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Envoûtant, captivant voire fascinant, le film de Robert Wise est une invitation à la rêverie. ... le récit était porté à l'écran en Allemagne, sous le nom de Die Familie Trapp. .... Après s'être entretenue à ce sujet avec son avocat, Maria réclama à son ..... famille, et le baron à leur tête affiche clairement le statut de 'chef de famille'.




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euphorisante…….………...page 5

Deuxième Partie : Un tragique destin…………......…....page 17

Epilogue…………………………………………..…..….page 32

Sources…….……………………………………………..page 34

Filmographie………………..…………………….……..page 36

Annexe……………………………………...……………page 37





































Une mélodie enchanteresse

Préambule


Certaines œuvres cinématographiques bouleversent le spectateur jusque dans son intimité profonde, libérant des émotions restées inconnues, ou vécues de manière moins intense. La Mélodie du Bonheur, comédie musicale souvent hâtivement considérée comme empruntée, surannée voire sirupeuse, relève en ce qui me concerne d'un chef-d’œuvre du Septième Art, touchant à la fois au merveilleux (hymne à la Vie) et au douloureux (contexte politique tragique). Cette dualité très forte permet à ce film, dont la bande originale ne fait que sublimer la thématique, de susciter une large gamme d’émotions en dénotant une qualité précieuse, qui fait hélas défaut à bien des productions : le charme.
Envoûtant, captivant voire fascinant, le film de Robert Wise est une invitation à la rêverie. Jamais l’envie de visiter l’Autriche n’a été aussi irrésistible, jamais les chants religieux n’ont eu autant d’ampleur au cinéma, jamais quelques trois heures n’en auront à peine paru une petite. Mais derrière une histoire en apparence candide, l’Histoire se profile et imprègne le long métrage de façon latente. Basé sur une histoire vraie, la Mélodie du Bonheur s’inspire en effet de la vie mouvementée de Maria von Trapp dont l’autobiographie, parue en 1949, racontait avec force détails l’exil et la vie déchirante de cette famille d’artistes. La romance et le traitement parfois ‘fleur bleue’ du récit ne doivent ainsi pas faire oublier le contexte tout à fait particulier dans lequel s’inscrit le film. Le parti pris réaliste du long métrage donne, sur fond de montée du nazisme, un aperçu de l’Autriche d’avant-guerre et du choix auquel les Autrichiens et le reste de l’Europe furent confrontés pendant les événements de la Seconde Guerre Mondiale. En l’occurrence, une famille solidaire et unie jusqu’au bout, qui lutte, reste fidèle à ses convictions et résiste face à la barbarie nazie. La Mélodie du Bonheur peut ainsi être envisagé dans une certaine mesure comme l’équivalent musical du Dictateur de Chaplin.

L’action se situe à Salzbourg, dans les années 30. Maria, jeune religieuse un rien rebelle, devient gouvernante au service de la famille von Trapp, afin de calmer sa fougue et de réfléchir sur sa véritable vocation. Si les sept enfants sont au garde-à-vous devant leur militaire de père, c’est une toute autre histoire lorsque celui-ci s’absente. Maria se retrouve ainsi avec une bande de garnements à apprivoiser. Progressivement pourtant, sa gentillesse et sa spontanéité auront raison de l’hostilité des enfants, qu’elle initie au théâtre, à la musique, à l’éveil de la nature... Et le capitaine von Trapp lui-même succombera au charme de la jeune femme. Tout irait donc pour le mieux, si la Seconde Guerre Mondiale ne venait d’éclater : la famille von Trapp devra s’expatrier pour échapper à l’impitoyable Régime du IIIème Reich…
Le milieu du spectacle avait très vite décelé le potentiel commercial du scénario, puisque dès 1956 le récit était porté à l’écran en Allemagne, sous le nom de Die Familie Trapp. Puis Hollywood s’accapara rapidement les droits du récit, la version musicale arrivant par voie de conséquence à Broadway dès 1959, avec la patte inimitable de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II. Ce duo exceptionnel faisait depuis les années 40 les grands soirs de Broadway, comptant de nombreux succès, parmi lesquels Oklahoma ! (1943), South Pacific (49) ou le Roi et moi (51). La Mélodie du Bonheur représente leur dernière collaboration puisque Oscar Hammerstein II décède en août 1960, soit neuf mois seulement après le début des représentations. Et c’est donc finalement au milieu des années 60 que la comédie musicale fera le saut vers le grand écran, avec Robert Wise aux commandes. Le résultat : un film récompensé de cinq Oscars(, un triomphe mérité dans les salles... et un succès seulement égalé en 1978 par la sortie de Grease.
Tourné après le monstrueux Cléopâtre -au budget pharaonique mais à l’échec cuisant en salles, la Mélodie du Bonheur reste le film messie qui sauva la Fox d’une faillite certaine. Pour un budget de seulement 8 M$, il en rapporta 163 sur le seul territoire américain, soit vingt fois la mise de départ. En France, le film réalisa pour sa part 2.182.705 entrées et se classa 13ème dans le box-office de l’année 1966. Ainsi la comédie musicale de Robert Wise peut-elle être considérée comme l’ancêtre des blockbusters, consacrant définitivement l’actrice Julie Andrews, déjà fort appréciée dans le dynamique Mary Poppins, produit par Walt Disney en 1964.


Dans un premier temps, nous nous efforcerons de resituer le long métrage (le tournage, les difficultés survenues lors des étapes de la réalisation, les libertés prises par rapport au texte original), et nous nous attacherons à étudier la première moitié du long métrage, que l’on peut qualifier d’« euphorisante » -enjeux clairement définis, issue heureuse. Dans un second temps, nous nous attarderons sur la seconde moitié du film, nettement plus sombre et ouvertement politique, l’occasion de revenir en détail sur les choix audacieux de Robert Wise, qui permettent de dégager de manière évidente des thèmes récurrents dans la filmographie du réalisateur.
Dans une volonté constante d’illustrer les propos avancés, ce travail proposera donc une analyse, aussi précise et rigoureuse que possible, de quelques séquences-clefs de la Mélodie du Bonheur.

Ce film ne saurait donc se limiter à un simple divertissement populaire où des religieuses chantent à la moindre occasion : c’est avant tout une œuvre aboutie, qui prône et transmet une joie de vivre perpétuelle, apprend véritablement à relativiser les soucis du quotidien, et a su réconcilier, en son temps, le cinéma hollywoodien avec les grands spectacles de qualité. Une mélodie, par définition, flatte l’oreille : cette Mélodie-ci flatte quant à elle la sensibilité du spectateur. Ce travail va donc s’attacher, à travers une démarche, tout autant thématique qu’analytique, à réhabiliter un film souvent mal considéré, et qui pourtant constitue l’une des plus vibrantes déclarations d’amour du cinéma envers son public.


La Mélodie du Bonheur
The Sound of Music

Année de production : 1965
Sortie Etats-Unis : 2 mars 1965 / Sortie France : février 1966
Durée : 2 h 54 Produit par : 20th Century Fox Producteurs exécutif : Peter Levathes et Richard D. Zanuck Producteur : Robert Wise Réalisateur : Robert Wise Histoire originale : Howard Lindsay et Russel Crouse
Scénario : Ernest Lehman Musique : Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II Casting :
Maria - Julie Andrews
Captain von Trapp - Christopher Plummer
La Mère Supérieure - Peggy Wood
Herr Zeller - Ben Wright
La Baronne - Eleanor Parker
Max Detweiler - Richard Haydn
Rolf - Daniel Truhitte
Liesl von Trapp - Charmian Carr

Synopsis

Novice à l’abbaye de Salzbourg en Autriche, Maria est trop jeune pour supporter la vie d’un couvent, aussi la Mère Supérieure décide de lui donner le temps de réfléchir avant de prononcer ses voeux, et l’envoie comme gouvernante chez le capitaine von Trapp, veuf et père de sept enfants. Dès son arrivée, Maria se heurte à l’hostilité de ces derniers, mais par sa gentillesse gagnera peu à peu leur affection…

Personnages principaux














Une œuvre euphorisante


Dans un premier temps, en nous appuyant sur diverses anecdotes et informations concernant l’ambiance et les difficultés de tournage de cette flamboyante production, nous nous proposons d’analyser la grande première moitié du film. Afin d’être le plus clair et rigoureux possible, nous aurons bien sûr pour fil conducteur la structure du récit, mais comme il ne s’agit pas de décrire le film plan par plan, exercice aussi fastidieux qu’aride en terme de réflexion, nous aurons recours à d’incessants renvois dans l’œuvre, visant à regrouper de manière cohérente, et par thèmes généraux, notre pensée. L’apport d’informations sur le tournage à proprement parler vise à rendre compte, dans une certaine mesure, de l’atmosphère générale et des moyens mis en œuvre pour produire une comédie musicale au faste considérable mais jamais excessif. Un état des lieux tout aussi nécessaire que l’analyse proprement dite, qui permettra de mieux saisir les choix de Robert Wise et son équipe.


PETITE ET GRANDE HISTOIRE

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient de rappeler que le film s’appuie sur une histoire vraie, celle de la famille von Trapp, dont il s’agit de retracer ici le destin en quelques lignes, afin de comprendre parfaitement le récit du long métrage, ses tenants et ses aboutissants. Maria Augusta Kutschera est née à bord d’un train en destination de Vienne, la nuit du 26 janvier 1905. Alors qu’elle n’a que deux ans, sa mère décède et son père la confie alors à un oncle, qui l’éduquera de manière très stricte et isolée de tout autre enfant de son âge.
Contrairement à ce que laisse pourtant entendre le film, Maria n’a pas toujours été une fervente catholique, et fut même très cynique dans son enfance vis-à-vis de toutes sortes de religions, étant à la fois socialiste et athée. Pourtant un jour, alors qu’elle entre dans une église où elle pense assister à un concert de Bach, elle entend le sermon de l’illustre père Kronseder et est absorbée par ses paroles. Ayant été enseignée dans l’idée que les récits bibliques n’étaient qu’inventions et légendes improbables, Maria n’en revient pas d’une telle force de persuasion, et ce qui s’avéra être une révélation modifia dès lors profondément le courant de sa vie. Elle rejoint alors un couvent, mais un médecin décèle rapidement des ennuis de santé dus à un manque d’air frais et d’exercice. C’est ainsi que fut prise la décision d’envoyer Maria dans la demeure d’un capitaine de marine à la retraite, nommé Georg von Trapp. Mais là encore le film travestit la réalité puisque Maria ne fut pas nommée gouvernante des enfants du baron mais s’occupait spécifiquement de la fille aînée, clouée au lit en raison d’une fièvre aigue et de graves rhumatismes. La suite du récit du film demeure par contre véridique en tous points : Maria tomba amoureuse du capitaine, renonçant de fait à sa vie monastique, et le mariage fut célébré le 26 novembre 1927. Le film, qui peut être divisé en deux parties assez distinctes, narre précisément ces événements dans la première grande moitié du récit, du départ de Maria du couvent à son arrivée dans la demeure du capitaine von Trapp, ayant la charge de sept enfants, le tout ponctué de diverses vicissitudes… Il convient de préciser qu’il s’agit d’un film de commande, Robert Wise ayant été engagé pour transposer le scénario de la pièce de théâtre à l’écran. Le scénario du film, justement, est signé Ernest Lehman, lequel s’est basé sur le livre de Howard Lindsay et Russel Crouse qui avait servi de support pour l’adaptation à Broadway, lui-même déjà adapté de l’autobiographie de la baronne Maria von Trapp, publiée en 1949 sous le titre the Story of the Trapp Family Singers. L’on comprend ainsi mieux les quelques points de divergence entre l’histoire originale et le récit que les spectateurs de la Mélodie du Bonheur connaissent, toutefois la filiation n’est pas reniée puisque Maria von Trapp en personne fut impliquée dans la transposition hollywoodienne.
Un mot tout de même sur la toute première version cinématographique de la vie de la famille von Trapp. En 1956, peu après la parution de son autobiographie, Maria fut approchée par un producteur allemand nommé Wolfgang Reinhardt, qui lui fit une offre de 10.000 dollars afin de récupérer les droits de l’ouvrage. Après s’être entretenue à ce sujet avec son avocat, Maria réclama à son producteur un pourcentage des royalties sur les futures recettes du film, lequel rétorqua que la procédure était illégale, une société de production allemande ne pouvant en verser à une étrangère (entre-temps, Maria était en effet devenue citoyenne américaine). Elle accepta donc de concéder l’intégralité des droits du livre… avant de découvrir le mensonge du producteur. Ce dernier finit par lui proposer un arrangement de 9.000 $ supplémentaires, une somme que Maria n’avait jamais gagné de toute sa carrière musicale. A sa sortie, Die Trapp Familie fut un immense succès en Allemagne, donnant même le jour à une suite intitulée Die Trapp Familie in Amerika, laquelle réitéra l’exploit en attirant toujours plus de spectateurs. Sur le territoire allemand, les deux opus devinrent même les plus grands succès cinématographiques depuis la fin de la seconde guerre, et leur renommée s’étendit partout en Europe et en Amérique du Sud. Mais ce ne fut rien en comparaison de la version de Robert Wise, qui va à présent faire l’objet de toute notre attention.


