Séminaire des Régies d'eau et d'assainissement, Grenoble, le 18 ...
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17Les régies de leau et de lassainissement de Nantes-Métropole23Le Syndicat des eaux de la Veaune 27Table ronde : comment défendre, au niveau des instances européennes, le libre choix du mode de gestion et la gestion publique des services deau et dassainissement ?Les principaux enjeux actuels de la politique communautaire en matière de gestion des services publics locaux33Lexemple des villes allemandes37Lexemple des villes allemandes41Aqua Publica Europea : une nouvelle association qui défend la gestion publique de leau auprès des instances européennes43Atelier sur le retour en régie Le retour en régie de la Ville de Venelles45Le cas dune grande ville : Paris51La création de la régie « Castraise de leau »59Conclusions67ANNEXES Les présentations
Présentation du Séminaire Remerciements
Ce séminaire, essentiellement consacré à la présentation de régies deau et dassainissement performantes et de plusieurs expériences récentes de retour en régie à lissue de contrats de délégation, était très attendu par tous ceux qui sintéressent aux changements actuels observés dans lorganisation des services deau et dassainissement. Le mode de gestion nest plus considéré aujourdhui ni comme un choix idéologique, ni comme une option quasiment irréversible. Au contraire, un grand nombre de collectivités prennent lhabitude de procéder périodiquement à un examen objectif de lorganisation de leurs services deau et dassainissement, ainsi quà une réflexion prospective comparant les mérites respectifs dune gestion publique ou dune délégation à des opérateurs privés.
Dans ce contexte, le Conseil dOrientation des Régies dEau et dAssainissement de la FNCCR a estimé quil était nécessaire de rassembler des praticiens de la gestion en régie, afin de mieux documenter ce mode de gestion performant au niveau local, mais souffrant encore dun manque de notoriété face aux entreprises délégataires qui mobilisent des moyens beaucoup plus importants pour communiquer et améliorer leur image.
Il était naturel dorganiser ce séminaire à Grenoble, ville emblématique du point de vue de lhistoire de ses services deau et dassainissement qui ont traversé de nombreuses péripéties au cours des vingt-cinq dernières années. Comme il a été indiqué au cours du séminaire, ces services connaissent aujourdhui un fonctionnement plus stable dans le cadre dune gestion publique modernisée, comportant un partenariat fort avec les représentants des usagers, un savoir-faire technique incontestable et des investissements qui ont presque triplé par rapport à la période de la délégation, alors que le prix de leau en 2008 reste inférieur, en euros constants, au niveau atteint en 1995.
Lorganisation du séminaire a été assurée par le service de leau de la FNCCR avec le concours de la Régie des Eaux de Grenoble. Nous remercions tout particulièrement lensemble des intervenants qui ont accepté de faire part de leurs expériences de nature très diverse. Nous remercions également la Ville de Grenoble pour son accueil et le Musée de Grenoble pour le soutien logistique quil a apporté.
Enfin, nous incitons les Régies dEau et dAssainissement qui ne font pas encore partie du Conseil dOrientation de la FNCCR à nous rejoindre afin de développer ensemble des actions de promotion du savoir-faire et de lefficacité de ces Régies, dans lintérêt de toutes les collectivités y compris les collectivités délégantes qui doivent disposer dune alternative crédible afin de discuter dans les meilleures conditions avec les entreprises délégataires.
Paul RAOULT
Sénateur du Nord,
Président des syndicats deau et dassainissement du Nord,
Vice président de la FNCCR et président de son conseil dorientation des régies deau et dassainissementÉric GRASSET
Président de la Régie des Eaux de Grenoble,
Vice-président de Grenoble-Alpes Métropole,
Conseiller Régional Rhône-Alpes
Programme du séminaire
Ouverture
Jérôme Safar, 1er adjoint au maire de Grenoble
La gestion en régie de leau et de lassainissement à Grenoble
Le service public de leau de la Ville de Grenoble, hier, aujourdhui et demain
Éric Grasset, président de la Régie des Eaux de Grenoble, vice-président de Grenoble-Alpes Métropole (la Métro), Conseiller régional Rhône-AlpesJacques Tcheng, directeur de la Régie des Eaux de Grenoble
Le retour en régie du service de lassainissement de Grenoble-Alpes-Métropole (la Métro)
François Diaz, vice-président de Grenoble-Alpes Métropole (la Métro), maire de Saint-Paul-de-VarcesBruno Maneval, directeur de la Régie de lassainissement de la Métro
Les régies de leau et de lassainissement de Nantes-Métropole
Des régies fonctionnant sous le contrôle de la collectivité
Une comparaison permanente de lefficacité des régies et des exploitants privés
Raymond Lannuzel, vice-président de Nantes Métropole, chargé de leau potable et de lassainissementJean-Luc Perrouin, directeur de leau de Nantes-Métropole
Le Syndicat des eaux de la Veaune
Une régie rurale dans la Drôme des collines
Max Osternaud, président du Syndicat des eaux de la VeaunePierre Savinel, directeur du Syndicat des eaux de la Veaune
Table ronde : comment défendre, au niveau des instances européennes, le libre choix du mode de gestion et la gestion publique des services deau et dassainissement ?
Les principaux enjeux actuels de la politique communautaire en matière de gestion des services publics locaux
Michel Desmars, chef du service de leau de la FNCCR
Lexemple des villes allemandes
Uwe Wrieden, maire de Wietzendorf (Basse-Saxe)Wilhelm-Josef Dewey, conseiller technique du président du CEEP (Centre européen des entreprises de service public).
Aqua Publica Europea : une nouvelle association qui défend la gestion publique de leau auprès des instances européennes
Mme Odile de Korner, directrice générale dEau de Paris
Atelier sur le retour en régie
Le retour en régie de la Ville de Venelles
Jean-Pierre Saez, maire de Venelles Max Bariguian, directeur de la Régie des Eaux de Venelles
Le cas dune grande ville : Paris
Odile de Korner, directrice générale dEau de Paris
La création de la régie « Castraise de leau »
Pierre Lapelerie, directeur de Castraise de leau
Conclusions
Paul Raoult, sénateur du Nord, président des syndicats deau et dassainissement du Nord, président du conseil dorientation des régies deau et dassainissement de la FNCCR
Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et RégiesAssociation nationale délus locaux, créée en 1934 sous le régime « association loi de 1901 »
Laction de la FNCCR
Organe d'expression collective d'élus responsables de l'organisation de services publics locaux, la FNCCR fait valoir, aux niveaux national et européen, le point de vue de ses adhérents auprès des pouvoirs publics et des autres interlocuteurs (consommateurs, entreprises, etc.). Comme relais d'opinion de ses collectivités adhérentes, la FNCCR constitue une force de proposition lors de l'élaboration de la législation et de la réglementation applicables aux services publics locaux.
Elle agit notamment en faveur de l'évolution du cadre institutionnel dans lequel s'inscrivent ces services publics, afin que celui-ci tienne compte des réalités du terrain. Ses représentants siègent dans diverses instances de concertation ou de décision.
Au sein de la FNCCR, les instances dorientation, de réflexion et déchanges (congrès triennal, assemblée générale, journées d'études, commissions spécialisées, stages de formation
), constituent autant d'occasions pour les adhérents de mettre en commun leurs réflexions et leurs expériences et de porter leurs idées au plus haut niveau.
La FNCCR assure par ailleurs une veille juridique très complète pour le compte de ses adhérents. Elle édite également des ouvrages de référence destinés à un large public ou des lettres dinformations périodiques à l'intention des collectivités. Elle répond au cas par cas aux questions précises de ses adhérents, dans ses domaines de compétence.
Lintercommunalité de services:
La FNCCR regroupe principalement:
Les collectivités organisatrices des services publics dénergie
Ces collectivités, constituées de syndicats de communes supra-départementaux, départe-mentaux ou infra-départementaux, de départements, de villes, sont propriétaires des réseaux d'électricité à basse et moyenne tension, ainsi que des canalisations de gaz à basse et moyenne pression. Le plus souvent, le service public est concédé par ces autorités concédantes à EDF (pour 95 % des communes desservies), à GDF, ou à d'autres concessionnaires. Il peut être aussi géré directement, par des régies communales ou intercommunales (5 % des communes). La quasi-totalité des syndicats dénergie adhèrent à la FNCCR, ainsi que certaines villes.
Les collectivités organisatrices des services publics deau et dassainissement
Ces collectivités sont constituées de villes, de communautés ou de syndicats dont certains à cadre départemental. La gestion du service public est assurée soit par des entreprises délégataires ou SEM (concession, affermage, parfois régie intéressée), soit en régie (parfois avec des marchés dexploitation conclus avec des entreprises). La FNCCR compte plus de 350 collectivités adhérentes au titre de ses activités dans le domaine de leau et de lassainissement ; elles représentent environ 32 millions dhabitants.
Dautres pôles de compétence sont en cours de développement au sein de la FNCCR (notamment pour les collectivités organisatrices de services publics de gestion et traitement des déchets).
Avec ces nouveaux pôles, la FNCCR entend promouvoir les synergies entre ses adhérents grâce à la proximité croissante entre le secteur de l'énergie, celui de leau et celui des déchets, pour favoriser lémergence dacteurs locaux à vocation départementale.
Le service public de leau de la Ville de Grenoble, hier, aujourdhui et demain
Éric GRASSET, Président de la Régie des Eaux de Grenoble, vice-président de Grenoble-Alpes MétropoleConseiller régional Rhône-Alpes
Jacques TCHENG, Directeur de la Régie des Eaux de Grenoble
Éric GRASSET
La Régie des Eaux de Grenoble (Reg) est un très bel outil, que je préside depuis mars 2008 et que japprends à connaître, puisque je suis aussi nouvel élu. Je consacre du temps à comprendre son fonctionnement et à poser les choix politiques que nous avons présentés aux Grenoblois avec Michel Destot, au cours de la dernière campagne électorale. La question de leau, à Grenoble, est une question de débat au sens large, mais aussi, parfois, de micro-politique, où il sagit par exemple de régler, avec les services de la régie, des questions de droit deau pour quelques litres par minute qui remontent à un siècle, dans des concessions deau qui présentent des difficultés.
Leau, cest donc de la gestion, ce sont de grands choix politiques entre le public et le privé à titre personnel et comme représentant de léquipe municipale de Grenoble, jestime que leau est publique. Cest aussi gérer de petits canaux de dérivation de 2 000 l/mn avec un agriculteur au bout, la Ligue de protection des oiseaux au milieu, une autre mairie sur le côté et quelques petites difficultés.
Diaporama de présentation de la Régie des Eaux de Grenoble
Vue n°2
Grenoble est située à la confluence du Drac et de lIsère. La vallée du Drac, au sud de lagglomération, est notre lieu de captage deau, hors de la partie urbaine du cours deau, dans une partie plus rurale. Leau arrive du massif des Écrins et est filtrée par un système alluvionnaire.
La Régie des Eaux de Grenoble
Vue n°3
Nous avons la chance davoir un groupe de satellites de la Ville qui nous permettent damplifier notre action municipale : la Régie des Eaux ainsi que des systèmes dénergie et de chauffage. La Régie des Eaux est le satellite chargé de leau. Elle a pour missions de :
protéger et surveiller notre périmètre de captage ;
produire, maintenir et exploiter ;
travailler sur le système dadduction et de distribution deau potable ;
vendre de leau en gros : le président et les administrateurs trouvent que cette activité nest pas assez développée. Nous avons de grosses capacités de production deau. La Régie de Grenoble vend déjà de leau à trois autres communes de lagglomération. Nous souhaitons toucher dautres communes des syndicats deau qui existent autour de Grenoble.
Lagglomération grenobloise a la compétence en matière dassainissement, mais non la compétence en matière deau. Une vice-présidence chargée de leau a toutefois été créée en mars 2008. Cest une nouveauté dans cette agglomération, qui a pourtant un passé de plus dune quarantaine dannées dintercommunalité. Cette charge ma été déléguée par le président Didier Migaud. Jai lintention de la faire monter en puissance pour faire en sorte que dans les années à venir, nous puissions avoir un système deau à léchelle de lagglomération et pas uniquement à léchelle communale.
Vue n°4
Notre périmètre de protection, situé en dehors de la commune, est lun des plus grands dEurope, avec 2 400 ha, c'est-à-dire une fois et demie la ville de Grenoble, qui est une petite ville en termes de surface (1 800 ha). Sur ces 2 400 ha, la Ville de Grenoble est propriétaire de 500 ha. Les niveaux de protection sont différenciés.
Vue n°5
La station de captage des eaux de Rochefort est notre usine principale de production.
Vue n°6
Les puits présentent un aspect lunaire. En arrivant dans le site de captage, on traverse un rocher par un tunnel et lon débouche dans une plaine avec le Drac, au fond, et des puits en forme de soucoupe.
Vue n°7
Limage montre lintérieur dun puits réalisé en émaux. Cest magnifique et cela mérite la visite.
Vue n°8
Le premier réservoir, celui de Rochefort, situé sur le site de captage, a une capacité de 3 500 m3. Il rassemble les eaux des différents puits. À partir de là, leau repart sur les deux réservoirs de Bresson, commune de lagglomération où la ville de Grenoble a deux réservoirs de 20 000 m3. Notre consommation journalière avoisine les 40 000 m3.
Vue n°9
Le réseau de distribution est long de 240 km, ce qui est assez faible pour une ville de près de 160 000 habitants, mais qui sexplique par sa compacité. Cela sinscrit bien dans le sens du développement durable, puisque cela conduit à une gestion optimale pour réduire les distances. Je présenterai lundi soir avec mes collègues la délibération cadre sur le développement durable pour les six ans du mandat.
Nous avons environ 50 000 abonnés, pour une consommation de près de 12 millions de m3. Comme lensemble des distributeurs deau, nous enregistrons une baisse de vente deau. Comme écologiste, je men satisfais mais comme gestionnaire, jen connais aussi les conséquences. Cette baisse de vente deau est permanente, à Grenoble : en vingt-cinq ans, depuis les années quatre-vingts, la vente a baissé dun tiers. Doù la nécessité dimaginer des systèmes différenciés.
Vue n°10
La Régie de Grenoble est une régie à personnalité morale et à autonomie financière. Elle emploie 85 salariés, réalise 26 millions deuros de chiffre daffaires.
Son eau est naturellement pure, sans aucun traitement, ce qui est une chance en termes de développement pour lensemble de notre agglomération.
Cest aussi lune des eaux les moins chères de France, puisque Grenoble se trouve dans le trio de tête des villes les moins chères pour le prix de leau.
Vue n°11
La baisse de la consommation va devoir être prise en compte. Comme la plupart des autres villes, nous aurons à discuter du prix de leau.
Vue n°12
Leau de Grenoble a la qualité des eaux embouteillées. Sans vouloir établir de comparaison, la diapositive montre les caractéristiques de leau de la Reg par rapport aux normes de potabilité. Les caractéristiques dautres eaux sont mentionnées à titre indicatif.
De grands objectifs pour les 6 prochaines années
Les quatre grands objectifs ou grands chantiers grenoblois en matière deau, pour les six années de ce mandat, sont les suivants :
un service public de leau à un prix maîtrisé. Cela ne signifie pas quil ny aura pas daugmentation deau pour répondre à ceux qui, de manière démagogique, qualifient danormale ou dimmorale toute augmentation de prix. Le conseil dadministration de la Reg souhaite un système permettant de préserver lavenir, notamment dun point de vue financier. Il nest pas besoin de grosses augmentations, mais le prix de leau englobe du personnel, des canalisations, etc. Ce dernier poste est en train grossir. Si lon ne répercute pas ces frais sur le prix de leau, cela implique quil faudra limiter les travaux. Or, je veux léguer à mon successeur un réseau en meilleur état encore quaujourd'hui ;
la préservation durable de nos milieux aquatiques et de notre site de Rochefort : une vraie réflexion de la Régie des Eaux de Grenoble doit sengager sur la création dune réserve naturelle régionale sur ce site ; en tant que conseiller régional, je veux associer la Région à cette réflexion. Je souhaite que nous puissions utiliser le site pour la production deau mais, puisquil y a également une pro-duction dénergie autour de leau à proximité de lusine, je voudrais que nous puissions utiliser notre site, qui est fermé, pour produire de lénergie. Je pense notamment à la SEM GEG, présidée par Jérôme Safar, qui pourrait investir sur le site de Rochefort. Je souhaite également une vraie réflexion sur la préservation des ressources végétales et animales aquatiques du site de Rochefort ;
ouvrir laccès de cette ressource en eau de Grenoble à toute lagglomération : nous devons mettre à la disposition du plus grand nombre dhabitants et dentreprises possibles cette ressource fabuleuse en matière de développement économique, notamment, ceci contre paiement, parce que cela a un coût ;
participer à un réseau de collectivités, via la FNCCR, pour comprendre quels sont les aspects favorables que rencontrent au quotidien nos collègues présidents de régies, mais aussi pour échanger sur nos questions et nos doutes, pour mettre en commun afin de créer un système qui nous permette de ne pas être mis en difficulté par dautres.
Oui, la gestion en régie est agréable et favorable aux citoyens ; oui, nous devons échanger et faire du développement durable.
Histoire deau: hier, aujourdhui
Jacques Tcheng
Vue n°13
Pour vous présenter lhistoire de leau de Grenoble, ce quelle était hier et lorigine du service des eaux de Grenoble, jétablis une chronologie des faits et un bilan du retour à la gestion publique après la privatisation.
Vue n°14
Avant 1989, cétait un service municipal classique, en régie. En octobre 1989, le maire de lépoque a décidé de sa privatisation, qui a été confiée à groupe privé. Une particularité : ce groupe gérait le service de leau à travers une structure nommée la Cogese, qui était entièrement dédiée à la gestion du contrat grenoblois. Dans beaucoup de collectivités, les structures fermières, en général, agissent sur plusieurs contrats simultanément, ce qui nuit à la transparence. En effet il est très important de pouvoir raccrocher les résultats financiers des comptes du délégataire, présentés à lautorité organisatrice, aux comptes sociaux quil a déposés au greffe. Cela permet de rapprocher la colonne « contrat » dune colonne « hors contrat » sil y a des écarts entre les deux.
Nous avons à Grenoble un milieu associatif très fort et des citoyens avertis. Sous la pression médiatique, mais aussi contentieuse et juridique, il y a eu une alternance politique en 1995. Dès son élection, Michel Destot a souhaité revoir la relation avec le fermier. Il y avait plusieurs possibilités : demander lannulation pure et simple du contrat, mais dans ce cas, il convenait de verser une indemnité très importante, ou mener une négociation pour que cela se fasse en bonne intelligence et dans lintérêt général. Cest cette voie qui a été retenue. Une société déconomie mixte a été créée. Le fermier a accepté que la Ville de Grenoble devienne actionnaire à 51 % de la structure Cogese et assure la gestion du service public à travers la SEM.
Dans le même temps, le fermier a souhaité créer une société dénommée SGEA, Société grenobloise deau et dassainissement qui, elle, était entièrement privée et à qui étaient confiés, dans le cadre des relations entre la Ville et le fermier, régies par un contrat de sous-traitance, lensemble des travaux dentretien et de gestion courante du service deau.
À partir de juin 1999, après de multiples épisodes, la SEM a pris le contrôle du capital de la SGEA et a procédé à une fusion-absorption. La Ville de Grenoble est devenue également majoritaire absolue dans le cadre de la SEM, avec les deux tiers plus une voix. Cette SEM, qui gérait à la fois la branche de leau et la branche de lassainissement, a exercé pendant une bonne année.
En 2000, est apparue la loi Chevènement ; la communauté d'agglomération de Grenoble a décidé de prendre la compétence de lassainissement. À partir de janvier 2001, la Société des eaux de Grenoble a donc été éclatée en deux branches : la branche de lassainissement est partie à la Métro, c'est-à-dire la communauté d'agglomération, et la branche de leau a été hébergée par la Régie des Eaux de Grenoble. Nous avons choisi de retenir comme structure un EPIC local, donc une régie dotée de la personnalité morale et de lautonomie financière, notamment pour faciliter les transferts de personnels.
Pourquoi ce retour à la gestion publique ?
Vue n°15
Les éléments déclencheurs furent une mise en cause des conditions de la privatisation de 1989 ainsi que des surcoûts pour les usagers : il était prévu un système pour que le fermier, qui avait versé un droit dentrée à la Ville, puisse lamortir dans les recettes quil allait faire. Il avait donc programmé, dans les recettes futures, une formule de prix avec, sur la durée du contrat, soit vingt-cinq ans, des augmentations par paliers successifs, quelle que soit lévolution des consommations, pour pouvoir amortir ce droit dentrée, qui était alors légal il nest devenu illégal quen 1995. Au bout de cinq ans, les usagers ont fait le constat et dénoncé une augmentation affolante, occasionnant des actions contentieuses et de nombreux débats.
Des expertises sur le prix de leau ont donc été conduites. Il sest avéré que des factures comprenaient des charges étrangères à leau. Le juge administratif a annulé les délibérations qui autorisaient les contrats de 1989 et leurs avenants. Mais lannulation des délibérations nannule pas lexécution des contrats en raison de la théorie des actes détachables.
Parallèlement, il fallait donc poursuivre lactivité : le service de leau ne pouvait être interrompu. Les signataires ont été condamnés pénalement. Le maire a décidé de procéder à une rupture négociée de contrat avec le fermier.
Notre expérience : quelques points clés dun contrat de DSP
Vue n°16
Dans le cadre de cette négociation, quelques points clés sont plus particulièrement ressortis :
limportance de la durée des contrats. Un rapport de la Cour des comptes, au niveau national, préconise dailleurs des durées beaucoup plus courtes. Mais les fermiers se soucient damortir leurs investissements et souhaitent donc une durée longue ;
le problème de la sous-traitance : quand on est en délégation de service public, on nest pas soumis aux mêmes règles de mise en concurrence que si lon est en gestion de type établissement public ou SEM, où lon met en uvre le Code des marchés ;
la reprise du personnel : dès lors que lon passe dune gestion privée à une gestion publique, on peut négocier le transfert du personnel dans les mêmes conditions quentre deux structures privées sur lesquelles il y a un transfert de contrat, à travers à lépoque larticle L.122-12 du Code du travail devenu L 1224-1 & suivants ;
le financement des investissements : il y a différente façon de manager les investissements. Le fermier raisonne plutôt sur la durée du contrat, dune part. Dautre part, les modes damortissement du fermier, au niveau comptable, jouent également : techniquement, le choix du public ou du privé fait que les amortissements et les provisions sont traités de façon différente. Ainsi, la caducité est prise en compte en comptabilité privée et non en comptabilité publique. Un certain nombre de paramètres interviennent ainsi assez directement et le régime fiscal qui diffère ont des incidences techniques qui influent sur le prix de leau, en fin de parcours ;
lindemnité de rupture de contrat : elle doit être prévue dès le début. Tous les contrats doivent être clairs sur ce point : cela permet des relations plus sereines entre le fermier et la collectivité concédante pour parvenir à un accord sur les conditions de retour des immobilisations qui ont été faites ;
la notion de prix et dactualisation du prix : ce qui diffère fondamentalement entre le contrat de délégation et la gestion publique est que dans cette dernière, le tarif de leau est fixé tous les ans. On équilibre les recettes et les dépenses. En simplifiant un peu, on divise les dépenses par le nombre des mètres cubes et on obtient un prix. En gestion privée, en revanche, lorsque vous signez un contrat, vous fixez un prix P zéro et une formule mathématique permet de déduire tous les prix pour toutes les années à venir sur toute la durée du contrat. Mais il y a des indices ou des paramètres qui peuvent varier et qui finissent, quand on décortique les formules, par avoir une incidence très forte. On risque donc davoir des surprises. Aussi est-il nécessaire davoir des clauses permettant la révision des clauses dactualisation et une re-discussion avec le fermier, parce que les conditions peuvent changer. En 1989, les consommations ne cessaient daugmenter. Depuis, elles ont chuté dans des proportions très importantes, et cela change la donne ;
la définition des biens : dans le cas de la gestion déléguée, les contrats de délégation doivent bien définir les conditions des immobilisations. Les biens de retour sont les éléments de réseau ou douvrages de production qui ont été confiés au gestionnaire. Il faut bien définir, dès le départ, les conditions dans lesquelles ils vont revenir entre les mains du gestionnaire. Notamment, est-ce quen fin de contrat, toutes les provisions qui étaient constituées ont bien été utilisées ou est-ce quil en reste ? Et dans ce cas, quel est leur sort ? Les biens propres sont les immobilisations que le fermier a réalisées, les achats quil a lui-même effectués et entièrement financés pour son propre fonctionnement. Parmi eux, il y a deux types de biens : ceux qui sont susceptibles de reprise par la collectivité et ceux que gardera le fermier. Les biens de reprises sont notamment tous les travaux réalisés par le fermier pour la collectivité, dont il faut également définir les conditions de retour. Ainsi, sil a acheté des hydro-cureurs, dans le cadre de lassainissement, ou des compteurs, il faut savoir si cela revient à la valeur nette comptable ou à la valeur dusage, à la valeur du marché. Ce nest pas la même chose, et si ce nest pas défini dans le contrat, il est évident quen fin de contrat ou en cas de rupture anticipée, cela générera des problèmes.
Quel bilan, aujourd'hui ? Cette expérience de gestion privée et celle du retour sous égide publique à 100 % sont des expériences au sens technique et sur le plan du savoir-faire, aussi bien pour les équipes du privé que du public. Ce sont deux cultures différentes mais qui, dune certaine manière, sont complémentaires.
Vue n°17
Le constat, aujourd'hui, est le suivant :
un service public modernisé ;
un comité des usagers de leau représentant un collectif dassociations directement impliqué dans notre gestion et garant dune grande transparence ;
un juste prix de leau, c'est-à-dire un prix dont on connaît les composantes et la manière dont il a été constitué. Si lon finance un investissement sur les dépenses de lannée ou à travers un emprunt, dans le premier cas, cest lusager daujourd'hui qui paie et dans le second, lusager de demain.
Le plan de financement a aussi un impact direct sur le prix de leau. On peut toujours baisser le prix de leau, si lon aime bien la comptabilité ou si lon est un financier, mais ce nest pas forcément révélateur de lenrichissement de la collectivité par rapport à lactif quelle détient et quelle a confié à un gestionnaire. Cest plutôt dans ces termes-là quil faudrait valoriser les services deau, en faisant ce que lon fait en gestion privée : une situation nette, c'est-à-dire actif moins passif, et lon se rendrait alors mieux compte de la valeur que lon a ajoutée ou créée par rapport à lactif municipal et public.
Un service public modernisé
Vue n° 18
Parmi les principales mesures prises, nous avons défini, en interne, un plan stratégique, en accord avec le conseil dadministration. Le premier constat est que nous avons pu baisser le prix et procéder à des investissements massifs pendant toute la période.
Sur le plan pratique, nous avons élargi les plages daccueil au public, pour tenir compte du passage aux 35 heures, nous avons revu les astreintes, rénové notre espace daccueil, alors quauparavant, nous fonctionnions avec des investissements minimum dans ce domaine.
Nous avons mis en place un call-center et procédé à un appel doffres pour linformatique, et nous avons pu bénéficier de tous les aspects de la modernité pour lamélioration de loutil vis-à-vis de lusager.
Nous avons engagé une démarche de certification Iso 9001 version 2000 et Iso 14000. Cette certification est intéressante parce quelle est la plage commune entre la culture publique et la culture privée.
