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Or les leçons issues du passé sont nécessairement limitées et la crise actuelle ...
de la bulle des cours des actifs sur le marché du logement subprime aux Etats-
Unis. ... L'OCDE avertissait depuis longtemps déjà que la bulle de l'immobilier ...
Avec le recul, on peut considérer que les indices d'une crise imminente étaient ...
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ECONOMIE ET SECURITE
175 ESC 09 F bis
Original : anglais
Assemblée parlementaire de lOTAN
LA CRISE FINANCIERE ET COMMERCIALE MONDIALE : CONSEQUENCES POUR LA COMMUNAUTE TRANSATLANTIQUE DES NATIONS
Rapport général
Simon van DRIEL (Pays-Bas)
Rapporteur général
Secrétariat international 15 novembre 2009
Les documents de lAssemblée sont disponibles sur son site internet, http:// HYPERLINK "www.nato-pa.int" www.nato-pa.int
TABLE DES MATIERES
TOC \o "1-3" \h \z \u HYPERLINK \l "_Toc244420450" I. Introduction : LES ORIGINES DE LA CRISE PAGEREF _Toc244420450 \h 1
HYPERLINK \l "_Toc244420451" II. LES PROBLEMES MACROECONOMIQUES SOUS-JACENTS PAGEREF _Toc244420451 \h 5
HYPERLINK \l "_Toc244420452" III. LE DEFI BUDGETAIRE PAGEREF _Toc244420452 \h 7
HYPERLINK \l "_Toc244420453" IV. LA CRISE ET LE CHOMAGE PAGEREF _Toc244420453 \h 9
HYPERLINK \l "_Toc244420454" V. ADOUCIR (LES EFFETS DE) LA CRISE DANS LES PAYS EN DEVELOPPEMENT PAGEREF _Toc244420454 \h 11
HYPERLINK \l "_Toc244420455" VI. LES ECHANGES COMMERCIAUX PAGEREF _Toc244420455 \h 12
HYPERLINK \l "_Toc244420456" VII. CONSTRUIRE UN NOUVEAU CADRE REGULATOIRE PAGEREF _Toc244420456 \h 14
HYPERLINK \l "_Toc244420457" VIII. LA CRISE ET LE SYSTEME INTERNATIONAL PAGEREF _Toc244420457 \h 20
HYPERLINK \l "_Toc244420458" IX. Conclusions PAGEREF _Toc244420458 \h 23
HYPERLINK \l "_Toc244420459" BIBLIOGRAPHIE PAGEREF _Toc244420459 \h 26
Introduction : LES ORIGINES DE LA CRISE
1. Pour être complète, toute explication de la crise actuelle doit aller au-delà de la catastrophe des crédits hypothécaires subprime et prendre en compte les déséquilibres macroéconomiques mondiaux, ainsi que les lacunes systémiques et législatives qui ont rendu le système vulnérable aux chocs, à une mauvaise gouvernance politique et à un engagement doctrinaire généralisé en faveur du libre marché avec, pour conséquence essentielle, la paralysie des décideurs face à leffondrement des marchés. Léconomiste politique britannique Robert Skidelsky explique que leffondrement de lordre financier est le reflet de trois fiascos : léchec des banques, des institutions financières et des réglementations ; un surprenant fiasco intellectuel trouvant son origine dans une foi aveugle dans les marchés mondiaux et leur capacité à parvenir à un équilibre stable à long terme ; et enfin un fiasco moral, ayant attribué une plus grande valeur à la croissance en tant que telle quà dautres finalités éventuelles, comme la stabilité systémique, ou quà une répartition juste et politiquement soutenable des richesses. Pour Robert Skidelsky, lordre financier a « cherché à justifier les récompenses fabuleuses attribuées à une ploutocratie financière, face à une stagnation, voire à un recul, des revenus moyens ; au nom de lefficacité, il en est venu à symboliser la délocalisation de millions demplois, lébranlement des communautés nationales et le viol de la nature. Un tel système se doit de connaître un fabuleux succès pour susciter lallégeance. Un fiasco spectaculaire ne peut que le discréditer. » Robert Skidelsky explique en outre que, pour lessentiel, lon a pu constater une acceptation sans réserves de la mondialisation et de linnovation financière suivant des modalités établies par les principaux bénéficiaires de ces phénomènes, aux dépens de millions dautres personnes. (Skidelsky, novembre 2008)
2. Comme Robert Skidelsky y fait allusion, la crise économique mondiale engendre aujourdhui ce qui est peut-être le plus grand défi politique et intellectuel auquel les sociétés occidentales sont confrontées depuis la Seconde Guerre mondiale. Les pressions en faveur dactes décisifs sont intenses, alors que les désaccords sur ce qui doit exactement être fait menacent la courtoisie, tant au plan national quinternational. Dans la cocotte minute de la politique de crise, de nombreux gouvernements sont parvenus à éviter leffondrement total. Bien que ce soit difficile à accepter, le renflouement des banques a néanmoins assuré la survie des marchés du crédit, tandis que les différents plans de relance contribuent à soutenir la demande. Mais les gouvernements ont également envisagé et parfois adopté des politiques qui exacerbent des conditions économiques déjà déplorables. Le spectre menaçant du protectionnisme suscite par exemple la crainte que lun des enseignements essentiels tirés de la Grande dépression puisse être sacrifié sur lautel de lopportunisme politique. Or les leçons issues du passé sont nécessairement limitées et la crise actuelle présente des aspects qui diffèrent fondamentalement de la situation propre aux années 30. Les économies occidentales fonctionnent désormais au sein dun système complètement mondialisé et bien plus interdépendant, tandis que de nouvelles puissances économiques émergentes, comme la Chine, ne se situent plus seulement à sa périphérie. Ces nouveaux acteurs ont acquis un rôle central. Ainsi, même la hiérarchie des grandes puissances semble être fluctuante. Le grand défi consiste à édifier de robustes structures nouvelles, appropriées aux circonstances très différentes de lintégration mondiale. La tâche sera difficile et émaillée dembûches.
3. La crise économique actuelle a débuté par léclatement de la bulle des cours des actifs sur le marché du logement subprime aux Etats-Unis. Alors que les marchés du crédit commençaient à se figer, rares furent ceux qui ont accepté de reconnaître que ce secteur était suffisamment important pour mettre en péril les secteurs bancaire et financier mondiaux, déclencher la panique sur les places financières et finalement entraîner le déclin brutal des marchés de lemploi. Certains avaient toutefois discerné le risque de crise. LOCDE avertissait depuis longtemps déjà que la bulle de limmobilier américain posait de graves risques financiers pour la croissance mondiale, même si elle avait par ailleurs salué lincursion de lIslande sur la voie dune libéralisation financière qui allait se révéler catastrophique. Léclatement de la bulle des subprime a ainsi été rapidement suivi par une détérioration massive de la situation financière des principales banques mondiales. Il est apparu que nombre de ces institutions détenaient toute une série dactifs adossés à des titres hypothécaires, ou dérivés, dont la valeur dépendait de lorientation prise par des marchés spécifiques. Lorsque la demande et les cours de ces actifs ont dégringolé, les réserves des banques se sont avérées insuffisantes pour couvrir les pertes, ce qui a déclenché une très grave contraction du crédit, qui sest immédiatement propagée à toute léconomie mondiale.
4. En fait, léconomie mondiale sest étiolée parallèlement à lassèchement du marché du crédit. Des entreprises ont alors commencé à faire faillite, des travailleurs ont été licenciés, les consommateurs ont réduit leurs dépenses dans la crainte de temps difficiles, les prix des matières premières se sont effondrés et les échanges commerciaux mondiaux se sont brutalement ralentis. La dissémination rapide de la crise a révélé lampleur de lintégration des marchés mondiaux et la manière dont une crise dans un seul secteur et dans un seul pays pouvait rapidement contaminer dautres secteurs dans de nombreux pays. Le problème nen a pas pour autant été vraiment reconnu comme systémique jusquà la faillite de la firme Lehman Brothers Investment, en septembre 2008. Lécroulement de cette institution a créé une panique internationale et a fini par provoquer lintervention urgente des gouvernements de toute la zone de lOCDE et au-delà, afin de consolider des systèmes bancaire et financier chancelants. A ce moment cependant, la contraction du crédit avait déjà frappé léconomie réelle. La confiance du monde des affaires était en chute libre, la demande seffondrait et les nouvelles opportunités dinvestissement disparaissaient purement et simplement. La phase initiale de la crise avait donc déclenché leffondrement de léconomie réelle, qui à son tour porta un nouveau coup au secteur financier. Les gouvernements du monde entier procédèrent alors à des interventions massives pour renflouer des banques qui ne pouvaient soudain plus faire face à leurs obligations. Ces efforts de sauvetage allèrent bien au-delà du secteur bancaire. Cest ainsi, par exemple, que Washington élabora un certain nombre de plans de sauvetage pour lautomobile, le logement et dautres secteurs menacés. Parallèlement, des mesures macroéconomiques extraordinaires furent adoptées dans le monde entier et souvent de manière coordonnée, afin décarter le spectre de la récession. Un assouplissement monétaire, laccroissement des dépenses publiques et, dans certains cas, des réductions dimpôts étaient désormais à lordre du jour.
5. Avec le recul, on peut considérer que les indices dune crise imminente étaient manifestes bien avant léclatement de la bulle. Dès lan 2000, de nombreux capitaux en provenance du monde entier ont commencé à délaisser le secteur technologique - qui avait fait lobjet de surinvestissements massifs - au profit du marché immobilier américain. Les prix des logements se sont envolés lorsque les investisseurs ont considéré limmobilier comme une excellente opportunité pour ceux qui, coûte que coûte, pouvaient réunir la somme nécessaire au paiement dun acompte. Même les personnes ne disposant que dun capital réduit recevaient un crédit pour se constituer lacompte nécessaire et le marché sest naturellement envolé face à un tel afflux de transactions. (Forum parlementaire de lOCDE 2008) Signe inquiétant, toute une série dinnovations financières nayant pour la plupart pas fait leurs preuves, comme les titres adossés à des hypothèques, contribuaient à masquer les surévaluations du marché. Ces instruments permettaient aux banques et à dautres acteurs de morceler des crédits hypothécaires à risque élevé en actifs de plus en plus petits, de les combiner avec dautres, parfois tout aussi risqués, de les reconditionner sous forme de dettes « triple A », puis de les vendre. Les pratiques des banques et dautres institutions en matière de bonus récompensaient ceux qui concluaient des affaires de ce genre et une prime était attribuée pour lacceptation de risques élevés, suivie dun désengagement rapide. Ceux qui consentaient des crédits immobiliers excessivement risqués cherchaient à les revendre directement après les avoir conclus, se dissociant ainsi, de même que leurs institutions, des risques impliqués par de tels prêts. Ces transactions surnommées « octroi puis cession », où celui qui accorde le crédit nest pas celui qui le porte ensuite, constituaient en fait pratiquement des schémas de Ponzi légaux. Une sorte de vision à court terme sétait installée à Wall Street et ceux qui sinquiétaient du danger structurel croissant et de limprudence dun tel système étaient purement et simplement marginalisés par un système étayé par des bénéfices trimestriels et une cupidité monumentale. Inévitablement, des créances irrécouvrables se retrouvaient dans les comptes des firmes, même de celles qui avaient cherché à se débarrasser dès lorigine de leurs créances douteuses. Désormais, tout lordre financier était vulnérable.
6. A une époque marquée par la notion doctrinaire suivant laquelle « les marchés sautorégulent », les réglementations gouvernementales de ces marchés étaient parfois inexistantes. Leur activité frénétique était encouragée davantage encore par une estimation absolument mensongère des risques, générée par des firmes manifestement sousréglementées et en proie à de multiples problèmes de conflits dintérêts. Pour jeter de lhuile sur le feu, les actifs adossés à des hypothèques étaient également très liquides et, à certains égards, souvent assimilés à du cash plutôt quà un risque. Les assureurs obligataires, qui garantissaient le paiement de ces actifs, élargirent encore le risque, souvent au-delà du territoire américain. (Briefing OCDE 2009) Le cocktail toxique composé de laléa moral, dinformations asymétriques, de conflits dintérêts, dintégration des marchés, de réglementations insuffisantes, dirresponsabilité collective, dendettement excessif et dune foi aveugle en lefficacité vertueuse du « marché » déclencha une terrible tempête, avec pour résultat inévitable la pire crise financière que le monde ait connu depuis la Grande dépression.
7. Il apparaît désormais clairement quau cours des longues prémices de la crise, les législateurs ont été dépassés par les « innovations » financières. Cela a permis aux banques et aux autres institutions financières de disposer dune immense liberté pour créer et disséminer des instruments de crédit très risqués. La valorisation dactifs à risque sur un marché financier mondial déjà très endetté fit supporter au système des risques plus élevés que la plupart des banquiers, législateurs, emprunteurs et politiciens auraient jamais imaginé. Cest pourquoi lorsque les prix de limmobilier sécroulèrent en 2007, limpact sur les bilans des principales institutions de prêt et dassurance savéra dévastateur. Comme beaucoup des institutions détenant ces actifs étaient des multinationales, la portée de la crise fut mondiale. Le séisme frappant les secteurs de limmobilier et du crédit en Espagne, en Irlande, en Islande et au Royaume-Uni ne fit quen magnifier limpact. La crise partie de Wall Street sétendit rapidement à lEurope et au-delà. Létroite intégration financière entre les deux continents et la diversification tout aussi exagérée de certains systèmes financiers européens contribuèrent à la mondialisation de la panique. Même des pays comme le Canada, adepte de pratiques bancaires très prudentes, nont pas été épargnés par les effets secondaires brutaux de leffondrement des marchés mondiaux. (Rapport de mission de lAP-OTAN, Canada, mai 2009).
