation judiciaire de l'exception pour l'utilisation à des fins expérimentales ou par celui de leur propre législation – avait autorisé une exception aux droits exclusifs d'utilisation pour des demandes d'autorisation de commercialisation de médicaments génériques et d'autres produits réglementés. Ainsi:

En Allemagne, la Cour fédérale de justice avait récemment confirmé que les essais cliniques visant à établir l'efficacité et la tolérance par l'être humain d'un médicament contenant un ingrédient chimique protégé par un brevet ne constitueraient pas une contrefaçon de celuici, indépendamment du caractère commercial des essais, en vertu de l'exception pour l'utilisation à des fins expérimentales de la législation allemande en matière de brevets, à condition que ces essais aient aussi fait progresser l'état des connaissances d'une manière ou d'une autre.

En Italie le Tribunal de Milan avait considéré qu'un détenteur de brevet ne pouvait pas empêcher un fabricant de génériques de mener une activité expérimentale en rapport avec une demande d'examen réglementaire pendant la durée du brevet.

Au Japon, les tribunaux avaient aussi conclu que l'utilisation aux fins d'examens réglementaires était exonérée de la responsabilité pour contrefaçon du fait de l'exception pour l'utilisation à des fins expérimentales prévue par la législation japonaise. La Cour suprême du Japon avait confirmé à l'unanimité l'arrêt de la Haute Cour de Tokyo selon lequel l'exploitation d'une invention brevetée aux fins de l'obtention d'un permis de commercialiser des versions génériques de médicaments brevetés n'était pas une contrefaçon de brevet.

Ces arrêts avaient tous été rendus après l'achèvement du Cycle d'Uruguay. En conséquence, si ces membres avaient considéré que les arrêts en question entraînaient la nonconformité de leur législation à leurs obligations au titre des ADPIC, ils auraient adopté des dispositions législatives pour annuler ces arrêts puisque l'Accord sur les ADPIC était maintenant en vigueur dans tous ces pays. Aucun d'entre eux ne l'avait fait.

De même, l'Institut national de la propriété industrielle du Portugal a interprété la disposition relative à l'utilisation à des fins expérimentales de la législation portugaise en matière de brevets comme permettant d'effectuer pendant la durée du brevet les travaux de développement nécessaires pour que la commercialisation d'un produit concurrent soit autorisée aussitôt après l'expiration du brevet.

À titre de solution législative au problème de la prolongation du monopole, la Hongrie avait modifié en 1995 sa législation en matière de brevets en permettant expressément des essais de médicaments génériques en rapport avec une demande d'autorisation de commercialisation: "Le droit exclusif d'exploitation ne s'étend pas: […] b) aux actes accomplis à titre expérimental qui portent sur l'objet de l'invention, y compris les expériences et les essais nécessaires pour l'enregistrement de médicaments."

L'Argentine (1996), l'Australie (1997) et Israël (1998) avaient modifié leur législation respective en matière de brevets pour permettre expressément l'expérimentation et les essais relatifs à des médicaments génériques aux seules fins de l'examen de produits réglementés soumis à une protection conférée par un brevet. Toutes ces modifications de la législation étaient également intervenues après l'achèvement du Cycle d'Uruguay.

- En résumé, aussi bien les circonstances dans lesquelles l'accord a été négocié que la pratique ultérieurement suivie par les États confirmaient que les exceptions aux droits exclusifs conférés par un brevet permettant l'expérimentation et les essais en rapport avec des autorisations de commercialisation relevaient de l'article 30.

2) ARTICLE 27:1 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

a) Objet, but et sens

4.16 Le Canada a fait valoir que la portée de l'obligation énoncée à l'article 27:1 de faire en sorte que des brevets puissent être obtenus et qu'il soit possible de jouir de droits de brevet sans discrimination dépendait du sens donné à l'expression "droits de brevet". Il s'agissait de savoir si cette expression:

a) visait les droits de brevet énumérés à l'article 28:1 de l'accord, indépendamment de son article 30 ou de toute mesure autorisée par cet article; ou

b) visait les droits énumérés à l'article 28:1, sous réserve de toute mesure d'exception qui pourrait être prise en vertu de l'article 30.

Toutefois, les règles applicables d'interprétation des traités amenaient à la conclusion que le sens à retenir était celui indiqué à l'alinéa b) cidessus. Le Canada a fait état des points suivants à l'appui de son argumentation:

- Comme le stipulait l'article 32 b) de la Convention de Vienne sur le droit des traités, l'interprétation des termes d'un traité ne devait pas conduire à un résultat manifestement absurde ou déraisonnable. Retenir pour l'article 27:1 le sens indiqué à l'alinéa a) cidessus serait manifestement contraire à cette règle d'interprétation. Cela reviendrait à exiger des dérogations générales aux droits de brevet, obligeant ainsi à prévoir des exceptions ne correspondant à aucune nécessité concrète et réduisant plus qu'il n'était nécessaire la protection conférée par les brevets dans tous les domaines autres que ceux où une mesure de rééquilibrage était effectivement nécessaire. Un résultat aussi incongru ne serait pas compatible avec les objectifs de l'Accord sur les ADPIC.

- L'article 31.1 de la Convention de Vienne prescrivait que les termes d'un traité soient interprétés dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. Il en découlait un principe fondamental de l'interprétation des traités, le principe de l'effet utile, qui, comme l'avait reconnu l'Organe d'appel, signifiait que "[l]orsqu'un traité est susceptible de deux interprétations, dont l'une permet et l'autre ne permet pas qu'il produise les effets voulus, la bonne foi et la nécessité de réaliser le but et l'objet du traité exigent que la première de ces deux interprétations soit adoptée". (Pas d'italique dans l'original)

- L'application de ce principe montrait bien que le sens de l'article 27:1 indiqué à l'alinéa b) cidessus était celui qu'il convenait de retenir. L'interprétation de cet article dans le contexte d'autres dispositions permettant des exceptions aux droits exclusifs et à la lumière de l'équilibre global que l'Accord sur les ADPIC cherchait à assurer (notamment en ce qui concerne le bienêtre social et économique) amenait à conclure que les "droits de brevet" qui y étaient visés étaient ceux énumérés à l'article 28:1 de l'Accord, sous réserve de toute mesure d'exception prise en vertu de son article 30.

- Donc, une fois introduites les exceptions limitées susceptibles d'être autorisées, il devait être possible de jouir des droits de brevet minimaux restants dans tous les domaines technologiques. C'était l'interprétation de l'article 27:1 qui était compatible avec l'esprit de l'article 30: l'autorisation d'exceptions qui étaient "limitées" parce qu'elles ne s'étendaient pas à tous les secteurs de la technologie, et qui respectait l'objectif énoncé dans l'Accord sur les ADPIC de l'équilibre à assurer, en évitant une règle antidiscriminatoire qui étoufferait d'autres intérêts importants de la société si elle devait être appliquée "de façon générale", indépendamment des circonstances.

- Les Communautés européennes et leurs États membres ne cherchaient pas à interpréter l'article 27:1 dans son contexte et à la lumière des objectifs des ADPIC mais affirmaient, au contraire, que cet article avait un caractère absolu, de sorte que des "violations" de ses dispositions ne pouvaient se justifier en vertu de l'article 30. Faute de donner effet aux règles d'interprétation applicables, cette approche menait purement et simplement aux résultats non souhaitables et absurdes mentionnés plus haut. Elle privait les Membres de la possibilité d'imaginer au cas par cas (ou produit par produit) des solutions appropriées à des problèmes précis et les obligeait au contraire à imposer des mesures universellement applicables qui pouvaient être tout à fait inappropriées dans la plupart des contextes. Elle exigeait que les "exceptions limitées" soient illimitées.

b) Travaux préparatoires et pratique ultérieurement suivie

4.17 Le Canada a également fait valoir que le recours aux moyens complémentaires d'interprétation énoncés à l'article 32 de la Convention de Vienne ("travaux préparatoires et circonstances dans lesquelles le traité a été conclu" ainsi qu'à l'examen de "toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité"), confirmait que le sens indiqué plus haut à l'alinéa b) du texte introductif du paragraphe 4.16 était celui qu'il convenait de retenir. Le Canada a fait état des points suivants à l'appui de son argumentation:

- Il était instructif de se reporter à l'historique de la rédaction de l'article 27:1. Sa structure et son libellé correspondaient à deux enjeux de négociation distincts: a) un désir de faire en sorte que sous réserve de certaines exceptions énumérées, des brevets puissent être obtenus pour des inventions dans tous les domaines technologiques; et b) un désir d'éliminer les dispositions relatives aux licences obligatoires en ce qui concerne les produits alimentaires et pharmaceutiques dans les législations nationales en matière de brevet.

- L'historique de la rédaction de l'article 27:1 ne fournissait aucun élément de nature à laisser entendre que la prohibition de la discrimination fondée sur le domaine technologique n'avait jamais été conçue comme devant prévaloir sur les exceptions limitées.

- L'interprétation donnée par le Canada était donc compatible avec les circonstances de la négociation. Les ÉtatsUnis avaient en ce tempslà dans leur législation une "exemption Bolar" qui s'appliquait à l'industrie des produits pharmaceutiques (et s'est appliquée plus tard aux appareils médicaux).

- L'interprétation canadienne était également compatible avec la pratique ultérieurement suivie. Des exemptions analogues avaient été introduites dans la législation d'un certain nombre de Membres après l'achèvement du Cycle d'Uruguay sur la base – dans la plupart des cas, contrairement au Canada – de leur application à la seule industrie pharmaceutique. Si cette analyse et cette conclusion n'étaient pas les bonnes, toutes ces législations nationales comportant une exemption pour l'exploitation par un pharmacien d'une invention pharmaceutique brevetée au cours de la préparation et de la délivrance d'un composé médicinal seraient discriminatoires quant au domaine technologique dans lequel intervenait l'invention et ne seraient donc pas compatibles avec les obligations de ces États au titre des ADPIC.

- En conséquence, les mesures canadiennes ne contrevenaient pas aux dispositions de l'article 27:1 parce que l'expression "droits de brevet" utilisée dans cette disposition, désignait les droits exclusifs énoncés à l'article 28:1 tels qu'ils pouvaient être modifiés conformément à l'article 30.

c) L'article 55.2 1) et 55.2 2) n'a pas un caractère discriminatoire

4.18 Le Canada a également fait valoir qu'en tout état de cause, les mesures d'exception limitées énoncées à l'article 55.2 1) et 55.2 2) n'étaient pas discriminatoires quant au domaine technologique dans lequel intervenait l'invention en cause parce que ces exceptions n'étaient pas expressément liées à un domaine technologique déterminé dans lequel une invention brevetée intervenait. À cet égard, le Canada a fait état des points suivants:

- Les exceptions limitées créées par les mesures contestées de la Loi sur les brevets étaient liées aux brevets d'invention qui concernaient des produits soumis aux dispositions législatives réglementant la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente des produits en cause, brevetés ou non.

- L'allégation selon laquelle, pendant les consultations formelles au titre du Mémorandum d'accord, les autorités canadiennes avaient confirmé que les mesures contestées ne s'appliquaient qu'aux produits pharmaceutiques était inexacte. Le Canada avait constamment maintenu que ses exceptions limitées prévues par la loi ne comportaient aucune discrimination sur la base du domaine technologique et que des réglementations dérivées n'avaient été introduites que lorsqu'elles s'étaient révélées nécessaires.

- La question concernant l'application des exceptions limitées du Canada n'était donc pas liée au fait qu'elles prenaient plus visiblement effet pour une industrie déterminée, celle des produits pharmaceutiques. Il s'agissait plutôt de savoir si ces exceptions pouvaient ou non s'appliquer à tous les domaines technologiques comportant la mise au point de produits dont la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente étaient soumises avant leur commercialisation à une réglementation.

- Étant donné les termes expressément employés, ces mesures pouvaient s'appliquer à toutes les industries exigeant pour leurs produits une autorisation préalable à la commercialisation. D'ailleurs, l'exception pour des examens réglementaires avait été invoquée comme moyen de défense dans une action intentée pour contrefaçon de brevet résultant de l'utilisation d'un appareil médical.

- Le domaine d'application de l'exception pour le stockage – qui allait de pair avec celle pour des examens réglementaires – n'était pas non plus limité par la mention d'un domaine technologique. Par contre, l'exception pour le stockage était limitée dans le temps et n'avait jusqu'à présent pris effet à la suite de l'adoption de réglementations dérivées que pour l'industrie pharmaceutique.

- À ce stade, l'industrie pharmaceutique était la seule où la nécessité d'appliquer l'exception pour le stockage était devenue manifeste. Cela garantissait le caractère limité de cette mesure. Toutefois, le fait que des réglementations dérivées n'avaient jusqu'à présent été promulguées que pour une industrie ne privait pas l'exécutif canadien du pouvoir que la loi lui conférait expressément d'adopter des réglementations relatives à d'autres industries le cas échéant.

3) ARTICLE 33 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

a) Objet, but et sens

4.19 Le Canada a fait valoir que premièrement, l'article 33, interprété dans son contexte, se bornait manifestement à définir la durée du droit de brevet sans définir le droit luimême, en faisant état des points suivants:

- Les droits de brevet ont été définis par l'article 28, sous réserve, bien entendu, de toute exception qui pourrait être autorisée par l'article 30. Dans la mesure où l'article 33 était en rapport avec l'existence ou le contenu d'un droit, il était donc soumis aux dispositions des articles 28 et 30 de l'Accord.

- Par conséquent, si, conformément aux pouvoirs conférés par l'article 30, la portée d'un droit en vertu de l'article 28 était restreinte d'une manière que l'on pouvait décrire comme réduisant la durée minimale de la protection, il n'était pas possible que l'article 33 ait pour effet d'annuler la restriction et de rétablir le droit dans sa portée initiale ou ordinaire. Il n'était pas possible qu'il ait cet effet parce que cela aboutirait à un résultat évidemment absurde.

- Si l'article 33 pouvait annuler une exception au titre de l'article 30, toutes les législations nationales de Membres où figuraient des exceptions qui réduisaient partiellement ou à rien la portée d'un droit relevant de l'article 28 et en limitaient ainsi la jouissance pendant la totalité ou une partie de la durée de la protection, réduiraient proportionnellement cette durée et manqueraient ainsi à l'obligation imposée par l'article 33 ou ne seraient pas compatibles avec elle.

b) L'article 55.2 1) et l'article 55.2 2) ne réduisent pas la durée de la protection minimale prescrite

4.20 Le Canada a ensuite fait valoir qu'en tout état de cause, ni l'article 55.2 1) ni l'article 55.2 2) de la Loi sur les brevets ne réduisaient la période minimale de protection visée à l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC à une durée inférieure à ce minimum. Ils créaient selon le Canada des exceptions limitées qui ne portaient pas atteinte à l'exploitation normale du brevet en réduisant la durée de la protection accordée à celuici. Rappelant ses arguments sur les raisons pour lesquelles les dispositions en question créaient des "exceptions limitées" au sens de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, le Canada a appelé l'attention sur les points suivants:

- Un titulaire de brevet dont les droits pourraient être affectés par l'application des exceptions limitées conservait pleinement le droit absolu et exclusif de faire fructifier le brevet pour obtenir un avantage financier pendant toute la durée de la protection, que "faire fructifier" comporte ou non la fabrication et la vente monopolistique du produit; la concession du droit d'utilisation à des tiers contre rémunération; ou la vente, en totalité ou en partie, du droit de propriété représenté par le brevet.

- De même, un titulaire de brevet affecté par les exceptions limitées conservait, pendant toute la durée de la protection, le droit d'intenter une action en contrefaçon pour empêcher toute vente commerciale de l'invention brevetée par des tiers.

- De plus, outre qu'il conservait le droit de faire fructifier et d'empêcher, le titulaire du brevet pouvait, si quelqu'un qui avait exploité l'invention de la façon envisagée par les exceptions sollicitait une autorisation de commercialisation pour un produit pharmaceutique pendant la durée de la protection en se fondant sur l'allégation qu'il ne contreferait pas le brevet de produit ou de produit obtenu par un procédé, engager une procédure sommaire au titre du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité) pour contester l'allégation et, s'il obtenait satisfaction, interdire la délivrance et l'autorisation de commercialisation jusqu'à l'expiration du brevet.

- Lorsqu'un titulaire de brevet pouvait engager une telle procédure pour empêcher qu'un certificat d'approbation de la commercialisation soit délivré avant l'expiration de son brevet, à la date d'achèvement de la période complète de protection, l'argument selon lequel les exceptions limitées créées par l'article 55.2 1) et l'article 55.2 2) de la Loi sur les brevets réduisaient la période de protection à une durée plus courte que celle prescrite par l'article 33 n'était pas défendable.

4) L'HISTORIQUE DE L'ADOPTION DES DISPOSITIONS CONTESTÉES, LEUR ÉLABORATION, LEUR CONTEXTE LÉGISLATIF ET LE DÉBAT SUR LA MAÎTRISE DES COÛTS ET LES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES

4.21 Le Canada a donné les renseignements suivants sur l'historique de l'adoption des dispositions en cause pour expliquer les divers objectifs de politique générale publique que leur introduction cherchait à prendre en compte:

a) L'historique de l'adoption des dispositions contestées

- Avant l'Accord sur les ADPIC, le Canada n'était lié que par la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (Acte de Londres, 1934). En vertu de cette Convention (et des instruments antérieurs), les États membres avaient créé une Union dans laquelle chaque membre devait accorder le traitement national, y compris un droit de priorité à compter de la date de dépôt, aux ressortissants des autres États membres en ce qui concerne les demandes de brevet.

- Toutefois, la question de la définition de normes minimales garantissant que les brevets confèrent une protection réelle n'a pas été abordée de manière tant soit peu significative par la Convention. Contrairement à l'Accord sur les ADPIC, celleci autorisait la concession de licences obligatoires relatives à une technologie brevetée, avec seulement des contraintes minimales fondées sur une autonomie de jugement.

- Le Canada avait introduit en 1923 dans sa Loi sur les brevets des dispositions relatives à la concession de licences obligatoires à des fabricants nationaux de produits alimentaires et pharmaceutiques brevetés. En 1969, les dispositions initiales relatives à la concession de licences obligatoires avaient été élargies pour permettre l'importation des ingrédients actifs des produits pharmaceutiques brevetés sous licence. La loi avait de nouveau été modifiée en 1987 pour suspendre la possibilité de se prévaloir d'une licence obligatoire en vue d'interdire l'importation ou la production du médicament pour vente à la consommation au Canada pendant des périodes de sept à dix ans, à compter de la date de délivrance au Canada du premier avis de conformité (autorisation de commercialisation) du médicament. Ce régime de licences obligatoires était conforme aux règles internationales relatives aux droits de propriété intellectuelle établies par la Convention de Paris.

- En instituant pendant la période de protection une concurrence en ce qui concerne les médicaments brevetés, le régime de licences obligatoires était devenu durant cette période un outil important pour la maîtrise des coûts du système public de soins de santé au Canada. Il avait été estimé que, pendant que ce dispositif de licences obligatoires a été en vigueur, les consommateurs canadiens de médicaments délivrés sur ordonnance et les tiers ont économisé grâce à lui des millions et des millions de dollars chaque année sur les dépenses en soins de santé du fait de l'ouverture du marché à des médicaments vendus à des prix compétitifs au cours de la période de protection conférée par le brevet.

- Pendant le Cycle d'Uruguay, l'élimination dans les législations nationales en matière de propriété intellectuelle des dispositions relatives aux licences obligatoires pour les produits alimentaires et pharmaceutiques brevetés avait été un objectif majeur de nombreux participants.

- En décembre 1991, le texte Dunkel de l'Accord sur les ADPIC avait été publié dans le cadre du Cycle d'Uruguay. Le Canada, les États-Unis et le Mexique, qui négociaient alors l'Accord de libre-échange nord américain (ALENA), s'attendaient à ce que le texte Dunkel devienne la nouvelle norme internationale de protection conférée par les brevets. Ils avaient donc incorporé l'essentiel de sa teneur, notamment en ce qui concerne les brevets, au chapitre 17 de l'ALENA.

- Le texte Dunkel restreignait la faculté des États d'adopter des mesures relatives à des licences obligatoires. En particulier, l'article 31 limitait leur concession à des circonstances particulières ou pour remédier à des pratiques anticoncurrentielles.

- Il avait été prévu que l'Accord sur les ADPIC entrerait en vigueur avant l'ALENA, qui devait prendre effet le 1er janvier 1994. En conséquence, le gouvernement du Canada avait, en juin 1992, présenté la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets (projet de loi C91) au Parlement pour faire en sorte que la législation en matière de brevets soit au Canada conforme à ses obligations internationales au moment où cellesci se concrétiseraient.

- Comme indiqué par la Cour d'appel fédérale du Canada, le projet de loi C-91 "[…] avait pour objet de protéger les droits des sociétés pharmaceutiques innovatrices de distribuer et de vendre des médicaments brevetés, et il constitue un changement radical de la politique gouvernementale adoptée par le Parlement en 1923. […] Les effets immédiats du projet de loi C91 sont bien connus. L'article 3 a abrogé les dispositions de la Loi sur les brevets relatives à l'octroi de licences obligatoires tandis que le paragraphe 12 1) a annulé toutes les licences obligatoires accordées depuis le 20 décembre 1991. […]"

- Toutefois, le projet de loi C-91 poursuivait aussi d'autres objectifs de politique générale publique, notamment la recherche d'un autre outil pouvant servir à maîtriser les coûts du système de soins de santé dans la mesure où le permettaient les nouvelles obligations du Canada. Cet objectif découlait de l'inquiétude suscitée par la croissance régulière depuis plusieurs années des dépenses afférentes aux médicaments thérapeutiques qui étaient devenues très importantes. En 1975, leur coût annuel avait été de 1,1 milliard de dollars, mais en 1992-1993, il était passé à 8,6 milliards de dollars. En conséquence, le gouvernement avait décidé que, tout en assurant le niveau de protection conféré par les brevets qu'envisageaient les traités internationaux, il devait aussi promulguer des mesures destinées à assurer un équilibre sur le marché après l'expiration du brevet, comme l'envisageaient les articles 7 et 30 de l'Accord sur les ADPIC, pour faire face à la préoccupation relative aux coûts qu'entraînerait cette protection renforcée pour le système de soins de santé.

- Le projet de loi C-91 et d'autres dispositions législatives connexes comportaient donc des mesures assurant aux médicaments brevetés toute la protection prescrite aussi bien en vertu de l'ALENA que du texte Dunkel et faisant en sorte que des produits génériques moins coûteux puissent entrer sur le marché des produits pour soins de santé réglementés dès que possible après l'expiration de la période de production. En dépit de cet équilibre, le projet de loi a donné lieu à un débat public, certains Canadiens estimant qu'une protection accrue des droits de brevet des innovateurs aboutirait inévitablement à un accroissement du prix des médicaments. "Le projet de loi a été très controversé. Ses partisans faisaient valoir qu'il augmenterait la rentabilité de l'industrie pharmaceutique canadienne et serait ainsi à l'origine de nouveaux travaux de recherche-développement et de nouveaux emplois. Ses adversaires soutenaient qu'il détruirait l'industrie canadienne des médicaments génériques, chiffrée à 400 millions de dollars par an, et forcerait les Canadiens à payer dans les années à venir des milliards de dollars de plus pour leurs médicaments."

- La controverse s'était poursuivie pendant toute la période où le Parlement était saisi du projet de loi C91, jusqu'à ce qu'il devienne loi le 15 février 1993. Les intéressés avaient fait de part et d'autre de nombreuses représentations à des fonctionnaires de l'État et à des membres du Parlement et avaient comparu devant les commissions parlementaires qui étudiaient le projet de loi pour présenter des exposés. En conséquence, certains amendements avaient été apportés au projet de loi mais la détermination du gouvernement à se conformer aux obligations internationales du Canada tout en assurant un accès à des produits génériques après l'expiration du brevet était restée intacte.

b) L'élaboration des dispositions contestées

- Les mesures en cause avaient été promulguées à la lumière des prescriptions de l'ALENA et du texte Dunkel, qui reconnaissaient l'un et l'autre le droit des parties à prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet. L'article 1709(6) de l'ALENA stipulait qu'"[u]ne partie pourra prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet, à condition que ces exceptions n'entrent pas indûment en conflit avec l'exploitation normale du brevet et ne portent pas indûment préjudice aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes du tiers". Le libellé de l'article 30 du texte de Dunkel était presque identique: "Les PARTIES pourront prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet, à condition que ces exceptions n'entrent pas indûment en conflit avec l'exploitation normale du brevet et ne portent pas indûment préjudice aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers."

- S'appuyant sur ces dispositions, le Canada avait adopté deux exceptions dans le projet de loi C91: la première au titre de l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets, couramment appelée "exception pour les examens réglementaires", "exception pour l'exploitation rapide" ou "exemption Bolar" et la seconde au titre de l'article 55.2 2) de la Loi sur les brevets, qui était généralement appelée "exception pour le stockage".

- En s'appuyant sur l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC pour promulguer ses dispositions, le Canada faisait la même chose que les États-Unis, qui s'étaient aussi fondés sur cet article pour maintenir – et non abroger – leur exemption "Bolar", laquelle prévoyait, notamment, qu'"[i]l n'y a pas contrefaçon de brevet lorsque la fabrication, l'utilisation, l'offre à la vente ou la vente aux États-Unis ou l'importation aux États-Unis d'une invention brevetée […] se justifie dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information qu'oblige à fournir une loi fédérale réglementant la fabrication, l'utilisation ou la vente de médicaments ou de produits biologiques vétérinaires".

- L'"exemption Bolar" avait été ajoutée à la législation des ÉtatsUnis en matière de brevets en 1984, à la suite de la décision de la Cour d'appel pour le Circuit fédéral dans Roche Products Inc. c. Bolar Pharmaceuticals Co. Inc. Dans cette affaire, un fabricant de génériques avait exploité une invention brevetée pour des essais de sa version et une demande d'autorisation de commercialisation d'un médicament breveté. Le tribunal avait décidé que "l'utilisation à des fins expérimentales" en vertu de la common law ne couvrait que l'expérimentation à des fins scientifiques et non commerciales et que les activités du fabricant de génériques constituaient donc une contrefaçon des brevets pertinents.

- Ultérieurement, le Congrès des ÉtatsUnis avait subordonné son acceptation de l'Accord sur les ADPIC à l'interprétation selon laquelle l'"exemption Bolar" serait pleinement conforme à l'Accord. Comme cela est indiqué dans l'Énoncé des mesures administratives se rapportant à la Loi sur les Accords du Cycle d'Uruguay, "l'article 28 précise qu'un brevet doit comporter le droit d'empêcher des tiers de fabriquer, utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer le produit. L'Accord autorise des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet si certaines conditions sont remplies. La législation des ÉtatsUnis contient certaines exceptions de ce type notamment celles énoncées à l'article 271 e) de la Loi sur les brevets (35 U.S.C. s.271 e))".

- Alors que les Communautés européennes et leurs États membres affirmaient en l'espèce que le Canada était le seul pays à avoir adopté une disposition relative au stockage, l'article 55.2 2) de la Loi sur les brevets reprenait essentiellement la description d'une pratique suivie aux ÉtatsUnis, où une directive de l'Office de contrôle des médicaments et des produits alimentaires (FDA) prescrivait que les fabricants de génériques, pour obtenir l'autorisation de commercialisation, fassent au préalable au moins trois séries de production complète à une échelle pleinement commerciale: "Le FDA n'approuvera pas une demande si l'installation de fabrication n'a pas encore été "convertie" pour passer de la phase de développement du produit, au cours de laquelle seule une capacité de fabrication limitée est nécessaire, à la phase commerciale, où la société est prête à produire une grande quantité de marchandises pour introduction immédiate dans le circuit commercial.

- Le Canada croyait savoir que, si cette directive du FDA prévoyait des séries de production complète, c'était pour des raisons de santé publique, pour démontrer l'innocuité et l'efficacité du produit pharmaceutique, et non pour permettre au fabricant de se préparer à entrer sur le marché dès que possible après l'expiration du brevet. Néanmoins, il apparaissait qu'en se conformant à cette prescription de la directive, on faciliterait dans la pratique l'entrée rapide d'un produit pharmaceutique générique sur le marché des ÉtatsUnis après l'expiration du brevet: "La première préoccupation [du Congrès] avait trait à la création d'un environnement juridique susceptible de permettre l'arrivée sur le marché général, à un prix compétitif, d'un volume important de produits nouveaux et bons pour la santé dès que le fonctionnement sans distorsion de la législation en matière de brevet le permettrait. [...] Nous sommes convaincus qu'en promulguant cette exemption, le Congrès a effectivement voulu que les concurrents éventuels soient en mesure de se préparer pleinement, au cours de la durée de validité du brevet pertinent, à commercialiser largement leurs produits dès l'expiration de celuici." (italique dans l'original)

- Malgré la similarité entre les exceptions canadiennes et les mesures parallèles prévues par la législation des ÉtatsUnis, le passage du système des licences obligatoires au régime de protection renforcée des brevets avait été marqué par des controverses et des débats au sein du public. Les rédacteurs de l'Accord sur les ADPIC avaient prévu que les processus politiques internes des Membres comporteraient des débats sur l'équilibre à assurer entre les intérêts concurrents en cause et que ces débats entraîneraient nécessairement des différences entre les mesures prises au plan national pour mettre en œuvre l'Accord sur les ADPIC puisqu'ils avaient stipulé, dans la dernière phrase de l'article 1:1 de l'Accord, que "[l]es Membres seront libres de déterminer la méthode appropriée pour mettre en œuvre les dispositions du présent accord dans le cadre de leurs propres systèmes et pratiques juridiques".

c) Le contexte législatif

- Pour comprendre le fonctionnement des mesures canadiennes, il était nécessaire de comprendre la relation entre la législation canadienne en matière de brevets et la législation réglementant la fabrication, la construction, l'utilisation et la vente de produits pouvant être soumis à la protection conférée par un brevet.

- Les droits exclusifs au titre de brevets étaient énoncés aux articles 42, 44, 49 et 50 de la Loi canadienne sur les brevets et, sans l'article 55 2 1) et l'article 55.2 2), quiconque fabriquerait, construirait, utiliserait ou vendrait une invention brevetée à l'occasion de la production d'un dossier pour l'examen réglementaire d'un produit ou pour fabriquer et stocker celuici à des fins d'exploitation commerciale sur le marché postérieur à l'expiration porterait vraisemblablement atteinte à ces droits de brevet.

- Les exceptions avaient été promulguées en raison du retard que pouvaient causer les systèmes d'examen réglementaire pour la capacité de concurrents potentiels à entrer sur le marché dès que possible après l'expiration du brevet, ce qui était notamment le cas du régime réglementaire applicable aux produits pharmaceutiques. Ce régime était responsable de longs retards avant que les drogues nouvelles - aussi bien innovantes que génériques - puissent être mises sur le marché.

- Ces retards tenaient au fait qu'indépendamment du temps qui pouvait être nécessaire pour inventer ou découvrir un moyen de copier une drogue nouvelle, le temps que prenait la préparation du dossier d'information à fournir pour démontrer l'innocuité et l'efficacité d'une drogue nouvelle, qu'il s'agisse d'une innovation ou d'une copie, était long et variable.

- De même, le temps que prenaient l'examen et l'évaluation par les autorités de réglementation des éléments présentés à l'appui d'une demande d'autorisation de commercialisation était également long et variable.

- Il n'était pas rare que le développement d'un produit, la préparation de la demande et le processus d'examen réglementaire prennent, pour un médicament innovant, de huit à 12 ans et, pour un médicament générique, de trois à six ans et demi.

- L'article 55.2 1) et 55.2 2) de la Loi sur les brevets avait été promulgué pour remédier à la distorsion que causeraient, sur le plan économique, les retards inhérents au processus d'examen réglementaire. Ces exceptions limitées ne contenaient rien qui permettrait à un produit réglementé concurrent d'arriver sur le marché avant l'expiration des brevets relatifs au produit breveté. Et elles ne comportaient rien qui soit de nature à permettre l'exploitation commerciale par une personne utilisant l'invention pendant la période de protection prescrite par l'Accord sur les ADPIC. En fait, alors que les produits pharmaceutiques brevetés réglementés étaient auparavant soumis à la concession de licences obligatoires, la législation maintenant en vigueur renforçait nettement la protection conférée par les brevets non seulement en éliminant les licences obligatoires mais aussi en instituant pour empêcher les contrefaçons de brevet une procédure sommaire en vertu de laquelle le Ministre de la santé pourrait se voir interdire de délivrer une approbation de commercialisation d'un nouveau médicament générique pendant la période de validité de tout brevet pertinent., 

- Sans les exceptions limitées (en particulier l'exception pour l'examen réglementaire), les titulaires de brevet bénéficieraient d'une période supplémentaire gratuite et souvent assez longue de protection de facto – égale au temps dont un fabricant concurrent avait besoin pour déposer sa demande d'approbation réglementaire – qui n'est ni envisagée par la législation nationale ni prescrite par l'Accord sur les ADPIC.

d) La maîtrise des coûts et les médicaments génériques

- Les droits de propriété intellectuelle n'existaient pas dans le vide. Ils étaient accordés compte tenu d'autres intérêts et valeurs liés au bienêtre social et économique. Ce fait était clairement reconnu à l'article 7 de l'Accord sur les ADPIC et le Canada en avait fait état dans sa déclaration sur la mise en œuvre de l'Accord sur les ADPIC: "Avec les progrès rapides de la technologie, la protection de l'innovation est devenue la clé du succès économique. Toutefois, pour assurer cette protection, les gouvernements doivent trouver une approche de compromis entre deux objectifs opposés. D'une part, les détenteurs des éléments de propriété intellectuelle – c'est-à-dire des résultats tangibles de l'innovation, ce qui comprend les brevets, les marques de commerce et de fabrique et le droit d'auteur – veulent tout naturellement pouvoir jouir le plus longtemps possible de droits exclusifs à l'égard de leur innovation, de sorte qu'une période d'exclusivité raisonnablement longue est un puissant incitatif à la recherche et à l'innovation. D'autre part, les consommateurs et les concurrents auraient plutôt intérêt à ce que les fruits de l'innovation soient généralement disponibles le plus rapidement possible, de sorte que la concurrence permette de baisser les prix et débouche également sur de nouvelles innovations. La plupart des régimes nationaux visant la protection de la propriété intellectuelle réalisaient un compromis entre ces deux extrêmes.

- En promulguant le projet de loi C-91, le Canada avait été particulièrement soucieux de faire profiter les inventions pharmaceutiques, entre autres, de la protection accrue conférée par les brevets sans créer involontairement des difficultés pour les consommateurs, les caisses publiques d'assurance-médicaments et les autres tiers payants. Il avait donc été essentiel que, conformément aux dispositions des articles 29 et 33 de l'Accord sur les ADPIC, les concurrents aient la possibilité d'être sur le marché dès que possible après l'expiration des brevets relatifs aux produits réglementés.

- Les médicaments brevetés étaient chers, en raison notamment des coûts élevés de développement que les titulaires de brevet cherchaient à amortir grâce aux droits exclusifs de commercialisation conférés par le brevet pendant la durée de la protection. Ces dépenses compromettaient le système des soins de santé. Lorsque les particuliers devaient payer directement leurs médicaments, certaines personnes ne seraient pas en mesure de le faire et seraient ainsi privées de remèdes adaptés à leur mal.

- Si le coût des médicaments était pris en charge par une caisse publique, les particuliers pourraient se les procurer sans problème mais le système de soins de santé dans son ensemble en pâtirait, le paiement de prix de monopole pour des médicaments délivrés sur ordonnance s'effectuant au détriment d'autres aspects de ce système qui ne bénéficieraient plus du même niveau de financement.

- La plupart des pays étaient concernés par l'augmentation du prix des médicaments.

- Sans une forme ou une autre d'intervention des pouvoirs publics pendant la période de protection conférée par le brevet, les titulaires de brevet pourraient pratiquer des prix de monopole pour leurs médicaments et imposer ainsi tout le poids de ce monopole sur les budgets nationaux de la santé. Ces coûts causeraient des souffrances en limitant excessivement l'accès à des médicaments indispensables. De plus, ces souffrances persisteraient après l'expiration des brevets, à moins que des mesures similaires favorisant l'utilisation de produits génériques de substitution meilleur marché ne soient largement mises en application.

- En conséquence, de nombreux Membres, y compris les deux parties au présent différend, avaient mis en œuvre un certain nombre de mesures pour répondre à ces préoccupations. Bien qu''il y en ait d'autres, ces mesures pouvaient être classées en deux grandes catégories: a) celles qui tendaient à abaisser le prix des médicaments brevetés et b) diverses mesures de nature à encourager le recours à des produits de substitution génériques.

- Le Canada avait adopté un mécanisme national d'examen du prix des médicaments brevetés pour contribuer à éviter tout prix de monopole excessif pendant la période de protection conférée par le brevet. Au niveau fédéral, le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés (le "Conseil") influait sur ces prix. Le Conseil avait été créé en 1987 en tant qu'organe quasi judiciaire. La Constitution canadienne limitant la compétence du Parlement fédéral aux "brevets d'invention et de découverte", les pouvoirs du Conseil étaient limités à l'examen du prix des médicaments brevetés. En 1997, les ventes de ces médicaments ont représenté un petit peu plus de la moitié de toutes les ventes de médicaments au Canada. En conséquence, le Conseil n'avait de pouvoir que sur environ la moitié de tous les médicaments vendus. Plutôt que fixer des prix, le Conseil intervenait pour veiller à ce que les prix n'atteignent pas un niveau excessif. Les prix plafonds non excessifs étaient déterminés en utilisant des directives qui avaient été formulées après consultation des représentants des ministères provinciaux de la santé, de l'industrie pharmaceutique et des groupes de consommateurs. Ces directives s'articulaient autour des principes suivants: le prix de la plupart des nouveaux médicaments ne devait pas être supérieur au prix des médicaments déjà sur le marché et traitant la même maladie; en moyenne, les prix au Canada ne devaient pas être supérieurs à la médiane des prix d'autres pays industrialisés (Allemagne, États-Unis, France, Italie, Royaume-Uni, Suède, Suisse); et les prix ne devaient pas croître plus vite que l'indice des prix à la consommation. Ainsi, le Conseil exerçait un contrôle des prix plus limité que les États membres de l'Union européenne avec leur régime de sécurité sociale et le contrôle qu'il exerçait ne pouvait être exercé que pendant la période de protection conférée par le brevet.

- Toutefois, la Constitution canadienne limitant la compétence fédérale aux "brevets d'invention et de découverte", il était impossible de recourir à cette stratégie pour faciliter le contrôle du prix des médicaments après l'expiration d'un brevet. C'était alors les dix provinces et les trois territoires, et non le Parlement fédéral, qui avaient le pouvoir de réglementer ces prix sur le marché.

- Dans l'Union européenne, tous les États membres, sauf la Belgique, la Grèce et le Luxembourg, avaient mis en place une politique nationale de promotion du recours aux médicaments génériques. Les provinces et les territoires du Canada , dont chacun avait son propre régime d'assurance médicaments, avaient fait de même. De nombreux Membres de l'OMC, y compris les deux parties au présent différend, avaient cherché à favoriser le recours aux médicaments génériques parce qu'ils étaient nettement moins coûteux que les médicaments brevetés. Au Canada, par exemple, les médicaments génériques représentaient environ 40 pour cent de tous ceux qui avaient été prescrits en 1997, mais seulement 15 pour cent du coût total de ces médicaments. Au Canada et dans l'UE, la part de marché globale des génériques est à peu près la même: 15 pour cent du total, exprimé en dollar, des ventes de médicaments délivrés sur ordonnance.

- Conformément à l'article 1:1 de l'Accord sur les ADPIC, le Canada et les États membres de l'UE avaient adopté leurs propres méthodes pour parvenir à ce niveau de pénétration des génériques sur les marchés. Les outils que les États membres de l'UE avaient choisi de mettre en place étaient de vastes dispositifs de contrôle des prix et des bénéfices et d'autres stratégies de réduction des coûts (monopsones par exemple). Le Canada, en raison de la structure différente qu'avait établie sa constitution, de son partage des responsabilités en matière de gestion de la santé publique entre dix provinces et trois territoires et du fait qu'il n'était pas en mesure de mettre en place un monopsone, n'avait pu recourir aux mêmes mesures. De ce fait, il avait adopté des mesures telles que celles contestées en l'espèce pour relancer la concurrence sur les marchés des produits réglementés après l'expiration des brevets.

- En l'absence d'une exception comme celle que prévoyait la législation canadienne en matière de brevets et qui autorisait aux fins des examens réglementaires, pendant la durée de la protection conférée par le brevet, des utilisations qui ne constituaient pas des contrefaçons des inventions brevetées, les produits concurrentiels, en particulier les produits pharmaceutiques génériques, resteraient longtemps dans l'incapacité d'entrer sur les marchés des produits réglementés après l'expiration du brevet.

- L'Union européenne elle-même a reconnu l'effet salutaire d'exceptions de ce type. Dans un rapport daté du 2 avril 1996, le Parlement européen avait considéré qu'il serait nécessaire pour que l'UE soutienne la concurrence sur les marchés internationaux de produits qui ne sont pas des produits de propriété, c'est-à-dire les marchés des génériques, d'adopter des mesures exemptant les expériences et les préparations réglementaires prescrites pour l'enregistrement de produits pharmaceutiques génériques afin qu'ils puissent être commercialisés immédiatement après l'expiration du brevet. En conséquence, le Parlement de l'UE avait adopté le 16 avril 1996 la résolution suivante:

"17. Considère que, en vue de permettre à l'Union d'être compétitive sur les marchés européens et internationaux non propriétaires en expansion, il faudrait adopter des mesures autorisant les entreprises pharmaceutiques à commencer, avant l'expiration du brevet ou du certificat de protection complémentaire, les expériences en laboratoire ou les préparations réglementaires indispensables pour l'enregistrement des produits génériques mis au point dans l'Union de façon que ceuxci soient disponibles immédiatement sur le marché, mais uniquement après l'expiration d'un brevet ou du certificat de protection complémentaire pour un produit de propriété."

- Pour ce qui est du contexte et des conséquences de cette résolution, le Canada a appelé l'attention sur le fait que, dans sa résolution du 19 novembre 1993 sur les politiques de santé publique après le Traité de Maastricht, le Parlement européen avait demandé à la Commission européenne d'examiner s'il serait possible d'encourager un plus grand recours aux médicaments génériques. En partie pour répondre à cette demande, la Commission européenne avait remis la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur les orientations de politique industrielle à appliquer au secteur pharmaceutique dans la Communauté européenne. Dans la Communication la Commission avait abordé le problème posé par la concurrence entre deux intérêts importants. D'un côté, l'impératif économique du maintien et du renforcement de la compétitivité internationale de l'industrie pharmaceutique européenne. De l'autre, la nécessité, en vue d'assurer le bien-être social, d'obtenir le meilleur rapport qualité-prix des services de sécurité sociale et de santé financés par des fonds publics. À la page 19 de la Communication, la Commission a écrit: "Les médicaments génériques n'apparaissent évidemment sur le marché qu'au terme de la période de protection conférée par le brevet et, le cas échéant, par le certificat complémentaire de protection. Dès lors que les médecins et les pharmaciens seront mieux informés quant au coût des différents traitements disponibles, ils favoriseront le recours au traitement le moins coûteux pour la société, à valeur thérapeutique égale. Ainsi, les médecins prescripteurs, mieux informés sur le rapport coût/efficacité des médicaments seront amenés à prescrire en ayant recours à la dénomination commune du médicament. Les pharmaciens seront encouragés à délivrer le médicament le plus avantageux, si la prescription le permet." Le 20 décembre 1995, le Conseil de l'Union européenne avait notamment adopté, compte tenu de la Communication, une résolution qui "[invite] la Commission à élaborer, en étroite collaboration avec les États membres et à la lumière des orientations indiquées en annexe, un rapport sur la politique des pays de l'Union européenne et des autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), principalement les ÉtatsUnis d'Amérique, le Canada et le Japon, en ce qui concerne les médicaments génériques". Le rapport visé dans cette résolution avait été publié le 20 décembre 1998 par National Economic Research Associates. Entre-temps, le 2 avril 1996, la Commission économique, monétaire et de la politique industrielle du Parlement européen avait adressé la demande suivante à la Commission européenne: "[...] 4. Nous attendons de la Commission qu'elle se soucie davantage de l'encouragement de la concurrence sur le marché des médicaments, notamment: […] par la promotion des médicaments génériques en prenant en considération la responsabilité des médecins prescripteurs et la durée du brevet." Peu après, le Parlement européen avait adopté, le 16 avril 1996, une résolution qui demandait que des mesures soient prises pour permettre aux sociétés pharmaceutiques de commencer avant l'expiration du brevet les travaux de laboratoire et de préparation réglementaire nécessaires pour obtenir l'autorisation de commercialisation. Le 18 mai 1998, le Conseil de l'Union européenne avait adopté la conclusion suivante relative au marché unique des produits pharmaceutiques: "[...] 9. Le Conseil considère dès lors qu'il convient: [...] ii) en ce qui concerne les médicaments qui ne sont plus protégés par un brevet, d'examiner comment mettre en place un marché européen des médicaments génériques qui soit plus compétitif." La Commission européenne avait publié sa "Communication concernant le marché unique des produits pharmaceutiques" le 25 novembre 1998. Dans ce document, la Commission avait noté que les Tables rondes de Francfort (dialogue tripartite entre les États membres de l'UE, l'industrie et la Commission) avaient "montré qu'un marché des médicaments génériques plus concurrentiel renforcerait de manière sensible la concurrence dans l'ensemble du secteur des produits pharmaceutiques", et qu'il était pour ce secteur particulièrement important d'encourager la prescription par les médecins et la délivrance par les pharmaciens de médicaments génériques afin d'orienter le choix du consommateur; de mieux informer le consommateur sur la disponibilité de produits génériques; de faire en sorte que la procédure d'autorisation des produits génériques soit rapide afin que les consommateurs aient accès aux produits génériques moins chers le plus tôt possible après l'expiration du brevet du produit original; mettre au point, dans les systèmes de soins de santé, de mécanismes financiers qui favorisent la concurrence sur les prix entre les produits génériques et les marques d'origine (pas d'italique dans l'original). Le Parlement européen avait répondu à la communication de la Commission par une résolution datée du 5 avril 1999, qui appelait la Commission à formuler une proposition pour achever le marché interne dans le domaine des produits pharmaceutiques. La résolution mettait en garde contre le fait que, si la proposition devait "inciter à poursuivre le développement des produits sous brevet", les dispositions prévues "ne devraient pas restreindre ou entraver la mise sur le marché des médicaments génériques".

- Le Canada était parvenu auparavant à la même conclusion et, au moyen de ses mesures limitées, assurait un équilibre entre les intérêts légitimes des titulaires de brevet et ceux des tiers. C'était particulièrement le cas pour les produits pharmaceutiques, dont les propriétés chimiques étaient telles qu'un protocole long et rigoureux était nécessaire pour s'assurer de leur innocuité et de leur efficacité. Si les mesures faisant l'objet de la plainte n'avaient pas été prises, les consommateurs seraient tenus de payer, après l'expiration du brevet, un prix beaucoup plus élevé pour des médicaments précédemment brevetés pendant une période de protection inattendue. Période qui, naturellement, se situait totalement en dehors de la période de protection prescrite par l'Accord sur les ADPIC.

Communautés européennes et leurs États membres
4.22 Les Communautés européennes et leurs États membres ont soutenu que les dispositions de l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets ainsi que de son article 55.2 2) pris conjointement avec le Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés violaient les obligations du Canada au titre de l'Accord sur les ADPIC, et plus précisément son article 28:1 pris conjointement avec l'article 33 et son article 27:1. Le Canada avait présenté comme une seule entité les opérations de fabrication et de stockage et les activités admissibles en rapport avec la préparation et la production du dossier d'information à fournir pour obtenir l'approbation de la commercialisation, mais les Communautés européennes et leurs États membres estimaient que les deux questions devaient rester distinctes, à la fois du point de vue factuel et en ce qui concerne l'analyse juridique. Avant d'aborder les points de droit, elles ont évoqué les éléments factuels ciaprès:

Article 55.2 2) et 55.2 3) de la Loi sur les brevets et Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés

- Le Canada avait souligné avec insistance que les avantages de l'autorisation de fabrication et de stockage n'étaient offerts qu'aux exploitants qui menaient les activités relatives à la préparation et à la production du dossier d'information à fournir pour obtenir l'approbation de la commercialisation au titre de l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets. Ces dispositions n'étaient pas parfaitement claires à ce sujet et, même en admettant que l'on accepte cette interprétation, cela ne limitait guère le nombre de bénéficiaires potentiels. L'article 55.2 1) ne mentionnait que les utilisations qui se justifiaient "[...] dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information qu'oblige à fournir une loi fédérale, provinciale ou étrangère réglementant la fabrication [...] d'un produit". Cette disposition n'exigeait pas une demande effective d'approbation de la commercialisation au Canada ou dans un pays tiers, mais seulement l'intention de faire une telle demande. Ne fonder des conséquences juridiques que sur des intentions était par nature source d'incertitude et cela était encore aggravé par le fait que de telles intentions pouvaient changer avec le temps.

- Le Canada avait mentionné une pratique suivie aux États-Unis au titre de la réglementation édictée par l'Office de contrôle des médicaments et des produits alimentaires (FDA) sur laquelle il aurait fondé sa disposition relative à la production et à l'emmagasinage. En premier lieu, cette remarque était totalement contraire à la déclaration parfaitement claire qui figurait dans la trousse d'information concernant l'examen de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevet (projet de loi C-91), que le gouvernement canadien avait publiée en février 1997, selon laquelle la fabrication et le stockage n'étaient pas autorisés aux ÉtatsUnis. Les États-Unis, en tant que tierce partie au présent différend, avaient aussi catégoriquement contredit l'affirmation du Canada.

Article 55.2 1) de la Loi sur les brevets

- La conclusion à tirer des renseignements fournis dans la première communication écrite du Canada sur le temps nécessaire pour préparer le dossier à fournir afin d'obtenir l'approbation de la commercialisation au Canada de médicaments génériques, y compris le processus administratif luimême, qui était de trois ans à six ans et demi, plus les huit à 12 ans nécessaires à compter du dépôt de la demande de brevet pour obtenir l'approbation de la commercialisation du produit original, était que la durée au Canada de la protection effectivement conférée par le brevet se situait entre un an et demi au minimum et neuf ans au maximum. Il convenait de comparer cela à la durée minimale de 20 ans prévue à l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC. C'était d'autant plus notable que les produits pharmaceutiques les plus sophistiqués et exigeant les plus gros investissements avaient des chances d'être ceux, aussi bien comme produits originaux que comme génériques, pour lesquels la période de préparation du dossier et d'obtention de l'approbation de la commercialisation au Canada risquait d'être plutôt longue que brève, de sorte que le fabricant du produit d'origine ne pouvait pleinement faire respecter ses droits que durant quelques années – un an et demi seulement dans les cas extrêmes.

- Dès lors que les activités visées à l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets étaient autorisées en vue d'obtenir l'approbation de la commercialisation dans n'importe quel pays du monde, l'ampleur de ces activités et leur durée pendant la période de validité du brevet n'étaient aucunement délimitées et échappaient complètement au contrôle des autorités canadiennes. S'il était en général improbable qu'il y ait un grand nombre de producteurs potentiels d'un produit précis pour le seul marché canadien, permettre ces activités pour obtenir l'approbation de la commercialisation dans n'importe quel pays du monde entier risquait d'accroître sensiblement le nombre de bénéficiaires pour un produit qui était exactement le même et, par conséquent, d'accroître sensiblement l'ampleur des activités de contrefaçon. Donc, des quantités très appréciables des produits protégés par le brevet pouvaient à tout moment être utilisées, fabriquées, importées et vendues pendant la durée du brevet sans le consentement de son détenteur.

4.23 Les Communautés européennes et leurs États membres interprétaient la réponse du Canada comme signifiant que celuici, au moins implicitement, acceptait l'allégation des CE selon laquelle les dispositions relatives à la fabrication et au stockage figurant à l'article 55.2 2) de la Loi canadienne sur les brevets pris conjointement avec le Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés violaient l'article 28:1, pris conjointement avec l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC, et que les dispositions relatives aux activités préalables à l'approbation de la commercialisation figurant à l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets ne concordaient pas avec l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC, mais qu'il estimait que les dispositions en question étaient justifiables au titre de l'article 30 de l'Accord.

1) ARTICLE 27:1 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

4.24 Les Communautés européennes et leurs États membres interprétaient la réponse du Canada comme confirmant, au moins implicitement, que la possibilité de fabriquer et de stocker des quantités illimitées d'un produit protégé sans l'autorisation du détenteur du brevet pendant les six derniers mois de la durée de celuici, au titre de l'article 55.2 2) et 55.2 3) de la Loi canadienne sur les brevets pris conjointement avec le Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés, n'était offerte que pour les produits pharmaceutiques à l'exclusion de toute autre catégorie de produits.

4.25 En ce qui concerne l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets, les Communautés européennes et leurs États membres constataient que le Canada, au moins implicitement, avait confirmé que cette disposition ne s'appliquait qu'aux produits pharmaceutiques et n'avait pas réfuté l'affirmation des CE selon laquelle un nombre appréciable de catégories de produits exigeait, au Canada et dans d'autres pays, la préparation et la production d'un dossier d'information pour obtenir l'approbation de la commercialisation.

4.26 Le Canada affirmait que les dispositions contestées pourraient à l'avenir s'appliquer aussi à d'autres domaines de la technologie mais il n'en restait pas moins que depuis leur promulgation, ces dispositions ne s'étaient appliquées qu'aux brevets relatifs à des produits pharmaceutiques. Il était indubitable que cette situation constituait une violation de l'obligation de non-discrimination quant au domaine technologique énoncé à l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC en traitant les titulaires de brevet dans le domaine des produits pharmaceutiques moins favorablement que les titulaires de brevet relatifs à tous les autres groupes de produits. L'historique de la rédaction de l'article 55.2 1) prouvait abondamment que le législateur avait voulu limiter les effets de ces dispositions aux produits pharmaceutiques. Précisant leur pensée en réponse à une question du Groupe spécial, les Communautés européennes et leurs États membres ont, tout en indiquant qu'elles considéraient que l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets constituait de jure une violation de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC, exprimé l'opinion que l'article 55.2 1) violerait aussi l'article 27:1 si l'on considérait qu'il ne constituait qu'une discrimination de facto.

4.27 Alors que le Canada estimait que cette violation était justifiable au titre de l'article 30 de l'Accord, les Communautés européennes et leurs États membres continuaient à penser qu'une violation de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC ne pouvait être justifiée par l'article 30, parce que l'article 30 n'était pas applicable à l'article 27:1. Les CE ont, à cet égard, fait valoir les points suivants à l'appui de leur argumentation:

- L'article 30 de l'Accord sur les ADPIC constituait, comme son intitulé l'indiquait expressément, une clause d'exception. Le texte de l'article 30 mentionnait expressément son caractère "limité", ce qui soulignait qu'elle devait être interprétée strictement. En outre, étant donné le caractère de clause d'exception de l'article 30, c'était le Canada, puisqu'il invoquait cette disposition, qui devait assumer la charge de la preuve que toutes ses conditions étaient remplies. Dans ce contexte, les CE souscrivaient pleinement au point de vue exprimé par les ÉtatsUnis en tant que tierce partie au présent différend.

- Les termes mêmes de l'article 30 militaient en faveur de cette interprétation dans la mesure où l'intitulé de l'article parlait déjà d'"Exceptions aux droits conférés" et où le texte luimême visait "… des exceptions [...] aux droits exclusifs conférés par un brevet, ...". L'expression "droits conférés" ne figurait qu'à l'article 28 de l'Accord et en aucune façon à l'article 27:1.

- Le Canada avait fait valoir que cette interprétation littérale produirait un résultat "incongru" parce qu'il faudrait appliquer les exceptions généralement à tous les domaines technologiques. Mais ce résultat, loin d'être "incongru", était manifestement celui visé par l'article 27:1. Cela pouvait s'expliquer par l'exemple des licences obligatoires, qui avait aussi été mentionné par le Canada. Dans le passé, un grand nombre de pays, dont beaucoup étaient Membres de l'OMC, avaient prévu des systèmes de licences obligatoires selon lesquels il était beaucoup plus simple d'obtenir des licences obligatoires dans certains domaines technologiques que dans d'autres. Les domaines dans lesquels des licences obligatoires avaient été accordées plus généreusement englobaient les produits pharmaceutiques, les produits agrochimiques et les denrées alimentaires. Les dispositions canadiennes concernant les licences obligatoires pour des produits pharmaceutiques dans le régime antérieur à l'adoption du projet de loi C-91 illustraient bien ce phénomène parce qu'elles étaient aussi appliquées exclusivement aux produits pharmaceutiques. Si l'on s'était efforcé dans l'article 31 de l'Accord sur les ADPIC de définir les cas où des licences obligatoires pouvaient être accordées, cette disposition n'énonçait que les procédures de concession de ces licences. Mais il devenait nécessaire de prendre l'article 27:1 en considération au moment du choix des situations où il fallait recourir aux licences obligatoires. Si l'article 27:1 n'excluait aucun domaine technologique de la liste de ceux où il fallait recourir à ces licences, il prescrivait que dès lors qu'elles pouvaient être obtenues dans un domaine technologique, elles devaient pouvoir l'être aux mêmes conditions dans tous les domaines technologiques. En effet, il était en général politiquement plus facile pour un pays d'adopter des dispositions permettant d'obtenir facilement des licences obligatoires pour des technologies qui n'étaient guère exploitées industriellement et de maintenir des critères plus stricts pour la concession de licences obligatoires ou de n'accorder absolument aucune licence dans les domaines technologiques où son industrie était plus compétitive. La disposition de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC relative à la nondiscrimination visait bien à éviter cette tendance et à exclure une approche "à la carte". Le raisonnement fait pour les licences obligatoires s'appliquait aussi aux exceptions.

- Si l'on voulait suivre l'interprétation canadienne selon laquelle l'article 30 prévalait sur la disposition de l'article 27:1 relative à la non-discrimination, cela conduirait nécessairement à permettre aussi des exceptions quant au lieu d'origine de l'invention et au fait que les produits étaient importés ou d'origine nationale. En d'autres termes, des exceptions seraient possibles si le lieu d'origine de l'invention ne se trouvait pas au Canada, sans faire la même exception si l'invention provenait du Canada. On pourrait également limiter l'exception aux produits importés sans l'appliquer aux produits fabriqués dans le pays. Ces conséquences ne correspondaient manifestement pas aux intentions des parties qui avaient négocié l'Accord sur les ADPIC.

- Les États-Unis et la Suisse, tierces parties au présent différend, estimaient tous deux que l'article 30 ne saurait prévaloir sur l'article 27:1. L'argument des États-Unis et de l'Australie, selon lequel chaque traitement différencié ne constituait pas forcément une violation de l'article 27:1, était une question distincte parce que, si l'article 27:1 n'était pas violé, la question de la relation entre les articles 27:1 et 30 devenait redondante.

4.28 Selon les CE, si le Groupe spécial suivait ce raisonnement, l'argumentation juridique relative à l'article 27:1 pouvait prendre fin ici. Si, par contre, le Groupe spécial estimait que l'article 27:1 n'était pas violé ou qu'une telle violation pouvait être excusable au titre de l'article 30, l'analyse devait maintenant aborder l'article 30.

2) ARTICLE 30 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

4.29 Comme indiqué plus haut à la section IV.C 1), les Communautés européennes et leurs États membres continuaient à penser qu'une violation de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC ne pouvait être justifiée par l'article 30, celuici n'étant pas applicable à l'article 27:1. Toutefois, si le Groupe spécial estimait qu'une telle violation pouvait être excusable au titre de l'article 30, les CE faisaient observer qu'en tout état de cause, les dispositions contestées de la législation canadienne ne l'étaient pas. L'article 55.2 2) et 55.2 3) de la Loi sur les brevets, pris conjointement avec le Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés, constituait une violation de l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC, pris conjointement avec son article 33, et l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets constituait une violation de l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC, tandis que les dispositions en question ne pouvaient remplir les conditions requises pour constituer une exception justifiée par l'article 30 de l'Accord.

4.30 Les Communautés européennes et leurs États membres ont fait valoir les arguments suivants à l'appui de leur thèse selon laquelle les incompatibilités des dispositions contestées de la législation canadienne avec l'Accord sur les ADPIC ne pouvaient être excusées sur la base de l'article 30.

a) Remarques préliminaires

- Les Communautés européennes et leurs États membres ne voyaient pas quelle pertinence pouvait avoir en l'espèce les arguments longuement développés par le Canada sur "[l]a maîtrise des coûts et les médicaments génériques". Si, dans un grand nombre de sociétés, voire la totalité d'entre elles, y compris bien entendu celles des Communautés européennes et de leurs États membres, les questions de soins de santé et de coût des médicaments occupaient une place importante dans les débats sur la politique intérieure, ces considérations ne semblaient guère pertinentes aux fins de l'interprétation de l'Accord sur les ADPIC.

- L'Accord sur les ADPIC avait notamment pour caractéristique que sa mise en œuvre était en principe neutre à l'égard des valeurs de la société. C'était à l'article 8:1 de l'Accord que ce principe était exprimé le plus clairement: "[l]es Membres pourront, lorsqu'ils élaboreront ou modifieront leurs lois et réglementations, adopter les mesures nécessaires pour protéger la santé publique et la nutrition et pour promouvoir l'intérêt public dans des secteurs d'une importance vitale pour leur développement socioéconomique et technologique, à condition que ces mesures soient compatibles avec les dispositions du présent accord" (pas d'italique dans l'original). Cette disposition indiquait de la manière la plus claire qu'aucune des considérations de politique générale publique visées dans la première moitié de la phrase ne pouvait être invoquée pour justifier des mesures qui étaient incompatibles avec les dispositions de l'Accord sur les ADPIC. Ce principe de neutralité à l'égard des valeurs de la société était également confirmé par la comparaison entre les exceptions de l'article 30 et celles de l'article XX du GATT. Alors que des exceptions n'étaient admissibles en vertu de l'article XX que si elles étaient nécessaires pour assurer le respect de certaines valeurs bien définies de la société (moralité publique, protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux et préservation des végétaux, etc.), l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC ne mentionnait aucune de ces valeurs pour justifier une exception.

- En d'autres termes, les parties qui ont négocié l'Accord sur les ADPIC avaient pris en considération les intérêts de la société lorsqu'elles avaient convenu de l'équilibre des intérêts dont il était fait mention dans l'Accord sur les ADPIC. Par conséquent, un Membre de l'OMC ne pouvait aujourd'hui unilatéralement rééquilibrer ces intérêts en modifiant le niveau de protection prévu dans l'Accord.

- Illustration pratique des conséquences de ce principe: de nombreux pays, dont ceux constituant les Communautés européennes et leurs États membres, qui étaient très préoccupés de maîtriser le coût des soins de santé, y compris celui des produits pharmaceutiques, prenaient des mesures pour réglementer le prix de revente ou le montant des remboursements des produits pharmaceutiques sans réduire les droits de propriété intellectuelle qui s'attachaient à ces produits.

- Les Communautés européennes et leurs États membres ne voyaient pas davantage la pertinence de la mention faite à plusieurs reprises par le Canada dans sa communication de l'article 40 de l'Accord sur les ADPIC pour ce qui est des pratiques anticoncurrentielles, parce qu'à aucun moment de l'élaboration des dispositions en cause (projet de loi C-91), il n'avait été mentionné qu'ou bien tel ou tel détenteur de brevet pharmaceutique ou bien tous les détenteurs de brevets pharmaceutiques agissant collectivement s'étaient livrés à des pratiques anticoncurrentielles.

i) Préambule et articles 1:1, 7 et 8:1 de l'Accord sur les ADPIC

- L'article 3:2 du Mémorandum d'accord prescrivait aux groupes spéciaux d'interpréter les accords visés conformément aux règles coutumières d'interprétation du droit international public. Il était maintenant bien établi qu'il s'agissait des règles d'interprétation énoncées dans la Convention de Vienne sur le droit des traités. L'article 31 1) de cette convention disposait qu'"[u]n traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but". Le Canada a adopté une approche assez différente de celle des CE en ce qui concerne l'application de ce principe. Laissant de côté le "sens ordinaire", qui serait analysé à propos des dispositions invoquées en l'espèce, les CE souhaitaient formuler des observations sur l'utilisation erronée que le Canada et des tiers avaient faite du contexte ainsi que de l'objet et du but de l'Accord sur les ADPIC.

- Il était instructif, tout d'abord, de rappeler les leçons données par l'Organe d'appel dans Crevettes en reprochant à un groupe spécial de se livrer à une interprétation imaginative fondée sur sa propre vision "… par trop générale" de l'objet et du but des accords pertinents en disant:

"Le Groupe spécial n'a pas suivi toutes les étapes de l'application des "règles coutumières d'interprétation du droit international public", comme l'exige l'article 3:2 du Mémorandum d'accord. Ainsi que nous l'avons souligné à de nombreuses reprises, ces règles appellent un examen du sens ordinaire des termes d'un traité, lus dans leur contexte et à la lumière de l'objet et du but du traité considéré. Celui qui interprète un traité doit commencer par fixer son attention sur le texte de la disposition particulière à interpréter. C'est dans les termes qui constituent cette disposition, lus dans leur contexte, que l'objet et le but des États parties au traité doivent d'abord être cherchés. Lorsque le sens imparti par le texte luimême est ambigu et n'est pas concluant, ou lorsque l'on veut avoir la confirmation que l'interprétation du texte luimême est correcte, il peut être utile de faire appel à l'objet et au but du traité dans son ensemble."

Donc, l'approche correcte consistait à fixer d'abord son attention sur le texte des dispositions à interpréter en le lisant dans son contexte et à discerner ainsi l'intention des parties à un accord. C'était seulement si un doute subsistait qu'il convenait de rechercher des éclaircissements susceptibles d'être apportés par l'objet et le but de l'accord.

- Le Canada alléguait qu'il interprétait l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC dans son contexte lorsqu'il invoquait le premier considérant de son préambule et ses articles 1:1 et 7. Il était clair que tout le texte d'un accord, y compris son préambule, faisait partie du contexte d'une disposition de cet accord. Toutefois, les dispositions susmentionnées n'étaient pas en réalité invoquées par le Canada en tant que contexte pour discerner le sens ordinaire des termes utilisés à l'article 30, mais comme des expressions de l'objet et du but. Les arguments tirés par le Canada de ces dispositions avaient tous trait à l'objet et au but supposés de l'Accord sur les ADPIC et non à des indications apportées par le contexte en ce qui concerne le sens des termes de son article 30.

- Le premier considérant du préambule de l'Accord sur les ADPIC commençait par le mot "Désireux", ce qui donnait une idée claire de son objet et de son but. L'article 1:1 précisait, comme l'indiquait son intitulé, la "nature" et la "portée des obligations" que l'Accord sur les ADPIC visait à créer et donnait donc aussi une idée de son objet et de son but. L'article 7 était intitulé "Objectifs" et énonçait les objectifs de la protection du droit de propriété intellectuelle.

- Le premier considérant du préambule de l'Accord sur les ADPIC formulait trois buts, à savoir: réduire les distorsions et les entraves en ce qui concerne le commerce international, c'estàdire assurer une protection plus uniforme des droits de propriété intellectuelle dans le monde entier; promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle, c'est-à-dire renforcer la protection de ces droits; et faire en sorte que les mesures et les procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle ne deviennent pas ellesmêmes des obstacles au commerce légitime. Le Canada n'a insisté que sur le dernier de ces buts pour faire valoir que la protection des droits de propriété intellectuelle devait être limitée. C'était bien évidemment trompeur. Le troisième élément du premier considérant ne concernait pas du tout les droits eux-mêmes. Il concernait "les mesures et les procédures" visant à faire respecter ces droits réglementés dans la Partie III de l'Accord sur les ADPIC. Au contraire, l'article 1:1 de cet accord indiquait clairement qu'il ne faisait en général qu'énoncer des droits minimaux, et non des droits limités.

- En ce qui concerne l'article 7 de l'Accord sur les ADPIC, le Canada n'insistait que sur les derniers éléments des objectifs visés, à savoir la "manière propice au bien-être social et économique" et l'"équilibre de droits et d'obligations". Toutefois, la principale erreur du Canada était de considérer que cela exigeait dans certaines circonstances, de manière à assurer l'"équilibre", une limitation des droits de brevet énoncés à l'article 28 de l'Accord sur les ADPIC. L'article 7 n'avait pas trait à la portée des droits de propriété intellectuelle définis à l'article 28, mais seulement à leur "protection" et à leur "respect".

- L'article 1:1 de l'Accord sur les ADPIC a été invoqué par le Canada pour établir qu'il jouissait d'une grande latitude en ce qui concerne la manière de s'acquitter de ses obligations en vertu de l'accord. Toutefois, le Canada avait tort de considérer que cette disposition donnait aux Membres la latitude générale d'adapter des obligations découlant de l'Accord. Elle indiquait clairement que la protection de la propriété intellectuelle au titre de l'Accord sur les ADPIC devait être considérée comme un niveau minimal de protection. La flexibilité autorisée concernait les moyens d'assurer ce niveau minimal de protection dans le cadre du système juridique de chaque Membre.

- Le Canada a eu soin de ne pas invoquer l'article 8:1 de l'Accord sur les ADPIC en tant que contexte ou objet et but pour étayer son interprétation. Il s'est borné à le mentionner comme montrant que la santé publique était une considération pertinente au titre de l'Accord sur les ADPIC. Certaines tierces parties l'avaient toutefois évoqué dans le cadre de leur examen du contexte ou de l'objet et du but de l'accord. Mais selon les CE, le membre de phrase essentiel pour comprendre cette disposition était "à condition que ces mesures soient compatibles avec les dispositions du présent accord". Cela montrait que la santé publique, la nutrition et les autres aspects de l'intérêt général devaient être considérés comme subordonnés à la protection des droits de propriété intellectuelle dans la mesure où il s'agissait des droits minimaux garantis par l'Accord sur les ADPIC. En fait, cette disposition prévoyait simplement que les Membres ne devaient pas faire l'objet d'allégations d'annulation de la réduction d'avantages en situation de non-violation lorsqu'ils prenaient des mesures compatibles avec l'Accord sur les ADPIC pour faire valoir ces intérêts, même lorsque ces mesures pouvaient d'une manière ou d'une autre annuler ou réduire des droits relevant des ADPIC.

b) Interprétation des conditions énoncées à l'article 30 pour consentir des exceptions aux droits conférés

- Les conditions énoncées à l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC pour consentir des exceptions aux droits conférés étaient au nombre de trois:

- seules des exceptions "limitées" étaient admissibles;
- les exceptions ne devaient pas porter atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet; et
- les exceptions ne devaient pas causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers.

- Les Communautés européennes et leurs États membres n'estimaient pas, contrairement au Canada, que les intérêts des tiers seraient également pertinents pour la deuxième condition. Le libellé de l'article 30 était clair sur ce point parce qu'il comparait deux intérêts. Une autre lecture exigerait que l'exploitation normale soit comparée avec un intérêt, ce qui semblait dénué de sens. En d'autres termes, selon une interprétation littérale de l'article 30, les intérêts des tiers ne pouvaient logiquement être considérés que par rapport aux intérêts du détenteur du droit. On ne pouvait raisonnablement comparer un intérêt qu'avec un autre intérêt, et non, d'une part, l'exploitation normale du brevet et, d'autre part, l'intérêt d'un tiers.

- Le Canada avait mentionné un certain nombre de communications de parties aux négociations sur les ADPIC et de documents du Secrétariat du GATT, mais il n'était pas sans intérêt de constater qu'il n'avait pas mentionné sa propre communication du 25 octobre 1989 au Groupe de négociation sur les ADPIC, dans laquelle il avait notamment proposé sous le titre "Droits conférés" le texte suivant:

"Les lois nationales, toutefois, peuvent prescrire que le titulaire d'un brevet n'a pas le droit d'empêcher les tiers d'accomplir les actes suivants:

i) actes faits de façon privée et à une échelle non commerciale, à condition qu'ils ne portent pas sensiblement atteinte aux intérêts économiques du titulaire des brevets; et

ii) la fabrication ou l'utilisation à des fins strictement expérimentales ou aux fins de recherche scientifique, relativement à la technologie, à l'égard de laquelle le brevet a été octroyé, ou à une technologie concurrente."

- Bien qu'aucune récapitulation complète de toutes les opinions exprimées ait été établie par les CE, il était instructif de voir ce que certains "leaders d'opinion", de pays en développement comme industrialisés, avaient eu à l'esprit. Hong Kong, qui contribuait à façonner l'opinion dans certains pays en développement, avait proposé le texte suivant:

"Les droits exclusifs conférés par un brevet pourront faire l'objet d'exceptions limitées qui tiennent compte des intérêts légitimes du titulaire du brevet et des tiers, pour certains actes, tels que les actes privés sans caractère commercial et les actes accomplis à des fins expérimentales."

Les États-Unis, dans leur communication du 11 mai 1990, qui n'était également pas mentionnée dans la communication du Canada parmi les documents de négociation, avaient proposé:

"Les parties contractantes ne pourront limiter les droits exclusifs du titulaire d'un brevet que par la concession de licences obligatoires et seulement aux fins de remédier à une violation de la loi sur la concurrence ayant fait l'objet d'un jugement ou de faire face, uniquement pendant qu'elle existe, à une situation d'urgence nationale déclarée ..."

- En réponse à une question du Groupe spécial, les Communautés européennes et leurs États membres ont expliqué pourquoi l'exception "d'antériorité" et l'exception pour "l'utilisation à des fins scientifiques ou expérimentales (à l'exclusion des activités relatives à la fourniture d'un dossier d'information pour l'approbation réglementaire)" satisferaient à chacun des critères de l'article 30 et pourraient donc figurer parmi les exceptions admissibles au titre de cet article. Les arguments suivants ont été avancés:

i) L'exception "d'antériorité"

- Il n'existait aucune définition admise au niveau international de ce qui constituait l'"utilisation antérieure". Si de nombreux pays prévoyait une "exception d'antériorité", bien qu'avec des approches très divergentes, d'autres (l'exemple le plus marquant étant celui des États-Unis) ne prévoyaient aucune exception de ce type. L'exception "d'antériorité" était extrêmement rare dans la pratique et dans de nombreux systèmes juridiques où cette exception était prévue, aucune jurisprudence n'était signalée à ce sujet. Cela s'expliquait par le fait que dans un "monde idéal", l'"utilisation antérieure" ne pouvait s'appliquer à une invention. Pour qu'une invention soit brevetable, elle devait être "nouvelle" (voir l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC). Donc, l'"antériorité" n'était possible que si l'invention était exploitée en secret et, par conséquent, de manière extrêmement limitée. Aussitôt que des produits fondés sur une telle invention étaient offerts à la vente au public, faisaient l'objet d'une publicité ou étaient décrits dans un catalogue, ils s'intégraient dans l'état des connaissances et la condition de nouveauté ne pouvait plus être remplie par le déposant de la demande de brevet. Les négociations sur les ADPIC n'avaient pas donné lieu à un large débat sur l'"antériorité". Certains travaux avaient été accomplis sur cette question à l'OMPI à la fin des années 80 et au début des années 90, mais ces efforts n'avaient abouti jusqu'à présent à aucun traité. L'"utilisateur antérieur" avait été défini dans ce contexte de la manière suivante: "… toute personne qui, de bonne foi, avant la date de dépôt [...] et dans le territoire où le brevet produit son effet, exploitait l'invention ou faisait des préparatifs effectifs et sérieux pour l'exploiter; toute personne de ce type aura le droit, aux fins de son entreprise ou affaire, de continuer cette exploitation ou d'exploiter l'invention comme elle l'avait envisagé dans le cadre de ces préparatifs." Les CE se sont servies de cette définition pour approfondir leur analyse et ont supposé, pour les besoins de l'argumentation, que cette "utilisation antérieure" pourrait faire l'objet d'une exception à la protection conférée par un brevet au titre de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC.

- L'exception était strictement limitée à la personne qui avait été en possession de l'invention antérieurement au dépôt de la demande de brevet par son futur titulaire. Étant donné que l'"utilisation antérieure" n'était protégée que dans la mesure où les activités effectives avaient précédé le dépôt de la demande de brevet et que ces activités devaient avoir été, comme indiqué plus haut, des "activités secrètes", la portée des activités faisant l'objet d'une exception devait être très restreinte. Par ailleurs, en ce qui concerne les activités envisagées, il était également important de rappeler que plus les préparatifs étaient "effectifs et sérieux", plus cela porterait l'invention à la connaissance des intéressés et ferait donc échec à la demande ultérieure de brevet. En d'autres termes, le fait que la connaissance de l'invention par les intéressés (par exemple au moyen d'une publicité, d'un catalogue, etc.) priverait la demande de brevet de sa nouveauté rétrécirait nécessairement dans une très large mesure l'éventail des activités de l'"utilisateur antérieur" qui seraient admissibles. Par conséquent, cette exception remplissait la condition de l'article 30 relative à son caractère "limité".

- L'exploitation normale du brevet consistait en la pleine jouissance de tous les droits de brevet ayant une importance commerciale directe ou indirecte. Étant donné que le droit d'antériorité, tel que défini cidessus, autorisait en fait, bien qu'en les restreignant sérieusement, des actes commerciaux accomplis par l'utilisateur antérieur en concurrence avec le titulaire du brevet, il portait effectivement atteinte à l'exploitation normale du brevet. Restait la question de savoir si cette atteinte n'était pas injustifiée. Eu égard à la situation concernant la nouveauté et l'antériorité, telle qu'elle a été décrite plus haut, le fait que le titulaire du brevet n'avait en réalité pas été le premier à faire l'invention, mais que quelqu'un d'autre l'avait faite objectivement avant lui, conférait un certain degré de "faiblesse" relative à son brevet visàvis de cet inventeur antérieur et justifiait que cet inventeur/utilisateur antérieur puisse continuer à accomplir les actes très limités autorisés par l'exception. Il convenait aussi de noter que cette faiblesse relative de son brevet était de beaucoup préférable pour le titulaire à une situation où l'inventeur/utilisateur antérieur se serait fait connaître publiquement, faisant ainsi d'emblée échec à la demande de brevet. Par conséquent, l'exception d'"antériorité" ne portait pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet.

- Par ailleurs, les intérêts légitimes d'un titulaire de brevet ne pouvaient consister qu'en la pleine jouissance de tous ses droits de brevet. En appliquant ce critère, le droit d'"utilisation antérieure" causait bien un préjudice aux intérêts légitimes du détenteur du brevet. Restait à établir si ce préjudice n'était pas injustifié, compte tenu des intérêts légitimes des tiers. Bien évidemment, le tiers dont les intérêts légitimes devaient être pris en compte était l'inventeur/utilisateur antérieur, dont les attentes étaient justifiées par l'"utilisation antérieure" ou par les préparatifs effectifs et sérieux qu'il avait accomplis en vue d'une telle exploitation, ce qui constituait un investissement consenti afin de la poursuivre. L'ampleur de l'exploitation ultérieure admissible était strictement limitée par celle de cette "utilisation" et de cet investissement "antérieurs" qui suscitaient les attentes justifiées. Par contre, faire valoir que le titulaire du brevet n'était pas objectivement le premier à faire l'invention, justifiait que ses droits soient affaiblis visàvis de l'inventeur/utilisateur antérieur dans les limites des attentes justifiées de ce dernier. Par conséquent, l'exception d'"antériorité" ne causait pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers.

ii) L'exception pour "l'utilisation à des fins scientifiques ou expérimentales"

- Il n'existait pas de définition admise au niveau international de l'expression "utilisation à des fins scientifiques ou expérimentales". On pouvait dire, toutefois, que la quasi-totalité des Membres de l'OMC avaient une telle exception, bien que formulée très diversement. L'existence virtuellement universelle de cette exception était étroitement liée à la transaction implicitement conclue entre la société et le titulaire du brevet. Ce dernier acceptait de divulguer son invention et, donc, de partager sans tarder les fruits de ses activités inventives et de ses investissements avec la société pour éviter des investissements multiples dans des recherches analogues et faire en sorte que l'invention soit disponible comme base pour d'autres recherches plus poussées. En échange, le titulaire du brevet obtenait les droits de brevet exclusifs pour une durée déterminée (un minimum de 20 ans selon l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC). En un sens, cette exception était le corollaire de la prescription de divulgation parce que, sans elle, les chercheurs ne seraient autorisés qu'à lire la description de l'invention brevetée sans être en mesure d'en faire un objet d'expériences (par exemple pour voir si elle permettait d'atteindre les résultats souhaités et comment). Les CE se fondaient sur le texte de l'article 27 b) de la Convention sur le brevet communautaire, qui exceptait de la responsabilité pour contrefaçon de brevet les "actes accomplis à titre expérimental qui portent sur l'objet de l'invention brevetée". Pour ce qui est des autres précisions et interprétations données par les tribunaux des Communautés européennes et de leurs États membres, il a été fait référence à une récapitulation figurant dans une publication de Cornish. À titre de remarque plus générale, on pouvait dire que s'il était vrai que les tribunaux limitaient habituellement ces exceptions à la recherche universitaire, il était aujourd'hui largement admis qu'elles pouvaient aussi couvrir la recherche industrielle.

- L'exception revêtait un caractère limité. Elle ne s'appliquait bien qu'à un des cinq droits de brevet visés à l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC puisque seule l'utilisation était admissible et que l'offre à la vente, la vente et l'importation ne l'étaient pas. La portée de l'exception était étroitement définie. Pour un bon exemple de cette définition, il a été de nouveau fait référence à la publication de Cornish: "[...] les activités expérimentales ne font l'objet d'une exception à la protection conférée par un brevet que lorsqu'elles ont pour seul but de déterminer si l'invention brevetée est réalisable, utile ou techniquement exploitable, ou autrement dit si l'invention produit ou non l'effet souhaité. En outre, les activités expérimentales sont considérées comme admissibles dans la mesure où elles permettent de poursuivre le but d'un perfectionnement technique et d'un développement plus poussé de l'objet du brevet".

- La transaction représentée par le brevet consistant fondamentalement à rendre l'invention publique en échange d'un ensemble de droits exclusifs accordés par l'État pour un laps de temps déterminé, on pouvait raisonnablement faire valoir que les droits exclusifs accordés au titulaire du brevet étaient destinés à exercer un contrôle sur toutes les activités commercialement pertinentes en rapport avec son brevet. Toutefois, cela ne lui donnait pas l'exclusivité de l'utilisation de son invention à des fins expérimentales. Il résultait fondamentalement de cette "transaction représentée par un brevet" que des tiers pouvaient exploiter son invention pour faire progresser les connaissances ou la technique. Il n'y avait donc aucune atteinte à l'exploitation normale du brevet.

- La "transaction représentée par le brevet" exigeant fondamentalement que le titulaire de celuici divulgue son invention au public et accepte qu'elle serve de base à de nouvelles recherches, on pouvait raisonnablement faire valoir que ses intérêts légitimes ne comportaient pas un "monopole de recherche" et, par conséquent, que les intérêts des tiers et l'équilibre à assurer entre ces intérêts et ceux du titulaire du brevet paraissaient redondants en ce qui concerne l'exception pour la recherche.

c) L'article 55.2 2) et 55.2 3) de la Loi canadienne sur les brevets pris conjointement avec le Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés

i) "Limitées"

- Le terme "limitées" figurant à l'article 30 confirmait que les exceptions autorisées en vertu de cette disposition devaient être interprétées au sens strict. En d'autres termes, les exceptions devaient être restreintes, bornées, prescrites, confinées dans des limites concrètes, restreintes quant à la durée, à l'ampleur ou à la portée. La possibilité de produire et de stocker offerte par la loi canadienne ne remplissait pas les conditions requises pour constituer une exception limitée au titre de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC.

- Alors que l'article 28:1 a) de l'Accord sur les ADPIC accordait aux détenteurs de brevet cinq droits particuliers fondamentaux, à savoir ceux de fabriquer, d'utiliser, d'offrir à la vente, de vendre et d'importer, la possibilité de produire et de stocker offerte par la loi canadienne retirait au moins trois de ces droits, à savoir le droit d'empêcher des tiers de fabriquer et d'utiliser – ce qui incluait l'importation – l'objet de l'invention. L'amputation de trois droits sur cinq ne pouvait être considérée comme une mesure "limitée". En tout état de cause, il n'y avait aucune limitation pour ce qui est de la quantité d'éléments pouvant être produits et stockés.

- Par ailleurs, en ce qui concernait le facteur temps, il n'était pas possible de dire que la période de six mois stipulée dans le Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés pouvait être considérée comme "limitée", si on la comparait à la durée de 20 ans du brevet. Cette conclusion s'imposait encore plus si on comparait le laps de temps de six mois à la période effective de protection des inventions en matière pharmaceutique, qui ne dépassait pas huit à 12 ans.

ii) "Ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet"

- La possibilité de produire et de stocker offerte par la loi canadienne portait atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet. Le droit d'empêcher des tiers de fabriquer et d'utiliser l'objet d'un brevet figurait parmi les droits de brevet fondamentaux. Ces activités purement commerciales qui étaient menées au Canada par quiconque sans le consentement du détenteur des droits et sans versement d'une redevance de licence portaient atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale des brevets concernés.

- En réponse à une question du Groupe spécial, les Communautés européennes et leurs États membres ont exprimé l'opinion que l'expression "pas [...] de manière injustifiée", qui nuançait la notion d'"atteinte [...] à l'exploitation normale du brevet", était destinée à réduire encore la portée de l'exception. S'il était vrai que ni l'article 13 de l'Accord sur les ADPIC ni l'article 9 2) de la Convention de Berne n'utilisaient le concept de "pas [...] de manière injustifiée" pour nuancer l'"atteinte [...] à l'exploitation normale", il était difficile de déterminer si ce libellé différent allait jusqu'à déboucher nécessairement sur une interprétation différente de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, qui avait été négocié après son article 13. Les CE continuaient à croire que les situations envisagées par les parties qui avaient négocié les ADPIC comme devant relever de l'article 30 constituaient le critère de comparaison le plus approprié pour les exceptions canadiennes dont le présent groupe spécial était saisi.

- Le Canada avait fait valoir que "seuls" les droits de fabriquer et d'utiliser étaient réduits, le droit de vendre restant intact. Cet argument se fondait sur une conception erronée de la nature d'un brevet. Tous les droits de brevet visés à l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC étaient importants en euxmêmes et ne pouvaient être ramenés à un simple droit de vendre. Cette conception erronée devenait tout à fait manifeste lorsque l'on comparait les articles 70:9 et 28:1 de l'Accord sur les ADPIC. L'article 70:9 se rapportait à une situation où un pays ne délivrait pas de brevet, mais devait accorder "des droits exclusifs de commercialisation" pendant une période de transition. Ces droits étaient évidemment bien moindres que ceux inhérents à une pleine protection conférée par un brevet.

- L'argumentation du Canada selon laquelle le titulaire du brevet restait libre d'accomplir tous les actes visés à l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC était également basée sur une conception erronée des brevets. Un brevet ne conférait pas à son titulaire un droit positif d'accomplir certains actes, mais visait à lui donner les moyens juridiques d'exclure l'accomplissement de certains actes par des tiers.

- L'atteinte à l'exploitation normale des brevets que constituait la possibilité de produire et de stocker offerte par la loi canadienne était injustifiée étant donné l'importance des droits de brevet réduits et l'ampleur illimitée ainsi que la durée relativement longue des activités admissibles en vertu de cette loi.

iii) "Ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers"

- La possibilité de produire et de stocker offerte par la loi canadienne causait un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers.

- Les intérêts légitimes du titulaire du brevet ne pouvaient consister qu'en la pleine jouissance de tous ses droits de brevet pendant toute la durée de celuici.

- Quant aux intérêts légitimes des tiers, les CE ne pensaient pas, contrairement au Canada, que les consommateurs ou la société dans son ensemble pouvaient être considérés comme des tiers dans le contexte de l'article 30. L'achat ou la consommation d'un médicament par un patient n'était pas un acte ayant une quelconque pertinence du point de vue du brevet. Il en découlait que les consommateurs et le titulaire du brevet ne pouvaient avoir des intérêts opposés. En général, un vendeur et un acheteur pouvaient avoir des intérêts économiques opposés, mais le fait que les produits en question soient ou non couverts par un brevet n'y changeait rien. Cet argument s'appliquait aussi aux fournisseurs publics de soins de santé ou aux compagnies d'assurance maladie. Ce qu'il était possible de justifier, c'était que seuls les producteurs potentiels du générique pouvaient remplir les conditions requises pour être considérés comme des tiers ayant un intérêt opposé à celui du détenteur du brevet.

- S'agissant de la "légitimité" des intérêts du titulaire du brevet, d'une part, et des tiers visés à l'article 30, d'autre part, la conception du Canada était caractérisée par un curieux parti pris. Si la "légitimité" des intérêts du titulaire du brevet était selon le Canada strictement limitée aux droits légaux découlant du brevet, la "légitimité" des intérêts des tiers pouvait reposer sur toutes sortes de considérations économiques, morales ou autres.

- Si on faisait preuve de rigueur en n'admettant, aussi bien pour le titulaire du brevet que pour les tiers, que les arguments fondés sur le droit des brevets, il serait vraiment très peu fréquent qu'un tiers puisse avoir un intérêt légitime. On pouvait concevoir qu'un scientifique ait un tel intérêt légitime à procéder à des expériences. Manifestement, la section relative aux brevets de l'Accord sur les ADPIC ne conférait aux producteurs de génériques de contrefaçon aucun droit légal d'avoir effectivement une part du marché le lendemain de l'expiration du brevet.

- Si on retenait une conception permettant de tenir compte aussi d'un côté comme de l'autre de considérations et d'attentes commerciales et économiques, il paraissait tout d'abord nécessaire d'appeler l'attention sur le fait qu'aussi bien les fabricants de produits pharmaceutiques fondés sur la recherche que les producteurs de génériques étaient des entreprises à but lucratif et que les investisseurs qui plaçaient des fonds dans ces deux types d'entreprises poursuivaient exactement les mêmes objectifs, bien que par des voies différentes. Les fabricants de produits fondés sur la recherche et de génériques étant sur un pied d'égalité, nul ne saurait alléguer que l'intérêt légitime de l'un primait sur les intérêts de l'autre. Il convenait aussi de rappeler que pour les nouveaux concurrents qui voulaient arriver sur le marché, il était conforme aux lois normales du commerce que l'introduction d'un nouveau produit demande un certain temps, consacré non seulement à sa commercialisation, mais aussi à sa fabrication et à sa distribution. Eu égard à la longueur de la période pendant laquelle la fabrication et le stockage pouvaient intervenir et à l'importance fondamentale des droits de fabrication et d'utilisation, on pouvait manifestement dire que le préjudice était injustifié.

d) L'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets

i) "Limitées"

- L'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets ne remplissait pas les conditions requises pour constituer une exception limitée au titre de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC.

- Les activités relatives à la préparation et à la production du dossier d'information à fournir pour obtenir l'approbation de la commercialisation qui étaient admissibles en vertu de la loi canadienne réduisaient tous les droits de brevet, même le droit d'empêcher la vente et l'offre à la vente.

- Pendant la durée du brevet, c'était à tout moment que le refus d'accorder la protection conférée par un brevet pouvait intervenir au titre de l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets.

- S'il était vrai que le but poursuivi en faisant abstraction de tous les droits de brevet en vertu de la législation canadienne était circonscrit par les mots "[...] dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information qu'oblige à fournir une loi fédérale, provinciale ou étrangère réglementant la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente d'un produit", cela permettait néanmoins à des exploitants très divers de se livrer à des activités elles aussi très diverses. Les bénéficiaires de cette exception étaient non seulement les producteurs potentiels de génériques mais aussi leurs fournisseurs totalement indépendants d'ingrédients actifs, c'estàdire les fabricants de produits chimiques fins.