Ce mode de gestion et de management est motivant pour le personnel, puisque cest une façon de faire reconnaître sa compétence, et surtout, cest une garantie, pour lusager, que des équipes de véritables professionnels travaillent pour eux. Cela répond aussi à une évolution de la société au niveau du transfert et de la mémoire, puisque la population vieillit et quil y a des départs massifs de personnels qui ont cette culture, qui connaissent les ficelles du métier et ne les ont pas toujours transmises aux plus jeunes. Cest une façon de formaliser cette mémoire.
Nous menons un travail très actif avec les usagers. Nous avons pris des engagements très concrets sur les taux de réponse, instauré la charte solidarité « zéro coupure » pour les ménages en difficulté et nous avons les préoccupations de développement durable exposées par le Président Éric Grasset.
Plus en amont, nous avons effectué un travail qui se faisait très peu chez les fermiers sur la participation au SAGE. Le SAGE est une déclinaison du SDAGE, le Schéma directeur daménagement et de gestion des eaux sur tout le bassin Rhône, Méditerranée, Corse, pour ce qui nous concerne. Nous le déclinons au niveau dun périmètre plus restreint, le SAGE, et nous avons une implication très active dans ces structures pour préserver la ressource. Ce sont des préoccupations importantes dordre public, qui relèvent directement du développement durable.
Un partenariat fort avec les représentants des usagers
Vue n°19
Nous avons un partenariat un peu spécial avec le comité des usagers de leau, dans la mesure où il est présent jusque dans notre conseil dadministration et quil a un droit dinformation : il détient absolument tous ces éléments et peut poser toutes les questions quil veut. Il ny a pas de tiers, contrairement à ce qui se passe avec un fermier. Quand un usager demande des explications à un élu qui a confié un contrat de délégation de service public, il faut que lélu se retourne vers le délégataire pour essayer davoir des explications, les décortiquer, les affiner. Cest plus difficile. Alors quen gestion directe, vous avez tous les éléments immédiatement. À travers notre partenariat avec les usagers, nous leur présentons annuellement le budget, le rapport dactivité, le prix de leau, les comptes de lannée, et nous avons des débats ponctuels quand il sagit de mettre à jour le règlement de service.
Un prix de leau juste et maîtrisé
Vue n°20
Sagissant du juste prix de leau, outre limpact fort des amortissements, la gestion quotidienne joue également : lorsque lon gère en direct, on sait de quoi sont composés les frais de structure, la sous-traitance. Cest plus compliqué à appréhender avec un gestionnaire privé, dès lors que cest la même structure qui travaille sur plusieurs contrats. En termes de lisibilité, la comptabilité analytique est moins accessible. Les modalités de financement ont un impact direct sur le juste prix de leau. Aujourd'hui, nous avons essayé de trouver et de respecter des ratios dendettement permettant de présenter un prix qui corresponde à une prudence comptable et à une démarche raisonnable par rapport aux générations futures, vis-à-vis des usagers daujourd'hui.
Vue n°21
La courbe illustrant lévolution du prix de leau dans le temps montre que jusquen 1996, les tarifs augmentaient. À partir de la remunicipalisation, il y a eu une renégociation sur une baisse du prix de leau, puisque nous avons pu faire des économies sur certains postes.
Vue n°22
En euros constants, le tarif de leau, en 2008, est inférieur au niveau de 1995.
Mais parler du tarif de leau ne veut rien dire si lon ne parle pas des investissements. Sur la même période, les investissements ont quasiment triplé. Cest illustré en mètres linéaires sur le graphe de droite et en kilo-euros sur le graphe de gauche, qui montre que les investissements ont pu être maintenus à un niveau très élevé, voire beaucoup plus important, tout en ayant un prix moindre. Il y a des impacts financiers et comptables qui jouent.
Alors, pourquoi la gestion directe ?
Vue n°23
Par rapport à la lisibilité publique et, pour les techniciens, à la lisibilité des comptes, il ny a pas dintermédiaire ; cest donc plus facile. Nous sommes en mesure de répondre aux usagers qui siègent dans nos conseils, puisque nous avons toute linformation en direct, sans avoir à recourir à un tiers. Cest plus agréable pour les élus.
Par ailleurs, dans le cas spécifique de Grenoble, nous avons envisagé de confier la gestion du service de leau à une SEM. Lorsquen 2000-2001, il a fallu opter pour un mode de gestion, directe ou déléguée, nous nous sommes dit que si nous confiions cette délégation à la SEM, nous serions obligés de faire une mise en concurrence. Le dossier grenoblois avait particulièrement fait parler de lui. Nous avons donc voulu éviter de nous exposer à un risque, hypothétique mais réel, de recours pour délit de favoritisme. Pour avoir plus de sérénité dans la procédure juridique, nous avons opté pour une gestion directe.
Aujourd'hui, cette structure est un EPIC local doté de la personnalité morale. Par rapport à une régie dotée de la seule autonomie financière, le personnel est sous statut privé, sous contrôle de linspection du travail. Le régime se distingue véritablement de celui de la seule autonomie financière, qui est sous régime public. Nous avons constaté que, dans notre cas, ce choix dune régie à personnalité morale était très adapté. Les rapports entre directeur et président sont un peu différents : le directeur est quasiment un mandataire social. Il y a des risques personnels dans ce type de démarche. Enfin, ce nest pas parce que lon passe en EPIC local et en régie que cela exclut dexternaliser toute prestation. Mais dans ce cas, il est important de disposer ou sentourer de savoir faire ou dexpertise technique afin de définir clairement et pouvoir vérifier ce que lon achète.
Vue n°25
Quels sont les avantages et inconvénients de la gestion directe ou déléguée ?
il sagit dabord dune volonté politique de mise en concurrence ou non ;
le niveau de contrôle et dimplication de lautorité organisatrice : la collectivité veut-elle vraiment simpliquer dans la gestion directe de son service deau ou préfère-t-elle avoir un seul interlocuteur qui soccupe de tout ? Il est certain que ce ne sont pas les mêmes soucis : lorsquil y a des tensions sociales, des discussions sur le prix ou des réclamations, vous les traitez en direct et les assumez totalement. Vous ne pouvez pas invoquer la responsabilité du fermier ;
la transparence du prix : la gestion directe est un point fort ;
la qualité de service : elle est autant prise en considération dans le public que dans le privé. Pour le citoyen, il importe que les régies et services communaux sengagent dans des démarches de qualité ;
la compétence technique : elle nest pas menacée. Les personnels qui, sur le terrain, connaissent la localisation des bouches à clé quand une conduite saute, cest à cela que cela revient sont identifiés et que lon passe de public en privé ou de privé en public, il est possible de négocier en appliquant larticle L.122-12 du Code du travail devenu L.1224-1 & s. ;
les moyens financiers : quand une structure publique emprunte, cest à des conditions plus compétitives que les structures privées. Par rapport aux investissements, le coût financier final est plus intéressant pour les collectivités. En revanche, en affichage, la collectivité dégrade ses ratios Galland et son niveau dendettement apparaît, alors que si elle fait investir quelquun à sa place, cela napparaît pas dans les comptes de la collectivité ;
les aspects fiscaux : ce sont eux qui font la grande différence entre la gestion publique et la gestion privée, pas tant au niveau de la TVA, mais en ce qui concerne les instructions comptables elles-mêmes, qui sont différentes ;
sur le plan de la culture : il y a une complémentarité entre la culture des fonctionnaires publics territoriaux et celle du service industriel et commercial. Les fonctionnaires nont pas la même vision du service industriel et commercial et à linverse, les salariés du privé nont pas la même vision de lintérêt général que dans les structures publiques. Ils peuvent se retrouver néanmoins sur la question de la qualité ;
enfin, la facturation : lorsque lon est gestion publique directe à travers des régies, la trésorerie est gérée par le Trésor public. Par conséquent, dune certaine manière, la responsabilité de la créance client est portée par le Trésor public. Ce nest pas un portage direct.
Conclusion : Les Pistes du Progrès Permanent (quelque soit la structure de gestion publique).
Vue n°26
Nous sommes dans un scénario de pistes de progrès permanent, et quelle que soit la structure de gestion publique que lon choisit, SEM ou régie, la qualité du service public est le service à lusager. Des indicateurs, obligatoires à partir de 2009, permettront à la collectivité elle-même, avant de se comparer aux autres, davoir un outil objectif pour mesurer sa performance.
En matière de gestion patrimoniale et financière, la notion dactif communal est importante et gagne à être connue. On parle de prix globaux, pour les investissements, qui tiennent de plus en plus compte de linvestissement et de lexploitation. Dans un appel doffres, le seul coût dinvestissement, parfois, nest pas révélateur du coût global : il faut tenir compte de lexploitation. Ce sont toutes ces petites notions quil faut aujourd'hui intégrer au niveau de la gestion quotidienne.
Quant à la performance environnementale, cest une préoccupation que non seulement les élus, mais aussi les gestionnaires doivent avoir. Nous devons être militants parce que cest un problème qui est déjà sensible pour nous, mais qui, pour lavenir de nos enfants et petits-enfants, est vraiment très important.
Le retour en régie du service de lassainissement de Grenoble-Alpes-Métropole (la Métro)
François DIAZ, Vice-président de Grenoble-Alpes Métropole, chargé de lassainissement
Bruno MANEVAL, Directeur de la Régie dassainissement de la Métro
François DIAZ
Après la présentation de la Régie des Eaux, qui est une régie municipale, voici la régie publique dassainissement, qui est une compétence intercommunale. Au-delà du périmètre dexercice de ces compétences, il importe de remarquer que nous travaillons tous main dans la main avec un même objectif principal : une qualité environnementale très performante. Cest lobjectif premier que nous nous sommes fixé.
Bref historique de lévolution du service public dassainissement intercommunal
Vue n°2
Lexpérience grenobloise en matière dassainissement est présentée à partir de différentes étapes. Jexposerai dabord les étapes clés de la construction des ouvrages communaux et intercommunaux, qui sont des collecteurs structurants, et de la Step, la station dépuration, lintégration par la communauté d'agglomération de la compétence de lassainissement dans sa globalité, le transfert à lagglomération de la gestion des réseaux, la reprise en régie de lexploitation, en relais à six contrats de délégation de service public passés par les communes. La gestion déléguée du traitement des eaux usées a fait lobjet dun réel contrôle de gestion par la Métro au cours des deux précédents mandats, sous la conduite du président Migaud, mais également de Raymond Avrillier, mon prédécesseur, qui a collaboré étroitement à la gestion de leau. Cette délégation de service public, à lépoque, avait été dénoncée ; je développerai ce point. Bruno Maneval donnera ensuite les aspects techniques de ce service dassainissement. Je conclurai avec quelques éléments soulignés par la Chambre régionale des comptes.
Vue n°3
La mise en uvre de la gestion de lassainissement sur lagglomération grenobloise a été relativement compliquée, eu égard au nombre de collectivités (communes, syndicats). Cest finalement la décision de lÉtat dimposer la construction dune station dépuration avant la mise en service dun barrage sur lIsère qui a conduit à la construction dAquapôle, à la fin des années quatre-vingts. Cette station dessert lensemble de lagglomération et une partie conséquente de communes de laire urbaine. La construction a été réalisée dans le cadre dune « concession contrôlée » terme discutable sur le plan juridique, mais employé à lépoque , qui confiait à un opérateur privé la construction et lexploitation des ouvrages durant vingt-cinq ans à compter du 1er janvier 1989, soit jusquen 2014. Cette installation, conçue au départ pour un traitement par décantation des effluents, a été une première fois complétée, en 1991, dune unité de traitement biologique des effluents par bio-filtres, intégrée ensuite par avenant à la concession.
Vue n°4
Le Syndicat intercommunal détudes et de programmation pour laménagement de la région grenobloise, le Sieparg, sest transformé, à la fin 1993, en communauté de communes. Le développement de lintercommunalité sest poursuivi en 2000 avec la constitution de la communauté d'agglomération Grenoble-Alpes-Métropole. Cette transformation sest accompagnée de lintégration de la compétence de lassainissement dans sa globalité au niveau intercommunal, avec la création dune régie simple à autonomie financière, dotée dun conseil dexploitation composé de douze membres, élus et personnes expertes représentant les industriels ainsi que les usagers. Le conseil dexploitation est saisi en amont de propositions de décisions qui sont ensuite soumises au conseil dagglomération. À ce jour, lensemble des réseaux communaux mis à la disposition de la Métro, dans le cadre du transfert, est exploité par les moyens de la Régie.
Au-delà de ce bref historique et de sa chronologie, il convient de noter la volonté des communes de sorganiser, mais aussi de gérer en régie le service public dassainissement. Se pose également, comme pour la régie des eaux, la problématique de la délégation de service public, de son mode de gestion, de son contrôle et de la possibilité dinfluer sur le mode de gestion du délégataire. Bruno Maneval abordera cette question, ainsi que les contraintes et difficultés du service délégué.
Le service public dassainissement intercommunal aujourdhui
Bruno MANEVAL
Vues n°5 et 6
Sur la carte figurent lensemble des communes dont les eaux usées sont conduites à Aquapôle : les 26 communes de la communauté d'agglomération (400 000 habitants), 27 communes extérieures (près de 50 000 habitants) et deux communes en attente de raccordement. À la pollution domestique sajoute la pollution des établissements industriels. Nous avons deux établissements agroalimentaires relativement importants et lAgence de leau estime que cette pollution industrielle équivaut à une pollution domestique de 80 000 habitants, qui viennent sajouter aux 450 000 raccordés à Aquapôle.
Vue n°7
La régie dassainissement a été mise en place au 1er janvier 2001, après une année 2000 de transition, durant laquelle la compétence a été exercée réellement par les communes mais prise en charge par lagglomération à travers une simple convention. La régie dassainissement est constituée dune centaine de personnes. Le personnel est issu dune part de la structure qui gérait les contrats avant le transfert des réseaux communaux et dautre part, des communes ou syndicats qui uvraient à lassainissement : ces personnels, dont celui de la Société des eaux de Grenoble, ont été transférés. Une partie du personnel de la SEG est en contrat de droit privé. Lors du transfert, une convention collective a été négociée pour intégrer douze personnes, qui restent aujourd'hui en contrat de droit privé. Les autres agents de la SEG ont été intégrés par une simple fin de détachement.
Le patrimoine géré est vaste : au total, 1 700 km de réseaux sur lagglomération, un peu moins de 400 km de réseaux unitaires pour la ville centre et un très grand nombre de stations de relevage. Le fait dêtre la ville la plus plate de France est peut-être appréciable pour la pratique du vélo, mais moins pour lassainissement.
Depuis la fin 2005, la Régie assure le contrôle de lassainissement non collectif, qui est à la marge, certes, mais qui concerne tout de même près de 2 000 habitations sur lagglomération.
Vue n°8
La vie de la Régie a été marquée, ces dernières années, par le lancement dune démarche qualité, particulièrement opportune dans le cadre de la constitution de la régie à la Métro : cela permettait à la fois dafficher le professionnalisme des agents et de fédérer les agents issus des différentes collectivités, avec lidée dharmoniser les pratiques par le haut et de mieux tracer ce qui était fait. Les enquêtes de satisfaction et les échos que nous avons sont plutôt positifs. Les maires des communes estiment globalement que les conditions de réalisation du service à lusager sont bonnes. Lentretien préventif des réseaux est délibérément privilégié : la volonté clairement affichée est de faire baisser le nombre dinterventions à la demande, que ce soit en heures dastreinte ou hors astreinte. Pour y parvenir, la première chose à faire est de bien entretenir les ouvrages.
Vue n°9
Par le transfert des réseaux communaux à la Métro, nous avons eu la gestion de six contrats de délégation, qui concernent un peu moins de 50 000 habitants, soit tout de même près de 12 % de la population de lagglomération et 13 % des linéaires de réseaux. Des difficultés sont apparues rapidement :
ces contrats étaient délimités de façon très différente, dune commune à lautre ;
il ny avait pas de continuité territoriale : cétait morcelé sur le territoire de lagglomération ;
certains contrats concernaient les eaux usées et les eaux pluviales, dautres seulement les eaux usées ;
certains contrats avaient des obligations de curage ou de pompage davaloirs, mais beaucoup nen avaient que peu, voire pas du tout ;
les comptes-rendus financiers étaient succincts (une page de format A4
)
Plusieurs actions ont été menées : des rencontres avec les délégataires, pour les sensibiliser à leurs obligations lorsquelles étaient précisées et discuter avec eux de ce quils faisaient, de ce quils devaient et comptaient faire. Par ailleurs, une étude a été conduite par un groupe de pilotage délus représentant lensemble des tendances politiques de la Métro sur la stratégie à adopter pour harmoniser le niveau de services à la population sur lensemble de lagglomération. Dans un premier temps, il a été envisagé de faire des avenants pour relever le niveau de prestations jusquau niveau de ce qui était réalisé sur le territoire par les moyens de la Régie et les marchés de prestation, ou bien de reprendre la gestion de ces contrats avec les moyens de la Régie et les marchés de prestation. Cest la seconde voie qui a été choisie.
Pour des raisons dorganisation de la mutation, les périodes de fin de ces contrats ont été renégociées afin de regrouper au maximum leurs échéances respectives, puisque cela impactait les moyens de la Régie elle-même. Pour cinq des six contrats, lévolution sest faite en quelques mois, de la fin 2005 au début 2006. Deux avenants de fin de contrat ont été négociés, avec prise en compte de lindemnisation des délégataires, qui restait relativement limitée. Il sagissait de contrats relativement peu onéreux, mais les coûts étaient variés : de 0,11 à 0,25 euros par m3 vendu avant le transfert. La mutation sest faite avec lembauche de cinq agents supplémentaires à la Régie et un redécoupage des secteurs.
Unification et harmonisation de la collecte des eaux usées et eaux pluviales
Vue n°10
Le tableau de cette diapositive fait état de ce qui était réalisé en moyenne par les délégataires des cinq contrats analysés. Le dernier est arrivé à terme cette année et est hors analyse. Il se faisait très peu de choses en entretien préventif avant le transfert : les prestataires intervenaient essentiellement sur appel de la mairie.
La première action de rencontre et de sensibilisation des délégataires avait déjà relevé un peu le niveau dactivité. Aujourd'hui, le niveau de prestations réalisées est un peu supérieur à la moyenne de ce qui est fait sur le reste de lagglomération, puisque le retard lié au délaissement du patrimoine avant le transfert nest pas encore rattrapé. Cette mutation sest faite sans impact sur la redevance dassainissement de la Métro., mais on ne peut pas dire que lon est strictement à coût équivalent, le niveau de prestations réalisées étant différent.
Au renforcement de la Régie en elle-même est venue sajouter lintégration de ces territoires dans les contrats de sous-traitance. Nous sous-traitons en effet le pompage des avaloirs, une partie du contrôle par inspection vidéo des canalisations et les travaux importants de maçonnerie.
Contraintes et difficultés du service délégué de traitement des eaux usées
Vue n°11
La vue aérienne de la station dépuration dAquapôle montre les ouvrages non couverts, où sopèrent les prétraitements, dimensionnés jusquà 5 m3/seconde, qui datent de 1989 ; en haut, le bâtiment abritant le four dincinération des boues, de la même époque, et en bas de limage, les deux unités de bio-filtration. La première date de 1991 et la seconde a été construite en 2001-2002, mise en eau en 2003 et réceptionnée par résiliation aux torts en 2006. Ces unités sont aujourd'hui en série pour prendre en compte près de la moitié du débit de pointe du traitement primaire.
Vue n°12
Cette installation est gérée en délégation de service public et exploitée par la Société dauphinoise dassainissement (SDA), filiale à 100 % de Veolia, depuis 2005. Il sagit dune société dédiée, ce qui présente lavantage de pouvoir connaître les principaux flux financiers à travers les comptes sociaux. Elle emploie une trentaine dagents. Les rendements épuratoires sont moyens. Des mesures destinées à les améliorer sont en cours détude : il sagit de mettre en parallèle les deux unités de bio-filtres actuellement en série.
Lefficacité de lépuration est limitée par deux facteurs : la dilution des effluents, puisque une grande partie des réseaux est située dans la cuvette grenobloise, dans des secteurs où la nappe est relativement haute et draine de gros volumes deau claire parasite, avec plus de 200 000 m3/jour sur linstallation ce qui, pour 400 000 habitants, est élevé. Par ailleurs, le dimensionnement de la dernière unité de bio-filtration est insuffisant et fait lobjet dun contentieux entre la Métro et le concepteur-constructeur.
Un contrat de concession très critiqué
Vue n°13
Le contrat de concession pour la construction et lexploitation de cette installation a été passé en 1985. La Chambre régionale des comptes sest penchée sur lopération en 1997 et a remis son rapport en 1998. Elle a vraiment disséqué le contrat et relevé, notamment, un écart considérable entre la présentation qui avait été faite aux élus du Sieparg en septembre 1984 pour ladoption du principe de la concession, où le coût de linstallation était chiffré à 200 MFF, avec un apport du concessionnaire de 120 MFF et une aide de lAgence de leau de 80 MFF, donc sans débours du Sieparg, et la réalité, lors de la clôture du compte spécial ouvert en 1993 pour la construction de la station : 390 MFF pour la construction de linstallation, y compris la première phase de traitement biologique, pour lesquels le Sieparg a été contraint dapporter un financement de près de 180 MFF, la part du délégataire étant de 100 MFF, alors que huit avenants successifs avaient augmenté sa rémunération. La Chambre des comptes avait également noté que les coûts plafonds daide de lAgence de leau avaient été largement dépassés, avec un écart de 44 %, ramené à léquivalent habitant. De même, le coût de la bio-filtration, 130 MFF, en 1991, ramené au mètre cube, paraissait de lordre du double du ratio établi par une étude inter-agences menée en 1995. Cette remarque de la Chambre, émise en 1997, a été confirmée par lhistoire même de linstallation, puisque des bio-filtres complémentaires, de même type et du même constructeur, ont été construits en 2001 avec un coût au mètre cube moitié moins élevé quen 1991. En 2001, lopération se déroulait dans le cadre dun appel doffres alors quen 1991, elle se déroulait dans le cadre dun avenant à la concession. Quant aux frais dexploitation, la CRC sinterrogeait sur la part des frais financiers, qui correspondait aux deux tiers du chiffre daffaires du concessionnaire : sur 60 MFF, seulement 20 MFF de dépenses directes et 40 MFF de frais financiers.
À ces interrogations, jen ajoute une, plus technique, qui ne figure pas dans lexpertise de la Chambre régionale des comptes, sur la pertinence du choix de la bio-filtration. Il ny a pas eu de véritable discussion, à lépoque. Les bio-filtres prennent certes moins de place, dans le cas de gros débits comme ceux de Grenoble, mais les rendements restent un peu inférieurs à une installation à boues activées à faible charge. Surtout, la consommation énergétique est sans commune mesure.
Vue n°14
Le graphique figure la redevance perçue au cours des années par le délégataire, la SDA, et limpact des renégociations successives conduites par la Métro. Dès 1996, des audits techniques et financiers ont été menés. La première négociation a consisté à racheter au délégataire la part de financement initial quil navait pas encore amortie, soit 81 MFF. Cela permit de négocier une baisse de 0,63 FF de la redevance perçue par la SDA. La Métro a sollicité un emprunt de ce montant, correspondant à 0,25 FF, ce qui a permis une diminution de 0,38 FF par mètre cube vendu, soit 8 % du coût de lassainissement de lépoque. Après une renégociation plutôt technique et moins conséquente en 1997-1998, le dernier épisode, qui sest étalé sur trois ans et a été éprouvant pour ceux qui lont mené, a débouché, après dâpres négociations, sur un accord pour le reversement à la Métro de 3 Meuros issus des excédents passés et une baisse de près dun quart de la redevance perçue par le délégataire. Depuis, cette baisse a été annulée par la prise en compte des nouveaux ouvrages qui lui sont confiés, qui amènent une augmentation denviron 50 % (10 000 MWh par an) de la consommation énergétique de linstallation. Mais il y a bien un gain de lordre de 25 % qui a été fait sur la rémunération du délégataire.
Nécessité dune forte implication de la collectivité
Vue n°15
Lanalyse des comptes du délégataire montre limpact de ces renégociations, avec une augmentation de ses charges directes (en bleu) et une diminution de lexcédent de marge (en bleu ciel). Pour la première fois, en 2007, il ny a eu ni excédent de marge, ni marge du tout, du moins dans laffichage des comptes tels quils ont été présentés. On disait que létude des comptes sociaux dune société dédiée est très utile, mais un certain nombre de postes conséquents sont tout de même forfaitisés, notamment les frais de structure, égaux à 15 % des charges directes dexploitation, hors renouvellement. Le compte de renouvellement est géré à part, à hauteur de 4 % de la valeur des ouvrages.
Il est donc très utile de contrôler un délégataire : les résultats le montrent. Mais plus on simmisce dans sa gestion, plus on le contraint, plus il a tendance à se retourner vers la collectivité quand intervient un facteur extérieur qui a un impact sur ses finances. Cest le cas aujourd'hui : nous avons été amenés à rembourser le délégataire de dépenses survenues notamment dans le cadre du contentieux relatif aux ouvrages de 2003, qui nont pas permis datteindre les performances garanties.
Vue n°16
Ces différentes évolutions de lintégration à lagglomération ont été pointées par la Chambre régionale des comptes comme indispensables à une meilleure gestion de lensemble réseaux + stations. La césure qui existait avant ne sensibilisait pas les communes à la lutte contre lintroduction des eaux parasites, qui perturbait lépuration, elle-même de la compétence de lagglomération. Cette intégration, la démarche qualité, le contrôle de la délégation ont contribué à la mise en uvre dun service public dassainissement de qualité, à coût maîtrisé. La maîtrise du coût en soi nest quun des indicateurs. Il faut avoir, en regard, les investissements réalisés. En loccurrence, sur la période, nous avons réalisé un programme dinvestissements de près de 50 Meuros qui a fait lobjet dun contrat quinquennal avec lAgence de leau.
Un service public de qualité à un prix compétitif
Vue n°17
Le graphique proposé représente le coût global de lassainissement depuis lintégration des réseaux communaux, en euros de 2008. Limpact des renégociations est bien visible. Le coût est de lordre de 1 euro TTC/m3. Par rapport à lindicateur « prix » nous nous référons toujours à lenquête Nantes Métropole / FNCCR et aux derniers résultats de 2006, Grenoble était en 6e position sur les 26 collectivités de plus de 100 000 habitants. Le prix de 2008 a augmenté denviron 0,10 euro du fait de la remise des ouvrages complémentaires mis en exploitation, mais nous restons inférieurs de près de 11 % à la moyenne de ce panel, dont les prix ont certainement évolué sur la période.
François Diaz, vice-président de la communauté d'agglomération de Grenoble, chargé de lassainissement
Enseignements de lexpérience grenobloise
Vue n°18
Ma conclusion sera peut-être un peu imagée, mais de lintervention à la clé à mollette de la part du délégataire à lintervention des hydro-cureurs de la part de la Régie, lexpérience grenobloise, pour lassainissement, démontre limportance de la volonté politique pour la mise en place dun service public sans doute peu visible pour les usagers, mais essentiel pour le bien commun et lenvironnement. Cette volonté politique affirmée a permis lémergence dun service communautaire de qualité à un coût modéré.
Les résultats des renégociations de la délégation dAquapôle démontrent à la fois lampleur des dérives passées et la pertinence dune action publique au seul service des usagers. Au niveau de la Régie, nous sommes conscients que pour lavenir, des progrès sont à faire afin daméliorer la capacité épuratoire dAquapôle et de mieux protéger lIsère. Des études sont en cours pour une réalisation espérée à partir de 2009.