8. La dissémination des créances douteuses dans lensemble du système financier mondial a en outre provoqué la chute de léconomie réelle : disparition des lignes de crédit, assèchement de la demande et forte érosion des échanges commerciaux. Dans les pays développés, les entreprises ont commencé à se séparer de certains collaborateurs et le chômage sest considérablement accru. Cet accroissement a accentué le ralentissement des économies développées. Les Etats-Unis sont entrés en récession et le Japon na pas tardé à se retrouver plongé dans la pire dépression depuis 35 ans, avec un PNB en baisse de 12,5 % (taux annualisé) au dernier trimestre 2008. Léconomie britannique a pour sa part connu le déclin le plus brutal en près de 30 ans, tandis que le PIB de lAllemagne reculait plus rapidement à la fin 2008 quil ne lavait fait en presque 20 ans. (Tse) Le gouvernement islandais a été contraint dabsorber son secteur bancaire dévasté, qui à lapproche de la crise avait enregistré une croissance disproportionnellement élevée par rapport à la taille du pays. Les importations de lIslande ont diminué de 33 % au cours du troisième trimestre de lannée 2008, en raison de leffondrement de la valeur de la couronne. Après les deux premiers trimestres de 2009, le PNB du pays enregistrait un recul atteignant 6,5 % (taux annualisé). (Forbes.com, 9 septembre 2009) Dautre part, au début de cette année, les estimations permettaient de penser quen 2009, léconomie de la Chine nenregistrerait une croissance que de 6,8 % et lInde de 5,1 % seulement, des taux assurément impressionnants, mais de près de moitié inférieurs à la tendance.
9. LEurope centrale et orientale a également été durement frappée, les problèmes de crédit y étant plus importants encore quaux Etats-Unis. Dans toute la région, la croissance du crédit avait enregistré une progression spectaculaire au cours des années précédant la crise et la majeure partie des prêts consentis étaient fatalement libellés en euros. Parallèlement, les déficits des comptes courants explosaient, en raison de la croissance rapide, dun boom de la consommation et des investissements, de considérables afflux de capitaux et de déficits commerciaux croissants. La part des crédits alloués par rapport au PIB avait considérablement augmenté dans presque toute la région. En 2008, le crédit bancaire en Lettonie atteignait 102 % du PIB, tandis quen Estonie, les prêts octroyés en devises étrangères équivalaient à 120 % du PIB. En juin, la Banque mondiale prévint que les trois pays baltes allaient connaître les pires déclins économiques dEurope orientale. Au cours du premier trimestre, les statistiques de lUE ont révélé que les économies de la Lettonie, de lEstonie et de la Lituanie étaient les moins performantes du bloc des 27 membres, avec des chutes annuelles de la production de 18,6 %, 15,6 % et 10,9 % respectivement. Les trois pays ont en outre vu leurs ratings de crédit revus à la baisse. (Crossing Wall Street).
10. Alimenté par de soudains besoins en espèces résultant de la dévalorisation des actifs, le processus de désendettement mondial a contraint les banques occidentales à rappeler des prêts à court terme consentis à la région. La crise des capitaux qui en a résulté et le ralentissement qui a frappé les marchés dexportation les plus essentiels nont pas tardé à frapper léconomie réelle, avec, pour résultat, un plongeon des taux de croissance dans toute la région. En raison des niveaux élevés des emprunts, la plupart des pays de cette région se trouvaient dans des situations difficiles lorsque la crise mondiale sest abattue sur eux. Cette situation avait aussi augmenté la vulnérabilité dun certain nombre de banques dEurope occidentale, dont lexposition à la région était passée de 158 milliards de dollars en 2002 à près dun billion de dollars en 2008. (Rapport de mission de lAP-OTAN, Washington, mai 2009). Cest ainsi que la Banque centrale de Suède a ultérieurement dû souscrire un prêt auprès de la Banque centrale européenne pour pouvoir honorer des garanties octroyées à des banques fortement exposées. Ces engagements et des lignes de crédit spéciales consenties par le FMI à la région ont contribué à limiter la crise en Europe de lEst, sans pour autant la juguler en aucun cas. (« Stand by Me ») Des études du FMI indiquent à présent que la crise sera profonde et durable en Europe centrale et orientale. Lampleur de cette crise varie néanmoins entre les différents pays de la région ; elle est particulièrement grave dans les pays baltes, en Ukraine et en Russie, mais a par exemple moins de conséquences en Pologne, qui affronte jusquà présent la tempête en demeurant en relativement bonne forme. La Russie a, quant à elle, été contrainte de puiser dans son fonds de réserve jadis gigantesque, mais qui natteignait plus que 52 milliards de dollars au troisième trimestre de 2008, alors quil plafonnait à 137 milliards de dollars au mois de mars. Il se pourrait que ce fonds soit totalement épuisé dès la fin de 2010. (« Here today, gone by 2010 ») Cela soulève des questions quant à la pérennité de la politique budgétaire russe.
11. Ces tristes nouvelles mises à part, léconomie mondiale enregistre aujourdhui une stabilisation lente mais manifeste, après de graves convulsions et une crise prolongée. Le FMI estime désormais que la croissance mondiale se limitera à 1,4 % en 2009, mais passera à 2,5 % en 2010 ; cette estimation est considérablement plus optimiste que les précédentes prévisions. Il nen demeure pas moins que la reprise sera à la fois fragile et lente, et que limportance des dettes publiques fait planer certains risques. Le président de la Fed, Ben Bernanke, est désormais davis que les Etats-Unis sont sur le point denregistrer un deuxième trimestre consécutif de croissance, ce qui mettrait officiellement fin à la récession nationale et placerait le pays sur la voie de la croissance pour 2010. Il a cependant ajouté que « si la reprise aux EtatsUnis doit avoir lieu, si les mesures de relance budgétaires doivent être progressivement éliminées et si la demande intérieure est faible, alors les exportations nettes américaines devront augmenter. En dautres termes, lactuel déficit des comptes courants américains devra sensiblement diminuer et les exportations devront davantage alimenter la croissance en cas de diminution des dépenses publiques. Cela signifie que le reste du monde, qui enregistre actuellement un excédent substantiel, devra réduire cet excédent des comptes courants ». (Blanchard) Ce scénario implique naturellement un changement dorientation fondamental par rapport aux récents modèles mondiaux en matière budgétaire et de croissance, et lon peut se demander si tant les Etats-Unis que le reste du monde sont prêts à ce changement. Lavertissement de Ben Bernanke permet de penser que la reprise risque dêtre fragile en effet, si des changements structurels ne sont pas apportés. Entre-temps, lAsie se redresse plus rapidement que les économies occidentales. La Banque asiatique de développement prévoit un taux de croissance de 3,4 % pour la région cette année. Son économiste en chef est davis que ce chiffre pourrait être nettement inférieur au potentiel de croissance régionale, susceptible davoisiner les 7 % en 2010. (« World Economic Outlook Update », 8 juillet 2009, Brown)
LES PROBLEMES MACROECONOMIQUES SOUS-JACENTS
12. Plusieurs facteurs macroéconomiques différencient la crise actuelle dautres crises financières, comme celle ayant frappé lAsie en 1997. Par-dessus tout, la principale puissance économique mondiale est à lépicentre de cette crise. Deuxièmement, celle-ci nest pas une simple crise bancaire, mais elle résulte également de déséquilibres macroéconomiques fondamentaux. À la veille de la crise, léconomie mondiale était déjà en surchauffe, suite à une création excessive de crédit. Les déficits persistants et massifs des comptes courants américains, financés par des prêts asiatiques et en particulier chinois, généraient ce crédit. Dès 2006, les déficits des comptes courants avaient atteint des niveaux intenables, supérieurs à 5 % du PIB. Les dépenses des consommateurs et les investissements dans le secteur du logement aux Etats-Unis étaient passés de 67 % du PIB en 1980 à 75 % en 2007, tandis que le taux dépargne des ménages était tombé de 10 % des revenus disponibles en 1980 à près de zéro en 2007. Lendettement des ménages était passé de 67 % des revenus disponibles à 132 % au cours de la même période.
13. Les économistes monétaires avaient depuis longtemps averti que, faute dune diminution des déficits massifs des comptes courants et budgétaires, des contractions soudaines et massives finiraient par se produire. Ces avertissements nont jamais été pris en compte dans les milieux politiques américains, pour lesquels le privilège de gérer la monnaie de réserve mondiale signifiait que les règles normales de la comptabilité monétaire internationale pouvaient être ignorées. La contraction massive survenue en 2008 permet cependant de penser que lAmérique pourrait être en train de perdre ce privilège particulier. (Grant) Ce changement est toutefois bien plus rapide, profond et généralisé que la plupart des analystes le pensaient. Chose inquiétante, les Etats-Unis continuent à enregistrer des déficits des comptes courants et budgétaires, alors que la Chine et dautres épargnants nets continuent à prêter de largent au Trésor américain. Cela facilite la poursuite des dépenses publiques américaines, tout en soutenant la liquidité globale aux EtatsUnis, mais permet également de penser que de nouveaux ajustements macroéconomiques douloureux se profilent à lhorizon. Cette situation présente également un certain nombre deffets pervers. En premier lieu, elle a détourné les capitaux des pays plus pauvres au profit dun pays industriel mature. Deuxièmement, les capitaux qui ont afflué aux Etats-Unis après lan 2000 ont été utilisés pour soutenir la consommation et financer un boom de limmobilier, plutôt que pour promouvoir la productivité américaine. Notons enfin que ces afflux de capitaux ont renforcé la valeur du dollar, diminué les opportunités dexportation des entreprises américaines, généré un boom des produits non échangeables (limmobilier en particulier) et encouragé la délocalisation des entreprises américaines, soucieuses dexploiter une main-duvre moins chère à létranger. Les détenteurs de capitaux ont ainsi bénéficié des possibilités de production à bon marché offertes par la Chine et récolté les profits du boom, tandis que les travailleurs américains pâtissaient de la délocalisation des emplois industriels et de la stagnation de leurs rémunérations. (Skidelsky, juillet 2009)
14. Les Etats-Unis sont devenus le plus grand emprunteur et le pays qui dépense le plus au monde, mais ils nont pu continuer sur cette voie quaussi longtemps que le monde a estimé cette situation tenable. Dès le premier trimestre 2008, la dette extérieure américaine a approché les 6,5 billions de dollars. (Moirici) Les Chinois et dautres Tigres asiatiques parcimonieux finançaient la fièvre dépensière de lAmérique et en étaient récompensés par le gigantesque appétit américain pour les produits de consommation asiatiques, disponible à bas prix en raison du désalignement fondamental des monnaies. Comme lafflux de capitaux poussait les taux dintérêt américains à la baisse et que les importations bon marché faisaient chuter les prix des produits, la Réserve fédérale disposait de toute latitude pour poursuivre une politique monétaire souple qui, associée à une politique budgétaire peu rigoureuse, alimentait la demande. La croissance de la productivité américaine commença alors à seffondrer, en raison de laffectation aberrante de capitaux bon marché. Ces capitaux étrangers facilitaient la fièvre de consommation des Américains, tout en fournissant à lAsie et à dautres économies dépendantes des exportations un moyen de soutenir leur propre croissance. Cet échange symbiotique était, pour lessentiel, devenu un cercle vicieux intenable.
15. Une véritable correction macroéconomique exigera en fin de compte un taux dépargne plus important dans des pays comme les Etats-Unis, qui ont exagérément dépensé durant des années, et des dépenses plus importantes dans des pays comme la Chine, qui ont désormais besoin dinvestir sur le plan intérieur dans des domaines tels que la santé publique et les infrastructures environnementales. Cette transition a déjà commencé, dans la mesure où les ménages américains épargnent désormais 5 % de leurs revenus, contre quasiment 0 % lannée dernière. Mais le gouvernement américain dépense désormais à un rythme record et a accru les dépenses publiques dans le domaine social, dans le domaine de la défense et dans le cadre de diverses initiatives de sauvetage de léconomie, de réductions fiscales et de mesures de relance. (« After the Fall ») Le déficit structurel, limportance des mesures de relance et la baisse des recettes fiscales ont entraîné le triplement du déficit budgétaire américain, qui a atteint en septembre 1,4 billion de dollars sur base annuelle. (BBC, 8 octobre 2009) En fin de compte, le gouvernement américain devra également finir par réduire son déficit budgétaire, permettre au dollar de perdre de sa valeur et relancer les exportations pour retrouver la santé économique. Les Chinois sinquiètent à juste titre dune chute massive de la valeur du billet vert, car ils en détiennent dénormes quantités. Ils aimeraient certainement diminuer leur exposition au dollar, mais il est difficile de le faire sans entraîner une forte dépréciation de celui-ci. Cest lune des raisons pour lesquelles les Chinois réclament la relance des Droits de tirage spéciaux du FMI, qui consistent en un panier de devises et pourraient être détenus par les banques centrales à la place de dollars. (« Promises, Promises ») Les stratégies monétaires et commerciales de la Chine lont conduite à surinvestir dans ses propres industries tournées vers lexportation et à négliger son secteur non échangeable. Même le problème croissant de pollution auquel elle est confrontée peut être en partie considéré comme un corollaire de ces stratégies, bien quil soit tout simplement la conséquence de sa croissance. De toute façon, la Chine ne fait que se lancer sur la voie des dépenses et des réglementations environnementales dont elle a besoin pour éviter à ses citoyens de littéralement suffoquer à la suite du développement de leur pays. Il convient toutefois de porter au crédit des dirigeants chinois quils sont manifestement conscients de la gravité du problème, qui a également des implications pour la sécurité intérieure, et quils accélèrent désormais le mouvement pour y remédier. Cela a des implications financières, dans la mesure où la Chine pourrait commencer à investir une part plus importante de ses réserves sur le plan intérieur, plutôt que dacheter des Bons du Trésor américain. Concrètement, cela signifie quelle devra permettre lappréciation du renminbi et commencer à canaliser une partie de la richesse quelle accumule vers des investissements internes plutôt que vers lachat de Bons du Trésor américain. Lorsque et si elle procède de la sorte, les Etats-Unis seront toutefois confrontés à une série de choix difficiles quils évitent depuis longtemps.