UNE QUÊTE DE LIBERTÉ

L’ouverture du film, qui précède directement le générique, est composée d’une succession de longs plans présentant de grandes étendues de paysages autrichiens, avant de s’approcher vers le sommet d’une montagne, laissant découvrir une plaine verdoyante dans laquelle Maria commence à chanter un premier air enjoué… Ces vues aériennes ont été tournées fin juin 1964 par le réalisateur de deuxième équipe Maurice Zuberano, par hélicoptère et avec un champ de prises de vue dégagé, sur une montagne trouvée « de l’autre côté de la frontière avec la Bavière » ainsi que le précise Robert Wise. Assez nettement, la démesure le dispute ici à l’intime : le contraste est frappant entre l’immensité de ces paysages et la chaleureuse chanson entonnée par le personnage de Maria, qui nous fait part de ses sentiments les plus privés, et livre même un secret, puisque le récit montrera par la suite que Maria aime s’évader discrètement du couvent pour gagner cette plaine. Pourtant, loin d’être une opposition, ces deux notions antagonistes se rejoignent en une forte symbolique de soif de liberté. Les grands espaces offrent en effet à Maria l’indépendance à laquelle elle aspire, et de fait le contraste complète les deux aspects de la séquence, voire les fusionne, davantage qu’il ne les oppose.
Comme nous aurons l’occasion de le voir à plusieurs reprises, tout le film joue clairement sur cette dualité assumée, avec un contraste d’abord d’ordre concret, entre les étroits murs du couvent et les larges pièces de la demeure du capitaine von Trapp. Présenté ainsi, le monastère, lieu clos et reclus par définition, pourrait s’apparenter à une prison, d’où l’on ne peut s’échapper. Il serait pourtant inexact d’en rester à ce constat, puisque d’une part les religieuses font pleinement le choix de vivre dans un couvent, n’étant ainsi nullement enfermées et restant de leur plein gré, et que d’autre part il y règne une grande liberté de penser et d’agir : Maria est un électron libre. Son attitude est certes désapprouvée par la communauté monastique mais certaines religieuses reconnaissent qu’elle apporte une bouffée d’air frais par son excentricité et sa jovialité, et la future nurse reste, de façon pragmatique, libre de partir et de revenir quand elle le souhaite… jusqu’à la toute fin du film, où le couvent sera un refuge d’une redoutable efficacité face aux officiers nazis, prouvant ainsi le champ d’action infini du monastère, à la fois conservateur et progressiste, et même ouvert sur l’extérieur le cas échéant.
A l’inverse, la demeure du capitaine serait donc le havre de liberté tant souhaité par une Maria trop peu encline à obéir aux règles du couvent… Las, puisque les règles n’en sont pas moins strictes, et la discipline extrêmement redoutable. Pourtant, là aussi, Maria finira par s’affranchir du règlement pour trouver une forme de liberté que les enfants sauront saisir, à l’instar du capitaine en tout dernier lieu, rectifiant ainsi une éducation trop rigide et inflexible. La question des apparences jalonne de fait tout le long métrage, puisque les lieux stricts et austères ne sont pas ce qu’ils semblent être et finissent par révéler une toute autre nature qui laisse la soif de liberté des protagonistes s’exprimer en toute quiétude. Par là, Robert Wise nous invite à réviser nos a priori et à regarder les choses sous un nouvel éclairage, et sous un angle inédit. Ce message assurément optimiste, si ce n’est humaniste, participe de l’aspect dynamisant du long métrage, qui amène à reconsidérer notre rapport au monde.


UNE RELIGIEUSE PEU ORTHODOXE

Le personnage de Maria, interprété par Julie Andrews, est atypique, tout à la fois passionné et excentrique, débonnaire et fougueux. La nervosité de Maria est d’ailleurs l’un des principaux parti pris du long métrage : la chanson I have Confidence in me, qui opère une transition entre son départ du couvent et l’arrivée à la demeure du capitaine est, selon Ernest Lehman, l’auteur du scénario, « une occasion de traverser la ville avec une chanson qui représente un plus et qui montre la nervosité de Maria à propos de son travail ». Lorsque Julie Andrews-Maria arrive en toute fin de chanson dans la cour et trébuche, l’effet produit reste aussi déroutant qu’involontaire, mais l’instant fut conservé par le réalisateur qui jugeait que cela participait aussi de la nervosité du personnage.
Maria déborde de gentillesse et de candeur. Elle assume peu ses responsabilités, du moins dans la première grande moitié du film, préférant nettement chanter et jouer avec les enfants avec qui elle devient rapidement complice sans avoir besoin de forcer sa nature. Pour autant, si la Mère Supérieure du couvent la réprimande comme une enfant au sujet de son attitude peu compatible avec la vie monastique, Maria reste totalement consciente de sa condition d’adulte qui l’oblige à souscrire à un certain nombre de règles contraignantes. Le côté à la fois enfantin et adulte de ce personnage fait surgir une nouvelle dualité au sein du film, prétexte d’une part à des instants ludiques et divertissants avec les enfants du capitaine, mais nourrissant d’autre part considérablement les enjeux du film. En effet Maria sera à terme confrontée à un choix cornélien : séduite par la vie religieuse et par le capitaine pour qui une passion se fait jour (lui-même fait face à un dilemme puisqu’il est sur le point de se marier), la nurse sera tiraillée par deux choix de vie inconciliables, l’obligeant à agir comme une adulte posée et responsable. Reste que dans la première moitié du long métrage, Maria reste une enfant et préfère principalement jouer et folâtrer avec ceux du capitaine, n’hésitant pas à découper les rideaux usagés des chambres pour confectionner des habits de fortune, à jongler avec des oranges un jour de marché ou à sauter à l’eau depuis une barque chargée plus que de raison.
Revenons d’ailleurs un instant sur cette séquence de la barque renversée, qui se révèle très intéressante et même déterminante, puisqu’elle offre une nouvelle dimension au scénario : Maria tient tête au capitaine, avec son insolence caractéristique, puis celui-ci se retourne et entend ses enfants chanter, pour la première fois depuis très longtemps. L’émotion du père puis celle des enfants découvrant leur père sous un nouvel angle demeure un moment poignant, rendu finalement possible par l’irrespectueuse attitude de Maria. On découvre ainsi que, sous couvert d’une audace que l’on jugerait déplacée au premier abord, l’attitude de la nurse bouleverse en profondeur les mœurs de la maison, libérant le père d’un comportement rigide qu’un deuil non accepté explique en partie, et gommant l’immense frustration des enfants privés de l’affection d’un père devenu trop lointain. Maria, en psychologue avisée, joue donc un rôle de médiatrice, et ses méthodes singulières donnent des résultats inespérés. Dans Mary Poppins, Julie Andrews tenait finalement un rôle assez similaire, puisqu’elle y réconciliait deux enfants avec leur père, trop occupé par sa profession et très strict dans sa manière de concevoir l’éducation. Dans les deux cas, sa bonhomie et sa jovialité fonctionnent comme des révélateurs pour les familles où elle officie, et le fort caractère du personnage le propulse invariablement au premier plan du récit qui en est littéralement électrisé. La Mélodie du Bonheur, qui bénéficie d’une mise en scène très classique, alternant plans larges, panoramiques et champs/contrechamps, joue principalement là-dessus : le personnage de Maria insuffle un tempo particulier, par sa fougue, sa maladresse et son impétuosité, et le rythme même du film s’en ressent inévitablement. Maria est constamment en action, animée et déterminée, et le film ne saurait ainsi souffrir de temps mort ou de rupture de ton.
Il est par ailleurs intéressant de noter que le film a été exploité en Espagne sous le titre de la Novicia Rebelde, soit littéralement la Religieuse Rebelle. Si ce nom ne retranscrit pas le charme du long métrage et donnerait presque même le sentiment d’une œuvre anticléricale, l’on sent toutefois bien le côté libre et affranchi du personnage, qui agit selon ce que lui dicte son cœur, et parvient à résoudre les problèmes d’une famille encore profondément blessée par la perte d’une mère. Maria apparaît comme une bonne samaritaine, ce qui confirme sa bonté chrétienne.


JOUER POUR PALLIER L’ABSENCE

Les sept enfants du capitaine von Trapp, en apparence angéliques, se comportent comme de bons petits diables avec les gouvernantes que leur père leur inflige. Cette attitude ne saurait s’apparenter à de la méchanceté gratuite et inconsidérée de leur part, car ils ont bénéficié d’une éducation les ayant obligé à se responsabiliser très tôt, mais au contraire se présente comme un vrai acte de rébellion, à la fois contre toute autorité émanant d’un adulte, et en réaction directe à l’absence d’amour paternel depuis de nombreuses années avec la perte d’une mère bien aimée (l’indifférence du baron à leur égard est perceptible pendant le premier tiers du film). Car s’ils se plient aux ordres exécutés par leur père, à coups de sifflet et de postures proprement militaires, aucun n’accepte réellement cette situation et n’aspire qu’à une vie ‘normale’, comme tous les autres enfants de leur âge. De l’aînée à la plus jeune, la frustration d’un père trop lointain est palpable, et bêtises, farces et tours de malice infligés aux nurses qui leur sont imposées restent pour eux le seul moyen de sortir de ce climat oppressif, mieux, de tenter de se faire entendre.
L’intendante Frau Schmidt explicite cette triste situation dès le premier soir de l’arrivée de Maria : « Depuis que le capitaine a perdu sa pauvre femme, il mène cette maison comme s’il était de nouveau sur l’un de ses bateaux : sifflets, ordres, il n’y a plus de musique et plus de rires, plus rien qui puisse la lui rappeler. Et même les enfants… ». Plus loin dans le film, alors que la baronne vient d’arriver dans la demeure du baron, un dialogue entre les supposés futurs époux se montre particulièrement révélateur : « Comment arrivez-vous à quitter [cette nature] si souvent ? » demande la baronne. Le capitaine répond : « En faisant semblant de mener une vie active. L’activité suggère à l’homme d’avoir un but dans la vie ». Son interlocutrice fait alors preuve d’une intuition remarquable : « Et ce but, ne serait-ce pas de fuir des souvenirs ? », ce à quoi le baron hoche de la tête en signe d’acquiescement.
Dans l’Homme sauvage et l’enfant, essai sur l’identité masculine, Robert Bly affirme que « ne pas voir son père quand on est petit, ne jamais se trouver auprès de lui, avoir un père lointain ou un père absent, tout cela équivaut à être blessé ; de même qu’avoir un père trop critique ou trop rigoureux fait de vous un fils de Cronos, qui n’hésita pas à dévorer ses enfants : force est de constater que les pères portent souvent des coups, qu’ils le veuillent ou non ». Le baron von Trapp, si proche et si lointain aux yeux des siens, si intime et si étranger, reste ainsi clairement un père absent, bien qu’il ne semble pas en avoir totalement conscience. Son absence forcée suite au télégramme reçu ne modifie d’ailleurs en rien les habitudes de la maison : cela ne saurait constituer un soulagement pour les enfants étant donné l’affection toute naturelle qu’ils portent à leur géniteur, mais surtout la demeure familiale toute entière porte en son sein, sinon les stigmates d’une épreuve non surmontée (la perte d’une mère), du moins les marques tenaces d’un homme dont l’influence est omnipotente… Cette présence de tous les instants ne l’empêche donc pourtant pas d’être foncièrement absent de la vie du foyer, vie qui en conséquence devient elle-même inexistante. Fort heureusement, la méthode de Maria tendant à expliciter les sentiments et à extérioriser les émotions saura ouvrir les yeux du baron et ramener un semblant de vie dans ce foyer déchiré.

