emilia munteanu - Exercices corriges
23 oct. 2018 ... (Explication du schéma :) .... p 15. (...) L'affirmation d'une impossibilité radicale à
relier ..... La clarification de ces notions permet d'évaluer deux solutions ......
Signifie-t-il qu'il existe deux circuits anatomiques distincts, l'un mis en jeu ......
bégaiements persistants à l'âge adulte peuvent parfois être corrigés.
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EMILIA MUNTEANU
À LÉCOLE AVEC LE FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE
TABLE DES MATIERES
TOC \o "1-3" \h \z HYPERLINK \l "_Toc113373960" DÉFINITIONS MINIMALES PAGEREF _Toc113373960 \h 5
HYPERLINK \l "_Toc113373961" DIDACTIQUE ET SCIENCES PAGEREF _Toc113373961 \h 15
HYPERLINK \l "_Toc113373962" APERÇU DES APPROCHES UTILISÉES DANS LENSEIGNEMENT DES LANGUES ÉTRANGÈRES PAGEREF _Toc113373962 \h 30
HYPERLINK \l "_Toc113373963" MÉTHODES UTILISÉES DANS LENSEIGNEMENT DU FLE PAGEREF _Toc113373963 \h 36
HYPERLINK \l "_Toc113373964" TECHNIQUES DENSEIGNEMENT DE LA GRAMMAIRE PAGEREF _Toc113373964 \h 47
HYPERLINK \l "_Toc113373965" LA FORMATION DES COMPÉTENCES DE RÉCEPTION DU MESSAGE ORAL ET DEXPRESSION ORALE PAGEREF _Toc113373965 \h 67
HYPERLINK \l "_Toc113373966" FORMATION DES COMPÉTENCES DE RÉCEPTION DU MESSAGE ÉCRIT ET DEXPRESSION ÉCRITE PAGEREF _Toc113373966 \h 76
HYPERLINK \l "_Toc113373967" TECHNIQUES DACQUISITION DU VOCABULAIRE PAGEREF _Toc113373967 \h 86
HYPERLINK \l "_Toc113373968" ACTIVITÉS COMMUNICATIVES EN CLASSE DE FLE PAGEREF _Toc113373968 \h 102
HYPERLINK \l "_Toc113373969" TECHNIQUES DENSEIGNEMENT DE LA LITTÉRATURE PAGEREF _Toc113373969 \h 143
HYPERLINK \l "_Toc113373970" TECHNIQUES DÉVALUATION DES COMPÉTENCES EN CLASSE DE FLE PAGEREF _Toc113373970 \h 190
HYPERLINK \l "_Toc113373971" QUELQUES MODELES DANALYSE DE TEXTE PAGEREF _Toc113373971 \h 210
HYPERLINK \l "_Toc113373972" BIBLIOGRAPHIE PAGEREF _Toc113373972 \h 282
DÉFINITIONS MINIMALES
Généralement parlant, la méthodologie est lensemble des méthodes utilisées par une science. Quelque temps auparavant, toute science avait sa propre méthodologie, constituée dune collection plus ou moins riche de méthodes se rapportant aux recherches scientifiques spécifiques de la discipline respective; on pouvait ainsi parler dune méthodologie de la physique, dune autre de la biologie ou de la linguistique. À présent, la fusion de plusieurs sciences engendre linterférence des méthodes et lapparition de nouvelles sciences telles la biophysique, la psychosociologie, la psycholinguistique, etc. Par ailleurs, notre époque a vu augmenter lintérêt porté aux problèmes de la méthodologie à la suite du progrès spectaculaire des sciences. On entend de plus en plus retentir à côté du Pourquoi? inquiétant le Comment? mobilisateur des forces de réflexion et surtout daction.
Dès le commencement, il faut préciser que notre intérêt porte sur la méthodologie en tant que discipline didactique et que nous faisons la distinction entre celle-ci et la méthodologie entendue comme ensemble des méthodes utilisées par dautres sciences pour la recherche, aussi préférons-nous le terme de didactique.
Il faut dire que la didactique dune matière déstinée à lenseignement se propose de fournir aux futurs enseignants des outils nécessaires au déroulement du processus didactique. Bien quelle soit une discipline didactique distincte de la pédagogie et de la didactique générale, lenseignant, dans sa pratique, en classe, ne saurait délimiter les domaines dont il se servira, son objectif étant différent, tout comme il ne pourra se passer des acquisitions fournies par dautres disciplines.
Lenseignement des langues vivantes vise à transmettre des connaissances linguistiques, à assurer donc une compétence linguistique, de même quà créer des automatismes permettant aux apprenants demployer spontanément la langue respective. En même temps, il suppose donc la mise en uvre dune performance linguistique (réalisation dun acte de langage par un locuteur: encodage décodage) par lapprenant. Comme toute langue est lexpression dune vision particulière du monde, il nest pas exclu quon envisage lenrichissement de la pensée et de la culture du public scolaire.
Mais si la science méthodologique pose des questions, elle incite lenseignant à sen poser lui aussi avant, pendant et après le déroulement du processus didactique. Les questions fondamentales seront évidemment: Quel est le public auquel on va enseigner? Quelle matière va-t-on enseinger? et surtout Comment va-t-elle être enseignée?, suivies, après le déroulement de la classe, dune autre : Comment a-t-elle été enseignée?
La didactique est donc censée répondre aux questions concernant les facteurs entraînés dans le processus denseignementapprentissage: public scolaire, programmes, horaires, matériel didactique, méthodes, techniques, etc. Elle se propose dinitier les futurs enseignants aux problèmes concrets de la langue à enseigner et de la pratique en classe de FLE, leur fournit des méthodes denseignement, leur présente la matière ainsi que la manière de la faire acquérir par les apprenants.
Lune des tâches de la didactique est de fournir aux enseignants des moyens de présentation, délucidation, de fixation, de réemploi et dévaluation des faits de langue enseignés. Elle devrait également élaborer les stratégies pédagogiques responsables de la réalisation dun enseignement systématique, progressif, vivant, cohérent, en corrélation avec lâge des apprenants et leur psychologie, avec les données fournies par la langue source et le niveau linguistique de ceux-ci.
Lun des buts peu ou prou déclarés de la didactique est de contribuer à la formation des enseignants débutants et des futurs professeurs. Une telle formation suppose en premier lieu une parfaite connaissance de la langue enseignée, de ses traits caractéristiques de même que la capacité de les mettre en uvre au cours du processus denseignement; une bonne connaissance de la culture et de la civilisation du pays dont on étudie la langue; une bonne formation pédagogique et psychologique et la connaissance des problèmes théoriques et pratiques de lenseignement tout comme des méthodes et des techniques denseignement de la langue cible; une compétence permettant lutilisation des auxiliaires techniques audio-visuels et de lordinateur. Par conséquent, lenseignant accompli serait celui qui ne cesse dêtre apprenant. Tenant dailleurs compte de limpossibilité dune formation initiale complète, de linsatisfaction permanente et de la remise en question de ses acquis théoriques et de sa pratique didactique, lenseignant na quune seule chance déviter la sclérose pédagogique, la routine, celle dune formation continue, quil sagisse dune autoformation ou dune formation organisée dans des Centres linguistiques.
Puisque la didactique des langues vivantes est un objet protéiforme et en perpétuel mouvement, la première qualité dun enseignant devrait être louverture, celle qui lui permettra de mettre sans cesse en question sa praxis didactique, denrichir sa compétence linguistique et pédagogique, sa culture générale. Lénoncé jussif: Aide-toi, la documentation taidera
se fait de plus en plus impératif. Ce sont dailleurs les apprenants eux-mêmes, nos semblables, nos frères et surs, qui nous y obligent sans parler du challenge de langlais. De cette façon nous sommes amenés à faire de nécessité vertu. Pour se documenter, il ny a dendroits plus appropriés que les bibliothèques du Bureau de Coopération Linguistique et Éducative de lInstitut Français à Bucarest, des Centres Culturels Français à Cluj, à Ia_i, à Timi_oara, des Alliances Françaises. L idéal serait évidemment de s abonner à l une des revues de spécialité, se tenir au courant des parutions en matière de didactique du FLE. Mais ce qui pourrait vraiment aider l enseignant à se maintenir en forme, ce sont les stages de formation continue organisés soit dans le pays soit en France. Il suffit de solliciter une bourse de formation auprès de lAgence Nationale Socrates (www.socrates.ro).
Étant donné que la langue française a la réputation dêtre une langue difficile, et pour cause (Car quelle autre langue pourrait jouir dune aussi belle schizophrénie que celle de loral et de lécrit dont le français est atteint?), cest alors de la relation pédagogique et affective qui sinstaure entre lenseignant et lapprenant que dépend le succès ou léchec de cet apprentissage. Dans notre activité denseignement on rencontre des scolaires quon appelle captifs, qui nont pas décidé eux-mêmes de se trouver en situation dapprenants de la langue française (choix des parents, de létablissement, changement décole) ce qui rend la tâche du professeur plus difficile encore. En outre, nous partons du postulat que les apprenants ne sintéressent pas a priori à quelque document ou exercice ayant trait au français, aussi est-il plus prudent de se fixer comme point de départ le degré zéro de motivation, selon lexpression de Michel Boiron. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que lapproche communicative qui domine actuellement la didactique du FLE est incompatible avec lattitude directive et dominatrice. Une relation pédagogique authentique ne se réalise quen pratiquant une réelle communication de personne à personne avec ses apprenants dans un rapport de confiance réciproque. Il est vrai que lensignant débutant ne reçoit pas au cours de sa formation initiale la science lui permettant de gérer la relation pédagogique enseignant / apprenant. Faute de mieux, et sans en être satisfait, ce qui lui resterait alors ce serait de recourir aux schémas fournis par son propre vécu délève, lorsque le savoir était transmis par un professeur toujours en position dominante à des élèves plus ou moins dociles et en position de dominés. Nous sommes persuadé que les propos de Michel Boiron auxquels nous adhérons sont suffisamment concluants du changement qui sest produit dans lenseignement du FLE et non seulement: Lenseignant(e) est représentant(e) du monde adulte et porte parole de la langue enseignée. [
] Les apprenant(e)s vont très fortement identifier la langue à la personne qui lenseigne [
]. La première priorité dun(e) enseignant(e) qui entre dans une classe est davoir le sourire. La deuxième priorité dun(e) enseignant(e) est de faire prendre la parole au plus grand nombre dapprenant(e)s dans les toutes premières minutes du cours.
Les approches actuelles tendent à positionner les deux actants du processus denseignement apprentissage dans une relation de type égalitaire. Et Christine Tagliante dobserver: Dans le langage de la didactique, ce nest pas un hasard si lélève est devenu un apprenant
. Elle continue en donnant la définition de celui-ci: lapprenant est celui qui est en train de se prendre en main pour apprendre, celui qui nattend pas tout de lenseignant, mais qui compte, pour mener à bien les objectifs quil sest fixés, autant sur lui-même que sur laide que lenseignant lui apportera.. Nous savons bien que dans la didactique traditionnelle, la mémorisation, la compréhension et lapplication étaient fortement sollicitées, en revanche, dans lenseignement de type moderne, on fait appel à la capacité danalyse des apprenants, la réflexion étant considérée un facteur dacquisition très efficace. Certes, il y a également eu des changements du côté de celui censé détenir le savoir. Comme il ne professe plus, il est devenu enseignant ou si vous préférez animateur, appelé à collaborer (travailler avec) avec lapprenant, à coopérer avec lui, à lencourager, à lépauler, à animer la classe. Comment? Tout simplement en brisant sa compacité parfois glaciale, en rendant souplesse à ce massif plutôt muet par un travail de groupes. Ainsi la spatialité scolaire se réordonne-t-elle, le mobilier commence à bouger, lenseignant descend de son piédestal et quitte le devant de la scène pour laisser la place aux apprenants-acteurs et se mettre à côté de l apprenant pour l aider, lui rappeler un mot, une structure, une règle. La relation pédagogique est [donc] passée de la verticalité à sens unique (enseignant [plus exactement professeur]!élèves), à l horizontalité interactive telle quon le voit sur le schéma proposé par lauteur de La classe de langue:
Fig.1 Fig.2
Dans la figure 1, le rectangle couché représente le Professeur distributeur du savoir absolu qui se tient à distance des élèves. Les questions du Professeur bombardent les élèves dont les réponses sont sporadiques, et la communication latérale (élève ! élève) n existe pas ou bien elle est trop insignifiante. La figure 2 représente un enseignant (E) placé à côté de l apprenant, par conséquent, à l intérieur du groupe, les échanges ne cessent de se faire entendre.
Comment reçoivent les deux acteurs de la scène scolaire cette nouvelle réalité pédagogique? Certes, le professeur vit le sentiment dune perte de pouvoir, la distance verticale étant passée de mode, tandis que lapprenant se sent un peu dérouté ne sachant que faire de cette liberté inattendue. Mais lui, il est plus rapide et sadapte volontiers. Du côté de lenseignant, on peut entendre encore des objections tantôt légitimes tantôt exagérées. En voilà quelques-unes:
le brouhaha, le désordre;
la difficulté de la gestion de tous les groupes lorsque leffectif de la classe est important;
le risque de perdre trop de temps;
le risque de confondre cette activité didactique avec la récréation;
les apprenants se servent de la langue maternelle lorsque lenseignant tourne le dos;
tous les apprenants ne travaillent pas; il y a toujours quelques cancres, quelques tire-au-flanc.
Néanmoins, cest à lenseignant que revient la tâche de réfléchir avant le commencement de lactivité sur une organisation efficace des tables et des sièges, il peut même demander aux apprenants eux-mêmes de chercher des solutions optimales. Par ailleurs, lefficacité dune telle organisation est garantie seulement sil sagit dune activité de type communicatif. Quant à la correction des erreurs, elle peut se faire en différé. Nous ninsisterons pas trop sur les avantages dune telle modalité de travail car nous savons tous quelle rompt la monotonie du grand groupe, la classe. En outre, à une époque où la mondialisation, fût-elle alter, est inconcevable sans un travail en équipe à lintérieur de laquelle chacun a son rôle, sa responsabilité, il est temps doffrir cette chance (dont nous avons été privés de notre temps) à nos élèves et de leur apprendre à sen servir. Pour assurer leur efficacité, il faut que ces activités soient limitées dans le temps, que leur durée soit respectée et que les consignes soient claires, courtes et précises.
DIDACTIQUE ET SCIENCES
Mais la didactique entretient des rapports serrés avec dautres sciences plus ou moins apparentées telles la psychologie, la pédagogie, lanthropologie, la linguistique théorique et appliquée, la sociologie, lethnographie de la communication, lanalyse du discours, la pragmatique, etc.
LINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE DES LANGUES
En tant quétude scientifique des langues, la linguistique théorique fournit à lenseignement des langues les principes fondamentaux sur lesquels sétayent la conception et lélaboration des méthodes de ce type denseignement.
Quant à la linguistique appliquée, traduction de langlais applied linguistics, elle sintéresse aux problèmes de lenseignement des langues tant maternelles quétrangères de même quà la pathologie du langage, à la traduction automatique, à lenseignement des langues. Cette science offre à lenseignement des langues le produit linguistique brut demandé par la didactique qui le transforme à son tour en produit fini pour les besoins de la consommation, cest-à-dire ceux de la conversation.
Le processus denseignement repose sur un truisme incontournable selon lequel la langue est un moyen de communication, la fonction essentielle de la langue étant celle de permettre aux membres dune société de communiquer entre eux, déchanger. Tous les linguistes contemporains sont daccord pour affirmer que la réalité vivante dune langue est justement la communication orale et ils sappliquent à décrire cette forme parlée ou orale du langage. Les psychologues de leur côté ne manquent pas de confirmer le point de vue des linguistes.
Mais plus qu un instrument ou véhicule, le langage est constitutif de l être humain au même titre que la nourriture et l air. À l appui de cette assertion, une anecdote à valeur d apologue relatée par Andrei Ple_u dans son livre intitulé Limba psrilor. On dit que le roi de Prusse, Frédéric le Grand, sétant proposé la restitution de la langue originaire, fit élever deux nouveau-nés dans des conditions princières mais loin de tout stimulus verbal. Son espoir était que les deux sujets, poussés par un instinct de communication et à défaut de tout modèle communicationnel extérieur, parviendraient à sexprimer spontanément dans la langue davant la Tour de Babel. Néanmoins, tous les soins prodigués aux deux enfants ne purent empêcher leur mort. Cest au prix de ce sacrifice que le roi Frédéric apprit non pas le secret de la langue originaire, langue des oiseaux, mais une vérité que les philosophes contemporains sont en train de proclamer, celle concernant le caractère vital du parler qui constitue la source de la vie et de lintelligence.
Conscients du rôle essentiel du parler à lépoque de la communication, les didacticiens des langues ont compris que commencer par loral, cest suivre lordre naturel, historique et génétique. Il va de soi que la démarche qui sappuie sur la séparation de loral et de lécrit est vouée à faciliter lapprentissage dune langue.
PRIMAUTÉ DE LEXPRESSION ORALE
Lapproche concrète dune langue commence par une étape audio-orale au cours de laquelle on enseigne aux apprenants à écouter et à parler. Il sagit de la période dacquisition du système phonologique de la langue cible dont la durée varie en fonction des rapports de la langue seconde avec la langue source (la langue maternelle) des apprenants, de leur âge et des conditions denseignement de même que des motivations du public scolaire.
LEXPRESSION ÉCRITE
Le passage à lécrit ne se fera quaprès que les élèves auront acquis des habitudes daudition et de phonation correctes. La pratique a démontré que cest une erreur daborder prématurément ou simultanément la langue écrite (surtout pour une langue comme le français) cela pouvant provoquer des perturbations de perception et darticulation et rendre lencodage et le décodage plus difficiles. Par ailleurs, on a constaté que lapproche de la langue qui commence par lécrit compromet lapprentissage du français oral. Même létude simultanée des deux codes, oral et écrit, risque dentraîner des échecs scolaires. Sans doute le passage à lécrit ne se fait-il pas sans efforts mais tout enseignant saperçoit que les inconvénients sont moins graves que les avantages dans le cas de cette démarche déjà classique.
LANGUE ÉCRITE LANGUE ORALE
Ce qui rend difficile lapprentissage du français écrit, cest la présence dune large quantité de marques redondantes. Ainsi le pluriel de lénoncé:
Mon frère joue du piano comporte trois marques écrites Mes frères jouent du piano contre une seule marque orale: [ma] devient [me].
APPROCHE COMMUNICATIVE
LE DIALOGUE MOYEN DACQUISITION DES MÉCANISMES LINGUISTIQUES
En tant quacte de communication linguistique par excellence et dans un monde où la globalisation rend la communication vitale, le dialogue non seulement ne peut manquer mais il doit occuper une place importante sinon la plus importante dans la classe de langue vivante. Heureusement, les livres scolaires ont changé faisant place, à côté des textes descriptifs et narratifs, à des textes dialogués. Par ailleurs, les exercices conviant à la conversation par équipes y sont eux aussi présents. De toute façon, le dialogue étant étroitement associé à une situation, force nous est den créer une afin de rendre authentique notre démarche. Grâce au dialogue, les différents éléments linguistiques deviennent plus accessibles aux apprenants, peuvent être reproduits par limitation et mémorisés par la répétition surtout au niveau des débutants.
LES MOYENS TECHNIQUES AUDIO VISUELS
Si les moyens techniques auditifs (disques, cassettes audio et CD) permettent à lenseignant doffrir aux élèves des modèles authentiques de langue orale, les moyens techniques visuels (diapositive, film, cassette vidéo, tableau de feutre, etc.) sont un auxiliaire indispensable pour la création des situations nécessaires à lentraînement à lexpression orale.
ÉTUDE COMPARATIVE DES LANGUES
Au cours de leurs recherches, les spécialistes ont remarqué que létude comparative des langues sur lesquelles sexercent enseignants et apprenants permet une approche plus vivante et plus rigoureuse. De leur réflexion est née une nouvelle branche de la linguistique appliquée, à savoir lanalyse contrastive ou différentielle qui désigne la langue maternelle de lélève par le terme de langue base tandis que la langue étrangère étudiée est désignée par le syntagme langue cible. Cette analyse se propose de repérer les différences ou contrastes qui existent entre les deux langues et soccupent des interférences (les erreurs qui sexpliquent par la transposition des structures de la langue base dans la production de messages en langue cible).
DIDACTIQUE DES LANGUES ET PSYCHOLOGIE
Les renseignements fournis par la psychologie sont indispensables au déroulement dun enseignement vivant, cohérent, moderne, en concordance avec lâge des élèves, avec leurs motivations, en fonction des données de la langue maternelle, inconcevable sans le recours aux moyens audio-visuels
Eu égard aux conditions de lenseignement roumain et au fait que létude dune langue seconde peut commencer dès lécole maternelle (à 6 ans), en première classe (à 7 ans), en deuxième (à 8 ans) ou en sixième (à 11 ans), il sensuit que notre comportement didactique, nos méthodes et nos procédés doivent être très variés cest-à-dire adéquats au niveau dâge des apprenants.
Quel est le secret du succès dans lenseignement dune langue étrangère? Pour les débutants, il sagit de les jeter à leau, cest-à-dire de les faire parler dès la première leçon car les premiers exploits linguistiques dans une langue inconnue éliminent linhibition et leur créent une forte motivation dans la poursuite de leur aventure linguistique. Le plaisir éprouvé à sexprimer dans une autre langue que la sienne encouragera le débutant à apprendre vite les structures linguistiques de la langue cible. Mais limprovisation y est exclue, au contraire, il nous faut élaborer une hiérarchie psychologique des difficultés, employer une méthode progressive, éveiller en permanence des motivations et créer des comportements.
La motivation est une notion fondamentale avec laquelle on opère en psychologie et dont la didactique ne peut nullement faire fi. Elle apparaît comme un ensemble de facteurs dynamiques qui déterminent le comportement dun individu. En tant que source daction, elle mobilise lorganisme de lindividu lorsquil a à prendre une décision ou à formuler une option visant son comportement. La motivation apparaît comme une condition essentielle de lenseignement et par conséquent le professeur de langues étrangères non seulement ne saurait lignorer mais il lui faut en créer une, différente des autres. Les motivations varient en fonction de lâge, du niveau cognitif, du but de lapprentissage: voyager, correspondre, lire, écouter de la musique, voir des films, etc.
Ch. Bouton a trouvé deux ordres de motivations:
- la motivation du jeu, de la performance à accomplir qui exige une méthode entraînant lélève dans des situations daction permanente. Afin de prévenir la fatigue et au demeurant léchec dû à un effort excessif, on doit éviter que la tâche proposée soit compliquée ou trop difficile. Dans ce but, lenseignant procèdera à lélaboration dun programme linguistique permettant un progrès à petits pas, commençant par une difficulté minimale suivie par une autre difficulté minimale;
- la motivation due à la satisfaction ressentie au moment de la réussite dune activité: compréhension des consignes, accomplissement de la tâche demandée, etc.
Cest à lenseignant que revient la mission de créer, de maintenir et de développer une motivation solide chez les apprenants:
- par lintérêt intrinsèque éveillé à laide des faits de langue proposés, à travers les textes narratifs, descriptifs ou dialogués soumis à leur attention;
- par lintérêt suscité au cours des activités proposées à lapprenant: jeux chez les jeunes élèves de lécole primaire, mimiques, dramatisations, chansons chez les petits mais aussi chez les plus âgés, du collège au lycée;
- par la satisfaction ressentie lors des progrès enregistrés dans le maniement de la langue cible à tous les niveaux.
DIDACTIQUE ET PÉDAGOGIE
En tant que science pédagogique, la didactique du français soutient des rapports dinterdépendance avec la pédagogie, notamment avec la didactique générale. Cest par lentremise de la pédagogie que la didactique accède aux plus récentes acquisitions de la psychologie et de la sociologie de léducation sur lesquelles elle repose ses principes redevables au même degré aux données fournies par la linguistique et la psycholinguistique.
Les recherches pédagogiques entreprises par Antoine de la Garanderie et présentées dans son livre intitulé Les profils pédagogiques nous encouragent à ménager des temps pédagogiques forts dans nos classes de langues.
Ainsi, faudrait-il inviter six élèves volontaires, dix minutes avant la fin de la classe, pour faire part à leurs camarades des méthodes personnelles de travail. Réservons également dix minutes en début de classe pour permettre à des volontaires de partager leur expérience dapprenants avec leurs collègues! Ils témoigneront de la manière dont ils ont procédé pour apprendre une notion de grammaire, pour faire un devoir, des difficultés quils ont rencontrées et des moyens quils ont employés pour les surmonter. A. de la Garanderie nous conseille également dinterrompre la classe pour une pause pédagogique pendant laquelle on interroge la classe sur le degré de compréhension des notions enseignées, sur le procédé qui a favorisé la compréhension, si le même procédé avait permis à dautres élèves dappréhender la leçon. On pourrait également réserver une demi-heure par mois sinon par semestre à un bilan pédagogique, une sorte de synthèse de la manière dont le programme a été parcouru, des difficultés rencontrées au cours du processus dapprentissage.
Les chercheurs se sont interrogés au sujet des méthodes de travail les plus efficaces mais celles-ci varient moins quon ne le croirait. Les observations ont conduit à la conclusion quil y a un certain nombre de familles desprit qui pratiquent les mêmes méthodes et que ces méthodes personnelles de travail ne changent pas fondamentalement au cours de lexistence de lindividu.
Les méthodes personnelles de travail sont en fait des habitudes mentales. La Garanderie nous donne lexemple de deux élèves: Jacques qui est bon en orthographe mais mauvais en rédactions et Jean qui na pas une bonne orthographe mais qui a de la plume. Le pédagogue français explique quen lisant, Jacques se donne limage visuelle des mots quil lit, ce qui lui donne laisance de lécriture au moment où il doit sexprimer par écrit. Au contraire, Jean retrouve dans son discours intérieur les images verbales des mots, des phrases quil lit. Cette habitude facilite son expression orale ou la rédaction de récits, de compte-rendu. Il sensuit que Jacques a une mémoire visuelle tandis que Jean est possesseur dune mémoire auditive. Les habitudes évocatives se sont constitutées au temps où sinstallait dans la vie mentale de lindividu humain le processus de réflexion. Mais une habitude mentale peut toujours être acquise tandis que linstinct est inné. Rien et personne ninterdit à un élève qui a des habitudes mentales visuelles dacquérir aussi des habitudes auditives et réciproquement.
Dans un autre livre, intitulé Pédagogie des moyens dapprendre, le même auteur insiste sur la nécessité de considérer comme fondamentaux:
Le geste dattention par lequel le message pédagogique est accueilli par lélève;
Le geste de réflexion par lequel le message est assimilé et devient opérationnel;
Le geste de la mémoire par lequel ce message est rendu disponible pour lavenir.
Le but de toute école serait dapprendre à apprendre car il est vain de dire Soyez attentifs, réfléchissez! si lon ne donne pas aux apprenants une consigne préliminaire telle: Vous allez écouter ou regarder mon explication avec lintention de redire ou revoir dans votre esprit ce que je vais formuler oralement ou par écrit. Je vais vous laisser ensuite le temps nécessaire pour effectuer cette opération après quoi vous serez en état de donner vous-mêmes des explications à dautres élèves.
Propositions pour une structuration pédagogique de lenseignement pendant la classe
Descendons dans larène de la salle de classe. Comment lenseignant doit-il opérer concrètement?
Dabord, il devra rappeler à ses élèves le projet quils doivent se donner afin dêtre attentifs.
Ensuite, il devra organiser son cours en fournissant par des moyens visuels et auditifs les notions et les connaissances à communiquer de façon à réserver du temps pour leur gestion mentale par les apprenants.
Il ne doit pas négliger un troisième moment de la classe au cour duquel le professeur sassure si les élèves ont bien compris la notion communiquée en la fixant à laide des questions et des exercices.
Force nous est de reconnaître que notre tâche nest pas accomplie si lon se cantonne dans une simple opération dévocation puisquil faut partir dune donnée concrète ou abstraite pour aboutir ou bien pour faire retour à une règle, à une loi lorsque, enfin, nous nous livrons à la réflexion, fût-elle inductive ou déductive. La démarche inductive est préférable car elle respecte lordre dacquisition de notre expérience, celui qui préside à la découverte. Mais la pédagogie permet le parcours inverse, de la loi au fait, du principe à la conséquence, de la règle à son application si lon a affaire à un public scolaire bien informé, capable de se servir de ses connaissances pour rejoindre lexpérience.
Quant aux sujets de dissertation les plus ardus, ils se plient à un algorithme facile à suivre:
perception des données,
évocation de celles-ci,
retour aux règles, aux lois enregistrées,
application de celles qui conviennent aux données.
Quelque paradoxal que cela puisse paraître, le geste mental par lequel il faut mémoriser consiste en un projet de tenir à la disposition de son avenir ce quon est en train de désirer acquérir. La perspective dun examen, lavenir dun concours opèrent comme un facteur sécurisant, comme si ce placement dans lavenir fonctionnait à titre de garantie de conservation et de possibilité dutilisation.