LE DEFI BUDGETAIRE
16. Au début de la crise, les analystes de lOCDE ont laissé entendre que les programmes de relance devaient être agressifs pour produire un impact le plus rapidement possible. Ils estimaient en effet que des aides gouvernementales seraient préférables à des réductions fiscales (surtout pour les secteurs les plus aisés de la société) pour stimuler la demande dans des économies en récession. Dans toute la mesure du possible, ces projets devaient être mis sur pied en tenant compte de facteurs dégalité sociale et de préservation de lenvironnement. Il faudrait également faire des efforts pour minimiser laléa moral afin déviter que la désinvolture financière soit récompensée ce qui se révèle être un fameux défi ! Enfin, la durabilité des mesures budgétaires jouerait, elle aussi, un rôle clé. Il faut prévoir des stratégies de sortie pour ne pas éroder la durabilité budgétaire à long terme. Ces stratégies seront particulièrement importantes dans des pays comme les Etats-Unis, déjà accablés - même avant la récession - par de lourds déficits budgétaires et des déficits des comptes courants insupportables. Malgré ces signes incontestables de reprise, on se demande si le recours aux stratégies de dépenses keynésiennes à court terme dans les pays occidentaux ne risque pas de poser de graves problèmes si la rigueur budgétaire à plus long terme est sapée. Non seulement la récession grignote les recettes fiscales, mais elle entraîne aussi une augmentation des dépenses publiques vu que les stabilisateurs automatiques ont été enclenchés et que de nouvelles mesures sont adoptées pour stimuler la demande. Au fil du temps, les gouvernements pourraient être enclins à recourir à des politiques inflationnistes, à mesure que leur dette budgétaire augmente, pour tenter den adoucir le poids. Cela aurait pour effet de dissuader linvestissement dans le secteur privé, dobérer la productivité à plus long terme et de favoriser la fuite des capitaux.
17. Dans ce contexte, des pays comme lAllemagne, le Royaume-Uni et la Finlande ont annoncé de nouvelles mesures pour consolider des budgets à rallonges. Les gouvernements doivent trouver un moyen de décélérer sans tuer les jeunes pousses de la reprise économique. La mission est délicate. Il est un fait que les programmes budgétaires publics sont plus faciles à lancer quà arrêter ; mettre un terme à de telles mesures nécessite du courage politique ainsi quune grande sensibilité au climat économique et doit se faire au moment opportun. Avec 787 milliards de dollars consacrés au plan de relance et 700 milliards au sauvetage des banques, les Etats-Unis ont dépensé plus que tout autre pays pour éviter la noyade complète de leur économie. Des stabilisateurs économiques comme la sécurité sociale et les indemnités de chômage sont de loin inférieurs outre-Atlantique quils ne le sont en Europe ; les Etats-Unis ont donc essayé de compenser cela dans leur plan de relance. Cest la seule et unique raison pour laquelle ce plan représente un pourcentage du PIB supérieur à celui de lEurope (Briefing OCDE, 2009). Selon la Maison Blanche, le déficit total devrait atteindre 1,75 billion de dollars pour lexercice fiscal 2009, soit 1,29 billion de plus que le déficit 2008. Toujours selon les prévisions, il devrait retomber à 1,17 billion de dollars en 2010 et à 533 milliards de dollars en 2013. (OMB)
18. Comme lavait laissé entendre Larry Summers, directeur du Conseil économique national des Etats-Unis au début de la crise, idéalement, les mesures de relance budgétaires devaient être ciblées, provisoires et prises au moment opportun. Malheureusement, il est rare que les plans de dépenses publiques soient aussi bien calibrés, surtout lorsquils sont élaborés à la hâte comme ce fut inévitablement le cas ici. Lopportunisme politique peut simmiscer dans les plans budgétaires les mieux élaborés, notamment dans des régimes démocratiques ouverts, où les dépenses publiques constituent la monnaie déchange du troc politique. Dans les pays où lintervention a dépassé les simples mesures monétaires et budgétaires, revenir à léquilibre budgétaire est encore plus compliqué. Si lEtat est intervenu pour consolider les bilans de banques, de sociétés privées et dorganismes de prêts hypothécaires, la charge est dautant plus lourde et réduire le rôle de lEtat dans de tels plans est dautant plus risqué et problématique sur un plan politique. Le gouvernement américain, par exemple, est devenu le principal créancier de lAmérique, ainsi que son premier assureur, constructeur automobile et garant contre le risque encouru par les investisseurs. Si lon tient compte des mesures de sauvetage dorganismes financiers et des plans de relance économique, le budget de lEtat américain représente aujourdhui près de 26 % de léconomie nationale, un chiffre supérieur à ce quil a jamais été depuis la Seconde Guerre mondiale. Aujourdhui, lEtat américain finance neuf hypothèques sur dix et détient 80 % du capital dAIG, le plus gros assureur mondial (Andrews, 14 septembre 2009). Retirer ces actifs de la comptabilité publique pourrait savérer une tâche herculéenne.
19. Le gouvernement américain a déjà lancé une procédure délicate pour sortir dun plan de 700 milliards de dollars, destiné à injecter directement des fonds publics dans des banques, des compagnies dassurance et deux des trois principaux constructeurs automobiles, entre autres. Dune façon générale, ladministration Obama tente de ne pas simmiscer dans la gestion des actifs récemment acquis et qualifie de temporaire son intervention sur le marché. Au départ, le but était de sauver ces institutions de la faillite ; aujourdhui, il sagit de sortir (de ces plans) aussi rapidement que réalisable économiquement. Ladministration reconnaît cependant que certains des actifs acquis dans le cadre du Plan Paulson (plan de sauvetage des actifs à risque - TARP) pourraient savérer totalement irrécupérables et que dautres seront sans doute difficiles à céder. Cependant, plus de 30 institutions financières ont déjà remboursé au Trésor américain 70 milliards de dollars sur le total des prêts qui leur ont été accordés. Selon les estimations, 50 autres milliards de dollars devraient être remboursés au cours des 18 prochains mois, et le gouvernement devrait encaisser un bénéfice confortable sur une grande partie de ces prêts (Andrews, 14 septembre 2009). Un autre plan - le Temporary Liquidity Guarantee Program (Plan de garantie provisoire des liquidités) de la Federal Deposit Insurance Corporation - octroie une garantie sur les obligations émises par les banques à concurrence denviron 300 milliards de dollars. En début dannée, ce plan octroyait des garanties à raison de 90 milliards de dollars par mois ; actuellement, ce chiffre est tombé à environ 5 milliards de dollars un autre signe que la crise séloigne (Andrews, 14 septembre 2009). Parallèlement, la possibilité de vente aux enchères à terme offerte par le gouvernement (programme de prêt durgence aux entreprises), a été réduite de moitié au cours de lannée écoulée, et lon pense que ladministration américaine supprimera cette facilité dici peu.
20. Le Trésor américain a injecté 95 milliards de dollars dans les organismes de prêt hypothécaire quasi publics Fannie Mae et Freddie Mac, afin de couvrir les pertes engendrées par les taux exceptionnellement élevés de défaut de paiement et celles associées à leffondrement des valeurs sur le marché de limmobilier. Plusieurs observateurs pensent que ces gigantesques institutions auront besoin de fonds supplémentaires au cours des prochaines années afin de couvrir leurs pertes. Le gouvernement des Etats-Unis restera donc largement impliqué dans le marché du logement américain pendant quelque temps encore. La Réserve fédérale a acheté pour 700 milliards de dollars de titres adossés à des hypothèques, une somme qui, daprès certains, pourrait encore augmenter et atteindre 1,25 billion de dollars. Il a aussi acquis des obligations de Fannie Mae et Freddie Mac pour un total de 200 milliards de dollars. LUS Federal Bank achète actuellement la quasitotalité de tous les nouveaux titres adossés à des hypothèques émis par Fannie Mae, Freddie Mac et la FHA pour éviter un écroulement catastrophique des valeurs immobilières.
21. Les Etats-Unis sont loin dêtre les seuls à se débattre face à dimmenses défis budgétaires. Dans tous les pays de lOCDE, laccroissement des dépenses publiques, les mesures fiscales et la baisse des recettes fiscales alimentent des déficits qui ne cessent de croître et savèrent parfois intenables. Les déficits budgétaires explosent et représentent en moyenne 10 % du PIB parmi les pays les plus riches - à mesure que les gouvernements recapitalisent les banques, lancent des mesures budgétaires pour soutenir la demande et réagissent aux nouvelles charges qui pèsent sur eux alors que les recettes fiscales ne cessent de diminuer. Une non-augmentation des budgets aurait contribué à saper davantage des économies déjà fragilisées et paralysées par la crise du crédit. Il nest dès lors guère surprenant que, lors du Sommet du G20 à Pittsburgh en septembre, les chefs de gouvernement se soient prononcés en faveur de la poursuite du soutien aux plans de relance, afin de constituer une solide assise pour la croissance (« Lautre stratégie de sortie »). Léconomie mondiale nest pas encore tirée daffaire.
22. Les équilibres budgétaires devraient continuer à se consolider peu à peu, parallèlement au redressement de léconomie mondiale, mais pour plusieurs gouvernements, le niveau dendettement savère, à terme, assez inquiétant. Inévitablement, les déficits resteront nettement supérieurs à leurs niveaux de 2007. Parmi les pays du G20, les déficits budgétaires pour 2009 et 2010 pourraient atteindre 5,5 % du PIB en moyenne, soit nettement plus que les niveaux davant la crise (Horton et al.). Selon le FMI, la dette publique brute des grandes économies des pays riches atteindra 115 % du PIB dici 2014 et continuera de grimper ultérieurement dans certains pays, notamment en Amérique. Dans lensemble des pays du G20, les ratios dendettement devraient se stabiliser aux alentours de 85 % du PIB entre 2010 et 2014 ce qui représente environ 23 % de plus que les niveaux davant la crise. Avec un tel endettement, les taux dintérêt ne pourront que monter, les investissements privés seront partiellement exclus et la croissance sera limitée (« Lautre stratégie de sortie »). Seuls quelques pays du G20 ont élaboré des stratégies dajustement budgétaire à moyen terme tout à fait crédibles ; certains ont annoncé des objectifs ou revu leurs prévisions budgétaires. En juin, lAllemagne a adopté une nouvelle règle budgétaire applicable au gouvernement fédéral et aux exécutifs régionaux ; cette nouvelle règle prévoit une évolution progressive vers léquilibre structurel à partir de 2011, ce qui signifie que le déficit structurel du gouvernement fédéral ne pourra pas dépasser 0,35 % du PIB à partir de 2016 (Horton et al.). Selon les estimations, le déficit budgétaire du Royaume-Uni sélèverait à 175 milliards de livres pour 2008-2009 (Parker). Le gouvernement prévoit une consolidation budgétaire annuelle moyenne de 1,3 % du PIB entre 2010 et 2014, de sorte que la dette pourrait commencer à diminuer dici 2015-2016 (Horton et al.). Les déficits budgétaires des pays émergents et en développement devraient, eux aussi, augmenter de 4,6 % du PIB en moyenne en 2009 par rapport aux niveaux davant la crise (2007), avec un redressement graduel à partir de 2010 (Horton et al.).
23. Relancer la croissance est « le » facteur clé si lon veut réduire le ratio dette/PIB. Daprès certains analystes, dont Paul Krugman, les déficits ne devraient pas être considérés comme un problème dans les conditions actuelles (Reich, 31 août 2009). P. Krugman ne cesse de se demander si le plan de relance de ladministration Obama est assez ambitieux pour extraire léconomie de la récession. Selon lui, même si le pire scénario a été évité, on risque de connaître de longues années de croissance « molle » et de chômage élevé si lon ninjecte pas davantage de liquidités dans le système aujourdhui. P. Krugman défend la thèse suivant laquelle le risque dinflation est minime, étant donné la capacité excédentaire constatée aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde (interview de Krugman). Dautres économistes sont bien plus sceptiques à cet égard et prétendent que laugmentation des déficits budgétaires aux Etats-Unis et dans dautres pays incitera inéluctablement les banques centrales à faire tourner la planche à billets pour alléger la charge de la dette nationale (Ohanian). Comme dautres institutions du même type, lOCDE pense que les gouvernements ne peuvent pas, à ce stade, mettre fin aux mesures de relance même sil est opportun quils réfléchissent dès à présent aux stratégies de repli.