Pour la Régie dassainissement de Grenoble-Alpes-Métropole, une feuille de route, avec des objectifs ciblés aux niveaux quantitatif, qualitatif et financier sera présentée au conseil dexploitation et ensuite, au conseil dagglomération, pour le mandat 2008-2014.
La volonté politique de lagglomération grenobloise sest traduite par le souci permanent dallier efficacité, qualité et maîtrise des coûts pour offrir à lusager un service public performant.
Les régies de leau et de lassainissement de Nantes-Métropole :
des régies fonctionnant sous le contrôle de la collectivité
une comparaison permanente de lefficacité des régies et des exploitants privés
Raymond LANNUZEL,Vice-président de Nantes Métropole chargé de leau potable et de lassainissement
Jean-Luc PERROUIN, Directeur de leau de Nantes Métropole
Raymond LANNUZEL
Vue n°2
Nantes Métropole a des liens très forts avec Grenoble. Lors du mandat précédent, nous sommes venus examiner la situation de Grenoble parce que lagglomération nantaise sest constituée en communauté urbaine en 2001. Cette nouvelle métropole qui se constituait regroupait 24 communes et 580 000 habitants, dont près de la moitié dans la ville centre, Nantes, un exécutif avec 113 élus communaux et des compétences qui lui étaient transférées : les compétences classiques des déplacements et de la voirie, de lurbanisme, de lenvironnement, du développement social, du développement économique, ainsi que les grands services urbains : leau, lassainissement et les déchets.
Concilier harmonisation tarifaire et niveau de service et mixité des modes de gestion
Vue n°3
Dès le début, le député-maire, mais aussi lensemble des 24 maires de la communauté urbaine ont eu une volonté politique forte en ce qui concernait la politique afférente à lensemble des services urbains, notamment lharmonisation des tarifs de leau. Nous avions hérité dune situation très diverse. Sur lensemble de lagglomération, les tarifs variaient de plus du simple au double. À lintérieur de ces tarifs, nous avions aussi une exigence de simplification, puisque nous avions plus de 221 éléments de facturation en début de mandat. Ceci nécessitait une clarification et une plus grande transparence vis-à-vis des usagers sur lensemble du territoire. Deuxième volonté : conserver une mixité de gestion des services urbains, à savoir une partie en régie publique et une partie confiée à des opérateurs privés.
Vue n°4
En ce qui concerne leau, le territoire se répartissait en trois parties. Dabord, la partie historique, sur laquelle nous avions une régie nantaise, mais qui couvrait déjà trois autres communes : Saint-Herblain, Orvault et Saint-Sébastien-sur-Loire ; depuis, nous avons repris quatre communes en régie. Le poids de cette gestion en régie représente près des deux tiers de la distribution de leau sur lensemble de lagglomération. Reste le dernier tiers, avec deux opérateurs privés.
Vue n°5
Les deux opérateurs privés sont Veolia et la Saur. Le diagramme présenté indique que nous avons 165 000 abonnés, mais du fait de la loi SRU, nous avons commencé à individualiser les compteurs, en particulier dans les offices publics dHLM, et nous avons cette année 175 000 abonnés. Cette individualisation se fait essentiellement sur la partie régie publique, où sont concentrés les offices HLM. Veolia compte 45 000 abonnés et la Saur, 15 000. Nous avons une production annuelle de 40 millions de m3 tout en régie, dont 35 millions sont facturés.
Le « triangle magique »
Vue n°6
Dès le début du mandat, nous avons recherché un schéma original, clair et compréhensible pour lensemble des intervenants. Cest notre « triangle magique », dont les trois sommets sont :
lautorité organisatrice, avec les élus et une cellule technique de 35 personnes de la direction de leau qui assistent ces élus communautaires ;
les opérateurs de réseau : la régie publique, considérée comme un opérateur de réseau, à la fois au niveau de la production, mais aussi de la distribution, qui emploie 265 personnes, et les deux autres opérateurs, la Saur et Veolia ;
le citoyen usager.
Lautorité organisatrice prescrit et contrôle les opérateurs. Elle leur donne les indications de production et de distribution par le biais de délégations de service public. Au début du mandat, nous avions onze contrats, que nous avons été amenés à revoir pour harmoniser non seulement les prix, mais aussi la qualité de service, puisque les niveaux étaient très hétérogènes. Nous avons donc renégocié les contrats et sommes passés de onze à six contrats. Les opérateurs délivrent une prestation au citoyen usager. Celui-ci peut exprimer ses besoins vis-à-vis de ces opérateurs ; ce sont eux qui sont en première ligne, mais le citoyen usager juge aussi lautorité organisatrice tous les six ans à travers les élections municipales, qui déterminent la composition du conseil communautaire. À lissue du dernier mandat, léquipe sortante a été reconduite, ce qui signifie que le schéma a dû plaire aux citoyens usagers.
En tant quautorité organisatrice, nous avons en charge dinformer et de clarifier cette relation. Nous avons harmonisé les services et les prix : lécart, qui était de 1 à 2, a été complètement réduit et nous avons un prix uniforme de leau depuis le 1er janvier 2007. Nous avons également une qualité de service unique sur lensemble de lagglomération, puisque nous avons développé une charte de qualité, en lien avec les opérateurs, mais aussi avec les usagers.
Une double exigence de transparence et performance
Vue n°7
Au-delà de cette harmonisation, les deux enjeux fondamentaux étaient la transparence et la performance. Que lopérateur soit public ou privé, nous voulions que lusager soit satisfait au meilleur coût possible et au meilleur service possible.
Jean-Luc PERROUIN.
La transparence et la performance sont les deux enjeux fondamentaux pour la direction de leau. Il y a une réciprocité entre ces deux enjeux.
Vue n°8
Sagissant de la performance, nous disposons de plusieurs atouts sur le territoire de Nantes Métropole :
une charte de qualité, proposée par Nantes Métropole à tous ses usagers et signée par les trois opérateurs, lopérateur public et les deux opérateurs privés, mise en uvre dès avril 2005. Parallèlement, nous avons construit, avec lopérateur public, un contrat dobjectifs, qui a dailleurs servi de base à la consultation que nous avons relancée en 2006 sur le sud de lagglomération, pour montrer que les obligations faites aux opérateurs privés sont les mêmes que pour lopérateur public ;
une volonté très affichée de jouer gagnant / gagnant. Nous avons négocié sans un seul avenant et sans débourser un centime ;
un système rigoureux de contrôle des trois opérateurs.
Vue n°9
Charte de qualité : elle comprend douze engagements. Dans le décret de 2006 sur le rapport de qualité des opérateurs figurent des indicateurs. Je me suis battu avec les ingénieurs généraux sur le terme « indicateur de performance », qui nest malheureusement parfois quun indicateur dactivité. Pour quil devienne un indicateur de performance, il faut placer une barre. Cest ce que nous avons tenté de faire dans la charte de qualité : à chaque engagement pris par les opérateurs correspond un taux à atteindre. Pour les usagers, naturellement, ce taux est de 100 % sur les douze engagements. Mais la réalité est différente : on natteint jamais les 100 %. Nous avons donc fixé des taux atteignables par lensemble des opérateurs.
Gagnant / gagnant : nous avons instauré un système de dialogue permanent avec les opérateurs, en dehors de tout contrôle en tant que tel. Lun des vecteurs gagnant / gagnant est que nous allons avoir un seul système dinformation géographique sur Nantes Métropole et sur lensemble du territoire. Les deux opérateurs privés ont admis quil était intéressant davoir des fonds de plan qui constituent la base du SIG fournis par Nantes Métropole, avec une mise à jour réalisée par lensemble des trois opérateurs. Cela permet aujourd'hui de mettre en place un schéma métropolitain avec une modélisation qui sera unique sur lensemble du territoire. Cette modélisation, prise en charge financièrement par Nantes Métropole, sera mise à la disposition gratuite des trois opérateurs. Deuxième vecteur gagnant / gagnant, que nous avons utilisé dans la dernière consultation sur le secteur au sud de la Loire : au lieu de travailler sur des rémunérations relativement classiques correspondant au nombre de mètres cubes et dabonnés, nous avons adopté un mode de rémunération un peu original : nous rémunérons les opérateurs à labonné, au linéaire de réseau, mais nous avons également inséré des clauses dintéressement, qui peuvent être à la baisse ou à la hausse. Le taux sur les analyses qualitatives de leau de réseau est nécessairement à la baisse : sil ny a que 990 analyses sur 1 000 qui sont bonnes, le taux de rémunération sera grevé. Inversement, tout en laissant à lopérateur le soin détablir la facture, nous avons pu négocier que lencaissement se fasse au bout de trente jours, délai relativement court, et nous avons établi un intéressement sur ce taux dencaissement maximal. Si le seuil des encaissements est dépassé, lopérateur touche une prime.
Rigueur dans le contrôle : pendant les premières années, nous devions constamment remettre déquerre les différents contrats avec les opérateurs, réajuster les critères et indicateurs que nous voulions instituer. Depuis trois ans, nous avons mis en place des rencontres totalement séquencées. Dans la même quinzaine, lautorité organisatrice rencontre systématiquement chacun des trois opérateurs, avec un ordre du jour à tronc commun fixé par la direction, auquel viennent sajouter des questions plus spécifiques à lun ou lautre des opérateurs ou le suivi dactions damélioration qui devaient être lancées. Au-delà de ces rencontres séquences qui font lobjet de comptes-rendus, nous avons lancé des audits. Deux techniciens de la direction ont pour mission daller voir les opérateurs de manière totalement aléatoire sur un thème donné, comme dans une démarche de qualité. Au début, le thème était communiqué aux opérateurs, mais ce nest plus le cas actuellement. Il peut sagir dun des engagements de la charte.
Vue n°10
Nous avons rencontré certaines difficultés, mais il y a aussi des conditions qui ont permis que cela fonctionne. Aujourd'hui, nous avons tous les certifications Iso 9000. La Régie est certifiée Iso 9001 depuis 2001 et en sécurité depuis 2004. Nous sommes en train de finaliser la certification Iso 14000 pour la partie Régie.
Ceci nempêche pas quil y ait des difficultés, notamment pour convenir de la manière de calculer un indicateur ou de répondre à une question comme celle qui est apparue lors de laudit du mois dernier : les différents opérateurs, y compris la Régie, ont des stratégies et des outils. Pour Veolia, ces stratégies et outils sont plutôt nationaux, pour la Saur, ils sont interrégionaux, et pour la Régie, ce sont des outils que nous avons développés depuis les années 1985. À titre dexemple, nous avions fixé à 80 % le taux de réponse aux courriers sous quinze jours. Après enquête sur le terrain sur la façon dont les courriers étaient enregistrés, traités et faisaient lobjet de réponse, aucun des trois opérateurs natteignait le taux fixé. Dans un cas, cétait géré avec des procédures dites nationales, dans un autre cas, cétait traité au niveau interrégional, suivant une procédure interrégionale et dans notre cas, en tant que direction de leau, nous faisons partie de Nantes Métropole et nous avons une procédure « Nantes Métropole ». Nous allons lancer des actions damélioration, mais il faut que tout le monde y mette du sien.
Par ailleurs les opérateurs, y compris la Régie, peuvent avoir une réserve à légard des demandes émises par lautorité organisatrice. Certes, la Régie a un contrat dobjectifs signé avec le vice-président, mais son personnel et son fonctionnement sont financés par le budget « eau » de Nantes Métropole. Quand on lui demande des prestations supplémentaires, elle craint que ne soient pas mis à sa disposition lensemble des moyens lui permettant dy répondre. Doù une certaine réserve. Les opérateurs privés ont aussi une réticence : ils se disent que nous ne leur donnerons pas de fonds pour assurer cette demande supplémentaire puisque nous estimons que cela fait partie des prestations quils doivent assurer. Aujourd'hui, nous essayons de procéder davantage par proposition que par imposition.
Vue n°11
La transparence : répondre au réglementaire est une volonté affichée par les élus. Pour ce faire, nous avons complètement remanié le rapport annuel qui reprend lactivité des trois opérateurs un compte-rendu dactivité est demandé à lopérateur public exactement au même titre quaux opérateurs privés de façon à y apporter également, puisque cest un document public qui doit pouvoir être commenté dans des instances comme les commissions consultatives de services publics locaux, des informations qui ne sont pas dites obligatoires et qui sont de lordre de linformation sociétale. Le rapport évoque par exemple ce que nous faisons dans le domaine de lenvironnement, de la qualité, du management et ce que cela va apporter à la population. Il montre lintérêt pour la collectivité de faire de la coopération décentralisée. Il évoque également la recherche-action ou encore la stratégie patrimoniale. On nous demande toujours quelle somme nous allons consacrer au traitement, à la production, à la distribution ou au transport, mais on ne nous demande pas quelle est notre stratégie.
Vue n°12
Nous avons une évolution affichée vers lamélioration, à travers les démarches de qualité, qui concernent les trois opérateurs, et à travers la mise en uvre, depuis deux ans, de conventions signées avec des centres de recherche. La direction de leau travaille beaucoup avec le Cemagref et la faculté de sciences économiques de Nantes. Nous avons passé un contrat pour travailler sur le prix facturé, la qualité que lon simpose, voire la surqualité, ou le coût que va représenter la non-qualité, si lon na pas atteint un minimum de qualité.
Favoriser et renforcer la participation des citoyens
Vue n°13
Nous avons aussi passé un autre contrat sur la participation du citoyen. Nous nous sommes rendu compte quavec la commission consultative des usagers, nous avions en face de nous essentiellement des représentants dassociations. La plupart dentre elles ont une représentativité quasiment nationale et disposent de spécialistes de leau et de lassainissement ; mais ils ne sont pas toujours disponibles quand nous présentons nos rapports. Depuis quelque temps, le débat nétait donc pas très fructueux. Nous avons aussi un autre grand centre de concertation, le conseil de développement, qui compte 120 membres de la société civile, auquel nous présentons la plupart de nos grands projets. Et aujourd'hui, nous allons plus loin : nous souhaitons pouvoir développer des techniques permettant aux citoyens de participer à des décisions dans des domaines qui ne sont pas encore déterminés, mais qui peuvent être un gros investissement, une nouvelle usine, une tarification sociale, une diminution des coûts dabonnement avec une augmentation du prix de leau, etc. De nombreux sujets pouvant être soumis à la discussion sont en train dêtre recensés. Pour lheure, toutes les techniques de jurys citoyens et de rencontres avec des groupes de parole sont déjà mises en uvre.
Se comparer à dautres collectivités
Par ailleurs, Nantes Métropole et son vice-président chargé de leau ont la volonté de participer de façon très volontaire à la comparabilité avec ce qui peut se faire dans dautres collectivités. Jusquà présent, cétait difficile : les éléments livrés par les enquêtes sur le prix de leau nétaient pas suffisants. Avec la FNCCR et Régis Taisne, en particulier, nous avons essayé de construire un outil qui devrait aider à mieux comprendre les structures de tarif des différentes collectivités en fonction de leur ressource, de la manière dont ils la protègent, du mode de gestion, de la durée et des modes de contrat, etc. Jencourage tout le monde à participer à cette enquête.
Enfin, nous sommes aujourd'hui sollicités par lOnema pour travailler dans le même domaine. Cet organisme est une bonne initiative de lÉtat ; il pourra être un facilitateur de la comparabilité dans son domaine. Une restriction : dans un premier temps, il sagit de volontariat. Quen ressortira-t-il, à la sortie de ce volontariat ? En revanche, cela deviendra obligatoire à partir des indicateurs de 2009.
Raymond LANNUZEL.
Des journées comme celles-ci apportent à toutes les collectivités les indications nécessaires pour poursuivre leur amélioration en direction de lusager. Les régies ont besoin de sorganiser entre elles pour être au moins autant, sinon plus performantes que les opérateurs privés. Nous avons pu construire ce qui existe à Nantes parce quhistoriquement, nous avions une régie forte, plus que centenaire elle date de 1894 et qui représente, en poids, les deux tiers de la population. Cest ce qui nous a permis ensuite de progresser avec les opérateurs. Il ne faut pas schématiser en disant que tout est parfait du côté de la régie et que tout est noir du côté des opérateurs. Lorsque lon travaille avec eux de façon sérieuse et efficace, on obtient des résultats probants pour tous.
Le syndicat des eaux de la Veaune, une régie rurale dans la Drôme des collines
Max OSTERNAUD, Président du Syndicat des eaux de la Veaune
Pierre SAVINEL, Directeur de du Syndicat des eaux de la Veaune
Diaporama de présentation
Max OSTERNAUD
Vues n°1 & 2
Le Syndicat des eaux de la Veaune est un petit syndicat intercommunal qui est en régie directe depuis 1949, qui distribue une eau naturelle, de qualité, et ceci, sans aucun traitement : ni chloration ni traitement UV. Pour linstant, il na pas de compétence dassainissement, mais nous y réfléchissons.
Vue n°3
Notre structure se situe dans la Drôme des Collines, au nord de la ville de Valence. Nous avons trois ressources : deux dans la nappe de la Molasse, dont la principale, celle du Marais, est le siège historique de notre structure et alimente 70 % de nos abonnées ; la troisième se situe au sud du territoire du syndicat, dans la nappe de lIsère.
Vues n°4 & 5
Le site de captage du Marais a un périmètre de protection de 5 ha en pleine propriété. Cest peu par rapport aux 2 400 ha de Grenoble, mais nous en prenons soin.
Vue n°6
Nous nous engageons à un environnement préservé et mis en valeur de ces 5 hectares par de nombreux travaux dentretien.
Vue n°8
Notre syndicat est composé de seize communes couvrant une superficie de 160 km². Cinq dentre elles ont créé le syndicat, en 1949 ; puis, le syndicat a grossi. La dernière commune à avoir adhéré la fait en 2006. Nous avons 6 246 abonnés, 13 000 habitants desservis, trois sites de production, dix-huit réservoirs, 500 km de réseau, 200 poteaux dincendie, dix-sept bornes de puisage, 800 000 m3 distribués en moyenne par année et un investissement annuel moyen de 109 euros/abonné en ce qui concerne les réseaux. Tous ces investissements sont autofinancés et réalisés sans emprunt. Létat de la dette du syndicat est aujourd'hui à zéro.
Vue n°9
Notre développement maîtrisé sappuie sur plusieurs piliers :
un comité de gestion constitué de deux délégués par commune, soit 32 délégués, un président, quatre vice-présidents. Nous avons mis en place des commissions : travaux, finances, parc automobile, relations avec nos abonnés, etc.
une collaboration de confiance avec les services de lÉtat : DDAF, DDASS, Agence de leau, Trésorerie. Le syndicat dépend de trois Trésoreries, doù la crainte, aujourd'hui, de la perte du service public, puisquil y a beaucoup de suppressions de postes et de Trésoreries. Nous avons mis en place la mensualisation de leau et de la taxe dassainissement ; en effet, le syndicat perçoit cette dernière pour le compte des communes et il est difficile dharmoniser cela avec les Trésoreries ;
des relations simples et directes avec nos abonnés, dont nous sommes très proches ;
un choix exigeant de nos partenaires et maîtres duvre, privilégiant souvent le mieux-disant et pas forcément le moins-disant, dans le respect du Code des marchés public, bien sûr.
Des équipements et outils performants rarement accessibles à une « petite régie »
Pierre Savinel
les équipements techniques et les outils essentiels, dont les régies de taille équiva-lente à la nôtre ne sont pas toujours dotées : la télégestion, le système dinformation géographique, nos bornes de puisage.
Vue n°10
Nous avons une télégestion sur lensemble de nos installations depuis 1997, avec près de 1 200 informations archivées. Il sagit dune petite structure de neuf personnes : cinq agents techniques, deux agents administratifs et deux personnes en encadrement. Lobjectif était davoir un outil facile à maîtriser par tous pour gérer au mieux les installations.
Une télégestion performante
Vue n°11
Sur le tableau de bord général, avec la vue des sites, nous avons des informations directement accessibles.
Vue n°12
Des comptes-rendus quotidiens sont édités et gérés par les agents techniques, avec des informations telles que les taux de remplissage des réservoirs, les débits minimums nocturnes et les indices linéaires de chute, qui permettent de détecter rapidement un éventuel problème.
Vue n°13
Nous avons aussi accès directement à des courbes de marnage de lensemble de nos réservoirs. Lensemble des sites ont été gérés par la télégestion afin de pouvoir dissocier les pointes de consommation des pointes de remplissage des réservoirs.
Vue n°14
La télégestion nous permet :
une surveillance permanente des installations. À mon sens, cette surveillance a toujours existé mais auparavant, cétait labonné qui téléphonait quand il navait plus deau. Cétait une méthode de surveillance. Nous sommes passés à une autre méthode pour essayer danticiper tout problème sur nos installations ;
une meilleure appropriation des installations par le personnel. Comme dans beaucoup de structures, nous avons eu une rotation de personnel avec les départs à la retraite. Les courbes et graphiques aident les jeunes agents à comprendre le fonctionnement dun système de distribution comme celui du syndicat ;
une connaissance plus précise des conditions hydrauliques de fonctionnement du réseau de pompage et de distribution, qui nous a permis de caler le modèle et de faire la modélisation du réseau ;
une meilleure gestion des heures de remplissage des réservoirs, en privilégiant laspect énergétique et en pompant davantage en heures creuses, mais aussi en essayant de dissocier les pointes de consommation ;
une plus grande réactivité : lorsque nous avons des alertes en cas dorage, nous réajustons très rapidement le niveau des réservoirs. Ou encore, le 31 décembre 1999, nous avions fait le nécessaire pour que tous nos réservoirs soient pleins à 23 h 59.
La mise en place dun SIG
Vue n°15
Un autre point spécifique est la mise en place des SIG, avec une volonté assez ambitieuse. Nous avons voulu, dès le départ :
quil soit exploitable à toutes les échelles, du 1/100 000 ème au 1/50ème ;
quil intègre lensemble des éléments du réseau, depuis les ressources jusquau compteur. Cest un travail important ;
étant donné que nous sommes dans un secteur rural et que nous avons vu les limites des plans de recollement, où les bouches à clé sont repérées par rapport à un pylône EDF ou à un cerisier, nous avons trouvé primordial de renseigner les SIG en faisant des relevés GPS ;
que les données du SIG soient utilisées pour faire une modélisation du réseau. Pour cela, nous avons travaillé avec notre prestataire de SIG et le Cemagref.
Vue n°16
Pour obtenir le résultat souhaité, c'est-à-dire un réseau visible à toute échelle, nous avons utilisé une représentation symbolique étendue, avec différents fonds de plan : trois fonds de plan matriciels et 39 fonds de plans vectoriels, qui sont gérés automatiquement par le système en fonction des échelles daffichage. Ceci se fait sans aucune manipulation, hormis la mollette de la souris, qui permet de visualiser le réseau à différentes échelles : sur un orthophotoplan, sur le Scan25®, sur un fond de plan vectoriel de lIGN, la BD-topo®, qui propose un grand nombre dinformations comme les courbes de niveau, consultables en tant que de besoin. Si lon zoome pour arriver au 1/50ème, la lisibilité du document reste correcte. Le réservoir sefface totalement et lon parvient même à voir le système de remplissage de réservoir, qui est fait par surverse. Cet élément est transposé au niveau de la modélisation, puisque pour le logiciel Porteau, cest une donnée importante. Ces outils sont maîtrisés par tous les agents du syndicat.
Vue n°17
La démarche pour mettre en place ce système a débuté en 1998, avec un cahier des charges sans doute mal ficelé, un prestataire national pressé de terminer son ouvrage
Nous avons donc négocié une rupture à lamiable et élaboré un cahier des charges plus précis. En 2000, nous avons démarré avec un nouveau prestataire. Pour obtenir un SIG directement exploitable, nous lui avons fait digitaliser un plan relativement précis (au 1/10 000ème).
En même temps, avec la connaissance du terrain quavaient les agents du réseau, nous avons commencé un positionnement indicatif des branchements et compteurs individuels. En parallèle, nous faisions des levés GPS avec une correction différentielle par post-traitement.
Vue n°18
Cela exigeait que nous ayons du personnel compétent : cétait une interface purement alphanumérique, qui nétait pas très conviviale, avec des relevés sur le terrain et une correction différentielle à partir de lantenne GPS que nous avions sur le transformateur de la station.
Lutilisation du GPS pour les levés
Vue n°19
Depuis 2008, nous avons changé de méthode de levé. Nous faisons des levés GPS directs sur des fonds de plan vectoriels.
Vue n°20
Ces levés sont faits par les agents techniques avec un matériel plus simple et surtout, plus convivial. La diapositive représente la saisie dun compteur à partir dicônes directement visualisés sur le petit boîtier, avec une information qui situe, en bas de lécran, la qualité GPS (2), le nombre de satellites (9) et le PDOP (1-9), c'est-à-dire la bonne répartition spatiale des satellites, qui permet de lever les points.
Si ces informations ne suffisent pas à assurer une qualité de levé suffisante, automatiquement, le levé nest pas permis. Mais avec lévolution des techniques et lamélioration des antennes réceptrices, nous avons de moins en moins de problèmes de levés GPS.
Vues n°21 et 22
Le SIG offre un certain nombre de fonctions, comme la recherche dun abonné : en tapant son nom et en validant, il le localise sur un fond de plan de lensemble du syndicat. Si lon veut aller voir de plus près, on retrouve labonné avec sa canalisation de branchement et sa bouche à clé.
Pour les abonnés, nous avons voulu éviter la double saisie, dans un souci de simplification : il y a un identifiant unique, qui vient de notre système de facturation Égée, sensé être toujours le plus à jour, et nous avons une mise à jour quotidienne pour lensemble de nos 6 000 abonnés, qui nous permet de gérer la réalité, avec des historiques de consommation qui ont aussi été utilisés pour la modélisation faite avec Porteau, afin de coller au plus près des consommations effectives de nos abonnés.
Vues n°23 et 24
En cliquant sur le robinet de branchement, on obtient directement des informations propres au robinet et lon voit, en partie basse de la fiche, des informations sur la qualité du relevé GPS qui a été réalisé.
Il y a des vues assez classiques : les attributs des canalisations, que nous avons figés, avec le diamètre nominal, la nature, le classement de la conduite pour la modélisation, la date de pose, lorsquon la maîtrise, la précision du positionnement et les ressources ou réservoirs dalimentation. Ces informations sont fournies en utilisant les fonctions de graphe du SIG : on clique au niveau de la ressource, on lui demande de regarder lensemble des canalisations connectées jusquà la première vanne de sectionnement fermée. Ensuite, en une seule procédure, on renseigne lensemble des conduites connectées. Nous avons donc une forte notion de topologie.
Si nous avons un tronçon qui nest pas connecté, il nest pas renseigné. Par des requêtes très simples, il est très facile de trouver les tronçons qui nont pas tel ou tel type de renseignement.
Lhistorique des ruptures de canalisation
Vue n°25
Cela nous a aussi permis de recenser lensemble des ruptures de conduite, comme celle choisie en illustration : cest une conduite posée dans les années soixante-dix, qui a beaucoup cassé dans les années soixante-dix à quatre-vingt-dix et qui, depuis, ne casse pratiquement plus. Doù des interrogations sur les stratégies de renouvellement : faut-il renouveler une conduite qui casse ou attendre quelle ne casse plus ?...