APERÇU DES APPROCHES UTILISÉES DANS LENSEIGNEMENT DES LANGUES ÉTRANGÈRES
Avant tout, il serait utile de définir le terme de méthode dont le sens pose des problèmes; ainsi, le syntagme méthode audio-visuelle renvoie tantôt au matériel pédagogique proprement-dit, tantôt à la simple utilisation en classe de techniques et appareils audio-visuels, tantôt à une conception et à un ensemble de choix méthodologiques.
Le champ sémantique du terme sétale devant nous:
- méthode (sens 1): approche qui signifie conception, point de vue (ex. La méthode directe),
- méthode (sens 2): ensemble pédagogique, ensemble de matériaux pédagogiques (ex. la méthode Voix et Images de France),
- méthode (sens 3): présentation des faits enseignés à une étape de la leçon. La pédagogie distingue entre les méthodes générales utilisées par plusieurs disciplines (la démonstration, lexercice, etc.) et les méthodes particulières à une discipline (la conversation, pour les langues).
LA MÉTHODE AUDIO-ORALE OU AUDIO-LINGUALE
Cette méthode se réclame de théories linguistiques et dhypothèses sur lapprentissage. Il sagit de lapplication des principes descriptivistes (structuralistes) de Louis Bloomfield et de ses disciples (Charles Fries et Robert Lado), élaborés aux États-Unis. Les principes fondamentaux de cette méthode sont:
1 Lapprentissage se déroule en plusieurs étapes:
audition et compréhension
expression orale
lecture (assez tard)
rédaction
2 Lécrit est complètement exclu dans les premières étapes.
3 Lenseignement de la prononciation exige une exposition auditive intense aux sons nouveaux à percevoir; lenseignement auditif est suivi dexercices de production, soigneusement composés et pratiqués.
4 Lemploi des phrases-patrons (pattern sentences) ou phrases-modèles sert à introduire et à pratiquer la langue parlée. La structure productrice contenue par chaque pattern, une fois maîtrisée, permettra de produire de nouveaux énoncés par substitution lexicale. Ces exercices sappellent exercices structuraux (structure-drills).
Les phrases-modèles sont introduites pas à pas en prêtant beaucoup dattention à leur fixation.
Les phrases-modèles pratiquées en classe et au laboratoire deviennent des habitudes quasi réflexes.
5 On limite le vocabulaire introduit jusquà ce que lélève acquière un nombre suffisant de structures.
6 On évite les traductions.
Wilga Rivers (dans The Psychologist and the Foreign-Language Teacher, 1964) passe en revue les mérites de la méthode audio-orale:
elle assure la compréhension rapide et laisance dans lexpression;
les phrases-modèles sont pratiquées dune manière plus systématique que dans dautres méthodes (directe, par exemple),
cette méthode permet de créer la motivation,
elle assure la participation active des élèves,
la lecture et lécriture ne sont pas négligées.
Malgré ses mérites irrécusables, lenseignant de langues ne doit pas se fier entièrement à cette méthode car
la répétition mécanique des phrases-patrons peut entraîner lexpression sans compréhension du sens,
la répétition et limitation exercées pendant trop longtemps engendrent la fatigue et la monotonie,
la lecture et lécriture arrivent trop tard,
si la méthode est efficace dans le cas des jeunes apprenants, elle est moins adéquate pour les adultes.
LA MÉTHODE STRUCTURO-GLOBALE AUDIO-VISUELLE (S.G.A.V.)
Elle a été élaborée au début des années 1950 par Peter Goubérina, de lUniversité de Zagreb, et Paul Rivenc, directeur du Centre de Recherches et dÉtudes pour la Diffusion du Français (CREDIF) de lÉcole Normale Supérieure de Saint-Cloud.
Il y a beaucoup de points de ressemblance entre ces deux méthodes:
- linsistance sur lexpression orale (Français fondamental 1 et 2)
refus de la traduction et des présentations explicites de grammaire
limitation du vocabulaire introduit
souci de reposer la progression (décidée à lavance mais modifiable) sur une description linguistique cohérente.
Mais les différences sont importantes:
la manipulation des structures est pratiquée dans des situations de communication, jamais à vide,
le sens des messages nest jamais négligé,
on nattache pas une importance particulière à la programmation par étapes et unités minimales.
La méthode structuro-globale audio-visuelle sappuie sur la situation de communication et sur la synthèse des perceptions auditives et visuelles. La situation est généralement donnée sur lécran et elle est synchronisée avec le texte sonore enregistré sur bande magnétique.
La méthode S.G.A.V. a servi de base pour le cours intitulé Voix et images de France qui offre les instruments suivants: un livre du maître, 64 films fixes et 64 bandes magnétiques qui représentent les 32 leçons.
Le passage à lécrit se fait seulement après 60 heures de cours; on passe à lécriture avant la lecture et cest à travers la dictée quon aborde le code écrit. On y décèle quelques aspects négatifs quon ne saurait négliger: le décodage se fait uniquement par limage et la lecture est devancée par lécriture.
Aucune des méthodes nest entièrement efficace et Christian Puren affirme dans son Histoire des méthodologies de lenseignement des langues:
Le terme de «méthodologie» apparaissant aujourdhui comme trop monolithique, on lui préfère celui d«approches » (lesquelles correspondent à des méthodologies diversifiées en fonction déléments externes aux apprenants: différents objectifs, contenus, types de supports) et de «démarches» (méthodologies diversifiées en fonction des apprenants eux-mêmes: leurs habitudes dapprentissage, leur psychologie, leur vécu
).
Il y a actuellement en didactique du français langue étrangère (DFLE) une crise des méthodologies due au fait que les conditions ny sont plus remplies pour maintenir ni pour reconstruire cette cohérence méthodologique unique, forte, globale et universelle qui les produisait. Les facteurs qui ont abouti à labandon de ce type de cohérence sont:
Complexité des besoins, des attentes, des motivations,des habitudes et stratégies dapprentissage. La centration sur lapprenant invaliderait dailleurs toute stratégie denseignement collectif à cohérence unique et globale;
Complexité aussi des objectifs que représentent les différents composants de la compétence de communication;
Complexité des références théoriques: pragmalinguistique, sociolinguistique, analyse du discours, linguistique de lénonciation, sémiotique, psychologie cognitive.
MÉTHODES UTILISÉES DANS LENSEIGNEMENT DU FLE
Les dernières années ont connu une orientation de lenseignement des langues vivantes vers la communication orale et écrite. Lattention de lenseignant doit porter sur le renforcement de la compétence orale de façon à ce que les performances soient plus rapides sans négliger pour autant la compétence écrite qui sacquiert progressivement au cours de toute la scolarité.
Les didacticiens ont rangé les méthodes denseignement du FLE en 4 catégories:
Méthodes informativesparticipatives: la démonstration, la conversation, le dialogue, le commentaire linguistique et / ou littéraire de texte, lapproche du texte de civilisation;
Méthodes informativesnon participatives : lexposé, lexplication, le récit;
Méthodes formativesparticipatives: lapprentissage par laction et le jeu, par la recherche individuelle, par la découverte;
Méthodes formativesnon participatives: lexercice, lenseignement programmé, lalgorithme.
Il sagit de méthodes de transmission de connaissances (expositives, conversationnelles, heuristiques, d'approche textuelle, de résolution de problèmes), dexploration individuelle et/ou collective (létude de modèles de langue, de textes destinés à servir de base aux compositions, létude comparative), daction (les exercices linguistiques et langagiers, lapprentissage par laction ou par le jeu didactique, les dramatisations) et lenseignement programmé.
Par ailleurs, lenseignant jouit de la liberté dorganiser lactivité denseignementapprentissage de différentes manières: soit en travaillant avec toute la classe, soit en équipe ou individuellement.
La conversation (dialogue enseignant apprenants; apprenantapprenant; apprenant enseignant) est la méthode qui jouit de ladhésion de tous les élèves et des enseignants. Elle aide les apprenants à utiliser la compétence linguistique quils ont acquise précédemment. Il sagit de leur donner le moyen de sexprimer, déchanger leurs points de vue avec les autres. Elle peut prendre la forme dune conversation introductive destinée à amorcer, à partir de problèmes connus (règles de grammaire, problèmes de lexique, faits de civilisation), des informations nouvelles ou à vérifier des connaissances et des habitudes acquises. Elle peut également servir en fin de cours comme exercice de renforcement et de fixation des connaissances nouvellement acquises.
En synthétisant, ladhésion unanime à la conversation sexplique aussi par la diversité des fonctions quelle remplit: une fonction heuristique (apprendre par la découverte), une fonction dexplication, délucidation, de synthèse et de fixation des connaissances, une fonction de formation dhabitudes dexpression orale, une fonction dévaluation et de contrôle.
Mais la conversation se prête également à une utilisation à part entière surtout au niveau avancé où elle devient club de conversation. Audition dun CD (FDM) parlé ou chanté; lecture dun aphorisme ou dun proverbe; commentaire dune affiche, dun slogan publicitaire; exposé sur une question dactualité, un événement culturel ou sportif, sur un problème social, européen ou humain, en général; compte-rendu dun livre lu récemment; projection dun film, voilà autant doccasions de faire parler et dentretenir une atmosphère de libre discussion en français.
Lexposé est utilisé seulement sil sert à systématiser un problème, à présenter un courant ou un phénomène littéraire, des informations nécesaires à lexplication dun texte, à présenter un fait de civilisation. Sil nest pas trop recommandé aux enseignants, il est au contraire conseillé aux apprenants.
Lexercice est un moyen excellent dacquisition des habiletés et des habitudes langagières par son emploi répété. Se présentant sous des formes variées, il permet à lélève de connaître le système linguistique, de mieux en saisir le fonctionnement et de lappliquer. Les exercices jouent plusieurs rôles:
en tant que formes de reconnaissance immédiate dun phénomène linguistique, ils ne sollicitent pas trop le raisonnement,
ils permettent le développement des capacités intellectuelles et lorganisation des opérations mentales en structures opérationnelles,
ils ont le don daugmenter la force opérationnelle des informations, des habiletés et des habitudes,
ils renforcent les connaissances acquises et leur donnent précision en les systématisant afin de prévenir loubli,
ils préviennent les habitudes incorrectes.
En fonction du destinataire auquel ils sadressent, les exercices prennent pour cible lindividu (fiche de travail individuel, composition, etc.), un groupe délèves (résolution dun problème de grammaire, lexique, rébus, mots croisés, dialogue, récit, etc.) ou toute la classe. Cest à lenseignant de faire alterner, au cours dune classe, les exercices individuels et les exercices collectifs afin de rendre la leçon plus dynamique et attrayante.
Le professeur dispose ou bien élabore lui-même
des exercices visant un point précis de langue (lusage correct de larticle partitif) ou un poblème récapitulatif (lemploi et les valeurs de si)
des exercices sappuyant sur des phrases hors contexte (Identifiez les verbes au subjonctif et analysez leur emploi) ou sur des textes (Analysez les éléments dun texte narratif)
exercices cognitifs (identifiez, analysez, expliquez), exercices dirigés, semi-dirigés, de manipulation (complétez, remplacez, transformez, corrigez, développez la phrase, contractez la phrase, reliez les propositions), exercices de créativité (construisez, composez, imaginez, inventez)
en fonction du contenu ou du compartiment de la langue, on distingue des exercices dorthophonie, dorthographe, de grammaire, de lexique-sémantique, de style, dapproche textuelle, dexpression orale, dexpression écrite.
La problématisation ou problématique est lart de poser des problèmes; comme variante de lheuristique, elle sadresse à la faculté intellectuelle de lapprenant en lui demandant de
choisir entre deux ou plusieurs informations linguistiques en vue de trouver la solution dun exercice ou dun test de langue;
mettre en uvre, combiner, employer dune manière nouvelle, dans des conditions nouvelles, les connaissances antérieurement acquises;
corriger une erreur de forme ou de contenu scientifique;
trouver des solutions à des exercices fondés sur des consignes modifiées par rapport à celles quil a déjà connues (ex. Trouvez dans le texte étudié trois arguments contre le fast food)
synthétiser et reformuler les connaissances acquises dune manière personnelle (Utilisez le champ lexical de lespace urbain pour présenter le quartier que vous habitez).
La démonstration est utilisée pour présenter à lapprenant des objets et des actions ou des phénomènes réels, par des moyens intuitifs traditionnels (schémas, planches, tableau de feutre) ou modernes (diapositives, films) de même que des documents authentiques (des textes de civilisation, des articles de presse, des recettes de cuisine, des chansons authentiques, des modes demploi, des tracts, des prospectus, des films
). Les avantages dune telle méthode sont incontestables parce que les documents authentiques facilitent laccès à linformation et assurent la participation directe des apprenants à lacte denseignementapprentissage. Vu que lobjectif de lenseignement est de permettre à lapprenant de communiquer le plus rapidement possible, le document authentique, faisant partie du monde réel, favorise des interactions authentiques dans la classe de langue. Il faut préciser que le document authentique est celui qui na pas été conçu à des fins pédagogiques mais dès quon lemploie en classe il savère être un instrument pédagogique très efficace.
Lapprentissage par la découverte (exploration) est une méthode de type heuristique qui consiste à faire endosser à lapprenant lhabit dun découvreur. Puisquelle sadresse à la réflexion et à limagination, elle développe les habiletés et les habitudes de travail intellectuel, lesprit de recherche, lhabitude de consulter des dictionnaires, des ouvrages de spécialités, des grammaires, den extraire des fiches et de les classer, gestes indispensables à la formation continue de tout intellectuel. Il ne faut pas hésiter à tirer profit de lintérêt croissant des jeunes pour Internet et leur proposer dy chercher diverses informations ayant trait à la civilisation française ou francophone.
Lapprentissage par laction fait partie des démarches de la pédagogie active qui facilitent lapproche des phénomènes langagiers puisquils reposent sur le vécu. Il sagit des simulations, des jeux de rôle (à la gare, au marché, à laéroport, comment téléphoner?) chez les moyens, des dramatisations et des procès littéraires chez les avancés. Des formes de théâtre, des mises en scène de faits divers, des informations provenant des médias audiovisuels, des interviews, voilà autant de formes daction. Ces formes théâtrales dactivité sappellent psychodrames ou sociodrames et jouent sur des événements banals, appartenant à la vie quotidienne, en facilitant lactivation des participants dun groupe en situation dapprentissage dune langue. Une forme actuelle très efficace dincitation à lapprentissage du français, cest la participation à des projets européens. Il est dabord question de choisir des sujets à même déveiller lintérêt dautres jeunes européens, de consulter des documents concernant le thème choisi, de trouver des partenaires sur internet ce qui développe la compétence de communication écrite. La correspondance avec des jeunes dautres pays procure la plus forte motivation détude de la langue cible. Sans parler des échanges scolaires au cours desquels nous assistons à lactivation de la compétence de communication orale.