Maria comme les gouvernantes précédentes est évidemment accueillie avec suspicion voire même un franc rejet, et fera l’objet de plaisanteries s’apparentant à du bizutage… avant d’être finalement acceptée, devant sa gentillesse désarmante, elle qui permettra surtout de renouer le dialogue au sein d’une famille meurtrie. Il y a donc sept enfants : Liesl l’aînée des filles, une adolescente un peu fleur bleue qui s’impose avant tout comme la seconde mère de ses frères et sœurs, désignée par instinct depuis la perte de leur génitrice ; Friedrich l’aîné des garçons, qui est le second homme de la maison après le capitaine mais semble peiner à assumer cette fonction tant il souhaite profiter de son adolescence ; Louisa et Kurt les cadets, qui sont les plus frondeurs et possèdent un caractère bien trempé, souhaitent se distinguer et sortir de l’ombre de leurs aînés ; Brigitta et Marta les benjamines, qui se montrent les plus effacées, la première se plongeant dans un ouvrage à la moindre occasion et la seconde se révélant lunatique ; et enfin Gretl la petite dernière, qui sait à peine s’exprimer mais affiche déjà clairement l’orgueil d’appartenir à une famille aristocratique, à la réputation bien établie.
Les sept enfants von Trapp forment le ciment de la famille, et le baron à leur tête affiche clairement le statut de ‘chef de famille’. Ses descendants sont viscéralement soudés les uns aux autres et aucune chamaillerie ne saurait compromettre leurs relations : si l’un d’entre eux a un ennui tout le monde se montre solidaire, et les mensonges rapportés au baron (séquence de la cueillette des baies) se font d’une seule voix. Ceci s’explique notamment, une fois encore, par le deuil d’un des parents proches, qui a pour conséquence de rapprocher encore plus fortement les membres d’une même famille, unis dans la douleur et face à l’adversité. Il s’agit là d’un réflexe acquis très souvent constaté, tendant à prouver que la séparation suscite la réunion, et de manière plus générale les rapprochements spontanés. Au niveau psychanalytique, on peut interpréter cela comme un besoin de renouer avec ce qui nous est cher dans une période de douleur ayant pour effet d’affaiblir et de rendre perméable à des souffrances de toutes sortes (remise en question personnelle, agressions extérieures, etc.). L’on est alors en manque -et donc en attente- de repères, de marques, et de fait se tourner vers la cellule familiale apparaît rassurant et revêt un caractère cathartique. Et cela est bien souvent associé à la notion de foi…


UNE DIMENSION RELIGIEUSE FORTE

Si l’on a vu que la véritable Maria n’a pas toujours été une fidèle dévote, le long métrage de Robert Wise multiplie les références chrétiennes, et tout le récit est empreint de religiosité. Les premières séquences se situent quasi-intégralement dans les enceintes du couvent, entre la chapelle, où se tient l’office du jour suivi par de nombreuses religieuses recueillies dans la prière, la cour où circulent toujours en silence d’autres sœurs du monastère, et le bureau de la Mère Supérieure, à qui Maria pourra se confier en toute quiétude. Les puissants orgues retentissent partout entre les murs du couvent, achevant de rendre ce lieu de recueillement tout à la fois paisible et solennel. Même Maria hors du monastère, les références chrétiennes continueront d’abonder tout au long du récit ; pour preuve ce bénédicité au début des repas chez le baron, la prière avant de se coucher le soir ou le mariage religieux célébré dans une splendide cathédrale.
Un mot au sujet de la Mère Supérieure, interprétée par Peggy Wood, qui avait participé à des comédies musicales dans les années 20 et 30 avant de devenir actrice. « A notre rencontre, confia Robert Wise, je suis tombé amoureux d’elle. Elle était parfaite pour le rôle. C’était l’un des meilleurs choix de casting pour le film ». L’âge vénérable de la comédienne participe de la sagesse indispensable du personnage, qui sait écouter et conseiller Maria alors que celle-ci est en proie au doute, tout en faisant preuve d’une certaine fermeté et d’un discernement exceptionnel. Bien qu’elle apparaisse au final peu dans le film, son rôle est charnière dans la mesure où le départ de Maria est son idée propre, qu’elle saura ensuite l’engager à suivre son cœur dans certaines circonstances, quitte à renoncer à la vie monastique (la faisant prendre conscience de la nature de ses sentiments pour le capitaine), et qu’enfin elle protégera la famille von Trapp, en les cachant à l’intérieur du couvent, leur épargnant ainsi un funeste sort promis par les troupes nazies. Sage et bienveillante, la Mère Supérieure dépeinte dans la Mélodie du Bonheur apparaît plus largement comme la mère symbolique et presque biologique de Maria, laquelle, en plus d’avoir été orpheline dès sa plus tendre enfance, (ré)agit comme une enfant naïve à qui l’on continuerait d’enseigner certaines choses de la vie, ainsi que nous l’avons étudié plus haut.
La Mère Supérieure interprète l’une des plus belles chansons du film, Climb Every Mountain qui était chantée de manière extrêmement forte au théâtre et devenait même gênante. Robert Wise expliqua qu’il voulait « que ce soit abordé de façon plus délicate dans le film (…). J’ai donc voulu faire une mise en scène et un éclairage pour que Peggy Wood ne chante jamais directement devant la caméra, sous les projecteurs. C’est une belle chanson, mais il faut la chanter avec finesse. J’ai dit à Ted [chef opérateur] : ‘Je ne veux pas trop en voir. Je veux une silhouette, un angle de côté, une plongée, peu importe’. Dans le film elle est donc très peu éclairée et on la voit de profil ». Cet éclairage expressionniste renforce effectivement l’impact émotionnel de la séquence, présentant une actrice de profil dans la pénombre, chantant des paroles très fortes, qui détermineront directement la suite du récit, avec le mariage de Maria et du baron.
Dans l’autobiographie rédigée par la véritable Maria, les souvenirs livrés sont nombreux, depuis son arrivée dans la famille von Trapp jusqu’à la mort du capitaine, et l’histoire restait déjà profondément empreinte de catholicisme. Tout un chapitre est consacré aux traditions liturgiques tyroliennes, les phrases de la Bible ponctuent à tout moment le récit de Maria et sa foi en la Providence demeure omniprésente (malgré les situations souvent désespérées ou inextricables). Leçon de courage et de confiance -renvoyant à la chanson I have Confidence du film- cette famille aristocratique nombreuse se retrouvera complètement ruinée du jour au lendemain, et contrainte à l’exil en pleine guerre. Pourtant l’entrain, la joie de vivre et l’imagination de Maria auront le dessus, et le talent de chacun permettra à la famille von Trapp de subsister au travers des concerts, de l’artisanat ou des camps de musique (car si l’histoire du long métrage s’arrête au départ de l’Autriche, la famille vivra évidemment encore bien d’autres épreuves).


DE NOMBREUX PASSAGES MUSICAUX

Ce n’est pas pour rien que la Mélodie du Bonheur s’inscrit dans le registre des comédies musicales. Les chansons ou séquences musicales sont légion dans le film, et chaque air marque tantôt une pause dans le récit, tantôt une nécessité de faire passer un maximum d’informations sur les personnages en un minimum de temps, tout en ajoutant une dimension ludique indéniable. The Sound of Music (qui ouvre le film) ou I have Confidence montrent par exemple clairement les états d’âme de Maria, et explicitent ses aspirations. Ces chansons offrent un gain de temps précieux, facilitant la compréhension des sentiments qui animent l’héroïne, et cette astuce scénaristique permet de ne pas avoir à réaliser une scène purement dialoguée, qui tendrait à rompre le rythme et à se rapprocher d’un cinéma live souvent bavard. A l’inverse, des morceaux comme Do-Ré-Mi ou The Lonely Goatherd, rythmant le récit tout en offrant une pause récréative bienvenue, se montrent purement fantaisistes et ne présentent pas une fonction cruciale d’un point de vue narratif. Elles ne sont pour autant pas dénuées d’intérêt, puisqu’elles enrichissent notre vision des rapports entre Maria et les enfants du capitaine.
Enfin, Sixteen Going on Seventeen et Something Good s’inscrivent nettement dans le registre des chansons d’amour, étape obligée de ce type de production hollywoodienne. L’hymne amoureux, qui est souvent celui qui marque le plus l’esprit des spectateurs, apporte la touche romantique du film et achève la lente progression des sentiments naissant entre les personnages.
Un mot sur le spectacle de marionnettes, prétexte à la chanson The Lonely Goatherd. Mise en place par Cora et Bill Baird, marionnettistes américains ayant préparé la scène en amont pendant des semaines, cette saynète reste la partie la plus autrichienne du film, des chèvres et des montagnards constituant une mini pièce de théâtre au sein du film. Les règles théâtrales y sont en effet respectées, qu’il s’agisse des différents actes ou des changements de décors entre deux scènes. Un clin d’œil à la Mélodie du Bonheur, qui vient elle-même des planches de Broadway ? Cela semble évident. En poussant plus loin la réflexion, on peut surtout y voir une métaphore de la société dans laquelle les personnages évoluent, et nous-même par la même occasion. En l’occurrence une vaste tragi-comédie dans laquelle les rapports entre êtres humains sont biaisés, avec des amours multiples qui se compliquent invariablement et s’entremêlent tels des fils de marionnettes : le capitaine n’est-il pas en effet déchiré entre la baronne à qui il s’est promis, et Maria pour qui un amour se fait jour ? Mais l’air singulièrement entraînant et enjoué de The Lonely Goatherd apporte au final la note optimiste salutaire…Rien n’est vraiment simple, mais rien n’est vraiment compliqué non plus.
L’on notera la grande implication de Saul Chaplin sur ce film, déjà en charge de la musique sur West Side Story : preuve de son statut déterminant sur la Mélodie du Bonheur, il contribua également à l’écriture du scénario et s’occupa de la distribution des rôles et de la confection des costumes. A ses côtés œuvra le chef d’orchestre Irwin Kostal, qui avait déjà travaillé sur Mary Poppins… avec la même Julie Andrews. La bande originale de la Mélodie du Bonheur, réussie en tous points et grandement responsable du succès phénoménal du film lors de sa sortie en salles, demeure l’un des ingrédients majeurs de l’ambiance euphorique de l’œuvre. Les mélodies sont en effet légères, enjouées et se retiennent aisément.