LA CRISE ET LE CHOMAGE
24. Un chômage massif risque dêtre le dernier indicateur économique à pointer son hideuse tête sur la scène de la crise financière mondiale. Pour des raisons évidentes, cest aussi celui qui est le plus sensible dun point de vue politique. On sait que, de tous les indicateurs, le taux de chômage est celui qui arrive en dernier lieu et quil a tendance à perdurer parce quil continue à monter plusieurs mois encore après quune crise économico-financière a atteint son paroxysme. Mais cest aussi lun des derniers indicateurs à revenir à des niveaux « normaux » dans un contexte de rebond économique. Dans la crise qui nous occupe, les pertes demplois nont commencé à se multiplier quaprès leffondrement des niveaux de la demande dans léconomie réelle. Et le nombre de pertes demplois devrait continuer à augmenter bien après le début de la reprise économique. Actuellement, plusieurs indices sont révélateurs dune relance de la croissance mondiale et le taux de pertes demplois ralentit. Mais la tendance ne sest pas encore inversée et il est plus que probable que le chômage continuera à progresser au moins pendant les six premiers mois de lannée 2010. Aux Etats-Unis, le taux de chômage a atteint son plus haut niveau en 26 ans et pourrait dépasser ce record de 10 % dici la fin de lannée. En Espagne et au Royaume-Uni, ce taux atteint respectivement 18,9 % et 7,9 % (Groom). Dans la zone euro, le taux de chômage était de 9,5 % en juillet 2009, soit 2 % de plus quen juillet 2008. Dans les pays de lOCDE, ce sont les jeunes, les femmes, les titulaires dun contrat de travail à durée déterminée ainsi que les secteurs de la construction et de lindustrie manufacturière qui sont le plus touchés par le chômage. Toujours selon lOCDE, les pertes demplois dans cette zone augmenteront encore probablement dici la fin 2010, époque à laquelle le taux de chômage devrait atteindre 10 %, soit 57 millions de chômeurs dans les pays membres de lOCDE. Il faudra des années pour récupérer tous ces emplois perdus. (OECD Employment Outlook). Daprès les résultats dune enquête internationale menée récemment parmi 72 000 sociétés en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique, les employeurs de 17 pays sur 35 anticipent un taux de recrutement net au cours des trois prochains mois, mais la tendance devrait rester modérée. Seuls les employeurs de Norvège, de Pologne, de Suède et dAfrique du Sud ont communiqué des chiffres positifs mais modérés concernant lemploi au 4e trimestre. Cest en Roumanie, en Irlande et en Espagne que les chefs dentreprise sont les moins optimistes quant au nombre demplois qui seront pourvus au 4e trimestre ; de nouveaux reculs du taux de lemploi sont sans doute à prévoir dans ces pays. Enfin, les perspectives les plus favorables concernant lemploi se situent en Inde, au Brésil, en Colombie, au Pérou, en Chine, en Australie, à Singapour, au Costa Rica, au Canada, à Taïwan et en Pologne (« Manpower Employment Outlook Survey: Global »).
25. Des taux de chômage élevés et persistants saccompagnent évidemment de risques majeurs aux plans économique et politique. Comme le laissent entendre les paragraphes qui précèdent, il faudra sans doute des années avant de retrouver des niveaux demplois normaux après une envolée aussi spectaculaire du chômage. Les compétences des travailleurs sérodent, les emplois sont délocalisés et certains travailleurs finissent par quitter le marché de lemploi. Le chômage est également source de pauvreté, ce qui pose un défi économico-social encore plus grave. Angel Gurría, Secrétaire général de lOCDE, a déclaré que « le chômage représente le creux de la vague dans la crise actuelle » et il est temps à présent que les gouvernements se concentrent sur la manière de venir en aide aux demandeurs demplois au cours des prochains mois (OCDE, 16 septembre 2009). Les risques politiques sont bien réels. Lorsque la frustration se généralise parmi la population, elle peut conduire à des revers politiques ou inciter à élaborer des politiques qui visent à soulager ceux qui ont perdu leur emploi mais qui savéreront en fin de compte nuisibles et saperont la croissance à long terme. Empêcher une entreprise de faire faillite peut paraître très tentant, mais en adoptant une telle attitude, lEtat et ses contribuables risquent bel et bien de se retrouver avec des actifs qui nauront que peu de valeur à long terme. De nombreux Etats ont été amenés à évaluer le risque en se demandant si telle ou telle société était confrontée à un défi provisoire, ou si elle nétait tout simplement pas viable à long terme. Enfin, il y a aussi le risque de laléa moral, parce que, lorsquun Etat passe pour avoir lhabitude de voler au secours de sociétés en difficulté, il encourage en fait un comportement désinvolte où le profit est perçu comme étant réservé aux seuls actionnaires, alors que les pertes peuvent être mises à charge de lEtat. Ceci est vrai aussi bien pour les banques que pour les constructeurs automobiles. Aujourdhui, les économistes se montrent surtout préoccupés par le problème de laléa moral, mais ce sont les pertes demplois qui dictent la politique à adopter. Dautres stratégies pourraient savérer nécessaires pour aider les gens à conserver leur emploi. Parmi cellesci, on peut citer la subvention des salaires ou la promotion de la réduction des heures de travail.
ADOUCIR (LES EFFETS DE) LA CRISE DANS LES PAYS EN DEVELOPPEMENT
26. La crise financière ne sest pas attardée sur les rivages de lEurope, mais elle a en revanche durement frappé les pays en développement et cela, de plusieurs façons : directement par leffondrement de la demande mondiale et la chute des cours des matières premières et indirectement par la diminution des aides octroyées, des flux de capitaux étrangers et des rapatriements de salaires (OCDE, 1er octobre 2009). La crise a asséché les marchés des capitaux et conduit les institutions financières à se montrer réticentes pour loctroi de crédits à des clients perçus comme « à risque ». En réalité, cette crise a déclenché ce que lon appelle une « fuite vers la qualité », provoquant ainsi un retrait massif de capitaux investis dans toute une série de pays en développement. Très vite, la récession commerciale qui sen est suivie dans les pays développés sest répercutée sur les pays en développement, avec leffondrement de la demande dimportations et la chute des cours des matières premières. Ce sont les pays en développement les plus dépendants des exportations qui ont été le plus durement touchés. Compte tenu des emprunts massifs contractés par les Etats, les capitaux sont aujourdhui plus difficiles encore à trouver dans les pays en développement et la plupart dentre eux ne disposent pas des ressources nécessaires pour financer leurs propres plans de relance. Entretemps, au vu des circonstances actuelles, les budgets daide au développement font lobjet de coupes sombres. Autant de facteurs qui risquent délargir encore le fossé des revenus entre pays riches et pays pauvres.
27. Victime de la diminution spectaculaire des flux de capitaux vers les pays en développement, les pays les plus pauvres éprouvent énormément de difficultés à financer leurs déficits des comptes courants. Selon les estimations de la Banque Mondiale, il manque entre 270 et 700 milliards de dollars pour ce type de financement. On ne sait pas encore exactement comment ces déficits seront financés et cela dépendra en grande partie de la suite du déroulement de la crise actuelle. Si les conditions se stabilisent, la « pénurie » de fonds pourrait avoisiner les 270 milliards de dollars ; si elles empirent, on doit sattendre à des pénuries plus graves encore. De toute évidence, la chute brutale du commerce mondial aggrave la situation de nombreux pays en développement (APOTAN, Washington DC, 4-6 mai 2009).
28. La crise que connaît le monde en développement a également de profondes répercussions humanitaires et sécuritaires. Lon estime que, lannée dernière, quelque 150 millions de personnes sont tombées en deçà du seuil de pauvreté fixé par la Banque Mondiale à 1,52 dollar par jour et quen mai de cette année, ce chiffre avait encore augmenté de 50 millions. Les pauvres nont manifestement que très peu de réserves pour pouvoir faire face à des conditions économiques qui ne cessent dempirer. Les familles soudain appauvries sont forcées de vendre des actifs tels que leur bétail, pourtant essentiels à leur survie et à leur productivité à long terme. On retire les enfants des écoles, on réduit le nombre de consultations médicales et on diminue la qualité de lalimentation. Tous ces facteurs peuvent avoir des effets persistants sur le développement et la sécurité. La malnutrition dun enfant engendre souvent un handicap à vie et la condition de ces individus se mue alors en une charge économique et sociale pendant des décennies. Les pays en développement manquent généralement dinstruments budgétaires pour faire face à ces crises multiples et de nombreux spécialistes du développement prévoient aujourdhui que les Objectifs du Millénaire pour le développement seront dautant plus difficiles à atteindre en raison de la crise actuelle. En réalité, cest le deuxième choc majeur qui frappe les pays en développement en deux ans ; pour mémoire, la flambée des prix des denrées alimentaires et de lénergie à la veille du déclenchement de la crise financière avaient déjà fait basculer des millions de gens dans la pauvreté absolue (Austrevicius).
29. Les problèmes et besoins des pays en développement sont cependant très différents et nécessitent différents types de soutien. Certains de ces pays par exemple sont confrontés à une baisse considérable et soudaine des rapatriements de salaires, dautres souffrent de la chute des prix des matières premières alors que dautres encore sont pénalisés par la compression des échanges commerciaux ou lassèchement des flux de capitaux. La Banque mondiale a demandé aux pays développés de prévoir des fonds pour aider les pays en développement à affronter la tempête actuelle. Il faudra en effet aider les pays les plus pauvres - où nombreux sont les gens qui vivent dans des conditions extrêmement précaires - à préserver leurs filets de sécurité sociale. Le soutien à la production agricole et aux petites et moyennes entreprises reste une priorité absolue. La Banque mondiale a triplé ses prêts aux pays les plus pauvres et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) leur consacrera 35 milliards de dollars cette année et le même montant chacune des deux prochaines années. La Banque a pris des mesures pour que ces fonds parviennent rapidement et directement à leurs bénéficiaires, et puissent ainsi produire un effet positif immédiat dans les pays qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour pouvoir adopter des politiques budgétaires expansionnistes (Rapport de mission APOTAN, Washington DC, mai 2009). La Banque mondiale soutient les efforts qui visent à aider les plus vulnérables et à alléger le coût social de la crise. Cest ainsi que le Programme dintervention en réponse à la crise alimentaire mondiale (GFRP), par exemple, aide les petits exploitants agricoles à surmonter les difficultés liées à la conjoncture actuelle. Un autre programme contribue au maintien des filets de sécurité sociale en faveur des pauvres dans les villes. Faire en sorte que les enfants puissent continuer à aller à lécole et leur garantir laccès aux soins de santé demeurent des priorités essentielles pour la Banque mondiale en ces temps de crise.
30. A plus long terme, lévolution du processus de développement pourrait savérer cruciale pour corriger certains des problèmes structurels sous-jacents à cette crise. A la veille du Sommet du G20 de Pittsburgh, Robert Zoellick, le président de la Banque mondiale, faisait observer que les consommateurs américains ne peuvent plus faire office de moteur de la croissance mondiale et que les pays en développement, y compris en Afrique, devraient, en fin de compte, être considérés comme une source potentielle de croissance alimentée par la consommation, du moins à plus long terme. Cest ce qui est en train de se produire, dans une certaine mesure. Les plus grands marchés émergents se redressent plus vite que les pays développés (« Not Just Straw Men ») et deviennent des protagonistes clés dans lévolution des relations économiques sud-sud. Cela permet denvisager de nouvelles voies pour relancer la croissance et le développement dans les pays plus pauvres. Les questions de développement sont souvent reléguées à la périphérie des débats économiques dans les pays développés alors quelles devraient être placées au cur même des considérations économiques nationales, précisément pour les raisons invoquées par M. Zoellick. Dans le même ordre didées, il est capital que le G20 ait avalisé le principe et la nécessité dune réforme des structures de gouvernance du FMI et de la Banque mondiale afin que les pays en développement aient plus de poids dans les processus décisionnels affectant la politique économique mondiale.