- De plus, l'objectif étant l'approbation de la commercialisation partout dans le monde, la disposition relative aux exceptions autorisait des contrefaçons d'une ampleur significative, englobant la fabrication, la vente et l'importation de quantités industrielles d'ingrédients actifs lorsque cela était prescrit par les autorités chargées de l'approbation de la commercialisation.

- En outre, l'ampleur des activités admissibles échappait au contrôle des autorités canadiennes dans la mesure où elles ne pouvaient influer sur les conditions à remplir, que souvent elles ne connaissaient même pas, pour obtenir l'approbation de la commercialisation dans tous les pays autres que le Canada.

ii) "Ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet"

- L'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets portait atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale des brevets. Il faisait abstraction de tous les droits de brevet énoncés à l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC.

- Les arguments exposés à cet égard au sujet de la possibilité de produire et de stocker offerte par la loi canadienne s'appliquaient également à l'article 55.2 1).

iii) "Ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers"

- L'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets causait un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers. Les arguments exposés à cet égard au sujet de la possibilité de produire et de stocker offerte par la loi canadienne s'appliquaient également à l'article 55.2 1).

- Il convenait de souligner, pour ce qui est des intérêts des tiers susceptibles d'être retenus en vertu de l'article 30, que seuls les fabricants de génériques remplissaient les conditions requises. Les entreprises – que leurs produits soient fondés sur la recherche ou soient des génériques – étaient des entités à but lucratif et aucune des deux catégories ne pouvait revendiquer un intérêt primant ceux de l'autre. Cela signifiait que, du point de vue de l'article 30, l'intérêt légitime des deux types d'entreprises ne pouvait être rien d'autre qu'un plein respect des droits de propriété intellectuelle existants. Il ne pouvait en particulier y avoir aucun intérêt légitime des fabricants de génériques à être en mesure de vendre sur le marché canadien, et encore moins dans des pays étrangers, le jour de l'expiration du brevet canadien.

- L'argument du Canada selon lequel un plein respect des droits de brevet jusqu'à son expiration donnerait au détenteur du brevet une période de protection "inattendue" audelà de la durée légale du brevet mêlait deux questions distinctes. En ce qui concerne le titulaire du brevet, il pouvait s'attendre à bénéficier d'un droit légal de brevet d'une durée d'au moins 20 ans à compter du dépôt de la demande pour empêcher des activités exploitant son produit breveté. Pour le détenteur d'un brevet dans le domaine pharmaceutique, cela signifiait d'un point de vue pratique qu'il ne serait pas en mesure d'exercer les droits exclusifs pendant huit à 12 ans parce qu'il ne remplirait les conditions mises à l'obtention de l'approbation de la commercialisation de son produit qu'au bout de huit à 12 ans à compter du dépôt de la demande de brevet. En revanche, le détenteur du brevet s'attendait aussi à un avantage économique représenté par le fait que lorsque la législation énonçait des conditions d'approbation de la commercialisation, cellesci s'appliquaient également à ses concurrents et à ce que les activités relevant de son brevet ne pouvaient commencer qu'après l'expiration de celuici. En d'autres termes, il n'y avait aucune raison pour que l'entreprise fabriquant des produits pharmaceutiques fondés sur la recherche soit obligée d'accepter les conséquences économiques de conditions d'approbation de la commercialisation qui réduisaient la durée effective de la protection qui lui était conférée à un laps de temps compris entre huit et 12 ans, alors que le fabricant de génériques pourrait complètement s'affranchir des conséquences économiques de la nécessité d'obtenir l'approbation de la commercialisation de ses produits, et ce au détriment des inventeurs et des détenteurs de brevet.

- Du point de vue juridique, le producteur de génériques ne pouvait légitimement s'attendre qu'à avoir la possibilité de commencer des activités constituant une contrefaçon après l'expiration du brevet et à supporter le fardeau des conditions limitées d'approbation de la commercialisation de même que le détenteur du brevet avait eu à supporter des conséquences beaucoup plus importantes avant de mettre le produit sur le marché. Le seul fait que les conditions d'approbation de la commercialisation de génériques n'exigeaient qu'une partie des efforts à fournir pour le produit original, ce qui raccourcissait aussi beaucoup le laps de temps nécessaire pour obtenir cette approbation, donnait aux produits génériques un avantage concurrentiel au détriment du fabricant du produit original. Pour un fabricant de génériques, le retard ne concernait que la date de son entrée sur le marché. Il ne perdait aucun droit. Par contre, pour le créateur breveté du produit original, chaque jour de retard pour la commercialisation raccourcissait d'un jour la durée de la protection conférée par le brevet.

3) LA PRATIQUE ULTÉRIEUREMENT SUIVIE

4.31 Les Communautés européennes et leurs États membres ne parvenaient pas à voir la pertinence de la description faite par le Canada de la situation juridique dans un certain nombre de pays, en particulier aux États-Unis, pour apprécier la législation canadienne. La présente procédure de règlement des différends ne portait que sur la législation canadienne. En réponse à une question du Groupe spécial sur la "pratique ultérieurement suivie" au sens de l'article 31.3 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, les CE ont fait valoir les points suivants:

- Le premier de ces points concernant la "pratique ultérieurement suivie" était qu'il fallait en tenir compte "en même temps que du contexte". Dans le cas des Accords de l'OMC cela englobait, en particulier, les règles générales de l'Accord de Marrakech instituant l'OMC qui avaient trait à l'interprétation et au développement du droit de l'OMC. L'article IX:2 de l'Accord de Marrakech conférait le pouvoir exclusif d'adopter des interprétations autorisées à la Conférence ministérielle et l'article X prévoyait des procédures particulières pour les amendements. Cela, pris conjointement avec le principe énoncé à l'article 3:2 du Mémorandum d'accord selon lequel les groupes spéciaux établis pour le règlement des différends ne pouvaient pas accroître ou diminuer les droits et obligations des Membres, démontrait que les Membres de l'OMC voulaient rester en mesure de contrôler strictement la modification des règles sur lesquelles ils s'étaient mis d'accord et qu'ils ne souhaitaient pas que le sens de ce sur quoi ils s'étaient mis d'accord soit changé d'une autre manière. Cela montrait déjà que le rôle de la "pratique ultérieurement suivie" dans l'interprétation des Accords de l'OMC était très limité.

- Il fallait aussi se rappeler qu'il serait difficile, en pratique, de remplir les conditions d'établissement de la "pratique ultérieurement suivie" et que celleci serait rarement pertinente. Il ressortait clairement des termes de l'article 31.3 b) de la Convention de Vienne qu'une "pratique ultérieurement suivie" devait être de nature à établir un accord tacite entre les parties. Selon de savants commentateurs, cela exigeait une pratique ultérieurement suivie qui soit "concordante, commune et cohérente". La pratique devait aussi être commune à toutes les parties et serait donc particulièrement difficile à établir dans le cas d'un accord multilatéral.

- En l'espèce, il semblerait que l'existence d'une pratique ultérieure par laquelle était établi un accord à l'égard de l'interprétation des dispositions pertinentes de l'Accord sur les ADPIC pouvait être exclue, l'accord étant en vigueur depuis peu.

- Les réponses aux questions posées par le Groupe spécial aux tierces parties au présent différend montraient que la pratique qui pouvait exister n'était aucunement cohérente et concordante. Surtout, les Communautés européennes et leurs États membres avaient contesté la pratique du Canada qui faisait l'objet du présent différend dès que les textes législatifs sur lesquels elle était fondée avaient été notifiés au Conseil des ADPIC en 1996. Il était donc impossible d'alléguer qu'il y avait eu ne serait-ce qu'une ébauche d'accord sur la question.

a) Article 55.2 2) et article 55.2 3) de la Loi canadienne sur les brevets pris conjointement avec le Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés

- Aucune des onze tierces parties au présent différend ne permettait la fabrication et le stockage avant l'expiration du brevet, pas même ceux qui appuyaient certains aspects de l'argumentation du Canada. De plus, une comparaison entre l'exception canadienne pour la fabrication et le stockage et les exceptions proposées par les parties qui avaient négocié le Cycle d'Uruguay comme indiqué plus haut montraient que même des exceptions vaguement comparables n'avaient pas été proposées lors de ces négociations.

b) Article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets

- Il était intéressant de constater que plusieurs tierces parties, tout en considérant que la législation canadienne était compatible avec l'Accord sur les ADPIC, ne s'étaient pas dotées d'une législation autorisant de telles activités préalables à l'approbation de la commercialisation (Brésil, Colombie, Cuba, Inde, Pologne). C'était d'autant plus révélateur que ces pays bénéficiaient toujours des avantages de la période de transition prévue par l'article 65 de l'Accord sur les ADPIC et n'étaient donc pas encore tenus de se conformer à l'Accord (de même que l'Argentine, la Hongrie et Israël, auxquels le Canada avait fait référence à l'appui de ses arguments).

- Les États-Unis, le Japon et l'Australie (auxquels le Canada avait également fait référence à l'appui de ses arguments) avaient mis en place un système de prolongation de la durée des brevets ou de certificats spéciaux de protection, qui prolongeait la durée du brevet ou prévoyait certains droits exclusifs déterminés pour les produits pharmaceutiques pendant une période qui pouvait généralement durer jusqu'à cinq ans après l'expiration de la période de validité de 20 ans du brevet. Cette période particulière de protection additionnelle était généralement une période qui compensait dans une certaine mesure la durée du processus menant à l'obtention de l'approbation de commercialisation. Par conséquent, la question de savoir quelles activités étaient admissibles pour obtenir l'approbation de la commercialisation était axée sur la période postérieure à la durée de 20 ans du brevet.

- En ce qui concerne la Suisse, il existait un système de certificats spéciaux de protection prolongeant les droits de brevet pendant cinq ans au maximum et aucune activité préalable à la commercialisation n'était admissible avant l'expiration de la durée du brevet, y compris la période de protection prévue par le certificat spécial.

- Le Canada avait également fait référence à la pratique d'un certain nombre d'États membres des CE à l'appui de ses arguments. Toutefois, la situation n'était dans aucun de ces États membres ne serait-ce que vaguement comparable à celle créée au Canada par l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets. Au niveau communautaire, un certificat complémentaire de protection avait été créé pour les médicaments par le Règlement n° 1768/92 du Conseil (CEE). Par ce règlement, les droits de brevet concernant un ingrédient actif dont la commercialisation avait été approuvée pouvaient être prolongés pendant une période de cinq ans au maximum après l'expiration du brevet initial. En ce qui concerne les activités qui étaient admissibles sans l'autorisation du détenteur du brevet, cela devait être évalué conformément à la législation des États membres en matière de brevets. Il n'existait aucune exception pour des activités en rapport avec l'approbation réglementaire dans les États membres des CE. Il n'existait sur cette question aucune jurisprudence dans un certain nombre d'États membres mais lorsqu'une telle jurisprudence existait, des exceptions étaient admissibles pour des activités entreprises à titre expérimental pour faire progresser les connaissances scientifiques mais les activités qui ne tendaient qu'à obtenir l'approbation de la commercialisation d'un produit générique identique n'étaient pas admissibles.

Canada
4.32 En réponse, le Canada a maintenu que ni l'article 55.2 1) ni l'article 55.2 2) de sa Loi sur les brevets n'étaient contraires aux dispositions de l'Accord sur les ADPIC.

4.33 Selon le Canada, la prescription de non-discrimination de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC ne s'appliquait pas "généralement" de la manière indiquée par les Communautés européennes et leurs États membres et la seule question à régler en l'espèce était celle de savoir si les mesures du Canada étaient des "exceptions limitées" au sens de l'article 30. La réponse à cette question devait prendre en compte "les intérêts légitimes des tiers", ce qui comportait nécessairement un examen des valeurs de la société mentionnées ailleurs dans l'Accord sur les ADPIC, en particulier dans son article 7. Affirmer, comme le faisaient les CE, que l'Accord était "neutre à l'égard des valeurs de la société" privait les articles 7, 8 et 30 de leur sens. C'était pour ce motif que toutes les tierces parties au différend, à l'exception de la Suisse, avaient estimé comme le Canada que l'article 30 ne pouvait être compris que comme la disposition qui permettait aux Membres d'assurer un équilibre entre des préoccupations importantes de politique générale publique et les droits des détenteurs de brevet. Assurer un juste équilibre était un objectif central de l'Accord sur les ADPIC et les mesures du Canada y concouraient en répondant aux intérêts légitimes de tiers sans compromettre les intérêts commerciaux des détenteurs de brevet pendant la période de protection. Tous les tiers, sauf la Suisse, s'accordaient à penser avec le Canada que la théorie des CE sur l'attente d'"avantage économique" des détenteurs de brevet n'avait rien à voir avec les droits de propriété intellectuelle mais correspondait au contraire à une conception purement commerciale et que la prolongation effective de la durée du brevet que les CE cherchaient à obtenir en l'espèce n'était ni un droit reconnu par l'Accord sur les ADPIC, ni une obligation qu'il imposait.

4.34 Le Canada a également souligné que les tierces parties au différend, à la seule exception de la Suisse, avaient on ne peut plus nettement approuvé sa position selon laquelle "une exception pour les examens réglementaires" analogue à la disposition de l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets était une exception limitée du type permis par l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC. Les tierces parties ne souscrivaient donc pas à la thèse des CE lorsqu'elles soutenaient que l'Accord sur les ADPIC "était en principe neutre à l'égard des valeurs de la société" et avaient au contraire abondé dans le sens du Canada qui considérait que l'article 30 était le mécanisme par lequel les objectifs énoncés à l'article 7 de l'Accord, y compris le bienêtre social et économique, et un équilibre de droits et d'obligations, devaient être atteints. Une majorité de tierces parties avait également convenu qu'une exception pour le "stockage" comme celle de l'article 55.2 2) de la Loi sur les brevets était également compatible avec les prescriptions de l'article 30 et que l'on pouvait donc soutenir qu'il s'agissait bien d'une exception limitée aux droits exclusifs conférés par un brevet.

1) POINTS PRÉLIMINAIRES

4.35 Le Canada a répondu comme suit aux points de fait abordés par les CE ainsi qu'aux arguments qu'elles ont avancés en ce qui concerne la pertinence juridique de la "pratique ultérieurement suivie" dans d'autres pays:

a) Article 55.2 1) et 55.2 2) de la Loi canadienne sur les brevets

- Les CE avaient affirmé que l'exception pour les examens réglementaires "n'exigeait pas une demande effective d'approbation de la commercialisation au Canada ou dans un pays tiers, mais seulement l'intention de faire une telle demande". S'il était vrai que la protection au titre de l'article 55.2 1) pouvait commencer à être assurée avant le dépôt effectif d'une demande d'examen réglementaire (puisque le fabricant de génériques devait nécessairement mener des travaux de développement pour constituer le dossier d'information à fournir aux autorités réglementaires), le critère de détermination de l'application ou de la nonapplication de l'exemption n'était pas subjectif. En d'autres termes, il ne s'agissait pas de savoir si le fabricant de génériques avait l'intention de déposer une demande mais plutôt si, en se fondant sur une évaluation objective de tous les faits, l'utilisation d'une invention brevetée se justifiait parce que nécessaire à la présentation d'une demande d'examen réglementaire. Le texte anglais de la disposition contestée parlait expressément d'utilisations (uses) et non de "fins", mots qui étaient loin d'avoir le même sens.

- La trousse d'information du gouvernement canadien à laquelle les CE avaient fait référence comportait un tableau qui indiquait, dans une case correspondant à la rubrique "Exemptions aux contrefaçons", que les ÉtatsUnis n'avaient pas d'exception pour l'"emmagasinage". Cette indication était exacte. Les ÉtatsUnis n'avaient pas de disposition législative analogue à l'article 55.2 2) de la Loi canadienne sur les brevets. Mais, contrairement à ce qu'affirmaient les CE, le Canada n'avait pas allégué que les ÉtatsUnis avaient une exception pour le stockage dans leur législation. Au contraire, le Canada s'était borné à mentionner l'existence d'une directive du FDA selon laquelle "il apparaissait qu' [...] on faciliterait dans la pratique l'entrée rapide d'un produit pharmaceutique générique sur le marché des ÉtatsUnis après l'expiration du brevet" (pas d'italique dans l'original). Les CE étaient bien conscientes de la distinction entre obligations au titre de la loi et résultats pratiques puisque toute leur argumentation reposait sur une théorie concernant ce à quoi un détenteur de brevet devait s'attendre "d'un point de vue pratique", par opposition à ce qu'exigeaient expressément les termes de l'Accord sur les ADPIC. Toujours en se référant à la pratique du FDA, il fallait admettre que les ÉtatsUnis avaient indiqué que les déclarations du Canada étaient "inexactes du point de vue factuel". Toutefois, il était significatif que les ÉtatsUnis n'aient pas précisé d'où provenait l'inexactitude des déclarations du Canada et n'aient pas essayé de corriger cette inexactitude alléguée. En particulier, ils n'avaient pas indiqué en quoi l'interprétation du Canada ne correspondait pas à la pratique suivie au titre de la directive pertinente du FDA, qui se lisait comme suit: "Il est important que le fabricant rédige un protocole écrit de validation précisant les procédures à suivre (et les essais à effectuer) ainsi que les données à rassembler. Le but de la collecte des données doit être clair, les données doivent correspondre aux faits et être rassemblées avec rigueur et exactitude. Le protocole devrait prévoir un nombre suffisant d'essais répétés pour démontrer la reproductibilité et fournir une mesure exacte de la variabilité lors d'essais successifs." (pas d'italique dans l'original). Il convenait d'insister sur l'arrêt du Tribunal de district des ÉtatsUnis comportant une citation du témoignage fait en l'espèce par le titulaire du brevet au sujet de ce qu'impliquait la directive du FDA. Bien évidemment, le titulaire du brevet n'avait aucun intérêt à exagérer la portée de la directive puisqu'il n'aurait fait ainsi qu'élargir l'exonération de la responsabilité pour contrefaçon dont bénéficiait le défendeur. Compte tenu de cette considération et en l'absence totale de preuve contradictoire, on ne pouvait que conclure que la situation était celle décrite par le titulaire du brevet.

- En expliquant que la durée de la protection intégrale par les brevets au Canada était de neuf ans au maximum et de un an et demi au minimum au lieu du maximum de 20 ans prévu à l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC, les CE avaient décrit de manière inexacte l'effet du droit conféré par un brevet. Un brevet n'était pas une garantie qu'une invention serait sur le marché et serait rentable pendant toute sa période de validité. De nombreux facteurs influaient sur la période d'exclusivité au titre d'un brevet, en particulier le risque très réel qu'un concurrent mette un meilleur produit sur le marché et s'empare ainsi de celuici. Des questions de mise sur le marché ainsi que des questions politiques, juridiques ou commerciales pouvaient retarder ou empêcher la commercialisation effective du produit breveté ou empêcher ce produit de jouir ou au moins de jouir pendant longtemps d'une position dominante une fois arrivé sur le marché. De nombreuses inventions brevetées, voire la plupart d'entre elles, n'arrivaient jamais sur le marché. En outre, dans certaines industries (en particulier celles de l'électronique et de l'informatique), la période d'exclusivité effective sur le marché pouvait être très brève – jusqu'à quelques mois seulement – parce que la technologie se développait si vite que le produit breveté risquait d'être bientôt obsolète. Un brevet n'était pas une source de recettes de monopole garanties pour 20 ans par les pouvoirs publics. En outre, l'affirmation selon laquelle il y avait eu au Canada érosion de la durée de la protection complète conférée par les brevets était dépourvue de fondement. Pendant tout le temps qu'un fabricant de génériques consacrait à la préparation et à la production du dossier à fournir pour l'examen réglementaire, le titulaire du brevet pouvait exploiter pleinement celuici. Les activités du fabricant de génériques n'avaient pas de répercussions sur cette exploitation commerciale. Dès lors qu'un titulaire de brevet pouvait engager une action en contrefaçon ou une procédure sommaire afin d'empêcher la délivrance d'une autorisation de commercialisation pour un produit générique, l'argument selon lequel les exceptions limitées du Canada réduisaient la durée de la protection conférée par les brevets n'était pas défendable.

- Les CE avaient affirmé que, l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets envisageant des mesures visant à obtenir l'approbation de la commercialisation dans un autre pays, il permettait des activités échappant complètement au contrôle des autorités canadiennes. L'idée implicite que les pouvoirs publics devaient faire respecter les droits de brevet n'était étayée par aucune disposition de l'Accord sur les ADPIC. Le préambule reconnaissait expressément que "les droits de propriété intellectuelle sont des droits privés" et la Partie III indiquait clairement que leur respect devait être assuré par des voies de recours privées. Les termes de l'article 42 étaient sans équivoque à ce sujet: "Les Membres donneront aux détenteurs de droits accès aux procédures judiciaires civiles destinées à faire respecter les droits de propriété intellectuelle couverts par le présent accord." Un détenteur de droits qui constatait que son invention brevetée était exploitée au Canada sans son consentement était pleinement habilité à engager une action en justice pour que soient prises toutes les mesures correctives envisagées par l'Accord sur les ADPIC. Les autorités nationales n'avaient aucun rôle à jouer à cet égard.

b) Pratique ultérieurement suivie

- En ce qui concerne la pertinence des situations prévalant dans d'autres pays pour apprécier la législation canadienne contestée, les articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités indiquaient clairement que les renseignements de cette nature étaient très pertinents pour l'interprétation d'un traité puisqu'ils révélaient les circonstances dans lesquelles le traité avait été conclu (en l'espèce, les dispositions de leur propre législation nationale que les Membres, pouvait-on supposer, avaient cherché à préserver en négociant le traité) et la pratique ultérieurement suivie par les Membres dans l'application du traité (leur adoption de lois et de pratiques qu'ils estimaient conforme aux prescriptions du traité). Il a été fait référence à ce qui, à cet égard, est exposé plus haut à la section B et aux points qu'a fait valoir l'Australie en tant que tierce partie au différend.

- Ce qui "établit l'accord des parties à l'égard de l'interprétation" de l'accord dépendait des circonstances et du contexte. Dans le cas d'un important accord mondial comme l'Accord instituant l'OMC, qui était examiné et débattu en permanence par les Membres de l'Organisation, dans un cadre institutionnel, il y avait une forte présomption que les dispositions législatives qui étaient adoptées par des Membres importants immédiatement après l'accord et qui ne faisaient l'objet ni de contestation ni de protestation d'autres parties étaient en fait admises ou acceptées par les autres parties contractantes. En tant que telle, une pratique systématique d'adoption par des parties déterminantes de dispositions législatives promulguées à un moment critique sans susciter de protestation établissait effectivement "l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité". Cette observation s'appliquait aussi aux décisions judiciaires qui n'étaient pas infirmées par le législateur. Un échange de vues entre le Président et le Rapporteur spécial de la Commission du droit international (qui ont tous deux exercé par la suite la fonction de président de la Cour internationale de justice) intervenu lorsque les projets d'articles qui ont débouché sur la Convention de Vienne étaient en cours d'élaboration éclairait cette question. Pour être pertinente, la pratique ultérieure devait être "concordante", ce qui excluait – pour reprendre les mots du Président – "toute pratique unilatérale contestée par les autres parties". Le rapporteur spécial a expliqué que la pratique d'un certain nombre seulement des parties "n'était pas nécessairement exclue comme moyen d'interprétation", et même si elle n'était pas le fait d'un grand nombre de parties, elle pouvait servir "à titre indicatif" et il fallait alors apporter d'autres preuves à l'appui de l'interprétation proposée. Comme cela était suggéré plus haut, une absence de protestation ou de contestation de la part d'autres Membres de l'OMC face à un ensemble significatif de dispositions législatives (et de décisions judiciaires) pourrait bien fournir ces autres preuves.

2) ARTICLE 27:1 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

4.36 Le Canada a fait valoir les points additionnels suivants à l'appui de son argumentation selon laquelle la prescription de nondiscrimination de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC ne s'appliquait pas "généralement" de la manière invoquée par les CE. S'il en allait autrement, l'article 30 de l'Accord deviendrait inutile, contrairement aux premiers principes d'interprétation des traités. Ces principes admettaient que différentes dispositions conventionnelles pouvaient être en interaction de différentes manières. Il convenait donc de conclure que les "droits de brevet" visés à l'article 27:1 étaient les droits énumérés à l'article 28:1 sous réserve des exceptions limitées imposées au titre de l'article 30, mais non des autres "utilisations" au titre de l'article 31. L'opinion des CE selon laquelle la prescription de nondiscrimination de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC s'appliquait "généralement" et ne laissait aucune marge pour des exceptions limitées au titre de l'article 30 n'était celle d'aucune des tierces parties au différend sauf la Suisse.

- Les CE avaient affirmé que l'on n'aboutirait pas à des résultats "incongrus" si l'article 27:1 était interprété comme prescrivant que toute exception à des droits de brevet devait s'appliquer "généralement" à tous les domaines technologiques. Mais comme l'Inde l'avait succinctement fait observer en tant que tierce partie au différend, cette approche avait pour singulière conséquence que la législation canadienne, dont la portée devait être limitée au titre de l'article 30, était critiquée parce que sa portée était trop limitée.

- L'interprétation de l'article 27:1 proposée par les CE rendrait l'article 30 de l'Accord inopérant, aucune exception ne pouvant être assez large pour satisfaire le critère de nondiscrimination de l'article 27:1 et en même temps assez étroit pour répondre à celui d'"exception limitée" à l'article 30. De même, l'interprétation "absolue" préconisée par la Suisse en sa qualité de tierce partie au différend priverait l'article 30 de son sens. La Suisse exprimait l'opinion que l'interprétation canadienne ne pouvait être valable que si les mots "sous réserve des dispositions de la présente section (ou de l'article 30) [...]" étaient ajoutés au début de la deuxième phrase de l'article 27:1, mais ces termes additionnels signifieraient que l'article 30 pourrait être utilisé pour dénier toute possibilité d'obtenir un brevet. Une exception de cette nature ne serait guère "limitée" et ne serait pas compatible avec les autres prescriptions de l'article 30.

- Le principe de l'effet utile exigeait qu'un véritable sens soit donné à l'article 30 et que celuici ne soit pas stérilisé de la manière invoquée par les CE et la Suisse. Selon le Canada, et comme la Colombie l'avait dit en tant que tierce partie au différend, il fallait pour bien interpréter l'article 30 reconnaître que, par définition, cet article exigeait que l'avantage ne soit pas accordé horizontalement mais exclusivement lorsque cela était justifié parce que l'article 30 constituait une dérogation au principe de nondiscrimination.

- L'exemple des licences obligatoires mentionné par les CE ainsi que par les ÉtatsUnis en qualité de tierce partie au différend semblait avoir été invoqué comme fondement de l'argument selon lequel il devrait y avoir exactement la même interaction entre l'article 27:1 et l'article 30 qu'entre l'article 27:1 et l'article 31. Toutefois, l'examen des termes des articles 30 et 31 et de l'historique de la négociation de l'Accord sur les ADPIC montrait bien que ces dispositions avaient été adoptées à des fins très différentes et que leurs relations respectives avec la disposition antidiscriminatoire de l'article 27:1 n'étaient donc pas identiques. À cet égard, le fait qu'une disposition d'un traité pouvait en éclairer d'autres de différentes manières n'avait rien de remarquable et était entièrement compatible avec le principe de l'effet utile.

- L'article 30 était bien entendu rédigé de façon générale et définissait une large approche, fondée sur des critères, de la création d'exceptions. Par contre, les termes de l'article 31 étaient explicites et de portée limitée et n'autorisaient la concession de licences obligatoires que lorsque des conditions précises étaient remplies. Les termes de l'article 30 pouvaient, on l'a vu, être interprétés comme révélateurs d'une intention de donner aux Membres la latitude nécessaire pour assurer un juste équilibre de droits et d'obligations dans leur système national. Si l'expression "droits de brevet" figurant à l'article 27:1 devait être interprétée sans tenir compte des "exceptions limitées" de l'article 30, les Membres ne seraient pas en mesure d'assurer cet équilibre, et un objectif majeur de l'Accord sur les ADPIC ne pourrait pas être atteint. Un tel résultat ne serait pas conforme aux principes les plus fondamentaux de l'interprétation des traités et, par conséquent, les "droits de brevet" de l'article 27:1 devaient être compris comme désignant les droits énumérés à l'article 28:1, sous réserve des exceptions limitées imposées par l'article 30.

- Contrairement à ceux de l'article 30, les termes de l'article 31 n'avaient pas un caractère d'autorisation. Cet article définissait des conditions précises qui devaient être remplies ("[…] les dispositions suivantes seront respectées […]") pour permettre l'utilisation sans autorisation (c'estàdire la concession de licences obligatoires). Les États-Unis avaient soulevé, en tant que tierce partie au différend, la question de savoir pourquoi, si l'article 27:1 s'appliquait aux droits énoncés à l'article 28 tel que modifié par l'article 30, il ne s'appliquerait pas aussi aux droits énoncés à l'article 28 tel que modifié par l'article 31. Les CE, après avoir dit que l'article 27:1 devait s'appliquer aux licences obligatoires (c'estàdire à l'article 31) ont affirmé que le raisonnement qui avait été exposé en ce qui concerne les licences obligatoires s'appliquait également aux exceptions. La réponse à la question des ÉtatsUnis et à l'affirmation des CE était la suivante: l'article 31 avait un caractère d'obligation et devait manifestement (lorsqu'il était lu conjointement avec l'article 27:1) s'appliquer à tous les domaines technologiques. En revanche, l'article 30 avait un caractère d'autorisation et était manifestement lié aux objectifs de l'Accord sur les ADPIC énoncés dans son article 7. Il n'y avait aucune raison que la relation avec l'article 27:1 de l'article 30, qui avait un caractère d'autorisation, soit la même que celle de l'article 31, qui avait un caractère d'obligation. Si les rédacteurs de l'Accord sur les ADPIC avaient eu l'intention d'établir la même relation avec l'article 27:1 pour les articles 30 et 31, ces articles auraient tous deux eu un caractère soit d'autorisation, soit d'obligation. Leur libellé différent traduisait manifestement l'intention qu'ils aient un effet différent dans le cadre de l'Accord.

- Cette conclusion était renforcée par les indications que fournissait l'historique de la négociation de l'article 27:1. Comme indiqué plus haut, un des objectifs fondamentaux de cet article était l'élimination dans les législations nationales en matière de brevets des dispositions relatives aux licences obligatoires concernant les produits alimentaires et pharmaceutiques. Si l'expression "droits de brevet" désignait simplement dans cette disposition les droits restants une fois que la concession de licences obligatoires avait été imposée – c'estàdire si les rédacteurs de l'Accord sur les ADPIC avaient eu l'intention d'établir le même mode d'interaction de l'article 27:1 avec l'article 31 qu'avec l'article 30 – il n'y aurait pas de mécanisme pour assurer qu'un domaine technologique déterminé ne puisse être soumis à la concession de licences obligatoires, contrairement à l'intention des rédacteurs de l'Accord. La réalisation du but de la prescription antidiscriminatoire de l'article 27:1 deviendrait largement impossible. En conséquence, l'expression "droits de brevet" figurant à l'article 27:1 devait désigner les droits énoncés à l'article 28:1, sous réserve des "exceptions limitées" au titre de l'article 30 mais non des "autres utilisations" au titre de l'article 31.

- La position des ÉtatsUnis en tant que tierce partie au différend était que les exceptions au titre de l'article 30 ne pouvaient être appliquées de manière discriminatoire parce que ce serait contraire à l'article 27:1. Toutefois, les États-Unis devraient prendre en considération leur propre disposition "Bolar" qui – contrairement à l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets, neutre quant au domaine technologique – mentionnait expressément "les produits pharmaceutiques et les produits biologiques vétérinaires". Les ÉtatsUnis devaient concilier leur position selon laquelle les exceptions limitées de l'article 30 ne pouvaient être appliquées de manière discriminatoire avec leur disposition "Bolar" qui était propre à une technologie. Le moyen qu'ils avaient retenu à cet effet était que traitement différencié ne signifiait pas nécessairement traitement discriminatoire parce que des technologies différentes pouvaient exiger un traitement différent pour rétablir la "parité dans la jouissance". Cette argumentation se fondait sur la jurisprudence du GATT qui donnait à penser qu'un traitement différencié n'était pas nécessairement discriminatoire. L'argumentation de l'Australie en tant que tierce partie au différend semblait être une tentative de justifier la prolongation de la durée du brevet. Contrairement aux États-Unis, l'Australie n'avait pas expressément contesté la position du Canada sur la relation entre les articles 30 et 27. Au contraire, l'Australie considérait que la discrimination à laquelle s'opposait l'article 27 était le refus pur et simple de reconnaître les droits de brevet. Cette position n'était pas entièrement déraisonnable puisque toutes les exceptions citées à l'article 27:1  articles 65:4 , 70:8 et 27:2 et 3 - couvraient des situations où la reconnaissance des droits de brevet était refusée. L'Australie avait indiqué que le traitement différencié n'équivalait pas nécessairement à une discrimination, puis avait cité la prolongation de la durée du brevet comme un moyen de "rétablir l'équilibre des intérêts". S'il était possible qu'un traitement différencié n'équivale pas toujours à une discrimination, la position du Canada sur ce point ne correspondait ni à celle des États-Unis, ni à celle de l'Australie. En ce qui concerne l'argument des États-Unis selon lequel l'interprétation canadienne rendrait, pour ce qui est des exceptions aux droits exclusifs, l'article 27:1 redondant par rapport aux articles 28 et 30 parce qu'il faudrait, pour qu'une exception viole l'article 27:1, qu'elle viole aussi l'article 28 et qu'elle ne soit pas justifiée par l'article 30, il est difficile de voir comment constater que l'article 30 pouvait être appliqué sélectivement rendrait l'article 27:1 redondant. Les exceptions permises par l'article 30 étaient limitées et ne pouvaient donc avoir qu'un impact limité sur l'article 27. Le véritable problème de redondance se posait si les exceptions au titre de l'article 30 étaient tenues de se conformer à l'article 27. S'il était exigé que l'article 30 se conforme à l'article 27:1, l'article 30 deviendrait redondant ou inutile. Comme l'avait dit la Colombie en tant que tierce partie au différend, c'était précisément l'article 30 qui exigeait que les exceptions soient limitées: en d'autres termes, par définition, l'article 30 prescrivait de ne pas accorder l'avantage horizontalement, mais exclusivement lorsque c'était justifié. Autrement, accorder le bénéfice de cette exception à tous les secteurs de la technologie serait contraire à la première prescription de l'article 30. En conséquence, la condition énoncée à l'article 30 créait une dérogation au principe de nondiscrimination énoncé à l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC. La position colombienne semblait faire concorder de manière bien plus sensée les articles 27 et 30 que l'application d'une jurisprudence du GATT de 1994 établie dans des circonstances très différentes. L'affaire citée par les États-Unis avait trait à l'article III du GATT de 1947, qui exigeait que le traitement des importations ne soit pas moins favorable que celui des "produits nationaux similaires". L'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC se référait à différents domaines technologiques et donc à des produits qui n'étaient pas similaires. En résumé, la distinction mentionnée par les États-Unis et l'Australie entre traitement différencié et discrimination paraissait être moins un moyen de faire concorder l'article 27:1 et l'article 30 qu'un moyen de justifier leur propre législation manifestement discriminatoire, y compris, dans la communication de l'Australie, son plan de prolongation de la durée du brevet., 
- L'exception pour la "préparation pharmaceutique en officine" n'était pas incompatible avec l'article 27:1 mais c'était une "exception limitée" au sens de l'article 30 et, comme le Canada l'avait fait valoir tout au long de la présente procédure, les "droits de brevet" visés à l'article 27:1 étaient les droits de l'article 28:1 sous réserve des exceptions limitées imposées au titre de l'article 30. Toutefois, l'exception pour la "préparation pharmaceutique en officine" serait incompatible avec l'article 27:1 si l'une ou l'autre des deux interprétations différentes de cet article avancées en l'espèce devait être adoptée. Manifestement, l'interprétation "générale" par les CE de la prescription de nondiscrimination ne laissait à l'exception aucune chance de se maintenir puisque selon l'approche des CE il n'y avait absolument aucun traitement différencié susceptible de ne pas équivaloir à une discrimination prohibée. La théorie de certains autres participants, exposée à l'alinéa précédent du présent paragraphe, selon laquelle un traitement différencié selon le domaine technologique n'était pas nécessairement discriminatoire lorsqu'il pouvait être justifié par des circonstances extérieures causant une distorsion ne sauverait pas non plus cette exception. Elle irait elle aussi à l'encontre de l'article 27:1 parce qu'elle établissait une discrimination en fonction du domaine technologique et qu'elle érodait le droit du titulaire du brevet à exploiter commercialement son invention, à tout moment, pendant la durée de la protection, et ce sans mention de circonstances extérieures susceptibles de justifier le traitement différencié accordé à l'exploitation de l'invention pour une préparation en officine.

3) ARTICLE 30 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

4.37 En conséquence, le Canada a maintenu que la seule question qui se posait en l'espèce était celle de savoir si les mesures qu'il avait prises au titre de l'article 55.2 1) et 55.2 2) de la Loi sur les brevets étaient des "exceptions limitées" au sens de l'article 30. La réponse à cette question devait tenir compte "des intérêts légitimes des tiers" visés à l'article 30 et cela impliquait nécessairement un examen des articles 7 et 8 de l'Accord, et en particulier des valeurs de la société qui y étaient visées. Le Canada a fait valoir les autres points suivants à l'appui de sa position selon laquelle les mesures contestées étaient des exceptions limitées permises par l'article 30:
a) Articles 7 et 8 de l'Accord sur les ADPIC

- Les CE avaient soutenu que l'Accord sur les ADPIC dans son ensemble était neutre à l'égard des valeurs de la société et que les termes de son article 8:1 le confirmaient parce que aucune des considérations de politique générale publique visées dans la première moitié de la phrase ne pouvait être invoquée pour justifier des mesures incompatibles avec les dispositions de l'Accord. Le Canada convenait que des considérations de politique générale ne pouvaient justifier des mesures qui étaient incompatibles avec les dispositions de l'Accord sur les ADPIC. Mais ces dispositions comprenaient l'article 30. Les mesures compatibles avec cette disposition l'étaient parce qu'elles ne portaient pas atteinte, notamment, à l'exploitation normale du brevet ou, si elles y portaient atteinte, parce que celleci n'était pas injustifiée, "compte tenu des intérêts légitimes des tiers". Comme le Canada l'avait longuement fait valoir auparavant, les intérêts légitimes des tiers étaient déterminés notamment en se référant aux intérêts de la société mentionnés dans l'Accord sur les ADPIC luimême, y compris le premier considérant du Préambule et l'article 7, ainsi que l'article 8. Donc, les considérations de politique générale publique étaient très pertinentes pour la détermination de ce qui était "compatible avec les dispositions du présent accord".

- L'interprétation de l'article 8 proposée par les CE ôtait tout sens ou effet à cette disposition puisqu'elle laissait entendre que les seuls termes exécutoires étaient ceux qui exigeaient une compatibilité avec les dispositions de l'Accord autres que l'article 8 luimême. Même la Suisse, la seule tierce partie qui ait entièrement soutenu les CE, n'est pas allée si loin. Elle a accepté la règle d'interprétation des traités admise par l'Organe d'appel dans l'Affaire Essence, selon laquelle "[l]'interprète n'est pas libre d'adopter une interprétation qui aurait pour résultat de rendre redondants ou inutiles des clauses ou des paragraphes entiers d'un traité". S'il était inutile aux fins de la présente affaire de déterminer la portée précise de l'article 8, il était indispensable que celuici ne soit pas privé de son sens. L'approche canadienne, qui semblait être aussi celle du Brésil, de Cuba, des États-Unis, de l'Inde, d'Israël, de la Pologne et de la Thaïlande en tant que tierces parties au présent différend, reconnaissait que les intérêts de la société visés à l'article 8 pouvaient être protégés par des mesures répondant aux critères de l'article 30. Cette approche qui donnait un sens à l'article 8 devait être préférée à la disposition "inutile" que l'on obtiendrait si l'argument des CE était retenu.

- Les tierces parties qui viennent d'être mentionnées, ainsi que l'Australie, la Colombie et le Japon – en fait, toutes les tierces parties à l'exception de la Suisse – sont également convenus que l'article 30 était l'instrument par lequel les Membres pouvaient donner effet aux valeurs de la société visées à l'article 7. Ni les CE ni la Suisse n'avaient fait la moindre mention de l'article 7. Elles avaient au contraire cherché à interpréter isolément l'article 30 sans tenir compte des objectifs de l'Accord sur les ADPIC. Une telle approche était contraire aux premiers principes d'interprétation des traités. Comme l'indiquait l'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, les termes d'un traité devaient être interprétés "à la lumière de son objet et de son but". Ce principe, appliqué à la présente affaire, signifiait (comme le Brésil l'avait dit en tant que tierce partie au présent différend) que chaque article de l'Accord sur les ADPIC faisait partie d'un ensemble qui garantissait l'équilibre de droits et d'obligations.

- Quant aux termes de l'article 30 – qui, contrairement à l'article XX du GATT, ne mentionnait pas de valeurs particulières –, ils ne confirmaient pas que l'Accord sur les ADPIC était neutre à l'égard des valeurs de la société mais indiquaient plus probablement, selon le Canada, que la caractéristique marquante du libellé de l'article était qu'il ne limitait pas les Membres à des fins déterminées ou à des objectifs précis de politique générale et définissait au contraire de larges critères pour guider les Membres dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation. Loin de corroborer l'opinion selon laquelle l'Accord sur les ADPIC ne tenait aucun compte des intérêts de la société, les termes généraux de l'article 30 "faisaient écho" aux objectifs énoncés à l'article 7, comme les États-Unis l'avaient fait observer en tant que tierce partie au différend.

- Les CE avaient mal compris le fondement de la position canadienne selon laquelle les deux dispositions de sa Loi sur les brevets qui étaient contestées en l'espèce étaient des "exceptions limitées" au sens de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC. Le Canada ne disait pas que ses mesures n'étaient justifiées que par des "considérations de santé publique". Il faisait valoir, au contraire, que ces dispositions étaient compatibles avec l'article 30 parce qu'elles laissaient aux titulaires de brevet une complète liberté d'exploiter leurs droits pendant toute la durée de la protection conférée par celuici et n'avaient de répercussion sur cette exploitation commerciale qu'après son expiration. Leur but était de favoriser la concurrence pendant la période postérieure à l'expiration du brevet sur les marchés des produits réglementés, en particulier le marché des médicaments délivrés sur ordonnance, afin de maîtriser les coûts et de faciliter l'accès aux remèdes indispensables.

b) Interprétation des conditions énoncées à l'article 30 pour que soient consenties des exceptions aux droits conférés

- Les CE n'ont pas admis que les "intérêts légitimes des tiers" devaient être pris en compte quand on cherchait à déterminer si des exceptions limitées portaient ou non "atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet". Toutefois, il convenait de noter que la ponctuation de l'article 30 plaçait l'idée d'"atteinte de manière injustifiée" et celle de "préjudice injustifié" dans le même membre de phrase (mis en exergue par deux virgules) en dehors duquel était exprimée l'idée d'"intérêts légitimes". Cette interprétation indiquait manifestement que l'intention des rédacteurs était d'appliquer la notion d'"intérêts légitimes" aux deux considérations figurant dans le même membre de phrase, et c'était ce que semblaient penser aussi l'Australie, Cuba, les États-Unis et la Pologne en tant que tierces parties au différend., 

- Les CE avaient récapitulé les avis exprimés par trois "leaders d'opinion", dont le Canada, au cours des négociations du Cycle d'Uruguay, sans doute pour essayer de donner le sentiment que la portée de l'article 30 était restreinte. Toutefois, comme les termes de l'article 30 le montraient bien, les points de vue de ces "leaders d'opinion" n'avaient pas été retenus. Au contraire, les Membres s'étaient mis d'accord pour une approche fondée sur de larges critères. Les CE n'ont pas essayé d'appliquer les avis des "leaders d'opinion" aux termes qui figuraient maintenant à l'article 30, confirmant ainsi que ces avis n'étaient pas pertinents pour la tâche d'interprétation qui incombait au Groupe spécial.

- En réponse à une question du Groupe spécial, le Canada a expliqué pourquoi l'exception "d'antériorité" et l'exception pour "l'utilisation à des fins scientifiques ou expérimentales" satisferaient à chacun des critères de l'article 30 et rempliraient donc les conditions requises pour être admissibles au titre de cet article. Si les exceptions "d'antériorité" et pour "l'utilisation à des fins expérimentales" étaient toutes deux communes à la législation en matière de brevets de nombreux pays, les caractéristiques précises de la formulation de ces deux exceptions dans les lois nationales ou de leur application conformément à ces lois variaient par contre beaucoup. Aucune loi déterminée établissant de telles exceptions n'étant contestée en l'espèce, la réponse du Canada à la question du Groupe spécial devait donc revêtir un caractère général. Les arguments suivants ont été avancés:

i) L'exception "d'antériorité"

- En gros, l'exception prévoyait généralement que toute personne qui, avant la délivrance d'un brevet ou, dans certains systèmes juridiques, avant le dépôt ou la date de priorité de la demande de brevet, avait acheté, construit ou acquis une invention pour laquelle un brevet a été obtenu ultérieurement, était autorisée à utiliser et à vendre l'élément précis  article, machine, objet manufacturé ou composition de matières - ainsi acheté, construit ou acquis sans être pour autant responsable envers le titulaire du brevet.

- L'exception était "limitée" au sens de l'article 30 parce que: a) elle ne s'appliquait qu'à des personnes qui avaient acheté, construit ou acquis l'invention ou l'objet devenu par la suite objet breveté antérieurement à la date de délivrance, de demande ou de priorité, suivant le cas; et b) elle protégeait l'élément précis – article, machine, objet manufacturé ou composition de matières – acquis antérieurement à la date pertinente, et comme les éléments précis seraient dans la plupart des cas en nombre fini, ils ne risqueraient guère d'être mis dans les circuits commerciaux pendant une période assez longue. À ce dernier point de vue, il était important de noter que, si l'exception n'accordait aucun droit de continuer à fabriquer l'invention après la délivrance du brevet, l'élément précis – article, machine, objet manufacturé ou composition de matières – précédemment acquis pouvait continuer à être utilisé ou cédé après la délivrance du brevet. Il en résultait que l'exception risquait d'éroder les droits exclusifs d'utilisation et de vente du titulaire du brevet pendant un laps de temps indéterminé au cours de la période de protection dont bénéficiait l'invention. Dans certains cas, l'érosion des droits exclusifs du titulaire du brevet risquait de durer aussi longtemps que la validité de celui-ci. Il en serait ainsi, par exemple, lorsqu'une machine restait en état de fonctionner pendant toute la durée de la protection. Même chose lorsque a été acquis un stock assez important d'articles pour que ces articles continuent de se vendre pendant toute la durée de la protection. De même, si l'exception s'étendait à une invention concernant purement un procédé (question qui restait en suspens dans la législation canadienne), cela donnerait à l'"utilisateur antérieur" la possibilité de mettre le procédé en pratique sous couvert de l'exception pendant toute la durée du brevet. Donc, si l'exception était indiscutablement "limitée", l'étendue de son impact sur les intérêts commerciaux et les droits exclusifs du titulaire du brevet pouvait être très variable – de tout à fait insignifiante à constamment significative – selon le degré d'utilisation pouvant être fait de l'objet protégé pendant la durée du brevet.

- Si, comme ce qui précède semblait l'indiquer, on pouvait dire que l'exception d'"antériorité" portait atteinte à l'exploitation normale du brevet, cette atteinte n'était pas portée de manière injustifiée compte tenu de l'intérêt légitime en tant que tiers de l'"utilisateur antérieur" et de ses cessionnaires ou ayants droit. L'atteinte permise par l'exception n'était pas injustifiée parce que tout en respectant le "droit acquis" de l'"utilisateur antérieur" à l'utilisation de son objet ne constituant pas une contrefaçon, le titulaire du brevet restait habilité pendant toute la durée de la protection à exercer ses droits exclusifs à exploiter le brevet dans son propre intérêt commercial et à les exercer contre a) tous les autres utilisateurs ou vendeurs potentiels de l'invention ou de son produit et b) l'"utilisateur antérieur" qui a épuisé sa machine ou son approvisionnement en articles ne constituant pas une contrefaçon. D'ailleurs, l'exception ne protégeant pas l'"utilisateur antérieur" contre la fabrication ultérieure de l'objet breveté, il était extrêmement peu probable que, sans permis d'entreprendre de nouvelles activités de fabrication, l'"utilisateur antérieur" soit en mesure de soutenir efficacement la concurrence du titulaire du brevet uniquement parce qu'il était en possession d'un objet ne constituant pas une contrefaçon, et qu'il érode ainsi la capacité du titulaire du brevet d'agir en tant que monopoleur en ce qui concerne l'objet breveté.

- On ne saurait dire que l'exception d'"antériorité" causait un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers – en l'occurrence, l'"utilisateur antérieur" et ses cessionnaires et ayants droit – parce que le titulaire du brevet n'avait aucun droit exclusif dont il aurait pu se prévaloir au moment où le principal tiers (l'"utilisateur antérieur") avait acquis, ou avait appris à construire luimême, l'objet en cause, avant la publication de l'invention. Quels que puissent être ses intérêts économiques, on ne pouvait dire qu'un titulaire de brevet avait, en l'absence d'un pouvoir conféré expressément par la législation en matière de brevets, un intérêt légitime découlant de son brevet à priver un tiers d'un droit de propriété qui était né avant que le titulaire du brevet ait acquis le droit d'exclure les tiers de l'exploitation de son invention, ou à usurper ce droit. Sans l'exception, les titulaires de brevet pourraient exercer les recours prévus dans la législation en matière de brevets afin, essentiellement, d'exproprier sans dédommagement des biens ne constituant pas une contrefaçon au moment de leur fabrication ou de leur acquisition. Un tel résultat serait contraire aux principes équitables et de la "common law" relatifs aux entraves à l'exercice de droits acquis ainsi qu'aux règles de la "common law" concernant l'expropriation sans pouvoir explicite ou réparation suffisante. La société avait un intérêt supérieur à appliquer des règles équitables. Cet intérêt légitime de politique générale pour la protection des droits de l'"utilisateur antérieur" était un intérêt de tiers additionnel qu'il fallait aussi prendre en compte en assurant un équilibre entre le caractère justifié de l'intérêt du titulaire du brevet ultérieur à se prévaloir de ses droits de brevet acquis ensuite pour empêcher l'exploitation et le caractère justifié des intérêts relatifs à un bien acquis ou établis auparavant par un "utilisateur antérieur".

ii) L'exception pour l"'utilisation à des fins scientifiques ou expérimentales"

- Il était bien admis que le marché représenté par le brevet exigeait que l'invention soit divulguée pendant la période de protection d'une manière suffisamment claire et complète pour que des personnes du métier puissent la fabriquer et l'utiliser. Le fait que cette divulgation soit exigée donnait à penser qu'il y avait, même pendant la durée du brevet, des limites aux droits exclusifs de son détenteur, y compris une limite pour les utilisations à des fins scientifiques ou expérimentales. Comme l'a écrit le professeur Eisenberg: "Si le public n'avait absolument aucun droit d'exploiter ce qui a été divulgué sans le consentement du détenteur du brevet tant que la date d'expiration de celuici n'était pas passée, exiger que le public ait librement accès au début de la période de validité du brevet à ce qui a été divulgué n'aurait guère de sens. Le fait que la législation en matière de brevets facilite aussi manifestement des utilisations non autorisées de l'invention pendant que le brevet est en vigueur laisse penser que certaines de ces utilisations doivent être permises. Cette inférence est renforcée par des affaires dans lesquelles il a été reconnu, au moins en principe, que certaines utilisations à des fins expérimentales d'inventions brevetées ne devaient pas donner lieu à responsabilité pour contrefaçon."

- L'exception pour l'utilisation à des fins expérimentales était courante chez les Membres de l'OMC. Ainsi, la Convention sur le brevet communautaire de l'UE excluait de la contrefaçon – État par État lorsque c'était mis en œuvre par la législation nationale – la fabrication ou l'utilisation d'inventions brevetées à des fins purement expérimentales ou pour la recherche scientifique. Dans les pays de "common law" comme les ÉtatsUnis et le Canada, des décisions judiciaires avaient également admis ce type d'exception. La portée de l'exception variait d'un pays à l'autre, mais elle comportait ordinairement un ou plusieurs des éléments suivants: a) essai d'une invention pour déterminer si elle suffisait à obtenir le résultat souhaité ou la comparer à l'état antérieur de la technique; b) essais pour déterminer comment l'invention brevetée fonctionnait; c) expérimentation sur une invention brevetée afin de lui apporter des améliorations ou de travailler à une nouvelle invention brevetable; d) expérimentation à des fins de "conception autour" d'une invention brevetée; e) essai pour déterminer si l'invention permettait d'atteindre les buts poursuivis par l'expérimentateur en prévision d'une demande de licence; et f) expérimentation à des fins d'enseignement universitaire grâce à l'invention.

- L'exception pour l'utilisation à des fins expérimentales reposait sur la théorie que l'expérimentation était soit une exploitation de minimis de l'invention, soit une forme d'expérimentation scientifique, c'estàdire un "usage loyal". À ce titre, l'exception s'inscrivait bien dans le droit fil de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC. Elle était "limitée" en ce sens qu'elle ne s'appliquait qu'à l'expérimentation à des fins non commerciales, c'estàdire à des essais s'inscrivant dans le cadre de travaux universitaires ou scientifiques, ou à l'expérimentation à des fins commerciales quand une demande de licence était prévue. Intenter une action pour contrefaçon de brevet à un chercheur ou une université n'en vaudrait pas la peine, en particulier si les recherches ne menaçaient pas les intérêts commerciaux du détenteur du brevet.

- Cette exception ne portait pas atteinte à l'exploitation normale du brevet et ne causait pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, en ce sens que ce dernier gardait le droit, en tant que monopoleur, d'empêcher pendant la durée du brevet la commercialisation ou la vente de tout objet constituant une contrefaçon. À cet égard, au Canada, la Cour suprême avait adopté le raisonnement des tribunaux du Royaume-Uni selon lequel cette utilisation à des fins expérimentales ne comportait "ni exploitation ni vente de l'invention pour en tirer un bénéfice", autrement dit les motifs mêmes qui justifiaient les exceptions limitées prévues à l'article 55.2 de la Loi sur les brevets au titre de l'article 30.

- L'exception pour l'utilisation à des fins expérimentales tenait compte des intérêts légitimes des tiers en ce sens qu'une expérimentation à des fins non commerciales apporterait un concours au progrès de la connaissance scientifique et technique, au profit de la société dans son ensemble. Les chercheurs seraient confrontés à des tâches administratives dont la lourdeur ne se justifierait pas s'ils devaient effectuer des recherches sur les brevets existants et soit négocier des licences (même contre une redevance symbolique), soit être exposés à des litiges portant sur des brevets lorsqu'ils concevaient ou conduisaient des expériences. Il serait impensable de fermer ainsi la porte pour 20 ans à toute nouvelle recherche dès lors qu'un brevet était délivré. Les chercheurs se fondaient sur le postulat que la science progresserait plus rapidement s'ils avaient librement accès aux découvertes antérieures.

- Les CE avaient fait observer que Hong Kong, les ÉtatsUnis et le Canada avaient, à un moment donné des négociations, présenté des propositions comportant des termes plus restrictifs que ceux figurant aujourd'hui à l'article 30, propositions qui avaient mentionné expressément l'utilisation à des fins expérimentales. Les CE ont également admis qu'un scientifique avait un intérêt légitime à procéder à des expériences. Les CE ont explicitement admis que l'utilisation à des fins expérimentales en vue d'utilisations non commerciales était couverte par l'article 30. Pourtant, les CE avaient dit que les seuls tiers visés à l'article 30 qui pouvaient avoir un intérêt légitime étaient les producteurs potentiels. Comme indiqué plus haut, l'exception pour l'expérimentation à des fins non commerciales était motivée par le fait que la société dans son ensemble bénéficierait des progrès des connaissances scientifiques et techniques. La nécessité d'éviter un "demi-gel de la recherche" lorsque des brevets étaient délivrés ne correspondait pas à un intérêt limité concernant un concurrent immédiat mais à un intérêt durable largement partagé par l'ensemble de la société, qui profitait de l'utilisation de l'information scientifique pour créer des nouvelles et meilleures inventions. L'intérêt légitime à procéder à des expériences scientifiques que mentionnaient les CE n'était pas l'intérêt particulier du scientifique mais, au contraire, l'intérêt plus général de ceux qui bénéficieraient des résultats de ses expériences. En reconnaissant que l'article 30 couvrait l'exception pour l'utilisation à des fins expérimentales non commerciales, les CE avaient concédé que le terme "tiers" de l'article 30 n'était pas limité aux producteurs potentiels mais englobait aussi d'autres parties intéressées et la société dans son ensemble. Il a été dit que le caractère plus général des intérêts auxquels répondait l'exception pour l'utilisation expérimentale et la recherche scientifique justifiait qu'elle soit retenue, comme le professeur Straus l'a succinctement rappelé en écrivant: "Si l'on prend en compte la fonction d'information et d'incitation de la protection conférée par les brevets, cette limitation garantit à toutes les personnes du métier la liberté de procéder à des essais et à un examen des inventions brevetées sans le consentement du titulaire du brevet, même pendant la durée de la protection, pour établir l'utilité de l'invention et ses avantages et inconvénients pratiques et, surtout, pour élaborer, sur la base des connaissances ainsi acquises, des solutions meilleures (dépendantes du brevet) ou nouvelles (indépendantes du brevet)."

c) Article 55.2 1) et 55.2 2) de la Loi canadienne sur les brevets

i) "Limitées"

- En interprétant le terme "limitées" de l'article 30, les CE avaient proposé une liste de sens, qui, à l'exception de "restreintes", visaient tous à circonscrire les limitations admissibles à des mesures qui avaient peu d'impact, voire aucun (par exemple un impact "insignifiant"). Mais le sens ordinaire du terme n'était pas aussi étroitement défini. Le Black's Law Dictionary, par exemple, définissait "limité" comme signifiant "restreint; borné; prescrit. Confiné dans des limites concrètes, restreint quant à la durée, à l'ampleur ou à la portée". Donc, une exception "limitée" ne serait pas nécessairement mineure ou insignifiante. Elle pourrait avoir des conséquences très importantes mais remplir pourtant les conditions requises pour être "limitée" parce qu'elle était restreinte quant à sa durée.

- Les autres facteurs énoncés à l'article 30 exerceraient évidemment une influence sur ce qui serait considéré dans tel ou tel cas comme une "exception limitée" et c'est pourquoi on ne pouvait valablement s'attacher au terme "limitées" pris isolément pour déterminer la portée de l'article 30 dans son ensemble. Toutefois, même dans l'optique "isolationniste" des CE, l'interprétation du terme "limitées" qu'elles proposaient était problématique. Si l'article 30 avait en fait été destiné à ne permettre que des exceptions "mineures" ou "insignifiantes", il était difficile de voir comment ne seraitce qu'un seul des objectifs de l'Accord sur les ADPIC pouvait être atteint. L'équilibre global envisagé par l'article 7 ne pouvait être assuré si les seules mesures permises pour un des plateaux de la balance étaient celles qui importaient peu. Dans de telles circonstances, les articles 7 et 30, au moins, deviendraient "inutiles". Les principes de l'interprétation des traités ne le permettaient pas.

- De même, les principes d'interprétation ne corroboraient pas l'argument de la Suisse selon lequel le terme "limitées" pouvait être considéré comme correspondant à l'expression "à certains cas spéciaux" figurant à l'article 13 de l'Accord sur les ADPIC (et sous la forme "dans certains cas spéciaux" à l'article 9 2) de la Convention de Berne). Dans Japon  Taxes sur les boissons alcooliques, l'Organe d'appel avait dit clairement qu'il fallait bien faire la distinction entre différents termes et expressions. Si les rédacteurs de l'Accord sur les ADPIC avaient eu l'intention de donner à l'article 30 le même sens qu'à l'article 13, ils auraient évidemment utilisé les mêmes mots dans chacune de ces deux dispositions. Le fait qu'ils aient employé les mêmes termes dans l'article 26:2, mais non dans l'article 13 (ou dans l'article 17), était très significatif.

ii) "Ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet"

- Les CE semblaient considérer que les mesures canadiennes ne relevaient pas de l'article 30 parce qu'elles offraient des moyens de défense limités pour les actions en contrefaçon de brevet et que le droit d'empêcher des tiers de fabriquer et d'utiliser l'objet d'un brevet figurait parmi les droits de brevet fondamentaux. Si le droit d'empêcher des tiers d'utiliser une invention brevetée était effectivement un droit exclusif énoncé à l'article 28, il ne s'agissait pas en soi d'une "exploitation" du brevet au sens de l'article 30. Les droits exclusifs conférés par un brevet pouvaient avoir pour but de "favoriser l'exploitation effective de l'invention sur le marché", c'estàdire d'"offrir un panier pour y mettre la rémunération obtenue" sur le marché, mais les droits exclusifs euxmêmes ne devaient pas être confondus avec l'exploitation effective de l'invention. Les mesures du Canada ne portaient nullement atteinte à l'exploitation effective de l'invention sur le marché et il n'y avait donc aucune atteinte, et à plus forte raison, aucune atteinte injustifiée, à l'exploitation normale du brevet.

- Selon les CE, les arguments du Canada se fondaient sur une conception erronée des droits de brevet. Il semblait toutefois manifeste que l'argumentation des CE découlait de l'idée erronée que l'article 30 était "inutile". En d'autres termes, les CE n'admettaient pas que les droits de brevet puissent être limités d'une manière quelconque, comme l'attestait leur affirmation selon laquelle les mesures du Canada causaient un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet parce que ces intérêts ne pouvaient consister qu'en la pleine jouissance de tous ses droits de brevet pendant toute la durée de celuici. Cela ne laissait aucune place à un quelconque préjudice causé aux intérêts du détenteur d'un brevet et assimilait "l'exploitation normale" à une "exploitation sans entraves", nonobstant le fait que l'article 30 admettait sans ambiguïté la notion de préjudice justifié. Là aussi, une erreur fondamentale d'interprétation d'un traité était commise en n'accordant aucun sens à des mots ordinaires.

iii) "Ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers"

- L'affirmation des CE selon laquelle les seuls intérêts de tiers qu'il était pertinent de prendre en considération en l'espèce étaient ceux des fabricants potentiels de génériques reposait sur des thèses - inexactes, avait fait valoir le Canada - selon lesquelles l'Accord sur les ADPIC était neutre à l'égard des valeurs de la société et l'article 30 devait être interprété en faisant abstraction des autres dispositions, et en particulier de l'article 7. En outre, même si les CE avaient raison de considérer que la consommation d'un médicament par un patient n'était pas un acte ayant une pertinence quelconque du point de vue des brevets, les questions en cause avaient trait à l'acquisition, et non à la consommation, d'un médicament et à l'état de la concurrence dans laquelle cet acte intervenait. Il s'agissait là de questions qui étaient intimement liées à l'offre à la vente et à la vente d'un médicament - deux des droits fondamentaux d'un détenteur de brevet recensés par les CE - et qui soulevaient en dernière analyse le point de savoir si les avantages économiques exclusifs d'un titulaire de brevet pouvaient être prolongés en vertu de l'Accord sur les ADPIC dans la période postérieure à l'expiration du brevet, causant ainsi un préjudice économique aux consommateurs, aux régimes publics d'assurance-médicaments et à d'autres tiers payants.

- En ce qui concerne les activités envisagées par l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets, les CE avaient dit que puisque la présentation d'un dossier à une autorité réglementaire d'un pays étranger y figurait, l'ampleur des activités admissibles échappait complètement au contrôle des autorités canadiennes. Pour les motifs exposés plus haut, la pertinence de cette allégation en l'espèce n'apparaissait pas puisque l'Accord sur les ADPIC envisageait des moyens privés de faire respecter les droits privés sur lesquels il portait. La pertinence de l'allégation ultérieure des CE selon laquelle les conditions à remplir pour obtenir l'approbation de la commercialisation dans d'autres pays ne seraient pas connues au Canada n'apparaissait pas non plus clairement. Pour faire respecter leurs droits au Canada, les titulaires de brevet n'avaient pas besoin de connaître les prescriptions réglementaires d'autres pays. Il leur suffisait de savoir que leur invention était exploitée sans leur consentement puisque ce serait manifestement au défendeur qu'il appartiendrait d'établir un moyen de défense en vertu de l'article 55.2 1) ou 55.2 2).

- Bien que les CE aient soutenu que le Canada avait mêlé deux questions distinctes en mettant en évidence les avantages "inattendus" dont bénéficiaient les titulaires de brevet pendant la période suivant son expiration en vertu d'un dispositif correspondant à la position prise par les CE en l'espèce, il était manifeste que la théorie des CE rendait floue la distinction entre deux concepts très différents. Suivant les explications données par les CE, le titulaire de brevet bénéficiait d'un "droit légal de brevet" pendant la période de protection et "s'attendait aussi à un avantage économique" pendant la période suivante, qui s'accompagneraient, l'un et l'autre, d'une faculté fondée sur l'Accord sur les ADPIC. Toutefois, s'il était incontestable que le droit relevait de l'Accord sur les ADPIC, cet accord ne prenait pas l'attente en compte et ne cherchait aucunement à la protéger. Toute l'argumentation des CE avait trait à la prolongation effective des droits de brevets audelà de la période minimale de protection prescrite par l'Accord sur les ADPIC et faisait valoir non des droits de propriété intellectuelle mais des intérêts commerciaux.

4) EXCEPTION POUR LA PRODUCTION D'UN DOSSIER RÉGLEMENTAIRE EN VERTU D'UNE LOI "ÉTRANGÈRE"

4.38 Développant ses arguments en réponse à l'allégation des CE selon laquelle, l'exception prévue à l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets s'étendant à la présentation d'un dossier à une autorité de réglementation étrangère, l'ampleur des activités admissibles au titre de cette disposition échappait complètement au contrôle des autorités canadiennes, le Canada a fait valoir que cet élément de l'article 55.2 1) était conforme aux prescriptions de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC. Selon les CE, cet élément portait atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet parce qu'il exonérait de la responsabilité pour contrefaçon les utilisations d'une invention brevetée qui se justifiaient dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information qu'obligeait à fournir une loi étrangère. Les ÉtatsUnis avaient également exprimé l'opinion, en tant que tierce partie au présent différend qu'une exception pour les "essais avant expiration" prenait en compte les intérêts légitimes des consommateurs mais que seuls les intérêts des consommateurs nationaux pouvaient être retenus, les essais pour "l'approbation réglementaire à l'étranger" n'entrant pas dans le cadre d'une exception "bien conçue". Le Canada considérait que cet élément de l'exception pour l'utilisation à des fins réglementaires était identique aux autres éléments, en ce sens qu'il n'avait pas de répercussion sur les droits fondamentaux des détenteurs de brevet pendant la durée de la protection et n'avait une incidence sur l'exploitation économique du brevet qu'après son expiration. Il différait des autres éléments en ce sens qu'il servait les intérêts légitimes des tiers dans d'autres pays du monde en leur permettant d'obtenir des médicaments indispensables dès que possible après l'expiration du brevet. La réalisation de cet objectif était conforme à ceux de l'Accord sur les ADPIC parce qu'elle visait à protéger la santé publique et parce qu'elle réduisait les distorsions du commerce international et les entraves à celui-ci. Les points suivants ont été avancés à l'appui de cette position:

a) Le caractère mondial de l'industrie pharmaceutique

- Les entreprises pharmaceutiques spécialisées dans les produits d'origine comme celles qui se spécialisaient dans les génériques avaient un caractère mondial. Pour les médicaments d'origine comme pour les génériques, des industries pleinement intégrées n'étaient en place que sur le territoire d'un très petit nombre de pays. Même dans les grands pays, les producteurs de génériques devaient fréquemment obtenir des ingrédients tels que les produits chimiques fins en s'adressant à des producteurs d'autres pays. De nombreux pays n'avaient absolument aucune industrie du générique et devaient se procurer des produits génériques (ainsi que des produits d'origine) dans d'autres pays. Les petits pays où l'on trouvait effectivement des entreprises fabriquant des génériques n'avaient pas un marché intérieur d'une taille suffisante pour permettre des économies d'échelle. Ces entreprises devaient exporter afin d'être en mesure de fabriquer des quantités suffisantes de leurs produits pour réaliser des économies d'échelle de manière que les consommateurs nationaux puissent bénéficier des avantages de produits génériques d'un bon rapport qualité/prix.

- Les ÉtatsUnis ont reconnu qu'une exception pour les "essais avant expiration" était une exception justifiée aux droits exclusifs conférés au titre de l'Accord sur les ADPIC. Toutefois, le marché des ÉtatsUnis était assez vaste pour que les producteurs de génériques fassent des économies d'échelle. Très peu de pays étaient dans la même position. Les exceptions pour les "essais avant expiration" qui avaient pour effet de limiter toutes les activités à un seul pays ne servaient pas à grand-chose pour les pays qui, contrairement aux ÉtatsUnis, étaient tributaires du commerce international pour se procurer des produits génériques.

- En fait, en vertu de la législation des ÉtatsUnis, l'exemption "Bolar" prenait en compte l'un des deux membres de l'équation du commerce international en autorisant expressément les importations. Avec cette disposition, le Congrès des ÉtatsUnis avait manifestement envisagé que certains éléments du processus d'"essais avant expiration" se situeraient dans des pays autres que les ÉtatsUnis. L'Énoncé des mesures administratives prises par le gouvernement des ÉtatsUnis en rapport avec la Loi sur les Accords issus du Cycle d'Uruguay mentionnait expressément l'exemption des ÉtatsUnis comme exemple d'exception limitée permise au titre de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC. L'Accord sur les ADPIC exigeant qu'une protection soit conférée par des brevets dans la totalité des 134 Membres de l'OMC en 2005 au plus tard, les rédacteurs de l'Énoncé de mesures administratives devaient avoir envisagé que d'autres pays auraient des exceptions pour les "essais avant expiration" qui permettraient de mener des activités afin d'obtenir l'approbation réglementaire aux États-Unis. L'exception limitée du Canada était une mesure de ce type.

b) La nécessité mondiale d'accéder aux médicaments essentiels

- S'ils n'étaient pas fabriqués dans tous les pays du monde, les médicaments génériques y avaient bien entendu une contribution à apporter à la promotion de la santé publique. Selon l'Organisation mondiale de la santé, plus d'un tiers de la population mondiale n'avait pas régulièrement accès à des médicaments essentiels. Chaque année, des millions d'enfants et d'adultes de pays en développement mouraient encore dans le monde de maladies pouvant être aisément traitées par des médicaments, et être traitées plus économiquement par des médicaments génériques.

- De nombreux pays n'avaient toujours pas les installations et les compétences nécessaires pour s'assurer de l'innocuité, de l'efficacité et de la qualité des médicaments destinés à leur marché national et restaient tributaires d'autorités étrangères dignes de confiance pour définir les normes nécessaires et de fabricants de génériques étrangers pour procéder aux essais indispensables au regard de ces normes. Ainsi, une étude de 36 pays africains effectuée en 1993 par l'Organisation mondiale de la santé avait constaté que trois d'entre eux seulement avaient une "capacité limitée de réglementation des médicaments". Aucun pays africain n'avait ce que l'OMS appelait une "capacité complète de réglementation des médicaments".

- Le refus de permettre des essais de médicaments génériques aux fins de la production dans un pays étranger du dossier d'information réglementaire pendant la période de protection des brevets, tout en les autorisant aux fins de la présentation de ce dossier aux autorités nationales, retarderait inutilement le processus d'examen réglementaire dans de nombreux pays. De ce fait, il ne serait pas facile de se procurer des médicaments génériques et de nombreuses maladies pouvant être traitées continueraient de ne pas l'être pendant la période suivant l'expiration du brevet. De plus, un tel refus obligerait à répéter entièrement les essais dans les pays étrangers. L'Organisation mondiale de la santé s'opposait aux essais multiples sur l'homme en raison de leurs incidences sur les ressources des pays en développement.

- En conséquence, si les "essais avant expiration" admissibles devaient être limités aux seules activités en rapport avec l'examen réglementaire national, la protection de la santé publique en pâtirait incontestablement. Une valeur importante dont il est fait expressément état à l'article 8:1 de l'Accord sur les ADPIC serait compromise.

c) Le contexte de l'Accord sur les ADPIC

- L'Accord sur les ADPIC n'était pas une convention autonome sur la propriété intellectuelle comme la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle et la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques. C'était au contraire un élément d'un dispositif beaucoup plus vaste dont le but fondamental était la réduction des obstacles au commerce. Le titre complet de l'Accord sur les ADPIC était Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce et la toute première ligne de son Préambule exprimait le désir des Membres "de réduire les distorsions et les entraves en ce qui concerne le commerce international […]". L'Accord sur les ADPIC était un des 15 accords énumérés à l'Annexe I de l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce (l'"Accord sur l'OMC"). Un des objectifs de cet accord était énoncé dans son Préambule comme suit: "Désireuses de contribuer à la réalisation de ces objectifs par la conclusion d'accords visant, sur une base de réciprocité et d'avantages mutuels, à la réduction substantielle des tarifs douaniers et des autres obstacles au commerce et à l'élimination des discriminations dans les relations commerciales internationales." Comme indiqué à l'article XVI:3 de l'Accord sur l'OMC, les dispositions de cet accord prévalaient sur les dispositions des accords commerciaux multilatéraux, dont l'Accord sur les ADPIC.

- La protection des droits de propriété intellectuelle était indispensable à l'intégrité du système commercial international parce que les pays qui ne respectaient pas ces droits pouvaient être injustement avantagés par rapport aux pays qui les respectaient et les protégeaient. Un des principaux objectifs de l'Accord sur les ADPIC, qui constituait l'un des accords dont se composait le système commercial international, était l'élimination, grâce à l'établissement de normes que tous les Membres devaient appliquer, des distorsions résultant du fait que certains pays "profiteurs" ne respectaient pas les droits de propriété intellectuelle.

- Mais les droits de propriété intellectuelle, en conférant des droits exclusifs à ceux qui en étaient les titulaires, entravaient euxmêmes le commerce lorsqu'ils étaient interprétés comme s'il s'agissait de droits souverains. Le premier considérant du Préambule de l'Accord sur les ADPIC le concédait. Le texte intégral de ce considérant était le suivant: "Désireux de réduire les distorsions et les entraves en ce qui concerne le commerce international, et tenant compte de la nécessité de promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle et de faire en sorte que les mesures et les procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle ne deviennent pas ellesmêmes des obstacles au commerce légitime." Ce considérant mettait l'accent sur la réduction des "distorsions et entraves en ce qui concerne le commerce international". La protection des droits de propriété intellectuelle était mentionnée comme un facteur qu'il fallait prendre en compte en poursuivant cet objectif général. Comme en témoignaient les Préambules des deux accords, celui sur les ADPIC et celui sur l'OMC, la protection des droits de propriété intellectuelle prévue dans l'Accord sur les ADPIC devait s'inscrire dans le contexte plus large de la réduction des "obstacles au commerce" (Accord sur l'OMC), ainsi que de la nécessité de faire en sorte que l'existence et l'application des droits de propriété intellectuelle n'entraînent pas des "distorsions et entraves en ce qui concerne le commerce international" (Accord sur les ADPIC). Par conséquent, si la protection des droits de propriété intellectuelle en vertu de l'Accord sur les ADPIC devait être suffisante pour atteindre ces buts, il ne fallait évidemment pas la laisser compromettre ces objectifs plus larges.

- Une exception pour les "essais avant expiration" qui ne permettait pas d'activités en rapport avec une approbation réglementaire à l'étranger n'était utile que pour les pays ayant un marché de dimension suffisante pour effectuer les économies d'échelle indispensables à la survie d'entreprises nationales de production de génériques. Elle ne tenait pas compte du fait que la plupart des pays étaient tributaires du commerce international pour leur approvisionnement en médicaments génériques. Pour être compatible avec le premier considérant du Préambule de l'Accord sur les ADPIC et avec l'objectif fondamental de l'Accord sur l'OMC énoncé dans son Préambule et cité plus haut, une exception pour les "essais avant expiration" devait prendre en compte les approbations réglementaires à l'étranger pour que l'objectif d'élimination des entraves au commerce international puisse être atteint.

d) Approbation réglementaire à l'étranger et article 30 de l'Accord sur les ADPIC

- Faire figurer l'"approbation réglementaire à l'étranger" dans une exception pour les "essais avant expiration" était compatible avec les prescriptions de l'article 30. Le but de l'Accord sur les ADPIC étant de "réduire les distorsions et les entraves en ce qui concerne le commerce international", le système des ADPIC était un dispositif transfrontières. Comme l'a dit l'Australie en tant que tierce partie au différend, l'Accord sur les ADPIC reconnaissait la nécessité d'assurer cet équilibre par-delà les frontières et prenait acte des effets de distorsion des échanges résultant d'une protection insuffisante ou inconsidérée des droits de propriété intellectuelle, ainsi que de l'impact de formes inégales ou non concordantes de protection.

- Le système des ADPIC ayant été conçu comme international et constituant donc un dispositif transfrontières, il n'y avait aucune raison pour que les intérêts légitimes des tiers d'autres pays ne puissent pas être pris en compte lorsqu'on recourait à une exception limitée au titre de l'article 30. Comme indiqué plus haut, très peu nombreux étaient les pays qui, comme les États-Unis, avaient un marché de dimension suffisante pour qu'une industrie nationale de production de génériques soit viable et beaucoup de pays n'avaient absolument aucune industrie du générique. Une limitation de la portée de l'exception pour les "essais avant expiration" à l'approbation réglementaire nationale avait pour effet de retarder le moment où les consommateurs et les organismes publics d'autres pays bénéficieraient des avantages des médicaments génériques.

- À titre subsidiaire, si les intérêts légitimes des tiers d'autres pays ne devaient pas être pris en compte, les intérêts des titulaires de brevet de ces pays ne devraient pas non plus être pris en compte. Si le pays en question était un Membre, les intérêts des titulaires de brevet y seraient protégés conformément aux lois de ce pays en matière de propriété intellectuelle, qui devaient se conformer à l'Accord sur les ADPIC tel qu'il s'appliquait à ce pays. Si le pays en question n'était pas Membre et ne protégeait pas les droits de propriété intellectuelle, le titulaire du brevet n'avait dans ce pays aucun intérêt à protéger.

- En ce qui concerne l'observation des CE selon laquelle, dès lors que les activités visées à l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets étaient autorisées en vue d'obtenir l'approbation de la commercialisation dans tout pays du monde, l'ampleur de ces activités et leur durée pendant la période de validité du brevet étaient totalement illimitées et échappaient complètement au contrôle des autorités canadiennes, il convenait de faire observer que tout l'intérêt de l'Accord sur les ADPIC était de définir des normes applicables sur le territoire de tous les Membres de l'OMC à la protection de la propriété intellectuelle. Par conséquent, si le processus d'approbation réglementaire échappait à l'étranger au contrôle des autorités canadiennes, l'exploitation des inventions brevetées dans les pays étrangers relevait de la législation en matière de brevets de ces pays, dont la plupart étaient ou seraient bientôt tenus de se conformer aux prescriptions de l'Accord sur les ADPIC.

e) Création d'un obstacle au commerce

- Comme indiqué plus haut, l'exemption "Bolar" prévue par la législation des ÉtatsUnis a expressément exonéré de la responsabilité pour contrefaçon l'"importation aux États-Unis" d'une invention brevetée "lorsqu'elle se justifiait dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information qu'oblige à fournir une loi fédérale" (et l'Office de contrôle des médicaments et des produits alimentaires a autorisé la production de données cliniques obtenues à l'étranger). L'exemption pour l'importation présumait que des tiers mèneraient dans d'autres pays des activités qui constitueraient sinon une violation des prescriptions de l'Accord sur les ADPIC.

- Une prohibition indirecte (par le biais de systèmes de brevets étrangers) des "essais avant expiration" étrangers, alors que des essais nationaux pouvaient être autorisés, serait donc incompatible avec la politique d'acceptation des essais et des échantillons étrangers aux fins du FDA qui était manifestement celle des États-Unis et constituerait une évolution en direction du protectionnisme. Les fabricants de génériques seraient désormais protégés aux ÉtatsUnis contre la concurrence des pays qui, comme le Canada, autorisaient les "essais avant expiration". Cela empêcherait d'atteindre l'objectif de l'Accord sur les ADPIC, tel qu'il est énoncé dans le premier considérant de son Préambule, à savoir "faire en sorte que les mesures et les procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle ne deviennent pas ellesmêmes des obstacles au commerce légitime". De plus, une telle prescription serait contraire à l'esprit de l'Accord sur les obstacles techniques au commerce dont les articles 2:2 et 6:1 stipulaient respectivement que "[les] Membres feront en sorte que l'élaboration, l'adoption ou l'application de règlements techniques n'aient ni pour objet ni pour effet de créer des obstacles non nécessaires au commerce international […]" et que "[…] les Membres feront en sorte, chaque fois que cela sera possible, que les résultats des procédures d'évaluation de la conformité d'autres Membres soient acceptés, même lorsque ces procédures diffèrent des leurs, à condition d'avoir la certitude que lesdites procédures offrent une assurance de la conformité aux règlements techniques et aux normes applicables équivalentes à leurs propres procédures […]".

- Une interprétation aussi restrictive de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC serait donc contraire au principe énoncé à l'article 31.3 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, qui prescrivait qu'il soit tenu compte non seulement du contexte du traité en question, mais aussi "de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties". En outre, l'Accord sur les ADPIC et l'Accord sur les obstacles techniques au commerce faisaient tous deux partie d'un cadre conventionnel global créé par l'article II:2 de l'Accord sur l'OMC, dont toutes les dispositions devaient être interprétées conjointement pour créer un système cohérent. L'Accord sur les obstacles techniques au commerce faisait partie du contexte dans lequel l'Accord sur les ADPIC devait être interprété conformément à l'article 31.2 de la Convention de Vienne.

5) APPLICATION DE L'ARTICLE 33 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

4.39 Le Canada a également maintenu que les CE n'étaient pas fondées à soutenir que l'article 55.2 1) et 55.2 2) réduisait la durée de la protection à un laps de temps inférieur au minimum prescrit par l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC. Comme les États-Unis l'avaient fait observer en tant que tierce partie au différend, la Loi canadienne sur les brevets assurait manifestement la durée de protection voulue et la seule question était celle de savoir si les droits conférés pendant cette période correspondaient aux normes de l'Accord sur les ADPIC.

Les Communautés européennes et leurs États membres
4.40 Les Communautés européennes et leurs États membres ont fait valoir que l'article 55.2 2) et 55.2 3) de la Loi canadienne sur les brevets ainsi que les Règlements sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés étaient contraires aux articles 28:1 et 33 de l'Accord sur les ADPIC, que l'article 55.2 1) de la Loi était contraire à l'article 28:1 de l'Accord et que ces dispositions étaient contraires à l'article 27:1 de l'Accord. Les observations supplémentaires suivantes ont été faites en réponse aux arguments du Canada:

1) ARTICLE 27:1 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

- Tout en admettant que l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC s'appliquait à l'article 31, le Canada a tenté de distinguer ce dernier de l'article 30 pour des raisons systémiques, en considérant que l'article 31 avait un caractère d'obligation et l'article 30 un caractère d'autorisation. Les CE contestaient non seulement la conclusion du Canada, mais aussi l'argument lui-même. Les articles 30 et 31 étaient tous les deux des dispositions ayant un caractère d'autorisation. Aux termes de l'article 30, un Membre pouvait, dans certaines conditions, prévoir des exceptions aux droits conférés par un brevet et, aux termes de l'article 31, il avait la possibilité d'accorder des licences obligatoires. Les conditions mentionnées à l'article 31 ne devaient être appliquées que si un Membre décidait d'accorder des licences obligatoires. Autrement dit, aux termes de l'Accord, aucun Membre n'était obligé de prévoir des exceptions conformément à l'article 30 ou d'accorder des licences obligatoires conformément à l'article 31.

- En ce qui concernait les objectifs des articles 30 et 31, les CE estimaient, contrairement au Canada, que ces deux dispositions avaient un but commun, qui était de donner aux Membres de l'OMC la possibilité de restreindre les droits conférés par un brevet dans des conditions bien définies. Alors que l'article 30 était un dispositif de réglage précis, l'article 31 permettait d'empiéter davantage sur les droits de brevet. En termes militaires, l'article 30 pouvait être comparé à une arme légère et l'article 31 à l'artillerie lourde.

2) ARTICLE 30 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

- En ce qui concernait l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, la divergence de vues entre les parties concernait essentiellement la portée des exceptions autorisées. Alors que les CE considéraient que l'article 30 permettait seulement des exceptions mineures, à des fins de réglage précis, aux droits exclusifs conférés par un brevet conformément à l'article 28:1 de l'Accord, et non des mesures incompatibles avec la clause de nondiscrimination de l'article 27:1, le Canada considérait que l'article 30 était la disposition essentielle de la section relative aux brevets, permettant aux Membres de l'OMC de déroger librement aux obligations énoncées dans cette section pour tenir compte des valeurs de leur société. Les CE ont soutenu que l'article 30 permettait seulement des exceptions mineures, affirmant que cela découlait du texte, du contexte et de l'historique de la négociation de cette disposition. L'article 30 était analogue à d'autres dispositions de l'Accord prévoyant des exceptions mineures, comme les articles 13, 17 et 26:2. Toutes ces dispositions étaient fondées sur le principe de l'exception à la règle et limitaient les exceptions à la règle – en des termes qui n'étaient pas nécessairement identiques.

- À propos du terme "limitées", employé à l'article 30, le Canada semblait dire que toute exception à la règle qui n'était pas illimitée répondait à la condition prescrite, à savoir être "limitée". Si cette interprétation était la bonne, l'article 30 pouvait être invoqué pour ramener à un jour la durée d'un brevet ou pour réduire les droits conférés par un brevet à un droit de commercialisation exclusif, ce qui irait à l'encontre du principe de l'exception à la règle. En conséquence, les CE contestaient l'affirmation du Canada selon laquelle des exceptions limitées pouvaient avoir des conséquences très importantes et être quand même considérées comme limitées parce que leur durée était limitée.

- Le Canada a attribué à un membre du Groupe spécial l'idée qu'une exception d'"antériorité" pouvait constituer une atteinte injustifiée à l'exploitation normale si l'on ne tenait pas compte des intérêts des tiers. Les Communautés européennes et leurs États membres ont fait valoir qu'une exception d'"antériorité" classique serait couverte par l'article 30 si elle visait à permettre la liquidation de stocks de produits fabriqués avant l'obtention de la protection par un brevet, à condition que les quantités concernées puissent être considérées comme raisonnables et ne constituent pas une atteinte injustifiée. Toutefois, si une exception d'"antériorité" permettait de poursuivre la fabrication après l'octroi de la protection, il était évident qu'elle sortait du champ d'application de l'article 30. Cela devenait évident à la lecture de l'article 70:4, qui exigeait, au moins, que la poursuite de la fabrication ne soit autorisée que moyennant le paiement d'une rémunération équitable au détenteur du droit. Cela n'était pas différent, en fait, de l'octroi d'une licence obligatoire.

- En ce qui concernait les arguments systémiques relatifs au rapport entre l'article 30 et l'article 31, il a été fait référence à ce qui a été dit plus haut dans ce paragraphe à propos de l'article 27:1. L'article 30 prévoyait une restriction mineure des droits conférés par un brevet qui n'entraînait pas l'obligation de dédommager le détenteur du droit, tandis que l'article 31 permettait une restriction plus sérieuse de ces droits, mais exigeait, entre autres, le paiement d'une rémunération au détenteur du droit.

- À propos de l'historique de la négociation, le Canada a fait valoir que la communication présentée au Groupe de négociation sur les ADPIC dans le cadre du Cycle d'Uruguay, à laquelle les CE avaient fait référence, n'était pas pertinente pour l'interprétation de l'article 30. Si le Canada pouvait avoir des doutes, rétrospectivement, sur la pertinence de sa propre communication, celleci faisait partie, comme toutes les autres communications, de l'historique de la négociation de l'accord. Sur la base du projet de texte de l'article 30 figurant dans le document du GATT MTN.GNG/NG11/W/76, il semblait possible de dire sans risque d'erreur qu'en juillet 1990, le contenu des quatre premiers éléments avait été arrêté pour l'essentiel par les négociateurs et avait servi de base à la rédaction du texte modifié présenté à la Conférence ministérielle de Bruxelles, en décembre 1990, lequel était luimême identique, dans les grandes lignes, au texte actuel de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC. La liste exemplative de juillet 1990 avait été transformée en un texte générique abstrait, non pas pour élargir la portée des exceptions, mais pour exprimer, en d'autres termes, le même jugement de valeur, inspiré par l'existence de clauses d'exception abstraites dans le domaine du droit d'auteur. Le Canada semblait insinuer que, entre le texte de juillet 1990 et le texte de Bruxelles de décembre 1990, les parties aux négociations avaient radicalement changé d'avis en vue d'élargir la portée des exceptions autorisées conformément à l'article 30. Le Canada n'avait présenté aucun élément de preuve à l'appui de cette affirmation. Les CE n'avaient connaissance d'aucune autre communication relative à l'article 30 qui aurait été présentée par une partie après le texte de juillet 1990, et qui aurait proposé d'élargir la portée de la clause d'exception. En fait, l'inverse s'était produit lorsque l'exception pour utilisation par les pouvoirs publics avait été transférée de l'article 30 à l'article 31, qui subordonnait cette utilisation au paiement d'une rémunération au détenteur du brevet. Tout ce que l'on pouvait dire de l'évolution de la situation entre juillet et décembre 1990, était que les négociateurs avaient l'intention de réduire la portée des exceptions prévues dans le texte de l'article 30 établi en juillet.

- Les CE ont tenu à réaffirmer que le Canada avait la charge de prouver que ses mesures pouvaient être considérées comme des exceptions autorisées conformément à l'article 30. 

- À propos de l'expression "exploitation normale du brevet", il fallait souligner que l'argument selon lequel rien n'empêchait le titulaire d'un brevet de fabriquer, d'utiliser et de vendre le produit breveté n'était pas pertinent. Un brevet ne conférait pas le droit de faire quelque chose, mais il conférait le droit d'empêcher des tiers d'accomplir certains actes bien définis.

- Par ailleurs, un brevet conférait un ensemble de droits d'importance égale. Cela ressortait clairement de la comparaison des articles 28:1 et 70:9 de l'Accord sur les ADPIC. Par conséquent, l'argument selon lequel le titulaire d'un brevet pouvait empêcher des tiers de vendre un produit alors qu'ils menaient les activités autorisées par l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets n'était pas pertinent.

- Les CE ont soutenu que, au sens de l'article 30, les intérêts des tiers ne pouvaient être en l'espèce que les intérêts du fabricant potentiel de produits génériques.

- Quant aux intérêts à comparer, soit il s'agissait des intérêts juridiques des deux parties liées au brevet, soit il fallait prendre en considération les attentes économiques factuelles de l'une et de l'autre. Il était inadmissible de limiter les intérêts du breveté aux droits juridiques attachés au brevet, tout en faisant reposer les intérêts des tiers sur de quelconques considérations économiques.

- Exception pour la présentation réglementaire d'information à l'"étranger"

- En soulignant que l'étendue des activités autorisées échappait complètement au contrôle des autorités canadiennes, les CE voulaient démontrer que l'exception avait une portée très large. Cet argument n'avait rien à voir avec les questions de mise en œuvre et de charge de la preuve, comme l'avait suggéré le Canada. Étant donné qu'un pays pouvait établir librement ses normes réglementaires sans même que le Canada en ait connaissance, ce dernier n'était pas en mesure de contrôler la portée de l'exception.