POUR LE MEILLEUR…

Ce n’est pas une coïncidence, le mariage de Maria et du capitaine vient clore la première grande moitié du film. Il s’agit d’une cérémonie grandiose comme nul couple se jurant fidélité n’oserait en rêver : faste impressionnant et musique magistrale ponctuent chaque pas de Maria, qui se dirige lentement vers l’autel de la cathédrale. A la faveur d’une mise en scène privilégiant de fortes contre-plongées, cette séquence marque durablement l’esprit du spectateur en ponctuant véritablement l’atmosphère enlevée et joyeuse de la première partie du film. Tant et si bien que le long métrage aurait pu rester en l’état, constituant une comédie musicale déjà réussie. Mais sans la seconde moitié qui suit directement, une partie déterminante du récit et des enjeux nous auraient échappé. Pour bien marquer la séparation, une transition depuis la cloche de la cathédrale, idée d’Ernest Lehman, apporte donc un net tournant dans l’histoire, que la musique souligne également, avec des accents soudain plus graves et même nettement tragiques.
La première grande moitié du film n’est pas dénuée de moments émouvants et contient en germe quelques-uns des enjeux forts de la seconde moitié, à commencer par le triangle relationnel sur lequel nous nous attarderons en détail dans le chapitre suivant. Mais l’impression qui domine ces deux premières heures reste euphorique, joyeuse et résolument positive, le personnage de Maria occupant l’espace dans toutes les séquences ou presque. Les chansons sont légères et enjouées, les situations divertissantes et le mariage clôt en apothéose un avenir qui s’annonce radieux. Toutefois il en sera autrement, ainsi que nous allons le voir…















Un tragique destin


Si le parti pris de ce mémoire est de distinguer assez clairement l’étude des deux parties du film -joie de vivre puis tragédie-, le contraste n'est pas aussi distinct dans l’œuvre.
Aussi opérerons-nous différents renvois à la première moitié du film dans ce chapitre, les enjeux tragiques y étant déjà en germe. Ceci permettra notamment de mesurer l’évolution de la psychologie des personnages.


REFUS DE MIÈVRERIE

Parmi les spectateurs n’ayant pas encore vu le film, une majorité lui reproche ce qui s’apparente à un déluge de ‘bons sentiments’. Pourtant, lorsque l’on creuse un peu et qu’on ne s’arrête pas à cette première impression on constate que ce long métrage, tout positif qu’il soit dans l’esprit, reste également un drame, ainsi que nous l’étudierons dans notre deuxième partie. Il peut être légitime de rejeter cette comédie musicale si l’on ne supporte pas les chorales enfantines, mais la supposée mièvrerie de la Mélodie du Bonheur ne saurait constituer un argument solide de rejet. Dès le départ, Robert Wise, souhaitant à tout prix éviter le caractère enchanteur et conte de fées propre aux récits à l’eau de rose, eut notamment la volonté de ne pas choisir d’habitations comportant des tourelles : « Il ne fallait pas que le film devienne trop sirupeux, trop mièvre ». Aussi la demeure du capitaine utilisée pour les extérieurs fut celle de Fromberg, jouxtant le musée Mozart en plein Salzbourg. Cette bâtisse a séduit le réalisateur par ses « lignes simples, fortes, classiques. C’était un style, une atmosphère qui convenaient au film ». La plupart des scènes furent d’ailleurs tournées à Salzbourg même (ville où la véritable Maria von Trapp fut élevée). Ainsi, peu de scènes furent réalisées en studio mais autant que possible en Autriche, et ce gage d’authenticité confirme un parti pris réaliste pour l’ensemble du film. Si avec le personnage de Maria est développée toute une symbolique du rêve (l’univers ouaté des chansons qu’elle apprend aux enfants), la brutalité des événements qui secouent la seconde moitié du film ancre cette Mélodie du Bonheur dans un registre foncièrement réaliste, où la poésie des chansons et l’excitation des sorties champêtres ne constituent qu’un bref échappatoire.
En marge de ce parti pris, le monteur William Reynolds, qui avait déjà collaboré avec Robert Wise sur le Jour où la Terre s’arrêta, a apporté au dernier stade de la production une touche de romantisme qu’il jugeait « nécessaire à l’ambiance générale. Pas un traitement purement réaliste mais plutôt une ambiance romantique qui correspondrait au film sous tous ses aspects ». La Mélodie du Bonheur reste ainsi une vraie comédie musicale, divertissante, enlevée et enjouée, mais n’en demeure pas pour autant fleur bleue ou remplie à l’excès de bons sentiments.


LIBERTÉS PRISES

Nous évoquions l’inextinguible quête de liberté des protagonistes, aussi profitons-en pour voir lesquelles ont été prises vis-à-vis du texte original, et de la pièce de théâtre, elle-même déjà librement adaptée. Tout d’abord, concernant le livre de la véritable Maria von Trapp, quelques points diffèrent ; Maria et le capitaine s’y déclarent leur amour avant le départ de Maria, et celle-ci ne retourne au couvent que pour obtenir autorisation de l’épouser. Au contraire dans le film, Maria quitte ses fonctions pour fuir l’homme qui ne la laisse pas indifférente, sans que celui-ci ne le sache, et regagne le monastère avant tout en vue de terminer sa formation de religieuse. Par ailleurs, dans le texte original, le baron fait d’abord faillite et la famille se trouve contrainte de chanter pour des raisons financières. Mais pour l’adaptation cinématographique, Rodgers et Hammerstein II ont préféré condenser et dramatiser le temps, renforçant l’impact du récit.
En ce qui concerne la pièce de théâtre, les changements sont surtout d’ordre mélodique. Ainsi Do-Ré-Mi était-elle chantée dès l’arrivée de Maria avec les enfants. Mais le changement de Lehman pour l’écran « a ouvert des perspectives cinématographiques. Ça leur donnait l’occasion de sortir, de voir Salzbourg et ses environs ». Dans un même souci d’efficacité, deux chansons présentes dans la pièce d’origine, entre Max et Elsa, ont été supprimées : ont ainsi été coupées How Can Love Survive, qui devait intervenir lors d’une discussion entre le capitaine et la baronne, tout juste arrivés à la villa ; et No Way to Stop it, venant s’intercaler peu après le départ de Maria. C’est Robert Wise lui-même qui insista auprès de Rodgers pour éliminer ces deux séquences chantées, considérant qu’elles ne faisaient pas avancer l’intrigue.
Dernière liberté prise par rapport à la pièce de théâtre présente à Broadway, le personnage de Rolf. Cet officier préposé aux télégrammes qui courtise un temps Liesl (l’aînée des filles), rejoignait à la fin du récit ses compatriotes sans trahir la famille von Trapp, cachée dans la cour du couvent, les laissant de fait partir. Le film montre un homme moins sympathique qui, d’abord hésitant face à l’autorité intimidante du capitaine et par respect pour son ancien flirt avec Liesl, finit par donner un coup de sifflet afin de prévenir les troupes nazies… Ceci offre encore une dimension dramatique supplémentaire, habilement entretenue par un redoutable suspense.