LES ECHANGES COMMERCIAUX
31. Face, principalement, aux réactions protectionnistes de certains gouvernements en réponse à la crise financière mondiale, daucuns sinquiètent de voir lordre commercial international confronté à un nouveau type de risques. Selon les estimations de lOMC, il faut sattendre à une compression dun dixième du volume des échanges cette année. Au cours de lannée 2008, le commerce mondial a enregistré une chute spectaculaire de 32,6 % en termes de valeur parmi les pays qui représentent 97 % des échanges internationaux. (« After the fall »). Lhistorien économique Barry Eichengreen pense que le commerce sest contracté davantage sous leffet de cette crise quà un stade comparable de la Grande Dépression (« Unpredictable Tides »). En tout état de cause, une part importante de ce déclin sexplique par leffondrement de la demande, mais la mise en place de barrières commerciales est préoccupante - même si elle ne constitue pas encore un facteur de repli des échanges. Certaines mesures restrictives sur le plan du commerce ont été introduites comme par exemple des mesures de sauvegarde, des mesures antidumping et des droits de compensation. Si dautres mesures du même genre sont appliquées, le commerce mondial risque de partir dans la mauvaise direction (Chad Bown). Les enseignements de la Grande Dépression ne peuvent être ignorés dans le contexte actuel. Non seulement de nombreux gouvernements ont réduit leurs budgets face à la grave récession qui a suivi le krach de 1929 décision qui sest avérée fatale mais ils ont aussi imposé des barrières commerciales intimidantes, dont lexemple le plus illustre est sans doute le projet de loi ultra-protectionniste Smoot Hawley Trade Bill aux Etats-Unis. De telles mesures nont fait quaggraver la crise et favoriser sa propagation, ce qui a eu dhorribles conséquences sur le plan géopolitique. Aujourdhui, le discours des autorités atteste quelles ont tenu compte des leçons de cette effroyable décennie mais il nempêche quelles doivent rester vigilantes.
32. En novembre 2008, les chefs de gouvernement du G20 avaient conjointement décidé de ne pas faire du protectionnisme un outil de gestion de la crise. Néanmoins, une étude menée récemment par Global Trade Alert permet de penser que presque tous ces pays ont adopté, en réalité, lune ou lautre forme de politique protectionniste, en violation de lengagement quils avaient pris en novembre 2008. Selon ce rapport : « daprès des estimations conservatrices, les gouvernements du G20 ont, depuis novembre dernier, mis en place 121 mesures de politique protectionniste et tous les trois jours, un gouvernement du G20 rompt sa promesse de ne pas faire appel au protectionnisme » (« Broken Promises »). De nombreux pays augmentent également leurs droits de douane dans les limites des engagements pris dans le cade de lOMC. Les Etats-Unis, lUnion européenne et la Suisse ont tous annoncé de nouvelles subventions à lagriculture alors que le nombre de cas antidumping dans lenceinte de lOMC augmente à vive allure (« Unpredictable Tides »).
33. Aujourdhui, les mesures protectionnistes sont bien plus perfides et difficiles à déceler que dans les années 30, lorsque quotas et droits de douane constituaient larme de prédilection. Le protectionnisme contemporain peut être camouflé dans toutes sortes de politiques gouvernementales, ce qui ne lempêche pas de produire un effet de distorsion voire même de dissuasion des échanges commerciaux. Il arrive parfois que les formidables plans de relance et de sauvetage initiés dans les pays les plus développés soient malheureusement utilisés pour créer des terrains de jeux commerciaux inéquitables, octroyant des avantages manifestes aux sociétés nationales. Ordonner, par exemple, que les dépenses publiques ne soient centrées que sur les sociétés du pays représente une forme de protectionnisme subtile, mais vile. Ce qui est qualifié de sauvetage dans un pays peut très bien être considéré comme subvention dans un autre.
34. Les tensions commerciales à propos de ces questions nont cessé daugmenter au cours de lannée écoulée. Le plan de relance du président Obama contenait à lorigine une clause fortement controversée préconisant une politique « Achetez américain » pour lacier et plusieurs autres produits américains. Les responsables et les constructeurs automobiles européens se sont également déclarés sceptiques quant aux transferts opérés par le gouvernement des Etats-Unis en faveur de GM et de Chrysler et quant à diverses autres mesures telles quun projet de loi déposé par le Congrès interdisant aux agences fédérales dacheter des voitures non américaines (Mitchell, 27 août 2009). Récemment, les Etats-Unis ont annoncé quils appliqueraient une augmentation des droits de douane jusquà 30 % sur les pneus fabriqués en Chine, ce à quoi les Chinois ont riposté en annonçant des mesures anti-dumping de représailles contre les exportateurs américains de poulets et de pièces détachées pour le secteur automobile. Les EtatsUnis ne sont pas les seuls à pratiquer de telles politiques. Le Président français Nicolas Sarkozy a demandé lapplication dune taxe carbone sur les importations en provenance de pays qui ne respectent pas la réglementation en matière de plafonnement et déchange (cap and trade). De nombreux gouvernements cherchent à sassurer que, lorsque leurs entreprises doivent procéder à des restructurations, elles le fassent de manière à ce que le poids des mesures prises pèse avant tout sur leurs usines implantées à létranger. Cest ainsi par exemple que la Belgique a vivement réagi à une décision de fermer une usine Opel à Anvers après la vente de la marque Opel de GM au fabricant de pièces canadien Magna, qui a racheté Opel avec le soutien du gouvernement allemand. Le gouvernement belge a demandé à lUE dinvestiguer à propos de cette décision, arguant que Magna défendait les intérêts allemands. (BBC, 11 septembre 2009). Un litige similaire a surgi entre la France et la Slovaquie et le Premier ministre slovaque Robert Fico a laissé entendre que si la France mettait à exécution ses menaces de fermer des usines en Slovaquie, celle-ci demanderait à Gaz de France de quitter le pays. Cest exactement le type de réaction il pour il, dent pour dent que semblent inéluctablement déclencher des positions protectionnistes (Munchau). Jusquà présent, la plupart de ces litiges ont pu être contenus.
35. Du côté des bonnes nouvelles, signalons que les négociateurs cherchent une fois de plus à relancer les pourparlers sur le commerce mondial, pourparlers qui sont au point mort depuis le Sommet de Genève en juillet 2008. Une réunion a eu lieu début septembre 2009 à New Delhi pour raviver le Round de Doha. Rappelons que ce Round sétend sur 8 ans et que le blocage dont il souffre pour linstant vient de la réticence des pays en développement les plus influents à ouvrir leurs marchés aux produits industriels, et de la réticence des Etats-Unis et de lEurope à ouvrir leurs marchés agricoles. Ni ladministration Obama, ni les gouvernements européens nont inscrit les problèmes liés aux échanges commerciaux sur la liste de leurs priorités au cours des douze derniers mois. Ladministration Obama sest principalement focalisée sur la gestion de la crise financière et sur le débat sur les soins de santé aux Etats-Unis. Il ne faut pas oublier non plus que le président Obama a été élu avec le soutien de certains milieux qui doutent des bienfaits de la libéralisation du commerce et que tout débat sur des questions liées au commerce est aujourdhui empreint de la plus grande prudence à Washington. En fait, aucune évolution na été enregistrée quant aux accords de libre-échange avec la Corée du Sud, Panama et la Colombie et les plaintes adressées par le Canada et le Mexique à propos du protectionnisme américain croissant sont demeurées lettre morte. En Europe, rien ne laisse supposer un quelconque changement au niveau des éléments du protectionnisme agricole à lorigine dune distorsion des échanges. Les pays en développement sont tout aussi intransigeants sur les questions relatives à laccès au marché. Cest pourquoi, en fin de compte, la clé de la réussite du Round de Doha résidera dans un leadership affirmé, une volonté de compromis et, le cas échéant, une diminution des ambitions du Round proprement dit (Miller and Fritsch). Quoi quil en soit, les tendances protectionnistes telles quelles existent aujourdhui sont préoccupantes, surtout lorsquon sait que des échanges plus ouverts pourraient être un moyen déliminer le malaise actuel. Les milieux politiques ne devraient pas pousser les gouvernements dans lautre direction.
CONSTRUIRE UN NOUVEAU CADRE REGULATOIRE
36. La dérégulation du système financier est un leitmotiv du capitalisme occidental depuis les 20 dernières années, notamment, mais pas exclusivement, dans le monde anglo-saxon. La fin des parités fixes sur le marché monétaire, survenue au début des années 70, marque plus ou moins laube dune ère nouvelle celle de la libéralisation du marché des capitaux, de linnovation financière et de la mondialisation monétaire et commerciale. Il y a peu de temps encore, la tendance était à la suppression des anciennes délimitations entre banques et autres institutions financières et à loctroi dune grande latitude aux marchés « pour quils trouvent leur propre équilibre », aussi bien sur les marchés nationaux et internationaux financiers et de marchandises. Il y a quelques années, John Ralston Saul, philosophe canadien, résuma merveilleusement bien loptimise largement partagé à propos de lefficacité de marchés financiers grand ouverts : « A lavenir, cest léconomie - et non la politique ou les armes - qui déterminera le cours de lhumanité. Les marchés libérés ne tarderont pas à créer des équilibres internationaux naturels, insensibles aux anciens cycles de prospérité et de récession. La croissance du commerce mondial, suite à la diminution des obstacles, déclenchera une vague économico-sociale qui soulèvera tous les navires, y compris dans les pays occidentaux défavorisés et dans le monde en développement en général. Ces marchés prospères transformeront les dictatures en démocraties » (Skidelsky, janvier 2009). Or, cest précisément ce genre doptimisme historique qui a entraîné le monde dans une nouvelle crise épique.
37. Vu les circonstances actuelles, il ne semble pas opportun de remettre en question la confiance dans lefficacité bénéfique de la mondialisation et de la dérégulation, comme le fait par exemple Tom Friedman dans The World is Flat. Lexemple de la Chine démontre, à lévidence, que des marchés prospères ne sont pas nécessairement en mesure de transformer des dictatures en démocraties. Entre-temps, promettre la fin des cycles dexpansion et de ralentissement par le biais de la dérégulation frise larrogance pure, à la lumière de ce qui se passe, dans les faits, en cette ère de mondialisation. On pourrait prétendre, en effet, que depuis leffondrement du système mis en place par les accords de Bretton Woods et la dérégulation généralisée des marchés, le système monétaire international na fait que gagner en instabilité. Compte tenu des innombrables exemples de manipulations monstrueuses des marchés pratiquées par des acteurs clés des milieux financiers, de nombreux gouvernements occidentaux sont à présent contraints de se demander quelle ligne de démarcation appropriée il faut instaurer, sur la scène financière, entre le marché et lEtat.
38. Lune des explications de laccroissement de linstabilité au cours des trois dernières décennies réside peut-être dans labsence dune hégémonie libérale crédible pour imposer des règles délibérément adoptées par dautres acteurs clés de léconomie mondiale (Kindleberger). Lémergence de nouveaux centres de pouvoir économique a fortement compliqué le processus décisionnel sur le plan monétaire, et laptitude du système à sautodiscipliner et à éviter une crise financière sest estompée. Plusieurs crises provenant souvent de pays en développement comme le Mexique, lArgentine, lAsie de lEst et la Russie pour ne citer que quelques exemples - ont ébranlé les marchés mondiaux au cours de cette période. LOccident aussi a déclenché des crises celle de la Silicon Valley en 2000 et celle de Wall Street en 2008. Toutes ces crises ont eu de profondes répercussions sur léconomie réelle mondiale. Mais la toute dernière crise est née au cur même du capitalisme mondial et, de manière assez logique, les dégâts quelle a occasionnés à léconomie mondiale et à ses fondements intellectuels sont bien pires que ceux engendrés par les crises précédentes, nées dans les pays en développement.
39. On pourrait prétendre que les innovations sur les marchés financiers ont contribué à propager linstabilité, plutôt quà la freiner. En 1999, le gouvernement américain a aboli la loi Glass-Steagall, qui empêchait depuis longtemps les banques commerciales de fonctionner à linstar de banques dinvestissement. En 2002, le gouvernement a choisi de ne pas réguler les marchés des produits dérivés, y compris les couvertures contre défaut de paiement (CDS, Credit Default Swaps). En réalité, ces « innovations » nont fait quopacifier les marchés, les laissant dans un état dendettement bien pire que cela aurait été le cas autrement. En 2002, on évaluait les CDS aux Etats-Unis à 1 billion de dollars; en 2008, ce chiffre avait grimpé à 33 billions de dollars. Il ne fait pratiquement aucun doute que la mise au grand jour de ces actifs a contribué à accélérer et à aggraver la crise financière. Entre-temps, les titres adossés à des hypothèques avaient été présentés comme instruments de gestion des risques et vendus. En fait, ils provoquaient souvent leffet contraire, accélérant le risque en masquant les dangers inhérents aux prêts hypothécaires subprime. Cest ainsi que le risque de défaut de paiement sest propagé à vive allure à lensemble du système financier mondial. Les normes dadéquation du capital ont également été assouplies pour toute une série dinstitutions financières aux Etats-Unis. En 2004 par exemple, le gouvernement a autorisé les banques à relever leur ratio dendettement à 30-1 au lieu de 10-1 (Bradley et al.). Pire encore, les politiques de bonus de ces organismes récompensaient les prises de risques élevées et pénalisaient souvent ceux qui adoptaient des attitudes plus prudentes, pressentant que les risques que les banques avaient pris lhabitude dencourir devenaient à la fois énormes et ingérables. Cela ne se vérifiait bien sûr pas dans tous les systèmes bancaires, mais des modèles similaires firent leur apparition dans des pays comme lIrlande et lIslande. A linverse, le Canada par exemple na pas joué ce jeu risqué et résiste aujourdhui mieux que dautres à la crise.