- À propos de l'argument selon lequel les mesures en cause servaient les intérêts légitimes des tiers dans les autres pays, conformément aux objectifs de l'Accord sur les ADPIC, qui étaient de protéger la santé publique et de réduire les distorsions et les obstacles entravant le commerce international, les CE ont tenu à souligner qu'il existait de nombreuses mesures permettant de protéger la santé publique sans enfreindre les obligations internationales. Les Communautés européennes et leurs États membres étaient capables de le faire pour leurs citoyens et n'avaient pas besoin que le Canada ou un autre pays s'immiscent dans ces affaires. Au contraire, la présente procédure avait pour objectif d'empêcher l'érosion au Canada des droits des titulaires de brevets européens, qui les empêcherait de retirer un juste bénéfice des investissements qu'ils avaient dû faire pour mettre au point des médicaments nouveaux dans le but d'améliorer la santé publique. L'article 30 de l'Accord sur les ADPIC ne visait pas à résoudre les problèmes de santé publique du monde entier.

- L'industrie des médicaments génériques n'avait pas une dimension mondiale. Si quelques firmes opéraient à une échelle véritablement internationale, la plupart étaient essentiellement présentes sur le marché local et, dans de nombreux pays en développement, cette industrie était prospère. Par exemple, les fabricants canadiens de produits génériques n'exportaient que 16 pour cent de leur production et ne détenaient qu'une part minime du marché de ces produits dans les CE.

- En ce qui concernait les médicaments essentiels, l'OMS en avait publié la liste qui contenait actuellement 306 produits, dont 15 seulement étaient protégés par des brevets (Liste modèle des médicaments essentiels, dixième révision, 1997).

- Le fait que l'Accord sur les ADPIC "touchait au commerce" ne pouvait pas être invoqué pour établir des exceptions aux règles minimales qu'il édictait en prétendant que cela faciliterait les échanges. Si la facilitation des échanges était effectivement un objectif majeur de l'Accord, ce dernier ne supprimait pas tous les obstacles au commerce liés aux droits de propriété intellectuelle parce qu'il était fondé sur le principe préétabli de la territorialité de ces droits et n'édictait que des règles minimales. À cet égard, il n'était pas différent des Conventions de Paris ou de Berne conclues sous les auspices de l'OMPI.

Canada
4.41 Le Canada a soutenu que l'examen de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC dans son contexte et à la lumière de l'objet et du but de l'Accord montrait à l'évidence que cet article devait servir à donner corps aux valeurs de la société reconnues à l'article 7 de l'Accord. Toutes les parties à cette procédure, à l'exception des CE et de la Suisse, s'accordaient pour dire que l'Accord n'était pas neutre à l'égard de ces valeurs. Le Canada a formulé les observations supplémentaires suivantes en réponse aux arguments des Communautés européennes et de leurs États membres:

- Le Canada a insisté sur le fait que les mesures contestées étaient des "exceptions limitées" au sens de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC parce qu'elles favorisaient la concurrence sur le marché des produits réglementés, en particulier celui des médicaments délivrés sur ordonnance, après l'expiration du brevet, pour contribuer à la maîtrise des coûts et faciliter l'accès aux médicaments nécessaires.

- L'analyse interprétative des CE tendait à donner la primauté aux droits exclusifs du titulaire d'un brevet par rapport aux intérêts de la société, privant ainsi de sens ou d'effet pratique non seulement l'article 30, mais aussi les articles 7 et 8:1.

a) Principes d'interprétation des traités

- En voulant appliquer l'article 31 de la Convention de Vienne, les CE ont essayé de compartimenter le principe unique et indivisible énoncé à l'article 31:1. Elles ont essayé d'établir une distinction entre, d'une part, le "contexte" d'un traité et, d'autre part, "son objet et son but", pour faire valoir que le "sens ordinaire" des termes ne pouvait pas être relégué au second plan par des considérations concernant "l'objet et le but". Or, l'article 31:1 exigeait que l'on attribue aux termes d'un traité leur "sens ordinaire" [...] dans leur contexte et à la lumière de [l']objet et [du] but [du traité]". Les CE semblaient dire que le "contexte" ne pouvait pas comprendre les dispositions du traité relatives à "son objet et à son but", comme s'il fallait ignorer totalement les dispositions à caractère intentionnel – du genre de celles qui se trouvent généralement dans un préambule – lorsque l'on interprétait une disposition particulière dans son "contexte". Elles semblaient prétendre que le "sens ordinaire", le "contexte" et l'"objet et le but" étaient des notions distinctes qui s'opposaient les unes aux autres à l'article 31. Mais à l'évidence, l'énoncé clair de cette disposition ne permettait pas de la compartimenter de cette façon. De plus, l'article 31:2 indiquait clairement que le contexte d'un traité était l'ensemble du texte, y compris le préambule et les annexes. Par conséquent, quand on interprétait une des dispositions de l'Accord sur les ADPIC, on devait tenir compte de l'ensemble de l'Accord ainsi que de l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce dont l'Accord sur les ADPIC faisait partie, non pas pour reléguer au second plan le "sens ordinaire" de la disposition, mais plutôt pour déterminer quel était son sens ordinaire.

- Les CE n'avaient pas expliqué comment leur interprétation de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC tenait compte du "contexte". Elles persistaient à lire séparément les termes de cet article, en se gardant d'examiner pourquoi l'article 7 avait été inclus dans l'Accord. À propos du premier considérant du préambule, elles avaient affirmé qu'il mentionnait simplement "les mesures et les procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle" et que l'article 1:1 indiquait clairement que l'Accord établissait des "droits minimaux" et non des "droits limités". Étant donné que des "droits minimaux" pouvaient quand même faire l'objet d'une certaine forme de limitation aux termes de l'article 30, on ne voyait pas en quoi l'argument des CE répondait à l'observation du Canada selon laquelle le premier considérant envisageait manifestement des limitations en stipulant que "les mesures et les procédures" visant à faire respecter les droits ne devaient pas devenir "elles-mêmes des obstacles au commerce légitime". D'après les CE, l'article 7 ne faisait pas partie du contexte de l'article 30 parce qu'il ne traitait pas de la portée des droits de propriété intellectuelle définis à l'article 28, mais parlait seulement de la protection et du respect de ces droits. Cela appelait simplement la question suivante. Quelle serait la portée des droits définis à l'article 28 s'ils n'étaient pas protégés et respectés? La portée des droits définis à l'article 28 ne pouvait pas être dissociée de leur protection parce que la portée, la durée et le respect des droits déterminaient ce que serait la protection effective. De plus, en évoquant la protection et le respect des droits, l'article 7 se référait aux moyens d'atteindre les objectifs de l'Accord qu'il décrivait, autrement dit il s'appliquait à la fois à la Partie II de l'Accord (Normes) et à la Partie III (Moyens de faire respecter les droits). Même en compartimentant l'application de la Convention de Vienne comme le faisaient les CE, cet aspect de l'article 7, ainsi que l'article 1:1 comme l'avaient d'ailleurs expliqué les CE, faisait partie du "contexte" de l'article 30 parce qu'il ne concernait pas seulement "l'objet et le but".

- Le Canada a réaffirmé qu'à son avis, les dispositions de l'article 8:1 étaient pertinentes parce qu'elles éclairaient le sens de l'expression "intérêts légitimes des tiers" à l'article 30. C'était simplement un élément du contexte. L'interprétation que les CE donnaient de l'article 8 vidait celui-ci de son sens car les CE laissaient entendre que les seuls termes ayant une valeur juridique étaient ceux qui exigeaient la compatibilité avec les dispositions de l'Accord, autres que l'article 8 lui-même. Bien qu'il fût inutile, aux fins de la présente affaire, de déterminer la portée exacte de l'article 8, il était essentiel de ne pas vider celui-ci de son sens. L'approche du Canada, qui semblait être partagée par le Brésil, Cuba, l'Inde, Israël, la Pologne, la Thaïlande et les ÉtatsUnis agissant en qualité de tierces parties dans ce différend, reconnaissait que les intérêts de la société mentionnés à l'article 8 pouvaient être protégés par des mesures respectant les règles de l'article 30 et n'étaient pas toujours subordonnés à la protection des droits de propriété intellectuelle, comme le prétendaient les CE. En conséquence, l'article 8 était pertinent pour l'interprétation contextuelle de l'article 30. Le Canada considérait, comme les CE, que, aux termes de l'article 8:1 les Membres qui prenaient des mesures aux fins mentionnées dans cet article ne devaient pas faire l'objet d'une action pour annulation ou réduction d'avantages en situation de nonviolation. Cette interprétation était conforme à l'opinion du Canada et de beaucoup d'autres Membres, selon laquelle l'article 8:1 indiquait que les intérêts de la société qu'il identifiait devaient être pris en compte pour interpréter la portée des obligations découlant de l'Accord.

- En outre, les CE avaient essayé de déduire de l'affaire Crevettes un principe général d'interprétation des traités qui n'était pas compatible avec les circonstances très particulières de cette affaire et qui ne tenait aucun compte de l'approche contextuelle de l'analyse des traités que l'Organe d'appel avait en fait adopté dans ce différend. Les CE avaient cité la décision rendue par l'Organe d'appel dans cette affaire pour étayer l'idée que les termes de l'article 30 devaient être interprétés isolément, sans tenir compte du contexte ou de l'objet et du but de l'Accord sur les ADPIC dans son ensemble. Toutefois, ce qui distinguait l'affaire Crevettes de la présente procédure, c'était le fait que, comme l'avait déterminé l'Organe d'appel, le Groupe spécial n'avait pas fondé son interprétation de l'article XX du GATT de 1994 sur le texte de cette disposition. Au lieu de cela, il s'était appuyé sur sa propre analyse générale et subjective de l'objet et du but, sans tenir compte des termes effectivement employés. Cela n'avait rien à voir avec l'approche préconisée par le Canada dans la présente affaire. Le Canada demandait au contraire que chaque élément de l'article 30 soit analysé sur la base de ses termes précis et dans le contexte particulier où il se situait. C'était ce qu'avait fait l'Organe d'appel dans l'affaire Crevettes et – contrairement à la thèse des CE – il avait tenu compte de l'objectif de l'Accord sur l'OMC, énoncé dans son préambule, pour déterminer le "sens ordinaire" de l'article XX. Il était important de noter que l'Organe d'appel avait alors fondé sa décision sur la constatation que l'interprétation donnée par le Groupe spécial rendrait "inutiles la plupart des exceptions spécifiques prévues à l'article XX, sinon toutes, résultat qui est incompatible avec les principes d'interprétation que nous sommes tenus d'appliquer". C'était une application du principe de l'effet utile, qui signifiait, comme l'avait dit l'Organe d'appel dans l'affaire Boissons alcooliques, qu'"un interprète n'est pas libre d'adopter une interprétation qui aurait pour résultat de rendre redondants ou inutiles des clauses ou des paragraphes entiers d'un traité". C'était ce principe qui s'opposait finalement aux efforts faits par les CE pour amener le Groupe spécial à interpréter isolément les dispositions de l'Accord sur les ADPIC. En vertu du principe de l'effet utile, il fallait tenir compte à la fois des dispositions du contexte, qui indiquaient que les droits de propriété intellectuelle n'étaient pas censés être illimités, et de la disposition énonçant les objectifs, qui stipulait clairement que l'Accord visait à assurer un équilibre de droits et d'obligations. Ne pas tenir compte de ces dispositions et interpréter l'article 30 comme s'il était prévu que l'Accord serait "neutre à l'égard des valeurs de la société", comme le prétendaient les CE, rendrait inutiles les articles 7, 8:1 et 30. Ce résultat était impossible, comme le reconnaissaient toutes les parties à cette procédure, à l'exception des CE et de la Suisse.

i) Pratique ultérieure

- Le fait que la Conférence ministérielle avait le pouvoir exclusif d'adopter des interprétations de l'Accord, mentionné par les CE, concernait les interprétations formelles qui étaient contraignantes comme l'Accord sur les ADPIC luimême. Le recours à la pratique ultérieure avait trait à toute autre chose: c'était l'utilisation de moyens d'interprétation extérieurs qui n'avaient pas été examinés par la Conférence ministérielle conformément à l'article IX de l'Accord sur l'OMC. Par conséquent, la pratique ultérieurement suivie, en tant que modes de comportement, était pertinente pour tenter de déterminer le sens de dispositions contestées.

- Les CE avaient fait remarquer que, selon des commentateurs éminents, la pratique ultérieure devait être "concordante, commune et d'une certaine constance". Elles pensaient que cela signifiait qu'elle devait être "commune à toutes les parties". Dans le cas d'un accord multilatéral, il était extrêmement difficile, voire impossible, d'appliquer une telle règle. Toutefois, cette règle n'était pas aussi rigoureuse que le prétendaient les CE. Dans l'affaire Boissons alcooliques, l'Organe d'appel avait estimé que les termes "concordant, commun et d'une certaine constance" désignaient "une suite d'actes ou de déclarations ... suffisante pour que l'on puisse discerner une attitude qui suppose l'accord des parties" à l'égard de l'interprétation du traité. Le fait qu'une attitude était discernable ne dépendait pas de l'adoption universelle d'une pratique. Au contraire, cette règle visait seulement à imposer l'obligation d'identifier quelque chose de plus qu'un "acte isolé".

- Les CE avaient affirmé qu'aucune pratique ne pouvait être discernée parce que l'Accord sur les ADPIC était en vigueur depuis trop peu de temps. C'était ignorer le fait qu'une période n'avait pas la même importance qu'une autre. Celle qui suivait immédiatement la conclusion d'un traité comme l'Accord sur les ADPIC était en fait plus importante que le long terme parce que les Membres étaient obligés, dans des délais relativement brefs, de mettre leur législation en conformité avec leurs nouvelles obligations. C'était pendant cette période qu'un traité comme celuici amenait à légiférer et à rédiger des documents du genre de l'Énoncé des mesures administratives aux ÉtatsUnis, et que les parties s'employaient activement à interpréter et transposer le nouvel accord et à suivre de près l'activité législative des autres Membres. Loin d'être insignifiante, la période de mise en œuvre avait une importance cruciale, bien plus que ce qui pouvait se passer ultérieurement.

- Les CE avaient dit que, comme elles contestaient la pratique du Canada, il n'y avait pas d'accord sur ce point. Toutefois, l'article 31.3 de la Convention de Vienne faisait référence non pas à l'objet particulier d'un différend, mais à des modes de comportement qui permettaient de formuler des hypothèses sur le sens d'une disposition. Dans tout différend porté devant un tribunal international, les avis sur l'objet particulier du litige divergeaient, mais cela ne signifiait pas qu'il ne pouvait pas y avoir de pratique ultérieure pertinente. S'il en était autrement, l'article 31.3 ne serait jamais pris en considération dans un différend, précisément dans les circonstances où il était censé être utile. Par conséquent, le désaccord des CE signifiait simplement que leur position était incompatible avec un mode de comportement de la part des autres Membres – y compris, d'ailleurs, leurs États membres  qui établissait un accord tacite sur le sens des dispositions pertinentes de l'Accord sur les ADPIC.

ii) Article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC

- La thèse des CE sur la corrélation entre les articles 17:1, 30 et 31 n'était fondée sur aucune analyse des termes effectivement employés. Les articles 30 et 31 n'étaient pas libellés de la même façon et, comme l'avait indiqué clairement l'Organe d'appel dans l'affaire Boissons alcooliques, il fallait bien faire la distinction entre des termes et des expressions différents.

- Il était intéressant de noter que les CE avaient dû modifier leur interprétation "globale" de l'article 27:1 pour justifier leur propre exception pour "préparation pharmaceutique en officine". En réponse à la question du Groupe spécial à ce sujet, les CE avaient affirmé que, comme cette exception répondait à une situation "unique", elle n'était pas comparable et n'avait donc aucun caractère discriminatoire. Si c'était effectivement un critère pour déterminer la compatibilité avec l'article 27:1, les mesures prises par le Canada satisfaisaient à ce critère. Elles répondaient à une situation "unique", propre à des produits réglementés, dans laquelle – sans des mesures comme les exceptions limitées prévues par le Canada – le titulaire d'un brevet pouvait tirer profit des prescriptions en matière d'examen réglementaire pour prolonger de facto la période de protection par le brevet. Dans le cas de médicaments brevetés, cette prolongation de facto retardait l'arrivée de concurrents sur le marché des médicaments délivrés sur ordonnance, après l'expiration du brevet.

- Les CE avaient dit que la prolongation de la durée d'un brevet protégeant des produits pharmaceutiques n'était pas discriminatoire parce qu'il y avait de "bonnes raisons" de la prolonger, par exemple, lorsque cela avantageait des personnes défavorisées, comme les handicapés et les personnes âgées. Cette explication valait également pour les mesures prises par le Canada. Il y avait de bonnes raisons d'autoriser les exceptions limitées prévues à l'article 55.2 1) et 55.2 2) de la Loi sur les brevets parce que celles-ci visaient manifestement à garantir aux personnes défavorisées – malades, personnes âgées, personnes souffrant d'une incapacité physique ou mentale – l'accès aux médicaments nécessaires, à des prix compétitifs, dès que possible après l'expiration du brevet. Ainsi, selon la thèse des CE elles-mêmes, les dispositions contestées n'étaient pas discriminatoires.

- D'après les CE, l'approche du Canada aurait nécessairement pour conséquence de permettre aussi des exceptions fondées sur le lieu d'origine de l'invention ou sur le fait que les produits étaient importés ou d'origine nationale. Toutefois, les cas cités étaient clairement prohibés par l'article 3 de l'Accord sur les ADPIC qui prescrivait l'application du traitement national et auquel l'article 30 était manifestement subordonné. Les préoccupations exprimées par les CE étaient donc sans fondement et montraient simplement qu'elles ne comprenaient pas l'article 30 et son rapport avec le reste de l'Accord.

- Les CE avaient admis que l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets était formulé de telle façon qu'il pouvait s'appliquer à différents domaines technologiques. Elles avaient cependant fait référence au dossier d'information qu'Industrie Canada et Santé Canada avaient établi conjointement afin de fournir des données concrètes pour l'examen de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets (projet de loi C91) par le Comité permanent de l'industrie de la Chambre des Communes, notamment parce que, d'après elles, ce document montrait que le gouvernement canadien considérait luimême que les mesures en question visaient exclusivement les produits pharmaceutiques et apportait ainsi la preuve qu'il était dans l'intention du législateur de limiter à ces produits les effets de la disposition. Le Canada tenait à souligner que, depuis l'adoption du projet de loi C91, le débat public avait été centré sur une seule de ses dispositions – l'abolition des licences obligatoires pour la fabrication locale de médicaments brevetés – à l'exclusion quasitotale des autres, et le gouvernement avait été obligé de répondre à cette question particulièrement controversée. En fait, la Cour d'appel fédérale avait déclaré que la protection des droits des sociétés pharmaceutiques innovantes était l'objectif du projet de loi C91. Beaucoup craignaient que l'abrogation des dispositions de la Loi sur les brevets relatives aux licences obligatoires entraîne une forte augmentation du coût des soins de santé. Aussi, quand les effets du projet de loi C91 avaient été examinés quatre ans après son adoption, le gouvernement avait présenté un document d'information consacré essentiellement aux produits pharmaceutiques, car il était dans l'intérêt général de déterminer si le nouveau système de protection renforcée des brevets avait effectivement entraîné une augmentation sensible des coûts des produits pharmaceutiques.

- Contrairement à ce qu'avaient affirmé les CE, le Canada n'avait jamais confirmé implicitement que l'article 55.2 1) s'appliquait uniquement aux produits pharmaceutiques. Ceuxci n'étaient pas mentionnés dans cet article. Il ne s'agissait pas d'une mesure appliquée par le gouvernement, mais c'était plutôt un moyen de défense qui pouvait être invoqué dans une action en contrefaçon de brevet. Il n'y avait pas de raison qu'il ne puisse pas être invoqué dans une action en contrefaçon concernant n'importe quel domaine technologique. La question de l'applicabilité de l'article 55.2 1) n'avait rien à voir avec l'"historique de sa rédaction" ou avec ce que le gouvernement avait pu dire à son sujet, mais il s'agissait plutôt de savoir si cet article pouvait être invoqué comme moyen de défense dans une action en contrefaçon de brevet.

iii) Article 30 de l'Accord sur les ADPIC

- L'argument des CE, selon lequel l'approche du Canada limitait strictement l'intérêt du titulaire d'un brevet aux droits juridiques conférés par le brevet, tout en faisant reposer les intérêts des tiers sur de quelconques "considérations économiques, morales ou autres", visait simplement à occulter le fait que le breveté détient tous les droits exclusifs conférés par le brevet pendant la durée de la protection et que les tiers n'ont aucun droit jusqu'à l'expiration du brevet. L'article 30 permettait aux Membres de corriger ce déséquilibre, le cas échéant, en permettant de mettre en balance les intérêts des tiers et les droits conférés par le brevet.

- Les CE prétendaient que "les intérêts légitimes des tiers" ne pouvaient pas être pris en compte pour déterminer s'il était porté "atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet", mais elles ne proposaient aucun critère pour déterminer si une atteinte était justifiée.

- Apparemment, les CE n'allaient pas jusqu'à prétendre que, pour être autorisée en vertu de l'article 30, une exception pour examen réglementaire, comme celle qui était prévue à l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets, devait être assortie d'un système permettant la prolongation de la durée des brevets ou d'un système de certificats complémentaires de protection. Alors qu'elles semblaient dire que l'existence d'un tel système pouvait être, dans certains cas, une considération pertinente au titre des articles 27:1 et 30, leur position sur ce point n'était partagée par aucune des tierces parties. En fait, il apparaissait clairement qu'au moins quatre Membres de l'OMC – Argentine, Hongrie, Pologne et Thaïlande – s'étaient récemment acquittés de leurs obligations immédiates au regard de l'Accord sur les ADPIC, ou étaient sur le point de le faire, en adoptant des exceptions pour l'examen réglementaire sans aucun système de prolongation de la durée des brevets.

- Une fois encore, il n'y avait pas de lien entre l'article 30 et la prolongation de la durée d'un brevet. L'article 30 autorisait des exceptions limitées aux droits conférés par un brevet, mais la prolongation de la durée d'un brevet augmentait la durée de jouissance des droits qu'il conférait, et n'était pas une exception. Si les rédacteurs de l'Accord sur les ADPIC avaient voulu faire de la prolongation de la durée des brevets un concept pouvant être invoqué aux fins de l'Accord, ils l'auraient fait en termes exprès, comme c'était le cas, par exemple, à l'article 1709 12) de l'Accord de libre-échange nord-américain. Vu que la question de la prolongation de la durée des brevets avait manifestement été soulevée par la Suisse et par l'Autriche pendant le Cycle d'Uruguay, mais n'avait pas été mentionnée dans le texte de l'Accord sur les ADPIC, le fait qu'elle avait été omise avait une importance pour l'interprétation.

- L'absence de lien entre une exception pour examen réglementaire et la prolongation de la durée des brevets était illustrée par la situation existant aux États-Unis. Dans la Loi des États-Unis sur les brevets (35 U.S.C. paragraphe 271 e)), l'exemption "Bolar" ne faisait pas référence à la disposition qui prévoyait la prolongation de la durée des brevets (35 U.S.C. paragraphe 156). La question de savoir si un brevet pouvait être prolongé et pour quelle durée n'avait pas de rapport avec le fait que l'exemption "Bolar" avait été invoquée ou non pour le même brevet. De plus, la Loi des États-Unis renfermait beaucoup d'autres dispositions qui avantageaient soit l'innovateur soit le fabricant de produits génériques. Le dispositif était fort complexe et il était évident que le Congrès avait estimé qu'il ne s'agissait pas simplement de combiner la prolongation de la durée des brevets et l'exemption "Bolar". C'était une raison pour laquelle l'Énoncé des mesures administratives des États-Unis relatif à la Loi sur les Accords du Cycle d'Uruguay mentionnait seulement l'exemption "Bolar" lorsqu'il évoquait les exceptions limitées autorisées conformément à l'Accord sur les ADPIC. En outre, il était significatif que les États-Unis n'aient pas indiqué qu'il y avait un lien quelconque entre l'exemption "Bolar" et la prolongation de la durée des brevets dans la déclaration orale qu'ils avaient faite dans la présente procédure.

iv) Exception pour la présentation réglementaire d'informations à l'"étranger"

- Les CE avaient fait valoir que l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets portait atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale d'un brevet parce qu'elle exonérait de la responsabilité de contrefaçon les utilisations d'une invention brevetée qui étaient justifiées dans la mesure nécessaire à la préparation et à la production d'un dossier d'information exigé en vertu d'une loi étrangère. Les États-Unis, en qualité de tierce partie, avaient indiqué en outre qu'une "exception bien conçue" ne permettrait pas de procéder à des essais en vue d'obtenir une "approbation réglementaire à l'étranger". Il en ressortait que les CE cherchaient à convaincre le Groupe spécial que, même si la notion de "durée effective du brevet" ne pouvait pas être invoquée pour restreindre la concurrence sur le marché canadien après l'expiration du brevet, elle pouvait quand même servir au niveau international pour empêcher les fabricants canadiens et étrangers de médicaments génériques de mener des activités de développement au Canada en vue d'entrer en concurrence sur les marchés étrangers dès que possible après l'expiration du brevet dans les pays concernés. Tout en rejetant la notion de "durée effective du brevet" employée par les CE dans le contexte canadien, les ÉtatsUnis semblaient vouloir protéger leurs propres fabricants de médicaments génériques contre la concurrence étrangère en empêchant les fabricants étrangers de "procéder à des essais avant l'expiration" des brevets hors des ÉtatsUnis. En ce qui concernait la position des ÉtatsUnis, l'exemption "Bolar" exonérait expressément de la responsabilité de contrefaçon l'"importation aux États-Unis" d'une invention brevetée qui se justifiait "dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information qu'oblige à fournir une loi fédérale". Cette exemption à l'importation supposait clairement que des tiers menaient dans d'autres pays une activité qui constituerait normalement une infraction aux prescriptions de l'Accord sur les ADPIC. En fait, l'Administration américaine des produits alimentaires et pharmaceutiques (FDA) permettait la présentation de données cliniques obtenues à l'étranger à l'appui des demandes d'examen réglementaire qui lui étaient soumises. Par ailleurs, dans leurs négociations commerciales bilatérales, les États-Unis s'étaient efforcés de faire en sorte que les résultats d'essais cliniques effectués à l'étranger soient acceptés pour les produits pharmaceutiques. La position des États-Unis dans ces procédures visait donc à interdire indirectement – par le biais des systèmes de brevets étrangers – les "essais à l'étranger avant l'expiration du brevet". Toutefois, cela aurait pour seul effet d'introduire une incohérence dans la législation des États-Unis puisque celleci admettait les essais et les échantillons étrangers pour les besoins de la FDA. Apparemment, les États-Unis avaient adopté cette position parce qu'ils souhaitaient protéger leurs fabricants de médicaments génériques contre la concurrence des fabricants de pays dont la législation en matière d'examen réglementaire était analogue à celle du Canada. Par conséquent, en contestant l'élément "étranger" de l'article 55.2 1), les CE comme les États-Unis cherchaient à leur façon à ériger un obstacle non tarifaire au commerce international et à restreindre la concurrence sur leur marché après l'expiration du brevet. De l'avis du Canada, essayer ainsi d'interpréter l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC comme empêchant d'établir une exception pour les essais réglementaires à l'étranger était incompatible avec le principe fondamental de l'Accord énoncé dans son préambule, à savoir "réduire les distorsions et les entraves en ce qui concerne le commerce international".

- En outre, en établissant l'équivalent d'un règlement technique qui faisait une distinction entre les services d'essai de médicaments en fonction du pays où les essais avaient lieu, cette interprétation était contraire à l'Accord sur les obstacles techniques au commerce, qui visait également à supprimer les obstacles au commerce international.

- Il a été fait référence aussi à ce qui est dit dans ce paragraphe au quatrième alinéa du point i).

- Le Canada tenait à souligner que de nombreux pays n'avaient pas d'industries des médicaments génériques et devaient importer ces médicaments (ainsi que des médicaments d'origine). L'Organisation mondiale de la santé était si préoccupée par le fait que l'accès aux médicaments essentiels n'était pas garanti qu'elle avait adopté récemment une résolution demandant instamment aux États membres "d'étudier et de réexaminer les options qui leur sont offertes dans le cadre des accords internationaux pertinents, notamment des accords commerciaux, pour préserver l'accès aux médicaments essentiels".

ARGUMENTS PRÉSENTÉS PAR LES TIERCES PARTIES
AUSTRALIE

5.1 La position de l'Australie dans la présente affaire reposait sur trois principes fondamentaux:

- L'Accord sur les ADPIC devait être appliqué de manière à encourager le commerce et l'investissement, l'innovation technologique et le transfert de technologie;

- Les droits de propriété intellectuelle, y compris les intérêts légitimes des titulaires de brevets, ne devaient pas être réduits de manière injustifiée; et

- En mettant en œuvre l'Accord sur les ADPIC conformément à ses objectifs et à ses principes convenus, les gouvernements devaient avoir une latitude suffisante pour maintenir l'équilibre fondamental des droits et des obligations sans diminuer la portée légitime des droits de propriété intellectuelle.

5.2 L'Australie a indiqué les points qui lui paraissaient essentiels dans la présente affaire:

1) Une exception limitée aux droits conférés par un brevet, accordée uniquement aux fins de l'obtention d'une approbation réglementaire pour des produits pharmaceutiques brevetés était compatible avec les obligations découlant de l'Accord sur les ADPIC:

- les procédures réglementaires rigoureuses et longues prescrites spécialement pour les produits pharmaceutiques étaient différentes des procédures normalement suivies pour mettre sur le marché un produit nouveau;

- les dispositions à prendre pour obtenir une approbation réglementaire n'étaient pas visées par les droits de brevet aux termes de l'article 28 ou étaient des exceptions autorisées aux termes de l'article 30, dans la mesure où le préjudice éventuel causé au breveté était justifié et où les intérêts des tiers étaient pris en compte de la même façon que pour les autres exceptions admises conformément à l'article 30.

2) Le fait de remédier aux conséquences de prescriptions réglementaires propres à une technologie était compatible avec le maintien de l'équilibre fondamental des intérêts dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC et ne constituait pas une discrimination fondée sur le domaine technologique.

RÉSUMÉ DES POINTS DE DROIT

5.3 Résumant les points de droit soulevés dans la présente affaire, l'Australie a fait les observations suivantes:

- Les droits de brevet étaient conçus, protégés et délimités dans l'intention de servir l'intérêt général par l'octroi de droits privés effectifs. Les exceptions à ces droits devaient être justifiées du point de vue de l'intérêt général et devaient tendre à maintenir l'équilibre fondamental des intérêts et l'avantage mutuel sur lesquels reposait le système des brevets, dans l'intérêt du public en général. L'Accord sur les ADPIC inscrivait cet équilibre des intérêts dans le contexte du commerce international.

- L'article 28 de l'Accord sur les ADPIC précisait la portée des droits de brevet que les Membres devaient accorder. Certaines activités relatives à une invention brevetée n'entraient pas dans le champ d'application de l'article 28 et, par conséquent, elles étaient autorisées. D'autres activités pouvaient être autorisées en vertu de l'article 30 ou étaient soumises aux conditions d'utilisation sans autorisation énoncées à l'article 31. L'Accord faisait une distinction entre les exceptions prévues à l'article 30 et les utilisations sans autorisation mentionnées à l'article 31, comme l'utilisation par les pouvoirs publics ou l'octroi de licences obligatoires pour remédier à des problèmes de concurrence. L'article 31 prévoyait un mécanisme de compensation consistant dans le versement d'une rémunération adéquate.

- Le champ des exceptions autorisées à l'article 30 devait être déterminé en fonction des objectifs globaux et de l'équilibre des intérêts visés par l'Accord sur les ADPIC et de l'existence d'autres formes d'utilisation sans autorisation: c'était dans ce contexte qu'il fallait examiner les critères de "justification" dans le cadre de l'article 30. Le critère cumulatif applicable à une exception au titre de l'article 30 exigeait pour l'essentiel que le titulaire du brevet ne soit pas privé de manière injustifiée des bénéfices de l'exploitation commerciale pendant la durée du brevet, compte dûment tenu des intérêts des tiers. La procédure d'approbation réglementaire était particulièrement rigoureuse pour les produits pharmaceutiques et imposait de ce fait une charge distincte aux titulaires de brevets et aux fabricants de médicaments génériques: les législateurs et les tribunaux avaient reconnu qu'il fallait tenir compte de cette situation exceptionnelle afin de maintenir l'équilibre fondamental du système des brevets.

- La faculté d'empêcher des tiers de faire le nécessaire pour obtenir une approbation réglementaire était différente de la faculté de les empêcher de prendre les mesures préalables normalement prises dans tout secteur industriel pour mettre sur le marché un produit nouveau. L'équilibre des intérêts dans le cadre du système des brevets pouvait être affecté par la reconnaissance de facto de droits exclusifs sur des éléments extrinsèques, comme l'approbation réglementaire par les pouvoirs publics. Une exception limitée permettant de prendre des dispositions pour obtenir une approbation réglementaire était conforme à l'article 30 parce que, si ces dispositions constituaient incidemment une exploitation commerciale normale de l'invention, le préjudice limité causé aux intérêts du breveté ne pouvait pas être considéré comme injustifié.

- La jouissance des droits de brevet sans discrimination quant au domaine technologique conformément à l'article 27:1 de l'Accord n'exigeait pas l'application de règles identiques en matière de brevets dans tous les domaines technologiques. L'administration des brevets pouvait nécessiter l'application d'un traitement différencié en fonction du domaine technologique. La nondiscrimination dépendait du maintien de l'équilibre global des droits et des obligations. Lorsque le législateur ou les tribunaux cherchaient à maintenir cet équilibre en tenant compte de facteurs propres à une technologie (par exemple, un régime réglementaire particulier pour les produits pharmaceutiques), cela était considéré à juste titre comme l'expression d'une volonté de remédier à la discrimination, et non d'en établir une.

CONTEXTE GÉNÉRAL

5.4 Apportant des éclaircissements supplémentaires sur le contexte général de l'affaire, l'Australie a appelé l'attention sur les points suivants:

- Reflétant la longue évolution des législations nationales en matière de propriété intellectuelle, l'Accord sur les ADPIC affirmait que le maintien d'"un équilibre de droits et d'obligations" était l'un des principaux objectifs de "la protection et [du] respect des droits de propriété intellectuelle" (article 7). Le système des brevets était fondé sur une interaction complexe entre intérêts privés et intérêt public: un système de protection de la propriété intellectuelle équilibré et conforme à l'Accord sur les ADPIC contribuait à "l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques", concourrant ainsi à la réalisation des objectifs plus généraux des politiques publiques. Toute exception au principe fondamental établi par l'Accord devait viser à maintenir cet équilibre mutuellement avantageux.

- En considérant l'équilibre des droits et des obligations, il ne fallait pas penser que les intérêts divers mis en jeu par le système des brevets étaient fondamentalement divergents ou contradictoires. Il fallait garder à l'esprit l'avantage mutuel reconnu et les avantages publics communs découlant de l'existence même de droits de brevet privés adéquats. Dans le domaine pharmaceutique, ces droits ne profitaient pas seulement aux brevetés; ils servaient aussi les intérêts du public, en encourageant la mise au point et la préparation de nouveaux produits en vue de leur commercialisation, les intérêts des gouvernements, en favorisant la réalisation des objectifs en matière de santé publique, et même les intérêts des fabricants de produits génériques concurrents, en leur fournissant une source d'informations technologiques et de données issues de la recherche, des produits nouveaux et de nouvelles possibilités commerciales.

- Le présent différend opposant les Communautés européennes et leurs États membres (CE) au Canada soulevait des questions fondamentales sur les liens entre les droits privés en matière de propriété intellectuelle et le bien public. Il portait sur la façon dont les objectifs généraux de l'Accord sur les ADPIC devaient être pris en compte dans les systèmes nationaux de protection de la propriété intellectuelle et dont certaines dispositions essentielles devaient être mises en œuvre dans chaque pays.

- L'Australie avait un intérêt commercial substantiel dans la protection des inventions pharmaceutiques. En 1997, ses exportations de produits pharmaceutiques s'étaient élevées à plus de 979 millions de dollars australiens, dont 173 millions provenaient des exportations vers les CE et 17 millions des exportations vers le Canada. Son industrie pharmaceutique basée sur la recherche se développait rapidement et de nombreux produits pharmaceutiques importants commercialisés sous couvert d'un brevet étaient le fruit de la recherche australienne. Plus généralement, l'Australie avait un intérêt fondamental dans le maintien de l'intégrité des règles relatives aux droits de propriété intellectuelle touchant au commerce. Sa position dans le présent différend était donc fondée sur les principes suivants:

- L'Accord sur les ADPIC devait être appliqué de manière à encourager le commerce et l'investissement, l'innovation technologique et le transfert et la diffusion des technologies;

- Les droits de propriété intellectuelle, y compris les intérêts légitimes des titulaires de brevets, ne devaient pas être réduits de manière injustifiée;

- En mettant en œuvre l'Accord sur les ADPIC conformément à ses objectifs et principes convenus, les gouvernements devaient avoir une latitude suffisante pour maintenir l'équilibre fondamental des droits et des obligations sans diminuer la portée légitime des droits de propriété intellectuelle.

- Il fallait examiner en particulier la question de savoir si les exceptions aux droits de brevet destinées à permettre l'obtention d'une approbation réglementaire et la fabrication et le stockage de produits pharmaceutiques avant l'expiration du brevet pouvaient être autorisées au titre de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, lu conjointement avec l'article 28, et si cela était incompatible avec la prescription de l'article 27:1 exigeant qu'il soit possible de jouir de droits de brevet sans discrimination quant au domaine technologique. Les facteurs particuliers affectant l'exploitation des brevets pharmaceutiques devaient être analysés compte tenu de l'équilibre global et des objectifs généraux du système des brevets qui se retrouvaient dans l'Accord sur les ADPIC.

ÉVOLUTION DES LÉGISLATIONS NATIONALES EN MATIÈRE DE BREVETS

5.5 L'Australie a en outre retracé à grands traits la façon dont, à son avis, le droit national en matière de brevets avait évolué au fil du temps et, ce faisant, elle a fait les observations suivantes:

- Le droit des brevets actuel, illustré par le vaste ensemble de règles établies et confirmées par l'Accord sur les ADPIC, était le fruit de l'évolution progressive du droit des États au cours des siècles. Le système des brevets avait toujours visé à définir, protéger et délimiter les droits privés conférés par les brevets de manière à servir les intérêts communs et garantir l'avantage mutuel de l'État, des innovateurs, des entrepreneurs et du public en général. L'Accord sur les ADPIC établissait des règles internationales minimales dans des domaines du droit positif de la propriété intellectuelle qui auparavant étaient essentiellement de la compétence du législateur national. L'une des principales questions d'interprétation que soulevait l'application de l'Accord à la présente affaire était donc de savoir comment prendre en compte le droit interne en matière de brevets.

- Les obligations découlant de l'Accord sur les ADPIC devaient être interprétées conformément à la Convention de Vienne sur le droit des traités, et non par référence à un système, une pratique ou une tradition nationale. Toutefois, en l'absence de jurisprudence internationale directement applicable et d'accord ultérieur entre les parties concernées, il convenait d'examiner comment le droit des brevets s'était développé au niveau national et comment il s'appliquait aux questions considérées, car cela illustrait à la fois le contexte des dispositions de l'Accord qui étaient invoquées et l'objet et le but général de l'Accord. L'octroi d'un droit privé exclusif de durée déterminée pour servir l'intérêt général était une constante du droit des brevets, qui avait son origine, entre autres, dans une loi vénitienne de 1474 qui interdisait à toute personne autre que l'inventeur de fabriquer "les objets nouveaux et ingénieux" qu'il avait créés afin d'encourager les gens à "utiliser leur génie pour découvrir et construire des objets utiles et profitables". De même, en Angleterre, la Loi de 1623 sur les monopoles conférait un droit exclusif de durée limitée à seule fin "d'élaborer ou fabriquer un produit nouveau". Les brevets s'apparentaient en fait à un contrat entre l'État et l'inventeur: "Le droit de la Couronne d'accorder un monopole est désormais régi par la Loi sur les monopoles, mais il est toujours strictement limité en régime de common law". Comme il s'agissait d'une dérogation au droit à la liberté du commerce en régime de "common law", un monopole ne pouvait être accordé sans contrepartie pour le public. […] Dans le cas d'une invention nouvelle, la contrepartie résidait soit dans l'intérêt qu'avait la société à encourager l'esprit inventif, soit, plus vraisemblablement, dans la divulgation d'un article ou d'un procédé nouveau et utile."

- L'équilibre des intérêts évoqué à l'article 7 de l'Accord sur les ADPIC procédait de ce principe fondamental: le droit exclusif de limiter l'utilisation de l'invention par des tiers était compensé par la "contrepartie pour le public", à savoir la création d'une nouvelle technique dans l'intérêt général et la divulgation complète de l'invention. Une nouvelle technique était créée et venait s'ajouter à l'ensemble commun de connaissances, et, en échange, l'inventeur avait la faculté exclusive et limitée d'exploiter le brevet pour en retirer un bénéfice financier. L'Accord sur les ADPIC reconnaissait que la nécessité d'assurer cet équilibre dépassait les frontières nationales, compte tenu des effets de distorsion qu'une protection insuffisante ou inefficace des droits de propriété intellectuelle avait sur les échanges et des conséquences de l'existence de formes de protection inégales ou disparates.

- Le système des brevets présentait une autre caractéristique importante: il avait une portée étendue et générale. Il servait à promouvoir l'innovation et l'investissement dans de nouvelles technologies et n'était généralement pas un moyen de réglementer l'utilisation de ces technologies (qui faisait l'objet de règlements particuliers concernant, par exemple, la santé, la sécurité et l'environnement). Les objectifs généraux du système des brevets seraient compromis si la gamme des objets brevetables était indûment restreinte. Ces considérations expliquaient la tendance générale du droit des brevets à définir les inventions brevetables de façon très large, tout en prévoyant des exceptions limitées à la brevetabilité – fondées, par exemple, sur l'ordre public ou la moralité. Cette tendance à donner à l'objet brevetable une portée générale trouvait son expression à l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC, qui prévoyait qu'il devait être possible de jouir de droits de brevet "sans discrimination […] quant au domaine technologique".

LIMITATION DES DROITS DE BREVET

5.6 À propos de la limitation des droits de brevet, l'Australie a fait les observations suivantes:

- Des limites étaient imposées à l'octroi et à la portée des droits de brevet afin de garantir un échange équitable entre l'État et l'inventeur. Par exemple, la brevetabilité était soumise à des conditions pour s'assurer que l'invention brevetée était véritablement un "produit nouveau", ou l'équivalent, et des limites étaient imposées au droit du breveté de restreindre les activités des tiers. Mais la sauvegarde la plus importante était la limitation de la durée du brevet. Elle garantissait le caractère mutuellement avantageux du "contrat" entre le breveté et l'État: le premier pouvait être certain d'avoir la faculté bien définie d'exploiter l'invention et le second pouvait être sûr que le public aurait, à terme, la possibilité d'utiliser sans restriction l'invention brevetée (la connaissance complète de l'invention et des moyens de la mettre en œuvre passant très tôt dans le domaine public, généralement bien avant l'octroi des droits de brevet).

- La nature et l'étendue des droits conférés par un brevet étaient donc déterminées et circonscrites par les objectifs généraux du système des brevets, qui obligeaient à les délimiter clairement, tant du point de vue de la portée de l'invention pouvant être valablement revendiquée, que du point de vue de la portée des activités des tiers pouvant être limitées par le brevet. Ces considérations fondamentales trouvaient une expression dans les dispositions de fond de l'Accord sur les ADPIC – aux droits de brevet exclusifs définis à l'article 28 étaient opposés des critères restrictifs limitant la délivrance de brevets aux inventions véritablement nouvelles (article 27:1), ainsi que d'autres conditions, comme la divulgation complète (article 29), et des exceptions justifiées et limitées (article 30) ou d'autres restrictions des droits exclusifs (article 31).

- Un brevet conférait le droit d'empêcher des tiers d'accomplir certains actes en rapport avec le produit ou le procédé breveté. Deux facteurs étaient pris en compte pour déterminer la portée de ce droit exclusif – la portée effective de l'invention revendiquée dans chaque brevet (l'objet du brevet selon l'article 28), et la nature des activités considérées comme constituant une contrefaçon.

- Au niveau national, certains actes n'étaient pas considérés comme des actes de contrefaçon soit sous l'effet de dispositions législatives explicites, soit selon la jurisprudence. L'utilisation expérimentale en était un bon exemple: au Royaume-Uni, la Loi sur les brevets prévoyait expressément qu'un acte qui constituerait normalement une contrefaçon de brevet n'était pas une contrefaçon s'il était accompli "à des fins expérimentales", alors qu'en Australie, l'utilisation expérimentale faisait également l'objet d'une exception, mais seulement si un tribunal constatait, en suivant la jurisprudence, que les activités expérimentales en question ne constituaient pas une contrefaçon. De même, en mettant en parallèle la législation nationale en matière de brevets et l'Accord sur les ADPIC, on pouvait considérer qu'un acte permis – comme l'utilisation purement expérimentale – était justifié parce qu'il n'était pas visé par le droit de brevet initial défini à l'article 28 et, partant, n'était pas un acte de contrefaçon, ou bien qu'il était justifié au sens de l'article 30 en tant qu'exception limitée particulière au droit de brevet.

- Le droit des brevets et les accords internationaux en vigueur prévoyaient plusieurs exceptions non controversées aux droits de brevet dont la portée concordait avec celle des exceptions autorisées par l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, mettant ainsi en lumière l'application prévue de cet article:

- Les exceptions d'antériorité, qui permettaient à celui qui avait fait ou utilisé une invention brevetée (ou qui avait pris des mesures concrètes à cette fin), avant la date de priorité du brevet, de poursuivre cette activité sans qu'il y ait contrefaçon;

- L'utilisation d'une invention brevetée à bord de navires, de véhicules ou d'aéronefs d'autres pays pénétrant temporairement ou accidentellement dans le pays où le brevet s'appliquait (obligation dans le cadre de la Convention de Paris et, partant, de l'Accord sur les ADPIC).

- Une autre forme de limitation autorisée des droits de brevet consistait dans les "autres utilisations sans autorisation du détenteur du droit", visées à l'article 31 de l'Accord sur les ADPIC et à l'article 5A de la Convention de Paris et souvent appelées licences de droit, licences obligatoires et utilisation par les pouvoirs publics. Ces exceptions s'appliquaient généralement en cas de défaut d'exploitation du brevet, ou pour remédier à des pratiques anticoncurrentielles (article 31 c) et k)) ou encore pour faire face à des situations d'urgence nationales. Elles visaient à préserver l'équilibre fondamental des intérêts en permettant au public de bénéficier de la technologie brevetée à des conditions raisonnables grâce à l'"exploitation" du brevet. Il était important en l'espèce de noter que les mesures de ce genre étaient expressément exclues du champ d'application de l'article 30 de sorte que, si ces exceptions étaient autorisées par la législation nationale, elles devaient être soumises aux limitations particulières établies par l'article 31.

- Dans ce contexte général, l'Australie a examiné comment les articles 27, 28 et 30 de l'Accord sur les ADPIC s'appliquaient au présent différend, notamment par rapport aux dispositions de la Loi canadienne sur les brevets qui stipulaient qu'il n'y avait pas contrefaçon lorsque l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente d'une invention brevetée avait lieu, premièrement, pour demander une approbation réglementaire et, deuxièmement, en vue de la production et du stockage d'articles particuliers avant la date d'expiration du brevet, dans le cas où ces dispositions s'appliquaient uniquement aux brevets pharmaceutiques.

ARTICLE 28: NATURE DES DROITS CONFÉRÉS PAR UN BREVET

5.7 L'Australie a exposé son point de vue sur la nature des droits qu'un brevet conférait à son titulaire:

- L'article 28 de l'Accord sur les ADPIC disposait que le titulaire d'un brevet de produit jouissait du droit exclusif d'"empêcher des tiers agissant sans son consentement d'accomplir les actes ciaprès: fabriquer, utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer à ces fins ce produit" (un brevet de procédé conférait des droits analogues). Avant même qu'il ne soit question d'exceptions particulières, l'article 28 limitait les droits conférés au droit d'empêcher des tiers d'accomplir certains actes, sans pour autant donner au breveté le droit d'entreprendre ces actes. De plus, contrairement à la protection d'un secret commercial, un brevet ne pouvait servir à empêcher un tiers de prendre connaissance de l'invention brevetée et des moyens de la mettre en œuvre puisqu'il avait précisément pour fonction de permettre cela. De plus, une vérification pratique ou une démonstration pouvait être nécessaire à cette fin, ce qui impliquait l'utilisation d'éléments de l'invention divulguée.

- Le système des brevets avait pour but de rendre publiques les technologies nouvelles et de promouvoir l'innovation: les brevets devaient contribuer à l'enrichissement du corpus commun de connaissances et servir de base à de nouvelles innovations; ceux qui étaient affectés par un brevet devaient aussi avoir la faculté de déterminer si l'invention fonctionnait comme prévu et si elle était effectivement "susceptible d'application industrielle" ou "utile". Cela avait amené les tribunaux et les législateurs à reconnaître le droit des tiers de procéder à des essais et d'utiliser à des fins expérimentales une invention brevetée sans qu'il y ait contrefaçon du brevet.

- Les tribunaux de nombreux pays avaient aussi déclaré à maintes reprises que l'objet de la "fabrication" ou de l'"utilisation" d'un produit breveté était essentiel pour déterminer si ces actes portaient atteinte aux droits du breveté. En régime de common law, les tribunaux considéraient que la fabrication ou l'utilisation par un tiers constituait une contrefaçon si elle avait un but commercial manifeste. Dans l'affaire British Motor Syndicate v John Taylor & Sons (1900) (17 RPC 723 (CA)), le tribunal avait estimé que, pour qu'il y ait contrefaçon du brevet, la "fabrication" devait avoir lieu à des fins commerciales, et que toute utilisation qui privait le breveté du bénéfice commercial de son invention était une contrefaçon. De même, dans l'affaire Union Carbide's (Culbertson's) Application (1971 RPC 81), le tribunal avait estimé que, pour qu'il y ait contrefaçon, il fallait que l'utilisation ait un but commercial.

- Selon le droit écrit et la jurisprudence de nombreux pays, la portée de l'exclusion était liée à l'activité commerciale au sens large. Cela expliquait pourquoi l'Accord sur les ADPIC et les législations nationales prévoyaient le droit exclusif de fabriquer, utiliser et offrir à la vente, et pas seulement de vendre. Cela avait des incidences sur la forme des intérêts commerciaux à prendre en compte: "[Pour qu'il y ait contrefaçon,] il faut que la fabrication ait un but commercial. Il n'est pas nécessaire cependant que le but soit la vente effective; il suffit que l'utilisation prive le breveté du bénéfice commercial de son invention, même dans une mesure limitée."

- L'article 31 b) et c) considérait "l'utilisation publique à des fins non commerciales" comme une exception possible aux droits conférés par un brevet. L'Accord reconnaissait donc qu'au moins certaines formes d'utilisation non commerciale pouvaient être limitées par les droits exclusifs définis à l'article 28. Par conséquent, en appliquant l'Accord à une législation nationale, il apparaissait que certaines utilisations non commerciales étaient réputées constituer une contrefaçon aux termes de l'article 28 et devaient être justifiées par référence aux articles 30 ou 31.

- Le fait de demander une approbation réglementaire pour la copie générique d'un produit pharmaceutique breveté obligeait à accomplir certaines activités en rapport avec l'invention brevetée. Certaines de ces activités n'étaient pas du tout visées par les droits exclusifs définis à l'article 28. Celles qui entraient dans le champ d'application de cet article devaient être justifiées au regard de l'article 30. Dans certains cas, les activités nécessaires pour obtenir une approbation réglementaire étaient autorisées dans le cadre d'une licence obligatoire, d'une utilisation par les pouvoirs publics ou d'une autre utilisation prévue à l'article 31, mais cela n'était pas directement en question dans la présente affaire. La fabrication et le stockage devaient être considérés comme des activités intrinsèquement commerciales et pouvaient de ce fait entrer dans le champ d'application des droits exclusifs prévus à l'article 28.

Approbation réglementaire

- S'il ne donnait pas en soi le droit d'exploiter effectivement une invention, le droit de brevet était fondé sur le principe que le breveté devait avoir une possibilité raisonnable de réaliser de justes bénéfices commerciaux. Cette possibilité pouvait être compromise par la réglementation de l'utilisation de certaines technologies et par l'obligation de procéder à des essais et d'obtenir une approbation pour des raisons de santé publique, de sécurité ou de protection de l'environnement. Étant donné la nature des produits pharmaceutiques, ce processus demandait nécessairement beaucoup d'effort et de temps, surtout s'il s'agissait d'un composé nouveau (et non d'une copie). Bien souvent, cela retardait considérablement la mise sur le marché de produits pharmaceutiques nouveaux pour les titulaires de brevets et, à un moindre degré, pour les fabricants de produits génériques concurrents désireux de commercialiser des copies. Par ailleurs, en tant que catégorie de produits, les produits pharmaceutiques nouveaux procuraient au public des avantages exceptionnels et supposaient des niveaux de risque et d'investissement élevés.

- Les dispositions à prendre pour obtenir une approbation réglementaire variaient selon les législations nationales, mais certaines n'étaient pas visées par l'interprétation très large des droits exclusifs conférés par un brevet. Un brevet ne pouvait pas empêcher un concurrent de préparer des documents justificatifs requis et d'acquitter un droit pour demander une approbation réglementaire, activités qui n'étaient pas visées par les droits définis à l'article 28. Il se pouvait qu'une autorité de réglementation approuve la commercialisation d'une copie uniquement par référence à la documentation, sans qu'il y ait utilisation ou fabrication du produit pharmaceutique breveté. Il existait aussi un droit largement reconnu, compatible avec les articles 28 et 30 lus conjointement, de procéder à des essais pour déterminer la faisabilité technique de l'invention brevetée et pour servir de base à de nouvelles recherches. La question de savoir si la demande d'une approbation réglementaire pouvait constituer une contrefaçon du brevet se posait lorsque le processus d'approbation réglementaire nécessitait des essais et des recherches plus poussés ou spécialisés et la production limitée d'échantillons.

- En Allemagne et au Japon, la Cour suprême avait récemment estimé que l'utilisation d'un brevet pour procéder à des essais et à des expériences dans le but d'obtenir l'approbation réglementaire d'un produit pharmaceutique entrait dans le champ des exceptions réglementaires aux droits de brevet pour la recherche et l'utilisation à des fins expérimentales. La Cour suprême allemande avait déclaré que l'intention d'utiliser les résultats d'expériences et d'essais en vue d'obtenir une approbation réglementaire n'était pas pertinente pour déterminer si un acte relevait de l'exception pour utilisation expérimentale. La Cour suprême japonaise, quant à elle, avait fait observer que le refus d'autoriser, au titre de l'exception pour la recherche, l'utilisation expérimentale en vue d'obtenir une approbation réglementaire, avait pour effet de prolonger la durée effective de la protection par le brevet et, de ce fait, allait à l'encontre des principes fondamentaux du système des brevets, selon lesquels la société tirait avantage du fait que tout le monde pouvait utiliser l'invention après l'expiration du brevet.

- Comme le montraient ces affaires, l'exception pour la recherche (qu'il s'agisse d'une exception a priori à la définition même des droits de brevet ou d'une exception spécifique au titre de l'article 30) pouvait constituer le fondement juridique de l'utilisation pertinente d'un brevet en vue d'obtenir l'approbation réglementaire d'une copie. Toutefois, des exceptions supplémentaires ou distinctes au titre de l'article 30, outre l'exception pour la recherche, pouvaient être nécessaires pour quelques-unes au moins des mesures prises en vue d'obtenir cette approbation.

ARTICLE 30: EXCEPTIONS LIMITÉES

5.8 Commentant plus particulièrement l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, l'Australie a fait les observations suivantes:

- L'article 30 laissait aux Membres de l'OMC toute latitude pour prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet selon l'article 28 de l'Accord, à condition que ces exceptions:

- ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet;

- ne causent pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet; et

- tiennent compte des intérêts légitimes des tiers.

Il s'agissait d'un critère cumulatif car les trois conditions devaient être remplies.

- L'article 30 supposait que, dans certaines circonstances, des exceptions aux droits de brevet, distinctes des limitations prévues à l'article 31, étaient justifiées. Certaines exceptions pertinentes étaient prévues, par exemple, par la Convention de Paris (article 5ter). Commentant l'Accord sur les ADPIC, certains auteurs avaient illustré la portée des exceptions autorisées par l'article 30 en citant des dispositions concernant la recherche scientifique, l'expérimentation, l'invention simultanée et l'usage antérieur. La licence implicite permettant à l'acheteur légitime d'un article breveté de le revendre ou de le réparer pouvait être une autre exception. Pour déterminer si les dispositions en cause de la loi canadienne entraient dans le champ d'application de l'article 30, il fallait considérer à la fois la portée de ces dispositions et leur application à l'industrie pharmaceutique.

Caractéristiques de l'industrie pharmaceutique

- Avant d'appliquer les dispositions de l'article 30, il fallait examiner les caractéristiques particulières de l'industrie pharmaceutique qui constituaient le contexte de la présente affaire. Les prescriptions rigoureuses auxquelles il fallait satisfaire pour obtenir l'approbation réglementaire des produits pharmaceutiques nouveaux imposaient une charge aux fabricants: le processus d'approbation était long (et, pour le breveté, il pouvait empêcher l'exploitation commerciale pendant une bonne partie de la durée du brevet). Cela entraînait un manque à gagner pour le breveté pendant la période normale d'exploitation exclusive du brevet et cela décourageait l'investissement dans de nouveaux produits ainsi que dans la recherche et les essais cliniques nécessaires pour obtenir l'approbation. Pour le fabricant de produits génériques, les prescriptions réglementaires pouvaient retarder considérablement la mise sur le marché d'une copie après l'expiration du brevet, indépendamment des opérations commerciales et industrielles normales préalables à la commercialisation du produit.

- Les tribunaux et les gouvernements avaient constaté que la charge imposée par la réglementation pesait aussi bien sur les producteurs que la recherche sur les fabricants de produits génériques et ils avaient cherché à résoudre ce problème de diverses façons. Par exemple, un certain nombre de Membres permettaient de prolonger la durée des brevets pour remédier au déséquilibre des droits résultant de l'impossibilité d'exploiter le brevet pendant une grande partie de sa durée. De même, des exceptions limitées aux droits de brevet destinées à servir de "tremplin" avaient été appliquées pour corriger le déséquilibre susceptible de se produire lorsqu'un fabricant de produits génériques ne pouvait entreprendre les préparatifs réglementaires qu'après l'expiration du brevet. La raison d'être de ces deux types de mesures était de rétablir l'équilibre et de faire en sorte que le délai effectif d'exploitation commerciale exclusive soit raisonnable. Ces deux réactions complémentaires avaient le même but: remédier aux effets du processus réglementaire, qui faussent les échanges, tout en veillant à ce que chaque produit pharmaceutique nouveau soit rigoureusement testé afin de préserver l'intérêt général.

- Une application similaire des principes fondamentaux régissant les brevets apparaissaient dans une autre exception largement admise, autorisée par l'article 30 – l'exception d'antériorité mentionnée précédemment. Dans la présente affaire, le fait d'autoriser un tiers à continuer d'utiliser l'invention brevetée constituait une atteinte "justifiée" à l'exploitation normale parce que, si on l'en empêchait, cela compromettrait l'équilibre des intérêts légitimes du breveté et de l'utilisateur antérieur. En revanche, les dispositions normalement prises pour exploiter un brevet pharmaceutique – préparatifs techniques et industriels, fabrication, distribution, offre à la vente, etc. – n'étaient pas soumises à des obstacles extrinsèques particuliers ou à une perturbation excessive de l'équilibre fondamental des intérêts. Eu égard à ces dispositions, le secteur pharmaceutique était traité essentiellement de la même façon que tout autre domaine technologique.

"Atteinte injustifiée à l'exploitation normale d'un brevet"

- Une exception aux droits conférés par un brevet qui portait atteinte à l'exploitation normale du brevet pouvait être autorisée aux termes de l'article 30 à condition que cette atteinte ne soit pas injustifiée. La notion d'"exploitation normale" d'un brevet avait une portée plus large que la simple vente de produits brevetés: elle désignait essentiellement l'utilisation du brevet à des fins commerciales, ou d'une façon qui procurait un bénéfice au breveté. Elle englobait la fabrication du produit breveté à l'échelle industrielle, l'offre de ce produit à la vente, la concession d'une licence d'exploitation ainsi que l'emballage et la préparation du produit breveté en vue de sa vente et de sa distribution.

- La demande d'une approbation réglementaire liée à la technologie pour un produit pharmaceutique se distinguait aisément du processus normal de commercialisation d'un produit breveté. L'équilibre des intérêts dans le cadre des droits de brevet n'allait pas jusqu'à donner le droit d'empêcher des tiers de demander une approbation réglementaire en vue d'une utilisation après l'expiration du brevet. Si la demande amenait incidemment à entreprendre des activités qui empiétaient sur l'exploitation normale (par exemple, un cycle de production à l'échelle préindustrielle ou l'importation d'échantillons), ce serait un excellent exemple d'atteinte justifiée à l'exploitation normale: dans ce contexte, une atteinte "injustifiée" pouvait être définie par référence à l'équilibre fondamental des intérêts dans le cadre du système des brevets. Étant donné que cet équilibre n'était pas compromis par l'activité secondaire consistant à demander une approbation réglementaire, cette atteinte pouvait être considérée comme justifiée. Dans les cas où une exception était autorisée pour permettre des activités qui ne correspondaient pas à des obstacles particuliers à la commercialisation par les concurrents après l'expiration du brevet, l'atteinte à l'exploitation normale pouvait être considérée comme injustifiée.

"Préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet"

- Les intérêts légitimes du titulaire d'un brevet étaient les intérêts acquis par suite de la délivrance du brevet, c'estàdire les intérêts découlant du droit d'exploitation exclusive du brevet, droit qui expirait avec le brevet. Un préjudice à ces intérêts légitimes entraînait un dommage, un tort ou une perte en rapport avec l'exploitation des droits conférés par le brevet pendant sa durée. Cela pouvait être dû à la perte de ventes ou de possibilités de concéder des licences, à la diminution des bénéfices retirés des licences ou à une perte de valeur lors de la cession des droits. Un préjudice injustifié était une perte ou un dommage incompatible avec l'équilibre des droits et des obligations établi par le système des brevets; un préjudice justifié signifiait que des pertes pouvaient être subies, mais qu'elles ne privaient pas le titulaire du brevet des bénéfices commerciaux normaux, y compris ceux qui résultaient de la concession de licences en vue de l'exploitation commerciale générale du brevet.

- Le breveté pouvait retirer un avantage commercial en exerçant ses droits de diverses façons: l'intégralité de son revenu pouvait provenir du paiement de droits de licence. Ce dernier pouvait être lié à l'utilisation d'une invention brevetée pour des activités commerciales générales et n'était pas nécessairement limité au paiement d'une redevance sur les ventes finales. Les intérêts légitimes devaient être interprétés dans ce contexte plus large, et un préjudice causé à ces intérêts devait être considéré comme étant plus qu'une simple perte de ventes. Toutefois, les intérêts légitimes avaient des limites: le breveté pouvait en principe demander à un concurrent de payer des droits de licences pour l'utilisation d'un produit pharmaceutique breveté lors de la préparation et de la présentation des documents requis pour obtenir une approbation réglementaire. Mais il se pouvait, dans certaines circonstances, qu'il n'ait aucun intérêt légitime dans le fait de retirer un bénéfice d'un processus réglementaire, distinct de l'exploitation commerciale du brevet. Par ailleurs, si l'on considérait que la perception de droit de licence sur des concurrents qui se préparaient à commercialiser un produit pharmaceutique breveté constituait, en général, un intérêt légitime du breveté, une exception pour approbation réglementaire qui entraînait pour lui la perte de droits de licence causait un préjudice à ses intérêts, mais de manière justifiée. Cela tenait là encore à ce que l'équilibre fondamental des intérêts n'était pas préservé si le breveté tirait un bénéfice de l'exploitation de son invention uniquement en liaison avec un processus réglementaire extrinsèque.

- Les dispositions "tremplin", qui permettaient aux tiers de faire un usage limité du brevet en vue d'obtenir une approbation réglementaire, avaient pour but et pour effet de faciliter l'entrée des concurrents sur le marché après l'expiration du brevet. Elles n'entravaient en aucun cas l'exploitation commerciale du brevet par son titulaire et elles ne lui causaient pas de perte ou de dommage pendant la durée du brevet. Les pertes apparentes – comme celles dont se plaignaient les CE – étaient la conséquence du passage d'une situation de monopole à une situation concurrentielle après l'expiration du brevet. Le titulaire du brevet n'avait droit à aucune compensation si ses bénéfices diminuaient sous l'effet d'une concurrence loyale, après l'expiration du brevet.

"Compte tenu des intérêts légitimes des tiers"

- La troisième condition formulée à l'article 30 était l'obligation de tenir compte des intérêts légitimes des tiers. La question de savoir si une exception "portait atteinte de manière injustifiée" à l'exploitation normale d'un brevet ou causait un "préjudice" aux intérêts légitimes du titulaire du brevet devait donc être pondérée par les intérêts des tiers; cela donnait à penser que les intérêts des tiers devaient être pris en considération, mais ne primaient pas nécessairement. Cet élément de l'article 30 reflétait l'objectif énoncé à l'article 7, qui était de contribuer à un équilibre de droits et d'obligations. L'exception d'antériorité était un cas évident de prise en compte des intérêts des tiers: ou l'importance de l'intérêt de la tierce partie (droit découlant de la mise au point indépendante de l'invention avant la date de dépôt), le titulaire du brevet n'avait pas le droit d'agir contre elle.

- Les brevetés n'étaient pas les seules parties ayant un intérêt dans la protection des produits pharmaceutiques. L'octroi de cette protection était plus complexe que le simple octroi unilatéral de droits au breveté: c'était un contrat entre l'État et l'innovateur dans le cadre duquel la protection avait pour contrepartie la divulgation des connaissances nouvelles et le fait qu'il était dans l'intérêt général d'encourager l'investissement dans la recherche et le développement de produits pharmaceutiques nouveaux. Les parties intéressées étaient donc aussi les consommateurs privés, les autorités responsables de la protection de la santé publique et les fabricants de produits génériques qui souhaitaient entrer sur le marché après l'expiration du brevet.

- Les intérêts divers des tiers n'entraient pas nécessairement en conflit avec ceux du titulaire du brevet. L'Australie estimait que l'affaiblissement de la protection de la propriété intellectuelle dans le cas des brevets pharmaceutiques ne servait pas les intérêts des consommateurs, des gouvernements et même des fabricants de produits génériques, mais que les intérêts légitimes des tiers résidaient dans le maintien de l'équilibre voulu entre la protection de la propriété intellectuelle et d'autres questions d'intérêt général, comme l'existence d'une concurrence libre et loyale à l'expiration du brevet, un système adéquat de fixation des prix des produits pharmaceutiques, un plus large choix de produits pour les consommateurs, et la poursuite de l'investissement et de la prise de risque dans la mise au point de produits pharmaceutiques nouveaux.

- Les intérêts des tiers étaient en jeu parce que les retards dus à la réglementation après l'expiration du brevet pouvaient retarder considérablement la mise sur le marché de copies et restreindre ainsi la concurrence loyale sur le marché des produits pharmaceutiques. Prévoir une exception limitée aux droits conférés par un brevet pour permettre de prendre des dispositions en vue d'obtenir une approbation réglementaire était donc une bonne façon de tenir compte de ces intérêts sans porter atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet et sans causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet.

ARTICLE 27:1: DISCRIMINATION QUANT AU DOMAINE TECHNOLOGIQUE

5.9 Enfin, l'Australie a examiné les questions relatives à la clause de nondiscrimination de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC, en mettant en avant les points suivants:

- L'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC disposait que "des brevets pourront être obtenus et il sera possible de jouir de droits de brevet sans discrimination quant au domaine technologique". Les CE avaient allégué que des dispositions "tremplin" visant uniquement l'industrie pharmaceutique établissaient une discrimination à l'encontre de cette dernière sur la base du domaine technologique. Il a été dit que cette allégation n'était pas recevable eu égard à une disposition limitée se rapportant exclusivement à l'obtention d'une approbation réglementaire.

- La principale forme de discrimination fondée sur le domaine technologique, envisagée à l'article 27:1, était le refus pur et simple d'accorder des droits de brevet, qui faisait l'objet des exceptions particulières à la règle, prévues aux paragraphes suivants de l'article 27. Il y avait une différence entre l'absence de discrimination en ce qui concernait la jouissance des droits de brevet et l'application de règles uniformes dans tous les domaines technologiques. Le fait d'établir des règles distinctes tenant compte des conséquences pratiques des différences entre les domaines technologiques n'était pas incompatible avec l'Accord sur les ADPIC: par exemple, l'administration des brevets pouvait nécessiter des règles distinctes en matière de divulgation (comme les obligations relatives au dépôt des microorganismes, conformément au Traité de Budapest), afin de maintenir l'équilibre fondamental des droits et des obligations.

- Par conséquent, dans certaines circonstances, des règles propres à une technologie pouvaient être appliquées précisément dans l'intention de permettre de jouir de droits de brevet sans discrimination. En ce sens, un traitement différencié ne représentait pas nécessairement une discrimination. En revanche, un traitement non différencié appliqué de manière uniforme pouvait entraîner une discrimination à l'encontre de ceux qui étaient exposés à des circonstances particulières liées à la technologie. Les gouvernements ou, dans certains cas, les tribunaux pouvaient choisir de recourir à des mesures de ce genre pour tenir compte des caractéristiques et des exigences particulières d'un secteur industriel. Par exemple, la nécessité de remédier aux retards importants dus à la réglementation dans le domaine pharmaceutique avait conduit à diverses formes de prolongation des brevets destinées à rétablir l'équilibre des intérêts. De même, les exceptions limitées aux droits de brevet permettant aux fabricants de produits génériques concurrents d'obtenir l'approbation réglementaire de produits pharmaceutiques visaient à rétablir l'équilibre des intérêts dès l'expiration du brevet.

- Cet équilibre des intérêts était obtenu en garantissant que la jouissance des droits de brevet ne limite les activités commerciales légitimes que pendant la durée du brevet, et ces droits ne servaient pas à limiter les activités commerciales d'un concurrent après l'expiration du brevet. Il n'y avait pas de discrimination si l'ensemble des droits garantissait aux concurrents la possibilité d'entrer sur le marché dès l'expiration du brevet, comme c'était le cas dans d'autres secteurs, sans affaiblir indûment les droits légitimes conférés pendant la durée du brevet. En conséquence, un ensemble équilibré de dispositions "tremplin" permettait à l'industrie pharmaceutique de ne pas être victime d'une discrimination indirecte du fait de l'application universelle de droits et de conditions uniformes en matière de brevets qui entraînerait en pratique la prolongation de facto des droits de monopole du titulaire du brevet après l'expiration de ce dernier.

BRÉSIL

5.10 Le Brésil a déclaré que son intérêt dans le différend tenait à ce qu'il donnait lieu à un débat crucial sur le rapport entre les questions commerciales et l'intérêt général. Quelle que soit la décision rendue en l'espèce, elle influerait sur la façon dont était perçue la notion d'équilibre, dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC, entre l'intérêt général et les engagements commerciaux. En ce sens, l'intervention du Brésil dans ce différend était motivée essentiellement par un intérêt systémique. Elle était particulièrement pertinente compte tenu de la dimension du marché pharmaceutique brésilien, qui était l'un des cinq plus importants du monde, avec un chiffre d'affaires de 9,6 milliards de dollars par an. Le secteur employait 47 100 personnes et, rien qu'en 1996, il avait représenté 200 millions de dollars d'investissements. Le principal souci du Brésil était que l'interprétation de l'Accord sur les ADPIC souhaitée par les Communautés européennes et leurs États membres pouvait conférer un avantage indu au titulaire d'un brevet, quant à la prolongation de facto de la durée du brevet, au détriment de l'équilibre de droits et d'obligations soigneusement négocié dans le cadre de l'Accord.

5.11 Le Brésil ne pouvait pas admettre le raisonnement des Communautés européennes et de leurs États membres selon lequel les alinéas 55.2 1) et 55.2 2) de la Loi canadienne sur les brevets, qui énonçait certaines exceptions aux droits des titulaires de brevets, étaient contraires à trois dispositions de l'Accord sur les ADPIC, à savoir les articles 27:1, 28:1 et 33, et que cela ne pouvait pas être justifié au titre de l'article 30 de l'Accord. D'après le Brésil, l'article 30 visait à établir un équilibre entre intérêt privé et intérêt public et le Canada avait appliqué cette disposition sans outrepasser les limites qu'elle fixait.

5.12 Le Brésil estimait que la notion d'équilibre avait une importance primordiale dans l'Accord sur les ADPIC. D'une part, il y avait les intérêts légitimes des titulaires de brevets, les producteurs de technologie qui jouaient un rôle essentiel dans le processus contribuant au développement économique. Le système des brevets ne pouvait être considéré que comme un moyen d'accorder à l'inventeur, pour une durée limitée, une compensation adéquate pour l'investissement qu'il avait réalisé et d'inciter à poursuivre la recherche pour réaliser de nouvelles créations. D'autre part, il y avait les consommateurs, représentant les bénéficiaires de ces inventions, la société tout entière, dont les intérêts devaient être pris en compte par les gouvernements. Cette relation était clairement décrite à l'article 7 de l'Accord. Le Brésil pensait, comme le Canada, que "les droits de propriété intellectuelle n'existent pas dans l'abstrait. Ils sont conférés compte tenu des intérêts et des valeurs relatifs au bienêtre social et économique". Avec l'article 7, l'article 8 était pertinent aussi du point de vue de l'équilibre des droits et des obligations des titulaires de brevets, indiquant que les Membres avaient la possibilité d'adopter les mesures nécessaires pour protéger la santé publique et promouvoir l'intérêt public dans des secteurs d'une importance vitale pour leur développement socioéconomique et technologique. De l'avis du gouvernement brésilien, il fallait tenir compte des considérations générales formulées aux articles 7 et 8 pour appliquer les dispositions de l'Accord car elles faisaient partie d'un tout qui garantissait l'équilibre des droits et des obligations des Membres de l'OMC. Cela était encore plus important eu égard à l'objet du présent différend.

5.13 D'après le Brésil, une façon d'assurer l'équilibre dans le cas des brevets pouvait être de faire en sorte que la durée de la protection n'aille pas audelà des 20 ans prescrits à l'article 33 de l'Accord. Comme l'avaient fait valoir les Communautés européennes et leurs États membres, sans les mesures prévues par la législation canadienne, la commercialisation effective ne serait possible au plus tôt que deux ans après l'expiration du brevet. S'il était vrai que l'Accord sur les ADPIC ne fixait pas la durée maximale de protection par un brevet, il était juste aussi de dire que les Membres n'étaient pas obligés de prolonger la protection par un brevet audelà du délai de 20 ans. En conséquence, la législation canadienne visait à empêcher la prolongation de facto de la durée de la protection, permettant ainsi au marché de déterminer des prix plus bas pour les médicaments génériques dès l'expiration du délai de 20 ans. Par ailleurs, l'argument des CE évoquant les pertes économiques subies par les détenteurs de droits après l'expiration de la période de protection de 20 ans semblait ne pas avoir de fondement juridique solide, car aucun droit exclusif – se traduisant en l'occurrence par des recettes monopolistiques – ne pouvait être revendiqué, au titre de l'Accord, après l'expiration du brevet. Légitimer une telle revendication aurait nécessairement des conséquences pour les droits des titulaires de brevets, alors que la prolongation de facto de la durée de la protection n'était pas obligatoire aux termes de l'Accord – bien au contraire, on pouvait dire que le Canada appliquait convenablement l'Accord en imposant une limite juridique aux droits du breveté pour qu'ils ne se prolongent pas audelà de la période de 20 ans. Inversement, les CE semblaient croire que les Membres devaient appliquer, en pratique, une période de protection moyenne d'au moins 22 ans à compter de la date du dépôt - voire une période plus longue (le Canada ayant mentionné une période de trois à six ans et demi, au lieu du minimum de deux ans évoqué par les CE). À l'évidence, cela ne correspondait ni à l'esprit ni à la lettre de l'Accord sur les ADPIC. Le Canada avait usé de la faculté de mettre en œuvre librement les dispositions de l'Accord dans le cadre de son propre système juridique, conformément à l'article 1:1. La protection par un brevet pendant 20 ans était suffisamment longue pour permettre au breveté de se préparer à la situation qui résulterait de l'expiration de son droit monopolistique, et du libre jeu de la concurrence. À cet égard, on pouvait faire une analogie avec les réductions tarifaires négociées dans le cadre de l'OMC. Les entreprises se préparaient au moment où la suppression progressive des droits serait achevée et cette préparation, qui pouvait consister, par exemple, en l'augmentation de la capacité de production, était considérée comme une planification normale et n'était pas contestée par les tiers.

5.14 De plus, d'après le Brésil, le Canada avait fait valoir à juste titre que les dispositions pertinentes de sa Loi sur les brevets étaient des exceptions limitées de caractère non discriminatoire qui ne réduisaient pas la durée minimale de la protection prescrite par l'Accord sur les ADPIC. Le Brésil a souligné que, en ce qui concernait le recours par le Canada aux exceptions prévues à l'article 30 de l'Accord, l'exploitation normale du brevet était garantie, dans la mesure où les utilisations autorisées, liées à la préparation et à la présentation d'informations ainsi qu'à la fabrication et à l'emmagasinage d'articles, n'affectaient pas les droits du titulaire du brevet avant l'expiration de la protection. Jusqu'à ce moment, aucun gain n'était réalisé par quiconque hormis le détenteur du droit, autrement dit, il n'y avait aucun effet commercial pendant la durée de la protection.

5.15 Enfin, le Brésil souscrivait à l'analyse de l'article 30 faite par le Canada, en particulier en ce qui concernait la définition des tiers dont les intérêts légitimes devaient être pris en compte chaque fois que des exceptions aux droits exclusifs étaient établies par un Membre. La notion de tiers devait englober la société et, en particulier dans le cas des produits pharmaceutiques, les consommateurs dont l'intérêt légitime était d'avoir accès à des médicaments moins chers.

COLOMBIE

5.16 La Colombie a fait observer que l'allégation des CE faisant état d'une incompatibilité éventuelle entre l'article 55.2 de la Loi canadienne sur les brevets et les articles 27:1, 28 et 33 de l'Accord sur les ADPIC obligeait à analyser avec soin le sens de l'article 30, qui énonçait une exception générale applicable aux droits conférés par un brevet, et elle a fait valoir que le texte de l'article 30, compte tenu de son contexte et de l'objet et du but de l'Accord sur les ADPIC, énoncés, en particulier, dans son préambule et à l'article 7, indiquait que les droits de brevet exclusifs pouvaient faire l'objet d'exceptions, à condition, bien entendu, que les prescriptions de l'article 30 soient respectées. D'après la Colombie, l'exception prévue à l'article 55.2 de la Loi canadienne sur les brevets était conforme aux prescriptions de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC car:

- c'était une exception "limitée" au sens de l'article 30, puisqu'elle s'appliquait exclusivement au secteur technologique et aux droits du breveté qui étaient nécessaires pour atteindre son but. La prescription de l'article 30 permettait de déroger au principe de nondiscrimination énoncé à l'article 27:1 quand cela découlait de l'objectif même de l'exception;

- elle ne portait pas "atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet," puisqu'elle protégeait les droits économiques du breveté pendant les 20 années au cours desquelles le brevet était en vigueur;

- elle ne causait pas "un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet" puisqu'elle avait pour seul effet d'empêcher la prolongation de facto de la protection conférée par le brevet audelà des 20 ans prévus à l'article 33 de l'Accord, laquelle ne constituait pas un intérêt légitime du titulaire du brevet.

5.17 À l'appui de ces conclusions, la Colombie a présenté l'analyse suivante de la conformité de l'article 55.2 1) et 55.2 2) de la Loi canadienne sur les brevets avec l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, notant que, pour déterminer le sens de cette exception générale, il fallait déterminer le sens ordinaire de ses termes à la lumière de leur contexte et de leur rapport avec l'objet et le but de l'Accord, en particulier son préambule et son article 7.

- L'article 55.2 1) et 55.2 2) permettait l'utilisation d'un brevet par un tiers, sans le consentement du titulaire du brevet, pour: a) mettre au point un produit et présenter des informations aux autorités de réglementation afin de remplir les conditions requises pour obtenir l'autorisation de commercialiser le produit; et b) fabriquer et emmagasiner le produit en vue de le vendre après l'expiration du brevet.

- L'article 30 de l'Accord sur les ADPIC énonçait une exception générale qui permettait aux Membres de prévoir des exceptions aux droits exclusifs conférés par un brevet, sans aucune limitation quant au secteur, aux circonstances ou aux modalités de son application. Pour être applicable, cette exception devait seulement remplir trois conditions:

- elle devait être limitée;

- elle ne devait pas porter atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet; et

- elle ne devait pas causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers.

L'article 7 énonçant les objectifs de l'Accord sur les ADPIC disposait que la protection des droits de propriété intellectuelle devait contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie en favorisant le bienêtre social et économique des Membres de l'OMC. En conséquence, si les trois conditions posées à l'article 30, confirmées par l'article 7, étaient remplies, l'exception était compatible avec l'Accord sur les ADPIC et la question à laquelle le Groupe spécial devait répondre était de savoir si l'article 55.2 de la Loi canadienne sur les brevets remplissait ces conditions.

L'exception était limitée

- Le dispositif établi par l'article 55.2 de la Loi sur les brevets constituait une exception qui était limitée du point de vue de son champ d'application, des droits visés et de sa durée. En tout état de cause, l'exception était limitée au but poursuivi.

Le champ d'application de l'exception était limité par le but poursuivi

- L'application de l'exception était limitée aux produits pharmaceutiques puisque son but était d'assurer un équilibre entre les droits de propriété de l'inventeur et le bienêtre social et économique de la société.

- Pour protéger la propriété intellectuelle d'une manière qui encourage l'invention, le dispositif maintenait le droit exclusif du titulaire du brevet d'approvisionner le marché pendant 20 ans.

- Pour protéger la santé publique, il fallait que les particuliers et le système de santé publique puissent disposer de médicaments génériques de manière à faciliter l'accès aux produits pharmaceutiques. Les prix monopolistiques des produits pharmaceutiques protégés par un brevet limitaient forcément les possibilités d'accès des consommateurs. Il était fait référence à cet égard aux explications données par le Canada au sujet de l'augmentation des coûts des produits brevetés et de l'écart de prix avec les produits génériques. Le souci de faciliter l'accès aux produits génériques, qui était directement lié au niveau de vie de la population, était un objectif légitime, confirmé directement par l'Organisation mondiale de la santé (Résolution du Conseil exécutif EB 103.R1) et indirectement par l'Accord sur les ADPIC (article 7).

- La raison pour laquelle ce dispositif exceptionnel était appliqué aux seuls brevets pharmaceutiques, et non aux autres secteurs technologiques, ne pouvait pas être considérée comme une violation du principe de nondiscrimination énoncé à l'article 27:1, qui n'était pas visé par l'article 30. C'était précisément l'article 30 qui exigeait que l'application de l'exception soit limitée. En d'autres termes, il exigeait, par définition, que l'avantage ne soit pas accordé horizontalement, mais seulement lorsque l'exception était justifiée. L'application de cette exception à tous les secteurs technologiques serait contraire à la première prescription de l'article 30. La condition posée à l'article 30 constituait donc une dérogation au principe de nondiscrimination de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC.

- En résumé, le recours à l'exception autorisée par l'article 30 pour les brevets pharmaceutiques était justifié par la nécessité de protéger un bien public, à savoir la santé, en assurant l'accès aux produits pharmaceutiques à des prix compétitifs. Cet intérêt était conjugué à l'intérêt de protéger la propriété intellectuelle pendant une période suffisante pour encourager l'invention, dont on avait admis qu'elle était de 20 ans. En conséquence, l'accès aux produits pharmaceutiques à des prix compétitifs n'était permis qu'immédiatement après l'expiration du brevet. L'importance des produits pharmaceutiques pour la santé et le cadre réglementaire nécessaire pour ce secteur le différenciait des autres secteurs technologiques et justifiait l'exception prévue dans la législation canadienne.

L'exception était limitée dans le temps et dans les droits visés

- Les exceptions prévues à l'article 55.2 de la Loi ne visaient que quelquesuns des droits du titulaire du brevet. L'alinéa 1) faisait exclusivement référence à l'utilisation du brevet pour la mise au point d'un produit et la présentation d'informations exigées par les autorités de réglementation qui autorisaient la production et la vente des produits pharmaceutiques. L'alinéa 2) permettait à une partie qui avait eu recours à l'exception de l'alinéa 1) de fabriquer le produit pour le stocker pendant les six mois précédant la date d'expiration du brevet. L'exception ne permettait pas la vente ou la distribution du produit avant cette date.

L'exception ne portait pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet

- Le terme "exploiter" signifiait, entre autres, "retirer un bénéfice d'une activité commerciale ou industrielle pour son propre compte". Cela signifiait que l'exploitation normale du brevet était une expression qui désignait le fait d'en retirer un bénéfice (une rente économique) pendant la période pour laquelle ce droit était conféré (20 ans). L'article 55.2 de la Loi n'affectait pas l'"exploitation normale" du brevet car il préservait la possibilité d'obtenir un bénéfice en tant que fournisseur exclusif pendant 20 ans. Il n'affectait pas non plus les autres droits qui faisaient partie de l'"exploitation normale" du brevet, tels que le droit de concéder une licence d'exploitation de l'invention ou du brevet ou la faculté de transmettre le brevet.

- Qui plus est, étant donné que l'exception était limitée et ne permettait pas de vendre le produit avant l'expiration du brevet, elle ne portait pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet. Pour avoir une incidence injustifiée sur le droit d'exploiter le brevet, l'exception devait affecter substantiellement et de manière injustifiée les droits conférés au titulaire du brevet. Le terme "injustifié" signifiait "allant au-delà des limites du raisonnable", ce qui serait le cas: i) d'une exception injustifiée; ii) d'une exception dont la portée allait audelà des droits directement liés au but poursuivi; ou iii) d'une exception appliquée d'une manière qui compromettait substantiellement les droits économiques découlant de l'exploitation du brevet.

- Aucune de ces circonstances n'était présente dans l'application de l'article 55.2 de la Loi, puisque l'exception était fondée sur une politique de santé publique légitime. L'exception protégeait les droits économiques du titulaire d'un brevet pendant les 20 années prévues à l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC et établissait un équilibre entre ces droits et les exigences du bienêtre social et économique du public, qui n'étaient satisfaites qu'après l'expiration de la période de protection de 20 ans.

L'exception ne causait pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet

- Les intérêts légitimes du titulaire du brevet résidaient dans l'utilisation de son invention pour obtenir une rente économique soit en tant que fournisseur monopolistique, soit par la concession d'une licence d'exploitation, pour une durée de 20 ans, soit par la transmission du droit.

- L'exception prévue à l'article 55.2 de la Loi ne causait pas un préjudice à ces intérêts. Elle avait pour seul effet d'empêcher la prolongation de facto de la période d'exploitation du brevet puisqu'elle permettait aux autres fournisseurs de se préparer à entrer sur le marché en position concurrentielle aussitôt après l'expiration du brevet.

- De plus, le fait d'essayer d'obtenir une prolongation de facto de la période d'exploitation du brevet ne correspondait pas à un intérêt légitime du titulaire du brevet et ne faisait pas partie de l'exploitation normale du brevet. C'était en un sens une exploitation abusive du droit conféré par le brevet.

Le contexte de l'article 30 et l'objet et le but de l'Accord sur les ADPIC

- Le sens de l'article 30 était confirmé par le contexte de cette disposition. L'article 7 de l'Accord disposait que la protection des droits de propriété intellectuelle devait contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie d'une manière propice au bienêtre social et économique des Membres de l'OMC. À la lumière de l'article 7, il était impossible de privilégier une interprétation de l'article 30 qui répondait seulement au premier de ces objectifs car, dans ce cas, l'article 30 serait superflu par rapport aux articles 27, 28 et 33.

- De surcroît, dans le Préambule de l'Accord, il était dit que l'un de ses objectifs était d'assurer la protection suffisante des droits de propriété intellectuelle et de faire en sorte que la meilleure protection de ces droits ne devienne pas un obstacle au commerce légitime. Cela indiquait clairement que les droits et obligations découlant de l'Accord devaient être interprétés de façon à empêcher l'usage abusif des droits que l'Accord était censé renforcer.

- Il fallait noter enfin que le Préambule reconnaissait les objectifs de développement qui soustendaient les objectifs de politique générale des systèmes nationaux. Cela indiquait clairement que, en signant l'Accord sur les ADPIC lors de leur accession à l'OMC, les Membres acceptaient de respecter les mécanismes législatifs nationaux conçus pour atteindre ces objectifs.

CUBA

5.18 Cuba était d'avis que le régime juridique canadien applicable aux brevets pharmaceutiques était pleinement compatible avec les dispositions de l'Accord sur les ADPIC et n'enfreignait aucune d'entre elles. Cette position était fondée sur les considérations suivantes relatives à l'interprétation de l'Accord.

Section 5 de l'Accord sur les ADPIC relative aux brevets

- La section 5 (Brevets) de la Partie II (Normes concernant l'existence, la portée et l'exercice des droits de propriété intellectuelle) de l'Accord sur les ADPIC traitait de façon assez systématique des questions relatives à la protection des inventions, auxquelles s'appliquaient inévitablement toutes les règles énoncées dans la Partie I de l'Accord (Dispositions générales et principes fondamentaux).

- Ainsi, l'article 27 (Objets brevetables) définissait la portée de la protection conférée par un brevet, tandis que l'article 28 (Droits conférés) établissait la portée précise de cette protection et les articles suivants (article 29 – Conditions imposées aux déposants de demandes de brevets; article 30 – Exceptions aux droits conférés; article 31 – Autres utilisations sans autorisation du détenteur du droit; et article 32 – Révocation/déchéance) précisaient certains aspects essentiels de la protection. Enfin, l'article 33 (Durée de la protection) fixait la durée de la protection de ces droits et l'article 34 (Brevets de procédés: charge de la preuve) décrivait un instrument de procédure dont disposaient les titulaires de brevets et qui s'appliquait uniquement aux brevets de procédé.

- De l'avis de Cuba, la section 5 de la Partie II de l'Accord sur les ADPIC exposait une approche systémique, plus ou moins détaillée quant aux prescriptions fondamentales, de la question de la protection des inventions par des brevets. Autrement dit, tous les articles qui y figuraient étaient des dispositions de valeur égale et de signification identique aux fins de leur application au niveau national ou régional.

- Il fallait souligner qu'en général les dispositions de la Partie II (Normes concernant l'existence, la portée et l'exercice des droits de propriété intellectuelle) de l'Accord sur les ADPIC, et en particulier la section 5 (Brevets), étaient soumises aux règles de la Partie I (Dispositions générales et principes fondamentaux). À cet égard, les dispositions de l'article 7 (Objectifs) et de l'article 8 (Principes) étaient particulièrement pertinentes, car, conjointement avec la dernière phrase de l'article 1:1 (Nature et portée des obligations), elles laissaient aux Membres de l'OMC une certaine latitude pour exécuter les obligations découlant de l'Accord.

- Il était admis que, nonobstant ses aspects généraux, l'Accord sur les ADPIC comportait certains éléments particuliers relatifs à la protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques. Les règles établies à l'article 70:8 et 70:9 (Protection des objets existants) en étaient un exemple. C'est ce qu'avait constaté l'Organe d'appel dans l'affaire Inde – Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l'agriculture (plainte des ÉtatsUnis), qui avait dit dans son rapport:

"30. Parmi les nombreuses dispositions de l'Accord sur les ADPIC, certaines prévoient des obligations spécifiques concernant la protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques [...]"

