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Envoûtant, captivant voire fascinant, le film de Robert Wise est une invitation à la
rêverie. ... le récit était porté à l'écran en Allemagne, sous le nom de Die Familie
Trapp. .... Après s'être entretenue à ce sujet avec son avocat, Maria réclama à
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euphorisante
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Deuxième Partie : Un tragique destin
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Epilogue
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Sources
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Filmographie
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Annexe
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Une mélodie enchanteresse
Préambule
Certaines uvres cinématographiques bouleversent le spectateur jusque dans son intimité profonde, libérant des émotions restées inconnues, ou vécues de manière moins intense. La Mélodie du Bonheur, comédie musicale souvent hâtivement considérée comme empruntée, surannée voire sirupeuse, relève en ce qui me concerne d'un chef-duvre du Septième Art, touchant à la fois au merveilleux (hymne à la Vie) et au douloureux (contexte politique tragique). Cette dualité très forte permet à ce film, dont la bande originale ne fait que sublimer la thématique, de susciter une large gamme démotions en dénotant une qualité précieuse, qui fait hélas défaut à bien des productions : le charme.
Envoûtant, captivant voire fascinant, le film de Robert Wise est une invitation à la rêverie. Jamais lenvie de visiter lAutriche na été aussi irrésistible, jamais les chants religieux nont eu autant dampleur au cinéma, jamais quelques trois heures nen auront à peine paru une petite. Mais derrière une histoire en apparence candide, lHistoire se profile et imprègne le long métrage de façon latente. Basé sur une histoire vraie, la Mélodie du Bonheur sinspire en effet de la vie mouvementée de Maria von Trapp dont lautobiographie, parue en 1949, racontait avec force détails lexil et la vie déchirante de cette famille dartistes. La romance et le traitement parfois fleur bleue du récit ne doivent ainsi pas faire oublier le contexte tout à fait particulier dans lequel sinscrit le film. Le parti pris réaliste du long métrage donne, sur fond de montée du nazisme, un aperçu de lAutriche davant-guerre et du choix auquel les Autrichiens et le reste de lEurope furent confrontés pendant les événements de la Seconde Guerre Mondiale. En loccurrence, une famille solidaire et unie jusquau bout, qui lutte, reste fidèle à ses convictions et résiste face à la barbarie nazie. La Mélodie du Bonheur peut ainsi être envisagé dans une certaine mesure comme léquivalent musical du Dictateur de Chaplin.
Laction se situe à Salzbourg, dans les années 30. Maria, jeune religieuse un rien rebelle, devient gouvernante au service de la famille von Trapp, afin de calmer sa fougue et de réfléchir sur sa véritable vocation. Si les sept enfants sont au garde-à-vous devant leur militaire de père, cest une toute autre histoire lorsque celui-ci sabsente. Maria se retrouve ainsi avec une bande de garnements à apprivoiser. Progressivement pourtant, sa gentillesse et sa spontanéité auront raison de lhostilité des enfants, quelle initie au théâtre, à la musique, à léveil de la nature... Et le capitaine von Trapp lui-même succombera au charme de la jeune femme. Tout irait donc pour le mieux, si la Seconde Guerre Mondiale ne venait déclater : la famille von Trapp devra sexpatrier pour échapper à limpitoyable Régime du IIIème Reich
Le milieu du spectacle avait très vite décelé le potentiel commercial du scénario, puisque dès 1956 le récit était porté à lécran en Allemagne, sous le nom de Die Familie Trapp. Puis Hollywood saccapara rapidement les droits du récit, la version musicale arrivant par voie de conséquence à Broadway dès 1959, avec la patte inimitable de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II. Ce duo exceptionnel faisait depuis les années 40 les grands soirs de Broadway, comptant de nombreux succès, parmi lesquels Oklahoma ! (1943), South Pacific (49) ou le Roi et moi (51). La Mélodie du Bonheur représente leur dernière collaboration puisque Oscar Hammerstein II décède en août 1960, soit neuf mois seulement après le début des représentations. Et cest donc finalement au milieu des années 60 que la comédie musicale fera le saut vers le grand écran, avec Robert Wise aux commandes. Le résultat : un film récompensé de cinq Oscars(, un triomphe mérité dans les salles... et un succès seulement égalé en 1978 par la sortie de Grease.
Tourné après le monstrueux Cléopâtre -au budget pharaonique mais à léchec cuisant en salles, la Mélodie du Bonheur reste le film messie qui sauva la Fox dune faillite certaine. Pour un budget de seulement 8 M$, il en rapporta 163 sur le seul territoire américain, soit vingt fois la mise de départ. En France, le film réalisa pour sa part 2.182.705 entrées et se classa 13ème dans le box-office de lannée 1966. Ainsi la comédie musicale de Robert Wise peut-elle être considérée comme lancêtre des blockbusters, consacrant définitivement lactrice Julie Andrews, déjà fort appréciée dans le dynamique Mary Poppins, produit par Walt Disney en 1964.
Dans un premier temps, nous nous efforcerons de resituer le long métrage (le tournage, les difficultés survenues lors des étapes de la réalisation, les libertés prises par rapport au texte original), et nous nous attacherons à étudier la première moitié du long métrage, que lon peut qualifier d« euphorisante » -enjeux clairement définis, issue heureuse. Dans un second temps, nous nous attarderons sur la seconde moitié du film, nettement plus sombre et ouvertement politique, loccasion de revenir en détail sur les choix audacieux de Robert Wise, qui permettent de dégager de manière évidente des thèmes récurrents dans la filmographie du réalisateur.
Dans une volonté constante dillustrer les propos avancés, ce travail proposera donc une analyse, aussi précise et rigoureuse que possible, de quelques séquences-clefs de la Mélodie du Bonheur.
Ce film ne saurait donc se limiter à un simple divertissement populaire où des religieuses chantent à la moindre occasion : cest avant tout une uvre aboutie, qui prône et transmet une joie de vivre perpétuelle, apprend véritablement à relativiser les soucis du quotidien, et a su réconcilier, en son temps, le cinéma hollywoodien avec les grands spectacles de qualité. Une mélodie, par définition, flatte loreille : cette Mélodie-ci flatte quant à elle la sensibilité du spectateur. Ce travail va donc sattacher, à travers une démarche, tout autant thématique quanalytique, à réhabiliter un film souvent mal considéré, et qui pourtant constitue lune des plus vibrantes déclarations damour du cinéma envers son public.
La Mélodie du Bonheur
The Sound of Music
Année de production : 1965
Sortie Etats-Unis : 2 mars 1965 / Sortie France : février 1966
Durée : 2 h 54Produit par : 20th Century FoxProducteurs exécutif : Peter Levathes et Richard D. ZanuckProducteur : Robert WiseRéalisateur : Robert WiseHistoire originale : Howard Lindsay et Russel Crouse
Scénario : Ernest Lehman Musique : Richard Rodgers et Oscar Hammerstein IICasting :
Maria - Julie Andrews
Captain von Trapp - Christopher Plummer
La Mère Supérieure - Peggy Wood
Herr Zeller - Ben Wright
La Baronne - Eleanor Parker
Max Detweiler - Richard Haydn
Rolf - Daniel Truhitte
Liesl von Trapp - Charmian Carr
Synopsis
Novice à labbaye de Salzbourg en Autriche, Maria est trop jeune pour supporter la vie dun couvent, aussi la Mère Supérieure décide de lui donner le temps de réfléchir avant de prononcer ses voeux, et lenvoie comme gouvernante chez le capitaine von Trapp, veuf et père de sept enfants. Dès son arrivée, Maria se heurte à lhostilité de ces derniers, mais par sa gentillesse gagnera peu à peu leur affection
Personnages principaux
Une uvre euphorisante
Dans un premier temps, en nous appuyant sur diverses anecdotes et informations concernant lambiance et les difficultés de tournage de cette flamboyante production, nous nous proposons danalyser la grande première moitié du film. Afin dêtre le plus clair et rigoureux possible, nous aurons bien sûr pour fil conducteur la structure du récit, mais comme il ne sagit pas de décrire le film plan par plan, exercice aussi fastidieux quaride en terme de réflexion, nous aurons recours à dincessants renvois dans luvre, visant à regrouper de manière cohérente, et par thèmes généraux, notre pensée. Lapport dinformations sur le tournage à proprement parler vise à rendre compte, dans une certaine mesure, de latmosphère générale et des moyens mis en uvre pour produire une comédie musicale au faste considérable mais jamais excessif. Un état des lieux tout aussi nécessaire que lanalyse proprement dite, qui permettra de mieux saisir les choix de Robert Wise et son équipe.
PETITE ET GRANDE HISTOIRE
Avant dentrer dans le vif du sujet, il convient de rappeler que le film sappuie sur une histoire vraie, celle de la famille von Trapp, dont il sagit de retracer ici le destin en quelques lignes, afin de comprendre parfaitement le récit du long métrage, ses tenants et ses aboutissants. Maria Augusta Kutschera est née à bord dun train en destination de Vienne, la nuit du 26 janvier 1905. Alors quelle na que deux ans, sa mère décède et son père la confie alors à un oncle, qui léduquera de manière très stricte et isolée de tout autre enfant de son âge.
Contrairement à ce que laisse pourtant entendre le film, Maria na pas toujours été une fervente catholique, et fut même très cynique dans son enfance vis-à-vis de toutes sortes de religions, étant à la fois socialiste et athée. Pourtant un jour, alors quelle entre dans une église où elle pense assister à un concert de Bach, elle entend le sermon de lillustre père Kronseder et est absorbée par ses paroles. Ayant été enseignée dans lidée que les récits bibliques nétaient quinventions et légendes improbables, Maria nen revient pas dune telle force de persuasion, et ce qui savéra être une révélation modifia dès lors profondément le courant de sa vie. Elle rejoint alors un couvent, mais un médecin décèle rapidement des ennuis de santé dus à un manque dair frais et dexercice. Cest ainsi que fut prise la décision denvoyer Maria dans la demeure dun capitaine de marine à la retraite, nommé Georg von Trapp. Mais là encore le film travestit la réalité puisque Maria ne fut pas nommée gouvernante des enfants du baron mais soccupait spécifiquement de la fille aînée, clouée au lit en raison dune fièvre aigue et de graves rhumatismes. La suite du récit du film demeure par contre véridique en tous points : Maria tomba amoureuse du capitaine, renonçant de fait à sa vie monastique, et le mariage fut célébré le 26 novembre 1927. Le film, qui peut être divisé en deux parties assez distinctes, narre précisément ces événements dans la première grande moitié du récit, du départ de Maria du couvent à son arrivée dans la demeure du capitaine von Trapp, ayant la charge de sept enfants, le tout ponctué de diverses vicissitudes
Il convient de préciser quil sagit dun film de commande, Robert Wise ayant été engagé pour transposer le scénario de la pièce de théâtre à lécran. Le scénario du film, justement, est signé Ernest Lehman, lequel sest basé sur le livre de Howard Lindsay et Russel Crouse qui avait servi de support pour ladaptation à Broadway, lui-même déjà adapté de lautobiographie de la baronne Maria von Trapp, publiée en 1949 sous le titre the Story of the Trapp Family Singers. Lon comprend ainsi mieux les quelques points de divergence entre lhistoire originale et le récit que les spectateurs de la Mélodie du Bonheur connaissent, toutefois la filiation nest pas reniée puisque Maria von Trapp en personne fut impliquée dans la transposition hollywoodienne.