TRIANGLE RELATIONNEL

Tout juste après le spectacle de marionnettes, qu’accompagne l’air The Lonely Goatherd, le « triangle relationnel », qui constitue une part importante du récit, commence à se développer avec davantage d’intérêt. Le capitaine von Trapp est donc sur le point d’épouser la baronne, laquelle semble peu à l’aise dans l’Autriche provinciale de cet officier à la retraite, peine à établir un contact ou même une quelconque complicité avec les enfants, et dont la superficialité ennuie visiblement le futur époux. Pire, elle se révèlera influente et terriblement manipulatrice (avec l’aide de Max qui souhaite que l’argent reste dans la famille), allant jusqu’à évoquer l’idée de mettre les enfants dans un pensionnat une fois les noces célébrées. Max la surnomme même « baronne Machiavel »…
De son côté, Maria remplit bon gré mal gré son rôle de gouvernante et finit par gagner l’estime du capitaine, distinction nullement acquise au départ. En ouvrant les yeux d’un père de famille sur le chagrin encore vivace de ses enfants et l’absence complète de dialogue avec eux, Maria fait montre d’un talent de médiation à toute épreuve, l’aidant à vivre avec le passé, en allant résolument de l’avant pour vivre chaque instant pleinement. La chanson Edelweiss, que le capitaine entonne après le spectacle de marionnettes, et qui n’était à l’origine prévue que pour être chantée à la fin du festival, montre ainsi une famille unie et réunie autour d’un père aimant. Cet air a des résonances nostalgiques et des accents mélancoliques, mais la grande force d’évocation des paroles et la simplicité de la mélodie confèrent un aspect positif à cette séquence, déterminante dans le triangle relationnel qui nous intéresse ici. A cet instant précis, il convient en effet d’analyser un subtil jeu de regards : la baronne, qui prend conscience du penchant de Maria pour le capitaine, cherche le regard de celui-ci, lequel est précisément tourné vers Maria. A ce stade de l’histoire, la relation du capitaine avec la gouvernante semble sans ambiguïté, mais une certaine connivence, discrète, insidieuse, s’est en réalité déjà nouée.
La première version du scénario prévoyait à cet instant, juste après le spectacle donc, une séquence où le capitaine sortait sur la terrasse en pensant à Maria, et réciproquement avec une Maria dans sa chambre, songeuse à sa fenêtre. Cette scène aurait évidemment confirmé des signes certains d’une attirance mutuelle, mais on jugea qu’elle serait précoce à ce stade du développement, aussi fut-elle supprimée.
Nous avons donc, en lieu et place, une grande cérémonie organisée dans la demeure du capitaine, laquelle est principalement prétexte à un ländler (valse composé de pas de plusieurs danses autrichiennes) entre Maria et le baron. L’atmosphère romantique et éthérée de cette séquence suspend quelques instants le temps du récit, et le spectateur n’est plus dupe des sentiments qui sont en train d’apparaître. La fin de la valse le confirme sans détour, puisque les deux partenaires se retrouvent très proches l’un de l’autre, dans ce que Umberto Eco a défini comme la sphère privée de l’être humain, avec un long regard, troublant, échangé. La baronne interrompt cet instant magique, agacée de la tournure que prennent les événements, et s’arrange pour se retrouver seule avec Maria. En fine stratège, la baronne ne fait nullement part de sa jalousie, d’autant qu’elle a conscience de l’ingénuité de la gouvernante (celle-ci est aussi troublée qu’une jeune fille qui éprouverait ses premiers émois). La baronne parvient à faire culpabiliser Maria en lui montrant que, par sa faute, le capitaine n’est plus dans le droit chemin et qu’un couple est par conséquent sur le point de se briser. La nurse ne saurait accepter cela, et en chrétienne fidèle au principe de ne pas briser l’amour entre deux êtres, elle décide de prendre la fuite.
Cette séquence, qui se déroule dans la chambre de Maria, est particulièrement intéressante. C’est en effet la première fois que la gouvernante doit faire face à la réalité (du moins une réalité, signifiée par la baronne) et elle n’envisage guère d’autre solution que de prendre congé de ses fonctions dans la plus grande discrétion, ceci à un moment peu opportun puisque le grand bal donné dans la demeure se poursuit en parallèle. La baronne savoure son stratagème et achève d’être hypocrite en feignant regretter ce départ précipité avant d’aller trinquer avec son ami Max, confirmant par là un machiavélisme à toute épreuve.
Cette soudaine connexion avec la réalité, abrupte et manifeste, apparaît évidemment néfaste pour la construction même du personnage de Maria. En plus d’éloigner deux êtres visiblement destinés l’un à l’autre, la baronne tue dans l’œuf toute possibilité pour la nurse de revivre cet instant délicieux, et de se remémorer une valse éminemment symbolique entre elle et le capitaine. Jusqu’à présent Maria apparaissait fragile, naïve et pure comme un enfant, et cette révélation, qui l’oblige à prendre une décision lâche et courageuse à la fois, la heurte de plein fouet. Il y a là un véritable contraste entre cette nouvelle position adulte, en prise directe et brutale avec le réel, et l’univers enfantin, ouaté et presque imaginaire, des jeux et des chansons qu’elle partage avec les enfants.
Dans le domaine psychanalytique, ces notions de réalité et de rêve sont essentielles, et il semble pertinent de s’y attarder dans le cadre de ce qui nous intéresse ici. Il ne s’agit bien sûr pas du rêve envisagé comme activité naturelle se déroulant pendant le sommeil paradoxal : on parlera davantage de « rêve éveillé » dans le cadre du personnage de Maria. Contrairement au rêve pur, qui échappe à la volonté et à la responsabilité du rêveur, aux images sensorielles relativement peu colorées, définies ou précises, le rêve éveillé proprement dit offre par définition la possibilité de vivre un scénario intérieur dans un espace imaginaire. Elisabeth Mercier, dans son ouvrage le Rêve-Eveillé-Dirigé revisité, affirme que « tout rêve éveillé est une métaphore de l’existence, et de ce fait implique l’intégration du passé, du présent et du devenir dans une représentation actuelle, qui n’est pas étrangère à la direction que le sujet donne -intentionnellement ou non- à la trajectoire de sa vie ». Par conséquent la chanson My Favorite Things illustre bien ce qui est clairement la philosophie de vie de Maria, qui se nourrit de ses expériences passées (saveurs d’enfance), présentes (plaisirs quotidiens) et futures, qu’elle condense très consciemment en un tout qui lui sert de moteur pour avancer dans l’existence. Lorsque la tristesse point ou que les choses tournent mal, Maria prend sur elle et se remémore ses fameuses « joies quotidiennes ». Les enfants du capitaine adopteront rapidement cette leçon de vie ayant pour principe de relativiser la gravité des événements, sinon de les accepter avec davantage de recul et de maturité, ce qui ne sera évidemment pas le moindre des mérites de la gouvernante.
De son côté Robert Desoille, dans le Rêve éveillé dirigé en psychothérapie, définit le rêve éveillé comme « le reflet de ce réservoir inépuisable où le sujet a accumulé, depuis sa naissance, ses angoisses, ses craintes, ses désirs, ses expériences, lesquels demeurent, en tout état de cause et face au monde extérieur, les facteurs déterminants de son comportement ». Cette autre définition confirme ce qui vient d’être énoncé, à savoir que les doutes, les expériences mais aussi les diverses aspirations de Maria conditionnent directement son comportement. Son rapport avec les adultes est notamment compliqué par le fait qu’elle fuit toute situation gênante ou embarrassante : aussi dans le triangle relationnel capitaine-baronne-gouvernante Maria n’est-elle pas sur un pied d’égalité. Mais c’est précisément sa fraîcheur et sa spontanéité qui auront su séduire le capitaine von Trapp…
Avant la prise de conscience des protagonistes d’une situation vouée à la transformation, Maria quitte donc la demeure du capitaine, alors même que celui-ci tente encore de croire à sa relation avec la baronne, construisant sur des rapports superficiels un semblant de complicité. Nous assistons d’abord à une brève partie de ballon avec des enfants dorénavant peu entrain au divertissement, si ce n’est à prendre pour cible la baronne qu’ils soupçonnent à juste titre d’être la cause du départ de leur gouvernante bien-aimée. Dépassée par les événements, la baronne visiblement peu à l’aise avec de jeunes adolescents met un terme à ce jeu forcé, et rejoint la terrasse où l’attend son ami Max. Déterminée à remplacer au plus vite Maria dans le cœur des enfants, elle engage alors les enfants à chanter un air joyeux, mais entre quelques fausses notes évidentes et la plus jeune des filles du capitaine qui fond en pleurs, l’air tourne court. Entre alors en scène le baron qui, constatant immédiatement l’atmosphère pour le moins glaciale, tente maladroitement de feindre l’indifférence avec une humeur joviale inaccoutumée. Il enjoint alors les enfants à embrasser leur future mère… Une révélation qui ne fait que refroidir encore davantage l’ambiance, et les marques d’affection ne sont de fait guère appuyées. Dans cette séquence où la tartuferie règne, nul n’est dupe et chacun accueille la nouvelle avec réserve.
On notera au passage la volonté farouche du baron de renouer le dialogue avec ses enfants, changement de comportement précisément initié par une Maria au statut de médiatrice, ainsi que l’avons vu dans la première partie de ce travail. Avec la séquence de la cueillette des baies, le baron continue ainsi d’opérer un net rapprochement, en se montrant plus complice qu’à l’ordinaire. Cette scène, qui montre une relation plus détendue entre un père et ses enfants que par le passé (les coups de sifflet pour exiger le rassemblement et faire l’appel au début du film était une méthode pour le moins froide et autoritaire), instaure un début de confiance, feinte du moins puisque le baron cherche à connaître la vérité sur l’absence inexpliquée de ses sept enfants… qui étaient partis au couvent pour parler à Maria et lui demander de revenir.

Sur ces entrefaites revient donc Maria, après un entretien avec la Mère Supérieure. Les enfants sont ravis et le capitaine agréablement surpris, mais l’annonce de ses noces prochaines avec la baronne tend à prouver qu’il n’a pas encore envisagé une quelconque relation intime avec sa gouvernante. Le désappointement de Maria reste en tous cas perceptible et montre qu’elle a, de son côté, posément réfléchi à la situation et que son retour n’est pas d’ordre purement professionnel. La soirée qui suit directement sera décisive : depuis son balcon, le baron observe avec un regard attendri Maria, et l’irruption inopinée de la baronne l’assombrit soudainement. Celle-ci, avec son attitude toujours empruntée, essaye d’engager une conversation joyeuse et complice, mais le brusque regard du baron, suivi d’un « C’est inutile », avorte une relation de toutes manières vouée à l’échec, et dénoue enfin un nœud relationnel compliqué, clarifiant la suite des événements. A l’instar du capitaine, le spectateur se sent libéré d’un poids, et la réaction de la baronne montre qu’elle n’était pas non plus dupe sur l’issue de cette relation. Son retrait discret, alors qu’elle a depuis longtemps déjà compris que les sentiments entre Maria et le baron grandissaient, marque une étape importante du récit. La rupture entre le capitaine et la baronne se font avec tact et compréhension des deux côtés…
Ce qui aurait donc pu déboucher sur un triangle amoureux où la frustration se serait mêlée aux rancœurs de part et d’autres est donc résolu, permettant d’éviter des tragédies personnelles.


LE NAZISME EN TOILE DE FOND

La deuxième moitié du film est surtout marquée par une toile de fond historique déterminante. Une ellipse temporelle suit directement le mariage de Maria avec le capitaine, période durant laquelle le couple part, comme il se doit, en voyage de noces. Mais les événements qui agitent l’Autriche sont alors sombres, puisque le pays est tombé sous la coupelle du IIIème Reich…

Avant d’entrer plus avant dans le sujet, un mot sur le passé progressiste de Robert Wise. Nous définirons le progressisme comme la volonté de faire évoluer la société, soit par extension « tout ce qui amène au plus complet exercice de la démocratie ». C’est un fait qu’une majeure partie de la société occidentale refuse d’admettre la nécessité de l’évolution à partir de considérations purement rationnelles : elle accepte les changements nécessaires seulement quand surviennent des « catastrophes ». Ceci s’inscrit dans une très ancienne tradition, puisque selon les récits bibliques l’histoire même de notre civilisation commence avec un immense fléau. Dieu fait déverser des flots sur la Terre, à tout jamais perdue si le créateur ne laissait pas un espoir de salut à Noé, un homme plus sage et avisé que les autres. Celui-ci imagine et construit donc une Arche où il abrite et sauve la race humaine, et plusieurs races animales. De fait, Noé est le symbole du premier grand architecte, du premier homme qui planifie l’histoire. Cette arche demeure donc bien davantage qu’un simple bateau ou une simple ville, elle est la simulation du Monde, réalisée par l’homme et inspirée par Dieu.
Que cette histoire soit interprétée par un homme de foi ou un laïc matérialiste, un élément perdure : la catastrophe. L’on peut choisir entre le fait de croire qu’elle a été envoyée par Dieu ou de penser qu’elle était dans la logique des choses, mais dans un cas comme dans l’autre, la réalisation de l’homme s’accomplit sous la menace d’une gigantesque catastrophe. Les fléaux n’ont depuis lors cessé de frapper l’humanité : jusqu’à Galilée, on croyait qu’il s’agissait de châtiments envoyés pour punir l’humanité de sa perversion, ensuite une autre théorie a fait son chemin, la « logique des catastrophes ». Mais malgré les reconsidérations scientifiques, un principe totalement irrationnel mais non secondaire continue à déterminer une grande partie des orientations de notre réflexion : le cauchemar du fléau.
Cette parenthèse pour arriver aux idées politiques épousées par Robert Wise. Déjà dans le Jour où la Terre s’arrêta en 1951, le cinéaste faisait preuve d’un extrême courage en abordant de façon à la fois détournée et frontale la peur de l’envahisseur en pleine Guerre Froide (le film raconte la venue d’une soucoupe volante sur Terre et, alors qu’on les croit hostiles, les extra-terrestres sont en réalité porteurs d’un message de paix pour l’humanité). Dans la Mélodie du Bonheur, le réalisateur aborde de front la douloureuse période de la Seconde Guerre Mondiale, le nazisme étant considéré comme un fléau empêchant la bonne marche des idées progressistes.
La filmographie de Robert Wise est jalonnée de ces idées politiques et sociales avancées, ceci reste une évidence et doit bien être à l’esprit de quiconque aborde l’œuvre du cinéaste. L’on peut d’ailleurs interpréter une des répliques du baron von Trapp comme une adresse du réalisateur à l’encontre du spectateur citoyen. Suite à une malheureuse remarque, Max rappelle en effet au capitaine : « Vous savez que je n’ai pas de conviction politique, je ne peux rien y faire si d’autres en ont ». Ce à quoi le baron répond avec véhémence : « Oh si vous pouvez. Et même, vous devez ».