Article 27 (Objet brevetable)

- Comme le reconnaissait le rapport de l'Organe d'appel dans l'affaire Inde – Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l'agriculture (plainte des ÉtatsUnis), l'article 27 (Objet brevetable) était une disposition générale concernant la brevetabilité. Cela ressortait clairement du libellé effectif de cet article. Son premier paragraphe renfermait une clause générale ("[...] un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle [...] des brevets pourront être obtenus et il sera possible de jouir de droits de brevet sans discrimination quant au lieu d'origine de l'invention, au domaine technologique et au fait que les produits sont importés ou sont d'origine nationale"), tandis que les paragraphes 2 et 3 énonçaient des prescriptions à la brevetabilité, ainsi que des "exceptions aux exceptions", comme dans le cas des variétés végétales.

- Néanmoins, l'article 27 devrait toujours être lu dans le contexte général de l'Accord comme faisant partie d'un tout qui, d'une part, établissait des prescriptions minimales pour la protection de la propriété intellectuelle et, d'autre part, permettait, le cas échéant, des exceptions aux droits conférés et des limitations de ces droits. Il était donc clair que l'article 27 avait pour but d'étendre autant que possible la protection des inventions dans les pays Membres de l'OMC, sans perdre de vue les impératifs nationaux en matière de protection de l'ordre public et de la moralité, de la santé et de la vie des personnes et des animaux, et de l'environnement, tout en contribuant à la réalisation des objectifs en matière de développement scientifique, technique et socioéconomique. Pons de Val avait écrit qu'"en réalité, la fonction du droit des brevets est de favoriser le progrès technique et industriel; aussi est-il nécessaire de concevoir des mécanismes adéquats pour atteindre cet objectif. Autrement dit, le droit des brevets est conçu non seulement comme un moyen de protéger l'inventeur, mais aussi comme un moyen de servir l'intérêt de la collectivité, qui devrait être l'ultime bénéficiaire du progrès technique".

- Toutefois, on ne pouvait pas déduire du simple fait qu'un secteur technologique – en l'espèce le secteur pharmaceutique – bénéficiait d'un traitement particulier en vertu d'une loi nationale que ce traitement était discriminatoire, en particulier si le régime était appliqué sans distinction, de façon universelle et conformément aux principes du traitement national et du traitement de la nation la plus favorisée.

- De plus, l'Accord sur les ADPIC renfermait lui-même des dispositions spéciales relatives aux brevets pour les inventions pharmaceutiques. Par conséquent, la disposition générale de l'article 27 n'interdisait en aucune façon d'appliquer à ces inventions un traitement spécial. Se référant à l'Accord en général, Casado Cerviño and Cerro Prada avaient écrit que "le contenu ambitieux de ce nouvel instrument international est contrebalancé pour ainsi dire par une grande flexibilité qui contribue au maintien d'un délicat équilibre entre les différents intérêts des parties concernées. L'Accord se borne ainsi à fixer des règles de protection minimales que doivent respecter tous les États Membres de l'OMC. C'est, à cet égard, un traité minimaliste qui favorisera en tout état de cause le rapprochement entre les différentes législations nationales. Par ailleurs, le texte prévoit différents mécanismes qui aident à assurer l'équilibre des droits et des obligations".

- La question de la protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques avait de tout temps mérité une attention particulière du point de vue législatif et doctrinal, ce qui pouvait aisément s'expliquer par la nature des produits considérés et leur impact social. En fait, l'action même de protéger les produits pharmaceutiques par des brevets avait toujours suscité des débats très animés. Comme l'avait fait observer le Groupe spécial dans l'affaire Inde – Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l'agriculture (plainte des États-Unis), l'Accord sur les ADPIC ne faisait pas exception: "Nous notons que lors de la négociation de l'Accord sur les ADPIC, la question de la protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l'agriculture était une question capitale, qui a été négociée dans le cadre d'un ensemble de questions connexes concernant la portée de la protection devant être accordée aux brevets et à certains droits connexes et le moment où cette protection est réputée avoir une incidence économique [...]." De même, Correa avait dit que "l'importance de la protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l'agriculture apparaît clairement dans les dispositions transitoires particulières établissant les droits qui ne sont pas conférés aux titulaires de brevets dans d'autres domaines technologiques". Suivant le même raisonnement que le Groupe spécial cité précédemment, le Groupe spécial qui avait examiné la plainte déposée contre l'Inde par les Communautés européennes et leurs États membres dans l'affaire Inde – Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l'agriculture avait également déclaré: "[...] Un élément capital de l'arrangement conclu était que les pays en développement qui n'accordaient pas la protection conférée par un brevet de produit pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l'agriculture étaient autorisés à différer la mise en place de cette protection pendant une période de dix ans à compter de l'entrée en vigueur de l'Accord sur l'OMC. Toutefois, s'ils choisissaient cette option, ils étaient tenus de mettre en place un moyen de déposer des demandes de brevet pour de telles inventions de manière à permettre la préservation de leur nouveauté et de leur priorité aux fins de déterminer si elles étaient admises à bénéficier de la protection conférée par un brevet après l'expiration de la période de transition. En outre, ils étaient tenus d'accorder également des droits exclusifs de commercialisation pour les produits en question si l'approbation de la commercialisation de ces produits avait été obtenue pendant la période de transition, sous réserve d'un certain nombre de conditions."

- Il fallait garder à l'esprit que d'autres facteurs extrêmement importants liés à la brevetabilité des inventions pharmaceutiques avaient amené à reconnaître la "particularité" de ce secteur. À cet égard, Otero Lastres avait écrit que "[...] ce secteur industriel présente un certain nombre de caractéristiques particulières qui le différencient des autres. Les plus importantes sont notamment les suivantes:

a) Premièrement, c'est un secteur où la recherche joue un rôle fondamental, et cette recherche a ellemême des particularités qui méritent d'être mentionnées. La première découle de l'objectif effectif de la recherche et de la nature du domaine considéré. […] La deuxième réside dans l'organisation de la recherche scientifique et technique. […] La troisième consiste dans l'importance des moyens humains et économiques nécessaires pour obtenir un nouveau médicament. […] Et la quatrième est étroitement liée aux autres: la recherche pharmaceutique nécessite une échelle industrielle, ce qui explique d'ailleurs la tendance manifeste à la concentration des entreprises dans les pays où elle a lieu (voir De Haas page 452). [...]

b) Deuxièmement, ce secteur est caractérisé par le fait que les inventions chimiques et pharmaceutiques sont "vulnérables" à l'imitation. Une fois qu'ils sont commercialisés, la plupart des médicaments nouveaux peuvent être copiés pour un coût minime par toute entreprise ayant une certaine expérience dans le secteur. Cela tient à la nature même des produits chimiques ou pharmaceutiques qui sont généralement faciles à reproduire; une fois que l'on en a fait la synthèse et que l'on a déterminé leurs composants; cela tient aussi à ce que les laboratoires de recherche euxmêmes ont tendance à publier de façon détaillée leurs expériences et leurs résultats afin d'améliorer l'acceptation du produit (voir Gasoliba, pages 52 et 53).

c) Troisièmement, le secteur chimique et pharmaceutique opère sur un marché présentant certaines particularités qui influent sur les conditions de concurrence ainsi que sur les pratiques commerciales et les circuits de distribution des produits. À la différence d'autres secteurs, où la concurrence est fondée sur le prix, dans ce secteur, la concurrence repose sur l'innovation et la substitution des produits: elle dépend presque exclusivement de la qualité du produit. Il y a donc un lien de causalité entre l'investissement dans la recherche et la domination du marché. Pour promouvoir leurs ventes, les sociétés pharmaceutiques doivent recourir à une publicité très coûteuse. Bien que leurs produits soient destinés au grand public, la publicité est ciblée essentiellement sur les médecins. Cela signifie qu'elle doit être très technique, bien documentée et très spécialisée. Dans le même temps, pour informer les spécialistes aussi précisément que possible des qualités du produit nouveau, les sociétés ont recours non seulement à des publications techniques, mais aussi à des visiteurs médicaux. Enfin, les circuits de distribution sont particuliers en ce sens que la plupart des produits pharmaceutiques sont financés par la sécurité sociale qui les achète en vue de leur utilisation directe dans les hôpitaux ou qui couvre en totalité ou en grande partie le prix des produits achetés par ses affiliés. Une toute petite partie de ces produits est achetée sans aucun financement du public. Le fait que la sécurité sociale est le principal "client" des sociétés pharmaceutiques a une double incidence sur le prix des produits: premièrement, elle participe à la formation du prix de vente et, deuxièmement, elle obtient une sorte de rabais en raison du volume important de ses achats (Voir De Haas, pages 9 et 10).

d) La dernière particularité du secteur chimique et pharmaceutique est qu'il est soumis à un contrôle strict par les autorités publiques. Ce contrôle a deux objectifs fondamentaux, dictés par l'importance de l'enjeu: la santé publique.

Comme c'est la santé publique qui est en jeu, les autorités contrôlent strictement les produits. Elles n'autorisent leur mise sur le marché qu'après qu'ils aient subi un examen rigoureux visant à en vérifier les propriétés et à déterminer qu'ils n'ont pas d'effets nocifs sur la santé. Pour la même raison, les prix des produits sont fixés par les autorités qui sont peu disposées à les augmenter. Cet effet de blocage sur les prix, alors que les coûts de production ne cessent de croître (en particulier les coûts des matières premières et de la maind'œuvre), entraîne une diminution progressive des bénéfices, voire leur disparition totale. Pour éviter cela, les laboratoires pharmaceutiques doivent remplacer les anciens produits par des nouveaux, dont beaucoup ont peu d'intérêt réel du point de vue thérapeutique (voir De Haas, page 14). À ce sujet, le Professeur Fernández Novoa avait écrit que "le rapport entre la propriété industrielle (brevets et marques, pour l'essentiel) et le secteur chimique et pharmaceutique a toujours été complexe car le système administratif d'autorisation sanitaire influe  plus ou moins  sur les problèmes effectifs de propriété industrielle. Dans le domaine du droit des marques, la lenteur et la complexité de la procédure d'autorisation administrative des médicaments influe sur la charge légale de l'utilisation de la marque. Dans le domaine du droit des brevets, cela se traduit par une réduction importante de la durée légale effective du droit exclusif sur les inventions portant sur des produits chimiques ou pharmaceutiques". Dans son ouvrage Brevet et Médicament en droit français et en droit européen, De Haas avait écrit que "le particularisme [de l'industrie pharmaceutique] se manifeste essentiellement dans l'organisation de la recherche scientifique et technique de l'industrie pharmaceutique et dans l'organisation de la distribution de ses produits". Il avait écrit en outre que "[l']examen des conditions de forme et de fond relatives à la brevetabilité d'une invention de médicament nous amène à conclure que, si le médicament présente, sans aucun doute possible, un particularisme dû à la recherche et à l'exploitation pharmaceutique, le droit qui lui est applicable ne se différencie pas du droit commun des brevets, même si certaines dispositions ont été prises pour éviter des erreurs d'interprétation et préserver les intérêts de la santé publique".

- Comme on le voyait, le "particularisme" de l'industrie pharmaceutique se manifestait dès le processus de recherche et développement de nouveaux produits et procédés jusqu'à la protection de ses résultats par un brevet et l'exercice des droits ainsi conférés. En particulier, l'approbation pour la mise sur le marché, quoique commune à d'autres produits, était différente pour les produits pharmaceutiques et influençait directement les droits du titulaire du point de vue du contenu, de la portée et de l'exercice de ces droits.

Article 28 (Droits conférés)

- L'article 28 était l'une des principales dispositions concernant la protection conférée par un brevet. Il définissait les droits conférés au titulaire du brevet. La doctrine juridique ainsi que la plupart des législations nationales, en réglementant l'exercice des droits de propriété industrielle en général et des droits du titulaire d'un brevet en particulier, avait toujours insisté sur le caractère négatif de ces droits, au sens où la jus prohibendi du détenteur du droit exclusif se traduisait avant tout par l'interdiction faite aux tiers d'utiliser l'objet protégé pendant la durée du brevet. L'Accord sur les ADPIC suivait la même démarche lorsqu'il stipulait que le détenteur du droit devait avoir le droit exclusif d'"[…] empêcher des tiers agissant sans son consentement d'accomplir les actes ciaprès: [...]". La logique juridique qui soustendait les droits privés impliquait la délimitation de l'action en justice dans le cadre du droit civil au sens large du terme.

- Une autre caractéristique des droits de propriété industrielle clairement reconnue dans l'Accord sur les ADPIC était que, du fait de la nature même des biens incorporels auxquels ils s'appliquaient, leur efficacité juridique dépendait des moyens de les faire respecter. En conséquence, la Partie III de l'Accord (Moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle) réglementait les prescriptions à inclure à cette fin dans les législations des Membres de l'OMC. Mais la notion d'atteinte (et de risque d'atteinte) aux droits de propriété intellectuelle était étroitement liée à l'utilisation de l'objet breveté pendant la durée du brevet dans le cadre de transactions économiques (ou à une tentative réelle de le mettre sur le marché), dans l'intention déloyale de réaliser un bénéfice. Sans donner une liste exhaustive, Cuba a cité, à l'appui de sa thèse, les articles 44:1 (Injonctions), 45 (Dommages-intérêts) et 46 (Autres mesures correctives).

- D'après l'article 55.2 de la Loi canadienne sur les brevets, personne ne pouvait vendre l'objet breveté pendant la durée du brevet sans être considéré comme un contrefacteur. Les alinéas 1) et 2) visaient l'un et l'autre à assurer le jeu de la concurrence aussitôt après l'expiration du brevet. Il ne pouvait être question de préjudice économique où du paiement de redevances pour des actes qui n'étaient pas considérés comme des actes de contrefaçon puisque le simple fait de fabriquer et d'emmagasiner le produit pendant la deuxième moitié de la dernière année du brevet ne donnait en soi aucune garantie directe, à ce momentlà, aux futurs concurrents. Cela revenait simplement à préparer le lancement du produit sur le marché, mais n'impliquait pas, par exemple, des activités publicitaires ou de distribution, lesquelles étaient indispensables pour accroître les ventes et, partant, les bénéfices.

- L'examen plus poussé de la législation canadienne en vigueur montrait aussi qu'elle allait plus loin que l'Accord sur les ADPIC en protégeant en plus les droits des titulaires de brevets pharmaceutiques au moyen du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité), qui garantissait et renforçait l'exercice des droits exclusifs pendant la durée du brevet.

- À la lumière des articles 7 et 8:1 de l'Accord sur les ADPIC, il était important de souligner que l'interprétation de l'Accord ne pouvait pas être fragmentée en éléments isolés. En particulier, les articles 7 et 8 formaient un cadre pour la mise en œuvre de l'ensemble de l'Accord qui, bien qu'il s'agisse d'un texte unique, était transposé dans les législations de pays où les conditions économiques et sociales étaient différentes et dont les systèmes juridiques n'étaient manifestement pas les mêmes non plus. Cela avait été clairement reconnu par les rédacteurs de l'Accord, qui avaient inclus à l'article 1:1 une phrase qui était essentielle pour comprendre la mise en œuvre de l'Accord: "Les Membres seront libres de déterminer la méthode appropriée pour mettre en œuvre les dispositions du présent accord dans le cadre de leurs propres systèmes et pratiques juridiques."

- Une disposition qui, tout en garantissant la jouissance pleine et exclusive des droits du titulaire d'un brevet pendant toute la durée du brevet, favorisait dans le même temps la diffusion des connaissances et la libre utilisation de l'objet auparavant protégé lorsqu'il était tombé dans le domaine public était compatible, de l'avis du gouvernement cubain, avec les dispositions de l'Accord sur les ADPIC, surtout si elle favorisait l'accès rapide à des médicaments qui pouvaient être essentiels pour la santé publique, dans des conditions qui garantissaient à l'utilisateur final le prix, la présentation, la composition et le dosage les meilleurs possibles. Cela semblait être le cas de la Loi canadienne sur les brevets puisque les droits du titulaire du brevet n'étaient nullement affectés. Cela ressortait clairement des renseignements contenus dans le dossier d'information qui avait été préparé conjointement par Industrie Canada et Santé Canada afin de fournir des données concrètes pour l'examen de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets (projet de loi C91) par le Comité permanent de l'industrie de la Chambre des communes, Gouvernement du Canada, publié en février 1997. Il était dit dans ce document que "la politique canadienne sur les brevets pharmaceutiques vise trois principaux objectifs:

- soutenir le développement de l'industrie pharmaceutique canadienne;

- faire en sorte que l'on puisse se procurer des médicaments brevetés à un prix non excessif;

- veiller à ce que le Canada respecte ses obligations internationales".

- Ces objectifs étaient tous compatibles avec l'Accord sur les ADPIC. Toute autre interprétation de son article 28 impliquerait en fait une prolongation injustifiée de la durée du brevet, ce qui aurait des effets sur la santé publique et affecterait l'équilibre nécessaire entre les détenteurs de droits et les utilisateurs des connaissances.

Article 30 (Exceptions aux droits conférés)

- L'article 30 autorisait les Membres de l'OMC à prévoir, dans leur législation, des exceptions aux droits exclusifs conférés par un brevet. Il ne précisait pas en quoi pouvaient consister ces exceptions et n'en donnait aucun exemple, cela étant laissé à la discrétion des Membres. Il indiquait seulement que ces exceptions devaient être limitées en ce sens qu':

- elles ne portaient pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet;

- elles ne causaient pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet;

- elles tenaient compte des intérêts légitimes des tiers.

- Si, comme l'avaient affirmé les Communautés européennes et leurs États membres, une violation de l'article 27:1 de l'Accord – ou de tout autre article – ne pouvait pas être justifiée au regard de l'article 30, il était clair que le libellé de cet article renfermait des éléments qui laissaient une grande liberté au législateur national pour réglementer le contenu et la portée de ces exceptions. Par exemple, l'Accord n'indiquait pas à quel moment une exception portait atteinte à l'exploitation normale d'un brevet ou causait un préjudice aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, mais il indiquait simplement qu'elle ne devait pas le faire de manière injustifiée, ce qui signifiait qu'une exception était légitime si elle était jugée "justifiée". Toutefois, cette qualification était attribuée par la législation nationale, dans son propre cadre, conformément à l'article 1:1 de l'Accord.

- En analysant cette question, Correa avait dit que "sur la base du droit comparatif et d'autres propositions, les exceptions suivantes peuvent être prévues dans le cadre de l'article 30:

- les actes accomplis à titre privé et à une échelle non commerciale, ou à des fins non commerciales;

- l'utilisation de l'invention pour la recherche;

- l'expérimentation sur l'invention pour la tester ou l'améliorer;

- l'utilisation de l'invention à des fins didactiques;

- la préparation de médicaments sur ordonnance médicale;

- l'utilisation antérieure (utilisation de l'invention par un tiers avant la date de dépôt de la demande de brevet);

- les expériences faites dans le but d'obtenir une approbation réglementaire en vue de la commercialisation d'un produit après l'expiration du brevet".

Il citait, dans une note de bas de page, l'exemple suivant: "[...] la Loi des ÉtatsUnis sur la concurrence en matière de prix des médicaments et le rétablissement de la durée des brevets permet d'effectuer des essais pour établir l'équivalence biologique des produits génériques avant l'expiration du brevet. Elle a pour but d'aider les fabricants de médicaments génériques à mettre leurs produits sur le marché dès l'expiration du brevet".

- Tout cela amenait Cuba à penser que, bien que l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC ait cherché à limiter les exceptions autorisées aux droits conférés en imposant des prescriptions de nature juridique afin d'éviter un préjudice indu, la licéité de ces exceptions ne pouvait être appréciée que par rapport à la législation nationale au sens large, et non par rapport au texte de l'Accord luimême. Cela ne signifiait en aucune façon que les Membres ne devaient pas respecter strictement les obligations découlant de l'Accord, mais cela laissait une grande souplesse pour établir l'équilibre voulu entre les intérêts des titulaires de brevets et ceux des tiers. L'un des fondements de l'Accord, indiqué dans son préambule, était formulé comme suit:

"[...] Reconnaissant les objectifs fondamentaux de politique générale publique des systèmes nationaux de protection de la propriété intellectuelle, y compris les objectifs en matière de développement et de technologie [...]"

Article 33 (Durée de la protection)

- L'article 33 de l'Accord sur les ADPIC était libellé de façon très claire et il n'imposait nullement l'obligation de prolonger les effets d'un brevet audelà de sa durée de validité. Les mesures découlant de la législation canadienne sur les brevets ne modifiaient en rien la validité du brevet et la durée de la protection qu'il conférait était conforme à l'Accord. Les renseignements donnés par le Canada au sujet du lien entre le système des brevets et le processus d'examen réglementaire en fournissaient la preuve, sur la base de la compensation mutuelle et de la flexibilité dans l'équilibre entre les droits des titulaires de brevets et l'intérêt général. L'affirmation selon laquelle la protection conférée par les brevets pharmaceutiques au Canada ne durait que 19 ans et six mois n'était pas strictement conforme à ce que stipulait la loi canadienne car cette affirmation s'appuyait sur des actes qui n'étaient pas considérés comme des actes de contrefaçon en vertu de la loi. Rien n'indiquait que le titulaire d'un brevet ne pouvait pas intenter une action contre quiconque portait atteinte à ses droits pendant la durée de validité du brevet.

5.19 En conclusion, Cuba a déclaré que les dispositions de l'article 55 de la Loi canadienne sur les brevets étaient conformes à l'esprit et à la lettre de l'Accord sur les ADPIC, n'avaient rien de discriminatoire, et n'annulaient ou ne compromettaient, directement ou indirectement, aucun avantage découlant de l'application de l'Accord. Celuici devait toujours être lu et interprété de telle façon que les objectifs et principes importants qu'il énonçait ne soient pas relégués à l'arrière plan par la primauté donnée à l'une de ses dispositions. Cuba estimait donc que l'ensemble de la section 5 (Brevets) de la Partie II (Normes concernant l'existence, la portée et l'exercice des droits de propriété intellectuelle) de l'Accord, et en particulier l'article 27 (Objet brevetable), conjointement avec l'article 28 (Droits conférés) et l'article 30 (Exceptions aux droits conférés), devaient constituer un concept d'interprétation unique à la lumière des dispositions de l'article premier (Nature et portée des obligations), de l'article 7 (Objectifs) et de l'article 8 (Principes) de la Partie I (Dispositions générales et principes fondamentaux).

INDE

5.20 L'Inde a souligné que, si ses intérêts commerciaux dans l'affaire soumise au Groupe spécial étaient limités, elle avait en l'espèce des intérêts systémiques substantiels. Il serait erroné de supposer que l'affaire soumise au Groupe spécial ne visait que les intérêts commerciaux des Communautés européennes et de leurs États membres. Elle se rapportait à la question plus fondamentale de l'équilibre approprié entre les droits de propriété intellectuelle privés et les objectifs de politique générale publique. Le point capital de cette question systémique était l'équilibre établi dans l'Accord sur les ADPIC entre les droits et les obligations de ceux qui génèrent des connaissances techniques, d'une part, et de ceux qui les utilisent, d'autre part. D'ailleurs, l'Accord sur les ADPIC comportait de nombreuses expressions qui visaient à concilier ces deux objectifs parfois contradictoires. Ainsi, le préambule de l'Accord insistait sur la nécessité de promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle tout en soulignant parallèlement la nécessité de faire en sorte que les mesures et les procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle ne deviennent pas elles-mêmes des obstacles au commerce légitime. De même, le préambule reconnaissait également les objectifs fondamentaux de politique générale publique des systèmes nationaux de protection des droits de propriété intellectuelle, y compris les objectifs en matière de développement et de technologie. Et l'article 7 de l'Accord sur les ADPIC était ainsi libellé: "La protection et le respect des droits de propriété intellectuelle devraient contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie, à l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques et d'une manière propice au bien-être social et économique, et à assurer un équilibre de droits et d'obligations".

5.21 Pour l'Inde, la question centrale soumise au Groupe spécial était donc de savoir si les dispositions de l'article 55.2, paragraphes 1 et 2 de la Loi canadienne sur les brevets, constituaient des exceptions aux droits exclusifs conférés par un brevet au sens de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC. La question en cause était l'équilibre, dans l'Accord sur les ADPIC, entre les droits exclusifs conférés au titulaire d'un brevet et les exceptions à ces droits reconnues. Faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre reviendrait à interpréter de manière grossièrement erronée l'Accord sur les ADPIC et ses objectifs. Cet équilibre était d'une importance fondamentale, systémique, pour plusieurs pays, notamment les pays en développement.

5.22 L'Inde estimait que les exceptions figurant dans la Loi canadienne sur les brevets constituaient des exceptions légitimes au sens de l'article 30. Toute autre interprétation de cet article altérerait l'équilibre délicat qu'établissait l'Accord entre les droits conférés au titulaire du brevet et les intérêts légitimes de toutes les autres parties. L'Inde priait donc instamment le Groupe spécial de constater que les mesures incriminées en l'espèce étaient pleinement conformes aux obligations qui découlaient pour le Canada de l'Accord sur les ADPIC. Ce faisant, ces mesures devraient être examinées à la lumière de l'article 30 de l'Accord ainsi que des intérêts de la société et des objectifs de politique générale publique. À l'appui de sa position, l'Inde avançait les arguments suivants:

- Les articles 27 et 28 de l'Accord sur les ADPIC conféraient des droits au titulaire d'un brevet. L'article 28 en particulier décrivait ces droits comme empêchant les tiers, agissant sans le consentement du titulaire, d'accomplir les actes suivants: fabriquer, utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer le produit, dans les cas où l'objet du brevet était le produit, et dans ceux où cet objet était un procédé, le produit obtenu par ce procédé. Toutefois, l'article 30 prévoyait des exceptions aux droits exclusifs conférés par l'article 28 de l'Accord. En effet, l'article 30 disposait clairement que "Les Membres pourront prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet à condition que celles-ci ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers".

- Il s'agissait donc de se demander si les deux dispositions de la Loi canadienne sur les brevets constituaient des exceptions aux droits conférés au sens de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC. L'Inde interprétait l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets comme une exception se justifiant dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information qu'oblige à fournir la législation canadienne aux fins de l'approbation réglementaire. De même, l'article 55.2 2) de la loi constituait une exception pour le stockage en ce qui concerne les articles destinés à être vendus après l'expiration du brevet. Puisque les deux exceptions étaient liées, il pourrait être utile de les considérer conjointement.

- L'article 30, tel qu'il était libellé, énumérait essentiellement les critères suivants pour qu'une exception aux droits conférés soit considérée comme compatible avec l'Accord sur les ADPIC:

- l'exception devait être limitée;

- l'exception ne devait pas porter atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet;

- l'exception ne devait pas causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet; et

- l'exception devait tenir compte des intérêts légitimes des tiers.

- S'agissant du premier critère, l'Inde considérait que l'exception pour l'examen réglementaire aussi bien que l'exception pour le stockage prévues par le Canada étaient limitées. Dans le cas de la première exception, elle était justifiée dans la seule mesure nécessaire à l'approbation réglementaire. Dans le cas de la deuxième exception, elle était limitée à la production et au stockage uniquement et à six mois avant l'expiration de la période couverte par le brevet. Ces deux exceptions du Canada constituaient donc des exceptions limitées au sens de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC.

- Le deuxième critère prévoyait que les exceptions ne devaient pas porter atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet, ce qui obligeait à poser deux questions. Premièrement, les deux exceptions canadiennes portaient-elles atteinte à l'exploitation normale du brevet? Deuxièmement, si tel était le cas, cette atteinte était-elle injustifiée? Mais il était tout simplement indubitable qu'en les limitant à la seule mesure nécessaire à l'obtention de l'approbation réglementaire, le Canada s'était assuré qu'il n'y avait pas atteinte à l'exploitation normale du brevet, à savoir, le faire fructifier pour obtenir un bénéfice commercial. Également, en limitant l'exception pour le stockage à une période de six mois avant l'expiration du brevet, on s'assurait qu'on ne portait nullement atteinte à son exploitation. Comme l'a fait valoir à juste titre le Canada dans sa communication, lorsqu'il n'y avait pas d'atteinte, la question du "caractère injustifié" ne se posait pas.

- La question suivante était de savoir si les deux exceptions canadiennes causaient un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet. Là encore, ces deux exceptions, de l'avis de l'Inde, ne causaient nullement un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet. Ces intérêts, définis au moyen du bénéfice commercial et protégés pendant la durée de validité du brevet, étaient intégralement sauvegardés. L'exception pour le stockage dans les six mois précédant l'expiration du brevet pouvait certes entrer en conflit avec l'article 33, mais, pour l'Inde, aucun préjudice n'était causé aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, ce qui rendait l'exception valable au regard de l'article 30.

- Le dernier critère, la prise en compte des intérêts légitimes des tiers, était extrêmement important aux yeux de l'Inde. Le terme "tiers" désignait la société en général, les consommateurs et d'autres parties dont les intérêts pouvaient différer de ceux du titulaire du brevet. L'article 30 prévoyait expressément que les intérêts des tiers devaient être pris en compte. En l'absence des exceptions canadiennes, la durée du brevet s'étendrait manifestement bien au-delà de la durée de la protection et un préjudice grave serait causé aux intérêts des tiers. En fait, l'argument des Communautés européennes et de leurs États membres soutenant que les pertes qu'elles alléguaient avaient été calculées en tenant compte du fait que, si les mesures du Canada n'existaient pas, la protection conférée par le brevet durerait presque deux années de plus, constituait la meilleure justification de la validité des deux dispositions du Canada. La protection conférée par un brevet n'était valable que pour 20 ans, et non pas 22 ans. En fait, on pourrait soutenir que les mesures canadiennes étaient absolument nécessaires si l'on voulait que les intérêts des tiers soient intégralement sauvegardés. S'ils ne l'étaient pas, cela aurait des conséquences graves sur des intérêts de la société tels que le maintien des coûts des médicaments à des niveaux peu élevés et le renforcement de la concurrence, autant d'éléments reconnus dans diverses dispositions de l'Accord sur les ADPIC, comme les articles 7, 8, 40 et le préambule. De fait, comme l'avait à juste titre souligné le Canada, le contrôle du coût des médicaments était un objectifclé en matière de développement qui était activement poursuivi par les pays en développement.

- Les Communautés européennes et leurs États membres avaient estimé que les exceptions en cause figurant dans la Loi canadienne sur les brevets s'appliquaient exclusivement aux produits pharmaceutiques et pourraient donc enfreindre l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC. Les CE avaient laissé entendre que les exceptions canadiennes devaient donc être étendues à tous les domaines pour être en conformité avec l'article 27:1. L'Inde trouvait étrange que l'on reproche à des exceptions, dont la portée devait être limitée en vertu de l'article 30, d'avoir un champ d'application trop restreint. L'Inde estimait que, du fait qu'elles étaient limitées, les exceptions en question répondaient tant à l'esprit qu'à la lettre du critère énoncé à l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC.

ISRAËL

5.23 Israël appuyait la position fondamentale du Canada dans le cadre du différend. Il estimait que les dispositions de la loi canadienne en cause étaient essentiellement en conformité avec l'Accord sur les ADPIC et en particulier avec le préambule et les articles 7, 8, 27, 28 et 30. À cet égard, il avançait les arguments suivants:

- Le préambule de l'Accord sur les ADPIC soulignait la nécessité de promouvoir une protection efficace des droits de propriété intellectuelle tout en faisant en sorte que les mesures figurant dans l'Accord ne deviennent pas des obstacles au commerce légitime. En outre, le préambule reconnaissait les objectifs fondamentaux de politique générale publique des systèmes nationaux, y compris les objectifs en matière de développement et de technologie. L'esprit de l'Accord sur les ADPIC, codifiant efficacement l'équilibre délicat des droits et des intérêts auxquels on était parvenu tout au long des négociations multilatérales, se trouvait dans l'article 7. Il mentionnait l'établissement d'un équilibre des droits et des obligations qui favorisaient la promotion de l'innovation technologique, à condition que ce soit d'une manière également propice au bien-être social et économique. L'article 8 consacrait le principe de l'Accord et disposait, entre autres choses, que lorsque les Membres élaboraient leurs lois, ils pouvaient adopter des lois pour protéger la santé publique et la nutrition, à condition que ces mesures soient compatibles avec l'Accord. Le fait que les objectifs et les principes énoncés aux articles 7 et 8 apparaissaient dans le texte de l'Accord, plutôt que de figurer dans celui, plus général, du préambule, soulignait leur importance et leur statut aux fins du règlement des différends et ils devraient constituer des éléments essentiels pour interpréter l'Accord.

- La question centrale au cœur du présent différend était de savoir si les dispositions contestées de la Loi canadienne sur les brevets constituaient des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet au sens de l'article 30 de l'Accord. Il a été avancé que les coûts élevés du système de soins de santé très étendu, dus pour une large part aux dépenses relatives aux médicaments thérapeutiques, avaient poussé un grand nombre de Membres à inclure le principe concernant la santé et la nutrition tel qu'il est énoncé à l'article 8 de l'Accord. Sans les exceptions figurant dans l'Accord, les titulaires de brevets seraient en mesure de faire payer des prix de monopole pour leurs médicaments, provoquant ainsi une hausse des coûts des médicaments sur plusieurs années supplémentaires, ce qui exercerait une pression sur les budgets de santé déjà très tendus. Encourager et promouvoir la vente de médicaments génériques après l'expiration du monopole conféré par le brevet, comme cela est prouvé dans un certain nombre de pays, y compris de l'Union européenne, était compatible avec les objectifs de l'Accord.

- Tout en ne souhaitant pas s'exprimer à ce moment de manière détaillée sur la disposition relative au "stockage" figurant à l'article 55.2 2) de la Loi canadienne sur les brevets, Israël a affirmé que l'équilibre législatif fondamental établi par ladite loi permettait de parler d'exceptions limitées au sens de l'article 30.

- Conjointement avec les principes contenus dans l'article 8, l'article 30 de l'Accord octroyait aux Membres le pouvoir de limiter l'application intégrale des droits conférés par un brevet compte tenu des circonstances particulières qui prévalaient dans leurs juridictions respectives, lorsqu'il fallait considérer le bien-être social et économique. Les dispositions de la Loi canadienne sur les brevets en cause accordaient aux titulaires de brevets l'entière liberté d'exploiter leurs droits pendant toute la durée de validité, sans porter atteinte au monopole de l'exploitation commerciale ni à l'exclusivité des avantages économiques tant que le brevet demeurait valide. Les exceptions limitées n'affectaient l'exploitation commerciale assurée par le titulaire qu'après l'expiration du brevet. Une situation dans laquelle la possibilité pour le titulaire du brevet d'exploiter de facto son monopole au-delà de l'expiration de celui-ci, comme celle qui était suggérée par les Communautés européennes et leurs États membres, ne tiendrait pas compte des principes de politique générale publique contenus dans les articles 29 et 33 de l'Accord, qui encourageaient la concurrence libre et ouverte avec le titulaire dès l'expiration du brevet. L'Accord ne prescrivait donc pas une telle protection étendue au-delà de la durée de validité.

- La portée du monopole conféré par un brevet prescrite par l'Accord était définie par l'interaction des articles 27, 28 et 30. Les articles 27 et 28, considérés ensemble, énonçaient la portée maximale des droits exclusifs des titulaires, qui pouvait toutefois être réduite conformément à l'article 30, lequel conférait aux autorités de chaque pays le pouvoir d'établir des exceptions limitées à cette portée maximale, à condition que ces exceptions ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des titulaires et des tiers.

- La loi canadienne préservait les droits exclusifs des titulaires sous réserve d'exceptions limitées justifiées, comme l'autorisait l'article 30 de l'Accord. L'exception limitée consistant à prendre des dispositions préparatoires en vue de la période postérieure à l'expiration du brevet ne causait pas de préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire, compte tenu des intérêts légitimes des tiers, ni n'entravait le droit exclusif du titulaire de commercialiser l'invention pendant toute la durée de validité du brevet. Ainsi, ces exceptions limitées n'entravaient pas le droit exclusif de commercialiser l'invention pendant toute la durée du brevet, y compris le droit exclusif de vendre l'invention brevetée ou de concéder des licences sur cette dernière. De fait, ces exceptions n'autorisaient pas les concurrents à exploiter commercialement l'invention brevetée pendant la durée de validité du brevet. Les exceptions étaient limitées, tenaient compte des intérêts légitimes des titulaires et de ceux de la société dans son ensemble qui s'équilibraient, et concernaient des activités qui n'auraient de valeur commerciale qu'après l'expiration complète du brevet.

- C'était donc à juste titre que le Canada reconnaissait que les retards qui font partie des processus d'approbation réglementaire pouvaient différer l'accès à des médicaments génériques moins onéreux et distribués à plus grande échelle pour la santé et le bien-être du grand public canadien. En conséquence, il était justifié que le Canada autorise l'utilisation limitée, avant l'expiration du brevet, de médicaments brevetés dans la seule mesure nécessaire pour permettre la distribution immédiate de médicaments génériques après cette expiration, comme cela était prévu à l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets.

JAPON

5.24 Pour le Japon, l'une des mesures canadiennes contestées, à savoir l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets, était justifiée au regard de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, même si elle s'opposait aux dispositions des articles 27, 28 et 33 dudit accord. L'article 55.2 1) autorisait les activités qui se justifient dans la seule mesure nécessaire à la préparation du dossier d'information exigé aux fins d'obtenir l'approbation de commercialisation pour les produits pharmaceutiques sans le consentement du titulaire du brevet durant la période de validité. Cependant, le Japon estimait que l'autre mesure canadienne, à savoir l'article 55.2 2), n'était pas justifiée au regard de l'article 30. L'article 55.2 2) autorisait les activités visant à la production et à l'emmagasinage de produits brevetés sans le consentement du titulaire du brevet dans les six mois précédant son expiration. Pour expliciter les motifs de cette position, le Japon a présenté les arguments suivants relatifs à l'interprétation de l'article 30, sans préjuger de sa position quant à l'interprétation des articles 27, 28 et 33:

Expériences ou recherche visant au développement technologique

- Les Membres étaient autorisés, en vertu de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, à prévoir des exceptions aux droits exclusifs conférés par un brevet pour ce qui est des expériences ou de la recherche concernant des produits brevetés, si ces activités avaient pour but de développer la technologie. Aucun problème ne se poserait, au regard de l'Accord sur les ADPIC, même si les effets d'un brevet ne s'appliquaient pas à de tels cas.

- Conformément aux règles d'interprétation des traités prévues à l'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, il fallait analyser le sens ordinaire des termes de l'article 30 tels qu'ils s'appliquaient aux expériences ou à la recherche visant au développement technologique. Par définition, les exceptions de ce type étaient de portée "limitée". Elles ne s'opposaient pas à l'exploitation normale du brevet. Elles ne causaient pas non plus un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet.

- Comme l'avait à juste titre fait valoir le Canada, cette interprétation était confirmée par le contexte de l'Accord sur les ADPIC, y compris son préambule. Or, pour le Japon, le cinquième considérant du préambule était le plus pertinent en l'espèce, et était ainsi libellé: "Reconnaissant les objectifs fondamentaux de politique générale publique des systèmes nationaux de protection de la propriété intellectuelle, y compris les objectifs en matière de développement et de technologie".

- Ce point devenait plus net encore à l'examen de l'objet et du but de l'Accord sur les ADPIC, qui figuraient à l'article 7. Le système de brevets encourageait les inventions en accordant un droit exclusif pour une certaine période à ceux qui avaient divulgué leurs inventions au public. Parallèlement, le système visait à contribuer à la croissance industrielle en offrant aux tiers la possibilité d'étudier librement les inventions divulguées. Autrement dit, si un brevet s'appliquait non seulement à l'interdiction des activités concernant la production, l'utilisation ou la cession des produits relatifs au brevet, mais aussi à l'interdiction de les étudier dans le cadre, entre autres choses, d'expériences/de la recherche visant à développer de nouvelles technologies, ce développement en serait fortement entravé.

- L'analyse de l'objet et du but de l'Accord sur les ADPIC confirmait donc que ces expériences/cette recherche devraient être exclues du domaine visé par l'effet d'un brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers. Ces exclusions ne portaient pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet ni ne causaient un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire de brevet.

Essais visant à la préparation du dossier d'information requis pour obtenir l'approbation de commercialisation

- Pour des motifs similaires, les essais visant à la préparation du dossier d'information requis pour obtenir l'approbation de commercialisation devraient également être justifiés au regard de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC.

- La même analyse du texte et du contexte telle qu'elle était employée plus haut s'appliquait aux essais visant à la préparation du dossier d'information requis pour obtenir l'approbation de commercialisation.

- S'agissant de l'objet et du but de l'Accord sur les ADPIC, l'un des principes fondamentaux du système de brevets voulait que tout individu soit libre d'utiliser la technologie relative à un brevet après l'expiration de sa durée de validité, ce qui entraînait des avantages pour la société dans son ensemble. Toutefois, dans certains domaines, y compris, entre autres choses, celui des produits pharmaceutiques, les fabricants étaient tenus de satisfaire à certaines prescriptions figurant dans les lois et règlements pertinents pour mettre leurs produits sur le marché. Afin de s'assurer que ces prescriptions étaient satisfaites, il fallait que les fabricants procèdent à certains essais. Par conséquent, si ces essais étaient interdits durant la période de validité du brevet, cette interdiction entraînerait une extension substantielle et imprévue de cette période, ce qui porterait atteinte au principe fondamental susmentionné.

- La prise en considération de ces éléments confirmait la justesse de l'interprétation selon laquelle ces essais devraient être exclus du domaine visé par l'effet d'un brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers. En outre, une telle exclusion ne portait pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet ni ne causait un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet.

- Une décision récente de la Cour suprême du Japon était conforme à cette interprétation de l'article 30. Le litige portait sur la disposition de l'article 69 de la Loi japonaise sur les brevets, aux termes duquel "[l]es effets du droit conféré par un brevet ne s'appliquent pas à l'exploitation de ce droit aux fins de l'expérimentation ou de la recherche". La Cour suprême avait confirmé le jugement du tribunal de première instance d'Osaka statuant que l'utilisation d'une invention brevetée visant à la préparation du dossier d'information requis pour obtenir l'approbation de commercialisation en ce qui concerne les produits pharmaceutiques, qui pouvait être faite sans le consentement du titulaire pendant la période de validité du brevet, devait être réputée constituer "l'exploitation d'une invention brevetée aux fins de l'expérimentation ou de la recherche" telle qu'elle figurait dans la disposition susmentionnée.

Production et emmagasinage des produits brevetés sans le consentement du titulaire du brevet

- À la différence des deux cas précités, la production et l'emmagasinage de produits brevetés sans le consentement du titulaire du brevet ne pouvaient pas se justifier au regard de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC.

- Cela était contraire au sens ordinaire des termes de l'article 30. Si un tiers était autorisé, durant la période de validité du brevet, à produire ou à emmagasiner les produits brevetés devant être mis sur le marché immédiatement après l'expiration du brevet, à savoir audelà de la quantité justifiée dans la mesure nécessaire pour effectuer les essais susmentionnés, un préjudice grave serait causé aux intérêts légitimes du titulaire du brevet sans que soit favorisé tel ou tel intérêt public.

- Autrement dit, la production et l'emmagasinage des produits brevetés sans le consentement du titulaire du brevet, aux fins de mettre ces produits sur le marché immédiatement après l'expiration de la période de validité, devraient être interprétés comme causant un préjudice aux intérêts légitimes du titulaire du brevet et n'étaient donc pas visés par les exceptions mentionnées à l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC.

- L'analyse du contexte venait à l'appui de cette interprétation. À cet égard, le Canada avait à juste titre fait référence au considérant du préambule de l'Accord sur les ADPIC faisant état de "la nécessité de promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle". Permettre la production et l'emmagasinage non autorisés ne servirait pas cet objectif. À la différence du Canada, le Japon n'estimait pas que l'objet et le but de l'Accord sur les ADPIC contribuaient à justifier, en vertu de l'article 30, la production et l'emmagasinage de produits brevetés sans le consentement du titulaire du brevet. Au contraire, l'interprétation adoptée par le Canada ouvrirait une brèche importante dans le régime des brevets, bouleversant l'équilibre des intérêts soigneusement négocié entre le titulaire du brevet et ses concurrents.

5.25 En conclusion, le Japon a indiqué que les activités qui se justifient dans la seule mesure nécessaire à la préparation du dossier d'information requis pour obtenir l'approbation de commercialisation en ce qui concerne les produits pharmaceutiques, exécutées sans le consentement du titulaire du brevet durant la période de validité, pouvaient être exclues des matières devant être visées par l'effet d'un brevet. Les activités du type de celles que le paragraphe 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets excluait de l'effet d'un brevet devraient être considérées comme justifiées au regard de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC en ce qu'elles constituaient une exception qui tenait judicieusement compte des intérêts légitimes des tiers et ne devraient pas être considérées comme constituant une exception qui portait atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet et qui causait un préjudice injustifié aux intérêts du titulaire du brevet. Toutefois, les activités, exécutées sans le consentement du titulaire dans les six mois précédant l'expiration du brevet, visant à la production/à l'emmagasinage des produits brevetés aux fins de commercialiser ceuxci immédiatement après l'expiration du brevet ne pouvaient être justifiées au regard de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, car elles devraient être considérées comme situées audelà de la portée appropriée des conditions mentionnées dans cet article.

5.26 Le Japon souhaitait souligner qu'il attachait beaucoup d'importance à la réduction des distorsions et des entraves en ce qui concerne le commerce international en faisant en sorte que les droits de propriété intellectuelle soient efficacement protégés dans les pays Membres de l'OMC conformément à l'Accord sur les ADPIC. Les intérêts commerciaux du Japon, ainsi que les intérêts systémiques qu'il avait dans le régime de l'OMC, seraient gravement compromis si telle ou telle mesure contrevenant à l'Accord sur les ADPIC devait continuer à ne pas faire l'objet de sanctions. Puisque le présent Groupe spécial devait se prononcer sur des questions concernant la protection appropriée de la propriété intellectuelle en ce qui concerne les produits pharmaceutiques sur le territoire de l'un de ses principaux partenaires commerciaux, le Japon avait un intérêt substantiel dans la procédure et dans son issue.

POLOGNE

5.27 La Pologne a informé le Groupe spécial qu'elle avait accepté l'Accord sur les ADPIC en tant que partie intégrante de l'Accord sur l'OMC étant entendu que l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC autorisait ce qu'il était convenu d'appeler l'"exemption Bolar", comme constituant une exception justifiable aux droits conférés par un brevet. En conséquence, le nouveau projet de loi sur la propriété industrielle de la Pologne, en cours d'examen au Parlement, comportait des dispositions autorisant une telle "exemption Bolar" et la Pologne était fondée à penser que le Groupe spécial confirmerait la conformité de cette démarche avec les dispositions de l'Accord sur les ADPIC. De l'avis de la Pologne, pour exécuter l'obligation qui leur incombe de protéger la santé publique, les Membres de l'OMC pouvaient prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet. Ce qu'on appelait l'"exemption Bolar" constituait une exception à ces droits exclusifs et relevait de l'article 30. Même si elle portait atteinte à l'exploitation normale du brevet et causait un préjudice aux intérêts légitimes du titulaire, elle ne le faisait pas d'une manière injustifiée. La Pologne a fait valoir les points suivants à l'appui de sa position:

- Les objectifs qui ont été pris en compte durant les négociations de l'Accord sur les ADPIC ont été inclus dans le texte final de l'Accord. Le premier considérant du préambule de l'Accord indiquait ce qui suit: "Désireux de réduire les distorsions et les entraves en ce qui concerne le commerce international, et tenant compte de la nécessité de promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle [...]". Un autre considérant indiquait ce qui suit: "Reconnaissant les objectifs fondamentaux de politique générale publique des systèmes nationaux de protection de la propriété intellectuelle [...]". Ces considérants soulignaient la nécessité de parvenir à un équilibre entre la protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle d'une part, et les objectifs de politique générale publique d'autre part.

- Il appartenait à chaque Membre de trouver un compromis entre ces deux objectifs concurrents. Le bien-être social et notamment la protection de la santé publique avaient toujours constitué une priorité de la politique générale de nombreux Membres. L'importance de ces deux préoccupations sociales avait été confirmée dans les dispositions de l'Accord sur les ADPIC. L'article 7, qui énonçait les principaux objectifs de l'Accord, faisait expressément référence au bien-être social et économique: "La protection et le respect des droits de propriété intellectuelle devraient contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie, à l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques et d'une manière propice au bien-être social et économique, et à assurer un équilibre de droits et d'obligations." En interprétant correctement cette disposition, on pouvait en conclure que si l'on atteignait les objectifs susmentionnés d'une manière contraire à la réalisation du bien-être social et économique, cela serait difficilement conciliable avec la lettre et l'esprit de l'Accord.

- Cette conclusion pouvait aisément être corroborée par une autre disposition de l'Accord, à savoir l'article 8:1: "Les Membres pourront, lorsqu'ils élaboreront ou modifieront leurs lois et réglementations, adopter les mesures nécessaires pour protéger la santé publique et la nutrition et pour promouvoir l'intérêt public dans des secteurs d'une importance vitale pour leur développement socioéconomique et technologique, à condition que ces mesures soient compatibles avec les dispositions du présent accord." En vertu de cette disposition, pour la Pologne, les Membres, s'efforçant d'atteindre les objectifs susmentionnés, pouvaient, en pleine conformité avec l'Accord, restreindre les droits exclusifs des titulaires de brevets, à condition que les restrictions ainsi introduites respectent les prescriptions énoncées à l'article 30 de l'Accord. Une autre interprétation, n'autorisant plus les restrictions en cause, rendrait cette disposition superflue et, partant, devrait être rejetée.

- La protection de la santé publique était particulièrement importante dans le contexte de la protection conférée aux produits pharmaceutiques par les brevets. Les Membres devraient en tenir compte en prévoyant la protection des droits de propriété intellectuelle. L'une des priorités du gouvernement polonais était de garantir un niveau approprié de protection de la santé publique. Pour atteindre cet objectif, il fallait absolument que la Pologne empêche le marché des médicaments génériques de s'effondrer.

- Les Membres pouvaient favoriser l'utilisation des médicaments génériques en mettant en place des conditions permettant la libre concurrence entre les producteurs de médicaments aussitôt que possible après l'expiration du brevet. Comme le montrait l'expérience de la Pologne, un monopole était rarement propice à la répartition efficiente des ressources économiques. C'est pourquoi l'Accord sur les ADPIC prévoyait une protection limitée dans le temps, et néanmoins généreuse, des droits exclusifs du titulaire d'un brevet. La raison de cette limitation était de permettre à la libre concurrence de prévaloir sur le marché aussitôt que possible.

- De même, il devrait en résulter une baisse significative des prix des médicaments en cause et, partant, des dépenses budgétaires afférentes à la santé publique et/ou une augmentation de la portion du grand public couverte par les programmes de santé pour le même niveau de dépenses budgétaires. Les médicaments génériques étaient bien moins onéreux que les médicaments brevetés. Leur remplacement par des médicaments brevetés entraînerait soit l'abaissement du niveau approprié de protection de la santé publique, soit une nouvelle répartition des fonds dans le cadre du budget au détriment d'autres objectifs également justifiés. Une solution de rechange pourrait être d'accroître le déficit budgétaire ou d'augmenter les impôts, ce qui était dans les deux cas inacceptable au vu de l'intention de la Pologne de rejoindre la zone de la monnaie unique – la zone de l'euro – de l'Union européenne et compte tenu de la politique d'allègement fiscal menée par le pays dans l'approbation générale.

- Les producteurs de médicaments génériques devaient procéder aux expériences et aux essais requis pour obtenir l'approbation de commercialisation en ce qui concernait leurs produits. Les mener à bien demandait plusieurs années. Si ces essais n'étaient pas autorisés pendant la durée de validité du brevet, la durée de la protection effective conférée à un médicament par un brevet serait beaucoup plus longue, ce qui allongerait la période de concurrence restreinte au-delà du point auquel deux objectifs de politique générale également justifiés se rencontraient d'une manière bien équilibrée, à savoir l'internalisation d'une externalité positive et la protection de la santé publique dans de bonnes conditions d'économie et d'efficacité.

- Ces vues s'accordaient tout à fait avec la Résolution du Parlement européen du 16 avril 1996, qui prévoyait ce qui suit: "il faudrait adopter des mesures autorisant les entreprises pharmaceutiques à commencer, avant l'expiration du brevet ou du certificat de protection complémentaire, les expériences en laboratoire ou les préparations réglementaires indispensables pour l'enregistrement des produits génériques mis au point dans l'Union de façon que ceuxci soient disponibles immédiatement sur le marché, mais uniquement après l'expiration d'un brevet ou du certificat de protection complémentaire pour un produit de propriété".

- Enfin, la Pologne soulignait le fait que le rapport du Groupe spécial en l'espèce serait l'un des premiers concernant les dispositions de l'Accord sur les ADPIC afférentes aux brevets et revêtirait une grande importance pour tous les Membres dans la mesure où il offrirait une orientation pour garantir la cohésion internationale dans le cadre d'un ensemble de lois et réglementations nationales centrées sur l'OMC et où il constituerait une tentative pour résoudre une question extrêmement importante du point de vue économique, en particulier pour les pays dotés d'un secteur générique solide.

SUISSE

5.28 La Suisse convenait avec les Communautés européennes et leurs États membres que l'article 55.2 de la Loi canadienne sur les brevets et ses règlements d'application étaient incompatibles avec les articles 27:1, 28:1 et 33 de l'Accord sur les ADPIC et ne pouvaient pas être justifiés au regard de l'article 30 de l'Accord. Elle a avancé les arguments suivants à l'appui de sa position:

Remarques générales sur le système de brevets et le système de commercialisation réglementaire

- Selon l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC, les pays devaient prévoir une période de 20 ans pour la protection conférée par un brevet à compter de la date du dépôt de la demande. Toutefois, ni la demande, ni l'octroi du brevet ne signifiaient que l'invention serait immédiatement utilisée par le demandeur, ou respectivement le titulaire du brevet, à des fins commerciales.

- L'utilisation commerciale de l'invention brevetée était retardée, en particulier, lorsque le produit était soumis à l'approbation obligatoire des pouvoirs publics pour l'introduction sur le marché. La durée effective de l'exploitation de l'invention brevetée était raccourcie en raison de la période s'écoulant entre la date de la demande de brevet et l'approbation de commercialisation. Si cette période était trop longue, il en résultait une inégalité de traitement importante entre les inventions qui étaient soumises à une approbation de commercialisation et celles qui ne l'étaient pas.

- Ce problème était plus apparent dans le domaine des produits pharmaceutiques. Au cours des dernières décennies, les prescriptions concernant l'approbation de commercialisation étaient devenues plus strictes pour ce qui était des essais cliniques, toxicologiques et pharmacologiques, ce qui avait retardé davantage l'exploitation de l'invention. Le délai moyen pour l'obtention de l'approbation de commercialisation pouvait être de huit à 12 ans. Pour le titulaire du brevet, la durée de la protection réelle était donc de huit à 12 ans seulement.

- Le raccourcissement de la période de protection réelle non seulement représentait une situation d'inégalité de traitement des produits pharmaceutiques par rapport aux autres produits, mais avait aussi un effet de désincitation sur les activités de recherche. Personne ne contestait que les mesures réglementaires, fondées sur des objectifs relatifs à la protection de la santé, pénalisaient le titulaire du brevet, d'autant plus si, outre les coûts élevés que celuici devait supporter, elles se traduisaient par de longues périodes d'attente de l'approbation de conformité. Dans d'autres domaines de la technologie, non soumis à une approbation réglementaire longue et complexe, le titulaire du brevet pouvait compter bénéficier intégralement de la durée de protection de 20 ans. Il importait donc que, dans le domaine des produits pharmaceutiques – ou dans tout autre domaine soumis à des dispositions réglementaires analogues – le titulaire du brevet puisse bénéficier intégralement des droits exclusifs conférés pendant le reste de la période de protection, ce qui voulait dire que, pendant la période restante, il fallait qu'il puisse exercer son droit exclusif d'empêcher le tiers d'utiliser son invention sans son consentement.

- Cependant, même cette possibilité n'était pas pleinement satisfaisante en raison du niveau très élevé des coûts de recherche pour un nouveau médicament – une centaine de millions de francs suisses – que la durée effective de la protection ne permettait pas, en pareil cas, de récupérer. Pour ces raisons, un certain nombre de pays avaient prévu une prorogation de la période de validité de 20 ans. Ce faisant, ils avaient dûment tenu compte des divers intérêts en jeu, en particulier les considérations relatives au contrôle des coûts de santé – à savoir, les prix des médicaments et les éventuelles augmentations de prix – d'une part, et les objectifs de recherche et développement d'autre part. Il fallait cependant préciser que, même avec une prorogation de la durée de validité, la période de protection totale réelle pouvait aller de 12 à 15 ans, selon le pays. Elle ne couvrait pas intégralement la période de 20 ans, alors que les produits non soumis à l'approbation de commercialisation bénéficiaient d'une durée de protection intégrale. Néanmoins, cette prorogation était généralement considérée comme établissant un équilibre équitable. Elle permettait au titulaire du brevet de récupérer ses investissements de recherche et développement et, partant, l'incitait à développer d'autres médicaments nouveaux, au profit de l'avancement de la science, de la protection de la santé et du bien-être social.

Dispositions de l'Accord sur les ADPIC invoquées par les parties au différend

Article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC

- Pour bien comprendre le sens de l'obligation prévue à l'article 27:1, aux termes de laquelle "des brevets pourront être obtenus et il sera possible de jouir de droits de brevet sans discrimination quant au domaine technologique", il était utile de procéder à une analyse de toutes les parties de cet article.

Signification de la première phrase de l'article 27:1

- En vertu de cette disposition, les Membres étaient tenus d'accorder une protection par des brevets aux produits et aux procédés, à condition qu'ils remplissent trois conditions fondamentales: nouveauté, activité inventive (nonévidence) et application industrielle (utilité).

- Lorsqu'ils satisfaisaient à cette obligation, les Membres étaient tenus de ne pas établir de discrimination quant au domaine technologique. Autrement dit, dans les domaines technologiques tels que les produits pharmaceutiques, il fallait que des brevets puissent être obtenus pour les inventions de produits et de procédés.

- Les seules exceptions prévues étaient celles qui figuraient à l'article 27, paragraphes 2 et 3.

Signification de la deuxième phrase de l'article 27:1

- En vertu de cette disposition, les Membres étaient tenus de faire en sorte que l'on puisse obtenir et jouir pleinement de droits de brevet sans discrimination quant au lieu d'origine de l'invention. En d'autres termes, le fait que des éléments de preuve concernant une activité inventive aient pour lieu d'origine un Membre de l'OMC devait être accepté dans le cadre de la procédure appliquée dans un autre Membre de l'OMC.

- Deuxièmement, les Membres étaient tenus de faire en sorte que l'on puisse obtenir et jouir pleinement de droits de brevet sans discrimination quant au fait que les produits étaient importés ou étaient d'origine nationale. Cette disposition signifiait que l'importation de produits visés par le brevet pour répondre aux besoins d'un marché local constituait une exploitation de l'invention.

- Et, troisièmement, les Membres étaient tenus de faire en sorte que l'on puisse obtenir et jouir pleinement de droits de brevet sans discrimination quant au domaine technologique. Cette prescription était une conséquence logique de l'obligation figurant dans la première phrase de l'article 27:1, à savoir, l'obligation de faire en sorte que des brevets de produits et de procédés puissent être obtenus dans tous les domaines technologiques, comme indiqué plus haut.

- Pour toutes les trois obligations figurant dans la deuxième phrase de l'article 27:1, la seule restriction ou exception prévue par cette phrase était la période de transition durant laquelle les pays en développement et les pays en transition pouvaient différer la protection conférée par un brevet pour les produits dans certains domaines de la technologie, ainsi que les exclusions figurant à l'article 27:3 de l'Accord.

- L'article 27:1 était manifestement rédigé de manière très claire. Les obligations qu'il contenait étaient "absolues", et les restrictions, le cas échéant, auraient figuré dans le texte. Par exemple, d'autres termes auraient été employés, tels que "Sous réserve des dispositions du présent article (ou de l'article 30) [...]" ou bien "Sans préjuger des dispositions du présent article (ou de l'article 30) [...]". Conformément à la pratique du GATT/de l'OMC concernant le règlement des différends, "l'un des corollaires de la "règle générale d'interprétation" de la Convention de Vienne est que l'interprétation doit donner sens et effet à tous les termes d'un traité. Un interprète n'est pas libre d'adopter une interprétation qui aurait pour résultat de rendre redondants ou inutiles des clauses ou des paragraphes entiers d'un traité". Dans l'affaire soumise au Groupe spécial, il n'était pas injustifié de dire que le libellé était suffisamment clair pour que les Membres interprètent les obligations figurant à l'article 27:1 comme étant "absolus". Par conséquent, elles s'appliquaient à toutes les dispositions de la section 5 de la Partie II de l'Accord sur les ADPIC et ne se limitaient pas à l'article 27:1, ni n'étaient subordonnées à l'interprétation d'une autre disposition de la section 5. Par exemple, le principe de non-discrimination s'appliquait aussi à l'article 29 (obligation de divulguer l'invention): autrement dit, à titre d'exemple, les Membres ne pouvaient pas prévoir de règles plus – ou moins – strictes en matière de divulgation pour les demandes de brevet uniquement dans le domaine des produits alimentaires ou des aéronefs (c'estàdire une divulgation plus poussée ou moins poussée).

- Les droits dont il était possible de bénéficier étaient ceux qui figuraient à l'article 28:1 (Droits conférés), à l'article 33 (Durée de la protection) et d'autres droits, tels que le droit à une révision judiciaire (par exemple, aux articles 31, 32, 41, 62) et le droit de se faire entendre (par exemple, article 41).

Article 28 de l'Accord sur les ADPIC

- En vertu de l'article 28:1, un brevet confère à son titulaire des droits exclusifs, à savoir, dans les cas où l'objet du brevet est un produit, empêcher des tiers agissant sans son consentement d'accomplir les actes ci-après: fabriquer, utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer à ces fins ce produit. Dans les cas où l'objet du brevet est un procédé, le titulaire du brevet a des droits similaires, à savoir empêcher d'accomplir les actes consistant à utiliser le procédé et à utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer à ces fins, au moins le produit obtenu directement par ce procédé. Les actes énumérés dans ces dispositions étaient suffisamment clairs en eux-mêmes.

- En dépit de son caractère non contraignant, la Loi type de l'OMPI pour les pays en développement concernant les inventions pouvait éclairer les diverses situations visées par les "droits exclusifs". L'article 135 de cette loi type définissait l'"exploitation" de la façon suivante: fabriquer, importer, offrir en vente, vendre et utiliser le produit, de même que détenir ce produit aux fins de l'offrir en vente, de le vendre ou de l'utiliser.

- Dire que ces droits exclusifs conféraient un monopole au titulaire du brevet était de nature à induire en erreur. Un brevet n'était pas à proprement parler un monopole parce ce qu'il ne privait le public d'aucun élément auquel il avait formellement droit.

Article 33 de l'Accord sur les ADPIC

- L'article 33 de l'Accord sur les ADPIC était suffisamment clair en lui-même. Il fallait se reporter aux observations ci-dessus concernant l'obligation de traiter tous les domaines technologiques d'une manière non discriminatoire. L'article 33 était manifestement aussi une obligation "absolue" pour les Membres. Rien dans son libellé n'autorisait une réduction ou une annulation de jure de la période de 20 ans.

Article 30 de l'Accord sur les ADPIC

- L'article 30 de l'Accord sur les ADPIC était semblable – mais pas identique – à l'article 13 concernant le droit d'auteur, qui reprenait le libellé de l'article 9 2) de la Convention de Berne, et à l'article 17 concernant les marques de fabrique ou de commerce. Les trois dispositions contenaient des variations quant aux termes employés. Pour ce qui était des autres dispositions, l'article 30 traitait des "réserves mineures" lorsque les tiers avaient des intérêts légitimes. Quatre conditions nécessaires avaient été énoncées à l'article 30. Dans le cadre de l'analyse de cet article, il serait utile d'examiner l'article 13 – et donc l'article 9 2) de la Convention de Berne.

- Premièrement, les exceptions devaient être limitées, ce qui correspondait à l'expression "dans certains cas spéciaux" figurant à l'article 13 (et à l'article 9 2) de la Convention de Berne). Dans le domaine du droit d'auteur, on faisait habituellement référence à l'usage privé ou à des exceptions concernant des catégories limitées d'utilisateurs (par exemple, les aveugles). Il était intéressant de noter que le Guide de la Convention de Berne de l'OMPI, tout en citant le critère de l'usage personnel et privé, faisait spécifiquement référence, dans un exemple, à l'absence de but de lucre. Dans le domaine des brevets, les publications de l'OMPI pourraient être également utiles. En dépit de son caractère non contraignant, la Loi type de l'OMPI pour les pays en développement concernant les inventions présentait certaines considérations sur les exceptions ou les limitations applicables aux droits exclusifs. L'exemption concernant la recherche, notamment, semblait être une exception ne prêtant absolument pas à controverse. L'article 136 1) de cette loi type était libellé de la façon suivante: "Les droits découlant du brevet ne s'étendent qu'aux actes accomplis à des fins industrielles ou commerciales et ne s'étendent notamment pas aux actes accomplis aux seules fins de la recherche scientifique".

- Il était intéressant de relever que le commentaire de la loi type citait comme exceptions les fins éducatives et les fins purement privées. Cependant, comme on l'avait fait observer, toute application industrielle ou commerciale d'un usage scientifique, éducatif ou personnel portait atteinte au droit conféré par le brevet. De fait, la loi type utilisait le terme "notamment". Il y avait d'autres exceptions possibles, telles que l'antériorité; cependant, il suffisait, aux fins de la présente analyse, que la disposition mentionne le cas spécifique de l'usage non commercial. Cette position était encore confirmée par la "Intellectual Property Reading Material" (documentation sur la propriété intellectuelle) de l'OMPI: "Il y a, dans la plupart des législations, cinq exceptions à l'atteinte portée aux droits exclusifs d'utiliser un produit breveté, à savoir:  lorsque l'utilisation du produit breveté est uniquement à des fins de recherche et d'expérience scientifiques; [...]".

- Deuxièmement, l'exception ne devait pas porter atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet. Comme cela avait été expliqué plus haut, l'exploitation normale incluait le droit exclusif pour le titulaire du brevet, entre autres choses, d'empêcher la contrefaçon pendant la durée du brevet. Ce droit était au cœur du système de brevets; par ailleurs, il justifiait l'obligation légale qu'avaient les innovateurs de divulguer leurs inventions au profit de la société au lieu de les tenir secrètes dans la mesure où ils avaient, en guise de compensation, le droit d'empêcher les tiers d'utiliser leurs inventions à des fins commerciales. La question se posait de savoir quand l'exploitation normale d'un brevet était limitée "de manière injustifiée". On pouvait dire que, dans le cas des produits, dont la durée de vie était déjà réduite pour des raisons autres que la volonté du titulaire du brevet, le fait d'autoriser l'utilisation du brevet sans le consentement de ce dernier – par exemple, dans des cas autres que les licences obligatoires, la concession de licences subordonnées et l'utilisation par les pouvoirs publics, ou dans des cas très particuliers tels que la recherche privée ou à but non lucratif – constituait une limitation "injustifiée" – c'estàdire, injustifiable – de ce droit.

- Troisièmement, l'exception ne devait pas causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet. Là encore, les explications concernant l'article 9 2) de la Convention de Berne pouvaient être utiles. En bref, il y était dit que toute utilisation sans le consentement de l'auteur causait en soi un préjudice, mais la question la plus importante et la plus difficile était de déterminer s'il était injustifié. Il était possible, d'après les commentaires faits dans le Guide de la Convention de Berne de l'OMPI sur la perte de possibilités commerciales, par exemple, de conclure qu'une telle perte pouvait être considérée comme injustifiée et qu'il fallait prendre des mesures pour compenser le titulaire du droit d'auteur.

- Quatrièmement, les intérêts légitimes des tiers devaient être pris en compte. Cette condition pouvait sembler redondante, puisqu'il était évident que les Membres avaient l'obligation de tenir compte de tous les intérêts en jeu lorsqu'ils adoptaient un texte de loi. C'était là le but même du système des exceptions dans le domaine de la propriété intellectuelle. Le point essentiel était de savoir s'il y avait un équilibre approprié entre les intérêts du titulaire du brevet et ceux des tiers. Il n'était possible de répondre à cette question qu'en tenant compte de toutes les circonstances d'une situation et de tous les instruments  légaux, administratifs et autres  à la disposition des pouvoirs publics lorsqu'ils adoptaient une mesure.

Rapports entre les articles 27:1, 28:1 et 30 de l'Accord sur les ADPIC

- Une interprétation littérale de l'article 30  "exceptions [...] aux droits exclusifs conférés"  permettait de limiter le lien de cet article avec l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC uniquement. L'existence distincte de l'article 31  en tant que limitation du droit exclusif  démontrait que l'article 30 était destiné à viser des réserves mineures et non pas une exception globale. Dans la plupart des lois, les dispositions concernant les exceptions venaient immédiatement après les dispositions relatives aux "droits conférés par le brevet"  ou s'inséraient dans des dispositions visant les "atteintes". Le fait qu'il ne se trouvait pas dans l'Accord juste à côté de l'article 28  il en était séparé par l'article 29  était une coïncidence. Durant le Cycle d'Uruguay, il avait souvent été fait référence aux notions de "droits et obligations" lorsque les participants avaient analysé le contenu des droits exclusifs conférés au titulaire. Pour tenir compte des préoccupations et du contexte politique, la place de l'article 29 semblait logique. Au regard de la structure systémique et juridique, l'article 30 devrait normalement jouxter la disposition concernant les droits exclusifs. Ces commentaires confirmeront le caractère "absolu" de l'obligation de non-discrimination figurant à l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC; il n'était pas possible d'invoquer l'article 30 pour justifier des exceptions au principe de nondiscrimination visé à l'article 27:1.

Article 55.2 de la Loi canadienne sur les brevets à la lumière des articles 27:1, 28, 33 et 30

Article 27:1

- Compte tenu de l'analyse faite plus haut, en particulier au regard de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC, l'article 55.2 de la Loi canadienne sur les brevets et ses règlements d'application étaient incompatibles avec la deuxième phrase de l'article 27:1.

- Le Canada avait présenté un argument intéressant, selon lequel le strict respect de l'article 27:1 déboucherait sur une situation incongrue: le Canada devrait appliquer le même système – à savoir, prévoir les exceptions et autoriser une période "d'immunité" de six mois pour les tiers – à tous les autres domaines de la technologie. Ce raisonnement était contesté et devait être renversé: s'il existait d'autres domaines qui étaient traités de manière compatible avec la lettre et l'esprit de l'article 27:1, alors ce traitement devait être appliqué au domaine des produits pharmaceutiques.

Article 33

- En vertu de l'article 55.2 1), les actes qu'il était permis d'accomplir – à l'exception du stockage visé à l'article 55.2 2) – n'étaient pas limités dans le temps. Ils pouvaient être accomplis sans le consentement du titulaire du brevet à tout moment durant la période de validité de 20 ans. On pouvait se demander si tous les avantages que le titulaire du brevet attendait de la durée minimale de la protection n'étaient pas annulés avec une exception de ce type fondée sur des procédures réglementaires.

- L'article 55.2 2), qui autorisait le stockage, réduisait la durée minimale de la protection obligatoire en vertu de l'article 33. Elle avait manifestement pour résultat que la protection des produits pharmaceutiques, par rapport aux autres produits, durait 19 ans et demi et était inférieure au niveau prescrit.

- À la suite des observations formulées plus haut concernant l'incompatibilité de la Loi canadienne sur les brevets avec l'article 27:1, on pouvait aussi affirmer que l'article 55.2 était incompatible avec le principe de non-discrimination quant au domaine technologique. Si d'autres domaines étaient mieux "traités", ce traitement devait également s'appliquer aux produits pharmaceutiques. Sinon, le libellé de l'article 33 aurait été différent; il aurait contenu l'expression d'une réserve quelconque. La durée du brevet était une des questionsclés durant les négociations; il était intéressant de constater que les négociateurs n'avaient fait figurer aucune réserve de ce type dans la disposition. Aucune autre interprétation entraînant l'abaissement ou le contournement de ce niveau minimum n'était possible.

- L'article 1:1 de l'Accord sur les ADPIC permettait d'augmenter la protection (une protection "plus large"), à condition qu'elle ne contrevienne pas aux dispositions dudit accord. Cette disposition ne disait pas que les Membres pouvaient octroyer une protection moins forte lorsque les dispositions constituaient manifestement des normes obligatoires minimales. La durée du brevet visée par l'article 55.2 était inférieure au niveau minimal prescrit.

- Il fallait interpréter d'une manière différente le préambule de l'Accord sur les ADPIC, cité par le Canada: le membre de phrase "les mesures et les procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle ne deviennent pas elles-mêmes des obstacles au commerce légitimes, [...]" faisait référence à des mesures et procédures visant à faire respecter les droits. Les règles qu'on appelle "règles de fond" (par opposition – à tort, d'un point de vue juridique systémique, mais utilisées comme telles par les négociateurs – aux moyens de faire respecter les droits) étaient visées par le membre de phrase précédent: "une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle". Durant les négociations du Cycle d'Uruguay, on s'était inquiété, à juste titre, à vrai dire, de ce que les règles visant à faire respecter les droits pourraient être utilisées pour ériger des obstacles à l'égard des titulaires de droits de propriété intellectuelle ainsi que des tiers. L'article 30 était une règle "de fond" et l'argument concernant les moyens de faire respecter les droits n'était pas pertinent. Ce qui était en jeu, c'était plus une question de mise en œuvre par les Membres d'une obligation découlant de l'Accord sur les ADPIC qu'une question concernant les "moyens de faire respecter les droits".

Articles 28:1 et 30

- Les observations faites plus haut relatives aux articles 27:1 et 33 de l'Accord devraient suffire à démontrer l'incompatibilité de la Loi canadienne sur les brevets avec l'Accord sur les ADPIC. Néanmoins, il fallait aussi examiner les arguments du Canada concernant les articles 28 et 30, notamment les préoccupations exprimées relatives à la santé et à la concurrence.

- Dans le cadre de la législation canadienne, un tiers était autorisé de jure non seulement à utiliser l'invention du titulaire d'un brevet pour procéder à des expériences – à des fins, il convient de le noter, commerciales – mais aussi pour fabriquer le produit et pour le stocker en quelque quantité que ce soit. Conformément à un grand nombre de législations et comme cela a été décrit plus haut, l'utilisation expérimentale à des fins commerciales constituait une violation des droits exclusifs, sans parler des actes de fabrication et de stockage. Cependant, la principale question qui s'était posée était de savoir si les exceptions aux droits exclusifs prévues à l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC comme celles qui figuraient dans la Loi canadienne sur les brevets pouvaient être justifiées en vertu de l'article 30 de l'Accord.

- Le Canada avait expliqué qu'"[i]l n'est pas rare que le développement d'un produit, la préparation de la demande et le processus d'examen réglementaire prennent, pour un médicament innovant, de huit à 12 ans et, pour un médicament générique, de trois à six ans et demi". Il avait par ailleurs affirmé que "[s]ans les exceptions limitées (notamment l'exception pour l'examen réglementaire), les titulaires de brevets bénéficieraient d'une période supplémentaire gratuite et souvent assez longue de protection de facto – égale au temps dont un fabricant concurrent avait besoin pour déposer sa demande d'approbation réglementaire – qui n'est ni envisagée par la législation nationale ni prescrite par l'Accord sur les ADPIC". Cet argument appelait les observations provisoires suivantes: le titulaire du brevet était déjà pénalisé par le retard qu'occasionnaient les prescriptions relatives à l'autorisation (de huit à 12 ans). Le concurrent fabricant de génériques devait suivre une procédure qui pouvait être également longue, quoique dans une moindre mesure (de trois à six ans et demi). Si la pratique au Canada était telle qu'elle était décrite, la "période supplémentaire gratuite et souvent longue de protection de facto" s'étendait sur 15 à 19 années et demie. Dans le meilleur des cas, une durée de protection de 15 ans par rapport à la prescription minimale "absolue" de 20 ans représentait beaucoup moins que ce que le titulaire du brevet pouvait escompter de la protection octroyée par l'Accord sur les ADPIC. Cela étant, il s'agissait là essentiellement de considérations pratiques. Il était plus important, d'un point de vue juridique, de déterminer s'il était justifié que le titulaire du brevet soit de nouveau pénalisé de jure ou de facto par le fait que ses droits exclusifs étaient supprimés ou réduits pendant la durée du brevet. On soulignait donc que, en ce qui concernait le titulaire du brevet, la sanction intervenait deux fois.

- S'agissant de l'article 55.2 1), les Communautés européennes et leurs États membres avaient à juste titre indiqué dans leur analyse que l'"interaction et le cumul de toutes ces possibilités étaient à l'origine d'une situation dans laquelle des quantités très importantes de produits protégés par un brevet pouvaient, pendant la durée de celuici, être fabriquées, importées et vendues à tout moment sans le consentement du détenteur du brevet". On pouvait se demander si l'on n'aboutirait pas à une mesure équivalant à une expropriation.

- S'agissant de l'article 55.2 2), les Communautés européennes et leurs États membres avaient également souligné avec pertinence que "[c]ette faculté ne comportait absolument aucune limitation du point de vue de l'ampleur et du volume de l'utilisation et [...] ce dernier n'avait non plus aucun droit d'être informé de cette utilisation non autorisée de son invention [...]".

- En outre, la période de six mois retenue pourrait être considérée comme arbitraire, bien qu'on ait avancé qu'elle avait pour objet de tenir compte des intérêts du titulaire du brevet et des tiers. Pourquoi pas un mois ou cinq jours avant l'expiration de la durée du brevet? On aurait pu considérer d'autres voies telles qu'une procédure d'autorisation facilitée ou abrégée pour les produits génériques. Il fallait envisager une application meilleure et plus stricte des règles de concurrence si le titulaire du brevet refusait arbitrairement l'accès aux marchés des tiers dans des conditions équitables. La solution retenue pour l'article 55.2 semblait disproportionnée compte tenu des obligations découlant de l'Accord sur les ADPIC.

- Il fallait également noter que la solution faisait abstraction du fait que l'Accord sur les ADPIC comportait une vaste gamme de mesures juridiques pour garantir l'accès à l'utilisation de l'invention brevetée pendant la période de protection. Sans considérer que l'octroi de licences obligatoires était la solution adéquate au plan de l'efficacité, on pouvait mentionner l'article 31 de l'Accord sur les ADPIC dans la mesure où il offrait des possibilités à un concurrent loyal de pénétrer sur le marché dans des conditions équitables: par exemple, en demandant des licences volontaires suivant "des conditions et modalités commerciales raisonnables [...] et [...] dans un délai raisonnable"; en demandant des licences en cas de pratiques commerciales anticoncurrentielles.

5.29 La Suisse soulignait par ailleurs, en tant que pays actif dans le commerce et la recherchedéveloppement, ses graves préoccupations quant au fait que ses intérêts commerciaux et systémiques dans le système multilatéral de l'OMC seraient fortement lésés si une mesure incompatible avec la lettre et l'esprit de l'Accord sur les ADPIC devait continuer à ne pas faire l'objet de sanctions. Les sociétés spécialisées dans la recherche aussi bien que les sociétés fabriquant des génériques étaient importantes en Suisse. Le pays portait une attention particulière non seulement aux activités innovatrices mais aussi aux problèmes relatifs à la santé. Comme dans tous les pays du monde, on s'efforçait en Suisse de trouver de nouvelles molécules pour combattre plus efficacement les maladies nouvelles et existantes et de nouvelles stratégies pour contenir les coûts en matière de santé. Par exemple, la nécessité d'établir un équilibre approprié entre les objectifs de recherchedéveloppement d'une part, et les objectifs de contrôle des coûts dans le domaine de la santé, d'autre part, avait fait l'objet d'un débat au niveau national lors de l'introduction du certificat complémentaire de protection (c'estàdire, une prorogation limitée de la durée du brevet).

THAÏLANDE

5.30 Pour la Thaïlande, la principale question, au niveau systémique, dans le présent différend était la préservation de l'équilibre auquel on était parvenu à la conclusion du Cycle d'Uruguay entre les droits et obligations des titulaires de brevets d'une part, et ceux des tiers et du grand public, d'autre part, équilibre qui se retrouvait comme il se doit dans le texte de l'Accord sur les ADPIC. Selon la Thaïlande, les points en cause en l'espèce étaient les suivants:

a) question de savoir si les paragraphes 1) et 2) de l'article 55.2 de la Loi sur les brevets constituaient des "exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet" au sens de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC;

b) question de savoir si ces mesures étaient compatibles avec la prescription de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC, selon laquelle il doit être possible de "jouir de droits de brevet sans discrimination quant au domaine technologique"; et

c) question de savoir si ces mesures réduisaient la durée minimale de la protection conférée par un brevet prévue à l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC.

5.31 Dans ses observations, la Thaïlande se limitait à traiter de l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets et soutenait que cette disposition était, en substance, une mesure nationale autorisant un tiers à demander l'approbation de commercialisation pour des produits pharmaceutiques brevetés, pendant la période du brevet, dans l'intention d'exploiter commercialement les produits après l'expiration de la période de protection, ce qui constituait une exception limitée aux droits exclusifs conférés par un brevet au sens de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC et compatible avec l'article 33 de l'Accord. Elle avançait les arguments suivants à l'appui de sa position:

- Les produits pharmaceutiques étaient, du point de vue de leur mise à la disposition du public, différents des autres produits susceptibles d'être protégés par un brevet. L'approbation de commercialisation pour les produits pharmaceutiques dans un pays donné était généralement un processus administratif qui prenait beaucoup de temps et qui comportait des activités de recherche et de développement intensives. Il était donc dans l'intérêt du grand public de permettre que ce processus soit engagé à un moment donné pendant la période de protection de 20 ans, de façon à faire en sorte qu'à l'expiration de ladite période, les produits concurrents puissent pénétrer immédiatement sur le marché. L'accroissement du nombre de concurrents sur le marché serait bénéfique pour le grand public non seulement parce qu'il abaisserait les prix des médicaments jusqu'à un niveau abordable, mais aussi parce qu'il favoriserait la concurrence, ce qui génèrerait des produits de qualité.

- La demande d'approbation de commercialisation – ou demande d'homologation de médicament, pour reprendre les termes employés dans la législation thaïlandaise pertinente – pouvait mettre en jeu des activités qui affectaient les droits exclusifs conférés par un brevet à son titulaire au titre de l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC. Toutefois, les mesures nationales autorisant ce type d'activités étaient compatibles avec l'Accord sur les ADPIC, si elles relevaient des exceptions prévues à l'article 30 de l'Accord.

- Les droits exclusifs conférés par un brevet à son titulaire en vertu de l'article 28:1 de l'Accord faisaient donc l'objet d'exceptions spécifiées à l'article 30. Elles pouvaient être prévues par les Membres à condition qu'elles soient limitées, qu'elles ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet, qu'elles ne causent pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, et qu'elles tiennent compte des intérêts légitimes des tiers.

- Conformément aux règles coutumières du droit international public relatives à l'interprétation des traités, il fallait interpréter l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC conformément au sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte. Ce contexte incluait, entre autres choses, le préambule et la Partie I de l'Accord.

- Durant les négociations du Cycle d'Uruguay, la Thaïlande avait clairement énoncé qu'à ses yeux, la protection des droits de propriété intellectuelle ne devait pas porter atteinte au commerce légitime pertinent, et qu'il fallait aussi garantir une protection appropriée de l'intérêt public. La Thaïlande avait notamment indiqué ce qui suit:

"[...] les procédures de protection devraient permettre de poursuivre la libéralisation. Elles ne devraient pas elles-mêmes entraver le commerce légitime ni le rendre plus complexe [...];"

et:

"[...] ce que les gouvernements cherchent à faire lorsqu'ils protègent les droits de propriété intellectuelle, c'est essentiellement de stimuler ou d'encourager la création intellectuelle et d'accorder une protection appropriée et légitime qui est conforme à l'intérêt public. Il va sans dire que le premier de ces objectifs ne doit pas trop peser sur le second, ni lui être préjudiciable."

- L'opinion de la Thaïlande avait été dûment prise en compte dans le préambule et dans la Partie I de l'Accord sur les ADPIC. Le préambule prévoyait, entre autres choses, ce qui suit: "Désireux (...) de faire en sorte que les mesures et les procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle ne deviennent pas elles-mêmes des obstacles au commerce légitime", et l'article 7 décrivait les objectifs de l'Accord de la façon suivante:

"La protection et le respect des droits de propriété intellectuelle devraient contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie, à l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques et d'une manière propice au bien-être social et économique, et à assurer un équilibre de droits et d'obligations."

L'article 8 disposait ce qui suit:

"Les Membres pourront, lorsqu'ils élaboreront ou modifieront leurs lois et réglementations, adopter les mesures nécessaires pour protéger la santé publique et la nutrition et pour promouvoir l'intérêt public dans des secteurs d'une importance vitale pour leur développement socio-économique et technologique, à condition que ces mesures soient compatibles avec les dispositions du présent accord."

C'est dans ce contexte qu'il fallait lire et interpréter l'article 30.

- Dans ce contexte, les Membres pouvaient donc introduire, en tant qu'exception prévue à l'article 30, une mesure nationale autorisant, pendant la durée du brevet, les activités relatives à une demande d'approbation de commercialisation pour un produit pharmaceutique breveté dans le but de produire, vendre ou importer le produit après l'expiration de la période de protection. C'est seulement ainsi qu'il était possible de garantir le commerce légitime, de protéger l'intérêt public ainsi que le bien-être social et économique, et d'établir un équilibre de droits et d'obligations de toutes les parties concernées, titulaires de brevets, concurrents et consommateurs.

- Une mesure nationale de ce type était également compatible avec les prescriptions de l'article 30:

a) Elle était "limitée" parce qu'elle était confinée à des circonstances particulières dans lesquelles un tiers menait des activités dans le but d'obtenir l'approbation de commercialisation auprès de l'autorité nationale compétente.
b) Elle ne "port[ait] pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet", ni ne "caus[ait] un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet", parce que le demandeur concerné avait l'intention d'exploiter le produit commercialement uniquement après l'expiration de la période de protection. Elle ne portait aucunement atteinte à la liberté du titulaire du brevet d'exploiter son invention pendant toute la durée de protection du brevet. Ce dernier pouvait toujours jouir des droits exclusifs de produire, vendre ou importer les produits brevetés pendant une période complète de 20 ans sans se préoccuper de la mesure.
c) Elle tenait compte des intérêts légitimes des tiers, qui, dans la présente affaire, incluaient les consommateurs et le grand public.
- Dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC, le titulaire d'un brevet se voyait octroyer un monopole en échange de sa contribution au développement de la technologie du fait de sa création ou de son invention. Ce monopole était octroyé au moyen d'un brevet et devait durer une certaine période limitée. Au bout de cette période, la création ou l'invention devait tomber dans le domaine public et chacun devait être libre de l'exploiter. Dans des cas comme ceux des produits pharmaceutiques, si la demande d'approbation de commercialisation ne devait être déposée qu'après l'expiration de la période de protection, l'entrée des produits concurrents sur le marché subirait alors un retard considérable, ce qui, dans n'importe quel pays, était contraire à l'intérêt public, à savoir disposer d'une offre adéquate de produits pharmaceutiques récents à des prix compétitifs et dans un délai raisonnable après l'expiration du brevet visé.

- Par conséquent non seulement une mesure nationale de ce type était compatible avec l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC, mais également, et surtout, retarder le commencement du processus de la demande jusqu'après l'expiration de la période de protection reviendrait à proroger le monopole du titulaire du brevet au-delà de la période de protection de 20 ans et donc à violer l'article 33 lui-même.

ÉTATSUNIS

5.32 Selon les ÉtatsUnis, le présent différend mettait en jeu des questions extrêmement importantes concernant des dispositions-clés de l'Accord sur les ADPIC. Les ÉtatsUnis avaient choisi d'y participer en qualité de tierce partie, parce qu'ils avaient un intérêt commercial substantiel sur le marché canadien des produits pharmaceutiques qu'affectait la législation sur les brevets contestée par les Communautés européennes et leurs États membres. En 1998, les ÉtatsUnis avaient exporté vers le Canada pour plus de 1,3 milliard de dollars EU de produits pharmaceutiques, et importé des produits pour 648 millions de dollars EU. Les ÉtatsUnis avaient aussi un intérêt systémique de vaste portée dans l'interprétation appropriée des dispositions de l'Accord sur les ADPIC en cause.

5.33 Pour les ÉtatsUnis, le Groupe spécial devrait, en examinant les deux exceptions distinctes aux droits exclusifs conférés par un brevet prévues par la Loi canadienne sur les brevets – qui figuraient toutes les deux à l'article 55.2 de ladite loi – mises en cause par les Communautés européennes et leurs États membres, garder présents à l'esprit les buts fondamentaux du système de brevets et le contexte de l'industrie pharmaceutique réglementés. Pour les ÉtatsUnis, ces buts et ce contexte se présentaient de la manière suivante:

- Les systèmes de brevets encourageaient l'innovation en accordant aux inventeurs certains droits exclusifs pour une période limitée en échange de la divulgation de l'invention. Ils offraient des incitations à investir dans la recherche et le développement en empêchant les concurrents de profiter gratuitement de ces investissements, et en faisant en sorte par là même que les inventeurs aient la possibilité de récupérer leurs investissements. Par la divulgation, ils augmentaient aussi les connaissances du public, ce qui facilitait les améliorations de la technologie et l'utilisation de l'invention par le public après l'expiration du brevet.

- Les activités de l'industrie pharmaceutique se déroulaient sur un marché fortement réglementé où l'interaction de strictes prescriptions réglementaires, telles que l'obtention de l'approbation préalable à la commercialisation, avec le système de brevets était complexe et avait des conséquences importantes. Les autorités réglementaires exigeaient généralement que la preuve de l'innocuité et de l'efficacité des nouveaux produits pharmaceutiques soit faite avant qu'ils puissent être commercialisés. Il fallait couramment de nombreuses années aux sociétés pharmaceutiques innovatrices pour satisfaire à ces prescriptions réglementaires applicables aux nouveaux médicaments. La conséquence était qu'une société innovatrice, dans l'impossibilité de commercialiser le produit avant son approbation, souffrait souvent d'une réduction non négligeable de la période effective de droits exclusifs conférés par le brevet. D'autre part, il fallait aussi du temps pour mener à terme le processus réglementaire concernant les produits pharmaceutiques génériques, ce qui pouvait provoquer un retard de la concurrence effective avec un produit pharmaceutique dont le brevet arrivait à expiration nettement supérieur au délai dont un concurrent aurait normalement besoin pour commencer la fabrication et la distribution. Les gouvernements qui maintenaient ces régimes réglementaires applicables aux produits pharmaceutiques pouvaient s'efforcer de faire en sorte qu'ils ne fassent pas obstacle aux incitations offertes par le système de brevets à la création de nouveaux produits pharmaceutiques, ni à la concurrence effective des produits génériques après l'expiration de la période de protection du brevet.

5.34 Les États-Unis ont fait valoir qu'une exception pour les "essais avant expiration" bien conçue constituait une exception justifiée aux droits exclusifs que les Membres de l'OMC étaient tenus d'accorder en vertu de l'article 28 de l'Accord sur les ADPIC, et qu'elle était justifiée au regard de l'article 30 de l'Accord. En revanche, ils ne pensaient pas qu'une exception aux droits de brevet pour "emmagasinage" puisse être pareillement justifiée.