Un mot tout de même sur la toute première version cinématographique de la vie de la famille von Trapp. En 1956, peu après la parution de son autobiographie, Maria fut approchée par un producteur allemand nommé Wolfgang Reinhardt, qui lui fit une offre de 10.000 dollars afin de récupérer les droits de louvrage. Après sêtre entretenue à ce sujet avec son avocat, Maria réclama à son producteur un pourcentage des royalties sur les futures recettes du film, lequel rétorqua que la procédure était illégale, une société de production allemande ne pouvant en verser à une étrangère (entre-temps, Maria était en effet devenue citoyenne américaine). Elle accepta donc de concéder lintégralité des droits du livre
avant de découvrir le mensonge du producteur. Ce dernier finit par lui proposer un arrangement de 9.000 $ supplémentaires, une somme que Maria navait jamais gagné de toute sa carrière musicale. A sa sortie, Die Trapp Familie fut un immense succès en Allemagne, donnant même le jour à une suite intitulée Die Trapp Familie in Amerika, laquelle réitéra lexploit en attirant toujours plus de spectateurs. Sur le territoire allemand, les deux opus devinrent même les plus grands succès cinématographiques depuis la fin de la seconde guerre, et leur renommée sétendit partout en Europe et en Amérique du Sud. Mais ce ne fut rien en comparaison de la version de Robert Wise, qui va à présent faire lobjet de toute notre attention.
UNE QUÊTE DE LIBERTÉ
Louverture du film, qui précède directement le générique, est composée dune succession de longs plans présentant de grandes étendues de paysages autrichiens, avant de sapprocher vers le sommet dune montagne, laissant découvrir une plaine verdoyante dans laquelle Maria commence à chanter un premier air enjoué
Ces vues aériennes ont été tournées fin juin 1964 par le réalisateur de deuxième équipe Maurice Zuberano, par hélicoptère et avec un champ de prises de vue dégagé, sur une montagne trouvée « de lautre côté de la frontière avec la Bavière » ainsi que le précise Robert Wise. Assez nettement, la démesure le dispute ici à lintime : le contraste est frappant entre limmensité de ces paysages et la chaleureuse chanson entonnée par le personnage de Maria, qui nous fait part de ses sentiments les plus privés, et livre même un secret, puisque le récit montrera par la suite que Maria aime sévader discrètement du couvent pour gagner cette plaine. Pourtant, loin dêtre une opposition, ces deux notions antagonistes se rejoignent en une forte symbolique de soif de liberté. Les grands espaces offrent en effet à Maria lindépendance à laquelle elle aspire, et de fait le contraste complète les deux aspects de la séquence, voire les fusionne, davantage quil ne les oppose.
Comme nous aurons loccasion de le voir à plusieurs reprises, tout le film joue clairement sur cette dualité assumée, avec un contraste dabord dordre concret, entre les étroits murs du couvent et les larges pièces de la demeure du capitaine von Trapp. Présenté ainsi, le monastère, lieu clos et reclus par définition, pourrait sapparenter à une prison, doù lon ne peut séchapper. Il serait pourtant inexact den rester à ce constat, puisque dune part les religieuses font pleinement le choix de vivre dans un couvent, nétant ainsi nullement enfermées et restant de leur plein gré, et que dautre part il y règne une grande liberté de penser et dagir : Maria est un électron libre. Son attitude est certes désapprouvée par la communauté monastique mais certaines religieuses reconnaissent quelle apporte une bouffée dair frais par son excentricité et sa jovialité, et la future nurse reste, de façon pragmatique, libre de partir et de revenir quand elle le souhaite
jusquà la toute fin du film, où le couvent sera un refuge dune redoutable efficacité face aux officiers nazis, prouvant ainsi le champ daction infini du monastère, à la fois conservateur et progressiste, et même ouvert sur lextérieur le cas échéant.
A linverse, la demeure du capitaine serait donc le havre de liberté tant souhaité par une Maria trop peu encline à obéir aux règles du couvent
Las, puisque les règles nen sont pas moins strictes, et la discipline extrêmement redoutable. Pourtant, là aussi, Maria finira par saffranchir du règlement pour trouver une forme de liberté que les enfants sauront saisir, à linstar du capitaine en tout dernier lieu, rectifiant ainsi une éducation trop rigide et inflexible. La question des apparences jalonne de fait tout le long métrage, puisque les lieux stricts et austères ne sont pas ce quils semblent être et finissent par révéler une toute autre nature qui laisse la soif de liberté des protagonistes sexprimer en toute quiétude. Par là, Robert Wise nous invite à réviser nos a priori et à regarder les choses sous un nouvel éclairage, et sous un angle inédit. Ce message assurément optimiste, si ce nest humaniste, participe de laspect dynamisant du long métrage, qui amène à reconsidérer notre rapport au monde.
UNE RELIGIEUSE PEU ORTHODOXE
Le personnage de Maria, interprété par Julie Andrews, est atypique, tout à la fois passionné et excentrique, débonnaire et fougueux. La nervosité de Maria est dailleurs lun des principaux parti pris du long métrage : la chanson I have Confidence in me, qui opère une transition entre son départ du couvent et larrivée à la demeure du capitaine est, selon Ernest Lehman, lauteur du scénario, « une occasion de traverser la ville avec une chanson qui représente un plus et qui montre la nervosité de Maria à propos de son travail ». Lorsque Julie Andrews-Maria arrive en toute fin de chanson dans la cour et trébuche, leffet produit reste aussi déroutant quinvolontaire, mais linstant fut conservé par le réalisateur qui jugeait que cela participait aussi de la nervosité du personnage.
Maria déborde de gentillesse et de candeur. Elle assume peu ses responsabilités, du moins dans la première grande moitié du film, préférant nettement chanter et jouer avec les enfants avec qui elle devient rapidement complice sans avoir besoin de forcer sa nature. Pour autant, si la Mère Supérieure du couvent la réprimande comme une enfant au sujet de son attitude peu compatible avec la vie monastique, Maria reste totalement consciente de sa condition dadulte qui loblige à souscrire à un certain nombre de règles contraignantes. Le côté à la fois enfantin et adulte de ce personnage fait surgir une nouvelle dualité au sein du film, prétexte dune part à des instants ludiques et divertissants avec les enfants du capitaine, mais nourrissant dautre part considérablement les enjeux du film. En effet Maria sera à terme confrontée à un choix cornélien : séduite par la vie religieuse et par le capitaine pour qui une passion se fait jour (lui-même fait face à un dilemme puisquil est sur le point de se marier), la nurse sera tiraillée par deux choix de vie inconciliables, lobligeant à agir comme une adulte posée et responsable. Reste que dans la première moitié du long métrage, Maria reste une enfant et préfère principalement jouer et folâtrer avec ceux du capitaine, nhésitant pas à découper les rideaux usagés des chambres pour confectionner des habits de fortune, à jongler avec des oranges un jour de marché ou à sauter à leau depuis une barque chargée plus que de raison.
Revenons dailleurs un instant sur cette séquence de la barque renversée, qui se révèle très intéressante et même déterminante, puisquelle offre une nouvelle dimension au scénario : Maria tient tête au capitaine, avec son insolence caractéristique, puis celui-ci se retourne et entend ses enfants chanter, pour la première fois depuis très longtemps. Lémotion du père puis celle des enfants découvrant leur père sous un nouvel angle demeure un moment poignant, rendu finalement possible par lirrespectueuse attitude de Maria. On découvre ainsi que, sous couvert dune audace que lon jugerait déplacée au premier abord, lattitude de la nurse bouleverse en profondeur les murs de la maison, libérant le père dun comportement rigide quun deuil non accepté explique en partie, et gommant limmense frustration des enfants privés de laffection dun père devenu trop lointain. Maria, en psychologue avisée, joue donc un rôle de médiatrice, et ses méthodes singulières donnent des résultats inespérés. Dans Mary Poppins, Julie Andrews tenait finalement un rôle assez similaire, puisquelle y réconciliait deux enfants avec leur père, trop occupé par sa profession et très strict dans sa manière de concevoir léducation. Dans les deux cas, sa bonhomie et sa jovialité fonctionnent comme des révélateurs pour les familles où elle officie, et le fort caractère du personnage le propulse invariablement au premier plan du récit qui en est littéralement électrisé. La Mélodie du Bonheur, qui bénéficie dune mise en scène très classique, alternant plans larges, panoramiques et champs/contrechamps, joue principalement là-dessus : le personnage de Maria insuffle un tempo particulier, par sa fougue, sa maladresse et son impétuosité, et le rythme même du film sen ressent inévitablement. Maria est constamment en action, animée et déterminée, et le film ne saurait ainsi souffrir de temps mort ou de rupture de ton.
Il est par ailleurs intéressant de noter que le film a été exploité en Espagne sous le titre de la Novicia Rebelde, soit littéralement la Religieuse Rebelle. Si ce nom ne retranscrit pas le charme du long métrage et donnerait presque même le sentiment dune uvre anticléricale, lon sent toutefois bien le côté libre et affranchi du personnage, qui agit selon ce que lui dicte son cur, et parvient à résoudre les problèmes dune famille encore profondément blessée par la perte dune mère. Maria apparaît comme une bonne samaritaine, ce qui confirme sa bonté chrétienne.
JOUER POUR PALLIER LABSENCE
Les sept enfants du capitaine von Trapp, en apparence angéliques, se comportent comme de bons petits diables avec les gouvernantes que leur père leur inflige. Cette attitude ne saurait sapparenter à de la méchanceté gratuite et inconsidérée de leur part, car ils ont bénéficié dune éducation les ayant obligé à se responsabiliser très tôt, mais au contraire se présente comme un vrai acte de rébellion, à la fois contre toute autorité émanant dun adulte, et en réaction directe à labsence damour paternel depuis de nombreuses années avec la perte dune mère bien aimée (lindifférence du baron à leur égard est perceptible pendant le premier tiers du film). Car sils se plient aux ordres exécutés par leur père, à coups de sifflet et de postures proprement militaires, aucun naccepte réellement cette situation et naspire quà une vie normale, comme tous les autres enfants de leur âge. De laînée à la plus jeune, la frustration dun père trop lointain est palpable, et bêtises, farces et tours de malice infligés aux nurses qui leur sont imposées restent pour eux le seul moyen de sortir de ce climat oppressif, mieux, de tenter de se faire entendre.
Lintendante Frau Schmidt explicite cette triste situation dès le premier soir de larrivée de Maria : « Depuis que le capitaine a perdu sa pauvre femme, il mène cette maison comme sil était de nouveau sur lun de ses bateaux : sifflets, ordres, il ny a plus de musique et plus de rires, plus rien qui puisse la lui rappeler. Et même les enfants
». Plus loin dans le film, alors que la baronne vient darriver dans la demeure du baron, un dialogue entre les supposés futurs époux se montre particulièrement révélateur : « Comment arrivez-vous à quitter [cette nature] si souvent ? » demande la baronne. Le capitaine répond : « En faisant semblant de mener une vie active. Lactivité suggère à lhomme davoir un but dans la vie ». Son interlocutrice fait alors preuve dune intuition remarquable : « Et ce but, ne serait-ce pas de fuir des souvenirs ? », ce à quoi le baron hoche de la tête en signe dacquiescement.
