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Georges BARBARIN - GB39

A votre avis, qu'est-ce qui fait marcher une machine à vapeur? ...... qu'il existe dans chaque être humain une corde sensible qu'il s'agit de faire vibrer. ... fait l' objet d'une décision expresse, d'un mûr examen et d'une intelligente réflexion. .... Ce qui précède a pu sembler hors du sujet à ceux de nos lecteurs qui ont perdu de ...




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simples comme les plus cultivés.
Jusqu'à sa mort, en 1965, sa vie fut un exemple vivant de foi profonde en l'Amour et en l'Homme, et il vécut vraiment avec Dieu qu'il appelait l'AMI. Même sa mort fut éloquente, et il laisse derrière lui une œuvre importante et humaniste.














La première édition de ce livre a été réalisée en 1951 par les Éditions Nic1aus, Paris.
Puis en 1987 par les Éditions Dangles, Saint-Jean-de-Braye (France)

ISBN : 2-7033-0305-X ISSN: 0243-511X

Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays.







Copyright 2007
les AMIS de Georges BARBARIN
amisgb@wanadoo.fr
www.georgesbarbarin.com




















Ce livre est dédié aux hommes et aux femmes de notre époque, dont le chaos, le désarroi et l'incertitude paralysent les espérances et affaiblissent les cœurs. Il est aussi dédié à tous les désemparés, les faibles, les irrésolus qui ont le sentiment d'être passé à côté d'une vie plus féconde.

Il leur donnera le moyen de transformer radicalement leur existence par la mise en œuvre d'une nouvelle forme de pensée, dans le respect de la Loi d'évolution de notre univers.

Nul ne lira ce livre sans en sortir grandi, revivifié et conscient des richesses invisibles qu'il recèle. Une maîtrise intelligente de ses pensées permet à l'homme déterminé et persévérant de se contrôler lui-même et d'influer harmonieusement sur les êtres, les choses et les événements.

Georges Barbarin


























Avertissement

On a beaucoup parlé de la pensée et beaucoup écrit sur elle.
On en a fait un instrument propre à toutes les besognes et on a formulé des lois mentales pour s'en servir. Mais ou bien on ne poursuivait que des buts matériels, ou bien on ne visait qu'à des jeux scolastiques. De toute manière, le problème n'était envisagé que par une de ses faces alors qu'il forme un tout complet.

Certains se sont persuadés que n'importe qui peut demander n'importe quoi à la pensée, de même que n'importe quel conducteur peut conduire n'importe quelle automobile. Cela est faux et dangereux, car la pensée est une arme extrêmement complexe dont l'usage inconsidéré se retourne, la plupart du temps, contre l'utilisateur. La pensée (comme la langue dont parlait Ésope) est à la fois ce qu'il y a de meilleur et ce qu'il y a de pire. Elle mène aux plus hautes réussites comme aux plus vastes effondrements.

Tout le monde a la faculté de penser, mais bien rares apparaissent les hommes qui en sont dignes. Il ne suffit pas d'un entraÎnement cérébral pour penser correctement, sinon les écoles ne produiraient que des penseurs alors qu'elles obtiennent le résultat contraire en formant des idées conformistes dans le même moule, c'est-à-dire des cerveaux incapables de penser séparément.

La pensée collective exclut la pensée individuelle parce qu'elle est généralement plus puissante et bénéficie du terrain acquis. Ce n'est que dans le cas où la pensée individuelle est congénitalement la plus forte qu'elle se dégage du collectif et parvient à s'imposer même contre lui

Nous allons voir pourquoi et comment la pensée peut servir l'individu dans son expérience de la vie.

Il y a un temps pendant lequel vous êtes libre de choisir la nature de votre pensée. Durant ce temps votre libre arbitre est intact. A vous de faire un choix judicieux en même temps qu'un choix efficace. Dès que vous avez admis une sorte de pensée et que vous vous complaisez en elle, c'est elle qui vous domine et influe sur vos déterminations. A partir de ce moment, on devient l'esclave de sa pensée. Si celle-ci est juste, tant mieux pour vous! Si celle-ci est injuste, tant pis pour vous aussi! Cela veut dire que, passé un certain délai de rumination, ce sont vos pensées qui vous mènent. Mais vous, vous pouvez préalablement mener vos pensées, et celles-ci ne vous mèneront que là où vous voudrez aller.



Une preuve: l'amour. Si vous vous laissez aller à l'inclination qui vous sollicite envers une personne d'un autre sexe, vos pensées commencent à s'amasser inconsciemment autour de l'idée d'union. Au début, vous êtes maître d'échapper à cette attraction par un acte de volonté délibérée mais, si vous laissez les pensées ourdir leur toile dans votre esprit, celles-ci deviennent si nombreuses et si puissantes que votre libre arbitre n'existera plus. Dès lors vous serez à la merci de votre amour qui, selon la valeur du partenaire, sera heureux ou fatal. Le même processus est observé en matière d'invention ou d'affaire.

Ce phénomène (ne soyez pas effrayé par l'expression qui va suivre) est celui de la possession. Vous serez possédé par le complexe ainsi engendré parce que, tournant à l'obsession, il ne vous laissera pas une minute tranquille et que ses injonctions et suggestions reviendront sans cesse dans votre cerveau comme un leitmotiv.

On ne saurait dire la puissance d'attache du clou enfoncé, peu à peu, par petits coups, même dans un bois tendre. Pour l'arracher, il faut des tenailles et de rudes muscles. Imaginez alors sa prise dans le bois dur.

Mais si vous provoquez la même autosuggestion, puis obsession en faveur du complexe favorable, vous arriverez de la même manière à être heureusement possédé. Si votre intérêt se joint à votre volonté pour créer en vous tel appétit, telle recherche, vous êtes forcé d'aboutir, même contre le destin. Le destin n'a pas de volonté personnelle. La rouge et la noire sortent à la roulette par séries, mais l'une d'entre elles ne peut toujours sortir. Tandis que l'homme qui veut toujours et jusqu'au bout la même chose doit nécessairement voir le dernier mot avec les hommes et les événements.

Tous les grands artistes, savants, écrivains, explorateurs, capitaines d'affaires, etc., ont été et sont des possédés, qui chérissent leur démon familier et, sans cesse, l'alimentent. L'inventeur est le type même du possédé. Bernard Palissy n'avait pas encore obtenu le moindre résultat vénal de sa fabrication de poteries et pourtant il alimentait son four en brûlant son pauvre mobilier. Il devait nécessairement aboutir parce que l'Idée, quand elle marche à cette allure, doit obligatoirement s'imposer .

L'Idée ne chemine pas seulement en vous mais parmi les idées les autres hommes.

Il y a peu d'hommes qui pensent, comme il y a peu de particules de l'air en mouvement dans un lieu clos. Que vous souffliez dans une direction et aussitôt toutes les couches d'air avoisinantes s'orienteront dans le même sens ! Mais si une autre personne est avec vous et souffle dans une direction opposée, c'est celle des deux qui soufflera le plus fort et le plus longtemps qui déterminera le courant final. Souffler fort, souffler longtemps, tel est le secret de la réussite.

Il en est de même dans l'eau; celle des fleuves est un exemple de continuité obstinée. Du moment qu'il y a pente (c'est-à-dire intérêt dans un sens), le liquide est forcé de s'écouler vers l'aval. Rien ne peut le faire refluer en amont. Tout au plus peut-il rencontrer des obstacles; alors il bouillonne, s'enfle et submerge ce qui lui est opposé. Né petit et faible du glacier, il devient un large estuaire et gagne enfin le but ultime qui lui était assigné par sa pente. Il se déverse dans la mer.

La mer elle-même bouge selon les vents et les courants. Mais une barque qui passe laisse son sillage qui reste visible assez longtemps. Au lieu d'une barque, faites passer un vaisseau et son erre laissera des traces pendant vingt-quatre heures. Faites-y passer une escadre et le sillage, donc le courant, persistera pendant des jours et des jours.


L'homme qui laboure n'a pas toujours un temps à son gré. Il fait trop humide ou trop sec. Son tracteur doit être réglé. Il gèle ou il pleut à torrent. Il a à faire à la maison, ou bien il doit livrer des récoltes. N'importe! L'idée du labour est dans sa tête. Si ce n'est ce matin, c'est ce soir, si ce n'est aujourd'hui, c'est demain qu'il labourera. La moindre accalmie dans le temps et les événements lui sert à faire passer sa charrue, donc son idée. Du jour où il a décidé souverainement de sa tâche, le labour est déjà fait dans son cerveau.

Le faible est celui qui prend une décision puis en adopte une autre. C'est un velléitaire, c'est-à-dire un homme sans volonté.

Une idée se nourrit, comme un canard ou une oie. Si vous la privez de nourriture, elle s'anémie et s'affaisse. Si vous l'alimentez généreusement, elle s'engraisse et forcit. On peut faire l'élevage des idées, c'est-à-dire avoir plusieurs idées à la fois et les soigner en vase clos. Certains sont plus riches d'idées que d'autres et certains ont peine à avoir une seule idée. L'extrême abondance des idées n'est pas souhaitable parce qu'elle engendre la dispersion. A moins d'être complètement maître de soi et de savoir discipliner ses idées, il est préférable de ne pas s'abandonner à une multitude d'idées, car chacune affaiblit les autres en prenant sa part d'intérêt.

Ce qui importe, c'est de ne nourrir qu'une idée à la fois et de pousser à fond son élevage. Alors toute la nourriture spirituelle et mentale est pour elle et cette idée grandit formidablement. Quand elle a atteint son dynamisme complet, elle devient une force surhumaine, c'est-à-dire dépassant de loin ce qu'un homme ordinaire est capable de réaliser à l'état normal. Une grande idée, une forte idée, engendrée avec ferveur, portée avec allégresse aboutit infailliblement à l'enfantement dans le monde concret.

Là se trouve la limite confuse entre le visible et l'invisible, le territoire qui sépare la pensée de l'acte et que si peu d'hommes ont exploré.


La science a approfondi beaucoup de choses dans le domaine de la matière. La philosophie en a étudié beaucoup d'autres dans le domaine de l'esprit. Il semble y avoir un abîme entre les deux, que n'ont pu combler ni la philosophie ni la science. Mais cet abîme n'existe que dans la compréhension logique des humains. En réalité, matière et esprit se touchent ou, mieux, s'interpénètrent, et même ne forment qu'un. C'est la même chose sur des plans différents, la même vérité sous plusieurs angles. Et la pensée est la démonstration souveraine d'une manifestation de l'esprit dans la matière puisqu'elle précède et conditionne la plupart des grands actes humains.

La tour Eiffel n'est pas seulement un muscle d'acier pointé vers le ciel de l'Ile-de-France. Elle est surtout une pensée d'ingénieur passée de l'invisible dans le matériel. Avant d'être sur le Champ-de-Mars, elle était sur le plan de l'ingénieur. Avant d'être sur le plan de l'ingénieur, elle était dans le cerveau de celui-ci. Mais avant d'être dans la matière grise du cerveau, elle était dans l'esprit d'Eiffel, c'est-à-dire dans les champs de l'impondérable, sans équations, sans formules, sans chiffres, sans calculs. A ce stade, celui de sa naissance dans l'esprit, elle était une pure idée. Et cependant, elle existait déjà d'avance dans le moule de la forme aussi certainement que la graminée est dans le germe du grain de blé endormi.

Qu'on se garde cependant de croire que la pensée est toute puissante. Ce serait une erreur funeste car elle exposerait à des déboires majeurs. Comment, en effet, la pensée d'un homme pourrait-elle être omnipotente alors qu'il lui faut compter avec les pensées des autres hommes et avec celles des Puissances invisibles qui en font leur instrument essentiel ?

Le penseur efficace doit tenir compte du fait que la pensée divine limite la pensée humaine. Cette dernière peut devenir très puissante si elle pense comme l'Esprit. Axée dans le sens divin, il n'est rien à quoi elle ne puisse prétendre. Mais si elle pense contre l'Esprit (ce qui est le péché impardonnable), non seulement elle est impuissante à atteindre ses buts, mais ce sont ses efforts eux-mêmes qui la briseront. Avec elle sera balayé l'émetteur inconsidéré de la pensée, qui se sera servi maladroitement du don de penser. Car celui-ci ne lui a été délégué par la Pensée souveraine que pour apprendre le métier d'homme en accord avec la Création et le Créateur.

Il ne faut donc penser ni mal, ni faux, ni hors de propos (car l'opportunité joue un rôle très grand dans la pensée), faute de quoi on est, comme Jacob, terrassé par l'Ange et ce d'autant plus rudement qu'on est plus volontaire et mieux doué.







CHAPITRE 1


L'empire mystérieux de la pensée



Les plus grands esprits de ce temps ont fait justice de l'opinion des anatomistes du XIXe siècle, selon laquelle la pensée était sécrétée par le cerveau. Assimiler la pensée à la bile que sécrète le foie, ne fût-ce que par association des mécanismes, est une imbécillité primaire dont la science véritable a honte aujourd'hui.

S'il en était ainsi, l'effet serait supérieur à la cause puisque le cerveau périt et que la pensée ne périt pas. Mais il n'est même pas besoin, pour réfuter de telles pauvretés, d'une argumentation philosophique. Les faits se chargent eux-mêmes de fournir une péremptoire démonstration. Les grandes guerres mondiales ont montré que l'ablation des différentes parties du cerveau n'empêchait pas l'homme de penser et, du même coup, cette constatation a jeté bas la loi fameuse des localisations cérébrales, cette autre conception du siècle dernier. En clinique, on a observé des cas de tumeurs du cerveau, à ce point généralisées que les méninges n'étaient qu'une bouillie purulente et pourtant les intéressés, à part des migraines tenaces, vivaient leur vie ordinaire, avec une cogitation médiocre sans doute mais non inférieure à celle de bien d'autres cerveaux moyens.



1- La pensée sans dimension


Par conséquent, la preuve est faite que la pensée n'est aucunement un produit du cerveau, pas plus que l'électricité n'est un produit de la lampe. Pensée et électricité viennent d'une source plus haute et ne se servent du cerveau et de la lampe que comme d'instruments destinés à permettre leur manifestation dans le monde sensoriel. Quand bien même toutes les ampoules électriques de l'univers seraient brisées, cela n'empêcherait pas l'électricité d'exister car elle existait avant que la science moderne ne s'avisât de l'utiliser au moyen des lampes.

La pensée est d'essence divine et, par conséquent, a préexisté de tout temps. L'homme n'était rien encore alors que la pensée était déjà. S'il a accédé à la Vie, c'est en raison de la pensée qui l'a conçu et créé. S'il est admis à penser aujourd'hui, c'est en vertu d'une délégation de la pensée, car l'homme n'est que le fruit de la pensée du Démiurge créateur.

Le cerveau n'est pas autre chose que le mécanisme organique destiné à permettre l'accès de la pensée dans la matière humaine. Son rôle est celui d'un truchement, d'une sorte d'interprète, combien faillible et malhabile, de la pensée tout court.

Nous avons dit ailleurs que le cerveau avait été donné à l'homme pour lui permettre de penser à trois dimensions, mais il lui interdit de penser à quatre, de sorte que, bien loin d'être le moyen d'accès à toute connaissance, il est, en bien des domaines, un limiteur. On pourrait comparer son utilité à celle du bridage de carburateur imposé aux automobiles en cours de rodage. L'ouverture de ce dispositif est calculée de manière à admettre une quantité d'essence suffisante pour permettre une vitesse de 80 km/h, mais insuffisante pour aller à 150 km/h

On en peut déduire que notre cerveau est incapable de dépasser un certain stade de pensée, précisément en raison de sa structure rudimentaire par rapport à l'élément infiniment subtil qui l'agit.



2- A l'image du Créateur



Cette infériorité n'est pas limitée au seul cerveau. L'univers visible est, comme lui, le fruit d'une Pensée Unique qui s'est manifestée dans le formel. Rien de ce qui est ne serait sans le pouvoir générateur de cette Haute Pensée d'où sont issus les mondes, les règnes, les races et les individus.

Toutefois, l'individu humain a été choisi pour une manifestation spéciale et comme étant le mécanisme organique le plus accessible sur terre aux incitations de l'Esprit. Il s'est développé au-delà du minéral, au-delà du végétal et, en partie, au-delà de l'animal par la vertu de son industrie, elle-même due à sa faculté pensante, la plus affinée qui soit sur notre globe et à laquelle il doit son hégémonie présentement.

Il suffit d'un instant de réflexion pour comprendre que l'homme ne serait pas devenu le conducteur des autres espèces, si sa pensée n'avait été la plus forte et n'avait assuré sa prééminence dans tous les plans. Beaucoup de végétaux et d'animaux sont plus grands et plus forts que lui, mais leur pensée est débile ou embryonnaire. Il n'est que de regarder une petite vachère menant un taureau puissant. La bête n'aurait qu'un geste à faire pour tuer l'étincelle de vie humaine, mais son idéation minuscule est en déroute devant l'idéation cependant encore fragile de l'enfant.

De même les éléments, sous l'aspect de la mer, de la montagne, semblent opposer aux êtres vivants d'immenses impossibilités. Et de fait l'éléphant ne peut franchir l'océan, la baleine ne peut traverser un isthme, l'aigle ne peut passer sous la montagne, mais l'homme peut aller sous terre, dans l'air et dans l'eau. A quoi doit-il ces possibilités ? Uniquement à la pensée qui le rend capable de créer, à l'image du créateur.



3. La pensée humaine est extra-physique


L'homme a-t-il bénéficié au départ d'une prédilection du Divin ou est-ce seulement parce qu'il a plus rapidement évolué que les autres créatures animales? Toujours est-il que la Pensée Divine a fondé sur lui de grands espoirs. Ces espoirs ont été souvent déçus, trompés, frustrés, parce que l'évolution de la pensée chez l'homme a été lente et, surtout, parce que dès que l'homme a eu conscience de penser, l'orgueil lui est venu, au point qu'il a cru pouvoir se passer du Créateur.

Cette présomption est inévitable chez tous les êtres qui accèdent à la connaissance. Il faut beaucoup de science pour avoir de l'humilité. La plupart des hommes actuels ont beaucoup d'ignorance et un peu de science. Ce vernis superficiel est fait pour les abuser. On comprend ainsi les aberrations de la société humaine qui se sert de la pensée pour détruire au lieu de construire, pour ruiner au lieu d'édifier. Il en résulte que la pensée de l'homme s'exerce à l'encontre de la Pensée Divine et que celle-ci étant la plus forte a peu de chose à faire pour nous brimer.

Les mécomptes, les chagrins, les catastrophes et les cataclysmes sont les réactions automatiques de la Haute Pensée incomprise et le résultat de notre manière défectueuse de penser. Et qu'on ne croie pas que cela puisse être infirmé par l'exemple des animaux, eux-mêmes en proie aux même misères naturelles ou physiologiques ! On y trouve, au contraire, une confirmation de ce qui est dit plus haut. La souffrance pure, ou souffrance en soi, est relativement peu de chose. C'est le degré de conscience de l'être qui en conditionne l'intensité. La bête souffre au moment du choc, de la privation ou de l'accès physique. Pour le reste, elle n'a ni prescience ni imagination. L'homme, ayant la pensée, souffre d'abord par la pensée, pendant, avant et après. La pensée fait sa supériorité sur les mondes inférieurs dans le plan spirituel et son infériorité sur les mondes inférieurs dans le plan physique. Et cela est dû à sa nature double, à ce qu'on a appelé son humanimalité.

Mais comment ne pas en conclure que la pensée humaine est extra-physique puisqu'elle dramatise la conscience et magnifie l'émoi charnel? La conscience de l'homme est l'étage le plus élevé que sa personne puisse atteindre. S'il sait la perfectionner et s'en servir, il peut accéder aux mondes supérieurs. Or ces mondes sont au-delà de la forme et de l'apparence. D'où l'impossibilité de les expérimenter en laboratoire et l'obligation de les pénétrer par la pensée pure, puisqu'ils ne sont eux-mêmes qu'une manière plus haute de penser.

C'est la pensée qui constitue l'univers, le visible comme l'invisible, qui organise les mondes, en harmonise le comportement. C'est la pensée qui est le support de l'éther et la base éternelle de la vie. Privé de pensée, le monde matériel deviendrait inerte et froid, car la pensée est la source et la mère de l'énergie.


4. La matière est une fiction



La plus grande découverte que l'homme ait faite depuis ses origines est celle de la dissociation de l'atome parce qu'elle lui a permis de pénétrer la matière dans son intimité. Chacun sait à présent que la base de celle-ci, l'atome, considéré jusqu'au XXe siècle comme indivisible et insécable, s'est révélée aux instruments et à l'expérimentation des physiciens modernes comme un autre monde infiniment petit, une sorte de minuscule univers. Ses éléments se comportent à la façon d'un système sidéral où des satellites tournent autour d'un noyau central à des vitesses prodigieuses et sont à ce point éloignés les uns des autres, proportionnellement à leur masse, que l'atome s'avère pratiquement vide et creux. Ces corps satellites eux-mêmes (électrons, neutrons, etc.) constituent probablement d'autres univers encore plus infimes, si bien que, traquée dans ses derniers retranchements, la matière devient inexistante et n'est plus constituée que par de l'énergie à l'état de tourbillon.

Comment donc expliquer l'apparence des objets lourds : une table, une pierre, un corps animal, dont nos sens nous affirment la consistance? Uniquement par une juxtaposition d'atomes creux. En somme, la matière solide, aqueuse, gazeuse, n'est qu'une fiction, une attitude de l'univers, une construction de l'apparence. Et voilà qui réhabilite la vieille alchimie du Moyen Age, poursuivant ce que la chimie jugeait être une chimère : la transmutation des corps. Dès aujourd'hui, le rêve de l'alchimiste est devenu une réalité. Et la transmutation atomique s'opère en laboratoire. La véritable pierre philosophale est dévoilée : c'est le secret de la matière dont l'herméticité a duré jusqu'à nos jours.

La science matérialiste a donc abouti à ce résultat déconcertant: la matière se dématérialisant à mesure qu'on l'analyse davantage et, finalement, se résolvant en énergie, c'est-à-dire en impondérables, ce qui, pour une balance de laboratoire, est assez décevant.

Qu'est-ce donc que l'énergie démontrée par le mouvement?
Rien d'autre qu'une expression spéciale de la pensée. La pensée pure est sereine et immobile, mais ses projections secondaires créent, entre autres, l'énergie et le mouvement.

Ne commencez-vous pas à comprendre pourquoi la pensée, agissant sur l'énergie qui engendre le tourbillon, agit aussi sur la formation et le comportement de l'atome? Ne comprenez-vous pas, comment, par la juxtaposition et l'ordonnance des atomes, la pensée crée les formes et les rend accessibles à notre organisation ? Ne sentez-vous pas que ce que la pensée construit, elle peut de même le détruire? Que, pour la pensée, création et destruction de la matière apparente sont aussi aisées l'une que l'autre, qu'en un mot la pensée peut tout changer dans l'univers?

Résultat prodigieux d'un rationalisme épais, muré dans l'expérimentation de la forme et que cette expérimentation elle-même conduit à reconnaître son propre néant.


5. Pas de frontière entre matière et esprit


L'énergie de la pensée engendre donc l'énergie de la matière.
Où trouver, dès lors, la frontière entre la matière et l'esprit?

De même qu'il existe des organismes vivants (tels les zoophytes, à la limite de deux règnes et dont on ne saurait dire exactement s'ils sont végétaux ou minéraux), de même l'énergie est commune à la pensée et à la matière, de telle manière que celle-ci est le prolongement de celle-là. Ainsi se fait le retour à l'unité qui veut que matière et esprit soient une seule chose dans des états différents.

Il y a longtemps que des esprits clairvoyants ont pressenti et affirmé cette unité du monde, le visible n'étant que le verso de l'invisible et le formel recto de l'apparent. Mais rien de concret ne venait fortifier cette position, basée sur l'intuition pure et simple, en un temps où le progrès scientifique réclame des preuves d'ordre objectif. Ces preuves nous les avons maintenant, nombreuses, pressantes, péremptoires et la croyance primaire dans un monde uniquement matériel en a reçu un désaveu total. Seuls, des cerveaux attardés persistent à fonder leur jugement sur un univers matérialiste. Les constatations acquises et les déductions qu'elles entraînent font justice de toute explication uniquement matérielle du monde dans lequel nous vivons.

Les théories d'Einstein sur la relativité, celles de Planck sur les quanta ont semé la déroute des constructions absolues chez les esprits positifs. Et nous ne faisons qu'entrer, avec les grands mathématiciens et les hyper physiciens modernes, dans une ère où toutes les valeurs, même invisibles, seront prises en considération.



6. L'univers est une grande conscience



La matière n'est pas de la pensée cristallisée, pas plus que la pensée n'est de la matière dégelée. Le passage d'une sorte à l'autre est infiniment plus subtil. Nous en saurons un jour davantage que nous n'en savons aujourd'hui mais nous ne saurons jamais tout de l'organisation supérieure tant que nous n'aurons pas nous-même fait notre évolution vers de plus hauts plans.

C'est donc notre conscience qu'il sied de perfectionner, bien plus que notre connaissance des choses apparentes, car ces dernières ne représentent que la serrure dont la conscience est la clé! Chacun peut hausser à son gré, et par ses propres moyens, le plan de sa conscience. Il n'a, pour ce faire, besoin d'aucun laboratoire et d'aucun instrument. Sa volonté suffit à le mettre en face du plus passionnant des problèmes, celui de sa propre énigme et toute sa vie ne sera pas de trop pour progresser vers sa propre solution.

L'Intelligence de l'univers n'est autre qu'une Grande Conscience et nous ne sommes admis à comprendre la Vie que dans la mesure où notre conscience individuelle nous permet d'y participer. Si nous sommes inconscient de la Pensée Suprême, qui connaît tout et explique tout, jamais nous ne parviendrons à nous sortir du désordre de l'apparence et nous serons agité au hasard ou victime des fluctuations de celle-ci.

Nous sommes libre, en effet, de croire que notre corps apparent et nos facultés apparentes constituent l'intégralité de notre domaine. Dans ce cas, nous sommes soumis aux lois de ce plan de l'incohérence de sorte que nos actes et ceux des autres nous semblent incohérents. Comment en serait-il autrement puisque nous ignorons, volontairement ou non, la trame cachée et ne soupçonnons pas qu'il y a une ossature des événements ?



7. Le squelette psychique



Supposez une médecine qui ne tiendrait pas compte de l'intérieur du corps humain et qui se contenterait, en présence d'un abcès ou de coliques violentes, d'appliquer des emplâtres sur la peau. Une telle médication vous semblerait impuissante à provoquer un drainage des tissus profonds ou à corriger une défectuosité des organes internes. Et cependant, la thérapeutique moderne, qui n'hésite pas à intervenir dans les replis les plus secrets de l'organisme humain, ne fait elle-même rien de plus que le barbier de jadis, distributeur de saignées, de purges et de cataplasmes. Car sous le squelette d'os, l'homme de chair comporte un squelette psychique, lui-même doublé d'un squelette spirituel. Tant qu'on n'a pas agi sur le squelette spirituel, on n'a pas agi valablement sur le psychique, ni durablement sur le physique. C'est la raison pour laquelle tant d'affections corporelles chassées d'un endroit du corps par la médecine ou la chirurgie reparaissent à un autre endroit, sous une autre forme pour la plus grande angoisse du malade et le plus grand souci du médecin. C'est la raison aussi pour laquelle le thaumaturge ne se préoccupe pas de l'anatomie du malade, mais impose les mains sur son organisme spirituel. Dès qu'il a agi sur l'esprit, la guérison corporelle survient d'une manière foudroyante. Dans ce cas, tous les processus habituels de la matière sont mis de côté. Le vice de l'apparence et la défectuosité de la forme se réparent instantanément.



8. Le« réel » imaginaire



Quel est l'agent du miracle? Rien d'autre que la pensée. Celle-ci est intervenue dans son propre domaine, qui est celui de la cause d'où découle l'effet. L'opération a porté sur le territoire réel au lieu de porter sur le territoire imaginaire, car il faut bien vous persuader que, dans la vie, c'est ce qui vous semble réel qui est imaginaire et ce qui vous semble imaginaire qui est réel.

Supposez aussi qu'un maçon aventuré dans le désert veuille restaurer le minaret entrevu dans un mirage. Il s'épuisera en vain à poursuivre l'édifice de rêve et mourra, s'il s'obstine, sans l'avoir jamais atteint. Ne croyez-vous pas qu'il serait plus sage d'aller vers le minaret réel dont celui du désert n'est que la décevante image, et qu'il vaudrait mieux mettre de la pierre sur de la pierre plutôt que d'accumuler du rêve sur du vent?

Supposez encore qu'un homme d'affaires, assis sur un fauteuil au théâtre, propose une entreprise aux acteurs de la pièce qu'on joue et en fonction du thème de celle-ci. Pensez-vous que ce genre d'opération le conduirait à la réussite? Certes non, car ce qui se passe sur la scène est imaginaire et n'a pas de consistance en soi. Vouloir traiter la question juive avec Esther, faire de la stratégie avec le Cid ou de l'éducation avec Poil de Carotte, paraît le comble de l'ineptie dès qu'on s'évade de la rampe et qu'on passe dans les coulisses du monde habituel.

Ainsi agissent pourtant les hommes sur le plateau de la vie, uniquement attachés aux porteurs de perruques et de fausses barbes, dans un décor de fausses prisons ou de faux jardins. Là n'est pas le monde vrai, mais le monde de la fiction. Là ne sont pas les leviers de la véritable vie. Une seule Vie mérite ce nom, celle de la Pensée, sans quoi rien, même de visible, n'existerait.

Ne vous égarez donc pas perpétuellement sur la scène, ne poursuivez donc pas inlassablement le mirage et cherchez les bases solides de l'existence et de l'être là où elles sont.













9. Matérialisation et vibrations de la pensée



Quand l'Écriture dit que Dieu créa l'homme à son image, cela signifie qu'entre tous les êtres il le dota du pouvoir de penser.


C'est par la pensée que le Démiurge créa l'homme. L'homme résulte, par conséquent, d'une pensée du Créateur. Pensée lui-même du Divin, l'homme pense à son tour et ses pensées ont le pouvoir de faire de même. Cela suffit à montrer comment la pensée prolifère dans le monde dont elle est le substratum. Plus il y a de pensées et plus les émissions de pensées deviennent nombreuses. Leur accumulation est si prodigieuse que l'univers en est tapissé. Et cet ensemble de pensées est en état de brassage perpétuel et son mouvement tourbillonnaire est intense. Rien ne saurait en donner une idée dans le monde visible où tout s'opère avec une incroyable lenteur.