Vues n°26, 27 et 28
Nous gérons mieux les coupures deau également. Nous sommes dans un secteur rural et voulons assurer une qualité dalimentation satisfaisante ; nous sommes donc très maillés. Linconvénient est quil est parfois difficile de couper leau lorsque cest nécessaire. Aussi avons-nous une procédure qui nous permet disoler un périmètre. Par défaut, on considère quun réservoir ou un sectionnement est un élément bloquant ce qui peut être modifié. On valide la procédure et les points de coupure sont directement localisés. Des zooms avant sur les points indiqués sont possibles : on peut sapercevoir que sur un point, il faut fermer deux vannes. Cest une représentation symbolique étendue. En effet, les vannes, qui sont représentées par une sorte de papillon, prendraient tout lécran au 1/50ème. Pour les plans de détail, nous avons donc changé la représentation symbolique de la vanne afin davoir uniquement des points et de rendre ainsi les plans lisibles.
Vue n°29
Cela nous a aussi permis daméliorer notre communication avec les autres structures comme les communautés de communes, en modifiant un peu linformation : les fiches attributaires sont plus réduites et les conduites, qui sont des objets linéaires, sont ici transformées en objets surfaciques de 10 mètres de large, de manière à ne pas transmettre dinformations qui pourraient sembler très précises alors que nous savons quil y a une relative imprécision sur certaines données ou sur des secteurs où il ny a pas de vanne de sectionnement. Nous avons eu, par le passé, des déboires avec de mauvaises interprétations dinformations.
La modélisation hydraulique : le recours à des prestataires sans perte de maîtrise du syndicat
Vue n°30
Sagissant de la modélisation, nous ne sommes pas des experts et nous travaillons avec des bureaux détudes ou des prestataires. Mais nous avons la capacité de reconstruire régulièrement le modèle en fonction de lévolution du réseau. Les conduites principales ont été identifiées. Puisque nous voulions repartir des consommations effectives des abonnés, nous navons pas mis les 6 000 compteurs, parce que le Cemagref aurait protesté. Nous avons donc mis les pointes de consommation qui regroupent les consommations du quartier (en bleu).
Vue n°31
Cette diapositive représente une phase intermédiaire. Les petits points sont les petits compteurs. Ils ne sont plus connectés au réseau parce que lon ne connecte que les conduites principales. Les pointes de consommations (en rouge) sont toujours visibles.
Vue n°32
Dans le logiciel Porteau, le résultat obtenu comporte les informations essentielles : diamètre, année de pose, linéaires de réseau. Les objets qui, dans notre SIG, sont ponctuels, deviennent des attributs des tronçons, puisque Porteau na pas dobjets ponctuels.
Vue n°33
Au niveau du SIG, dès 2003, nous avons utilisé des tablettes PC pour pouvoir travailler sur le terrain et gérer les interventions. En effet, les documents sur papier nétaient jamais à la bonne échelle ou ne fournissaient pas dinformations suffisamment précises. Même pour une petite structure comme la nôtre, il nest pas possible déditer lensemble de nos plans au 1/50ème. La tablette PC est aussi utilisée, depuis deux ans, pour la relève des compteurs traditionnels ou équipés de modules de radio-relève, puisque nous avons un module de radio qui peut se connecter directement sur la tablette PC par le port USB : pour éviter dêtre trop dépendants des fabricants de compteurs, nous avons voulu trouver un système qui se démarquait de ce qui existait sur le marché.
Les bornes de puisage
Vue n°34
Sagissant des bornes de puisage, nous avons été la première structure de France à mettre en place, avec la société Bayard, une borne monétique de puisage, sur la commune de Clérieux.
Vue n°35
Les objectifs étaient les suivants :
économiser cette ressource unique quest leau ;
éviter la pollution du réseau par retour deau : lorsque des camions hydro-cureurs puisent de leau sur un poteau dincendie, sil y a une manuvre de vanne, il peut y avoir une aspiration des effluents dans le réseau, ce qui serait catastrophique ;
réduire les variations de pression : nous sommes en secteur rural, donc avec de petites canalisations. Quand un poteau dincendie est en service, les abonnés le ressentent immédiatement. Si cest pour un incendie, cela ne pose pas trop de problème, mais si cest pour remplir un camion hydro-cureur, ce nest pas tout à fait normal ;
comptabiliser lensemble des volumes prélevés, comme nous le demande maintenant la loi sur leau ;
améliorer létat de notre parc de poteaux dincendie ;
conserver une équité entre tous les usagers : puisque les usagers paient leau, pourquoi les entreprises de travaux publics en seraient-elles dispensées ?
Vue n°36
Nous avons eu une première génération de bornes de puisage qui fonctionnaient avec des cartes et les entreprises achetaient, comme avec une carte téléphonique, 10 m3, 50 m3 ou 100 m3.
Cela fonctionnait correctement, mais cétait un peu lourd sur le plan de la maintenance. Comme nous sommes une petite structure, nous avions des entreprises qui travaillaient beaucoup en dehors du territoire couvert par le syndicat. Lorsquelles intervenaient sur le territoire, il était fréquent quelles aient oublié leur carte.
Nous sommes donc passés à une deuxième génération de bornes de puisage, plus simples mais qui reprennent les principales caractéristiques, à savoir un compteur et un clapet, et qui sont distinctes des poteaux dincendie.
Vues n°37 et 38
Nous surveillons de près les poteaux dincendie en informant les entreprises quils ne sont pas à leur usage. La télégestion nous indique également tout sur-débit éventuel au niveau du réseau.
Vue n°39
Les investissements, réalisés dans un souci de qualité et donc avec des prestations de qualité, sont assez importants : un peu plus de 100 euros par an et par habitant, ce qui nous permet davoir un réseau que lon peut penser en bon état, avec un rendement de 73 %, ce qui intéressant pour un réseau tel que le nôtre, et près de 2 % de renouvellement de nos réseaux.
Vue n°40
Le prix de leau est maîtrisé. Depuis 1971, en euros constants, il a baissé. [
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Des usagers satisfaits
Vue n°41
Des enquêtes de satisfaction ont été faites de manière totalement anonyme pour nos abonnés. Nous menons ces enquêtes lorsque nous leur avons coupé leau plusieurs fois pour réaliser des travaux, lorsquil y a eu de la poussière, etc.
Nous les interrogeons sur la qualité des travaux, mais aussi sur des informations générales sur la qualité du service, le goût de leau, la qualité des contacts avec le personnel du syndicat, la rapidité dintervention et sur un point que nous avons mis un peu à regret, le prix, qui est un point sensible. Le taux de retour de ces enquêtes, de lordre de 30 %, est assez satisfaisant.
Nous enregistrons une relative satisfaction, même sur un critère sensible comme celui du prix. Les abonnés apprécient apparemment le service du Syndicat des eaux de la Veaune.
Max Osternaud, président du Syndicat des eaux de la Veaune
Notre régie est une petite régie par sa taille, mais une grande régie par ses qualités. Vivent les régies !
Éric Grasset, président de la Régie des eaux de Grenoble, vice-président de la Métro
Cette présentation montre bien que le système des régies sapplique à lensemble du territoire, que lon soit dans de grandes agglomérations ou des territoires ruraux.
Table ronde : comment défendre, au niveau des instances européennes, le libre choix du mode de gestion et la gestion publique des services deau et dassainissement ?
Les principaux enjeux actuels de la politique communautaire en matière de gestion des services publics locaux
Michel DESMARS, chef du service de leau de la FNCCR
Définition du service publicau niveau européen
Le cadre législatif européen est important pour les services publics des collectivités françaises, car il définit les possibilités dorganisation de ces services.
La notion de service public telle que nous la connaissons en France nexiste pas dans tous les pays européens. Dans les discussions au niveau de lUnion européenne, on parle de service dintérêt général (SIG), ce qui correspond approximativement à nos services publics administratifs, et de service dintérêt économique général (SIEG), ce qui correspond approximativement à nos services public industriels et commerciaux (SPIC), c'est-à-dire un service qui fournit au public un bien ou un service moyennant un prix.
Place des services dintérêt économique général (SIEG) dans lUnion européenne
Le droit européen ne contient pas de définition précise de ce quest un SIEG. Cest volontaire car il serait très difficile de trouver une définition unique applicable dans tous les pays où des SIEG existent sous une forme ou sous une autre. En effet, il y a des variations importantes dans lorganisation des SIEG des différents pays, puisque lEurope est caractérisée par la diversité des cadres juridiques, des cultures et des traditions. Mais il y a quand-même certains points communs entre tous les pays européens dans lorganisation de leurs services publics, par exemple le fait quils soient presque toujours placés sous la responsabilité de collectivités locales, la Grande-Bretagne où la privatisation a été particulièrement développée faisant seule exception.
Cependant, bien que non définis en tant que tels, les SIEG sont cités dans un certain nombre darticles des traités européens. Ainsi, larticle 14 du traité sur le fonctionnement de lUnion européenne affirme que les SIEG sont rangés parmi les valeurs communes de lUnion européenne. Cela marque la reconnaissance, par les institutions européennes, du rôle des services publics en Europe, où ils sont indispensables notamment pour assurer la cohésion sociale et territoriale de lUnion.
SIEG et mise en concurrence
Par ailleurs, larticle 106 du même traité énonce que les SIEG doivent être gérés selon les règles de droit commun. Normalement, les États ne doivent donc pas exonérer les SIEG des règles auxquelles sont soumises les entreprises privées et en particulier les règles de concurrence. Le traité prévoit toutefois la possibilité de dérogations, dans les cas nécessaires au bon fonctionnement des SIEG. Mais ces cas ne sont pas définis par un texte, et il a donc fallu attendre la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) pour préciser les conditions dans lesquelles un SIEG peut être créé et confié à un opérateur sans procéder à une mise en concurrence.
Il y a eu plusieurs jugements de la CJCE à ce sujet. Ce bref exposé ne permet pas de présenter en détail lévolution de la position de la CJCE à loccasion des jugements successifs. Je dirai seulement que les responsables des autorités organisatrices de SIEG en Europe se sont inquiétés, pendant plusieurs années, du caractère évolutif des jugements. Le droit applicable aux SIEG paraissait varier constamment, créant ainsi une situation dinsécurité juridique. Il nest pas facile, quand on est responsable dune autorité organisatrice, de décider de créer un SIEG ou de le confier à un opérateur si on ne connait pas parfaitement le droit applicable car il se modifie sans arrêt.
Principes figurant dans le règlement européen sur les transports du 23 octobre 2007
Aujourdhui, linsécurité juridique nest pas totalement supprimée, mais la situation sest quand-même éclaircie. Le règlement européen sur les transports du 23 octobre2007 introduit un certain nombre de principes dont certains apparaissent transposables à dautres SIEG. Bien sûr, il ne sapplique pas directement aux services deau et dassainissement, et il faut donc être très prudent dans son interprétation, mais ce règlement sur les transports permet quand même davoir une idée un peu plus précise des grandes orientations actuelles en matière de SIEG au niveau européen. Jen ai retenu quatre points importants :
En premier lieu, il est indifférent, au regard du droit communautaire, que les opérateurs soient publics ou privés. Cest un point important et positif pour ceux qui sont partisans de la gestion publique, car cela autorise le libre choix. En effet, lUnion européenne a pendant longtemps eu tendance à voir le marché et la concurrence comme la seule solution pour parvenir à loptimum économique. Cette simple disposition qui place à égalité opérateurs publics et privés est un succès pour ceux qui, depuis longtemps, plaidaient en faveur de la gestion publique au niveau européen. Il ne sagit pas de dire que la gestion publique est intrinsèquement meilleure que la gestion privée, mais que le choix entre les deux branches de lalternative est possible sans handicap dès le départ pour la gestion publique par rapport à la législation européenne.
En second lieu, il est possible, pour une autorité organisatrice, c'est-à-dire en France une collectivité organisatrice de service public, de faire le choix dune régie ou dun opérateur interne quelle contrôle complètement sans mise en concurrence. Cest aussi un point important, parce que lon pouvait penser que lUnion européenne envisageait de rendre la mise en concurrence obligatoire, y compris pour les régies, ce qui les place automatiquement dans une position difficile. En effet, un opérateur privé qui a une surface très importante peut facilement concurrencer des régies en formulant des offres à des conditions de dumping, sachant quil pourra quelques années plus tard tenter de convaincre la collectivité de modifier le contrat par avenant.
En troisième lieu, le règlement prévoit cependant des contreparties à la possibilité de choisir librement un opérateur public. En particulier, pour que ce choix soit possible sans mise en concurrence, la collectivité doit exercer un contrôle réel et effectif sur lopérateur public quelle charge dexécuter le service public. Ce contrôle doit être comparable à celui quelle exerce sur ses propres services. Il nest pas interdit quil y ait une participation privée, dans le cadre dune société déconomie mixte par exemple, mais cette participation privée doit être minoritaire.
Enfin, en quatrième lieu, la régie ou lentité publique bénéficiant du droit exclusif dexploiter un service public sur un territoire donné ne doit pas sortir de ce territoire pour aller concurrencer dautres opérateurs à lextérieur. Ainsi, un opérateur public ne peut pas à la fois bénéficier dun monopole sur un territoire et tirer avantage de ce monopole pour concurrencer de façon déloyale dautres opérateurs pour des contrats en dehors de son territoire.
Nécessité dune vigilance en matière dévolution du droit européen des SIEG
Je rappelle à nouveau que ces principes se trouvent dans un règlement européen relatif aux transports et quils ne concernent donc pas directement le domaine de leau et de lassainissement. Mais on peut penser que la politique européenne en matière de SIEG sera cohérente, et que les futurs textes concernant dautres SIEG sinspireront des mêmes principes généraux figurant aujourdhui dans le règlement relatif aux transports.
Nous nen sommes toutefois pas complètement certains, et pour être sûrs de maintenir cette liberté dont disposent aujourd'hui les collectivités pour choisir le mode de gestion de leurs services publics, il est nécessaire que les responsables de ces services publics, en particulier les élus, restent très vigilants sur la question.
Action du CEEP au niveau européen
Je termine par quelques mots sur laction de la FNCCR dans ce domaine.
Si lon souhaite agir et être efficace auprès des instances européennes, on ne peut le faire en restant à un niveau franco-français: il faut être présent à Bruxelles, dans les différentes institutions de lUnion européenne. Il faut aussi montrer quon ne défend pas des intérêts très particuliers ou très nationaux, mais que les positions que lon prend correspondent à une forme dintérêt général au niveau de lUnion européenne. Cest pourquoi la FNCCR adhère depuis près de deux ans au Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises dintérêt économique général, le CEEP, représenté à cette table-ronde par Monsieur Dewey. Le CEEP présente lavantage dêtre un partenaire institutionnel reconnu comme un interlocuteur officiel par la Commission européenne et par le Parlement européen sur toutes les questions sociales et, plus largement, économiques.
Les principales positions que défend le CEEP en matière de SIEG sont les suivantes
il plaide en faveur de la liberté des autorités organisatrices pour le choix du mode de gestion ;
il a adopté des principes que nous connaissons bien, en France, en matière de services publics : accès universel des usagers, égalité des usagers, performance des services publics, etc. ;
il prône le maintien de la diversité des SIEG dans lUnion européenne, puisque chaque pays a ses traditions et ses habitudes en matière de gestion des services publics. Uniformisation ne veut pas forcément dire meilleure performance : dans le cadre dun certain nombre de principes généraux qui méritent dêtre fixés au niveau de lUnion européenne, il faut laisser aux États et aux collectivités territoriales le soin de sorganiser et de prendre les meilleures décisions pour la gestion de ces services ;
enfin, il soppose à une transposition brutale des règles des marchés publics à la gestion des SIEG, en ce qui concerne lattribution des contrats en particulier ; il plaide au contraire pour que, dans certains cas, cette attribution puisse se faire directement, sans mise en concurrence, ou avec mise en concurrence mais suivie dune négociation, ce que ne permettent pas toujours les marchés publics. Il sagit de permettre aux autorités organisatrices de conserver une marge de manuvre importante.
Le CEEP défend donc, au niveau européen, des valeurs proches de celles de la FNCCR. Mais il na pas le monopole de la représentation des collectivités et, plus généralement, des autorités organisatrices de services publics au niveau européen.
Dans le domaine de leau et de lassainissement, un organisme nommé Aqua Publica Europea vient dêtre créé en mars 2008 pour défendre tout particulièrement la gestion publique. Aqua Publica Europea va être présenté dans quelques instants par Madame de Korner.
Échanges avec les participants
Question dun participant : En France, sur quelle base légale une régie publique peut-elle sappuyer pour bâtir une coopération Nord / Sud afin dapporter leau dans les pays qui en manquent?
Michel Desmars : La loi « Oudin Santini » donne la possibilité aux collectivités responsables de services deau et dassainissement, quils soient ou non en régie, de consacrer 1 % de leur budget à de telles actions de coopération avec des pays du Sud.
Même participant : Nous avons saisi lautorité de tutelle sur ce sujet, car notre régie souhaite participer à des opérations de creusement de puits en Afrique subsaharienne. Mais lautorité de tutelle reconnaît le droit de coopérer aux EPCI, et non aux régies constituant un EPIC.
Michel Desmars : La loi « Oudin Santini » dit que la collectivité peut financer de telles actions à partir du budget des services deau et dassainissement. Un EPIC nétant pas une collectivité, il y a effectivement une difficulté. Peut-être pouvez-vous trouver un relais auprès de votre collectivité de rattachement pour mener cette opération ?
Autre participant : En effet, seule la collectivité peut faire jouer la loi Oudin. Dans le cas où les services deau et dassainissement sont confiés à un EPIC, le financement de lopération de coopération vient bien de lEPIC, mais cest la collectivité qui met en uvre lopération, en tant quautorité organisatrice.
Michel Desmars : La même question a été soulevée sous une autre forme lors de la discussion de la loi sur leau. Le sénateur Raoult avait déposé un amendement au Sénat pour faire préciser quune régie peut être substituée à sa collectivité de rattachement, si cette dernière le souhaite, pour les compétences correspondant aux services exploités par la régie. Mais cet amendement na pas été accepté. Le ministère de lIntérieur ne souhaite pas quune régie bénéficie dun transfert de compétences comme cest le cas pour un EPCI. Contrairement à lEPCI qui est complètement substitué à la commune pour les compétences transférées, il ny a jamais une telle substitution dans le cas dune régie, même sil sagit dune régie dotée de la personnalité morale constituant un EPIC. Les attributions dune régie se limitent à lexploitation du service pour le compte de la collectivité.
Table ronde : comment défendre, au niveau des instances européennes, le libre choix du mode de gestion et la gestion publique des services deau et dassainissement ?
Lexemple des villes allemandes
Uwe WRIEDEN, Maire de Wietzendorf (Basse-Saxe)
LOrganisation générale des services publics deau potable et dassainissement dans les villes allemandes
Grâce à leur situation géographique et à la pluviosité, lAllemagne, lAutriche et la Suisse sont assez riches en eau pour couvrir les besoins en eau de chacune de leurs régions. Ce nest pas toujours le cas dans certains autres pays dEurope centrale où des services publics permettant des transferts deau entre des régions ont été établis.
En Allemagne, dans la plupart des Länder, la construction, la maintenance et le fonctionnement des installations d'alimentation en eau potable sont assurés par des entités ayant divers statuts juridiques, sociétés personnelles ou anonymes, coopératives deau, services municipaux ou associations de bassin. Contrairement à dautres pays, comme les Pays-Bas, où les processus de concentration ont été accélérés par lÉtat, les services publics deau potable en Allemagne sont jusquà présent sous gestion municipale et il existe de nombreux petits services. Peu dentreprises municipales alle-mandes interviennent en dehors du périmètre de leur ville, et encore moins au plan international. En revanche, les grandes entreprises de service public françaises participent activement à la privatisation des services deau potable de nombreux pays dans le monde
Les types dentreprises municipales dans le secteur des services deau et dassainissement
Des entreprises municipales de statut public ou privé coexistent depuis des dizaines dannées. La proportion des formes juridiques régies par le droit privé a tendance à augmenter depuis quelques années, mais il sagit toujours dentreprises contrôlées par les municipalités. Les organismes publics gèrent 36 % des ressources en eau et les entreprises municipales privées, 64 %. Parmi les organisations publiques, ce sont les associations foncières et de bassin ainsi que les syndicats intercommunaux qui dominent. En revanche, les régies municipales directes ne constituent que 5 %. Le nombre des régies directes a beaucoup baissé pendant les années passées : de 29 % en 1993, il est passé à 4 % en 2005. Parmi les organisations privées, les sociétés déconomie mixte sous la forme de SA / SARL sont majoritaires (25 %). Ce sont des entreprises municipales à participation dentreprises privées.
Au total, il y a environ 6 400 entreprises dalimentation en eau en Allemagne. Parmi ces entreprises, environ 1 300 gèrent approxima-tivement 79 % des ressources en eau. Plus de 5 000 entreprises, qui gèrent environ 21 % des ressources en eau, sont de petites régies ou des régies municipales directes
Contrairement à lalimentation en eau potable, en Allemagne, lassainissement des eaux usées est le plus souvent assuré par des entreprises publiques, parce que lassainissement est lune des prérogatives obligatoires des communes. Dans ce secteur, ce sont les régies, les syndicats intercommunaux et les associations de bassin qui ont la plus grand part. Près de 900 entreprises dassainissement éliminent les eaux usées de 59 % des habitants de lAllemagne. Au total, il y a plus de 6 900 entreprises dassainissement en Allemagne. 6 000 dentre elles sont des entreprises municipales, la plupart sous la forme juridique des régies et des régies directes. Cela nempêche pas de faire de plus en plus souvent appel à des entreprises privées, même si la régie dassainissement elle-même a une forme juridique régie par le droit public. Les activités opérationnelles des entreprises dassainissement privées résultent à la fois de contrats transférant la gestion complète et de contrats de prestations dexploitation. Les entreprises privées réalisent 10 % de la collecte des eaux usées et 12 % du traitement des eaux usées.
Le financement des services deau et dassainissement
En Allemagne, le principe de couverture des coûts est prescrit dans tous les Länder. Dans ce cadre, à lavenir, les coûts environnementaux ainsi que les coûts de ressources seront pris en considération dans le calcul au même titre que les coûts dexploitation.
Au titre du raccordement aux conduites deau et aux dispositifs d'évacuation des eaux usées, les villes ou municipalités perçoivent une taxe unique qui sert à financer le coût de la construction des ouvrages par les entreprises municipales. Pour la maintenance des installations, les villes ou municipalités perçoivent des redevances dutilisation et les entreprises municipales privées perçoivent des prix dutilisation auprès des abonnés. Dans le cas des villes et des municipalités, le montant des redevances est fixé par les conseils élus. Dans le cas des entreprises municipales privées, il est fixé par la direction.
Les lois relatives au financement des services municipaux établies au niveau des Länder (KAG) obligent toute entreprise publique ou privée exploitant un service municipal à respecter le principe de couverture des coûts en incluant les coûts de maintenance et de renouvellement des installations. Selon les prescriptions des KAG, les principes suivants sappliquent au calcul des prix ou redevances :
adéquation : les prix ou les redevances doivent correspondre à la valeur du service pour les citoyens usagers, sans la dépasser significativement indépendamment des coûts de service ;
couverture des coûts : tous les coûts occasionnés par la fourniture de leau potable et le traitement des eaux usées doivent être couverts par le prix ou les redevances. Le surplus de recettes à long terme nest pas autorisé ;
interdiction des surcoûts ;
prise en compte du principe damortissement : le financement du renouvellement doit être inclus dans le prix ou les redevances ;
tarifs différents pour des groupes de consommateurs selon les coûts occasionnés pour des catégories de consommateurs identifiées. Les redevances de déversement peuvent être calculées séparément pour les eaux usées et les eaux de ruissellement. La redevance applicable aux eaux usées est calculée selon le volume deau douce utilisée. Les volumes provenant dinstallations de récupération d'eau de pluie doivent être pris en compte dans le calcul de la redevance applicable aux eaux usées. La redevance deau de ruissellement est basée sur la surface de terrain concernée.
prise en compte de la structure des coûts pour fixer un tarif comprenant un prix de base et un prix calculé en fonction du volume utilisé ;
prise en compte dun taux dintérêts des capitaux propres approprié.
Le contrôle des tarifs
La formation du prix ou de la redevance est donc soumise à des règlements stricts ainsi quà un contrôle parfois triple :
au niveau municipal, les prix des entreprises municipales sont contrôlés par le conseil de ville ou par le conseil municipal ; dans le cas des associations, les prix sont contrôlés par les organes de lassociation ainsi que la tutelle communale ;
par ailleurs, les entreprises de services, quelles soient privées ou publiques, sont soumises au contrôle des offices antimonopole si elles facturent leurs services directement au consommateur au travers des prix ;
enfin, labonné peut contester le prix ou la redevance en exerçant un recours devant un tribunal civil ou administratif.
Un des aspects importants du contrôle des tarifs est la prise en compte des coûts de maintenance à long terme et de renouvellement des installations, qui doit être correctement répercuté aux utilisateurs du service en tenant compte dune longue durée de vie des installations et de leur coût très élevé. Ainsi, des réseaux deau potable et deaux usées peuvent avoir une durée de vie de cent ans ; dautres installations, comme les barrages, ont même une durée de vie plus longue. Parfois, le mauvais entretien ou lérosion diminuent la durée de vie des équipements.
En conclusion sur la tarification, en Allemagne, tous les coûts doivent être inclus dans le prix de leau en raison du principe de couverture des coûts. Ce nest pas le cas dans tous les pays de lUnion européenne.
Lorganisation des entreprises dans le domaine de leau et de lassainissement
La régie est une entreprise au plan municipal. Elle est complètement incluse dans ladministration municipale sur le plan juridique, en matière dorganisation, de personnel et de budget. La régie directe est une entreprise municipale définie par des règlements communaux et na pas de personnalité juridique indépendante. Elle possède un patrimoine séparé et externalisé. Elle est détachée de ladministration municipale au niveau de lorganisation et du budget.
Le syndicat intercommunal est une association de droit public de plusieurs collectivités territoriales, dont lobjet est de remplir une tâche précise. Le syndicat intercommunal est la forme de coopération intercommunale la plus connue et la plus habituelle
Lentreprise publique relevant du droit privé peut être organisée sous forme de SARL afin deffectuer lalimentation en eau et lassainissement. Dans ce cas, la municipalité est le seul actionnaire de lentreprise.
Les entreprises de gestion sont des entreprises créées par des associations ou par des entrepreneurs privés sous la forme de SARL afin deffectuer lépuration des eaux usées.
Dans le secteur de leau potable, de petites entreprises municipales approvisionnent un nombre dhabitants relativement faible, dans les zones rurales. En revanche, dans les agglomérations urbaines, ce sont quelques grandes entreprises pour la plupart municipales qui approvisionnent une population beaucoup plus importante. Ainsi, la moitié des ressources en eau est gérée par seulement 1,5 % des entreprises. Le nombre de ces entreprises plus importantes augmente car certains petits services se regroupent.
La situation des opérateurs des installations dépuration des eaux usées est comparable : dans les agglomérations, quelques grandes installations éliminent les eaux usées dun grand nombre dhabitants.
Lexemple de la municipalité de Wietzendorf
Wietzendorf est une municipalité de Basse-Saxe située à côté de lautoroute 7, entre Hambourg et Hanovre. Elle compte 4 100 habitants, sur une superficie de 106 km², dont 25 km² appartiennent à la zone d'entraînement militaire Münster-Süd. Avec 38,7 habitants/km², Wietzendorf est une municipalité peu peuplée, par rapport à la moyenne nationale. Malgré cela et malgré les grandes distances, 99 % des maisons sont raccordées aux réseaux de distribution deau et dassainissement.