Il faut savoir que plus le document est expressif plus lexploitation linguistique et pédagogique par lentremise du jeu dramatique est riche, sollicitant lintégration corporelle, intellectuelle et affective des acteurs, la dynamique des relations interpersonnelles (linteraction du groupe et de ses membres), de même que le champ dexpérience des joueurs, leurs perceptions et leurs réactions subjectives et leur manière de transposition dans le personnage et la situation de jeu.
Quant au fait divers, sa structure narrative sert très bien le but linguistique et pédagogique de lenseignement. On peut le découper en séquences (actes, scènes), on introduit des personnages, on réorganise la trame comme une dynamique conflictuelle.
Le débat est un moyen idéal dacquérir les mécanismes du discours argumentatif au niveau moyen et surtout avancé car cest une discussion généralement polémique, sappuyant sur des arguments opposés. Il doit se dérouler selon un plan: il commence par une affirmation ou par une question qui a le rôle damorcer la conversation, même par un mot desprit, une sentence ou un proverbe. Le débat peut vêtir la forme dune situation conflictuelle créée entre deux groupes de la même classe soutenant ou contestant les bienfaits de la publicité, du clonage, de lalimentation rapide, etc. À la fin on ménage quelques minutes pour les conclusions; on fait la synthèse: Qui a raison? Qui a tort? Pourquoi? Justifiez les conclusions.
Le jeu didactique est utilisé à tous les niveaux comme méthode de renforcement des connaissances linguistiques: orthographe, orthophonie, grammaire, vocabulaire, habitudes dexpression orale. En classe de débutants, on emploie des jeux dorthographe, des rébus, des mots croisés, des jeux-puzzle, des jeux de mots pratiqués avec un support visuel. Aux niveaux moyen et avancé les jeux de mots et les mots croisés de même que le scrabble sont plus motivants et plus instructifs que chez les débutants eu égard à leur riche contenu linguistique et culturel.
Le français est une langue qui se prête à des jeux de mots, des charades, des calembours, des mots desprits.
Les algorithmes sont des successions dopérations mentales enchaînées dans un ordre constant, conduisant à la solution dun problème théorique ou pratique. Grâce au grand nombre de variantes dont il dispose, dans lenseignement des langues, lalgorithme est un procédé économique utilisé pour le transmission de nouvelles informations et pour leur synthétisation.
Lapprentissage de la grammaire surtout sétaie sur des règles, des définitions, des schémas sur larbre comme symbolisation de la structure de la phrase, qui reposent tous sur différents types dalgorithmes. Cette méthode peut également être appliquée pour les approches textuelles: le résumé de lecture, le commentaire linguistique ou composé du texte, lanalyse littéraire, la composition, la rédaction de textes argumentatifs, descriptifs, explicatifs, injonctifs.
Le remue-méninges ou le brainstorming est une méthode de travail en groupe destinée plutôt à envisager la manière dapprocher un problème que de le résoudre. Elle sappuie sur la technique dun bombardement dinformations concernant un thème étudié. Le travail se déroule sous forme de prises de parole, dinterventions au cours de la conversation. Le but en est dobtenir un grand nombre didées quon évalue méthodiquement à la fin de la classe. Cette méthode est appliquée dans le travail dapproches textuelles (commentaire linguistique ou littéraire) et au cours de la préparation orale des compositions didées ou lorsquil faut choisir le thème dun projet.
TECHNIQUES DENSEIGNEMENT DE LA GRAMMAIRE
Ce mal nécessaire de la didactique du FLE a connu plusieurs avatars. Une conséquence, par exemple, de lutilisation abusive de la méthode grammaire et traduction ou traditionnelle fut la tendance à exclure la grammaire de la classe de langues (la méthode directe).
Dune part, excédé par la profusion de théories et décoles souvent contradictoires, lenseignant peut sinterroger, voire douter de lutilité de celles-ci dans le processus concret denseignement dune langue. Dautre part, lignorance de ces informations ne saurait aboutir quà des échecs graves, la tâche de lenseignant étant de distinguer entre grammaire théorique et grammaire pédagogique (denseignement). Si la grammaire scientifiuqe soccupe de létude du modèle de compétence (la langue comme objet abstrait), la grammaire pédagogique étudie des modèles de peformance, ceux du locuteur et du destinataire, qui définissent les usages linguistiques et les comportements verbaux.
Celui qui, fût-il enseignant ou apprenant, ignorerait la grammaire pédagogique, se priverait du fondement de la langue, de la compréhension de son mécanisme quune vaste connaissance de la littérature ou du vocabulaire ne saurait jamais remplacer.
Si la didactique des langues présente séparément la phonétique, le vocabulaire, la morpho-syntaxiqe, cest pour des raisons didactiques, mais en classe, les trois systèmes simbriquent témoignant ainsi de lunité de fonctionnement de la langue. Cest pourquoi en classe, lenseignant devra réaliser une leçon globale, vu entre autres que la grammaire et le lexique sont indissociables.
Sélection. Les membres de la Commission du Français Fondamental ont dressé linventaire des faits de grammaire à enseigner en classe de FLE. Ils se sont appuyés sur le critère de la fréquence. A cette démarche doit sajouter une étude comparative des deux systèmes de langue permettant den établir les différences et les similitudes.
Gradation. Les données obtenues au cours de cette étude comparative permettront à lenseignant de programmer les faits de langue à partir du simple pour aboutir au complexe, du connu à linconnu.
Lenseignant commencera par les faits grammaticaux connus des élèves à travers leur langue maternelle, renonçant aux détails superflus, aux subtilités et aux questions de finesse. Il ne négligera pourtant pas les exceptions et les subtilités de langue en classe délèves avancés qui préparent un examen dadmission en facultés de langues, par exemple.
Selon les spécialistes, la grammaire présente deux objectifs fondamentaux et complémentaires:
la maîtrise dune pratique (au Niveau 1)
la maîtrise dun code (au N 2)
Au début du N1, lobjectif est dintégrer la grammaire dans un apprentissage effectif de la langue française; par conséquent elle doit servir et non régner. Il sagit denseigner à communiquer et non à débiter des règles.
Les psychologues ont prouvé clairement que des notions dites simples comme celles de sujet, dobjet, dattribut, ne peuvent nullement être assimilées par des écoliers de moins de 11-12 ans. Avec des élèves plus jeunes un enseignement sans grammaire explicite simpose. Inversement, des étudiants habitués au raisonnement abstrait, et les adultes peuvent se sentir frustrés par un entraînement dépourvu de réflexion théorique, et on pourra avec de tels apprenants être amenés à nommer des objets grammaticaux et à faire des remarques grammaticales plus précocement.
Il faut savoir que lunité fonctionnelle nest pas le mot mais le syntagme et lunité de communication est lénoncé. Le mot nexiste pas, sauf sur le papier. Les mêmes spécialistes nous proposent trois voies daccès aux connaissances garmmaticales:
· On fournit à lapprenant des exemples démonstratifs, des modèles de langue orale lui permettant de pratiquer la langue seconde. La première étape est celle de la conversation grammaticale sétayant sur une situation de communication créée à laide dun support visuel (tableau de feutre, diapositive, gravure, etc.), notamment en classe de débutants. Au cours de cette conversation, les élèves font connaissance avec le fait de langue, puis avec la règle demploi, sans intervention de la théorie. On nécrit rien.
· La deuxième voie consiste à découvrir le mécanisme linguistique en réfléchissant sur des exemples démonstratifs. La recherche collective se fait à partir dun corpus de phrases-modèles figurant au tableau noir, sur des fiches ou dans un texte . Cest toujours la conversation qui conduira à la systématisation du problème envisagé. Les élèves à leur tour produiront des phrases semblables aux modèles donnés afin que les problèmes de transposition à lécrit soient mieux perçus.
· Cette méthode inductive permet de réfléchir, dabstraire, cest-à-dire daboutir à la règle. Il ne sagit pas là dune règle abstraite mais dune simple formalisation, synthèse des constatations fournies par la pratique et par la découverte. Pratiquer-découvrir- abstraire, cest le parcours nécessaire pour accéder à la grammaire réflexive.
Le rôle de la règle est de résoudre les contradictions et les disparités linguistiques qui peuvent dérouter les élèves.
Pourquoi bannit-on la méthode déductive de la classe de langues? Rien de plus simple: en raison des entraves quelle soulève dans notre effort de former des automatismes nécessaires à lexpression spontanée en langue seconde. La crainte denfreindre la règle inhibe la parole (expression orale), longtemps négligée dans la classe de langues de chez nous.
Sil faut exclure les règles grammaticales dans une premère étape et surtout à lécole primaire où lenseignement de la grammaire de la langue maternelle est à ses débuts, au fur et à mesure que les habitudes de la communication spontanée se développent, on commence à faire appel à la réflexion grammaticale et les exercices cognitifs contribuent à lacquisition raisonnée de la compétence linguistique.
Pratiquons une grammaire implicite en classe de débutants mais faisons place à la grammaire réflexive, explicite aux niveaux des moyens et des avancés!
Pendant longtemps, lenseignement de la grammaire sappuyait sur des structures morpho-syntaxiques isolées inauthentiques puisque sans rapport avec une situation de communication. Même les méthodes S.G.A.V. privilégiaient laspect formel de la langue reposant sur une approche mécaniste (exercices structuraux) et sur lacquisition des automatismes. Dans lapproche communicative, lenseignement de la grammaire ne rejette pas la pédagogie de la découverte par des conceptualisations grammaticales faisant appel aux capacités danalyse et de déduction des apprenants mais en privilégiant :
le traitement et lutilisation des erreurs
la systématisation des points de grammaire découverts lors de la conceptualisation
le réemploi en situation.
Il y a des manuels de langue dont les auteurs considèrent que ce qui est découvert par soi-même na pas besoion dêtre mémorisé pour être acquis et dautres qui privilégient la formation dune solide base garmmaticale nécessaire à lacquisition de la compétence de communication.
La solution serait de tenir compte en même temps
de lintérêt de faire découvrir par soi-même le fonctionnement de la langue et de pouvoir en parler;
des particularités individuelles de travail des apprenants puisque pour certains dentre eux la méthode de la découverte peut être un stimulant intellectuel très efficace dans lacquisition dune langue tandis que pour dautres, une grammaire explicite savère plus utile afin déliminer les blocages, la déroute, les confusions.
Quelle attitude adopter à légard des erreurs?
Faut-il se laisser aller au désespoir, piquer une crise ou bien se réjouir? Au lieu de les considérer comme un fâcheux inconvénient, il faudrait les traiter comme une aubaine. Pourquoi? Eh bien, elles sont la preuve du fonctionnement de linterlangue, elles attestent les efforts personnels de lapprenant et sont un indice du travail individuel, de la mise en place dun système. Lenseignant ne doit pas saffoler (errare humanum est) mais encourager lapprenant à continuer son travail afin de dépasser ce stade transitoire de lacquisition de la compétence linguistique et lassurer quaprès létape des énoncés fautifs il atteindra à celle de lexpression juste.
Il est des cas où lerreur est due à loubli puisque la structure en question a déjà été conceptualisée par les apprenants et systématisée par lenseignant. Que faire? Lenseignant profitera de loccasion pour insister sur cette structure en proposant des exercices dappropriation et de fixation.
Mais il arrive aussi que lerreur soit due à lignorance. La structure est inconnue mais nécessaire à la communication. Comment sy prendre? Léviter, lexpliquer? Pour le moment, lenseignant fournira la structure correcte et y reviendra plus tard en proposant une conceptualisation.
Comment traiter les erreurs dexpression orale?
La tendance est à suivre son impulsion, à corriger à chaud les erreurs en interrompant lélocution de lapprenant. Dans ce cas, cest lenseignant qui est fautif puisquil ne réussit quà briser lélan communicatif de lapprenant sil sagit dun jeu de rôle, dune simulation ou dun débat. Le cas échéant on recommande à lenseignant de laisser fonctionner linterlangue mais pour prévenir loubli il faut noter les erreurs commises par lapprenant sans transformer la correction en guillotine. En quoi consiste la démarche corrective à adopter par lenseignant?
À loral il faut:
éviter la correction à chaud,
donner toujours à lapprenant fautif la chance dêtre le premier correcteur,
dans un deuxième temps solliciter laide du groupe classe,
ne recourir à la correction par lenseignant que si personne ne trouve la forme adéquate au contexte,
signaler la possibilité que la structure soit correcte dans un autre contexte,
si la structure est connue mais oubliée, procéder après la correction au rappel de la règle à laide des apprenants évidemment et à des micro-dialogues à fonction de réemploi et de mémorisation,
sil sagit dune structure nouvelle, il faut passer, après la correction, à une conceptualisation immédiate ou en différé,
organiser des activités communicatives quon enregistre (émission radio, interview, etc) et procéder aux corrections collectives.
À lécrit, il faut privilégier lautocorrection, habituer les apprenants à vérifier la correctitude des énoncés écrits en faisant attention aux accords (de larticle et de ladjectif avec le nom déterminé, du verbe avec le sujet ou avec le complément, etc.), à la concordance des temps de lindicatif, à la cohésion du discours (articulation des phrases), à la cohérence (si le message est bien structuré). Lidéal est de pratiquer la correction collective et sélective en invitant lapprenant à écrire un paragraphe, une séquence de sa production au tableau noir ou sur transparents. Simultanément un autre apprenant peut lire le paragraphe introductif ou la conclusion et entraîner les auditeurs à saisir et à corriger les erreurs commises par leur camarade.
Les différents types dexercices quon propose pour la classe de FLE:
ª% cognitifs (d analyse, d identification): distinguez, analysez, repérez, précisez la valeur, justifiez l emploi;
ª% de transformation: transformez, complétez, remplacez, corrigez, rétablissez, etc.;
ª% de création: inventez, formulez, composez, construisez, racontez, etc.
EXERCICES STRUCTURAUX
En classe de débutants, pratiqués à un rythme allerte, ils servent à former des automatismes verbaux chez les apprenants en évitant leffort dune explication la plupart du temps inutile.