Il faut bien se pénétrer de ceci, qu'il y a un monde suprêmement foisonnant et actif, qui est l'univers de la pensée, où les échanges se font à une cadence fantastique et dont aucun de nos sens ne peut donner la représentation. Pour cet univers extrasensoriel, les manifestations de notre univers sensoriel sont incroyablement lentes et lourdes. Nos vibrations les plus fréquentes semblent pauvres et espacées aux êtres du plan immatériel. Pour ces derniers, nous sommes en quelque sorte ce que le végétal et, mieux encore, le minéral sont pour nous : des territoires à demi ou complètement inertes. Nous sommes assimilés par la Pensée pure, en ce qui concerne le rythme de notre vie, non à la tortue, infiniment plus rapide, ni même à la plante, mais au caillou.

Certes la vie existe dans la pierre, comme dans toute forme de l'univers sensible, mais le travail des molécules est d'une extrême lenteur. A nos yeux corporels du moins, car le minéral, s'il avait conscience, jugerait normaux le comportement et le travail de ses molécules, normale son évolution. Celle-ci se déroule seulement au cours d'innombrables millénaires. Il faut bien des siècles pour que la forêt préhistorique devienne de la houille et que le carbone se change en diamant. Mais ce jugement ne peut provenir que d'êtres déjà moins denses et parvenus à un état de plus grande sensibilité. Ce que la roche est par rapport au végétal, le végétal l'est par rapport à l'animal et l'animal l'est par rapport au règne fluidique, par exemple, qui l'est lui-même aussi par rapport au règne spirituel.








10. La matière est la prison de la pensée



Les états inférieurs que nous venons d'analyser sont dus cependant à une projection de la pensée. Mais dès que celle-ci entre dans la manifestation, elle se matérialise et s'enkyste dans le monde de la lenteur. La matière est la prison de la pensée. Mais la pensée n'aurait pas atteint complètement son but si elle ne s'était pas incarnée dans un univers formel. La forme, que nous le voulions ou non, est un stade de développement de la pensée, par épuration et contention. La pensée doit s'enfermer dans la pesanteur et la densité des apparences afin de se réaliser pleinement et de pleinement évoluer. Cette épreuve est longue et pénible car il faut diminuer la fréquence des vibrations, subir une perte de puissance, se plier et s'adapter à un rythme inférieur.

Même dans cet état de captivité et d'asservissement, la pensée est tellement puissante et active que ses possibilités dépassent, et de loin, toutes celles du monde sensoriel. La lumière est peut-être le phénomène le plus rapide du monde matériel puisque sa vitesse de transmission est estimée à 300000 kilomètres par seconde. Cependant cette vitesse est insignifiante à côté de celle de la pensée car celle-ci peut atteindre instantanément les étoiles les plus reculées dont la lumière met des centaines d'années à nous parvenir. Jugez, d'après ce que peut la pensée emprisonnée, ce dont est capable la pensée libérée, telle qu'elle existe dans l'Univers supérieur. Son énergie, même captive, est d'une puissance extraordinaire, dès qu'elle est reconnue et mise en action.

Il faut bien avouer que la plupart des hommes, bien qu'étant porteurs de la pensée, ne s'en doutent pas davantage qu'ils n'ont conscience des micro-organismes de leur sang. Ils ont la vie et la force en eux, mais ne s'en servent guère ou, s'il le faut, l'appliquent à des usages misérables, conséquence de buts chétifs.

Que diriez-vous de celui qui, possédant un moteur de cent chevaux, l'emploierait à casser des noisettes ? La pensée est cependant plus puissante que dix mille moteurs de dix mille chevaux. Le champ d'application d'un moteur matériel est restreint; celui de la pensée est sans limites. Encore faut-il être à même de s'en servir.


11. La pensée sans forme engendre la pensée dans la forme


A votre avis, qu'est-ce qui fait marcher une machine à vapeur?
Est-ce l'eau? Non. C'est le feu qui, agissant sur l'eau, en dégage une puissance élastique. Or le feu est une matière très subtile dont la nature est totalement inconnue et dont on se sert empiriquement comme de l'électricité. Le feu physique est aux frontières de la matière et constitue la manifestation dans celle-ci du Feu divin d'où est issue toute vie et le Feu divin est de la pensée pure, car tout existe dans l'État Premier. Qu'est-ce qui fait marcher un moteur à explosion? Est-ce l'essence? Non, c'est encore le feu qui, sous forme d'étincelle électrique, déclenche l'expansion d'une autre force sur la nature de laquelle les savants sont muets. On aura beau expliquer le phénomène par la détente des gaz, cela ressemblera toujours à la « vertu dormitive » par quoi l'opium fait dormir. Qu'est-ce qui fait marcher une dynamo? Est-ce le frottement? Non, car celui-ci n'est qu'un des mille moyens utilisés par l'homme pour soutirer une part de l'énergie cachée. Or cette énergie, comme toutes les autres, n'est qu'une des issues de la pensée dans le domaine objectif.

Tout viendrait donc de la pensée ? Tout. La pensée sans forme engendre la pensée dans la forme. Mais pour que la pensée formelle puisse engendrer aussi dans la forme, il faut qu'elle s'appuie sur la pensée informelle d'où naît toute création.

Il est donc indispensable que, pour obtenir des réalisations matérielles, la pensée de l'homme prenne contact avec la Pensée divine d'où elle tire son pouvoir. Faute de procéder ainsi, ses réalisations sont bornées, précaires, inégales et peuvent être annihilées (comme elles le sont généralement) par les tentatives d'autres personnes.


12. La pensée doit se conjuguer avec l'action


Par contre, on aurait tort de croire qu'il suffit de la pensée pure pour obtenir, à coup sûr, des résultats dans le monde apparent. Si l'homme a été placé dans son état présent et dans sa condition physique, c'est pour utiliser ses outils inférieurs concurremment avec ses moyens supérieurs. D'où la nécessité de conjuguer la pensée avec l'action, l'une servant de support à l'autre, car il n'y aurait aucune valeur évolutive dans l'indifférence et la passivité du corps. Ce qui précède condamne l'application à l'Occident des disciplines orientales lorsque celles-ci mettent en veilleuse les fonctions physiologiques et interdisent l'action. Le rôle de l'Occident est très différent du rôle de l'Extrême-Orient et le degré de civilisation matérielle auquel il est parvenu lui crée des devoirs objectifs qu'il ne peut décliner sous couleur de sanctification et de retraite. Les moines occidentaux l'ont compris, qui joignent à la méditation et à la prière des exercices intellectuels et manuels.

Nous avons été mis dans le bain de l'action pour nous y décaper de nos impuretés spirituelles. Pour nous résumer en une phrase : nul ne peut se détacher valablement de l'existence matérielle s'il n'y a été d'abord attaché. Le détachement consiste donc, non à rompre les liens physiques (comme fit brutalement du nœud gordien le conquérant Alexandre), mais à les dénouer successivement et harmonieusement au fur et à mesure de l'Évolution.

Ainsi, peu à peu, la pensée, d'abord entraînée par l'action et expérimentant la vie par elle, recouvrera sa pureté originelle et la toute-puissance de sa liberté.


CHAPITRE II



Le peuple des pensées



On nous dira que tout le monde pense et qu'il n'apparaît pas que cette faculté universelle permette à tout le monde de penser efficacement.

Cela est fort exact et tient à ce que la puissance de la pensée varie avec chaque homme, et cela en fonction de l'attention que chaque homme y porte. En réalité, la plupart des hommes pensent comme ils respirent, c'est-à-dire sans s'en apercevoir. Comment veut-on qu'une fonction exercée instinctivement, sans l'aveu de la conscience, ait la même portée et la même vertu qu'une fonction mûrement délibérée, en accord avec les forces supérieures de Vie et qui opère à l'image du Divin ? Il en est de même d'ailleurs pour les actes de respirer, de boire, de manger qui ne sont en eux-mêmes que l'évidence de nécessités animales mais qui, par l'attention et l'attitude, peuvent devenir des moyens supérieurs d'expression.

Il importe donc, au premier chef, que l'homme s'avise de l'existence de sa pensée, qu'il l'identifie, la reconnaisse et en fasse un emploi élevé.



1- L'enchaînement involontaire des idées



Les pensées sont de toute espèce et de toute provenance. Pour vous en convaincre, cessez un instant d'agir, fermez les yeux, détendez vos membres et observez ce qui se passe dans votre cerveau

Pour peu que votre intelligence soit d'ordre moyen et que vous ayez une certaine activité de vie, mille images, mille représentations s'offriront à votre intellect. Cela se fera confusément, sans ordre, sous forme de coq-à-l'âne, les idées s'ajustant les unes au bout des autres, parfois sans lien apparent.

En réalité, cette confusion n'est qu'extérieure. Toutes ces idées s'enchaînent par un point quelconque mais sans votre adhésion. Vous êtes comme le rêveur étendu sous les arbres d'une forêt et qui entend, sans les écouter, les murmures du vent et les cris d'oiseaux dans les branches ou regarde sans les voir les feuilles qui s'agitent et les images qui passent dans le ciel. Parfois une de ces idées prend le pas sur les autres, s'impose à vous et persiste même contre votre volonté. Vous la chassez mollement comme une mouche inopportune. Alors vous n'êtes pas maître de votre pensée mais son esclave inattentif.

Il est triste de constater qu'une foule immense d'êtres humains est ainsi à la remorque de ses pensées, tiraillée à droite et à gauche, orientée de-ci et de-là. Écoutez discourir les hommes et les femmes de ces sortes de pensées. Le désordre intérieur s'y étale aux oreilles de tous. Cela ne frappe pas la plupart des interlocuteurs puisqu'ils sont de même espèce. Et il en résulte l'échange verbal des pires inutilités. Ce procédé de pensée est éminemment contradictoire. Il rappelle les maisons de dégustation publique où tout le monde peut entrer.



2. Mettez de l'ordre dans vos pensées



Cela rappelle aussi les cours de récréation des écoles enfantines. Ce bruit de volière et de jeux est entièrement physique et ne laisse aucune licence de penser. Les petits ont, du moins, l'excuse d'être à l'âge où le corps domine en attendant que la raison fasse son office et les incite à se concentrer. En outre, leurs récréations sont une détente, la soupape d'études silencieuses, alors qu'aucun prétexte ne justifie les commérages des adultes, au Parlement, à l'Assemblée, au bureau, à l'atelier, sur le trottoir.

Le grand vice de l'enseignement est d'apprendre à voir sans apprendre à penser, d'ingurgiter la connaissance matérielle à des âmes encore endormies, alors que le premier, l'unique soin devrait être de les éveiller.

C'est de ce premier contact entre l'esprit enfantin et la matière de la vie que résulte l'harmonie ou le choc par quoi l'axe même sera centré ou faussé. Mais puisque les choses sont ainsi, il faut les prendre dans l'état où elles se trouvent. Ce que l'instruction et l'éducation n'ont pas réussi à faire, les individus doivent individuellement le tenter.

Si nous ne pensions fermement que tout homme, quels que soient son âge, sa situation, peut tout redresser en lui par l'usage d'une pensée féconde, nous serions impardonnable de lui donner de faux espoirs. Mais nous savons que tout peut être réparé, rectifié, harmonisé, grandi par une discipline très simple et par alliance avec les Forces bienfaisantes, toujours attentives à notre appel.






3. Vos pensées sont rarement de vous



Toutes ces pensées qui apparaissent en vous ne sont pas nécessairement de vous. Il y en a même très peu qui viennent de votre chef, à ce point qu'un bien petit nombre d'hommes sont capables d'être pères d'une idée. Vous pensez surtout les pensées des autres, celles des hommes qui sont venus avant vous. Vous vous contentez de ruminer les pensées des hommes qui pensaient et que des générations ont répétées.

Ne vous frappez pas. L'homme qui a des idées originales ne court pas les rues. Les idées mères sont aussi rares que les pépites de vingt kilos. Vous êtes donc dans la bonne moyenne en vous contentant de répéter ce qu'en ont pensé d'autres hommes, bienheureux si vous êtes capable d'habiller de vieilles idées dans des habits nouveaux.

Les plus odieux sont les rhéteurs, c'est-à-dire ceux qui sont rompus au maniement d'idées toutes faites et qui, incapables de penser par eux-mêmes, s'évertuent à juxtaposer, superposer, confronter, opposer ce qu'a dit autrui. Ces trapézistes de la pensée, ces jongleurs du verbe sont comme la paille inerte des céréales quand ils n'en sont pas les charançons.

Tout doit être préféré à ces discoureurs, ni penseurs, ni agisseurs et dont la lèpre envahissante corrode les vieilles civilisations. Combien plus estimable est l'illettré qui, faute de savoir livresque, n'agite qu'une ou deux idées dans sa tête mais qui, par leur lent et long usage, en fait des idées à lui.

Vous devinez que ce n'est pas toutefois de cette manière que nous vous incitons à penser. Notre dessein est plus ambitieux et vise pour vous à de plus hautes destinées. Nous prétendons que, par une application spéciale, il vous est possible de devenir créateur. Pour cela, il est indispensable que vous appreniez à penser correctement, c'est-à-dire d'une manière efficiente au lieu de penser à vide et au hasard.



4. Choisissez une discipline adaptée



Notre intention n'est pas de vous imposer une tâche impossible, ni de vous plier à la discipline d'Extrême-Orient. Votre cerveau n'a rien de commun avec celui d'un asiatique, même physiologiquement, car le cortex ou enveloppe cervicale, par exemple, n'a pas dans les deux cas la même épaisseur. Les phénomènes psychiques d'hypnose, d'hallucination, de catalepsie, de léthargie sont fréquents et faciles chez les hindous. Une grande partie des « miracles fakirs » sont dus à la suggestion collective. Hors d'une certaine atmosphère, il est impossible de les reproduire, sans quoi le tour de la corde lovée puis dressée par une force invisible eut été offert depuis longtemps sur les places de Londres et de Paris.

Nous ne cherchons nullement à discréditer les possibilités curieuses des concentrations bouddhiques ou à sous-estimer l'efficacité des postures de yoga. Mais ces disciplines ne sont pas faites pour nous, car elles nécessitent une continence absolue en même temps que des conditions de vie sociale impossibles à réaliser en Occident.

Il nous faut donc adapter notre cerveau occidental à des méthodes occidentales. Il en existe déjà qui ont été codifiées par diverses écoles, mais celles-ci se sont bornées à éduquer le mental. Or de même que rien ne peut être obtenu de grand et de durable par le physique seul, de même rien de grand et de durable ne peut être obtenu par le mental seul, car physique et mental ne sont qu'une partie, et la plus médiocre, de vous-même. Vous ne vous réaliserez complètement, en effet, qu'en réalisant l'homme total que vous êtes, ce que nous avons appelé ailleurs (Les Clés du bonheur) l'homme réel.




5. La forme de vos pensées



Continuons à prospecter la « foire » de vos pensées. Nous employons cette expression parce que, dans votre cerveau, règne un désordre comparable à celui d'une foire où se mêlent les cris des bêtes, les exclamations des gens, les boniments des bateleurs. L'ouïe, la vue, l'odorat, le goût, le toucher sont sollicités en même temps par mille bruits, mille couleurs, mille odeurs, mille friandises et, comme dans une fourmilière, par mille contacts. Rappelez vos souvenirs et demandez-vous quelle faculté de penser vous est laissée au milieu des éventaires, des parades et des illuminations.

Ainsi en est-il de votre esprit à chaque instant, quand il vagabonde au milieu de pensées dont aucune ou presque n'émanent de lui, mais qui, pour la majeure partie, lui sont suggérées par le spectacle extérieur.

Votre cerveau est à la fois émetteur et récepteur. Mais il reçoit plus qu'il n'émet et ce qu'il émet n'est ordinairement que ce qu'il a reçu lui-même d'autres hommes. Et, comme la quasi-unanimité des hommes fait de même, on assiste à un échange et à un brassage d'idées qui ont déjà beaucoup servi. Cela ne gêne aucunement les pauvres d'esprit qui sont la foule et le grand nombre. Au contraire, ceux-ci ne prisent que les nourritures prédigérées et qu'ils assimileront sans effort. Rien ne déplaît autant à l'homme ordinaire que de penser par lui-même. Il préfère de beaucoup des pensées toutes faites et qui ont cours depuis des générations. Cette paresse de pensée lui fait accueillir sans répugnance et même avec joie les clichés les plus sordides, les truismes les plus éculés. Il se délecte de médiocrités, de pauvretés, d'indigences. Et s'il éprouve le besoin de pensées plus constructives et plus hautes, il a recours à l'apport cristallisé des chapelles et des écoles dont le rôle est de fournir aux esprits indigents un stock de pensées éprouvées par un long usage et fixées ne varietur.



6. Ne laissez personne penser à votre place



Il n'est pas surprenant, dans ces conditions, que des hommes ou des assemblages d'hommes se soient avisés de cette carence générale de la pensée et qu'ils aient songé à utiliser la jachère des cerveaux pour la réalisation de buts personnels. Les uns l'ont tenté dans un but commercial, sous forme de slogans publicitaires et l'on sait combien agissante est la recommandation visuelle et auditive, sans cesse répétée, d'une marque de pastille ou de brosse à dents. D'autres l'ont fait dans un but patriotique et ont amené ainsi, par sollicitations répétées, des hommes paisibles à devenir meurtriers. Tels en ont profité pour imposer une doctrine, une philosophie, tels y ont vu le moyen de faire adopter un ordre nouveau. Dans tous ces cas, l'individu n'est qu'un pion inconscient qu'il s'agit de faire mouvoir dans une direction donnée. Et l'on assiste à la formation de groupes adverses, représentatifs d'idées différentes et qu'on affronte les uns aux autres en vertu d'idéals opposés.

Le rôle de l'individu y est absolument nul. Sa conscience y est tenue pour zéro, exactement comme son libre arbitre. S'il est cent mille ou cent millions, cela représente, en matière de pensée, cent mille ou cent millions de zéros. Qu'un seul penseur s'y agglomère et imprime sa pensée à lui dans ce vide, aussitôt les milliers ou les millions de zéros s'y ajoutent et constituent un nombre à la suite de l'unité. Cela peut avoir lieu dans le mal comme dans le bien. En fait, c'est principalement dans le mal qu'opèrent les conducteurs de pensées. L'histoire ancienne et contemporaine en fournit de nombreux exemples dont certains sont encore sous nos yeux.



7. Pensée individuelle et pensée collective



Dans la société moderne, plus qu'à tout autre époque de l'humanité, les cerveaux sont embrigadés au service d'idées collectives. Les hommes de ce temps sont tous des partisans, à un degré quelconque. Or la notion d'appartenance est exclusive de la liberté de penser. Tout parti comporte une petite tête et un grand corps. La tête pense, si elle peut, et le corps obéit à la pensée de la tête. Cela semble si commode à l'homme du commun que tout le monde s'en remet à des conducteurs du soin de penser. Les rares individus qui échappent à l'esprit de parti n'évitent pas la radio, la télévision et la presse qui leur façonnent, du matin au soir, des idées standardisées et une pensée omnibus.

Trop de gens aujourd'hui, dans l'Ancien comme dans le Nouveau Monde, n'ont d'autre opinion que celle de leur journal. Et cela est d'autant plus niais que les journalistes n'ont pas d'opinion plus arrêtée que leurs lecteurs et se bornent à reproduire des avis qui leur sont dictés et à écrire en vertu d'une consigne. Mais les directions des journaux ne sont pas davantage capables de penser ; elles sont inféodées à un parti, à une coalition d'intérêts commerciaux ou religieux auxquels elles obéissent. Ces collectivités elles-mêmes ne jouissent d'aucun libre arbitre; elles sont dans les mains d'une ou de plusieurs personnalités, elles-mêmes à la merci d'influences qu'on ne connaît pas (publicité entre autres).

On le voit, si l'on remonte à l'origine des opinions, bien peu sont le fait d'hommes qui pensent originalement et par conséquent sont capables de gouverner leur vie et d'entraîner des fractions d'humanité.



8. Ne pas subir mais attirer



Nul besoin d'être un grand réformateur, un grand capitaine d'armées ou d'industrie, un grand philosophe, un grand orateur, pour exercer une grande action.

L'individu le plus humble, dans la condition la plus modeste, peut isoler son libre arbitre et avoir sa pensée à lui. S'il a sa pensée à lui et s'il lui donne une impulsion continue, il peut se rénover lui-même et rénover des foules autour de lui.

Car chaque pensée est un univers avec son comportement et ses lois propres. Si elle est menue ou peu courante, des pensées de même sorte s'agglomèrent autour d'elle et son sillage devient de plus en plus profond. Aussi loin qu'elle voyage - et elle fait en un temps record plusieurs fois le tour du monde des consciences elle demeure étroitement reliée à l'esprit qui l'a conçue en premier. C'est donc l'émetteur de la pensée originale qui bénéficie de toutes les conquêtes de sa pensée, sous quelque forme que celle-ci se présente et que ce soit dans le domaine de la religion, de la philosophie, de la science ou de l'art.

Quand vous écoutez la Sixième Symphonie de Beethoven, votre âme s'élève à des hauteurs insoupçonnées et toute votre pensée prie avec celle du musicien génial. Mais, en même temps que vous, des milliers d'autres âmes à l'écoute vibrent dans un splendide unisson. Croyez-vous que ces élans majeurs restent inemployés dans le monde invisible et que l'encens de tant de prières informulées ne rejoint pas Beethoven ?

Tous ceux qu'a obligés Pasteur élèvent un monument continuel à Pasteur. Tous ceux qu'ont émus Michel-Ange et Raphaël paient un tribu perpétuel à Raphaël et à Michel-Ange. Hugo et Rabindranàth Tagore drainent à eux mille adorations.

Que dire de la pensée de Jésus qui a cristallisé dans les mondes visible et invisible l'idée prodigieuse de l'Amour pur? Toute une ère est dominée, le voulant ou non, par le Sermon sur la Montagne et c'est un incessant raz de marée de gratitude qui s'élève de l'humanité opprimée et monte vers le Christ.


9. Les bergers du monde invisible


Est-ce tout? Et l'univers spirituel au milieu duquel votre intelligence se meut n'est-il composé que des seules pensées des hommes organiques ?

Certes non, car le monde invisible pense beaucoup plus intensément que le monde dont nos sens sont témoins. Ceux que nous appelons les morts et qui sont, en réalité, les vivants d'une autre vie, retrouvent une faculté de penser accrue lorsqu'ils n'ont plus leur cerveau de chair. Ce plexus cervical que les hommes positifs considèrent comme l'unique instrument à penser mis à la disposition de l'homme n'est vraiment, comme nous l'indiquions plus haut, qu'un limitatif de la Haute Pensée destiné uniquement à la compréhension des trois plus basses dimensions. Fort utile pour expliquer celles-ci, non seulement il est impuissant à pénétrer les dimensions supérieures, mais encore il constitue l'obstacle organique à la compréhension des plans élevés.

A sa mort, l'homme, amputé de ses méninges et de ses circonvolutions cérébrales, délivré de l'animalité de sa matière grise, recouvre, s'il le veut, sa faculté entière de penser. Beaucoup en sont d'ailleurs incapables, même dans la vie désincarnée, parce que celle-ci ne fait pas automatiquement un penseur d'un minus habens. Dans ce cas, les esprits grossiers n'ont qu'un but, celui de retourner dans la matière pour y retrouver, avec un cerveau physique, les organes des sens matériels. Mais tous ceux qui ont appris à penser et dont les facultés d'intuition se sont tendues au-delà de la matière, éprouvent dans la nouvelle vie un sentiment aigu de libération.

Délesté de sa pesanteur, leur esprit vit presque uniquement en pensée et ces pensées sont d'une grande puissance dans tout l'univers pensant.

Songez aux milliards et aux milliards de morts-vivants qui pensent dans les autres mondes et dont les pensées, ajoutées à celles du monde incarné, viennent impressionner les vôtres jour et nuit. Au cœur brûlant du désert, dans la nuit glaciale des pôles, partout où vous croyez qu'existe la solitude absolue, les pensées invisibles des vivants et des morts vous environnent et pénètrent en vous. Toutefois, les pensées élevées des êtres invisibles affectionnent plus spécialement les lieux où ne séjourne pas la foule des vivants. Toute assemblée d'hommes terrestres sécrète autour d'elle une atmosphère de pensée épaisse et dense. Cette densité, cette épaisseur oppose une barrière presque impénétrable aux pensées d'une plus grande subtilité. Par contre, les basses pensées de l'Astral, émises par des esprits grossiers en quête de réincarnation organique, pullulent dans la multitude et engendrent en elle de lourdes vibrations.

Les fureurs des foules sont abjectes: leurs déterminations demeurent vulgaires; leurs enthousiasmes même n'ont pas de hauteur. La foule est un monstre puissant mais ignorant, une force énorme, mais aveugle. Le premier manieur de pensées venu peut la projeter dans les pires directions. Les pensées invisibles des plus vils des morts y jouent un rôle immense. C'est leur appoint subit qui explique certains revirements inattendus.

Heureusement le monde invisible dispose d'autres conducteurs, aptes à orienter les pensées vers de plus nobles idéals. C'est autour de ces bergers inconnus, comme autour des saints attardés sur notre terre qu'il convient de rallier les pensées des meilleurs des hommes vivants. On conçoit par-là toute l'importance de penser droitement, généreusement, efficacement, harmonieusement pour s'allier au Divin dans son évolution idéale.

Pour cela il est indispensable d'apprendre comment l'idée s'apprête, se forme, s'agglomère et pourquoi la pensée créatrice est une opportunité.





















CHAPITRE III



Naissance, vie et mort de l'idée



Étant bien éveillé dans votre lit et dans le silence matinal de toutes choses, tenez votre conscience alertée et chassez, au fur et à mesure qu'elles surgissent, toutes les idées de représentation.

Nous voulons dire par ce mot que toute idée étant une image, il faut vous efforcer de vider votre pensée de toute image représentant un objet matériel. En effet, dès que vous avez, au sortir du sommeil, repris contact avec le monde des apparences, un afflux considérable de représentations de ces apparences se produira dans votre conscience, sans lien, sans rythme, sans coordination. Du moins, ce lien, ce rythme, cette coordination seront-ils de la sorte la plus élémentaire. On connaît la rengaine de l'époque 1900 : «si tu m'épates de mouche à miel de Narbonne d'enfants de troupeau de moutons, etc. », dans laquelle chaque mot ou la fin de chaque mot constitue le commencement d'un autre mot n'ayant avec le précédent qu'un rapport syllabique et dont l'ensemble est incohérent.



1. Rêver n’est pas créer



Il n'y a pas davantage de cohérence dans les idées du dormeur éveillé qui reprend contact avec l'existence formelle, chaque fois qu'une idée fixe ou une préoccupation urgente ne s'impose pas à lui, malgré lui. Il n'y en a, hélas! souvent guère plus dans les assemblages de pensées journalières de l'homme de la rue, qualifié jadis par euphémisme de roseau pensant.

La plupart du temps, ces idéateurs vulgaires sont incapables d'expliquer l'enchaînement de leurs idées lorsque celles-ci sont livrées à elles-mêmes et laissées sans surveillance ni direction. C'est le propre des rêveurs, même cultivés, qu'une certaine paresse d'esprit livre, pieds et poings liés, au jeu incessant de leurs idées et qui, bien loin de se réaliser dans la forme, se laissent bercer vainement par leur idéation.

Rêver n'est pas créer; c'est rester dans le monde de la pensée inactive. Certains rêveurs peuvent être rois dans le monde invisible mais demeurent sans action sur le monde matériel.
Pour créer dans le monde apparent, il faut une conjugaison de l'action et de la pensée, sans permettre à l'une d'empiéter exagérément sur l'autre et de manière à éviter à la fois l'erreur de l'Occidental et l'erreur de l'Oriental. Ni uniquement objectif, ni uniquement subjectif, tel est le chemin de qui veut créer dans l'informe et dans la forme. Les deux attitudes sont également nécessaires à la réussite de l'expérience de notre organisme double, car la vie de l'homme est amphibie et, pour être parfaite et complète, doit se poursuivre en même temps sur les deux plans.



2. Comment faire le vide de la pensée



Donc les idées naissent en vous au réveil; éloignez-les avec vigilance. N'admettez ni celles qui ont trait à votre santé, à votre intérieur, à votre profession, à vos affaires, ni celles qui se rapportent à vos désirs intimes, à vos buts, à vos ambitions.

Écartez même les images de corps, lit, drap, température, ce qui n'est pas autrement difficile avec un peu d'entraînement.

Cet exercice est d'autant plus méritoire que vous êtes plus cultivé et plus ouvert sur le monde. La multiplicité des images qui s'attachent à ces genres de vie rend le nettoyage par le vide moins aisé.
Néanmoins, quelques tentatives facilitent cette opération, qui devient alors facilement praticable. Le contraire se produira dans les consciences pauvres et peu enclines à penser. C'est ainsi qu'un pâtre isolé dans la montagne n'aura guère d'idées à mettre en branle hors celles de bétail, de lait, d'herbe et de chien. Il y joindra celles de température, de ciel, de lumière et d'ombre. Peut-être lui en viendra-t-il d'autres de la vallée, mais le tout ne formera qu'un maigre ensemble ruminatif. L'analphabète, ne voyant que peu de choses et en connaissant encore moins, n'aura aucune difficulté à ne point penser, car son cerveau est souvent veuf d'idées.

Dans ces sortes de cerveaux, l'idée unique obsessive s'implante toujours avec force, et l'on sait quels drames ont parfois surgi chez des simples d'esprit. C'est en raison de ce processus, à la fois robuste et sommaire, que nous engageons les cerveaux foisonnant d'idées à faire préalablement le vide avant de penser avec efficacité.









3. Admission de l'idée unique



Il n'y a aucun intérêt à prolonger l'état de vacuité intellectuelle de peur qu'y ayant réussi on ne s'y complaise, ce qui arriverait avec certains. Dès que l'esprit est net d'idées inutiles et banales, admettez une seule idée en vous, après l'avoir sélectionnée, par exemple celle de la réussite, qui est désirée par tous. Réussir est un but à la portée des plus grands comme des plus médiocres, car il y a nombre d'étages dans la réussite et si les sous-sols s'enfoncent dans la terre, les greniers s'élèvent dans le ciel.

A partir de l'instant où vous avez admis l'idée de réussite, il ne faut permettre à aucune autre de l'évincer ou même de la surcharger. Pour accentuer votre choix, vous pouvez, selon que vous êtes seul ou non, répéter mentalement, à voix basse ou à haute voix les mots Réussir ou Réussite. La visualisation du mot, c'est-à-dire la lecture de son graphisme en pensée, vous aide à centrer votre attention sur l'idée et son objet.

Tenez-vous dans cet état d'intérêt exclusif aussi longtemps que vous le pourrez. Chaque minute de concentration sur l'idée est un coup de marteau sur le clou et l'enfonce dans votre subconscience.