5.35 À titre préliminaire, les États-Unis ont fait observer qu'il incombait aux Communautés européennes et à leurs États membres, en tant que partie plaignante alléguant une violation de l'Accord sur les ADPIC, de prouver l'incompatibilité de la loi canadienne avec les articles 28, 33 et 27. En revanche, la charge de prouver l'applicabilité d'une exception en vertu de l'article 30 devait incomber à la partie invoquant l'exception  en l'espèce, le Canada. Cette règle était conforme au rapport de l'Organe d'appel dans les affaires États-Unis  Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules, et États-Unis  Mesure affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses, de laine, tissés en provenance d'Inde.

5.36 Les États-Unis ont avancé les arguments suivants à l'appui de leur position sur les questions de fond soumises au Groupe spécial:

1) ARTICLES 28 ET 30 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

- L'article 28 de l'Accord sur les ADPIC était relativement dépourvu d'ambiguïté; il disposait que les brevets de produits conféraient à leurs titulaires cinq droits exclusifs, à savoir, le droit exclusif d'empêcher les tiers de fabriquer, d'utiliser, d'offrir à la vente, de vendre ou d'importer le produit breveté sans le consentement du titulaire. En outre, le titulaire d'un brevet devait avoir le droit de céder le brevet, ou de le transmettre par voie successorale, et de conclure des contrats de licence. Toutefois, la question essentielle en l'espèce était l'applicabilité de l'article 30, l'article 55.2 1) et 2) de la Loi canadienne sur les brevets prévoyant manifestement des exceptions aux droits exclusifs du détenteur d'un brevet.

- L'article 30 énonçait plusieurs critères qui définissaient la portée des exceptions admissibles. L'application de ces critères exigeait une analyse très approfondie qui tienne compte de toutes les circonstances de chaque affaire. Le texte même autorisait les exceptions aux droits exclusifs conférés par un brevet uniquement dans les cas suivants:

1) lorsqu'elles étaient limitées;

2) lorsqu'elles ne portaient pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet; et

3) lorsqu'elles ne causaient pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet.

L'article 30 disposait également que les intérêts légitimes des tiers devaient être pris en compte pour déterminer si ces critères étaient satisfaits. Pour ce faire dans l'analyse, il fallait identifier les tiers concernés et leurs intérêts, et il fallait aussi examiner le rapport entre ces intérêts et la limitation en cause.

- Le contexte de l'article 30 incluait d'autres exceptions dans l'Accord sur les ADPIC qui offraient aux Membres de l'OMC un certain degré de flexibilité dans la mise en œuvre des dispositions pertinentes de l'Accord. Par exemple, l'article 31 dans la section de l'Accord concernant les brevets constituait une autre limitation aux droits exclusifs du détenteur d'un brevet. L'article 1:1 mettait aussi l'accent sur la flexibilité et prévoyait que "les Membres seront libres de déterminer la méthode appropriée pour mettre en œuvre les dispositions du présent accord dans le cadre de leurs propres systèmes et pratiques juridiques".

- L'objet et le but de l'article 30, tel qu'ils apparaissaient dans le texte, étaient d'autoriser certaines exceptions aux droits exclusifs conférés par un brevet. La référence spécifique aux "intérêts légitimes des tiers" dans l'article faisait pendant à une autre disposition de l'Accord, figurant dans la Partie I, à savoir l'article 7, et prévoyait que les dispositions de l'Accord étaient conçues pour entraîner des avantages mutuels pour ceux qui génèrent et ceux qui utilisent des connaissances techniques, et pour assurer un équilibre de droits et d'obligations. L'Accord disposait aussi que les Membres pouvaient adopter des mesures pour répondre à divers objectifs de politique générale publique, à condition, comme cela était mentionné à l'article 8, que ces mesures soient compatibles avec l'Accord. Il convenait toutefois de noter que si les articles 7 et 8 pouvaient préciser quelque peu l'objet et le but de l'article 30, ni l'un ni l'autre ne diminuait les obligations de fond de l'Accord.

a) "Essais avant expiration"

i) Exceptions limitées

- En vertu de l'article 30, les Membres de l'OMC ne pouvaient prévoir que des exceptions "limitées" aux droits exclusifs conférés par un brevet. Cet article ne dispensait donc pas un Membre d'accorder tous les cinq droits exclusifs, mais permettait simplement d'établir des exceptions limitées à l'un quelconque (ou à l'ensemble) de ces droits. La prescription voulant que les exceptions soient limitées empêchait un Membre de décider, par exemple, que l'un des droits exclusifs n'avait relativement pas d'importance, et donc de n'accorder que les quatre autres droits. En outre, le simple fait d'imposer une condition, quelle qu'elle soit, à la possibilité de se prévaloir d'une exception ou à la portée de celle-ci n'en faisait pas, automatiquement, une exception "limitée" au sens de l'article 30.

- Bien conçue, une disposition pour les "essais avant expiration" constituait une exception limitée aux droits exclusifs du titulaire du brevet, si elle était confinée à certaines activités spécifiques et bien définies directement liées au but indiqué de l'exception: permettre la préparation et la production du dossier d'information requis par les autorités réglementaires nationales.

- L'exception canadienne pour les "essais avant expiration" limitait, dans une certaine mesure, trois droits exclusifs, le droit de fabriquer, d'utiliser et de vendre. Elle permettait aux tiers d'entreprendre des activités de ce type sans l'autorisation du titulaire du brevet si, et seulement si, le but de ces activités était de produire le dossier d'information requis par les autorités réglementaires. Il convenait toutefois de noter que l'exception canadienne pour les "essais avant expiration" n'était pas limitée aux actes accomplis par les tiers dans le but de satisfaire aux prescriptions imposées par les autorités réglementaires canadiennes, mais qu'elle recouvrait aussi les actes de contrefaçon qui étaient accomplis pour satisfaire aux prescriptions des autorités réglementaires de n'importe quel pays.

ii) Atteintes injustifiées à l'exploitation normale du brevet

- Le deuxième critère que renfermait l'article 30 était la prescription selon laquelle les exceptions ne devaient pas porter atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet. Pour examiner ce facteur, il fallait considérer le sens de ces deux expressions: "exploitation normale" et "atteintes injustifiées".

- Les titulaires de brevets exploitaient en principe leurs brevets en prenant les dispositions dont ils estimaient qu'elles leur permettraient de tirer une valeur économique de leurs inventions de la façon la plus efficiente. La gamme de ces dispositions pouvait aller de l'interdiction faite aux tiers d'utiliser l'invention brevetée jusqu'à la concession d'une licence exclusive des droits de brevet à un sujet de droit ou à la concession de licences non exclusives à de nombreux sujets.

- Cependant, l'exploitation normale n'était pas l'exploitation libre de toute contrainte. Des exceptions et des restrictions s'appliquaient en principe à l'exploitation des droits de brevet. Par exemple, la législation en matière de brevets de nombreux Membres de l'OMC comportait une exception à des fins d'utilisation expérimentale, et une des premières versions du projet d'Accord sur les ADPIC avait spécifiquement énuméré les "actes accomplis à des fins expérimentales" comme exemple d'exceptions limitées autorisées aux droits exclusifs conférés par un brevet. Le fait que les droits du titulaire du brevet étaient en principe limités de la sorte était important, et les tribunaux de plusieurs Membres de l'OMC avaient conclu que les activités concernant les "essais avant expiration" accomplies par des tiers pour satisfaire à des prescriptions spécifiques imposées par l'autorité réglementaire du Membre concerné relevaient de l'exception pour l'utilisation à des fins expérimentales.

- L'exploitation normale d'un brevet se déroulait aussi pendant la durée du brevet, et n'avait pas de rapport avec le processus réglementaire gouvernemental. Il n'y avait aucune disposition dans l'Accord sur les ADPIC ou dans la Convention de Paris qui justifie de revendiquer la jouissance de droits de brevet au-delà de la durée du brevet. De fait, les systèmes de brevets étaient conçus pour prévoir une période limitée de droits exclusifs en échange de la divulgation de l'invention au public. Cette divulgation garantissait que le public soit en mesure d'exploiter pleinement l'invention brevetée après l'expiration de la période de droits exclusifs. Dans de nombreux pays, les actions entreprises par le titulaire d'un brevet pour s'efforcer de proroger par voie de contrat la période de droits exclusifs étaient considérées sous divers angles allant de l'incompatibilité avec la politique en matière de brevets jusqu'à la violation des règles de concurrence.

- Pour ces raisons, les ÉtatsUnis estimaient qu'une exception pour les "essais avant expiration" bien conçue était compatible avec l'exploitation normale du brevet. Une telle exception ne porterait donc pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet.

iii) Préjudice injustifié causé aux intérêts légitimes du titulaire du brevet

- Pour analyser le troisième critère de l'article 30 – "préjudice injustifié causé aux intérêts légitimes du titulaire du brevet" – il fallait tout d'abord identifier ces intérêts légitimes, puis examiner la question de savoir si n'importe quel préjudice était injustifié.

- L'octroi d'un brevet ne conférait aucun intérêt légitime dans une période d'exclusivité commerciale qui résulte uniquement du fonctionnement du système réglementaire du gouvernement. Les régimes réglementaires gouvernementaux imposant des prescriptions en matière d'approbation préalable à la commercialisation pour les médicaments innovants et les médicaments génériques étaient promulgués pour protéger la santé et la sécurité du public, et non pas aux fins de modifier la durée effective de la protection conférée par un brevet (par exemple, en retardant l'assaut de la concurrence après l'expiration de la période du brevet). Le fait de retarder la concurrence après l'expiration du brevet, qui n'était qu'une conséquence involontaire de la réglementation gouvernementale en matière de santé et de sécurité, ne constituait pas un droit ou un avantage accordé par la législation sur les brevets ni par l'Accord sur les ADPIC.

- Étant donné que le détenteur d'un brevet avait un intérêt à maintenir l'exclusivité de ses droits pour empêcher les tiers de fabriquer, d'utiliser, d'offrir à la vente, de vendre et d'importer son invention, n'importe quelle exception aux droits exclusifs causerait à strictement parler un "préjudice" à certains de ses intérêts. C'est pourquoi la question-clé était de savoir si le préjudice était injustifié. L'analyse du caractère justifié devrait commencer par une évaluation de la mesure dans laquelle la limitation faisait obstacle aux avantages économiques qu'obtiendrait normalement le détenteur du brevet pendant la durée de validité.

- Les Communautés européennes et leurs États membres ne soutenaient pas que leurs détenteurs de droits subissaient un préjudice économique pendant la durée du brevet. Tous les dommages mentionnés provenaient de la perte de l'exclusivité commerciale qui découlerait, dans le cas contraire, du fonctionnement du processus réglementaire, après l'expiration du brevet. Le calcul des dommages que faisaient les CE était fondé sur les pertes qui s'étalaient sur une période de deux ans après l'expiration de la durée de validité pendant laquelle – en l'absence d'une exception pour les "essais avant expiration" – l'interaction du processus concernant le brevet et du processus réglementaire empêcherait les concurrents de commercialiser leurs produits.

iv) Intérêts légitimes des tiers

- En vertu de l'article 30, pour déterminer la portée des exceptions admissibles, le Groupe spécial était expressément tenu de tenir compte des intérêts légitimes des tiers. Il ressortait d'une analyse précise des termes de la disposition qu'il fallait évaluer les intérêts des tiers pour déterminer à la fois si une éventuelle atteinte portée à l'exploitation normale du brevet était injustifiée, et si le préjudice causé aux intérêts légitimes du titulaire du brevet était injustifié. En outre, il fallait déterminer, dans le cadre de l'évaluation du caractère justifié, si la limitation prenait en considération les intérêts des tiers identifiés.

- Les sociétés pharmaceutiques fabriquant des génériques avaient un intérêt important, en tant que tiers, à entrer en concurrence sur le marché des produits pharmaceutiques postérieur à l'expiration, et avaient donc un intérêt relativement à une exception pour les "essais avant expiration". Cependant, l'intérêt de ces sociétés ne se limitait pas à la concurrence postérieure à l'expiration, puisqu'elles s'en remettaient aux sociétés pharmaceutiques spécialisées dans la recherche pour un approvisionnement ininterrompu en nouveaux produits, et elles avaient donc aussi un intérêt à ce qu'il existe un régime de brevets efficace qui encourage l'innovation.

- De même, les consommateurs de médicaments brevetés dans un pays autorisant les "essais avant expiration" étaient aussi des tiers importants. Ils avaient intérêt non seulement à ce que l'innovation et le développement de nouveaux médicaments, mais aussi la concurrence sur le marché intérieur des produits pharmaceutiques soient encouragés, de façon à profiter des meilleurs produits aux prix les plus bas. Une exception pour les "essais avant expiration" équilibrée en ce qui concerne les activités visant à obtenir l'approbation réglementaire nationale (plutôt que l'approbation réglementaire étrangère) tenait compte de cet intérêt légitime.

- Les gouvernements Membres de l'OMC eux-mêmes étaient des tiers importants avec des priorités semblables. Ils avaient un intérêt légitime dans les prix qu'ils payaient (et, en dernier ressort, leurs contribuables) en tant que consommateurs de produits pharmaceutiques par le biais de leurs programmes nationaux en matière de santé et de protection sociale. Les gouvernements avaient aussi un intérêt légitime à s'assurer que leurs processus réglementaires n'augmentaient pas inutilement les coûts ni ne faisaient obstacle à l'accès à des médicaments sûrs (qu'ils soient novateurs ou génériques). Cet intérêt était toutefois limité à leur propre processus réglementaire, puisqu'ils n'avaient aucun intérêt à atténuer l'effet des processus réglementaires étrangers sur les consommateurs étrangers.

- Pour tenir pleinement compte des intérêts légitimes des tiers dans les "essais avant expiration", il ne fallait pas se contenter d'identifier ces tiers et leurs intérêts légitimes. Il importait également d'examiner l'ampleur des conséquences qu'ils subiraient si les "essais avant expiration" n'étaient pas autorisés. Comme cela a été évoqué plus haut, la commercialisation des produits pharmaceutiques était strictement réglementée dans les Membres de l'OMC pour des raisons tenant à la santé et à la sécurité, et les prescriptions concernant l'approbation préalable à la commercialisation s'appliquaient habituellement à la commercialisation tant des produits pharmaceutiques innovants que des génériques. Même dans des pays comme les ÉtatsUnis où des prescriptions abrégées étaient appliquées aux médicaments génériques, le processus d'obtention de l'approbation réglementaire de commercialisation d'un produit générique pouvait malgré tout durer des années. Pour concevoir la formule d'un produit générique et procéder aux études de bioéquivalence et de stabilité requis, il fallait habituellement au moins une ou deux années. Puis, après qu'une société fabriquant des génériques avait terminé ces opérations nécessaires pour présenter une demande d'approbation de commercialisation auprès des autorités de réglementation, un délai supplémentaire non négligeable pouvait être nécessaire pour mener à son terme le processus d'approbation réglementaire lui-même.

- Si l'on ne permettait pas de commencer les "essais avant expiration" des médicaments génériques avant l'expiration du brevet d'un médicament innovant, il en résulterait probablement un retard dans l'entrée sur le marché du médicament générique, et une prorogation de facto des droits exclusifs conférés par le brevet d'au moins deux ans et demi à trois ans et peutêtre plus. Pendant ce temps, les intérêts légitimes des fabricants de produits pharmaceutiques génériques, des consommateurs et des gouvernements à encourager la concurrence sur le marché des produits pharmaceutiques après l'expiration d'un brevet seraient frustrés, même si le détenteur du brevet n'avait aucun intérêt légitime à continuer de jouir de ses droits exclusifs.

- Pour toutes ces raisons, les ÉtatsUnis estimaient que, dans des circonstances appropriées, l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC admettait des exceptions pour les "essais avant expiration" de produits pharmaceutiques brevetés. Si elle était bien conçue, l'exception était une exception limitée, tenant compte des intérêts légitimes des tiers, elle ne portait pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale des droits de brevet, ni ne causait un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet.

b) "Stockage"

- Par opposition aux "essais avant expiration", une exception autorisant le "stockage" posait des problèmes distincts au regard des articles 28 et 30 de l'Accord sur les ADPIC, et ne semblait pas justifiée par cette dernière disposition.

- Tout d'abord, l'exception pour le "stockage" était moins limitée que celle qui visait les "essais avant expiration". Pendant la période où elle était appliquée, elle entraînait l'abrogation de deux des cinq droits exclusifs conférés par un brevet (les droits exclusifs de fabriquer et d'utiliser). La seule limitation imposée par le Canada durant la période de "stockage" était de prescrire que le "stockage" soit fait par ceuxlà même qui bénéficiaient de l'exception pour les "essais avant expiration", autrement dit, les concurrents du détenteur du brevet. En réalité, cette limitation n'avait pas grande valeur, puisqu'elle s'appliquait à l'ensemble des parties qui seraient en mesure d'utiliser l'invention brevetée après l'expiration de la période de protection.

- Il y avait d'autres différences importantes entre les "essais avant expiration" et le "stockage". Les "essais avant expiration" étaient nécessaires pour atténuer l'effet des prescriptions gouvernementales en matière de santé et de sécurité sur la concurrence postérieure à l'expiration. Or une exception pour le "stockage" ne visait pas le retard causé par le processus réglementaire et n'était pas limitée aux utilisations relatives à ce processus. En l'espèce, l'exception canadienne pour le "stockage" autorisait certaines opérations pendant la durée du brevet simplement pour permettre aux fabricants de génériques d'éviter plus facilement le délai normal nécessaire pour lancer la fabrication et la distribution après l'expiration d'un brevet avec lequel devaient compter tous les concurrents des producteurs de tous les produits brevetés.

- Par ailleurs, l'exception pour le "stockage" n'était pas nécessaire pour permettre l'entrée immédiate des médicaments génériques sur le marché, et n'était donc pas nécessaire pour protéger les intérêts des tiers. Les ÉtatsUnis n'avaient connaissance d'aucun élément de preuve empirique donnant à penser que l'absence d'autorisation de "stockage" entraînerait un retard important dans la commercialisation des médicaments génériques. Au contraire, ils croyaient savoir que les fabricants de génériques qui avaient obtenu l'approbation réglementaire avaient généralement pu fabriquer et distribuer de grandes quantités de médicaments très rapidement après l'expiration du brevet.

- Enfin, sur ce point, les ÉtatsUnis ont fait savoir au Groupe spécial qu'ils considéraient que les déclarations du Canada concernant les prescriptions du FDA et le "stockage" étaient inexactes du point de vue factuel et juridiquement dénuées de pertinence. Le Canada avait à juste titre reconnu que la législation des ÉtatsUnis et la législation canadienne différaient sur ce point, et les ÉtatsUnis en convenaient, nonobstant la mention que faisait le Canada d'une décision judiciaire des ÉtatsUnis, émanant d'un tribunal de district, qui, de même, n'évoquait que les affirmations des parties dans sa présentation des prescriptions du FDA. Se contentant de relever la différence, les ÉtatsUnis n'avaient pas l'intention de s'arrêter plus longtemps sur ce point, ni d'épiloguer sur des pratiques, aussi diverses que dénuées de pertinence, des entreprises aux ÉtatsUnis.

2) ARTICLE 33 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

- Les ÉtatsUnis estimaient que l'allégation des CE selon laquelle les exceptions canadiennes pour les "essais avant expiration" et pour le "stockage" enfreignaient l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC n'était pas correctement fondée. En vertu de l'article 33, les Membres de l'OMC étaient tenus de faire en sorte que la durée de la protection offerte ne soit pas inférieure à 20 ans à compter de la date du dépôt de la demande de brevet. La Loi canadienne sur les brevets offrait, pour ce qui était des brevets dont la demande avait été déposée après le 1er octobre 1989, une durée de validité de 20 ans à compter de la date du dépôt. La question de savoir si les droits conférés par le brevet durant cette période étaient suffisants au regard de l'Accord était un problème distinct qui relevait des dispositions des articles 28 et 30. Ainsi – bien que d'autres dispositions de la Loi canadienne sur les brevets puissent être un sujet de préoccupation au regard de l'article 33 – ce n'était pas le cas des dispositions en cause dans le présent différend.

3) ARTICLE 27:1 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

- Les ÉtatsUnis avaient deux sujets de préoccupations relativement à l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC, notamment pour ce qui était de la prescription selon laquelle des brevets doivent pouvoir être obtenus et il doit être possible de jouir de droits de brevet sans discrimination quant au domaine technologique.

i) Interprétation faite par le Canada du lien juridique entre l'article 27:1 et l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC

- Les ÉtatsUnis ne pouvaient pas accepter l'interprétation que faisait le Canada du lien juridique entre l'article 27:1 et l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC. Rien dans le texte de l'article 27:1 ni de l'article 30 ne laissait entendre qu'un Membre de l'OMC pouvait appliquer des exceptions aux droits de brevet d'une manière discriminatoire. Cette interprétation ne correspondait pas non plus au contexte, à l'objet et au but de l'article 27:1. Tel qu'il était rédigé, l'article 30 autorisait les Membres à prévoir "des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet". Cette disposition était une dérogation par rapport à l'article 28, qui mentionnait aussi expressément les "droits exclusifs". Le Canada avait posé la question de savoir si l'expression "droits de brevet" figurant à l'article 27:1 désignait les droits exclusifs énoncés à l'article 28, ou bien les droits prévus à l'article 28 tel qu'il était modifié par l'article 30. L'alternative présentée par le Canada était fallacieuse: les "droits de brevet" mentionnés à l'article 27:1 étaient les droits prévus par la législation sur les brevets d'un Membre de l'OMC.

- En outre, l'interprétation du Canada laissait en suspens une question manifeste. Si l'article 27:1 s'appliquait aux droits mentionnés à l'article 28 tel qu'il était modifié par l'article 30, alors pourquoi ne s'appliqueraitil pas également aux droits mentionnés à l'article 28 tel qu'il était modifié par l'article 31 concernant la concession de licences obligatoires? Le texte de l'article 27:1 ne permettait pas d'établir une distinction entre les exceptions aux droits exclusifs autorisées en vertu de l'article 30 et celles qui étaient autorisées en vertu de l'article 31. Et, comme l'avait reconnu le Canada, il ne faisait guère de doute que les négociateurs de l'article 27:1 avaient eu pour intention d'éliminer la pratique de la concession de licences obligatoires discriminatoires.

- L'interprétation que faisait le Canada de l'article 27:1 enfreindrait aussi les principes fondamentaux de l'interprétation des traités. Pour ce qui était des exceptions aux droits exclusifs, elle rendrait l'article 27:1 redondant par rapport aux articles 28 et 30. Toute exception qui enfreindrait l'article 27:1 enfreindrait également l'article 28 et ne serait pas justifiée par l'article 30.

- Le Canada avait soutenu qu'il serait absurde et incompatible avec le contexte et l'objet de l'article 27:1 d'exiger que les exceptions aux droits de brevet soient applicables d'une manière non discriminatoire. Les ÉtatsUnis ne pensaient pas qu'une telle interprétation serait absurde, mais il n'était pas vrai non plus que chaque exception aux droits de brevet doive s'appliquer à tous les domaines technologiques. Dans certaines circonstances, un traitement différencié pouvait effectivement rétablir la parité dans la jouissance des droits de brevet et non pas entraîner une discrimination.

ii) Position des ÉtatsUnis relative à l'interprétation de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC

- L'article 27:1 interdisait d'établir une discrimination dans la jouissance des droits de brevet quant au domaine technologique. Le terme "enjoyment" ("jouissance") n'était pas défini dans l'Accord sur les ADPIC ni dans aucune autre convention internationale relative à la propriété intellectuelle. Le dictionnaire définissait ce terme de la façon suivante: "to have the use or benefit of (something pleasant or advantageous)" ("utiliser ou bénéficier de (quelque chose de plaisant ou d'avantageux)"). Les avantages qui découlaient d'un brevet subissaient les effets non seulement des exceptions autorisées aux droits de brevet, mais aussi d'autres facteurs, tels que les procédures concernant l'acquisition, le maintien et la force exécutoire des droits. En bref, l'interdiction de la discrimination en matière de jouissance de droits de brevet figurant à l'article 27:1 obligeait à tenir compte non seulement des droits exclusifs de jure prévus par la loi, mais aussi de la protection effective accordée au titulaire du brevet du fait du brevet.

- L'analyse du "traitement national" faite dans le rapport du Groupe spécial concernant l'article 337, offrait une orientation pour aborder l'analyse relative à la discrimination dans le cadre de l'article 27:1. Si l'on se fondait sur l'analyse du Groupe spécial dans cette affaire, le traitement différencié n'était pas forcément un traitement qui était incompatible avec les prescriptions de l'Accord sur les ADPIC. De fait, comme le reconnaissait le rapport concernant l'article 337, l'application aux produits d'un traitement formellement identique pouvait constituer une discrimination, et, en pareil cas, un Membre de l'OMC pouvait être tenu d'appliquer un traitement formellement différent pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de discrimination.

- Dans le cadre du présent différend, le Groupe spécial devrait examiner si les aspects du régime canadien qui s'appliquaient de manière différenciée aux produits pharmaceutiques accordaient effectivement et systématiquement aux inventions pharmaceutiques un traitement moins favorable en matière de jouissance des droits, par rapport aux inventions dans d'autres domaines technologiques. En procédant à cette analyse, le Groupe spécial devrait tenir compte de l'incidence importante du processus réglementaire sur la jouissance des droits de brevet sur le marché des produits pharmaceutiques, et de la nécessité de faire en sorte que le processus luimême n'entraîne pas une discrimination dans la jouissance effective des droits de brevet pour ce qui est des produits pharmaceutiques.

- Enfin, il convient de noter que l'exception pour le "stockage" pouvait poser des problèmes plus épineux au regard de l'article 27:1, car il n'y avait aucun lien entre le processus réglementaire spécial concernant les produits pharmaceutiques et le "stockage". Toute entreprise se proposant de commencer à fabriquer un produit pour entrer en concurrence avec un produit innovant dont le brevet arrivait à expiration se heurtait au même dilemme: la difficulté de vendre des produits concurrents au moment même où le brevet arrivait à expiration parce qu'il fallait fabriquer les produits, ce qui n'était possible qu'après l'expiration de la durée de validité du brevet.

RÉEXAMEN INTÉRIMAIRE
6.1 Le rapport intérimaire du Groupe spécial a été envoyé aux parties le 21 janvier 2000. Le 28 janvier 2000, aussi bien les Communautés européennes que le Canada ont demandé au Groupe spécial de réexaminer des aspects précis du rapport intérimaire, conformément à l'article 15:2 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends. Ni les CE ni le Canada n'ont demandé une nouvelle réunion avec le Groupe spécial. Le Canada a toutefois demandé qu'on lui donne la possibilité de faire des observations sur les observations présentées par les CE. Le Groupe spécial a décidé que les deux parties devraient avoir la possibilité de présenter, au plus tard le 3 février 2000, des observations complémentaires strictement limitées aux observations de l'autre partie. Le 2 février, aussi bien les CE que le Canada ont présenté d'autres observations.

6.2 On trouvera ci-après un exposé des observations faites pendant la phase de réexamen intérimaire et des réponses du Groupe spécial, comme l'exige l'article 15:3 du Mémorandum d'accord.

6.3 Les CE ont fait quatre observations dans leur première communication. Premièrement, dans ce qui est maintenant la note de bas de page 434 relative à ce qui est maintenant le paragraphe 7.97, elles ont fait observer qu'on leur attribuait une opinion concernant le sens de l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets du Canada qu'elles n'avaient jamais exprimée. Le Groupe spécial a révisé le texte de la note de bas de page pour corriger cette erreur et il a procédé à une révision analogue de ce qui est maintenant le paragraphe 7.95.

6.4 Deuxièmement, dans ce qui est maintenant le paragraphe 7.103, les CE ont fait observer que la description faite par le Groupe spécial de la façon dont elles avaient présenté la procédure législative ayant abouti à l'adoption de l'article 55.2 1) et 55.2 2) contenait une restriction qui n'apparaissait pas dans leur présentation. Le Groupe spécial a révisé le texte pour supprimer cette restriction.

6.5 Troisièmement, les CE ont demandé que plusieurs paragraphes du rapport intérimaire soient clarifiés, mais les paragraphes eux-mêmes ont par la suite été supprimés par le Groupe spécial au vu d'une clarification fournie par le Canada, comme il est indiqué plus loin au paragraphe 6.8. Les paragraphes ayant été supprimés, la question soulevée par les CE était dès lors sans objet.

6.6 Quatrièmement, les CE ont fait observer que le sens de la dernière phrase de ce qui est maintenant le paragraphe 7.99 manquait de clarté et ont suggéré un libellé plus clair. Dans une observation complémentaire formulée en réponse aux observations des CE, le Canada s'est opposé au libellé de la correction suggérée par les CE, qui aurait présenté les déclarations du Canada relatives au sens de la loi canadienne en question comme un "engagement". Le Canada a fait observer que son gouvernement n'était pas en mesure de prendre des engagements au sujet de l'interprétation judiciaire éventuelle de la loi car il n'avait aucune influence dans ce domaine. Le Groupe spécial a accepté la suggestion des CE visant à clarifier la phrase et a modifié le paragraphe en conséquence sans présenter les déclarations du Canada comme un "engagement".

6.7 Le Canada a formulé deux observations dans sa première communication. Premièrement, dans ce qui est maintenant le paragraphe 7.1, il a contesté une paraphrase de l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC qui, à son avis, pouvait avoir des répercussions juridiques indésirables. Le Groupe spécial a accepté de mettre à la place un texte reprenant les termes exacts de l'article 33.

6.8 Deuxièmement, le Canada a appelé l'attention sur la façon dont le Groupe spécial avait interprété une déclaration qu'il lui avait faite pour expliquer le sens de l'article 55.2 1) concernant la mise dans le circuit commercial des marchandises brevetées fabriquées pendant la durée du brevet pour satisfaire aux prescriptions en matière d'essais du processus d'examen réglementaire. Le Canada a précisé ce qu'il voulait dire dans sa déclaration de telle sorte que l'interprétation initiale de cette déclaration donnée par le Groupe spécial était incorrecte. Dans une observation complémentaire formulée en réponse aux observations du Canada, les CE ont contesté l'interprétation de l'article 55.2 1) présentée par le Canada dans sa déclaration corrigée. Le Groupe spécial a jugé l'interprétation de l'article 55.2 1) donnée par le Canada plus convaincante que l'interprétation donnée par les CE. En conséquence, il a retiré du rapport son analyse de la question de la compatibilité avec l'Accord sur les ADPIC soulevée par son interprétation initiale de la déclaration canadienne et a mis à la place la note de bas de page 404 relative au paragraphe 7.45 dans laquelle il expliquait comment la question s'était posée et pourquoi il avait conclu que la législation canadienne ne présentait pas en fait un problème de compatibilité avec l'Accord sur les ADPIC.

CONSTATATIONS
Mesures en cause
7.1 La question soulevée dans le présent différend est celle de la conformité de deux dispositions de la Loi sur les brevets du Canada avec les obligations qui incombent à ce pays au titre de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce ("l'Accord sur les ADPIC"). Les deux dispositions en cause, l'article 55.2 1) et l'article 55.2 2) de la Loi sur les brevets, créent des exceptions aux droits exclusifs des titulaires de brevets. En vertu de l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC, les titulaires de brevets auront le droit d'empêcher des tiers de fabriquer, d'utiliser, de vendre, d'offrir à la vente ou d'importer le produit breveté pendant la durée du brevet. Conformément à l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC, la durée de la protection offerte ne prendra pas fin avant l'expiration d'une période de 20 ans à compter de la date du dépôt de la demande suite à laquelle le brevet a été délivré. L'article 55.2 1) et 55.2 2) autorise des tiers à fabriquer, utiliser ou vendre le produit breveté pendant la durée du brevet sans le consentement du titulaire du brevet dans certaines circonstances déterminées.

1) ARTICLE 55.2 1): EXCEPTION POUR L'EXAMEN RÉGLEMENTAIRE

7.2 L'article 55.2 1) dispose ce qui suit:

"Il n'y a pas contrefaçon de brevet lorsque l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente d'une invention brevetée se justifie dans la mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information qu'oblige à fournir une loi fédérale, provinciale ou étrangère réglementant la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente d'un produit."

L'article 55.2 1) est appelé "exception pour l'examen réglementaire". Il s'applique aux produits brevetés comme les produits pharmaceutiques dont la commercialisation est réglementée par les pouvoirs publics en vue d'assurer leur innocuité ou leur efficacité. Le but de l'exception pour l'examen réglementaire est de permettre aux concurrents potentiels du titulaire du brevet d'obtenir des pouvoirs publics l'approbation de commercialisation pendant la durée du brevet, de sorte qu'ils auront l'autorisation réglementaire de vendre dans des conditions de concurrence avec le titulaire du brevet à la date d'expiration du brevet. Sans l'exception pour l'examen réglementaire, le titulaire du brevet pourrait être en mesure d'empêcher les concurrents potentiels d'utiliser le produit breveté pendant la durée du brevet pour satisfaire aux prescriptions en matière d'essai, de sorte que les concurrents devraient attendre que le brevet vienne à expiration pour pouvoir entamer le processus visant à obtenir l'approbation de commercialisation. Cela empêcherait de même les concurrents potentiels d'entrer sur le marché pendant la période additionnelle nécessaire pour mener à bien le processus d'approbation réglementaire, prolongeant de fait la période d'exclusivité commerciale du titulaire du brevet audelà de la fin de la durée du brevet.

7.3 L'exception pour l'examen réglementaire jouant un rôle important dans le secteur pharmaceutique, son fonctionnement en ce qui concerne les produits pharmaceutiques nouveaux a été expliqué de façon assez détaillée par les parties. On trouvera aux paragraphes 2.2 à 2.7 plus haut et aux annexes 3 et 4 du présent rapport les renseignements communiqués par le Canada dans le cadre des travaux du Groupe spécial au sujet du processus d'approbation réglementaire existant dans ce pays pour les drogues brevetées et génériques. Les renseignements n'ont pas été contestés par les Communautés européennes. Étant donné que les demandes de brevets sont généralement déposées dès que possible après que l'invention a été faite, la commercialisation effective du produit breveté est souvent retardée pendant un certain temps, parce qu'il faut du temps pour mettre au point le produit sous une forme commerciale, puis encore du temps pour mener à bien les essais nécessaires pour obtenir l'approbation des pouvoirs publics. Selon les renseignements communiqués par le Canada, le processus de mise au point et d'approbation réglementaire pour les nouveaux produits pharmaceutiques brevetés prend normalement de huit à 12 ans environ. Le long processus de mise au point et d'approbation signifie que, pour la plupart des produits pharmaceutiques brevetés, la durée de 20 ans du brevet aboutit à une période effective d'exclusivité commerciale qui n'est que de 12 à huit ans environ. Après l'expiration d'un brevet pharmaceutique, il est courant que les autres producteurs entrent sur le marché en fournissant des copies du produit breveté à des prix inférieurs. Ces copies à des prix inférieurs, connues sous le nom de produits pharmaceutiques "génériques", constituent souvent une partie importante de l'offre de produits pharmaceutiques sur les marchés nationaux. Les produits pharmaceutiques génériques sont également soumis au processus d'approbation des pouvoirs publics. Selon les renseignements fournis par le Canada, pour les producteurs de génériques, le processus de mise au point de leur version du médicament et d'obtention de l'approbation réglementaire prend environ de trois à six ans et demi, la mise au point prenant environ deux à quatre ans et le processus réglementaire proprement dit de un à deux ans et demi. Si aucune partie du processus de mise au point ne peut avoir lieu pendant la durée du brevet, les producteurs de génériques pourraient être obligés d'attendre la période intégrale de trois à six ans et demi après l'expiration du brevet avant d'être en mesure d'entrer sur le marché dans des conditions de concurrence avec le titulaire du brevet. Dans la mesure où une certaine activité de mise au point pourrait être autorisée, de manière compatible avec l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, au titre d'autres exceptions comme l'exception habituelle pour l'utilisation à des fins expérimentales du produit breveté, le retard intervenant dans l'entrée sur le marché serait réduit d'autant. L'exception pour l'examen réglementaire prévue à l'article 55.2 1) permettrait aux producteurs de génériques de mener à bien à la fois la mise au point et le processus d'approbation réglementaire pendant la durée du brevet, de sorte qu'ils pourraient entrer sur le marché dès l'expiration du brevet.

7.4 La structure de l'industrie des produits pharmaceutiques génériques illustre le fonctionnement effectif de l'exception pour l'examen réglementaire. La fabrication de produits pharmaceutiques génériques implique souvent un système de production à deux niveaux. L'entreprise qui fabrique par assemblage et commercialise le produit générique final n'a généralement pas les capacités/compétences technologiques ou la motivation commerciale nécessaires pour fabriquer ce que l'on appelle l'"ingrédient actif" – le produit chimique qui génère l'effet médical souhaité. L'ingrédient actif est donc souvent fabriqué par un producteur spécialisé de produits chimiques fins, puis vendu au producteur de génériques qui assemble l'ingrédient actif avec d'autres agents pour créer le produit final sous une forme qui peut être utilisée par le consommateur final. En pareils cas, les deux producteurs doivent avoir un comportement qui, en l'absence d'une exception pour l'examen réglementaire, serait potentiellement constitutif d'atteinte, s'ils veulent satisfaire aux prescriptions du processus d'examen réglementaire – le producteur de produits chimiques fins lorsqu'il met au point, fabrique et vend les quantités nécessaires de l'ingrédient actif au producteur de génériques, et le producteur de génériques lorsqu'il combine les divers éléments pour fabriquer le produit final, puis lorsqu'il en démontre l'innocuité, la stabilité et l'efficacité en effectuant les essais appropriés. L'exception pour l'examen réglementaire s'applique à ces activités des deux producteurs.

7.5 Pour pouvoir bénéficier de l'exemption prévue à l'article 55.2 1), de telles activités exercées soit par les producteurs de produits chimiques fins, soit par les producteurs de génériques doivent "se [justifier] dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information qu'oblige à fournir" une loi canadienne ou non canadienne, "réglementant la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente d'un produit". En réponse à une question du Groupe spécial, le Canada a dit que, bien que la réglementation canadienne en matière de commercialisation applicable aux producteurs de génériques n'exigeait pas la réalisation de séries de production pour démontrer la capacité du demandeur de maintenir une production de qualité en quantités commerciales, la loi permettrait soit aux fabricants de produits chimiques fins soit aux producteurs de génériques de réaliser ces séries de production s'ils y étaient tenus par la réglementation en vigueur dans d'autres pays.

7.6 S'agissant du respect de ces conditions, le Canada a expliqué que ces exceptions faisaient partie de la législation générale relative à la contrefaçon, en vertu de laquelle il appartenait au titulaire du brevet de faire respecter ses droits de brevet en engageant une action au civil pour contrefaçon. Les titulaires de brevets qui pensaient que des actions menées par des producteurs de génériques n'étaient pas conformes aux prescriptions de l'article 55.2 1) devraient contester ce comportement en engageant une action pour contrefaçon. Les titulaires de brevets seraient simplement tenus de prouver l'existence d'un comportement incompatible avec leurs droits de brevet exclusifs, et il incomberait ensuite aux personnes se prévalant des exemptions prévues à l'article 55.2 1) de prouver en tant que moyen de défense qu'elles s'étaient conformées aux conditions énoncées dans cette disposition.

2) ARTICLE 55.2 2): EXCEPTION POUR LE STOCKAGE

7.7 L'article 55.2 2) de la Loi sur les brevets, qui est appelé "exception pour le stockage", est ainsi libellé:

"Il n'y a pas contrefaçon de brevet si l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente d'une invention brevetée, au sens du paragraphe 1), a lieu dans la période prévue par règlement et qu'elle a pour but la production et l'emmagasinage d'articles déterminés destinés à être vendus après la date d'expiration du brevet."

Cette disposition permet aux concurrents de fabriquer et de stocker des marchandises brevetées pendant une certaine période avant l'expiration du brevet, mais les marchandises ne peuvent pas être vendues tant que le brevet n'est pas venu à expiration. Sans cette exception, le droit qu'a le titulaire du brevet d'exclure toute personne de la "fabrication" ou de l'"utilisation" de la marchandise brevetée lui permettrait d'empêcher tout stockage de ce genre.

7.8 L'exception créée par l'article 55.2 2) ne prend effet qu'à partir du moment où les règlements d'application sont publiés. Les seuls règlements publiés à ce jour au titre de l'exception pour le stockage ont été ceux qui ont rendu l'exception applicable aux produits pharmaceutiques. La période pendant laquelle des produits pharmaceutiques peuvent être fabriqués et stockés correspond aux six mois précédant immédiatement l'expiration du brevet.

7.9 Le texte de l'article 55.2 2) autorise uniquement "l'utilisation, la fabrication [ou] la construction" du produit breveté aux fins de stockage. En réponse à une question du Groupe spécial, le Canada a toutefois exprimé l'opinion selon laquelle l'exception serait également interprétée comme autorisant la "vente" d'ingrédients brevetés qui ont été commandés par un producteur qui stocke le produit breveté final – par exemple, dans le cas des produits pharmaceutiques, les ventes effectuées par les producteurs de produits chimiques fins d'ingrédients actifs commandés par le producteur de génériques.

7.10 Seules peuvent se prévaloir de l'exception pour le stockage les personnes qui ont invoqué l'exception pour l'examen réglementaire prévue à l'article 55.2 1). Cette restriction a pour effet de limiter l'exception aux produits qui font l'objet du type de réglementation des pouvoirs publics en matière de commercialisation visé à l'article 55.2 1). Dans la pratique, seules les personnes qui ont effectivement obtenu l'autorisation réglementaire de commercialiser ces produits réglementés seraient en mesure de bénéficier de l'exception pour le stockage, parce qu'il n'y aurait aucun avantage commercial à disposer d'un stock de marchandises au moment de l'expiration du brevet, à moins d'avoir également l'autorisation réglementaire de vendre ces marchandises à compter de cette date. Inversement, l'exception pour le stockage complète bel et bien les effets concurrentiels de l'exception pour l'examen réglementaire. Sans l'autorisation additionnelle de constituer des stocks pendant la durée du brevet, les concurrents qui obtiennent l'autorisation réglementaire de vendre à la date d'expiration du brevet ne seraient quand même pas en mesure d'entrer sur le marché à cette date, parce qu'il leur faudrait d'abord fabriquer une quantité suffisante de marchandises.

Allégation des parties
7.11 Les CE ont demandé au Groupe spécial de constater que l'article 55.2 1) et 55.2 2) de la Loi sur les brevets canadienne était incompatible avec les obligations du Canada au titre des articles 27:1 et 28:1 de l'Accord sur les ADPIC et, dans la mesure où l'article 55.2 2) constituait une violation de l'article 28:1, il était également incompatible avec l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC.

7.12 Le Canada a fait valoir que ni l'article 55.2 1) ni l'article 55.2 2) ne constituaient une violation de l'une quelconque des trois dispositions de l'Accord sur les ADPIC citées. S'agissant de la violation alléguée de l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC, il a reconnu que l'article 55.2 1) et l'article 55.2 2) autorisaient un comportement qui entrait en conflit avec les droits conférés par un brevet conformément à l'article 28:1, mais il a allégué que chacune de ces deux dispositions était une exception autorisée par l'article 30 de l'Accord. S'agissant de la violation alléguée de l'article 27:1, il a présenté deux moyens de défense: premièrement, l'article 27:1 ne s'applique pas aux mesures autorisées par l'article 30 de l'Accord et, deuxièmement, même si l'article 27:1 s'applique effectivement aux mesures autorisées par l'article 30, les deux dispositions de la Loi sur les brevets en question ne constituent pas une discrimination en violation de l'article 27:1. S'agissant de la violation alléguée de l'article 33, il a soutenu que l'article 55.2 2) ne constituait pas une violation de l'article 33.

Principes d'interprétation
7.13 Les questions juridiques soulevées dans le présent différend ont trait principalement à des différences d'interprétation des dispositions essentielles de l'Accord sur les ADPIC invoquées par les parties, principalement les articles 27:1, 30 et 33. Les règles qui régissent l'interprétation des Accords de l'OMC sont les règles d'interprétation des traités énoncées aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne. Le point de départ est la règle énoncée à l'article 31 1) qui dispose ce qui suit:

"Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but."

Les parties ont présenté des arguments sur chacun de ces éléments, ainsi que des arguments complémentaires fondés sur la pratique ultérieurement suivie par certains Membres de l'OMC, se prévalant ainsi de l'article 31 3) b), dont la partie pertinente est libellée comme suit:

"Il sera tenu compte, en même temps que du contexte: a) [...]; b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité."

Les parties ont également avancé des arguments fondés sur l'historique de la négociation des dispositions de l'Accord sur les ADPIC en cause. L'historique de la négociation entre dans la catégorie des "Moyens complémentaires d'interprétation" et est régi par la règle énoncée à l'article 32 de la Convention de Vienne, qui dispose ce qui suit:

"Il peut être fait appel à des moyens complémentaires d'interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l'application de l'article 31, soit de déterminer le sens lorsque l'interprétation donnée conformément à l'article 31:

a) laisse le sens ambigu ou obscur; ou
b) conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable."

7.14 Le Groupe spécial a noté que dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC, où étaient incorporées certaines dispositions des principaux instruments internationaux préexistants sur la propriété intellectuelle, le contexte auquel il pouvait faire appel aux fins de l'interprétation de dispositions spécifiques de l'Accord sur les ADPIC, en l'espèce les articles 27 et 28, n'était pas limité au texte, au Préambule et aux Annexes de l'Accord sur les ADPIC proprement dit, mais englobait aussi les dispositions des instruments internationaux sur la propriété intellectuelle incorporées dans l'Accord sur les ADPIC, ainsi que tout accord intervenu entre les parties à l'égard de ces accords au sens de l'article 31 2) de la Convention de Vienne sur le droit des traités. En conséquence, comme le Groupe spécial aura l'occasion de l'exposer plus en détail ci-après, l'article 9 2) de la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (1971) (ci-après dénommée la Convention de Berne) est un élément contextuel important pour l'interprétation de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC.

7.15 En raison du contexte élargi dont il faut tenir compte au moment d'interpréter les dispositions de l'Accord sur les ADPIC, le Groupe spécial, examinant l'historique de la négociation de l'Accord sur les ADPIC, a conclu que l'interprétation pouvait aller audelà de l'historique de la négociation de l'Accord sur les ADPIC proprement dit et inclure aussi celui des instruments internationaux sur la propriété intellectuelle qui y étaient incorporés.

Charge de la preuve
7.16 Les questions juridiques soulevées dans le présent différend concernent principalement des questions d'interprétation juridique – le sens des dispositions de l'Accord sur les ADPIC au titre desquelles les deux dispositions de la Loi sur les brevets du Canada ont été mises en cause. Les faits de base concernant ces questions d'interprétation sont pour l'essentiel incontestés. Toutefois, quelques questions factuelles ont été soulevées en ce qui concerne le sens de certains aspects de la législation canadienne et l'incidence effective de cette législation dans la pratique. En outre, l'application de normes juridiques fait souvent intervenir à la fois des questions de droit et des questions de fait et les désaccords sur l'application de ces normes entraînent donc parfois un désaccord sur les prémisses factuelles. Dans la mesure où il y a effectivement de tels désaccords sur des points de fait, les règles relatives à la charge de la preuve sont susceptibles d'être pertinentes chaque fois que le poids des éléments de preuve ne permet pas de se prononcer de manière définitive. Comme l'Organe d'appel l'a dit au sujet de l'affaire États-Unis  Mesure affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses, de laine, tissés en provenance d'Inde:

"[...] il incombait à l'Inde de présenter des éléments de preuve et des arguments suffisants pour établir une présomption que la détermination faite par les États-Unis concernant la sauvegarde transitoire était incompatible avec les obligations qu'ils tenaient de [...]. Une fois cette présomption établie, il appartenait alors aux États-Unis de présenter des éléments de preuve et des arguments pour la réfuter."

De même dans la présente affaire, le Groupe spécial était d'avis qu'il incombait aux CE de présenter des éléments de preuve et des arguments suffisants pour établir prima facie que le Canada avait enfreint les articles 27:1, 28:1 et 33 de l'Accord sur les ADPIC. Il appartiendrait au Canada de présenter des arguments et des éléments de preuve suffisants pour réfuter ces éléments prima facie. Le Canada a, à toutes fins utiles, reconnu la violation de l'article 28, puisqu'en l'espèce il avait eu recours à l'exception prévue à l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC. L'article 30 étant une exception aux obligations découlant de l'Accord sur les ADPIC, il appartiendrait au Canada de démontrer que les dispositions de l'article 55.2 1) et 55.2 2) sont conformes aux critères énoncés à l'article 30. C'est sur cette base que le Groupe spécial a abordé l'analyse des allégations qui lui avaient été présentées.

Article 55.2 2) (exception pour le stockage)
1) APPLICATION DE L'ARTICLE 28:1 ET DE L'ARTICLE 30 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

a) Introduction

7.17 Le Groupe spécial a commencé par examiner les allégations de violation concernant l'article 55.2 2), qu'il est convenu d'appeler la disposition concernant le stockage. Il a tout d'abord examiné l'allégation des CE selon laquelle cette mesure constituait une violation de l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC et le moyen de défense du Canada selon lequel la mesure était une exception autorisée par l'article 30 de l'Accord.

7.18 L'article 28:1 dispose ce qui suit:

"Droits conférés

1. Un brevet conférera à son titulaire les droits exclusifs suivants:

a) dans les cas où l'objet du brevet est un produit, empêcher des tiers agissant sans son consentement d'accomplir les actes ciaprès: fabriquer, utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer à ces fins ce produit;"

Personne ne contestait le sens des droits exclusifs prévus à l'article 28:1 pour ce qui était de l'article 55.2 2) de la Loi sur les brevets du Canada. Le Canada a reconnu que les dispositions de l'article 55.2 2) permettant à des tiers de "fabriquer", "construire" ou "utiliser" le produit breveté pendant la durée du brevet, sans la permission du titulaire du brevet, constitueraient une violation de l'article 28:1 si elles n'étaient pas exemptées au titre de l'article 30 de l'Accord. Le différend concernant l'allégation de violation de l'article 28:1 portait sur le point de savoir si l'article 55.2 2) de la Loi sur les brevets satisfaisait aux conditions énoncées à l'article 30.

7.19 L'Accord sur les ADPIC contient deux dispositions autorisant des exceptions aux droits de brevet exclusifs prévus à l'article 28 – les articles 30 et 31. Sur les deux, l'article 30 – qu'il est convenu d'appeler la disposition relative aux exceptions limitées – a été invoqué par le Canada en l'espèce. Il est ainsi libellé:

"Exceptions aux droits conférés

Les Membres pourront prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet, à condition que cellesci ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers."

7.20 Les deux parties étaient du même avis sur la structure fondamentale de l'article 30. L'article 30 établit trois critères auxquels il faut répondre pour pouvoir bénéficier d'une exception: 1) l'exception doit être "limitée"; 2) l'exception ne doit pas "[porter] atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet"; 3) l'exception ne doit pas "[causer] un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers". Les trois conditions sont cumulatives, chacune étant une prescription distincte et indépendante à laquelle il faut se conformer. S'il n'est pas satisfait à l'une des trois conditions, le bénéfice de l'exception prévue à l'article 30 est refusé.

7.21 Les trois conditions doivent naturellement être interprétées en rapport l'une avec l'autre. Chacune d'elles doit être présumée signifier quelque chose de différent des deux autres, sinon elles seraient redondantes. Normalement, l'ordre dans lequel les conditions sont énumérées peut être interprété comme donnant à penser qu'une exception qui satisfait à la première condition peut néanmoins ne pas remplir la deuxième ou la troisième et qu'une exception qui satisfait aux première et deuxième conditions peut néanmoins ne pas remplir la troisième. La syntaxe de l'article 30 étaye la conclusion selon laquelle une exception peut être "limitée" et néanmoins ne pas satisfaire à une ou à chacune des deux autres conditions. L'ordre d'énumération donne en outre à penser qu'une exception qui ne "[porte] pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale" pourrait néanmoins "[causer] un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet".

7.22 Le Canada a fait valoir que l'article 55.2 2) satisfaisait à chacune des trois conditions énoncées à l'article 30. Les Communautés européennes ont fait valoir que l'article 55.2 2) ne satisfaisait à aucune des trois conditions. Les deux parties ont entamé l'exposé de leurs arguments par une analyse de l'objet et du but de l'Accord sur les ADPIC dans ce domaine, puis ont présenté des interprétations des trois conditions énoncées à l'article 30 à l'appui de leurs positions.

b) Objet et but

7.23 Le Canada a appelé l'attention sur plusieurs autres dispositions de l'Accord sur les ADPIC qu'il jugeait en rapport avec le but et l'objectif de l'article 30. Une attention primordiale a été accordée aux articles 7 et 8:1 qui disposent ce qui suit:

"Article 7

Objectifs

La protection et le respect des droits de propriété intellectuelle devraient contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie, à l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques et d'une manière propice au bien-être social et économique, et à assurer un équilibre de droits et d'obligations." (pas d'italique dans l'original)

"Article 8

Principes

1. Les Membres pourront, lorsqu'ils élaboreront ou modifieront leurs lois et réglementations, adopter les mesures nécessaires pour protéger la santé publique et la nutrition et pour promouvoir l'intérêt public dans des secteurs d'une importance vitale pour leur développement socioéconomique et technologique, à condition que ces mesures soient compatibles avec les dispositions du présent accord."

7.24 De l'avis du Canada, le texte en italique de l'article 7 reproduit cidessus indique qu'un des objectifs essentiels de l'Accord sur les ADPIC était d'assurer un équilibre entre les droits de propriété intellectuelle créés par l'Accord et d'autres politiques socioéconomiques importantes des gouvernements Membres de l'OMC. L'article 8 précise les politiques socioéconomiques en question, une attention particulière étant accordée aux politiques en matière de santé publique et de nutrition. S'agissant des droits de brevet, a fait valoir le Canada, ces buts appellent une interprétation libérale des trois conditions énoncées à l'article 30 de l'Accord, afin que les gouvernements aient la flexibilité nécessaire pour ajuster les droits de brevet en vue de maintenir l'équilibre souhaité avec d'autres politiques nationales importantes.

7.25 Les CE n'ont pas contesté l'objectif déclaré consistant à assurer dans le cadre du régime des droits de propriété intellectuelle un équilibre entre des politiques nationales importantes. Mais, à leur avis, les articles 7 et 8 sont des dispositions qui décrivent l'équilibrage des objectifs qui a déjà été effectué lors de la négociation du texte final de l'Accord sur les ADPIC. Selon les CE, considérer l'article 30 comme une autorisation donnée aux gouvernements de "renégocier" l'équilibre global de l'Accord reviendrait à prendre doublement en compte ces politiques socioéconomiques. En particulier, les CE ont mis en avant le dernier membre de phrase de l'article 8:1 exigeant que les mesures prises par les gouvernements pour protéger des politiques socioéconomiques importantes soient compatibles avec les obligations découlant de l'Accord sur les ADPIC. Elles se sont également référées aux dispositions du premier considérant du Préambule et de l'article 1:1 qui, selon elles, démontraient que le but fondamental de l'Accord sur les ADPIC était de fixer des prescriptions minimales pour la protection et le respect des droits de propriété intellectuelle.

7.26 De l'avis du Groupe spécial, l'existence même de l'article 30 équivaut à reconnaître qu'il faudrait apporter certains ajustements à la définition des droits de brevet figurant à l'article 28. D'un autre côté, les trois conditions limitatives attachées à l'article 30 attestent avec force que les négociateurs de l'Accord ne voulaient pas que l'article 30 entraîne ce qui serait l'équivalent d'une renégociation de l'équilibre fondamental de l'Accord. À l'évidence, la portée exacte du pouvoir conféré par l'article 30 dépendra du sens spécifique donné aux conditions limitatives qui y sont énoncées. Le libellé de ces conditions doit à cet égard être examiné avec un soin particulier. Ce faisant, il faut à l'évidence tenir compte à la fois des objectifs et des limitations énoncés aux articles 7 et 8:1 ainsi que de ceux figurant dans d'autres dispositions de l'Accord sur les ADPIC qui indiquent son objet et ses buts.

c) "Exceptions limitées"

7.27 Le Canada a affirmé que le mot "limité" devrait être interprété selon la définition classique du dictionnaire comme signifiant "enfermé dans des limites bien définies", ou "restreint dans sa portée, son ampleur, son volume". Le Canada a fait valoir que l'exception pour le stockage prévue à l'article 55.2 2) était restreinte dans sa portée puisqu'elle n'avait qu'une incidence limitée sur les droits d'un titulaire de brevet. Selon le Canada, l'exception pour le stockage n'affecte pas le droit du titulaire du brevet à un marché exclusif pour la réalisation de ventes "commerciales" pendant la durée du brevet, étant donné que le produit qui est fabriqué et stocké pendant les six derniers mois de cette durée ne peut pas être vendu dans des conditions de concurrence avec le titulaire du brevet avant l'expiration du brevet. Par "ventes commerciales", le Canada désignait clairement les ventes au consommateur final, puisqu'il a reconnu que les ventes d'ingrédients brevetés à des producteurs procédant à un stockage autorisé étaient permises. Ainsi, il a fait valoir qu'une exception était "limitée" tant que le droit exclusif de vendre au consommateur final pendant la durée du brevet était préservé. Il a également allégué que l'exception était en outre limitée par la période de six mois à laquelle elle s'appliquait et par le fait qu'elle ne pouvait être invoquée que par des personnes qui avaient fabriqué, construit ou utilisé l'invention conformément à l'article 55.2 1).

7.28 Les CE ont interprété le mot "limité" comme signifiant une exception étroite, une exception qui pourrait être décrite par des termes tels que "étroit, petit, mineur, insignifiant ou restreint". Elles ont mesuré le caractère "limité" de l'exception proposée en fonction de son incidence sur les droits exclusifs accordés au titulaire du brevet au titre de l'article 28:1. Sur la base de cette mesure, elles ont soutenu que l'exception pour le stockage n'était pas "limitée" parce qu'elle supprimait trois des cinq droits prévus à l'article 28:1 – les droits d'exclure la "fabrication", l'"utilisation" et l'"importation". Elles ont fait valoir que l'attente portée à trois des cinq droits fondamentaux était en soi suffisamment importante pour être considérée comme "non limitée". Elles ont en outre soutenu que la limitation de l'exception aux six derniers mois de la durée du brevet ne constituait pas une atteinte limitée aux droits lorsque la période de six mois était considérée en pourcentage de la durée de 20 ans du brevet et encore moins lorsqu'elle était considérée en pourcentage de la véritable période de huit à 12 ans d'exclusivité commerciale effective dont bénéficiaient la plupart des produits pharmaceutiques brevetés. En outre, ont fait observer les CE, il n'y avait pas de limitation quant aux quantités qui pouvaient être produites pendant cette période, ni aucune limitation quant aux marchés sur lesquels ces produits pouvaient être vendus. Enfin, les CE ont souligné qu'aucune redevance n'était exigible pour cette production et que le détenteur du brevet n'avait même pas le droit d'être informé de l'utilisation du brevet.

7.29 Lorsqu'il a examiné comment aborder les opinions contradictoires des parties concernant le sens de l'expression "exceptions limitées", le Groupe spécial savait que le texte de l'article 30 avait des antécédents dans le texte de l'article 9 2) de la Convention de Berne. Toutefois, les mots "exceptions limitées" figurant à l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC diffèrent des mots correspondants figurant à l'article 9 2) de la Convention de Berne, qui sont "dans certains cas spéciaux". Le Groupe spécial a examiné l'historique de la négociation, étayé par des documents, de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC en ce qui concerne les raisons pour lesquelles les négociateurs avaient pu choisir d'utiliser l'expression "exceptions limitées" au lieu de "dans des circonstances spéciales". Les dossiers de la négociation montrent uniquement que l'expression "exceptions limitées" a été employée très tôt lors du processus de rédaction, bien avant la décision d'adopter un texte conçu sur le modèle de l'article 9 2) de la Convention de Berne, mais n'indiquent pas pourquoi cette expression a été conservée dans les projets de textes ultérieurs conçus sur le modèle de l'article 9 2) de la Convention de Berne.

7.30 Le Groupe spécial pensait comme les CE que, tel qu'il était utilisé dans ce contexte, le mot "limité" avait une connotation plus étroite que les définitions assez générales citées par le Canada. Bien que le mot luimême puisse être défini aussi bien au sens large qu'au sens étroit, le sens étroit étant illustré par des exemples tels que "un train postal ne prenant qu'un nombre limité de voyageurs", la définition au sens étroit est celle qui convient le mieux lorsque le mot "limité" est utilisé dans l'expression "exception limitée". Le mot "exception" luimême implique une dérogation limitée, une dérogation qui ne porte pas atteinte à l'ensemble de règles dont elle est issue. Lorsque l'expression "exception limitée" est utilisée dans un traité, il faut donner au mot "limité" un sens distinct de la limitation contenue implicitement dans le mot "exception" luimême. L'expression "exception limitée" doit donc être interprétée comme impliquant une exception étroite – une exception qui n'entraîne qu'une faible diminution des droits en question.

7.31 Le Groupe spécial a souscrit à l'interprétation des CE selon laquelle le caractère "limité" doit être mesuré en déterminant jusqu'à quel point les droits exclusifs du titulaire du brevet ont été réduits. Le texte intégral de l'article 30 mentionne "des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet". En l'absence d'autres indications, le Groupe spécial a conclu qu'il serait justifié d'interpréter le texte au pied de la lettre, l'accent étant mis sur la mesure dans laquelle les droits juridiques ont été réduits, plutôt que sur l'importance ou l'ampleur de l'incidence économique. À l'appui de cette conclusion, le Groupe spécial a noté que les deux conditions énoncées ensuite à l'article 30 visaient plus particulièrement l'incidence économique de l'exception, et prévoyaient deux séries de normes permettant d'évaluer cette incidence. L'expression "exceptions limitées" est la seule des trois conditions énoncées à l'article 30 en vertu de laquelle l'ampleur de la réduction des droits en tant que telle est prise en considération.

7.32 Le Groupe spécial ne partage pas, par contre, l'opinion des CE selon laquelle la réduction des droits juridiques peut être mesurée par un simple dénombrement des droits juridiques auxquels une exception porte atteinte. Un acte minime pourrait fort bien constituer une violation de l'ensemble des cinq droits prévus à l'article 28:1 tout en laissant chacun des droits du titulaire du brevet intact à toutes fins utiles. Pour déterminer si une exception particulière constitue une exception limitée, il faut mesurer jusqu'à quel point les droits du titulaire du brevet ont été réduits.

7.33 Le Groupe spécial ne pouvait pas accepter l'argument du Canada selon lequel la réduction des droits juridiques du titulaire du brevet était "limitée" dès lors que l'exception préservait le droit exclusif de vendre au consommateur final pendant la durée du brevet. L'argument canadien implique l'idée que le droit d'exclure les ventes aux consommateurs pendant la durée du brevet est le droit essentiel associé à un brevet et que les droits d'exclure la "fabrication" et l'"utilisation" du produit breveté pendant la durée du brevet sont en quelque sorte secondaires. Le Groupe spécial ne voit rien qui étaye la mise en place d'une telle hiérarchie des droits de brevet dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC. Si le droit d'exclure les ventes était la seule chose qui importait réellement, il n'y aurait pas de raison d'y ajouter les droits d'exclure la "fabrication" et l'"utilisation". Le fait que ces droits ont été inclus dans l'Accord sur les ADPIC, comme ils le sont dans la plupart des législations nationales relatives aux brevets, prouve bien qu'ils sont considérés comme une partie importante et indépendante des droits du titulaire du brevet.

7.34 De l'avis du Groupe spécial, la question de savoir si l'exception pour le stockage est une exception "limitée" est avant tout celle de savoir dans quelle mesure les droits du titulaire du brevet d'exclure la "fabrication" et l'"utilisation" du produit breveté ont été réduits. Le droit d'exclure la "fabrication" et l'"utilisation" assure une protection, en sus de celle qui est assurée par le droit d'exclure la vente, pendant toute la durée du brevet en réduisant l'offre de marchandises concurrentes à la source et en empêchant l'utilisation des produits qui ont été néanmoins obtenus. Sans limitation aucune du volume de production, l'exception pour le stockage supprime entièrement cette protection pendant les six derniers mois de la durée du brevet, indépendamment des autres conséquences ultérieures qu'elle pourrait avoir. En raison de ce seul effet, on peut dire que l'exception pour le stockage annule ces droits entièrement pendant la période où elle est en vigueur.

7.35 Compte tenu de l'importance accordée par le Canada à la préservation des avantages commerciaux avant l'expiration du brevet, le Groupe spécial a également examiné si l'avantage commercial gagné par le titulaire du brevet au cours des mois suivant l'expiration du brevet pouvait aussi être considéré comme un but des droits des titulaires du brevet d'exclure la "fabrication" et l'"utilisation" pendant la durée du brevet. Aussi bien en théorie que dans la pratique, le Groupe spécial a conclu que de tels avantages commerciaux additionnels faisaient partie du but de ces droits. En théorie, les droits du titulaire du brevet sont généralement considérés comme un droit d'empêcher l'exercice d'une activité commerciale concurrentielle par des tiers, et la fabrication en vue de la vente commerciale est intrinsèquement une activité commerciale concurrentielle, dont le caractère n'est pas altéré par un simple retard dans la réalisation du gain commercial. Dans la pratique, il faut reconnaître que le respect du droit d'exclure la "fabrication" et l'"utilisation" pendant la durée du brevet se traduira nécessairement pour tous les titulaires de brevets, en ce qui concerne tous les produits, par une courte période d'exclusivité commerciale prolongée après l'expiration du brevet. Le fait que de tels droits exclusifs, dont les effets commerciaux universels sont connus, ont été mis en place à maintes reprises ne peut être compris que comme une affirmation du but visant à produire ces effets commerciaux.

7.36 Pour ces deux raisons, le Groupe spécial a conclu que l'exception pour le stockage prévue à l'article 55.2 2) constituait une réduction substantielle des droits exclusifs qui doivent être accordés aux titulaires de brevets au titre de l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC. Sans chercher à définir exactement quel niveau de réduction serait considéré comme inacceptable, le Groupe spécial voyait bien qu'une exception qui aboutissait à une réduction substantielle de cette ampleur ne pouvait pas être considérée comme une "exception limitée" au sens de l'article 30 de l'Accord.

7.37 Aucune des deux "limitations" imposées à la portée de la mesure n'est suffisante pour modifier cette conclusion. Premièrement, le fait que l'exception ne peut être invoquée que par les personnes qui ont invoqué l'exception pour l'examen réglementaire prévue à l'article 55.2 1) ne limite la portée de l'exception ni à ces personnes ni aux produits pour lesquels l'approbation réglementaire est nécessaire. S'agissant de la limitation à ces personnes, le Groupe spécial a estimé que ce n'était pas une véritable limitation puisque seules les personnes qui satisfont aux prescriptions réglementaires seraient habilitées à commercialiser le produit. S'agissant de la limitation à ces produits, le Groupe spécial a estimé que le fait qu'une exception ne s'appliquait pas du tout aux autres produits ne modifiait en rien l'effet de cette exception au regard des critères énoncés à l'article 30. Chaque exception doit être évaluée au regard de son incidence sur chaque brevet visé, de manière indépendante. Deuxièmement, le fait que l'exception s'appliquait uniquement pendant les six derniers mois de la durée du brevet réduisait évidemment son incidence sur tous les produits brevetés visés, mais le Groupe spécial pensait comme les CE que six mois représentaient une période significative du point de vue commercial, d'autant qu'il n'y avait absolument aucune limite quant au volume de production autorisé ou quant à la destination commerciale de cette production.

7.38 Ayant conclu que l'exception prévue à l'article 55.2 2) de la Loi sur les brevets canadienne ne satisfaisait pas à la première condition énoncée à l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, le Groupe spécial a donc conclu que l'article 55.2 2) était incompatible avec les obligations du Canada au titre de l'article 28:1 de l'Accord. Du fait de cette conclusion, il était inutile d'examiner l'une quelconque des autres allégations d'incompatibilité formulées par les Communautés européennes. En conséquence, le Groupe spécial n'a pas examiné les allégations d'incompatibilité concernant les deuxième et troisième conditions énoncées à l'article 30, l'allégation d'incompatibilité avec l'article 27:1 sur les ADPIC et l'allégation d'incompatibilité avec l'article 33.

Article 55.2 1) (exception pour l'examen réglementaire)
1) APPLICATION DE L'ARTICLE 28:1 ET DE L'ARTICLE 30 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

7.39 Les deux parties sont convenues que, si l'exception pour l'examen réglementaire prévue à l'article 55.2 1) remplissait les conditions énoncées à l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, les actes qu'elle permettait ne constitueraient pas une violation de l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC. Le Canada a fait valoir que l'article 55.2 1) satisfaisait à chacune des trois conditions énoncées à l'article 30. Les Communautés européennes ont fait valoir que l'article 55.2 1) ne satisfaisait à aucune des trois conditions. Nous allons maintenant examiner les arguments respectifs concernant l'application à l'article 55.2 1) des trois conditions énoncées à l'article 30.

a) "Exceptions limitées"

7.40 Les arguments du Canada relatifs au caractère "limité" de l'exception pour l'examen réglementaire prévue à l'article 55.2 1) reposaient sur les mêmes prémisses que ses arguments concernant le caractère "limité" de l'exception pour le stockage prévue à l'article 55.2 2). Le Canada a de nouveau affirmé que l'exception pour l'examen réglementaire prévue à l'article 55.2 1) pouvait être considérée comme "limitée" parce que les droits accordés à des tiers ne privaient pas le détenteur du brevet de son droit d'exclure toutes les autres "ventes commerciales" du produit breveté pendant la durée du brevet. Comme nous l'avons indiqué plus haut en examinant cet argument à propos de l'article 55.2 2), pour le Canada , l'expression "ventes commerciales" désignait manifestement les ventes au consommateur final, plutôt que les ventes des fournisseurs d'ingrédients. Comme dans le cas précédent, l'opinion du Canada était qu'une exception était "limitée" tant que le droit exclusif de vendre au consommateur final pendant la durée du brevet était préservé.

7.41 Dans le cas de l'exception pour l'examen réglementaire, toutefois, le Canada a présenté deux autres arguments fondés sur l'historique de la négociation de l'article 30 et les pratiques ultérieurement suivies par certains Membres de l'OMC. Il a fait observer qu'en 1984, les ÉtatsUnis avaient mis en place une exception pour l'examen réglementaire semblable à l'article 55.2 1) de sa Loi sur les brevets, dite "exemption Bolar". Le Canada a affirmé que "l'exemption Bolar" des ÉtatsUnis était bien connue au moment de la négociation de l'article 30 et que les gouvernements savaient que les ÉtatsUnis voulaient obtenir une exception qui leur permettrait de conserver leur "exemption Bolar". Le Canada affirme en outre qu'il était notoire que les ÉtatsUnis avaient accepté le libellé général de l'article 30 étant entendu que la disposition irait dans ce sens. Il a appelé l'attention sur les déclarations ultérieures de fonctionnaires des ÉtatsUnis selon lesquelles "nos négociateurs ont veillé à ce que l'Accord sur les ADPIC autorise le maintien de l'exemption Bolar".

7.42 S'agissant de la pratique ultérieure, le Canada a fait observer qu'après la conclusion de l'Accord sur les ADPIC quatre autres Membres de l'OMC (Argentine, Australie, Hongrie et Israël) avaient adopté une législation contenant des exceptions semblables pour l'examen réglementaire et que le Japon et le Portugal avaient l'un et l'autre adopté des interprétations de la législation existante en matière de brevets qui confirmaient les exemptions pour les présentations en vue de l'examen réglementaire. Le Canada a fait valoir que ces actions étaient des pratiques ultérieurement suivies par les parties à l'Accord, au sens de l'article 31 3) b) de la Convention de Vienne, qui confirmaient son interprétation selon laquelle les exceptions pour l'examen réglementaire étaient autorisées par l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC.

7.43 En faisant valoir que l'exception pour l'examen réglementaire n'était pas "limitée", les CE ont à nouveau mis l'accent sur la mesure dans laquelle cette exception diminuait les droits d'exclusivité du titulaire du brevet exigés par l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC. Elles ont fait observer que l'article 55.2 1) permettait à des tiers d'exercer chacune des cinq activités que le titulaire du brevet pouvait autrement exclure au titre de l'article 28:1. Elles ont reconnu que l'autorisation d'exercer ces activités était subordonnée à la condition que l'acheteur final du produit breveté ait l'intention d'utiliser le produit pour communiquer des informations aux autorités réglementaires, mais ont fait valoir que les termes de l'article 55.2 1) autorisaient "de vastes activités par un large éventail d'opérateurs" et "des actes constitutifs d'atteinte d'une ampleur significative". Elles ont appelé tout particulièrement l'attention sur le fait que l'article 55.2 1) autorisait la vente commerciale d'ingrédients par des producteurs de produits chimiques fins qui souvent fournissaient aux fabricants de médicaments génériques les ingrédients nécessaires pour fabriquer les produits destinés aux essais. Elles ont également noté que les prescriptions réglementaires exigeaient fréquemment que les demandeurs ou leurs fournisseurs produisent des quantités commerciales de médicaments afin de démontrer leur capacité de maintenir le niveau de qualité voulu à de tels niveaux de production. Elles ont également souligné le fait que des activités constitutives d'atteinte étaient autorisées à tout moment pendant la durée de 20 ans du brevet. Elles ont enfin appelé tout particulièrement l'attention sur le fait que l'article 55.2 1) s'appliquait aux présentations réglementaires partout dans le monde, laissant entendre qu'en raison du nombre et de la diversité de ces procédures réglementaires étrangères, ainsi que de l'incapacité du Canada de les superviser ou de les influencer, la gamme des activités exclues que cette exception autorisait serait encore plus large.

7.44 Dans la partie précédente du présent rapport traitant de l'exception pour le stockage prévue à l'article 55.2 2), le Groupe spécial a conclu que les mots "exception limitée" exprimaient l'obligation de faire en sorte que l'exception ne réduise que dans une marge étroite les droits juridiques qui selon l'article 28:1 devaient être accordés aux titulaires de brevets, et que cette réduction devait être mesurée en déterminant jusqu'à quel point il avait été porté atteinte aux droits juridiques affectés euxmêmes. Comme il ressortait clairement de nos conclusions relatives à l'exception pour le stockage, le Groupe spécial ne pouvait pas accepter la thèse du Canada selon laquelle une exception pouvait être considérée comme "limitée" dès lors qu'elle préservait le droit exclusif du titulaire du brevet de vendre au consommateur final pendant la durée du brevet.

7.45 De l'avis du Groupe spécial, toutefois, l'exception canadienne pour l'examen réglementaire est une "exception limitée" au sens de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC. Elle est "limitée" puisqu'elle réduit dans une marge étroite les droits prévus à l'article 28:1. Tant que l'exception est circonscrite au comportement nécessaire pour satisfaire aux prescriptions du processus d'approbation réglementaire, l'ampleur des actes non autorisés par le détenteur du droit qui sont permis par l'exception sera faible et étroitement délimitée. Même si les processus d'approbation réglementaire peuvent exiger la production de grandes quantités de produits destinés aux essais pour démontrer la fiabilité de la fabrication, il n'est pas davantage porté atteinte aux droits du titulaire du brevet euxmêmes du fait de la taille de ces séries de production, tant qu'elles sont uniquement destinées à des fins réglementaires et qu'il n'y a pas d'utilisation commerciale des produits finals qui en résultent.

7.46 Le Groupe spécial ne voyait aucune raison de croire que ces limitations s'appliqueraient dans une moindre mesure aux activités visant à obtenir des approbations concernant des produits en vertu de procédures réglementaires étrangères. Il n'y a pas de raison a priori de supposer que les prescriptions des procédures réglementaires étrangères exigeront des activités sans rapport avec les objectifs légitimes que constituent la qualité et l'innocuité des produits, et les CE n'ont pas non plus fourni d'éléments de preuve dans ce sens. Il n'y a également aucune raison de supposer que la législation canadienne appliquerait l'exception dans les cas où les prescriptions étrangères n'avaient manifestement aucun but réglementaire. Il n'y a enfin aucune raison de supposer qu'il sera en quoi que ce soit plus difficile de faire respecter les prescriptions de la législation canadienne lorsque les producteurs canadiens invoquent des exceptions au titre de procédures étrangères. Sur ce dernier point, le Groupe spécial partageait l'avis du Canada selon lequel le gouvernement n'était normalement pas censé réglementer le comportement effectif des tiers dans de tels cas. Le respect de ces conditions, comme le respect des droits de brevet, est assuré par des actions privées pour contrefaçon engagées par le titulaire du brevet. Le titulaire du brevet doit simplement prouver que le comportement contesté est incompatible avec les droits de brevet fondamentaux créés par la législation nationale. Une fois ce point initial démontré, il incombera à la partie accusée de contrefaçon de prouver le bien-fondé de son moyen de défense en établissant que son comportement au titre de procédures réglementaires étrangères satisfaisait aux conditions énoncées à l'article 55.2 1).

7.47 Pour parvenir à cette conclusion, le Groupe spécial a également examiné les arguments additionnels du Canada selon lesquels aussi bien l'historique de la négociation de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC que les pratiques ultérieurement suivies par certains gouvernements Membres de l'OMC étayaient l'idée qu'il avait été convenu que l'article 30 serait interprété comme permettant des exceptions pour l'examen réglementaire semblables à celle qui était prévue à l'article 55.2 1). Le Groupe spécial n'a toutefois accordé de poids à aucun de ces arguments parce qu'il n'existait pas de documents prouvant qu'il y avait eu, comme il était allégué, une interprétation convenue au moment de la négociation et parce que les actes ultérieurs des différents pays ne constituaient pas une "pratique ... suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité" au sens de l'article 31.3 b) de la Convention de Vienne.

7.48 Une dernière objection à la conclusion générale du Groupe spécial reste à examiner. Bien que la question n'ait été que brièvement évoquée dans les arguments juridiques des parties, le Groupe spécial était obligé de reconnaître que l'incidence économique de l'exception pour l'examen réglementaire pouvait être considérable. Selon les renseignements communiqués par le Canada luimême, dans le cas des produits pharmaceutiques brevetés, il faut environ de trois à six ans et demi aux producteurs de médicaments génériques pour mettre au point leurs produits et obtenir l'approbation réglementaire. S'il n'y avait pas d'exception pour l'examen réglementaire permettant aux concurrents de demander l'approbation réglementaire pendant la durée du brevet, le titulaire du brevet serait alors en mesure de prolonger la durée de son exclusivité commerciale, de facto, pendant une partie de cette période de trois à six ans et demi, selon la mesure dans laquelle le processus de développement pouvait, le cas échéant, être réalisé pendant la durée du brevet au titre d'autres exceptions, comme l'exception concernant l'utilisation à des fins scientifiques ou expérimentales. Le Groupe spécial jugeait nécessaire de se demander si des mesures ayant une incidence aussi importante sur les intérêts économiques des titulaires de brevets pouvaient être considérées comme une exception "limitée" aux droits de brevet.

7.49 Après avoir analysé chacune des trois conditions énoncées à l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, le Groupe spécial était convaincu que l'article 30 traitait effectivement de la question de l'incidence économique, mais uniquement dans le cadre des deux autres conditions figurant dans cet article. Comme l'analyse qui en est faite ci-après le montrera, ces deux autres conditions portent sur la question de l'incidence économique, selon des critères qui concernent expressément cette question. Si l'on considère les trois conditions dans leur ensemble, il apparaît que la première condition ("exception limitée") n'est pas conçue pour traiter directement la question de l'incidence économique ni destinée à cette fin.

7.50 En somme, le Groupe spécial a constaté que l'exception pour l'examen réglementaire prévue à l'article 55.2 1) était une "exception limitée" au sens de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC.

b) "Exploitation normale"

7.51 La deuxième condition énoncée à l'article 30 interdit les exceptions qui "portent ... atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet". Le Canada a exprimé l'opinion selon laquelle l'"exploitation" du brevet supposait que l'on extraie la valeur commerciale du brevet en le "faisant fructifier", soit en vendant le produit sur un marché dont les concurrents étaient exclus, soit en donnant à des tiers par voie de licence l'autorisation de le faire, soit en vendant purement et simplement les droits de brevet. Les Communautés européennes ont également défini l'"exploitation" en se référant aux trois mêmes manières de "faire fructifier" un brevet. Les parties étaient en désaccord principalement sur l'interprétation du terme "normal".

7.52 Le point de vue du Canada sur l'"exploitation normale" était implicite dans son principal argument. Le Canada estimait que l'exception pour l'examen réglementaire prévue à l'article 55.2 1) ne portait pas atteinte à l'"exploitation normale" parce qu'elle ne portait pas du tout atteinte aux droits de commercialisation exclusifs du titulaire du brevet pendant toute la durée du brevet. Assurément, la valeur découlant de l'exercice des droits de commercialisation exclusifs pendant la durée du brevet est l'élémentclé de l'exploitation d'un brevet. La question posée en l'espèce était toutefois de savoir si le concept d'"exploitation normale" comprenait également la période additionnelle d'exclusivité commerciale qui serait obtenue, après la durée du brevet, si les droits de brevet pouvaient être utilisés pour empêcher les concurrents d'obtenir, ou de prendre des dispositions pour obtenir, l'autorisation de commercialisation pendant la durée du brevet. Par déduction, affirmer comme le Canada le faisait que l'"exploitation normale" était suffisamment sauvegardée par la protection de l'exclusivité commerciale pendant la durée du brevet revenait à affirmer que ces formes d'exclusivité commerciale postérieures à l'expiration ne devraient pas être considérées comme une exploitation normale. Bien que le Canada n'ait pas développé cette conclusion dans ses arguments concernant le critère de l'"exploitation normale", cette même conclusion était également implicite dans l'affirmation qu'il avait formulée à plusieurs reprises, dans d'autres contextes, selon laquelle ni les législations relatives aux brevets ni les prescriptions en matière d'autorisation de commercialisation n'avaient jamais été conçues en vue de permettre leur utilisation par les titulaires de brevets pour créer une période d'exclusivité commerciale de facto après l'expiration du brevet. En d'autres termes, selon le Canada, cette prolongation de la durée du brevet n'avait jamais fait partie du marché conclu entre les titulaires de brevets et la société de sorte que les titulaires de brevets n'avaient pas d'"intérêt légitime" dans une telle prolongation.

7.53 Répondant à la définition de l'"exploitation normale" donnée par le Canada, les CE ont fait valoir qu'en centrant son attention sur les ventes commerciales pendant la durée du brevet, le Canada commettait l'erreur de considérer qu'un brevet établissait un droit de vendre, alors qu'en fait les droits de brevet étaient des droits d'exclure plusieurs types différents de comportement. Selon l'argument des CE, la définition de l'"exploitation normale" donnée par le Canada tenait compte uniquement du droit du titulaire du brevet d'exclure les ventes par des tiers pendant la durée du brevet et ne traitait donc pas des autres droits du titulaire du brevet d'exclure des tiers de la "fabrication" ou de l'"utilisation" du produit breveté pendant la durée du brevet. L'argument des CE impliquait que l'"exploitation normale" devrait être définie en fonction de l'exclusivité commerciale qui découlait de l'exercice de tous les droits exclusifs, que cette exclusivité commerciale intervienne pendant la durée du brevet ou après. Étant donné que les droits d'exclure la "fabrication" ou l'"utilisation" entraînent souvent une période d'exclusivité commerciale de facto après l'expiration du brevet, le respect de ces droits de brevet particuliers doit amener, de l'avis des CE, à conclure que l'exclusivité commerciale postérieure à l'expiration créée par l'exercice de ces droits exclusifs doit faire partie de l'"exploitation normale" d'un brevet.

7.54 Pour le Groupe spécial, l'"exploitation" désigne l'activité commerciale dans le cadre de laquelle les titulaires de brevets utilisent leurs droits de brevet exclusifs pour extraire la valeur économique de leurs brevets. Le terme "normale" définit le type d'activité commerciale que l'article 30 vise à protéger. Selon la définition du dictionnaire, le sens ordinaire du mot "normal" est le suivant: "régulier, habituel, typique, ordinaire, classique". Ainsi défini, le terme peut être compris comme désignant soit une conclusion empirique au sujet de ce qui est courant dans une communauté donnée, soit un critère normatif de qualification. Le Groupe spécial a conclu que le mot "normal" était utilisé à l'article 30 dans un sens qui combinait les deux acceptions.

7.55 La pratique normale d'exploitation suivie par les titulaires de brevets, comme par les titulaires de tout autre droit de propriété intellectuelle, consiste à exclure toutes les formes de concurrence qui pourraient réduire sensiblement les bénéfices économiques attendus de l'exclusivité commerciale attachée à un brevet. Les modes spécifiques d'exploitation des brevets ne sont naturellement pas statiques, car pour être efficace l'exploitation doit s'adapter au changement des formes de concurrence dû au progrès technologique et à l'évolution des pratiques de commercialisation. La protection de toutes les pratiques normales d'exploitation est un élément essentiel de la politique à la base de toutes les législations relatives aux brevets. Ces législations établissent une période d'exclusivité commerciale soigneusement définie pour encourager l'innovation et la politique sur laquelle elles reposent ne peut être réalisée que si les titulaires de brevets sont autorisés à tirer effectivement parti de cette mesure d'encouragement une fois qu'elle a été définie.

7.56 Le Canada a invoqué l'argument selon lequel l'exclusivité commerciale existant après l'expiration d'un brevet d'une durée de 20 ans ne devrait pas être considérée comme "normale". Le Groupe spécial n'a pas été en mesure d'accepter cet argument en tant que proposition catégorique. Certains des droits fondamentaux accordés à tous les titulaires de brevets, et régulièrement exercés par tous les titulaires de brevets, entraîneront généralement une certaine période d'exclusivité commerciale après l'expiration d'un brevet. Par exemple, le droit distinct d'empêcher la "fabrication" du produit breveté pendant la durée du brevet empêche souvent les concurrents de constituer le stock nécessaire pour entrer sur le marché dès l'expiration d'un brevet. Une période plus ou moins brève d'exclusivité commerciale après l'expiration d'un brevet n'a rien d'anormal.

7.57 Le Groupe spécial a estimé que le Canada avait par contre une position plus solide lorsqu'il faisait valoir que la période additionnelle d'exclusivité commerciale de facto créée par l'utilisation des droits de brevet pour empêcher les présentations en vue d'obtenir l'autorisation réglementaire ne devrait pas être considérée comme "normale". La période additionnelle d'exclusivité commerciale dans cette situation n'est pas une conséquence naturelle ou normale de l'exercice des droits de brevet. C'est une conséquence non prévue de l'application conjointe des législations relatives aux brevets et des législations réglementaires relatives aux produits, dans le cadre de laquelle sous l'effet conjugué des droits de brevet et des impératifs d'ordre chronologique du processus réglementaire, l'exercice de certains droits de brevet s'accompagne d'une période d'exclusivité commerciale plus longue que la période normale. C'est en outre une forme d'exploitation à laquelle la plupart des titulaires de brevets n'ont en fait pas recours. Pour la grande majorité des produits brevetés, il n'y a pas de réglementation en matière de commercialisation du type de celle qui est visée à l'article 55.2 1) et il n'y a donc pas de possibilité de prolonger l'exclusivité attachée à un brevet en retardant le processus d'approbation de commercialisation pour les concurrents.

7.58 Le Groupe spécial ne pouvait pas souscrire à l'affirmation des CE selon laquelle la simple existence des droits d'exclure du titulaire du brevet était une raison suffisante en soi pour considérer que tous les gains tirés de ces droits découlaient d'une "exploitation normale". De l'avis du Groupe spécial, l'argumentation des CE ne contenait aucun élément de preuve ou analyse portant sur les divers sens du mot "normal" – ni une démonstration que la plupart des titulaires de brevets extrayaient la valeur de leurs brevets de la manière qui était interdite par l'article 55.2 1), ni un argument selon lequel cette forme d'exploitation prohibée était "normale" en ce sens qu'elle était essentielle à la réalisation des objectifs de la politique en matière de brevets. Au contraire, en centrant leur attention sur les droits exclusifs euxmêmes, les CE ne faisaient que réaffirmer la préoccupation visant à protéger les droits exclusifs prévus à l'article 28 en tant que tels. C'est une préoccupation qui est déjà traitée par la première condition énoncée à l'article 30 ("exception limitée") et le Groupe spécial a constaté qu'il était impossible de distinguer les arguments ultimes présentés ici par les CE de ceux qu'elle avait formulés au titre de cette première condition.

7.59 En somme, le Groupe spécial a constaté que l'exception pour l'examen réglementaire prévue à l'article 55.2 1) ne portait pas atteinte à l'exploitation normale des brevets au sens de la deuxième condition énoncée à l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC. Aucune atteinte n'ayant été constatée, il est inutile d'examiner la question de savoir si, au cas où une atteinte aurait été constatée, elle serait "injustifiée". En conséquence, il est également inutile de déterminer si le dernier membre de phrase de l'article 30, préconisant de tenir compte des intérêts légitimes des tiers, s'applique ou non à la détermination de l'"atteinte injustifiée" au titre de la deuxième condition énoncée à l'article 30.

c) "Intérêts légitimes"

7.60 La troisième condition énoncée à l'article 30 est la prescription selon laquelle l'exception proposée ne doit pas "[causer] un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers". Bien qu'il incombe au Canada, en tant que partie faisant valoir l'exception prévue à l'article 30, de prouver qu'il est satisfait aux conditions attachées à cette exception, l'ordre de présentation des preuves est compliqué par le fait que la condition implique d'établir la preuve par voie de négation. On ne peut pas démontrer qu'aucun préjudice n'a été causé à un intérêt légitime du titulaire du brevet tant qu'on ne sait pas quelles allégations concernant l'intérêt légitime peuvent être formulées. De même, le poids des intérêts légitimes des tiers ne peut pas être pleinement évalué tant que la légitimité et le poids des intérêts légitimes du titulaire du brevet, le cas échéant, n'ont pas été déterminés. En conséquence, sans bouleverser la dernière étape de la charge de la preuve, le Groupe spécial a choisi d'analyser les questions soulevées par la troisième condition énoncée à l'article 30 selon l'ordre logique dans lequel ces questions ont été définies.

7.61 La question se posant en dernière analyse au sujet de la conformité de l'exception pour l'examen réglementaire à la troisième condition énoncée à l'article 30 faisait intervenir des considérations semblables à celles qui entraient en ligne de compte au titre de la deuxième condition ("exploitation normale") – le fait que l'exception supprimerait la période additionnelle d'exclusivité commerciale de facto que les titulaires de brevets pourraient obtenir s'ils étaient autorisés à exercer leurs droits d'exclure la "fabrication" et l'"utilisation" (et la "vente") du produit breveté pendant la durée du brevet pour empêcher les concurrents potentiels de préparer et/ou demander l'approbation réglementaire pendant la durée du brevet. Il s'agissait de savoir si les titulaires de brevets pouvaient alléguer un "intérêt légitime" dans les avantages économiques pouvant découler de cette période additionnelle d'exclusivité commerciale de facto et, dans l'affirmative, si l'exception pour l'examen réglementaire "causait un préjudice injustifié" à cet intérêt.

i) Allégation principale des CE concernant l'intérêt légitime

7.62 Les Communautés européennes ont fait valoir que l'exception pour l'examen réglementaire prévue à l'article 55.2 1) ne satisfaisait pas à la troisième condition énoncée à l'article 30. L'argument principal des CE à cet égard reposait sur une interprétation qui assimilait les "intérêts légitimes" à des intérêts juridiques. Les CE ont affirmé que les "intérêts légitimes" du titulaire du brevet ne pouvaient être que la pleine jouissance de ses droits de brevet pendant toute la durée du brevet. Vu ce postulat, il s'ensuivait que toute exception aux droits prévus à l'article 28:1 constituerait un "préjudice" causé aux intérêts légitimes d'un titulaire de brevet. En conséquence, le reste de l'argument des CE était axé sur la question de savoir si le préjudice était "injustifié", question ellemême axée sur le point de savoir si les "intérêts légitimes des tiers" l'emportaient sur les intérêts du titulaire du brevet dans la pleine jouissance de ses droits juridiques. Les CE ont tout d'abord fait valoir que les seuls "tiers" pertinents aux fins de l'article 30 étaient les concurrents du titulaire du brevet – dans le cas des brevets pharmaceutiques, les producteurs de médicaments génériques, parce qu'ils étaient les seules parties ayant des intérêts contraires à ceux des titulaires de brevets. De l'avis des CE, l'Accord sur les ADPIC constitue une reconnaissance du fait que les régimes de brevets servent l'intérêt de la société, y compris les intérêts multiples de sa politique en matière de santé. Dans ces conditions, les droits de brevet accordés par ledit accord, qui font partie de l'équilibre de droits et d'obligations dont les gouvernements sont convenus qu'il était bénéfique, ne peuvent pas être considérés comme contraires, ou portant atteinte, aux intérêts représentés par la politique générale en matière de bienêtre social. Cela signifie donc que les seuls intérêts des tiers contraires à ceux des titulaires de brevets sont les intérêts des entreprises avec lesquelles ces derniers sont en concurrence.