Il y a cinq types principaux dexercices structuraux:
de répétition
de substitution
de trasformation
question-réponse
de jonction
LES EXERCICES TRADITIONNELS
À un niveau avancé, N2, lorsque les apprenants sintéressent aux mécanismes de la langue (ils formulent la question Pourquoi?) et où la réflexion est un processus plus fréquent, on diversifie la gamme des exercices: des exercices danalyse grammaticale et logique (didentification et de discrimination), exercices de manipulation des éléments de lénoncé (substitution, déplacement, amplification, réduction, combinaison, etc.), des exercices de reconstruction de phrase (complétion, replacement des éléments dans un ordre normal, correction), des exercices de manipulation de paradigmes, des exercices dinvention de phrases.
REPÉRAGE
Situez les phrases suivantes dans le système du présent ou dans le système du passé:
Puis, lorsque le tumulte était un peu calmé, on allumait le punch. Je ne sais absolument pas quand et comment jai pu penser ainsi mais cela ne me gêne guère.
MANIPULATION
Complétez les phrases suivantes:
Il affirme que demain nous
Nous racontions quhier nous
. Elle simaginait que chacun
.
Corrigez les phrases suivantes:
Nous affirmions que tu narriveras pas le premier. Quand nous nous sommes comptés, nous constatâmes quil en manquait un.
TRANSFORMATION
Transposez le texte suivant au système du passé:
On est déjà en pleine nuit. Drogo est assis dans la chambre nue et sest fait monter de lencre, du papier et une plume pour écrire. Chère maman, commence-t-il décrire et, immédiatement, il se sent comme lorsquil était enfant.
EXPRESSION ÉCRITE
Faites un récit de type fantastique, au passé et à la première personne.
LES EXERCICES DE PARAPHRASE
La paraphrase relève de la dimension paradigmatique du langage. Là-dessus on distingue deux écoles linguistiques, celle du trasformationaliste Z.S.Harris et celle du générativiste N Chomsky, entre lesquelles il y a des différences concernant la transformation.
PARAPHRASES GARMMATICALES
Paraphrases par substitution
a) Substitution synonymique (synonymes absolus ou relatifs, synonymes totaux ou partiels)
Il viendra après demain.
Il viendra dans deux jours. (synonymes absolus)
Trouvez un synonyme dans un niveau de langue plus courant pour chacun des mots suivants.
Un condiment un investigateur une redondance la dextérité
Seul le français technique fournit des exemples de synonymes totaux, les synonymes partiels sont plus nombreux. Dans certains contextes leur équivalence disparaît. Ex.: chemin = voie. Si lon peut dire : Les ouvriers réparent le chemin / la voie. On ne peut pas dire Par chemin de conséquence.
Substitution périphrastique (définition)
Foin: herbe des prairies fauchée ou coupée, destinée à la nourriture du bétail
Honnête: qui se conforme aux principes de la probité, du devoir, de la vertu.
Substitution lexico-grammaticale
Je vous déconseille dy aller.
Je ne vous conseille pas dy aller
d) Substitution grammaticale
Votre comportement est inadmissible.
Il est inadmissibble de se comporter comme vous.
Dautres types dexercices de paraphrase grammaticale
Exercices de permutation
Exercices deffacement
Exercices de nominalisation
Exercices dépithétisation
Exercices de topicalisation
*
Des propositions de texte-support pour lenseignement de la grammaire:
LADVERBE
En tant quenfant curieux
Mais heureusement laborieux
Je men souviens bien clairement
Quand jy pense profondément
Jai rapidement compris
Quun tas de choses peut être accompli
Et quil faut être poli.
Ainsi ai-je poliment franchi
Les barrières de la vie.
Un jour jai pris un énorme pinceau
Puis un joli stylo.
Jai attentivement regardé
le ciel profond
et tes yeux ronds.
Jai élégamment mouillé
mon pinceau dans leau claire
dune rivière
Mais
jy ai immédiatement plongé
pour y abondamment trouver
des idées.
Ensuite jai énormément lu
Et savamment voulu
Ranger des vers
Tout comme Beaudelaire.
Après avoir longuement travaillé
Jy ai sagement renoncé
Car une plume merveilleuse me manquait.
Une morale innocente
Pas du tout savante
Mais bien courante
Y est évidemment présente.
EN
Luc: Tu penses que Sandrine acceptera mon invitation?
Julien: Jen suis sûr!
Luc: Bon! Au travail, alors! Julien, apporte des fleurs, sil te plaît!
Julien: Volontiers! Jen ai tout un jardin: des roses et des illets.
Françoise: Paul, achète du jambon, nous nen avons plus!
Paul: Je file et jen achète un kilo, quen penses-tu?
Luc: Et de la musique?
Julien: Pas de problème, jen ai pour une semaine.
Françoise: Oh, jai oublié les petits fours. Qui va à la confiserie du coin?
Georges: Mais jen reviens, Françoise et jy ai acheté trois kilos mais je crois quil nen reste que deux car jai rencontré Legros et il men a avalé un kilo au moins.
Françoise: Et toi, Legrand, combien en as-tu avalé?
Paul: Nen parlons plus, Georges, soyons discrets!
LINFINITIF
André: As-tu vu passer devant le cinéma la fille en jean bleu clair?
Michel: Oui, cela va sans dire! Pourquoi?
André: Eh bien! Nous étions les meilleurs amis, mais pour ne lavoir pas conduite à la maison elle ma dit adieu. Me faire ça à moi! Que faire maintenant?
Michel: Tiens, je veux te dire deux mots, mon pote. Je suis dacc avec elle. Il est vrai que tes beau comme Adonis et intelligent comme Ulysse mais ça nexcuse pas ta muflerie.
André: Tas raison, Michel. Jai laissé agir ma bêtise. Je men vais lui faire mes excuses.
Après avoir écouté Michel, André est allé chercher Aline
*
Quelques exemples dactivités de réemploi et de fixation des connaissances de grammaire quon peut organiser en sous-groupes:
1 Situation: Deux trois jeunes hommes se trouvant à la table dune terrasse papotent au sujet des filles.
Consigne: Employez les conjonctions sans, mais, sans que pour exprimer lopposition.
2. Les témoins dun accident racontent comment les choses se sont passées.
Consigne: Utilisez le gérondif, les subordonnées temporelles introduites par quand, pendant que, après que, dès que, comme, en attendant que, jusquà ce que.
3. Vous assistez à un défilé de mode, à linauguration dun grand magasin ou vous visitez une exposition de peinture. Dites vos impressions en employant des propositions exclamatives.
4. Débat sur lun des sujets: La publicité est-elle nocive ou utile? Le tourisme est-il un bien ou un mal? Dites vos opinions en vous servant des expressions de la concession: malgré, en dépit de, quoique, bien que, quel/le que.., où que
, qui que
, si
que, encore que, toutefois, pourtant.
*
Avant de clore ce chapitre, par ailleurs inépuisable et quon ne peut pratiquement jamais clore, il me faut avouer que je dois une fière chandelle à une collègue qui a eu le courage de mettre les points sur les i et remuer de cette façon le couteau de la sincérité dans la plaie de lenseignant de FLE: Comment faire apprendre le verbe à nos apprenants?
Sil ny a pas de recette miraculeuse, force nous est de reconnaître linefficacité des poésies (conjugaisons) auxquelles un enseignement traditionnel nous a longtemps habitués. Lélève Hamlet de Prévert nous en dissuade:
LACCENT GRAVE
LE PROFESSEUR
Élève Hamlet!
LÉLEVE HAMLET
(sursautant)
Hein
Quoi
.Pardon
.Quest-ce qui se passe
.Quest-ce quil y a
Quest-ce que cest?
LE PROFESSEUR
(mécontent)
Vous ne pouvez pas répondre présent comme tout le monde? Pas possible, vous êtes encore dans les nuages.
LÉLEVE HAMLET
Etre ou ne pas être dans les nuages!
LE PROFESSEUR
Suffit. Pas tant de manières. Et conjuguez-moi le verbe être, comme tout le monde, cest tout ce que je vous demande.
LÉLEVE HAMLET
To be
LE PROFESSEUR
En français, sil vous plaît, comme tout le monde.
LÉLEVE HAMLET
Bien, monsieur. (Il conjugue:)
Je suis ou je ne suis pas
Tu es ou tu nes pas
Il est ou il nest pas
Nous sommes ou nous ne sommes pas
LE PROFESSEUR
(excessivement mécontent)
Mais cest vous qui ny êtes pas, mon pauvre ami!
LÉLEVE HAMLET
Cest exact, monsieur le professeur,
Je suis où je ne suis pas
Et, dans le fond, hein, à la réflexion,
Être où ne pas être
Cest peut-être aussi la question.
Le verbe, ce pilier de la phrase, sans lequel nul message ne peut passer, ou bien sil passe on na pas la certitude de sa perception correcte, ne devrait pas constituer un sujet isolé denseignement- apprentissage. Il nest pas inutile damener les apprenants à comprendre limportance du verbe en leur offrant un échantillon de phrase rendue incompréhensible ou comique à cause de lignorance de la conjugaison. Par ailleurs, profitant de leur volonté déchanger on leur proposera des situations de communication qui se prêtent à lemploi de certains actes de parole: se présenter, faire connaissance, demander son chemin, inviter, accepter, refuser, affirmer, nier, etc. En outre, dès que lon personnalise la prise de parole, elle sapproche de la situation authentique de communication, demande plus de précision dans lexpression créant ainsi une motivation intrinsèque dapprentissage de la langue cible. Dautre part, à présent nous avons à notre portée des instruments de travail diversifiés (disquette des verbes, tableaux de grammaire) dont les apprenants peuvent se servir pour y chercher une forme verbale, la fixer ou vérifier la correctitude de son emploi.
LA FORMATION DES COMPÉTENCES DE RÉCEPTION DU MESSAGE ORAL ET DEXPRESSION ORALE
La formation dune audition et celle dune phonation correctes sont des volets indissociables du processus dapprentissage dune langue étrangère. Rappelons-nous comment se fait lacquisition de la langue maternelle! Nous savons très bien que les enfants acquièrent presque simultanément les habitudes auditives et articulatoires en imitant les locuteurs au milieu desquels ils se trouvent. Comme les enfants sont inconscients de lexistence dun comportement découte et des mécanismes nécessaires pour communiquer par la parole, les parents ont intérêt à les faire toujours entourer afin quils aient des modèles linguistiques à leur portée. Nous nous rappelons la légende de Frédéric de Prusse et des enfants élevés en labsence de tout contact verbal et son issue tragique.
Lapprentissage dune langue étrangère est un processus au cours duquel lapprenant passe dun comportement phonologique inné à un comportement phonologique éduqué.
Lenseignant peut se poser une question tout à fait légitime: Quelle place accorder à lenseignement de la prononciation en classe de FLE en ces temps où la mode est à lacquisition des formes linguistiques en situation de communication? Cela dautant plus quon ne peut comprendre et produire des sens en FLE sans comprendre et produire des sons corrects.(Je veux, Je vais, Je vois; Je fais, Jai fait; Il doit, Ils doivent; minuit, minute; poisson, poison; bureau, bourreau; an, âne; sans, sens; dans, danse; pur, pour; attendre, atteindre)
La tâche de lenseignant est de rendre les apprenants conscients des différences phonétiques qui existent entre la langue maternelle et la langue cible. Cela se réalise à force dexercices et dapplications variés qui les aident à se former de nouveaux réflexes articulatoires. Lenseignement/apprentissage de la phonation est un exercice de très longue durée et suppose une étude méthodique, systématique, progressive. Le souci permanent de lenseignant est daméliorer la prononciation de ses apprenants, en corrigeant une faute quelconque, une distorsion phonétique sans pour autant interrompre lexposé de lélève et sollicitant dans les classes plus avancées aux apprenants eux-mêmes de jouer le rôle de correcteurs.
Eu égard à la primauté de laspect oral dans lenseignement de la langue et à limportance de laudition afin dassurer une phonation correcte, il simpose des soins particuliers en vue de léducation de la perception auditive. La bonne perception auditive assure la discrimination des sons, ce qui nélimine pas mais diminue le risque de fautes interférentielles. Lâge scolaire joue son rôle bien sûr car plus on apprend tard plus les fautes interférentielles sont nombreuses.
Par ailleurs, on pourrait sattendre à ce que le passage du système phonétique de la langue maternelle au nouveau système phonétique se fasse facilement mais les différences qui existent entre les bandes de fréquences utilisées par les deux langues auxquelles sajoutent les oppositions phonémiques caractéristiques de la langue étrangère étudiée rendent cette opération difficile. Comme les sons [y], ["], [ø] n existent pas en roumain, les confusions entre vu / vous; de / des / deux sont fréquentes.
À ces aspects s ajoutent ceux ayant trait à l ordre prosodique et articulatoire, aux éléments paraverbaux tels la mélodie de la phrase, le rythme et lintonation qui sont à même de modifier la physionomie du mot. De toute façon, lenseignant se doit déviter la séparation de létude des sons de létude du vocabulaire et de la grammaire en raison du rapport étroit qui existe entre la maîtrise du système phonétique du français et celle des autres compartiments de la langue.
PHONÉTIQUE EN CLASSE DE DÉBUTANTS
Dès les premières heures de classe, lenseignant doit se proposer de créer chez lapprenant lhabitude découter et didentifier les nouveaux sons dans le but de former ensuite des habitudes de phonation. Voilà les étapes à parcourir dans le processus dacquisition des sons nouveaux, telles quelles ont été établies par les méthodologues. Une pièce en quatre actes:
présentation linguistique, acoustique, physiologique
identification (compréhension auditive)
production (émission vocale et correction)
fixation (répétition, utilisation).
Les spécialistes recommandent que le son soit toujours présenté en opposition avec un autre. Apprendre à écouter en français, cest tout dabord apprendre à distinguer les oppositions phonémiques, les paires minimales du type: le / les; de / des, du / de; su / sous, utiles comme une gymnastique articulatoire depuis les classes de débutants jusquaux avancés. Mais ne jamais mettre en opposition des phonèmes isolés. Pour la simple raison que pendant lénonciation il arrive quun son modifie lautre, sinon le timbre du moins la durée. Suivons le déroulement du film dune heure de cours! Les élèves écoutent la prononciation dun énoncé dans lequel on introduit le nouveau son; lenseignant répète la phrase (le modèle), puis le mot qui contient le son nouveau. Après la perception auditive et lidentification du son, cest le tour de lapprenant de répéter la pharse, puis le mot. Lopération se fait dabord collectivement, ensuite individuellement. Quelques explications simples seraient utiles pour la compréhension du mécanisme de phonation afin de permettre la production par les élèves des sons inconnus. Un seul son nouveau sera présenté à la fois, puis fixé par des exercices jusquà son assimilation complète. Il convient de faciliter la tâche de lapprenant en créant un contexte facile, optimal et en le rendant naturel par le recours à un support visuel (gravure, dessin, tableau de feutre, etc.). La fixation (répétition, substitution) se fait elle aussi par des exercices dabord collectifs ensuite individuels. Pourquoi faut-il les alterner? Pour la raison que les premiers encouragent les timides et entraînent tous les élèves à lexpression orale, mais par ailleurs, ils rendent imperceptibles les erreurs individuelles, favorisent linstallation dun rythme artificiel puisque la vitesse collective peut ne pas être celle du rythme respiratoire de certains apprenants.