Quand l'intérêt pour le mot seul et l'idée nue faiblit, vous pouvez commencer à l'entourer de guirlandes et d'ornements. Ne passez pas tout de suite à l'application pratique par trituration et juxtaposition d'idées accessoires qui vous entraîneraient trop loin. Ce stade sera pour plus tard, quand vous serez rompu à la gymnastique de l'idée seule. En ce moment, sculptez celle-ci à l'état brut.

Un homme d'action pensera peut-être que cette rumination cérébrale est du temps perdu, ce qui serait une lourde erreur, car ce qui importe avant tout à l'architecte d'une maison c'est d'établir celle-ci sur des fondations solides. Il ne servirait à rien de poser sur le sable des matériaux extra-durs et une charpente de qualité. Ne craignez pas d'assurer la base; c'est d'elle que dépend tout le reste. Une idée bien assise peut ensuite être fortement étoffée ; elle ne bougera plus sur ses fondements.

Quand vous vous lèverez, l'idée de réussite constituera déjà en vous un noyau, ce que les psychanalystes nomment un complexe, bien qu'à la vérité celui-ci ne puisse être considéré comme tel que lorsque toute une série de ruminations mentales auront accru sa complexité.

Cette pensée que vous avez admise délibérément en vous, quelle que soit son origine, va commencer à vivre d'une vie particulière, indépendante de la vôtre et qui tendra de plus en plus à se séparer de vous. Au début vous serez jusqu'à un certain point maître de la recueillir ou de la repousser selon que vous y apporterez ou non de la complaisance. Passé un certain stade et quand elle sera suffisamment enracinée dans vos tissus psychiques, il faudra une chirurgie spirituelle pour l'en extirper. Encore le succès n'est-il pas toujours certain. Aussi est-il prudent de ne pas accueillir et surtout renforcer n'importe quelle sorte d'idée, de peur qu'après avoir pris pied dans votre domaine elle n'en devienne la maîtresse contre votre volonté.

La volonté, en effet, joue en l'espèce un rôle beaucoup plus effacé qu'on ne le suppose. Elle est utile en premier, surtout quand l'esprit doit être appliqué d'une certaine manière à un objet défini. Par la suite, la volonté se borne à entretenir le mouvement engendré et l'on sait, par l'exemple du balancier de pendule, qu'il ne faut pas grande force pour obtenir une marche continue, une fois le lancement effectué.



4. La faculté d'imagination



Bien plus important est le rôle de l'imagination puisque, comme son nom l'indique, elle est la créatrice des images et les impose bien souvent à la volonté, même contre le gré de celle-ci.

La faculté d'imagination est un des ressorts les plus puissants de l'esprit humain. C'est elle qui est à l'origine des grandes entreprises et des grandes choses, elle aussi qui est à la base des grandes erreurs et des grands effondrements. Il en est ainsi de toutes les sources d'énergie. Le même litre d'essence peut faire progresser une voiture et ses passagers sur la route durant des kilomètres ou précipiter le tout dans un ravin. Selon qu'il est bien ou mal dressé, un jeune cheval peut contribuer à l'aisance de son propriétaire ou abattre celui-ci d'une ruade en plein front.

D'ailleurs, la puissance imaginative varie singulièrement avec les cerveaux. Tel n'a que peu ou pas d'imagination et, en dépit de ses efforts, ne fait surgir en lui que des images rares ou débiles. Tel autre ne peut endiguer le torrent d'images qui se pressent et se bousculent pour accéder au jour. L'un et l'autre sont l'exception et doivent faire l'objet d'entraînements spéciaux pour arriver à une idéation normale. Cela est très réalisable mais on comprendra que nous parlons pour le plus grand nombre, celui des imaginatifs moyens.

Une imagination normale est déjà un instrument remarquable. Il n'est personne d'entre nous qui n'en ait observé le pouvoir. Prenez le cas d'une mère qui voit son fils traverser la rue au moment où un bruit de moteur se fait entendre. Avant même que l'enfant n'ait atteint le trottoir d'en face, tout un scénario se déroule dans le cerveau de la mère et fait hérisser sa chair. Elle voit en esprit la tendre victime sous les roues, la confusion des sauveteurs, le cadavre ensanglanté, le transport à l'hôpital. Si elle a plus d'imagination encore, cette mère assiste aux obsèques, entend le bruit de la première pelletée dans la fosse, le tout en l'espace d'un instant. Tout s'est déroulé si vite que l'enfant danse et rit de l'autre côté de la rue alors que sa maman a la gorge sèche et le cœur serré.

Autre exemple: celui de l'homme irascible. Qu'un incident lui remette en mémoire son adversaire le plus odieux, aussitôt il l'assaille en imagination, s'empoigne avec lui dans la rue, le frappe, l'injurie. Et ce petit film intérieur a la rapidité de l'éclair. La projection s'est accomplie sans la participation de la volonté humaine. Quand celle-ci s'avise de l'ineptie et du ridicule de la situation, il est trop tard; en imagination le fait est accompli. Et cela est psychologiquement à ce point réel que si, en pleine action de l'imaginant, un des proches intervient pour des raisons extérieures, il est souvent rabroué sans savoir pourquoi.

C'est donc l'imagination qu'il faut discipliner plutôt que la volonté et la part de celle-ci dans la réforme, pour indispensable qu'elle soit, n'est pas très grande. Cela dit, l'homme qui pèche par défaut d'imagination a moins de difficulté à rassembler son attention autour d'une seule image, mais beaucoup plus de mal à intensifier la vision de celle-ci; d'autre part, l'homme qui pèche par surcroît d'imagination sera capable de représentations puissantes mais avec une peine évidente à les isoler. Quoi qu'il en soit, le mieux armé est l'imaginatif s'il arrive à gouverner son monde d'images. N'en est-il pas ainsi pour l'écrivain abondamment doué? Si ce dernier n'a pas assez de jugement et de volonté pour faire un tri dans ce que produit la fougue inspiratrice, son œuvre perdra nécessairement en force et en qualité. Même résultat chez le décorateur qui ne sait pas faire un choix dans ses trouvailles et accumule les ornements et les motifs. Le principal ennemi de l'artiste est peut-être moins la pauvreté que la surcharge. Plus l'art est dépouillé, plus il est grand.



5. Développement d'une idée mère



Évidemment, il y a des idées de toutes les tailles, depuis la plus minuscule jusqu'à la plus gigantesque. Tout le monde est capable d'idées puériles, modestes, insignifiantes, alors que beaucoup moins d'hommes peuvent émettre des idées sortant de l'ordinaire et du banal. Plus rares encore sont ceux qui génèrent des idées neuves. Si, en même temps, ces idées sont grandes, elles peuvent faire un vaste sillon dans l'humanité.

C'est vraiment une chose extraordinaire que la naissance, la croissance et la vie d'une grande idée. Nous ne nous occuperons pas de déterminer la valeur de celle-ci en soi. Il se peut que telle ait été finalement néfaste et telle finalement utile. C'est le rôle de l'historien - et encore - de l'établir. Nous désirons montrer seulement le prodigieux développement d'une idée mère, à travers l'espace et le temps.



Pierre l'Ermite et les croisades


Prenons l'exemple de Pierre l'Ermite, humble religieux sans connaissances spéciales. A force de méditer sur la passion du Christ, ce moine concentre sa pensée sur le Golgotha. La vision des lieux saints prend en lui une telle force qu'elle constitue l'idée indéracinable que rien ne saurait plus arracher de lui désormais. De là à songer à la conquête de la Palestine afin de délivrer Jérusalem des infidèles il n'y a qu'un pas pour cette âme ardente. Mais comment y parvenir matériellement sans galvaniser la chrétienté entière formée de royaumes différents? Cette monstrueuse difficulté n'entame pas la foi de Pierre l'Ermite. Il nie l'obstacle et se concentre uniquement vers le but.

On sait la suite : comment le prédicateur improvisé déclencha l'émotion des foules, puis des peuples, puis de l'Europe, finalement croisée au cri de «Dieu le veut ». Qu'importe la mort et la dispersion des premières hordes fanatiques entraînées vers l'Orient par Pierre l'Ermite! L'idée colossale est en marche et rien ne saurait l'arrêter. Après avoir fait rire les premiers auditeurs, les prêches de Pierre l'Ermite ont entraîné l'ébranlement de toutes les croisades ultérieures et l'on mesure aujourd'hui seulement toutes les conséquences de ce choc de l'Occident contre l'Orient. Deux civilisations affrontées, deux conceptions opposées du monde, un drainage puissant des turbulences de la féodalité, le développement prodigieux et inattendu des échanges, un essor nouveau de l'intellectualité, tout cela né de l'idée d'un moine obscur méditant dans sa cellule, et qui mène les princes, les rois, les évêques et les papes à la conquête du même idéal.


L'Idée maîtresse de Jeanne d'Arc


Exemple non moins fameux, celui de la bergère de Domrémy, fillette des prés de Lorraine, qui conçoit l'idée de libérer la France des Anglais.

Il faut se replacer en son temps, à la terrible époque d'une « occupation » autrement sérieuse et prolongée que celles des dernières guerres mondiales. Des armées anglaises puissantes refoulaient les faibles contingents de celui qu'on appelait ironiquement le roi de Bourges. Sur le territoire envahi, l'ennemi trouvait dans toutes les classes d'innombrables « collaborateurs ». Tout semblait désespéré. Charles VII lui-même ne croyait plus à sa fortune. Sa cour s'éclaircissait d'un jour à l'autre. Il n'y avait plus d'argent, plus de ressources, plus de soldats.

L'espoir brillait seulement dans le cœur de Jeanne d'Arc et cette veilleuse tremblotante allait devenir la flamme ardente qui illuminerait le sacre de Charles et embraserait son propre bûcher. L'entourage de la bergère la crut folle, mais l'idée triompha de l'entourage. Le sire de Baudricourt la jugea dévergondée, mais l'idée entraîna le sieur de Baudricourt. Charles VII prit Jeanne pour une aventurière, mais l'idée s'empara de Charles. Le clergé soupçonna Jeanne de sortilège, mais l'idée vainquit le clergé.

C'est une idée, une seule, qui fit lever le siège d'Orléans, conduisit le roi à Reims et fit refluer les Anglais en désordre. Mais cette idée était toute-puissante parce qu'elle tendait à la suprême libération. Car, au-delà de la délivrance du royaume de France, c'est Jeanne d'Arc elle-même qui, à la fin, sur le bûcher, s'est délivrée.


Comment l'idée sépara deux continents


Nous avons, dans un autre ouvrage (Affirmez et vous obtiendrez ), mis en évidence la prodigieuse aventure de Ferdinand DE LESSEPS, diplomate peu connu au moment où il conçut le projet de séparer l'Asie de l'Afrique. La seule idée du canal à creuser sous un soleil de feu, dans une terre difficile, sembla utopique aux techniciens les plus audacieux. Cependant le canal de Suez était réalisé dans la pensée de son inventeur, bien avant que les premiers plans fussent sortis du tire-ligne. DE LESSEPS n'y consacra pas une minute ou une heure de temps en temps ; il en fit l'affaire de sa vie. Tout fut subordonné en lui à la réalisation du canal et telle était sa force de conception que son idée culbuta les résistances les plus considérables, celle de l'occupant, celle du plus grand empire du monde, celle des sables, celle du climat, celle des financiers. Tout le monde déclarait le canal impossible, mais l'ingénieur non seulement le tenait pour déjà réalisé, mais encore y voyait d'avance circuler les navires de haut bord. Avant de passer par le canal de Suez, tout le trafic maritime international passa d'abord dans le cerveau de Ferdinand DE LESSEPS. Il en était si sûr que son idée devint contagieuse. Elle gagna le grand public qui, lui aussi, se mit à « visualiser » le canal futur.

Et c'est porté par la foi de millions d'hommes admiratifs, répandus à la surface de la terre, que l'ingénieur français inaugura, en 1869, contre la science, l'Égypte, l'Angleterre et la Bourse le premier grand canal de jonction de deux mers.


Quand l’idée se mêle de voler


Qui, même en Amérique, connaissait les frères Wright? Ces deux petits mécaniciens de Dayton étaient profondément ignorés dans leur garage. Cependant, le modeste couple abritait une idée colossale, qui était de renouveler en mieux l'exploit légendaire d'Icare et de voler dans le ciel. Beaucoup d'autres, avant Orville et Wilbur, avaient tenté l'escalade des nues. Depuis les origines du monde, cela avait toujours fini par des catastrophes, surtout en matière de vol dirigé. Sans doute, le vieil Ader avait déjà réalisé un engin volant (d'ailleurs de si grand mérite qu'on peut sans chauvinisme le considérer comme le véritable prototype de l'avion), mais la puissance de son idée n'était pas à la hauteur de son génie et c'est peut-être en raison de sa culture positive qu'il n'eut pas la foi intense d'un simple mécano.

Quand on sut en Europe que les frères Wright s'étaient enlevés du sol et avaient parcouru une certaine distance par les seuls moyens du bord, une vague de scepticisme parcourut le vieux continent à cette nouvelle d'Amérique. Mais qu'importait l'incrédulité du monde scientifique aux deux frères ? L'idée qu'ils portaient en eux volait depuis longtemps.

Quand il en eut assez de convaincre le Nouveau Monde, Wilbur vint au Mans avec son appareil rudimentaire et, en présence d'un public d'abord clairsemé puis de plus en plus nombreux, il infligea aux doutes la démonstration suprême, qui consistait à voler.

Qu'on le veuille ou non, les longs courriers de 300 à 500 passagers sont nés de cela, de ce rudiment d'idée qu'entre 1880 et 1890 l'un des frères Wright trouva dans son lit, caressa, fortifia jusqu'à ce qu'elle fût devenue une chose volante.

Bien d'autres conséquences en découlèrent, comme de la boîte de Pandore, et entre autres l'avion qui laissa choir la bombe atomique sur Hiroshima.


La fission atomique


Un nouvel enseignement peut être tiré précisément de la rupture du noyau de l'atome. Beaucoup se demandent si Niels Bohr est le père de la bombe atomique ou si c'est Einstein, ou si c'est Fermi. Or la bombe n'est sortie ni d'un père, ni d'une mère, mais d'une idée et cette idée fut conçue, il y a bien longtemps, par un grand savant trop méconnu. Le physicien Gustave Le Bon avait, dès la fin du XI Xe siècle, envisagé la formidable énergie que dégagerait la dissociation d'un faible agrégat matériel. Il usait, autant qu'il nous en souvient, d'une comparaison qui avait fait son chemin à l'époque: « Si, disait-il à peu près, on pouvait dissocier d'un coup la matière d'un petit sou, on ferait sauter le monde. » Comment ne pas être frappé par ce dire prophétique si l'on songe qu'il suffirait de dissocier un seul atome d'hydrogène pour réaliser la bombe H!

Toute la science nucléaire est née de cette affirmation de Gustave Le Bon, du cheminement de cette idée. Mais le modeste et grand savant ne l'avait pas nourrie au point d'en faire une réalité. Ce soin devait être laissé à d'autres, à plusieurs autres, qui la cristallisèrent et la transmuèrent dans la Forme pour en faire l'espoir et la menace d'aujourd'hui.




L'idée et la Compagnie de Jésus


Entrons dans un monde différent. C'est en 1491 que naquit à Loyola, sur les derniers contreforts pyrénéens d'Espagne, un certain Ignatio. Ce n'était qu'un enfant de plus dans le monde aristocratique et celui-ci entra dans la vie monacale comme tant de jeunes Espagnols de ce temps-là. Mais une idée hantait Ignace de Loyola, celle de fonder un ordre nouveau, entièrement distinct des autres ordres et basé sur une obéissance absolue (perinde ac cadaver). Pour ce faire, Ignace de Loyola conçut le projet d'organiser son ordre à la manière d'une formation militaire, avec des cadres rigides et une discipline de fer. Il en sortit la Compagnie de Jésus ayant pour supérieur le général des jésuites. Nous croyons inutile de rappeler l’action puissante de cette compagnie dont les membres sont répandus sur toute la surface de la terre et qui donna bien des soucis aux princes et aux rois. Cette action est de première grandeur bien que et parce que invisible. Elle est fille de la seule idée d’Ignace en son petit bourg de Guipuzcoa. Voici quatre siècles et demi de cela et la pensée ignacienne, loin de s’affaiblir, s’est multipliée, agrandie, en dépit et en raison des menaces, des obstacles, des exils, des persécutions.




6. Mort, survivance et résurrection de l’idée



Nous avons dit plus haut que l’idée pouvait mourir, de même qu’elle pouvait naître . Cela demande une interprétation.

L’idée d’un seul homme, quand elle est unique et grande, rencontre l’adhésion d’autres hommes et, si elle répond à l’évolution, ne meurt pas. D’idée individuelle elle est devenue idée collective. Il en reste toujours quelque chose, même si l’on enregistre sa disparition dans son état premier. Choisissons une comparaison d’envergure. La mythologie grecque est axée tout entière sur le culte des dieux olympiens. L’Antiquité en fit sa religion et celle-ci, prolongée par le paganisme de Rome, affecta le monde civilisé jusqu'à la naissance du Christ. Cette grande idée de l’univers jupitérien était à ce point ancrée dans les esprits et les mœurs qu’elle avait perdue toute virulence. Une tiédeur grandissante environnait les autels. Le christianisme eut raison des croyances païennes, mais il lui fallut pour cela plusieurs siècles , preuve nouvelle de la persistance de l’idée collective, même affaiblie, même frappée à mort. Le paganisme disparut officiellement, mais ses coutumes tinrent bon dans nombre de contrées. L’église dut s’accommoder des fêtes du paganisme, les tolérer comme le carnaval, écho affaibli des bacchanales et des saturnales, ou les adapter comme Noël, qui était la célébration du solstice d’hiver. Même à notre époque , des rejets du paganisme sont encore possibles. On en eut la preuve dans les fêtes révolutionnaires de la Raison en 1792, dans certaines solennités wagnériennes et, en dernier lieu, dans les cérémonies raciales d'Hitler. En outre, l'idée fondamentale du paganisme était le sens religieux. Celui-ci n'a pas été aboli mais substitué. Il a revécu sous une autre forme. Le christianisme qui l'a fait évoluer vers des formes plus hautes est lui-même le prolongement d'un judaïsme exténué.

Au contraire, l'idée d'un seul homme, si elle est moyenne et demeure individuelle, peut mourir de la mort des idées, c'est-à-dire se disperser. Dès lors, elle ne revient même plus à son auteur, elle erre dans le cimetière des idées défuntes, en attendant qu'une autre pensée vienne la ressusciter, car toute idée peut ressurgir aussi facilement qu'elle a disparu. Il suffit d'une imagination puissante pour réanimer cette énergie en sommeil. Autrement dit, la mort des idées, même ordinaires, est toujours provisoire. Il suffit, comme pour les micro-organismes dits anaérobies, après des mois de sécheresse, d'une goutte d'eau pour les revivifier.





























CHAPITRE IV


Nourriture de l'idée


Usant d'une comparaison grossière, nous avons, dans notre avertissement liminaire, avancé que l'idée se nourrissait comme un canard. On peut même la gaver comme une oie. Au bout d'un temps de ce régime, l'idée ou certains aspects de l'idée peuvent devenir monstrueux.

L'élevage des idées ne devient jamais un commerce ou une industrie. L'idée ne se met pas en boite à la manière des foies gras. C'est qu'il existe une morale et une pratique très particulières des idées.



Les géniteurs désintéressés



Certains hommes ont de nombreuses idées originales et même géniales qu'ils n'ont ni l'habileté, ni le désir d'exploiter. C'est le cas des poètes et surtout des humoristes. On en a connu, tels Mark Twain ou Alphonse Allais, qui étaient de véritables mines d'idées et même (parce qu'ils les offraient à tout le monde) des carrières à ciel ouvert. Incroyable est le nombre d'idées ingénieuses, et parfois subtiles, émises en l'espace d'une seule génération par le seul Allais, largement inspiré d'ailleurs par le vermouth et l'absinthe. Les spéculations les plus paradoxales et les hypothèses les plus saugrenues sortaient de ce cerveau à une cadence incroyable. Et parmi tant de scories étaient les perles et les pépites qu'un esprit pratique eût pu mettre en valeur

Un autre grand humoriste, celui-ci de haute volée, Gaston de Pawlowski, à qui nous avons rendu hommage en d'autres temps, avait dirigé sur les terrains philosophique et métaphysique la projection aiguë de ses idées. Mais de tels hommes se cantonnent dans le maniement de l'idée pure sans se préoccuper de son utilisation.

On l'a constaté avec un des plus curieux inventeurs de ce temps, Charles Cros, de surcroît poète, et qui eut le premier l'idée du phonographe, de même qu'il eut la conception précoce de la photographie des couleurs. Les idées bouillaient dans le cerveau de Charles Cros, mais celui-ci, géniteur fécond, n'avait aucune notion de leur élevage. En dépit de la valeur de ses conceptions, celles-ci ne sortirent pas du domaine de la pensée et c'est d'autres savants, comme Edison, experts dans l'élevage des idées, que vint la réalisation.


Le grand Branly eut, le premier de tous, l'idée du cohéreur de T.S.F., mais son caractère, son milieu s'opposaient à ce qu'il en fît l'application matérielle. Il sema l'idée, parmi d'autres, sans le moindre désir d'en tirer profit. Cette notion de profit ou d'utilité immédiate incita cependant autrui à exploiter l'idée primitive et la radio ne serait pas aujourd'hui ce qu'elle est si la « limaille agitée» était demeurée le fait de Branly. Pour Branly, la transmission de l'onde sans fil n'était qu'une idée parmi les idées issues de son laboratoire. Abandonnée à elle-même, elle ne pouvait que péricliter ou dormir. Mais un autre se pencha sur cette idée encore faible et vagissante, la réchauffa, l'habilla, la nourrit et en fit une des découvertes les plus extraordinaires de ce temps. La plus extraordinaire même, à notre sens, parce qu'elle est la seule, sous une forme tangible, qui permette à la foule de se familiariser avec l'existence des énergies invisibles et de pénétrer dans le monde des radiations. Marconi, à l'opposé de Branly, était un éleveur d'idées. Il fit de celle de la T.S.F. la grande et unique préoccupation de son existence et il s'y consacra corps et biens. Parce qu'il refusa de se laisser abattre par les difficultés matérielles, le physicien de Bologne eut la récompense matérielle du triomphe envers et contre tous. Sa valeur propre était grande, mais son aptitude à fortifier l'idée était plus grande encore.

Aussi après avoir porté l'idée, ce fut l'idée qui le porta.



Un cas d'idée brisante



Un autre cas accusé d'homme à idée unique est celui de Nobel, fondateur des prix qui portent son nom. Quand Nobel s'avisa de créer un nouvel explosif, les difficultés ne lui furent pas ménagées. On peut même dire que tout se coalisa pour le contrarier. Le produit qu'il avait obtenu présentait une instabilité dangereuse et rien n'était plus aléatoire que son transport et son maniement. Tout autre que Nobel se fût découragé en présence de cette hostilité de la matière. Mais l'inventeur était devenu l'homme de son idée et son idée le traînait presque malgré lui. Quand un homme arrive à ce point que l'idée est plus forte que lui, il ne lui reste rien de mieux à faire que d'essayer de la gouverner et de la conduire. Une idée comme celle-ci reposait sur un but humanitaire, car Nobel croyait que la dynamite constituerait une arme si terrible qu'elle empêcherait de nouvelles conflagrations. Ce en quoi nous savons aujourd'hui, mais aujourd'hui seulement, qu'il s'abusait comme tous ceux qui prédiront la fin des guerres en raison du perfectionnement des engins de destruction. La bombe atomique, fût-elle multipliée par mille, ne mettra pas davantage le point final à la rage d'autodestruction de l'espèce humaine. La paix universelle ne peut naître que de l'éveil progressif de la conscience des individus.

En tout cas - et c'est ce qu'il importe de souligner - l'idée de Nobel se servit elle-même, en ce sens qu'une circonstance dite fortuite (car le hasard n'existe pas), amena la découverte d'un élément de stabilité. Dès lors on put se servir à volonté du nouvel explosif et dans des conditions de sécurité remarquable. Mais il avait fallu préalablement enregistrer de véritables catastrophes qui avaient ligué l'opinion publique contre l'inventeur.

Finalement, l'idée parvenait à un résultat voisin de celui qu'avait voulu la conscience puisque les arrérages de l'énorme fortune amassée par Nobel servirent et servent encore à récompenser des œuvres de paix.

Cet exemple est exceptionnel parce qu'il est celui d'un découvreur qui s'avère, en même temps, un applicateur d'idées. Le plus souvent les découvreurs ne sont pas des éleveurs. Et comme généralement les éleveurs sont moins rares que les géniteurs, on voit les moins doués au point de vue de la génération s'emparer des idées des autres et leur faire un sort que, sans eux, les auteurs légitimes auraient été incapables de leur assurer.



L'œuf de Christophe Colomb


C'est pourquoi nous insistons sur le caractère d'efficacité de l'idée conçue puis imposée par un même homme. Saint Thomas d'Aquin disait: « Je crains l'homme d'un seul livre. » Combien plus exact serait-il de dire: « Je redoute l'homme d'une seule idée », cela bien entendu, à condition que le père de l'idée unique soit capable de l'élever.

Christophe Colomb est l'un des types classiques de l'homme qui conçoit, puis porte longuement son idée jusqu'à ce que celle-ci ait acquis une telle force d'expansion que son auteur doive s'en libérer. Parvenu à son terme, le fœtus exige d'être expulsé, sous peine de tuer la mère. La force brisante d'une idée mûre est encore bien plus dangereuse s'il lui est refusé de s'épanouir. L'idée unique ne grossit pas seulement; sa température aussi augmente. Elle devient à ce point brûlante qu'elle doit être mise en circulation. Colomb trouva dans ce feu intérieur l'audace de solliciter les rois et les reines, de combattre victorieusement les objections de ses adversaires et même d'entraîner ses matelots. Aujourd'hui, il semble naturel de partir du principe que la terre est ronde. Mais rien n'était moins évident au XVe siècle et il fallait une foi héroïque pour s'aventurer sur trois caravelles à destination de l'inconnu. Qu'on songe à cette poussée ininterrompue vers l'ouest, qui dura du 3 août 1492, date de l'embarquement à Palos, jusqu'au 12 octobre suivant où Colomb reconnut l'une des îles Lucayes ; autrement dit 69 jours sans voir la terre, alors qu'on n'avait aucune certitude de la rencontrer!

Peut-on dire que c'est le vent qui poussa Colomb jusqu'en Amérique? Non, certes, mais sa seule idée, à ce point ancrée en lui, que, durant ces semaines d'angoisse, menacé du soulèvement de ses équipages, il ne voulut point rebrousser chemin.


La découverte de l'Amérique, celle des pôles Nord et Sud, toutes les grandes découvertes géographiques sont le fruit d'idées grandioses dont on peut dire que, dès leur naissance, elles étaient à l'âge de la majorité. Ce sont ces idées majeures qui permettent les vastes entreprises, car elles sont l'âme, le cœur, le muscle et le nerf du succès.


L'amour et l'intérêt: moteurs de l'idée



Nous pourrions multiplier les grands exemples généraux, mais à quoi
bon ? Ceux que nous venons de citer ne constituent-ils pas, en des domaines différents, la preuve que tout dépend de l'idée et de la manière de s'en servir.

On objectera que précisément cette manière d'utiliser l'idée, une fois qu'elle a été conçue, n'est pas à la portée de tous les hommes et qu'il serait intéressant qu'il y eût des cours d'idées comme il y a des cours de géométrie ou de comptabilité. A la vérité, ces cours existent, sous une forme souvent adroite, mais ils ne peuvent remplacer telle inclination secrète qui permet aux hommes presque à coup sûr de réussir. Cela est fort heureux, car si tous les hommes étaient pareillement favorisés et animés du même esprit d'entreprise, leurs moyens se neutraliseraient. Car on est obligé d'en convenir: une idée de certaine qualité ne peut créer un courant dans le monde que parce qu'elle est seule de son espèce, ou la première, ou qu'elle tend à un emploi nouveau. Si tout le courant va dans le même sens et à la même vitesse, il n'y a aucune chance pour qu'une onde se détache des autres et attire l'attention.

Il faut donc, disions-nous, émettre d'abord une certaine sorte d'idée, la nourrir et la fortifier. Mais pour que cette idée devienne grande et pour qu'elle soit la seule, elle doit avoir un moteur puissant et ce moteur est l'Amour.

En présence de ce grand mot, précédé d'une majuscule, certains vont penser qu'il s'agit d'une théorie peut-être séduisante mais qui ne mène à rien d'objectif. Qu'ils se détrompent car l'Amour universel peut revêtir toutes les formes, les plus hautes comme les plus basses et il est capable de tout transformer.

Dans l'esprit qui nous occupe nous ne retiendrons, pour commencer, qu'une des formes les plus simples de l'Amour qui est l'intérêt. L'intérêt dont nous voulons parler est l'attrait particulier et instinctif que tout homme éprouve pour un milieu, pour une lecture, pour une profession, pour une besogne. Retenons ce dernier terme : dans le monde manuel les uns préfèrent le travail du fer et les autres le travail du bois. Cela ne se raisonne pas; dès le plus jeune âge celui-ci a envie de scier, raboter et celui-là de souder, forger, sans qu'on puisse donner à ces penchants d'explication raisonnable. L'homme du bois a de la sympathie pour une matière moins froide, plus odorante, moins salissante, l'homme du fer est sollicité par une matière plus ductile et qui se prête à toutes les combinaisons.

Nous avons connu personnellement un garçonnet qui, à huit ans, construisait lui-même de petites machines à vapeur avec des boîtes de conserves, utilisait ses jouets pour en faire des rouages, fabriquait lui-même ses poulies, ses courroies et réglait ingénieusement ses organes de transmission. Sous nos yeux, il réalisa un minuscule alambic et obtint de l'alcool dans la vigne de son grand-père. Tout ce qui était à base d'ébullition et de vapeur le sollicitait. On le voyait passer des heures au passage à niveau du chemin de fer, étudiant le fonctionnement des locomotives pendant leurs manœuvres. Cet enfant aurait abouti à de grandes choses dans le domaine mécanique. Malheureusement, il avait des parents incompréhensifs qui le mirent en apprentissage chez un cordonnier. L'intérêt n'existant plus, le jeune garçon méprisa son travail, contracta des habitudes de paresse et, de chute en chute, devint inutile à la société.



Chacun a sa place


Nous avons répété maintes fois qu'une grande part du déséquilibre social provient de ce que les hommes ne sont pas dans le champ d'action qui les intéresse. Beaucoup exercent des professions qui leur répugnent ou qui les laissent indifférents. On est boulanger, boucher, métallo, maçon, dactylo, bureaucrate, etc., parce que les circonstances ou le milieu s'y sont prêtés. Beaucoup de jeunes se laissent faire, sans enthousiasme, puisqu'il faut manger et avoir une situation. Mais pour un qui sait exactement ce qu'il veut et le veut si bien qu'il force les obstacles, mille sont incapables de se décider pour une orientation précise, faute de savoir eux-mêmes ce qu'ils désirent, par manque d'intérêt.