Dans lHomme sauvage et lenfant, essai sur lidentité masculine, Robert Bly affirme que « ne pas voir son père quand on est petit, ne jamais se trouver auprès de lui, avoir un père lointain ou un père absent, tout cela équivaut à être blessé ; de même quavoir un père trop critique ou trop rigoureux fait de vous un fils de Cronos, qui nhésita pas à dévorer ses enfants : force est de constater que les pères portent souvent des coups, quils le veuillent ou non ». Le baron von Trapp, si proche et si lointain aux yeux des siens, si intime et si étranger, reste ainsi clairement un père absent, bien quil ne semble pas en avoir totalement conscience. Son absence forcée suite au télégramme reçu ne modifie dailleurs en rien les habitudes de la maison : cela ne saurait constituer un soulagement pour les enfants étant donné laffection toute naturelle quils portent à leur géniteur, mais surtout la demeure familiale toute entière porte en son sein, sinon les stigmates dune épreuve non surmontée (la perte dune mère), du moins les marques tenaces dun homme dont linfluence est omnipotente
Cette présence de tous les instants ne lempêche donc pourtant pas dêtre foncièrement absent de la vie du foyer, vie qui en conséquence devient elle-même inexistante. Fort heureusement, la méthode de Maria tendant à expliciter les sentiments et à extérioriser les émotions saura ouvrir les yeux du baron et ramener un semblant de vie dans ce foyer déchiré.
Maria comme les gouvernantes précédentes est évidemment accueillie avec suspicion voire même un franc rejet, et fera lobjet de plaisanteries sapparentant à du bizutage
avant dêtre finalement acceptée, devant sa gentillesse désarmante, elle qui permettra surtout de renouer le dialogue au sein dune famille meurtrie. Il y a donc sept enfants : Liesl laînée des filles, une adolescente un peu fleur bleue qui simpose avant tout comme la seconde mère de ses frères et surs, désignée par instinct depuis la perte de leur génitrice ; Friedrich laîné des garçons, qui est le second homme de la maison après le capitaine mais semble peiner à assumer cette fonction tant il souhaite profiter de son adolescence ; Louisa et Kurt les cadets, qui sont les plus frondeurs et possèdent un caractère bien trempé, souhaitent se distinguer et sortir de lombre de leurs aînés ; Brigitta et Marta les benjamines, qui se montrent les plus effacées, la première se plongeant dans un ouvrage à la moindre occasion et la seconde se révélant lunatique ; et enfin Gretl la petite dernière, qui sait à peine sexprimer mais affiche déjà clairement lorgueil dappartenir à une famille aristocratique, à la réputation bien établie.
Les sept enfants von Trapp forment le ciment de la famille, et le baron à leur tête affiche clairement le statut de chef de famille. Ses descendants sont viscéralement soudés les uns aux autres et aucune chamaillerie ne saurait compromettre leurs relations : si lun dentre eux a un ennui tout le monde se montre solidaire, et les mensonges rapportés au baron (séquence de la cueillette des baies) se font dune seule voix. Ceci sexplique notamment, une fois encore, par le deuil dun des parents proches, qui a pour conséquence de rapprocher encore plus fortement les membres dune même famille, unis dans la douleur et face à ladversité. Il sagit là dun réflexe acquis très souvent constaté, tendant à prouver que la séparation suscite la réunion, et de manière plus générale les rapprochements spontanés. Au niveau psychanalytique, on peut interpréter cela comme un besoin de renouer avec ce qui nous est cher dans une période de douleur ayant pour effet daffaiblir et de rendre perméable à des souffrances de toutes sortes (remise en question personnelle, agressions extérieures, etc.). Lon est alors en manque -et donc en attente- de repères, de marques, et de fait se tourner vers la cellule familiale apparaît rassurant et revêt un caractère cathartique. Et cela est bien souvent associé à la notion de foi
UNE DIMENSION RELIGIEUSE FORTE
Si lon a vu que la véritable Maria na pas toujours été une fidèle dévote, le long métrage de Robert Wise multiplie les références chrétiennes, et tout le récit est empreint de religiosité. Les premières séquences se situent quasi-intégralement dans les enceintes du couvent, entre la chapelle, où se tient loffice du jour suivi par de nombreuses religieuses recueillies dans la prière, la cour où circulent toujours en silence dautres surs du monastère, et le bureau de la Mère Supérieure, à qui Maria pourra se confier en toute quiétude. Les puissants orgues retentissent partout entre les murs du couvent, achevant de rendre ce lieu de recueillement tout à la fois paisible et solennel. Même Maria hors du monastère, les références chrétiennes continueront dabonder tout au long du récit ; pour preuve ce bénédicité au début des repas chez le baron, la prière avant de se coucher le soir ou le mariage religieux célébré dans une splendide cathédrale.
Un mot au sujet de la Mère Supérieure, interprétée par Peggy Wood, qui avait participé à des comédies musicales dans les années 20 et 30 avant de devenir actrice. « A notre rencontre, confia Robert Wise, je suis tombé amoureux delle. Elle était parfaite pour le rôle. Cétait lun des meilleurs choix de casting pour le film ». Lâge vénérable de la comédienne participe de la sagesse indispensable du personnage, qui sait écouter et conseiller Maria alors que celle-ci est en proie au doute, tout en faisant preuve dune certaine fermeté et dun discernement exceptionnel. Bien quelle apparaisse au final peu dans le film, son rôle est charnière dans la mesure où le départ de Maria est son idée propre, quelle saura ensuite lengager à suivre son cur dans certaines circonstances, quitte à renoncer à la vie monastique (la faisant prendre conscience de la nature de ses sentiments pour le capitaine), et quenfin elle protégera la famille von Trapp, en les cachant à lintérieur du couvent, leur épargnant ainsi un funeste sort promis par les troupes nazies. Sage et bienveillante, la Mère Supérieure dépeinte dans la Mélodie du Bonheur apparaît plus largement comme la mère symbolique et presque biologique de Maria, laquelle, en plus davoir été orpheline dès sa plus tendre enfance, (ré)agit comme une enfant naïve à qui lon continuerait denseigner certaines choses de la vie, ainsi que nous lavons étudié plus haut.
La Mère Supérieure interprète lune des plus belles chansons du film, Climb Every Mountain qui était chantée de manière extrêmement forte au théâtre et devenait même gênante. Robert Wise expliqua quil voulait « que ce soit abordé de façon plus délicate dans le film (
). Jai donc voulu faire une mise en scène et un éclairage pour que Peggy Wood ne chante jamais directement devant la caméra, sous les projecteurs. Cest une belle chanson, mais il faut la chanter avec finesse. Jai dit à Ted [chef opérateur] : Je ne veux pas trop en voir. Je veux une silhouette, un angle de côté, une plongée, peu importe. Dans le film elle est donc très peu éclairée et on la voit de profil ». Cet éclairage expressionniste renforce effectivement limpact émotionnel de la séquence, présentant une actrice de profil dans la pénombre, chantant des paroles très fortes, qui détermineront directement la suite du récit, avec le mariage de Maria et du baron.
Dans lautobiographie rédigée par la véritable Maria, les souvenirs livrés sont nombreux, depuis son arrivée dans la famille von Trapp jusquà la mort du capitaine, et lhistoire restait déjà profondément empreinte de catholicisme. Tout un chapitre est consacré aux traditions liturgiques tyroliennes, les phrases de la Bible ponctuent à tout moment le récit de Maria et sa foi en la Providence demeure omniprésente (malgré les situations souvent désespérées ou inextricables). Leçon de courage et de confiance -renvoyant à la chanson I have Confidence du film- cette famille aristocratique nombreuse se retrouvera complètement ruinée du jour au lendemain, et contrainte à lexil en pleine guerre. Pourtant lentrain, la joie de vivre et limagination de Maria auront le dessus, et le talent de chacun permettra à la famille von Trapp de subsister au travers des concerts, de lartisanat ou des camps de musique (car si lhistoire du long métrage sarrête au départ de lAutriche, la famille vivra évidemment encore bien dautres épreuves).
DE NOMBREUX PASSAGES MUSICAUX
Ce nest pas pour rien que la Mélodie du Bonheur sinscrit dans le registre des comédies musicales. Les chansons ou séquences musicales sont légion dans le film, et chaque air marque tantôt une pause dans le récit, tantôt une nécessité de faire passer un maximum dinformations sur les personnages en un minimum de temps, tout en ajoutant une dimension ludique indéniable. The Sound of Music (qui ouvre le film) ou I have Confidence montrent par exemple clairement les états dâme de Maria, et explicitent ses aspirations. Ces chansons offrent un gain de temps précieux, facilitant la compréhension des sentiments qui animent lhéroïne, et cette astuce scénaristique permet de ne pas avoir à réaliser une scène purement dialoguée, qui tendrait à rompre le rythme et à se rapprocher dun cinéma live souvent bavard. A linverse, des morceaux comme Do-Ré-Mi ou The Lonely Goatherd, rythmant le récit tout en offrant une pause récréative bienvenue, se montrent purement fantaisistes et ne présentent pas une fonction cruciale dun point de vue narratif. Elles ne sont pour autant pas dénuées dintérêt, puisquelles enrichissent notre vision des rapports entre Maria et les enfants du capitaine.
Enfin, Sixteen Going on Seventeen et Something Good sinscrivent nettement dans le registre des chansons damour, étape obligée de ce type de production hollywoodienne. Lhymne amoureux, qui est souvent celui qui marque le plus lesprit des spectateurs, apporte la touche romantique du film et achève la lente progression des sentiments naissant entre les personnages.
Un mot sur le spectacle de marionnettes, prétexte à la chanson The Lonely Goatherd. Mise en place par Cora et Bill Baird, marionnettistes américains ayant préparé la scène en amont pendant des semaines, cette saynète reste la partie la plus autrichienne du film, des chèvres et des montagnards constituant une mini pièce de théâtre au sein du film. Les règles théâtrales y sont en effet respectées, quil sagisse des différents actes ou des changements de décors entre deux scènes. Un clin dil à la Mélodie du Bonheur, qui vient elle-même des planches de Broadway ? Cela semble évident. En poussant plus loin la réflexion, on peut surtout y voir une métaphore de la société dans laquelle les personnages évoluent, et nous-même par la même occasion. En loccurrence une vaste tragi-comédie dans laquelle les rapports entre êtres humains sont biaisés, avec des amours multiples qui se compliquent invariablement et sentremêlent tels des fils de marionnettes : le capitaine nest-il pas en effet déchiré entre la baronne à qui il sest promis, et Maria pour qui un amour se fait jour ? Mais lair singulièrement entraînant et enjoué de The Lonely Goatherd apporte au final la note optimiste salutaire
Rien nest vraiment simple, mais rien nest vraiment compliqué non plus.
Lon notera la grande implication de Saul Chaplin sur ce film, déjà en charge de la musique sur West Side Story : preuve de son statut déterminant sur la Mélodie du Bonheur, il contribua également à lécriture du scénario et soccupa de la distribution des rôles et de la confection des costumes. A ses côtés uvra le chef dorchestre Irwin Kostal, qui avait déjà travaillé sur Mary Poppins
avec la même Julie Andrews. La bande originale de la Mélodie du Bonheur, réussie en tous points et grandement responsable du succès phénoménal du film lors de sa sortie en salles, demeure lun des ingrédients majeurs de lambiance euphorique de luvre. Les mélodies sont en effet légères, enjouées et se retiennent aisément.