7.63 Ayant exprimé l'opinion selon laquelle les "intérêts légitimes" étaient essentiellement des intérêts juridiques, les CE ont ensuite fait valoir que les intérêts légitimes des producteurs concurrents étaient essentiellement les mêmes que ceux des titulaires de brevets – c'estàdire la pleine jouissance de leurs droits juridiques. Pour les CE, les droits juridiques des concurrents du titulaire du brevet sont les droits de fabriquer, d'utiliser ou de vendre le produit breveté le jour suivant l'expiration du brevet. Ces concurrents ne pourraient donc avoir aucun intérêt "légitime" dans les droits accordés par l'exception pour l'examen réglementaire prévue à l'article 55.2 1), parce qu'ils ne pourraient avoir aucun droit juridique de "fabriquer" ou d'"utiliser" (ou de "vendre") le produit breveté pendant la durée du brevet.

7.64 Compte tenu de ces interprétations de la troisième condition énoncée à l'article 30, les CE ont conclu ce qui suit: 1) l'atteinte portée aux droits juridiques du titulaire du brevet prévus à l'article 28 par l'exception pour l'examen réglementaire équivaut à un "préjudice" causé aux intérêts légitimes du titulaire du brevet; et 2) en l'absence de tout intérêt légitime de tiers allant en sens contraire, l'annulation des droits autorisée par l'article 55.2 1) est suffisamment importante pour être considérée comme "injustifiée".

7.65 Le Canada a contesté les deux parties essentielles de cet argument des CE – leur interprétation de l'expression "intérêts légitimes" et leur interprétation du terme "tiers".

7.66 Pour interpréter les "intérêts légitimes" des titulaires de brevets, le Canada est parti d'une base similaire à celle qui a conduit les CE à centrer leur attention sur les droits juridiques du titulaire du brevet. Citant des définitions du mot "légitime" telles que "conforme à la loi, légal, licite, correct", le Canada a affirmé que les intérêts légitimes étaient ceux qui "se rapportaient aux droits et devoirs que le droit des brevets conférait ou imposait" et qui "découlaient de la condition de détenteur d'un brevet et non de la condition plus générale d'homme ou de femme d'affaires ou de fabricant". Mais les expressions "se rapportaient aux" et "découlaient de" indiquent que le Canada se référait à quelque chose allant audelà des droits juridiques euxmêmes. Pour expliquer pourquoi le détenteur du brevet n'a pas d'"intérêt légitime" dans la prolongation de facto de l'exclusivité commerciale créée par le processus d'examen réglementaire, le Canada s'est fondé non pas sur une analyse des droits juridiques du titulaire du brevet, mais sur les normes (ou politiques) qu'il a déduites des législations relatives aux brevets qui créent ces droits. Il a dit ce qui suit:

"[M]algré l'avantage économique qu'il s'assurera personnellement en agissant ainsi, le titulaire d'un brevet ne pouvait avoir aucun intérêt légitime découlant du droit des brevets à exercer ses droits d'utilisation exclusive ou à recourir aux moyens de faire respecter ses droits pendant la période de protection afin d'obtenir, par l'exploitation de la législation en matière d'examen réglementaire, une prolongation de facto de cette période de protection audelà de la durée prescrite, modifiant ainsi unilatéralement le marché qu'il avait conclu avec la société. À cet égard, les intérêts du titulaire d'un brevet relatif à une invention pharmaceutique ne pouvaient être différents de ceux des titulaires de brevets concernant d'autres domaines technologiques."

La conclusion du Canada concernant le "marché" conclu dans le cadre des législations relatives aux brevets était une conclusion concernant les normes ou politiques qui étaient à la base de ces législations. Le Canada mesure la légitimité des allégations en fonction de leur conformité à ces normes – certes des normes fondées sur la législation relative aux brevets, mais constituant néanmoins une définition normative plutôt que juridique du mot "légitime". Ainsi, pour le Canada, il est possible que l'exercice de certains droits juridiques dans certaines circonstances soit contraire aux normes de politique générale soustendant la législation relative aux brevets, et qu'en pareils cas, le titulaire du brevet n'ait pas d'"intérêt légitime" à exercer ses droits dans ces circonstances.

7.67 S'agissant de la définition donnée par les CE des "intérêts … des tiers" mentionnés dans le dernier membre de phrase de l'article 30, le Canada a exprimé l'opinion selon laquelle les intérêts généraux de la société, et en particulier les intérêts liés à la politique de la santé, entraient dans le cadre du terme "tiers" et pouvaient donc être pris en considération. Pour étayer ce point de vue, le Canada, ainsi que plusieurs participants à la présente procédure en tant que tierces parties ont très largement invoqué les objectifs et principes énoncés aux articles 7 et 8:1 de l'Accord sur les ADPIC.

ii) Définition des "intérêts légitimes"

7.68 Le mot "légitime" est couramment défini de la façon suivante:

a) Conforme, consacré ou autorisé, en droit ou en principe: légal; licite; justifiable; correct;

b) Normal, régulier, conforme à un type courant reconnu.

Bien que la définition des Communautés européennes assimilant les "intérêts légitimes" à un plein respect des intérêts juridiques au titre de l'article 28:1 corresponde au moins à certaines de ces définitions, elle permet difficilement de donner du sens au reste de la troisième condition énoncée à l'article 30, pour trois raisons au moins. Premièrement, étant donné que cette définition implique que chacune des exceptions relevant de l'article 30 causera un "préjudice" à certains droits juridiques prévus à l'article 28 de l'Accord, elle réduirait la première partie de la troisième condition à une simple prescription selon laquelle l'exception proposée ne doit pas être "injustifiée". Une telle prescription aurait certainement pu être exprimée plus directement si c'était ce que l'on avait voulu dire. Deuxièmement, une définition assimilant les "intérêts légitimes" aux intérêts juridiques n'a absolument aucun sens lorsqu'elle est appliquée au dernier membre de phrase de l'article 30 où il est question des "intérêts légitimes" des tiers. Les tiers sont par définition des parties qui n'ont absolument aucun droit juridique quant à la possibilité d'exécuter les tâches exclues par les droits de brevet prévus à l'article 28. Une clause relative aux exceptions permettant aux gouvernements de tenir compte de ces intérêts juridiques des tiers reviendrait à leur permettre de ne tenir compte de rien. Et troisièmement, interpréter la troisième condition comme assurant une protection supplémentaire des droits juridiques la rendrait essentiellement redondante compte tenu de la protection très similaire des droits juridiques assurée par la première condition énoncée à l'article 30 ("exception limitée").

7.69 Pour donner un sens à l'expression "intérêts légitimes" dans ce contexte, cette expression doit être définie de la façon dont elle est souvent utilisée dans le discours juridique – comme une allégation normative prévoyant la protection d'intérêts qui sont "justifiables" en ce sens qu'ils sont étayés par des politiques générales publiques pertinentes ou d'autres normes sociales. C'est le sens du mot qui apparaît souvent dans des déclarations telles que "X n'a pas d'intérêt légitime à avoir la possibilité de faire Y". Nous pouvons prendre comme exemple une des exceptions relevant de l'article 30 les plus largement utilisées dans les législations nationales relatives aux brevets  l'exception en vertu de laquelle l'utilisation du produit breveté à des fins d'expérimentation scientifique, pendant la durée du brevet et sans le consentement du titulaire, n'est pas une contrefaçon. On avance souvent l'argument selon lequel cette exception est fondée sur l'idée qu'un but essentiel de la politique générale publique sous-tendant les législations en matière de brevets est de faciliter la diffusion et le perfectionnement des connaissances techniques et qu'autoriser le titulaire du brevet à empêcher l'utilisation à des fins expérimentales pendant la durée du brevet compromettrait en partie le but de la prescription voulant que la nature de l'invention soit divulguée au public. Or, toujours selon cet argument, dans le cadre de la politique qui soustend les législations en matière de brevets, tant la société que les scientifiques ont un "intérêt légitime" à utiliser la divulgation du brevet pour favoriser le progrès de la science et de la technologie. Le Groupe spécial ne tire aucune conclusion quant à savoir si une exception nationale de ce genre est correcte au regard de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, mais il adopte le sens général donné à l'expression "intérêts légitimes" dans une analyse juridique de ce type.

7.70 L'historique de la négociation de l'Accord sur les ADPIC luimême n'apporte aucun autre éclairage sur le sens de l'expression "intérêts légitimes", mais l'historique de la négociation de l'article 9 2) de la Convention de Berne, dont s'inspire manifestement le texte de la troisième condition, tend effectivement à confirmer l'interprétation que le Groupe spécial donne de cette expression. S'agissant des négociations relatives à l'Accord sur les ADPIC ellesmêmes, le sens de plusieurs changements rédactionnels importants s'avère incertain lorsqu'on l'examine de plus près. Les dossiers de la négociation de l'Accord sur les ADPIC luimême montrent que les premiers projets de la disposition qui allait devenir l'article 30 envisageaient d'autoriser des "exceptions limitées" qui seraient définies par une liste exemplative d'exceptions – utilisation à des fins privées, utilisation à des fins scientifiques, utilisation antérieure, exception habituelle pour les pharmaciens, etc. Finalement, cette approche fondée sur une liste exemplative a été abandonnée au profit d'une autorisation plus générale suivant les grandes lignes de l'article 30 actuel. Les dossiers de la négociation de l'Accord sur les ADPIC n'expliquent pas ce qui a motivé cette décision.

7.71 Le texte de la version actuelle, plus générale, de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, a été à l'évidence établi sur la base du texte de l'article 9 2) de la Convention de Berne. L'article 9 2) de la Convention de Berne traite des exceptions au droit du détenteur d'un droit d'auteur d'exclure la reproduction de ses œuvres faisant l'objet du droit d'auteur sans permission. Il est ainsi libellé:

"Est réservée aux législations des pays de l'Union la faculté de permettre la reproduction [des] œuvres [littéraires et artistiques] dans certains cas spéciaux, pourvu qu'une telle reproduction ne porte pas atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur."

Le texte de l'article 9 2) de la Convention de Berne n'a pas été repris dans l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC sans modifications. Alors que la condition finale énoncée à l'article 9 2) de la Convention de Berne ("intérêts légitimes") fait simplement état des intérêts légitimes de l'auteur, les négociateurs de l'Accord sur les ADPIC ont ajouté à l'article 30 l'instruction selon laquelle il faut tenir compte des "intérêts légitimes des tiers". À défaut d'autres explications dans le dossier des négociations relatives à l'Accord sur les ADPIC, le Groupe spécial n'a toutefois pas été en mesure de donner une signification quant au fond à cette modification, autre que ce qui ressort déjà du texte lui-même, à savoir que la référence aux "intérêts légitimes des tiers" n'a de sens que si l'expression "intérêts légitimes" est interprétée comme un concept plus large que celui d'intérêts juridiques.

7.72 S'agissant du sens de l'article 9 2) de la Convention de Berne luimême, le Groupe spécial a examiné le rapport du comité de rédaction qui est généralement cité comme étant à cet égard l'explication qui fait le plus autorité. Le rapport du comité de rédaction indique ce qui suit:

"S'il est estimé que la reproduction ne porte pas atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre, il convient alors d'examiner si elle ne cause pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur. Seulement s'il n'en est pas ainsi, il serait possible dans certains cas spéciaux d'introduire une licence obligatoire ou de prévoir une utilisation sans paiement. À titre d'exemple pratique, la photocopie dans divers buts peut être mentionnée. Si elle consiste dans la confection d'un très grand nombre d'exemplaires, elle ne peut pas être permise, car elle porte atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre. Si elle implique la confection d'un nombre d'exemplaires relativement grand pour utilisation dans des entreprises industrielles, elle peut ne pas causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur, sous la condition que, selon la législation nationale, une rémunération équitable doive être versée. Si elle est faite en une petite quantité d'exemplaires, la photocopie peut être permise sans paiement, notamment pour un usage individuel ou scientifique."

Le Groupe spécial a reconnu que les exemples cités par le comité de rédaction concernaient le domaine du droit d'auteur et non les brevets, et qu'en outre ils se rapportaient à la situation telle qu'elle existait en 1967 et il s'est donc gardé de trop s'y référer pour déterminer le sens de l'article 30. Il a toutefois bel et bien constaté que les concepts d'"exploitation normale" et d'"intérêts légitimes" sur lesquels reposaient les trois exemples utilisés par le comité de rédaction étaient compatibles avec les définitions qu'il donnait luimême de ces concepts et de ce qui les différenciait.

7.73 En somme, après avoir examiné le sens ordinaire de l'expression "intérêts légitimes", telle qu'elle est utilisée à l'article 30, le Groupe spécial n'a pas été en mesure d'accepter l'interprétation des CE selon laquelle cette expression désignait les intérêts juridiques au titre de l'article 28:1. En conséquence, le Groupe spécial n'a pas été en mesure d'accepter l'argument principal des CE concernant la troisième condition énoncée à l'article 30. Il a constaté que l'argument des CE, fondé uniquement sur les droits juridiques du titulaire du brevet au titre de l'article 28:1, sans référence à aucune allégation normative plus précise concernant l'intérêt, ne constituait pas une allégation pertinente de non-conformité avec la troisième condition énoncée à l'article 30.

iii) Deuxième allégation concernant l'"intérêt légitime"

7.74 Après être parvenu à la conclusion qui précède concernant l'argument principal formulé par les CE au titre de la condition relative aux "intérêts légitimes" énoncée à l'article 30, le Groupe spécial s'est intéressé à un autre type d'argument présenté dans les déclarations faites par les CE et par une tierce partie. Ce deuxième type d'argument appelait l'attention sur le fait que les titulaires de brevets dont les produits innovants sont soumis à des prescriptions en matière d'approbation de commercialisation subissent une perte d'avantages économiques dans la mesure où les retards encourus pour obtenir l'approbation des pouvoirs publics les empêchent de commercialiser leurs produits pendant une partie importante de la durée du brevet. Selon les renseignements communiqués par le Canada, l'approbation réglementaire des produits pharmaceutiques nouveaux n'intervient généralement qu'environ huit à 12 ans après le dépôt de la demande de brevet, en raison du temps nécessaire pour achever la mise au point du produit et du temps nécessaire pour se conformer à la procédure réglementaire elle-même. Il en résulte donc, dans le cas des produits pharmaceutiques, que le producteur innovant est en fait en mesure de commercialiser son produit breveté uniquement pendant les huit à 12 années restantes de la durée de 20 ans du brevet de sorte qu'il bénéficie d'une période effective d'exclusivité commerciale qui ne représente que 40 à 60 pour cent de la période d'exclusivité normalement envisagée par une durée de 20 ans du brevet. Les CE ont fait valoir que les titulaires de brevets qui subissaient une réduction de l'exclusivité commerciale effective en raison de ces retards devraient être habilités à retarder de la même façon, dans le cadre des prescriptions réglementaires correspondantes, l'entrée sur le marché de produits concurrents. Selon les CE:

"Il n'y a pas de raison pour que l'entreprise de produits pharmaceutiques fondée sur la recherche soit obligée d'accepter la conséquence économique de l'érosion de la durée du brevet résultant de prescriptions en matière d'approbation de commercialisation qui ramènent la durée effective de la protection dont elle bénéficie à 12-8 ans alors qu'il faudrait entièrement compenser la conséquence économique qu'a pour le producteur de copies la nécessité d'obtenir une approbation de commercialisation pour son produit générique, et ce au détriment de l'inventeur et du détenteur du brevet."

Appliqué à l'exception pour l'examen réglementaire, cet argument impliquait la suppression de ces exceptions afin que les titulaires de brevets puissent utiliser leurs droits de brevet exclusifs pour empêcher les concurrents de se lancer dans la mise au point de produits et d'engager le processus d'examen réglementaire avant l'expiration du brevet. La suppression de l'exception aurait pour résultat de permettre aux titulaires de brevets de créer une période d'exclusivité commerciale de facto supplémentaire après l'expiration du brevet, pendant le temps qu'il faudrait aux producteurs concurrents pour achever la mise au point du produit et obtenir l'approbation de commercialisation.

7.75 L'allégation normative formulée dans ce deuxième argument reposait en dernière analyse sur une allégation concernant l'égalité de traitement pour tous les titulaires de brevets. Toujours selon cet argument, la politique générale sous-tendant les législations en matière de brevets vise à donner aux producteurs innovants l'avantage de l'exclusivité commerciale pendant la durée de 20 ans du brevet. Bien que les législations en matière de brevets ne garantissent pas que les titulaires de brevets tireront des avantages économiques de cette possibilité, la plupart d'entre eux ont au moins la possibilité juridique de commercialiser le produit breveté pendant la totalité ou la quasi-totalité de cette période de 20 ans d'exclusivité commerciale. Les producteurs dont les produits sont soumis aux prescriptions en matière d'approbation réglementaire peuvent être privés de cette possibilité pendant une partie importante de la période de 20 ans.

7.76 Selon l'interprétation de l'article 30 donnée par le Groupe spécial, cet argument pourrait être considéré comme une allégation concernant l'"intérêt légitime" au titre de la troisième condition énoncée à l'article 30. Il se distinguait de l'allégation formulée au titre de la deuxième condition énoncée à l'article 30 ("exploitation normale"), parce qu'il ne reposait pas sur une allégation d'intérêt au sens "normal" qui était de tirer des avantages commerciaux d'un brevet. En fait, il s'agissait d'une allégation d'intérêt spécifique, reposant sur une situation spécifique applicable uniquement aux titulaires de brevets affectés par les prescriptions en matière d'approbation de commercialisation, demandant un moyen d'exploitation additionnel, en sus de l'"exploitation normale", pour compenser le désavantage spécifique prétendument subi par ce groupe particulier de demandeurs.

7.77 Le Groupe spécial a donc examiné si l'intérêt allégué devrait être considéré comme un "intérêt légitime" au sens de l'article 30. La question essentielle était de savoir si la base normative de cette allégation reposait sur une norme de politique générale largement reconnue.

7.78 Le type d'allégation normative présenté par les CE a été corroboré par un certain nombre de gouvernements qui ont institué des prolongations de jure de la durée des brevets, essentiellement dans le cas des produits pharmaceutiques, pour compenser la diminution de facto de la période normale d'exclusivité commerciale due aux retards survenant dans l'obtention de l'approbation de commercialisation. Selon les renseignements communiqués au Groupe spécial, de telles prolongations ont été instituées par les Communautés européennes, la Suisse, les ÉtatsUnis, le Japon, l'Australie et Israël. Les CE et la Suisse l'ont fait tout en autorisant les titulaires de brevets à continuer d'utiliser leurs droits exclusifs pour obtenir une prolongation de facto additionnelle de l'exclusivité commerciale en empêchant les concurrents de demander l'approbation réglementaire pendant la durée du brevet. Les autres pays qui ont institué des prolongations de jure de la durée des brevets ont également, soit par voie législative, soit par décision judiciaire, créé une exception pour l'examen réglementaire semblable à celle qui est prévue à l'article 55.2 1), éliminant ainsi la possibilité d'une prolongation de facto additionnelle de l'exclusivité commerciale.

7.79 Cette réaction positive à la demande d'ajustement compensatoire n'a toutefois pas été universelle. Outre le Canada, plusieurs pays ont adopté, ou sont en train d'adopter, des exceptions pour l'examen réglementaire semblable à celle qui est prévue à l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets canadienne, supprimant ainsi la prolongation de facto de l'exclusivité commerciale, mais ces pays n'ont pas institué, et n'envisagent pas d'instituer, de prolongations de jure de la durée des brevets pour les producteurs lésés par les retards dans l'octroi de l'approbation de commercialisation. Lorsque des exceptions pour l'examen réglementaire sont instituées de cette manière, elles représentent une décision de ne restituer aucune partie de la période d'exclusivité commerciale correspondant aux retards survenant dans l'obtention de l'approbation de commercialisation. Considérées dans leur ensemble, ces décisions des gouvernements peuvent représenter soit un désaccord avec l'allégation normative formulée par les CE dans la présente procédure, soit simplement une conclusion selon laquelle de telles allégations ont moins de poids que d'autres intérêts également légitimes.

7.80 Dans la présente procédure, le Canada a explicitement contesté la légitimité de l'intérêt allégué. Comme il est indiqué plus haut, il semblait interpréter l'expression "intérêts légitimes" conformément à l'avis du Groupe spécial selon lequel cette expression constituait un critère normatif largement reconnu. Le Canada a affirmé ce qui suit:

"[M]algré l'avantage économique qu'il s'assurera personnellement en agissant ainsi, le titulaire d'un brevet ne pouvait avoir aucun intérêt légitime découlant du droit des brevets à exercer ses droits d'utilisation exclusive ou à recourir aux moyens de faire respecter ses droits pendant la période de protection afin d'obtenir, par l'exploitation de la législation en matière d'examen réglementaire, une prolongation de facto de cette période de protection audelà de la durée prescrite, modifiant ainsi unilatéralement le marché qu'il avait conclu avec la société. À cet égard, les intérêts du titulaire d'un brevet relatif à une invention pharmaceutique ne pouvaient être différents de ceux des titulaires de brevets concernant d'autres domaines technologiques."

7.81 L'argument du Canada selon lequel tous les domaines technologiques doivent être traités de la même façon écartait implicitement l'argument des CE selon lequel les domaines technologiques affectés par les prescriptions en matière d'approbation de commercialisation devraient se voir attribuer en compensation certains avantages additionnels en matière de commercialisation. Le Canada a été prié par le Groupe spécial d'expliquer la distinction entre la décision qu'il avait prise à l'article 55.2 1) de supprimer le retard survenant dans l'obtention de l'approbation de commercialisation pour les producteurs concurrents désireux d'entrer sur le marché après l'expiration du brevet et sa décision de ne pas remédier au retard semblable subi par le titulaire du brevet lui-même ou le compenser. Le Canada a répondu que la diminution de facto de l'exclusivité commerciale pour les titulaires de brevets était une conséquence inévitable du temps nécessaire pour garantir et démontrer l'innocuité et l'efficacité du produit, alors que le retard imposé aux concurrents par l'utilisation des droits de brevet pour empêcher la mise au point des produits et l'engagement du processus d'examen réglementaire pendant la durée du brevet n'était ni une chose nécessaire à l'innocuité du produit ni par ailleurs une utilisation appropriée des droits de brevet. La réponse du Canada amenait à se demander en outre dans quelle mesure les retards en matière de commercialisation enregistrés par les titulaires de brevets étaient effectivement le résultat d'une action réglementaire de l'État et non la conséquence normale de la procédure à suivre pour mettre au point des produits de ce type.

7.82 Au total, le Groupe spécial a conclu que l'intérêt allégué aux noms des titulaires de brevets dont la période effective d'exclusivité commerciale avait été réduite par des retards survenant dans l'obtention de l'approbation de commercialisation n'était ni impérieux ni largement reconnu au point de pouvoir être considéré comme un "intérêt légitime" au sens de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC. Malgré le nombre de gouvernements qui avaient réagi de manière positive face à cet intérêt allégué en accordant à titre de compensation la prolongation de la durée des brevets, la question ellemême se posait depuis assez peu de temps et il y avait manifestement toujours des divergences entre les gouvernements sur le bien-fondé de ces allégations. En outre, le Groupe spécial pensait qu'il était significatif que les préoccupations concernant les exceptions pour l'examen réglementaire en général, quoique bien connues au moment des négociations relatives à l'Accord sur les ADPIC, n'étaient apparemment pas assez claires ou assez impérieuses pour être explicitement inscrites au programme officiel de ces négociations. Il pensait que le concept d'"intérêts légitimes" énoncé à l'article 30 ne devrait pas être utilisé pour trancher, de manière impérative, une question de politique normative qui faisait manifestement toujours l'objet d'un débat politique à l'issue incertaine.

7.83 En conséquence, ayant examiné les deux allégations concernant l'"intérêt légitime" présentées par les CE et ayant constaté que ni l'un ni l'autre de ces intérêts allégués ne pouvaient être considérés comme des "intérêts légitimes" au sens de la troisième condition énoncée à l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, le Groupe spécial a conclu que le Canada lui avait démontré de façon convaincante que l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets canadienne ne causait pas un préjudice aux "intérêts légitimes" des titulaires de brevets affectés, au sens de l'article 30.

iv) Conclusion concernant la conformité de l'article 55.2 1) à l'article 30

7.84 Ayant examiné la conformité de l'article 55.2 1) à chacune des trois conditions régissant une exception au titre de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, le Groupe spécial a conclu que l'article 55.2 1) satisfaisait bien à chacune des trois conditions énoncées à l'article 30 et n'était donc pas incompatible avec les obligations du Canada au titre de l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC.

2) APPLICATION DE L'ARTICLE 27:1 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

7.85 Les CE ont allégué que l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets du Canada était également contraire aux obligations découlant de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC. L'article 27:1 dispose ce qui suit:

"Article 27
Objet brevetable

1. Sous réserve des dispositions des paragraphes 2 et 3, un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle. Sous réserve des dispositions du paragraphe 4 de l'article 65, du paragraphe 8 de l'article 70 et du paragraphe 3 du présent article, des brevets pourront être obtenus et il sera possible de jouir de droits de brevet sans discrimination quant au lieu d'origine de l'invention, au domaine technologique et au fait que les produits sont importés ou sont d'origine nationale." (pas d'italique dans l'original)

7.86 Les CE ont fait valoir que la règle antidiscrimination énoncée cidessus dans le passage en italique du texte de l'article 27:1 exigeait non seulement que les droits de brevet essentiels pouvant être obtenus au titre de l'article 28 soient non discriminatoires, mais aussi que toute exception à ces droits fondamentaux faite au titre des articles 30 et 31 soit également non discriminatoire. Ainsi, concluaient les CE, l'article 27:1 exige que l'exception créée par l'article 55.2 1) soit non discriminatoire. Les CE ont soutenu que l'article 55.2 1) n'était pas conforme aux obligations découlant de l'article 27:1, parce qu'il était limité, aussi bien de jure que de facto, aux seuls produits pharmaceutiques, et établissait donc une discrimination quant au domaine technologique.

7.87 Le Canada a présenté deux moyens de défense contre l'allégation des CE concernant une violation de l'article 27:1. Premièrement, il a fait valoir que la règle de la nondiscrimination énoncée à l'article 27:1 ne s'appliquait pas aux exceptions invoquées au titre de l'article 30. Deuxièmement, il a fait valoir que l'article 55.2 1) n'établissait pas une discrimination à l'encontre des produits pharmaceutiques. Le Groupe spécial a examiné l'un après l'autre ces deux moyens de défense.

a) Applicabilité de l'article 27:1 aux exceptions relevant de l'article 30

7.88 Le Canada a exprimé l'opinion selon laquelle la mention faite à l'article 27:1 des "droits de brevet" dont il devait être possible de jouir sans discrimination quant au domaine technologique visait les droits fondamentaux énumérés à l'article 28:1 sous réserve de toute exception qui pouvait être faite au titre de l'article 30. En d'autres termes, les gouvernements peuvent établir une discrimination lorsqu'ils font les exceptions "limitées" autorisées au titre de l'article 30, mais ils ne peuvent pas établir une discrimination quant aux droits de brevet tels qu'ils sont modifiés par ces exceptions.

7.89 Pour étayer cette opinion, le Canada a fait valoir que la portée de l'article 30 deviendrait insignifiante si les gouvernements étaient tenus de traiter tous les domaines technologiques de la même façon, car si toutes les exceptions devaient s'appliquer à chaque produit, il serait beaucoup plus difficile de satisfaire à la prescription voulant que les exceptions relevant de l'article 30 soient "limitées". Il serait aussi beaucoup plus difficile de cibler les problèmes sociaux particuliers tels qu'ils sont prévus, selon le Canada, aux articles 7 et 8 de l'Accord sur les ADPIC. Inversement, a fait valoir le Canada, exiger que les exceptions s'appliquent à tous les produits entraînerait une privation inutile de droits de brevet dans le cas des produits pour lesquels le plein exercice des droits de brevet ne pose pas de problème.

7.90 Le Canada a reconnu que cette position soulevait certaines difficultés d'ordre textuel. Il a reconnu que deux des objectifs essentiels de l'article 27:1 étaient d'éliminer deux formes de discrimination qui avaient été pratiquées à l'encontre des produits pharmaceutiques et de certains autres produits – soit un refus de la brevetabilité pour ces produits soit, si des brevets étaient délivrés, des licences obligatoires automatiques permettant à des tiers de fabriquer ces produits moyennant une redevance. Il a reconnu que pour empêcher la discrimination quant aux licences obligatoires, la règle de la nondiscrimination énoncée à l'article 27 avait été rendue applicable à l'article 31 de l'Accord sur les ADPIC, qui accordait une exception limitée pour les licences obligatoires dans des conditions déterminées. Pour défendre sa position, le Canada était donc tenu d'expliquer comment l'article 27:1 pouvait s'appliquer aux exceptions faites au titre de l'article 31, mais pas aux exceptions faites au titre de la disposition voisine relative aux exceptions figurant à l'article 30. Le Canada a fait valoir que l'article 31 avait un caractère d'"obligation" alors que l'article 30 avait un caractère d'"autorisation" et qu'en raison de cette distinction il convenait d'appliquer la disposition relative à la nondiscrimination au premier, mais pas au second.

7.91 Le Groupe spécial n'a pas été en mesure de souscrire à la thèse du Canada selon laquelle l'article 27:1 ne s'appliquait pas aux exceptions accordées au titre de l'article 30. Rien dans le texte de l'Accord sur les ADPIC n'étaye une telle interprétation. L'article 27:1 interdit la discrimination quant à la jouissance de "droits de brevet" sans restreindre la portée de ce terme. Les exceptions relevant de l'article 30 sont explicitement décrites comme des "exceptions ... aux droits exclusifs conférés par un brevet" et il n'y est pas indiqué que l'intention est de déroger en quoi que ce soit aux règles de la nondiscrimination. Une exception discriminatoire qui enlève la jouissance d'un droit de brevet est une discrimination tout autant qu'une discrimination au niveau des droits fondamentaux euxmêmes. Le fait reconnu que l'exception prévue à l'article 31 pour les licences obligatoires et l'utilisation par les pouvoirs publics est interprétée comme étant soumise à la règle de la nondiscrimination énoncée à l'article 27:1, sans qu'une disposition textuelle à cet effet soit nécessaire, est une raison de plus de considérer les règles de la nondiscrimination comme applicables à l'article 30. Les articles 30 et 31 sont liés entre eux par le texte introductif de l'article 31 qui définit la portée de l'article 31 en fonction des exceptions non couvertes par l'article 30. Enfin, le Groupe spécial ne pouvait pas approuver la tentative faite par le Canada d'établir une distinction entre les articles 30 et 31 sur la base de leur caractère d'obligation/d'autorisation; les deux dispositions autorisent des exceptions aux droits de brevet sous réserve de certaines conditions obligatoires. Il ne pouvait pas non plus comprendre comment une telle distinction "obligation/autorisation", même si elle existait, permettrait logiquement de faire le type de distinction dont le Canada se prévalait. De l'avis du Groupe spécial, ce qui importait c'était que dans les droits prévus par la législation nationale, c'estàdire ceux qui résultaient des droits fondamentaux et de toute exception autorisée à ces droits, les formes de discrimination visées à l'article 27:1 n'existent pas.

7.92 Le Groupe spécial n'était pas non plus en mesure d'accepter les arguments relatifs à la politique générale présentés à l'appui de l'interprétation de l'article 27 donnée par le Canada. Tout d'abord, il n'est pas vrai qu'être en mesure d'établir une discrimination à l'encontre de brevets particuliers permettra de satisfaire à la prescription de l'article 30 selon laquelle l'exception doit être "limitée". On ne peut pas rendre "limitée" une exception au titre de l'article 30 en la limitant à un seul domaine technologique, car il faut constater que les effets de chaque exception sont "limités" lorsqu'ils sont mesurés pour chaque brevet affecté. En outre, il n'est pas vrai que l'article 27 exige que toutes les exceptions prévues à l'article 30 soient appliquées à tous les produits. L'article 27 interdit uniquement la discrimination quant au lieu d'origine de l'invention, au domaine technologique et au fait que les produits sont importés ou sont d'origine nationale. L'article 27 n'interdit pas les exceptions de bonne foi pour traiter des problèmes qui peuvent se poser uniquement dans certains secteurs de produits. De plus, dans la mesure où l'interdiction de la discrimination limite effectivement la possibilité de cibler certains produits pour donner suite à certaines des politiques nationales importantes visées aux articles 7 et 8:1, ce fait peut fort bien constituer une limitation délibérée plutôt qu'un obstacle à la réalisation du but poursuivi. Il est fort plausible, comme les CE l'ont fait valoir, que l'Accord sur les ADPIC vise à exiger que les gouvernements appliquent les exceptions d'une manière non discriminatoire, en vue de s'assurer que les gouvernements ne succombent pas à des pressions internes les incitant à limiter les exceptions aux domaines où les détenteurs de droits sont en général des producteurs étrangers.

7.93 Le Groupe spécial a conclu, en conséquence, que la règle antidiscrimination énoncée à l'article 27:1 s'appliquait effectivement aux exceptions du type de celles qui étaient autorisées par l'article 30. Nous allons maintenant examiner la question de savoir si l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets canadienne établit une discrimination quant aux domaines technologiques.

b) Discrimination quant au domaine technologique

7.94 Les principales dispositions de l'Accord sur les ADPIC qui traitent de la discrimination, comme les dispositions des articles 3 et 4 relatives au traitement national et au traitement de la nation la plus favorisée, ne contiennent pas le mot "discrimination". Elles sont formulées en termes plus précis. Le sens ordinaire du mot "discrimination" peut être plus large que ces définitions plus spécifiques. Il va certainement audelà du concept de traitement différencié. Il s'agit d'un terme normatif, à connotation péjorative, désignant les résultats de l'imposition injustifiée d'un traitement défavorable à différents degrés. La discrimination peut découler d'un traitement explicitement différent, c'est ce que l'on appelle parfois la "discrimination de jure", mais elle peut aussi découler d'un traitement en apparence identique qui, en raison de différences dans les circonstances, produit des effets défavorables à différents degrés, c'est ce que l'on appelle parfois la "discrimination de facto". Les critères au regard desquels le bienfondé d'un traitement différencié est évalué constituent une question extrêmement complexe. Le terme "discrimination" doit être évité chaque fois qu'il existe des critères plus précis et, lorsqu'il est utilisé, il doit être interprété avec prudence et en prenant soin de ne pas être plus précis que ne l'est le concept luimême.

7.95 Les Communautés européennes ont reconnu que le libellé de l'exception pour l'examen réglementaire prévue à l'article 55.2 1) ne limitait pas son application aux produits pharmaceutiques. Les termes utilisés protègent un comportement pouvant être constitutif d'atteinte:

"dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information qu'oblige à fournir une loi ... réglementant la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente d'un produit".

Pris à la lettre, ces mots s'appliquent à l'un quelconque d'une gamme étendue de produits dont la commercialisation nécessite une approbation réglementaire. Les CE ellesmêmes ont mentionné les produits agricoles, les denrées alimentaires, les produits cosmétiques, les automobiles, les navires et les aéronefs comme étant des produits pour lesquels une approbation réglementaire est souvent nécessaire. 

7.96 Les CE ont toutefois fait observer que les produits pharmaceutiques étaient les seuls produits mentionnés lors des débats législatifs tenus en 1991 au Canada sur l'adoption de l'article 55.2 1). Elles ont également affirmé que l'article 55.2 1) était "en fait appliqué uniquement aux produits pharmaceutiques". Ces affirmations ont abouti à deux allégations distinctes de discrimination. Selon la première allégation de discrimination, le fait que la genèse législative avait été axée sur les produits pharmaceutiques déterminait effectivement la portée juridique de la mesure, de sorte que, en droit, l'article 55.2 1) s'appliquait uniquement aux produits pharmaceutiques. Si tel est le cas, on pourrait dire que l'article 55.2 1) impose une discrimination de jure à l'encontre des produits pharmaceutiques. Selon la deuxième allégation de discrimination, quelle que soit la portée de jure de l'article 55.2 1), les effets réels de l'article 55.2 1) sont limités aux fabricants de produits pharmaceutiques et ces effets différenciés constituent un cas de discrimination de facto.

7.97 Le Canada a nié que la portée de jure de l'article 55.2 1) soit limitée aux produits pharmaceutiques. Il a appelé l'attention sur les termes utilisés dans cette disposition rendant l'exception applicable à "un produit" pour lequel il fallait une approbation de commercialisation. Le Canada a effectivement informé le Groupe spécial d'une décision d'une juridiction inférieure ayant trait à l'invocation de l'article 55.2 1) par un fabricant d'un appareil médical, affirmant que la genèse législative de l'article 55.2 1) limitait sa portée juridique aux produits pharmaceutiques brevetés. Cette décision ellemême a toutefois été infirmée en appel, mais uniquement au motif qu'une telle affirmation ne pouvait pas être faite dans le cadre d'une procédure sommaire, une décision concernant la portée juridique de la loi devant être prise dans le cadre d'une procédure judiciaire complète. Aucun fait nouveau concernant cette affaire ou d'autres interprétations judiciaires pertinentes de l'article 55.2 1) n'ont été portés à l'attention du Groupe spécial. S'agissant de l'allégation selon laquelle les effets réels de l'article 55.2 1) étaient limités aux fabricants de produits pharmaceutiques, le Canada fait observer que la décision juridique mentionnée plus haut concernait effectivement un fabricant d'appareils médicaux qui avait utilisé l'article 55.2 1) comme moyen de défense contre une allégation de contrefaçon.

7.98 Lorsqu'il a examiné comment traiter ces allégations contradictoires de discrimination, le Groupe spécial s'est rappelé que diverses allégations de discrimination, de jure et de facto, avaient fait l'objet de décisions juridiques dans le cadre du GATT ou de l'OMC. Ces décisions ont porté sur la question de savoir si les mesures étaient en contradiction avec diverses dispositions du GATT ou de l'OMC interdisant des formes de discrimination définies de diverses manières. Comme l'Organe d'appel l'a clairement indiqué à maintes reprises, chacune de ces dispositions a nécessairement été prise sur la base du texte juridique précis en cause, de sorte qu'il n'est pas possible de les considérer comme des applications d'un concept général de discrimination. Étant donné la gamme très étendue de questions que pourrait soulever la définition du mot "discrimination" figurant à l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC, le Groupe spécial a décidé qu'il vaudrait mieux ne pas essayer de définir ce terme d'emblée, mais plutôt déterminer quelles questions étaient soulevées par le dossier qui lui était soumis et définir le concept de discrimination dans la mesure nécessaire pour résoudre ces questions.

7.99 S'agissant de la question de la discrimination de jure, le Groupe spécial a conclu que les Communautés européennes n'avaient pas présenté des éléments de preuve suffisants pour soulever la question face à la déclaration formelle du Canada selon laquelle l'exception prévue à l'article 55.2 1) n'était pas limitée aux produits pharmaceutiques. Faute d'autres éléments de preuve, le libellé de la loi obligeait le Groupe spécial à accepter l'assurance donnée par le Canada que l'exception existait légalement pour chacun des produits qui étaient soumis à des prescriptions en matière d'approbation de commercialisation. Au moment d'établir cette conclusion, le Groupe spécial a pris acte du fait que la constatation juridique de conformité qu'il avait formulée sur ce point était fondée sur une constatation concernant le sens de la législation canadienne, laquelle était à son tour fondée sur les déclarations du Canada concernant le sens de cette législation, et que cette constatation de conformité ne serait plus justifiée si, et dans la mesure où, les déclarations du Canada concernant le sens de cette législation s'avéraient inexactes.

7.100 Le Groupe spécial est ensuite passé à la question de la discrimination de facto. Il ressortait de leur réponse aux questions du Groupe spécial que les CE avaient effectivement l'intention de soulever la question de la discrimination de facto, mais elles ne proposaient pas une définition formelle de la discrimination de facto ni n'exposaient de manière systématique les éléments de preuve concernant les éléments d'un tel concept. L'Australie et les ÉtatsUnis, tierces parties à la procédure, se sont référés à des décisions juridiques antérieures du GATT et de l'OMC traitant de la discrimination de facto, mais essentiellement en vue de suggérer le principe de l'image inversée – selon lequel un traitement différencié ne constitue pas toujours une "discrimination". Le Canada ne s'est pas associé aux opinions de l'Australie et des ÉtatsUnis. Bien que les arguments sur la question de la discrimination de facto aient été peu développés, le Groupe spécial a conclu qu'il était tenu, par son mandat, d'examiner cette question une fois qu'elle avait été soulevée et il a en conséquence procédé à l'examen de l'allégation de violation pour discrimination de facto en se fondant sur son propre examen du dossier à la lumière des concepts généralement associés à des allégations de discrimination de facto.

7.101 Comme il est indiqué plus haut, la discrimination de facto est une expression générale décrivant la conclusion juridique selon laquelle une mesure neutre en apparence transgresse une norme de nondiscrimination parce que son effet réel est d'imposer des conséquences défavorables à différents degrés à certaines parties et parce qu'il est constaté que ces effets différenciés sont inopportuns ou injustifiables. L'application de ce concept général dans la plupart des systèmes juridiques fait intervenir deux grandes questions. L'une est la question de l'effet discriminatoire de facto – consistant à savoir si l'effet réel de la mesure est d'imposer des conséquences défavorables à différents degrés à certaines parties. L'autre, liée à la justification des effets défavorables, est la question du but – il ne s'agit pas de faire des recherches sur les buts subjectifs des fonctionnaires responsables de la mesure, mais sur les caractéristiques objectives de la mesure à partir desquelles on peut déduire l'existence ou la non-existence d'objectifs discriminatoires.

7.102 S'agissant de la première question – les effets réels de la mesure – les CE avaient fait valoir que, malgré son champ d'application potentiellement large englobant de nombreuses branches de production, l'exception créée par l'article 55.2 1) était "en fait" appliquée uniquement aux brevets pharmaceutiques. Le Groupe spécial n'a pas reçu de renseignements systématiques sur les diverses branches de production qui ont réellement invoqué l'article 55.2 1). En l'absence de tels renseignements, la question essentielle était celle de savoir s'il y avait une quelconque raison pratique pour laquelle l'exception pour l'examen réglementaire fonctionnerait en réalité uniquement au détriment des fabricants de produits pharmaceutiques brevetés. Le Groupe spécial a demandé aux parties d'indiquer toutes considérations pratiques qui limiteraient le champ d'application de l'article 55.2 1) aux produits pharmaceutiques, mais aucune indication de ce genre n'a été donnée. Il n'a pas non plus été en mesure de trouver une telle raison pratique dans les renseignements dont il disposait. Il a conclu que les CE n'avaient pas démontré que l'article 55.2 1) avait eu un effet discriminatoire limité aux produits pharmaceutiques brevetés.

7.103 S'agissant de la question du but discriminatoire, les CE avaient souligné à plusieurs occasions qu'au cours du débat public sur l'article 55.2 1), tous les participants concernés s'étaient exclusivement intéressés à l'incidence de la mesure sur les produits pharmaceutiques, les arguments aussi bien pour que contre cette mesure ayant tourné autour de ce seul aspect. Le Canada ne contestait pas cette présentation des débats publics.

7.104 Le Groupe spécial n'a pas constaté que ces éléments de preuve provenant des débats sur l'article 55.2 1) étaient des éléments de preuve convaincants indiquant un but discriminatoire. Assurément, ces éléments de preuve montrent clairement que la raison essentielle pour laquelle la mesure a été adoptée était son effet sur la promotion de la concurrence dans le secteur pharmaceutique. Cela ressort également de la façon dont le Canada a justifié la mesure pendant la présente procédure de règlement des différends. Mais le fait de se préoccuper des effets d'une loi dans un domaine ne signifie pas nécessairement que les dispositions applicables aux autres domaines sont un simulacre ou n'ont aucune importance réelle ou potentielle. Des problèmes individuels sont souvent l'élément moteur d'actions législatives d'une portée plus large. La portée plus large de la mesure correspond généralement à un principe juridique important selon lequel les règles appliquées dans le domaine d'intérêt primordial devraient aussi être appliquées aux autres domaines où se pose le même problème. En fait, dans de nombreux systèmes juridiques, le souhait de tous est que les principes fondamentaux de la législation soient appliqués aussi largement que possible. Tant que l'application plus large n'est pas un simulacre, la législation ne peut être considérée comme discriminatoire. En l'absence de toute preuve établissant que la portée plus large était un simulacre, il faut constater que la concentration évidente de l'attention du public sur les effets de l'article 55.2 1) sur l'industrie pharmaceutique n'est pas en soi un élément de preuve indiquant un but discriminatoire.

7.105 En somme, le Groupe spécial a constaté que des éléments de preuve versés au dossier qui lui était soumis ne donnaient pas lieu à une allégation plausible de discrimination au titre de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC. Il n'était pas prouvé que la portée juridique de l'article 55.2 1) était limitée aux produits pharmaceutiques, ce qui serait normalement nécessaire pour pouvoir formuler une allégation de discrimination de jure. De même, il n'était pas prouvé que les effets néfastes de l'article 55.2 1) étaient limités à l'industrie pharmaceutique, ni que les indications objectives concernant le but démontraient que le but était d'imposer des désavantages pour les brevets pharmaceutiques en particulier, ce qui est souvent nécessaire pour pouvoir formuler une allégation de discrimination de facto. Ayant constaté que le dossier ne faisait apparaître aucun de ces éléments fondamentaux d'une allégation de discrimination, le Groupe spécial a été en mesure de constater que l'article 55.2 1) n'était pas incompatible avec les obligations du Canada au titre de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC. Du fait que le dossier ne comportait pas de questions exigeant qu'une interprétation plus précise soit donnée du terme "discrimination" figurant à l'article 27:1, cela n'a pas été fait.

cONCLUSIONS
8.1 Compte tenu des constatations exposées ci-dessus, le Groupe spécial a conclu ce qui suit:

1) L'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets du Canada n'est pas incompatible avec les obligations du Canada au titre de l'article 27:1 et l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC.

2) L'article 55.2 2) de la Loi sur les brevets du Canada n'est pas compatible avec les prescriptions de l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC.

En conséquence, le Groupe spécial recommande que l'Organe de règlement des différends demande au Canada de rendre l'article 55.2 2) conforme à ses obligations au titre de l'Accord sur les ADPIC.

ANNEXE 1


Organisation Mondiale
du CommerceWT/DS114/5
12 novembre 1998(98-4503)Original: anglais



Canada - protection conférée PAR UN BREVET
pour les produits pharmaceutiques

Demande d'établissement d'un groupe spécial présentée par les Communautés européennes


La communication ciaprès, datée du 11 novembre 1998, adressée par la Délégation permanente de la Commission européenne au Président de l'Organe de règlement des différends, est distribuée conformément à l'article 6:2 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends.

_______________


D'ordre de mes autorités, j'ai l'honneur de présenter la demande ciaprès au nom des Communautés européennes et de leurs États Membres pour que l'Organe de règlement des différends l'examine à sa prochaine réunion.

L'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce figurant à l'Annexe 1C de l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (ciaprès dénommé l'"Accord sur les ADPIC") oblige les Membres de l'Organisation mondiale du commerce (ciaprès dénommée l'"OMC") qui appliquent l'Accord depuis le 1er janvier 1996 (article 65:1 de l'Accord sur les ADPIC) à accorder la protection conférée par un brevet pour l'objet spécifié à l'article 27 de l'Accord sur les ADPIC pendant une période déterminée. Plus précisément, l'Accord sur les ADPIC dispose:

- à l'article 27:1, que "[…] des brevets pourront être obtenus et il sera possible de jouir de droits de brevet sans discrimination quant au lieu d'origine de l'invention, au domaine technologique et au fait que les produits sont importés ou sont d'origine nationale";

- à l'article 28, qu'un brevet conférera à son titulaire le droit exclusif d'empêcher des tiers agissant sans son consentement d'accomplir les actes ciaprès: fabriquer, utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer le produit breveté;

- à l'article 33, que "la durée de la protection offerte ne prendra pas fin avant l'expiration d'une période de 20 ans à compter de la date du dépôt".

Or, le régime juridique en vigueur actuellement au Canada permet à un tiers, en ce qui concerne les brevets pharmaceutiques uniquement, d'utiliser l'invention brevetée sans le consentement du détenteur du brevet pour:

- procéder aux expériences et essais nécessaires (preuve de l'innocuité et de la bioéquivalence) pour obtenir une approbation de commercialisation de la copie d'un médicament nouveau avant l'expiration du brevet y relatif afin d'avoir accès au marché immédiatement après l'expiration du brevet (en particulier, article 55.2 1) de la Loi sur les brevets);

- fabriquer et stoker des produits brevetés pendant six mois au maximum avant l'expiration du brevet pour les vendre après celleci (en particulier, article 55.2 2) de la Loi sur les brevets, conjointement avec le Règlement sur la production et l'emmagasinage des médicaments brevetés).

En conséquence de ce qui précède, il apparaît que le régime juridique du Canada est incompatible avec les obligations résultant pour ce pays de l'Accord sur les ADPIC, y compris mais non exclusivement les articles 27, 28 et 33 de l'Accord sur les ADPIC.

Dans une communication, datée du 19 décembre 1997 (WT/DS114/1), les Communautés européennes et leurs États membres ont demandé l'ouverture de consultations avec le Canada conformément à l'article 4 du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le Règlement des différends, figurant à l'Annexe 2 de l'Accord sur l'OMC, et à l'article 64 de l'Accord sur les ADPIC, qui renvoie à l'article XXII de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT de 1994). Des consultations ont eu lieu les 13 février et 12 juin 1998, mais n'ont pas abouti à un règlement satisfaisant du différend.

En conséquence, les Communautés européennes et leurs États membres demandent qu'un groupe spécial soit établi pour examiner cette question à la lumière des dispositions pertinentes de l'Accord sur les ADPIC et constater que le Canada ne se conforme pas aux obligations énoncées aux articles 27, 28 et 33 de l'Accord sur les ADPIC et annule et compromet ainsi des avantages résultant pour les Communautés européennes et leurs États membres directement ou indirectement de l'Accord sur les ADPIC.

Les Communautés européennes et leurs États membres demandent que le groupe spécial soit doté du mandat type énoncé à l'article 7 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends.

ANNEXE 2

RÈGLEMENT SUR LES ALIMENTS ET DROGUES
PARTIE C.08


C.08.001. Pour l'application de la Loi et du présent titre, "drogue nouvelle" désigne:
a) une drogue qui est constituée d'une substance ou renferme une substance, sous forme d'ingrédient actif ou inerte, de véhicule, d'enrobage, d'excipient, de solvant ou de tout autre constituant, laquelle substance n'a pas été vendue comme drogue au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l'innocuité et l'efficacité de ladite substance employée comme drogue,
b) une drogue qui entre dans une association de deux drogues ou plus, avec ou sans autre ingrédient, qui n'a pas été vendue dans cette association particulière, ou dans les proportions de ladite association pour ces drogues particulières, pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l'innocuité et l'efficacité de cette association ou de ces proportions employées comme drogue, ou
c) une drogue pour laquelle le fabricant prescrit, recommande, propose ou déclare un usage comme drogue ou un mode d'emploi comme drogue, y compris la posologie, la voie d'administration et la durée d'action, et qui n'a pas été vendue pour cet usage ou selon ce mode d'emploi au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l'innocuité et l'efficacité de cet usage ou de ce mode d'emploi pour ladite drogue. DORS/95-172, art. 2.

C.08.001.1. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent titre.
"produit de référence canadien". Selon le cas:
a) une drogue pour laquelle un avis de conformité a été délivré aux termes de l'article C.08.004 et qui est commercialisée au Canada par son innovateur;
b) une drogue jugée acceptable par le Ministre qui peut être utilisée pour la détermination de la bioéquivalence d'après les caractéristiques pharmaceutiques et, le cas échéant, les caractéristiques en matière de biodisponibilité, lorsqu'une drogue pour laquelle un avis de conformité a été délivré aux termes de l'article C.08.004 ne peut être utilisée à cette fin parce qu'elle n'est plus commercialisée au Canada;
c) une drogue jugée acceptable par le Ministre qui peut être utilisée pour la détermination de la bioéquivalence d'après les caractéristiques pharmaceutiques et, le cas échéant, les caractéristiques en matière de biodisponibilité, par comparaison à une drogue visée à l'alinéa a). (Canadian reference product)

"équivalent pharmaceutique" S'entend d'une drogue nouvelle qui, par comparaison à une autre drogue, contient les mêmes quantités d'ingrédients médicinaux identiques, sous des formes posologiques comparables, mais pas nécessairement les mêmes ingrédients non médicinaux. (pharmaceutical equivalent)

"spécifications" S'entend de la description détaillée d'une drogue nouvelle et de ses ingrédients, notamment:
a) la liste des propriétés et des qualités des ingrédients qui ont trait à la fabrication et à l'emploi de la drogue nouvelle, y compris leur identité, leur activité et leur pureté;
b) la description détaillée des méthodes d'analyse et d'examen des ingrédients;
c) la liste des tolérances relatives aux propriétés et aux qualités des ingrédients. (specifications) DORS/95-411, art.3.

C.08.002. 1) Il est interdit de vendre ou d'annoncer une drogue nouvelle, à moins que les conditions suivantes ne soient réunies:
a) le fabricant de la drogue nouvelle a, relativement à celleci, déposé auprès du Ministre une présentation de drogue nouvelle ou une présentation abrégée de drogue nouvelle que celuici juge acceptable;
b) le Ministre a, aux termes de l'article C.08.004, délivré au fabricant de la drogue nouvelle un avis de conformité relativement à la présentation de drogue nouvelle ou à la présentation abrégée de drogue nouvelle;
c) l'avis de conformité relatif à la présentation n'a pas été suspendu aux termes de l'article C.08.006;
d) le fabricant de la drogue nouvelle a présenté au Ministre, sous leur forme définitive, des échantillons des étiquettes - y compris toute notice jointe à l'emballage, tout dépliant et toute fiche sur le produit - destinées à être utilisées pour la drogue nouvelle, ainsi qu'une déclaration indiquant la date à laquelle il est prévu de commencer à utiliser ces étiquettes.

2) La présentation de drogue nouvelle doit contenir suffisamment de renseignements et de matériel pour permettre au Ministre d'évaluer l'innocuité et l'efficacité de la drogue nouvelle, notamment:
a) une description de la drogue nouvelle et une mention de son nom propre ou, à défaut, de son nom usuel;
b) une mention de la marque nominative de la drogue nouvelle ou du nom ou code d'identification projeté pour celle-ci;
c) la liste quantitative des ingrédients de la drogue nouvelle et les spécifications relatives à chaque ingrédient;
d) la description des installations et de l'équipement à utiliser pour la fabrication, la préparation et l'emballage de la drogue nouvelle;
e) des précisions sur la méthode de fabrication et les mécanismes de contrôle à appliquer pour la fabrication, la préparation et l'emballage de la drogue nouvelle;
f) le détail des épreuves qui doivent être effectuées pour contrôler l'activité, la pureté, la stabilité et l'innocuité de la drogue nouvelle;
g) les rapports détaillés des épreuves effectuées en vue d'établir l'innocuité de la drogue nouvelle, aux fins et selon le mode d'emploi recommandés;
h) des preuves substantielles de l'efficacité clinique de la drogue nouvelle aux fins et selon le mode d'emploi recommandés;
i) la déclaration des noms et titres professionnels de tous les chercheurs à qui la drogue nouvelle a été vendue;
j) une esquisse de chacune des étiquettes qui doivent être employées relativement à la drogue nouvelle;
k) la déclaration de toutes les recommandations qui doivent être faites dans la réclame pour la drogue nouvelle, au sujet:
i) de la voie d'administration recommandée pour la drogue nouvelle,
ii) de la posologie proposée pour la drogue nouvelle,
ii) des propriétés attribuées à la drogue nouvelle,
iv) des contreindications et les effets secondaires de la drogue nouvelle;
l) la description de la forme posologique proposée pour la vente de la drogue nouvelle;
m) les éléments de preuve établissant que les lots d'essai de la drogue nouvelle ayant servi aux études menées dans le cadre de la présentation ont été fabriqués et contrôlés d'une manière représentative de la production destinée au commerce;
n) dans le cas d'une drogue nouvelle destinée à être administrée à des animaux producteurs de denrées alimentaires, le délai d'attente applicable.

3) Le fabricant de la drogue nouvelle doit, à la demande du Ministre, lui fournir, selon ce que celuici estime nécessaire pour évaluer l'innocuité et l'efficacité de la drogue dans le cadre de la présentation de drogue nouvelle, les renseignements et le matériel suivants:
a) les nom et adresse des fabricants de chaque ingrédient de la drogue nouvelle et les nom et adresse des fabricants de la drogue nouvelle sous sa forme posologique proposée pour la vente;
b) des échantillons des ingrédients de la drogue nouvelle;
c) des échantillons de la drogue nouvelle sous sa forme posologique proposée pour la vente;
d) tout renseignement ou matériel supplémentaire se rapportant à l'innocuité et à l'efficacité de la drogue nouvelle. DORS/85143, art.1; DORS/93202, art.24; DORS/95411, art. 4.

C.08.002.1. 1) Le fabricant d'une drogue nouvelle peut déposer à l'égard de celleci une présentation abrégée de drogue nouvelle si, par comparaison à un produit de référence canadien:
a) la drogue nouvelle est un équivalent pharmaceutique du produit de référence canadien;
b) elle est bioéquivalente au produit de référence canadien d'après les caractéristiques pharmaceutiques et, si le Ministre l'estime nécessaire, d'après les caractéristiques en matière de biodisponibilité;
c) la voie d'administration de la drogue nouvelle est identique à celle du produit de référence canadien;
d) les conditions thérapeutiques relatives à la drogue nouvelle figurent parmi celles qui s'appliquent au produit de référence canadien.

2) La présentation abrégée de drogue nouvelle doit contenir suffisamment de renseignements et de matériel pour permettre au Ministre d'évaluer l'innocuité et l'efficacité de la drogue nouvelle, notamment:
a) les renseignements et le matériel visés aux alinéas C.08.002 2) a) à f) et j) à l);
b) les renseignements permettant d'identifier le produit de référence canadien utilisé pour les études comparatives menées dans le cadre de la présentation;
c) les éléments de preuve, provenant des études comparatives menées dans le cadre de la présentation, établissant que la drogue nouvelle:
i) d'une part, est un équivalent pharmaceutique du produit de référence canadien,
ii) d'autre part, si le Ministre l'estime nécessaire d'après les caractéristiques pharmaceutiques et, le cas échéant, d'après les caractéristiques en matière de biodisponibilité de celle-ci, est bioéquivalente au produit de référence canadien selon les résultats des études en matière de biodisponibilité, des études pharmacodynamiques ou des études cliniques;
d) les éléments de preuve établissant que les lots d'essai de la drogue nouvelle ayant servi aux études menées dans le cadre de la présentation ont été fabriqués et contrôlés d'une manière représentative de la production destinée au commerce;
e) dans le cas d'une drogue destinée à être administrée à des animaux producteurs de denrées alimentaires, les renseignements permettant de confirmer que le délai d'attente est identique à celui du produit de référence canadien.

3) Le fabricant de la drogue nouvelle doit, à la demande du Ministre, lui fournir, selon ce que celui-ci estime nécessaire pour évaluer l'innocuité et l'efficacité de la drogue dans le cadre de la présentation abrégée de drogue nouvelle, les renseignements et le matériel suivants:
a) les nom et adresse des fabricants de chaque ingrédient de la drogue nouvelle et les nom et adresse des fabricants de la drogue nouvelle sous sa forme posologique proposée pour la vente;
b) des échantillons des ingrédients de la drogue nouvelle;
c) des échantillons de la drogue nouvelle sous sa forme posologique proposée pour la vente;
d) tout renseignement ou matériel supplémentaire se rapportant à l'innocuité et à l'efficacité de la drogue nouvelle. DORS/95-411, art. 5.

C.08.003. 1) Malgré l'article C.08.002, il est interdit de vendre une drogue nouvelle à l'égard de laquelle un avis de conformité a été délivré à son fabricant et n'a pas été suspendu aux termes de l'article C.08.006, lorsqu'un des éléments visés au paragraphe 2) diffère sensiblement des renseignements ou du matériel contenus dans la présentation de drogue nouvelle ou la présentation abrégée de drogue nouvelle, à moins que les conditions suivantes ne soient réunies:
a) le fabricant de la drogue nouvelle a déposé auprès du Ministre:
i) soit un supplément à la présentation de drogue nouvelle,
ii) soit un supplément à la présentation abrégée de drogue nouvelle;
b) le Ministre a délivré au fabricant un avis de conformité relativement au supplément;
c) l'avis de conformité relatif au supplément n'a pas été suspendu aux termes de l'article C.08.006;
d) le fabricant de la drogue nouvelle a présenté au Ministre, sous leur forme définitive, des échantillons de toute étiquette  y compris une notice jointe à l'emballage, un dépliant et une fiche sur le produit  destinée à être utilisée pour la drogue nouvelle, dans le cas où la modification d'un des éléments visés au paragraphe 2) nécessite un changement dans l'étiquette.

2) Pour l'application du paragraphe 1), les éléments ayant trait à la drogue nouvelle sont les suivants:
a) sa description;
b) sa marque nominative ou le nom ou code sous lequel il est proposé de l'identifier;
c) les spécifications de ses ingrédients;
d) les installations et l'équipement à utiliser pour sa fabrication, sa préparation et son emballage;
e) la méthode de fabrication et les mécanismes de contrôle à appliquer pour sa fabrication, sa préparation et son emballage;
f) les analyses effectuées pour contrôler son activité, sa pureté, sa stabilité et son innocuité;
g) les étiquettes à utiliser pour la drogue nouvelle;
h) les observations faites relativement:
i) à la voie d'administration recommandée pour la drogue nouvelle,
ii) à sa posologie,
iii) aux propriétés qui lui sont attribuées,
iv) à ses contre-indications et à ses effets secondaires,
v) au délai d'attente applicable à celle-ci;
i) sa forme posologique proposée pour la vente.

3) Le supplément à la présentation de drogue nouvelle ou à la présentation abrégée de drogue nouvelle doit contenir, à l'égard des éléments qui diffèrent sensiblement de ce qui figure dans la présentation, les renseignements et le matériel nécessaires pour permettre au Ministre d'évaluer l'innocuité et l'efficacité de la drogue nouvelle relativement à ces éléments. DORS/85-143, art. 2; DORS/93-202, art. 25; DORS/95-411, art.6.

C.08.003.1. Au cours de l'examen d'une présentation de drogue nouvelle, d'une présentation abrégée de drogue nouvelle, d'un supplément à l'une de ces présentations ou d'une présentation préclinique de drogue nouvelle, le Ministre peut examiner les renseignements ou le matériel que lui présente tout fabricant conformément aux articles C.08.002, C.08.002.1, C.08.003, C.08.005 ou C.08.005.1. pour déterminer l'innocuité et l'efficacité de la drogue nouvelle visée par la présentation ou le supplément. DORS/95-411, art. 6.

C.08.004. 1) Sous réserve de l'article C.08.004.1, après avoir terminé l'examen d'une présentation de drogue nouvelle, d'une présentation abrégée de drogue nouvelle ou d'un supplément à l'une de ces présentations, le Ministre:
a) si la présentation ou le supplément est conforme aux articles C.08.002, C.08.002.1 ou C.08.003, selon le cas, et à l'article C.08.005.1, délivre un avis de conformité;
b) si la présentation ou le supplément n'est pas conforme aux articles C.08.002, C.08.002.1 ou C.08.003, selon le cas, ou à l'article C.08.005.1, en informe le fabricant.

2) Lorsqu'une présentation de drogue nouvelle, une présentation abrégée de drogue nouvelle ou un supplément à l'une de ces présentations n'est pas conforme aux articles C.08.002, C.08.002.1 ou C.08.003, selon le cas, ou à l'article C.08.005.1, le fabricant qui l'a déposé peut le modifier en déposant des renseignements ou du matériel supplémentaires.

3) Sous réserve de l'article C.08.004.1, après avoir terminé l'examen des renseignements et du matériel supplémentaires déposés relativement à une présentation de drogue nouvelle, à une présentation abrégée de drogue nouvelle ou à un supplément à l'une de ces présentations, le Ministre:
a) si la présentation ou le supplément est conforme aux articles C.08.002. C.08.002.1 ou C.08.003, selon le cas, et à l'article C.08.005.1, délivre un avis de conformité;
b) si la présentation ou le supplément n'est pas conforme aux articles C.08.002, C.08.002.1 ou C.08.003, selon le cas, ou à l'article C.08.005.1, en informe le fabricant.

4) L'avis de conformité délivré à l'égard d'une drogue nouvelle d'après les renseignements et le matériel contenus dans la présentation déposée conformément à l'article C.08.002.1 indique le nom du produit de référence canadien mentionné dans la présentation et constitue la déclaration d'équivalence de cette drogue DORS/84-267, art. 1 à 3; DORS/85-143, art. 3; DORS/86-1009, art. 1; DORS/861101, art. 1; DORS/88-42, art. 1; DORS/88-257, art. 1; DORS/95-411, art. 6.

C.08.004.1. 1) Lorsque le fabricant dépose une présentation de drogue nouvelle, une présentation abrégée de drogue nouvelle ou un supplément à l'une de ces présentations en vue de faire déterminer l'innocuité et l'efficacité de la drogue nouvelle qui en est l'objet, et que le Ministre examine les renseignements et le matériel présentés, dans une présentation de drogue nouvelle, par l'innovateur d'une drogue contenant une substance chimique ou biologique dont la vente comme drogue n'a pas été préalablement approuvée au Canada et s'appuie sur les données y figurant pour étayer la présentation ou le supplément du fabricant, il ne peut délivrer un avis de conformité à l'égard de cette présentation ou de ce supplément avant l'expiration du délai de cinq ans suivant la date à laquelle est délivré à l'innovateur l'avis de conformité ou l'approbation de commercialiser cette drogue, selon le cas, d'après les renseignements ou le matériel présentés par lui pour cette drogue.

2) Le paragraphe 1) ne s'applique pas lorsque le fabricant d'une drogue nouvelle pour laquelle un avis de conformité a été délivré aux termes de l'article C.08.004 autorise par écrit un autre fabricant à se fonder sur les résultats d'essais ou d'autres données présentés au sujet de la drogue nouvelle.

3) Le paragraphe 1) ne s'applique pas lorsque les données sur lesquelles le Ministre s'appuie étaient contenues dans les renseignements et le matériel présentés par l'innovateur avant le 1er janvier 1994. DORS/95-411, art. 6.

C.08.005. 1) Par dérogation aux articles C.08.002 et C.08.003. le fabricant d'une drogue nouvelle peut la vendre à un chercheur ayant la compétence pour l'utiliser (appelé ci-après "chercheur compétent") à seule fin d'effectuer un essai clinique pour obtenir des preuves relativement à l'innocuité, à la posologie et à l'efficacité de la drogue nouvelle, si les conditions suivantes sont réunies:
a) le fabricant a, avant la vente, déposé auprès du Ministre, conformément à l'article C.08.005.1, une présentation préclinique contenant des renseignements et du matériel se rapportant à ce qui suit :
i) la marque nominative de la drogue nouvelle ou le nom ou code d'identification projeté pour celleci,
ii) la structure chimique ou tout autre détail spécifique qui permet de déterminer la composition de la drogue nouvelle,
iii) la provenance de la drogue nouvelle,
iv) un protocole détaillé de l'essai clinique,
v) les résultats des recherches effectuées pour motiver l'usage clinique de la drogue nouvelle,
vi) les contre-indications et les précautions connues relativement à la drogue nouvelle, ainsi que le traitement recommandé en cas d'absorption de dose excessive,
vii) tous les ingrédients de la drogue nouvelle, déclarés sous forme quantitative,
viii) l'usine, les méthodes, l'outillage et les contrôles utilisés pour la fabrication, le conditionnement et l'empaquetage de la drogue nouvelle,
ix) les essais effectués en vue de contrôler l'activité, la pureté et l'innocuité de la drogue nouvelle,
x) les noms et les titres et compétences de tous les chercheurs auxquels la drogue doit être vendue, ainsi que les noms de tous les établissements où l'essai clinique doit avoir lieu;
b) dans les 60 jours suivant la date de réception de la présentation préclinique, le Directeur n'a pas fait parvenir au fabricant, par courrier recommandé, un avis indiquant que la présentation de drogue nouvelle n'est pas satisfaisante;
c) toutes les étiquettes intérieures et extérieures utilisées relativement à la vente de la drogue nouvelle portent les mentions suivantes:
i) "Drogue de recherche" ou "Investigation al Drug",
ii) "Réservé uniquement à l'usage de chercheurs compétents" ou "To Be Used By Qualified Investigators Only";
d) le fabricant, avant la vente, vérifie que tout chercheur compétent à qui il est censé vendre la drogue nouvelle:
i) dispose des installations voulues pour l'essai clinique qu'il doit effectuer,
ii) a reçu les renseignements et la documentation visés aux sous-alinéas a) i) à vi);
e) tout chercheur compétent à qui la drogue nouvelle doit être vendue a convenu par écrit avec le fabricant qu'il:
i) n'utilisera pas la drogue nouvelle ou ne permettra pas son utilisation à d'autres fins que l'essai clinique,
ii) ne permettra pas l'usage de la drogue nouvelle par une personne autre que luimême, sauf sous sa direction,
iii) signalera immédiatement au fabricant, ainsi qu'au Directeur si celuici le lui demande, tout ce qui touche les réactions indésirables importantes qui auront été observées pendant l'essai clinique,
iv) rendra compte au fabricant, sur demande de celuici, de toutes les quantités de drogue nouvelle qu'il aura reçues.

2) Nonobstant le paragraphe 1) cidessus, il est interdit à tout fabricant de vendre une drogue nouvelle à un chercheur compétent, à moins que, au sujet de toutes les ventes préalables de cette drogue nouvelle à n'importe quel chercheur compétent, le fabricant n'ait:
a) tenu des registres exacts de la distribution de cette drogue nouvelle et des résultats des épreuves cliniques, et présenté lesdits registres à l'inspection, à la demande du Directeur; et
b) rapporté immédiatement au Directeur tous les renseignements obtenus par luimême au sujet de réactions fâcheuses importantes.

3) Le Ministre peut aviser le fabricant d'une drogue nouvelle que la vente de cette drogue nouvelle aux chercheurs compétents est interdite si, de l'avis du Ministre, cette mesure est dans l'intérêt de la santé publique.

4) Nonobstant le paragraphe 1) cidessus, il est interdit à un fabricant de vendre une drogue nouvelle à un chercheur compétent si le Ministre a avisé ce fabricant que la vente de ladite drogue est interdite.

5) L'alinéa 1) c) ne s'applique pas aux produits pharmaceutiques radioactifs définis à l'article C.03.201, ni aux constituants ni aux trousses définis à l'article C.03.205. DORS/79-236, art. 5; DORS/85-143, art. 4; DORS/87-511, art. 1; DORS/93-202, art. 26; DORS/95-411, art. 7.

08.005.1. 1) Le fabricant qui dépose une présentation de drogue nouvelle, une présentation abrégée de drogue nouvelle, un supplément à l'une de ces présentations ou une présentation préclinique de drogue nouvelle doit, en plus des renseignements et du matériel exigés aux articles C.08.002, C.08.003 et C.08.005, y inclure:
a) une copie des rapports d'observations cliniques relatifs à chaque sujet ayant participé à une étude comprise dans la présentation ou le supplément si celuici soit est mort, soit a subi une réaction indésirable grave ou une réaction indésirable imprévue, ou si l'étude, dans la mesure où elle a trait au sujet, n'a pas été complétée;
b) un résumé de section pour chaque étude sur l'homme, sur l'animal et in vitro comprise dans la présentation ou le supplément;
c) une synthèse globale de chaque étude sur l'homme, sur l'animal et in vitro qui est comprise dans la présentation ou le supplément ou à laquelle il est fait renvoi;
d) une attestation concernant les renseignements et le matériel que contient la présentation ou le supplément, ainsi que les renseignements ou le matériel supplémentaires déposés, le cas échéant, aux fins de la modification de la présentation ou du supplément.

2) Le résumé de section visé à l'alinéa 1) b) doit comprendre:
a) un résumé de chaque étude comprise dans la présentation ou le supplément;
b) un sommaire des renseignements ou du matériel supplémentaires déposés, le cas échéant, aux fins de la modification de la présentation ou du supplément;
c) lorsque le fabricant dispose des données brutes d'une étude:
i) un sommaire de ces données,
ii) les renvois aux parties pertinentes du résumé de section,
iii) la description des conditions dans lesquelles se sont déroulées les expériences desquelles les données ont été obtenues,
iv) les détails du mode de traitement des données,
v) les résultats et les conclusions de l'étude.

3) La synthèse globale visée à l'alinéa 1) c) doit comprendre un sommaire des méthodes utilisées, des résultats obtenus et des conclusions émises pour les études qui sont comprises dans la présentation ou le supplément ou auxquelles il est fait renvoi, et doit indiquer les renvois aux parties pertinentes des résumés de sections.

4) L'attestation visée à l'alinéa 1) d) doit:
a) attester que les renseignements et le matériel compris dans la présentation ou le supplément et tout renseignement ou matériel supplémentaire déposé aux fins de la modification de la présentation ou du supplément sont exacts et complets, et que les résumés de sections et la synthèse globale représentent fidèlement les renseignements et le matériel qui sont compris dans la présentation ou le supplément ou auxquels il est fait renvoi;
b) être datée et signée à la fois par:
i) le premier dirigeant au Canada du fabricant qui dépose la présentation ou le supplément,
ii) le directeur médical ou scientifique du fabricant.

5) Il est interdit de signer une attestation si un résumé de section, la synthèse globale ou tout renseignement ou matériel compris dans la présentation ou le supplément, ou tout renseignement ou matériel supplémentaire déposé aux fins de la modification de cette présentation ou de ce supplément:
a) soit est faux ou trompeur;
b) soit comporte des omissions qui peuvent avoir une incidence sur son exactitude et son intégralité.

6) Le fabricant qui a déposé une présentation de drogue nouvelle, une présentation abrégée de drogue nouvelle, un supplément à l'une de ces présentations ou une présentation préclinique de drogue nouvelle sans y inclure les rapports d'observations cliniques ou les données brutes y ayant trait doit conserver ces rapports ou ces données et les soumettre au Ministre, s'il en fait la demande par écrit, dans les 30 jours suivant la réception de celle-ci. DORS/85-143, art. 5; DORS/92-543, art. 1; DORS/94-689, art. 2(F); DORS/95-411, art. 8.

C.08.006. 1) Pour l'application du présent article, les éléments de preuve ou les nouveaux renseignements obtenus par le Ministre comprennent les renseignements et le matériel que lui présente tout fabricant conformément aux articles C.08.002, C.08.002.1, C.08.003, C.08.005 ou C.08.005.1.

2) Le Ministre peut suspendre, pour une période déterminée ou indéterminée, un avis de conformité délivré à l'égard d'une présentation de drogue nouvelle, d'une présentation abrégée de drogue nouvelle ou d'un supplément à l'une de ces présentations, en envoyant au fabricant qui a déposé la présentation ou le supplément une notification déclarant cette mesure nécessaire, s'il estime:
a) que la drogue n'est pas sans danger aux fins spécifiées dans la présentation ou le supplément, en s'appuyant sur des éléments de preuve obtenus:
i) soit d'essais cliniques ou autres expériences qui ne sont pas signalés dans la présentation ou le supplément ou qui ne lui étaient accessibles au moment de la délivrance de l'avis de conformité,
ii) soit d'analyses par de nouvelles méthodes ou par des méthodes qui ne pouvaient vraisemblablement s'appliquer au moment de la délivrance de l'avis de conformité;
b) que, d'après de nouveaux renseignements obtenus après la délivrance de l'avis de conformité, il n'y a pas assez de preuves substantielles que la drogue aura l'effet qui lui est attribué, dans les conditions d'usage prescrites, recommandées ou proposées par le fabricant;
c) que la présentation ou le supplément renfermait une fausse déclaration touchant un fait substantiel;
d) que le fabricant n'a pas établi un système pour tenir les registres exigés, ou qu'il a manqué, à plusieurs reprises, ou délibérément, de tenir lesdits registres;
e) que, d'après des renseignements nouveaux obtenus après la délivrance de l'avis de conformité, les méthodes, l'outillage, l'usine ou les contrôles employés pour la fabrication, le conditionnement ou l'empaquetage de la drogue ne suffisent pas à assurer ou à conserver l'identité, la force, la qualité ou la pureté de la drogue nouvelle; ou
f) que, d'après des renseignement nouveaux obtenus après la délivrance de l'avis de conformité, l'étiquette de la drogue est fausse, trompeuse ou incomplète sous quelque rapport que ce soit, et que le fabricant n'a pas rectifié ce défaut après que le Directeur l'en a informé par écrit, en spécifiant l'aspect particulier de l'étiquette qui est faux, trompeur ou incomplet. DORS/95-411, art. 9.

C.08.007. Lorsqu'un fabricant a reçu un avis de conformité à l'égard d'une présentation de drogue nouvelle, d'une présentation abrégée de drogue nouvelle ou d'un supplément à l'une de ces présentations, il doit établir et tenir, de façon à en permettre la vérification, des registres concernant ce qui suit:
a) les expériences animales et les épreuves cliniques, les études, recherches et tests, effectués par le fabricant ou qui lui sont rapportés par toute autre personne au sujet de cette drogue nouvelle;
b) les rapports publiés dans la documentation scientifique, ou la bibliographie scientifique dont il dispose, au sujet de cette drogue nouvelle;
c) les expériences, recherches, études et tests, au sujet des propriétés physiques ou chimiques, ou de toute autre propriété de cette drogue nouvelle;
d) toute substitution d'une autre substance pour cette drogue nouvelle, et tout mélange d'une autre substance avec cette drogue nouvelle;
e) toute erreur dans l'étiquetage de cette drogue nouvelle, ou dans l'usage des étiquettes destinées à cette drogue nouvelle;
f) toute modification ou détérioration importante de nature physique ou chimique, tout changement au point de vue bactériologique, et toute autre modification ou détérioration, dans n'importe quel lot de cette drogue nouvelle;
g) toute occasion où un ou plusieurs lots de cette drogue nouvelle n'étaient pas conformes aux spécifications établies dans la présentation ou le supplément; et
h) tout cas inhabituel où la drogue nouvelle ne produit pas l'effet prévu. DORS/95-411, art. 10; DORS/95-521, art. 3;
i) [abrogé DORS/95-521, art. 31].

C.08.008. Il est interdit au fabricant de vendre une drogue nouvelle à moins que, à l'égard de ses ventes antérieures de cette drogue, il n'ait fourni au Ministre:
a) sur demande, des rapports de tous les dossiers relatifs aux renseignements visés aux alinéas C.08.007 a) à c);
b) dès leur réception, des rapports de tous les dossiers relatifs aux renseignements visés aux alinéas C.08.007 d) à f);
c) dans les 15 jours suivant la réception par lui des renseignements visés aux alinéas C.08.007 g) et h), un rapport sur les renseignements reçus. DORS/95411, art. 11; DORS/95521, art. 4.

C.08.009. 1) Lorsque le Ministre a décidé:
a) de notifier le fabricant d'une drogue nouvelle que la vente de ladite drogue nouvelle aux chercheurs compétents est interdite; ou
b) de suspendre l'avis de conformité délivré à l'égard de la présentation de drogue nouvelle, de la présentation abrégée de drogue nouvelle ou du supplément à l'une de ces présentations,
le fabricant peut, s'il n'est pas satisfait de cette décision, demander au Ministre de lui fournir les raisons de ladite décision.

2) Lorsque ledit fabricant a reçu les raisons de la décision du Ministre par application du paragraphe 1), il peut demander au Ministre de déférer cette décision à un Comité des drogues nouvelles et, sur ce, il doit fournir au Ministre une déclaration des motifs de son insatisfaction, ainsi que tout renseignement et tout matériel à l'appui de ses motifs.

3) Lorsque le Ministre a été prié de déférer une décision à un Comité des drogues nouvelles par application du paragraphe 2), il doit nommer un membre au Comité des drogues nouvelles, le fabricant insatisfait doit nommer un membre au Comité des drogues nouvelles, et les deux membres ainsi nommés doivent, ensemble, nommer au Comité des drogues nouvelles, un troisième membre qui sera président du Comité, ou si ces deux membres ne peuvent le faire dans un délai raisonnable, le Ministre doit nommer au Comité des drogues nouvelles, un troisième membre qui sera président du Comité.

4) Aucune personne qui est employée à temps complet par le Ministère, ou employée à temps complet par le fabricant non satisfait, ne sera nommée membre d'un Comité des drogues nouvelles.

4.1) Chaque membre nommé à un Comité des drogues nouvelles est tenu de signer l'engagement de ne pas communiquer ni utiliser les renseignements, matériel, données, preuves et observations considérés en vertu du paragraphe 6).

5) Le Ministre doit payer des honoraires et des frais raisonnables au membre du Comité des drogues nouvelles nommé par le Ministre, et le fabricant non satisfait doit payer des honoraires et des frais raisonnables au membre qu'il aura luimême nommé au Comité des drogues nouvelles, et le Ministre et le fabricant insatisfait paieront, à parts égales, des honoraires et des frais raisonnables au président de ce comité.

6) Le Comité des drogues nouvelles formé en application du paragraphe 3) doit peser les motifs de la décision du Ministre, les motifs de l'insatisfaction du fabricant et tout renseignement ou matériel à l'appui de la décision du Ministre ou de l'insatisfaction du fabricant et peut prendre en considération d'autres preuves, matériel, renseignements ou observations.

7) Le Comité des drogues nouvelles formé par application du paragraphe 3), doit faire rapport au Ministre de ses constatations et de ses recommandations.

7.1) Les membres d'un Comité des drogues nouvelles ne peuvent divulguer ni utiliser les renseignements, matériel, données, preuves et observations considérés en vertu du paragraphe 6).

8) Lorsque le Ministre a reçu les constatations et recommandations du Comité des drogues nouvelles, il peut revenir sur la décision qui fait l'objet de ces constatations et recommandations. DORS/95411, art. 12.

Vente d'une drogue nouvelle pour un traitement d'urgence

C.08.010. 1) Le Directeur général peut fournir une lettre d'autorisation permettant la vente d'une certaine quantité d'une drogue nouvelle d'usage humain ou vétérinaire à un praticien nommé dans la lettre d'autorisation pour le traitement d'urgence d'un malade traité par ledit praticien, si:
a) le praticien a fourni au Directeur général des renseignements concernant:
i) l'état pathologique urgent pour lequel la drogue est requise,
ii) les données que possède le praticien à propos de l'usage, de l'innocuité et de l'efficacité de ladite drogue,
iii) le nom de tous les établissements où la drogue doit être utilisée, et
iv) les autres renseignements que le Directeur général pourrait lui demander; et
b) le praticien a consenti à:
i) faire part au fabricant de la drogue nouvelle et au Directeur général des résultats de l'usage de la drogue au cours de l'urgence, y compris les renseignements se rapportant à toute réaction défavorable qu'il aura observée, et
ii) rendre compte au Directeur général, sur demande, de toutes les quantités de la drogue qu'il aura reçues.
2) Le Directeur général doit, dans toute lettre d'autorisation fournir conformément au paragraphe 1), spécifier:
a) le nom du praticien auquel la drogue nouvelle peut être vendue;
b) l'état pathologique urgent pour lequel la drogue nouvelle peut être vendue; et
c) la quantité de la drogue nouvelle qui peut être vendue audit praticien pour ledit cas urgent.

C.08.011. 1) Nonobstant l'article C.08.002, un fabricant peut vendre à un praticien mentionné dans une lettre d'autorisation fournie conformément à l'article C.08.010, une quantité de la drogue nouvelle nommée dans ladite lettre qui n'excède pas la quantité spécifiée dans la lettre.

2) La vente d'une drogue nouvelle faite en conformité du paragraphe 1) n'est pas soumise aux dispositions de la Loi et des présents règlements.

Vente d'aliments médicaments

C.08.012. 1) Nonobstant toute autre disposition du présent titre, il est permis de vendre, aux termes d'une ordonnance écrite d'un vétérinaire, un aliment médicament si:
a) quant à la drogue ou aux drogues utilisées comme substances médicatrices dans l'aliment médicament:
i) soit le Directeur leur a attribué une identification numérique conformément à l'article C.01.014.2,
ii) soit leur vente est permise aux termes des articles C.08.005, C.08.011 ou C.08.013;
b) l'aliment médicament est destiné au traitement d'animaux directement soumis aux soins du vétérinaire ayant signé l'ordonnance;
c) l'aliment médicament n'est prévu qu'à des fins thérapeutiques; et
d) l'ordonnance écrite renferme les renseignements suivants:
i) le nom et l'adresse de la personne désignée dans l'ordonnance comme celle pour qui l'aliment médicament est préparé,
ii) l'espèce, le type de production et l'âge ou le poids des animaux qui seront traités avec l'aliment médicament,
iii) le genre et la quantité d'aliment médicament à préparer,
iv) le nom propre ou, à défaut, le nom usuel de la drogue ou de chacune des drogues, selon le cas, à être utilisées comme substances médicamenteuses dans la préparation de l'aliment médicament, ainsi que la posologie de ces substances,
v) toute instruction spéciale pour la préparation, et
vi) les instructions d'étiquetage, y compris:
A) les instructions d'alimentation,
B) une mise en garde concernant la période de retrait à observer après l'utilisation de l'aliment médicament, et
C) le cas échéant, les précautions à prendre à l'égard de la santé de l'animal ou de la manipulation ou de l'entreposage de l'aliment médicament.

2) Aux fins du présent article, le terme "aliment médicament" a le sens que lui donne le Règlement sur les aliments du bétail. DORS/80-741, art. 1; DORS/92-130, art. 1; DORS/93-202, art. 27.

Études expérimentales

Conditions de vente

C.08.013. 1) Nonobstant toute autre disposition du présent titre, il est permis de vendre à un expert en études expérimentales, une quantité spécifiée par le Directeur, de drogues nouvelles d'application vétérinaire destinées à l'exécution d'une étude expérimentale chez l'animal si:
a) l'expert en études expérimentales a reçu un certificat d'études expérimentales selon le paragraphe C.08.015 1) et si le certificat n'a pas été suspendu ou annulé selon l'article C.08.018; et
b) la drogue est étiquetée conformément au paragraphe C.08.016 1).

2) Aux fins des articles C.08.013 à C.08.018:

"certificat d'études expérimentales" désigne un certificat délivré selon le paragraphe C.08.015 1);
"expert en études expérimentales" désigne la personne visée dans un certificat d'études expérimentales;

"étude expérimentale" désigne un test limité effectué par un expert en études expérimentales sur des animaux auxquels on a administré une drogue nouvelle. DORS/81-333, art. 1.

Certificat d'études expérimentales

C.08.014. 1) Afin d'obtenir un certificat d'études expérimentales, un requérant doit présenter au Directeur, par écrit, les renseignements et pièces suivants:
a) la marque nominative de la drogue nouvelle ou le nom ou code d'identification projeté pour celleci;
b) les objectifs et le protocole du projet d'étude expérimentale de la drogue nouvelle;
c) l'espèce, le nombre et le type de production des animaux auxquels la nouvelle drogue doit être administrée;
d) le nom et l'adresse du fabricant de la drogue nouvelle;
e) l'adresse de l'établissement où l'étude expérimentale doit être effectuée;
f) une description des installations devant servir à l'étude expérimentale;
g) le nom, l'adresse et les qualifications de l'expert en études expérimentales proposé;
h) la structure chimique, si elle est connue, et les caractéristiques pertinentes de la composition de la drogue nouvelle;
i) la quantité de drogue nouvelle que l'on se propose d'utiliser au cours de l'étude expérimentale;
j) les résultats de toutes les études toxicologiques ou pharmacologiques qui ont été conduites avec la drogue nouvelle;
k) l'engagement écrit mentionné au paragraphe 2); et
l) tous autres renseignements et pièces que le Directeur exige.

2) Lorsque des animaux de boucherie doivent servir d'une manière quelconque dans une étude expérimentale, le requérant mentionné au paragraphe 1) doit, afin d'obtenir un certificat d'études expérimentales, obtenir un engagement écrit du propriétaire desdits animaux, ou d'une personne autorisée par lui, de ne pas vendre ces animaux ou tout produit en dérivant, sans obtenir au préalable une autorisation de l'expert en études expérimentales.

3) Le Directeur peut demander au fabricant d'une drogue nouvelle qu'il lui fournisse des échantillons de ladite drogue, ou de l'un quelconque de ses ingrédients, sous une forme et d'une manière satisfaisantes, et tout autre renseignement que le Directeur demande. Si le Directeur ne reçoit pas les échantillons et les renseignements voulus, il peut refuser de délivrer le certificat d'études expérimentales demandé. DORS/81-833, art. 1; DORS/93-202, art. 28.

C.08.015. 1) Lorsque, à la réception des renseignements et pièces fournis selon l'article C.08.014, le Directeur est convaincu que:
a) le requérant a les qualifications voulues pour les fins de l'étude expérimentale envisagée;
b) les installations destinées à servir à l'étude expérimentale envisagée sont appropriées; et
c) l'étude expérimentale peut être effectuée sans risque indu et prévisible pour l'homme ou l'animal, le Directeur doit délivrer le certificat d'études expérimentales pour la conduite de l'étude expérimentale envisagée et doit y préciser la quantité de la drogue nouvelle qui peut être vendue à l'expert en études expérimentales.

2) Lorsque, à la réception des renseignements et pièces fournis aux termes de l'article C.08.014, le Directeur n'est pas convaincu que l'on a satisfait aux exigences des alinéas 1) a), b) et c), il doit refuser de délivrer un certificat d'études expérimentales. DORS/81-333, art. 1.

Étiquetage

C.08.016. 1) L'étiquette d'une drogue nouvelle, vendue selon l'article C.08.013, doit porter:
a) la marque nominative de la drogue nouvelle ou le nom ou code d'identification projeté pour celleci;
b) une mise en garde indiquant que ladite drogue ne doit être utilisée que pour les études expérimentales effectuées sur les animaux;
c) le numéro de lot;
d) le nom et l'adresse du fabricant; et
e) le nom de la personne à qui la drogue à été fournie.

2) Les articles C.01.004, C.01.005 et C.01.014 ne s'appliquent pas à une drogue qui est vendue selon l'article C.08.013 et étiquetée conformément au paragraphe 1). DORS/81-333, art. 1; DORS/88-378, art. 2; DORS/93-202, art. 29.