Reconnaissons qu'on réagit vigoureusement aujourd'hui afin d'obtenir, au moyen d'examens et de tests, une meilleure orientation professionnelle. Quels que soient les résultats acquis, jamais ce coup de barre extérieur ne vaudra celui que l'intéressé peut donner en lui-même par éveil de son intérêt.

En vain prétendra-t-on que le fait de n'être sollicité par rien prouve que l'on n'est pas mûr pour de grandes entreprises. Les meilleurs éducateurs savent qu'il existe dans chaque être humain une corde sensible qu'il s'agit de faire vibrer. Le jeune homme qui est devenu un mauvais fonctionnaire se serait peut-être mué en explorateur remarquable, celui qui est un commerçant médiocre aurait peut-être fait un bon architecte. La vie pullule de manuels égarés dans les professions libérales et d'intellectuels perdus parmi les manuels.

Dans les écoles primaires tous les élèves sont pliés à l'étude du français et de l'arithmétique. Tant qu'ils demeurent dans ce cadre, il n'y a rien à dire. Mais dès qu'ils franchissent le cap des études secondaires, le divorce commence entre lettres et mathématiques, tels cerveaux étant imperméables à celles-ci ou à celles-là. Les parents, la tradition, le milieu, etc., s'opposent à ce que le choix soit exercé par l'étudiant, seul juge cependant de ce vers quoi son aptitude le dirige et c'est la raison pour laquelle on voit faire leur philosophie et leur droit à des gens qui ne seront ni philosophes ni juristes et leurs mathématiques à des gens qui ne sauront jamais calculer.


Il y a un chemin pour vous



Faute de changer cette manière défectueuse d'opérer, qui produit des générations sans vigueur et sans volonté par manque d'intérêt, il appartient à tout homme de se créer lui-même, au besoin en changeant complètement de direction.

Quel que soit votre âge au moment où vous lisez ces lignes, soyez persuadé que vous pouvez modifier par votre seul comportement les conditions de votre existence. Si vous exercez une profession qui vous déplaît, la première chose à faire c'est d'en changer. Ne dites pas que cela est difficile, que les temps sont troublés, que la conjoncture économique est périlleuse, que vous n'avez pas d'autres connaissances, que votre famille le verrait d'un mauvais œil. Autant de prétextes pour continuer à dormir sur l'oreiller du conformisme, autant de pauvres raisons pour ne point vous éveiller.

Il est absolument certain qu'il existe en vous une sollicitation pour une occupation donnée, pour une entreprise d'un certain ordre, pour un genre particulier de spéculation ou d'affaires, etc. C'est dans cette direction qu'il vous faut orienter votre imagination et chercher l'idée. Quand vous aurez trouvé celle-ci vous vous préoccuperez de l'alimenter.

Il en est de même si vous ne vous plaisez qu'à demi dans votre situation présente. Ce demi-détachement prouve que vous y prenez cependant un demi-intérêt. Cherchez bien et vous constaterez qu'il existe dans votre situation certaines choses qui vous intéressent plus que d'autres. Cultivez-en spécialement l'idée jusqu'à ce que vous aperceviez le couloir qui vous est destiné.



. C'est l'intérêt qui fait le bonheur



Le tout est de diriger le faisceau de votre imagination dans le sens de ce qui vous intéresse le plus dans l'ordre des choses bonnes et utiles car vos petits buts doivent être encadrés par une préoccupation d'ordre général, c'est-à-dire par un grand but. Si vous n'avez que le désir restreint de satisfactions égoïstes, vous ne trouverez jamais là qu'un triomphe insuffisant. Le grand écueil, en l'espèce, serait bien souvent le seul désir de devenir riche. L'homme de cette idée vague ne réussira jamais véritablement. La richesse n'est nullement souhaitable en soi et d'ailleurs elle n'est qu'un accessoire. Pour reprendre une comparaison précédente, ce n'est pas le fait d'avoir amassé une fortune colossale qui a rendu Nobel heureux. Ce qu'on sait de lui montre, au contraire, que ses centaines de millions lui ont été fort à charge et que, comme les milliardaires Rockefeller, Carnegie et d'autres, son principal souci a été de s'en débarrasser.

La seule joie de ces grands magnats du commerce et de l'industrie a été de partir de zéro, avec le bagage de leur seule idée et d'agir puissamment sur l'humanité. En somme, ils n'ont joui de la vie qu'en fonction de leurs réalisations, comme un simple inventeur ou un simple poète que transportent la découverte d'une nouvelle pince à couper les ongles ou l'éclosion d'un poème nouveau.

L'intérêt n'est pas seulement le grand moteur mais il est le sel de la vie. Lui seul condimente l'existence humaine et en fait un plat réussi.



Attention à l'idée fixe!



Nous avons déjà parlé plusieurs fois de l'idée unique. Ce faisant, nous n'avons en vue que l'idée unique, délibérée, c'est-à-dire dont la naissance, le choix, l'élaboration ont fait l'objet d'une décision expresse, d'un mûr examen et d'une intelligente réflexion.

Il y a loin de cette sorte de pensée comportant un assemblage
d'idées voulu en fonction d'un but idéal à ce que le vulgaire appelle une idée fixe. Celle-ci est, au contraire, l'expression d'une force qui s'impose à vous, qui vous mène malgré vous et dispose, en somme, en dehors de vous, de vos projets et de vos intentions. Le plus souvent celui qui porte en lui une idée fixe en est la victime et c'est là un péril dont il est nécessaire de se garder.

L'idée fixe, poussée à son maximum d'intensité, a tôt fait de submerger la volonté de l'idéateur et le conduit ordinairement, sinon à la folie, du moins à un de ces états de névrose si fréquents aujourd'hui. Nous côtoyons sans cesse dans la vie courante des épaves psychologiques incapables de résister à leur démon intérieur. Leur mésaventure vient de ce que l'idée obsédante leur a été suggérée par l'instinct et non par leur volonté. Ils font de l'imagination instinctive au lieu de faire de l'imagination dirigée. Dans ces conditions, c'est l'idée fixe qui est la maîtresse et le porteur de l'idée ne fait que la servir, car il n'a sur elle ni contrôle ni influence et tout le porte à la suivre aveuglément.

L'homme à idée fixe ressemble aux Haschischins du Vieux de la Montagne qui leur faisait absorber de suaves boulettes de chanvre indien. Sous l'empire de la drogue, ils devenaient des instruments sans volonté, sorte d'automates vivants, qui exécutaient sans murmurer les ordres de leur maître, qu'il s'agît de sauter d'une tour ou d'aller poignarder quelqu'un.

On peut tout attendre en mal d'une idée fixe. Celle-ci prive de jugement et d'autocritique l'être qu'elle habite et le Moyen Age a bien fait d'y voir une possession. Sans doute cette possession n'est pas le fait d'un génie du mal ou d'un esprit diabolique, au sens du moins où l'entendaient la plupart des religions. Dans certains cas, elle semble être le fait d'entités désincarnées qui, dépourvues de leurs moyens physiques d'expression et souhaitant les retrouver pour leurs fins mauvaises, pèsent sur les âmes faibles et tentent une incorporation. Ce sont là pourtant des cas assez exceptionnels. Le plus souvent, l'idée fixe n'est que la traduction d'une poussée instinctive. Nous en citerons deux sortes parmi d'autres : l'amour et la peur.


L'amour sentimental est une idée fixe


L'amour dont nous parlons ici est la forme la moins haute de l'Amour universel et naît de l'attrait sexuel qui mène les créatures des deux sexes les unes vers les autres, que ce soit dans un sens normal ou dans un sens dévié. Tout le monde a pu observer le processus de l'amour qui, partant de l'indifférence absolue d'êtres qui s'ignorent, commence par un intérêt qui s'amplifie de jour en jour. Schopenhauer a fait un tableau impressionnant du déroulement de ce sentiment, le plus insidieux de ceux qui se glissent dans le cœur et l'imagination de l'homme et qui est dû uniquement au génie de l'espèce, avide de rapprocher les sexes en vue de la perpétuation. Mais les intéressés n'en savent rien et croient agir en vertu de décisions propres. Celles-ci leur appartiennent, en effet, durant un instant très court. Dès qu'un homme aperçoit une femme, ou vice versa, quel que soit l'intérêt qu'elle a pour lui ou qu'il a pour elle, il est toujours possible de rompre cette inclination et de la précipiter dans l'oubli. Pour cela, il suffit de s'éloigner, comme le recommandait Napoléon, connaisseur en retraite stratégique, avant que le sentiment ne soit incrusté et que ne s'opère ce que Stendhal appelait la cristallisation.

Si, au contraire, l'homme ou la femme se complaisent dans leur attrait physique et sentimental, s'ils recherchent les occasions de se le dire, si, en un mot, ils nourrissent l'idée qu'ils se font de leur amour, cette idée s'enrichit et se fortifie d'une manière inconcevable, au point qu'ils y sacrifient tout le reste, tant est grande leur cécité. Parvenue à ce point, l'idée fixe amoureuse se nourrit de tous les obstacles et ce qui devrait la détruire ne sert qu'à l'exaspérer. Là également on assiste à une manière de possession qui met le possédé à la merci de ses instincts élémentaires et peut conduire soit à la réalisation de grandes œuvres de vie, soit à l'opprobre, à la déchéance et à la mort.

Cependant, l'idée fixe amoureuse n'a qu'un temps, celui que lui assigne le génie de l'espèce pour parvenir à ses fins réelles qui sont la conception d'un autre être, après quoi ce même génie se désintéresse absolument de l'état d'âme des amants. Celui-ci est extraordinairement gros de désillusion quand l'ivresse sentimentale est dissipée. L'homme et la femme se voient tels qu'ils sont en réalité au lieu de se voir à travers la transfiguration de leur esprit. Et c'est en cela que l'idée fixe de l'amour est bien moins redoutable que l'idée fixe purement cérébrale, car celle-ci n'a pas de limite dans l'espace et dans le temps.





L'idée instinctive de la peur


Telle est l'idée instinctive de peur, si répandue aujourd'hui parmi nos contemporains et qui corrompt à ce point les ressorts intimes de l'homme que nous avons jugé nécessaire, après en avoir parlé dans toute notre œuvre, d'y consacrer un livre entier (Comment vaincre peurs et angoisses (Éditions Dangles).).

La peur est essentiellement le type de l'idée capable de se nourrir elle-même et pourtant celui qui la porte en soi fait tout pour l'alimenter. Tant qu'elle demeure à l'état latent ses ravages sont certains mais non encore évidents, comme ils le deviennent aussitôt que les circonstances s'y prêtent. On ne saurait mieux comparer la peur de ce stade qu'à un incendie couvant dans les sous-sols d'une maison. Tant qu'il n'y a pas de trou d'air, le fléau poursuit silencieusement sa marche. Qu'une porte ou une fenêtre fassent appel et d'emblée le tirage s'établit. On est surpris alors de la puissance subite de l'incendie. Des flammes immenses jaillissent dans les escaliers, les galeries, et l'édifice est embrasé en un clin d'œil. Non seulement la maison brûle du haut en bas, mais les maisons du voisinage sont menacées. Ainsi la peur qui couve peut devenir brutalement un brasier.

Il existe des pompiers contre la peur mais leur action est comparable à celle des professionnels de l'incendie. Ils se bornent à faire la part du feu, s'ils le peuvent, et à noyer les décombres sous des torrents d'eau. Une âme humaine incendiée par la peur n'est qu'une ruine fumante. Il faut la reconstruire de la base au faîte mais c'est là besogne difficile et, la plupart du temps, l'âme reste avec ses murs noircis.


Le rôle de l'imagination dans la peur


Est-il besoin d'analyser l'éveil et la naissance de la peur chez les individus? Qui, dans son enfance, tout au moins, n'a pas enregistré le frisson préparatoire au moyen duquel la peur met l'organisme en garde contre des périls réels ou supposés ?

Tous les hommes ont passé par-là, presque tous y passent encore, car la peur n'est pas l'apanage de la jeunesse mais corrode aussi bien les gens d'âge mûr ou les vieillards. On la combat généralement par l'éducation, par la volonté, par le raisonnement mais chacun sait que ces moyens ont une vertu limitée et qu'il en reste peu de chose quand l'individu se croit en péril.

Ce qui importe, à ce moment, ce n'est pas une discipline de la volonté, mais une discipline de l'idée. La peur, en effet, est surtout affaire d'imagination. La peur des animaux est infiniment moins considérable que la peur humaine et cependant les périls qui les menacent sont de chaque instant. A part l'aigle, le lion, le rhinocéros, le crocodile, le cachalot et autres grandes espèces animales qui n'ont guère d'autres ennemis que l'homme, toutes les bêtes sont plus ou moins destinées à servir de proie et ont de nombreuses chances d'être dévorées un jour. Mais leur peur est au jour le jour et même à la minute la minute, c'est-à-dire qu'entre deux alertes elles vivent sereinement. Sans quoi peut-on dire comment l'oiseau aurait le courage de chanter et l'ablette celui de folâtrer à la surface de la rivière ? Cela constitue la preuve que la peur animale est objective alors que la peur humaine est subjective. L'une n'est faite que du danger tel qu'il est et quand il est; l'autre est faite, en plus, du travail de l'imagination .


La peur physique est d'origine mentale


Une fois encore nous retrouvons, à la base du processus de la peur: l'idée. Et c'est là qu'on voit la différence qui existe entre les possibilités imaginatives de celui-ci et de celui-là. Chez certains l'imagination de la peur est susceptible de se cabrer, mais ce n'est qu'une flambée ; chez d'autres elle engendre un trouble durable et qui n'arrive pas à se dissiper. C'est dans l'âme de ces derniers que la peur a chance de devenir idée fixe. Et rien n'est plus redoutable pour l'intéressé comme pour autrui que l'idée fixe de peur. On peut attendre le pire de l'homme et de la femme qui ont peur, soit contre les autres, soit contre eux-mêmes. Les psychiatres savent à quelles extrémités conduit le « délire de la persécution ».

Hors de ces cas extrêmes cependant nul n'ignore de quoi la peur est capable. Des affolés sautent d'un train en marche ou par une fenêtre pour fuir un péril imaginaire ou réel. En somme, l'imagination fait accomplir à des poltrons ce devant quoi reculeraient des hommes braves, démonstration péremptoire du pouvoir mental sur le matériel. Des preuves plus évidentes encore résultent du comportement organique. La peur déclenche chez l'individu d'incroyables troubles fonctionnels : la gorge se serre au point de ne plus laisser passer un son ou, au contraire, donne issue à des clameurs inhumaines ; les jambes se dérobent ; le cœur bat sauvagement ou s'arrête; la circulation du sang est freinée; les glandes de l'endocrine ont des suintements spéciaux. La syncope ou la mort peuvent en résulter et tout cela par l'action d'une seule idée portée à son paroxysme, donc au maximum de sa nocivité.

Nous ne nous étendrons pas davantage sur ce point. Il est acquis, à n'en pas douter, que l'idée dispose de la matière, comme elle peut (nous le verrons par la suite) disposer des circonstances et des événements .



L'imagination est fonction de l'intérêt



Ce qui précède a pu sembler hors du sujet à ceux de nos lecteurs qui ont perdu de vue notre dessein principal qui est de montrer que notre imagination est surtout fonction de notre intérêt. Dès que celui-ci est en jeu, soit par le désir soit par la crainte, on peut en attendre des répercussions extraordinaires dans le domaine de l'imagination.

Mais il faut alors noter soigneusement que désir et crainte sont des sollicitations de l'intérêt, donc des forces élémentaires, susceptibles d'une grande énergie (nous venons de la voir), mais qui, précisément en raison de leur origine, sont presque impossibles à utiliser.

Ce sont des forces qu'on subit et non des forces qu'on dirige. Dans l'immense majorité des cas il est difficile de les canaliser. C'est pourquoi on ne lutte pas, contre la peur notamment, par des exercices spéciaux, par des procédés mentaux et par des soins physiques, mais en substituant à un sentiment d'ordre inférieur des sentiments d'ordre élevé. On ne peut combattre efficacement les rébellions instinctives qu'en leur imposant la puissance supérieure de l'Amour.

La peur n'est qu'une manifestation de l'égoïsme individuel. Si vous faites taire cet égoïsme, vous verrez instantanément décroître et disparaître votre peur. Il n'y a pas d'amour sans détachement et il n'y a pas de détachement sans libération instinctive. L'homme qui a su imposer à son imagination comme à ses cellules l'Amour véritable ne connaît réellement plus la peur. Celle-ci peut tenter de le visiter, mais elle ne trouve aucune place dans une âme pleine d'amour.



Aimez votre idée, votre idée vous aimera



Quittons les hauteurs et les généralités et bornons-nous à étudier l'influence de l'amour sur l'idéation dans la vie courante. On a dit fort justement qu'on est « l'homme de ses pensées» et cela est de plus en plus démontré par l'expérience de tous les jours. Ce que seront vos pensées, vous le serez. Votre vie spirituelle, votre vie mentale, votre vie sentimentale, votre vie physique seront à l'image de vos pensées. Bien mieux: elles seront le résultat et l'expression même des pensées que vous aurez.

D'où l'importance capitale, non seulement d'avoir une idée, mais de l'aimer. Il ne suffit pas de mettre un petit au monde (cela est à la portée de n'importe quel animal et de n'importe quelle créature), il ne suffit pas de l'allaiter, de le vêtir, de lui assurer un toit. Il faut aussi et surtout l'aimer, non pour soi mais pour lui, pour qu'il grandisse en sagesse et en efficacité. De même l'idée que vous avez et sur laquelle vous vous proposez de jouer la chance de votre vie, il ne suffit pas de la concevoir et de la porter, de l'alimenter et de la mouvoir, il vous faut surtout l'aimer et l'aimer de toutes vos forces si vous voulez faire passer en elle le prodigieux dynamisme de l'Amour.

Autrement dit, vous devez avoir pour votre idée les sentiments que vous auriez pour la femme chérie ou pour l'homme aimé. Il est absolument indispensable qu'elle devienne le centre de vos préoccupations, l'objet de vos soins, la raison de vos initiatives, le but de vos attentions. Voyez comme l'avare adore son trésor pour des fins mesquines et viles. Cela donne à Harpagon la force de se priver de nourriture et au père Grandet celle d'écraser les cœurs autour de lui. Ces amours misérables et excessifs permettent d'amasser un or égoïste mais précipitent vers la catastrophe les servants du mal. Ce que la convoitise a fait ne croyez-vous pas que l'Amour peut le faire dans une direction inverse, lui qui suscite les grands sacrifices, les grandes abnégations? Tout ce qui est noble et beau dans la société humaine a été réalisé par l'Amour.

Si vous aimez votre idée, non comme l'ivrogne aime sa bouteille, mais comme Vincent de Paul aimait les pauvres, soyez sûr que votre idée vous aimera. Quand vous aurez la chance d'être aimé par votre idée vous serez surpris de la puissance avec laquelle elle vous conduira.

Votre idée est-elle petite? Elle ne vous hissera pas plus haut qu'elle-même. Votre idée est-elle grande? Elle vous élèvera à sa hauteur. Votre idée est-elle géniale? Elle vous donnera du génie. Votre idée est-elle immense? Il n'y aura pas de limite à vos possibilités.



Quand l'idée devient autonome



Nous allons vous révéler une chose à laquelle peu d'hommes songent. Quand une idée forte a été convenablement élevée et fortifiée par vos soins et par l'insistance de vos pensées, elle tend à se détacher de vous. Elle ne vous abandonne pas, mais, comme l'enfant hors du sein de la mère, elle commence à vivre d'une vie propre et à fonctionner par ses propres moyens. Au début, elle aura encore besoin de vos soins et de vos tendresses. Peu à peu, elle s'enhardira jusqu'à posséder une sorte de conscience personnelle qui lui permettra de cheminer par sa propre vertu. A ce moment l'idée aura des manifestations que vous n'aurez pas prévues vous-même.

Il sera arrivé ceci que votre pensée est devenue capable de penser à son tour. Pensant, elle peut créer, elle aussi. Dès qu'elle s'avise de sa puissance créatrice, elle se comporte exactement comme un organisme séparé. Elle peut à son tour engendrer des idées accessoires pareilles à elle et susceptibles de penser à leur tour. Il en résulte une prolifération au carré et même au cube analogue à celle d'un couple de mouches en première saison. De sorte que vous pouvez, à votre insu, vous trouver l'aïeul de plusieurs générations de pensées qui se comportent et agissent indépendamment de vous.

Si vous avez bien conduit votre élevage et n'avez procédé au départ qu'avec intelligence et amour, cette nombreuse descendance s'inspirera de votre action primitive et traduira en force vos intentions. Si vous n'êtes qu'un pauvre être sans morale ni volonté, les naissances et l'éducation se feront à la diable, comme dans les familles misérables de la zone, et votre postérité d'idées grouillera dans le ruisseau. Ne soyez pas surpris, dans ce dernier cas, de voir s'insurger nombre de vos idées. Les plus rebelles vous demanderont des comptes. Lesquels leur fournirez-vous?

C'est une grande responsabilité que celle d'éleveur d'idées. Car celui-là peut lâcher sur le monde le pire comme le meilleur.

Une idée fortement aimée est une idée longuement caressée. On y rapporte tout. Rien n'est assez beau pour elle ni assez cher.

C'est à cause de cette idée portée en lui comme dans un tabernacle que Bernard Palissy dissipa successivement ses forces, son argent, son bien-être, le nécessaire de sa famille pour construire les fours d'où il savait que sortiraient ses émaux. Personne ne croyait en lui et tous le jugeaient fou de tout sacrifier à son idée, mais celle-ci était encore plus ardente que les feux qu'il allumait. Mécomptes, déboires, échecs, insuccès s'abattirent sur ce potier de génie sans diminuer la foi absolue qu'il avait en ses procédés. Privé de bois et d'argent, sans aucun crédit d'aucune sorte, il alla jusqu'à jeter dans le brasier ses meubles et le plancher de sa maison. Alors que tout semblait perdu et que toute espérance semblait condamnée, le futur grand maître de la céramique vit ses émaux se parer de riches couleurs. L'idée avait vaincu les hommes, les circonstances, la matière. Ce n'est pas avec du bois mais avec son idée que Bernard Palissy avait alimenté ses fours.








Fécondez de préférence une idée vierge



Ceux qui chérissent l'idée sont des chéris de l'idée. Ceux qui haïssent l'idée sont haïs par elle. A ceux que l'idée indiffère, l'idée est indifférente aussi.

Rien n'est plus difficile que l'éducation des enfants parce que celui qui les a engendrés ignore de quelle hérédité ils proviennent. Toute une ascendance s'exerce à leur endroit. Leur passé pèse sur leur avenir. Tandis que les idées que vous concevez peuvent être passées au crible, car à l'origine vous êtes libre de les adopter ou non.

En outre l'éducation des idées n'exige qu'une attitude intérieure. Votre surveillance est facile et constante. Vous ne redoutez pour elles ni la maladie ni l'accident. Qu'une idée vous paraisse tourner mal vous pouvez l'abandonner pour une autre mieux venue. Vous pouvez recommencer plusieurs fois votre expérience, bien que le saut d'une idée à l'autre ne soit pas à conseiller.

Toute latitude vous est laissée de mener à bien cette éducation. Votre autorité n'est pas affaiblie par celle de votre conjoint. Vous n'avez à rendre de comptes pour cela ni à la société ni à la famille. Votre idée n'a pas besoin d'être vaccinée, ni immatriculée. L'enfant de votre esprit est bien à vous.

Votre responsabilité s'en accroît d'autant et vous n'avez pas le droit d'échouer dans votre expérience. En tout cas si l'échec se produit, vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous. Mais pourquoi échoueriez-vous là où tant d'autres ont réussi, qui n'avaient pas plus de moyens que vous et peut-être moins de ressources?

Les idées pullulent dans le monde de la pensée. A vous de faire votre choix. Et il arrivera qu'à force de choisir vous finirez par découvrir au fond de vous-même une de ces idées-vierges que vous féconderez.



Mécanisme de l'idée unique



Nos pages précédentes sur la peur et l'amour sentimental ont encore le mérite d'appeler votre attention sur le mécanisme de l'idée unique. Par la façon dont s'élabore et se développe, sans votre aveu, l'idée fixe, jugez de l'élaboration et du développement de l'idée unique avec votre consentement.

Il n'existe pas une grande différence entre les deux processus, à part le fait que l'un est subi tandis que l'autre est voulu, que l'un est abandonné à lui-même alors que l'autre est contrôlé et régi.

Sans doute un temps viendra, dans un cas comme dans l'autre, où l'idée unique sera devenue si puissante qu'aucun retour en arrière ne sera possible et qu'il vous faudra la suivre consentant ou non. Mais il y a un abîme entre l'homme entraîné malgré lui par les courants dans une barque qu'il ne sait gouverner et l'homme qui utilise ces mêmes courants au moyen de manœuvres appropriées.

Une idée-force bien lancée est semblable à un vent de 100 km/h, qui peut tout aussi bien faire tourner une éolienne qu'emporter un toit mal construit.

Supposez encore un cavalier ignorant tout de l'équitation. Le moindre galop de son cheval le jettera dans des transes. Il pèsera sur le mors et fera tout pour s'arrêter. Mais un gaucho ne sera jamais effrayé par la vitesse de sa monture. Plus celle-ci ira vite, plus il l'excitera de la voix et de l'éperon. C'est alors que l'énergie accumulée par ce centaure des prairies permettra de dépasser à la course les chevaux sauvages ou de toréer le taureau.

Quand l'idée unique a atteint le maximum de sa force, vous n'avez plus besoin de peser sur elle. Elle est comme un rapide lancé sur la voie ou comme un avion dans l'air. Elle vous emporte fougueusement et vous n'avez qu'à consulter vos cadrans de bord pour agir sur la lancée. La puissance que vous avez déclenchée est des millions de fois plus forte que vous.



Le danger des idées-forces


On voit ainsi combien le choix primitif de l'idée est gros de conséquences et combien il importe de ne donner essor qu'à de nobles idéations. Vous pouvez tout aussi bien lâcher sur la société un fauve en puissance. Celui-ci est inoffensif quand il est petit et neuf. Parvenu à l'état adulte, il tue même celui qui l'a élevé. L'exemple hitlérien est encore frais dans les mémoires. Cet homme n'était rien qu'un partisan quelconque avant que l'idée raciale ne se levât en lui. Quand Hitler eut abrité celle-ci, quand il en fit sa maîtresse, elle se mit à croître avec une vigueur inexprimable. En quelques années, elle absorba, avec Hitler, le Reich tout entier. A partir de ce moment un peuple de près de quatre-vingts millions d'hommes fut prisonnier de la même idée. Et cette idée, franchissant les frontières, affronta le monde extérieur. On connaît la suite et comment après avoir dévoré tant d'hommes l'idée dévora Hitler lui-même. Il est des idées-puissances qu'il ne fait pas bon soulever.

Par contre, que ne peut-on attendre, pour l'humanité comme pour soi-même d'une idée grande et généreuse et qui mène aux plans élevés ?

Soyez donc scrupuleux et prudents avant d'enfourcher l'idée unique. Du choix de la monture dépendra le sort du cavalier.



CHAPITRE V



Pensez correctement



Vous n'êtes pas seul à penser. Il y a des millions d'hommes qui pensent. Si tous ces hommes savaient penser correctement, l'humanité aurait une pensée correcte et nous connaîtrions l'âge d'or. Car tout ce que nous appelons le Mal n'est que le résultat d'une manière incorrecte de penser de l'espèce humaine.

Au lieu de cette unanimité de pensées correctes l'humanité projette des pensées inutiles, mesquines, égoïstes, méchantes, à ce point que les moins dangereux des hommes sont peut-être ceux qui ne pensent pas du tout.



Les chaos pensants



Il résulte de cette diversité et de cette médiocrité des pensées que celles-ci s'affrontent, se mêlent, se heurtent, s'épousent, se combattent dans un désordre total. Les hommes pensent contradictoirement et, pensant ainsi, ils s'étonnent que tout en eux et autour d'eux soit chaos.

Une salle de café à l'heure de l'apéritif vous fournit l'image de la pensée collective. Dans un nuage de fumée, cent personnes peut-être bavardent, jasent, discutent, avec force gestes et force voix. Des odeurs de spiritueux flottent dans l'air, des liquides de toutes couleurs miroitent sur les tables. Il se produit sans cesse des allées et venues d'entrants et de sortants. Prêtez l'oreille. Rien ne vous arrive de distinct. L'ensemble est un brouhaha confus, une trame inconsistante. De ci, de là, une bouffée de musique, un morceau de dialogue, un choc de billes d'ivoire, un brusque appel de serveurs. Vous êtes noyé dans le hasard, égaré dans l'anonyme. Tel est le symbole de la société humaine pensante si cela peut s'appeler penser.

Nous avons déjà comparé ce décor moderne à celui plus vaste d'une foire. Deux heures passées dans la foule et les baraques laissent la bourse vide et les nerfs usés. Cependant des vendeurs, des acheteurs conscients se glissent au milieu des badauds. Ils viennent dans un but défini et la tête claire. Aucun ne se laisse distraire de sa préoccupation dominante, qui est d'acheter ou de vendre un objet précis. Ceux-là n'ont pas perdu leur temps comme les autres. Ceux-là ont gagné à la foire.



Cyclones et anticyclones subjectifs



Au cours de notre comparaison précédente, nous avons parlé du hasard, divinité moderne, que notre époque positive a substituée aux dieux des anciens temps.

La contradiction des pensées émises par les humains engendre des mouvements tourbillonnaires dont aucune physique, aucune philosophie ne peuvent dégager les lois. Ce domaine est encore beaucoup plus complexe que celui de la météorologie où la science perd son latin. Tout ce que les observatoires ont pu établir de sérieux à propos du régime des vents est encore embryonnaire. La théorie généralement admise est celle des pressions et des dépressions. Si, dit la physique, une zone froide s'établit quelque part, l'air des zones chaudes environnantes s'y précipite, engendrant ainsi des tourbillons. On peut d'ailleurs vérifier ce déplacement aérien toutes les fois que, dans un ciel serein, un gros nuage passe et provoque un appel d'air. On connaît aussi ce que les astronomes appellent le vent de l'éclipse, produit par le cône d'ombre de la lune s'interposant entre le soleil et nous.