POUR LE MEILLEUR
Ce nest pas une coïncidence, le mariage de Maria et du capitaine vient clore la première grande moitié du film. Il sagit dune cérémonie grandiose comme nul couple se jurant fidélité noserait en rêver : faste impressionnant et musique magistrale ponctuent chaque pas de Maria, qui se dirige lentement vers lautel de la cathédrale. A la faveur dune mise en scène privilégiant de fortes contre-plongées, cette séquence marque durablement lesprit du spectateur en ponctuant véritablement latmosphère enlevée et joyeuse de la première partie du film. Tant et si bien que le long métrage aurait pu rester en létat, constituant une comédie musicale déjà réussie. Mais sans la seconde moitié qui suit directement, une partie déterminante du récit et des enjeux nous auraient échappé. Pour bien marquer la séparation, une transition depuis la cloche de la cathédrale, idée dErnest Lehman, apporte donc un net tournant dans lhistoire, que la musique souligne également, avec des accents soudain plus graves et même nettement tragiques.
La première grande moitié du film nest pas dénuée de moments émouvants et contient en germe quelques-uns des enjeux forts de la seconde moitié, à commencer par le triangle relationnel sur lequel nous nous attarderons en détail dans le chapitre suivant. Mais limpression qui domine ces deux premières heures reste euphorique, joyeuse et résolument positive, le personnage de Maria occupant lespace dans toutes les séquences ou presque. Les chansons sont légères et enjouées, les situations divertissantes et le mariage clôt en apothéose un avenir qui sannonce radieux. Toutefois il en sera autrement, ainsi que nous allons le voir
Un tragique destin
Si le parti pris de ce mémoire est de distinguer assez clairement létude des deux parties du film -joie de vivre puis tragédie-, le contraste n'est pas aussi distinct dans luvre.
Aussi opérerons-nous différents renvois à la première moitié du film dans ce chapitre, les enjeux tragiques y étant déjà en germe. Ceci permettra notamment de mesurer lévolution de la psychologie des personnages.
REFUS DE MIÈVRERIE
Parmi les spectateurs nayant pas encore vu le film, une majorité lui reproche ce qui sapparente à un déluge de bons sentiments. Pourtant, lorsque lon creuse un peu et quon ne sarrête pas à cette première impression on constate que ce long métrage, tout positif quil soit dans lesprit, reste également un drame, ainsi que nous létudierons dans notre deuxième partie. Il peut être légitime de rejeter cette comédie musicale si lon ne supporte pas les chorales enfantines, mais la supposée mièvrerie de la Mélodie du Bonheur ne saurait constituer un argument solide de rejet. Dès le départ, Robert Wise, souhaitant à tout prix éviter le caractère enchanteur et conte de fées propre aux récits à leau de rose, eut notamment la volonté de ne pas choisir dhabitations comportant des tourelles : « Il ne fallait pas que le film devienne trop sirupeux, trop mièvre ». Aussi la demeure du capitaine utilisée pour les extérieurs fut celle de Fromberg, jouxtant le musée Mozart en plein Salzbourg. Cette bâtisse a séduit le réalisateur par ses « lignes simples, fortes, classiques. Cétait un style, une atmosphère qui convenaient au film ». La plupart des scènes furent dailleurs tournées à Salzbourg même (ville où la véritable Maria von Trapp fut élevée). Ainsi, peu de scènes furent réalisées en studio mais autant que possible en Autriche, et ce gage dauthenticité confirme un parti pris réaliste pour lensemble du film. Si avec le personnage de Maria est développée toute une symbolique du rêve (lunivers ouaté des chansons quelle apprend aux enfants), la brutalité des événements qui secouent la seconde moitié du film ancre cette Mélodie du Bonheur dans un registre foncièrement réaliste, où la poésie des chansons et lexcitation des sorties champêtres ne constituent quun bref échappatoire.
En marge de ce parti pris, le monteur William Reynolds, qui avait déjà collaboré avec Robert Wise sur le Jour où la Terre sarrêta, a apporté au dernier stade de la production une touche de romantisme quil jugeait « nécessaire à lambiance générale. Pas un traitement purement réaliste mais plutôt une ambiance romantique qui correspondrait au film sous tous ses aspects ». La Mélodie du Bonheur reste ainsi une vraie comédie musicale, divertissante, enlevée et enjouée, mais nen demeure pas pour autant fleur bleue ou remplie à lexcès de bons sentiments.
LIBERTÉS PRISES
Nous évoquions linextinguible quête de liberté des protagonistes, aussi profitons-en pour voir lesquelles ont été prises vis-à-vis du texte original, et de la pièce de théâtre, elle-même déjà librement adaptée. Tout dabord, concernant le livre de la véritable Maria von Trapp, quelques points diffèrent ; Maria et le capitaine sy déclarent leur amour avant le départ de Maria, et celle-ci ne retourne au couvent que pour obtenir autorisation de lépouser. Au contraire dans le film, Maria quitte ses fonctions pour fuir lhomme qui ne la laisse pas indifférente, sans que celui-ci ne le sache, et regagne le monastère avant tout en vue de terminer sa formation de religieuse. Par ailleurs, dans le texte original, le baron fait dabord faillite et la famille se trouve contrainte de chanter pour des raisons financières. Mais pour ladaptation cinématographique, Rodgers et Hammerstein II ont préféré condenser et dramatiser le temps, renforçant limpact du récit.
En ce qui concerne la pièce de théâtre, les changements sont surtout dordre mélodique. Ainsi Do-Ré-Mi était-elle chantée dès larrivée de Maria avec les enfants. Mais le changement de Lehman pour lécran « a ouvert des perspectives cinématographiques. Ça leur donnait loccasion de sortir, de voir Salzbourg et ses environs ». Dans un même souci defficacité, deux chansons présentes dans la pièce dorigine, entre Max et Elsa, ont été supprimées : ont ainsi été coupées How Can Love Survive, qui devait intervenir lors dune discussion entre le capitaine et la baronne, tout juste arrivés à la villa ; et No Way to Stop it, venant sintercaler peu après le départ de Maria. Cest Robert Wise lui-même qui insista auprès de Rodgers pour éliminer ces deux séquences chantées, considérant quelles ne faisaient pas avancer lintrigue.
Dernière liberté prise par rapport à la pièce de théâtre présente à Broadway, le personnage de Rolf. Cet officier préposé aux télégrammes qui courtise un temps Liesl (laînée des filles), rejoignait à la fin du récit ses compatriotes sans trahir la famille von Trapp, cachée dans la cour du couvent, les laissant de fait partir. Le film montre un homme moins sympathique qui, dabord hésitant face à lautorité intimidante du capitaine et par respect pour son ancien flirt avec Liesl, finit par donner un coup de sifflet afin de prévenir les troupes nazies
Ceci offre encore une dimension dramatique supplémentaire, habilement entretenue par un redoutable suspense.
TRIANGLE RELATIONNEL
Tout juste après le spectacle de marionnettes, quaccompagne lair The Lonely Goatherd, le « triangle relationnel », qui constitue une part importante du récit, commence à se développer avec davantage dintérêt. Le capitaine von Trapp est donc sur le point dépouser la baronne, laquelle semble peu à laise dans lAutriche provinciale de cet officier à la retraite, peine à établir un contact ou même une quelconque complicité avec les enfants, et dont la superficialité ennuie visiblement le futur époux. Pire, elle se révèlera influente et terriblement manipulatrice (avec laide de Max qui souhaite que largent reste dans la famille), allant jusquà évoquer lidée de mettre les enfants dans un pensionnat une fois les noces célébrées. Max la surnomme même « baronne Machiavel »
De son côté, Maria remplit bon gré mal gré son rôle de gouvernante et finit par gagner lestime du capitaine, distinction nullement acquise au départ. En ouvrant les yeux dun père de famille sur le chagrin encore vivace de ses enfants et labsence complète de dialogue avec eux, Maria fait montre dun talent de médiation à toute épreuve, laidant à vivre avec le passé, en allant résolument de lavant pour vivre chaque instant pleinement. La chanson Edelweiss, que le capitaine entonne après le spectacle de marionnettes, et qui nétait à lorigine prévue que pour être chantée à la fin du festival, montre ainsi une famille unie et réunie autour dun père aimant. Cet air a des résonances nostalgiques et des accents mélancoliques, mais la grande force dévocation des paroles et la simplicité de la mélodie confèrent un aspect positif à cette séquence, déterminante dans le triangle relationnel qui nous intéresse ici. A cet instant précis, il convient en effet danalyser un subtil jeu de regards : la baronne, qui prend conscience du penchant de Maria pour le capitaine, cherche le regard de celui-ci, lequel est précisément tourné vers Maria. A ce stade de lhistoire, la relation du capitaine avec la gouvernante semble sans ambiguïté, mais une certaine connivence, discrète, insidieuse, sest en réalité déjà nouée.
La première version du scénario prévoyait à cet instant, juste après le spectacle donc, une séquence où le capitaine sortait sur la terrasse en pensant à Maria, et réciproquement avec une Maria dans sa chambre, songeuse à sa fenêtre. Cette scène aurait évidemment confirmé des signes certains dune attirance mutuelle, mais on jugea quelle serait précoce à ce stade du développement, aussi fut-elle supprimée.
Nous avons donc, en lieu et place, une grande cérémonie organisée dans la demeure du capitaine, laquelle est principalement prétexte à un ländler (valse composé de pas de plusieurs danses autrichiennes) entre Maria et le baron. Latmosphère romantique et éthérée de cette séquence suspend quelques instants le temps du récit, et le spectateur nest plus dupe des sentiments qui sont en train dapparaître. La fin de la valse le confirme sans détour, puisque les deux partenaires se retrouvent très proches lun de lautre, dans ce que Umberto Eco a défini comme la sphère privée de lêtre humain, avec un long regard, troublant, échangé. La baronne interrompt cet instant magique, agacée de la tournure que prennent les événements, et sarrange pour se retrouver seule avec Maria. En fine stratège, la baronne ne fait nullement part de sa jalousie, dautant quelle a conscience de lingénuité de la gouvernante (celle-ci est aussi troublée quune jeune fille qui éprouverait ses premiers émois). La baronne parvient à faire culpabiliser Maria en lui montrant que, par sa faute, le capitaine nest plus dans le droit chemin et quun couple est par conséquent sur le point de se briser. La nurse ne saurait accepter cela, et en chrétienne fidèle au principe de ne pas briser lamour entre deux êtres, elle décide de prendre la fuite.
Cette séquence, qui se déroule dans la chambre de Maria, est particulièrement intéressante. Cest en effet la première fois que la gouvernante doit faire face à la réalité (du moins une réalité, signifiée par la baronne) et elle nenvisage guère dautre solution que de prendre congé de ses fonctions dans la plus grande discrétion, ceci à un moment peu opportun puisque le grand bal donné dans la demeure se poursuit en parallèle. La baronne savoure son stratagème et achève dêtre hypocrite en feignant regretter ce départ précipité avant daller trinquer avec son ami Max, confirmant par là un machiavélisme à toute épreuve.