Leau potable à Wietzendorf
Lusine des eaux de la municipalité de Wietzendorf est gérée en régie directe et intégrée dans le budget de la municipalité. Lusine a été construite en 1972 et rénovée récemment. Sa capacité moyenne sélève à environ 830 m³ par jour. La capacité maximale des deux pompes est, respectivement, de 85 m³ et de 45 m³ par heure. Lautorisation de pompage porte sur un maximum de 100 m³ par heure, de 1 200 m³ par jour et de 300 000 m³ par an. Le service deau potable a installé un total de 1 367 compteurs deau. Le réseau des conduites est long de 63 km. En 2006, 274 164 m³ deau ont été distribués par le réseau. Il y a une interconnexion de secours avec la ville de Soltau, éloignée de 15 km. La valeur comptable de toutes les installations sélevait à 1 381 840 euros à la fin de 2006. Le ratio des capitaux propres dans lalimentation en eau sélève à lexcellent montant de 72,8 %. Le prix de leau actuel est de 1,17 euros HT/m³ (plus 7 % de TVA). En outre, il est perçu une redevance de comptage de 31,20 euros HT par an. Selon la loi sur les produits de lavage et les détergents, leau de Wietzendorf appartient à la classe de dureté 1 ; cest donc de leau très douce. Trois collaborateurs sont employés à lusine deau, chacun à 15 % équivalent temps plein. À eux trois, ils représentent presque un demi-poste.
Lassainissement à Wietzendorf
La station dépuration de la municipalité de Wietzendorf a été construite en 1994 pour 10 000 équivalent-habitants et sest toujours adaptée à létat des techniques les plus récentes. Toutes les zones urbanisées du territoire communal sont desservies par le réseau dassainissement. Hormis cinq fermes isolées, tous les bâtiments situés sur le territoire municipal sont ainsi raccordés au réseau dassainissement. La redevance de déversement sélève à 2,76 euros /m³. Il y a 1 367 branchements deaux usées sur le territoire municipal. La longueur des conduites sélève à 24,587 km pour la canalisation gravitaire et à 29,948 km pour la canalisation de refoulement. Le volume reçu par la station dépuration était de 269 448 m³ en 2007. Le total du budget annuel de lassainissement est de 8 571 306,43 euros et la valeur comptable des ouvrages est de 6 740 062,72 euros. Il y a deux salariés à temps plein, un salarié à temps partiel (15 %) et un apprenti.
La position allemande sur la politique européenne de développement de la concurrence
Le 15 mars 2006, le gouvernement fédéral allemand a publié un rapport de modernisation de lindustrie de leau allemande, dans lequel est expressément soulignée la liberté dorganisation des municipalités pour laccomplissement de leurs tâches dans le secteur de leau potable et de lassainissement. Lapplication extensive des dispositions communautaires relatives à la passation de marchés publics à lorganisation interne des entreprises municipales exploitant les services deau et dassainissement est rejetée par le rapport. Le gouvernement fédéral allemand refuse clairement les demandes de la Commission européenne. Cela consolide la position des villes et des municipalités allemandes dans la discussion européenne actuelle sur le renforcement des obligations de concurrence dans le secteur de leau. Au lieu dune concurrence systématique, le rapport de modernisation de lindustrie de leau propose un étalonnage des performances, avec les critères suivants :
mettre en uvre une approche globale considérant les aspects de qualité, de sécurité, dapprovisionnement et délimination des déchets, defficacité économique, de service après-vente et de durabilité ;
améliorer les performances par des regroupements de services à une échelle plus large, si possible.
Beaucoup dentreprises publiques deau et dassainissement municipales participent activement à létalonnage de leurs performances, ce qui montre quelles sont favorables à un processus de modernisation qui ne passe pas exclusivement par des mises en concurrence.
Recommandation destinée aux dirigeants des entreprises locales dalimentation en eau et dassainissement, publiques ou privées
En mai 2006, les associations françaises et allemandes délus locaux, ainsi que la fédération des SEM et la VKU, représentant les entreprises publiques locales, ont publié une déclaration appelant à une sécurisation accrue du cadre juridique communautaire applicable aux services publics locaux. La déclaration portait notamment sur limportance du libre choix des collectivités pour lorganisation, la gestion et le financement des services publics locaux.
Lannée 2008 constitue une année charnière pour les services publics pour plusieurs raisons : la renégociation des traités fondateurs de lUnion européenne à Lisbonne, la publication, par la Commission européenne, de sa vision du marché intérieur pour le XXIe siècle, le travail de révision de la stratégie de Lisbonne, la préparation dune directive sur les concessions et la publication dune communication sur les partenariats publics - privés institutionnels. Les associations allemandes et françaises partagent une même préoccupation sur ce sujet : les autorités locales doivent pouvoir fournir aux citoyens des services publics locaux de qualité, accessibles et adaptés à leurs besoins, et ce au plus proche du terrain. Dans cette optique, elles estiment que les autorités locales doivent pouvoir choisir librement le mode dorganisation, dexploitation et de gestion le plus adapté. Cest pourquoi, après une réunion à Berlin, le 14 décembre 2007, qui a permis de nombreux échanges dexpériences, les signataires ont souhaité adopter cette déclaration :
« En premier lieu, les signataires rappellent leur fort attachement au principe de lautonomie locale, tel quexprimé dans la Charte de lautonomie locale, et souhaitent contribuer à son renforcement. [
] En second lieu, les signataires souhaitent formuler leurs propositions sur les projets en cours décriture ou de présentation par la Commission européenne, sagissant des services publics locaux, afin de renforcer dans ce domaine la sécurité juridique pour les collectivités locales et les entreprises publiques locales dans le marché intérieur européen. Dans le cadre du traité de Lisbonne, les chefs dÉtat et de gouvernement des États-membres ont, pour la première fois, placé au sommet de la hiérarchie des normes le principe de la liberté locale en matière de services dintérêt général. Cette liberté constitue désormais un principe autonome complémentaire du principe de subsidiarité, ce qui consolide le rôle des collectivités territoriales en Europe. En effet, dans lesprit du traité modificatif, les associations signataires de cette déclaration attendent des institutions européennes que les principes relatifs à une concurrence libre et non faussée ne priment pas sur les autres principes du traité CE, notamment le principe de cohésion territoriale intégré comme un objectif de lunion dans le traité modificatif. Les signataires estiment que les principes de subsidiarité et de proportionnalité qui fondent la liberté communale doivent désormais être considérés comme étant aussi importants que les principes de non-discrimination, dégalité de traitement et de transparence. Les prochaines initiatives européennes doivent en tenir compte. Dans ce contexte, les signataires placent de grands espoirs dans la Présidence française de lUnion européenne qui débutera le 1er juillet 2008. Les propositions exposées dans cette déclaration visent à consolider lautonomie locale au sein des dispositifs législatifs communautaires et à contribuer à davantage de sécurité juridique dans le domaine essentiel des services dintérêt général assurés au niveau local. Dans ce contexte, les signataires ont convenu les recommandations suivantes :
la coopération intercommunale ne relève pas du droit du marché intérieur ;
plus de flexibilité pour les attributions de marchés « in house » ;
mise en place dun cadre juridique pour les partenariats publics / privés institutionnels ;
une législation européenne concernant les concessions de services publics nest pas nécessaire ;
participation du Parlement européen. »
Je recommande vraiment cette déclaration comme base des actions futures des dirigeants des entreprises locales dalimentation en eau et dassainissement, publiques ou privées.
Table ronde : comment défendre, au niveau des instances européennes, le libre choix du mode de gestion et la gestion publique des services deau et dassainissement ?
Le Centre européen des entreprises de service public
Wilhelm-Josef DEWEY, Conseiller technique du président du CEEP (Centre européen des entreprises de service public)
Je remercie les organisateurs qui nous ont donné la possibilité de présenter le mode allemand dorganisation des services publics deau et dassainissement, ainsi que la démarche que nous mettons en uvre à Bruxelles dans le cadre du CEEP. Pour que les responsables de ces services publics en Europe puissent travailler ensemble, il est très important davoir des références communes, des données exactes sur les services et de pouvoir comparer. Or, la base de connaissances nécessaires nexiste pas encore. Nous devons faire des efforts dans ce sens pour les services deau et dassainissement, mais aussi dans tous les autres secteurs des services municipaux tels que les déchets ou les transports.
Le CEEP sy emploie Il a créé, par exemple, un groupe de travail qui soccupe des normes et de leur mise en uvre, ainsi que de la certification. Le directeur de la régie de leau de Grenoble, Monsieur Jacques Tcheng a cité, dans son exposé, la certification comme culture commune entre opérateurs privés et publics, c'est-à-dire un moyen de coopérer pour atteindre des objectifs ou réaliser des projets. Dans le futur, les différents opérateurs devront effectivement confronter leurs modes dorganisation et en tirer des enseignements permettant de les améliorer.
Le CEEP attache également une grande importance à la question du personnel. Est-il suffisant en nombre et en termes de compétence, mais aussi de motivation, eu égard aux tâches quils doivent accomplir pour assurer le fonctionnement des installations ? Le personnel doit aussi avoir un esprit de service public, et être conscient que leau est un bien commun précieux.
Par ailleurs, de grands problèmes nous guettent, notamment avec le changement du climat. Il y a un lien évident avec lorganisation des services publics, lenvironnement, leau
Quelles mesures prendre contre lallongement des périodes sèches, mais aussi les inondations ainsi que la désertification de certaines régions du sud de lEurope ? Le CEEP estime quil faut travailler sur ces sujets sans tenir compte des frontières car les enjeux dépassent le cadre de chaque pays. Comment sorganiser pour cela ? Pour prendre les mesures nécessaires, trouver les moyens financiers suffisants afin de réaliser les investissements nécessaires pour faire face aux évolutions à la fois sociales, économiques et climatiques, les responsables des services publics ont beaucoup à échanger. Le CEEP réfléchit à la forme dorganisation et de coopération appropriée pour de tels échanges.
Je vous remercie de votre attention.
Table ronde : comment défendre, au niveau des instances européennes, le libre choix du mode de gestion et la gestion publique des services deau et dassainissement ?
Aqua Publica Europea : une nouvelle association qui défend la gestion publique de leau auprès des instances européennes
Odile de KORNERDirectrice générale déléguée dEau de Paris
Le réseau Aqua Publica est un réseau dopérateurs et de collectivités qui prône la gestion publique des services deau. Nous estimons en effet que leau nest pas un bien comme tous les autres et que seule une gestion publique peut rendre à ses usagers, aux citoyens, la vraie dimension de ce bien commun particulier. Eau de Paris est membre fondateur de ce réseau.
La gestion publique des services deau : une solution retenue dans de nombreux pays
La gestion publique de leau, en Europe et dans le monde, est une réalité : 90 % des services deau et dassainissement sont en gestion publique. Aux États-Unis, temple de la gestion concurrentielle, une grande partie des opérateurs nord-américains sont publics, regroupés au sein de lAMWA, qui fédère les opérateurs municipaux de leau aux États-Unis. Cest aussi vrai en Europe : au sein des 27 États de lUnion européenne, il y a plus de 120 000 opérateurs, dont plus de 80 % en gestion publique, mais des situations très contrastées : au Royaume-Uni, la gestion des services deau est totalement aux mains dentreprises privées avec un régulateur très puissant, alors quaux Pays-Bas ou en Belgique, la gestion publique de l'eau est inscrite dans la loi. Quant à la France, elle est vue comme le temple de la gestion « à la française » qui, dans lesprit de beaucoup détrangers, veut dire une gestion en délégation à des opérateurs privés. La réalité est plus contrastée.
La nécessité de fédérer les opérateurs publics de services deau, et de promouvoir leur image
À partir de ce constat, nous avons voulu constituer une association européenne des opérateurs publics et des autorités publiques de leau. En effet, au niveau de lEurope, nous sommes très dispersés. Nous ne sommes pas représentés en tant que spécificité au niveau des instances européennes ; notre voix nest pas très forte et donc, ne sentend pas beaucoup. Dune manière générale, la politique de lUnion européenne est davantage influencée par les opérateurs privés que par les opérateurs publics. En outre, les services publics nont pas toujours une image de performance et defficacité. On relève les travers de leurs agents, réputés moins travailleurs que ceux du privé et bénéficiaires de beaucoup davantages acquis. Ce qui accrédite parfois le coté « un peu dépassé » de la gestion publique, selon ses détracteurs.
Le nouveau réseau a pour ambition de tordre le cou à ces idées et de montrer les opportunités et les performances de la gestion publique des services deau. Des changements sont possibles par rapport à la situation actuelle, où les services publics locaux interviennent dans des périmètres restreints, souvent dans le cadre de communes ou dintercommunalités. Ils sont donc de petite taille, dépourvus de service assurant la promotion et la communication, puisquen tant quopérateurs publics, ils affectent tout largent de leau à leau et que les dépenses de marketing dans les budgets des opérateurs publics sont très faibles. Il y a également un besoin urgent de garantir et de sécuriser le cadre légal des services dintérêt général au niveau de lUnion européenne, de lOMC, voire au niveau national.
Lorigine et les objectifs dAqua Publica Europea
Lhistoire de lassociation européenne Aqua publica europea est récente. Elle est née en 2007, lors de lAssemblée mondiale des élus et des citoyens pour leau (AMECE) au Parlement européen. Au cours de cette réunion, plusieurs engagements ont été pris, dont celui de créer une association européenne pour la promotion de la gestion publique de leau. Léchelle européenne plutôt que mondiale a été retenue parce quil apparaissait important dagir déjà à ce niveau. Comme lEurope de leau est en train de se constituer et les acteurs publics de leau doivent, à côté des acteurs privés, faire entendre au sein de lUnion européenne la nécessité de préciser un cadre reconnaissant un droit effectif des services publics et de ne pas oublier, dans certains de ses actes, que leau est un bien commun de lhumanité et que la gestion des ressources en eau ne doit pas être soumise aux lois du marché intérieur, comme elle lavait déclaré en 2004.
Les objectifs du réseau sont de :
fédérer les nombreux opérateurs publics européens ;
promouvoir la gestion publique de leau, c'est-à-dire une politique définie par lautorité organisatrice, mais aussi une gestion de leau au quotidien ;
échanger des informations, des expertises, des approches : on ne traite pas leau et le citoyen de la même manière à Lisbonne, Milan, Bruxelles ou Paris. Ces échanges doivent permettre de senrichir mutuellement ;
collaborer entre entreprises publiques et collectivités. En France, certaines collectivités sinterrogent sur le retour à la gestion publique. Les expériences et expertises permettent de mettre ces compétences en commun ;
représenter les entreprises publiques auprès de lUnion européenne.
La charte des valeurs dAqua Publica Europea
Pour atteindre ces objectifs, les membres fondateurs ont précisé dans une Charte les valeurs constituant le socle de ce réseau dopérateurs :
Leau est un bien commun, par opposition à leau, bien marchand. Source de toute vie, elle constitue un droit fondamental, inaliénable, universel et imprescriptible.
Leau doit être gérée de manière responsable et solidaire.
Leau est un bien public dintérêt général.
Léconomie de leau appartient à la sphère publique.
Leau doit être organisée et contrôlée par l'autorité publique sous la responsabilité des représentants élus à tous les niveaux territoriaux.
La charte promeut un service deau public. Les collectivités territoriales doivent donc pouvoir organiser des services deau conçus comme des entreprises publiques fonctionnant sous l'autorité de représentants élus. Ce service deau public doit améliorer en permanence sa performance et respecter la transparence des procédures d'achats publics. Leau est un bien dont la gestion est dintérêt général : la charte rejette la libéralisation des services deau - cest ce qui se profile notam-ment en Italie. Cest une gestion responsable, efficace, solidaire et durable. On a vu, dans certains pays, les conséquences de la privatisa-tion de leau pour les plus démunis. Enfin, les re-cettes de la tarification des services d'eau doivent être intégralement affectées au service de leau.
Les membres dAqua Publica Europea
Les membres du réseau dAqua Publica sont des opérateurs publics et des entreprises publiques, des associations nationales ou régionales ainsi que des collectivités territoriales. Parmi les membres fondateurs, Acqua Pubblica (associa-tion italienne pour la gestion publique de leau), Belgaqua (Fédération belge des services deau), Eau de Paris, dautres entreprises publiques italiennes, les Services industriels de Genève (SIG), et Vivaqua, à Bruxelles. Beaucoup dautres collectivités ont marqué leur intérêt pour ce réseau.
Les grandes orientations et les partenaires dAqua Publica Europea
Aqua Publica sappuie sur deux grandes orientations :
la transparence de la gestion publique : la gestion publique implique que le produit de leau ne serve pas quà rémunérer des actionnaires privés. La durée des contrats de délégation de service public de leau, actuellement, en France, favorise les abus de position dominante et que la gestion publique doit être davantage fondée sur les valeurs de transparence de mise en concurrence et légalité daccès aux commandes, notamment pour toutes les prestations quinduit la gestion dun service de leau.
la performance de la gestion publique : il faut battre en brèche lidée qui dissocie performance et service public. Il est important de montrer que le public sait être performant et avoir des capacités dinnovation et de recherche. Pour cela, le public doit accepter dêtre évalué au niveau national, mais aussi européen, pour avoir dautres approches de la performance. Il faut également montrer que dans les pays en développement, la gestion publique peut être une réponse, de même que pour les pays émergents qui veulent moderniser leurs services, dont léconomie décolle et qui veulent apporter à leurs usagers des services plus performants. Des partenariats public / public peuvent les aider à décoller encore plus vite.
Le réseau a été lancé le 18 mars 2008, sous la forme juridique dune association internationale belge sans but lucratif, dont le siège est à Bruxelles. Ladhésion implique la souscription aux statuts et à la charte fondatrice, qui prône la gestion publique. Aqua Publica Europea offre à ses adhérents des éléments pour une gestion publique performante et pour fédérer les services publics deau en Europe, en favorisant les échanges bilatéraux, en travaillant ensemble, en développant des relations avec dautres partenaires comme lIWA, Eureau, ou encore le CEEP, etc., en soutenant les partenariats Nord-Sud et les actions de solidarité internationale pour laccès à leau.
Atelier sur le retour en régie : présentation de plusieurs cas dans des collectivités de caractéristiques différentes : Le retour en régie de la Ville de Venelles
Jean-Pierre SAEZ, Maire de Venelles
Max BARIGUIAN,Directeur de la Régie des Eaux de Venelles (R.E.V.E.)
Jean-Pierre SAEZ,
Notre décision de retourner en régie sinspire davantage des principes humanistes et économiques développés au XVIIIème siècle que dune idéologie politique. En outre, après avoir réglé le problème de leau dans notre commune, nous souhaitons maintenant aborder celui de lénergie. Les défis du XXIe siècle, en effet, sont liés à la capacité de fournir leau et lénergie au moindre coût, lun et lautre étant des biens communs à lhumanité.
Le fait de venir ici nous permet tout dabord de ne pas nous sentir seuls. Nous nous sommes parfois demandé si notre combat nétait pas isolé. Certains se sont battus, comme Michel Partage, dans le Var, qui continue de le faire aujourd'hui à un autre niveau. À Venelles, commune de 8 200 habitants située au nord dAix-en-Provence, nous avons relevé ce défi, engagement que nous avions pris en 2001 à légard dune association qui sétait mobilisée sur ce sujet dès 1993. Nous nous étions engagés à faire notre possible pour mettre fin à la pratique de tarifs abusifs.
Engagement de la commune, mise en place de la régie, fin de contrat difficile, et ce nest pas terminé : une procédure pénale est en cours, avec un jugement en appel
Mais si cétait à refaire, nous le referions. Cest difficile, mais pas insurmontable, même pour une petite commune.
Une délégation de service public contestée (Vue n°3)
En 1974, la commune a signé des traités daffermage pour leau et lassainissement avec la Saur, filiale du groupe Bouygues.
En mars 1991, des avenants ont prorogé les contrats jusquen 2010, soit pour une durée totale de trente-cinq ans, alors que la sous-préfecture dAix-en-Provence avait observé que les contrats devaient être limités à douze ans.
En 1992, lors de la création des budgets annexes M 49, la facture deau a fortement augmenté (jusquà 80 %), avec des justifications qui nétaient pas acceptées par une très forte majorité dadministrés.
En 1993 est née lA.D.I.V., lAssociation de défense des intérêts des Venellois, dont lobjectif était de ramener le coût de leau à un plus juste prix. Elle refusait le paiement des factures deau et invitait ses adhérents à ne sacquitter que de 55 % des sommes réclamées. 250 familles y ont adhéré, soit près de 10 % de la population.
Le 3 décembre 2004, lA.D.I.V., après avoir saisi différentes juridictions (tribunal administratif, cour administrative dappel, Conseil dÉtat, tribunal de grande instance) gagne le procès contre la Saur devant le tribunal dinstance dAix-en-Provence : les usagers ne rembourse-ront pas les sommes impayées depuis 1993 et la Saur est condamnée à verser à tous les plaignants 300 euros au titre des frais irrépétibles.
Lengagement dune équipe (Vue n°4)
En 2001, mon équipe et moi nous étions engagés à étudier la meilleure solution. En partenariat avec lA.D.I.V., qui a assisté à toutes les réunions de concertation avec la Saur, nous avons cherché à délivrer ce service de proximité et de qualité à un coût correspondant au service rendu aux usagers, sur un concept simple : créer un service public pour les Venellois et géré par les Venellois, avec notamment un objectif de 20% sur la facture deau.
Nous aussi, avons mis en uvre la nouvelle gouvernance avant lheure, puisque dès le départ, avant même dêtre un EPIC, nous avons mis en place un conseil dexploitation associant les élus et les usagers.
Après notre élection, en 2001, nous avons tout de suite rencontré la Saur pour négocier avec elle. Après quatre mois de négociations, une délibération a été prise par le conseil municipal. Constatant en séance que la délibération avait été « caviardée » par la remise à charge de la commune du coût de lélimination des boues, nous navons pas transmis la délibération au sous Préfet pour le contrôle de légalité. Nous avons convoqué la Saur pour linformer que le contrat était terminé. En quittant la salle, nos interlocuteurs levaient un index vengeur et promettaient de mabattre. Je suis toujours là : jai été réélu, et assez confortablement. Il ne faut donc pas désespérer !
Ainsi, léquipe municipale a décidé de rompre unilatéralement le contrat daffermage huit ans avant son terme et de passer les services de leau et de lassainissement en régie directe par délibération du conseil municipal du 18 octobre 2001. Nous étions un peu dans lignorance, en labsence de DGS.
La mise en place de la régie (vue n°5)
Il convenait de gérer lurgence de la situation. Dès le vote de la délibération, jai souhaité que la régie soit dirigée par Max Bariguian, qui présidait lassociation depuis huit ans : il connaissait les régies, puisquil en réclamait une depuis huit ans, connaissait la fonction publique, puisquil travaillait dans une commune des Bouches-du-Rhône, et avait avec lui 250 familles.
Entre la décision de rupture du contrat de la Saur, en juin, et le 31 décembre, date de la fin effective de la prestation, il ny avait que quelques mois pour créer la régie. Cela supposait dabord détablir un budget. Nous avons recruté Isabelle Bariguian, qui travaillait alors à la mairie de Rognac, pour soccuper des finances.
En deux mois et demi, nous avons établi un budget de fonctionnement pour les deux services en collaboration avec le Trésor public, mis au point les modalités de paiement des salaires, des fournitures et des prestations, ainsi que de recouvrement des factures, voté un règlement de service, des tarifs, etc.
Nous avons embauché du personnel. Malgré une offre de salaire avantageuse, le personnel de la Saur a refusé dintégrer la régie, au prétexte quils étaient « chevaliers du Minorange » et ne pouvaient donc trahir Bouygues. La priorité à été donnée aux employés communaux.
La mairie ne disposait pas de locaux : nous avons installé la régie dans lancien presbytère. Nous avons acheté des véhicules et du matériel, établi les marchés en urgence pour la sous-traitance de lentretien des installations..
Une fin de contrat difficile (vue n°6)
Du 18 octobre 2001 à la fin de lannée, les relations avec la Saur furent tendues : aucune information ne nous était communiquée, nous navions pas accès aux ouvrages
Cependant, en collaboration avec dautres régies (Briançon, Gardanne, Durance-Luberon), pourtant rattachées à des territoires de sensibilités politiques différentes quand lintérêt public est en jeu, il faut dépasser les notions partisanes , nous avons surmonté les difficultés administratives, techniques et financières en nous informant, en nous équipant des matériels nécessaires et en recrutant du personnel.
En décembre, nous avons informé la population sur les modalités du passage en régie. La passation a eu lieu effectivement le 31 décembre. Le personnel, les prestataires de service, lhuissier mandaté par nos soins étaient en place pour faire un état des lieux des ouvrages.
Comme nous nous y attendions, nous navons eu aucun document technique, aucune donnée informatique sur la télégestion, aucun plan des réseaux, aucune donnée sur la facturation. Mais le 1er janvier 2002, naissait la Régie des eaux de Venelles, la R.E.VE.
Le fonctionnement de la régie (vue n°7)
Lorsque nous avons envoyé lhuissier au siège nîmois de la Saur, en janvier 2002, nous avons enfin pu avoir les plans des réseaux sur format papier ainsi quune disquette informatique dans laquelle se trouvaient tous les renseignements relatifs aux usagers. Nous sommes allés de surprise en surprise. Sur le plan technique, nous avons découvert, sur les plans et données informatiques, des réseaux qui nexistaient pas, mais qui avaient été facturés à la commune, des compteurs qui dataient de plus de vingt-cinq ans, des fuites laissées depuis plusieurs mois. À cet égard, le principe même de délégation de service public est vicié : les délégataires nont pas intérêt à réparer les fuites si le coût de réparation est très supérieur aux dépenses entraînées par ces fuites. Cest parfaitement contraire aux principes du développement durable.
Sur le plan administratif et financier, nous avons découvert des usagers qui étaient partis ou dont les numéros de compteur ne correspondaient pas à celui indiqué sur la disquette remise par la Saur, dautres qui ne payaient pas leur facture deau : ils étaient exonérés illégalement. Cest ce qui fait lobjet de la procédure pénale en cours.
La réaction de la Saur (vue n°8)
À la mi-2002, la Saur a saisi le tribunal administratif de Marseille ; elle réclamait 2,6 millions deuros pour rupture anticipée du contrat et préjudice dimage. Un expert a été nommé et a rendu son rapport en 2004. Au terme de cette procédure, un jugement en date du 15 mars 2005 condamne la commune de Venelles à payer 1,467 millions deuros pour rupture anticipée du contrat. La commune na pas souhaité faire appel. Je salue à cette occasion le maire de Castres pour avoir eu plus de courage que certains élus de mon équipe qui, contrairement à moi, nont pas souhaité poursuivre. Cette somme a été réglée à la fin de 2005 sur les budgets eau et assainissement : non seulement nous avions baissé le prix de 22 %, mais nous avions pu mettre cette somme de côté. Nous avons donc payé cash grâce aux excédents réalisés depuis 2002.
La perception par la population (vue n°9)
Dans leur ensemble, les Français sont assez conservateurs. Après vingt-sept ans de règne de la Saur, le service de leau allait passer la main. Les Venellois se demandaient pourquoi, à qui, comment cela allait se passer, si leau coulerait toujours au robinet
À ces inquiétudes sajoutait celle du passage du franc à leuro. Certains étaient ravis de voir partir la Saur, dautres méfiants ou dubitatifs, les derniers mécontents, convaincus que seule la Saur pouvait être à la hauteur.