C'est aussi l'air chaud et l'air froid des pensées humaines, c'est-à-dire leur nature et leur direction en bien ou en mal qui causent les grands remous spirituels et psychiques et cette surrection ou cet affaissement des consciences, correspondant aux pressions et aux dépressions. Comment cela ne donnerait-il pas le sentiment que la pensée humaine va au hasard, sans lois, sans règles, avec le désordre apparent des météores ?

Détrompez-vous. Rien dans le monde, ni les pensées, ni les vents ne marchent au hasard. Tout est méticuleusement ordonné, équilibré par une Intelligence inconnue qui, sans toucher au libre arbitre, oriente l'ensemble vers des buts qui nous sont cachés. Cette Intelligence est mère de l'évolution et sort les êtres du chaos pour les élever à la conscience, par stades et par degrés. Les meilleurs s'y prêtent volontiers alors que les moins bons s'y opposent et retombent aux profondeurs de l'instinct. Il en résume une opposition d'apparence désordonnée, mais qui ne l'est pas plus, à tout prendre, que celles des éléments affrontés.

Une harmonie réelle est au fond de tout cela que, seuls, les plus évolués des hommes peuvent comprendre et à laquelle ils s'associent par la pensée, par la parole et par l'action.


La peur, dont nous parlions précédemment, est l'un des sentiments humains les plus puissamment générateurs de pensées négatives. Elle forme des tourbillons partiels incessants, des vortex collectifs immenses et l'on peut dire, surtout à notre époque, que notre planète vit sous une tempête de peur.

Vu de l'astral, notre Terre doit apparaître comme un globe maudit où tourbillonne la peur, où les volutes de peur s'élancent de toutes parts comme font hors du soleil ces cratères de feu que sont les protubérances. Et c'est dans cette atmosphère que baignent les faibles esprits des hommes, partagés entre la crainte, l'ignorance, la difficulté, la douleur.

Toute la misère humaine ne vient que de cette incapacité de penser et de penser droit. Seules, de loin en loin, quelques hautes et fortes pensées tracent leur sillon lumineux dans ce purgatoire obscur. Ah ! qu'est-il besoin d'imaginer un champ de purification post mortem, on ne sait quel plan futur de contrainte, alors que toute l'humanité souffre et crie sa misère de tous les jours !

Combien savent qu'ils peuvent, dès maintenant, sans attendre, tout de suite, rejeter hors d'eux-mêmes les pensées défectueuses et se libérer? Combien savent que toute libération individuelle en entraîne d'autres, parfois dans l'entourage même, parfois à de grandes distances, car la pensée ignore les limitations? Combien se doutent de la faculté de miracle qui est en eux, de la force divine à laquelle ils peuvent puiser, des richesses qui leur sont laissées? Combien soupçonnent le trésor enfermé au creux de leur personne et vont le cherchant ailleurs ?



Attraction et répulsion



Il existe une loi d'attraction et de répulsion qui vaut aussi bien pour le spirituel que pour le physique. Le moins averti a la notion de la double attitude de l'électricité. De même qu'on peut l'observer dans tout ce qui est du domaine objectif (chaleur-froid, lumière-ombre, bruit-silence, etc.), de même les idées et les pensées qui les fédèrent sont en constante action et réaction.

Un corollaire de cette loi est que les forces d'une certaine sorte attirent les forces qui leur ressemblent. Et c'est sur le plan de la pensée que la règle se vérifie le mieux. Toute pensée de peur exerce sur les autres pensées de peur une attraction invincible. Les plus faibles vont vers les plus fortes, s'y ajoutent et en accroissent la virulence. Une âme ravagée par la peur est comme un aimant funeste; toutes les petites peurs éparses viennent se souder à cette grande peur. Les pensées de peur, au contraire, sont repoussées par les pensées de courage, dont les plus puissantes attirent les autres pensées de fermeté. Tout doute, toute crainte, toute angoisse, toute panique émet ses radiations délétères qui vont à la recherche de pensées-sœurs. Toute espérance, tout élan, tout enthousiasme font leur trouée dans les pensées malsaines et s'unissent aux pensées de Foi. Pareillement toutes les haines se liguent et tous les amours s'agglomèrent.


La guerre des idées


Le monde est le théâtre d'une bataille acharnée où les idées servent de soldats. Cette lutte est autrement importante que celle qui se déroule, armes en main, entre les peuples de la terre, car celle-ci n'est que la résultante de l'autre et sa traduction en clair. Si les pensées ne se battaient pas les corps ne se battraient pas non plus. Le jour où tous les hommes penseront juste, il n'y aura plus matériellement de misères. Mais les hommes pensent faux et leur condition actuelle est la conséquence du désaccord.

Les journaux sont pleins de récits et d'illustrations qui mettent en évidence les drames et les conflits de la vie physique, mais aucun journal ne peut publier de reportages ou de photographies touchant les combats spirituels. Si les journalistes étaient clairvoyants et clairaudiants, comme les événements du monde physique leur sembleraient être peu de chose à côté des événements cachés ! Rien ne se décide ici qui n'ait été ordonné là. Rien ne se passe en bas qui ne se soit déjà passé en haut. Les rares privilégiés qui ont pu jeter un coup d'œil interne dans l'astral ont été épouvantés par les forces qui s'y affrontent. La bataille collective des pensées est si acharnée que rien dans nos tragédies superficielles ne peut y ressembler, même de loin.

Les idées sont les unités que groupent en bataillons les pensées. Et ces unités spirituelles se heurtent avec une extrême puissance et une rare férocité. Cela n'évoque en rien nos moyens matériels de destruction. Les pensées, délivrées de la pesanteur et absentes de la matière, ont des fulgurations inouïes dont les cieux intérieurs sont embrasés. Nos mots pesants ne peuvent donner la moindre idée de ces chocs qui n'en sont pas, de ces conflits d'influence, que les voyants bouddhistes figurent sous l'apparence des déesses douces et des déesses irritées, dans l'impuissance où ils sont de les traduire en langage humain.



Les forces antagonistes



C'est ce monde tumultueux, tout grondant d'éclairs psychiques, qu'abordent, après la mort, les esprits désincarnés. Alors les hommes sont nus, c'est-à-dire sans vêtement organique et cachés seulement dans une gangue vibratoire qui les sépare des plans supérieurs. Leurs yeux du dedans sont ouverts à la bataille des idées et celles-ci leur semblent autant d'apparitions géantes et de fantômes effrayants. Qui voudrait, le sachant, alimenter la tempête du Mal, contribuer au chaos, accroître le désordre, jouer sa partie dans la cacophonie et féconder l'incohérent?

Le monde visible et le monde invisible ont besoin d'un nombre croissant de pensées positives en face des pensées négatives, d'une armée toujours plus puissante d'idées constructives en face des idées de destruction.
En pensant incorrectement vous croyez peut-être ne faire de mal qu'à vous-même, alors que vous portez tort à tous vos compagnons de vie et de combat. Vous désertez, vous trahissez la cause pour laquelle vous êtes venu au monde, car n'imaginez pas que vous êtes né pour manger, boire, dormir et faire vos affaires, même inconfortablement. On vous a mis dans la bataille pour vous battre et pour être victorieux. Vous êtes, contrairement aux généraux vaincus, responsable de vos défaites, responsable aussi des défaites des autres car, sciemment ou non, vous y avez contribué. Si votre frère a failli, c'est que vous n'êtes pas pur vous-même. Tout sang versé, sur un point quelconque de la terre, fait une tache sur vos doigts. Osez prétendre que vos mains sont propres si l'humanité a les mains sales. Les hommes en apparence les plus séparés par le corps sont indéfectiblement soudés par l'esprit.

Votre intérêt premier est de dégager votre individualité de la grande foire aux pensées et de vous associer à toutes les formes hautes de l'idée qui circulent solitairement.

Tant que vous demeurez dans la bataille des pensées, vous êtes retranché de ce qu'il y a de plus indépendant en vous-même, c'est-à-dire de la faculté de penser librement. Tout s'y organise pour vous happer, vous étreindre; tout s'y coalise pour vous entraîner. Votre pensée n'est plus qu'une chose ballottée, une vague parmi des milliards d'autres, un atome dans le collectif. Il vous est indispensable de l'élever au-dessus de la mêlée, à des hauteurs où ne monte pas le vol des pensées vulgaires et où l'on retrouve sa direction.

Nous disions naguère que le malheur et le déséquilibre de l'humanité venaient de ce que celle-ci ne pensait pas à l'unisson et dans un sens favorable. Des humanités très anciennes l'ont fait et ont connu le merveilleux âge d'or. Mais leur évolution parfaite les a entraînées sur d'autres plans de moins en moins denses et, seul, leur souvenir demeure dans notre monde épaissi. La présente humanité n'est ni plus ni moins dépourvue que les précédentes. Elle a son école à faire car elle est au tiers de son instruction. Un temps viendra, dans bien des siècles et des centaines de siècles, où la bataille des pensées humaines connaîtra enfin la trêve et où régnera la paix. Mais nous n'en sommes pas là aujourd'hui et notre évolution est en marche. Nous ne pouvons que subir les conditions présentes et nous y adapter de notre mieux.

Force nous est donc de chercher le moyen de nous soustraire individuellement à la pesanteur qui paralyse le monde moderne pour échapper à sa densité. Ce n'est guère par nos corps que nous le pouvons. Et quand bien même les avions supersoniques monteraient au-dessus de la stratosphère, ils n'en seraient pas moins esclaves du monde gravitationnel. C'est uniquement par ce qui, en nous, échappe à la gravitation, que nous pouvons recouvrer notre plein libre arbitre, c'est par la pensée seule que l'on vainc la densité




Ascension de l'idée



L'idée ne pèse pas. L'idée ne tombe pas par terre. L'idée est inoxydable. L'idée ne se corrompt pas. L'idée échappe aux réactions chimiques, aux manipulations de laboratoire. L'idée, si elle le veut, se soustrait aux contingences du monde matériel.

A plus forte raison, quand les idées sont unies et coordonnées par la pensée, le penseur dispose d'un faisceau victorieux. L'outil unique de la pensée impondérable et immatérielle est l'outil divin donné par le Créateur à l'homme pour se dépasser lui-même et dépasser le monde extérieur.

Vous vous dites enchaîné, brimé par les événements, les choses, les autres êtres. Cela peut être vrai dans votre partie matérielle, dans la vulnérabilité de vos corps. Mais vous disposez du moyen de vous évader par les régions de l'âme et vous hésitez à vous en servir!

La pensée n'est pas seulement la clé de votre libération, elle est surtout la clé de votre action sur l'univers invisible. Par le monde sans forme vous pouvez peser sur le monde des formes, peuplé de caractères inconsistants. Et c'est alors qu'il vous devient possible de renverser à votre profit le retard de l'évolution humaine grâce à quoi l'humanité pensante renferme si peu de penseurs.

Qu'attendez-vous pour être un de ces penseurs, par simple identification de vous-même? Pourquoi rester sur le plan de la concurrence matérielle où vous êtes battu d'avance par des rivaux? A quoi sert de vous obstiner dans cette chevauchée de hasard que vous semble être votre destinée ? Qui vous oblige à rester aveugle sur une terre où les borgnes sont rois ?

Il suffit que vous preniez conscience de l'immense pouvoir d'une idée, de votre idée, que vous concentriez votre intérêt sur elle, que vous l'agrandissiez. Alors la pensée la sculpte et l'idéalise. Vous l'élevez sans cesse à de plus en plus grandes hauteurs. Et son pouvoir ascensionnel devient si fort qu'elle vous soulève comme une plume et vous emporte là où planent les aigles et où, loin des foules, on est seul.





CHAPITRE VI



Le fourmillement des pensées



Vous avez attendu, dans le silence de votre pensée, l'idée neuve, l'idée intéressante qui mérite d'être gardée dans votre esprit. Vous l'avez isolée des autres, cultivée spécialement, spécialement nourrie. Vous l'avez longuement ruminée, longuement aimée. Elle fait désormais corps avec vous. Vous avez pour elle un attrait cérébral et sentimental. En un mot, c'est votre idée, que vous caressez de jour et de nuit. C'est elle qui éclaire votre chemin, pour elle que vous êtes heureux de vivre, sur elle que vous fondez vos réalisations.

Au début, quand l'idée est née en vous de ce que vous aviez l'ambition de faire, vous avez pu être transporté d'enthousiasme et plein d'une grande ardeur. Puis l'élan s'est amorti, vous avez considéré votre idée avec hésitation et avec doute. Vous avez pesé les arguments pour et contre. Vous avez surtout été influencé par les tiers.



Conservez le secret



Nous voudrions appeler votre attention sur ce dernier point et vous mettre en garde. Si vous avez une naissance d'idée en· vous, n'envoyez pas de faire-part. Gardez rigoureusement votre secret. Méfiez-vous spécialement des êtres qui vous sont les plus chers, précisément parce qu'ils ont plus d'influence sur vous; défiez-vous de votre entourage. Comment celui-ci éprouverait-il les mêmes sentiments que vous pour votre idée? Comment partagerait-il nécessairement votre foi ? Vous êtes comme un coureur échauffé au beau milieu de sa course; celui-ci n'a ni les mêmes réflexes, ni la même mentalité que l'homme assis dans un fauteuil. S'il était comme eux, jamais il ne terminerait la course. Encore moins serait-il victorieux.

Votre idée vous a électrisé. Vous avez électrisé votre idée. L'un portant l'autre vous êtes parvenu à un état d'éréthisme qui est précisément le ressort de votre activité. Vous avez atteint un état second, celui du mouvement intérieur, lequel agit sur votre comportement visible. Vous ne pouvez pas demander à des gens à froid de s'adapter à votre lancée qui est à chaud.

L'objection extérieure ne doit servir qu'à durcir votre foi, la contradiction qu'à exalter votre certitude. Le porteur de l'idée n'a plus rien de commun avec ceux qui portent à vide. Il est d'un monde différent.

Votre discrétion doit être comme un mur, aussitôt que l'idée est née et que vous commencez à la contempler avec amour. Car c'est dans le temps qui suit, quand votre idée est encore fragile, qu'il est nécessaire de la protéger de l'hostilité et de l'incompréhension. Plus tard, devenue adulte et capable de se défendre elle-même, votre idée pourra être communiquée, annoncée; alors vous serez capable de la soutenir, comme elle sera capable de s'imposer. Car, en vertu de ce que nous avons dit, l'idée majeure et en possession de toute son énergie a tout ce qu'il faut en elle pour percer la broussaille des idées mineures et s'élever vers le Ciel. Une grande idée sait se gouverner toute seule et, au besoin, gouverner celui qui l'a conçue. C'est même bien souvent l'idée primitivement protégée qui, par la suite, protégera son auteur .



L'engrais et le ferment de vos idées



Quelles sont donc, demanderez-vous, les meilleures méthodes pour renforcer son idée et l'amener au point où elle triomphera d'elle-même des obstacles mis sur son chemin ?

Nous vous avons précédemment indiqué l'Amour comme étant l'engrais le plus puissant de l'idée. Une idée, en effet, ne saurait prospérer sans amour. Il lui faut en premier l'amour de son géniteur et, plus tard, celui d'un aussi grand nombre que possible d'amours attirés par elle et susceptibles de la protéger. C'est de l'amour restreint mais concentré d'un seul homme que sont nées les idées capables de transformer le monde, mais c'est de l'adhésion amoureuse de beaucoup d'hommes que sont venus les moyens de la généraliser.

Le deuxième grand ferment de l'idée est la Foi, non pas foi générale, qui est indispensable et va de soi, mais foi spéciale en son idée, foi particulière en cette idée-là.

Du jour où vous avez admis l'idée en vous, du jour où vous l'avez triée parmi les autres, du jour où vous l'avez chérie et nourrie de votre amour, aucun parasite du doute ne doit approcher d'elle. Vous lui portez une foi monolithique, c'est-à-dire rigide et droite comme un menhir. A compter de ce moment, aucune hésitation, aucune incertitude ne sont tolérées. Le moindre scepticisme doit vous apparaître comme une hérésie, une monstruosité. N'admettez plus aucune objection tendancieuse de l'intelligence. C'est alors que votre volonté doit jouer son véritable rôle de chien de berger. A elle d'écarter toute autre idée qui n'est pas dans l'axe de la principale et de conduire vers celle-ci toute idée qui peut la fortifier.


Si votre foi est un bloc compact, les idées contraires s'émousseront sur elle. Nulle argumentation, nulle lecture, nul intérêt immédiat ou lointain, nulle pression, nulle peur n'y pratiqueront leurs fissures. Tous les hommes qui ont accompli leur idée étaient des hommes de foi. Ne croyez pas qu'il suffit d'un peu de foi, sous prétexte que le Christ a dit : «Si vous en aviez gros comme un grain de moutarde, vous soulèveriez les montagnes ... », car la foi dont il entendait parler est la Foi absolue, celle qui lui permettait de ressusciter les morts. En tant qu'homme moyen, vous ne pouvez avoir qu'une foi relative. Il en faut donc le plus possible et qu'on alimente sans arrêt.



Affirmez vos pensées


Cette relativité de la foi, inhérente à la nature humaine, il faut bien en tenir compte puisque l'homme est soumis aux lois physiologiques et asservi à leur dérèglement. Il peut se faire que vous tombiez malade (bien qu'une attitude et une discipline appropriées écartent la maladie), ou que vous entriez dans une période de trouble moral ou physique, durant laquelle faiblit votre volonté. Dans ce cas, bornez-vous à faire des affirmations, le plus souvent possible. Rabâchez votre idée, mentalement, du bout des lèvres, à voix basse ou haute, selon votre milieu. Ne laissez pas tiédir votre foyer ni baisser la flamme de votre lampe.

Il faut être stupide comme peut l'être un logicien pour douter de la vertu de l'autosuggestion délibérée et continue. L'homme qui se répète sans cesse: «Cela ne va pas. Je suis malade, j'ai peur. Il va m'arriver quelque chose. On m'en veut. Je n'ai pas de chance. Tout m'accable, etc. », ne sera jamais qu'un déchet social. L'homme qui ne cesse d'affirmer et de s'affirmer, extérieurement et intérieurement : «Tout va bien. Tout est pour le mieux. Je me porte admirablement. J'ai de la chance. Je réussis. J'ai foi en moi et dans la vie. J'aime les autres et les autres m'aiment, etc. », celui-là n'a pas nécessairement et immédiatement gagné la partie, mais il a disposé les impondérables du succès et de la réussite de telle manière, qu'un jour ou l'autre, il y parviendra.

Cela est déjà fort beau. Mais ne croyez pas que l'autosuggestion soit l'essentiel des affirmations. Dans la première partie d'un de nos livres (Affirmez et vous obtiendrez), avant de proposer des modèles d'affirmations positives, nous mettions en évidence le rôle créateur du Verbe dont l'homme dispose à l'image du Démiurge qui l'a créé. Le verbe a son efficience en soi et s'imprime dans la substance invisible jusqu'à ce que celle-ci aboutisse à la manifestation.


L'impression du domaine inapparent



L'affirmation n'a donc pas seulement une valeur d'autosuggestion, c'est-à-dire d'impression dans l'inconscient des porteurs d'idée. Elle a encore une valeur de création, c'est-à-dire d'impression dans le domaine inapparent de l'univers. C'est même une des raisons pour lesquelles votre pensée, dûment projetée dans l'invisible, y laisse une empreinte indélébile que vous n'êtes plus maître d'effacer. Vous pouvez sans doute émettre par la suite des pensées opposées à la première et destinées à combattre son effet. Mais alors vous aboutissez à ce que précisément vous devez éviter, à un duel de pensées où il n'est pas prouvé que les dernières auront le dessus. Ainsi vous aurez créé en vous la dualité nocive et nous croyons inutile de souligner que ces luttes intérieures sont au moins superflues quand vous avez déjà tant de luttes extérieures à soutenir.

Revenons par ce détour à la Foi. Si vous avez chargé de foi votre première idée, vous n'aurez aucune peine à la maintenir. Mais justement à cause de cette foi, il sera extrêmement difficile de « scier » votre idée première par des idées différentes, parce que celles-ci ne peuvent s'accréditer que par la volonté, donc le mental, tandis que l'autre a été générée par le sentiment, donc par l'esprit.

Veillez par conséquent à ne pas vous tromper dans vos émissions initiales. Prenez soin de ne lancer votre idée que quand vous serez sûr de son impunité. Et même ne l'émettez que si elle vous paraît dans l'axe spirituel du monde, c'est-à-dire capable d'améliorer, d'élever, de servir .



Servir, le grand catalyseur


Servir, tel est le grand mot et la grande pensée que tout homme, dès qu'il est à l'âge de raison, devrait adopter comme devise et comme blason.

- Servir, autrement dit être utile, considérer le bien général avant de considérer son bien particulier.
- Servir, être à la disposition de la Volonté supérieure, s'effacer devant la consigne qui vient d'en haut.
- Servir, se mettre au service de l'Intelligence conductrice, interpréter ses ordres et penser divinement.
- Servir, être un canal ouvert à chaque bout et où l'eau de la grâce circule, débiter les bénédictions au fur et à mesure qu'elles fusent de la source, s'alimenter en proportion de ce qu'on distribue, se prodiguer en s'enrichissant.
- Servir, n'avoir plus de fins à soi, de buts à soi, de desseins à soi, de projets à soi, mais faire siennes les intentions divines.
- Servir, se dévêtir de son égoïsme, de ses instincts.
- Servir, être un instrument intelligent et non passif, un outil de choix, aux mains du Grand Maître.
- Servir, ne plus s'appartenir soi-même mais se donner tout entier.
- Servir, aider l'Évolution par une adaptation constante de la pensée, épouser les vues progressives de la Céleste Intention.

Ayez toujours l'idée de servir comme toile de fond de vos pensées ainsi qu'un leitmotiv, un décor mélodieux. Et vos pensées seront d'autant plus réalisatrices qu'elles auront pour point de départ et pour objectif l'harmonie.



Les trains de pensées



Ces fondations solides en place, vous pouvez bâtir et même accumuler étage sur étage. Bornez-vous à un rez-de-chaussée si votre ambition est modeste, mais rien ne s'oppose à ce que vous éleviez un gratte-ciel.

Vous avez émis dans les conditions définies antérieurement votre idée-mère et la voici déjà cheminant sur les ailes de l'Amour et de la Foi. Vous pouvez l'émettre à nouveau, aussi souvent que vous le désirerez, sans vous préoccuper de chercher des variantes. Si votre cerveau et votre imagination sont fertiles, il n'y a que des avantages à ce que vous considériez votre idée sous divers angles et la réanimiez par des concepts nouveaux. Mais cela n'est pas indispensable et même la répétition têtue sous la même forme est spécialement efficace.

C'est ce que nous avons appelé les trains de pensées, où celles-ci s'ajoutent les unes aux autres jusqu'à ce qu'elles forment un convoi. Celui-ci n'est pas limité comme celui des wagons d'une société ferroviaire. On connaît des convois d'idées qui ont fait le tour de la terre et, si surprenant que cela paraisse, d'autres ont fait le tour du ciel.














Intensité des pensées nocturnes



Pratiquement rien ne fait obstacle à ce que l'émetteur de la première idée la fasse suivre d'une idéation absolument semblable et répétée à longueur de jour. Rien n'est aussi précieux que l'insomnie pour la propagation des idées car, durant la nuit, l'idéation acquiert une remarquable intensité. De plus, la partie de l'humanité qui dort n'a plus de pensées délibérées; celles-ci sont fragmentaires et incohérentes, sans la participation de l'esprit. C'est entre minuit et trois heures du matin que la jachère des consciences est la plus absolue en Europe. Sans doute les autres continents émettent encore des idées, mais nul d'entre eux n'a la puissance idéatrice de la vieille civilisation.

Une pensée lancée dans le noir de l'inconscience et dans l'incohérence des âmes fulgure comme un éclat de phare dans l'obscurité de la mer. C'est ce qui prête tant d'efficacité à la pensée des grands malades lorsqu'ils ont reçu du ciel la grâce de le savoir. Non seulement ils peuvent ainsi s'améliorer, par union avec le Divin, mais encore ils peuvent libérer d'autres consciences enchaînées, car tandis que les peuples sont plongés dans le sommeil, la Pensée, elle, ne dort pas. Elle trouve toujours, sur un point quelconque de la planète, des cheminées consentantes par où s'introduit l'Esprit. Il n'y a pas d'autre explication aux prières des monastères; leurs grandes adjurations nocturnes brassent les pensées à la dérive et les canalisent vers un but.

Vous pouvez faire un petit monastère à vous seul en émettant de nuit vos trains de pensées, toujours dans la même et implacable direction. Il faut que la voie retentisse sans arrêt du bruit de vos convois et de la trépidation des aiguillages. Il faut qu'un moment arrive où il n'y aura plus, entre vos trains de pensées, la moindre solution de continuité.

A défaut d'insomnies volontaires ou involontaires, il vous est possible d'utiliser les instants qui précèdent le sommeil ou suivent le réveil.
















La puissance magnétique de l'idée



Cela vous semblera peut-être difficile et même presque impossible et le serait effectivement si vous étiez livré à vos seules forces et à la seule action de votre volonté. Mais tranquillisez-vous! Si votre idée est ce que vous croyez, c'est-à-dire une idée maîtresse, quand vous l'aurez suffisamment poussée et qu'elle progressera toute seule, elle ne tardera pas à vous entraîner. Et cela même si bien, et si fort, qu'elle vous fera marcher plus vite parfois que vous ne le souhaiteriez.

C'est qu'une Idée bien lancée et qui porte sa vertu en elle-même libère des énergies Incroyables et revêt une puissance prodigieuse d'aimantation. En vertu de cette dernière faculté, elle s'amalgame toutes les idées identiques et même celles qui, par un point quelconque, tendent à y ressembler. Ce monstrueux aimant de l'Idée parvenue à sa maturation complète a un tel pouvoir d'attraction que vous êtes le premier soudé à elle par force et par adhésion. A ce stade, personne ne peut vous en détacher. Votre idée et vous êtes prisonniers l'un de l'autre. Encore votre idée a-t-elle plus d'indépendance que vous-même, car vous ne pouvez plus agir sans elle alors qu'elle peut déjà agir sans vous.

Mais qu'importe si vous avez bien choisi! Vous êtes aussi heureux d'être le captif de votre idée qu'un amant peut l'être de la femme la plus chère puisqu'ils ne visent qu'à une mutuelle et constante progression. Après avoir possédé votre idée, vous êtes possédé par elle. Vous devenez ainsi son maître et son serviteur. Ce rôle de chevalier servant de l'Idée n'a rien qui puisse désobliger une âme noble quand elle a conscience par-là même de servir un idéal.

















CHAPITRE VII



Le pouvoir de la pensée sur la matière



La science moderne en est arrivée à cette constatation que la matière n'est plus le domaine positif, borné par des frontières denses dont la fin du XIXe siècle et le commencement du XXe avaient fait un article de foi.

La matière s'est révélée comme ayant des prolongements subtils et la scission de l'atome, puis la fission du noyau ont démontré qu'en fin de compte tout se résolvait en énergie et en mouvement. Le vide sans densité est le matériau premier des choses denses. Étonnante conclusion, nous l'avons dit, des recherches objectives qui, poussées à leurs limites extrêmes, aboutissent aux confins du subjectif.

Cela a nécessairement amené certains esprits à supposer qu'il n'y a pas de séparation entre l'esprit et la matière et que celui-ci comme celle-là ne sont que des aspects différents du même Tout. Philosophiquement cela peut se soutenir, mais il reste à trouver et à définir le terrain intermédiaire, celui d'une confusion idéale de la matière et de l'esprit.



Où commence l'esprit, où finit la matière ?



Occultistes, théosophes, spirites, etc., ont déjà cette préoccupation adaptée à la nature humaine lorsque, sous forme de double, de corps astral, de corps éthérique, de périsprit, etc., ils tentent d'évoquer les cloisons séparatives entre l'âme et le corps. Sans se porter garant de l'exactitude de ces classifications, on peut admettre que le principe en est vraisemblable. Lui seul d'ailleurs permet l'explication des phénomènes de métapsychie, de métagnomie, de télépathie, de matérialisation.

En ce qui concerne notre objet, qui est celui du pouvoir de la pensée sur la matière, nous avons besoin de nous pencher spécialement sur ce problème et d'en tirer le sens instructif. Aucune recherche de laboratoire, même avec les instruments les plus perfectionnés, ne permet d'entrevoir le point de jonction de la forme et de l'informe, du manifesté et du non-manifesté. Ce qui n'a pas été manifesté, c'est-à-dire qui n'a point encore revêtu une apparence formelle est en dehors du contrôle formel.

Nous ne pouvons donc démontrer l'action de la pensée sur la matière que par des considérations non objectives et sans l'aveu des physiciens. Mais rassurons-nous. Ceux-ci marchent d'un tel pas aujourd'hui que, bientôt, ils nous précéderont peut-être dans les voies subjectives, tant l'évolution, qui se fait vertigineuse à notre époque, les emporte rapidement vers le territoire inconnu.

Qu'on nous permette une digression qui, pourtant, n'est pas en dehors de notre ligne ! Si la science officielle avait consacré à l'étude de la pensée le quart du temps des hommes, des ressources et des instruments qu'elle a affectés à l'étude de la matérialité des phénomènes, l'humanité serait en avance d'une vingtaine de siècles dans la connaissance des relations entre matière et esprit.



L'homme est un être double



Nous ne contestons pas l'utilité des notions acquises sur l'univers phénoménal où nous sommes. C'est la moindre des choses que nous pénétrions les conditions de notre habitat. Mais il fallait être naïf et imprudent, comme le sont les hommes de laboratoire, pour se cantonner exclusivement dans l'étude scientifique du phénomène apparent. L'homme, nous ne le répéterons jamais assez, est un être à double vie : il est un corps sans doute mais il est aussi un esprit. Négliger totalement l'un au profit exclusif de l'autre, c'est amputer le problème d'une de ses données essentielles et aboutir inévitablement à une fausse solution.

Il y a deux êtres en chacun de nous, tous deux inséparables jusqu'à la mort physique; seul l'esprit continue à vivre, et d'une vie accrue, quand le corps se décompose et disparaît. Comment la science a-t-elle pu ne s'intéresser qu'à celui des deux éléments qui est à la fois grossier et périssable alors que l'esprit peut expliquer le corps et que le corps ne peut expliquer l'esprit ?

De même qu'il y a deux hommes en tout être humain, le spirituel et le physique, de même il y a deux univers: l'immatériel et le matériel. Ces organismes amphibies (l'individuel et l'universel) se complètent provisoirement et se conditionnent en attendant que le processus évolutif les soustrait à cette dualité.





La matrice de l'esprit



Cherchons donc par quel truchement l'invisible peut agir sur le visible. A plusieurs reprises nous avons fait allusion dans notre œuvre à un étage intermédiaire susceptible de permettre cette action.