La tâche de lenseignant de FLE est de mettre en uvre une pédagogie corrective en élaborant des séries dexercices de phonétique contrastive, des jeux phonétiques, des comptines, des proverbes.
Voilà quelques virelangues (formulettes difficiles à prononcer) recueillies par Bruno De La Salle et destinées à exercer aussi bien loreille que la langue:
Combien sont ces six saucissons-ci?
Ces six saucissons-ci sont six sous
Si ces six saucissons-ci sont six sous, ces six saucissons-ci ne sont pas chers du tout!
*
Natacha nattacha pas son chat Pacha qui séchappa. Cela fâcha Sacha qui chassa Natacha.
Natacha fut chassée par son Sacha fâché nayant pas attaché Pacha son chat qui a pu séchapper.
*
Si mon Tonton tond ton Tonton, ton Tonton sera tondu.
Si ton Tonton tond mon Tonton, mon Tonton sera tondu.
Mais si Tintin teint ton Tonton, ton Tonton sera teint.
Et si Tinton teint mon Tonton, mon Tonton sera teint.
Alors dans ce cas-là, nos Tontons seront tondus et teints.
*
La cavale du valet avala leau du lac. Leau du lac lava la cavale du valet. Le valet se lava dans leau salie du lac après que sa cavale se fut lavé.
LANGUE MATERNELLE / LANGUE SECONDE
Les didacticiens distinguent trois catégories de sons:
identiques (connus) aux deux langues (LB ou 1 et LC ou 2)
différents
voisins (ressemblants).
Dans la pratique scolaire, lenseignant procédera dune manière cartésienne: il commencera par les sons identiques aux deux langues (les consonnes et certaines voyelles pour les apprenants roumains). On continue par les sons différents et on finit par les sons voisins, sujets à des interférences. Les sons les plus difficiles à prononcer pour lapprenant roumain sont [y] et [ø] quil est tenté de prononcer [iu] et [io] dans mur, sur, feu, peux surtout si lapprentissage du français succède à celui de langlais.
Létude comparative du système phonétique des deux langues aidera lapprenant à en saisir les ressemblances et les différences, loriginalité de la nouvelle prononciation par rapport aux connaissances antérieures. Les spécialistes ont constaté que la prononciation des chiffres et des nombres de 1 à 30, les opérations daddition et de soustraction avec ceux-ci permettent lexercice de phonation de presque toutes les voyelles et consonnes. À ces exercices on peut ajouter la récitation de petites poésies, dénoncés expressifs du type: Chic alors! Ah, chouette alors!; de comptines (Si cest moi / Cest pas toi / Ce sera toi / La prochaine fois) exercée avec régularité dès les premières classes de français.
Quelques conclusions simposent là-dessus:
comme lacquisition du français est un processus, lintérêt de lenseignant pour la bonne phonation doit être constant;
étant donné que la bonne prononciation est le résultat du fonctionnement correct de lappareil phonatoire et non de laptitude intellectuelle, il sagit dune rééducation musculaire des maxilaires exigeant un entraînement régulier.
Doù la nécessité dentraîner les élèves à prendre la parole le plus souvent en classe, soit en leur faisant répéter les modèles fournis par lenseignant ou enregistrés (CD, cassette audio), soit en les faisant lire à haute voix afin de créer chez les apprenants le plaisir de larticulation en langue française. Cela leur donnera envie découter des chansons, de suivre des dessins animés, dexercer la langue seconde en dehors de lécole.
Lemploi des documents sonores authentiques est un moyen très efficace dans lactivité de formation des compétences de réception du message oral. Le succès est garanti si lon a recours à la chanson, un outil didactique agréable et complexe. Aussi lapproche globale dune chanson connaît-elle plusieurs démarches possibles: 1.écouter la chanson sans texte, 2.faire connaisance avec le texte avant lécoute de la chanson.
On peut faire écouter la pièce musicale choisie par lenseignant ou à la suggestion des apprenants afin de les familiariser avec le rythme et éveiller leur intérêt pour le message du texte. Mais il vaut mieux, dans un deuxième temps, donner aux apprenants loccasion de shabituer à une écoute active et intelligente. À cet effet, on distribue aux groupes, formés de deux ou trois élèves, des grilles découte contenant des questions portant sur la situation: Où?, Qui?, Quand?, Quoi? Après une première écoute, les apprenants répondent aux questions en les illustrant par des mots tirés de la chanson. Le rapporteur de chaque groupe fait connaître les résultats du travail de son groupe lesquels sont confirmés ou non par les autres. Ils peuvent écrire au tableau dautres mots quils ont retenus. Une autre grille portera sur limpression dominante (qui correspond en quelque sorte à la tonalité du texte littéraire: la tendresse, la mélancolie, le désespoir, la joie, lironie, la violence, la vitalité, la critique, etc.) et les sentiments exprimés. Une autre grille incitera à sinterroger sur les thèmes traités: lamour, lenfance, limmigration, laventure, la vieillesse, la guerre, la solitude, le plaisir de chanter, lhypocrisie
FORMATION DES COMPÉTENCES DE RÉCEPTION DU MESSAGE ÉCRIT ET DEXPRESSION ÉCRITE
Lécrit se présente comme un dyptique dont les volets sont la réception du message écrit et lexpression écrite. Lacte de réception du message écrit ne peut être que celui de lecture et de compréhension des documents écrits. Lacquisition de la compétence de lecture est un processus qui évolue depuis la formation des compétences de base, continuant avec les compétences approfondies pour arriver au stade suprême des compétences remarquables.
On peut se demander si le niveau de la compétence de lecture en langue maternelle influe sur lapprentissage de la lecture en langue cible. La réponse est affirmative puisquun apprenant ayant acquis des compétences remarquables (qui consistent, selon Ch.Tagliante, à découvrir limplicite dun texte: mettre en relation deux informations, dégager le présupposé dun énoncé; dégager du contexte le sens dun mot inconnu, en langue base possède des outils plus adéquats et une motivation mieux fondée que celui qui se contente de compétences de base (saisir linformation explicite de lécrit).
Par contre, à la question si lobjectif premier dune classe de lecture est la compréhension du texte on répond négativement. Il est vraiment question de lapprentissage de stratégies de lecture qui donneront par la suite envie à lapprenant de lire en langue seconde, douvrir et de feuilleter avec plaisir un journal ou un livre écrits en langue étrangère. Lobjectif dernier poursuivi par tout enseignant est incontestablement de former des lecteurs actifs, autonomes, qui osent lire en langue cible.
Le livre de Christine Tagliante, La classe de langue, nous fait connaissance avec cinq stratégies de lecture: le repérage, lécrémage, le survol, lapprofondissement, la lecture de loisir.
La lecture repérage, par exemple, se donne pour but de rechercher des informations précises et ponctuelles. Cette opération se fait par des balayages successifs en diagonale très ouverte et verticalement dans le texte dun tract, dun mode demploi, dun article de presse, dun formulaire, dun dictionnaire, de bibliographies, etc. Le succès de cette activité est assuré surtout si lon emploie des documents authentiques, documents éphémères, selon lexpression de Michel Boiron. La tâche des apprenants sera de repérer en quelques petites minutes les chiffres, les noms propres dun texte, de localiser un point sur un plan, etc. Une fois la tâche accomplie, on inscrit au tableau le résultat du travail et on passe à lémission dhypothèses consistant à relier les repérages au titre du document. Létape suivante consiste à repérer les verbes reliés aux repérages antérieurs. On finira par la lecture dun ou de deux paragraphes, opération qui parvient à confirmer les hypothèses énoncées précédemment. En acquérant cette stratégie, les apprenants découvriront lintérêt de la lecture en langue étrangère qui ne demande pas un effort particulier étant donné quon peut comprendre un texte même si lon ne connaît pas tous les mots.
Pour ce qui est de la lecture écrémage, elle consiste, par exemple, à dégager les idées clés dun texte en poursuivant une démarche qui respecte la grille SPRI:
S, comme Situation, vise à établir la situation de départ;
P, comme Problème, sintéresse au problème qui est posé;
R, comme Résolution, dont les éléments peuvent être présentés par lauteur lui-même ou décelés par le lecteur;
I, comme Information, consiste à chercher les informations qui permettent de vérifier les solutions proposées.
LEXPRESSION ÉCRITE
Lors des examens écrits on constate que lécrit se porte mal: plan de rédaction flou, argumentation chancelante, fragile, incohérence du discours, expression hésitante et imprécise. Mais heureusement, lapproche communicative semble apporter un nouvel équilibre entre les divers skills de lapprentissage (compréhension orale, expression orale, compréhension écrite et expression écrite).
Force nous est de reconnaître que la mission de lenseignant de FLE nest pas du tout facile étant donné que lécrit nest pas la simple transcription de loral et que lapprenant doit apprendre deux grammaires, celle de loral et celle de lécrit, pour parvenir à sexprimer correctement en français. Doù la nécessité dune série dactivités de pré-expression écrite. Christine Tagliante nous propose dans le livre cité ( p.137) un vrai parcours en trois étapes :
1-e étape: reconnaissance de formes orales connues et de leur représentation graphique, daprès un support enregistré;
2-e étape: analyse, acquisition et conceptualisation de règles graphiques, toujours à laide dun support enregistré;
3-e étape: systématisation et application à des énoncés nouveaux, des règles acquises en étape 2.
Il sagit donc dun passage progressif de la phrase simple au paragraphe, soigneusement préparé afin déviter tant soit peu les difficultés et les pièges (calquer les structures propres à la langue maternelle, oraliser lécrit, calquer les structures de la langue étrangère apprise antérieurement, anglais, espagnol, etc.).
Pour assurer la réussite du passage à lécrit, il est recommandé de privilégier de véritables situations décrit et dengager très rapidement une communication authentique (correspondance scolaire, concours de création en langue étrangère, concours dorthographe, rédaction dune revue en langue étrangère, etc.)
Comment préparer le passage de la phrase au texte?
Il faut sensibiliser progressivement les apprenants à la façon dont se structure un texte écrit, en étudiant lorganisation des idées exprimées (cohérence), la manière dont les phrases senchaînent à laide des articulateurs (cohésion). Si lors de léchange oral le destinataire peut confirmer ou infirmer la cohérence du discours du locuteur en place (current speaker), lors de la communication écrite, il faut tenir compte de labsence du destinataire et prêter lattention nécessaire afin dassurer une expression cohérente, claire, logique du message écrit.
Pratiquer la composition française est un exercice qui facilite la lecture dans le texte et éveille lintérêt pour cette pratique en contribuant à la fois à lacquisition de la compétence linguistique (vocabulaire, grammaire) de lapprenant. Dautres arguments qui plaident en faveur de cette pratique concernent la réflexion sur la langue et sur lorganisation du discours quelle occasionne sans parler du développement de lhabitude de travail intellectuel (consulter des dictionnaires, des grammaires, des encyclopédies, des magazines de spécialité ou destinés aux jeunes).
On sait quune étude comparative des deux formes dexpression relève les avantages de lécrit par rapport à loral:
Expression orale: pauvreté lexicale, négligence de lexpression, désordre, spontanéité, économie discursive, caractère éphémère;
Expression écrite: richesse lexicale, ordre, précision, réflexion, cohérence de lexpression, persistance, expressivité, etc.
Si nous sommes daccord au sujet des avantages de lécrit, on se demande à quel niveau détude du FLE il faut introduire la composition française. On pourrait bien lintroduire dès le niveau élémentaire mais avec prudence à condition que les apprenants aient acquis un vocabulaire suffisamment riche et des habitudes de construire des phrases courtes et correctes.
Comment stimuler la capacité dexpression écrite?
Le succès de cette activité peut être assuré si lon emploie des méthodes actives. Pour gagner ladhésion des apprenants à cette tâche assez ingrate, faut-il le reconnaître, lenseignant se doit dattacher une importance particulière au choix du sujet, un moment fort et un acte essentiel à laccomplissement duquel il faut évidemment inviter les apprenants. Mais chauffer limagination et la capacité de création peut également se faire en leur proposant des projets déchanges scolaires, des concours internationaux tels Le prix de la Francophonie, Amitié et Partage, une correspondance scolaire, etc. Pourquoi pas ne pas demander des rensignements auprès des organismes européens au sujet des programmes pour la jeunesse? Créer chez lapprenant le désir décrire peut paraître une utopie. Cependant, encourager lexpression de sa pensée et de ses sentiments peut favoriser lacceptation de cette tâche surtout par les adolescents qui éprouvent parfois le besoin de sexprimer: Écrivez une page de journal de vacances, Présentez les sensations que vous avez éprouvées lors de lexamen, Faites le portrait de votre ami/e(lami/e idéal/e), en voilà autant de sujets qui pourraient accrocher les futurs écrivains.
Si le moment du choix du sujet est important, celui de la réception du message écrit ne pourrait non plus être négligé. Lenseignant doit bien le préparer afin que le public ne sennuie pas. Dans ce but, il faut convier les autres apprenants à une écoute active afin de pouvoir formuler après la lecture un jugement, observer les erreurs de grammaire et de prononciation, les corriger. Par ailleurs, le texte lu par lauteur ne doit pas être trop long. En effet, personne ne nous oblige à une lecture intégrale du texte rédigé par lapprenant; on peut, par exemple, demander quil lise un paragraphe, lintroduction ou la conclusion ou bien les paragraphes destinés aux actions sil sagit dun texte narratif.
LAPRÈS ÉCRIT
La tâche de lenseignant ne sarrête pas là parce quil arrive quun apprenant qui a de la plume échoue à cause dune défaillance de sa compétence grammaticale. Quels conseils lui donne-t-on alors? Non seulement des conseils, mais des fiches dexercices de grammaire seraient utiles dans ce cas. Par contre, un apprenant qui manque de style serait invité à la lecture de textes dabord faciles mais de plus en plus appropriés à lobjectif poursuivi par lenseignant. À cela contribuent amplement les études de textes littéarires. Car, en faisant remarquer à ses apprenants les qualités dun discours littéraire (clarté, expressivité, originalité des associations lexicales et des structures grammaticales), lenseignant atteint plus aisément son but, celui de passer de la lecture à lanalyse pour aboutir à la composition. Qui saurait se passer de modèles dans un monde où tout a été dit depuis longtemps? Aussi considère-t-on quil ny a rien de dévalorisant à avoir à sa portée, dans un dossier bien fourni, des modèles de texte narratif, descriptif, argumentatif, injonctif, explicatif, informatif, etc.