Max est précisément un personnage politiquement neutre, plus enclin à plaisanter sans cesse plutôt qu’à se préoccuper de choisir un camp. Par principe de résistance et connaissant les opinions du baron, farouche nationaliste, il s’oppose toutefois à l’occupation nazie. Une brève séquence s’avère être très intéressante dans ces rapports entre les nazis et la population autrichienne : alors que Max profite de l’absence du capitaine, hostile à la formation d’une chorale (qu’il juge indigne de son rang social), pour faire répéter les enfants en vue d’un festival imminent, un officier nazi suivi de son supérieur, nommé Herr Zeller, viennent poser quelques questions au sujet des activités du capitaine. Or le salut hitlérien de Max, obligé en ces temps troublés, reste gêné et à peine esquissé. Cette attitude trahit une honte toute naturelle pour une personne subissant une occupation ennemie dans son pays, mais fait également montre d’un certain embarras devant les enfants, visiblement peu conscients des événements qui se trament. Plus audacieux reste le second salut hitlérien adressé à la fin de la discussion de manière ironique, mais alors que l’officier est déjà parti. Timide mais frondeur, la discrétion de ce geste en forme d’affront révèle une crainte certaine, compréhensible, d’éventuelles représailles.
Le retour à son domicile du capitaine von Trapp est l’occasion d’une image très forte : le baron déchire violemment, en sa moitié, le drapeau nazi avec la croix gammée affichée sur le parvis de sa demeure. Plus qu’un acte de résistance, ce geste fait preuve d’une rébellion assumée, que confirmera la suite du récit. Après un télégramme le priant instamment de collaborer, le baron von Trapp refuse tout net le poste offert et sans attendre de s’expliquer avec les autorités intéressées, décide de fuir avec toute sa famille. Mais trahis par le majordome, sympathisant nazi, des officiers du IIIème Reich dirigés à nouveau par l’antipathique Herr Zeller, les attendent devant leur maison…
C’est la deuxième fuite à laquelle nous assistons dans le récit, mais celle-ci revêt une toute autre symbolique que la précédente. Tandis que Maria fuyait la demeure du capitaine par souci de ne pas briser un couple sur le point de se marier, mais également d’étouffer sans attendre des sentiments naissants, ce départ du baron avec sa famille est le témoignage d’une résistance sans limites, d’un père qui préfère fuir sa terre natale plutôt que collaborer avec un gouvernement dont il ne partage ni les idées, ni les modalités d’action. Le sacrifice est au cœur de ces deux fuites, mais les finalités sont clairement différentes. Par ailleurs, le choix de Maria n’engageait qu’elle-même (bien qu’elle laissait à l’abandon les enfants), là où le choix du baron engage, en qualité de chef de famille, tous les siens, sans leur laisser ni le choix ni même la possibilité d’émettre un jugement défavorable. La famille est unie jusqu’au bout, plus que jamais soudée face à l’adversité.
Permettons-nous ici une précision d’ordre historique concernant la résistance autrichienne durant la Seconde Guerre Mondiale. Il n’est évidemment pas simple d’en parler étant donné la divergence des points de vue sur le sujet, aussi nous contenterons-nous de rappeler un certain nombre de faits. Au lendemain du conflit, la notion de victimisation était centrale. Les autrichiens s’estimaient ainsi avoir été les premières victimes du nazisme (voir les textes fondateurs de la IIème République Autrichienne en 1945), mais l’interprétation de leur collaboration s’avéra complexe : pour les uns, il ne s’agissait que de faire son devoir en obéissant au pouvoir en place (thèse de Kurt Waldheim), pour d’autres la politique suivie n’avait pas été choisie mais imposée à l’Autriche, et la thèse de la responsabilité autrichienne serait à imputer aux soviétiques. Le rôle de la résistance autrichienne fut donc au contraire mis en avant, notamment dans la libération même de l’Autriche.
Cette thèse fut défendue dans le cadre des négociations d’après-guerre, pour appuyer la souveraineté autrichienne, mais la mémoire des victimes juives fut la seule reconnue ; celle des gitans, des homosexuels ou des handicapés victimes du nazisme fut ainsi oubliée. Dès 1949, d’anciens responsables du parti nazi en Autriche ont eu à nouveau le droit de vote et leur réintégration dans la vie sociale et politique fut rendue possible dans le cadre de la guerre froide.
Aujourd’hui toutefois cette thèse est largement réfutée, car il est prouvé que la population, qui avait directement participé aux affaires politiques, a massivement adhérée aux idéaux nazis, et qu’il n’y a pas eu d’actions majeures de résistance à l’occupant. Ainsi, dans un souci d’accomplir une entreprise de mémoire, était-il possible dès 1992 d’effectuer quatorze mois de ‘service mémoriel’ dans un mémorial étranger à la place du service national, marquant une reconnaissance officieuse de la co-responsabilité autrichienne dans les crimes nazis. A partir de 1995, toutes les catégories de victimes du nazisme furent reconnues, et en octobre 2000 un monument fut construit à Vienne en souvenir de l’holocauste, suivi par la création d’un fonds de réconciliation et d’indemnisation des victimes.
La Mélodie du Bonheur passe sous silence toute existence des horreurs perpétrées par les nazis ou même des actes de résistance organisés dans la population autrichienne : ce silence n’est en aucun cas ambigu et ne doit pas prêter à confusion. En effet ce n’est ni le propos du film, ni le message du réalisateur : le ton du film se veut avant tout léger, dans la tradition des comédies musicales. Mais à sa manière le capitaine von Trapp lutte, résiste et s’oppose même frontalement au régime nazi, ainsi que l’illustrent ses propos tenus face à Herr Zeller lors de la soirée festive donnée en sa demeure. Ce personnage qui a pour but de faire collaborer le baron avec les forces hitlériennes se montre aussi implacable que charismatique.
La rigidité du système mis en place par le IIIème Reich se répercutait jusqu’au moindre sous-officier nazi, dont Rolf est le symbole évident dans la Mélodie du Bonheur. De nombreux jeunes furent enrôlés dans les armées d’Hitler, défendant jusqu’à leur vie des causes qui bien souvent devaient les dépasser… Rolf, tout juste majeur, n’est qu’un porteur de télégrammes au début du film, travail lui offrant l’opportunité d’approcher Liesl, l’aînée des filles du capitaine von Trapp. Ensemble ils vivent un doux et chaste flirt en secret : trop occupé par la lecture de chaque télégramme, le baron ne soupçonne en effet rien d’anormal lorsque sa fille aînée s’éclipse en milieu de repas… L’idylle entre les deux tourtereaux participe de l’aspect bluette du début du film, mais là encore les apparences se révéleront trompeuses.
Alors que la Seconde Guerre Mondiale vient d’éclater, Rolf exécute les ordres des autorités du IIIème Reich, et n’hésite pas ainsi à mettre sérieusement en garde la famille von Trapp contre l’attitude indisciplinée du baron, au détriment de la douce passion pour Liesl qui n’est désormais plus qu’un lointain souvenir… Cette dernière, perplexe et inconsolable, voit soudain dans le garçon romantique qu’elle aimait un homme froid, différent, comme manipulé, et Rolf ‘joue’ d’ailleurs clairement un rôle d’adulte, puisque l’on sent que le costume d’officier nazi lui donne une envergure et un aplomb dont il s’enorgueillit, lui qui n’a qu’une vingtaine d’années à peine. La question de l’être et du paraître est ainsi encore posée, la véritable nature de Rolf reprenant un instant le dessus lors de la séquence finale dans le cimetière. Faisant preuve d’astuce en s’abritant derrière une tombe, il débusque toute la famille von Trapp soigneusement cachée, mais hésite à siffler, intimidé et même apeuré devant l’autorité du capitaine, qui représente pour lui l’adulte accompli, responsable et même courageux puisqu’il fait preuve d’un sang froid à toute épreuve en avançant devant une arme braquée sur lui. Tel un enfant qui ne serait pas maître de ses actes (le baron dit même explicitement qu’il n’est « qu’un enfant »), Rolf baisse la tête et s’apprête à capituler lorsque l’affront de la phrase « Vous ne serez jamais des leurs » le pousse à relever la tête fièrement, à appeler son lieutenant supérieur puis à donner de francs coups de sifflet pour rameuter les troupes. Ce laps de temps durant lequel on l’a senti impuissant, vulnérable et retrouvant même véritablement son statut d’adolescent encore hésitant est révélateur de l’influence considérable qu’a pu avoir le régime nazi sur son jeune esprit. Son ultime réaction, qui est de se ressaisir et d’appeler les troupes nazies, montre combien il est piqué au vif par la remarque du baron, là aussi comme un enfant à qui l’on reprocherait ses choix, aussi contestables soient-ils.
Il y a en tout état de cause un grand degré de suspense dans cette scène du cimetière, dont la cachette, suggérée par la Mère Supérieure, est précédée d’une bénédiction, comme une offre de salut et une chance de s’évader. Ceci rejoint les notions de liberté et d’enfermement déjà abordées dans ce travail : les religieuses du couvent, à leur modeste niveau, aident à l’évasion d’une famille menacée par un gouvernement fasciste, lequel enchaîne à ses idées un jeune officier préposé aux télégrammes, l’étouffant littéralement et ne lui laissant aucune alternative. En hésitant l’espace d’un instant, Rolf trahit tout de même la confiance de ses supérieurs nazis, laissant entrevoir pour lui aussi un espoir de recouvrer, un jour, la liberté de penser et d’agir.

L’un des points culminants du film en terme d’émotion à l’état brut reste le festival, qui consiste en une suite de brefs sketchs musicaux, interprétés sur scène par des solistes ou chorales venus de toutes les régions d’Autriche, devant une foule nombreuse et conquise… à ceci près que pour la première fois un encadrement nazi très important est présent, gâchant inévitablement l’euphorie générale. L’ambiance est guindée et décontractée à la fois, chacun tentant de passer un moment agréable malgré l’occupation allemande oppressante. Là, la famille von Trapp se produit, surveillée de près par les autorités afin d’accompagner le capitaine à ses nouvelles fonctions sitôt la remise de prix achevée (ce qui reste inenvisageable pour lui). Les regards entre le baron et sa nouvelle épouse sont nombreux, comme pour trouver un échappatoire à l’issue qui se profile -car ce festival n’est pour eux qu’un moyen de gagner du temps- tandis que chacun chante en essayant d’y mettre de la bonne volonté. Le succès est au rendez-vous et le capitaine entonne le poignant air d’Edelweiss, déjà entendu auparavant mais qui évolue ici considérablement au niveau de la symbolique. Plus tôt dans le récit elle définissait et unissait la famille von Trapp, ici elle s’étend et s’adresse aux autrichiens présents au festival… jusqu’au spectateur. Chacun retrouve en effet dans cet air mélancolique une partie de lui-même, une nostalgie (du grec nostos et algie : littéralement « douleur du pays perdu ») oubliée de gré ou de force depuis le début de l’occupation, et l’assistance reprend en cœur le refrain lorsque le baron ne peut retenir un étranglement dans la voix. Une fois encore, l’attitude du capitaine s’apparente à un acte de résistance, et l’affront est clairement perçu par Herr Zeller, suffisamment clément pour ne pas arrêter sur-le-champ l’opposant au régime.
L’affront est même double, et nous fait noter une seconde évolution dans le récit : Herr Zeller regarde en direction de Max, l’ami du baron, pendant la chanson Edelweiss, et celui-ci redresse cette fois la tête en signe de fierté nationaliste, presque de défiance face à l’envahisseur. Max, résistant par réflexe quelques scènes auparavant, a donc évolué. Mieux, c’est lui qui aide la famille à prendre la fuite en leur indiquant une issue de secours, en prenant son temps lors de la remise des prix, et il décrochera même un franc sourire de satisfaction lorsque Herr Zeller réalisera la supercherie.

Signalons que cette toile de fond nazie eut une répercussion jusqu’aux choix de tournage même, puisqu’il se révéla impossible de tourner dans l’authentique demeure de la famille von Trapp. La raison en incombe au fait qu’un officier nazi y avait résidé pendant la guerre, un mur ayant alors été construit autour de la propriété. Toujours en place au moment du tournage de la Mélodie du Bonheur, l’option d’une autre bâtisse fut préférée à l’aspect peu photogénique de la véritable villa d’origine… Par ailleurs, dans la séquence qui suit directement le travelling descendant du haut de la cathédrale (fameuse transition évoquée avec la cloche), des problèmes d’autorisation survinrent, concernant la marche en rangs groupés des soldats et la mise en place des croix gammées. L’utilisation d’uniformes et de drapeaux affichant l’emblème du parti nazi souleva en effet des problèmes auprès des autorités autrichiennes de l’époque. Rajouté aux difficultés de tournage inhérentes à l’alternance constante de soleil et de pluie, obligeant à faire les premières prises de vues dans les studios Fox de Los Angeles pendant le premier mois -en avril 64- avant de pouvoir filmer en extérieur à Salzbourg (il y neige au printemps), le tournage de la Mélodie du Bonheur ne fut donc pas de tout repos.