40. Tout ceci met en exergue les dangers inhérents à des réglementations inadaptées et à des pratiques négligentes en matière de gestion du risque. De nombreux opérateurs financiers pressentaient en effet quils jouaient en quelque sorte leur va-tout en procédant à des manuvres à haut risque sur les marchés. Cest ainsi quAIG, le géant de lassurance, avait délaissé son métier traditionnel dassureur pour se lancer dans la spéculation tous azimuts sur des marchés scabreux. Les positions initiées par AIG produisirent la paralysie de linstitution lorsque les marchés seffondrèrent lannée dernière, obligeant le gouvernement américain à monter une opération de sauvetage massif pour cette entreprise cruciale, que beaucoup jugeaient « trop grosse pour faire faillite ». AIG ne fut pas la seule dans ce cas. De nombreuses firmes financières dans le monde entier furent « sauvées » par leurs gouvernements, qui avaient très bien compris la catastrophe qui se produirait sils laissaient sombrer ces institutions stratégiques.
41. Malheureusement, de nombreux financiers avaient parfaitement bien évalué le risque, surtout lorsquil sagissait de leurs propres avoirs. Suite à leurs viles décisions, beaucoup parvinrent à sortir encore plus riches de ce bourbier, parce quils avaient réussi soit à « refiler » le risque à dautres avant leffondrement des marchés, soit à profiter dun sauvetage lorsquil apparut que les titres quils détenaient ne valaient plus rien. De toute évidence, un tel comportement risque bien de resurgir, parce que les gouvernements ont montré quils étaient prêts à voler au secours dinstitutions en péril. Pour ces gouvernements, le dilemme était clairement posé : ne pas sauver certaines institutions aurait eu un coût tellement exorbitant et provoqué un tel cataclysme quils navaient dautre choix que de prendre à leur charge le fameux problème de laléa moral.
42. Cest ainsi que, en plus des problèmes propres au marché du logement la dimension macroéconomique -, la crise actuelle est également considérée comme la conséquence dun désengagement progressif des Etats, qui, au fil du temps, ont choisi de se désintéresser du niveau de risque des pratiques financières en vigueur et de ne plus fixer les règles du jeu. Alan Greenspan, ancien président de la Réserve fédérale américaine (Fed) et véritable icône parmi ceux qui pensent quil vaut mieux ne pas réguler les marchés financiers, a longtemps ignoré les appels à une règlementation accrue des marchés et à une transparence obligatoire, arguant que même des produits financiers à fort taux dendettement et extrêmement complexes et opaques avaient pour effet de réduire le risque plutôt que de laccroître. Il nest guère surprenant que la crise actuelle ait fourni une leçon nécessaire depuis longtemps à nombre des protagonistes clés dun leadership financier américain marqué par une réglementation très limitée et un taux dendettement élevé. Au cur de la crise, A. Greenspan a déclaré à une Commission du Congrès quil avait tout simplement fait trop confiance au pouvoir autocorrecteur des libres marchés et quil navait pas anticipé le pouvoir dévastateur de prêts hypothécaires gratuits, ni la manière dont ce problème en particulier allait provoquer une faiblesse majeure au sein dune société surendettée. « Ceux dentre nous y compris moi - qui ont pris en compte les propres intérêts des organismes de prêt pour protéger le capital des actionnaires sont dans un état de choc et dincrédulité totale » (Andrews). Le moins que lon puisse dire est que cette erreur de calcul a coûté cher et a des conséquences particulièrement dévastatrices.
43. La crise a également montré à quel point les pratiques bancaires internationales et les mouvements de capitaux rapides et massifs avaient balayé toute distinction entre les marchés financiers nationaux et les marchés financiers mondiaux. On sait aujourdhui que la chute des valeurs immobilières en Arizona peut directement mettre en péril en Europe la viabilité financière dune commune détentrice dobligations. De même, on sait aussi aujourdhui que la faillite du système bancaire islandais peut directement frapper de petits épargnants au Royaume-Uni et aux Pays-Bas notamment, alors que les problèmes dhypothèques sur les logements en Lettonie menacent actuellement la santé de banques suédoises. Le degré dintégration est tel quune certaine coordination mondiale savère indispensable afin doffrir au minimum aux investisseurs un degré de transparence nettement supérieur à ce quils ont connu ces dernières années. Pourtant, pour des raisons de souveraineté, de divergence marquée entre cultures commerciales et financières et dautres préoccupations, les gouvernements se montrent réticents à faire passer des normes régulatoires établies au niveau international avant leurs propres critères nationaux. Il nen demeure pas moins que les lacunes manifestes dont souffrent les réglementations nationales et labsence de systèmes de gouvernance mondiale expliquent en grande partie leffondrement du marché et que le scénario se répétera si lon naborde pas ce problème.
44. Pour fonctionner correctement, les marchés ont besoin de transparence et dinformations symétriques ; malheureusement, aucun régime international na pu assurer pleinement ces critères. Négocié pour la première fois dans les années 80, le cadre de Bâle régissant ladéquation du capital et les charges dinvestissement a longtemps été considéré comme insuffisant pour les opérations bancaires internationales. Aujourdhui, il apparaît clairement que Bâle 2 est dépassé, comme bien des cadres régulatoires nationaux dailleurs. Ce système se fiait par exemple à des agences de notation et aux modèles de risques propres aux banques, malgré des conflits dintérêt tangibles. Qui plus est, des institutions financières de tous types ont exploité les innombrables lacunes du cadre de Bâle pour retirer de leurs bilans régulés des actifs à risque ou sous-performants et les transférer dans un univers non régulé. Cela na fait quaggraver la dangerosité du marché des titres adossés à des hypothèques et augmenter la vulnérabilité des Etats-Unis et dautres banques lorsque le marché hypothécaire sest écroulé.
45. De toutes les activités économiques, cest la finance qui est la plus mondialisée. Les grands acteurs présents sur cette scène ont une dimension et des ambitions fondamentalement internationales plutôt que nationales. Dun point de vue régulatoire, cela représente une véritable énigme étant donné la nature fongible de largent. Largent sécoule naturellement vers lendroit où le potentiel de gain est le plus élevé et, si des réglementations compriment les rendements sur un marché, même de façon marginale, largent prend très rapidement une autre direction. Cet état de fait a rendu le système financier mondial plus vulnérable que jamais à une course de fond régulatoire où les gouvernements sont constamment sous pression pour libéraliser le marché, afin dattirer plus de capitaux et développer davantage encore le secteur bancaire. La crise a montré que la gouvernance mondiale et nationale a souffert de cette situation. Alors même que la crise semble séloigner, les pays où le secteur bancaire occupe une place importante répugnent à prendre des mesures régulatoires radicales sils nobtiennent pas la garantie que des décisions similaires seront prises ailleurs. Cela a donné naissance à un climat de tension par exemple entre la France qui souhaite plafonner les bonus et le Royaume-Uni ainsi que les Etats-Unis, plus réticents à sengager sur cette voie. Il ne sagit pas ici dune simple divergence de culture, mais plutôt dune question de concurrence dans le secteur bancaire (Daneschku).
46. De toute évidence, il faut mettre en place toute une série de règles pour que ladéquation du capital devienne réalité dans la comptabilité des banques ; à cet égard, une certaine coordination internationale pourrait savérer utile. Mais atteindre un tel objectif dans les faits est difficile, car le goût du risque varie dun pays à lautre et parce que ce qui est « adéquat » à un stade spécifique dun cycle conjoncturel peut ne pas lêtre à un autre. On pourrait dire par exemple quil devrait être permis de changer les ratios dadéquation du capital dans le temps pour encourager un certain niveau dépargne des capitaux en période de prospérité, ce qui permettrait de consolider la base en capitaux en période de vaches maigres. Cependant, dans de nombreux pays, les règles sont procycliques et ont dès lors tendance à amplifier plutôt quà atténuer les fluctuations du marché. Les législateurs doivent aussi mieux aborder les problèmes de conflits dintérêt qui ont joué un rôle majeur dans la crise actuelle.
47. Les banques centrales devront sans doute se montrer plus inflexibles pour éviter la formation de bulles dactifs potentiellement dévastatrices, les booms du crédit et les désalignements des prix. Cela ne rapportera certainement pas des « points politiques » aux responsables des banques centrales, mais le but de ces institutions nest pas de sattirer un quelconque crédit politique. Aujourdhui, on ne peut pas dire avec certitude quels pays sont prêts à revoir en profondeur les règles régissant les procédures bancaires, les normes de divulgation et de transparence et les politiques budgétaires. Et il est encore plus difficile de dire sils sont prêts ou non à sattaquer au problème en concertation avec les autres nations. Certaines règles internationales pourraient contribuer à maîtriser les éléments les plus sauvages et les plus déstabilisateurs de léconomie mondiale. Mais pour identifier ces éléments, la communauté internationale doit entamer un débat politique très vaste sur la mondialisation, ses risques, ses opportunités et ses retombées sur la répartition internationale et domestique de la richesse. Il faut aussi mieux comprendre ce que les nations espèrent retirer de la mondialisation et les meilleurs moyens à mettre en uvre pour que ces aspirations deviennent réalité.
48. Les dirigeants politiques doivent également veiller à ne pas jeter le bébé avec leau du bain. Ce nest pas la mondialisation en soi qui pose problème. Le vrai défi réside dans lédification de systèmes de régulation et de gouvernance appropriés, tant au niveau national que transnational, afin de garantir un degré de stabilité supérieur sans renoncer aux acquis qui ont pu être réalisés par le biais des flux financiers et commerciaux internationaux. Ce nest pas en se repliant sur soi que lon parviendra à des solutions. Mais il existe sans doute un équilibre à trouver, quelque part, entre la mise en place dune économie mondiale sans friction mais totalement illusoire comme celle qui transparaît dans les rêves de Thomas Friedman, et la création dune série de petits royaumes lugubres vivant en autarcie, tels des ermites.
49. Daucuns prétendent quun nouveau régime de Bretton Woods est nécessaire pour construire une architecture financière mondiale plus stable. Il peut sembler surfait de dire que Bretton Woods a été conçu pour mettre en place un ordre financier et commercial international après des années dautarcie et de guerre. Il a fallu deux ans de planification et une longue conférence intensive de trois semaines à Bretton Woods, New Hampshire, pour dresser lébauche des plans dun système de parités monétaires fixes et définir les rôles clés que joueraient le FMI et la Banque mondiale pour étayer le système. La crise financière actuelle est le défi économique le plus difficile, sur le plan politique, que les gouvernements occidentaux aient eu à résoudre depuis des décennies, mais il est peu probable que lon assiste à des innovations aussi fondamentales que celles initiées par les accords de Bretton Woods. Il nen demeure pas moins quil y a du changement dans lair.
50. Les premiers signes de ce changement sont apparus lors du Sommet du G20 réunissant ministres des Finances et chefs de gouvernement en avril 2009. Au cours de la réunion des ministres des Finances, les participants sont convenus dune série de mesures coordonnées pour stimuler la demande et lemploi. Ils ont promis de résister aux pressions protectionnistes (bien que beaucoup aient ensuite rompu cette promesse), et ils ont décidé conjointement de préserver lapprovisionnement en liquidités, de recapitaliser le système bancaire, de mettre en uvre des plans de relance, daider les pays émergents et en développement par le biais dune consolidation des organismes de prêts multilatéraux, dinstaurer une réglementation appropriée applicable aux institutions financières (y compris lenregistrement complet des fonds de couverture), de contrôler plus sévèrement les agences de notation du crédit, dexiger une plus grande conformité au Code de conduite de lorganisation internationale des commissions de titres, de contrôler davantage les opérations hors bilan et daccentuer la pression sur les territoires refusant leur collaboration et autorisant des pratiques bancaires et financières opaques.
51. Au Sommet du G20 de Pittsburg, Pennsylvanie, le 24 septembre 2009, les discussions ont porté davantage sur les réformes à long terme pour empêcher une crise future, notamment dans le secteur bancaire. Les participants se sont efforcés de détailler lagenda de la réforme, même si les chefs de gouvernement ont implicitement reconnu que ces réformes relèvent dans une large mesure de la compétence des instances nationales. Les chefs de gouvernement sont convenus que dici à 2012, les banques devront constituer des réserves de capitaux nettement plus importantes pour éviter autant que possible de devoir lancer des appels à laide in extremis. Mais ce sont les législateurs nationaux qui, en fin de compte, fixeront les exigences spécifiques en matière de capital. Des réglementations nationales concernant les rémunérations des banquiers seront également instaurées pour dissuader des prises de risques exagérées, mais il convient de noter que les efforts déployés par la France et lAllemagne pour plafonner les bonus ont été rejetés. Avec le ferme appui du Conseil de stabilité financière, les banques devront conserver une part plus importante de leurs bénéfices, associer plus clairement les rémunérations à la performance à long terme, mener chaque année des analyses indépendantes des rémunérations et offrir une plus grande transparence (Galloni). Le communiqué final préconise aussi que des dispositions soient prises pour autoriser la récupération de bonus versés à ceux dont les opérations se soldent, in fine, par une sous-performance. Il demande également que certains bonus soient payés en actions pour fournir un ensemble de stimulants à plus long terme et de limiter les bonus à un certain pourcentage des recettes lorsque la banque fonctionne avec peu de capitaux. Les participants ont reconnu quil fallait réglementer plus sévèrement le marché de gré à gré des produits dérivés pour accroître la transparence et responsabiliser davantage les établissements à légard des opérations à risque. Le communiqué avalise lidée de testaments pour des « sociétés financières importantes pour le système »; il sagit en loccurrence de plans décrivant comment ces sociétés procèderaient pour « détricoter » leurs opérations en cas de besoin afin que les procédures en cas dinsolvabilité soient moins compliquées (Brunsden). Ces testaments obligeraient les banques à prévoir leur propre faillite, ce qui faciliterait la protection des épargnants tout en rendant les créanciers, plutôt que les contribuables, responsables des charges à assumer en cas de faillite de la banque.