En dehors du plan matériel et du plan spirituel, existe une zone particulière qui n'est ni celle de la pensée ni celle de la forme mais le territoire indispensable entre les deux. Nous l'avons indiqué ailleurs comme étant le plasma originel pensant, c'est-à-dire la substance invisible, intelligente, destinée à servir de matrice aux conceptions de l'Esprit. C'est ce plasma originel qui a servi et sert au Démiurge pour se manifester dans la matière apparente, faute de quoi l'œuvre du Créateur ne pourrait être appréhendée par les sens. Si la vue d'un paysage harmonieux, d'une mer infinie, d'une chaîne majestueuse, d'un ciel étoilé éveillent en nous des sentiments extra-humains, c'est parce que nous y sentons l'expression d'une Pensée Divine. Si un bel enfant, un beau tableau, une belle sculpture, un beau poème, une belle symphonie exaltent notre émotion et notre admiration, c'est parce que nous y voyons une manifestation sensible de l'Esprit.

Dieu peut - mais rarement - se manifester à l'esprit humain sans interprète. C'est le propre des illuminations des saints. Mais cette faveur suppose un détachement presque absolu de la matière et cependant celle-ci est encore à ce point gênante qu'au témoignage des extatiques la contemplation directe de l'Esprit pur est insoutenable aux humains. La mythologie elle-même en porte la trace, lorsqu'elle relate l'imprudence de Sémélé, incendiée toute vive pour avoir voulu contempler face à face la majesté intégrale de Jupiter.

Le Divin ne peut donc se manifester à l'homme qu'indirectement et par le monde des phénomènes, c'est-à-dire par les divers règnes de la nature, par les êtres, par les événements. C'est à l'homme d'interpréter ces manifestations de l'Esprit qui lui sont présentées sous une forme assimilable, faute de quoi il serait incapable de les digérer.

Mais cette création des phénomènes interposés nécessite un plan intermédiaire d'impression où s'inscrit l'Intention divine pour parvenir à la réalisation. C'est ce plan que, faute de vocables appropriés dans la langue d'homme, nous nommons le plasma originel invisible.

Si l'on devait user d'une comparaison, à la fois grossière et misérable, on pourrait rapprocher la substance matérialisatrice de l'ectoplasme spirite, cette sorte de matière impondérable prélevée sur l'organisme fluidique du médium et des assistants pour aboutir à une manifestation d'ordre phénoménal. On pense bien qu'il n'y a rien de commun entre la difficulté de cette intervention d'ordre astral et la facilité avec laquelle opère la Pensée Divine. Mais précisément, la pensée humaine est contrainte à un grand effort quand elle sort du domaine purement idéologique pour se concrétiser dans l'objectif.



Pensées orphelines



Comme le Bourgeois gentilhomme de Molière faisait de la prose sans le savoir, vous faites de l'impression de pensée, sans vous en douter, dans la substance invisible, chaque fois que, concevant une idée, la portant, l'exaltant, vous la conduisez vers sa réalisation.

Bien souvent l'homme a une idée, la caresse un instant, s'y complaît même durant des jours ou des semaines, puis s'en désintéresse et l'abandonne sans se soucier de ce qu'elle deviendra. Pensez-vous que cette idée est perdue et mourra par la faute de son père? Sans doute elle n'aura pas, tout au moins sur-le-champ, la vigueur de celles que chérissent leurs auteurs, mais elle ne périra pas; le plus souvent, elle cheminera toute seule, jusqu'à ce qu'elle soit recueillie par un des cerveaux qu'elle a rencontrés.

Il est très rare, on l'a vu, qu'on soit le premier à avoir une idée. Généralement celle-ci a été conçue par un ou par plusieurs hommes dont aucun ne l'a faite sienne véritablement. Il traîne partout des pensées orphelines, veuves, divorcées, dont certaines sont presque vierges quand d'autres ont beaucoup servi. A défaut d'une Assistance publique invisible des pensées, il se trouve toujours, quelque part, à une époque donnée, un homme qui recueille une pensée errante, une idée en l'air.

Que de fois nous avons été frappé par certaines analogies de pensée établies avec des gens sans aucun rapport avec nous ! Il nous est rarement arrivé de choisir un titre pour nos ouvrages (et cependant nous tentions de leur conférer une originalité) sans que, dans le même temps, parussent d'autres livres portant, sinon absolument le même titre que le nôtre, du moins un titre qui le rappelait. Ce n'est pas une fois mais dix fois que le fait se produisit, ainsi qu'une identité de pensée prouvant qu'une idée commune était dans l'air et se faisait jour en plusieurs points à la fois .











Comment s'imprime la pensée



Qu'on excuse cette nouvelle comparaison, dont l'indigence ne nous échappe pas, mais qui facilite au premier venu la compréhension élémentaire du mécanisme de la pensée lorsque celle-ci est en quête de réalisation. Il existe divers systèmes de reproduction du dessin et de l'écriture, basés sur l'utilisation d'une pâte sensible où l'original vient s'imprimer. L'encrage ainsi déposé permet d'obtenir, par contact, des exemplaires successifs de la feuille initiale, la netteté de ces reproductions dépendant de l'encre employée et de la force du trait. Cette image matérielle donne un faible aperçu du processus de l'idée lorsque celle-ci s'imprime dans la substance sans forme du plasma originel.

Si l'idée est puissante, accusée, si son relief est considérable, elle s'incruste dans le plasma et s'y moule profondément. La matrice invisible en garde longuement l'empreinte et même il arrive que telles idées-mères, comme celle du Sermon sur la montagne, non seulement constituent des clichés indélébiles au bout de deux mille ans, mais encore aient une faculté de reproduction et de multiplication infiniment plus considérable que lors de leur émission.

Toutes les idées n'ont pas cette valeur et la profondeur de leur impression est fonction de leur vertu propre. Une idée médiocre ne trace dans le plasma originel qu'une esquisse insuffisamment accentuée pour obtenir une durable impression. Une idée faible et non soutenue effleurera à peine la substance intermédiaire et, dès lors, n'a aucune chance de se manifester.



Le processus créateur



Prenons le cas d'une pensée neuve, ardente et, mieux encore, celui de trains de pensées soutenus par le même homme ou le même groupe d'hommes dans la même direction. Ces convois d'idées coordonnées et liées efficacement entre elles pénètrent jusqu'au cœur du plasma informel. Et comme celui-ci est, non une pâte inerte, mais une substance intelligente, il travaille avec intensité les pensées qui lui sont transmises et en élabore la manifestation.

De quelle manière se déroule l'invisible processus ? Le cerveau de l'homme sera sans doute toujours trop matériel pour le saisir et le comprendre. Il s'agit là d'une alchimie divine qui échappe au raisonnement humain. La seule chose qu'il importe de savoir est que le plasma reçoit l'idée sans forme et la revêt des apparences de la forme pour qu'elle puisse passer du monde subjectif dans le monde objectif. Cette transformation du nouménal en phénoménal est l'acte même du Créateur tirant l'univers visible et lui-même du chaos par la vertu de son Verbe, procédé mis en évidence non seulement par le premier chapitre de la Genèse mais aussi par le Credo catholique où il est dit que le Verbe s'est fait chair.

Le processus créateur peut être répété en plus petit par l'homme, lui-même pensée de Dieu et conçu à son image. Il lui suffit de penser à son tour, d'imprimer sa pensée dans la substance invisible et d'amener l'idée à sa manifestation.

S'il n'avait pas ce pouvoir, délégué par le Créateur, l'homme n'aurait pu dominer la nature phénoménale comme sa pensée lui a permis de le faire avec l'appui du Verbe qui lui a été donné. L'idée, en effet, n'est pas absente de l'animal, mais celle-ci est encore chez lui rudimentaire. La cohésion des idées sous forme de pensée et l'association des pensées lui sont à peu près interdites, sauf de rares exceptions. L'animal, de plus, n'a qu'une conscience bidimensionnelle ; il est, par suite, incapable individuellement de pousser son idée jusqu'à la réalisation. Les réalisations obtenues par le castor ou l'abeille ne sont pas dues à l'individu ni même à la colonie ou à l'essaim, mais au groupe. C'est l'esprit du groupe qui émet l'idée, d'ailleurs toujours la même, tendant à la conservation de l'espèce abeille et de l'espèce castor. Enfin, et avant tout, l'animal est privé du Verbe ou, tout au moins, de la faculté d'accoupler celui-ci avec l'Idée dans les rares occasions où il articule imitativement.

Par contre l'homme est, depuis des temps immémoriaux, en possession du langage articulé et de l'arme divine du Verbe. Nous voici donc rendu au point où la conjugaison du Verbe et de la pensée s'impose comme une copie fidèle du procédé initial du Créateur.

L'Éternel de la Bible ne se contenta pas d'avoir l'idée de la Lumière. Il la pensa divinement et, l'ayant pensée, l'affirma. C'est seulement après avoir dit : « Que la Lumière soit! » que, pour lui, la Lumière fut. Et ainsi du reste de l'univers visible. Et ainsi du phénomène de la Vie auquel il ajouta le souffle de l'Esprit.

Comment n'en pas tirer l'enseignement majeur, celui qui nous retrace le cheminement de la pensée et nous montre la voie menant de la rumination à l'expression ?

Ayant donc l'idée en vous et, l'ayant accumulée sous forme de pensée, il vous reste à projeter celle-ci dans le Sans-Forme pour que le Sans-Forme la projette dans le formel. Cette projection peut à la rigueur demeurer purement mentale, mais elle nécessite alors une telle puissance animique que peu d'hommes sont à même de déployer un tel effort. Il faut croire d'ailleurs que si la pensée pure suffisait à précipiter la réalisation le Créateur de la Genèse n'eût pas utilisé le Verbe, et il apparaît clairement que celui-ci est indispensable pour une rapide et totale manifestation.



Le souffle de vie


Le Verbe est un apanage divin. Il est le souffle articulé de la Vie. Son retentissement est tel que, formulé d'une certaine sorte, il ébranle l'univers. Toutefois, le Verbe seul est impuissant à créer s'il n'est pas essentiellement le véhicule de l'idée, l'outil qui enfonce celle-ci dans la substance sans forme comme un coin.

Plus votre idée sera forte, condensée, précise, plus elle pèsera sur le Verbe et plus celui-ci aura de pouvoir. On comprendra mieux ce pouvoir si l'on veut bien considérer que l'Idée et la Pensée qui la coordonne appartiennent uniquement au monde de l'Esprit. Telles quelles, elles ne présentent aucun des caractères de la matière. Elles sont impondérables, invisibles, immatérielles en un mot. Pour que leur émission passe dans la substance intermédiaire en vue de leur manifestation dans la forme, il est bon qu'elles s'enveloppent aussi d'un vêtement intermédiaire qui, sans être absolument informe, est encore merveilleusement subtil. Tel est le Verbe, ou articulation dans le domaine du son et par quoi la pensée se concrétise avant de bondir dans le formel.

Peu d'êtres humains sont capables, nous l'avons dit, de penser correctement, mais bien peu aussi sont capables d'utiliser correctement le Verbe. Cet instrument splendide est méconnu par ceux qui s'en servent et l'outil divin se voit affecté aux plus viles utilisations. Toute l'humanité parle, mais à la façon du perroquet, sans savoir ce qu'elle dit ou sans comprendre la splendeur de la parole. Encore le perroquet est-il simplement inefficace alors que l'homme emploie le Verbe à des usages mauvais.

L'homme, en général, n'est pas digne du don qu'il a reçu. Le Verbe qui devait lui servir à édifier n'a été employé, le plus souvent, que pour détruire. L'allégorie de la tour de Babel ne signifie pas autre chose que l'irritation du Démiurge contre les mauvais utilisateurs. La confusion des langues, génératrice de la confusion des esprits, n'a pas cessé depuis lors et le Verbe est prostitué dans tous les idiomes de la Terre. Si les politiciens et les rhéteurs avaient la conscience claire, ils rougiraient d'alimenter leurs querelles avec l'instrument des dieux.

Quelques hommes savent la puissance du verbe correct, portant la charge de l'idée et ce sont ces hommes, eux uniquement, qui transforment les conditions matérielles de l'humanité.








L'ouverture se produit toujours



Dans le livre, plus haut cité, nous avons montré comment le verbe crée et avons enseigné le procédé élémentaire des affirmations. Certains l'avaient déjà découvert empiriquement, par comparaison des résultats et par association d'idées.

Ne vous est-il pas arrivé de vous parler à haute voix à vous-même, au cours d'un violent effort? Il semble alors que l'aide vienne du dehors de vous, comme si la parole avait déchaîné une force invisible. Effectivement, vous avez ainsi fait appel aux énergies supérieures et celles-ci ont été alertées sur un autre plan. Mais ces appels entrecoupés, fortuits, ce Verbe veuf de l'Idée étaient insuffisants pour mettre en branle le processus de réalisation. D'où l'impression de ratage, d'inachèvement, de désordre que vous donne la vie, laquelle est ordre et réalisation.

Certains, cependant, ont trouvé tout seuls et par pure intuition ou sollicitation intérieure, des procédés pratiques d'utilisation de la pensée et du verbe articulé. Tel est le cas de l'inventeur ou de l'explorateur, acharné à la conquête de ses découvertes et qui, à mesure que les obstacles s'opposent à lui, serre les dents et se répète à lui-même: « J'aboutirai, je réaliserai, je passerai, je vaincrai. »

Que de fois, même avant de connaître les « commutateurs secrets» de la vie, nous est-il arrivé à nous-même de nous rebeller sur l'obstacle et de dire : « Je serai le plus fort. » Quelque chose murmurait en nous que l'opposition des circonstances et des hommes ne peut pas être continue, qu'il arrive un moment où les uns et les autres sont sollicités par des intérêts divergents, que le tout est de tenir jusqu'à ce que l'ouverture se produise et que cette ouverture se produit toujours.

Une grande leçon nous avait été donnée par les corbeaux alors que nous habitions en face d'une grande prairie. Il arrivait que, la tempête s'élevant, toute la horde se trouvât contrainte de lutter. Rien n'était plus émouvant que ce grand vol noir dispersé par les rafales successives et qui, tantôt s'élevait, tantôt s'abaissait à la recherche d'un trou dans le vent. Parfois un groupe de points volants progressait puis était ramené en arrière. Inlassablement les corbeaux revenaient à la charge et fonçaient dans l'invisible mur. Ils savaient instinctivement qu'ils pouvaient passer et que c'était affaire d'obstination entre eux et la tempête. En effet, quelle que fût la durée de la bataille, les corbeaux passaient toujours.

Et nous aussi nous pouvons trouer les orages de la vie en volant et en donnant de la voix comme les corbeaux. L'orage ne dure qu'un moment; l'homme et le corbeau ont la vie dure. Heureux celui qui ne doute pas de son pouvoir!



Le mensonge de l'apparence



Cela nous conduit à examiner cet aspect du monde formel qu'on nomme l'apparence. Presque toutes les créatures vivantes sont les dupes du monde apparent car celui-ci n'est pas seulement ce qu'il est, mais encore ce qu'il paraît être et, le plus souvent, l'homme se détermine moins par ce dont les choses sont faites que par ce dont il croit qu'elles le sont. C'est toute l'explication d'un nombre infini de soi-disant miracles, qui semblent extérieurs à l'homme et qui, en réalité, ne sont que l'interprétation qu'il fait des choses et des circonstances en lui. Il lui suffit alors de changer sa propre interprétation pour changer l'idée qu'il se fait des choses et donc de changer les choses par rapport à lui.

Mais là ne se borne pas votre pouvoir. Par la pensée et par le Verbe vous pouvez changer le monde apparent en lui-même, rien qu'en manœuvrant la substance informelle qui se projette à son tour dans l'apparent.

C'est pourquoi, bien loin d'être effrayé par les manifestations de l'apparence, vous devez, par des affirmations réitérées, en changer la juxtaposition. L'apparence est semblable au jeu de cubes qui vous a servi dans votre enfance ou avec lequel joue peut-être encore votre fils. Chaque face est peinte différemment et peut, selon la position que vous lui donnez, fournir une nouvelle apparence. L'enfant dispose donc de six décors dissemblables, de six tableaux, de six assemblages de coloris. Vous remarquerez qu'il peut reconstituer défectueusement les motifs originaux et introduire la confusion dans l'harmonie, ainsi qu'il vous arrive de le faire vous-même dans votre jeu de cubes quotidien. Alors ce n'est plus la faute du fabricant de jouets, mais celle de l'enfant qui, par incompréhension ou protestation, brouille les plans primitifs et instaure, en leur lieu et place, autre chose qui est peut-être du génie et peut-être une simple aberration. Ces états sont d'ailleurs voisins et vous le constatez vous-même dans le jeu de cubes de la Vie, qui présente par rapport à l'autre cette complexité qu'il n'a pas seulement six faces mais un nombre de décors illimité.



Changez les apparences



Sachez manier les cubes et les polyèdres de l'apparence. C'est un art majeur pour la réussite et un art mineur pour la difficulté.

Ne soyez donc jamais rebuté par l'opposition des apparences et affirmez résolument contre elles et contre votre esprit logicien. Êtes-vous malade ? Songez que votre maladie est une construction de l'apparence et qu'en affirmant la santé, par l'intérêt et par le Verbe, vous mettez en branle le domaine des impondérables, ce qui modifiera les conditions apparentes du monde organique dit réel. Êtes-vous dénué? Songez que votre dénuement est un château de cartes de l'apparence et qu'en affirmant la prospérité et l'abondance vous impressionnez la matrice sans forme d'où sortent les manifestations du monde formel.

Il n'y a pas véritablement de maladie ni de dénuement, mais seulement des hommes malades et des hommes dénués, faute d'avoir compris les lois essentielles de la Vie qui dispose souverainement des apparences et les pétrit à son gré.

Plus les apparences semblent contre vos desseins, moins vous devez vous plier aux apparences et donner à celles-ci le pouvoir de vous gouverner. Plus les apparences sont décourageantes pour autrui, plus vous devez vous cramponner à ce qui, au-delà des apparences, constitue le monde vrai. C'est précisément quand toutes les apparences sont insurgées contre vous qu'il faut nier ces apparences, contre toute prudence, contre toute logique, contre tout témoignage de vos sens.

Nous savons que cela heurte le raisonnement habituel, la tradition, les idées reçues et même ce qu'on appelle la Sagesse des Nations. Mais faites votre examen de conscience et dites-nous où vous ont conduit raisonnement, tradition, proverbes, idées reçues, sinon précisément à l'impasse dans laquelle individus et peuples sont presque tous aujourd'hui. S'il vous était démontré que l'outil dont vous vous servez tous les jours pour accomplir votre travail est défectueux, qu'il dénature votre effort, qu'il gâche la matière employée, ne le changeriez-vous pas tout de suite pour un outil différent? Est-ce que le maçon conserve un niveau d'eau inexact, l'horloger une loupe fêlée, l'architecte une équerre tordue, le bureaucrate un mauvais stylo?

Dans tous ces cas les apparences sont contre vous, mais vous les changez aussitôt contre de nouvelles apparences qui vous donnent satisfaction. Il en est de même pour les événements; s'ils paraissent contre vous, changez-les comme un niveau, une loupe, une équerre, un porte-plume. Décidez en vous qu'ils sont ce que vous souhaitez. Ce n'est pas, nous le répétons, un simple travail mental, une sorte d'autosuggestion, mais la manœuvre spirituelle élémentaire qui prélude à la métamorphose et au changement.

Qu'on nous permette ici de rappeler un exemple concret de cette manœuvre. A la fin de la Première Guerre mondiale, notre ancienne collaboratrice, harassée par un surmenage de quatre années dans la direction d'un grand atelier de prothèse pour mutilés, avait presque complètement perdu la vue et les médecins la déclaraient tuberculeuse en même temps que vouée à la cécité. Cette femme énergique, alors âgée de quarante-huit ans, avait une grande idée, qui n'était pas seulement de guérir de nombreux blessés de guerre, mais aussi et surtout de faire évoluer spirituellement l'humanité. Pour cela des organes sains et une longue vie lui étaient nécessaires. Elle décida, contre toutes les apparences (corps médical, entourage, évidence même), qu'elle y voyait parfaitement. Elle nia la déficience de ses poumons et de ses yeux, affirma sa perfection en Dieu, son intégrité morale et physique. Cette entreprise eût paru insensée à qui l'eût connue et, de fait, ceux à qui elle en faisait part souriaient avec pitié. Mais une foi inébranlable habitait ce corps amoindri et ce corps était au service de cette âme. En quelques mois, une amélioration commença à se produire et les signes cliniques tendirent à s'atténuer. A mesure que les apparences se dissipaient, ma collaboratrice écartait les apparences en y substituant la réalité de sa pensée qui était la guérison. Elle fit si bien qu'elle effaça les conditions de l'état ancien et les remplaça par les conditions de l'état nouveau, celles de la santé intégrale, telle qu'elle existe hors de l'apparence organique dans le monde parfait. Dotée de poumons sains et d'une vue normale, elle entreprit, et j'entrepris avec elle, une tâche paradoxale qui devait aboutir à la diffusion de ses idées dans une société d'incroyants. Elle a regagné l'Amérique depuis lors et mourut, âgée de près de quatre-vingts ans, faisant preuve encore d'une activité extraordinaire. Elle constitue la preuve absolue que le physique peut être réformé par le spirituel.



Verbe et pensée pétrissent la forme


A propos du Verbe et de son pouvoir, nous disions, dans l'ouvrage déjà cité: « Articuler nettement et intelligemment, telle est une des conditions fondamentales du pouvoir créateur du Verbe.

« Le mot réalisateur ne saurait véhiculer l'idée conceptrice s'il est pauvre, hésitant, boiteux ou confus. Le Créateur initial ne bredouillait pas et la Création ne devait pas être bégayée. Il y eut pourtant des " ratés ", ne fut-ce que dans la création de l'homme dont, à maintes reprises, le Créateur se repentit. Il faut donc mettre tous les atouts dans son jeu et, dans l'impossibilité d'une expression parfaite, approcher d'aussi près que possible une bonne élocution. »

La bonne élocution suppose une excellente prononciation, c'est-à-dire l'articulation correcte de toutes les syllabes de chaque mot et de tous les mots dans chaque phrase. C'est qu'en effet le propre de l'articulation est de modifier le son animal inarticulé pour en faire un agent de compréhension. L'articulation introduit l'idée dans le son et lui infuse la vie supérieure hors de laquelle le mot et la phrase elle-même sont sans vertu. (voir mon livre apprenez à bien parler)

Une bonne affirmation réalisée avec une bonne articulation constitue l'agent idéal de l'impression de la pensée dans la substance réfléchissante du monde inapparent.


Nous disions encore: « La pensée est l'énergie immatérielle intelligente que le Verbe transporte dans la matière pour y créer sa représentation. Tout est représentation, donc délégation de la pensée. Mais un verbe sans pensée est privé de sa puissance créatrice, de même qu'une pensée sans verbe est privée de son pouvoir d'expression. »

Mais nous donnions aussi (et le réitérons) ce conseil de prudence : «Vous avez la responsabilité de ce que vous avez créé. C'est pourquoi vous devez penser avec circonspection et sagesse de peur de troubler l'équilibre général. Toute création nouvelle par le Verbe s'impose nécessairement à ce qui était déjà et doit y trouver sa place. Il convient de ne pas léser le libre arbitre d'autrui. Aussi l'affirmateur par le Verbe a-t-il intérêt à créer des états plutôt que des objets. La recherche de la concorde et de la santé par exemple n'est préjudiciable à personne. On ne prend pas la paix de l'un pour la donner à l'autre; on ne vole pas la santé à celui-ci pour la donner à celui-là. L'affirmateur de paix puise la paix dans la paix universelle, qui est sans bornes et ne peut être épuisée par les pacifiques du monde entier. La paix est, comme l'amour, l'harmonie, l'intelligence, etc., une richesse divine qui croît à mesure qu'on l'utilise et grandit par l'usage qu'on en fait. »



Rétention de pensée



C'est dans le but de fortifier la valeur affirmative de la pensée que nous avons suggéré plus haut à ceux chez qui les idées tourbillonnent en désordre de faire quelques tentatives en vue de les policer.

L'un des meilleurs exercices est, à notre sens, celui de la non-formation de pensées qui consiste à faire le vide dans sa pensée durant un temps assez court. Pendant une minute environ, matin et soir, on peut s'efforcer de repousser toute représentation, toute image, tout souvenir, tout rappel. Cela paraît difficile à qui ne l'a jamais tenté mais, en réalité, quelques séances suffisent à montrer la possibilité de rester soixante secondes dans un état mental passif où n'est admis aucun cliché.

Il ne serait pas souhaitable que cette jachère imaginative se prolongeât exagérément car elle aboutirait à un état d'inertie intellectuelle. Aussi nous ne le conseillons que comme un essai de relaxation de la pensée destiné à libérer le cerveau de toute image inutile avant l'admission de l'idée constructive, qu'il importe de renforcer.

On peut meubler un instant de non-formation de pensée par la répétition d'une phrase mentale monotone telle que : « Je ne pense pas ... Je ne pense plus ... » Mais au sortir de cette relaxation, l'idée-force doit s'imposer, avant tout autre, comme idée unique, de manière à prendre un grand relief.


Pour nous résumer, la projection de la pensée dans l'informel, destinée à provoquer sa manifestation dans la forme, gagne en intensité si, entre deux émissions, on laisse reposer sa pensée, comme le boxeur laisse reposer sa musculature entre deux rounds.

La pensée humaine n'a sans doute ni le même souffle, ni la même puissance que celle du Créateur, mais les réalisations qu'elle poursuit ne sont pas de la même taille. Aussi, pratiquement, obtient-elle dans son domaine limité, des résultats identiques à ceux du Créateur dans son domaine illimité.

Dès qu'on s'avise de ce pouvoir, toute la vie est changée.





































CHAPITRE VIII



La loi de l'évolution



La création de l'univers phénoménal est la manifestation de la Pensée initiale et la réalisation du Verbe premier.

A l'origine existait, non pas le néant, mais le chaos et toutes choses étaient confondues. Nul ne sait pourquoi le Démiurge entreprit la création du monde visible. On s'accorde généralement à croire qu'il le fit pour évoluer lui-même en se réfléchissant. Quel que soit le motif divin de création de la matière apparente, une seule chose compte à nos yeux : c'est que cette matière et cette apparence résultent de la Pensée du Créateur.

Donc tout ce qui a été créé par la Pensée Divine peut être modifié par la même Pensée. Et puisque cette Pensée a créé l'homme à son image, l'homme est aussi doué du pouvoir de créer et de modifier.

De fait, depuis la création du monde, l'homme n'a cessé d'émettre sa pensée et de créer de nouvelles conditions de vie, grâce à quoi il est le transformateur et l'adaptateur du monde superficiel. Tout ce qui a fait de l'homme l'animal le plus évolué et le régisseur incontesté de la surface terrestre est le fruit de ses idées, accumulées au cours des générations .



La civilisation est fille de l'idée



- Idée de l'homme le premier outil, la première bêche, la première hache, le premier hameçon, le premier soc.
- Idée de l'homme la roue, l'hélice, le chariot, le navire, la vapeur, le téléphone, l'électricité.
- Idée de l'homme l'architecture, la culture, la religion, la science, la philosophie, les mathématiques.
Idée de l'homme la dynamite, l'avion, la rupture de l'atome, la relativité.

Nombreux ont été les hommes qui, depuis l'âge de pierre, ont émis l'Idée, façonné l'Idée et amené celle-ci à la réalisation. Innombrables ont été les hommes qui, dans la même somme de millénaires, ont été incapables d'émettre une idée ou l'ayant, de la conduire à sa manifestation. S'il n'y avait eu que ceux-ci, l'humanité serait encore au stade des cavernes et l'on peut dire que la société organisée n'est l'œuvre que des penseurs.

Malgré ses imperfections, la société humaine d'aujourd'hui présente une supériorité évidente sur les tribus errantes de l'âge des mammouths. Ses qualités comme ses défauts sont des enfants de l'Idée, selon que celle-ci a été bien ou mal conçue ou réalisée dans de bonnes ou de mauvaises fins.



Idée et loi d'évolution du monde


Ce qui presse, par conséquent, c'est que, de plus en plus, l'usage des idées ne soit laissé qu'aux plus évolués des hommes. Sans doute on ne peut empêcher les méchants, quand ils s'en avisent, d'usurper la puissance de l'Idée et de s'en servir dans des buts égoïstes et faux. Mais tôt ou tard (et maintenant de plus en plus tôt, à cause de l'évolution qui se précipite), les mauvais utilisateurs de l'Idée voient celle-ci se retourner contre eux avec la soudaineté inattendue du boomerang. L'histoire fourmille d'exemples précis et les temps contemporains sont pleins de ces chutes soudaines de grands mais néfastes idéateurs.

Hitler et Mussolini, nous l'avons vu, sont le modèle récent d'hommes portés par leur idée à une hauteur telle que cette élévation foudroyante fit illusion. Il est rare que ces sortes d'ascensions ne soient pas suivies de chutes retentissantes, parce que la nature même de l'idée utilisée était contraire à l'évolution. Celle-ci a adopté, à la fin du dernier siècle et plus particulièrement au cours de ce siècle-ci, un rythme tel et une cadence si rapide que les événements apparents se déroulent à une allure vertigineuse et sur toute l'étendue du globe en même temps. Pour comble, les moyens d'information humaine se sont multipliés et agrandis de telle façon que tout se sait instantanément d'un bout à l'autre de la planète, en sorte que la psychologie de l'homme en est transformée et acquiert une étonnante réceptivité.

Se servir de l'Idée pour des desseins idéaux est donc spécialement indiqué aux hommes de devoir qui pensent et entendent projeter leur pensée dans le sens évolutif. Jamais, par conséquent, opportunité ne fut si grande d'influencer la marche générale de l'humanité. Ceux qui croient pouvoir le faire par des moyens matériels et en l'absence de toute idée véritable, que ce soit par des associations, des conférences, par la politique, par la philosophie et même par l'art, n'aboutiront qu'aux résultats les plus incohérents parce qu'ils n'iront pas jusqu'au fond des choses, qui est de nature invisible et tient lieu de socle au faux réel. Ceux qui, au contraire, émettront des idées spirituelles à travers le monde et tenteront de réformer l'esprit de ce monde par une attitude correcte de leur propre esprit, se trouveront d'accord avec la loi profonde d'évolution qui régit les êtres, les événements et les choses. Leur œuvre sera durable et leurs constructions resteront.

On peut se demander qui dirige l'évolution. N'en doutons pas: c'est le Démiurge. Quel que soit le nom que les hommes lui donnent, dans toutes les religions, toutes les philosophies et toutes les langues, ce Je-ne-sais-quoi d'insaisissable et d'incompréhensible, qui est en même temps Amour et Vie, cherche inlassablement à mouvoir le monde en direction de l'Esprit.