Activités de production écrite:
Écrire un message sur un post-it: Nayant pas trouvé un(e) ami(e), un(e) cousin(e) chez lui(elle) vous lui laissez un message collé sur sa porte; Inscrivez une note sur votre aide-mémoire; Envoyez un billet à quelquun(e) de la classe;
Reconstitution de messages à trous (partiellement effacés, déchirés, palimpsestes)
Rédactions de cartes postales.
Pour stimuler limagination on peut se servir de vrais supports matériels: pour les post-it, des cartes postales réelles, des manuscrits endommagés à dessein.
Articles de journal: à la manière de
, des pastiches ou des parodies, interviews, reportages.
Présentation dune personnalité locale qui sest impliquée dans la francophonie
Faire un roman-photos ou une bande dessinée en stimulant ainsi la collaboration des apprenants doués pour le dessin ou la photo.
Faire une enquête portant sur un sujet choisi par les apprenants eux-mêmes et en présenter le résultat devant les camarades de classe. Le dossier de chaque équipe contiendra les noms des enquêteurs, éventuellement leurs photos, des images prises pendant lactivité, le questionnaire, les réponses des sujets questionnés, le rapport, les conclusions et les impressions concernant lactivité.
JEU DE VÉRITÉS
On épingle au dos de chacun (enseignant y compris) une feuille de papier sur laquelle les autres écrivent leur opinion (défauts et qualités) sur la personne qui est devant eux. On compte sur la sincérité de chacun pour pouvoir se connaître et se corriger.
TECHNIQUES DACQUISITION DU VOCABULAIRE
Prenez un mot prenez-en deux
faites-les cuir comme des ufs
prenez un petit bout de sens
puis un grand morceau
dinnocence
faites chauffer à petit feu
au petit feu de la technique
versez la sauce énigmatique
saupoudrez de quelques étoiles
poivrez et puis mettez les voiles
où voulez-vous en venir?
À écrire
Vraiment? À écrire?
(R.Queneau, Pour un art poétique)
Négligé par les didactiques des langues qui ont prévalu les dernières décennies, le vocabulaire a pourtant toujours été considéré par les apprenants comme un objectif prioritaire. Certes, le temps nest plus là où certaines méthodes imposaient aux apprenants un régime pauvre en vocabulaire et surtout en ce quon appellerait un vocabulaire utile. Lutilisation des documents authentiques et les approches communicatives ont mis fin à lépoque dindigence lexicale de sorte que les apprenants peuvent satisfaire même leur boulimie de mots. Par ailleurs, les techniques de créativité (remue-méninges, jeux avec les mots, etc.) suscitent une grande variété dactivités de mobilisation et de recyclage du stock lexical.
Il est temps quon fasse la distinction entre lexique (entendu comme lensemble de tous les mots qui, à un moment donné, se trouvent à la disposition du locuteur, et quil peut comprendre et employer) et vocabulaire qui apparaît comme lensemble des mots effectivement employés par le locuteur dans tel acte de parole précis; cest lactualisation du lexique individuel. Si lenseignement du vocabulaire est une activité didactique qui, une fois commencée, ne sarrête quà la fin des études, il trouve son accomplissement dans le prolongement de lapprentissage débouchant sur lautoéducation.
Mais à lintérieur du vocabulaire individuel dun locuteur on distingue le vocabulaire actif, composé de mots quon emploie au cours de lexpression orale ou écrite, du vocabulaire passif qui est constitué des mots quon nutilise pas mais quon reconnaît et quon comprend. Lidéal serait évidemment de réduire au minimum le vocabulaire passif ou bien quil sactive sans cesse.
Lacquisition du vocabulaire suit lordre naturel dacquisition du vocabulaire de la langue maternelle à partir de la reproduction par imitation dun modèle linguistique pour arriver à lemploi productif des mots dans un autre contexte communicationnel, associés à dautres mots, à dautres situations.
LES NIVEAUX DE LANGUE
Les didacticiens aussi bien que les enseignants se sont posé la question du français à enseigner.
Une série denquêtes ont permis aux chercheurs délaborer le Français Fondamental. Le premier critère pris en considération a été celui de la fréquence: une liste de mots et des indications de premier degré ont été établies à partir de lanalyse de conversations enregistrées pour relever les éléments les plus employés. Un autre critère a été celui de la disponibilité: on a élaboré des questionnaires linguistiques mettant en évidence les termes quun Français trouve dabord à sa portée lorsquil parle dun thème quotidien lié à un centre dintérêt particulier. Ainsi les chercheurs ont-ils établi le Français Fondamental premier degré, limité à 1500 mots, suivi dun deuxième degré dont les 1700 unités ont été recueillies lors des premières enquêtes et de sondages complémentaires dont la source principale a été le langage des journaux.
Il ny a rien de plus évident que lenseignement du FLE doit donner la priorité au français contemporain. Cest de celui-ci que nos élèves ont besoin pour communiquer vu louverture des frontières et la volonté de la Roumanie à faire son entrée dans lUE. Mais le français daujourdhui est loin dêtre une langue uniforme puisquil comporte une multitude dusages différents. Le sujet parlant dispose de plusieurs niveaux ou registres stylistiques différents. Cest pourquoi on a proposé pour lenseignement un niveau de langue qui se situe à mi-chemin entre la langue populaire et la langue littéraire, qualifié de bon usage, et qui, à son tour, se compose de trois niveaux: langue familière / langue courante / langue soignée. La langue familière est une langue très spontanée, peu réfléchie et influencée par la langue populaire; la langue soignée est réfléchie, choisie et influencée par létude des textes littéraires. Cest par conséquent la langue courante (parlée et écrite) qui devra être enseignée à nos apprenants.
Par ailleurs, lenseignement du vocabulaire est un processus dont les moments essentiels sont: la présentation, lexploitation et la fixation.
Lapprentissage de la langue seconde commence par une période de perception auditive du mot inconnu (insistance sur son signifiant). La compréhension du mot dépend dune bonne perception auditive suivie de la présentation du signifié à laide des procédés
- ostensibles (objets, actions, situations)
- figuratifs (des figurines quon place au tableau de feutre, des diapositives, des films, des dessins). Lenseignant doit synchroniser le geste, laction et la parole de façon à rendre le vocabulaire plus vivant et afin que la perception soit assurée. La loi selon laquelle lenseignant se conduit dans cette activité est que limage et le geste précèdent la parole; la parole précède lécrit; lécrit précède la lecture. Les procédés ostensibles et figuratifs, très prisés par les débutants, sont dun grand rendement dans les classes primaires et au collège lorsquil sagit de noms concrets.
G. Mauger affirme dans Sept leçons pédagogiques que le professeur est un comédien, cest-à-dire non seulement il faut quil se serve du dialogue, il faut aussi quil fasse passer entre lui et les élèves le courant qui sétablit entre le comédien sur la scène et son public. Il fautt naturellement se servir du geste parce que le geste est expressif: il faut que le dialogue soit constant parce que seul il maintient lintérêt éveillé.
Les procédés contextuels (définition, énumération, substitution, opposition) entrent en classe à partir du moment où les élèves possèdent déjà un certain vocabulaire. Le contexte verbal éclaire le sens du mot nouveau à laide des mots déjà connus.
Dans les classes délèves avancés la signification des mots sera élucidée à laide des synonymes, antonymes, homonymes; on peut également se servir des champs lexicaux et/ou sémantiques, des paronymes, des opérations linguistiques telles la définition ou la périphrase. La présentation des mots en contexte est destinée à une meilleure compréhension, à une meilleure fixation et aussi à un accroissement du rendement communicatif.
Les procédés différentiels (lexplication en langue maternelle et la traduction) ont comme fondement les différences de signification entre la langue maternelle (L1) et la langue étrangère (L2). Lorsquon utilise des mots abstraits, des mots-phrases du type Ca y est!, des expressions idiomatiques, voire dans le cas des subtilités linguistiques qui peuvent être interprétées de diverses façons on se sert de la traduction interlinguale. Elle apparaît comme nécessaire là où lon court le risque de faire percevoir le sens dune manière approximative ou ambiguë. La traduction devra être évitée dans les classes de débutants afin de leur permettre la formation de leurs premières habitudes darticulation correcte, ainsi que les réflexes auditifs.
Lexploitation. Cest le moment ultérieur à la présentation des mots nouveaux. Elle suit plusieurs étapes à partir de la reproduction en passant par la répétition pour arriver au réemploi des termes nouvellement acquis. Cest là aussi une première fixation des vocables. Lacquisition orale sera suivie par lécrit. Nous sommes persuadés que la fixation sera assurée quand les trois formes de perception auditive, visuelle et motrice (lécrit) auront collaboré à la perception du mot nouveau.
La fixation Il ne suffit pas que le vocabulaire soit acquis, lapprenant doit le fixer, le mémoriser et le faire passer de létat passif à létat actif. Aussi faut-il recourir à lapprentissage en situation qui facilite la mémorisation, dautre part les mots acquis lui serviront à long terme si la charge dapprentissage est légère et quune pratique intensive permette la remise en jeu des unités apprises, dans des contextes variés. Elle peut se concrétiser dans une conversation reproductive portant sur le contenu du texte lu, tout en conservant les structures lexico-grammaticales acquises dans leur ordre préétabli; et dans une conversation productive, créative, détachée du texte (microconversation, simulation, jeux de rôle, concours, sketch, etc.).
En outre, les moyens utilisés dans lacquisition du vocabulaire varient selon le moment de leur utilisation:
a) avant la lecture de texte par la conversation introductive ou lexposé;
b) au cours de la lecture du texte;
c) au cours du travail indépendant de lapprenant.
La conversation introductive est le moyen le plus utilisé en classe de FLE. Elle comprend à la fois la présentation et lexploitation des mots nouveaux et consiste à présenter le vocable avant la lecture par un jeu de questions brèves et claires dont le lexique est déjà connu. Il sagit de lintroduction des mots-clés sans lesquels la compréhension globale du texte est compromise.
Lexposé savère être un moyen efficace dans une classe délèves moyens ou avancés mais il doit respecter le critère de la simplicité et de la brièveté de même que celui de la surprise qui doit être ménagée si lon veut quil soit efficace. Les deux moyens seront pratiqués à livres fermés.
Dans les classes délèves avancés on peut pratiquer la pésentation et lexploitation des mots au cours de la lecture dun texte. Ce moyen est efficace lorsque la lecture comprend peu de mots inconnus et dont le sens peut facilement ressortir du contexte.
Lutilisation du dictionnaire. Lenseignement du vocabulaire se propose de former graduellement (progressivement) chez les apprenants des habitudes nécessaires à lexpression orale mais aussi à linformation. Si la conversation introductive sert à lacquisition de la langue comme moyen de communication et dexpression, il faut donner à lapprenant la possibilité et le goût de sinformer tout seul, de découvrir un texte sans laide du professeur. Lutilisation du dictionnaire en classe marque la transition vers le travail indépendant de lélève contribuant ainsi à son éducation complexe et assurant de cette manière les bases de sa future formation continue.
EXERCICES
Cest seulement par des exercices nombreux et variés que le vocabulaire peut être consolidé et enrichi.
exercices oraux
- exercices structuraux dimitation, substitution, expansion;
groupement de mots par centres dintérêt (thèmes);
exercices de questions-réponses (conversation)
reconstitution de texte;
recherche des synonymes, antonymes, homonymes, familles de mots, mots polysémantiques.
exercices écrits
copie dun texte accompagnée de la reconnaissance dune série de mots groupés par centres dintérêt;
exercices à trous;
composition de phrases à partir de mots indiqués par lenseignant;
dictées;
rédactions, etc.
Les auteurs (Jacky Girardet, Jean-Marie Cridlig et Colette Gibbe) dune série de livres intitulés Vocabulaire. Entraînez-vous, CLE International, 1994, nous proposent
la découverte dun ensemble lexical limité et homogène organisé autour dun thème concret (tels LHomme, LEnvironnement, La Société, La Culture et les Loisirs, Le Travail, La Communication, La civilisation, La pensée, etc.), dune notion ou dune idée générale, dune structure fondamentale de la pensée, dun acte de parole, dun schéma situationnel, narratif, descriptif, logique, etc.
un travail de réflexion sémantique et culturelle qui peut, dans certains cas, déboucher sur une activité de production, mais qui a surtout pour objectif dexplorer et daffiner le sens des mots (polysémie, synonymie, antonymie) dinitier aux systèmes de production lexicale (dérivations, mots composés, emplois figurés, etc.) et de favoriser la mémorisation de lensemble lexical.
On constate que chez les mots comme chez les hommes il existe de faux amis. Ce sont des mots qui nous trahissent; on emploie lun pour lautre (Jean Tardieu sen sert pour en créer une pièce intitulée justement Un mot pour un autre), on confond ou lon intervertit leurs sens que ce soit à cause dune prononciation identique (homonymie), dune ressemblance plus ou moins proche ou plus ou moins éloignée (paronymie), dune synonymie approximative. Le livre Lexique des faux amis, écrit par Jean-Pierre Colignon et Pierre-Valentin Berthier, paru aux éditions Hatier, 1985, nous propose plus de 500 termes à ne pas confondre. En voilà quelques exemples: Censé,e (adj.): Supposé, regardé comme, présumé (Nul nest censé ignorer la loi). Sensé, e (adj.): Convenable, raisonnable, sain (Enfin une parole sensée!). Méritant, e (adj.): Se dit dune personne qui mérite des éloges (un père de famille très méritant). Méritoire (adj.): Se dit dun ouvrage, dune action, remarquable par le mérite de son auteur (une persévérance méritoire). Pastiche (n.m.): Imitation dune uvre connue (les pastiches du sonnet dArvers sont innombrables). Postiche (n.m.): Perruque, accessoire de coiffure pour se déguiser ou modifier son aspect (saffubler de postiches). (Adj.): Artificiel, factice, fantoche ( un gouvernement postiche).
En outre, la première partie du livre de Claude Lebrun, intitulé 1000 mots pour réussir, paru aux éditions Belin, 1990, vise à lacquisition du sens des mots au moyen de six séries dexercices:
1-e série: questions à choix multiples (Q.C.M.)
Exemple: Laborieuses négociations sur le contentieux européen-américain
Le contenu de la politique
Les désaccords sur cette politique
Les projets européens
S.I. (sens ignoré)
2-e série: exercices classés par champ lexical, dans lesquels il faut compléter des phrases à trous à laide de mots dont la définition nous est donnée en regard.