Conditions applicables aux études expérimentales

C.08.017. Un expert en études expérimentales doit:
a) utiliser la drogue nouvelle conformément au protocole de l'étude expérimentale;
b) signaler Immédiatement au Directeur toutes les réactions défavorables importantes liées à l'usage de la drogue;
c) communiquer rapidement au Directeur, sur demande, les résultats de l'étude expérimentale;
d) retourner au fabricant, sur demande, toute quantité de la drogue nouvelle non utilisée dans l'étude expérimentale;
e) conserver tous Ies dossiers de l'étude expérimentale pendant au moins deux ans suivant la fin de l'étude, et sur demande, les mettre à la disposition du Directeur;
f) signaler rapidement au Directeur tout cas où l'on a disposé, contrairement aux termes de l'engagement mentionné au paragraphe C.08.014 2), d'animaux servant d'une manière quelconque dans une étude expérimentale, ou de leurs produits; et
g) rendre compte au Directeur, sur demande, de toutes les quantités de la drogue nouvelle qu'il aura reçues. DORS/81-333, art. 1.

Suspension ou annulation du certificat d'études expérimentales

C.08.018. 1) Lorsque le Directeur est d'avis qu'il est nécessaire de sauvegarder la santé de l'animal ou la santé publique, ou d'assurer la sécurité publique, il peut suspendre un certificat d'études expérimentales pour une période définie ou indéfinie, ou encore l'annuler.

2) Sans restreindre la portée général du paragraphe 1), le Directeur peut suspendre ou annuler un certificat d'études expérimentales si:
a) les renseignements et pièces fournis selon l'article C.08.014 comportent une fausse déclaration ou une omission concernant les propriétés de la drogue nouvelle, qui sont connues du fabricant ou de l'expert en études expérimentales, ou qui auraient raisonnablement dû l'être;
b) l'étiquetage de la drogue nouvelle est, à n'importe quel moment, faux, mensonger, trompeur ou incomplet;
c) l'expert en études expérimentales n'a pas les qualifications voulues;
d) il existe des preuves que l'expert en études expérimentales n'a pas satisfait aux conditions mentionnées à l'article C.08.017; ou
e) une activité du fabricant, relative à la drogue nouvelle. a entraîné la condamnation dudit fabricant pour infraction à l'article C.08.002. DORS/81-333, art. 1.

ANNEXE 3

Lettre de M. Jim Keon, de l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, à M. Reagan Walker


L'Association canadienne des fabricants
de produits pharmaceutiques

Canadian Drug Manufacturers Association


Le 13 mai 1999

M. Reagan Walker
Conseiller juridique
Ministère des affaires étrangères
et du commerce international
Direction du droit commercial/JLT Fax: 6139440027
125, promenade Sussex
Ottawa (Ontario)
K1A OG2

Objet: Durée de mise au point de nouvelles drogues génériques


Monsieur,

Nous vous faisons parvenir les renseignements suivants en réponse à votre question concernant la durée moyenne des activités de mise au point d'une drogue générique avant la présentation.
Pour répondre précisément à votre question, nous avons mené une enquête par téléphone auprès de nos sociétés membres qui fabriquent des médicaments sous une forme posologique définitive.
Il ressort de cette enquête que la mise au point d'une drogue générique prend au total de deux à quatre ans avant la présentation. Il faut en effet entre un et trois ans pour mettre au point et tester la forme appropriée, puis il faut encore une année (environ) pour mettre au point la matière première.
L'ACIM se fera un plaisir de répondre à toute autre demande de renseignements qui pourrait lui être présentée.
Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.





Jim Keon
Président
ANNEXE 4

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)

DORS/93-133
Enregistrement 12 mars 1993

LOI SUR LES BREVETS

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)

C.P. 1993-502 12 mars 1993

Sur recommandation du Ministre de la consommation et des affaires commerciales et en vertu du paragraphe 55.2(4)* de la Loi sur les brevets, il plaît à Son Excellence le Gouverneur général en conseil de prendre le Règlement concernant les avis de conformité portant sur les médicaments brevetés, ci-après.

*L.C. 1993, ch. 2, art. 4

RÈGLEMENT CONCERNANT LES AVIS DE CONFORMITÉ PORTANT SUR LES MÉDICAMENTS BREVETÉS

TITRE ABRÉGÉ

1. Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).

DÉFINITIONS

2. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent règlement.

"avis de conformité": avis délivré au titre de l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues; (notice of compliance)

"expiré": se dit du brevet qui est expiré, qui est périmé ou qui a pris fin par l'effet d'une loi; (expire)

"liste de brevets": liste de brevets soumise aux termes de l'article 4; (patent list)

"médicament": substance destinée à servir ou pouvant servir au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal, ou de leurs symptômes; (medicine)

"Ministre": le Ministre de la santé nationale et du bien-être social; (Minister)

"première personne": la personne visée au paragraphe 4 1); (first person)

"registre": le registre tenu par le Ministre conformément à l'article 3; (register)

"revendication pour le médicament en soi": s'entend notamment d'une revendication, dans le brevet, pour le médicament en soi préparé ou produit selon les modes du procédé de fabrication décrits en détail et revendiqués ou selon leurs équivalents chimiques manifestes; (claim for the medicine itself)

"revendication pour l'utilisation du médicament": revendication pour l'utilisation du médicament aux fins du diagnostic, du traitement, de l'atténuation ou de la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal, ou de leurs symptômes; (claim for the use of the medicine)

"seconde personne": la personne visée au paragraphe 5 1); (second person)

"tribunal": la Cour fédérale du Canada ou tout autre cour supérieure compétente; (court) DORS/98166, art. 1.

REGISTRE

3.1) Le Ministre tient un registre des renseignements fournis aux termes de l'article 4. À cette fin, il peut refuser d'y ajouter ou en supprimer tout renseignement qui n'est pas conforme aux exigences de cet article.

2) Le registre est ouvert à l'inspection publique durant les heures de bureau.

3) Aucun renseignement soumis aux termes de l'article 4 n'est consigné au registre avant la délivrance de l'avis de conformité à l'égard duquel il a été soumis.

4) Pour décider si tout renseignement fourni aux termes de l'article 4 doit être ajouté au registre ou en être supprimé, le Ministre peut consulter le personnel du Bureau des brevets. DORS/98-166, art. 2.

LISTE DE BREVETS

4.1) La personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au Ministre une liste de brevets à l'égard de la drogue, accompagnée de l'attestation visée au paragraphe 7).

2) La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir les renseignements suivants:

a) la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue;

b) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste, qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament, et qu'elle souhaite voir inscrit au registre;

c) une déclaration portant, à l'égard de chaque brevet, que la personne qui demande l'avis de conformité en est le propriétaire, en détient la licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste;

d) la date d'expiration de la durée de chaque brevet aux termes des articles 44 ou 45 de la Loi sur les brevets;

e) l'adresse de la personne au Canada aux fins de signification de tout avis d'allégation visé aux alinéas 5 3) b) ou c), ou les nom et adresse au Canada d'une autre personne qui peut en recevoir signification avec le même effet que s'il s'agissait de la personne elle-même.

3) Sous réserve du paragraphe 4), la personne qui soumet une liste de brevets doit le faire au moment du dépôt de la demande d'avis de conformité.

4) La première personne peut, après la date de dépôt de la demande d'avis de conformité et dans les 30 jours suivant la délivrance d'un brevet qui est fondée sur une demande de brevet dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande d'avis de conformité, soumettre une liste de brevets, ou toute modification apportée à une liste de brevets, qui contient les renseignements visés au paragraphe 2).

5) Lorsque la première personne soumet, conformément au paragraphe 4), une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets, elle doit indiquer la demande d'avis de conformité à laquelle se rapporte la liste ou la modification, en précisant notamment la date de dépôt de la demande.

6) La personne qui soumet une liste de brevets doit la tenir à jour mais ne peut ajouter de brevets à une liste que si elle le fait en conformité avec le paragraphe 4).

7) La personne qui soumet une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets aux termes des paragraphes 1) ou 4) doit remettre une attestation portant que:

a) les renseignements fournis sont exacts;

b) les brevets mentionnés dans la liste ou dans la modification sont admissibles à l'inscription au registre et sont pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue visée par la demande d'avis de conformité. DORS/98-166, art. 3.

5.1) Lorsqu'une personne dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue et souhaite en faire la comparaison, ou faire renvoi, à une autre drogue qui a été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise, elle doit inclure dans la demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre qui se rapporte à cette autre drogue:

a) soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne sera pas délivré avant l'expiration du brevet;

b) soit une allégation portant que, selon le cas:
i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4 2) c) est fausse,
ii) le brevet est expiré,
iii) le brevet n'est pas valide,
iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.

2) Lorsque, après le dépôt par la seconde personne d'une demande d'avis de conformité mais avant la délivrance de cet avis, une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets est soumise à l'égard d'un brevet aux termes du paragraphe 4 4), la seconde personne doit modifier la demande pour y inclure, à l'égard de ce brevet, la déclaration ou l'allégation exigée par le paragraphe 1).

3) Lorsqu'une personne fait une allégation visée à l'alinéa 1) b) ou au paragraphe 2), elle doit:

a) fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde;

b) si l'allégation est faite aux termes de l'un des sous-alinéas 1) b) i) à iii), signifier un avis de l'allégation à la première personne;

c) si l'allégation est faite aux termes du sous-alinéa 1) b) iv):
i) signifier à la première personne un avis de l'allégation relative à la demande déposée selon le paragraphe 1), au moment où elle dépose la demande ou par la suite,
ii) insérer dans l'avis d'allégation une description de la forme posologique, de la concentration et de la voie d'administration de la drogue visée par la demande;
d) signifier au Ministre une preuve de la signification effectuée conformément aux alinéas b) ou c). DORS/98-166, art. 4 et 9(T).

DROITS D'ACTION

6.1) La première personne peut, dans les 45 jours après avoir reçu signification d'un avis d'allégation aux termes des alinéas 5 3) b) ou c), demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au Ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration du brevet visé par l'allégation.

2) Le tribunal rend une ordonnance en vertu du paragraphe 1) à l'égard du brevet visé par une ou plusieurs allégations si elle conclut qu'aucune des allégations n'est fondée.

3) La première personne signifie au Ministre, dans la période de 45 jours visée au paragraphe 1), la preuve que la demande visée à ce paragraphe a été faite.

4) Lorsque la première personne n'est pas le propriétaire de chaque brevet visé dans la demande mentionnée au paragraphe 1), le propriétaire de chaque brevet est une partie à la demande.

5) Lors de l'instance relative à la demande visée au paragraphe 1), le tribunal peut, sur requête de la seconde personne, rejeter la demande si, selon le cas:

a) il estime que les brevets en cause ne sont pas admissibles à l'inscription au registre ou ne sont pas pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue pour laquelle la seconde personne a déposé une demande d'avis de conformité;
b) il conclut qu'elle est inutile, scandaleuse, frivole ou vexatoire ou constitue autrement un abus de procédure.

6) Aux fins de la demande visée au paragraphe 1), lorsque la seconde personne a fait une allégation aux termes du sous-alinéa 5 1) b) iv) à l'égard d'un brevet et que ce brevet a été accordé pour le médicament en soi préparé ou produit selon les modes ou procédés de fabrication décrits en détail et revendiqués ou selon leurs équivalents chimiques manifestes, la drogue que la seconde personne projette de produire est, en l'absence d'une preuve contraire, réputée préparée ou produite selon ces modes ou procédés.

7) Sur requête de la première personne, le tribunal peut, au cours de l'instance:

a) ordonner à la seconde personne de produire les extraits pertinents de la demande d'avis de conformité qu'elle a déposée et lui enjoindre de produire sans délai tout changement apporté à ces extraits au cours de l'instance;
b) enjoindre au Ministre de vérifier que les extraits produits correspondent fidèlement aux renseignements figurant dans la demande d'avis de conformité.

8) Tout document produit aux termes du paragraphe 7) est considéré comme confidentiel.

9) Le tribunal peut, au cours de l'instance relative à la demande visée au paragraphe 1), rendre toute ordonnance relative aux dépens, notamment sur une base avocat-client, conformément à ses règles.

10) Lorsque le tribunal rend une ordonnance relative aux dépens, il peut tenir compte notamment des facteurs suivants:

a) la diligence des parties à poursuivre la demande;

b) l'inscription, sur la liste de brevets qui fait l'objet d'une attestation, de tout brevet qui n'aurait pas dû y être inclus aux termes de l'article 4;

c) le fait que la première personne n'a pas tenu à jour la liste de brevets conformément au paragraphe 4 6). DORS/98-166, art. 5 et 9(T).

AVIS DE CONFORMITÉ

7.1) Le Ministre ne peut délivrer un avis de conformité à la seconde personne avant la plus tardive des dates suivantes :

a) [Abrogé, DORS/98-166, art. 6]

b) la date à laquelle la seconde personne se conforme à l'article 5;

c) sous réserve du paragraphe 3), la date d'expiration de tout brevet inscrit au registre qui ne fait pas l'objet d'une allégation;

d) sous réserve du paragraphe 3), la date qui suit de 45 jours la date de réception de la preuve de signification de l'avis d'allégation visé aux alinéas 5 3) b) ou c) à l'égard de tout brevet inscrit au registre;

e) sous réserve des paragraphes 2), 3) et 4), la date qui suit de 24 mois la date de réception de la preuve de présentation de la demande visée au paragraphe 6 1);

f) la date d'expiration de tout brevet faisant l'objet d'une ordonnance rendue aux termes du paragraphe 6 1).

2) L'alinéa 1) e) ne s'applique pas si, à l'égard de chaque brevet visé par une demande au tribunal aux termes du paragraphe 6 1):

a) soit le brevet est expiré;

b) soit le tribunal a déclaré que le brevet n'est pas valide ou qu'aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites.

3) Les alinéas 1) c), d) et e) ne s'appliquent pas à l'égard d'un brevet si le propriétaire de celui-ci a consenti à ce que la seconde personne utilise, fabrique, construise ou vende la drogue au Canada.

4) L'alinéa 1) e) cesse de s'appliquer à l'égard de la demande visée au paragraphe 6 1) si celle-ci est retirée ou fait l'objet d'un désistement par la première personne ou est rejetée par le tribunal qui en est saisi.

5) Lorsque le tribunal n'a pas encore rendu d'ordonnance aux termes du paragraphe 6 1) à l'égard d'une demande, il peut:

a) abréger le délai visé à l'alinéa 1) e) avec le consentement de la première personne et de la seconde personne, ou s'il conclut que la première personne n'a pas, au cours de l'instance relative à la demande, collaboré de façon raisonnable au règlement expéditif de celle-ci;

b) proroger le délai visé à l'alinéa 1) e) avec le consentement de la première personne et de la seconde personne, ou s'il conclut que la seconde personne n'a pas, au cours de l'instance relative à la demande, collaboré de façon raisonnable au règlement expéditif de celle-ci. DORS/98-166, art. 6 et 9(T).

CONCLUSIONS

[Abrogé, DORS/98-166, art. 7]

8.1) Si la demande présentée aux termes du paragraphe 6 1) est retirée ou fait l'objet d'un désistement par la première personne ou est rejetée par le tribunal qui en est saisi, ou si l'ordonnance interdisant au Ministre de délivrer un avis de conformité, rendue aux termes de ce paragraphe, est annulée lors d'un appel, la première personne est responsable envers la seconde personne de toute perte subie au cours de la période:

a) débutant à la date, attestée par le Ministre, à laquelle un avis de conformité aurait été délivré en l'absence du présent règlement, sauf si le tribunal estime d'après la preuve qu'une autre date est plus appropriée;

b) se terminant à la date du retrait, du désistement ou du rejet de la demande ou de l'annulation de l'ordonnance.

2) La seconde personne peut, par voie d'action contre la première personne, demander au tribunal de rendre une ordonnance enjoignant à cette dernière de lui verser une indemnité pour la perte visée au paragraphe 1).

3) Le tribunal peut rendre une ordonnance aux termes du présent article sans tenir compte du fait que la première personne a institué ou non une action pour contrefaçon du brevet visé par la demande.

4) Le tribunal peut rendre l'ordonnance qu'il juge indiquée pour accorder réparation par recouvrement de dommages-intérêts ou de profits à l'égard de la perte visée au paragraphe 1).

5) Pour déterminer le montant de l'indemnité à accorder, le tribunal tient compte des facteurs qu'il juge pertinents à cette fin, y compris, le cas échéant, la conduite de la première personne ou de la seconde personne qui a contribué à retarder le règlement de la demande visée au paragraphe 6 1). DORS/98-166, art. 8 et 9(T).

SIGNIFICATION

9.1) La signification de tout document prévu dans le présent règlement doit être faite à personne ou par courrier recommandé.

2) La signification par courrier recommandé est réputée être effectuée le cinquième jour suivant sa mise à la poste.

[DISPOSITIONS TRANSITOIRES : DORS/98-166:

9.1) Le paragraphe 4 4) ne s'applique pas aux allégations si, avant l'entrée en vigueur du présent règlement, elles ont été signifiées à la première personne, si la preuve de leur signification a été signifiée au Ministre et si la première personne a présenté une demande aux termes du paragraphe 6 1).

2) Les paragraphes 6 5) et 9) et les alinéas 6 10) a) et b) du même règlement, édictés par l'article 5, s'appliquent aux demandes qui sont pendantes à la date d'entrée en vigueur du présent règlement.

3) Les paragraphes 6 6) à 8) et l'alinéa 6 10) c) du même règlement, édictés par l'article 5, s'appliquent aux demandes présentées à la date d'entrée en vigueur du présent règlement ou après cette date.

4) L'alinéa 7 1) e) du même règlement, édicté par le paragraphe 6 2), s'applique aux demandes présentées à la date d'entrée en vigueur du présent règlement ou après cette date. L'alinéa 7 1) e) du même règlement, dans sa version antérieure à la date d'entrée en vigueur du présent règlement, continue de s'appliquer aux demandes qui sont pendantes à cette date.

5) Le paragraphe 7 5) du même règlement, édicté par le paragraphe 6 3), s'applique aux demandes qui sont pendantes à la date d'entrée en vigueur du présent règlement.

6) L'article 8 du même règlement, édicté par l'article 8, s'applique aux demandes qui sont pendantes à la date d'entrée en vigueur du présent règlement.]

annexe 5

Questions posées par le Groupe spécial et réponses communiquées par les parties et
les tierces parties au sujet de la pratique suivie par d'autres pays que le Canada
en ce qui concerne les exceptions pour l'examen réglementaire et
les systèmes de prolongation de la durée des brevets ou
de certificat complémentaire de protection


Questions posées par le Groupe spécial aux CE et au Canada après la première réunion de fond

Les Communautés européennes et leurs États membres (CE/EM) ont fait valoir que tous les pays, hormis le Canada, qui prévoyaient des exceptions pour l'examen/approbation réglementaire avaient également instauré des systèmes de prolongation de la durée des brevets ou de certificat complémentaire de protection (CCP) en faveur des producteurs de médicaments nouveaux ou étaient des pays bénéficiant d'une période de transition dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC.

a) Pouvez-vous confirmer cette affirmation?

b) Que signifie-t-elle d'un point de vue juridique pour l'application de l'article 30 dans le cas d'une telle exception pour l'examen/approbation réglementaire?

c) Faut-il en déduire que les exceptions pour l'examen/approbation réglementaire en faveur des fabricants de médicaments génériques seraient admissibles au titre de l'article 30 si elles étaient assorties de systèmes prévoyant la prolongation de la durée des brevets ou des certificats complémentaires de protection pour les fabricants de médicaments nouveaux? Veuillez donner une explication détaillée.

Réponse des CE

1. Les CE/EM ont fait remarquer au point 24 de la déclaration orale qu'ils ont faite à la première réunion du Groupe spécial que "[...] tous les pays industrialisés que le Canada a mentionnés dans sa première communication écrite [...] tous ces pays ont un système de prolongation de la durée des brevets [...]". Cette affirmation a été pleinement confirmée par les réponses données par les tierces parties. Voici un point plus précis de la situation:

États-Unis: prolongation de la durée des brevets et exception pour l'examen/approbation réglementaire;

Japon: prolongation de la durée des brevets et exception pour l'examen/approbation réglementaire;

Australie: prolongation de la durée des brevets et exception pour l'examen/approbation réglementaire;

Suisse: certificat spécial de protection sans exception pour l'examen/approbation réglementaire;

CE/EM: certificat spécial de protection sans exception pour l'examen/approbation réglementaire;

Canada: pas de prolongation de la durée des brevets, mais exception pour l'examen/approbation réglementaire et pour la fabrication et le stockage.

Un certain nombre de pays mentionnés par le Canada et un certain nombre de tierces parties continuent de bénéficier encore de périodes de transition allant jusqu'au 1er janvier 2000, voire dans certains cas jusqu'au 1er janvier 2005, conformément à l'Accord sur les ADPIC. Il s'agit des pays suivants: Argentine, Brésil, Colombie, Cuba, Hongrie, Inde, Israël, Pologne et Thaïlande.

2. L'existence d'un système de prolongation de la durée des brevets ou d'un système de CCP peut rendre l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC redondant ou affecter l'équilibre des intérêts devant être trouvé entre le titulaire du brevet et l'éventuel fabricant de copies au titre de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC.

3. Cette question s'appuie largement sur des conjectures et il est très difficile, sinon impossible, d'y apporter une réponse valable si l'on ne connaît pas précisément les caractéristiques du système considéré. Toutefois, comme il est indiqué dans la réponse à la question n° 17, la mise en place d'un système de prolongation de la durée des brevets ou d'un certificat spécial de protection peut influer sur la constatation de l'existence d'une discrimination au sens de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC. Quant à l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, selon la manière dont la protection est accordée après l'expiration du brevet initial et la façon dont s'applique l'exception "de type Bolar", on pourrait imaginer un cas dans lequel il serait peut-être redondant, puisqu'il n'y aurait pas, dans un premier temps, violation de l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC.

Réponse du Canada

1. Bien que la déclaration de l'Union européenne – considérée isolément– soit correcte d'un point de vue technique, elle est très trompeuse. Les pays – autres que les pays les moins avancés – qui bénéficient actuellement d'une période de transition approchent de la fin de cette période qui se termine le 1er janvier 2000 (voir l'article 65:2 et 65:3 de l'Accord sur les ADPIC). Dans six mois, ils seront donc tenus d'accorder la protection complète prescrite par l'Accord sur les ADPIC. Le but des dispositions législatives récemment adoptées dans ces pays, comme l'Argentine, doit être considéré comme consistant à mettre en œuvre et non à méconnaître les obligations au titre de l'Accord sur les ADPIC. De plus, dans sa déclaration orale du 10 juin 1999, la Thaïlande a confirmé que la législation qui devait être promulguée en septembre 1999 ne modifierait pas l'article 36 5) de sa Loi sur les brevets, qui –comme les disciplines législatives récemment adoptées par l'Argentine – comportait une exception pour l'approbation réglementaire, mais ne prescrivait pas une prolongation de la durée des brevets. De même, la Pologne a indiqué dans sa réponse écrite datée du 18 juin 1999 que son projet de loi comporterait aussi une exception pour l'approbation réglementaire sans prolongation de la durée des brevets, analogue à celle qui figurait dans la législation en vigueur en Hongrie. Il faut considérer que ces pays en développement et économies en transition, qui seront bientôt liés par l'Accord sur les ADPIC, ont à cet égard promulgué leur législation en matière de brevet en tenant compte des obligations qui vont être les leurs. De plus, aucune des tierces parties qui sont intervenues en l'espèce n'a fait valoir qu'une exception pour l'approbation réglementaire devait s'accompagner d'une prolongation de la durée des brevets.

2. Il n'y a aucun lien entre l'article 30 et la prolongation de la durée des brevets. L'article 30 permet des exceptions limitées aux droits exclusifs accordés au titre de l'article 28. La prolongation de la durée des brevets est une augmentation de la jouissance d'un droit et non une exception et n'est donc pas pertinente pour l'application de l'article 30.

L'article 7 prescrit un équilibre de droits et d'obligations et l'article 30 fournit le moyen matériel d'assurer cet équilibre en ce qui concerne les brevets. Toutefois, comme il a déjà été indiqué, l'article 30 permet uniquement des exceptions et non une extension des droits. Il faut conclure de l'absence de dispositions équivalentes à l'article 30 en ce qui concerne l'extension des droits que l'équilibre prescrit par l'article 7 ne doit être assuré que par des exceptions limitées.

Les négociateurs de l'Accord sur les ADPIC avaient la possibilité de prévoir des dispositions particulières pour accroître la jouissance des droits de brevet dans le cas des produits pour lesquels l'approbation réglementaire prend beaucoup de temps. À titre de comparaison, l'article 1709(12) de l'Accord de libreéchange nordaméricain, qui est également fondé sur le texte Dunkel, le fait expressément:

"Chacune des Parties prévoira une durée de protection des brevets d'au moins 20 années à compter de la date de dépôt de la demande de brevet, ou de 17 années à compter de la date d'octroi du brevet. Une Partie pourra prolonger la durée de la protection, dans les cas qui le justifient, à titre de dédommagement pour les retards causés par la procédure d'approbation." [Pas de caractère gras dans l'original]

Si les rédacteurs de l'Accord sur les ADPIC avaient voulu offrir une protection accrue, ils l'auraient fait au moyen d'une disposition analogue à celle de l'ALENA citée cidessus. Or, dans le texte final de l'Accord, les limites de la période de protection étaient celles prescrites à l'article 33, qui n'envisage pas de prolongation de la durée des brevets. De plus, offrir une prolongation de la durée des brevets pour certains produits, mais pas pour d'autres, serait contraire à l'article 27:1.

En outre, les parties ont été ouvertement saisies pendant les négociations de la question de la prolongation de la durée des brevets. La Suisse ainsi que l'Autriche avaient fait des propositions en ce sens. Le fait que ce point a été clairement soulevé pendant les négociations, mais sans faire l'objet d'un accord, indique également que les rédacteurs de l'Accord sur les ADPIC n'avaient pas l'intention de prescrire un tel niveau de protection.

Il est significatif que quatre Membres de l'OMC ont prévu de donner effet à leurs obligations imminentes de manière à ne pas combiner une exception pour l'approbation réglementaire à une prolongation de la durée du brevet. Cela montre que selon ces Membres, une telle extension des droits de brevet n'était pas nécessaire. De fait, pour assurer un équilibre des droits privés et publics conformément aux articles 7 et 8 – par une exception au titre de l'article 30 – il n'est pas nécessaire d'aller au-delà de la durée minimale des brevets prescrite à l'article 33.

3. Veuillez vous reporter aux réponses données aux paragraphes 1) et 2) ci-dessus, ainsi qu'à la réponse à la question n° 14.
Questions posées par le Groupe spécial aux tierces parties à la réunion avec les tierces parties

Le Groupe spécial pense qu'il pourrait être important de tenir compte des lois existant dans d'autres pays au sujet des questions visées à l'article 55.2 1) et 2) de la Loi sur les brevets canadienne, bien qu'il ne soit pas encore parvenu à une conclusion sur la pertinence de ces dispositions pour l'examen des questions juridiques qui lui sont soumises. Vous êtes donc invités à:

- corriger toute erreur dans les renseignements fournis ou les déclarations faites jusqu'à présent, au cours de la procédure, au sujet des dispositions de la législation de votre pays;

- indiquer au Groupe spécial toutes les dispositions de la législation de votre pays qui concernent des questions comparables à celles qui sont visées à l'article 55.2 1) et 2) de la Loi sur les brevets canadienne;

- indiquer au Groupe spécial toutes les dispositions de la législation de votre pays qui prévoient la prolongation de la durée des brevets ou toute autre forme de protection complémentaire des inventions allant au-delà de la durée normale des brevets.

Réponse de l'Australie

En réponse aux questions posées par le Groupe spécial le 10 juin 1999, nous fournissons à titre d'information générale, tout en faisant remarquer que les législations des tierces parties ne sont pas en cause en l'espèce, les renseignements ci-après concernant le régime législatif appliqué en Australie pour les brevets pharmaceutiques:

A. Extraits tirés du mémoire explicatif de la Loi de 1998 portant modification de la législation en matière de propriété intellectuelle.

La Loi de 1998 portant modification de la législation en matière de propriété intellectuelle a modifié la Loi de 1990 sur les brevets pour donner effet à la décision du gouvernement visant à prévoir un système de prolongation de la durée des brevets pharmaceutiques. Les modifications sont entrées en vigueur le 27 janvier 1999 et prévoient qu'une prolongation de cinq ans au maximum pourra être accordée par un brevet standard concernant une substance pharmaceutique qui fait l'objet d'une première inscription au Registre australien des produits thérapeutiques. Le système s'appliquera à tous les brevets d'une durée de 20 ans existants ainsi qu'aux brevets délivrés après la date d'entrée en vigueur.

Les nouvelles dispositions traitent également des activités "tremplin". Elles permettent aux fabricants de médicaments génériques d'entreprendre certaines activités à tout moment après l'octroi de la prolongation à la seule fin de satisfaire aux prescriptions en matière d'approbation réglementaire avant la commercialisation.

La Loi de 1990 sur les brevets ainsi modifiée prévoit un système de prolongation de la durée des brevets pharmaceutiques qui présente les caractéristiques suivantes:

prolongation de cinq ans au maximum pour les brevets standard concernant une substance pharmaceutique qui fait l'objet d'un premier enregistrement en tant que produit thérapeutique dans le cadre de la Loi de 1989 sur les produits thérapeutiques;

prolongation en rapport avec des revendications de produits pour les substances et avec des revendications de procédé pour les produits obtenus par la technologie de l'ADN recombinant;

droits exclusifs pendant les prolongations limités à l'utilisation de substances à des fins thérapeutiques chez l'être humain;

autorisation pour les fabricants de médicaments génériques d'entreprendre des activités tremplin uniquement après l'octroi de la prolongation; et

dispositions applicables à tous les brevets standard d'une durée de 20 ans, ainsi qu'aux brevets délivrés suite à des demandes déposées au moment de l'entrée en vigueur, ou après l'entrée en vigueur, du système.

B. Extraits de la Loi de 1990 sur les brevets telle qu'elle a été modifiée par la Loi de 1998 portant modification de la législation en matière de propriété intellectuelle.

Demande de prolongation de la durée d'un brevet

1) Le titulaire d'un brevet standard peut présenter au commissaire une demande de prolongation de la durée du brevet s'il est satisfait aux prescriptions énoncées aux alinéas 2), 3) et 4).

2) Une ou chacune des deux conditions suivantes doit être remplie:
a) une ou plusieurs substances pharmaceutiques en elles-mêmes doivent être divulguées en substance dans le mémoire descriptif complet du brevet et relever en substance de la revendication ou des revendications de ce mémoire descriptif;
b) une ou plusieurs substances pharmaceutiques produites par un procédé comportant l'utilisation de la technologie de l'ADN recombinant doivent être divulguées en substance dans le mémoire descriptif complet du brevet et relever en substance de la revendication ou des revendications de ce mémoire descriptif.

3) Les deux conditions suivantes doivent être remplies pour une au moins de ces substances pharmaceutiques:
a) les produits qui contiennent la substance, ou en sont constitués, doivent être inscrits au Registre australien des produits thérapeutiques;
b) la période commençant à la date du brevet et se terminant à la première date d'approbation réglementaire de la substance doit être d'au moins cinq ans.

Note: La date d'un brevet est fixée conformément à l'article 65.

4) La durée du brevet ne doit pas avoir été antérieurement prolongée au titre de la présente division.

5) Aux fins du présent article, la première date d'approbation réglementaire, s'agissant d'une substance pharmaceutique, est:
a) si aucune approbation de commercialisation antérieure à la Loi sur les produits thérapeutiques n'a été donnée s'agissant de ladite substance, la date à laquelle la première inscription au Registre australien des produits thérapeutiques des produits qui contiennent cette substance, ou en sont constitués prend effet; ou
b) si une approbation de commercialisation antérieure à la Loi sur les produits thérapeutiques a été donnée s'agissant de ladite substance – la date de la première approbation.

6) Aux fins du présent article, l'approbation de commercialisation antérieure à la Loi sur les produits thérapeutiques, s'agissant d'une substance pharmaceutique, est une approbation (quelle que soit sa dénomination) donnée par un ministre ou le secrétaire d'un département, en vue de:
a) la commercialisation de la substance, ou d'un produit contenant la substance, en Australie; ou
b) l'importation en Australie, pour la commercialisation générale, de la substance ou d'un produit contenant la substance.

Forme et délai de présentation de la demande

Forme de la demande

1) Une demande de prolongation de la durée d'un brevet standard doit:

a) être rédigée dans la forme approuvée; et
b) être accompagnée des documents (le cas échéant) qui sont requis conformément au règlement d'exécution; et
c) être accompagnée des renseignements (le cas échéant) qui sont requis conformément au règlement d'exécution.
À cette fin, "document" s'entend aussi de la copie d'un document.

Délai de présentation de la demande

2) La demande de prolongation de la durée d'un brevet standard doit être présentée pendant la durée du brevet et dans un délai de six mois à compter de la plus récente des dates suivantes:
a) la date de délivrance du brevet;
b) la date à laquelle la première inscription au Registre australien des produits thérapeutiques de produits qui contiennent une des substances pharmaceutiques mentionnées à l'article 70 3), ou en sont constitués prend effet;
c) la date d'entrée en vigueur du présent article.

Notification et inspection publique de la demande

Lorsque le titulaire d'un brevet standard dépose une demande de prolongation de la durée du brevet, le commissaire doit faire paraître un avis au Journal officiel indiquant que la demande a été présentée et qu'elle est mise à l'inspection publique.

Retrait de la demande

1) Le titulaire d'un brevet standard qui a présenté une demande de prolongation de la durée du brevet peut retirer sa demande en en avisant le commissaire par écrit.

2) Si une demande de prolongation de la durée d'un brevet standard est retirée, le commissaire doit faire paraître un avis au Journal officiel indiquant le retrait de la demande.

Acceptation ou refus de la demande

Acceptation

1) Si le titulaire d'un brevet standard présente une demande de prolongation de la durée du brevet, le commissaire doit accepter la demande s'il est convaincu qu'il a été satisfait aux prescriptions énoncées aux articles 70 et 71 en ce qui concerne la demande.

2) Si le commissaire accepte la demande, il doit:
a) en aviser le déposant par écrit; et
b) faire paraître un avis d'acceptation au Journal officiel.

Refus

3) Le commissaire doit refuser d'accepter la demande s'il n'est pas convaincu qu'il a été satisfait aux prescriptions énoncées aux articles 70 et 71 en ce qui concerne ladite demande.

4) Si le commissaire refuse d'accepter la demande, il doit:
a) aviser le déposant par écrit des motifs du refus; et
b) faire paraître un avis de refus au Journal officiel.

Opposition à l'octroi de la prolongation

1) Le ministre ou toute autre personne peut, conformément au règlement d'exécution, s'opposer à l'octroi d'une prolongation de la durée d'un brevet standard au motif qu'il n'a pas été satisfait à une ou plusieurs des prescriptions énoncées aux articles 70 et 71 en ce qui concerne la demande de prolongation. Le ministre ou toute autre personne ne peut pas s'opposer à l'octroi d'une prolongation pour un autre motif.

2) S'il est fait opposition à l'octroi d'une prolongation de la durée d'un brevet standard, le commissaire doit statuer sur la question conformément au règlement d'exécution.

3) Le commissaire doit donner au déposant et à l'opposant l'occasion, de manière appropriée aux circonstances, de se faire entendre avant de statuer sur une affaire.

4) Le déposant et un opposant peuvent former un recours contre les décisions rendues par le commissaire en vertu du présent article auprès du Tribunal fédéral.

Octroi de la prolongation

1) Le commissaire doit accorder une prolongation de la durée d'un brevet standard
a) en l'absence d'opposition à l'octroi de cette prolongation; ou
b) en cas d'opposition, si la décision du commissaire ou la décision rendue à la suite d'un recours conclut à l'octroi de la prolongation.

2) S'il accorde une prolongation, le commissaire doit en aviser le déposant par écrit et faire paraître un avis de prolongation au Journal officiel.

76A. Notification de la prolongation au Secrétaire du Département de la santé et de la famille

Pour chaque demande de prolongation approuvée par le commissaire au titre de l'article 76 pendant un exercice, le titulaire du brevet doit déposer auprès du Secrétaire du Département, avant la fin de l'exercice suivant, un dossier comprenant les renseignements suivants:
a) détails relatifs au montant et à l'origine des fonds du Commonwealth dépensés pour la recherchedéveloppement du médicament qui fait l'objet de la demande; et
b) le nom de tout organisme:
i) avec lequel le déposant a conclu un accord contractuel; et
ii) qui reçoit des fonds du Commonwealth; et
c) le montant total dépensé pour chaque type d'activité de recherche-développement, y compris la recherche préclinique et les essais cliniques, en ce qui concerne le médicament qui a fait l'objet de la demande.

Calcul de la durée de la prolongation

1) Si le commissaire accorde une prolongation de la durée d'un brevet standard, la durée de cette prolongation correspond à:
a) la période commençant à la date du brevet et se terminant à la toute première date d'approbation réglementaire (telle que définie à l'article 70) en ce qui concerne toute substance pharmaceutique visée à l'article 70 2);
réduite (sans devenir négative) de:
b) cinq ans.

Note: La date d'un brevet est fixée conformément à l'article 65.

2) La durée de la prolongation ne peut toutefois pas dépasser cinq ans.

Les droits exclusifs du titulaire du brevet sont limités si une prolongation est accordée

1) Si le commissaire accorde une prolongation de la durée d'un brevet standard, les droits exclusifs du titulaire du brevet pendant la durée de la prolongation ne sont pas violés:
a) par une personne exploitant:
i) une substance pharmaceutique en elle-même qui est divulguée en substance dans le mémoire descriptif complet du brevet et relève en substance de la revendication ou des revendications de ce mémoire respectif; ou
ii) une substance pharmaceutique produite par un procédé comportant l'utilisation de la technologie de l'ADN recombinant, qui est divulguée en substance dans le mémoire descriptif complet du brevet et relève en substance de la revendication ou des revendications de ce mémoire descriptif;
à des fins autres qu'une utilisation thérapeutique; ou
b) par une personne exploitant toute forme de l'invention autre que:
i) une substance pharmaceutique en elle-même qui est divulguée en substance dans le mémoire descriptif complet du brevet et relève en substance de la revendication ou des revendications de ce mémoire descriptif; ou
ii) une substance pharmaceutique produite par un procédé comportant l'utilisation de la technologie de l'ADN recombinant, qui est divulguée en substance dans le mémoire descriptif complet du brevet et relève en substance de la revendication ou des revendications de ce mémoire descriptif.

2) Si le commissaire accorde une prolongation de la durée d'un brevet standard, les droits exclusifs du titulaire du brevet après l'octroi de la prolongation ne sont pas violés par une personne exploitant:
a) une substance pharmaceutique en elle-même qui est divulguée en substance dans le mémoire descriptif complet du brevet et relève en substance de la revendication ou des revendications de ce mémoire respectif; ou
b) une substance pharmaceutique produite par un procédé comportant l'utilisation de la technologie de l'ADN recombinant, qui est divulguée en substance dans le mémoire descriptif complet du brevet et relève en substance de la revendication ou des revendications de ce mémoire descriptif; aux seules fins qui sont en rapport avec:
c) l'inscription des produits au Registre australien des produits thérapeutiques, lorsque les produits sont destinés à une utilisation thérapeutique; ou
d) l'obtention d'une approbation réglementaire similaire en vertu de la législation d'un pays étranger ou d'une partie d'un pays étranger.

Droit du titulaire du brevet si la prolongation est accordée après l'expiration du brevet

Si:

a) le titulaire d'un brevet standard demande une prolongation de la durée du brevet; et
b) le brevet vient à expiration avant qu'une décision ne soit prise au sujet de la demande; et
c) la prolongation est accordée;
le titulaire du brevet a, après l'octroi de la prolongation, les mêmes droits d'engager une procédure en ce qui concerne un acte accompli pendant la période:
d) commençant à l'expiration de la durée du brevet; et
e) se terminant le jour de l'octroi de la prolongation;

que si la prolongation avait été accordée au moment où l'acte a été accompli.

Réponse du Brésil

La législation brésilienne ne contient pas de disposition traitant de questions comparables à celles qui sont visées à l'article 55.2 1) et 2) de la Loi sur les brevets canadienne.

La législation brésilienne ne contient pas de disposition prévoyant la prolongation d'un brevet audelà de la durée normale prévue.

Réponse de la Colombie

Veuillez vous reporter aux renseignements donnés par la Colombie qui figurent dans la partie V du présent rapport.

Réponse de Cuba

En réponse à la question posée par le Président du Groupe spécial à la séance avec les tierces parties le 10 juin, Cuba indique que, conformément aux dispositions de l'Accord sur les ADPIC, elle bénéficie de la période de transition prévue pour les pays en développement et régie par l'article 65:2, ce qui explique pourquoi sa législation ne satisfait pas encore à toutes les prescriptions énoncées dans ce texte de l'OMC.

Réponse d'Israël

1. Les renseignements fournis par le Canada sont en règle générale exacts.

2. La Loi sur les brevets (1967) israélienne, telle qu'elle a été modifiée à ce jour, autorise certaines activités avant l'expiration du brevet à certaines conditions. Le stockage n'est pas autorisé comme il ressort des dispositions de l'article 54A 2) de la Loi, qui sont reproduites ci-après.

3. Israël autorise la prolongation de la durée des brevets à certaines conditions pendant une période de cinq ans au maximum pour compenser un retard dans la commercialisation, la durée des brevets ne pouvant excéder 14 ans.

On trouvera ci-après une traduction non officielle des articles pertinents:

Les droits exclusifs du titulaire du brevet sont énoncés à l'article 49 a) de la Loi: "Le titulaire d'un brevet est autorisé à empêcher toute autre personne d'exploiter l'invention pour laquelle le brevet a été délivré, sans sa permission ou de façon illicite, soit de la manière décrite dans les revendications soit d'une manière similaire qui  à la lumière de ce qui est décrit dans ces revendications – fait intervenir l'élément essentiel de l'invention faisant l'objet du brevet (ciaprès "atteinte").

L'article 1 du chapitre premier définit l'expression "exploitation d'une invention", qu'il s'agisse d'un produit ou d'un procédé, de la manière suivante: "1) dans les cas où l'invention est un produit, un des actes suivants: fabriquer, utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer aux fins d'accomplir un de ces actes; 2) dans les cas où l'invention est un procédé, utiliser le procédé et, dans le cas d'un produit obtenu directement par ce procédé, un des actes suivants: fabriquer, utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer aux fins d'accomplir un de ces actes."

L'article 1 (1-3) prévoit également des exceptions aux droits exclusifs: "1) un acte qui n'est pas accompli à une échelle commerciale et n'a pas un caractère commercial; 2) un acte expérimental en rapport avec l'invention, dont l'objectif est d'améliorer l'invention ou de mettre au point une autre invention; 3) un acte accompli au titre des dispositions de l'article 54A."

L'article 54A de la loi concerne les actes expérimentaux qui sont définis comme suit: "Un acte expérimental qui s'inscrit dans un processus visant à obtenir une licence pour commercialiser le produit après l'expiration du brevet, n'équivaut pas à l'"exploitation d'une invention", si les deux conditions suivantes sont remplies: 1) le processus vise à obtenir une licence en Israël ou dans un pays dans lequel il est permis d'accomplir un acte expérimental en ce qui concerne une invention brevetée afin d'obtenir une licence avant l'expiration du brevet; 2) tout produit obtenu au titre des dispositions du présent article n'est pas utilisé – que ce soit pendant ou après la durée de validité du brevet – à une fin autre que l'obtention de ladite licence."

Réponse du Japon

1. Article 55.2 1) et 2) de la Loi sur les brevets canadienne

La Loi sur les brevets japonaise contient des dispositions correspondant à l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets canadienne, mais pas de disposition correspondant à l'article 55.2 2). Les dispositions pertinentes figurent à l'article 68 (Effets du droit de brevet) et à l'article 69 (Limites du droit de brevet). Voir l'annexe.

Comme il est indiqué dans la communication datée du 10 juin 1999 que nous avons présentée au Groupe spécial, les essais destinés à la préparation du dossier d'information requis pour obtenir l'approbation de commercialisation (dispositions de l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets canadienne) sont exclus du champ d'application du droit de brevet au titre de l'article 69 1) de la Loi sur les brevets japonaise. Par contre, la production et l'emmagasinage des produits brevetés sans le consentement du titulaire du brevet (dispositions du de l'article 55.2 2) de la Loi sur les brevets canadienne) ne relèvent pas de l'article 69 de la Loi sur les brevets japonaise.

2. Système de prolongation de la durée des brevets

Depuis 1988, le Japon dispose d'un système de prolongation de la durée des brevets. Les dispositions pertinentes figurent à l'article 67 2) de la Loi sur les brevets japonaise. Voir l'annexe.

Sur arrêté du cabinet, les titulaires de brevets relatifs à des produits pharmaceutiques et à des produits chimiques pour l'agriculture peuvent se prévaloir de ce système.

(Durée du droit du brevet)

67 1). La durée d'un droit de brevet est de 20 ans à compter de la date du dépôt de la demande de brevet.
67 2). La durée d'un droit de brevet peut être prolongée, sur présentation d'une requête en enregistrement d'une prolongation, pour cinq ans au maximum s'il n'a pas été possible d'exploiter l'invention brevetée pendant une période de deux ans ou davantage parce que, en raison de la nécessité d'obtenir une approbation ou autre décision en vertu des dispositions de lois destinées à assurer la sécurité, etc., de l'exploitation de l'invention brevetée, approbation ou décision prévue par un arrêté du cabinet, les démarches, etc., qui ont dû être accomplies en vue de se conformer à cette décision ont nécessité beaucoup de temps.

(Effets du droit de brevet)

68. Le titulaire d'un brevet a le droit exclusif d'exploiter industriellement ou commercialement l'invention brevetée. Toutefois, lorsque le droit de brevet fait l'objet d'une licence exclusive, cette disposition n'est pas applicable dans la mesure où le preneur de la licence exclusive a le droit exclusif d'exploiter l'invention brevetée.

(Limites du droit de brevet)

69 1). Les effets d'un droit de brevet ne s'étendent pas à son exploitation à des fins d'expérience ou de recherche.
69 2). Les effets d'un droit de brevet ne s'étendent pas aux objets suivants:
i) les engins de locomotion terrestre ou aérienne qui ne font que transiter par le Japon ou les machines, instruments, installations ou autres accessoires qui y sont utilisés;
ii) Les produits existant déjà au Japon avant le dépôt de la demande de brevet.
69 3). Les effets d'un droit de brevet portant sur des inventions de médicaments (c'estàdire des produits servant au diagnostic, aux soins et aux traitements médicaux préventifs et curatifs des maladies chez l'être humain – ci-après dénommés "médicaments" dans le présent alinéa) devant être fabriqués par mélange de deux médicaments ou davantage, ou sur des inventions de procédés de fabrication de médicaments par mélange de deux médicaments ou davantage, ne s'étendent pas à la préparation des médicaments conformément à l'ordonnance d'un médecin ou d'un dentiste ni aux médicaments ainsi préparés.

Réponse de la Pologne

Les dispositions de la Loi sur les brevets polonaise ne traitent pas de questions comparables à celles qui sont visées à l'article 55.2 1) et 2) de la Loi sur les brevets canadienne. Elles ne prévoient pas non plus la prolongation de la durée des brevets ou toute autre forme de protection complémentaire des inventions audelà de la durée normale des brevets (il n'existe pas d'exemption "Bolar" ni de disposition concernant un CCP dans le cadre de la législation polonaise actuellement en vigueur).

Quant au projet de Loi sur la propriété industrielle, il contient une disposition prévoyant que les actes ciaprès ne portent pas atteinte aux brevets:

- application d'une invention à des fins de recherche et d'expérimentation pour procéder à son évaluation ou à des recherches;

- utilisation d'une invention, dans la mesure nécessaire, pour accomplir des actes prescrits par la loi en vue d'obtenir l'enregistrement ou l'approbation nécessaires à la commercialisation de certains produits en fonction de leur désignation, notamment dans le cas des produits pharmaceutiques.

Le projet de loi ne prévoit aucune exception pour le "stockage".

Réponse de la Suisse

Voir dans la Partie V du présent rapport les renseignements communiqués par la Suisse.

Réponse de la Thaïlande

La législation pertinente est la Loi de 2522 (ère bouddhique) sur les brevets (1979), telle qu'elle a été modifiée par la Loi de 2535 sur les brevets (n° 2) (1992). L'article 36 5) de cette loi dispose que tout acte en rapport avec les demandes d'enregistrement de médicaments visant à fabriquer, vendre ou importer des produits pharmaceutiques brevetés après l'expiration du brevet ne constitue pas un acte de contrefaçon. La législation ne contient aucune disposition permettant de prolonger la durée de protection conférée par un brevet audelà de la durée normale qui est, selon l'article 35, de 20 ans.

Réponse des ÉtatsUnis

1. La description de la législation des ÉtatsUnis faite par le Canada dans sa première communication écrite est inexacte. Le FDA des ÉtatsUnis n'exige pas la production de trois lots à l'échelle commerciale comme condition préalable à l'obtention de l'approbation de commercialisation. Voir la déclaration orale des ÉtatsUnis en tant que tierce partie, page 13 (10 juin 1999).

2. La législation des ÉtatsUnis contient une clause d'exception équilibrée permettant les essais avant l'expiration du brevet: l'article 271 e) du titre 35 du Code des ÉtatsUnis. L'article 271 e) diffère par plusieurs aspects de l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets canadienne. La législation des ÉtatsUnis ne prévoit aucune exception aux droits de brevet pour le stockage. Autrement dit, il n'existe pas d'exception comparable à celle qui est prévue par l'article 55.2 2) de la Loi canadienne.

3. La législation des ÉtatsUnis prévoit le rétablissement de la durée des brevets: article 156 du titre 35 du Code des ÉtatsUnis. Les articles 156 et 271 e) du titre 35 ont été adoptés en 1984 dans le cadre de la Loi sur la concurrence par les prix et le rétablissement de la durée des brevets pour les produits pharmaceutiques. 98 Stat. 1585.

annexe 6 exceptions aux droits conférés par un brevet: projets de textes successifs examinés pendant les négociations du cycle d'uruguay

Note établie par le Secrétariat à l'intention du Groupe spécial


La négociation de l'Accord sur les ADPIC à partir de projets de textes juridiques a commencé au printemps 1990 sur la base de cinq projets de textes juridiques présentés au Groupe de négociation sur les ADPIC du Cycle d'Uruguay par les Communautés européennes, les ÉtatsUnis, le Japon, la Suisse et 15 pays en développement. Ces textes ont tout d'abord été regroupés par le Secrétariat dans un projet de texte composite daté du 12 juin 1990. À l'issue de consultations intensives, le Président a fait distribuer, le 23 juillet 1990, un texte révisé (MTN.GNG/NG11/W/76). Les révisions successives du texte du Président ont ensuite été distribuées au fur et à mesure du déroulement des consultations. Les libellés apparaissant dans les différentes versions de ce qui allait devenir l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC sont reproduits cidessous.

PROJET DE TEXTE COMPOSITE
(Note informelle n° 1404 du 12 juin 1990)

Paragraphe III.5.3.2

"(Exceptions aux droits conférés)

Les droits exclusifs conférés par un brevet pourront faire l'objet d'exceptions limitées pour certains actes, tels que les actes couverts par des droits fondés sur une utilisation antérieure, les actes privés sans caractère commercial et les actes accomplis à des fins expérimentales, pour autant que ces exceptions tiennent compte des intérêts légitimes du propriétaire du brevet et des tiers."

TEXTE DU PRÉSIDENT DU 23 JUILLET 1990
(Document MTN.GNG/NG11/W/76 du 23 juillet 1990)

Partie III.5.2.2

"Exceptions aux droits conférés

2.2 [Sous réserve que les intérêts légitimes du propriétaire du brevet et des tiers soient pris en considération,] les droits exclusifs conférés par un brevet pourront faire l'objet d'exceptions limitées pour certains actes, par exemple:

2.2.1 Les actes couverts par des droits fondés sur une utilisation antérieure.

2.2.2 Les actes privés sans caractère commercial.

2.2.3 Les actes accomplis à des fins expérimentales.

2.2.4 La préparation en pharmacie, au cas par cas, de médicaments sur la base d'ordonnances, ou les actes accomplis avec les médicaments ainsi préparés.

2.2.5A Les actes accomplis dans l'idée qu'ils ne sont pas interdits par une revendication valable figurant dans un brevet tel qu'il a été initialement délivré mais qui le deviennent par la suite du fait qu'une revendication valable a été modifiée conformément aux procédures prévues pour la modification des brevets après leur délivrance.

2.2.6B Les actes accomplis par les pouvoirs publics simplement pour leurs propres besoins."

TEXTE DU PRÉSIDENT DU 1ER OCTOBRE 1990
(Note informelle n° 2341 du 1er octobre 1990)

Section III.5.4

"Exceptions aux droits conférés

4.1 Les PARTIES pourront prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet, à condition que ces exceptions n'entrent pas en conflit avec l'exploitation normale du brevet et ne portent pas indûment préjudice aux intérêts légitimes du titulaire du brevet."

TEXTE DU PRÉSIDENT DU 25 OCTOBRE 1990
(Note informelle n° 2613 du 25 octobre 1990)

"Article 31: Exceptions aux droits conférés

Les PARTIES pourront prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet, à condition que ces exceptions n'entrent pas indûment en conflit avec l'exploitation normale du brevet et ne portent pas indûment préjudice aux intérêts légitimes du titulaire du brevet et de tierces parties."

TEXTE DU PRÉSIDENT DU 13 NOVEMBRE 1990
(Note informelle n° 2814 du 13 novembre 1990)

Les PARTIES pourront prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet, à condition que celles-ci ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers."

_______________


Ce libellé est resté inchangé dans les textes du Président du 20 novembre 1990 (n° 2870) et du 22 novembre 1990 (n° 2909) ainsi que dans le texte qui a été transmis à la Conférence ministérielle de Bruxelles (document MTN.TNC/W/35/Rev.1 du 3 décembre 1990). Il s'agit également du libellé figurant dans le projet d'Acte final reprenant les résultats des négociations commerciales multilatérales de l'Uruguay Round du 20 décembre 1991 (MTN.TNC/W/FA) et, en dehors de l'utilisation du terme "Membres" à la place de "PARTIES", de celui qui figure dans l'Accord sur les ADPIC.
APPENDICE


Parallèlement aux négociations menées en 1990 par le Groupe de négociation sur les ADPIC du Cycle d'Uruguay, des travaux étaient réalisés à l'OMPI par un Comité d'experts sur l'harmonisation de certaines dispositions des législations protégeant les inventions en vue de l'élaboration d'un projet de traité d'harmonisation des législations sur les brevets. Les textes en cours d'élaboration à l'OMPI n'étaient pas distribués officiellement au Groupe de négociation sur les ADPIC, mais celuici était tenu informé par le représentant de l'OMPI de l'avancement des travaux. Le texte concernant les exceptions aux droits des brevets qui était examiné à l'époque dans le cadre des travaux de l'OMPI figurait dans les articles 19 et 20 d'un projet établi par le Bureau international de l'OMPI (HL/CE/VIII/3) et daté du 15 février 1990. Il était libellé comme suit:

"[...]

Article 19.3 a). Nonobstant les dispositions des alinéas 1) et 2), toute Partie contractante est libre de prévoir que le titulaire d'un brevet n'a pas le droit d'interdire aux tiers d'accomplir, sans son autorisation, les actes visés aux alinéas 1) et 2) dans les cas suivants:

i) si l'acte se rapporte à un produit qui a été mis dans le commerce par le titulaire du brevet, ou avec son consentement exprès, et si cet acte est accompli après que le produit a ainsi été mis dans le commerce sur le territoire de cette Partie contractante, ou, dans le cas d'un groupe d'États constituant un marché régional, sur le territoire de l'un des États membres de ce groupe;

ii) si l'acte est accompli dans un cadre privé et à une échelle non commerciale, et s'il ne porte pas un préjudice sensible aux intérêts matériels du titulaire du brevet;

iii) si l'acte – de fabrication ou d'utilisation – est accompli à titre exclusivement expérimental, et s'il ne porte pas un préjudice sensible aux intérêts matériels du titulaire du brevet;

iv) si l'acte consiste, pour une officine de pharmacie ou un médecin, à préparer, sur ordonnance médicale, un médicament pour des cas particuliers ou s'il a trait au médicament ainsi préparé.

Article 19.3 b). Les dispositions des alinéas 1) et 2) ne doivent pas être interprétées comme ayant une incidence sur la faculté que les Parties contractantes ont en vertu de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle de permettre, dans certaines circonstances, l'accomplissement d'actes sans l'autorisation du titulaire du brevet.

[...]

Article 20.1). Toute Partie contractante peut prévoir que, nonobstant les dispositions de l'article 19, un brevet ne peut être opposé à une personne (ci-après dénommée l'"utilisateur antérieur") qui, de bonne foi, avant la date de dépôt ou, lorsqu'une priorité est revendiquée, avant la date de priorité de la demande sur la base de laquelle le brevet est délivré et sur le territoire où le brevet produit ses effets, utilisait l'invention ou faisait des préparatifs effectifs et sérieux en vue d'une telle utilisation; cette personne a le droit, aux fins de son activité, de continuer à utiliser cette invention ou de l'utiliser comme elle l'avait envisagé dans ces préparatifs.

Article 20.2). Le droit de l'utilisateur antérieur ne peut être transmis qu'avec l'entreprise ou l'affaire de ce dernier dans laquelle ont eu lieu l'utilisation ou les préparatifs en vue d'une utilisation."

__________


 Voir l'annexe 1 du présent rapport.

 L'article 46 impose le paiement de taxes pour le maintien des droits en l'état.

 Le texte intégral de la partie C.08 du Règlement figure à l'annexe 2 du présent rapport.

 Selon la Cour d'appel fédérale, dans Apotex Inc. v. Canada, [1994] 1 F.C. 742 (appeal dismissed [1994] 3.S.C.R. 1100 (S.C.C.)), page 753, le processus par lequel une "drogue nouvelle" est approuvée pour fabrication et vente au Canada peut être décrit succinctement comme suit:

"Une "drogue nouvelle" doit subir des essais rigoureux avant de pouvoir être vendue. Le fabricant de la drogue doit remettre [au PPT] une présentation de drogue nouvelle ("PDN") indiquant notamment les propriétés curatives et les ingrédients de la drogue ainsi que les méthodes de fabrication et de purification. La PDN contient également les résultats des études cliniques qui ont été effectuées par le fabricant et qui confirment l'innocuité et l'efficacité de la drogue. Des équipes multidisciplinaires de la Direction des médicaments [du PPT] examinent tous les éléments de la PDN. Un ADC [Avis de conformité, ou autrement dit approbation de la commercialisation] ne sera délivré que si la drogue est jugée à la fois efficace et sans danger pour les humains …"
 Voir l'annexe 3 du présent rapport.

 Trousse d'information préparée conjointement par Industrie Canada et Santé Canada afin de fournir des données concrètes pour l'examen de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets (projet de loi C-91) par le Comité permanent de l'industrie de la Chambre des communes, gouvernement du Canada, février 1997.

 Cour d'appel fédérale, dans Apotex Inc. v. Canada, [1994] 1 F.C. 742 (appeal dismissed [1994] S.C.R. 1100 (S.C.C.)), page 756.

 Article 4 1) du Règlement.

 Article 5 1) du Règlement.

 Article 5 3) du Règlement.

 Article 6 1) du Règlement.

 Tel qu'il a été initialement promulgué, le Règlement interdisait au ministre de délivrer l'avis de conformité pendant une période de 30 mois, mais celle-ci a été ramenée à 24 mois par un amendement de 1998 (DORS/98-166).

 Article 7 1) e) et 7 4) du Règlement.

 Cour fédérale d'appel, dans Apotex Inc. v. Canada, [1994] 1 F.C. 742 (appeal dismissed [1994] 3 S.C.R. 1100 (S.C.C.)), pages 754 et 755.

 Voir plus haut le paragraphe 2.1.

 L'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC se lit comme suit (sans la note):

1. Un brevet conférera à son titulaire les droits exclusifs suivants:

a) dans les cas où l'objet du brevet est un produit, empêcher des tiers agissant sans son consentement d'accomplir les actes ciaprès: fabriquer, utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer à ces fins ce produit;

b) dans les cas où l'objet du brevet est un procédé, empêcher des tiers agissant sans son consentement d'accomplir l'acte consistant à utiliser le procédé et les actes ciaprès: utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer à ces fins, au moins le produit obtenu directement par ce procédé."

L'article 33 de l'Accord sur les ADPIC se lit comme suit (sans la note):

"La durée de la protection offerte ne prendra pas fin avant l'expiration d'une période de 20 ans à compter de la date du dépôt."

 Il a été fait référence à la trousse d'information visée plus haut dans la note 6.

 La partie pertinente de l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC se lit comme suit: "… des brevets pourront être obtenus et il sera possible de jouir de droits de brevet sans discrimination quant … au domaine technologique ...".

 Pour le texte de l'article 28:1, voir plus haut la note 16.

 Pour le texte de l'article 55.2 1), voir plus haut le paragraphe 2.1.

 Selon les CE, si le texte de la Loi sur les brevets n'accordait pas expressément un droit d'importation, ce droit était reconnu par la jurisprudence canadienne (voir Wellcome Foundation LTD v. Apotex Inc. (1990) 32 C.P.R. (3rd), page 352.

 Selon les CE, cela a été expressément confirmé par le Canada en réponse à une question des Communautés européennes et de leurs États membres pendant la première série de consultations, le 13 février 1998.

 Il a été fait référence à la trousse d'information visée plus haut à la note 6 selon laquelle cela a été expressément reconnu par le Canada (page 11).

 Il a été fait référence à l'évolution de la législation canadienne en matière de brevets telle que les CE l'ont présentée et à leur comparaison entre la situation au Canada avant et après l'introduction en 1993 du projet de loi C-91 et du Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés (voir plus loin la partie pertinente du paragraphe 4.6).

 Voir plus haut le paragraphe 2.7.

 Mac Kay J. dans Apotex Inc. v. Attorney General of Canada et al., 71 C.P.R.(3rd), page 170.

 Les CE ont communiqué le bref historique suivant de la négociation de l'Accord sur les ADPIC:
"À la Conférence ministérielle qui, en septembre 1986, a lancé le Cycle d'Uruguay sur les négociations commerciales multilatérales à Punta del Este (Uruguay), les ADPIC ont été inscrits à l'ordre du jour des négociations où ils constituaient un de ce qu'on appelait les nouveaux sujets. L'établissement de règles multilatérales dans le domaine des droits de propriété intellectuelle était jusqu'alors dominé par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) qui administre ou coadministre la quasi-totalité des conventions importantes dans ce domaine. Il existait au début des divergences fondamentales entre les pays industrialisés, qui souhaitaient parvenir à une couverture complète de tous les droits de propriété intellectuelle, et les pays en développement, qui voulaient limiter les travaux à un Code contre le commerce des marchandises de contrefaçon. Au cours des négociations, l'opinion de ceux qui souhaitaient une approche globale a prévalu. En conséquence, la quasitotalité des droits de propriété intellectuelle existants ont été inclus dans les APDIC. En premier lieu, le principe du traitement national et celui du traitement de la nation la plus favorisée (le second étant une nouveauté dans le domaine des droits de propriété intellectuelle) ont été énoncés. Mention a été faite des plus importantes conventions de l'OMPI (Convention de Paris couvrant les droits de propriété industrielle, Convention de Berne couvrant le droit d'auteur, Traité de Washington sur la propriété intellectuelle en matière de circuits intégrés), ce qui a permis non seulement de les prendre en compte, mais aussi de les soumettre à un système efficace de règlement des différends. La protection offerte, supérieure à celle assurée par ces conventions, a été fixée au niveau qu'elle avait atteint vers 1985 dans les pays industrialisés. On s'est également efforcé de définir des règles de grande portée susceptibles d'assurer le respect des normes de fond en matière de droits de propriété intellectuelle, ce qui était tout à fait nouveau dans le domaine de l'établissement de règles internationales concernant ces droits. Le texte Dunkel sur les ADPIC daté de décembre 1991, auquel il a été fait référence plus haut au point 19, a été repris presque mot pour mot dans l'Acte final adopté en avril 1994 à la Conférence ministérielle de Marrakech, qui a conclu avec succès les négociations du Cycle d'Uruguay. Les dispositions de fond relatives à la protection des brevets figurent dans la section 5 de la Partie II, soit les articles 27 à 34 de l'Accord sur les ADPIC. L'article 27:1 énonce le principe selon lequel les brevets devront pouvoir être obtenus dans tous les domaines technologiques si les conditions générales applicables à la délivrance d'un brevet sont remplies. Cela revêt une importance fondamentale parce que de nombreux pays, en particulier des pays en développement, n'avaient pas fait en sorte – et pour certains ne font encore pas en sorte aujourd'hui – que des brevets puissent être obtenus pour certains domaines technologiques, notamment les produits pharmaceutiques ou agrochimiques ou les denrées alimentaires. L'article 27:2 et 27:3 offre la possibilité d'exclure de la brevetabilité un certain nombre d'objets bien définis tirés dans une large mesure de textes législatifs modernes concernant les droits de propriété intellectuelle tels que la Convention relative au brevet européen (CDE) (voir en particulier à des fins de comparaison l'article 53 de cette convention). L'article 28 de l'Accord décrit en détail les droits qui sont conférés à un titulaire de brevet une fois celui-ci délivré. L'article 29 énonce les obligations des déposants de demandes de brevets. L'article 30 porte sur les exceptions aux droits conférés que les Membres de l'OMC peuvent prévoir. L'article 31 traite principalement de ce qu'on appelle généralement des licences obligatoires et formule des règles détaillées pour la concession de ces licences. L'article 32 concerne la révocation et la déchéance et l'article 33 stipule pour les brevets une durée minimale de protection de 20 ans à compter de la date du dépôt. Enfin, l'article 34 définit des règles applicables aux brevets de procédé et prévoit en particulier un renversement de la charge de la preuve dans les procédures concernant l'atteinte aux droits. Si les périodes de transition prévues en faveur des pays en développement (y compris – dans certaines conditions – les pays en transition) et les pays moins avancés (PMA) ne sont pas encore achevées, tous les pays industrialisés Membres de l'OMC devaient se conformer pleinement à toutes les obligations découlant de l'Accord sur les ADPIC à compter du 1er janvier 1996 (voir articles 65 et 66 de l'Accord). Les obligations du Canada vis-à-vis des CE et de leurs États membres devaient donc être pleinement respectées à compter du 1er janvier 1996." Les CE se sont aussi référées à Gervais, "The TRIPS Agreement: Drafting History and Analysis", Londres 1998, pages 3 à 28.

 Il a été fait référence à la page 2 de la trousse d'information visée plus haut dans la note 6.

 Il a été fait référence à M. Hertz, qui faisait partie de l'équipe de négociateurs canadiens sur les ADPIC et sur l'ALENA et avait écrit: "[...] En ce qui concerne les droits de propriété intellectuelle, l'ALENA suit de près les termes du projet de texte de négociation sur les ADPIC établi en 1991 par Dunkel. Par conséquent, le libellé du chapitre 17 de l'ALENA, propriété intellectuelle, et celui des ADPIC sont en général assez proches pour que les interprétations du sens de l'un présentent un intérêt direct pour l'élucidation de l'autre. Les constatations relatives à la propriété intellectuelle d'éventuels groupes spéciaux de l'ALENA peuvent donc beaucoup influer sur l'interprétation des APDIC et viceversa." (CanadaUnited States Law Journal, Volume 23 (1997), page 281).

 Il a été fait référence à la page 2 de la trousse d'information visée plus haut dans la note 6.

 Il a été fait référence à la page 2 de la trousse d'information visée plus haut dans la note 6.

 Voir aussi plus haut le paragraphe 4.4, troisième alinéa. Il a également été fait référence à la page 20 de la trousse d'information visée plus haut dans la note 6.

 Selon les CE, ce renseignement a été donné par le Canada en réponse à une question précise posée par les CE au cours de la première série de consultations, le 13 février 1998.

 Il a été fait référence à Muldoon J. dans Wellcome Foundation v. Apotex Inc. (1990) 32 C.P.R. (3rd) page 356: "La séquence envisagée par la Loi est la suivante: On obtient d'abord la licence obligatoire, puis on peut importer pour expérimentation afin de présenter le dossier voulu à la Direction générale de la protection de la santé en vue d'obtenir un avis de conformité."

 Soit sept ans à compter de l'introduction du produit breveté sur le marché canadien plus deux ans et demi pour obtenir l'approbation de la commercialisation pour la version générique sous licence obligatoire lorsque l'ingrédient actif était produit au Canada.

 Soit dix ans à compter de l'introduction du produit breveté sur le marché canadien lorsque l'ingrédient actif était importé, puis deux ans et demi pour obtenir l'approbation de commercialisation de la copie sous licence obligatoire.

 Il arrivait que l'approbation de la commercialisation du produit original soit obtenue plus de dix ans et demi après le dépôt de la demande de brevet. Si l'ingrédient actif de la copie était produit au Canada, la période d'exclusivité pouvait se prolonger au maximum un an et demi après l'expiration du brevet et dans tous les cas où l'ingrédient actif de la copie était importé au Canada, l'exclusivité restait effectivement acquise jusqu'à deux ans et demi après l'expiration du brevet.

 Neuf ans et demi si l'ingrédient actif était produit au Canada et 12 ans et demi s'il était importé.

 Voir plus haut le texte introductif du paragraphe 4.10.

 L'article 31.1 fait partie des "règles coutumières d'interprétation du droit international public" au sens de l'article 3:2 du Mémorandum d'accord de l'OMC sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (1994), et il s'applique donc à l'interprétation de l'Accord sur les ADPIC conformément aux dispositions de son article 64:1: États-Unis – Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules, WT/DS2/AB/R, page 17.

 Il a été fait référence aux documents suivants: Déclaration de la Thaïlande à la réunion des 1214 septembre 1988; MTN.GNG/NG11/W/27, page 2; Lignes directrices et objectifs proposés par la Communauté européenne pour les négociations sur les aspects des règles de fond concernant les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, 7 juillet 1988, MTN.GNG/NG11/W/26, pages 5-6; Existence, portée et forme des normes/règles relatives à la protection de la propriété intellectuelle généralement acceptées et appliquées au plan international, note établie par le Bureau international de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, 15 septembre 1988, MTN.GNG/NG11/W/24/Rev.1, pages 7-8; Compilation des communications écrites et des déclarations orales établie par le Secrétariat, 5 février 1988, MTN.GNG/NG11/W/12/Rev.1, pages 16-17; Proposition des pays nordiques pour les négociations sur les normes et principes concernant les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, 10 juillet 1989, MTN.GNG/NG11/W/36, page 2; Normes et principes concernant l'existence, la portée et l'exercice des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce: communication de l'Inde, 10 juillet 1989, MTN.GNG/NG11/W/37, pages 6-7 et 17-18; Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce: communication des Communautés européennes, 14 novembre 1989, MTN.GNG/NG11/W/49, pages 6-7; Normes relatives aux droits de propriété intellectuelles qui touchent au commerce: communication de Hong Kong, 29 novembre 1989, MTN.GNG/NG11/W/51, page 6; Projet d'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (de la délégation des CE), 29 mars 1990, MTN.GNG/NG11/W/68, pages 10-11; Communication présentée par l'Argentine, le Brésil, le Chili, la Chine, la Colombie, Cuba, l'Égypte, l'Inde, le Nigéria, le Pérou, la Tanzanie et l'Uruguay, 14 mai 1990, MTN.GNG/NG11/W/71, pages 9-10; Communication du Brésil, 31 octobre 1988, MTN.GNG/NG11/W/30.

 "Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit au moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, rien dans le présent accord ne sera interprété comme empêchant l'adoption ou l'application par toute partie contractante des mesures." (Pas d'italique dans l'original)

 "Les Membres feront en sorte que l'élaboration, l'adoption ou l'application des règlements techniques n'aient ni pour objet ni pour effet de créer des obstacles non nécessaires au commerce international. À cette fin, les règlements techniques ne seront pas plus restrictifs pour le commerce qu'il n'est nécessaire pour réaliser un objectif légitime, compte tenu des risques que la non-réalisation entraînerait. Ces objectifs légitimes sont, entre autres, la sécurité nationale, la prévention de pratiques de nature à induire en erreur, la protection de la santé ou de la sécurité des personnes, de la vie ou de la santé des animaux, la préservation des végétaux ou la protection de l'environnement. Pour évaluer ces risques, les éléments pertinents à prendre en considération sont, entre autres, les données scientifiques et techniques disponibles, les techniques de transformation connexes, ou les utilisations finales prévues pour les produits." (Pas d'italique dans l'original)

 "Sans préjudice des dispositions du paragraphe 2 de l'article 3, lorsqu'ils établiront ou maintiendront des mesures sanitaires ou phytosanitaires pour obtenir le niveau approprié de protection sanitaire ou phytosanitaire, les Membres feront en sorte que ces mesures ne soient pas plus restrictives pour le commerce qu'il n'est requis pour obtenir le niveau de protection sanitaire ou phytosanitaire qu'ils jugent approprié, compte tenu de la faisabilité technique et économique." (Pas d'italique dans l'original)

 Hormis l'article 26:2, qui prévoit des exceptions limitées similaires en ce qui concerne les dessins et modèles industriels.

 L'article 13 se fondait sur l'article 9 2) de la Convention de Berne de 1971 pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, dont il était question à l'article 2:2 de l'Accord sur les ADPIC. L'article 9 2) de la Convention de Berne dispose: "Il appartiendra aux pays de l'Union de légiférer pour permettre la reproduction de ces œuvres dans certains cas spéciaux, à condition que cette reproduction ne porte pas atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur."

 C'estàdire, selon The New Shorter Oxford English Dictionary, page 1592 enfermé dans des limites bien définies; restreint dans sa portée, son ampleur et son volume.

 En réponse à une question du Groupe spécial, le Canada a ajouté que l'article 55.2 1) était une mesure "limitée" parce qu'elle présentait certaines caractéristiques qui restreignaient ou circonscrivaient la portée de son application. En disant cela, le Canada n'a pas dit que ces caractéristiques limitantes étaient des caractéristiques nécessaires pour remplir les conditions de l'exception à la protection en vertu de l'article 30. Ce qu'il disait, c'était que ces restrictions relatives à la portée de son application étaient suffisantes dans ce cas particulier pour que la mesure puisse constituer une "exception limitée" au sens de l'article 30. Selon le Canada, la "suffisance" des limitations qui servaient à restreindre la portée d'une mesure d'exception était une question de fait à déterminer au cas par cas et dépendrait de la nature de l'exception. D'autres exceptions aux droits exclusifs conférés par un brevet ayant, en fonction de leur nature, des caractéristiques différentes ou un nombre plus ou moins élevé de caractéristiques par rapport à celles exigées en l'espèce pourraient donc être suffisantes pour donner droit à la protection conférée par l'article 30.

 En réponse à une question du Groupe spécial, le Canada a expliqué que, si le titulaire du brevet alléguait qu'un fabricant de produits chimiques fins contrefaisait le brevet, ou autrement dit s'il fabriquait des produits chimiques fins dans des buts qui ne relevaient pas de l'exception, le titulaire du brevet engagerait des poursuites pour contrefaçon contre le fabricant au titre des articles 54 et 55 de la Loi sur les brevets. Le fabricant serait alors tenu de prouver que pour quelqu'un se trouvant dans sa position, penser que les ingrédients actifs qu'il fabriquait étaient utilisés dans la mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information que la loi obligeait à fournir se justifiait objectivement. Il serait conforme à une pratique commerciale courante que le contrat d'approvisionnement conclu avec le fabricant précise les fins auxquelles les produits chimiques étaient fabriqués et prévoie une indemnité appropriée contre le risque de responsabilité pour contrefaçon. Bien que la question n'ait pas été tranchée par un tribunal, il semblerait que l'effet de l'exception de l'article 55.2 2) pour un fabricant de produits chimiques fins était qu'un tiers pouvait acquérir des produits intermédiaires, ou "facteurs de production", tels que des livraisons en vrac des produits chimiques fins constituant l'ingrédient actif d'un médicament générique pour fabrication et emmagasinage au cours des six derniers mois de la durée du brevet. En d'autres termes, le tiers comme le fabricant sembleraient être couverts par l'exception.

 En réponse à des questions des CE, le Canada a expliqué que l'article 55.2 2) n'exonérait le Canada de la responsabilité pour contrefaçon pendant la période réglementaire antérieure à la date d'expiration du brevet canadien que dans les cas où l'invention était fabriquée, construite ou utilisée pour produire et emmagasiner des articles en vue de leur vente après la fin de la période de protection. Il ressortait des termes explicites de l'article que celuici ne réduisait pas le droit du titulaire d'un brevet canadien à empêcher les ventes d'articles protégés par ce dernier pendant la durée de la protection qui lui était accordée relativement au brevet. Il ressortait tout aussi clairement des termes de la disposition qu'elle ne restreignait aucunement, pour les personnes qui se prévalaient de la protection conférée par l'exception, la liberté de vendre postérieurement à l'expiration du brevet sur le marché intérieur ou international les articles qui auraient été produits et emmagasinés en vertu de la protection conférée par l'article en question. Toute vente internationale serait bien entendu soumise à responsabilité pour contrefaçon dans le système juridique de tout pays importateur où le produit en cause continuait d'être protégé par un brevet subsistant valablement ou par quelque instrument analogue conférant une protection complémentaire au produit. Le droit du titulaire d'empêcher pendant la durée du brevet la vente non autorisée, sur le marché intérieur ou international, d'un produit de contrefaçon venant à échéance à l'expiration du brevet, toute restriction à la vente postérieure à cette date, y compris la vente à l'exportation de produits fabriqués et emmagasinés en vertu de la protection conférée par l'article équivaudrait à une prolongation de facto de la durée du brevet et irait de ce fait à l'encontre de la préoccupation de base de l'Accord sur les ADPIC qui s'efforçait "de réduire [...] les entraves en ce qui concerne le commerce international [...] et de faire en sorte que les mesures et les procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle ne deviennent pas ellesmêmes des obstacles au commerce légitime" (Préambule de l'Accord). En ce qui concerne l'article 55.2 1), les termes explicites qui y figuraient autorisaient "l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente d'une invention brevetée [...] dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information qu'oblige à fournir une loi fédérale, provinciale ou étrangère réglementant la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente d'un produit" (pas d'italique dans l'original). En partant du principe que les dispositions réglementaires citées prescrivaient l'élaboration d'un produit afin de préparer et de présenter aux autorités de réglementation le dossier d'information à prendre en considération pour ce produit, l'exception limitée autoriserait quiconque se prévaudrait du pouvoir qu'elle conférait à élaborer suffisamment le produit pour préparer ce dossier et le présenter comme l'exigeaient les autorités de réglementation fédérales provinciales ou étrangères sans s'exposer à une responsabilité pour contrefaçon au Canada. La disposition d'exception définissait les circonstances dans lesquelles une utilisation qui, sinon, ne serait pas autorisée n'entraînerait pas au Canada une responsabilité pour contrefaçon, soit essentiellement la présence d'un brevet canadien valable et les formes d'exploitation de l'invention susceptibles de constituer un délit de contrefaçon qui pourraient être nécessaires pour présenter un dossier valable à une autorité réglementaire compétente. La disposition d'exception ne portait donc pas sur la fréquence avec laquelle les circonstances pourraient se produire; elles se produiraient chaque fois qu'une personne souhaitait présenter un dossier à une autorité de réglementation et qu'il pouvait être nécessaire, à cette fin, de recourir au Canada à une forme d'exploitation d'une invention brevetée qui constituait un délit de contrefaçon. De même, la disposition étant axée sur la contrefaçon au Canada, elle ne mentionnait les prescriptions de la législation d'autres pays que pour circonscrire la portée de l'exception en liant l'exonération de la responsabilité pour contrefaçon au Canada aux prescriptions des textes réglementaires qui, si on s'y conformait, pourraient entraîner la contrefaçon d'un brevet canadien.

 Loi sur les brevets, R.S.C. 1985, chapitre P4, article 39 4).

 Micro Chemicals Limited c. Smith Kline & French InterAmerican Corporation, [1972] 2 S.C.R. 506, page 520.

 Staniforth Ricketson, The Law of Intellectual Property, The Law Book Co. Ltd., Sydney, Australie (1984), pages 1012-19; Cf. ADPIC. Article 28:2: "Le titulaire d'un brevet aura aussi le droit de céder, ou de transmettre par voie successorale, le brevet et de conclure des contrats de licence."

 "Légitime: … (Conforme à une loi ou à une règle; légal, licite, correct) (New Shorter Oxford English Dictionary, page 1563).

 Harold C. Wegner. Patent Law in Biotechnology, Chemicals & Pharmaceuticals (2nd ed.), Stockton Press (N.Y.: 1994), page 475.

 Ben Hattenbach. "GATT, TRIPS and the Small American Inventor: an Evaluation of the Effort to Preserve Domestic Technological Innovation" (1995), 10 Intellecual Property Journal 61, page 95.

 Amanda Southworth, Generic Pharmaceutical (1996 ed.), a Financial Times Management Report, page 9.

 Résolution EB103.R1 du Conseil exécutif de l'Organisation mondiale de la santé, 26 janvier 1999, qu'il était prévu de soumettre à l'Assemblée mondiale de la santé à sa 52ème session, 17-25 mai 1999, paragraphes 1.3 et 2.7.

 Fernando S. Antezana et Germàn Velàsquez. Health Economics; Drugs and Health Sector Reform. WHO Task Force on Health Economics, décembre 1996, page 13.

 Document du GATT MTN.GNG/NG11/W/68, page 10, article 24 2).

 Communication présentée par l'Argentine, le Brésil, le Chili, la Chine, la Colombie, Cuba, l'Égypte, l'Inde, le Nigéria, le Pérou, la Tanzanie et l'Uruguay, 14 mai 1990, page 10, article 6.

 Lettre de Michael Kantor à Alfred B. Engelberg, 1er février 1996. Confirmé dans une lettre de Charlene Barshefsky à Greg Perry, 1er janvier 1997.

 Adrian Otten, "The implications of the TRIPS Agreement for the protection of pharmaceutical inventions", WHO Drug Information, Volume 11, n° 1, 1997, page 13.

 Dans l'interprétation des termes d'un traité, il sera tenu compte de la pratique ultérieurement suivie en même temps que du contexte dans lequel ces termes figurent: Convention de Vienne, article 31 3) b).

 Klinische Versuche (Clinical Trials) II, [1998] R.P.C. 423.

 E.R. Squibb & Sons Inc. v. Giovanna Aguggini, 12 juin 1995, T. Milan.

 Otsuka Pharmaceutical Co., Ltd., v. Towa Yakuhin K.K., Tokyo High Court, Civil 6th Division, Case n° 3498(ne), 31 mars 1998; affirmed by Second Petty Bench of the Supreme Court, Case n° 1998 (ju) 153, 16 avril 1999.

 Lettre de Madeleine Abreu, Directrice des services d'information de l'Institut national de la propriété industrielle, à Nadene McClay, Association européenne du médicament générique, 29 avril 1998.

 Loi n° XXXIII de 1995 sur la protection des inventions par brevets, article 19 6).

 Loi n° 24.766 de décembre 1996 de l'Argentine, article 8: "Lorsqu'un produit ou un procédé est protégé par un brevet, toute tierce partie pourra utiliser l'invention avant l'expiration du brevet à des fins expérimentales et pour rassembler les informations nécessaires à l'approbation d'un produit ou d'un procédé par l'autorité compétente, en vue de sa commercialisation après l'expiration du brevet."

 Loi sur les brevets, 1990, article 78 2), tel que complété par le Projet de loi portant modification de la législation en matière de propriété intellectuelle: Si le commissaire accorde une prolongation de la durée d'un brevet type, aucune atteinte n'est portée aux droits exclusifs du titulaire du brevet une fois la prolongation accordée par une personne exploitant:
a) une substance pharmaceutique en ellemême qui est divulguée en substance dans le mémoire descriptif complet du brevet et relève en substance de la portée/de la revendication ou des revendications de ce mémoire descriptif; ou
b) une substance pharmaceutique lorsqu'elle est produite par un procédé comportant l'utilisation de la technologie de l'ADN recombinant, qui est divulgué en substance dans le mémoire descriptif complet et relève en substance de la portée de la revendication ou des revendications de ce mémoire descriptif;
aux seules fins qui sont en rapport avec
c) l'inscription de produits dans le Registre australien des produits thérapeutiques, lorsque les produits sont destinés à une utilisation thérapeutique; ou
d) l'obtention d'une approbation réglementaire similaire en vertu de la législation d'un pays étranger ou d'une partie d'un pays étranger.

 Loi sur les brevets (Amendement n° 3), 5758-1998, article 54A: Une activité entreprise à des fins expérimentales qui s'inscrit dans le cadre du processus d'obtention d'une licence pour commercialiser un produit après l'expiration d'un brevet n'est pas considérée comme "l'exploitation d'une invention" si les deux conditions suivantes sont remplies:
1) le processus d'obtention de la licence avait pour but d'obtenir cette licence en Israël ou dans un État permettant l'activité à des fins expérimentales en ce qui concerne une invention brevetée afin d'obtenir une licence avant l'expiration du brevet;
2) la totalité du produit fabriqué dans le cadre des dispositions du présent article ne servira à aucune autre fin que l'obtention de ladite licence, pendant la durée du brevet ou par la suite.
Aux fins du présent article, le terme "licence" désigne une autorisation, un permis ou tout autre document requis par la loi pour commercialiser un produit.

 Japon – Taxes sur les boissons alcooliques, WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R, page 12 et note 21 (citant l'Annuaire de la Commission du droit international, 1966, Volume II, page 239).

 Il a été fait référence à la déclaration faite oralement par le Président (non publié) à la réunion 10+10 sur les ADPIC, le 16 décembre 1991.

 Op. cit., page 8.

 Dix des 15 États membres de l'UE ont prévu une exception pour préparation pharmaceutique en officine (Allemagne, Belgique, Danemark, France, Grèce, Irlande, Luxembourg, PaysBas, RoyaumeUni et Suède) ainsi que la Hongrie, l'Islande, la Norvège, la République slovaque, la République tchèque et la Slovénie.

 En réponse à une question des CE, le Canada a expliqué que les tribunaux canadiens avaient considéré que l'importation non autorisée d'une substance fabriquée à l'étranger selon un procédé pour lequel un brevet canadien encore valide était revendiqué portait atteinte au droit exclusif du titulaire du brevet de fabriquer, utiliser et vendre à des tiers pour utilisation (American Cyanamid Co. v. Charles E. Frosst & Co. [1965] 2 Ex. C.R. 355 et Wellcome Foundation Ltd. et al. v. Apotex Inc. (1991), 39 C.P.R. (3rd ) 361). L'article 55.2 2) exemptant la fabrication, la construction et l'utilisation d'une invention brevetée par un tiers pour la production et l'emmagasinage d'articles destinés à la vente après l'expiration du brevet, l'exemption pouvait être interprétée comme s'appliquant à la fois à la fabrication nationale et à l'importation du produit réglementé. Toutefois, les tribunaux canadiens n'avaient pas encore eu à connaître de ce point précis de la portée de l'article 55.2 2) et à statuer sur cette question.

 Visx, Inc. v. Nidek Co. et al. (1997), 77 C.P.R. (3rd) 286 (Fed. Ct. T.D.), appeal allowed (1998), 82 C.P.R. (3rd) 289 (Fed. C.A.).

 En réponse à une question des CE, le Canada a fourni les précisions qui suivent. En vertu de la référence restrictive de l'article 55.2 1) à la personne et à l'utilisation, l'exonération limitée de la responsabilité pour contrefaçon créée par l'article 55.2 2) serait applicable à la production et à l'emmagasinage d'un produit couvert par un brevet dont la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente étaient soumises à réglementation. La mesure d'exception ainsi restreinte pouvait donc s'appliquer en droit pour protéger les utilisations par ailleurs non autorisées d'inventions brevetées dans d'autres secteurs où l'examen ou l'approbation réglementaire était exigé pour des produits faisant l'objet d'une protection conférée par un brevet. Toutefois, étant donné qu'elle n'était applicable que pendant une période déterminée précédant immédiatement l'expiration d'un brevet, l'exception restreinte était sans effet, sauf à partir du moment où le Gouverneur en Conseil (l'exécutif canadien) exerçait le pouvoir qui lui était conféré par l'article 55.2 3) d'établir des règlements prescrivant la période d'application qui pourrait être appropriée dans les circonstances de la fabrication, de la construction, de l'utilisation et de la vente du produit réglementé en question. À ce jour, le Gouverneur en Conseil n'avait exercé ce pouvoir que pour établir le Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés, afin de définir la période pendant laquelle l'exception prendrait effet en ce qui concerne les médicaments réglementés. Toutefois, les pouvoirs de réglementation du Gouverneur en Conseil n'étaient pas pour autant épuisés. L'exécutif restait donc habilité à promulguer à tout moment d'autres règlements relatifs à tout autre secteur de produits réglementés où la nécessité d'une réglementation analogue pourrait se faire sentir.

 Voir plus haut le paragraphe 4.14.

 Voir plus haut le paragraphe 2.7.

 En vigueur au Canada à compter du 30 juillet 1950. En vertu de l'article 2:1 de l'Accord sur les ADPIC, le Canada est maintenant lié par l'Acte de Stockholm (1967) de la Convention de Paris.

 Articles 1, 2 et 4 de la Convention.

 Article 5A de la Convention.

 S.C. 1923, chapitre 23, s. 17.

 S.C. 1968-69, chapitre 49.

 S.C. 1987, chapitre 41, auquel ont été ajoutés les articles 41.11 et 41.14. Ces amendements ont également créé le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés.

 Une Commission royale a estimé que les licences obligatoires ont représenté pour les Canadiens une économie totale de 211 millions de dollars en 1983 (Rapport de la Commission d'enquête sur l'industrie pharmaceutique, H.C. Eastman, 1985).

 MTN.TNC/W/FA, daté du 20 décembre 1991.

 Conjointement avec l'article 5A de l'Acte de Stockholm (1967) de la Convention de Paris, qui a été incorporé sous forme d'une référence à l'article 2.1 du texte Dunkel.

 Toutefois, le Cycle d'Uruguay n'a pas été achevé avant le 15 avril 1994, date à laquelle l'Accord de Marrakech a été signé. L'Accord sur les ADPIC n'a pris effet (pour les pays développés) que le 1er janvier 1996.

 L'ALENA a été conclu le 17 décembre 1992 mais, en vertu de son article 2203, ne prendrait effet que le 1er janvier 1994: "Le présent accord entrera en vigueur le 1er janvier 1994, sur échange de notifications écrites confirmant l'accomplissement des procédures juridiques nécessaires à cet effet."

 Apotex Inc. v. Canada, [1994] 1 F.C. 742, page 754; appeal dismissed [1994] 3 S.C.R. 1100 (S.C.C.).

 "Dépenses totales en médicaments (prescrits, non prescrits et produits d'hygiène personnelle) Canada, 19751996." Source: Santé Canada. Le rapport complet intitulé Coût des médicaments au Canada est accessible à http://www.hcsc.gc.ca/datapcb/datahesa/drugs/drugs97.htm.

 George Francis Takach. Patents: A Canadian compendium of law and practice. (Juriliber: Edmonton, Alberta), page 115.

 S.C. 1993 c. 2 (à l'exception de l'article 55.2, qui est entré en vigueur le 12 mars 1993).

 Certaines péripéties du passage du projet de loi C-91 devant le Parlement sont relatées dans Apotex Inc. v. Canada, [1997] 1 F.C. 518 (Fed. Ct. T.D.) pages 528-30.

 35 U.S.C. Section 271(e).

 733 F.2d 858; cert denied 221 USPQ 937; 469 US 856 (1984).

 103d Congress, 2d Session, House Document 103-316, Volume 1, page 986.