De plus avisés que nous ont appelé l'Évolution la grande aventure dont le Meneur de jeu fait partie, comme nous, en la gouvernant. On ne peut pas dire qu'il en soit le maître absolu, mais il y applique des moyens très grands et une Intelligence supérieure auprès desquels nos moyens et notre intelligence semblent ridiculement petits. Cependant, nos possibilités humaines ne sont pas aussi misérables qu'elles le paraissent, sans quoi l'Invisible Ordonnateur ne solliciterait pas notre aide pour l'accomplissement de ses vastes desseins. Si le Démiurge a créé l'homme c'est qu'il avait besoin de multiplier sa Grande Idée en la réfléchissant dans des milliards d'idées humaines d'où elle reviendrait encore plus intense à Lui.

Nous y prêter est donc de l'intérêt du Divin comme du nôtre propre, car il s'agit pour nous de savoir si nous devons aider l'évolution ou la contrarier, autrement dit de comprendre si nous devons nous offrir à son flot tumultueux de flanc ou en poupe. Dans le dernier cas, nous montons sur la vague et celle-ci nous porte ; dans le premier cas, nous sommes culbutés et brisés. Notre idée ne peut être valable et digne d'être portée que si elle est rigoureusement dans le sens évolutif. Sinon l'effrayante puissance que l'évolution contient en elle, et qui, par instant, semble déborder le Créateur lui-même, nous balaie impitoyablement.

Notre éminent correspondant spirituel, M. F. C. H., nous écrivait ces lignes émouvantes: « il n'y a pas de lois permanentes mais une grande aventure dont chacun de nous est activement partie prenante, un peu comme chaque globule de notre sang est partie prenante de l'aventure de notre corps physique.

« J'ai fait sur mer de longues traversées et je me rappelle comment parfois quelque passagère en détresse suppliait le capitaine d'arrêter un peu le navire pour goûter la stabilité !... Nous faisons tous une longue traversée à l'aventure et il n'est pas de fixité possible. C'est là l'illusion à dissiper. Et c'est l'Association en mouvement avec l'Invisible qui nous rend la paix.»












Respectez l'axe de l'évolution



Et voilà le grand mot lâché. Nous ne pouvons être des penseurs efficients qu'en association avec la Pensée efficace. Il s'agit d'établir la résonance, comme disent les musiciens, ou la syntonie, comme disent les radiesthésistes, entre le Grand Penseur et le petit penseur.

Si vous pensez seulement en tant qu'homme, avec votre cerveau de chair et votre esprit particulariste, vous ne pouvez obtenir de résultats qu'à votre taille et sans commune mesure avec les exigences de l'évolution.

Si vous agissez indépendamment de celle-ci et sans vous soucier d'elle, fatalement vous vous trouverez un jour ou l'autre en travers de son axe et vous serez brisé comme un fétu. Car il importe de bien comprendre que l'évolution emploie tout, le mauvais comme le bon, car rien n'est bon ni mauvais pour elle. Elle utilise tout ce. qui l'aide et se débarrasse de tout ce qui lui fait obstacle sans la moindre considération de sentiment.

C'est ce qui explique pourquoi l'évolution se sert indifféremment de Confucius et de Tamerlan, de César et de Mahomet, de Jésus et de Tibère, de Cromwell et de Vincent de Paul, de Lénine et de Gandhi. Les uns et les autres justifient l'évolution, soit en détruisant, soit en construisant, soit en semant l'amour, soit en semant la haine. Les défrichements nécessitent la hache et la dynamite avant que les champs nécessitent les semailles et l'engrais. Mais l'usage des procédés violents est essentiellement transitoire; aussi l'évolution les écarte-t-elle dès que le besoin ne s'en fait plus sentir. Elle le fait avec une soudaineté et une brutalité qui sont bien dans sa manière et qui stupéfient les hommes à courte vue que nous sommes, parce que nous ne voyons pas plus loin que le bout de notre nez.

Lénine, Trotsky, Mussolini, Hitler, Roosevelt, Gandhi, etc., autant de pièces majeures que l'évolution a manœuvrées sur l'échiquier du monde moderne tant qu'ils lui ont paru la servir. Autant de pièces hors de jeu que l'évolution a froidement chassée de sa route et rayée de la carte de l'univers apparent. D'autres sont demeurées dont les noms sont dans toutes les bouches et leur maintien serait inexplicable s'ils ne concouraient malgré eux au vaste labour . Tels conducteurs d'hommes croient agir de leur propre chef et c'est l'évolution qui les mène. Bien souvent celle-ci les dirige contre leur gré. Ils croient lutter contre les hommes et les circonstances et non contre la poutre maîtresse du monde. Encore un peu et, dès la fin de leur rôle, l'évolution les rejettera hors de la scène comme des pantins disloqués.







L'unité de pensée



Mais leur idée survit, s'ils ont eu une forte idée. Ni la croix du Calvaire, ni le revolver nationaliste n'ont affaibli l'Idée de Jésus et celle de Gandhi.

Pas davantage l'idée de Karl Marx, réchauffée et alimentée par Lénine, n'est serve du cadavre embaumé de celui-ci. L'évolution conduit les hommes de ce temps vers des formules collectives dont les totalitarismes grandissants sont la péremptoire démonstration. En réalité, le Démiurge qui oriente l'énorme courant vise un but définitif et grandiose, qui est celui de l'Unité. Pour cela, il faut que l'humanité cesse d'être une vue abstraite, la conception d'intérêts, communs en théorie, mais pratiquement séparés. Tout démontre que l'univers humain s'achemine vers l'unification.

On ne saurait mieux comparer le travail en cours qu'à celui d'un moulin à café ou à céréales dont le réservoir en cône renversé aboutit fatalement au grugeoir . Tels grains y passeront les premiers ; tels autres, après avoir été entamés, remonteront à la surface, mais tous intégralement, finiront en poudre dans le tiroir. Ainsi broie et affine la meule de l'évolution jusqu'à obtention d'une poussière anonyme dont la valeur alimentaire sera faite du broyage maximum.

L'intérêt du grain de blé ou du grain de café n'est pas d'essayer de fuir les parois du cône. Celles-ci sont lisses et inexorables et la pesanteur s'exerce de haut en bas. Son intérêt, comme son devoir, est de devenir une nourriture, un aliment essentiel.

D'où cette nécessité de ne pas se rebeller contre la Main invisible qui sait sur quoi elle nous dirige et tourne la manivelle du moulin. L'homme n'aperçoit que l'instant fragmentaire de l'opération où il n'est pas juge, mais partie. Le Divin, qui est le Tout, voit l'ensemble de l'opération et peut seul en juger les résultats.

Penser avec le Grand Penseur, c'est-à-dire en même temps que lui, dans le même sens que lui, en parfaite synchronicité, c'est ne jamais risquer d'être en contradiction avec la Loi. Quand l'homme a décidé de penser ainsi, tout est succès pour lui. Ses moindres initiatives dans la direction suivie par le Divin sont harmonisées et amplifiées. Leur efficacité est portée au maximum. Mais quand l'homme, insoucieux de la direction où souffle l'Esprit, n'en fait qu'à sa tête et pense en contradiction avec la Tempête spirituelle, celle-ci l'opprime, ·le terrasse, le tord et l'anéantit.







Le désintéressement



Quel est, dira-t-on, le sens véritable de l'évolution? Et comment pouvons-nous savoir que nous sommes bien dans le vent de l'Esprit et non dans la direction opposée ?

C'est là qu'il s'agit pour le penseur avisé d'être adroit et compréhensif. Quand on veut être sûr de naviguer dans les eaux de l'Esprit et de suivre le grand courant du monde, il faut d'abord s'associer avec la Pensée Directrice Intelligente qui souffle là où elle veut.

Pour cela, un acte intérieur d'adhésion est nécessaire. Vous devez prendre un engagement solennel d'alliance avec l'Esprit conducteur. Cette alliance, nous ne vous le cachons pas, doit être désintéressée. Si vous voulez être admis comme partenaire de l'Invisible, il est indispensable que vous vous purgiez de tout égoïsme et que vous vous consacriez délibérément au bien universel.

Nous vous recommandons d'être bien circonspect lorsque vous prenez cet engagement, car une fois contracté et accepté par le Divin, il vous oblige pour la vie. Dès lors il vous sera beaucoup demandé, mais aussi il vous sera beaucoup donné. En somme, en vous engageant, vous prenez la résolution de faire les affaires de votre Partenaire Inconnu, qui sont grandes et à longue portée, et non les vôtres qui sont petites et à brève échéance, donc non essentielles à la marche de l'univers. Mais, par un processus singulier, dont nous sommes garant pour l'avoir expérimenté avec beaucoup d'autres hommes, pendant que vous faites les affaires de l'Esprit, l'Esprit s'occupe de vos affaires personnelles, même matérielles et ce avec une merveilleuse intelligence et une infinie bonté.



Le jeu passionnant de la vie



Réfléchissez cependant avant de vous relier au grand courant. Celui-ci est bien supérieur à des millions de volts et on ne s'en détache pas sans souffrances ni sans y laisser une partie de sa chair. Mais qu'est-il besoin de vous inciter à demeurer noué à l'Invisible? Vous goûterez à son contact de si grandes joies et vous serez investi d'une telle efficacité que vous regretterez de ne pas vous être enchaîné plus tôt.

Une fois scellée votre alliance avec l'Esprit, toutes lumières vous seront données, soit sous forme de voix intérieure, soit par le canal de l'intuition. Il vous suffira de vous mettre en position de réceptivité, c'est-à-dire en état de grâce et d'écouter attentivement ce qui vous sera dit. L'Esprit a mille façons de s'adresser à vous et de se faire comprendre. Tantôt ce sera en vous-même, tantôt par l'entremise d'un tiers. Telle circonstance surviendra qui sera pour vous riche d'indication. Tel échec vous incitera à changer de direction ou même à revenir en arrière. C'est l'ensemble de cette tactique passionnante que nous avons expliquée et commentée dans le Jeu passionnant de la Vie, et qui donne à l'existence en même temps que son efficacité, son véritable sens.



Demandez la lumière et vous l'aurez



L'idée jouera en vous le rôle primordial, parce qu'elle sera génératrice de l'acte. Vous n'accueillerez et n'élèverez que des idées dignes de votre Partenaire et susceptibles de concourir au bien général.

Vous serez aidé, bien plus que vous ne pouvez le supposer car, à compter du moment où vous vous serez donné au Divin Penseur, celui-ci fécondera vos pensées et vos initiatives et en hâtera l'accomplissement.

Votre petite pensée ne sera plus petite lorsqu'elle sera portée par la Grande Pensée. Vous serez comme une énergie accrue, survoltée, dont on centuple le pouvoir. C'est ainsi que vous obtiendrez des résultats hors de proportion avec vos facultés intellectuelles, car l'Aide Divine n'est nullement réservée aux spécialistes du mental. Bien au contraire, c'est chez l'intellectuel réputé comme ayant un afflux d'idées, que ces idées sont les plus confuses et privées d'efficacité. Un cerveau plein - et c'est le cas de presque tous ceux qui sortent des Facultés et des Écoles - a beaucoup plus de peine qu'un autre à concevoir une pensée originale et à l'isoler. Ceux d'entre les intellectuels qui y parviennent, au moyen d'une haute discipline, ont un grand mérite à passer du désordre idéatif à la simplicité. Ce sont les simples, les humbles, les modestes, ceux que, bien souvent, les intellectuels tiennent pour des médiocres, qui ont le maximum de chances de trouver l'idée féconde et, dans le silence de leur pensée, de la réaliser.

Soyez donc plein de confiance et d'espoir, vous qui jusqu'à présent avez cru que votre milieu ou votre formation vous mettaient en état d'infériorité par rapport aux classes dites privilégiées. Vos possibilités sont grandes et intactes. Vous pouvez les multiplier par l'aide de l'Esprit. Demandez la lumière et celle-ci vous sera donnée. Demandez la force et vous l'aurez. Croyez à la manifestation et la manifestation suivra votre pensée, si vous avez l'intérêt, la persévérance et la foi.






CHAPITRE IX


La pensée créatrice



Les contes des Mille et Une Nuits parlent de la lampe magique, tombée par hasard entre les mains d'Aladin. Il ne faut voir dans cet apologue que le symbole de la pensée, qui ouvre, à même le sol de la vie, des palais immenses et des jardins enchantés. Un simple coup de pouce suffit au héros oriental pour faire apparaître des Génies qui se mettent instantanément à ses ordres et lui apportent ce qu'il peut désirer. Il n'est pas plus difficile aux formes de la pensée d'incarner vos idées dans la matière et de les rendre sensibles à vos yeux.



L'élévation spirituelle de vos pensées



Ce sont des territoires inconnus que vous révélera la lampe de la pensée chaque fois que vous ferez appel à son aide, car son empire s'étend partout. Il n'est même pas limité par ce que vos sens peuvent embrasser et qui n'est qu'une faible partie du véritable monde. Une seconde lui suffit pour se transformer en « tapis volant ». Ce mode de locomotion idéal est toujours prêt en vous-même. Un simple désir mental et l'enchantement est à votre disposition. N'est-il pas curieux de penser que tous les hommes (et naturellement toutes les femmes) sont détenteurs de ce miraculeux véhicule et ne savent pas s'en servir? Le tapis volant n'est pour eux qu'une descente de lit et, leur vie durant, ils marcheront sur ses franges sans se douter que celles-ci étaient prêtes à s'agiter comme des ailes et à les transporter en plein ciel.

Ceux qui ont eu l'intelligence d'utiliser leur tapis volant intérieur pour la destination qui est la sienne, ont bondi hors du monde phénoménal pour le dominer. Ce n'est qu'à partir d'une certaine hauteur que le relief du sol, y compris les montagnes les plus élevées, n'est plus qu'une carte géographique où tout est également plat et artificiel. Car, nous vous le demandons, existe-t-il quelque chose de plus vide et de plus irréel comme représentation qu'une carte de géographie? Ne tire-t-elle pas sa valeur uniquement de la pensée, qui y met les routes et les villes, les fleuves et les forêts, les terres et les mers? Or votre existence formelle n'est pas autre chose que cela et ce que vous prenez pour son relief n'a de consistance que pour la pensée qui rampe mais n'en a aucune pour la pensée qui vole dans les hauteurs.
Apprenez à concentrer vos pensées



La pensée peut aussi être considérée comme une lanterne magique, jouet merveilleux de votre enfance détrôné par le cinéma. Avant que la pensée humaine ait été asservie au mouvement et obnubilée par la frénésie de la vitesse, elle était encore capable de se mouvoir par elle-même et de sortir du domaine passif.

La lanterne magique suppose un foyer lumineux dirigé dans une direction donnée. Si on interpose entre lui et une paroi blanche un écran transparent coloré, les images de cet écran s'impriment agrandies sur la surface du mur destiné à la projection. Mais retenez bien ceci : la lumière centrale doit être condensée, puis projetée dans une direction unique et non dans deux ou trois directions. L'image interposée doit être nette et, autant que possible, de couleurs vives. Enfin, et ceci est capital, la surface réfléchie doit être vierge de toute préalable impression.

N'y a-t-il pas là une démonstration matérielle de la projection de l'Idée? Celle-ci doit être unique, expressive, haute en couleur. Le foyer central de votre intelligence et de votre imagination doit être extra-lumineux. Son faisceau ne doit pas être dispersé mais condensé sur l'idée unique. Enfin la projection ne peut se faire que sur une matière immaculée, celle de la substance originelle pensante, sans cesse impressionnée par mille images et sans cesse vierge après chaque impression.

Vous pouvez projeter pendant des heures des images successives sur un drap blanc et celui-ci peut, tour à tour, ruisseler des couleurs les plus différentes sans perdre sa virginité foncière, en dépit des formes dont il a été revêtu. De même, la matrice du plasma originel est toujours sans maculature en dépit des images de la pensée universelle qui s'y impriment sans arrêt.

Mais, à la différence de ce qui se passe sur l'écran de la lanterne magique et du cinéma où il ne reste rien de la projection qu'un souvenir qui, peu à peu, s'efface dans les âmes, ce que la substance invisible réfléchit dans la forme acquiert, si l'imagination a été assez intense, des caractères formels. C'est tout le procédé de la création qui est évoqué avec sa puissance d'expression et ses rebondissements dans l'apparence. La lanterne magique crée des formes qui s'évanouissent très vite alors que la pensée crée des formes qui peuvent durer très longtemps.

Ce qu'il faut retenir de la lampe magique c'est l'intensification et l'individualisation de son foyer lumineux, dardé comme celui d'une lanterne sourde et qui, laissant dans l'ombre tout ce qui n'est pas l'objectif visé, accroît l'intensité et la netteté de la projection sur un point choisi.

Tout dépend, en effet, de l'obscurité que la volonté a faite en soi et autour de soi, de manière que le faisceau de l'idée soit concentré comme la flamme d'un chalumeau.

Habituez-vous à régler et à démasquer la lanterne sourde de votre pensée.

On peut encore user d'une comparaison tirée de la radio. Tout auditeur de celle-ci a pu constater que l'écoute est fréquemment gênée, soit par des émissions voisines qui interfèrent avec celle qu'ils ont choisie, soit par des parasites atmosphériques ou industriels.

Toutefois l'audition n'est vraiment troublée et même rendue impossible que si vous vous tenez sur l'émission d'un poste de faible puissance ou très lointain. Dans ce cas, son onde n'a pas la force de dominer les ondes parasites et ce sont celles-ci, au contraire, qui la dominent et en altèrent la pureté.

Par contre, si vous vous placez sur un poste puissant ou rapproché, l'onde de celui-ci balaie tous les parasites et ne permet à aucune émission plus faible de subsister même dans ses environs.

Là aussi tout est dans la condensation de l'onde sonore. Vous le constatez aisément par l' œil magique qui vous guide vers la concentration maximale. C'est quand la fente d'ombre est réduite au minimum, comme la pupille verticale du chat en plein soleil, que la réception est au comble de sa netteté et de sa force. A ce stade réceptif, aucune émission et aucun parasite d'intensité moindre ne parviennent au champ auditif.

Les mécanismes de l'émission et de la réception sont en vous. L'homme est un émetteur-récepteur perfectionné construit depuis les origines du monde et qui fonctionnait des milliers d'années avant la découverte de la radio.



Sauvegardez l'autonomie de vos pensées



Doit-on dire que ce qu'on appelle le progrès et la civilisation ont favorisé la multiplication et l'efficacité des émetteurs de la pensée? Nous ne le croyons pas et estimons, au contraire, que l'intense évolution matérielle de notre époque constitue la plus formidable machine à empêcher l'homme de penser.

Presse, radio, télévision, cinéma, sport, politique, etc., sont de la pensée confectionnée, autrement dit une nourriture déjà mâchée et sans vitamines spirituelles, fabriquée, en un mot, pour l'ensemble des estomacs. Un rythme croissant et toujours plus hallucinant des présentations de la Forme obnubile les consciences et, par gavage idéatif, met celles-ci dans l'impossibilité de fonctionner. La prolifération des images extérieures s'impose à l'esprit de l'homme moyen avec une ténacité et une ampleur qui ne laissent place à aucune pensée originale. L'homme moderne, gavé d'idées toutes faites, en proie à l'indigestion et à la nausée, n'a plus le moindre appétit de pensée autonome et s'en remet aux autres du soin de lui apprendre ce qu'il faut penser.



La clé du succès



Et pourtant à celui qui refuse les alcools de la pensée, les conserves d'idées, les concepts frigorifiés et autres toxiques mentaux, une occasion est offerte de penser par lui-même au lieu de s'en remettre à de médiocres penseurs du soin de penser pour lui.

Chacun de vous a de la pensée fraîche en lui, de l'idée neuve, de l'imagination personnelle. S'en aviser enfin et penser originalement est la clé, magique elle aussi, du succès.

Parmi toutes les clés rouillées qu'on vous offre et dont les unes sont ébréchées tandis que les autres sont tordues, pourquoi ne choisissez-vous pas la clé éternellement droite et brillante, précisément parce que magique, apte à pénétrer dans toutes les serrures, à ouvrir tous les tiroirs, à entrebâiller tous les huis?

Clé d'or, clé de diamant, clé universelle des portes invisibles, et que semble manier pour vous un archange introducteur! Clé inoxydable, imperdable qui tourne avec aisance dans les problèmes les plus compliqués! Clé enchantée, clé invisible qui résout psychiquement tous les problèmes du formel! Clé immatérielle, rossignol des chambres fortes de l'esprit et qui, par effraction nouménale, déverrouille les secrets du monde phénoménal!



L'harmonie avec la création



Il est des apprentis sorciers qui, avant d'avoir compris les enseignements de leur maître, veulent expérimenter tout seuls et sans contrôle le formulaire surnaturel. Ce faisant ils agissent inconsidérément, pour la satisfaction de vues égoïstes, par légèreté et par amusement.

Pauvres instruments puérils des forces élémentaires ! Ce qu'ils déchaînent les dépasse et les emportent irrémédiablement. Aucun d'eux ne s'est assuré d'une protection efficace et celle-ci ne peut naître que d'une alliance avec le Grand Initié. Toute puissance hors de Dieu est d'avance condamnée parce que, inévitablement, un jour ou l'autre, votre action se mettra en travers de ses desseins. Vous ne supposez pas que Dieu va arrêter la marche des astres pour vous permettre de cuire votre œuf à la coque ni qu'il réglera l'horloge du monde à votre montre-bracelet.

Force vous est donc de vous adapter idéalement, et par alliance consentie, à la Puissance Intelligente sans laquelle vous êtes désarmé. Vous ne pouvez participer impunément au pouvoir caché qu'en harmonie avec lui et par délégation de la Haute-Pensée. Alors, dans votre domaine humain, l'impossible vous est permis. L'enchantement est licite, le miracle habituel. Vous vous mouvez aisément à la limite de deux mondes. Vous n'êtes plus un apprenti à la tête folle mais un ouvrier du Grand Architecte, prudent et obéissant.

Nous ne faisons pas au lecteur l'injure de le supposer dupe des comparaisons précédentes. Nous n'avons employé ces images que pour mieux frapper son esprit. Il n'y a pas la moindre magie dans tout cela, autrement dit pas de contrainte des lois naturelles, mais, au contraire, une entente profonde avec les choses et les êtres sous l'œil bienveillant du Créateur.

Ce qui a perdu tant de chercheurs dont certains eussent pu prétendre aux plus hautes réalisations alors qu'ils ont abouti aux pires, c'est la malice et l'orgueil qui les ont conduits à se passer de Dieu. Ils se sont cru seuls, comme l'Ange Premier, qui s'isola dans sa lumière, sans se douter que, hors de la Présence tutélaire, les ténèbres l'entouraient de toutes parts.

Nul homme n'est seul. Ou il est avec Dieu, blotti dans sa suprême Pensée, ou il est avec les puissances obscures de l'instinct. Sa vie est un mur abrupt, une paroi singulièrement déclive où il n'y a que deux issues : descendre ou monter. Monter semble parfois le plus dur et pourtant c'est le seul chemin de la cime. Descendre apparaît comme le plus simple et c'est le plus périlleux. Mais quelque chose tire l'ascensionniste vers le haut, le propulse de vire en cheminée, en dépit des semelles plombées de la pesanteur. Vers le bas, on ne peut se laisser aller au hasard des surplombs et des crevasses. La moindre glissade est funeste et dégénère brusquement. Là-haut on sait vers quoi l'on va, le but est au-dessus de la tête. En bas, c'est la descente aveugle et l'abîme sous les pieds.



Les anciennes conceptions «magiques»



L'Idée bien conduite et en accord avec la Pensée Divine est la baguette magique qui constituait naguère le monopole des enchanteurs.

Ce n'est pas en vain que chez tous les peuples, depuis ceux des anciennes civilisations jusqu'aux féodaux du Moyen Age, dans les tribus les plus ignorantes de l'Afrique noire comme dans les lamaseries du Tibet, on a admis les procédés d'enchantement et ceux du maniement des forces naturelles par collaboration des esprits cachés.

Cette floraison du merveilleux qui a suscité les génies et les fées, les asuras et les devas, les elfes et les djinns, les farfadets et les lutins, n'est rien d'autre qu'une représentation élémentaire des ressorts cachés de l'univers, que l'Antiquité personnifiait au moyen des nymphes, celles des montagnes, des plaines, des eaux et des bois.

Personne, hors de son imagination, n'a vu réellement les fées. On ne peut identifier objectivement ce qui est purement subjectif. Mais cette allégorisation poétique, ce symbolisme vulgaire, s'appliquaient au monde des pensées qui pullulent dans le secret.

Sous le couvert des mythes populaires et religieux, la Pensée est, en effet, cet autre monde qui double invisiblement celui où nous cantonnent nos sens. Quelques hommes, dits clairvoyants, ont des vues partielles et précaires sur cette doublure mystérieuse de l'univers. Or il n'est pas indispensable d'être clairvoyant pour s'établir dans le domaine de l'Idée. Vous y êtes déjà, sans vous en douter par la partie la plus subtile de vous-même et il dépend uniquement de vous que vous puissiez vous y mouvoir.

Faute de mieux, nous supposerons que les atomes du monde invisible s'appellent impondérables. Ceux-ci seraient à l'atome, par exemple, ce que l'atome est au Gaurizankar. Pour gouverner les atomes, il faut gouverner les impondérables. Et c'est tout le processus de l'enchantement dont le mécanisme réel vous importe peu. Vous utilisez volontiers une auto sans connaître la mécanique, le téléphone sans avoir suivi l'école des postes et le courant électrique sans être ingénieur électricien. Servez-vous de votre pensée avec simplicité pour manier les impondérables et juxtaposer les apparences selon des concepts harmonieux.

N'oubliez pas que votre pensée d'homme matériel peut seule pénétrer dans le royaume des pensées vivantes et seule influencer le domaine de Vie d'où les formes sortent nécessairement. Un esprit scientifique trouverait aisément une formule satisfaisante. Il dirait par exemple : « La pensée-vibration agit sur les vibrations qui ne sont autre chose que de l'énergie. Cette énergie est elle-même la substance invisible de l'électron, partie de l'atome, lequel est le constituant de la matière dont la juxtaposition réalise le monde formel. »
En réalité, les choses ne sont pas aussi simples que cela, et pourtant, en langage divin, tout le processus est la simplicité même. Mais il ne nous est pas donné d'explorer ce plan avec des cerveaux humains .



La puissance des grandes idées


Nous avons évoqué la constitution atomique de la matière comme étant le terrain le plus récent de la découverte scientifique. Il n'est pas téméraire de dire qu'il y a des atomes d'idée et que chaque atome d'idée est un monde à son tour. L'atome d'idée est aussi un petit univers en puissance. Il renferme un noyau et des particules satellites, le tout animé d'un incroyable mouvement.

On peut croire aussi que le noyau d'Idée peut être désintégré et dégager, par suite, de fabuleuses énergies. La fission d'un atome d'idée peut avoir des conséquences imprévisibles et c'est là véritablement que l'on peut parler de désintégration en chaîne des pensées, avec tout ce que cela comporte de gigantesque et de terrifiant.

L'histoire nous offre l'exemple de ces novæ de la Pensée qui, dans le bon ou le mauvais, déchirent ou refont l'humanité. Christianisme, Islamisme, Réforme, Fascisme, Communisme sont des désintégrations en chaîne de l'Idée avec des fortunes diverses et des moyens différents. La plupart de ces incendies subjectifs sont nés d'une idée unique, mise au jour par un seul homme et qui embrasèrent le monde formel.

Car il n'est rien véritablement à quoi ne puisse prétendre l'homme vêtu de ses pensées, c'est-à-dire à qui celles-ci servent de manteau, de lampe, d'arme et de bouclier.

Tout s'use, tout s'émousse sur la force d'une grande Idée et c'est la grande Idée, au contraire, qui sert de perforatrice et de bulldozer géant.



Les polarités attractives



Les pensées ,surgissent en vous de toutes parts, de l'esprit, de l'âme, du cerveau, de l'instinct.
Si vous désirez voir grand et faire œuvre noble, repoussez celles qui viennent des régions inférieures. Soyez prudent avec les idées purement cérébrales. Favorisez les idées issues de l'âme et retenez spécialement les idées jaillies de l'Esprit.

Votre caractère, votre sens du bien et du beau, votre dignité, votre amour fortifieront l'intuition première et vous éviteront les chocs entre pensées, si stériles et si démoralisants.

Vous apprendrez à mettre pensée avec pensée, pensée sur pensée, et vous vous agrandirez de toutes les pensées semblables qui flottent ou agissent dans l'univers. Non seulement vous attirerez les idées du même ordre que les vôtres, mais aussi toutes celles qui, sans avoir la même puissance, ont la même tendance et cherchent à quoi s'agréger.

Le monde des idées ressemble au monde formel. La loi de la jungle y est reine. Les plus fortes bousculent les plus faibles; les plus faibles cherchent la protection des plus fortes. Mais, si j'ose cette comparaison, leur polarité les attire ou les repousse, autrement dit les idées positives exercent une attraction sur les idées positives, les idées négatives exercent une attraction sur les idées négatives et les deux groupes se repoussent entre eux.

Penser positivement c'est faire appel à toutes les idées de même sorte, y compris la clientèle des débiles et la protection des fortes. De même aussi penser négativement, c'est-à-dire avec égoïsme, haine, envie, scepticisme, etc., c'est admettre en soi les idées de même catégorie, y compris la tourbe des médiocres et les influences dangereuses qui tendent à vous asservir.

La pensée est en quelque sorte le manche de l'outil universel à travailler le monde. Vous pouvez y adapter n'importe quel instrument. Mais si votre ambition est de faire ce que n'a fait encore nul autre homme, il vous appartient de forger vous-même un outil original.



Dans idéal, il y a idée



Songez que dans idéal, il y a idée; ce n'est pas sans raison que celle-ci est la racine de celui-là. Une simple remarque étymologique vous montre que le rôle naturel de l'idée est de servir de base à votre idéal. Que celui-ci soit dans l'axe du grand et suprême Idéal, voilà ce dont vous ne pouvez douter après ce que nous avons dit au cours des pages précédentes et si vous êtes conscient de votre alliance avec l'Esprit.

Si vous vous emplissez du Divin, il ne restera pas en vous de place pour autre chose. Votre esprit sera comme une place forte où les assauts viennent se briser.

Cela ne nécessite aucun procédé occulte, aucune posture spéciale. Nous vous avons déjà mis en garde contre les exagérations d'Extrême-Orient. Toute une littérature aujourd'hui tend à discréditer les valeurs occidentales et à exalter sans mesure les attitudes des maîtres hindous. Nous n'entendons nullement abaisser la portée morale de celles-ci ni sous-estimer leur noblesse. Nous affirmons seulement qu'elles sont impuissantes à résoudre nos problèmes occidentaux.