À ses débuts, la R.E.VE. a été assaillie dappels téléphoniques en tout genre : leau avait un goût depuis le 1er janvier, était trop chaude, trop salée, on ne comprenait pas la facture, il y avait moins de pression au robinet, etc. Pour ceux qui ne payaient pas leur eau auparavant, la R.E.VE. était devenue un cauchemar. Une fois quils ont vu quils étaient immédiatement informés, renseignés, dépannés, les usagers ont apprécié le service de proximité. La R.E.VE. était devenue réalité
et avait fait oublier la Saur.
Le fonctionnement au quotidien (vue n°10)
Pendant quatre ans, la régie a fonctionné avec quatre personnes, un agent administratif, deux agents techniques, le chef de service, ainsi que des prestataires de services pour :
lentretien et la maintenance des ouvrages deau et dassainissement ;
lintervention sur les casses des réseaux ;
lintervention pour les curages et désobstructions sur réseau deaux usées ;
le transport et le traitement des boues de station dépuration.
Ce nétait pas lidéal, mais dans lurgence, nous navions pu faire autrement quallotir les marchés. La régie assurait la facturation, le service dastreinte 24 h/24 pour le diagnostic des problèmes, la relève des compteurs, les abonnements et résiliations, les interventions techniques mineures. Sur le plan financier et juridique, la régie bénéficiait de lappui des services communaux. On imputait sur les budgets annexes de leau et de lassainissement le temps de travail passé par les différents services. Il ny avait pas demplois fictifs.
Le marché de prestations de services (vue n°11)
À la fin 2005, il nous est apparu plus judicieux de ne passer quun seul marché regroupant toutes les prestations de services que lon avait auparavant, aussi bien pour leau que pour lassainissement, de manière à faire une économie déchelle.
Dans une ville de 8 200 habitants, une régie ne peut avoir un tractopelle, de nombreux employés, etc. Nous ne contestons pas la compétence des groupes français qui, par ailleurs, jouent bien leur rôle à lexportation. En revanche, dès lors que lon sait que les marchés mis en concurrence sont faussés par les ententes illicites, il est de notre devoir de les combattre. Cest la véritable conception du libéralisme du siècle des lumières : permettre que la concurrence joue, ce qui nétait pas le cas à lépoque du contrat de délégation qui précédait la régie.
Au début de lannée 2006, nous avons fait appel à un assistant à maîtrise douvrage, Service Public 2000, pour le montage du marché de prestations de services global regroupant des marchés forfaitaires et des marchés à bons de commande, en y incluant certaines tâches effectuées par la régie elle-même jusqualors (astreintes, relève et changements des compteurs, abonnements, résiliations). Le 17 novembre 2006, le marché de prestations de services a été signé pour une durée de trois ans, reconductible un an, avec la Société des eaux de Marseille et ses filiales : SPGS, Biotechna et SPDE. La Société des eaux de Marseille est une filiale des deux grands groupes, mais lintelligence des élus de lépoque même si Gaston Deferre nétait pas de mon bord politique est davoir réussi à coupler les deux : chacun des grands groupes avait 49 %, la Ville de Marseille sétant réservé les 2 % qui faisaient la différence entre eux.
Ce marché a permis de réaliser une économie substantielle de près de 30 000 euros par rapport à notre coût dobjectif, basé sur les dépenses de lannée précédente.
Nous avons ainsi pu mettre en pratique, en 2007, une idée puisée dans la revue Attac, des intentions du maire de Neufchâteau, dans les Vosges, qui aurait mérité dêtre réélu. Il sagissait dune mesure sociale : offrir 10 m3 deau à chaque famille. Certes, quand on offre 10 m3, ce ne sont que 8 euros. Mais au-delà de la symbolique que peut représenter une mesure sociale, pour une personne âgée qui consomme 50 m3 deau, 10 m3 représentent 20 % de sa consommation. Bien sûr, pour celui qui a un grand jardin et qui consomme 200 ou 400 m3, cela représente peu de choses. Il sagit bien de développement durable : offrir de leau, mais sans inciter les usagers à gaspiller leau. Cette mesure est appréciée. Le volume offert est porté à 20 m3 pour les foyers comprenant une personne handicapée non imposable.
Le bilan, aujourd'hui (vue n°12)
Au-delà de la baisse conséquente du prix de leau, le passage en régie a permis :
de maîtriser parfaitement la gestion du patrimoine et des services de leau et de lassainissement : aucune augmentation des tarifs de 2005 à 2008, le financement de lindemnisation du « préjudice » réclamée par la Saur sur quatre années dexercice mais la procédure sera poursuivie au civil pour en obtenir le remboursement et la réalisation dun excédent ;
de contrôler à tout moment le prestataire de services ;
de conserver la relation avec lusager à travers laccueil, la facturation, le renouvellement des compteurs, les abonnement et résiliations.
Lenquête de satisfaction réalisée en 2005 a démontré que 79 % des usagers étaient satisfaits des services de la régie et relevaient, comme point fort, limmédiateté de lintervention après lappel téléphonique.
Une bonne santé financière (vues n°13 et 14)
La santé financière de la régie se reflète dans une baisse concrète des tarifs
Dès le 1er janvier 2002, nous avons pu prendre, sur la base des 120 m3, une mesure de baisse moyenne, entre leau et lassainissement, de 21,88 % du prix de leau. Cette baisse sinscrit dans la durée.
Une économie immédiate pour lusager (vue n°15)
La simulation montre que si la Saur avait continué lexploitation, laugmentation aurait été exponentielle.
La régularisation administrative de la régie (vue n°16)
Les élus de lopposition réclamaient un EPIC. Dans lurgence, nous avions créé une régie directe, ce qui nétait pas dans les normes. Arrivé en mars 2001, jignorais la parution du décret du 23 février 2001, qui conservait deux systèmes : la régie autonome dotée de la seule autonomie financière ou la régie personnalisée, dotée de lautonomie financière et de la personnalité morale. Nous avons opté pour cette dernière formule et créé une régie avec des élus de la majorité, de lopposition et des représentants des usagers. La nouvelle structure juridique fonctionne depuis le 1er janvier 2007, le comptable public acceptant également de poursuivre sa mission.
Lorganisation actuelle (vue n°17)
Elle reste dune taille très raisonnable: la régie emploie trois personnes et va en recruter une quatrième, un ingénieur qui secondera Max Bariguian, puisque nous envisageons de créer une régie publique de lénergie. Cest la deuxième étape de ce mandat.
Les outils de pilotage (vues n°18 et 19)
Le tableau de bord :
Sur le plan technique :
pour leau : suivi des consommations et de la qualité au quotidien grâce à la télésurveillance sur la station de filtration, sur les réservoirs et sur le réseau. Nous avons déjà la certification Iso 9000 à travers nos prestataires, mais en tant que vice-président du Pays dAix délégué au développement durable, je souhaite que nous ayons aussi la certification 14001 et la certification 22000 ;
pour lassainissement : suivi des volumes des eaux usées et des boues traités, du temps de fonctionnement des ensembles électromécaniques sur les stations dépuration.
Sur le plan financier, quatre indicateurs nous permettent de piloter à haute altitude sans turbulences :
le nombre dusagers (lévolution dune année sur lautre) ;
le volume facturé (par rapport au volume produit) : on constate un recul des consommations. Le rendement du réseau deau potable est supérieur à 80 %, ce qui nétait pas le cas avec la Saur ;
lépargne nette (c'est-à-dire lépargne brute moins le remboursement du capital de la dette), qui se situe, pour leau, autour de 160 000 euros/an et pour lassainissement, autour de 90 000 euros/an ;
la capacité de désendettement (c'est-à-dire lencours de la dette divisé par lépargne brute, en années), qui est de onze jours pour leau et de quatre ans et deux mois pour lassainissement. Bien quil ny ait pas de règles bien établies, la capacité de désendettement ne devrait pas dépasser les dix ans.
Les indicateurs de performance, qui reflètent le niveau de performance technique et financier de la régie :
Depuis 2002, sont mis en place les indicateurs suivants :
sur la satisfaction des usagers : le taux de réclamation relativement nul et le taux de réponse au courrier dans un délai de 48 heures ;
sur la continuité du service : le taux dinterruptions du service non programmées, le taux de respect du délai de fourniture de leau aux nouveaux abonnés, le taux de conformité des analyses bactériologiques et lindice linéaire des pertes en réseau ;
sur le patrimoine : lindice linéaire de réparation sur réseau, le taux moyen de renouvellement du réseau ;
sur le prix : il est égal à 2,54 euros TTC par m3 pour 120 m3 (eau + assainissement + abonnements)
Ainsi, nous avons payé 1,4 million deuros à la Saur, baissé de 21 % le prix de leau, pris une mesure sociale pour offrir 10 m3 et nous venons de mettre en service une station dépuration de 2,3 millions deuros, tout cela sans faire demprunt. Cela donne une idée des bénéfices de la Saur.
Jai consulté les trente-quatre maires de toutes tendances de la communauté du Pays dAix pour savoir sils souhaitaient quon les aide à entreprendre cette démarche de création dune régie. Pas un na franchi le pas. La FNCCR et lassociation européenne qui se met en place ont encore du travail. Elles peuvent compter sur nous pour les y aider. Il ne sagit pas dopposer secteur public et privé : nous avons fait le choix dutiliser les entreprises privées qui avaient les compétences, mais en les mettant en concurrence. Tous les trois ans, nous repassons un contrat. En moyenne, nous avons six offres.
Max BARIGUIAN,
Quelques communes font appel à nous à travers notre site Internet. Si vous vous interrogez, nhésitez pas à me contacter. La ville dEmbrun nous a consultés et nous avons fait bénéficier la ville de Tournon de notre expérience en 2006. Elle est passée en régie.
Échanges avec les participants
Question de Claire Tillon, chef du service deau potable de la direction de l'eau du Grand Lyon :
Le tribunal administratif a-t-il expliqué comment il avait calculé lindemnité que vous avez dû verser à la Saur ?
Réponse de Jean-Pierre Saez, maire de Venelles :
Il avait nommé un expert. La Saur avait intérêt à demander le maximum et à gonfler ses exigences, mais lexpert avait estimé le préjudice à 1,4 million deuros. Le tribunal administratif na malheureusement pas les pouvoirs dinvestigation policière ; il navait donc pas pu examiner si ce contrat était entaché de pratiques délictueuses comme les emplois fictifs ou les exonérations de facturation délus ou de fonctionnaires qui ne payaient pas leur eau. Nous avons pourtant pu démontrer cela et nous navons dailleurs jamais été attaqués pour diffamation. Le tribunal a prononcé la relaxe, mais le parquet a fait appel.
Observation de Paul Raoult, sénateur du Nord, président des syndicats deau et dassainis-sement du Nord, président du conseil dorientation des régies deau et dassainissement de la FNCCR :
Cet exemple montre que dans des circonstances exceptionnelles, il est possible de passer dune délégation à une régie, même si cest un passage en force et quil a fallu débourser 1,4 million deuros. Mais ce passage nest pas toujours aussi facile: la commune de Caudry, dans le Cambrésis, a dû retourner à la délégation de service public parce que la somme exigée pour mettre fin au contrat était exorbitante.
Atelier sur le retour en régie : présentation de plusieurs cas dans des collectivités de caractéristiques différentes : Le cas dune grande ville : Paris
Odile de KORNERDirectrice générale déléguée dEau de Paris
À Paris, la démarche nest pas aussi avancée quà Venelles. Anne Le Strat, adjointe au maire de Paris chargée de leau et de lassainissement et Présidente dEau de Paris, aujourd'hui empêchée, est au cur de cette évolution vers un retour en gestion publique du service des eaux, avec une première phase en 2009 et une mise en uvre effective avec la reprise de la distribution au 1er janvier 2010.
Les opportunités liées à la fin des contrats de délégation de la distribution deau potable
Vues n°2 et 3
La gestion de leau à Paris est un cas particulier, puisque nous avons des opérateurs différents pour la production et la distribution. Pour la production, une société déconomie mixte, Eau de Paris, a été créée en 1987. Pour la distribution, deux fermiers ont obtenu une délégation en 1984, sans mise en concurrence, puisque la loi Sapin nexistait pas encore. Avec trois délégataires, le système est donc assez complexe.
Des opportunités extraordinaires se présentent aux élus avec léchéance proche des contrats des délégataires. Rompre une délégation en cours de contrat peut coûter cher et les élus parisiens ny étaient pas prêts, mais le contrat de délégation de la SEM se termine au 31 décembre 2011 et un dispositif du contrat de concession prévoit quau bout de quinze ans de vie de contrat, la Ville peut dénoncer celui-ci. Quant à la distribution, Jacques Chirac, à lépoque, avait coupé Paris en deux : la distribution avait été confiée à la Lyonnaise des eaux sur la rive gauche et à une filiale de Veolia Eau sur la rive droite. Ces contrats daffermage se terminent le 31 décembre 2009. Comme cette opportunité ne se représentera pas, il fallait la saisir.
Une organisation actuelle complexe,et des contrats de délégation peu précis
Vue n°4
Le schéma dorganisation de leau à Paris est assez complexe. Les contrats daffermage sont passés avec la Mairie de Paris et le contrat de production également. Il ny a donc pas de lien contractuel entre le producteur et les distributeurs. Mais il y a des liens techniques très forts. Pour les contrôles sanitaires quelle exerce sur la qualité de leau, la Ddass de Paris a confié ses prélèvements à une régie de la Mairie de Paris, le Crecep. Ainsi, il y a une interaction entre la production, la distribution et le contrôle de qualité, avec des liens très forts qui remontent tous vers la mairie de Paris.
Vue n°5
Les contrats des distributeurs manquaient de précisions : le contrôle était mal défini, les objectifs à atteindre au départ peu formalisés, les modalités de fin de contrat décrites de manière plus ou moins détaillée et de façon générale, aucune sanction nétait associée à la non-satisfaction des exigences du contrat. La renégociation des contrats par la Ville, en 2003, a permis de remédier à cet état de fait, à travers la reprise effective du contrôle par les services de la Ville. Des objectifs quantitatifs chiffrés en matière dinvestissement, de renouvellement, de travaux et un intéressement au rendement du réseau ont été définis et font lobjet dun suivi régulier. Les distributeurs navaient donc pas du tout intérêt à laisser fuir le réseau, mais, au contraire, à avoir le meilleur rendement possible. Il est actuellement de 95 %. La Ville a ainsi pu faire réaliser 153 millions deuros de travaux supplémentaires sans augmenter le prix de leau. Elle en a profité également pour supprimer un héritage du passé : le groupement dintérêt économique qui assurait la facturation de leau et qui était assez opaque.
La sortie des délégataires de la SEM « Eau de Paris »
Vue n°6
Le principe de la sortie des distributeurs qui étaient dans le capital de la SEM EAU DE PARIS a été acté. Les filiales de Veolia et de Suez sont donc sorties du capital. La SEM a pu ainsi retrouver une certaine sérénité. Leur présence dans le capital leur fournissait en effet des informations très importantes sur le programme de travaux, sur les appels doffres attribués en commission et sur des informations stratégiques qui étaient de nature à perturber la sortie des contrats. Ce changement dans le capital a également permis douvrir la gouvernance de la SEM aux associations. Ainsi France Nature Environnement est ainsi entrée au conseil dadministration. Nous avions fait des propositions à des associations de consommateurs, mais elles nont pas souhaité entrer comme administrateurs ou personnes qualifiées dans la configuration actuelle.
Des études préparant les nouvelles orientations de la Ville en matière deau potable
Vue n°7
De manière préventive afin de préparer et daccompagner ces changements, la Ville de Paris a mis des études en uvre et sest fait assister en tant que maître douvrage. Elle a notamment commandé :
une analyse comparative des différents modes dorganisation possibles pour la gestion future du service : plus dune quinzaine de scénarios étaient possibles ;
une enquête comparative nationale et internationale sur lorganisation et le fonctionnement des services deau de grandes villes comme Munich
une étude sur la fin des délégations actuelles
un schéma directeur de leau potable avec comme horizon 2025, pour savoir où nous allions, dans les années à venir : la production à assurer, la consommation prévue, les évolutions de législation attendues, les investissements à envisager au regard de létat actuel du patrimoine.
La Ville a également missionné une assistance pour laccompagnement du processus de choix du futur mode de gestion.
Le choix dun opérateur public unique et ses justifications
Vue n°8
Une première étape importante a été le communiqué de Bertrand Delanoë en tant que candidat aux municipales, en novembre 2007. Il déclarait vouloir une remunicipalisation du service des eaux, en choisissant un opérateur public unique à la place des trois opérateurs, tout en assurant une stabilité du prix de leau. Ce sujet a été peu débattu pendant la campagne électorale mais utilisé comme argument de clivage politique entre la majorité sortante et lopposition.
Vue n°9
Quels avantages présente le choix dun opérateur unique sur Paris ?
davantage de cohérence, de lisibilité, et de réactivité : actuellement, entre la Mairie de Paris, le Crecep, la SEM EAU DE PARIS, les deux distributeurs, uniquement pour leau potable, et dautres acteurs encore pour les eaux usées, le Parisien est face à une organisation extrêmement complexe, dautant plus quil vit majoritairement en immeuble collectif et que la facture deau est donc envoyée au syndic il ny a presque pas de factures deau individuelles. Ce système échappe donc au citoyen usager et est très méconnu ;
une meilleure traçabilité de leau, de son système, de son organisation. Les délégations à des opérateurs privés sont moins transparentes quà des opérateurs publics. En effet, les appels doffres passés par les opérateurs privés à leurs fournisseurs et sous-traitants sont confidentiels. Même la Mairie de Paris nest pas informée de leur résultat. Le choix des prestataires relève de lopérateur privé et il y a tout un pan de lorganisation qui échappe à la connaissance de lautorité organisatrice comme du citoyen ;
une performance de service accrue, avec une stabilité du prix de leau, certes, mais aussi de nouveaux services ;
une gestion financière plus transparente et entièrement dédiée au service public de leau. Il y a plusieurs façons de gérer une délégation de service public de manière privative : on peut officiellement déclarer les bénéfices, mais il y a aussi des gestions financières qui tournent plusieurs fois et qui permettent de ne pas déclarer certains bénéfices ;
le contact direct entre lusager parisien et son opérateur. Actuellement, les gestionnaires dimmeubles que sont les syndics reçoivent une facture à len-tête des distributeurs, qui ne sont pas clairement identifiés comme étant le service des eaux de la Mairie de Paris.
Un risque juridique moins élevé et une organi-sation plus simple grâce à lopérateur public
Vue n°10
Pourquoi le choix de la structure publique ? Bertrand Delanoë a fait le choix de construire son nouveau service public de leau autour dEAU DE PARIS, qui est une SEM. Pourquoi ne pas lui avoir agrégé les activités des fermiers et avoir préféré une régie à autonomie financière et à personnalité morale ? Stratégiquement, si le choix sétait porté sur une SEM, cela aurait obligé à une mise en concurrence. Paris représente un enjeu symbolique et si la SEM avait fait une proposition justifiée et raisonnable, elle naurait pas forcément été la moins-disante. Même si elle lavait été, la Mairie de Paris sexposait presque à coup sûr à des recours juridictionnels. Lexécutif municipal a donc préféré létablissement public industriel et commercial, qui nétait finalement pas très éloigné du fonctionnement de la SEM.
Vue n°11
Lintérêt de cet opérateur unique qui va voir le jour début 2010 dans sa forme achevée est une forte simplification des acteurs de leau à Paris, qui sont, actuellement : la SEM EAU DE PARIS, le Crecep (laboratoire danalyse deau), la Compagnie des eaux de Paris, qui dépend de Veolia, Eaux et force parisienne des eaux, qui dépend de Suez, et le service de la Ville de Paris qui gère les investissements sur les installations affermées. Demain, ces différentes composantes vont se retrouver au sein dun opérateur unique, qui sera la Régie des eaux de Paris.
Les activités de la future régie, et son calendrier de création
Vue n°12
Cette régie aura comme activités : la production, le transport, le contrôle de la qualité, la distribution, le contrôle des pressions, les investissements, lentretien, les travaux et les relations avec les usagers. La régie ne pourra cependant pas reprendre lactivité de contrôle sanitaire queffectuait le Crecep, puisque lon ne peut pas être à la fois contrôleur et contrôlé.
Vue n°13
Le calendrier prévisionnel nécessite dêtre encore précisé, mais la création de lEPIC est prévue pour le début de 2009, par une délibération du conseil municipal de la fin de lannée. Il sera opérationnel à la fin du premier trimestre 2009. Dès ce moment, certaines activités résiduelles de la SEM qui nauront pas été transférées via la Ville de Paris seront transférées à lEPIC, et la SEM sera dissoute. Au 1er janvier 2010, cet EPIC reprendra les activités de distribution. En un an, nous serons donc passés de plusieurs acteurs à un opérateur unique.
Les points forts de la régie
Vue n°14
Quels sont les points forts de ce futur opérateur unique ? Cest un choix économique : un EPIC ne fait pas de bénéfices, et le bilan économique sera donc optimisé, avec notamment des gains possibles à léchelle de lopérateur unique, puisque nous allons passer dun effectif de 550 à un peu moins de 1 000 agents, avec actuellement, pour chaque opérateur, des services qui gèrent le personnel, qui font de la comptabilité, qui gèrent des budgets. La formule de lopérateur unique permettra de réinvestir les éventuels bénéfices sur du long terme, mais aussi de se placer dans une perspective qui aille au-delà des échéances des contrats. Comme nous sommes actuellement en fin de contrat, les investissements que nous faisons ont des durées damortissement très faibles. Avec lopérateur unique, nous avons également voulu avoir un système où le prix de leau reflète les seuls coûts de l'eau et pas dautres coûts, ainsi quune politique dachats et de travaux entièrement transparente. Tous les achats seront accessibles aux usagers à travers les bilans, voire des audits sur place. Enfin, les organes de gouvernance seront placés sous limpulsion et lanimation forte des élus, ce qui permettra une gestion publique au quotidien du service de leau à Paris.
Les avantages de la régie pour la stabilité du prix de leau
Vue n°15
Comment garantir la stabilité du prix de la part « eau » avec lopérateur unique ?
par la suppression des bénéfices : dans le cadre dun opérateur privé, ces bénéfices sont légitimes parce quil faut rémunérer des actionnaires, mais dans le cadre dun établissement public, ils nexistent plus ;
par la suppression des marges non apparentes ;
par le gain de productivité obtenu grâce au regroupement des trois opérateurs et à une forte capacité technologique, qui permettra de doter cet instrument de systèmes dinformation performants.
Notre calendrier est donc très serré, et les défis sont nombreux.
Échanges avec les participants
Question de Jean-Michel Jardin, Le Mans Métropole : Lorsque vous allez reprendre lactivité des trois opérateurs, vous allez recruter du personnel. Avez-vous recontacté les personnels de ces groupes ? Avez-vous eu les mêmes réponses que Jean-Pierre Saez ?
Réponse dOdile de Korner : En matière de reprise dactivité à la fin dun contrat daffermage, le Code du travail est très précis : larticle L.1224 (ex L.122-12) impose au nouvel employeur de reprendre aussi les agents qui exerçaient ces activités, avec des processus dintégration qui permettent éventuellement de dénoncer les accords précédents et de rebâtir des accords communs pour la nouvelle structure.
Question de Paul Coste, directeur général adjoint de la Ville de Grenoble : La Ville de Paris perçoit-elle des redevances de la part des fermiers ? Dans le cadre du nouveau contrat avec la régie autonome, est-il prévu de maintenir des relations financières du type de la redevance doccupation du domaine public ?
Réponse dOdile de Korner : À travers les différents contrats, la Ville avait institué plusieurs types de redevance: des redevances doccupation de certaines installations quelle mettait à la disposition des opérateurs (bureaux, logements de service), des redevances doccupation du domaine public, puisque toutes les canalisations passent dans des égouts qui appartiennent au domaine public, mais aussi des redevances pour participer à certains contrôles de qualité. Si certaines redevances demeurent justifiées, dautres le sont moins et nous négocions actuellement pour préciser les redevances à maintenir et celles à supprimer.
Question dune participante : Comment pouvez-vous avoir accès aux données des systèmes dinformation des exploitants privés, qui conditionnent la qualité dexploitation du service, comme linformatisation des bases clients, du suivi du patrimoine, du suivi des données techniques du service ? Comment organisez-vous la reprise de ces informations ?
Réponse dOdile de Korner : La continuité du service est un sujet très important. La Ville de Paris avait anticipé la fin du contrat des délégataires privés en précisant justement les conditions de cette fin de contrat dans un avenant. Ces conditions doivent permettre dassurer la continuité du service, de préciser dans quel cadre des biens de reprise sont nécessaires à la continuité du service, voire dans quel cadre se rachètent certains biens propres. Cest une question sensible. À ce jour, les délégataires privés nont pas intérêt, compte tenu de leur image nationale et internationale, à ce que Paris ne soit pas un bon exemple de continuité de service. Si cela ne se passe pas bien à Paris, les contrats en cours avec lAmérique du Sud, lAsie du Sud-Est ou ailleurs en subiront forcément un préjudice. Mais il est vrai que ce nest pas parce quune clause est prévue dans un contrat quelle est forcément respectée, surtout quand le contrat se termine. La transmission des données est effectivement un point sur lequel nous devrons être extrêmement vigilants.
Question de Denis Geffroy, consultant chez Calia conseil : Pour poser de manière différente la question relative au personnel, y a-t-il aujourd'hui une position arrêtée ? Allez-vous recruter du personnel, quil vienne ou non des anciens délégataires ? Ou envisagez-vous de recourir à des contrats de prestation pour la distribution auxquels pourraient dailleurs postuler les délégataires actuels ?
Réponse dOdile de Korner : Toutes les activités des prestataires privés sont transférées au nouvel EPIC. Si tous les personnels permanents des délégataires privés souhaitent rejoindre le nouvel EPIC, le Code du travail est clair à cet égard. Il se peut cependant que certains salariés ne souhaitent pas rejoindre la nouvelle régie. Dans ce cas, nous serons obligés denvisager certaines embauches. Nous examinerons aussi quelles sont les prestations quil ne serait pas rentable dassurer pour la régie, parce que notre taille nest pas forcément suffisante pour les assurer de manière performante. En outre, dautres prestataires que les délégataires actuels sont en mesure dassurer un certain nombre de tâches, par exemple lédition et lenvoi des factures aux abonnés.
Précision dOlivier Jacque, Chef du service technique de leau et de lassainissement, direction de la propreté et de leau de la Ville de Paris : Cette prestation est déjà sous-traitée à lheure actuelle par les délégataires.
Question dAlain Cacheux, adjoint au maire de Lille : Au sujet de lavenant que la ville de Paris a passé pour définir les conditions de fin de contrat, je souhaiterais des précisions, notamment en ce qui concerne le retour dun certain nombre de biens comme les compteurs et leurs annexes nécessaires à la distribution et à la facturation de leau, qui étaient sans doute la propriété des fermiers. Avez-vous précisé lensemble des conditions du retour au service de ces biens, et en particulier leur valeur de rachat ?
Réponse dOlivier Jacque : Ce sont des biens indispensables au fonctionnement du service, et ils rentrent donc dans la catégorie des biens de retour. Ils ont été listés. Des mesures transitoires ont été prévues. Deux sortes de biens ont été détaillées : les compteurs deau et le système de télé-relève. En effet, dans la dernière phase des contrats de délégation, il était prévu que les fermiers mettent en place une télé-relève. Ces biens ont été décrits, avec indication de leur âge, et nous les rachetons à la valeur nette comptable, avec un dispositif damortissement pour les compteurs entre six ans dâge moyen et quatorze ans dâge maximum, et sur les télé-relèves, avec dix ans damortissement. Quant au reste, il ny aura pas de problèmes pour récupérer les données ; il sera beaucoup plus difficile de récupérer les logiciels ou les progiciels pour les traiter, parce que même les distributeurs nen sont pas forcément propriétaires.