 NeoRX Corp. v. Immunomedics, Inc., 877 F. Supp 202, page 206 (U.S. Dist. Ct., Dist. N.J., 1994). Dans cette affaire, quatre séries de production à une échelle commerciale ont été considérées comme justifiées parce que nécessaires au processus d'approbation du FDA, mais le Canada croit savoir que la directive du FDA demande trois séries de production complète. En réponse à une question du Groupe spécial, le Canada a dit que le processus canadien d'approbation des drogues nouvelles n'exigeait pas que le demandeur fasse au moins trois séries de production complète à une échelle commerciale pour que soit émis ensuite un avis de conformité. En conséquence, les demandeurs d'approbation de drogues nouvelles pour vente au Canada ne disposaient pas, une fois le processus d'approbation arrivé à son terme, d'un stock suffisant pour des opérations commerciales du produit qui avait été approuvé pour fabrication, utilisation ou vente. Toutefois, si une entreprise implantée au Canada devait y utiliser une invention brevetée dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information qu'oblige à fournir la loi des ÉtatsUnis réglementant la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente d'un produit pharmaceutique et, ce faisant, procédait dans des installations canadiennes aux trois séries de production complète à échelle commerciale prescrites par la directive de l'Office de contrôle des médicaments et des produits alimentaires (FDA), les produits qui en résulteraient devraient être stockés par l'entreprise puisque toute autre utilisation contreferait le brevet canadien. Le produit ne pourrait donc pas être vendu à des tiers, au plan national ou international, parce que toute vente de ce type ne serait pas "justifiée dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information" exigé par une autorité de réglementation. Après l'expiration du brevet canadien, le produit en stock pourrait, si sa vente était approuvée aux ÉtatsUnis, être vendu pour exportation aux ÉtatsUnis à condition que la date d'expiration de ce produit ne soit pas passée et que la période de validité de tout brevet pertinent (y compris sa prolongation éventuelle) aux ÉtatsUnis soit aussi parvenue à son terme. (La directive du FDA était totalement muette en ce qui concerne l'utilisation pouvant éventuellement être faite des éléments produits du fait des trois séries de production à grande échelle exigées pour se conformer aux prescriptions du FDA en ce qui concerne la validation du processus (de production).)

 Ibid., page 205, citant Intermedics, Inc. v. Ventritex, 775 F. Supp. 1269, page 1273 (N.D. Cal. 1991).

 Voir plus haut le paragraphe 2.1.

 Toutefois, dans Micro Chemicals Limited v. Smith Kline & French InterAmerican Corporation, [1972] S.C.R. 506, page 520, la Cour Suprême du Canada a considéré que le déposant d'une demande de licence obligatoire qui exploitait une invention brevetée pour établir qu'il pouvait fabriquer l'objet de l'invention était exonéré de la responsabilité pour contrefaçon de brevet en vertu de l'exception pour l'utilisation à des fins expérimentales.

 Voir plus haut les paragraphes 2.2 et suivants.

 Voir plus haut les paragraphes 2.2 et suivants.

 Voir plus haut les paragraphes 2.2 et suivants.

 En réponse à une question du Groupe spécial, le Canada a expliqué que les circonstances différaient selon qu'il s'agissait d'un innovateur ou d'un fabricant de génériques. En effet, pour un innovateur, le seul facteur retardant l'entrée sur le marché était la volonté de la société qu'il persuade les autorités de réglementation de l'innocuité et de l'efficacité de son produit pour l'utilisation invoquée. Étant donné le tort que les substances chimiques pouvaient causer, il était difficile de définir le retard inhérent à ce processus comme une "distorsion". Contrairement au cas de l'innovateur, les facteurs qui retardaient l'entrée sur le marché d'un fabricant de génériques étaient au nombre de deux. Premièrement, nécessité, comme pour l'innovateur, de convaincre les autorités de réglementation de l'innocuité et de l'efficacité de son produit. Là aussi, il n'était pas juste de dire que ce retard représentait par luimême une "distorsion". Le deuxième facteur qui retardait l'entrée sur le marché des génériques était la présence du brevet d'un innovateur. Pour obtenir l'approbation réglementaire, le fabricant de génériques devait fabriquer et utiliser un produit qui contreferait le brevet d'un innovateur pendant la période de protection. En l'absence de dispositions comme celles qui étaient contestées en l'espèce, les titulaires de brevet pourraient exercer leurs droits exclusifs pour empêcher les fabricants de génériques d'engager le processus de demande d'examen réglementaire avant l'expiration du brevet en question. La capacité d'empêcher une telle utilisation entraînait des distorsions du système juridique qui, d'une part, accordait ces droits et, d'autre part, imposait les obligations d'examen réglementaire considérées. La distorsion provenait du fait que les droits accordés par la législation en matière de brevets, qui, aux termes de la loi, étaient censés venir à échéance à l'achèvement d'une période définie, pouvaient être exercés avant cette date pour convertir les prescriptions de la législation en matière d'examens réglementaires, conçue pour protéger la santé publique et non des intérêts commerciaux privés, en une prolongation de facto de droits de brevet qui, en vertu de la Loi sur les brevets, n'existaient plus de jure. Pour des raisons évidentes liées à cette prolongation de droits commerciaux privés, la "distorsion sur le plan économique" mentionnée découlait de la distorsion du cadre juridique définissant les droits de brevet et les prescriptions en matière d'examen réglementaire. Lorsque, comme expliqué plus haut, la distorsion en question n'affectait qu'une des parties présentes sur le marché, aucune distinction liée à des considérations de politique générale ne venait le justifier.

 Conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (voir plus haut le paragraphe 2.7).

 En réponse à une question des CE, le Canada a expliqué que, en pratique et en fonction du médicament en question et du temps qu'un fabricant de génériques jugerait nécessaire pour obtenir l'approbation de la commercialisation, il pourrait entreprendre ses activités de développement du produit et de préparation du dossier à tout moment, de sorte que la date de "début" pourrait se situer – avant la date de délivrance du brevet au Canada – le fabricant de génériques disposant alors d'éléments qui ne constituaient pas une contrefaçon; après la délivrance du brevet au Canada mais avant l'émission du premier "avis de conformité" du médicament, dont l'innocuité et l'efficacité paraissent alors assurées; ou, à tout moment postérieur à la délivrance du brevet et à l'émission du premier "avis de conformité" au Canada, le fabricant de génériques ayant alors un plan commercial précis concernant la date à laquelle il comptait entrer sur le marché après l'expiration du brevet. La date à laquelle le fabricant de génériques commençait ses travaux de développement étant confidentielle, le gouvernement canadien ne pouvait pas savoir combien de temps s'écoulait en moyenne entre cette date et l'expiration du brevet.

 Gazette du Canada, Partie I, 31 décembre 1994, pages 4934-35.

 En réponse à une question des CE, le Canada a dit qu'il n'était pas en mesure de donner une estimation des économies totales réalisées sur les dépenses afférentes à des produits pharmaceutiques qui pouvaient être attribuées aux exceptions limitées au titre de l'article 55.2. Cela dit, le Canada disposait de renseignements assez crédibles pour démontrer que les versions génériques de médicaments innovants se vendaient à des prix sensiblement plus faibles que la version du médicament commercialisée par l'innovateur. À cet égard, il était possible de montrer qu'en moyenne, la première et la deuxième version générique d'un produit précédemment breveté arrivaient sur le marché à un prix qui n'atteignait pas tout à fait 75 pour cent de celui fixé par l'innovateur; que le prix moyen baissait encore de 20 pour cent pour s'établir aux alentours de 54 pour cent du prix de l'innovateur quand un troisième et un quatrième génériques pénétraient sur le marché, et qu'avec l'arrivée d'un cinquième, le prix moyen chutait encore de 10 pour cent et se situait à un petit peu moins de 46 pour cent du prix de l'innovateur pour le même médicament (Savings to Canada's Health Care System, Association canadienne de l'industrie du médicament, janvier 1997). Ces baisses de prix donnaient à penser que des économies substantielles étaient faites, mais le niveau exact de ces économies était bien entendu fonction du degré de pénétration sur le marché des produits génériques. Le montant des économies variait aussi lorsque l'innovateur baissait les siens pour tenter de retenir une part du marché. (Santé Canada comptait publier avec certains de ses homologues provinciaux, à l'automne de 1999, une étude qui donnerait des indications plus précises sur les économies pouvant généralement être attribuées à l'utilisation de versions génériques de médicaments précédemment brevetés.)

 D'après les calculs effectués par l'OCDE en utilisant des parités de pouvoir d'achat du dollar, et comme le montre le tableau ciaprès, où figurent les dépenses en médicament par habitant. Les parités de pouvoir d'achat sont les taux de conversion des monnaies qui égalisent le pouvoir d'achat de différentes monnaies pour tout l'éventail de produits et de services englobés respectivement dans les services médicaux et les produits pharmaceutiques (OECD Health Data, 1998: a comparative analysis of 29 countries (ISBN 926405122-8)), CD-ROM interactif qu'il n'est pas possible de reproduire comme pièce du dossier).

Pays1990
1997Pourcentage d'augmentation Canada19126438,2% France25635137,1% Allemagne18229461,5% Italie24230827,3% Suède12021982,5% Suisse144n.d.n.d. Royaume-Uni 13223376,5% ÉtatsUnis24031932,9%
 Par exemple, des accords d'approvisionnement en gros et un contrôle des bénéfices.

 Constitution, 1867, article 91(22).

 Dixième rapport annuel du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, 29 mai 1998, page 13.

 Loi sur les brevets, article 96(5).

 Règlement sur les médicaments brevetés, 1994, SOR/94-688, annexe 1.

 R. Elgie. "Regulating Prices of Patented Pharmaceuticals in Canada: the Patented Medicines Price Review Board", Food Drug & Cosmetic Law Digest, Volume 13, n° 2 (mai 1996), page 80.

 Selon le Canada, les États membres de l'UE administrent des programmes nationaux de remboursement du prix des médicaments par lesquels la majorité des citoyens sont couverts au titre d'un régime financé par des fonds publics. Dans ce cadre, le pouvoir commercial du vendeur monopolistique (le titulaire du brevet) est partiellement contrebalancé par la présence d'un acheteur "monopolistique" (la caisse publique d'assurance-médicament). Plus précisément, les prix sont directement contrôlés dans certains États. Dans d'autres États, ils sont contrôlés au moyen des politiques de remboursement. Les membres de l'UE déterminent les médicaments remboursés, leur prix et le taux de remboursement. Ils peuvent ainsi exercer une influence effective sur le prix des médicaments.

 Constitution, 1867, article 91(22). En réponse à une question du Groupe spécial, le Canada a dit qu'il cherchait à expliquer ainsi que les limites imposées par la Constitution à la compétence des pouvoirs publics au niveau national (fédéral) dans un État fédéral pouvaient le priver de la liberté de poursuivre des politiques que les gouvernements des États unitaires étaient libres de mettre en œuvre. La disposition constitutionnelle qui limitait le pouvoir des instances fédérales de légiférer en ce qui concerne les brevets d'invention ne leur permettait donc pas de légiférer une fois leur compétence en matière de brevets épuisée, au sujet des prix des autres arrangements contractuels qui pouvaient être mis au point ou convenus entre les entités vendeuses et acheteuses. En effet, le pouvoir constitutionnel était exercé pour ce qui est des biens et des droits civils – et donc entre autres contractuels – par les autorités provinciales. Il en résultait que le gouvernement fédéral du Canada ne pouvait mettre en œuvre les stratégies à long terme de contrôle des prix et des bénéfices en matière de produits pharmaceutiques qui étaient manifestement à la portée d'un certain nombre d'États membres de l'UE. Le Canada reconnaissait que ces contraintes constitutionnelles limitant le pouvoir d'un gouvernement fédéral de prendre des mesures ou de mettre en œuvre des stratégies lui permettant de se conformer aux obligations conventionnelles auxquelles il s'était engagé à se conformer étaient un point de droit national et non international. Toutefois, la question dont était saisi le Groupe spécial ne concernait pas le pouvoir du Canada, en tant qu'entité fédérale souveraine, de se conformer à ses obligations internationales. Par contre, il s'agissait de savoir si les mesures que les autorités fédérales avaient prises, dans les limites de leur pouvoir constitutionnel, étaient conformes à leurs obligations en vertu de l'Accord sur les ADPIC. Le Canada a dit que les mesures qu'il avait prises relevaient de ses pouvoirs en tant qu'entité fédérale et étaient, puisqu'elles satisfaisaient aux critères énoncés à l'article 30, conformes à ses obligations concernant les ADPIC. C'était dans le contexte de cette affirmation que le rappel des limites constitutionnelles de son pouvoir souverain fédéral était pertinent du point de vue des questions de droit dont le Groupe spécial était saisi. La pertinence juridique de ce rappel de la constitution se rapportait donc au droit du Canada ou, d'ailleurs, de tout autre Membre, en vertu de l'article 1:1 de l'Accord sur les ADPIC, d'exercer la liberté garantie par ce texte "de déterminer la méthode appropriée pour mettre en œuvre les dispositions [de l'Accord sur les ADPIC] dans le cadre de leurs propres systèmes et pratiques juridiques" [...] de manière à promouvoir, dans leur propre environnement juridique, "l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques [...] d'une manière propice au bienêtre social et économique, et à assurer un équilibre de droits et d'obligations" entre ceux qui génèrent et ceux qui utilisent les connaissances techniques faisant l'objet de la protection au titre de la législation en matière de droits de propriété intellectuelle.

 National Economic Research Associates (NERA), Policy Relating to Generic Medicines in the OECD: Final Report for the European Commission, 20 décembre 1998, page 27.

 R. Bakovsky, Federal, Provincial and Territorial Government-Sponsored Drug Plans and Drug Databases. Document d'information générale préparé pour la Conférence sur les systèmes nationaux de remboursement du prix des médicaments, 2 décembre 1997.

 Intercontinental Medical Statistics (IMS) Canada , Pharmacy Practice, Volume 12, n° 12.

 NERA Report (voir plus haut la note 122), page 23; cf. Dixième rapport annuel du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, mai 1998, qui estime la part du marché à 11 pour cent et IMS Canada, Canadian Pharmaceutical Industry Review, 1996, qui estime la part du marché à 17 pour cent.

 NERA Report (voir plus haut la note 122), page 23.

 Konrad R.B. Wallerstein, Pharmaceutical Pricing and Reimbursement in Europe, SCRIP Reports (PJB Publications, août 1995), pages 31 et 32. Voir aussi NERA Report (note 122 plus haut), page 27.

 NERA (voir plus haut la note 122, page 169).

 N° A4-0104/96; Journal officiel n° C 141 du 13 mai 1996, page 0063.

 Le Traité de Maastricht a accru le rôle de la Communauté européenne dans le domaine de la santé publique et lui a conféré une responsabilité particulière dans l'action en faveur de la protection de la santé et de la prévention des maladies.

 COM(93)718, en date du 2 mars 1994.

 Le rapport NERA visé plus haut dans la note 122.

 Rapport sur la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur les orientations de politique industrielle à appliquer au secteur pharmaceutique dans la Communauté européenne (COM(93)0718 final - C3-0121/94); Commission économique, monétaire et de la politique industrielle; A40104/96/PARTIE, page 17.

 2094ème réunion du Conseil (Marché interne), Bruxelles, 18 mai 1998, 8528/98, Presse 148, C/98/148.

 COM(98)588, page 19.

 N° A4-0205/99, Édition provisoire, page 2.

 Le document visé plus haut à la note 6, et notamment le tableau de sa page 11.

 En réponse à une question du Groupe spécial, les CE ont expliqué que le temps nécessaire pour obtenir l'approbation de la commercialisation d'un médicament nouvellement inventé réduisait la période effective et économiquement profitable de protection conférée par un brevet de huit à 12 ans environ. Puisque la législation canadienne prévoyait que les brevets conféraient une protection pendant 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande, cette période effective de protection serait donc de 12 ans au maximum et de huit ans au minimum. Les producteurs de génériques avaient besoin de trois à six ans et demi d'activités préalables à la commercialisation au Canada pour obtenir l'approbation de la commercialisation de leurs copies génériques d'un médicament breveté. La période la plus courte dont les producteurs de génériques auraient besoin (trois ans), combinée avec la plus longue période effective de protection pour le médicament breveté (12 ans) laissait une période de protection pleinement effective de neuf ans. La plus longue période dont auraient besoin les producteurs de génériques (six ans et demi), combinée avec la plus courte période effective de protection pour le médicament breveté (huit ans) laissait une période d'un an et demi de protection pleinement effective.

 En réponse à une question du Groupe spécial, les CE ont dit que l'exception pour "la préparation pharmaceutique en officine", qui existait dans un certain nombre de pays, concernait une situation unique, devenue surtout historique, où un pharmacien pouvait produire au vu de l'ordonnance d'un médecin, pour un patient donné, une petite quantité d'un produit pharmaceutique sans le consentement du détenteur du brevet. On ne trouvait rien de comparable dans les autres domaines technologiques; aucun mécanicien ne délivrerait une "ordonnance" permettant au possesseur d'une voiture de faire fabriquer pour celle-ci un composant ou un accessoire par un producteur de pièces mécaniques ou électroniques. Faute d'être comparable à autre chose, cette exception n'avait aucun caractère discriminatoire. Voir aussi plus loin la note 146.

 Il a été également fait référence à la trousse d'information visée plus haut dans la note 6.

 En ce qui concerne le terme "discrimination", les CE ont indiqué, en réponse à une question du Groupe spécial, qu'on pouvait en trouver des définitions comme par exemple "le fait de ne pas traiter toutes les personnes également lorsque aucune distinction raisonnable ne pouvait être faite entre ceux qui étaient favorisés et ceux qui ne l'étaient pas" (Black's Law Dictionary, page 420), et que le Canada n'avait avancé aucune raison justifiant que les détenteurs de brevet dans le domaine des produits pharmaceutiques soient traités moins favorablement que les détenteurs de brevet dans tous les autres domaines technologiques.

 Voir plus loin la section 5.

 Il a été fait référence à Gervais, The TRIPS Agreement, pages 144-148.

 Voir plus loin la section V.

 Voir plus loin la section V.

 En réponse à une question du Groupe spécial, les CE ont dit que, comme l'Australie et les ÉtatsUnis, elles estimaient que la prolongation de la durée du brevet pour les produits pharmaceutiques (voir plus loin le paragraphe 4.31 b)) ne constituait pas une discrimination prohibée par l'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC et que l'on pouvait même faire valoir que, dans certaines circonstances, la prolongation de la durée du brevet pouvait être imposée par cet article. Le fait que huit à 12 ans de la durée du brevet étaient "perdus" du fait des prescriptions en matière d'approbation de la commercialisation représentait la "bonne raison" de traiter plus favorablement les brevets pharmaceutiques que les autres, pour lesquels cette approbation, lorsqu'elle était prescrite, pouvait être obtenue dans un laps de temps beaucoup plus bref. Un exemple tiré de la vie quotidienne pouvait illustrer ce point. Si les responsables d'un organisme de transport public stipulaient que les personnes handicapées et âgées avaient le droit de s'asseoir en priorité dans ses véhicules, les personnes qui n'étaient ni handicapées ni âgées étaient manifestement traitées de façon moins favorable. Il était pourtant à prévoir que tout le monde conviendrait que ce traitement différencié ne constituait pas une discrimination, pour la "bonne raison" que les personnes handicapées et âgées tendaient à être plus fragiles physiquement que les autres. Voir aussi plus haut la note 139.

 En réponse à des questions du Groupe spécial, les CE ont dit que l'existence de dispositions autorisant une prolongation de la durée du brevet ou la délivrance d'un certificat spécial de protection (voir plus loin le paragraphe 4.31 b)) pouvait revêtir une certaine importance lorsqu'on examinait si les exceptions "de type Bolar" constituaient une "discrimination" au titre de l'article 27:1 et avoir une influence sur la constatation d'une discrimination. Toutefois, comme il n'y avait au Canada aucun système de prolongation de la durée du brevet ou dispositif analogue, de telles considérations étaient hypothétiques aux fins du règlement du présent différend, non seulement pour ce qui est de l'article 27:1, mais aussi pour ce qui est de l'article 30. Bien entendu, l'interaction possible entre la prolongation de la durée du brevet, d'une part, et les exceptions "de type Bolar", d'autre part, était également pertinente lorsqu'on assurait un équilibre, au titre de l'article 30, entre les intérêts du titulaire de brevet et ceux du producteur potentiel. L'existence d'une prolongation de la durée du brevet ou d'un système de certificats spéciaux de protection pouvait influer sur l'équilibre à trouver au titre de l'article 30 entre les intérêts du titulaire de brevet et ceux du producteur potentiel. En fonction de la manière dont était accordée une protection après l'expiration du brevet initial et dont fonctionnait l'exception "de type Bolar", on pouvait imaginer un cas où l'article 30 serait peut-être redondant parce qu'il n'y aurait en premier lieu pas de violation de l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC. Mais là encore, comme il n'y avait au Canada aucun système de prolongation de la durée du brevet ou dispositif analogue, il n'était pas nécessaire de se préoccuper de cet équilibre. L'article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC ne pouvait en aucun cas autoriser un traitement différencié qui soit inférieur aux normes minimales instituées par cet accord.

 Voir plus haut les notes correspondant aux paragraphes 4.28 et 4.27, dernier alinéa.

 Voir plus haut le paragraphe 4.21 d).

 Il a également été fait référence aux arguments exposés plus loin à la section IV.C 2) b) qui avaient trait au Préambule de l'Accord sur les ADPIC ainsi qu'à ses articles 1:1, 7 et 8:1.

 En réponse à une question du Groupe spécial sur la pertinence des limites imposées par la Constitution en ce qui concernait l'adoption de mesures de contrôle des prix, tel que l'a fait valoir le Canada (voir plus haut le paragraphe 4.21 d)), les Communautés européennes et leurs États membres ont indiqué qu'elles interprétaient la déclaration du Canada comme signifiant que, si le gouvernement fédéral avait, en vertu de la constitution canadienne, le droit de contrôler le prix des produits pharmaceutiques pendant la durée du brevet et avait d'ailleurs adopté de telles mesures de contrôle des prix, il ne lui était pas loisible d'agir ainsi après l'expiration du brevet. Une fois le brevet expiré, le pouvoir de prendre des mesures de ce type était conféré aux provinces et aux territoires canadiens. Selon les CE, la répartition interne des pouvoirs au Canada entre le niveau fédéral et les niveaux inférieurs n'avait absolument aucune pertinence pour les questions de droit dont était saisi le Groupe spécial. En tout état de cause, si les autorités canadiennes compétentes aux divers niveaux de compétence considéraient que la maîtrise des coûts en matière de santé publique exigeait des mesures de contrôle du prix des produits pharmaceutiques, ces mesures pouvaient être prises pendant la durée du brevet ou par la suite. La question de savoir si toutes les autorités infrafédérales poursuivaient le même objectif de politique générale publique que le gouvernement fédéral et adoptaient à terme les mesures correspondantes était tout à fait différente. Faire valoir le contraire signifierait que le niveau de protection minimale des droits de propriété intellectuelle, qui devait être assuré par les Membres de l'OMC, dépendrait des subtilités de leur constitution nationale, qui pouvait être modifiée à tout moment.

 Ces points ont été évoqués par les CE en réponse à une question du Groupe spécial.

 Voir États-Unis – Essence (WT/DS2/AB/R, page 17); Japon – Taxes sur les boissons alcooliques (WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R, pages 1012); Inde – Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l'agriculture (WT/DS50/AB/R, paragraphes 4546); Argentine – Mesures affectant les importations de chaussures, textiles, vêtements et autres articles (WT/DS56/AB/R, paragraphe 47); Communautés européennes – Classement tarifaire de certains équipements informatiques (WT/DS62/AB/R, WT/DS67/AB/R, WT/DS68/AB/R, paragraphe 85); États-Unis – Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes (WT/DS58/AB/R, paragraphes 114117); et Guatemala – Enquête antidumping concernant le ciment Portland en provenance du Mexique (WT/DS60/AB/R, paragraphe 70).

 États-Unis – Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes (WT/DS58/AB/R), paragraphes 114117.

 Dans une note, l'Organe d'appel s'était reporté aux quatre premiers précédents cités par les CE comme indiqué plus haut dans la note 153.

 "Désireux de réduire les distorsions et les entraves en ce qui concerne le commerce international, et tenant compte de la nécessité de promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle et de faire en sorte que les mesures et les procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle ne deviennent pas ellesmêmes des obstacles au commerce légitime;".

 "La protection et le respect des droits de propriété intellectuelle devraient contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie, à l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques et d'une manière propice au bienêtre social et économique, et à assurer un équilibre de droits et d'obligations."

 "Les Membres donneront effet aux dispositions du présent accord. Les Membres pourront, sans que cela soit une obligation, mettre en œuvre dans leur législation une protection plus large que ne le prescrit le présent accord, à condition que cette protection ne contrevienne pas aux dispositions dudit accord. Les Membres seront libres de déterminer la méthode appropriée pour mettre en œuvre les dispositions du présent accord dans le cadre de leurs propres systèmes et pratiques juridiques."

 "Les Membres pourront, lorsqu'ils élaboreront ou modifieront leurs lois et réglementations, adopter les mesures nécessaires pour protéger la santé publique et la nutrition et pour promouvoir l'intérêt public dans des secteurs d'une importance vitale pour leur développement socio-économique et technologique, à condition que ces mesures soient compatibles avec les dispositions du présent accord."

 Les CE ont mentionné expressément le Brésil, l'Inde, Israël et la Pologne (voir plus loin la section V du présent rapport).

 Voir plus haut la note 41.

 Document MTN.GNG/NG11/W/47.

 Document MTN.GNG/NG11/W/51.

 Document MTN.GNG/NG11/W/70.

 Définition reproduite par Wegner, Patent Harmonization, London, Sweet & Maxwell, page 115.

 Voir la publication visée plus loin dans la note 188, pages 735753.

 Voir la publication visée plus loin dans la note 188, page 742.

 Il a été fait référence au Black's Law Dictionary, page 836.

 Les mêmes considérations s'appliquaient mutatis mutandis à l'article 28:1 b).

 En réponse à une question du Groupe spécial, les CE ont dit qu'elles avaient consulté les entreprises européennes fondées sur la recherche pharmaceutique au sujet de la pratique concernant le paiement de redevances, en vertu de contrats de concession de licence en matière pharmaceutique pour les produits fabriqués pendant la durée du brevet mais vendus après l'expiration de celui-ci. Les renseignements suivants avaient été obtenus: "Les licences peuvent, dans le cadre de l'industrie pharmaceutique, avoir trait à des procédés ou à des produits brevetés. Les produits brevetés englobent les intermédiaires utilisés dans la fabrication, les ingrédients actifs et les formules. Les droits accordés en vertu d'une licence de brevet peuvent être limités à un ou plusieurs des actes consistant à fabriquer, utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer." Chacun des actes couverts par la licence peut être encore plus limité, par exemple à un domaine d'utilisation. En théorie, on peut être séparément redevable de la contrepartie de chacun des actes couverts par la licence. En pratique, les conditions des accords relatifs aux licences prévoient habituellement une ou plusieurs des contreparties suivantes: frais d'exécution; frais de maintien, par exemple versements annuels; versements à des moments clés, par exemple sommes forfaitaires payables au début et/ou lors de l'achèvement des essais précliniques ou cliniques, au moment de la production et/ou de l'approbation des dossiers réglementaires et/ou du lancement; redevances. Les redevances à acquitter éventuellement doivent être fondées sur un aspect mesurable du développement du produit, de la fabrication ou des ventes. Ainsi, un droit par unité peut être perçu en fonction, par exemple, du poids, du volume, de la marge bénéficiaire, de la valeur, du coût ou du prix du produit ou du procédé en question. Le droit peut consister en un montant fixe, par exemple multiplié par kg d'ingrédient actif ou de produit fini, ou en un pourcentage, par exemple du prix. Cela signifie que dans les cas où les redevances sont fondées entièrement ou dans une large mesure sur la fabrication, elles devront être acquittées pour les produits fabriqués pendant la durée du brevet mais vendus ensuite. La fabrication, le développement et la vente de produits pharmaceutiques est une opération longue et complexe comportant un grand nombre d'étapes, notamment la fabrication du produit primaire et secondaire, la préparation de quantités substantielles de matière aux fins des essais cliniques et de la réglementation, et éventuellement l'emmagasinage, la distribution et la vente d'intermédiaires, d'ingrédients actifs, de produits formulés et emballés. Faute de licence, chacune de ces étapes peut représenter à elle seule une contrefaçon de brevet." La réponse du Canada à la même question du Groupe spécial est donnée dans la note 263.

 En ce qui concerne la définition du caractère limité des exceptions au titre de l'article 30, il a été fait référence à ce qui est exposé plus haut à la section IV.C 2) c) i), premier alinéa.

 Il a été fait référence aux points exposés plus haut à la section IV.C 2) d) i).

 Voir plus haut la section IV.C 2) c) ii).

 Voir plus haut la section IV.C 2) c) iii).

 Voir plus haut la note 170.

 Voir plus haut le paragraphe 4.21 c), quatrième à sixième alinéas.

 "Il sera tenu compte, en même temps que du contexte: [...] b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité;  [...]."

 Voir Yasseen, "L'interprétation des traités d'après la Convention de Vienne sur le droit des traités", 151 Recueil des Cours (1976-III), page 48. Voir aussi I. Sinclair, The Vienna Convention on the Law of Treaties, deuxième édition (Manchester University Press, 1984), page 137.

 Voir l'annexe 5 au présent rapport.

 Voir plus haut la section IV.C 2) b).

 Voir plus haut le paragraphe 4.15, huitième alinéa.

 Voir plus haut le paragraphe 4.15.

 Voir les renseignements fournis par les États-Unis, le Japon et l'Australie au cours de la procédure, comme indiqué plus loin à la section V.

 Voir plus loin la section V.

 Voir plus haut le paragraphe 4.15.

 Un système analogue existe en vertu du Règlement n° 1610/96 (CE) pour les produits phytopharmaceutiques.

 L'arrêt de la Cour de justice des CE dans Generics c. Smith Kline du 9 juillet 1997 était un bon exemple du mode d'interaction entre le refus d'autoriser des activités liées à l'approbation réglementaire en vertu de la législation des PaysBas avec les articles 30 et 36 du Traité instituant la CE.

 On trouve dans Cornish, Experimental Use of Patented Inventions in European Community States, (29) IIC (7/1998), pages 735 et suivantes, un excellent aperçu de l'évolution de cette question dans la Communauté.

 Voir plus haut le paragraphe 4.30 d) iii), troisième alinéa.

 Voir plus haut le paragraphe 4.30 a), deuxième alinéa.

 Voir plus haut le paragraphe 4.22.

 Voir plus haut le paragraphe 4.31.

 Comparer Intermedics, Inc. c. Ventritex, Inc., 775 F.Supp. 1269 (N.D.Cal. 1991), page 1278; affirmed 991 F.2d 808 (Fed. Cir. 1993). En réponse à des questions des CE, le Canada a expliqué que l'exception de l'article 55.2 1) n'était pas axée sur "l'intention subjective de demander une autorisation de commercialisation" et n'était pas motivée par elle. En fait, le critère utilisé pour décider de l'application des mesures d'exception était un critère objectif axé sur l'"utilisation" d'une invention brevetée qui se justifiait "dans la seule mesure nécessaire" à la préparation et à la production du dossier d'information qui doit être fourni à l'appui d'une demande d'examen réglementaire afin d'obtenir à terme l'approbation réglementaire permettant de fabriquer, de construire, d'utiliser ou de vendre le produit en question. Le libellé et le sens de la clause d'exemption n'avaient pas été interprétés par les tribunaux canadiens. Toutefois, les termes de la disposition canadienne étaient exactement les mêmes que ceux utilisés pour définir le critère d'exonération de la responsabilité pour contrefaçon au titre de l'exemption "Bolar" dans la législation des ÉtatsUnis en matière de brevets. Les tribunaux des ÉtatsUnis avaient, dans Intermedics, Inc. c. Ventritex, Inc., attentivement analysé et clairement expliqué les points de droit inhérents aux termes retenus pour circonscrire le critère d'application de l'exception. Le Canada a fait référence aux paragraphes 1274, 1277 et 1279 qu'il considérait comme les passages les plus significatifs de l'arrêt du tribunal dans Intermedics. Étant donné la valeur probante de ces opinions judiciaires, il n'y avait aucun fondement pour alléguer implicitement ou donner à entendre, ainsi que le faisaient les CE, que l'article 55.2 1) de la Loi canadienne sur les brevets fonctionnait ou pourrait fonctionner comme une autorisation illimitée de faire un usage abusif de l'exception ou de porter atteinte à des droits de brevet sur la base d'une "intention subjective" objectivement indiscernable et inconnaissable. Si l'intention avait une quelconque pertinence dans le présent contexte, elle serait révélée par l'"utilisation". Bien entendu, il y aurait des moments d'"intention subjective" pure dans l'"esprit" d'une entité potentiellement concurrentielle au moment où elle "examinerait" si elle souhaitait ou non chercher à entrer en concurrence avec le titulaire d'un brevet dans la production future de tel ou tel objet breveté. Toutefois, à de tels ou à d'autres moments d'"intention subjective", il n'y aurait ni "utilisation" ni acte concret entraînant une responsabilité pour contrefaçon ou pouvant bénéficier de l'exception limitée à cette responsabilité établie par l'article 55.2 1). Mais lorsqu'une telle intention se concrétisait au Canada et qu'une "utilisation" non autorisée intervenait, toute la panoplie des droits et des mécanismes d'application visés dans la Partie III de l'Accord sur les ADPIC et destinés à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle serait, sous réserve de l'application de l'article 55.2 1), à la disposition du titulaire du brevet pour faire respecter l'exclusivité que celuici lui conférait et "exercer un contrôle" sur les "utilisations" de l'invention en question par le fabricant de génériques.

 Voir plus haut le paragraphe 4.30 d) iii), troisième alinéa.

 Voir plus loin la section V.

 US Food and Drug Administration, Guideline on General Principles of Process Validation, mai 1987 (Internet: http://www.fda.gov/cder/guidance/pv.htm).

 Voir plus haut le paragraphe 4.21 b), sixième alinéa.

 Voir la note 138.

 "Le Tagamet a été le premier médicament de sa catégorie à arriver sur le marché mais bien avant l'expiration du brevet qui s'y rapportait, sa part de marché était de beaucoup inférieure à celle du Zantac de Glaxo Wellcome. Cela tenait pour une large part à la taille considérable de Glaxo Wellcome et à sa compétence en matière de commercialisation": Amanda Southworth, Generic Pharmaceuticals (édition 1996), page 41.

 En réponse à une question des CE, le Canada a dit qu'il n'était ni d'accord ni en désaccord avec l'estimation du coût pour les entreprises pharmaceutiques innovantes de l'UE que les CE et les entreprises basées dans l'UE avaient attribué aux exceptions limitées contestées en l'espèce. Les coûts allégués n'étaient pas pertinents pour les questions dont le Groupe spécial était saisi par ce que les coûts allégués par les entreprises de l'UE étaient engagés ou supportés sur le marché après l'expiration du brevet et étaient donc imputables à une concurrence légitime et non à des atteintes à un droit de brevet ou à une exception limitée à un tel droit.

 Voir plus loin la section V.

 Annuaire de la Commission du droit international 1964, Volume I: Comptes rendus analytiques de la seizième session, 11 mai–24 juillet 1964, Organisation des Nations Unies, New York, pages 288 à 305.

 Le Canada a fait valoir ce point en réponse à une question du Groupe spécial.

 Voir plus loin la section V.

 Voir plus haut le paragraphe 4.27.

 Voir plus loin la section V.

 Voir plus loin la section V.

 Voir plus haut le paragraphe 4.16, deuxième alinéa.

 Voir plus loin la section V.

 Voir plus haut le paragraphe 4.27.

 Voir plus loin la section V.

 Il a été fait référence à Japon – Taxes sur les boissons alcooliques (WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R), page 21.

 En réponse à une question des CE sur les incidences du point de vue du Canada pour l'application de la clause de nondiscrimination de l'article 27:1 en ce qui concerne les dispositions des législations nationales qui seraient discriminatoires quant au "lieu d'origine de l'invention" ou au "fait que les produits sont importés ou sont d'origine nationale", le Canada a dit qu'il découlait de sa position que, lorsqu'une exception satisfaisait à ces critères en limitant les droits exclusifs conférés par un brevet, la mesure d'exception devait être considérée comme compatible avec toutes les autres obligations relatives aux ADPIC. Par conséquent, s'il était possible de montrer que les mesures hypothétiques mentionnées par les CE satisfaisaient aux critères énoncés à l'article 30 et si la limitation d'un droit exclusif au titre de l'article 28:1 devait aussi avoir un effet limitant sur l'un quelconque des éléments de nondiscrimination de l'article 27:1, ces éléments ne sauraient être considérés comme excluant l'exception admissible. S'il en allait autrement, il faudrait lire l'article 30 comme comportant une quatrième restriction à son application selon laquelle l'exception devrait également être compatible avec l'article 27:1. Une restriction complémentaire de ce type ne figurait manifestement nulle part dans le texte explicite de l'article 30. Faute, comme le Canada le faisait valoir, de mentionner les droits de brevet pouvant être obtenus en vertu de la législation nationale d'un Membre, sous réserve des exceptions limitées à ces droits qui avaient été promulguées conformément aux pouvoirs conférés par l'article 30, l'article 27:1 pourrait être appliqué d'une manière qui déboucherait sur une incompatibilité entre cet article et l'article 30. D'autres participants à la présente procédure avaient exprimé l'opinion que ce n'était pas nécessairement le cas parce qu'un traitement différencié selon le domaine technologique n'était pas forcément discriminatoire puisqu'il pouvait parfois être justifié par l'existence de prescriptions légales extérieures qui faussaient l'application impartiale de la législation nationale. Si cela pouvait effectivement se produire, l'autre interprétation ne semblait pas suffisante pour protéger l'exception pour la "préparation pharmaceutique en officine" qui restait en vigueur dans la législation nationale de nombreux États membres des CE. Cela semblait être le cas parce qu'en érodant le droit commercial du titulaire de brevet d'exploiter à tout moment son invention pendant la période de protection, l'exception introduisait une discrimination en fonction du domaine technologique et ce sans référence à des prescriptions légales extérieures à la législation nationale qui pourraient justifier le traitement différencié accordé à une exploitation de l'invention pour une préparation en officine. En ce qui concerne le point précis mentionné à titre d'exemple dans la question des CE, les "faits" hypothétiques disponibles ne semblaient pas être en nombre suffisant – par exemple, aucune hypothèse n'a été formulée au sujet des intérêts des tiers – pour parvenir à un jugement motivé sur le point de savoir si l'exception hypothétique répondrait ou non aux critères de l'article 30.

 Voir plus loin la section V.

 Voir plus haut le paragraphe 4.27, troisième alinéa.

 Voir plus loin la section V.

 Voir plus loin la section V.

 La Suisse avait souligné en tant que tierce partie au différend (voir plus loin la section V) qu'il s'agissait là des seules exceptions visées à l'article 27:1 et avait soutenu que si les rédacteurs de l'Accord avaient eu l'intention de subordonner l'article 27:1 à l'article 30, ce dernier article aurait été cité dans la liste d'exceptions figurant à l'article 27:1. Mais puisque les exceptions énumérées à l'article 27:1 couvraient des situations dans lesquelles la reconnaissance des droits de brevet était entièrement refusée, il aurait été tout à fait inapproprié que l'article 30 figure dans cette liste d'exceptions.

 Voir plus loin la section V.

 En réponse à des questions du Groupe spécial, le Canada a indiqué que, bien que ce soit techniquement exact, il était trompeur de dire que tous les pays autres que le Canada qui avaient des exceptions du type de celle pour l'examen ou l'approbation réglementaires avaient aussi mis en place des systèmes de prolongation de la durée du mandat ou de certificat complémentaire de protection (CCP) à l'intention des producteurs de médicaments innovants ou étaient des pays bénéficiant d'une période de transition au titre de l'Accord sur les ADPIC. Les pays qui bénéficiaient actuellement d'une période de transition –autres que les pays les moins avancés – approchaient de la fin de cette période, qui se terminait le 1er janvier 2000 (voir l'article 65:2 et 65:3 de l'Accord sur les ADPIC). Ces pays seraient donc bientôt tenus d'accorder la protection complète prescrite par l'Accord sur les ADPIC. Le but des dispositions législatives récemment adoptées dans ces pays, par exemple l'Argentine, devait être considéré comme consistant à mettre en œuvre, et non à méconnaître, les obligations au titre de l'Accord sur les ADPIC. En outre, la Thaïlande avait confirmé, en tant que tierce partie au différend, que la législation qui devait être promulguée en septembre 1999 ne modifierait pas l'article 36.5 de sa Loi sur les brevets qui – comme les dispositions législatives récemment adoptées par l'Argentine – comportait une exception pour l'approbation réglementaire mais ne prescrivait pas une prolongation de la durée du brevet. De même, la Pologne avait indiqué, en tant que tierce partie au différend, que son projet de loi comporterait aussi une exception pour l'approbation réglementaire sans prolongation de la durée du brevet, analogue à celle qui figurait dans la législation en vigueur en Hongrie. Ces pays en développement et en transition, qui étaient à la veille d'être liés par l'Accord sur les ADPIC, devaient être considérés comme ayant promulgué sur ce point leur législation en matière de brevets en tenant compte des obligations qui allaient être les leurs. De plus, aucune des tierces parties qui étaient intervenues en l'espèce n'avait fait valoir que l'exception pour l'approbation réglementaire devait s'accompagner d'une prolongation de la durée du brevet. Voir aussi ce qui est exposé plus loin dans la note 223.

 Ce qui est exposé dans cet alinéa a été avancé par le Canada en réponse à une question du Groupe spécial.

 Ce qui est exposé dans cet alinéa a été avancé par le Canada en réponse à une question du Groupe spécial.

 En réponse à une question du Groupe spécial, le Canada a dit qu'il n'y avait aucun lien entre l'article 30 et la prolongation de la durée du brevet. L'article 30 permettait des exceptions limitées aux droits exclusifs accordés au titre de l'article 28. Une prolongation de la durée d'un brevet était un accroissement de la jouissance de droit et non une exception et n'avait donc aucune pertinence pour l'application de l'article 30. L'article 7 prescrivait un équilibre de droits et d'obligations et l'article 30 fournissait le moyen technique d'assurer cet équilibre en ce qui concerne les brevets. Mais l'article 30 ne permettait que des exceptions, et non une extension des droits. Il fallait conclure de l'absence de dispositions équivalentes à l'article 30 en ce qui concerne l'extension des droits que l'équilibre prescrit par l'article 7 ne devait être assuré que par des exceptions limitées. Les négociateurs de l'Accord sur les ADPIC avaient eu la possibilité de prévoir des dispositions particulières pour accroître la jouissance des droits de brevet dans le cas de produits pour lesquels l'approbation réglementaire prenait beaucoup de temps. À titre de comparaison, l'article 1709 12) de l'Accord de libreéchange nordaméricain, qui était également fondé sur le texte Dunkel, le faisait expressément: "Chacune des parties prévoira une durée de protection des brevets d'au moins 20 années à compter de la date de dépôt de la demande de brevet, ou de 17 années à compter de la date d'octroi du brevet. Une partie pourra prolonger la durée de la protection, dans les cas qui le justifient, à titre de dédommagement pour les retards causés par la procédure d'approbation" (pas d'italique dans l'original). Si les rédacteurs de l'Accord sur les ADPIC avaient voulu offrir une protection accrue, ils l'auraient fait au moyen d'une disposition analogue à celle de l'ALENA citée cidessus. Or, dans le texte final de l'Accord, les limites de la période de protection étaient celles prescrites à l'article 33, qui n'envisageait pas de prolongation. De plus, offrir une prolongation de la durée du brevet pour certains produits mais non pour d'autres serait contraire à l'article 27:1. D'ailleurs, les parties avaient été ouvertement saisies pendant les négociations de la question de cette prolongation. La Suisse comme l'Autriche avaient fait des propositions dans ce sens (voir documents du GATT MTN.GNG/NG11/W/38, page 2 et MTN.GNG/NG11/W/55, paragraphe 5.3). Le fait que ce point avait été explicitement soulevé au cours des négociations mais sans faire l'objet d'un accord indiquait aussi que les rédacteurs de l'Accord sur les ADPIC n'avaient pas eu l'intention de prescrire un tel niveau de protection. Il était significatif que quatre Membres de l'OMC avaient prévu de donner effet à leurs obligations imminentes de manière à ne pas combiner une exception pour l'approbation réglementaire à une prolongation de la durée du brevet. Cela montrait que, selon ces Membres, une telle prolongation des droits de brevet n'était pas nécessaire. De fait, pour assurer un équilibre des droits privés et publics conformément aux articles 7 et 8 – par une exception au titre de l'article 30 – il n'était pas nécessaire d'aller audelà de la durée minimale des brevets prescrite par l'article 33. Voir aussi ce qui est exposé plus haut dans les notes 220 et 108.

 Voir plus haut le paragraphe 4.30 a), deuxième alinéa.

 Il a en particulier été fait référence à ce qui est exposé plus haut aux paragraphes 4.13, premier à troisième alinéas, et 4.14 iv).

 Voir Japon – Taxes sur les boissons alcooliques, page 12.

 Voir plus loin la section V.

 Voir plus loin la section V.

 Voir plus loin la section V.

 Voir plus loin la section V.

 Voir plus haut le paragraphe 4.30 a), deuxième alinéa.

 Voir plus loin la section V.

 Voir plus haut le paragraphe 4.30 b), deuxième alinéa.

 En réponse à une question du Groupe spécial, le Canada a ajouté que, si les rédacteurs avaient voulu que le membre de phrase relatif aux tiers s'applique seulement à la troisième condition, l'article 30 se serait lu comme suit: "Les Membres pourront prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet, à condition que cellesci ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet, et à condition qu'elles ne causent pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers" (pas d'italique dans l'original). Le contexte de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC ainsi que son objet et son but ne révélaient rien qui donne à penser que l'article 30 devait être interprété autrement que conformément à son sens ordinaire. En fait, l'application de la clause relative aux tiers à la deuxième comme à la troisième condition était compatible avec les objectifs de l'Accord sur les ADPIC tels qu'énoncés dans son article 7.

 Voir plus loin la section V.

 Il a également été fait référence à une observation qu'un des membres du Groupe spécial a formulée lors de la première réunion de fond du Groupe avec les parties. De l'avis du Canada, l'observation selon laquelle il était possible d'admettre que l'utilisation antérieure ne portait pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale une fois pris en compte l'intérêt du tiers qui avait antérieurement utilisé l'invention confirmait que son interprétation était la bonne.

 Voir plus haut le paragraphe 4.30 b), troisième et quatrième alinéas.

 Il a été fait référence à l'article 29 de l'Accord sur les ADPIC.

 Rebecca S. Eisenberg, "Patents and the Progress of Science: Exclusive Rights and Experimental Use". The University of Chicago Law Review, Vol. 56 (1989), page 1022.

 Article 31: "Les droits conférés par le brevet communautaire ne s'étendent pas: […] b) aux actes accomplis à titre expérimental qui portent sur l'objet de l'invention brevetée."

 Harold C. Wegner, Patent Law in Biotechnology, Chemicals & Pharmaceuticals (2nd ed.), Stockton Press, 1994 (New York), pages 451 et suivantes.

 Micro Chemicals Ltd. v. Smith Kline & French Inter-American Corp., (1971) 2 C.P.R. (2d) 193.

 Harold C. Wegner, Patent Law in Biotechnology, Chemicals & Pharmaceuticals (2nd ed.), Stockton Press, 1994 (New York), page 465.

 Ibid., page 453.

 Frearson v. Loe (1878), 9 Ch. D. 48, pages 66 et 67, cité dans Micro Chemicals, supra note 5, page 203.

 Harold C. Wegner, Patent Law in Biotechnology, Chemicals & Pharmaceuticals (2nd ed.), Stockton Press, 1994 (New York), page 455.

 Frearson v. Loe (1878), 9 Ch. D. 48, pages 66 et 67, cité dans Micro Chemicals, supra note 220, page 203.

 Wegner, supra note 241, pages 453 et 455.

 Voir plus haut le paragraphe 4.30 b).

 Voir plus haut le paragraphe 4.30 c), cinquième alinéa.

 Voir plus haut le paragraphe 4.30, troisième alinéa.

 Wegner, supra note 241, page 460.

 Cité dans Wegner, supra note 241, pages 458 et 459.

 Voir plus haut le paragraphe 4.30 c) i).

 Sixième édition, page 927.

 Voir plus loin la section V.

 Voir plus haut le paragraphe 4.30 c) i) et ii).

 H. Ullrich, "The Importance of Industrial Property Law and Other Legal Measures in the Promotion of Technological Innovation", Industrial Property (mars 1989), pages 102 et 103.

 En réponse à une question du Groupe spécial, le Canada a dit que la Convention de Vienne prescrivait que l'on donne son sens ordinaire à la lumière du but et dans le contexte de l'Accord à l'expression "de manière injustifiée". Ce sens était "d'une façon injustifiée" ou "dans une mesure injustifiée". Le terme "injustifié" signifiait "allant audelà de ce qui est raisonnable ou équitable; excessif" (The New Shorter Oxford English Dictionary, page 3503). Le volume d'atteinte ou de préjudice qui ne serait pas considéré comme injustifié ou excessif devait être déterminé par le contexte de l'Accord, y compris son article 7, qui envisageait un équilibre entre les droits des détenteurs de brevet et d'autres intérêts publics concurrents "[...] d'une manière propice au bienêtre social et économique". En ce qui concerne la différence entre l'article 30 et l'article 13, il a été fait référence à ce qui est exposé plus haut au paragraphe 4.36 c) i), troisième alinéa. En outre, les observations suivantes de Daniel Gervais (The TRIPS Agreement: Drafting History and Analysis, Sweet & Maxwell, Londres, 1998, pages 143144 et 159) pouvaient être utiles: "En faisant référence à la documentation concernant la Convention de Berne, il est nécessaire, toutefois, de prendre en compte le fait que le droit d'auteur n'a pas le même caractère que les autres droits de propriété intellectuelle et, par conséquent, de n'emprunter que les concepts historiques ou autres qui sont pertinents. En outre, l'ajout du membre de phrase "compte tenu des intérêts légitimes des tiers" introduit un équilibre qui est absent de la Convention de Berne. [...] Mais comme je l'ai déjà expliqué, la propriété intellectuelle ayant un caractère différent, la référence aux principes qui se rapportent au droit d'auteur devrait en l'occurrence être limitée à la terminologie et faite avec la plus grande prudence." Il ressortait clairement d'une comparaison des deux dispositions que la portée des exceptions de l'article 13 était beaucoup plus limitée que celle des exceptions de l'article 30, qui non seulement autorisaient des atteintes à l'exploitation justifiée et aux intérêts légitimes du détenteur des droits, mais tenaient compte aussi des intérêts légitimes de tiers tels que les consommateurs et les fournisseurs de soins de santé. Il a été également fait référence à ce qui est exposé plus haut au paragraphe 4.36 c) i), premier et deuxième alinéas.

 Voir plus haut le paragraphe 4.30 c) ii).

 Voir plus haut le paragraphe 4.30 c) iii).

 Voir plus haut le paragraphe 4.30 c) iii) et d) iii).

 En réponse à une question du Groupe spécial, le Canada a dit que dans les cas où un titulaire de brevet concédait une licence à une unité apparentée de production de génériques pour lui permettre de s'équiper et de soutenir la concurrence immédiatement après l'expiration du brevet en tant que vendeur de produit générique de marque, il s'agissait d'un arrangement contractuel privé dont les termes étaient soumis au secret commercial et n'étaient donc pas accessibles aux pouvoirs publics. La réponse des CE à la même question du Groupe spécial est donnée dans la note 170.

 Voir plus haut les paragraphes 4.22, quatrième alinéa, et 4.30 d) iii).

 Voir également plus loin la section IV.D 4).

 Voir plus haut le paragraphe 4.30 d) iii).

 Il a été fait référence aux vues similaires exprimées par l'Australie, le Brésil, la Colombie, Cuba, les États-Unis, l'Inde, Israël, le Japon, la Pologne et la Thaïlande en tant que tierces parties au différend (voir plus loin la section V).

 Voir plus haut le paragraphe 4.37 c) iii).

 Voir plus loin la section V.

 Voir plus loin la section V.

 Les essais à l'étranger sont admis par l'Office de contrôle des médicaments et des produits alimentaires: "Le FDA autorise la présentation de données cliniques obtenues à l'étranger à condition que les méthodes utilisées pour recueillir les données soient conformes à ses prescriptions." Intermedics, Inc. v. Ventritex, Inc. (voir plus haut la note 185), page 1284.

 Il a été fait référence à ce qui est exposé plus haut au paragraphe 4.21 b), cinquième alinéa.

 The Worldwide Role of Generic Pharmaceuticals, Exposé à l'Association internationale des produits pharmaceutiques génériques de M. Jonathan D. Quick, Directeur des médicaments essentiels et de la politique des médicaments, Organisation mondiale de la santé, juin 1999. Les maladies et les taux de mortalité sont les suivants: infections respiratoires (4 millions); maladies diarrhéiques (3 millions); tuberculose (2 millions); rougeole (1 million); paludisme (1 million); tétanos (0,5 million); infarctus et accidents vasculaires cérébraux (5,5 millions); et cancer (3,5 millions).

 Status of Drug Regulation and Drug Quality Assurance in WHO African Region and Selected Countries, Organisation mondiale de la santé, mars 1999.

 Developing International Standards for the Generic Pharmaceutical Industry, Exposé fait devant l'Association internationale des produits pharmaceutiques génériques par le docteur Juhana E. IdanpaanHeikkila, Conseiller spécial, Assurance de la qualité et innocuité des médicaments, Organisation mondiale de la santé, juin 1999.

 L'expression "exception avant expiration bien conçue" a été utilisée par les ÉtatsUnis en tant que tierce partie au différend (voir plus loin la section V).

 Voir plus loin la section V.

 Voir plus haut le paragraphe 4.37 c) iii), deuxième alinéa.

 Voir plus loin la section V.

 Les CE ont souligné que, alors que le Canada attachait une certaine importance au fait que l'article 13 de l'Accord sur les ADPIC et l'article 9 2) de la Convention de Berne, d'une part, et les articles 26:2 et 30 de l'Accord, d'autre part, n'étaient pas libellés de la même façon, il n'avait présenté aucun élément étayant son point de vue et il n'avait pas expliqué non plus en quoi cette différence pouvait être "très significative" (voir plus haut le paragraphe 4.37 c) i), troisième alinéa).

 Voir plus haut la note de bas de page 236.

 Voir plus haut dans ce paragraphe, le point 1).

 Voir l'article 31 h) de l'Accord sur les ADPIC.

 "[Sous réserve que les intérêts légitimes du propriétaire du brevet et des tiers soient pris en considération,] les droits exclusifs conférés par un brevet pourront faire l'objet d'exceptions limitées pour certains actes, par exemple:

1. Les actes couverts par des droits fondés sur une utilisation antérieure.
2. Les actes privés sans caractère commercial.
3. Les actes accomplis à des fins expérimentales.
4. La préparation en pharmacie, au cas par cas, de médicaments sur la base d'ordonnances, ou les actes accomplis avec les médicaments ainsi préparés.
5A. Les actes accomplis dans l'idée qu'ils ne sont pas interdits par une revendication valable figurant dans un brevet tel qu'il a été initialement délivré mais qui le deviennent par la suite du fait qu'une revendication valable a été modifiée conformément aux procédures prévues pour la modification des brevets après leur délivrance.
5B. Les actes accomplis par les pouvoirs publics simplement pour leurs propres besoins."

 Voir les rapports de l'Organe d'appel États-Unis  Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules, et États-Unis – Mesures affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses, de laine, tissés en provenance d'Inde.

 Il a été fait référence au rapport NERA mentionné dans la note de bas de page 122, page 105.

 Voir plus loin la section V.

 ÉtatsUnis – Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes (WT/DS58/AB/R), paragraphes 115 et 121.

 Ibid., paragraphes 129 à 131.

 Ibid., paragraphe 121. Voir aussi le paragraphe 131 et les textes cités dans la note de bas de page 116.

 Japon – Taxes sur les boissons alcooliques (WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R), page 14.
 Voir plus loin la section V.

 Japon – Taxes sur les boissons alcooliques (WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R), page 15.

 Voir plus haut la note de bas de page 100.

 Il a été fait référence à l'Allemagne, à l'Italie et au Portugal (voir plus haut le paragraphe 4.15, 8ème alinéa).

 Japon – Taxes sur les boissons alcooliques (WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R), page 30.

 Voir plus haut la note de bas de page 6.
 Les CE semblaient dire que la prolongation de la durée d'un brevet était une simple "différentiation" et non une discrimination au sens de l'article 27:1. Mais on pouvait dire de même qu'une exception pour examen réglementaire était une simple différentiation puisqu'elle visait à remédier à la distorsion créée par le système d'examen réglementaire. C'était pour cela que, pour étayer l'allégation selon laquelle la disposition du Canada était contraire à l'article 27:1, les CE prétendaient que l'exemption "Bolar" et la prolongation de la durée du brevet pouvaient l'une et l'autre avoir une importance aux fins des articles 27:1 et 30. Mais cela signifiait seulement que le système de certificats complémentaires de protection des CE était déséquilibré et, partant, discriminatoire. De plus, cela ne concordait pas avec l'historique de la négociation (voir l'alinéa suivant).

 Voir plus haut la note de bas de page 100.

 Voir plus loin la section V.

 Intermedics, Inc. v. Ventritex, Inc., 775 F.Supp. 1269 (N.D.Cal. 1991), page 1284; confirmé par 991 F.2d 808 (Fed.Cir. 1993).

 Lettre de Richard W. Fisher, Représentant adjoint pour les questions commerciales internationales des États-Unis, au Ministre du commerce de la République de Corée, 4 juin 1999, reproduite dans Inside US Trade, volume 17, n° 26, 2 juillet 1999, page 36.

 L'article 2.2 de l'Accord OTC dispose que "les Membres feront en sorte que l'élaboration, l'adoption ou l'application des règlements techniques n'aient ni pour objet ni pour effet de créer des obstacles non nécessaires au commerce international". L'article 6.1 de l'Accord dispose que "[…] les Membres feront en sorte, chaque fois que cela sera possible, que les résultats des procédures d'évaluation de la conformité d'autres Membres soient acceptés, mêmes lorsque ces procédures diffèrent des leurs, à condition d'avoir la certitude que lesdites procédures offrent une assurance de la conformité aux règlements techniques et aux normes applicables équivalentes à leurs propres procédures […]".

 Résolution de l'Assemblée mondiale de la santé WHA52.19, "Stratégie pharmaceutique révisée", 24 mai 1999, adoptée telle que l'avait proposée le Conseil exécutif de l'OMS (voir plus haut la note de bas de page 57).
 Loi de 1474 sur les brevets, citée dans Mandich, Venetian Patents (14501550) (1948) 30 JPOS 166, 1776177.

 "Statute of Monopolies" (Loi sur les monopoles), 1623, 21 Jac.  I c.3.

 Lord Parker dans Attorney General v Adelaide Steamship Co., Chambre des Lords, (1913) AC 781.

 Article 27:2 de l'Accord sur les ADPIC.

 Loi sur les brevets du Royaume-Uni de 1977, article 60 5) b).

 Voir, par exemple, la Loi australienne sur les brevets de 1990, article 119.

 Article 5ter de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (1967).

 Note de bas de page relative à l'article 31 de l'Accord sur les ADPIC.

 Article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC.

 Voir l'article 27 b) de la Convention sur le brevet communautaire (1989), les législations nationales en la matière, comme la Loi sur les brevets du Royaume-Uni citée précédemment (voir la note de bas de page 145), et la jurisprudence établie dans certains pays: Frearson v Loe (1878) 9 Ch D 48, Proctor v Bailey & Son (1889) 6 RPC 538 (CA); Smith Kline & French v Micro Chemicals (1970) 60 CPR 193; Pharbita and Medicopharma v ICI, Cour suprême des Pays-Bas 1992; Klinische Versuche II, Cour suprême fédérale d'Allemagne 1998 RPC 423; Wellcome Foundation Limited v Parexel International and Others, Cour d'appel de Paris 1999; Otsuka Pharmaceutical Co. Ltd v Towa Yakuhin KK, Cour suprême du Japon 1999, Affaire n° 1998.

 En vertu de l'article 13 de la Loi australienne sur les brevets de 1990, un brevet confère à son titulaire, pendant la durée du brevet, le droit exclusif d'exploiter l'invention et d'autoriser des tiers à l'exploiter. Le terme "exploiter" est défini, dans le cas d'un brevet de produit, comme désignant "la fabrication, la location, la vente ou la cession de toute autre façon du produit, l'offre de fabriquer, louer, vendre ou céder de toute autre façon le produit, l'utilisation ou l'importation du produit ou sa conservation dans le but d'accomplir l'un de ces actes"; il en va de même pour un brevet de procédé.

 S. Ricketson, The Law of Intellectual Property, Sydney, 1994, page 984.

 Klinische Versuche II, Cour suprême fédérale d'Allemagne 1998 RPC 423.

 Otsuka Pharmaceutical Co., Ltd. v Towa Yakuhin K.K., Haute Cour de Tokyo, 6ème Chambre civile, affaire n° 3498(ne), 31 mars 1998; décision confirmée par la deuxième Chambre de la Cour suprême, affaire n° 1998(ju) 153, 16 avril 1999.

 Voir par exemple, M. Blakeney, TradeRelated Aspects of Intellectual Property Rights: A Concise Guide to the TRIPS Agreement, Londres, 1996, page 87; et D. Gervais, The TRIPS Agreement: Drafting History and Analysis, Londres, 1998, page 159.

 Voir les décisions citées par Ricketson, op. cit., page 988.

 Dunlop Pneumatic Tyre Company v Holborn Tyre Co. Ltd. (1901) 18 RPC 22.

 Voir la définition du terme "exploiter" dans la loi australienne précitée (note de bas de page 315).

 Voir plus haut le paragraphe 4.7.

 Voir plus haut le paragraphe 4.21 c).

 L'exception énoncée à l'article 30 est une exception générale qui diffère, de par sa nature, des autres exceptions, en particulier celles qui sont mentionnées à l'article 13 de l'Accord, qui stipule que l'exception ne doit pas porter "atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre". L'article 30 ne formule pas simplement des "réserves mineures"; il fait partie intégrante de l'équilibre de droits et d'obligations accepté par tous les Membres de l'OMC.

 Voir plus haut le paragraphe 4.21 c).

 26 janvier 1999.

 Il a aussi deux autres sens: 1) "extraire du sous-sol les richesses qu'il renferme"; et 2) "tirer profit à des fins personnelles, généralement de façon abusive, des qualités ou des sentiments d'une personne, ou de n'importe quel événement ou circonstance". (Diccionario de la Lengua Española, Real Academia de la Lengua, 1956).

 Oxford Dictionary.

 Il était fait référence à l'information donnée par le Canada selon laquelle il fallait entre trois ans et six ans et demi pour mettre au point un produit, préparer la demande et procéder à l'examen réglementaire (voir plus haut le paragraphe 4.21 c)).

 Document WT/DS50/AB/R daté du 19 décembre 1997.

 Voir le paragraphe 30 du document WT/DS50/AB/R daté du 19 décembre 1997.

 Pons de Val, Marta – Las licencias obligatorias por falta de explotación de la patent: hacia un nuevo concepto de explotación, dans "Comunidad Europea Aranzadi", XXII, numéro 10, octobre 1996, page 41.

 Casado Cerviño, Alberto y Cerro Prada, Begoña – La propiedad intelectual, numéro spécial, du bulletin économique de l'ICE, page 111.

 Paragraphe 7.29 du document WT/DS50/R daté du 5 septembre 1997, repris par le Groupe spécial dans le rapport Inde – Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l'agriculture (plainte des CE) (document WT/DS79/R, paragraphe 7.40).

 Correa Carlos M. Acuerdo TRIPS. Régimen internacional de la propiedad intelectual. Ediciones Ciudad, Argentine, Buenos Aires, 1996, page 234.

 Voir plus haut la note de bas de page 335.

 Otero Lastres, José Manuel. La patentabilidad de los productos químicofarmacéuticos, dans "Hacia un nuevo sistema de patentes", Editorial Montecorvo, S.A., Madrid, 1982, pages 147 à 152.

 Fernández Novoa, Carlos – Las tendencias actuales del derecho comunitario de patentes, dans Jornadas CEFI, "Reflexiones sobre la protección de la investigación en el umbral del 2000" (28 avril 1993), publié par le Centro de Estudios para el Fomento de la Investigación (CEFI), Barcelone, 1993.

 De Haas, Michel – Brevet et Médicament en droit français et en droit européen, Librairies Techniques (LITEC), Paris, 1981.

 Ibid., pages 4 et 5.

 Ibid., page 235.

 Il était fait référence, à cet égard, à l'argument des Communautés européennes et de leurs États membres, mentionné plus haut au troisième alinéa du paragraphe 4.4.

 "Reconnaissant que les droits de propriété intellectuelle sont des droits privés" (Préambule de l'Accord sur les ADPIC).

 Voir plus haut la note de bas de page 6.

 Correa, C.M. – Patent Rights. Tiré de "Intellectual Property and International Trade: The TRIPS Agreement", Kluwer Law International, 1998, page 208.

 Op. cit., page 208, note de bas de page 46.

 Voir plus haut le paragraphe 4.21 c), en conjonction avec les paragraphes 2.2 et suivants.

 Affaire concernant l'essence, rapport de l'Organe d'appel, page 23 (WT/DS2/AB/R).

 Publication de l'OMPI n° 840, 1979, page 27.

 Publication de l'OMPI n° 615, 1978, paragraphe 9.10.

 Op. cit., page 28, article 136 1).

 Op. cit., page 84.

 Publication de l'OMPI n° 476, page 27, paragraphe 2.104.

 Op. cit., paragraphe 9.3.

 Cette inquiétude provenait, entre autres choses, de ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire "concernant l'article 337" opposant les CE et les ÉtatsUnis, qui traitait notamment des problèmes relatifs aux moyens de faire respecter les droits (IBDD, S36/386).

 Article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.

 Déclaration de la Thaïlande à la réunion des 12-14 septembre 1988 (MTN.GNG/NG11/W/27).

 Les États-Unis ont utilisé l'expression "essais avant expiration" pour désigner de manière abrégée les activités destinées à élaborer les informations requises à des fins réglementaires nationales.

 Les États-Unis ont utilisé le terme "emmagasinage" pour désigner de manière abrégée la production et le stockage de produits brevetés destinés à être vendus après l'expiration du brevet.

 WT/DS2/AB/R, page 25.

 WT/DS33/AB/R, page 18.

 Les États-Unis ont fait référence à la décision de l'Organe d'appel dans le cadre de l'affaire Inde  Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l'agriculture (WT/DS50/AB/R, page 19) et à l'article 31 de la Convention de Vienne et ont dit que leurs arguments étaient fondés sur le texte, le contexte, l'objet et le but de chacune des dispositions invoquées par les parties, à savoir les articles 27, 28, 30 et 33 de l'Accord sur les ADPIC. L'article 31 de la Convention de Vienne disposait notamment que "[u]n traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but". Voir également ÉtatsUnis  Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules (WT/DS2/AB/R, page 18).

 État d'avancement des travaux du Groupe de négociation (MTN.GNG/NG11/W/76, page 28).

 Voir, par exemple, Klinische Versuche II, 1998 R.P.C. 423 (Allemagne); Otsuka Pharmaceutical Co., Ltd. c. Towa Yakuhin K.K., affaire n° 1998(ju)12 (Cour suprême, 16 avril 1999) (Japon). Mais voir Roche Prod. Inc. c. Bolar Pharmaceutical Co., 733 F.2d 858 (Fed. Cir.), cert. denied, 469 U.S. 856 (1984) (ÉtatsUnis).

 Voir Scott Paper Co. c. Marcalus Co., 326 U.S. 249, 256 (1964) ("[T]oute tentative, de la part du titulaire du brevet, de réserver ou de continuer le monopole conféré par le brevet, après l'expiration de celui-ci, quel que soit le moyen juridique employé, est contraire à la politique et au but des législations concernant les brevets."); Brulotte c. Thys Co., 379 US 29 (1964); Patent Licensing Transactions, Matthew Bender & Co., ch. 5.05 (1998) (citant des interdictions dans les Communautés européennes, le Japon et la Corée).

 Voir plus haut le paragraphe 4.21, point b), 6ème alinéa.

 Voir le paragraphe 4.16 plus haut.

 Voir le paragraphe 4.17 plus haut.

 The New Shorter Oxford English Dictionary, Lesley Brown (ed.), v.1, 823 (1993).

 ÉtatsUnis – Article 337 de la Loi douanière de 1930, IBDD, S36/432, paragraphe 5.11.

 L'ingrédient actif peut également être importé, par exemple acheté à un producteur se trouvant dans un pays où le produit en question n'est pas couvert par la protection conférée par un brevet.

 Pour les prescriptions de la réglementation canadienne en matière de commercialisation, voir la partie C.08 du Règlement sur les aliments et drogues, que le Canada a communiquée au cours de la procédure et qui est reproduite à l'annexe 2 du présent rapport.

 Voir plus haut le paragraphe 4.20.

 Le Canada a également appelé l'attention sur les dispositions de l'article 55.2 4) de la Loi sur les brevets et le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), qui établissent une procédure sommaire à laquelle les titulaires d'un brevet portant sur un médicament peuvent recourir pour empêcher les concurrents cherchant à obtenir l'approbation réglementaire pour un médicament tout en comparant ce médicament au médicament breveté, de commercialiser leur médicament approuvé avant l'expiration du brevet en question, si leur médicament porte atteinte au brevet ou est visé par les revendications figurant dans le brevet, mais satisfait aux conditions énoncées à l'article 55.2 1).

 Voir plus haut la note de bas de page 49.

 Chaque fois que les CE se réfèrent à leur allégation selon laquelle l'article 55.2 2) constitue une violation de l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC, elles parlent d'une violation de "l'article 28:1 pris conjointement avec l'article 33". Le sens précis de cette expression charnière n'a pas été expliqué. Le Groupe spécial a conclu qu'il lui fallait examiner la violation alléguée de l'article 28:1 comme une question distincte et qu'il devrait différer l'examen de l'allégation relative à l'article 33 et du sens exact de l'expression charnière "pris conjointement avec" jusqu'à ce que cette question se pose en fait d'elle-même.

 Convention de Vienne sur le droit des traités (1969), entrée en vigueur le 27 janvier 1980.

 Document WT/DS33/AB/R, pages 14 à 19 (rapport adopté le 23 mai 1997).

 Dans d'autres contextes, l'Organe d'appel a utilisé l'expression "commencement de preuve" à la place de "présomption" (voir Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (hormones), WT/DS26/AB/R, paragraphe 104).

 L'article 31 est ainsi libellé:

Article 31 – Autres utilisations sans autorisation du détenteur du droit: "Dans les cas où la législation d'un Membre permet d'autres utilisations (note de bas de page: on entend par "autres utilisations" les utilisations autres que celles qui sont autorisées en vertu de l'article 30) de l'objet d'un brevet sans l'autorisation du détenteur du droit, y compris l'utilisation par les pouvoirs publics ou des tiers autorisés par ceuxci, les dispositions suivantes seront respectées:
a) l'autorisation de cette utilisation sera examinée sur la base des circonstances qui lui sont propres;
b) une telle utilisation pourra n'être permise que si, avant cette utilisation, le candidat utilisateur s'est efforcé d'obtenir l'autorisation du détenteur du droit, suivant des conditions et modalités commerciales raisonnables, et que si ses efforts n'ont pas abouti dans un délai raisonnable. Un Membre pourra déroger à cette prescription dans des situations d'urgence nationale ou d'autres circonstances d'extrême urgence ou en cas d'utilisation publique à des fins non commerciales. Dans des situations d'urgence nationale ou d'autres circonstances d'extrême urgence, le détenteur du droit en sera néanmoins avisé aussitôt qu'il sera raisonnablement possible. En cas d'utilisation publique à des fins non commerciales, lorsque les pouvoirs publics ou l'entreprise contractante, sans faire de recherche de brevet, savent ou ont des raisons démontrables de savoir qu'un brevet valide est ou sera utilisé par les pouvoirs publics ou pour leur compte, le détenteur du droit en sera avisé dans les moindres délais;
c) la portée et la durée d'une telle utilisation seront limitées aux fins auxquelles celle-ci a été autorisée, et dans le cas de la technologie des semiconducteurs ladite utilisation sera uniquement destinée à des fins publiques non commerciales ou à remédier à une pratique dont il a été déterminé, à l'issue d'une procédure judiciaire ou administrative, qu'elle est anticoncurrentielle;
d) une telle utilisation sera non exclusive;
e) une telle utilisation sera incessible, sauf avec la partie de l'entreprise ou du fonds de commerce qui en a la jouissance;
f) toute utilisation de ce genre sera autorisée principalement pour l'approvisionnement du marché intérieur du Membre qui a autorisé cette utilisation;
g) l'autorisation d'une telle utilisation sera susceptible d'être rapportée, sous réserve que les intérêts légitimes des personnes ainsi autorisées soient protégés de façon adéquate, si et lorsque les circonstances y ayant conduit cessent d'exister et ne se reproduiront vraisemblablement pas. L'autorité compétente sera habilitée à réexaminer, sur demande motivée, si ces circonstances continuent d'exister;
h) le détenteur du droit recevra une rémunération adéquate selon le cas d'espèce, compte tenu de la valeur économique de l'autorisation;
i) la validité juridique de toute décision concernant l'autorisation d'une telle utilisation pourra faire l'objet d'une révision judiciaire ou autre révision indépendante par une autorité supérieure distincte de ce Membre;
j) toute décision concernant la rémunération prévue en rapport avec une telle utilisation pourra faire l'objet d'une révision judiciaire ou autre révision indépendante par une autorité supérieure distincte de ce Membre;
k) les Membres ne sont pas tenus d'appliquer les conditions énoncées aux alinéas b) et f) dans les cas où une telle utilisation est permise pour remédier à une pratique jugée anticoncurrentielle à l'issue d'une procédure judiciaire ou administrative. La nécessité de corriger les pratiques anticoncurrentielles peut être prise en compte dans la détermination de la rémunération dans de tels cas. Les autorités compétentes seront habilitées à refuser de rapporter l'autorisation si et lorsque les circonstances ayant conduit à cette autorisation risquent de se reproduire;
l) dans les cas où une telle utilisation est autorisée pour permettre l'exploitation d'un brevet (le "second brevet") qui ne peut pas être exploité sans porter atteinte à un autre brevet (le "premier brevet"), les conditions additionnelles suivantes seront d'application:
i) l'invention revendiquée dans le second brevet supposera un progrès technique important, d'un intérêt économique considérable, par rapport à l'invention revendiquée dans le premier brevet;
ii) le titulaire du premier brevet aura droit à une licence réciproque à des conditions raisonnables pour utiliser l'invention revendiquée dans le second brevet; et
iii) l'utilisation autorisée en rapport avec le premier brevet sera incessible sauf si le second brevet est également cédé.

 Les parties étaient divisées sur la question de savoir si cette deuxième condition englobait également le dernier membre de phrase de l'article 30 – "compte tenu des intérêts légitimes des tiers". Pour les raisons indiquées plus loin, le Groupe spécial n'a pas jugé nécessaire de se prononcer sur ce point.

 Voir États-Unis  Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules, WT/DS2/AB/R, page 26 (rapport adopté le 20 mai 1996).

 Le rapport du Comité de rédaction de l'article 9 2) de la Convention de Berne, sur la base duquel ce texte a été établi, aboutissait à la conclusion que des mesures qui ne portaient pas atteinte à "l'exploitation normale" pouvaient néanmoins causer un préjudice aux "intérêts légitimes" du titulaire du droit d'auteur. Le rapport est cité plus loin au paragraphe 7.72.

 L'attention a également été appelée sur le texte du premier considérant du Préambule de l'Accord sur les ADPIC et sur une partie du texte de l'article 1:1. Le passage du Préambule en question est ainsi libellé:

"Désireux de réduire les distorsions et les entraves en ce qui concerne le commerce international, et tenant compte de la nécessité de promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle et de faire en sorte que les mesures et les procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle ne deviennent pas ellesmêmes des obstacles au commerce légitime;" (italique ajouté par le Canada)

La partie du texte de l'article 1:1 à laquelle il a été fait référence est ainsi libellée:

"Les Membres seront libres de déterminer la méthode appropriée pour mettre en œuvre les dispositions du présent accord dans le cadre de leurs propres systèmes et pratiques juridiques."

 Le terme tel qu'il est utilisé ici englobe les acheteurs participant à la chaîne de distribution aboutissant au consommateur final.

 Déclaration orale des CE à la première réunion, paragraphe 52.

 Réfutation des CE, paragraphe 59.

 Ibid., paragraphe 60.

 Première communication des Communautés européennes, paragraphe 23.

 L'article 9 2) de la Convention de Berne est ainsi libellé: "Est réservée aux législations des pays de l'Union la faculté de permettre la reproduction [des] œuvres [littéraires et artistiques] dans certains cas spéciaux, pourvu qu'une telle reproduction ne porte pas atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur."

 On trouvera à l'annexe 6 du présent rapport les divers projets de ce qui est devenu l'article 30 examinés par le Groupe de négociation sur les ADPIC du Cycle d'Uruguay.

 The Shorter Oxford English Dictionary, page 1216.

 L'interprétation des deuxième et troisième conditions énoncées à l'article 30 est exposée plus loin sous F 1) b) et c).

 Première communication du Canada, paragraphe 25. Le texte législatif des ÉtatsUnis en question est le Code 35 des ÉtatsUnis, article 271 e). Il a été adopté pour annuler une décision d'un tribunal fédéral établissant qu'un comportement constitutif d'atteinte aux fins d'élaborer des présentations en vue d'obtenir l'approbation réglementaire ne relevait pas de l'exemption concernant l'"utilisation à des fins scientifiques" prévue dans la législation des ÉtatsUnis relative aux brevets et pouvait donc être interdit par le détenteur du brevet (Roche Products Inc. v Bolar Pharmaceutical Co., Inc., 733 F.2d 858 (C.A.F.C. 1984)).

 Première communication du Canada, paragraphe 105 et pièce n° 41, citant la lettre de M. Michael Kantor, Représentant des ÉtatsUnis pour les questions commerciales internationales, à M. Alfred B. Engelberg, 1er février 1996.

 Première communication du Canada, paragraphes 109 à 117.

 Voir plus haut le paragraphe 7.13.

 Première communication des Communautés européennes, paragraphes 30 et 54.

 Déclaration orale à la première réunion, paragraphes 67 et 68.

 Ibid., paragraphe 32.

 Première communication des CE, paragraphe 30.

 Déclaration orale des CE à la première réunion, paragraphes 64 à 69.

 En réponse à une question posée par le Groupe spécial après la première réunion avec les parties, le Canada a présenté une réponse dans laquelle il indiquait qu'il interpréterait l'article 55.2 1) comme autorisant la mise dans le circuit commercial des produis brevetés, fabriqués pendant la durée du brevet pour satisfaire aux prescriptions en matière d'examen réglementaire, à condition qu'ils soient vendus après l'expiration du brevet en question (voir plus haut la note de bas de page 101). Bien que les parties ellesmêmes n'aient pas soulevé la question de la mise dans le circuit commercial dans de telles circonstances, cette interprétation possible de l'article 55.2 1) a amené le Groupe spécial à se demander si une exception pour l'examen réglementaire autorisant cette mise dans le circuit commercial postérieure à l'expiration pouvait être considérée comme "limitée" au sens de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC. Dans ses premières observations sur le rapport intérimaire du Groupe spécial, le Canada a toutefois corrigé l'interprétation que le Groupe spécial avait donnée de sa réponse initiale (voir plus haut le paragraphe 6.8). Il a explicitement fait remarquer au Groupe spécial que l'article 55.2 1) ne permettait pas la mise dans le circuit commercial de ces produits, même après l'expiration du brevet, que ce soit pour l'exportation ou sur le marché intérieur. Il a assuré le Groupe spécial que toute mise dans le circuit commercial de ce type serait considérée comme une contrefaçon du brevet au motif qu'elle ne "se [justifierait pas] dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information" qu'obligent à fournir les autorités chargées de l'examen réglementaire. Dans l'observation complémentaire qu'elles ont formulée en réponse à cette observation du Canada (voir plus haut le paragraphe 6.8), les CE ont contesté l'interprétation du Canada au motif que des actions menées après l'expiration du brevet "étaient libres de toute condition restrictive parce que les droits exclusifs accordés par le brevet avaient cessé d'exister". Le Groupe spécial n'a pas accepté le point de vue des CE, ne voyant pas en quoi une loi accordant l'immunité contre la responsabilité de la contrefaçon ne pourrait pas subordonner cette immunité au comportement ultérieur. En outre, étant donné que le texte de l'article 55.2 1) ne traite pas explicitement de la question des ventes postérieures à l'expiration, le Groupe spécial a constaté que l'interprétation donnée par le Canada du libellé général de la loi sur ce point était l'interprétation la plus vraisemblable. En conséquence, ayant constaté que l'article 55.2 1) ne soulevait pas en fait une question de compatibilité avec l'article 30, le Groupe spécial n'a pas examiné la question plus avant.

 Voir plus haut le paragraphe 7.13.

 Première communication du Canada, paragraphe 78.

 Déclaration orale des CE à la première réunion, paragraphe 70.

 Première communication du Canada, paragraphes 78 et 79.

 Première communication du Canada, paragraphes 81 à 86.

 Deuxième communication (réfutation) des CE, paragraphes 62 à 64, 80 et 81.

 The New Shorter Oxford English Dictionary, page 1940.

 Au paragraphe 82 de leur deuxième communication (réfutation) les CE font valoir ce qui suit:

"En faisant abstraction de tous les droits de brevet stipulés à l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC pendant toute la durée du brevet pour un large éventail de bénéficiaires et pour des activités qui ont une ampleur significative si elles sont réalisées aux fins des prescriptions réglementaires canadiennes et qui échappent totalement au contrôle et sont en grande partie inconnues des autorités canadiennes si elles sont réalisées pour satisfaire aux prescriptions réglementaires d'un autre pays, l'article 55.2 1) de la Loi sur les brevets doit être considéré comme portant atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet." (caractère gras dans l'original)

 Déclaration orale des CE, première réunion, paragraphe 59; deuxième communication (réfutation) des CE, paragraphe 67.

 Déclaration orale des CE, première réunion, paragraphes 72 à 74; deuxième communication (réfutation) des CE, paragraphes 68 à 70.

 Première communication du Canada, paragraphe 81.

 Première communication du Canada, paragraphe 86.

 Il s'agit ici des "tierces parties" au sens de l'article 10 du Mémorandum d'accord et non des "tiers" au sens des articles 28 ou 30 de l'Accord sur les ADPIC.

 New Shorter Oxford Dictionary, page 1563.

 Voir le document MTN.GNG/NG11/W/76 du 23 juillet 1990 – État d'avancement des travaux du Groupe de négociation: rapport du Président au Groupe de négociation sur les marchandises, Partie III, section 5, paragraphe 2.2. Le texte pertinent est reproduit à l'annexe 6 du présent rapport.

 Le texte de l'article 9 2) de la Convention de Berne a également servi de modèle pour trois autres clauses de l'Accord sur les ADPIC relatives à des exceptions – les articles 13, 17 et 26:2 prévoyant respectivement des exceptions semblables aux obligations concernant le droit d'auteur, les marques de fabrique ou de commerce et les dessins et modèles industriels. L'article 13 est une copie presque exacte de l'article 9 2) de la Convention de Berne. Comme l'article 30, les articles 17 et 26:2 contiennent l'un et l'autre de légères modifications par rapport au texte de l'article 9 2) de la Convention de Berne.

 Rapport sur les travaux de la Commission principale n° I (dispositions de droit matériel de la Convention de Berne: articles 1 à 20), paragraphe 85, dans "Actes de la Conférence de Stockholm de la propriété intellectuelle, 11 juin14 juillet 1967, Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), Genève, Volume II, page 1152.

 Voir plus haut le paragraphe 2.5.

 Déclaration orale, première réunion, paragraphe 74. Voir également la réfutation écrite des CE, paragraphes 84 et 85. On trouvera une observation semblable faite par la Suisse dans la communication présentée par ce pays en tant que tierce partie, paragraphe 37.

 La durée effective de la période additionnelle d'exclusivité commerciale de facto dépendrait du temps qu'il faudrait aux concurrents pour mener à bien le processus d'approbation réglementaire à compter de la date d'expiration du brevet. Cela varierait selon que les concurrents ont pu réaliser, et dans quelle mesure, une partie du processus de mise au point pendant la durée du brevet, ce qui à son tour dépendrait de la portée des autres exceptions autorisant l'utilisation du produit breveté sans le consentement du titulaire du brevet, comme les exceptions pour l'utilisation du produit à des fins scientifiques ou expérimentales.

 Les données sur les prolongations de la durée des brevets et les exceptions en matière d'examen réglementaire pour les pays indiqués ont été fournies en réponse à des questions posées par le Groupe spécial aux parties et aux tierces parties à la procédure. Les questions posées par le Groupe spécial et les réponses communiquées sont reproduites à l'annexe 5 du présent rapport.

 Voir les réponses de la Pologne et de la Thaïlande aux questions posées par le Groupe spécial aux tierces parties. Voir la première communication du Canada, paragraphes 115 et 116 (Hongrie, Argentine).

 Première communication du Canada, paragraphe 86.

 Réponses du Canada aux questions posées par le Groupe spécial aux parties (à la première réunion), question n° 14.

 L'article 31 est intitulé "Autres utilisations sans autorisation du détenteur du droit", et la note de bas de page 7 relative à l'article 31 définit les "autres utilisations" comme les "utilisations" (dérogations aux droits de brevet exclusifs) autres que celles qui sont autorisées par l'article 30.

 Première communication des CE, paragraphe 58.

 Première communication des CE, paragraphe 51.

 Première communication des CE, paragraphe 57.

 Réponses des CE aux questions posées par le Groupe spécial après la première réunion de fond, réponse à la question n° 16.

 Dans un premier temps, les CE ont exprimé l'opinion selon laquelle, alors qu'une gamme étendue d'autres produits allant des produits alimentaires aux aéronefs étaient soumis à des prescriptions en matière d'examen réglementaire au Canada et dans d'autres pays, la portée juridique de l'article 55.2 1) était limitée aux seuls produits pharmaceutiques (première communication des CE, paragraphe 58). Le Canada a toutefois explicitement nié avoir admis ce point et a réaffirmé sans réserve que la portée juridique de la loi était aussi large que ce que les termes utilisés indiquaient (première communication du Canada, paragraphe 131; déclaration orale du Canada à la deuxième réunion, paragraphe 30).

 Visx, Inc. v. Nidek Co. et al. (1997) 77 C.P.R. (3d) 286 (Fed.Ct. T.D.), appeal allowed, Nidek Co. v. Visx, Inc., (1998) 77 C.P.R. (3d) 289 (Fed.Ct. App.) [pièce n°59 du Canada].

 Voir, par exemple, Japon – Taxes sur les boissons alcooliques, WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R (rapport adopté le 1er novembre 1996); Communautés européennes – Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes, WT/DS27/AB/R (rapport adopté le 17 novembre 1997); Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (hormones), WT/DS26/AB/R, WT/DS48/AB/R (rapport adopté le 15 février 1998); ÉtatsUnis – Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, WT/DS58/AB/R (rapport adopté le 6 novembre 1998).

 Réponses des CE aux questions posées par le Groupe spécial après la première réunion de fond, réponse à la question n° 16.

 Questions posées par le Groupe spécial après la première réunion de fond, question n° 16.

 Vu le dossier soumis au Groupe spécial, celuici n'a pas eu l'occasion d'examiner la question soulevée par certaines tierces parties – celle de savoir si des mesures qui sont limitées à un domaine technologique particulier – de jure ou de facto – sont nécessairement "discriminatoires" de ce seul fait, ou si dans certaines circonstances elles peuvent être justifiées en tant que mesures spéciales nécessaires pour rétablir l'égalité de traitement à l'égard du domaine technologique en question. Dans sa décision relative à l'article 55.2 1), le Groupe spécial n'a pas abordé cette question.

 Décembre 1996. Voir le paragraphe 116 de la première communication écrite du Canada.

 Voir le paragraphe 115 de la première communication écrite du Canada.

 Normes et principes concernant l'existence, la portée et l'exercice des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce: Communication de la Suisse (11 juillet 1989), MTN.GNG/NG11/W/38, page 2 (document produit comme pièce n° 81).

 Droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce: Communication de l'Autriche (8 décembre 1989), MTN.GNG/NG11/W/55, paragraphe 5.3 (document produit comme pièce n° 82).

 La question n° 14 et la réponse donnée par le Canada sont les suivantes:

"Question n° 14: Le Canada indique que le processus d'examen/d'approbation réglementaire des médicaments constitue une "distorsion économique" (paragraphes 36 et 37 de sa première communication écrite). La distorsion qui affecte les producteurs de médicaments innovants est-elle de nature différente de celle qui concerne le producteur de médicaments génériques? Veuillez motiver votre réponse et expliquer en quoi consiste la différence, le cas échéant. Dans la mesure où l'article 55.2 1) et 2) de la Loi sur les brevets canadienne vise une forme de distorsion mais pas l'autre, quelles raisons précises justifient une telle distinction?

Réponse du Canada: Les circonstances diffèrent selon qu'il s'agit d'un innovateur ou d'un fabricant de génériques. En effet, pour un innovateur, le seul facteur retardant l'entrée sur le marché est la volonté de la société qu'il persuade les autorités de réglementation de l'innocuité et de l'efficacité de son produit pour l'utilisation invoquée. Étant donné le tort que les substances chimiques peuvent causer, il est difficile de définir le retard inhérent à ce processus comme une "distorsion". Contrairement au cas de l'innovateur, les facteurs qui retardent l'entrée sur le marché d'un fabricant de génériques sont au nombre de deux. Premièrement, nécessité, comme pour l'innovateur, de convaincre les autorités de réglementation de l'innocuité et de l'efficacité de son produit. Là aussi, il n'est pas juste de dire que ce retard représente par luimême une "distorsion". Le deuxième facteur qui retarde l'entrée sur le marché des génériques est la présence du brevet d'un innovateur. Pour obtenir l'approbation réglementaire, le fabricant de génériques doit fabriquer et utiliser un produit qui contrefera le brevet d'un innovateur pendant la période de protection. En l'absence de dispositions comme celles qui sont contestées en l'espèce, les titulaires de brevets pourraient exercer leurs droits exclusifs pour empêcher les fabricants de génériques d'engager le processus de demande d'examen réglementaire avant l'expiration du brevet en question. La capacité d'empêcher une telle utilisation entraîne des distorsions du système juridique qui, d'une part, accorde ces droits et, d'autre part, impose les obligations d'examen réglementaire considérées. La distorsion provient du fait que les droits accordés par la législation en matière de brevets, qui, aux termes de la loi, sont censés venir à échéance à l'achèvement d'une période définie, peuvent être exercés avant cette date pour convertir les prescriptions de la législation en matière d'examen réglementaire, conçue pour protéger la santé publique et non des intérêts commerciaux privés, en une prolongation de facto de droits de brevet qui, en vertu de la Loi sur les brevets, n'existent plus de jure. Pour des raisons évidentes liées à cette prolongation de droits commerciaux privés, la "distorsion sur le plan économique" mentionnée découle de la distorsion du cadre juridique définissant les droits de brevet et les prescriptions en matière d'examen réglementaire. Lorsque, comme expliqué plus haut, la distorsion en question n'affecte qu'une des parties présentes sur le marché, aucune distinction liée à des considérations de politique générale ne vient le justifier.

 Le Groupe spécial n'a pas reçu de réponse de l'Inde à ces questions.

 Voir l'appendice de la présente annexe.

 Ce libellé était tiré du projet d'accord sur les ADPIC présenté par les Communautés européennes (MTN.GNG/NG11/W/68). Aucun autre projet de texte juridique ne comportait de disposition équivalente.


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