ÉVOLUTION À TOUS POINTS DE VUE

Les protagonistes de la Mélodie du Bonheur évoluent très distinctement au fil du récit, et mûrissent véritablement sans pour autant renier ni leurs idéaux ni les valeurs auxquelles ils croient. Chacun se retrouve confronté à un moment précis à une situation inattendue le poussant à un choix de vie a priori inconcevable (Maria renonce à la vie monastique pour épouser le capitaine ; ce dernier choisira l’exil malgré toute l’affection qu’il porte à sa terre natale), mais aucun ne trahit sa nature ou ne va à l’encontre de ses sentiments profonds. De cette manière les personnages vivent de nets bouleversements, salutaires ou tragiques, et l’on constate une évolution à différents niveaux, qu’il s’agisse des mœurs, des rapports entre les protagonistes ou de jeux de regards plus marqués, et ce dès lors que le festival musical intègre le fil de l’histoire. Comme nous l’avons en effet vu plus haut, c’est le moment où les rapports entre Liesl et Rolf changent et où la chanson Edelweiss diffère au niveau de la symbolique, tout comme le regard de Max sur le régime nazi, modifiant jusqu’à son comportement.

Il y a également une autre évolution très importante à signaler. En passant de gouvernante à épouse du baron, les rapports de Maria avec les enfants sont tout autres : de gouvernante elle devient mère et son regard se veut davantage bienveillant et à l’écoute de ces jeunes. Maria est probablement le personnage qui aura le plus évolué au fil du récit. Entre la séquence d’ouverture où elle chante dans la plaine en oubliant l’office du jour au couvent, la retraite forcée dans la demeure d’un ancien militaire, l’acceptation par une bande d’enfants énergiques et l’amour naissant pour le même baron qu’elle finira par épouser, en passant par la fuite du régime nazi au péril de sa vie, Maria mûrit incontestablement entre le début et la fin de l’histoire, mais en chemin elle n’aura rien perdu de sa générosité, de sa joie de vivre et de sa pugnacité.

































Une dimension universelle

Epilogue


Les retombées économiques et l’impact auprès du public de la Mélodie du Bonheur furent phénoménaux. A sa sortie, le film surpassa en terme d’entrées Autant en emporte le vent (1939) et la bande originale fut un succès sans précédent -exception faite d’autres comédies musicales comme le Magicien d’Oz ou Mary Poppins. En un mot, sauvant la Fox d’une faillite certaine, récoltant 163 M$ sur le seul territoire américain et consacrant définitivement Julie Andrews, l’œuvre de Robert Wise devint un classique instantané.

Sous des dehors de comédie musicale au ton léger et champêtre (voir l’affiche et même le titre), aux tendances mièvres -histoire d’une novice qui découvre l’amour d’un homme-, ce film s’avère en réalité une ode à l’importance des sentiments véritables et à l’attachement au sol natal (le baron qui préfère Maria à la baronne superficielle, sa relation avec ses enfants qui passe de militaire à paternelle, les liens familiaux toujours puissants) mais aussi à la résistance face à l’ennemi fasciste évoqué ici dans l’Autriche des années 40 -thème encore sensible à la sortie du film. La Mélodie du Bonheur se veut ainsi universel, ce qui explique la pérennité de son succès.
Il fait aussi largement appel à nos souvenirs d’enfance, à notre innocence d’alors (les jeux des enfants avec Maria, les chants et les marionnettes, le flirt avec Rolf), et évoque le passage brutal à l’âge adulte avec la découverte du mal et des intrigues du monde « des grands » (machiavélisme de la baronne qui pousse Maria à partir, changement de l’attitude de Rolf, présence des nazis plus forte)… La fuite finale et forcée montre quant à elle l’esprit d’indépendance farouche d’une famille qui, malgré la persécution, ne reniera à aucun moment ses valeurs.

Le long métrage a également recours à toute une série d’astuces scénaristiques et techniques qui véhiculent plus efficacement les parti pris de Robert Wise, ainsi ce subtil jeu des regards entre les protagonistes adultes, qui ne sont pas dupes et savent prendre leurs responsabilités en temps voulu ; cette frappante dualité opposant merveilleux (hymne à la vie) et douloureux (contexte politique tragique) ; ou encore ce parfait contraste entre la démesure et l’intime (le couvent et la demeure du capitaine). La mise en scène, discrète et efficace, ne laisse pour sa part aucun instant de répit au spectateur, captivé mais jamais essoufflé.

La Mélodie du Bonheur demeure enfin un divertissement d’excellente facture où la petite histoire rejoint la grande : la Seconde Guerre Mondiale et plus spécifiquement l’occupation nazie -avec toute la dimension mémorielle qui en découle- sont constamment présentes en filigrane. L’omniprésence de la religion catholique rejoint à son tour l’Histoire, sinon le domaine de la foi, de par son caractère millénaire. Ainsi le sacré côtoie l’atrocité humaine, le spirituel rejoint la barbarie, rappelant la notion de Bien et de Mal sans pour autant verser dans le manichéisme primaire. Le long métrage de Robert Wise réunit de fait tous les ingrédients d’un récit lyrique, exalté et inspiré, où la tragédie n’est jamais bien loin de la féerie.

Le film aborde des thèmes capitaux, et en invitant à jouir de la vie, se révèle digne de figurer au panthéon des plus grandes, belles et merveilleuses œuvres cinématographiques mondiales.


















Sources


Ouvrages généraux


- Anderson, William, Wade, David, The World of the Trapp Family, Anderson Publications, G-B, 1998, 168 p.

- Bly, Robert, l’Homme sauvage et l’enfant, le Seuil, Paris, 1992, 250 p.

- Desoille, Robert, le Rêve éveillé dirigé en psychothérapie, Erès, Paris, 2000, 172 p.

- Eco, Umberto, la Guerre du faux, Grasset, Paris, 1985, 274 p.

- Mercier, Elisabeth, le Rêve-Eveillé-Dirigé revisité, L’Harmattan, Paris, 2003, 192 p.

- Trapp, Maria Augusta, the Story of the Trapp Family Singers, Image, G-B, 1949, 320 p.



Ouvrages cinématographiques


- Altman, Rick, la Comédie musicale hollywoodienne, Armand Colin, Paris, 1992, 416 p.

- Aumont, Jacques, Bergala, Alain, Marie, Michel, Vernet, Marc, Esthétique du film, Nathan, Poitiers, 1999, 238 p.

- Bazin, André, Qu’est-ce que le cinéma ?, Editions du Cerf, Paris, 1999, 372 p.

- Bouineau, Jean-Marc, les 100 Chefs-d’œuvre du film musical, Marabout, Belgique, 1989, 222 p.

- Brion, Patrick, Cinéma, la Comédie Musicale, Liber, Suisse, 1997, 120 p.

- Carr, Charmian, Forever Liesl : A Memoir of The Sound of Music, Penguin, USA, 2001, 256 p.

- Chion, Michel, la Comédie musicale, les Cahiers du Cinéma, Paris, 2002, 96 p.

- Cieutat, Michel, les Grands thèmes du cinéma américain, tome II, le Cerf, Paris, 1991, 445 p.

- Hirsch, Julia Antopol, The Sound of Music, McGraw-Hill, USA, 1965, 240 p.

- Joly, Martine, Introduction à l’analyse de l’image, Nathan, Paris, 1993, 128 p.

- Leemann, Sergio, Robert Wise on His Films : From Editing Room to Director’s Chair, Silman-James Press, G-B, 1995, 223 p.

- Masson, Alain, Comédie musicale, Ramsay Poche Cinéma, Sarthe, 1994, 416 p.

- Rapp, Bernard, Lamy, Jean-Claude, Dictionnaire des films, Larousse, Auxerre, 2000, 826 p.

- Rui, Nogueira, Robert Wise, Numéro Spécial, Paris, 1972, 200 p.

- Simsi, Simon, Ciné-Passions, Editions Dixit, Paris, 2000, 320 p.

- Thompson, Frank, Robert Wise, A Bio-Bibliography, Greenwood Press, USA, 1995, 184 p.



Sites Internet

 HYPERLINK "http://www.filmsite.org/soun.html" www.filmsite.org/soun.html
 HYPERLINK "http://www.trappfamily.com/history.html" www.trappfamily.com/history.html
 HYPERLINK "http://www.imdb.com/title/tt0059742/alternateversions" www.imdb.com/title/tt0059742/alternateversions
frames.free.fr
























Filmographie complÈte
de Robert Wise


Rooftops (1989)
Star Trek : The Motion Picture (79)
Audrey Rose (77)
The Hindenburg (75)
Two People (73)
The Andromeda Strain (71)
Star ! (68)
The Sand Pebbles (66)
The Sound of Music (65)
The Haunting (63)
Two for the Seesaw (62)
West Side Story (61)
Odds Against Tomorrow (59)
I Want to Live ! (58)
Run Silent Run Deep (58)
Until They Sail (57)
This Could Be the Night (57)
Somebody Up There Likes Me (56)
Tribute to a Bad Man (56)
Helen of Troy (56)
Executive Suite (54)
So Big (53)
Destination Gobi (53)
The Desert Rats (53)
Something for the Birds (52)
The Captive City (52)
The Day the Earth Stood Still (51)
The House on Telegraph Hill (51)
Three Secrets (50)
Two Flags West (50)
The Set-Up (49)
Blood on the Moon (48)
Mystery in Mexico (48)
Born to Kill (47)
Criminal Court (46)
The Body Snatcher (45)
A Game of Death (45)
Mademoiselle Fifi (44)
The Curse of the Cat People (44)


Les titres sont volontairement laissés en VO.
Cette liste ne tient compte que des réalisations, écartant ainsi productions et autres apparitions en tant qu’acteur.


