Cette soudaine connexion avec la réalité, abrupte et manifeste, apparaît évidemment néfaste pour la construction même du personnage de Maria. En plus déloigner deux êtres visiblement destinés lun à lautre, la baronne tue dans luf toute possibilité pour la nurse de revivre cet instant délicieux, et de se remémorer une valse éminemment symbolique entre elle et le capitaine. Jusquà présent Maria apparaissait fragile, naïve et pure comme un enfant, et cette révélation, qui loblige à prendre une décision lâche et courageuse à la fois, la heurte de plein fouet. Il y a là un véritable contraste entre cette nouvelle position adulte, en prise directe et brutale avec le réel, et lunivers enfantin, ouaté et presque imaginaire, des jeux et des chansons quelle partage avec les enfants.
Dans le domaine psychanalytique, ces notions de réalité et de rêve sont essentielles, et il semble pertinent de sy attarder dans le cadre de ce qui nous intéresse ici. Il ne sagit bien sûr pas du rêve envisagé comme activité naturelle se déroulant pendant le sommeil paradoxal : on parlera davantage de « rêve éveillé » dans le cadre du personnage de Maria. Contrairement au rêve pur, qui échappe à la volonté et à la responsabilité du rêveur, aux images sensorielles relativement peu colorées, définies ou précises, le rêve éveillé proprement dit offre par définition la possibilité de vivre un scénario intérieur dans un espace imaginaire. Elisabeth Mercier, dans son ouvrage le Rêve-Eveillé-Dirigé revisité, affirme que « tout rêve éveillé est une métaphore de lexistence, et de ce fait implique lintégration du passé, du présent et du devenir dans une représentation actuelle, qui nest pas étrangère à la direction que le sujet donne -intentionnellement ou non- à la trajectoire de sa vie ». Par conséquent la chanson My Favorite Things illustre bien ce qui est clairement la philosophie de vie de Maria, qui se nourrit de ses expériences passées (saveurs denfance), présentes (plaisirs quotidiens) et futures, quelle condense très consciemment en un tout qui lui sert de moteur pour avancer dans lexistence. Lorsque la tristesse point ou que les choses tournent mal, Maria prend sur elle et se remémore ses fameuses « joies quotidiennes ». Les enfants du capitaine adopteront rapidement cette leçon de vie ayant pour principe de relativiser la gravité des événements, sinon de les accepter avec davantage de recul et de maturité, ce qui ne sera évidemment pas le moindre des mérites de la gouvernante.
De son côté Robert Desoille, dans le Rêve éveillé dirigé en psychothérapie, définit le rêve éveillé comme « le reflet de ce réservoir inépuisable où le sujet a accumulé, depuis sa naissance, ses angoisses, ses craintes, ses désirs, ses expériences, lesquels demeurent, en tout état de cause et face au monde extérieur, les facteurs déterminants de son comportement ». Cette autre définition confirme ce qui vient dêtre énoncé, à savoir que les doutes, les expériences mais aussi les diverses aspirations de Maria conditionnent directement son comportement. Son rapport avec les adultes est notamment compliqué par le fait quelle fuit toute situation gênante ou embarrassante : aussi dans le triangle relationnel capitaine-baronne-gouvernante Maria nest-elle pas sur un pied dégalité. Mais cest précisément sa fraîcheur et sa spontanéité qui auront su séduire le capitaine von Trapp
Avant la prise de conscience des protagonistes dune situation vouée à la transformation, Maria quitte donc la demeure du capitaine, alors même que celui-ci tente encore de croire à sa relation avec la baronne, construisant sur des rapports superficiels un semblant de complicité. Nous assistons dabord à une brève partie de ballon avec des enfants dorénavant peu entrain au divertissement, si ce nest à prendre pour cible la baronne quils soupçonnent à juste titre dêtre la cause du départ de leur gouvernante bien-aimée. Dépassée par les événements, la baronne visiblement peu à laise avec de jeunes adolescents met un terme à ce jeu forcé, et rejoint la terrasse où lattend son ami Max. Déterminée à remplacer au plus vite Maria dans le cur des enfants, elle engage alors les enfants à chanter un air joyeux, mais entre quelques fausses notes évidentes et la plus jeune des filles du capitaine qui fond en pleurs, lair tourne court. Entre alors en scène le baron qui, constatant immédiatement latmosphère pour le moins glaciale, tente maladroitement de feindre lindifférence avec une humeur joviale inaccoutumée. Il enjoint alors les enfants à embrasser leur future mère
Une révélation qui ne fait que refroidir encore davantage lambiance, et les marques daffection ne sont de fait guère appuyées. Dans cette séquence où la tartuferie règne, nul nest dupe et chacun accueille la nouvelle avec réserve.
On notera au passage la volonté farouche du baron de renouer le dialogue avec ses enfants, changement de comportement précisément initié par une Maria au statut de médiatrice, ainsi que lavons vu dans la première partie de ce travail. Avec la séquence de la cueillette des baies, le baron continue ainsi dopérer un net rapprochement, en se montrant plus complice quà lordinaire. Cette scène, qui montre une relation plus détendue entre un père et ses enfants que par le passé (les coups de sifflet pour exiger le rassemblement et faire lappel au début du film était une méthode pour le moins froide et autoritaire), instaure un début de confiance, feinte du moins puisque le baron cherche à connaître la vérité sur labsence inexpliquée de ses sept enfants
qui étaient partis au couvent pour parler à Maria et lui demander de revenir.
Sur ces entrefaites revient donc Maria, après un entretien avec la Mère Supérieure. Les enfants sont ravis et le capitaine agréablement surpris, mais lannonce de ses noces prochaines avec la baronne tend à prouver quil na pas encore envisagé une quelconque relation intime avec sa gouvernante. Le désappointement de Maria reste en tous cas perceptible et montre quelle a, de son côté, posément réfléchi à la situation et que son retour nest pas dordre purement professionnel. La soirée qui suit directement sera décisive : depuis son balcon, le baron observe avec un regard attendri Maria, et lirruption inopinée de la baronne lassombrit soudainement. Celle-ci, avec son attitude toujours empruntée, essaye dengager une conversation joyeuse et complice, mais le brusque regard du baron, suivi dun « Cest inutile », avorte une relation de toutes manières vouée à léchec, et dénoue enfin un nud relationnel compliqué, clarifiant la suite des événements. A linstar du capitaine, le spectateur se sent libéré dun poids, et la réaction de la baronne montre quelle nétait pas non plus dupe sur lissue de cette relation. Son retrait discret, alors quelle a depuis longtemps déjà compris que les sentiments entre Maria et le baron grandissaient, marque une étape importante du récit. La rupture entre le capitaine et la baronne se font avec tact et compréhension des deux côtés
Ce qui aurait donc pu déboucher sur un triangle amoureux où la frustration se serait mêlée aux rancurs de part et dautres est donc résolu, permettant déviter des tragédies personnelles.
LE NAZISME EN TOILE DE FOND
La deuxième moitié du film est surtout marquée par une toile de fond historique déterminante. Une ellipse temporelle suit directement le mariage de Maria avec le capitaine, période durant laquelle le couple part, comme il se doit, en voyage de noces. Mais les événements qui agitent lAutriche sont alors sombres, puisque le pays est tombé sous la coupelle du IIIème Reich
Avant dentrer plus avant dans le sujet, un mot sur le passé progressiste de Robert Wise. Nous définirons le progressisme comme la volonté de faire évoluer la société, soit par extension « tout ce qui amène au plus complet exercice de la démocratie ». Cest un fait quune majeure partie de la société occidentale refuse dadmettre la nécessité de lévolution à partir de considérations purement rationnelles : elle accepte les changements nécessaires seulement quand surviennent des « catastrophes ». Ceci sinscrit dans une très ancienne tradition, puisque selon les récits bibliques lhistoire même de notre civilisation commence avec un immense fléau. Dieu fait déverser des flots sur la Terre, à tout jamais perdue si le créateur ne laissait pas un espoir de salut à Noé, un homme plus sage et avisé que les autres. Celui-ci imagine et construit donc une Arche où il abrite et sauve la race humaine, et plusieurs races animales. De fait, Noé est le symbole du premier grand architecte, du premier homme qui planifie lhistoire. Cette arche demeure donc bien davantage quun simple bateau ou une simple ville, elle est la simulation du Monde, réalisée par lhomme et inspirée par Dieu.
Que cette histoire soit interprétée par un homme de foi ou un laïc matérialiste, un élément perdure : la catastrophe. Lon peut choisir entre le fait de croire quelle a été envoyée par Dieu ou de penser quelle était dans la logique des choses, mais dans un cas comme dans lautre, la réalisation de lhomme saccomplit sous la menace dune gigantesque catastrophe. Les fléaux nont depuis lors cessé de frapper lhumanité : jusquà Galilée, on croyait quil sagissait de châtiments envoyés pour punir lhumanité de sa perversion, ensuite une autre théorie a fait son chemin, la « logique des catastrophes ». Mais malgré les reconsidérations scientifiques, un principe totalement irrationnel mais non secondaire continue à déterminer une grande partie des orientations de notre réflexion : le cauchemar du fléau.
Cette parenthèse pour arriver aux idées politiques épousées par Robert Wise. Déjà dans le Jour où la Terre sarrêta en 1951, le cinéaste faisait preuve dun extrême courage en abordant de façon à la fois détournée et frontale la peur de lenvahisseur en pleine Guerre Froide (le film raconte la venue dune soucoupe volante sur Terre et, alors quon les croit hostiles, les extra-terrestres sont en réalité porteurs dun message de paix pour lhumanité). Dans la Mélodie du Bonheur, le réalisateur aborde de front la douloureuse période de la Seconde Guerre Mondiale, le nazisme étant considéré comme un fléau empêchant la bonne marche des idées progressistes.
La filmographie de Robert Wise est jalonnée de ces idées politiques et sociales avancées, ceci reste une évidence et doit bien être à lesprit de quiconque aborde luvre du cinéaste. Lon peut dailleurs interpréter une des répliques du baron von Trapp comme une adresse du réalisateur à lencontre du spectateur citoyen. Suite à une malheureuse remarque, Max rappelle en effet au capitaine : « Vous savez que je nai pas de conviction politique, je ne peux rien y faire si dautres en ont ». Ce à quoi le baron répond avec véhémence : « Oh si vous pouvez. Et même, vous devez ».
Max est précisément un personnage politiquement neutre, plus enclin à plaisanter sans cesse plutôt quà se préoccuper de choisir un camp. Par principe de résistance et connaissant les opinions du baron, farouche nationaliste, il soppose toutefois à loccupation nazie. Une brève séquence savère être très intéressante dans ces rapports entre les nazis et la population autrichienne : alors que Max profite de labsence du capitaine, hostile à la formation dune chorale (quil juge indigne de son rang social), pour faire répéter les enfants en vue dun festival imminent, un officier nazi suivi de son supérieur, nommé Herr Zeller, viennent poser quelques questions au sujet des activités du capitaine. Or le salut hitlérien de Max, obligé en ces temps troublés, reste gêné et à peine esquissé. Cette attitude trahit une honte toute naturelle pour une personne subissant une occupation ennemie dans son pays, mais fait également montre dun certain embarras devant les enfants, visiblement peu conscients des événements qui se trament. Plus audacieux reste le second salut hitlérien adressé à la fin de la discussion de manière ironique, mais alors que lofficier est déjà parti. Timide mais frondeur, la discrétion de ce geste en forme daffront révèle une crainte certaine, compréhensible, déventuelles représailles.