52. Dune certaine façon, on peut dire que le Sommet de Pittsburg a marqué un tournant dans la mesure où il a reconnu les changements fondamentaux qui ont affecté la structure de léconomie mondiale au cours des deux dernières décennies, en loccurrence la montée en puissance de nouveaux acteurs économiques stratégiques comme la Chine, lInde et le Brésil. Il a donc été décidé que le G20 deviendra le forum permanent de la coopération économique internationale, alors que le G8 traitera désormais de questions telles que la sécurité et dautres thèmes intéressant plus directement ses membres (dont le nombre est plus limité). Les chefs de gouvernement réunis à Pittsburg ont également accepté conjointement le principe doctroyer une plus grande représentation à la Chine et aux pays en développement au sein de lorgane dirigeant du FMI en augmentant de 5 % au moins le taux de représentation des pays actuellement sousreprésentés. Les détails de cet accord doivent cependant encore être définis. Les participants au Sommet ont en outre décidé doctroyer 500 milliards de dollars (313 milliards de livres) au FMI pour financer un plan de crédit FMI rénové et étendu en faveur des pays en difficulté (Frean). Toutes ces initiatives sont importantes, du moins sur papier, et ont pris acte des profonds changements qua subis le système financier mondial à la suite du choc économique. Nombreux sont toutefois ceux qui considèrent quil ne sagit que dun début et que beaucoup dépendra à présent de la manière dont les gouvernements affineront leurs intentions. Il est plus que probable que la communauté financière réagira avec vigueur sur plusieurs fronts, y compris sur la question des bonus.
53. Une nouvelle idée est en train de naître : ce sont les sociétés elles-mêmes qui encourent des risques accrus lorsque leur secteur bancaire national devient trop grand. Cette notion suscite un débat approfondi au Royaume-Uni, aux Etats-Unis ainsi quen Islande pour ne citer que ces quelques exemples. Cela dit, de nombreuses banques aux Etats-Unis ont repris leurs activités dinvestissement ; leurs plus gros moteurs de profit restent leurs départements darbitrage qui initient des positions à court terme sur des actions, des obligations, des matières premières, des devises et dautres instruments financiers. En juillet dernier, les cinq principaux établissements de Wall Street avaient généré 56 milliards de dollars de revenus, contre 22 milliards de dollars à lissue du premier semestre 2008. Au cours de la même période, ces sociétés ont affecté 61 milliards de dollars aux réserves pour couvrir les rémunérations et gratifications de leurs employés, contre 65 milliards de dollars un an plus tôt pour la même période. Malgré cela, le montant de la rémunération totale par employé sera bien plus élevé compte tenu du nombre de licenciements survenus dans le secteur (Enrich et Paletta). Daucuns estiment dès lors que les affaires ont repris comme si de rien nétait et sinquiètent de voir certaines leçons de 2008 si vite oubliées.
54. Le FMI a averti que, même si lapogée de la crise est à présent derrière nous au plan de léconomie mondiale, il faudra réformer plus en profondeur le secteur bancaire pour éviter le risque dune nouvelle crise. Selon les estimations du FMI, la valeur des dépréciations dans les banques et autres institutions financières a diminué de 600 milliards de dollars, passant de 4 billions de dollars à 3,4 billions de dollars en raison de la stabilisation de la valeur de certains titres complexes qui se situaient au cur de la crise. Si le FMI reconnaît limportance du sauvetage des banques et des plans de relance déclenchés par la chute vertigineuse du système financier mondial, il nen prétend pas moins que tant les banques que les ménages restent surendettés. Le FMI en appelle aux gouvernements pour quils continuent à renforcer la réglementation du secteur bancaire, élaborent des politiques visant à extraire les créances douteuses des bilans et procèdent avec prudence lorsquils mettront fin aux mesures de relance actuelle mesures qui doivent être maintenues à court terme comme laffirme également lOCDE (Global Financial Stability Report, FMI, octobre 2009). Léconomie mondiale reste en effet affectée par une pénurie du crédit. Le FMI évalue à 1,5 billion de dollars le montant des dépréciations dactifs auxquelles il faut sattendre à la fin de lan prochain, en plus du 1,3 billion de dollars déjà dépréciés jusquà présent. A cet égard, les banques américaines semblent avoir pris une fameuse avance sur leurs homologues européens puisquelles ont déjà déprécié 60 % environ de leurs investissements toxiques contre 40 % seulement en Europe. On estime que, dans la zone euro, les banques devront lever des capitaux à concurrence de 380 milliards de dollars supplémentaires pour parvenir au ratio de capital Tier 1 (mesure des réserves dune banque) de 10 % de leur capacité totale. En comparaison, les banques américaines nauront besoin que de 80 milliards de dollars pour y parvenir, bien quelles risquent dêtre confrontées à un autre problème lié à la dévalorisation accélérée de limmobilier commercial (Dougherty). Alors que léconomie allemande affiche des signes de reprise, ses principales banques restent hautement exposées à des instruments financiers originaires des Etats-Unis, dont la valeur sest effritée. Les autorités allemandes de surveillance des marchés financiers estiment que les banques allemandes sont assises sur quelque 800 milliards deuros dactifs illiquides. Si cela nest pas correctement géré, ces créances douteuses dans les bilans des banques occidentales pourraient bien déclencher une nouvelle vague de crise et récession (« The risk of another downturn »).
LA CRISE ET LE SYSTEME INTERNATIONAL
55. La crise a également eu dimportantes répercussions sur le système international dans son ensemble. Particulièrement acerbes à lencontre de lAmérique, certains critiques ont attribué en partie lorigine du problème au comportement irresponsable des Etats-Unis sur leur propre marché financier, à leur approche unilatérale du système international en tant que tel et à leur désinvolture sur le plan budgétaire. Leurs capacités de leadership et de crédit sen sont trouvées affectées et daucuns sont persuadés que la crise a accéléré ce déclin. Le fait que le boom de la consommation américaine au cours des dix dernières années ait été financé par la Chine traduit une évolution de lordre mondial qui pourrait nécessiter de nouvelles structures institutionnelles, mieux alignées sur cette nouvelle réalité.
56. Ceci nest pas nécessairement une bonne nouvelle, surtout pour ceux qui restent fidèles à la préservation dun ordre international libéral. Pour les économistes politiques, cest presquune évidence : la construction dun ordre commercial et financier international stable nécessite une puissance hégémonique libérale capable de mettre en place et de régir efficacement les systèmes commerciaux et financiers internationaux. Le Royaume-Uni a joué ce rôle au XIXe siècle et les Etats-Unis ensuite après 1945. Tous les deux ont construit des systèmes mondiaux basés sur les principes du libre marché, de louverture et de la non-discrimination des structures et pratiques favorables à la fois aux puissances exerçant cette hégémonie et aux participants prêts à adhérer à cet ordre. Exercer une telle hégémonie sans un engagement libéral envers léconomie de marché risque plus daboutir à des régimes franchement impériaux et dentraîner des contraintes politiques et économiques bien plus lourdes pour les puissances de second rang. En théorie, labsence dhégémonie conduit à linstabilité. Le chaos économique, financier et politique qui a caractérisé la période de lentre-deux guerres par exemple était dû, en partie, à labsence dune hégémonie libérale prête à assumer un leadership mondial sur le plan financier et de la sécurité. La forme dhégémonie américaine qui est apparue au lendemain de la Seconde Guerre mondiale reposait sur une idéologie libérale et une communauté dintérêts économiques, politiques et de sécurité partagés par dautres participants clés au système, en particulier lEurope. La survie de ce système nécessitait non seulement une volonté et une vision de la part de lAmérique, mais aussi une légitimité systémique et la coopération des Européens. La puissance dominante a gagné cette légitimité par sa détermination à pratiquer lauto-restriction et parfois même, le déni de soi pour servir les intérêts du système lui-même. Ce qui est, évidemment, beaucoup demandé à une grande puissance, quelle quelle soit, pour un temps certain. Cest en partie pour cette raison que les périodes dhégémonie libérale sont généralement courtes et commencent à se dégrader dès que la puissance qui détient cette hégémonie perd de son dynamisme ou commence à jouer avec le système pour servir ses propres intérêts.
57. Comme la capacité de lAmérique à jouer son rôle sest estompée au cours des trois dernières décennies et que cette tendance saccélère sans doute sous leffet de la crise financière et de la récession que nous connaissons actuellement, on peut se demander si un changement systémique nest pas imminent. Il ne fait aucun doute que nous entrons dans une ère de parité globale pour ne pas dire quasi totale entre plusieurs pays ou blocs de pays. Cette parité ne se situe pas sur un plan militaire. En effet, les Etats-Unis restent très largement la seule plus grande puissance militaire au monde. Mais cette puissance militaire na pas empêché un glissement généralisé vers une parité économique mondiale et il nest pas exclu que la tendance saccentue dans la mesure où le colossal budget de la défense américain représente une charge budgétaire ahurissante pour les Etats-Unis. Qui plus est, les Etats-Unis se retrouvent embourbés dans des conflits lointains et controversés, qui occasionnent de nombreuses victimes. Selon certains, cet état de fait pourrait avoir érodé la puissance de ce pays et sa position sur la scène internationale. De telles évolutions contribuent aussi à remodeler le système international. Aujourdhui, se développe un sentiment de plus en plus marqué selon lequel un leadership international placé sous le signe de la coopération pourrait être le seul moyen dexercer une conduite efficace de lordre mondial et cela, malgré la difficulté de gérer un tel modèle (Keohane). Cette logique justifierait un dialogue plus étroit que jamais et un niveau de coopération transatlantique plus élevé que jamais sur les plans politique et économique.
58. Les premiers signes de cette évolution sont apparus au début des années 70, lorsque lancien système de Bretton Woods sest effondré parce quil ne parvenait plus à contenir la flambée inflationniste qui a marqué cette décennie. A lépoque, les Etats-Unis, gardien de la devise de référence, ont commencé à faire tourner la planche à billets pour financer la guerre au Vietnam et la Great Society chez eux. Ce faisant, ils ont exporté linflation et, par conséquent, sapé la crédibilité du système ainsi que leur propre crédibilité. En Europe comme aux Etats-Unis, les anciennes thèses de gestion de la demande ont dégénéré en politiques budgétaires et monétaires laxistes qui ont fini par déclencher une crise de la capacité de gouvernance dans les années 70. (Skidelsky, « Where do we go from here? »). Avec le retour de la rigueur monétaire dans les années 80, linflation a à nouveau pu être maîtrisée, mais labsence de discipline des Etats-Unis sur le plan budgétaire allait poser un grave problème, qui a débuté avec les déficits sous la présidence de Reagan. Le déséquilibre entre les engagements du gouvernement américain et la volonté de ce dernier de taxer les citoyens pour quils financent ces engagements était manifeste. Ce déséquilibre a perduré pendant des années, en grande partie parce que le reste du monde était prêt à prêter aux Américains les fonds dont ils avaient besoin pour couvrir leur déficit. Hormis un excédent budgétaire de courte durée sous la présidence de Clinton, les Etats-Unis ont connu et connaissent toujours dénormes déficits budgétaires tandis que leurs déficits des comptes courants ont explosé.
59. Il nest pas inintéressant de noter que cest le G20, et non le G7, qui a été convoqué pour la première fois fin novembre 2008 afin que les gouvernements des principaux acteurs concernés puissent élaborer des stratégies face à la crise actuelle. Ce fait, qui nest certainement pas sans conséquences, est le reflet dun monde qui a changé et la reconnaissance, par les puissances financières mondiales traditionnelles, quelles ne font pas le poids pour résoudre seules ce problème. Ce changement a été officiellement reconnu à Pittsburg en septembre dernier (After the Fall, The Economist, 15 novembre 2008). Aujourdhui, on est bien loin du rôle que jouèrent jadis lEurope et les Etats-Unis dans la construction de lordre financier mondial et dans la mise en place des mécanismes destinés à garantir la conformité aux règles du jeu. Le défi économique le plus délicat à résoudre pour linstant est de savoir si un groupe de pays, plutôt quun Etat créant seul les règles du jeu, est capable délaborer et de gérer un ordre mondial stable et cohérent sur le plan financier et commercial. Nombreux sont ceux qui doutent de la faisabilité dune telle option.
60. La crise financière pourrait également compliquer et/ou freiner la résolution des défis mondiaux que posent le changement climatique et lenvironnement. Ce risque est bien réel. A brève échéance, la chute des cours de lénergie balaye, provisoirement, les stimulants qui poussent à adopter des technologies plus propres et plus efficace et dissuadent les types dinvestissements requis pour répondre aux futurs besoins énergétiques. LAgence internationale de lEnergie a lancé cette mise en garde : les bas prix que nous connaissons aujourdhui ne dureront pas et de graves crises énergétiques se profilent déjà à lhorizon (OCDE 2009). Par ailleurs, compte tenu de la conjoncture économique particulièrement défavorable que nous connaissons aujourdhui, les entreprises risquent de baisser les bras face aux programmes de transition vers des technologies plus propres et plus efficaces. Si lon ne sattaque pas à ce problème, lOccident se retrouvera dans une position très vulnérable lorsque surviendront de futurs chocs énergétiques et environnementaux. Le financement de la recherche et du développement et les budgets destinés à la mise en uvre des mesures environnementales risquent de subir de fameuses pressions si la résolution de ces défis ne figure pas parmi les priorités absolues des agendas nationaux et de lagenda international. Ladministration Obama a déjà fait savoir quelle étudiait la possibilité dun cadre moins contraignant et dexigences moins strictes en matière de conformité en vue de la conférence sur le climat qui se tiendra à Copenhague en décembre. Il est évident que la crise économique est loin dêtre étrangère à une telle attitude.