Bien entendu, nous nous garderons d'opposer aux penseurs extrême-orientaux nos soi-disant penseurs occidentaux dont la débilité spirituelle est frappante. Les « maîtres de la pensée» en Occident ne sont, bien souvent, pas maîtres de leurs propres pensées. Ils enseignent les autres et ne gouvernent point en eux.

Toute, ou presque toute, la pensée occidentale est à créer dans des conditions assorties aux exigences de l'évolution moderne. Par conséquent, nul besoin de concentration disciplinaire de la pensée ou d'exercices longs et rebutants. L'Occidental n'a que faire de la lévitation ou de l'autoscopie ; ce sont des tours de force sans portée réelle et qui n'émerveillent que les naïfs.

La Pensée dont notre monde a le plus urgent besoin, en Europe comme en Asie, en Afrique comme en Amérique, est celle qui résoudra les problèmes sociaux et culturels de l'humanité tout entière, y compris et avant tout ceux qui sont d'ordre économique et matériel. On a dit avec raison que la religion n'est pas pour les ventres vides. Ne cherchons pas ailleurs l'explication du communisme athée et de sa prodigieuse expansion.

Si les sages du Tibet et les prétendus initiés de Loges hypothétiques avaient la puissance de pensée qu'on leur attribue, ils exerceraient sur terre et spécialement sur l'Inde misérable une action dont on n'aperçoit, hélas! nulle part les effets. Toutes les prières des lamas et tous les samadhis bouddhiques n'empêchent pas des millions d'Asiatiques de mourir d'épidémies et de faim.

Nul usage plus noble ne peut être fait de la Grande Pensée humaine qu'en employant celle-ci à résoudre objectivement le problème de la souffrance universelle, auprès duquel tous les autres problèmes du monde sont petits.



La pensée dans la radiesthésie



Avant de terminer ce chapitre sur la vertu expresse de la pensée, qu'il nous soit permis de rappeler quelques faits démonstratifs.

La radiesthésie est une des branches de la connaissance humaine. Nous y avons consacré un assez gros ouvrage (Qu'est-ce que la radiesthésie ?) dont l'audience nous a montré que la question intéresse un vaste public. Cette étude nous a été inspirée, non par le désir de rechercher de l'eau ou des minerais (nous ne sommes pas radiesthésiste), mais uniquement par celui de constater l'influence de la pensée sur des plans particuliers.
Aussi nous n'avons pas manqué de souligner comment l'action des grands sourciers est avant tout subjective (orientation mentale de Christophe, rayon capital de l'abbé Mermet, etc.). C'est donc la pensée qui joue le premier rôle dans la découverte même matérielle, et cela jette une lumière intense sur sa projection dans le milieu phénoménal. Le prospecteur d'eau pense eau, le prospecteur de cuivre pense cuivre, le prospecteur de disparus pense disparu, etc.

Nous citons volontiers l'exemple du fameux curé suisse de Jussy qui, cherchant un jour à repérer de l'or dans une cachette inhabituelle, prit dans sa poche, en guise de témoin, une pièce d'argent. Comme on lui faisait observer que son témoin était de l'argent et non de l'or, ce qui ne pouvait permettre la syntonie, le grand abbé Mermet dit à peu près ceci qui éclaire toute notre controverse : «Qu'importe si, en moi-même, je décide que c'est de l'or ! »

Vertu admirable d'une pensée puissante et ramassée sur elle-même qui bouscule les notions acquises sur l'identité des substances et réalise mentalement la transsubstantiation des métaux! L'abbé Mermet eût pu, avec la même efficacité, dire que son témoin était de l'eau, ou du pétrole et même ne pas se servir de la moindre parcelle métallique en y substituant la seule idée de métal, de pétrole ou d'eau.

Une constatation de même ordre a été faite en matière pharmaceutique. Un radiesthésiste avait l'habitude de soulager ses migraines avec de l'antipyrine, mais celle-ci lui fatiguait l'estomac. Il eut l'idée de dormir après avoir mis sous son traversin une boîte de cachets d'antipyrine et se sentit soulagé comme s'il avait absorbé le médicament. En présence de ce succès, où l'antipyrine en cachets avait été remplacée par l'antipyrine en pensée, il s'enhardit jusqu'à substituer aux cachets un simple morceau de papier sur lequel était écrit Antipyrine et il en éprouva le même soulagement. Notre homme eût, tout aussi bien, remplacé le papier par la seule pensée mais nous devons reconnaître que la concentration de la pensée est alors grandement facilitée par un « support » matériel.

L'ingénieur des Arts et Manufactures Émile Cadet l'avait constaté aussi lorsqu'il écrivait, en 1933, dans le Bulletin des Amis de la Radiesthésie : «Le fait de penser intensément à quelqu'un ou à quelque chose provoque, chez le penseur, l'émission de radiations propres à l'être ou au corps auquel il pense ... Si je pense à du plomb, par exemple, mon organisme émet les radiations caractéristiques du plomb et le sourcier, accordé sur le métal-plomb au moyen des procédés qui lui sont habituels, éprouvera une réaction en passant entre la lumière et moi, ou entre un morceau de plomb et moi. .. S'il tourne autour de moi, il pourra déceler l'angle caractéristique du plomb »

On ne peut pas mieux dire qu'aussitôt que le penseur a pensé plomb, le plomb existe chez lui en puissance.

La conclusion de notre livre susvisé était d'ailleurs la suivante: en somme, la radiesthésie aboutit à l'action de la pensée sur la matière et à l'extériorisation consciente ou inconsciente de l'esprit. De là, il n'y a qu'un pas à la création directe de la matière et à la souveraineté directe de l'homme sur les éléments.

Tout le secret de la radiesthésie est là et il est à prévoir que ce siècle ne se terminera pas sans que la supériorité toute-puissante de l'être intérieur s'atteste sur la mécanique, dont le perfectionnement a caché les possibilités sans limites de l'homme Ignoré.








CHAPITRE X



Le pouvoir de l'idée



Il est bon de terminer par quelques exemples concrets du pouvoir de la seule idée. Mais avant d'aborder les réussites ou les demi-réussites d'hommes mus par leur idée, il n'est pas mauvais non plus de mettre en évidence ceux qui ont été victimes d'une idée devenue plus forte qu'eux.

Bien loin d'affaiblir notre démonstration, ces cas en sont la confirmation évidente. Nous avons dit déjà que le pouvoir de la pensée étant immense, il faut avoir une âme droite pour en déclencher harmonieusement les possibilités. Faute de désintéressement et de souci du bien général, le porteur d'idées, fut-il un génie, ressemble à l'enfant qui joue avec le feu. Tant que le père est là, l'enfant ne court pas de danger, mais si celui-ci est seul, la catastrophe est à craindre. Ainsi périrent dans d'obscurs ou d'illustres incendies tant d'hommes qui crurent pouvoir servir leur idée hors de Dieu ou contre lui.



Les« déréglés » de la pensée



Sans aller plus loin, l'histoire littéraire renferme des cas typiques et ce domaine est d'autant plus indiqué qu'il vit de l'exploitation et de la mise en valeur des idées par le verbe, c'est-à-dire qu'il met en œuvre les leviers essentiels.

Peu de professions exigent une discipline mentale plus stricte et une imagination plus contenue. Tout excès du corps et de l'esprit favorise le dérèglement de la pensée, sans accroître véritablement son originalité. Cependant, nombre d'écrivains ont recours à des excitants tels que l'alcool, les stupéfiants, le tabac, le café, le peyotl et autres substances nocives. Il est permis de croire que sans leurs mauvaises habitudes, Musset, Verlaine, Rimbaud eussent été quand même Rimbaud, Verlaine et Musset. Ceux-ci furent d'ailleurs victimes de l'alcool plus que de l'idée. Toutefois, l'usage des toxiques affaiblit le contrôle de l'homme et le livre presque sans défense aux démons inconnus.

Les cas ne sont pas rares non plus où le poète et le prosateur sont possédés par leur idée seule. Si cette idée est saine, elle les transporte merveilleusement. Si cette idée est morbide, elle entraîne celui qui la cultive dans les pires abîmes. Suicide et folie en sont souvent l'aboutissement.

Guy de Maupassant recherchait spécialement les sujets troublants, étranges. Il mit sa vie en accord avec ses sujets et devint fou.

Le poète Rollinat passa le plus clair de son existence à mettre en vers ses névroses. A la fin, il se mura dans la solitude de Fresselines, avec la peur de la rage et de la folie. L'une et l'autre vinrent au rendez-vous.

Gérard de Nerval se pendit. D'autres noms contemporains viennent sur nos lèvres. Il est trop tôt encore pour les citer en public.

Qui n'a entendu parler de la folie des inventeurs dont beaucoup ne peuvent survivre à l'insuccès de leur idée ? Quand celle-ci n'aboutit pas, elle brise son porteur.

On en peut dire autant de la plupart des arts. Peinture et musique ont leur martyrologe de l'idée. Presque tous les grands artistes sont plus ou moins des obsédés. Mais ceux qui travaillent sainement, avec les disciplines nécessaires, arrivent à se soustraire, ne fût-ce que par intermittence, à leur « démon » intérieur.

Les exemples n'en sont pas moins fréquents de génies dont l'idée a consumé l'enveloppe. Ainsi moururent, flambés par leur idée, Mozart à 35 ans, Raphaël à 37, Chopin à 39.

Le cas de Balzac, mort à 51 ans, est différent. La fin de ce tout-puissant génie est due à l'accumulation excessive de ses œuvres dans un temps trop court. Si le romancier de la Comédie humaine n'avait pas été pressé par ses créanciers, dus eux-mêmes au déséquilibre de sa vie, il eût produit longtemps encore avec son cerveau géant. Son œuvre n'en fournit pas moins une démonstration de l'envoûtement par la pensée. On compte par milliers les personnages burinés par Balzac et beaucoup d'entre eux reviennent dans ses divers romans. Leur auteur s'était donc à ce point familiarisé avec eux qu'ils faisaient partie de son existence quotidienne. Rastignac, Biroteau, Vautrin et cent autres lui faisaient escorte et il en déplaçait les fantômes avec lui. Créateur d'un monde à part, Balzac avait fini par s'identifier à ce monde, et c'est si vrai qu'à son chevet d'agonie, il suppliait l'entourage d'aller chercher le docteur Bianchon, l'une des créatures de sa plume, comme étant seul capable de le sauver.

D'autres hommes, dans le passé, ont dû leur avènement à leur idée mais, gâtés par la réussite, ont tout perdu, parfois sur un coup de poker. Le désastre a été précoce ou tardif, selon le moment où, après avoir chevauché l'idée, ils ont été chevauchés par elle et précipités brutalement.

Tels furent, entre autres, Alexandre, César, Cromwell, Saint-Just, Robespierre, Napoléon, Bismarck, Mussolini, Hitler, etc., qui, après avoir étonné le monde, eurent des fins brusques ou misérables, comme si le ressort secret qui tendait leur énergie et sous-tendait leurs actes s'était brisé en eux. Et de fait ce ressort était celui de l'idée qui, bandé sans mesure, avait cassé juste à la « paille» de leur égoïsme et de leur ambition.



La foi qui transfigure



Par contre, innombrables sont ceux que leur idée, bien menée, a conduits à la réussite, celle-ci étant la réalisation de leurs desseins profonds.

Exemple : les grands découvreurs du type Livingstone qui, véhiculés par leur idée, ont affronté les périls de continents inconnus. Ou ceux qui, comme Peary, furent hantés par l'idée du pôle et vainquirent les glaces, la solitude et le découragement.

Que fut le télégraphe aérien, si précieux avant la découverte de l'électricité, sinon la manifestation à grands bras de l'idée de Chappe?

Qu'est la méthode et la bibliothèque Braille en relief, qui a tiré les aveugles de leur solitude, sinon l'idée de Valentin Haüy?

D'où sortit le radium, si ce n'est de l'idée de Pierre Curie? Et qui conteste sérieusement aujourd'hui les conséquences des idées de Newton ?

D'où sont nés les immenses champs de pommes de terre qui ont sauvé l'Europe de la famine périodique? N'est-ce point de l'idée obstinée de Parmentier ?

L'œuvre énorme et géniale de Jean-Sébastien Bach est le fruit d'une constante idée, servie par des dons exceptionnels.

Le Maroc n'était rien que le champ de bataille de tribus dispersées. Lyautey y introduisit son idée et en fit un pays pacifique et opulent.

Qui franchit la Manche avec Blériot et l'Atlantique avec Lindberg ? Ce ne sont point leurs faibles et médiocres appareils, mais bien le moteur formidable de leur idée, c'est-à-dire de leur espérance et de leur foi.

L'admirable parole de Guillaume d'Orange constitue un beau programme stoïcien: «Il n'est pas indispensable d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. » Mais elle ne saurait être admise par nous comme le support de l'idée, car celle-ci doit être exclusive de tout doute et scellée dans le béton de la foi.

Tous les hommes que nous avons cités plus haut étaient pétris de foi, embrasés de foi. La foi leur sortait par tous les pores. Et non seulement la foi brûlait en eux, mais encore ils incendiaient les autres avec leur foi. Rien de plus contagieux que le doute, mais rien de plus contagieux que la foi. Quand celle-ci porte une idée mère, elle la grandit, la transfigure, en fait un bélier monstrueux. Pas une muraille de scepticisme qui ne puisse être ébranlée, puis fissurée, puis disloquée, puis effondrée sous les coups de la foi!


L'idée sans l'homme


Cependant, l'idée est si puissante par elle-même qu'elle peut cheminer toute seule et sans aide, à travers les consciences, à travers les nations, à travers les temps. Si singulier que paraisse le rapprochement, c'est le propre d'idées aussi diverses que celles qui inspirèrent l'Imitation de Jésus-Christ (dont on ignore l'auteur véritable), le Prince de Machiavel, le Capital de Karl Marx. L'idée contenue dans chacun de ces écrits a eu plus d'influence sur la société que les efforts conjugués des plus grands juristes, des plus grands docteurs, des plus grands généraux, des plus grands politiciens.

C'est cette même vertu de l'Idée, capable de cheminer sans l'homme, qui fait aussi les grandes percées quand elle chemine avec lui. Il y a parenté étroite entre l'idée de Moïse et celle de Mahomet, qui menèrent des peuples de l'Exode aux Terres Promises. Mais il n'y a pas de différence avec l'idée de renoncement à soi-même, qui conduisit Tolstoï depuis Résurrection jusqu'à la petite gare isolée où il mourut en blouse de moujik.

Nous ne voudrions pas rester sur l'évocation d'exemples illustres, qui pourraient faire croire au lecteur à l'unique vertu des cas d'exception. Pour un homme que son idée a hissé sur le pavois de la renommée, mille, dix mille hommes ont enregistré le succès de leur idée sans avoir ému les trompettes de la célébrité.

Il ne vous est pas défendu de devenir un être exceptionnel dont la biographie tiendra trois lignes du Petit Larousse. Mais il est vraisemblable que vous vous contenteriez de réussites moins spectaculaires, pourvu que vous y trouviez la satisfaction d'un noble orgueil.

Nous terminerons donc par deux exemples infiniment plus simples. Nous les connaissons l'un et l'autre pour en avoir été témoins et nous nous en portons garants.





L'idée n'oublie pas



Notre grand-père maternel était le fils d'un vigneron franc-comtois venu dans le Berry à la suite de circonstances qu'on ignore.

Il fut retiré de l'école à douze ans, sachant à peine lire et écrire, et aussitôt envoyé au bois pour y faire des fagots durant tout le jour.

A seize ans, le jeune homme, dont l'idée était de se soustraire aux besognes grossièrement manuelles, apprit tout seul le dessin et réussit à se faire embaucher par un entrepreneur. A dix-huit, il était surveillant de travaux et l'idée d'architecture était déjà dans sa tête. Mais le tirage au sort survint et, comme il était sans relations ni fortune, il dut servir pendant sept ans. La dernière année, la guerre de Crimée survint ; on l'expédia aux Dardanelles. Quand il revint, après la chute de Sébastopol, tout le monde l'avait oublié.
Mais son idée n'oubliait point.

Poussé par elle, il entra, comme piqueur, dans un des chantiers de la ligne de chemin de fer de Paris à Limoges alors en construction, dirigea de nombreuses équipes de terrassiers, puis s'installa dans une petite ville du Centre comme agent voyer.

Travailleur acharné et aimant par-dessus tout son idée, il ouvrit un petit cabinet d'architecte et commença à construire des maisons. Trente ans après, son œuvre comprenait collège, hôtel des postes, écoles, groupes scolaires, etc., sans que notre grand-père eût la moindre notion de géométrie, de trigonométrie ou de calcul de résistance des matériaux.

Dans la dernière moitié de sa vie, il fut mis, lors d'un concours pour la construction d'un groupe, en concurrence avec plusieurs architectes diplômés. Tous étaient sur pied d'égalité. Les projets étaient anonymes. Or ce fut celui du grand-père qui fut choisi.

Conclusion : rien ne permettait logiquement au petit bûcheron de devenir architecte. Mais son idée était de l'être et il le fut.



L'idéal créateur



Il y avait à Issoudun un brave homme de curé qui s'appelait le père Chevallier et que nous avons connu dans notre jeunesse. Sa paroisse ne suffisant pas à son activité, il eut une idée extraordinaire qu'il fit partager à un de ses confrères, l'abbé Piperon.


Tous deux conçurent, en effet, le projet de fonder un ordre de missionnaires dont la vocation serait d'évangéliser les tribus sauvages de l'Océanie, les Canaques anthropophages de Nouvelle-Guinée tout spécialement.

Ni l'un ni l'autre des deux prêtres ne possédaient le moindre denier, mais ils possédaient leur idée, en attendant d'en être possédés.

Ils commencèrent, à défaut de chapelle spéciale, par dresser un petit autel dans une simple grange, sur un emplacement désert de la ville, place de Vouet. La première messe fut dite devant quatre ou cinq personnes. Le nombre des fidèles s'accrut ensuite peu à peu.

On pourrait croire, devant les sarcasmes que l'entreprise suscita, même dans le monde ecclésiastique, qu'une idée aussi saugrenue ne pouvait conduire nos aspirants missionnaires au-delà de l'Australie quand ils n'avaient même pas en poche de quoi aller jusqu'à Paris.

L'idée prit corps cependant parce que c'était une noble idée où n'entrait que le désir de soustraire des âmes à la barbarie et qui excluait toute ambition de profit. Précisément pour cela les ressources vinrent en abondance. On construisit sur la même place une petite chapelle et quelques bâtiments autour.
Vingt ans après, la chapelle faisait partie d'une basilique. De vastes constructions scolaires élevaient leurs étages en bordure d'un parc. Les pèlerinages attiraient chaque année une foule immense. Externat, internat, école de missionnaires remplacèrent le culte improvisé.

Au moment où nous perdîmes l'entreprise de vue, la Congrégation des missionnaires du Sacré-Cœur était propriétaire de nombreux immeubles, à Issoudun, à Limoges, à Hambourg, etc. Une flottille de plusieurs bateaux faisait le service d'Océanie où les établissements se multipliaient.

Nous ne saurions dire ce qu'il est advenu finalement de cette prédication océanique. Tout permet de la croire florissante et nous avons entendu parler de l'influence exercée, aux îles Gilbert et autres terres environnantes, par l'un des représentants les plus qualifiés du nouvel ordre, Mgr Alain de Boismenu, évêque in partibus, que nous avons connu quand il était encore jeune diacre dans une ville du Berry.

Jamais, nous semble-t-il, il ne fut plus aisé de distinguer la valeur propre d'une idée, nourrie d'un fort lait mystique et transposée dans le monde phénoménal. Il n'y a pas d'autre baguette magique que celle de l'idée dans ce que nous venons de raconter et cependant ne dirait-on pas un véritable conte de fées?












Conclusion



A quoi bon plaider davantage une cause qui se défend d'elle-même et dont les arguments fourmillent en nous et autour de nous ?

Nous pensons que, parvenu à ce point de l'étude de la pensée, vous aussi êtes convaincu de son pouvoir sur votre existence de tous les jours.

En résumé, l'idée longuement mûrie et coordonnée en pensée, formulée ensuite dans le Verbe et proférée par lui s'imprime dans le plasma originel ou substance invisible, intelligente, qui la réfléchit dans le monde formel.
Vous devez cultiver l'Idée unique et choisir une bonne idée ; faute de quoi vous serez victime de l'idée mauvaise, tôt ou tard.

Il vous faut nourrir cette bonne Idée opiniâtrement jusqu'à ce qu'elle soit assez forte pour vous porter avec elle. Après quoi, il vous appartient de la conduire et de l'orienter.

Vous aurez fort à faire à ce moment pour ne point devenir l'esclave de votre Idée si vous prétendez agir seul et humainement sur la manifestation. Mais l'Esprit offre son concours inlassablement à qui l'appelle, et il ne dépend que de vous de vous associer au Verbe Créateur.

Créer en Dieu, c'est créer par Dieu. Créant divinement vous n'avez rien à redouter des conséquences humaines de votre pensée, parce que vous ne pensez qu'en alliance étroite avec le Démiurge Créateur.

Uni à l'Esprit Divin, il n'est rien à quoi vous ne puissiez prétendre. C'est la Pensée qui a créé la matière et c'est uniquement par la pensée que l'homme peut gouverner le monde matériel.












Table des matières


Avertissement………………………………………………..04

Chap I:L'empire mystérieux de la pensée
La pensée sans dimension ………08
A l'image du Créateur 09
La pensée humaine est extra-physique 10
La matière est une fiction … 11
Pas de frontière entre matière et esprit 12
L'univers est une grande conscience 12
Le squelette psychique 13
Le «réel» imaginaire 14
Matérialisation et vibrations de la pensée ….. .14
La matière est la prison de la pensée ………………………...15
La pensée sans forme engendre la pensée dans la forme …16
La pensée doit se conjuguer avec l'action…………………….17


Chap. II: Le peuple des pensées
L'enchaînement involontaire des idées 18
Mettez de l'ordre dans vos pensées 19
Vos pensées sont rarement de vous 20
Choisissez une discipline adaptée 20
La forme de vos pensées 21
Ne laissez personne penser à votre place . 22
Pensée individuelle et pensée collective 22
Ne pas subir mais attirer 23
Les bergers du monde invisible …………24


Chap. III: Naissance, vie et mort de l'idée
Rêver n'est pas créer…………………………………….26
Comment faire le vide de la pensée……………………27
Admission de l'idée unique 28
La faculté d'imagination 29
Développement d'une idée-mère 30
Pierre l'Ermite et les croisades .. 31
L'idée maîtresse de Jeanne d'Arc 31
Comment l'idée sépara deux continents 32
Quand l'idée se mêle de voler 32
La fission atomique 33
f) L'idée et la Compagnie de Jésus 34
6. mort, survivance et résurrection de l'idée……………34





Chap. IV : Nourriture de l'Idée
Les géniteurs désintéressés 36
Un cas d'idée brisante 37
L'œuf de Christophe Colomb 38
L'amour et l'intérêt: moteurs de l'idée 39
Chacun a sa place 40
Il Y a un chemin pour vous 41
C'est l'intérêt qui fait le bonheur 41
Attention à l'idée fixe! 42
L'imagination est fonction de l'intérêt 46
Aimez votre idée, votre idée vous aimera 46
Quand l'idée devient autonome 47
Fécondez de préférence une idée vierge 49
Mécanisme de l'idée unique 49
Le danger des idées-forces 50

Chap. V: Pensez correctement
Les chaos pensants 51
Cyclones et anticyclones subjectifs 52
Attraction et répulsion 53
La guerre des idées 54
Les forces antagonistes .54
Ascension de l'idée …………………………………….. 56

Chap. VI : Le fourmillement des pensées
Conservez le secret 57
L'engrais et le ferment de vos idées 58
Affirmez vos pensées 59
L'impression du domaine inapparent 60
Servir, le grand catalyseur 60
Les trains de pensées 61
Intensité des pensées nocturnes 62
La puissance magnétique de l'idée 63

Chap. VII : Le pouvoir de la pensée sur la matière
Où commence l'esprit, où finit la matière? 64
L'homme est un être double 65
La matrice de l'esprit 66
Pensées orphelines 67
Comment s'imprime la pensée 68
Le processus créateur ……………………………… 68
Le souffle de vie 70
L'ouverture- se produit toujours 71
Le mensonge de l'apparence 72
Changez les apparences 72
Verbe et pensée pétrissent la forme 74
Rétention de pensée 75



Chap. VIII : La loi de l'évolution
La civilisation est fille de l'idée 77
Idée et loi d'évolution du monde 78
Respectez l'axe de l'évolution 80
L'unité de pensée 81
Le désintéressement 82
Le jeu passionnant de la vie 82
Demandez la lumière et vous l'aurez 83

Chap. IX : La pensée créatrice
L'élévation spirituelle de vos pensées……………….. 84
Apprenez à concentrer vos pensées …………………85
Sauvegardez l'autonomie de vos pensées……………86
La clé du succès …………………………………….….87
L'harmonie avec la création ……………………………….87
Les anciennes conceptions «magiques» ………………..88
La puissance des grandes idées …….………………...…89
Les polarités attractives ………………………………..….90
Dans idéal, il y a idée ……..…91
La pensée dans la radiesthésie ……..…92

Chap. X : Le pouvoir de l'Idée

1.Les «déréglés» de la pensée 94
2.La foi qui transfigure …………………………. 96
3.L'idée sans l'homme …………………………. 97
4.L'idée n'oublie pas …………………….…… 98
5.L'idéal créateur …………………………. 98


Conclusion ………………………….100





Bibliographie de G.BARBARIN
TITREANNEERefEDITIONSGENREDE LA ROSE A L'ARTICHAUT 1926GB1Flammarion  poésieL'AMOUR et LA MER1926GB2Prix de la FemmeromanLE LIVRE DE L'EAU1927GB3Flammarion natureLE PERE POU1928GB4Flammarion  humourARMIE1929GB5Flammarion romanLE PRINCE VIERGE1931GB6Flammarion romanLA CLE1935GB7Bazainville / Astra spirituelJESUSA DE GUIPUZCOA1936GB8Calman-LévyromanLA VIE AGITEE DES EAUX DORMANTES1936GB9Stock natureLE SECRET DE LA GRANDE PYRAMIDE1936GB10Adyar / J'ai Lu ésotériqueLE LIVRE DE LA MORT DOUCE1937GB11Dangles spirituelQU'EST CE QUE LA RADIESTHESIE ?1937GB12 Plon ésotériqueL'INVISIBLE ET MOI1938GB13Courrier du Livre spirituelLA DANSE SUR LE VOLCAN1938GB14Adyar ésotériqueLE REGNE DE LA BETE1939GB15La Sourcerie sociétéLE REGNE DE L'AGNEAU1939GB16J.Oliven/ AGB spirituelLA SORCIERE1939GB17Calman-LevyromanDIEU EST IL MATHEMATICIEN ?1942GB18Astra ésotériqueLES CLES DE LA SANTE1942GB19Courrier du Livre spirituelLES CLES DE L'ABONDANCE1943GB20 Dangles spirituelLES CLES DU BONHEUR1943GB21Courrier du Livre spirituelL'INITIATION SENTIMENTALE1944GB22Niclaus sociétéFRANCE ,FILLE AINEE DE L'ESPRIT1945GB23J.Oliven spirituelL'ENIGME DU GRAND SPHINX1946GB24Adyar / J'ai Lu ésotériqueL'AMI DES HEURES DIFFICILES (le livre de chevet)1946GB25 Du Roseau  spirituelLES DESTINS OCCULTES DE L'HUMANITE1946GB26Astra ésotériqueJE et MOI1947GB27 Du Roseau  spirituelL'OEIL DE LA TEMPETE1947GB28Aillaud vécuIL Y A UN TRESOR EN TOI1949GB29Omnium /  AGB spirituelDEMANDE ET TU RECEVRAS1949GB30Niclaus / AGB spirituelCOMMENT VAINCRE PEURS ET ANGOISSES ?1949GB31Dangles spirituelQUI SERA LE MAITRE DU MONDE ?1949GB32 Ermite ésotériqueAFFIRMEZ ET VOUS OBTIENDREZ1950GB33Dangles spirituelLE JEU PASSIONNANT DE LA VIE1950GB34Astra / Dangles/  spirituelA TRAVERS LES ALPES FRANCAISES1950GB35 Ermite natureAPPRENEZ A BIEN PARLER1950GB36Niclaus sociétéVIVRE DIVINEMENT1950GB37 Du Rocher spirituelL’APRES-MORT1951GB38Du Rocher ésotériqueCOMMENT ON SOULEVE LES MONTAGNES 1951GB39DanglesspirituelL’ANTECHRIST ET LES DERNIERS TEMPS DU MONDE1951GB40DervyésotériqueLA VIE COMMENCE A 50 ANS1953GB41Aubanel /DanglessociétéSOIS TON PROPRE MEDECIN1953GB42Amour et vie / AGBsociétéLA REFORME DU CARACTERE1953GB43NiclaussociétéPETIT TRAITE DE MYSTICISME EXPERIMENTAL1954GB44Niclaus / AGBspirituelL’OPTIMISME CREATEUR1954GB45DanglesspirituelDIEU EST IL TOUT PUISSANT ?1954GB46AstraésotériquePARIS EN ZIG ZAG1954GB66AuteursociétéLA GUERISSON PAR LA FOI1955GB47AubanelspirituelRECHERCHE DE LA N ieme DIMENSION1955GB48AdyarésotériqueGUIDE SPIRITUEL DE L’HOMME MODERNE1955GB49NizetspirituelPETIT CATECHISME DU SUCCES1956GB50Astra / AGBspirituelLE SCANDALE DU PAIN1956GB51NizetsociétéREHABILITATION DE DIEU1957GB52AstraspirituelLA NOUVELLE CLE1958GB53Du Roseauspirituel20 HISTOIRES DE BETES 1959GB54Crepin-LeblondnatureLES REINCARNATIONS DE DORA1960GB55FlammarionromanLE PROBLEME DE LA CHAIR ou l’énigme sexuelle1961GB56NiclaussociétéVOYAGE AU BOUT DE LA RAISON1962GB57Age d’orspirituelFAITES DES MIRACLES1963GB58Niclaus / AGBspirituelLA FONTAINE DE JOUVENCE1963GB59Aubanel / AGBspirituelLE SEIGNEUR M’A DIT1963GB60Age d’or/ AGBspirituelLE CALENDRIER SPIRITUEL1964GB61Age d’or/ AGBspirituelLE DOCTEUR SOI-MEME1964GB62Aubanel / AGBspirituelLE PROTECTEUR INCONNU1966GB63Astra / AGBvécuSOIS UN AS1966GB64AubanelspirituelJ’AI VECU CENT VIES1968GB65J.MeyerésotériqueDIEU MON COPAIN2002GB68AGBspirituelCopyright 2007 les AMIS de Georges BARBARIN














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