Question de Claire Tillon, chef du service deau potable de la direction de l'eau du Grand Lyon : Ce que vous dites pour les données techniques vaut-il également pour les données liées à la facturation ? Vos fermiers vous donneront-ils lintégralité du fichier clients, les coordonnées bancaires, lhistorique de consommation, les incidents éventuels ?
Réponse dOlivier Jacque : A priori, oui, cela ne pose pas de gros problèmes. En fait, le problème majeur est de traiter ces informations, non davoir linformation elle-même. Sil faut ressaisir les informations, cest quasiment inexploitable.
Question de Christian Lepinard, directeur du service de leau de la communauté d'agglomération dAnnecy (C2A) : Quand on regarde une facture deau, on constate que la part qui devient prépondérante est celle de lassainissement. La Ville de Paris a-t-elle des ambitions en matière de retour vers une gestion publique de lassainissement ?
Réponse dOlivier Jacque : Lassainissement est public, à Paris. La collecte des eaux est faite historiquement en régie directe par la municipalité. Quant à ce que nous appelons transport - épuration, c'est-à-dire avant tout les stations dépuration, il est également public, mais à une autre échelle, puisque cest le Syndicat interdépartemental pour lassainissement de lagglomération parisienne, le SIAAP, qui traite les eaux de 8 millions dhabitants. Les élus parisiens font partie de son conseil dadministration.
Question de Pierre Hamel, Professeur-Chercheur à INRS - Institut national de la recherche scientifique INRS UCS (Urbanisation, culture et société) - Québec : La salle a vivement réagi lorsquil a été dit que la Ville de Paris navait pas la taille suffisante pour assumer certaines fonctions. Si la Ville de Paris ne peut le faire, personne ici ne peut le faire. De quoi sagit-il, exactement ? Quest-ce que Paris ne peut pas faire en raison de sa taille ?
Réponse dOlivier Jacque : Il y a un certain nombre de tâches qui, aujourd'hui, chez les délégataires qui opèrent pour Paris, ne sont pas faites à une échelle parisienne, mais à une échelle bien plus importante. Par exemple, le centre dappels clients traite plusieurs millions de clients, à une échelle de près du double de la taille de Paris, ce qui permet une économie déchelle. Paris a 2,1 millions dhabitants, 3,5 millions en équivalent habitants si lon ajoute ceux qui y travaillent, mais nous navons que 93 000 abonnés. À cet égard, nous sommes une « petite ville ». Nous navons pas dabonnements individuels, puisquil ny a pas dhabitat individuel à Paris. En outre, les délégataires, pourtant de taille internationale, sous-traitent certaines prestations. Pourquoi une régie municipale ne le ferait-elle pas ?
Question de Jean-Pierre Losser, Directeur de Caléo (68) : Vous avez évoqué larticle L.122-12 du code du travail, qui réglemente les transferts de personnel. Comment est-il envisagé de régler le problème du statut de ce personnel ? Si vous êtes une collectivité, une régie, cest en principe la fonction publique territoriale qui joue.
Réponse dOdile de Korner : Non. La régie qui sera constituée est une régie à personnalité morale et autonomie financière. Ces deux attributs lui permettent de gérer du personnel privé avec des contrats de travail de droit privé. Le personnel qui est actuellement à la SEM Eau de Paris rejoindra lEPIC, mais il nest pas certain quun avenant au contrat de travail soit nécessaire, puisquil y a transfert automatique. Quant aux fonctionnaires territoriaux détachés par la Ville de Paris, ils feront un aller et retour pour avoir un arrêté de détachement avec la nouvelle structure. Cela se fera donc relativement facilement. En outre, une régie à autonomie financière et personnalité morale peut parfaitement employer du personnel sous statut privé.
Précision de Michel Desmars, chef du service de leau de la FNCCR : Des confusions sont faites assez souvent à propos du personnel des régies. Selon une jurisprudence très ancienne du Conseil dÉtat, le personnel des régies industrielles et commerciales est du personnel de droit privé, quel que soit le type de la régie. Même si cest une régie qui na pas la personnalité morale, c'est-à-dire, dans le domaine de leau et de lassainissement, une régie à simple autonomie financière, elle a normalement du personnel de droit privé. Mais le Conseil dÉtat dit aussi quil y a une tolérance en vertu de laquelle ce personnel peut avoir le statut de la fonction publique territoriale. Les deux solutions sont donc admises. Il ny a aucun problème juridique pour quune régie, quelle que soit sa forme, ait soit du personnel privé, soit du personnel public. La principale difficulté est de faire coexister les deux régimes au sein dune même régie, c'est-à-dire davoir des agents qui réalisent les mêmes tâches, mais sous des statuts différents, donc avec des conditions demploi et de rémunération qui peuvent être un peu différentes.
Question de Christophe LIME, maire-adjoint chargé de l'Eau et de l'Assainissement, Ville de Besançon : Paris compte-t-elle valoriser ce retour en régie, compte tenu de sa valeur exemplaire ? Sil vient à se savoir, en France, que Paris est revenu en régie, cela peut donner des idées à beaucoup dautres collectivités.
Réponse dOdile de Korner : Cest plus un souhait quune question
Question dIgor Semo, vice-président de la Fédération professionnelle des entreprises de leau (FP2E) : Nous ne sommes que deux représentants du secteur privé dans la salle. Merci de nous avoir invités
Cest une leçon dhumilité, puisque nous entendons beaucoup de critiques. Lobjectif de notre présence était que nous soyons à lécoute de ces critiques, qui sont pour nous autant denseignements utiles. Mais mettez-vous à notre place : quand un service en délégation passe en régie, cest forcément très mal vécu par les équipes et par le management. Dans une carrière à la Lyonnaise, à Veolia, à la Saur, chez Sogedo, Ruas ou dautres opérateurs, un service qui passe en régie nest pas considéré comme une réussite, et cela peut expliquer des relations un peu difficiles. Cest pourquoi il est très important de fixer des règles, que ce soit dans les contrats, par la réglementation ou dans des groupes de travail. LInstitut de la gestion déléguée, à cet égard, a été un lieu très intéressant, notamment sur la question du statut et de léchangeabilité du personnel. Gilles Le Chatelier, conseiller dÉtat, et le groupe de travail quil présidait, ont produit un rapport qui clarifie un certain nombre de points. On peut sy référer et avoir ainsi un peu de sérénité. Sagissant de lexpérience parisienne, il est difficile dévoquer ce cas sans réagir, mais je voudrais poser une question : beaucoup dobservateurs pensent quil y avait un autre choix possible pour la Ville de Paris, celui de faire un appel doffres dans le cadre de la délégation de service public prévue par la loi Sapin, mais en se réservant la possibilité du choix du retour en régie après cet appel doffre. Cela aurait permis davoir une offre de la Lyonnaise des eaux, qui aurait sans doute été candidate, une offre de Veolia, une offre de la Saur, qui avait dit publiquement quelle serait candidate, et sans doute dun opérateur international, vu la taille de Paris. Et il restait toujours la possibilité de rester en régie. Au final, les élus auraient pu choisir, entre plusieurs options, le meilleur rapport qualité / prix pour Paris, sachant quil faut des autorités organisatrices très impliquées, quel que soit le mode de gestion, régie ou délégation. Pourquoi, donc, avoir fait ce choix de fermer les yeux et de se priver de la possibilité dexaminer ce qui pouvait être proposé par les entreprises du secteur privé?
Réponse dOdile de Korner : La Ville avait commandé des études pour examiner les différents scénarios. Ces scénarios étaient valorisés en plus et en moins. Les élus avaient tous les éléments pour décider quels étaient les scénarios qui leur semblaient le mieux convenir à leurs attentes, et ils nont pas souhaité un débat trop long, avec des groupes de pression qui semparent du dossier pour décider à leur place. Ils ont assumé leur fonction délus. Je pense que Bertrand Delanoë, maire de Paris, a parlé de ce choix en temps utile avec toutes les parties prenantes. La décision lui revient, et il la prise en toute connaissance de cause, sans céder à la pression. De plus, tous les participants dans la salle passent des appels doffres et savent que lentreprise non retenue ne manque jamais de demander pourquoi, pour savoir ce quon lui re-proche, avec, à la clé, des recours juridictionnels de plus en plus fréquents. De ce point de vue, le retour direct en régie présente moins de risque juridique quun passage par une procédure de délégation qui peut toujours aboutir à des réclamations des candidats, voire des contentieux
Réponse dOlivier Jacque : Ce sont bien les raisons affichées, et cétait un choix politique. Mais il y a encore un autre motif : le retour en régie demande un long délai. La Ville de Paris sy est prise très longtemps à lavance, et lon voit que les opérations nécessaires au changement du mode de gestion prennent du temps avant de se concrétiser, pour quantité de raisons, qui ne sont absolument pas dues à de mauvaises relations avec les délégataires. Ainsi, il nétait guère possible de suivre la procédure proposée par Igor Semo. Cela aurait repoussé de plus dun an la décision concernant le mode de gestion. Sachant quil aurait fallu encore deux ans pour organiser le retour en régie, ce retour naurait en fait plus guère été possible. Le choix du retour en régie ne peut être fait que très en amont, pour se donner le temps dune mise en place dans des conditions satisfaisantes et qui permettent une parfaite continuité du service public.
Question dun participant : Dans le prolongement des interrogations émises, outre le temps nécessaire, que vous avez rappelé, il me semble que sur le plan juridique, il fallait que lon fasse dabord le choix du retour en régie et quà partir du moment où lon lançait la délégation de service public, on était contraint par ce choix. Est-ce que, sur le plan juridique, on est obligé de faire un choix préalable entre la régie et la délégation de service public ?
Témoignage dAmélius Hernandez, président du SIEAP de la Guadeloupe : Jai tenté cette expérience, qui a duré six ans, avec le Syndicat intercommunal des eaux et de lassainissement de la Guadeloupe. Nous avions, au départ, fait le choix dune DSP en pensant revenir après sur une régie. Nous avons constamment été retoqués par le tribunal administratif, qui nous disait à chaque fois quil fallait soit le choix dune DSP, soit le choix dune régie. Je me félicite aujourd'hui de constater que certaines volontés politiques arrivent à atteindre leurs objectifs, puisque jai fait la triste expérience des pressions exercées de toutes origines qui, combinées à des recours judiciaires, paralysent les décideurs. Il vaut mieux éviter dhésiter entre la régie et la délégation, quand on le peut.
Témoignage de Gérard Martin, vice-président du Syndicat des eaux dÎle-de-France (SEDIF) : Notre Syndicat est un peu plus gros que la Ville de Paris, avec 4,4 millions dhabitants et entre 300 000 et 500 000 abonnés. Nous arrivons aussi à un tournant stratégique: le 31 décembre 2010, le contrat de délégation de service public conclu entre le SEDIF et Veolia prendra fin. Le SEDIF est un établissement public jadis administratif, qui a aujourd'hui évolué en établissement public industriel et commercial, donc une personnalité morale de droit public. Nous sommes propriétaires de notre eau, depuis la Seine, lOise ou la Marne, où nous la prenons, jusquau robinet des habitants où nous la livrons. Nous utilisons pour cela de petites mains celles de Veolia qui nous lépurent, nous la transforment, mettent les poudres nécessaires et la distribuent au robinet des abonnés ou des entreprises. Sous limpulsion de notre président, André Santini, nous avons démarré létude de la passation dun nouveau contrat il y a plus de deux ans et il nous faudra au moins deux ans pour mettre en place la nouvelle formule, quil sagisse de DSP ou de régie publique dotée de la personnalité morale et financière. Je mimplique dans ces questions grâce à la FNCCR, dont laction est très intéressante, et à Monsieur Raoult, qui est remarquable parce quouvert à tout. Sur laspect du personnel, aujourd'hui, le SEDIF emploie 80 personnes, dont une dizaine régis par le Code du travail et les autres par le droit public. Lopérateur, quant à lui, emploie entre 1 000 et 1 100 personnes. Or, notre direction des ressources humaines nest aujourd'hui pas suffisamment musclée pour gérer un millier de personnes. En tout cas, la plus grosse difficulté ne me paraît pas être leau ou la distribution, mais le personnel.
Au mois de décembre, nos 144 délégués vont voter, au terme dune étude menée par le cabinet Pöyry, assistant à maîtrise douvrage, pour savoir sils choisissent une régie publique ou une DSP. À la fin de lannée, nous saurons donc où nous en sommes et nous lancerons les opérations pour caler les choses dans les deux ans qui nous sépareront de léchéance du contrat. Aujourd'hui, nous avons 30 % de nouveaux délégués, et il est difficile de comprendre des contrats de cette complexité, sauf à être juriste, polytechnicien et hydrologue à la fois. Nous avons organisé des stages de formation pour expliquer le système aux élus et leur rendre lensemble des éléments du contrat le plus transparent possible. Ces élus en sont très heureux et en décembre prochain, notre syndicat va réellement prendre un nouveau départ.
Observation de Bruno Maneval, directeur de la Régie dassainissement de la Métro : À propos de limpact que peut avoir le retour en régie sur le personnel, certes, cela pose question quand mille personnes doivent changer demployeur et quelles risquent de ne pas le faire. Mais il faut aussi penser au traumatisme qui a été vécu à Grenoble, quand les services ont été privatisés. Il y a des fonctionnaires territoriaux qui, convaincus du bien-fondé du service public travaillant pour les usagers de leau, se sont retrouvés, du jour au lendemain, avec un opérateur privé, dans une logique un peu différente. Il faut aussi penser à cette situation.
Question de Bertrand Charpy, direction du contrôle de gestion externe, Ville de Grenoble : On parle beaucoup de retour en régie pour le service public de leau, mais moins pour dautres services publics. Y a-t-il des spécificités de ce service public et de ce secteur dactivité qui expliquent cela ?
Observation de Paul Raoult, sénateur du Nord, président des syndicats deau et dassainissement du Nord, président du conseil dorientation des régies deau et dassainissement de la FNCCR : Leau a une valeur symbolique. Cest un bien public dans lesprit dune grande partie de nos concitoyens. Mais on peut effectivement imaginer des régies municipales de collecte de déchets et de traitement des déchets. Il existe aussi des régies de transports.
Question dune participante : À quel moment, dans votre calendrier, aurez-vous une vision exacte du personnel qui acceptera de rejoindre la régie ? Par ailleurs, quest-ce que vous anticipez sur lattrait que peut représenter la régie pour les cadres de ces groupes ?
Réponse dOdile de Korner : Nous sommes en train de faire la photographie du personnel sous forme dun audit social chez les délégataires privés pour connaître précisément les effectifs, les compétences, les rémunérations, les accords collectifs signés
Cela nous permettra davoir, à la suite, un dialogue avec la Ville de Paris et ces personnels pour leur proposer de venir travailler dans la régie. Tous ne viendront sans doute pas et certains préféreront continuer leur carrière au sein des groupes auxquels ils appartiennent. Nous commençons donc déjà à envisager notre organisation et les profils quil nous faut. Mais un certain nombre de cadres nous ont fait savoir que le service public les intéressait et quils voulaient venir travailler avec lui, preuve que le service public peut aussi être séduisant pour des personnes qui recherchent le dynamisme et lefficacité.
Atelier sur le retour en régie : présentation de plusieurs cas dans des collectivités de caractéristiques différentes : La création de la régie « Castraise de leau »
Pierre LAPELERIE, Directeur de Castraise de leau
La Ville de Castres est revenue en régie en 2004. Lexposé des différentes étapes de ce retour permettra à ceux qui envisagent dopter pour un retour en régie ou de poursuivre dans le cadre de la délégation de mesurer lampleur de la tâche que représente le retour en régie.
Présentation de la Ville de Castres et de la situation des services deau et dassainissement avant le retour en régie
Vues n°1, 2, 3 et 4
Castres est une sous-préfecture de 43 000 habitants située dans le Tarn, ville centre dune communauté d'agglomération de 85 000 habitants. Cest le deuxième pôle industriel de la Région Midi-Pyrénées, avec notamment le pôle pharmaceutique autour des établissements Pierre Fabre et une industrie du textile qui périclite, comme partout en France. Cest surtout une ville enclavée, à plus de 50 km de la première autoroute, quil faut aller prendre à Castelnaudary ou à Albi.
Nous avions un délégataire en place depuis 1990 sur deux services, avec le contrat type employé dans la plupart des délégations, dune durée de trente ans, portant sur leau et lassainissement et avec un droit dentrée de 15 millions deuros à lépoque. Avant 1990, les deux services étaient gérés en régie.
Un contentieux relatif au paiement du droit dentrée versé à la Ville à lorigine des contrats de délégation
Vue n°5
Le fait générateur du retour en régie est un contentieux. Comme tous les contrats, il a vécu. Un certain nombre davenants ont acté les modifications du service, lintégration de stations dépuration, etc. Lavenant à lorigine du contentieux a été passé en octobre 2000 et intégrait dans le prix de leau le remboursement du droit dentrée. Une association dusagers a engagé une action qui sest soldée par une décision de justice. Le 25 octobre 2001 : le tribunal administratif « a annulé la délibération du conseil municipal en tant quelle approuve les articles relatifs à la fixation des tarifs deau et dassainissement qui répercutent sur les usagers des charges damortissement des contributions spéciales qui ont été utilisées pour des dépenses dintérêt général mais étrangères aux services publics délégués. ». En parallèle, le délégataire avait engagé une amorce de contentieux, avec une expertise visant à montrer que vu les conditions économiques du contrat, il lui était difficile, à lissue du contrat, de générer le bénéfice espéré à son démarrage. La décision du tribunal administratif conduisait forcément à enlever la quote-part du remboursement des contributions, donc à diminuer le prix de leau et celui de lassainissement. Or, le délégataire espérait une augmentation de ses tarifs de leau et de lassainissement.
La décision de résiliation unilatérale des contrats de délégation et les discussions avec le délégataire
Vue n°6
Pascal Bugis, le maire de la Ville de Castres, a donc été contraint de faire approuver par le Conseil municipal, le 24 juin 2003, la résiliation unilatérale pour motif dintérêt général des contrats et avenants pour lexploitation du service public deau potable et du service dassainissement, avec effet au 1er juillet 2004, soit un an plus tard. Entre larrêt du tribunal administratif et cette délibération, il y a eu deux années de tractations et de démarches visant à rapprocher les parties, mais cela na pas été possible.
Vue n°7
Après cette décision de rupture, nous avons à nouveau eu avec notre délégataire des rendez-vous visant à retirer éventuellement la délibération, et ceci durant près de huit mois. En parallèle, nous avons lancé des études préalables avec des experts. Leurs conclusions étaient que quoi quil advienne, compte tenu des travaux importants quil y avait à réaliser sur notre réseau nous avions à lépoque un branchement sur deux en plomb et des boues traitées assez librement , nous aurions forcément une évolution du prix de leau et de lassainissement si lon revenait en régie. Les études préalables doivent être considérées avec attention, parce quelles ne conduisent pas forcément à ce que lon souhaiterait lire ou entendre.
À lissue de ces études préalables et des nouvelles négociations avec le délégataire, la décision du retour en régie a été prise. Nous avons travaillé sur les statuts, sur la création de la régie et sur deux démarches à mener de front : la création de la régie et la fin des relations contractuelles avec le délégataire.
Lélaboration des statuts de la régie
Vue n°8
Malgré les études préalables réalisées par les experts, le retour en régie dans un cadre de contentieux est difficile. Le choix retenu a été de mettre lensemble de la collectivité au service de la création de cette régie. Il y a un certain nombre de métiers spécifiques, relatifs au volet financier, aux marchés publics ou à linformatique. Tant que le problème de la facturation na pas été réglé, il ny a pas de recettes, qui sont le nerf de la guerre parce quelles permettent de diminuer les frais financiers.
Vue n°9
Pour élaborer les statuts, notre réflexion a porté sur :
lobjet : la gestion du service de leau, la gestion du service dassainissement, mais aussi la constitution de la régie ;
le siège social ;
le mode de gestion : nous avons retenu la formule dune régie à personnalité morale et à autonomie financière parce quelle permettait dintégrer dans la régie le personnel qui était sous contrat de droit privé, sans avoir dinterminables discussions pour caler le niveau de rémunération avec celui des fonctionnaires ;
le conseil dadministration, que nous avons mis en place ;
le directeur, qui a été désigné ;
la dotation, que nous avons fixée au cours de la délibération initiale. En effet pour commencer à fonctionner, il faut de largent. Il sagit dargent issu des budgets de leau et de lassainissement, qui ne sont toujours pas clôturés, parce que les actifs nont pas encore été transférés à la régie. Il y a donc deux modes de fonctionnement parallèles : les budgets annexes de la Ville et un nouveau budget qui se met en place, celui de lEPIC, qui fait lobjet dune dotation à partir des deux budgets de la Ville ;
le comptable : il sagit dun comptable public, le receveur municipal ;
le contrôle de la régie, qui fait lobjet dun contrôle de légalité classique.
Une nécessité de coordonner la création de la régie avec la gestion de la fin des contrats de délégation
Vue n°10
Le fait générateur de la constitution de la régie a été une délibération du conseil municipal du 3 février 2004, avec un début dexploitation au 1er juillet 2004. Nous avons donc eu un peu moins de cinq mois pour mettre la régie en place. La constitution du conseil dadministration, lélection de son président, de ses vice-présidents, de sa commission dappel doffres, le vote dun budget sont autant de préalables qui ont nécessité un mois supplémentaire. La délibération a donc créé la régie, approuvé ses statuts, constitué sa dotation initiale et désigné son directeur.
Vue n°11
Deux démarches étaient menées en parallèle : le démarrage de lactivité et la gestion de la fin du contrat avec lancien délégataire.
Vue n°12
Nous démarrions lactivité dans un contexte difficile. Il fallait aussi soccuper du personnel, de lorganisation et des moyens.
Vue n°13
Le contexte : nous avons été obligés de faire de nombreuses demandes aux délégataires, qui ne nous livraient pas facilement les éléments nécessaires. Jai dressé une liste de ces demandes, qui nous ont conduits à mener une action contentieuse.
La mise en place du personnel de la régie
la discussion avec le délégataire et son personnel
Vue n°14
Sagissant du personnel, nous avons fait plusieurs demandes au délégataire. Nous avons souhaité obtenir ladhésion du personnel en place, parce que ce personnel gérait ce service depuis des années, le connaissait bien, savait où se trouvaient les bouches à clé, etc. Nous avons donc mené une négociation à deux niveaux : une négociation avec la direction du délégataire, qui na pas été probante, jusquau moment où ils ont compris quils ne pourraient continuer à faire obstacle au retour en régie, et une négociation au niveau des syndicats, de façon à ce quil y ait une réelle information, auprès des agents du délégataire susceptibles de revenir chez nous, sur les conditions du retour à la régie. En effet, il y avait eu de la désinformation et le personnel était inquiet. Nous avons pu signer un accord cadre avec les représentants syndicaux du délégataire pour fixer les conditions financières et statutaires du retour en confirmant quils continueraient à bénéficier des avantages qui leur étaient dévolus chez le délégataire en termes de rémunération, daccord dentreprise, etc., mais dans le cadre dun accord dentreprise qui serait propre à la régie. Cela a permis de faciliter lacceptation par les agents de leur intégration à la régie. Pour une ville comme Castres, le personnel est souvent implanté localement et souhaite forcément rester sur place, ce qui facilite grandement leur adhésion à leur retour à la régie.
En revanche, nous avons dû faire face à une « fuite des cerveaux », car le délégataire a souhaité récupérer le personnel dencadrement et les cadres compétents pour les affecter sur dautres services. On ne peut len blâmer, mais cela a généré des difficultés : ce nest que tardivement que nous avons eu les réponses définitives et à une semaine de la prise du service, nous nous retrouvions avec un responsable de station qui était resté chez son employeur. Pour les agents sous contrat de droit privé qui souhaitaient intégrer la régie, le délégataire nous a fait part du nombre de personnes à temps plein susceptibles de rester. Nous avons demandé à ces agents quelle était leur intention et, sils voulaient rester, de le confirmer en signant un avenant au contrat de travail, qui ne modifiait pas le contrat de travail mais qui confirmait toutes les modalités de leur contrat de travail en précisant leur nouvel employeur. Cétait un contrat entre les deux parties, par lequel les salariés confirmaient quils venaient et adhéraient à ce changement. De la sorte, nous étions au moins sûrs davoir un effectif probable mais en sachant que nous navions pas de garantie. Il nous a également fallu recruter.
le cas particulier des agents municipaux détachés chez le délégataire
Nous avons eu une difficulté particulière : nous avions détaché une dizaine de personnes auprès du délégataire. Entre le moment où ils avaient été détachés, en 1990, avec un pourcentage de rémunération supplémentaire, et aujourd'hui, la distorsion était importante. Pour éviter les difficultés, nous avons pris un arrêté qui modifiait leur lieu de détachement. Au lieu des les réintégrer à la Ville, nous avons préféré modifier leur point de fixation.
un nouvel accord dentreprise pour la régie
Vue n°15
Avant la reprise, les agents étaient dans le cadre de laccord dentreprise du délégataire. Après la reprise, nous avons ouvert des négociations en vue de constituer notre propre accord dentreprise, en reprenant les différents accords internes. Ces négociations ont pris un an et demi. Du point de vue social, nous avons souhaité que les agents de la régie soient intégrés au comité des uvres sociales de la Ville. Cétait une sorte de « retour dans la famille ». Au final, nous avons eu 10 agents en détachement qui nont pas réintégré la ville mais qui sont venus à la régie et 23 agents de droit privé qui ont choisi dintégrer la régie. Notre effectif atteint aujourd'hui 43 personnes.
La définition des missions et de lorganisation de la régie
Vue n°16
Du point de vue de lorganisation, il a fallu fixer les missions, lorganigramme, les besoins en matériel, fournitures, informatique, locaux, et déterminer quelle était la part de sous-traitance. Surtout, il a fallu assurer la continuité des contrats en cours, ce qui supposait den avoir la connaissance. Ceci a été difficile.
Vue n°17
Dans les statuts, nous avons pu préciser les différentes missions : ladministration en général, la réglementation, la gestion de clientèle, la maîtrise douvrage, la production et la maintenance des équipements, la cartographie et les prestations pour compte de tiers qui, au départ, étaient plafonnées, mais que nous avons déplafonnées pour être plus libres dintervenir en dehors du périmètre municipal.
Vue n°18
Nous avons trois services : un service clientèle, un service production et un service réseau. La « production » désigne les stations de potabilisation et les stations dépuration. Il comprend tous les techniciens qui font fonctionner les stations de relevage et les stations de pompage.
La mise en place de la logistique nécessaire au fonctionnement de la régie
Vue n°19
Les besoins en matériel, informatique, locaux et divers ont été très compliqués à définir. Dans la plupart des contrats, il ny avait pas eu dinventaire au démarrage. Quatorze ans plus tard, linventaire consistait en un listing plus ou moins tenu à jour, avec des dates de valorisation ou de renouvellement, mais ce nétait guère probant. Par manque de temps, nous navons pu entrer dans le détail.