61. Enfin, il faut également prendre en compte les risques que fait peser sur la sécurité linstabilité des pays en développement dans un contexte où les perspectives économiques ne cessent dempirer. Depuis quelques années déjà, les pays membres de lOTAN nourrissent de vives inquiétudes à propos des Etats fragiles. Le fait que les gouvernements ne disposent ni de la capacité ni des ressources voulues rend ces pays vulnérables non seulement à laggravation de la pauvreté, mais aussi à toute une série de défis sécuritaires, dont les conflits pour la conquête des ressources. Compte tenu des contraintes budgétaires auxquelles ils doivent faire face, les pays occidentaux risquent de ne pas pouvoir maintenir leur niveau daide, par manque de capacités financières et politiques. Laide à la sécurité nationale et au développement pourrait donc être reléguée au second plan des priorités des pays occidentaux, assaillis aujourdhui par des problèmes de chômage massif et de croissance négative. Mais les défis liés à la sécurité nationale ne disparaîtront pas pour autant et, dans le cas qui nous occupe, certaines menaces pourraient même sintensifier. Dans son évaluation annuelle des menaces devant le Senate Select Committee on Intelligence, lamiral Dennis Blair, directeur américain du renseignement national, a adressé cette mise en garde : si lOccident ne remplit pas ses obligations en matière de défense et de développement ainsi que ses obligations humanitaires dans le climat de crise économique actuel, cela pourrait bien accentuer la vulnérabilité du système international.
62. George Roberson et Paddy Ashdown ont évalué récemment les risques en matière de sécurité dans une série dEtats fragiles. Ils ont constaté que 27 dentre eux risquaient réellement de dégénérer en Etats faillis ou de basculer dans un conflit au cours des prochaines années. Dans leur rapport, ils considèrent les niveaux de chômage élevés et la brusque dégradation des conditions économiques comme les principaux vecteurs de conflit et de la faillite dun Etat. Plusieurs des pays figurant sur cette liste, parmi lesquels lAfghanistan, le Pakistan, lOuzbékistan, le Nigeria et la Côté dIvoire, voient leurs conditions empirer. Selon Ian Kearns : « Il faut sattendre à ce que les pays voisins de ceux qui sont les plus défavorisés connaissent des conflits plus violents et des répercussions en cascade, qui auront un effet déstabilisateur sur le plan politique. Selon toute vraisemblance, il y aura des exodes de populations et une plus grande souffrance humaine à grande échelle, parallèlement à une diminution de lactivité économique globale et à la perte dopportunités pour un commerce mondial productif. Il faut également sattendre à la multiplication despaces sans gouvernance, que des terroristes pourront mettre à profit, et à laccroissement du nombre de ceux qui, pour assurer leur survie économique, rejoindront les rangs des partisans de la criminalité transnationale (essentiellement par le biais du commerce des armes et des narcotiques). Plus ces scénarios deviendront critiques, plus la communauté internationale fera pression, à juste titre dailleurs, pour agir dans lintérêt de ceux qui sont sans défense et pour essayer de limiter les conséquences dun échec » (Kearns).
Conclusions
63. La communauté internationale se trouve face à des défis financiers, économiques et politiques sur plusieurs fronts. Elle a besoin de stratégies et de ressources pour faire face à la crise financière mondiale, à une crise alimentaire mondiale, à une crise de lénergie quasi permanente, à la crise du réchauffement climatique planétaire et à une série de crises sur le plan de la sécurité. Classer ces défis selon leur priorité nest déjà pas une tâche aisée dans les conditions actuelles ; fournir les ressources, limagination et la volonté de les résoudre pourrait savérer tout simplement impossible.
64. Dune façon générale, les gouvernements doivent aujourdhui dédramatiser la crise financière mais ils doivent le faire en étant conscients des risques que cela pose pour la santé économique, la sécurité environnementale et énergétique et le bien-être social de demain. Ils doivent aussi analyser les causes profondes de plusieurs phénomènes interdépendants : la crise financière/bancaire, la grave récession qui sen est suivie, les lacunes majeures de larchitecture et de la réglementation financières internationales et les risques sécuritaires posés par leffondrement de léconomie de pays en développement. Une intervention massive (des Etats) dans léconomie semble avoir empêché léconomie mondiale de sombrer dans une dépression désastreuse, mais il reste de gros nuages menaçants à lhorizon. Parmi eux, les déséquilibres budgétaires, ce qui obligera les gouvernements à élaborer des stratégies crédibles pour combler leurs déficits.
65. Il faut à présent élaborer et mettre en uvre une réforme de la réglementation, dont les grandes lignes ont été tracées conjointement à Pittsburg. Le problème de laléa moral doit lui aussi être abordé, de même que les conflits dintérêts comme ceux auxquels les agences de notation ont été confrontées. Aujourdhui, plusieurs banques paraissent trop grosses pour faire faillite et il faudra, dune façon ou dune autre, contrebalancer le legs du sauvetage. (OCDE Briefing 2009). De la même manière, le système de rémunération dans de nombreuses institutions financières doit être modifié pour dissuader des prises de risques exagérées et sassurer que léchec ne soit pas récompensé par le versement de bonus colossaux surtout lorsque cest le contribuable qui doit mettre la main à la poche pour payer cette gratification. Même au cours de la tristement célèbre année 2008, les banquiers de Wall Street ont touché des bonus dont limportance arrivait en sixième position sur la liste des gratifications record, ce qui autorise à penser que bon nombre de ces institutions sapparentent désormais davantage à des clubs denrichissement mutuel pour initiés quà des spécialistes efficaces de laffectation des capitaux. Or, cest bien dans cette seconde direction quelles doivent être réorientées.
66. Ce qui a débuté comme une crise financière, avant de dégénérer en crise économique généralisée est aussi, aujourdhui, une crise sociale et une crise de lemploi. Les gouvernements ont déployé des efforts considérables pour mitiger les effets de ces crises sur les marchés du travail mais le nombre de sans-emploi est en train dexploser. Daprès lexpérience passée, il pourrait falloir des années avant de réintégrer les sans-emploi sur les marchés du travail. A cet égard, les gouvernements peuvent élaborer des programmes destinés à préserver lemploi, à veiller à ce que les sans-emploi ne sombrent pas dans une pauvreté abjecte et à recycler les sans-emploi pour quils soient mieux armés lorsque lamélioration des conditions leur permettra de revenir sur le marché du travail. Les plus vulnérables sont les jeunes et les immigrés ; de nombreux pays risquent de perdre une génération de travailleurs si les sans-emploi ne sont pas impliqués activement dans des stratégies visant à les réinsérer dans lactivité économique (OCDE 1er octobre).
67. Sur le plan macroéconomique, les Etats-Unis devront résoudre leur effroyable problème de déficits chroniques - tant budgétaire que des paiements. Quant au reste du monde, il devra réduire sa dépendance à légard du consommateur américain et, en ce qui concerne la Chine, commencer à consacrer une partie de son épargne au développement de son marché intérieur. La persistance de déficits, même en période de prospérité économique, se traduit manifestement par une plus grande vulnérabilité sur le plan budgétaire lorsque la conjoncture se détériore et par une amplification de lalternance des cycles économiques. La transition sera difficile et conditionnera probablement leur position globale en matière de sécurité.
68. Les gouvernements ont besoin de stratégies budgétaires à moyen terme et doivent se doter parallèlement dune faculté de jugement qui leur permette de dire à quel stade des politiques monétaires et budgétaires durgence (et la dette quelles engendrent) risquent de devenir des menaces plutôt que des solutions pour étayer une croissance économique à long terme. La tâche nest guère aisée, car les dirigeants du monde se retrouvent aujourdhui en terre inconnue et doivent faire face à une myriade de charges qui pèsent sur leurs budgets nationaux, non seulement en raison des plans durgence quils ont élaborés, mais aussi à cause de laugmentation des dépenses au titre de la sécurité sociale, des soins de santé, de la défense et de la sécurité, pour ne citer que quelques exemples. La plupart des experts reconnaissent toutefois que ce nest pas encore le moment de relâcher leffort au niveau des dépenses publiques. En effet, bien quune reprise semble se dessiner actuellement, elle demeure très fragile. A long terme, des politiques budgétaires contre-cycliques devraient encourager lépargne en période de prospérité afin que les ressources nécessaires puissent être affectées aux dépenses sociales et aux mesures de relance en période de récession. Le bon côté de ces approches réside dans le fait quelles peuvent également contribuer à atténuer plutôt quà exacerber le cycle économique et créer ainsi un environnement plus stable pour les investissements.
69. Les gouvernements devront élaborer des stratégies homogènes à légard des pays en développement, de plus en plus affaiblis par la crise. Tant le FMI que la Banque mondiale ont besoin de davantage de ressources pour aider ces pays à surmonter ce qui savère pour eux un revers dévastateur par rapport à leurs espérances de développement. Les Etats fragiles posent toute une série de problèmes encore plus inquiétants et il est vital quils continuent à bénéficier de laide et du soutien de lOccident. Faillir à cet engagement non seulement représenterait une catastrophe morale, mais mettrait aussi gravement en danger la sécurité. Entre-temps, sils veulent redynamiser vraiment larchitecture financière internationale et le cadre de développement international, les gouvernements devront entamer un débat fouillé, fondamentalement intellectuel et, en fait, moral, quant à la finalité ou aux fins de la mondialisation et à la relation adéquate qui doit sinstaurer entre lEtat et le citoyen dune part et la mondialisation dautre part.
70. Le commerce demeurera un vecteur essentiel de la croissance et constitue en réalité un moyen efficace de parvenir à un redressement rapide de léconomie. Mais il est paradoxal que les instincts protectionnistes soient toujours les plus forts lorsque les temps sont les plus durs sur le plan économique. Dun point de vue politique en effet, il est facile daccuser des concurrents étrangers des maux dont on souffre au niveau national, tandis que la hausse du chômage impose une prime politique sur la législation qui protège les emplois par tous les moyens même ceux qui risquent dentraîner, à terme, des pertes demplois. A linstar des pratiques de rémunération dans le secteur bancaire, il arrive que des politiques démocratiques récompensent ceux qui ne veulent voir que le court terme et sobstinent à ignorer le long terme. Les politiques protectionnistes en sont un merveilleux exemple : apparemment, elles renferment la promesse de la préservation des emplois domestiques et ceux qui en bénéficient sont souvent des groupes bien organisés et puissants sur la scène politique. Mais en général, les perdants sont bien plus nombreux et, inévitablement, plus dispersés et moins bien organisés sur le plan politique. Cela envoie à la classe politique un signal pervers, auquel il peut être difficile de résister pour des raisons politiques. Les politiciens qui reconnaissent la valeur des échanges commerciaux doivent défendre avec vigilance ce principe clé dun ordre libéral.
71. Dans le même ordre didées, les pays occidentaux doivent se préparer à faire des concessions sils veulent que le Round de Doha progresse. Il y a dexcellentes raisons économiques et stratégiques qui plaident en faveur dune ouverture du commerce agricole et aller dans cette voie servirait les intérêts de lEurope et des Etats-Unis. Dans la mesure où cela pourrait faire progresser les pourparlers de Doha, les avantages de cette politique en seraient généralisés. Cela se justifie dautant plus à la lumière de la crise alimentaire qui sévit actuellement. LAmérique du Nord et lEurope doivent montrer lexemple et veiller à ce que la crise daujourdhui ne soit pas amplifiée par une vague de protectionnisme. Cest le déclenchement de politiques protectionnistes dans les années 30 qui a contribué à transformer une crise financière en une longue dépression internationale, dont on connaît les terribles ramifications politiques. Il faut absolument éviter cela. Des échanges commerciaux ouverts aideront le monde à transcender cette crise alors que le protectionnisme ne fera que laggraver. Malheureusement, de nombreux gouvernements prennent aujourdhui la mauvaise direction ; la crise semble avoir fait reculer lagenda des pourparlers sur le commerce, tout en bas de la liste des priorités, alors quil devrait constituer laxe central de la stratégie de relance.
72. Enfin, les gouvernements doivent faire tout cela de manière à inspirer la confiance économique plutôt quà léroder. Cette crise offre donc à la fois des opportunités et des risques. Des dirigeants visionnaires pourraient profiter de loccasion pour consolider des organisations internationales vitales, aborder les problèmes de sécurité énergétique, denvironnement et de climat et donner une dimension plus équitable à la mondialisation. En conséquence, les gouvernements devront veiller à renforcer plutôt quà fragiliser les bases de la prospérité future et, cela de manière multilatérale et, autant que possible, coordonnée. Tout échec de leur mission risque de déclencher une crise daptitude à la gouvernance similaire à celle que lon a connue dans les années 70.
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