Annexe

- Extrait (en anglais) du livre The Story of the Trapp Family Singers




























Part one

Just Loaned

Somebody tapped me on the shoulder. I looked up from the workbooks of my fifth graders, which I was just correction, into the lined, old face of a little lay sister, every wrinkle radiating kindliness. “Reverend Mother Abess expects you in her private parlor” she whispered.
Before I could close my mouth, which had opened in astonishment, the door shut behind the small figure. Lay sisters were not supposed to converse with candidates for the novitiate.
I could hardly believe my ears. We candidates saw Reverend Mother Abbess only from afar in choir.
We were the lowest of the low, living on the outskirts of the novitiate, wearing our black mantillas, waiting with eager anticipation for our reception into the scared walls of the novitiate. I had just finished the State Teachers’ College for Professive Education in Vienna and had to ger my Master of Education degree before the heavy doors of the enclosure would shut behind me-forever.
It was unheard of that Reverend Mother Abbess should call for a dandidate. What might this mean ? Her private parlor was far at the other end of the old Abbey, and I close the longest detour to go there, in order to gain time for examining my conscience. I was the black sleep of the community; there was no doubt about that. I never meant anything bad, but my upbringing had been more that of a wild boy than that of a young lady. Time and again I had been warned by the Misteress of Novices that I could not race over the staircase like that, taking two and three steps at a time; that I definitely could not slide down the banister; that whistling, even the whistling of sacred tunes, had been heard in these venerable rooms before; that jumping over the chimneys on the flat roof of the school wing was not fitting for an aspirant to the novitiate of the holy Order of Saint Benedict. I agree wholeheartedly each time, but the trouble was, there were so many new trespasses occuring every day.
What was the matter now, I throught, slowly winding my way down the two flights of old, worn steps, through the ancient cobbestoned kitchen yard, where the huge Crucifix greets one from the wall, and where the statue of Saint Erentrudis, founder of our dear old Abbey, rises above a fountain. Slowly I entered the cloister walk on the other side of the kitchen court.
Troubled as I was, searching though my laden conscience, I still felt again the magic of the supernatural beauty of this most beautiful place on earth. Twelve hundred years had worked and helped to make Noonberg, the first Abbey of Benedictine Nuns norh of the Alps, a place of unearthly beauty. For a moment I had to pause and glance again over the gray, eighth-century cloister wall before I ascended the spiral stairway leading to the quarters of Reverend Mother Abbess.
Shyly I knocked on the heavy oaken door, which was so thick that I could hear only faintly the “Ave” Benedictine equivalent of the American, “Hello, come in”.
It was the first time I had been in this part of the Abbey. The massive door opened into a big room with an arched ceiling; the one column in the middle had beautifully simple lines. Amost all the rooms in this wonderful Abbey were arched, the ceilings carried by columns; tbe windows were made of stained glass, even in the scholl wing. Near this window there was a large desk, from which rose a delicate, small figure, wearing a golden cross on a golden chain around her neck.
“Maria dear, how are you, darling?”
Oh this kind, kind voice ! Not only stones, but big rocks fell from my heart when I heard that tone. How could I ever have worried ? No, Reverend Mother was not like that-making a fuss about little things like whistling-and so a faint hope rose in my heart that she might perhaps talk me now about the definite date of my reception.
“Sit down, my child. No, right here near me”
After a minute’s pause she took both my hands in hers, looked inquiringly into my eyes, and said : “Tell me, Maria, which is the most important lesson our old Nonnberg has taught you ?”
Without a moment’s hesitations I answered, looking fully into the beautiful, dark eyes : “The only important thing on earth for us is to find out what is the Wil of God and to do it”
“Even if it is not pleasant, or if it is hard, perhaps very hard ?” The hands tightened on mine. Well now, she means leaving the world and giving up everything and all that, I thought to myself.
“Yes, Reverend Mother, even then, and wholeheartedly, too”
Releasing my hand, Reverend Mother sat back in her chair.
“All right then, Maria, it seems to be the Will of God that you leave us fot a while only” she continued hastily whan she saw my speechless horror.
“L-l-leave Nonnberg” I stuttered, and tears welled up in my eyes. I couldn’t help it. The motherly woman was very near now, her arms around my shoulders, which were shaking with sobs.
“Your headaches, you know, growing worse from week to week. The doctor feels that you have made too quick a change from mountain climbing to our cloistered life, and he suggests we send you away, for less than one short year, to some place where you can have normal exercice. Then it will all settle down, and next June you will come back, never to leave again.”
Next June my godness, now it was only October !
“It just so happened that a certain Baron von Trappn retired Captain in the Austrian Navy, called on us today. He needs a teacher for his little daughter, who is of delicate health. You will go to his house this afternoon. And now kneel down ; I want to give you my blessing.”
I knelt down. The fine, delicately small hand made the sign of the Cross on my forehead. I kissed the ring and, as through a veil, I had a last glance into those unforgettable eyes, which seemed to know all about woe and sorrow, grief and suffering, but also victory and peace. I couldn’t utter a single world without bursting out loudly, but no words were needed anyway.
“Now then, go and go it, and wholeheartedly, too”
That was all.
A few hours later I was seated on one of the green benches under the old chestnut trees at the Residenzplatz in Salzburg, wainting for the bus that was to take me to Aigen. One hand was clasped tightly around a piece of paper which said : “Captain Gearg von Trapp, Villa Trapp, Aigen bei Salzburg” : the other one held the handle of an the bench, and which contained all my earthlty possessions, mostly books. Under my arm was pressed the neck of an almost inseparable part of myself, my guitar. Years back, when I had started to work my way through college, I had bought it with my first self-earned money. It had accompagnied me everywhere, on all the many trips and hikes through the Alps, us to the holy hill of Nonnberg. And now it went with me into exile.
I was still bewildered, everything had happened so fast. I tried to review the last few hours, which had passes like a bad dream. After I had come back to Reverend Mother Abbess, my Mistress of Novice, Frau Rafaela, was already waiting for me in the candidates’ her arms full of clothing. When I had entered the convent a year before , I had exchanged my Austrian costume for the black dress and black mantilla of the candidates. My own clothes had been given away during the year to some needly persons after the Chapter meeting had decided I was to be admitted for reception. I could see that Frau Rafaela felt quite badly about the whole situation, too. She looked a little helplessly at the clothes on her arm, which had belonged to another novice who was a little shorter and wider than I. She chose one dress an, obediently, I put on an old-fashioned blue serge gown with funny latticework around the neck and sleeves. I put it on three times, because I could not make out which was front and which was back. Next came a leather hat, which looked exactly like a fireman’s helmet. It went right down to my brow, and I had to give it a lirrle push when I wanted to see Frau Rafaela, who just said :
“Now let me loot at you.”
As she stepped back a little, her eyes wandered from the hat down to the blue dress, on to the black stocking and heavy, black shoes. She nodded approvingly.
“Very nice – very elegant”
Frau Rafaela was a saintly, elderly nun ; the days of her farewall to the world dated back at the least thirty years. I feel pretty sure now that I must have reminded her vividly of the young ladies of her own day.
Then came a few instructions : On my day off I should always come back to the convent ; I should remenber the doctor’s advice to get enough sleep and exercise but moderate, moderate ; and finally, I should always bear in mind that my home and place was Nonnberg, and although I had to deal with the people of the world, I was just loaned to them.
My heart ached when I had to bid farewell to the other three young candidates with whom I had shared the big, lofty room overlooking the green valley of the Salzach River. While Frau Rafaela bent over a littre scrap of paper to write down the name of the place where I was to go, I took in with one last glance the picture of the large, oblong toom with the six windows, the white-curtained cells along the wall, where we slept, the large table in the middle, and the huge, old-fashioned Kachelofen, the European tile stove which can radiate so much comfort and warmth in the severe Salzburg winters. How happy I had been there, and how long it would be until I should be back ; but “The Will Be Done” was painted in faded, old-fashioned letters over the door on the whitewashed wall.
A few more words, a final blessing, and for the last time my fingers dipped into the pewter holy water font. For a few moments I knelt at the choir grate, looking down to the main altar asking Our Lord for strength. Then the old oaken door opened with a cranky squeak, unwilling, it seemed to me, to let the youngest child of Noonberg go back into a world from which it would much rather have protected hed.
When I stepped from the cool archway into the centuries-old graveyard, my eyes, half blinded by teard and the bright sunshine, fell upon the inscription of a weathered gravestone, crooked with age : “God Will Hath No Why”
Under the arched doorway which was cut into the big outer wall of the cemetery I turned for a last loving look at cherished walls and whispered : “I will be back-soon”.
 La faute en incombe principalement au titre français, fortement connoté ‘bons sentiments’, tandis que le titre original, the Sound of Music, retranscrit plus fidèlement toute la richesse et la profondeur du long métrage.
 Trapp, Maria Augusta, the Story of the Trapp Family Singers, Image, Grande-Bretagne, 1949, 320 p.
La véritable Maria von Trapp fait par ailleurs une apparition clin d’œil dans le film.
 L’on tiendra évidemment compte des nombreux points de dissemblance, à commencer par le fait que le film de Charles Chaplin fut réalisé simultanément aux événements tragiques qui secouèrent le Monde.
 L’interprétation de Mary Martin, alias Maria (de 1959 à 1961), lui vaudra de remporter un Tony Award.
 Chiffres provenant du site Internet The Numbers ( HYPERLINK "http://www.the-numbers.com/movies/1965/0SOMU.html" http://www.the-numbers.com/movies/1965/0SOMU.html).
 Simsi, Simon, Ciné-Passions, Editions Dixit, Paris, 2000, 320 p.
 Laquelle commence dès le pré générique, et dure jusque 2 h 13 du film (et non jusqu’à l’entracte, arbitraire).
 La plupart des informations proviennent du site Internet Trapp Family Lodge, accessible à l’adresse suivante :  HYPERLINK "http://www.trappfamily.com/history.html" http://www.trappfamily.com/history.html.
 Les propos retranscrits dans ce travail sont pour la plupart issus du commentaire audio du réalisateur, présent sur l’édition DVD Collector de la Mélodie du Bonheur, parue chez l’éditeur 20th Century Fox en mai 2001.
 Le couvent du film est celui de l’abbaye de Nonnberg, où se trouvaient des bénédictines cloîtrées. Ayant interdiction d’entrer et de filmer, la cour extérieure fut reconstituée en studio par le chef décorateur Boris Leven.
 Une polémique à ce sujet, baptisée les oranges d’Israël, apparut au cours du tournage. Les oranges vues au marché se trouvaient en effet dans des cagettes avec le nom d’Israël imprimé dessus. On pouvait le distinguer sur des photos prises sur le tournage, et beaucoup pointèrent l’anachronisme : Israël n’existait pas encore sous ce nom-là, à l’époque où est censé se situer le film. Au final, ces cagettes ont disparu du champ…
 Pour le lac retenu comme décor de la scène, on décida de trouver un autre endroit que l’arrière de la villa. Le choix se porta sur l’école Leopold, autrefois propriété de Max Rheinhardt. « C’était un lac artificiel, précise Robert Wise. On n’a pas eu les autorisations ». Ainsi l’emplacement du tournage fut la propriété voisine, nommée Berthlesman, où Boris Leven reproduisit jardin et ponton de l’école Leopold.
 Bly, Robert, l’Homme sauvage et l’enfant, le Seuil, Paris, 1992, 250 p.
 Cette séquence du mariage fut tournée en la cathédrale de Mondsee, située à 20 kilomètres de Salzbourg.
 La chanson se termine ainsi aux jardins Mirabell, situés au centre ville de Salzbourg.
 L’on peut toutefois en entendre une esquisse d’interprétation à la fin de la séquence de Maria et la baronne dans la chambre.
 Pour une majorité de spectateurs, il s’agit de la meilleure chanson du film : un aspect fédérateur décidément intéressant à étudier…
 Eco, Umberto, la Guerre du faux, Grasset, Paris, 1985, 274 p.
 Mercier, Elisabeth, le Rêve-Eveillé-Dirigé revisité, L’Harmattan, Paris, 2003, 192 p.
 Desoille, Robert, le Rêve éveillé dirigé en psychothérapie, Erès, Paris, 2000, 172 p.
 K. Waldheim est un diplomate et homme politique autrichien, né en 1918 à Sankt Andrä-Wördern (près de Vienne). Secrétaire général de l’ONU de 72 à 81, il fut président de la république d’Autriche de 86 à 92.
 On rappellera d’ailleurs l’origine autrichienne d’Hitler, né dans le village de Braunau Am Inn en avril 1889.
 Plus d’informations sur  HYPERLINK "http://www.doew.at" www.doew.at, adresse du Centre de Documentation de la Résistance autrichienne.
 Le festival du film fut tourné au Rocky Riding School, qui était à l’origine une école d’équitation.
 Rappelons que le svastika, nom indien du symbole sacré en forme de croix gammée, était employé par d’autres civilisations bien avant l’appropriation par Adolf Hitler d’un svastika noir comme symbole aryen remontant selon lui aux indo-européens primitifs… On le retrouvait ainsi déjà en Islande en tant que marteau de Thor tournoyant dans le ciel, et représentant le soleil, ou encore à trois branches en tant que triskel celte. Le comte de Champagne, roi de Navarre en 1234, avait quant à lui hérité du comté de Mantes par son épouse, la fille du roi Louis IX et ordonna l’inscription, sur la collégiale, d’un nouvel ornement : les armes de Champagne, fameuses croix appelées svastikas. Précisons que les branches de la croix gammée nazie sont orientées vers la droite, alors que celles des svastikas de la collégiale le sont vers la gauche. Troublante coïncidence, certaines civilisations considèrent que l’orientation des branches est bénéfique à gauche et maléfique à droite.









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Friedrich

Herr Zeller

Rolf

La baronne

Le capitaine

Maria

Louisa

Gretl

Marta

Brigitta

Kurt

Liesl

Sympathisants nazi

Famille von Trapp







Extrait du livre The Story of the Trapp Family Singers



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