Le retour à son domicile du capitaine von Trapp est loccasion dune image très forte : le baron déchire violemment, en sa moitié, le drapeau nazi avec la croix gammée affichée sur le parvis de sa demeure. Plus quun acte de résistance, ce geste fait preuve dune rébellion assumée, que confirmera la suite du récit. Après un télégramme le priant instamment de collaborer, le baron von Trapp refuse tout net le poste offert et sans attendre de sexpliquer avec les autorités intéressées, décide de fuir avec toute sa famille. Mais trahis par le majordome, sympathisant nazi, des officiers du IIIème Reich dirigés à nouveau par lantipathique Herr Zeller, les attendent devant leur maison
Cest la deuxième fuite à laquelle nous assistons dans le récit, mais celle-ci revêt une toute autre symbolique que la précédente. Tandis que Maria fuyait la demeure du capitaine par souci de ne pas briser un couple sur le point de se marier, mais également détouffer sans attendre des sentiments naissants, ce départ du baron avec sa famille est le témoignage dune résistance sans limites, dun père qui préfère fuir sa terre natale plutôt que collaborer avec un gouvernement dont il ne partage ni les idées, ni les modalités daction. Le sacrifice est au cur de ces deux fuites, mais les finalités sont clairement différentes. Par ailleurs, le choix de Maria nengageait quelle-même (bien quelle laissait à labandon les enfants), là où le choix du baron engage, en qualité de chef de famille, tous les siens, sans leur laisser ni le choix ni même la possibilité démettre un jugement défavorable. La famille est unie jusquau bout, plus que jamais soudée face à ladversité.
Permettons-nous ici une précision dordre historique concernant la résistance autrichienne durant la Seconde Guerre Mondiale. Il nest évidemment pas simple den parler étant donné la divergence des points de vue sur le sujet, aussi nous contenterons-nous de rappeler un certain nombre de faits. Au lendemain du conflit, la notion de victimisation était centrale. Les autrichiens sestimaient ainsi avoir été les premières victimes du nazisme (voir les textes fondateurs de la IIème République Autrichienne en 1945), mais linterprétation de leur collaboration savéra complexe : pour les uns, il ne sagissait que de faire son devoir en obéissant au pouvoir en place (thèse de Kurt Waldheim), pour dautres la politique suivie navait pas été choisie mais imposée à lAutriche, et la thèse de la responsabilité autrichienne serait à imputer aux soviétiques. Le rôle de la résistance autrichienne fut donc au contraire mis en avant, notamment dans la libération même de lAutriche.
Cette thèse fut défendue dans le cadre des négociations daprès-guerre, pour appuyer la souveraineté autrichienne, mais la mémoire des victimes juives fut la seule reconnue ; celle des gitans, des homosexuels ou des handicapés victimes du nazisme fut ainsi oubliée. Dès 1949, danciens responsables du parti nazi en Autriche ont eu à nouveau le droit de vote et leur réintégration dans la vie sociale et politique fut rendue possible dans le cadre de la guerre froide.
Aujourdhui toutefois cette thèse est largement réfutée, car il est prouvé que la population, qui avait directement participé aux affaires politiques, a massivement adhérée aux idéaux nazis, et quil ny a pas eu dactions majeures de résistance à loccupant. Ainsi, dans un souci daccomplir une entreprise de mémoire, était-il possible dès 1992 deffectuer quatorze mois de service mémoriel dans un mémorial étranger à la place du service national, marquant une reconnaissance officieuse de la co-responsabilité autrichienne dans les crimes nazis. A partir de 1995, toutes les catégories de victimes du nazisme furent reconnues, et en octobre 2000 un monument fut construit à Vienne en souvenir de lholocauste, suivi par la création dun fonds de réconciliation et dindemnisation des victimes.
La Mélodie du Bonheur passe sous silence toute existence des horreurs perpétrées par les nazis ou même des actes de résistance organisés dans la population autrichienne : ce silence nest en aucun cas ambigu et ne doit pas prêter à confusion. En effet ce nest ni le propos du film, ni le message du réalisateur : le ton du film se veut avant tout léger, dans la tradition des comédies musicales. Mais à sa manière le capitaine von Trapp lutte, résiste et soppose même frontalement au régime nazi, ainsi que lillustrent ses propos tenus face à Herr Zeller lors de la soirée festive donnée en sa demeure. Ce personnage qui a pour but de faire collaborer le baron avec les forces hitlériennes se montre aussi implacable que charismatique.
La rigidité du système mis en place par le IIIème Reich se répercutait jusquau moindre sous-officier nazi, dont Rolf est le symbole évident dans la Mélodie du Bonheur. De nombreux jeunes furent enrôlés dans les armées dHitler, défendant jusquà leur vie des causes qui bien souvent devaient les dépasser
Rolf, tout juste majeur, nest quun porteur de télégrammes au début du film, travail lui offrant lopportunité dapprocher Liesl, laînée des filles du capitaine von Trapp. Ensemble ils vivent un doux et chaste flirt en secret : trop occupé par la lecture de chaque télégramme, le baron ne soupçonne en effet rien danormal lorsque sa fille aînée séclipse en milieu de repas
Lidylle entre les deux tourtereaux participe de laspect bluette du début du film, mais là encore les apparences se révéleront trompeuses.
Alors que la Seconde Guerre Mondiale vient déclater, Rolf exécute les ordres des autorités du IIIème Reich, et nhésite pas ainsi à mettre sérieusement en garde la famille von Trapp contre lattitude indisciplinée du baron, au détriment de la douce passion pour Liesl qui nest désormais plus quun lointain souvenir
Cette dernière, perplexe et inconsolable, voit soudain dans le garçon romantique quelle aimait un homme froid, différent, comme manipulé, et Rolf joue dailleurs clairement un rôle dadulte, puisque lon sent que le costume dofficier nazi lui donne une envergure et un aplomb dont il senorgueillit, lui qui na quune vingtaine dannées à peine. La question de lêtre et du paraître est ainsi encore posée, la véritable nature de Rolf reprenant un instant le dessus lors de la séquence finale dans le cimetière. Faisant preuve dastuce en sabritant derrière une tombe, il débusque toute la famille von Trapp soigneusement cachée, mais hésite à siffler, intimidé et même apeuré devant lautorité du capitaine, qui représente pour lui ladulte accompli, responsable et même courageux puisquil fait preuve dun sang froid à toute épreuve en avançant devant une arme braquée sur lui. Tel un enfant qui ne serait pas maître de ses actes (le baron dit même explicitement quil nest « quun enfant »), Rolf baisse la tête et sapprête à capituler lorsque laffront de la phrase « Vous ne serez jamais des leurs » le pousse à relever la tête fièrement, à appeler son lieutenant supérieur puis à donner de francs coups de sifflet pour rameuter les troupes. Ce laps de temps durant lequel on la senti impuissant, vulnérable et retrouvant même véritablement son statut dadolescent encore hésitant est révélateur de linfluence considérable qua pu avoir le régime nazi sur son jeune esprit. Son ultime réaction, qui est de se ressaisir et dappeler les troupes nazies, montre combien il est piqué au vif par la remarque du baron, là aussi comme un enfant à qui lon reprocherait ses choix, aussi contestables soient-ils.
Il y a en tout état de cause un grand degré de suspense dans cette scène du cimetière, dont la cachette, suggérée par la Mère Supérieure, est précédée dune bénédiction, comme une offre de salut et une chance de sévader. Ceci rejoint les notions de liberté et denfermement déjà abordées dans ce travail : les religieuses du couvent, à leur modeste niveau, aident à lévasion dune famille menacée par un gouvernement fasciste, lequel enchaîne à ses idées un jeune officier préposé aux télégrammes, létouffant littéralement et ne lui laissant aucune alternative. En hésitant lespace dun instant, Rolf trahit tout de même la confiance de ses supérieurs nazis, laissant entrevoir pour lui aussi un espoir de recouvrer, un jour, la liberté de penser et dagir.
Lun des points culminants du film en terme démotion à létat brut reste le festival, qui consiste en une suite de brefs sketchs musicaux, interprétés sur scène par des solistes ou chorales venus de toutes les régions dAutriche, devant une foule nombreuse et conquise
à ceci près que pour la première fois un encadrement nazi très important est présent, gâchant inévitablement leuphorie générale. Lambiance est guindée et décontractée à la fois, chacun tentant de passer un moment agréable malgré loccupation allemande oppressante. Là, la famille von Trapp se produit, surveillée de près par les autorités afin daccompagner le capitaine à ses nouvelles fonctions sitôt la remise de prix achevée (ce qui reste inenvisageable pour lui). Les regards entre le baron et sa nouvelle épouse sont nombreux, comme pour trouver un échappatoire à lissue qui se profile -car ce festival nest pour eux quun moyen de gagner du temps- tandis que chacun chante en essayant dy mettre de la bonne volonté. Le succès est au rendez-vous et le capitaine entonne le poignant air dEdelweiss, déjà entendu auparavant mais qui évolue ici considérablement au niveau de la symbolique. Plus tôt dans le récit elle définissait et unissait la famille von Trapp, ici elle sétend et sadresse aux autrichiens présents au festival
jusquau spectateur. Chacun retrouve en effet dans cet air mélancolique une partie de lui-même, une nostalgie (du grec nostos et algie : littéralement « douleur du pays perdu ») oubliée de gré ou de force depuis le début de loccupation, et lassistance reprend en cur le refrain lorsque le baron ne peut retenir un étranglement dans la voix. Une fois encore, lattitude du capitaine sapparente à un acte de résistance, et laffront est clairement perçu par Herr Zeller, suffisamment clément pour ne pas arrêter sur-le-champ lopposant au régime.
Laffront est même double, et nous fait noter une seconde évolution dans le récit : Herr Zeller regarde en direction de Max, lami du baron, pendant la chanson Edelweiss, et celui-ci redresse cette fois la tête en signe de fierté nationaliste, presque de défiance face à lenvahisseur. Max, résistant par réflexe quelques scènes auparavant, a donc évolué. Mieux, cest lui qui aide la famille à prendre la fuite en leur indiquant une issue de secours, en prenant son temps lors de la remise des prix, et il décrochera même un franc sourire de satisfaction lorsque Herr Zeller réalisera la supercherie.
Signalons que cette toile de fond nazie eut une répercussion jusquaux choix de tournage même, puisquil se révéla impossible de tourner dans lauthentique demeure de la famille von Trapp. La raison en incombe au fait quun officier nazi y avait résidé pendant la guerre, un mur ayant alors été construit autour de la propriété. Toujours en place au moment du tournage de la Mélodie du Bonheur, loption dune autre bâtisse fut préférée à laspect peu photogénique de la véritable villa dorigine
Par ailleurs, dans la séquence qui suit directement le travelling descendant du haut de la cathédrale (fameuse transition évoquée avec la cloche), des problèmes dautorisation survinrent, concernant la marche en rangs groupés des soldats et la mise en place des croix gammées. Lutilisation duniformes et de drapeaux affichant lemblème du parti nazi souleva en effet des problèmes auprès des autorités autrichiennes de lépoque. Rajouté aux difficultés de tournage inhérentes à lalternance constante de soleil et de pluie, obligeant à faire les premières prises de vues dans les studios Fox de Los Angeles pendant le premier mois -en avril 64- avant de pouvoir filmer en extérieur à Salzbourg (il y neige au printemps), le tournage de la Mélodie du Bonheur ne fut donc pas de tout repos.