Il a fallu définir les besoins annuels en produits de traitement. Langoisse, quand on prend un service, est de se dire que le premier jour, à 0 h 00, il faut que cela fonctionne : il faut donc du coagulant, de la chaux, etc. Nous avions donc besoin de savoir de quoi se servait le délégataire et surtout, combien il allait nous en laisser. Cela vaut aussi pour les véhicules : pour acheter un camion hydro-cureur, il faut six mois. Vous aurez besoin dun camion hydro-cureur si vous prenez un service dassainissement ou vous sous-traiterez la prestation, mais il vous faudra très rapidement savoir ce que le délégataire va vous remettre, et dans quel état, à la fin du contrat. Pour nous, cela a été simplifié : ils ne nous ont rien remis. Mais nous ne lavons su quassez tard. Enfin, linformatique : le logiciel de gestion de clientèle est le nerf de la guerre. Il est indispensable davoir un fichier clientèle exploitable. Nous avons eu un très bon fichier, complet, avec les 19 000 abonnés du service. Mais entre le moment où nous lavons eu et le moment où nous avons pu facturer, il sest passé six mois parce quil a fallu mettre le logiciel au point, établir les rôles de facturation, les factures. Nous avions choisi le TIP, et il a fallu élaborer des jeux dessai pour les adresser à Lille, où étaient traités les règlements par TIP. Les procédures de validations sont complexes.
Le premier jour, il faut aussi que vous ayez des compteurs et de quoi faire des branchements, parce que vous aurez forcément quelquun qui voudra un abonnement.
Un élément auquel on ne pense généralement pas, ce sont les vêtements : il faut quils portent des vêtements avec le logo de la régie et quils ne se servent plus de leurs anciens vêtements. Au début, nous ne les avions pas. Notre ancien fermier nous a reproché de voir encore des agents qui intervenaient à Castres avec le logo de leur société.
Le financement de la création de la régie
Enfin, il a fallu faire un plan de trésorerie, définir quand nous allions commencer à facturer, quelle serait la méthode de facturation. Nous avons choisi de facturer toutes les semaines, davoir une facturation continue, de manière à ne pas avoir de grandes fluctuations sur la ligne de trésorerie. Mais le point de départ était six mois plus tard. Nous avions une ligne de 2 millions deuros ; nous sommes arrivés jusquà 1,9 ! Nous sommes passés, mais il fallait le porter financièrement et surtout, il fallait lanticiper.
Le transfert des contrats de fourniture délectricité, de produits consommables et de la télégestion
Vue n°20
Pour assurer la continuité des contrats en cours, il fallait avoir linventaire des contrats, récupérer ceux qui étaient utiles à la gestion du service, qui nétaient pas des contrats où les sous-traitants faisaient partie du même groupe et pratiquaient des marges que nous ne voulions plus payer. Il sagit des contrats pour lastreinte, pour lentretien des brûleurs, pour la télégestion
La télégestion était effectuée par un logiciel dédié du délégataire et nous avons été obligés de poursuivre avec lui, parce que nous nallions pas changer. Le dernier jour, à 23 h 59 : il faut transférer toutes les astreintes pour que les appels ne soient plus acheminés vers le délégataire, mais vers chez vous. Cela concerne aussi toutes les alarmes sur les stations de relèvement, dépuration, etc. Cest lourd, et il faut que ce soit fait au bon moment. Sinon, vous avez un risque.
Les prestations sous-traitées par la régie
Vue n°21
Étant donné que les paies et les prestations sociales étaient traitées différemment de ce qui se fait dans les mairies, nous avons externalisé cette prestation, avec un suivi juridique de la réglementation. Nous avons également externalisé lentretien des locaux et des vêtements, ainsi que le traitement du fichier clientèle auprès du prestataire qui nous a fourni le logiciel.
Le transfert de diverses conventions
Vue n°22
Les conventions également étaient à transférer : conventions de déversement des matières de vidanges, conventions de déversement des industriels dont nous découvrons quelles nont pas été toilettées depuis des années et quelles sont toutes en dépassement et conventions dentretien des compteurs divisionnaires.
La récupération des informations et des fichiers détenus par le délégataire
Vue n°23
En parallèle, il a fallu gérer la fin du contrat, et notamment la transmission des informations, le rachat de certains équipements.
Vues n°24 et 25
La transmission des informations détenues par le délégataire sortant a été un long processus : à notre première demande, en novembre 2003, le délégataire a répondu quil nétait pas en mesure de nous fournir les éléments, à savoir la liste du personnel, linventaire valorisé, le renouvellement, linventaire et la valorisation du parc de compteurs
Nous avons eu des éléments de réponse à la fin de 2003. Nous avons fait une nouvelle demande le 27 janvier, etc. Cela suppose beaucoup de persévérance et de motivation
Nous avons compris que leur principe était de nous donner des informations, mais pas toutes, et chaque fois au compte-goutte. Nous avons fait une requête en référé ; au moment du jugement, nous avions toutes les informations
Mais le fichier clientèle nous a été livré le 24 mai, pour un démarrage au 1er juillet, ce qui était un peu juste en termes de délai.
Certains petits avantages napparaissaient pas dans les conventions collectives, comme la mise à disposition dune voiture ou dun téléphone, qui nétaient pas concrétisés par les contrats de travail et que nous avons découverts quand des agents sont venus nous dire quils avaient de tels équipements et quils y avaient droit, pour leurs besoins personnels.
Vue n°26
Les informations importantes à recueillir sont le fichier clientèle et les éléments de facturation, notamment pour les gros consommateurs, la liste du personnel, les rémunérations et avantages divers, la convention collective et laccord dentreprise, linventaire du patrimoine, les biens de reprise et leur valorisation, la valorisation des compteurs, les véhicules et les stocks à la fin du contrat pour le fonctionnement des différents équipements.
Le rachat de certains biens appartenant au délégataire
Vue n°27 et 28
Sagissant du rachat de certains équipements, le fermier nous a envoyé un inventaire valorisé des compteurs, mais sept mois avant la date de fin du contrat : comme il nétait pas actualisé, il ne permettait pas de se mettre daccord sur la valeur de ces biens. En outre, il nous était imputé des compteurs que nous avions nous-mêmes posés, avant 1990, et que le délégataire entendait nous facturer
Linventaire comprenait également les frais de pose et de magasin, que nous considérions ne pas devoir rembourser. Enfin, il fallait saccorder sur la durée damortissement des compteurs, parce que le prix nest pas le même, à la fin, si lon choisit de les amortir sur dix, douze ou dix-huit ans. Nous avons donc contesté la valorisation. Une expertise a été lancée et un jugement interviendra dans les six prochains mois. Mais quatre ans plus tard, nous navons toujours pas payé les compteurs : les contentieux prennent du temps.
Vue n°29
Pour les biens de reprise, nous avons reçu un listing avec indication des prix, mais nous avons demandé à avoir les factures dachat : le délégataire doit être en mesure de prouver quil a acheté ces biens. Mais il lui est manifestement difficile de retrouver les factures de biens achetés dix ans plus tôt. Il faut également saccorder sur la durée damortissement des biens, ce qui nest pas aisé. Et même si les biens sont complètement amortis, on vous invente encore une valeur résiduelle, minimum à payer pour bénéficier de ces biens. Nous ne sommes pas parvenus à nous accorder non plus sur cette question, et nous avons également lancé une expertise. Nous attendons le jugement en première instance.
Les points auxquels il faut penser : dernière facturation effectuée par le délégataire, congés du personnel au moment de la transition, régularisation de TVA, contrats de vente en gros à dautres services
Vues n°30, 31, 32, 33, 34, 35
Dautres points sont importants :
la date de la dernière relève du délégataire : au moment de la reprise du service, il faut que le délégataire ait bien fait une relève avant la fin du contrat. Il vaut mieux être présent à ses côtés au moment de la relève. Dans notre cas, nous avons constaté quil navait pas fait une relève complète et quil y avait eu des estimations pour 5 % du parc. Lorsque nous avons fait la relève sur ces compteurs, six mois plus tard, nous étions en dessous de lestimation. Ils avaient donc trop facturé, et il y a des usagers qui ont payé deux fois : la première fois, dans le cadre de lestimation et la deuxième fois, dans le cadre de la consommation réelle ;
la facturation de leau non facturée par le délégataire : le délégataire cessant le service le 30 juin, avait fait sa relève entre le 25 mai et le 5 juin, doù une moyenne de 30 jours deau non facturée par lui. Il nous en a envoyé la facture en nous demandant de les facturer aux usagers et de lui rembourser cette facture. Or, dans les statuts, nous navions pas vocation à facturer avant le 1er juillet. Nous navons donc pas pu facturer et nous leur avons demandé de faire ce recouvrement ;
la date de reprise en régie : nous avons repris au 1er juillet. Or, à cette date, lancien délégataire avait déjà signé tous les congés des agents pour lété. Cela paraît anodin, mais nous nous sommes retrouvés à demi-effectif au moment où nous reprenions lactivité
Si vous reprenez une activité, pensez à cette difficulté. À Noël, la question doit également se poser, mais en été, cest pénalisant pendant deux mois et demi ;
la régularisation de la TVA initialement déduite, point important qui na pas encore été évoqué. Cest un mécanisme financier par lequel vous faites récupérer à votre délégataire la TVA que vous avez payée dans le cadre des investissements que vous réalisez ; à la fin du contrat, le délégataire vous demande de lui rembourser cette TVA. Cest un manège à trois entre le délégataire, la Trésorerie et vous-même, mais vous faites un portage financier de la quote-part non amortie de cette TVA, soit, pour nous, 800 000 euros à porter sur six mois. Il faut le savoir. Pour de grosses régies, les montants peuvent être conséquents. Nous avions demandé une attestation dun commissaire aux comptes du délégataire qui montrait queffectivement, il avait récupéré cette TVA, de manière à nous assurer, avant de lui donner de largent, que lui-même avait bien décaissé cette somme ;
les contrats de vente deau en gros : dans notre cas, il y avait un contrat de vente en gros au même délégataire. Il y avait juste une délibération et pas de contrat. Nous navons donc pas pu nous mettre daccord sur le prix. Ce sont des choses quil faut régler avant, et nous ne lavions pas fait.
Les relations entre la régie et le Trésor Public
Vues n°36 et 37
Sagissant des relations de la régie avec le Trésor public (comptable), le fonctionnement est classique : la régie assure la facturation nous avons eu 234 rôles de facturation en 2007, soit un rôle par jour ouvré. Nous avons donc un train de factures qui part tous les jours. Les écritures comptables sont envoyées au receveur sous format électronique et papier. Nous mettons les factures sous pli, mais cest lui qui envoie les factures, ce qui est intéressant.
Plus intéressant encore : il fait également le recouvrement et toutes les relances. Je nai pas souhaité quil y ait de régie de recettes, pour quil ny ait pas dargent dans les caisses et dans un souci de transparence. Tout se passe donc à la Trésorerie, qui effectue laccueil des clients et sassure que le règlement est effectué dans les délais. Quant aux créances irrécouvrables, la procédure est classique : cest le conseil dadministration qui en décide.
La mise en place dune astreinte
Vues n°37, 38 et 39
Lastreinte est deux types : une astreinte usine et une astreinte réseaux. Les astreintes usines sont assurées par nos agents. Il faut veiller au moment du démarrage de lastreinte pour respecter la durée de travail maximale hebdomadaire des agents. Pour lastreinte du dimanche, il vaut mieux démarrer lastreinte le jeudi pour être sûr que lagent naura pas dépassé son quota le lundi. Et sil atteint son quota, il faut changer dagent dastreinte.
Pour les interventions sur réseau dassainissement, nous avons gardé un sous-traitant qui ne nous facture que lintervention et non lastreinte, ce qui est assez intéressant.
Nous avons également une astreinte dencadrement, pour les situations difficiles : client récalcitrant, pollution, manque deau. Il peut y avoir besoin dune astreinte de décision. À défaut dastreinte de décision, puisquavec 43 personnes, notre structure nest pas très grande, lagent sadresse à la direction : je suis joignable en permanence. Cela ne mempêche pas de partir en vacances.
Conclusion : la nécessité dune entraide entre les régies
Vue n°40
En conclusion, cest un chantier lourd, que nous avons mené dans un cadre difficile. Mais il faut savoir que nous ne sommes pas seuls. Nous sommes allés voir deux régies : lune, dans la Vienne, et la régie de Grenoble, qui nous a épaulés. Cest important. Il ne faut pas hésiter à demander du soutien, parce que lon ninvente rien : lexpérience existe, il suffit de récupérer les bonnes informations au bon endroit.
Échanges avec les participants
Question dun participant : Vous avez largement évoqué les aspects financiers et économiques. Cest particulièrement important, mais pour la population, ce qui est important, cest la continuité du service. Au 1er juillet, il fallait avoir de leau au robinet. Cela signifiait que votre usine de potabilisation devait tourner, que votre usine dassainissement devait tourner aussi pour ne pas avoir de mauvais rejets, et que vous aviez des employés sur le terrain pour pouvoir intervenir en cas de fuite ou dincident. Or, vous avez dit quà un moment donné, vous aviez effectivement obtenu laccord de personnels que lon peut qualifier dagents de terrain, mais que vous aviez eu une difficulté avec les cadres. Comment avez-vous réglé cette question ?
Réponse de Pierre Lapelerie, directeur de Castraise de leau : Nous avons procédé à un recrutement. Nous avons mis en place un petit groupe de travail, un « commando », que je pilotais, et nous avons recruté un ingénieur qui travaillait auparavant dans le privé et qui connaissait bien le métier. Nous avions aussi une secrétaire. Lorsque nous avons reçu lensemble des agents, nous avons évalué leurs compétences et nous avons pu, au moment du démarrage, faire des propositions dévolution de carrière à des agents qui, parce quils étaient sur place et quils navaient pas envisagé la mobilité au sein du grand groupe auquel ils appartenaient, avaient un potentiel dévolution. Nous avons donc pu pallier cette « fuite des cerveaux » en puisant dans les ressources internes, dans un premier temps. Ensuite, nous nous sommes étoffés et nous avons recruté dix personnes. Pour la partie administrative, nous avons eu la chance davoir, parmi les agents qui nous ont rejoints, le responsable régional de clientèle du délégataire ; cétait un avantage, indubitablement.
Question dun participant : Votre contentieux a commencé à cause dun droit dentrée de 15 millions deuros. La collectivité a-t-elle remboursé le droit dentrée ? Par ailleurs, vous avez fait lister un certain nombre déléments. Avez-vous récupéré les provisions de renouvellement qui navaient pas été consommées, puisque vous avez interrompu le contrat ?
Réponse de Pierre Lapelerie : Nous navons pas remboursé le droit dentrée. Nous sommes en contentieux. Pour linstant, il ny a quun jugement en première instance ; le juge a considéré que la demande du délégataire était nulle et non avenue et que le solde de tout compte était de 0. Quant aux provisions de renouvellement, nous navons rien récupéré.
Question dun participant : En ce qui concerne le prix de vente de leau aux usagers, quelle était votre situation et quelle est votre situation aujourd'hui ? Comment les choses ont-elles évolué ?
Réponse de Pierre Lapelerie : On peut afficher le prix que lon souhaite en fonction de la prestation que lon réalise. Ce nest pas un élément représentatif. Mais globalement, lorsque la régie a pris le service, il y a eu une baisse générale de 10 % de leau et de lassainissement. Actuellement, les tarifs sont les mêmes que les derniers tarifs du délégataire, alors que nous traitons aujourd'hui correctement les boues, ce qui, pour 5 000 tonnes de boues, a un coût ; en outre, nous nous occupons des branchements en plomb. Nous investissons donc beaucoup plus et nous traitons les boues, tout en étant aux mêmes tarifs réels, c'est-à-dire sans tenir compte de linflation.
Conclusion du séminaire
Paul RAOULT Sénateur du Nord, Président des syndicats deau et dassainissement du Nord, Président du conseil dorientation des régies deau et dassainissement de la FNCCR
Pour les élus responsables de services publics, le choix du mode de gestion est un véritable choix politique, au sens noble du terme. Les régies existent dans des communes de gauche comme de droite, cest donc une option en matière de gouvernance dun service public et non une orientation idéologique.
Personnellement, en tant quélu local et parlementaire, jai toujours privilégié la gestion publique car elle me parait mieux correspondre à ma conception de lintérêt général. Cependant, en tant que vice-président de la FNCCR qui a choisi de rester neutre sur le mode de gestion, il marrive aussi de mintéresser à la délégation de service public. Lorsque jai participé à lexamen du projet de loi sur leau par le Sénat, le débat a été extrêmement riche et constructif. Plusieurs des dispositions retenues dans la loi seront utiles pour les collectivités en délégation de service public : elles bénéficieront dune meilleure transparence pour les travaux de renouvellement confiés aux délégataires, et aussi en fin de contrats. Certes des progrès restent à faire en matière de délégation de service public, mais la dernière loi sur leau contient des avancées significatives dans ce domaine. Il est donc utile dintervenir sur les deux tableaux : délégation de service public et régie.
Mais je suis dabord président de deux importantes régies deau potable et dassainissement, les régies SIDEN-France et SIAN, qui interviennent dans les départements du Nord, du Pas-de-Calais et de lAisne. Il sagit de régies dotées de lautonomie financière et de la personnalité morale, dont le périmètre sétend sur 644 communes, essentiellement rurales. Elles emploient environ 500 personnes, et ont été créées en 1950 pour leau et en 1971 pour lassainissement.
Dans ma région, ces régies sont utiles car elles permettent de disposer dune bonne qualité de services deau potable et dassainissement dans les zones rurales, à un prix qui reste très raisonnable par rapport à celui des villes. En tant que président de ces deux régies depuis vingt ans, jy suis très attaché et jestime, de façon plus générale, quil faut défendre le statut des régies au plan national, mais aussi au plan européen. Cest pourquoi nous avons voulu créer au sein de la FNCCR un comité dorientation propre aux régies afin, en même temps, de développer une réflexion sur le statut et le fonctionnement des régies. En effet, la routine habituelle a souvent tendance à oublier que ces régies existent car elles font leur travail généralement sans bruit, avec beaucoup moins de publicité que les entreprises délégataires.
Au niveau européen, une action est à mener auprès de la Commission européenne et du Parlement européen afin que les collectivités conservent la liberté dorganisation de leurs services publics. Nous devons être vigilants pour que la notion de service dintérêt économique général, cest-à-dire de SIEG, soit maintenue en Europe et permette à ceux qui le souhaitent de continuer à faire fonctionner des régies. Il existe des forces contraires et il nous faut donc être réellement actifs.
La meilleure façon de défendre la régie est dêtre les meilleurs. Il y a là un enjeu pour les responsables des régies. Cela suppose la transparence, la qualité de service, la participation des citoyens à la gestion, des conditions demploi satisfaisantes pour le personnel
Quant aux prix, il faut se méfier des comparaisons faciles. Le prix de leau est un sujet classique périodiquement repris par certaines publications en manque dinspiration, pour qui les meilleurs opérateurs seraient les moins chers. Ce nest pas le cas. Le prix dépend forcément des conditions géographiques et hydrogéologiques du secteur. Dans le Nord, où il ny a ni nappe phréatique ni rivière de Dunkerque à Lille, il faut aller chercher leau à des dizaines de kilomètres. Parfois leau contient du nickel, du manganèse, des oxydes ferriques, ou elle provient dune rivière polluée comme la Deûle, et il faut alors la traiter, ce qui a un coût. Il est donc normal que le prix de leau soit plus élevé dans de tels secteurs que dans dautres.
Je pense que lon na pas encore assez travaillé, jusquà aujourd'hui, sur la maîtrise de la ressource et la protection des champs captants. Des mesures ont certes déjà été prises, mais généralement sans évaluer toutes les conséquences sur les zones rurales. On impose à ces zones de nombreuses restrictions sur lurbanisme et le développement économique, au seul profit des régions urbaines qui ont besoin de leau quelles vont chercher dans les zones rurales. Il marrive fréquemment dinterpeller les élus des zones urbaines pour leur rappeler de ne pas oublier les collectivités rurales qui protègent la ressource en eau dont les zones urbaines ont besoin. Il ne faut pas oublier le cycle de leau, de lorigine à sa distribution. Nous, responsables des régies, devons nous investir tout particulièrement pour que chacun prenne conscience de son rôle dans le cycle de leau. Il faut participer à lélaboration des SAGE. Dans ce cadre, des études permettent didentifier lorigine des pollutions dans le périmètre du SAGE. On constate que les agriculteurs ne sont pas les seuls responsables : il y a aussi les habitants de la ville, les industriels, le secteur des transports avec notamment la SNCF et la voirie appartenant aux collectivités. Les opérateurs publics de leau que nous représentons ne doivent pas se limiter à la gestion des installations. Ils doivent aussi se sentir concernés par ce qui se passe à lamont, sur les champs captants et dans les bassins-versants qui alimentent ces champs. Nous devons participer à la gestion de cet ensemble, et veiller à ce que la charge financière de la protection de la ressource soit équitablement répartie.
Je prends lexemple de la Ville de Dunkerque qui va chercher de leau dans le secteur de Saint-Omer, véritable château deau dans notre région. Certaines petites communes rurales de ce secteur nont même pas les moyens de financer un service dassainissement. Il serait normal quune solidarité joue entre ceux qui utilisent la ressource en eau potable, dans les grandes zones urbaines et industrielles, et les petites communes rurales concernées par les mesures de protection du champ captant alimentant la ville. Je pense que le prix de leau obtenue à partir de ce champ captant doit inclure le coût des mesures de protection.
Le prix doit aussi prendre en compte les investissements réalisés. Pour prendre lexemple du Nord et de la région de Lille, tant que la station dépuration de 500 000 équivalent-habitants que cette grande métropole doit réaliser nest pas encore construite, il est évident que le prix de leau de la communauté urbaine de Lille reste à un niveau assez bas. Le prix de mon syndicat en régie, qui dessert certaines communes dans le périmètre de la communauté urbaine de Lille, est plus élevé. Mais cette situation est certainement transitoire. Quand la communauté urbaine de Lille aura construit sa station dépuration, sa facture deau va augmenter sensiblement. Le prix de leau à Lille rejoindra sans doute celui de mon syndicat, et va peut-être même le dépasser.
De la même façon, mon syndicat doit remplacer 25.000 branchements en plomb. Il faut le faire avant la fin de 2013 et cela aura évidemment un coût quil va falloir expliquer à lopinion publique. Être une régie ne suffit pas pour être systématiquement moins cher quune délégation de service public. Cest un des objectifs que les responsables des régies doivent viser, mais à condition davoir le même niveau de service et dinvestissement. Les exposés qui ont été fait aujourd'hui sont très instructifs à cet égard. Les appréciations venant de Nantes et Grenoble, villes de même sensibilité politique, par rapport aux modes de gestion en délégation de service public ou en régie, diffèrent par ce que chacune de ces deux collectivités a vécu sur son territoire. Jai bien noté quà Grenoble, les élus ont opté pour la régie et souhaitent y rester complètement, tandis quà Nantes, le vécu historique et culturel est différent et les élus, tout en organisant un opérateur public prépondérant, ont décidé de le faire coexister avec des opérateurs privés. Je respecte ce choix, mais je me demande quand même ce qui se passera à la fin des contrats des opérateurs privés. Les élus de Nantes feront-ils passer lensemble du territoire en régie, ou remettront-ils en concurrence les secteurs géographiques occupés par les opérateurs privés ? Il me semble que le choix sera délicat, mais je comprends que la réalité du terrain est différente selon les collectivités et quelle influe sur les décisions des élus. Mirabeau disait que la France était « un agrégat inconstitué de peuples désunis ». Dans le domaine de leau, cette parole est encore assez juste, quand on voit la multitude de collectivités qui interviennent dans lorganisation des services deau et dassainissement et la diversité des conditions de fonctionnement de ces services. Nos concitoyens ne comprennent pas très bien cette situation. Un gros effort dexplication reste à réaliser.
Certains de mes administrés me parlent de « la Siden », quils confondent avec un groupe privé, alors que cest LE Siden, qui est un syndicat mixte en régie. Je ne suis pas sûr que tous nos concitoyens connaissent parfaitement la différence entre une régie et une délégation de service public. Mais jai parfois fait la même observation avec certains membres de notre élite, même des préfets et des sous-préfets. Aujourd'hui, certaines demandes dadhésion de communes du Pas-de-Calais à mon Syndicat sont bloquées au motif que ce département est en train de réfléchir à la nouvelle carte intercommunale. On me dit aussi quun syndicat mixte ne devrait pas déborder sur le département voisin. Pourtant la loi le permet, mais entre les lois votées et leur application, on constate parfois des interprétations surprenantes. Certaines petites communes peuvent difficilement créer elles-mêmes une régie, il leur est plus facile de choisir ce mode de gestion en rejoignant une plus grande structure telle que mon syndicat, sinon elles sont presque obligées de rester en délégation de service public. La liberté de choix de la régie ou de la délégation de service public existe, cest un droit reconnu aux élus des collectivités. Mais il reste encore quelques obstacles à lever pour que ce droit puisse toujours sexprimer, et que les communes soient totalement libres au moment où elles doivent décider. Il y a donc un combat que nous pouvons encore mener, au profit des usagers des services publics.
NdlR : Conformément à larticle 257bis du CGI créé par la Loi de finances rectificative pour 2005 (30/12/05) ces opérations de régularisation de TVA sont désormais inutiles en cas de changement de délégataire ou de changement de mode de gestion (sous réserve que la régie est assujettie) - cf. instruction fiscale 3 A-6-06, BOI n°50 du 20/03/05.
Séminaire des Régies deau et dassainissement à Grenoble, le 18 septembre 2008 - Actes
Sommairep. PAGE \* MERGEFORMAT 1
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Remerciementsp. PAGE \* MERGEFORMAT 4
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Programmep. PAGE \* MERGEFORMAT 5
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Présentation de la FNCCRp. PAGE \* MERGEFORMAT 8
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Le service public de leau de la Ville de Grenoble, hier, aujourdhui et demainp. PAGE \* MERGEFORMAT 9
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Le service public de leau de la Ville de Grenoble, hier, aujourdhui et demainp. PAGE \* MERGEFORMAT 15
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Le retour en régie du service de lassainissement de Grenoble-Alpes-Métropole (la Métro)p. PAGE \* MERGEFORMAT 17
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Les régies de leau et de lassainissement de Nantes-Métropolep. PAGE \* MERGEFORMAT 2
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Le retour en régie du service de lassainissement de Grenoble-Alpes-Métropole (la Métro) p. PAGE \* MERGEFORMAT 21
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Les régies de leau et de lassainissement de Nantes-Métropolep. PAGE \* MERGEFORMAT 23
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Les régies de leau et de lassainissement de Nantes-Métropolep. PAGE \* MERGEFORMAT 26
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Le syndicat des eaux de la Veaune, une régie rurale dans la Drôme des collinesp. PAGE \* MERGEFORMAT 27
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Le syndicat des eaux de la Veaune, une régie rurale dans la Drôme des collinesp. PAGE \* MERGEFORMAT 31
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Principaux enjeux actuels de la politique communautaire en matière de gestion des services publics locaux p. PAGE \* MERGEFORMAT 35
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Lexpérience des Villes allemandesp. PAGE \* MERGEFORMAT 40
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Centre européen des entreprises de service public (CEEP)p. PAGE \* MERGEFORMAT 41
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Aqua Publica Europea p. PAGE \* MERGEFORMAT 42
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Le retour en régie de la Ville de Venelles p. PAGE \* MERGEFORMAT 49
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Le retour en régie : Le cas dune grande ville : Parisp. PAGE \* MERGEFORMAT 57
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Le retour en régie : La création de la régie « Castraise de lEau »p. PAGE \* MERGEFORMAT 59
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Conclusionsp. PAGE \* MERGEFORMAT 69
Fédération nationale des Collectivités Concédantes et Régies
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