ÉVOLUTION À TOUS POINTS DE VUE
Les protagonistes de la Mélodie du Bonheur évoluent très distinctement au fil du récit, et mûrissent véritablement sans pour autant renier ni leurs idéaux ni les valeurs auxquelles ils croient. Chacun se retrouve confronté à un moment précis à une situation inattendue le poussant à un choix de vie a priori inconcevable (Maria renonce à la vie monastique pour épouser le capitaine ; ce dernier choisira lexil malgré toute laffection quil porte à sa terre natale), mais aucun ne trahit sa nature ou ne va à lencontre de ses sentiments profonds. De cette manière les personnages vivent de nets bouleversements, salutaires ou tragiques, et lon constate une évolution à différents niveaux, quil sagisse des murs, des rapports entre les protagonistes ou de jeux de regards plus marqués, et ce dès lors que le festival musical intègre le fil de lhistoire. Comme nous lavons en effet vu plus haut, cest le moment où les rapports entre Liesl et Rolf changent et où la chanson Edelweiss diffère au niveau de la symbolique, tout comme le regard de Max sur le régime nazi, modifiant jusquà son comportement.
Il y a également une autre évolution très importante à signaler. En passant de gouvernante à épouse du baron, les rapports de Maria avec les enfants sont tout autres : de gouvernante elle devient mère et son regard se veut davantage bienveillant et à lécoute de ces jeunes. Maria est probablement le personnage qui aura le plus évolué au fil du récit. Entre la séquence douverture où elle chante dans la plaine en oubliant loffice du jour au couvent, la retraite forcée dans la demeure dun ancien militaire, lacceptation par une bande denfants énergiques et lamour naissant pour le même baron quelle finira par épouser, en passant par la fuite du régime nazi au péril de sa vie, Maria mûrit incontestablement entre le début et la fin de lhistoire, mais en chemin elle naura rien perdu de sa générosité, de sa joie de vivre et de sa pugnacité.
Une dimension universelle
Epilogue
Les retombées économiques et limpact auprès du public de la Mélodie du Bonheur furent phénoménaux. A sa sortie, le film surpassa en terme dentrées Autant en emporte le vent (1939) et la bande originale fut un succès sans précédent -exception faite dautres comédies musicales comme le Magicien dOz ou Mary Poppins. En un mot, sauvant la Fox dune faillite certaine, récoltant 163 M$ sur le seul territoire américain et consacrant définitivement Julie Andrews, luvre de Robert Wise devint un classique instantané.
Sous des dehors de comédie musicale au ton léger et champêtre (voir laffiche et même le titre), aux tendances mièvres -histoire dune novice qui découvre lamour dun homme-, ce film savère en réalité une ode à limportance des sentiments véritables et à lattachement au sol natal (le baron qui préfère Maria à la baronne superficielle, sa relation avec ses enfants qui passe de militaire à paternelle, les liens familiaux toujours puissants) mais aussi à la résistance face à lennemi fasciste évoqué ici dans lAutriche des années 40 -thème encore sensible à la sortie du film. La Mélodie du Bonheur se veut ainsi universel, ce qui explique la pérennité de son succès.
Il fait aussi largement appel à nos souvenirs denfance, à notre innocence dalors (les jeux des enfants avec Maria, les chants et les marionnettes, le flirt avec Rolf), et évoque le passage brutal à lâge adulte avec la découverte du mal et des intrigues du monde « des grands » (machiavélisme de la baronne qui pousse Maria à partir, changement de lattitude de Rolf, présence des nazis plus forte)
La fuite finale et forcée montre quant à elle lesprit dindépendance farouche dune famille qui, malgré la persécution, ne reniera à aucun moment ses valeurs.
Le long métrage a également recours à toute une série dastuces scénaristiques et techniques qui véhiculent plus efficacement les parti pris de Robert Wise, ainsi ce subtil jeu des regards entre les protagonistes adultes, qui ne sont pas dupes et savent prendre leurs responsabilités en temps voulu ; cette frappante dualité opposant merveilleux (hymne à la vie) et douloureux (contexte politique tragique) ; ou encore ce parfait contraste entre la démesure et lintime (le couvent et la demeure du capitaine). La mise en scène, discrète et efficace, ne laisse pour sa part aucun instant de répit au spectateur, captivé mais jamais essoufflé.
La Mélodie du Bonheur demeure enfin un divertissement dexcellente facture où la petite histoire rejoint la grande : la Seconde Guerre Mondiale et plus spécifiquement loccupation nazie -avec toute la dimension mémorielle qui en découle- sont constamment présentes en filigrane. Lomniprésence de la religion catholique rejoint à son tour lHistoire, sinon le domaine de la foi, de par son caractère millénaire. Ainsi le sacré côtoie latrocité humaine, le spirituel rejoint la barbarie, rappelant la notion de Bien et de Mal sans pour autant verser dans le manichéisme primaire. Le long métrage de Robert Wise réunit de fait tous les ingrédients dun récit lyrique, exalté et inspiré, où la tragédie nest jamais bien loin de la féerie.
Le film aborde des thèmes capitaux, et en invitant à jouir de la vie, se révèle digne de figurer au panthéon des plus grandes, belles et merveilleuses uvres cinématographiques mondiales.
Sources
Ouvrages généraux
- Anderson, William, Wade, David, The World of the Trapp Family, Anderson Publications, G-B, 1998, 168 p.
- Bly, Robert, lHomme sauvage et lenfant, le Seuil, Paris, 1992, 250 p.
- Desoille, Robert, le Rêve éveillé dirigé en psychothérapie, Erès, Paris, 2000, 172 p.
- Eco, Umberto, la Guerre du faux, Grasset, Paris, 1985, 274 p.
- Mercier, Elisabeth, le Rêve-Eveillé-Dirigé revisité, LHarmattan, Paris, 2003, 192 p.
- Trapp, Maria Augusta, the Story of the Trapp Family Singers, Image, G-B, 1949, 320 p.
Ouvrages cinématographiques
- Altman, Rick, la Comédie musicale hollywoodienne, Armand Colin, Paris, 1992, 416 p.
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- Bazin, André, Quest-ce que le cinéma ?, Editions du Cerf, Paris, 1999, 372 p.
- Bouineau, Jean-Marc, les 100 Chefs-duvre du film musical, Marabout, Belgique, 1989, 222 p.
- Brion, Patrick, Cinéma, la Comédie Musicale, Liber, Suisse, 1997, 120 p.
- Carr, Charmian, Forever Liesl : A Memoir of The Sound of Music, Penguin, USA, 2001, 256 p.
- Chion, Michel, la Comédie musicale, les Cahiers du Cinéma, Paris, 2002, 96 p.
- Cieutat, Michel, les Grands thèmes du cinéma américain, tome II, le Cerf, Paris, 1991, 445 p.
- Hirsch, Julia Antopol, The Sound of Music, McGraw-Hill, USA, 1965, 240 p.
- Joly, Martine, Introduction à lanalyse de limage, Nathan, Paris, 1993, 128 p.
- Leemann, Sergio, Robert Wise on His Films : From Editing Room to Directors Chair, Silman-James Press, G-B, 1995, 223 p.
- Masson, Alain, Comédie musicale, Ramsay Poche Cinéma, Sarthe, 1994, 416 p.
- Rapp, Bernard, Lamy, Jean-Claude, Dictionnaire des films, Larousse, Auxerre, 2000, 826 p.
- Rui, Nogueira, Robert Wise, Numéro Spécial, Paris, 1972, 200 p.
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- Thompson, Frank, Robert Wise, A Bio-Bibliography, Greenwood Press, USA, 1995, 184 p.
Sites Internet
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HYPERLINK "http://www.imdb.com/title/tt0059742/alternateversions" www.imdb.com/title/tt0059742/alternateversions
frames.free.fr
Filmographie complÈte
de Robert Wise
Rooftops (1989)
Star Trek : The Motion Picture (79)
Audrey Rose (77)
The Hindenburg (75)
Two People (73)
The Andromeda Strain (71)
Star ! (68)
The Sand Pebbles (66)
The Sound of Music (65)
The Haunting (63)
Two for the Seesaw (62)
West Side Story (61)
Odds Against Tomorrow (59)
I Want to Live ! (58)
Run Silent Run Deep (58)
Until They Sail (57)
This Could Be the Night (57)
Somebody Up There Likes Me (56)
Tribute to a Bad Man (56)
Helen of Troy (56)
Executive Suite (54)
So Big (53)
Destination Gobi (53)
The Desert Rats (53)
Something for the Birds (52)
The Captive City (52)
The Day the Earth Stood Still (51)
The House on Telegraph Hill (51)
Three Secrets (50)
Two Flags West (50)
The Set-Up (49)
Blood on the Moon (48)
Mystery in Mexico (48)
Born to Kill (47)
Criminal Court (46)
The Body Snatcher (45)
A Game of Death (45)
Mademoiselle Fifi (44)
The Curse of the Cat People (44)
Les titres sont volontairement laissés en VO.
Cette liste ne tient compte que des réalisations, écartant ainsi productions et autres apparitions en tant quacteur.
Annexe
- Extrait (en anglais) du livre The Story of the Trapp Family Singers
Part one
Just Loaned
Somebody tapped me on the shoulder. I looked up from the workbooks of my fifth graders, which I was just correction, into the lined, old face of a little lay sister, every wrinkle radiating kindliness. Reverend Mother Abess expects you in her private parlor she whispered.
Before I could close my mouth, which had opened in astonishment, the door shut behind the small figure. Lay sisters were not supposed to converse with candidates for the novitiate.
I could hardly believe my ears. We candidates saw Reverend Mother Abbess only from afar in choir.
We were the lowest of the low, living on the outskirts of the novitiate, wearing our black mantillas, waiting with eager anticipation for our reception into the scared walls of the novitiate. I had just finished the State Teachers College for Professive Education in Vienna and had to ger my Master of Education degree before the heavy doors of the enclosure would shut behind me-forever.
It was unheard of that Reverend Mother Abbess should call for a dandidate. What might this mean ? Her private parlor was far at the other end of the old Abbey, and I close the longest detour to go there, in order to gain time for examining my conscience. I was the black sleep of the community; there was no doubt about that. I never meant anything bad, but my upbringing had been more that of a wild boy than that of a young lady. Time and again I had been warned by the Misteress of Novices that I could not race over the staircase like that, taking two and three steps at a time; that I definitely could not slide down the banister; that whistling, even the whistling of sacred tunes, had been heard in these venerable rooms before; that jumping over the chimneys on the flat roof of the school wing was not fitting for an aspirant to the novitiate of the holy Order of Saint Benedict. I agree wholeheartedly each time, but the trouble was, there were so many new trespasses occuring every day.
What was the matter now, I throught, slowly winding my way down the two flights of old, worn steps, through the ancient cobbestoned kitchen yard, where the huge Crucifix greets one from the wall, and where the statue of Saint Erentrudis, founder of our dear old Abbey, rises above a fountain. Slowly I entered the cloister walk on the other side of the kitchen court.
Troubled as I was, searching though my laden conscience, I still felt again the magic of the supernatural beauty of this most beautiful place on earth. Twelve hundred years had worked and helped to make Noonberg, the first Abbey of Benedictine Nuns norh of the Alps, a place of unearthly beauty. For a moment I had to pause and glance again over the gray, eighth-century cloister wall before I ascended the spiral stairway leading to the quarters of Reverend Mother Abbess.
Shyly I knocked on the heavy oaken door, which was so thick that I could hear only faintly the Ave Benedictine equivalent of the American, Hello, come in.
It was the first time I had been in this part of the Abbey. The massive door opened into a big room with an arched ceiling; the one column in the middle had beautifully simple lines. Amost all the rooms in this wonderful Abbey were arched, the ceilings carried by columns; tbe windows were made of stained glass, even in the scholl wing. Near this window there was a large desk, from which rose a delicate, small figure, wearing a golden cross on a golden chain around her neck.
Maria dear, how are you, darling?
Oh this kind, kind voice ! Not only stones, but big rocks fell from my heart when I heard that tone. How could I ever have worried ? No, Reverend Mother was not like that-making a fuss about little things like whistling-and so a faint hope rose in my heart that she might perhaps talk me now about the definite date of my reception.
Sit down, my child. No, right here near me
After a minutes pause she took both my hands in hers, looked inquiringly into my eyes, and said : Tell me, Maria, which is the most important lesson our old Nonnberg has taught you ?
Without a moments hesitations I answered, looking fully into the beautiful, dark eyes : The only important thing on earth for us is to find out what is the Wil of God and to do it
Even if it is not pleasant, or if it is hard, perhaps very hard ? The hands tightened on mine. Well now, she means leaving the world and giving up everything and all that, I thought to myself.
Yes, Reverend Mother, even then, and wholeheartedly, too
Releasing my hand, Reverend Mother sat back in her chair.
All right then, Maria, it seems to be the Will of God that you leave us fot a while only she continued hastily whan she saw my speechless horror.
L-l-leave Nonnberg I stuttered, and tears welled up in my eyes. I couldnt help it. The motherly woman was very near now, her arms around my shoulders, which were shaking with sobs.
Your headaches, you know, growing worse from week to week. The doctor feels that you have made too quick a change from mountain climbing to our cloistered life, and he suggests we send you away, for less than one short year, to some place where you can have normal exercice. Then it will all settle down, and next June you will come back, never to leave again.
Next June my godness, now it was only October !
It just so happened that a certain Baron von Trappn retired Captain in the Austrian Navy, called on us today. He needs a teacher for his little daughter, who is of delicate health. You will go to his house this afternoon. And now kneel down ; I want to give you my blessing.
I knelt down. The fine, delicately small hand made the sign of the Cross on my forehead. I kissed the ring and, as through a veil, I had a last glance into those unforgettable eyes, which seemed to know all about woe and sorrow, grief and suffering, but also victory and peace. I couldnt utter a single world without bursting out loudly, but no words were needed anyway.
Now then, go and go it, and wholeheartedly, too
That was all.
A few hours later I was seated on one of the green benches under the old chestnut trees at the Residenzplatz in Salzburg, wainting for the bus that was to take me to Aigen. One hand was clasped tightly around a piece of paper which said : Captain Gearg von Trapp, Villa Trapp, Aigen bei Salzburg : the other one held the handle of an the bench, and which contained all my earthlty possessions, mostly books. Under my arm was pressed the neck of an almost inseparable part of myself, my guitar. Years back, when I had started to work my way through college, I had bought it with my first self-earned money. It had accompagnied me everywhere, on all the many trips and hikes through the Alps, us to the holy hill of Nonnberg. And now it went with me into exile.
I was still bewildered, everything had happened so fast. I tried to review the last few hours, which had passes like a bad dream. After I had come back to Reverend Mother Abbess, my Mistress of Novice, Frau Rafaela, was already waiting for me in the candidates her arms full of clothing. When I had entered the convent a year before , I had exchanged my Austrian costume for the black dress and black mantilla of the candidates. My own clothes had been given away during the year to some needly persons after the Chapter meeting had decided I was to be admitted for reception. I could see that Frau Rafaela felt quite badly about the whole situation, too. She looked a little helplessly at the clothes on her arm, which had belonged to another novice who was a little shorter and wider than I. She chose one dress an, obediently, I put on an old-fashioned blue serge gown with funny latticework around the neck and sleeves. I put it on three times, because I could not make out which was front and which was back. Next came a leather hat, which looked exactly like a firemans helmet. It went right down to my brow, and I had to give it a lirrle push when I wanted to see Frau Rafaela, who just said :
Now let me loot at you.
As she stepped back a little, her eyes wandered from the hat down to the blue dress, on to the black stocking and heavy, black shoes. She nodded approvingly.
Very nice very elegant
Frau Rafaela was a saintly, elderly nun ; the days of her farewall to the world dated back at the least thirty years. I feel pretty sure now that I must have reminded her vividly of the young ladies of her own day.
Then came a few instructions : On my day off I should always come back to the convent ; I should remenber the doctors advice to get enough sleep and exercise but moderate, moderate ; and finally, I should always bear in mind that my home and place was Nonnberg, and although I had to deal with the people of the world, I was just loaned to them.
My heart ached when I had to bid farewell to the other three young candidates with whom I had shared the big, lofty room overlooking the green valley of the Salzach River. While Frau Rafaela bent over a littre scrap of paper to write down the name of the place where I was to go, I took in with one last glance the picture of the large, oblong toom with the six windows, the white-curtained cells along the wall, where we slept, the large table in the middle, and the huge, old-fashioned Kachelofen, the European tile stove which can radiate so much comfort and warmth in the severe Salzburg winters. How happy I had been there, and how long it would be until I should be back ; but The Will Be Done was painted in faded, old-fashioned letters over the door on the whitewashed wall.
A few more words, a final blessing, and for the last time my fingers dipped into the pewter holy water font. For a few moments I knelt at the choir grate, looking down to the main altar asking Our Lord for strength. Then the old oaken door opened with a cranky squeak, unwilling, it seemed to me, to let the youngest child of Noonberg go back into a world from which it would much rather have protected hed.
When I stepped from the cool archway into the centuries-old graveyard, my eyes, half blinded by teard and the bright sunshine, fell upon the inscription of a weathered gravestone, crooked with age : God Will Hath No Why
Under the arched doorway which was cut into the big outer wall of the cemetery I turned for a last loving look at cherished walls and whispered : I will be back-soon.
La faute en incombe principalement au titre français, fortement connoté bons sentiments, tandis que le titre original, the Sound of Music, retranscrit plus fidèlement toute la richesse et la profondeur du long métrage.
Trapp, Maria Augusta, the Story of the Trapp Family Singers, Image, Grande-Bretagne, 1949, 320 p.
La véritable Maria von Trapp fait par ailleurs une apparition clin dil dans le film.
Lon tiendra évidemment compte des nombreux points de dissemblance, à commencer par le fait que le film de Charles Chaplin fut réalisé simultanément aux événements tragiques qui secouèrent le Monde.
Linterprétation de Mary Martin, alias Maria (de 1959 à 1961), lui vaudra de remporter un Tony Award.
Chiffres provenant du site Internet The Numbers ( HYPERLINK "http://www.the-numbers.com/movies/1965/0SOMU.html" http://www.the-numbers.com/movies/1965/0SOMU.html).
Simsi, Simon, Ciné-Passions, Editions Dixit, Paris, 2000, 320 p.
Laquelle commence dès le pré générique, et dure jusque 2 h 13 du film (et non jusquà lentracte, arbitraire).
La plupart des informations proviennent du site Internet Trapp Family Lodge, accessible à ladresse suivante : HYPERLINK "http://www.trappfamily.com/history.html" http://www.trappfamily.com/history.html.
Les propos retranscrits dans ce travail sont pour la plupart issus du commentaire audio du réalisateur, présent sur lédition DVD Collector de la Mélodie du Bonheur, parue chez léditeur 20th Century Fox en mai 2001.
Le couvent du film est celui de labbaye de Nonnberg, où se trouvaient des bénédictines cloîtrées. Ayant interdiction dentrer et de filmer, la cour extérieure fut reconstituée en studio par le chef décorateur Boris Leven.
Une polémique à ce sujet, baptisée les oranges dIsraël, apparut au cours du tournage. Les oranges vues au marché se trouvaient en effet dans des cagettes avec le nom dIsraël imprimé dessus. On pouvait le distinguer sur des photos prises sur le tournage, et beaucoup pointèrent lanachronisme : Israël nexistait pas encore sous ce nom-là, à lépoque où est censé se situer le film. Au final, ces cagettes ont disparu du champ
Pour le lac retenu comme décor de la scène, on décida de trouver un autre endroit que larrière de la villa. Le choix se porta sur lécole Leopold, autrefois propriété de Max Rheinhardt. « Cétait un lac artificiel, précise Robert Wise. On na pas eu les autorisations ». Ainsi lemplacement du tournage fut la propriété voisine, nommée Berthlesman, où Boris Leven reproduisit jardin et ponton de lécole Leopold.
Bly, Robert, lHomme sauvage et lenfant, le Seuil, Paris, 1992, 250 p.
Cette séquence du mariage fut tournée en la cathédrale de Mondsee, située à 20 kilomètres de Salzbourg.
La chanson se termine ainsi aux jardins Mirabell, situés au centre ville de Salzbourg.
Lon peut toutefois en entendre une esquisse dinterprétation à la fin de la séquence de Maria et la baronne dans la chambre.
Pour une majorité de spectateurs, il sagit de la meilleure chanson du film : un aspect fédérateur décidément intéressant à étudier
Eco, Umberto, la Guerre du faux, Grasset, Paris, 1985, 274 p.
Mercier, Elisabeth, le Rêve-Eveillé-Dirigé revisité, LHarmattan, Paris, 2003, 192 p.
Desoille, Robert, le Rêve éveillé dirigé en psychothérapie, Erès, Paris, 2000, 172 p.
K. Waldheim est un diplomate et homme politique autrichien, né en 1918 à Sankt Andrä-Wördern (près de Vienne). Secrétaire général de lONU de 72 à 81, il fut président de la république dAutriche de 86 à 92.
On rappellera dailleurs lorigine autrichienne dHitler, né dans le village de Braunau Am Inn en avril 1889.
Plus dinformations sur HYPERLINK "http://www.doew.at" www.doew.at, adresse du Centre de Documentation de la Résistance autrichienne.
Le festival du film fut tourné au Rocky Riding School, qui était à lorigine une école déquitation.
Rappelons que le svastika, nom indien du symbole sacré en forme de croix gammée, était employé par dautres civilisations bien avant lappropriation par Adolf Hitler dun svastika noir comme symbole aryen remontant selon lui aux indo-européens primitifs
On le retrouvait ainsi déjà en Islande en tant que marteau de Thor tournoyant dans le ciel, et représentant le soleil, ou encore à trois branches en tant que triskel celte. Le comte de Champagne, roi de Navarre en 1234, avait quant à lui hérité du comté de Mantes par son épouse, la fille du roi Louis IX et ordonna linscription, sur la collégiale, dun nouvel ornement : les armes de Champagne, fameuses croix appelées svastikas. Précisons que les branches de la croix gammée nazie sont orientées vers la droite, alors que celles des svastikas de la collégiale le sont vers la gauche. Troublante coïncidence, certaines civilisations considèrent que lorientation des branches est bénéfique à gauche et maléfique à droite.
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Friedrich
Herr Zeller
Rolf
La baronne
Le capitaine
Maria
Louisa
Gretl
Marta
Brigitta
Kurt
Liesl
Sympathisants nazi
Famille von Trapp
Extrait du livre The Story of the Trapp Family Singers
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