Exemple: Action de séparer deux idées, deux phénomènes
Opérer une
..
3-e série (mots mêlés): même principe que la précédente série, mais agencé différemment, puisque, outre des phrases à trous, les apprenants auront aussi des textes à compléter et des grilles à remplir.
4-e série: questions de vocabulaire pour préparer à lépreuve de français de baccalauréat
5-e série: différents types dexercices sur les faux amis et leurs pièges.
Exemples :
Collision On sest aperçu quil y avait
entre la Mafia et la municipalité.
Collusion Deux voitures sont entrées en
.
Exaucer Il faut
..le podium.
Exhausser Son souhait est
6-e série: mots croisés simplifiés
Voilà maintenant quelques exercices extraits du livre intitulé The Practice of English Language Teaching écrit par Jeremy Harmer et publié chez Longman en 1991.
Les parties du corps
On demande aux apprenants de travailler en tandem pour inscrire les noms des parties du corps dune gymnaste (Nadia Comaneci, par exemple) dont on leur donne limage. Lavantage du travail en équipe est que les élèves utilisent ensemble leurs connaissances.
Autour de la maison
Cest une activité qui permet lextension du concept en établissant des champs lexicaux.
Voilà une liste de mots. Pouvez-vous compléter les pointillés à laide des mots ci-dessous? Ajoutez au moins le nom dun objet dans chaque pièce.
.. ... ..
..
..
..
Salle de séjour Cuisine
MAISON
Chambre à coucher Salle de bains
.
.
.
..
casseroles, douche, draps, théière, évier, sofa, lavabo, serviettte, éponge, vidéo, réveille-matin, table à café
Dans quelle pièce normalement: Vous écoutez de la musique? Pensez à vos problèmes? Vous bavardez? Vous vous sentez le plus détendu?
Comparez vos réponses à celles dun partenaire.
Pourquoi avez-vous certaines choses dans une certaine pièce? Par exemple, pourquoi ne mettez-vous pas le poste de télévision dans la salle de bains? Songez à dautres exemples et demandez à votre partenaire den donner des explications.
Dans des classes délèves avancés on peut leur demander dutiliser le vocabulaire du caractère.
Garçons et filles, lesquels de ces traits de caractère détestez-vous le plus chez un partenaire? Placez-les en ordre:
orgueil hypocrisie présomption agressivité entêtement égoïsme infatuation espritde possession arrogance snobisme malhonnêteté indocilité
timidité mesquinerie inconséquence irréflexion
Quelles sont les qualités les plus importantes que vous appréciez chez votre partenaire? Placez-les dans lordre de leur importance:
compassion vivacité franchise ambition
tolérance patience générosité humilité sincérité imagination passion créativité
modestie sensibilité courage confiance
Ecrivez et discutez ensuite sur les caractéristiques que vous vous attendez à trouver chez: une infirmière, un P.D.G., un acteur, un homme politique, un professeur, etc.
Mais force nous est de ne pas insister sur lapprentissage des mots qui active lhémisphère cérébral gauche au détriment de lhémisphère droit (pourtant 1 600 fois plus rapide). Par conséquent il faudrait tenir compte des items lexicaux classés en 5 catégories par Michael Lewis:
Les mots envisagés en tant que sortie. Ils sont porteurs dun sens; on peut jouer avec eux.
Les locutions. Il sagit de groupes de mots formant une unité lexicale. Ex: de toute façon, dautre part, etc.
Les collocations, qui sont en quelque sorte des mots partenaires, habituellement associés au sein dun même énoncé. Exemple: il a mal à la tête [association / combinaison habituelle et fréquente du mot mal (dans lexpression:avoir mal); autre exemple: un troupeau déléphants (troupeau est souvent utilisé dans un tel contexte lexical).
Les énoncés institutionnels. Il sagit dexpressions figées. Ex: Je laurai.
La structure des phrases. Elle est importante dans le code écrit. Chaque langue possède ses propres structures rhétoriques où les différents syntagmes et mots occupent une place déterminée. Dans une traduction littérale, ce sont ces énoncés morpho-syntaxiques qui représentent lélément le plus étranger.
Les spécialistes ont constaté que la présence dun item lexical, dune règle de grammaire dans trois contextes différents constitue un moyen certain dapprentissage sans quil soit nécessaire quon ait recours à la traduction ou à lexplication de lenseignant. Dans un premier temps, lapprenant fait connaissance avec litem lexical et le mémorise grâce à son contexte de même quaux informations qui laccompagnent, fussent-elles dordre lexical ou figuratif. Dans un deuxième temps, un second contexte ajoute des informations supplémentaires et aide à préciser la signification de litem en le nommant, tandis que le troisième contexte assure la fixation de son sens par le réemploi dans une phrase.
ACTIVITÉS COMMUNICATIVES EN CLASSE DE FLE
Si lon ny a pas affaire à une conversation authentique, la classe constitue pourtant lantichambre de la conversation situationnelle. Elle doit en revanche respecter les principes conversationnels tels quils avaient été formulés par Paul Grice, Catherine Kerbrat-Orecchioni, Dominique Maingueneau, etc: le principe de coopéartion, le principe dalternance, le principe dinformativité et dexhaustivité, de sincérité, de pertinence, de modalité sans que la transgression de la politesse conversationnelle soit permise. Cela entraîne le fonctionnement dun monde social si lenseignant sapplique à développer limagination des apprenants en leur fournissant des écrits dialogiques faciles à titre de modèles. Il est de son devoir de les familiariser avec les formules dadresse, les structures linguistiques damorce et de clôture de la conversation sans oublier les actes de paroles et les marqueurs pragmatiques. Lenseignant est invité à un entraînement progressif des récepteurs à la réplique, à lélocution et à la textualité dialogique.
Le travail en équipes (par groupes de 3-4 élèves) savère un cadre idéal quasi réel pour lemploi des actes de parole au cours déchanges simples entraînant aussi la pratique des actes logiques dexplication, dargumentation, de justification, de conclusion. Dorina Roman synthétise en faisant le portrait de lenseignant qui joue le rôle de meneur de jeu (interaction), (donne des consignes, rappelle des règles), danimateur déchanges (ravive linteractivité au cas où celle-ci languirait), danimateur de groupe (encourage, facilite les prises de parole) et danimateur de création (fait progresser le scénario).
Si chez les débutants le rôle de lenseignant consiste plutôt à tempérer limpétuosité des apprenants désireux de sexprimer quitte à commettre des interférences, au Niveau avancé il faut aiguillonner les adolescents, devenus plus discrets, à prendre la parole.
Je pense quil ny a pas denseignant ni dapprenant qui ne soit persuadé de la nécessité et de lefficacité de la conversation en classe de langues étrangères. Et pourtant, je me fais un devoir dinsister en rappelant que cest à la suite dun entretien avec leurs employeurs que les jeunes postulants obtiendront une place de secréatire, de guide touristique, dinterprète, surtout dans la perspective de notre adhésion à lUnion Européenne, etc. Cest toujours du niveau linguistique du solliciteur que relève lattribution dune bourse détudes dans un pays farncophone. Sans parler du plaisir que lon tire à échanger avec des jeunes étrangers sur leur terrain même lors de voyages possibles (plus ou moins) grâce à louverture des frontières. De plus, cest lexpression orale qui procure joie, confiance en soi, fierté aux apprenants et qui confère authenticité et dynamisme à la classe de FLE.
Comme la rhétorique ne fait plus depuis longtemps partie du programme scolaire (art de bien parler; technique de la mise en uvre des moyens dexpression: la composition, les figures) et que lexercice de conversation na pas un statut de discipline autonome (art de la conversation), lenseignant est amené à se livrer à une véritable reconversion pédagogique surtout après 1989.
LE NIVEAU DÉBUTANT
Au moins deux conditions sont à respecter pour la réussite de la conversation:
1. Il sagit dabord dassurer à ses élèves une compétence linguistique minimale, suffisante. Afin datteindre cet objectif on sappuyera sur la technique du dialogue (dont le paradigme est Q-R).
2. La deuxième condition est dordre psychologique et concerne la conduite de la classe par lenseignant. Comme à ce niveau la dépendance des élèves par rapport au maître est plus importante quà un autre niveau, il sensuit que celui-ci doit faire preuve de lintuition caractéristique à sa vocation afin dencourager les interlocuteurs à exprimer librement leurs propres sentiments, leurs propres opinions. Celui qui écoute doit prêter attention à celui qui parle parce que cest ainsi que peut naître la confiance, le sentiment dune sorte dégalité entre les colloquants. Le maître a la tâche de faire sentir aux apprenants que tous ont un droit égal à la parole (cela est faisable dans des groupes dune quinzaine dapprenants au maximum).
LES FORMES RUDIMENTAIRES DE LANGAGE (LA PRÉ CONVERSATION)
Les procédés ostensibles (mimiques, gestes) ou figuratifs (tableau de feutre, gravure, diapos,etc.) de même que le dialogue (questions et réponses) sont destinés à faciliter la prise de parole par les débutants. Parmi ces procédés il en est qui constituent à des degrés divers des amorces de conversation. Non quil y ait là véritablement échange libre de propos mais on y trouve une mise en place apprentissage de moyens de langage qui seront utilisés plus tard dans la conversation et parfois même une amorce de conversation.
Voilà un exercice dans lequel il sagit de faire employer les adverbes assez et encore à laide de figurines (tasse à thé, sucre, théière; on y ajoute deux personnages assis). On imagine aisément un dialogue, situation assez authentique car cest autour de la table que les langues se délient.
Voulez-vous du sucre?
- Oui, jen veux encore.
Yves, vous voulez du thé?
- Non, merci, je nen veux plus, jen ai assez.
Dans un deuxième temps, on demande aux élèves de jouer entre eux cette petite conversation ou cela peut se faire à laide des mêmes figurines ou avec de vraies tasses, du vrai thé, du vrai sucre, chocolat, etc. On peut entrevoir un élargissement de la conversation. Au lieu de Je veux encore on peut dire Jen veux bien encore, ce qui offre aux apprenants une tournure un peu plus polie, plus raffinée.
LES PROCÉDÉS DE CONVERSATION AU NIVEAU I
Le premier procédé consiste à demander aux apprenants de se rapporter tels quils sont à eux-mêmes, là où ils sont, en se situant ensuite par rapport à lenvironnement proche.:
Le professeur: Je suis en classe. Mais André, est-il en classe?
Le professeur: Et toi, Monique, es-tu en classe?
Monique: Oui, je suis dans la classe.
Le prof: Je crois que tu es dans le parc. Et tes parents, Michel, sont-ils en classe?
Michel: Ils sont au bureau (à lusine, au magasin, à lhôpital, etc.)
Le prof: Et vous, êtes-vous dans la classe?
Les élèves: Oui, nous y sommes.
Très rapidement on est amené à sortir de cette situation un peu figée car dans la classe on entre, de la classe on sort; dans la classe on se déplace, on dessine, on va, on vient, on sassoit, on se lève, on parle, on écrit, on dit, on raconte un film, un livre; on regarde par la fenêtre, on voit le jardin, la cour de récréation, les arbres, les oiseaux, les voitures. Puis les apprenants entrent en contact avec le monde; on marche dans la cour, on sen va dans la rue, on sen va chez soi par tel ou tel chemin.
Voilà quelques procédés:
Simple réponse, en écho, sans changement dans le verbe:
a Question avec modèle interrogatif
Est-ce que nous sommes
? Nous sommes
Est-ce que nous avons
.? Nous avons
.
Est-ce quil est
.? Il est
Est-ce quil y a
..? Il y a
b Question intonative
On va à la maison.? On va à la maison.
On dit au revoir? On dit au revoir.
c Question par inversion
A-t-il/elle
? Il/Elle a
Vont-elles/ils
? Elles?Ils vont
.
La réponse peut être négative:
Non, on ne va pas à
Non, on ne dit pas
.
3 La réponse peut utiltiser les pronoms de remplacement:
On va à la maison? On y va. / Non, on ny va pas.
On dit cela? On le dit./ On ne le dit pas.
Réponse en écho avec changement dans le verbe, dabord le simple passage du tu au je, du vous au nous, même sans changement de temps.
Comment tappelles-tu? Je mappelle
..
Où habites-tu? Jhabite
As-tu des frères / des surs? Jai des frères / des surs
Aimes-tu les gâteaux? Jaime les gâteaux
Questions posées pour le maniement des temps de lindicatif:
Quand faites-vous vos leçons?
Quest-ce que vous ferez pendant les vacances?
Où avez-vous passé votre week end?
Avez-vous visité
.?
Utilisation variée des temps et des modes:
Que feriez-vous si
..?
Quest-ce que vous auriez fait si
.?
Comment voyageait-on avant linvention du chemin de fer?
Y avait-il
?
Y aura-t-il
.?
Où allez-vous passer les vacances?
Utilisation des nombres:
Les écrire (en chiffres), les faire lire aussi vite que possible. En faire écrire quelques-uns en toutes lettres.
Calcul mental (dun apprenant à lautre)
A : douze B: douze et deux? C: quatorze
D: quatorze moins trois? E: onze
F: onze multiplié par deux? G: vingt-deux
..
En avec des nombres
Combien de stylos avez-vous? Jen ai un (deux).
Combien de chaises y a-t-il? Il y en a quinze
..
Réponses brèves, typiques de la langue parlée (elliptiques):
Chez qui vas-tu cet après-midi? Chez mon ami/e.
Es-tu allé/e chez ton ami/e?
Oui, ce matin/ ce soir.
.
Conversation tournante
Elle permet aux apprenants de poser des questions, aussi bien que de répondre. Lapprenant A pose une question à son voisin B qui lui répond, puis interroge à son tour C. C interroge qui il veut.
Autre variante: répétition de la réponse à la troisième personne:
A à B: Qui avez-vous rencontré hier?
B à A: Hier, jai rencontré un ancien camarade de collège.
A à C: B me dit quil a rencontré hier un ancien camarade de collège.
C à D: Où passerez-vous vos vacances?
D à C: Je pense aller à la mer / en France
.
C à E: D dit quil pense aller
..
Autre variante: un ordre ou une demande par personne interposée:
A à B: B, dites à C de fermer la fenêtre (jai froid)
B à C: Fermez la fenêtre, sil vous plaît!
C à B: Oui, je ferme la fenêtre.
B à A: Il ferme la fenêtre. Il a fermé la fenêtre.
A à B: B, demandez à C quelle heure il est.
B à C: C, quelle heure est-il, sil vous plaît?
C à B: Il est deux heures et demie.
B à A: Il dit quil est deux heures et demie.
A à B et à C: Merci, cest ce que je voulais savoir.
Les métiers, les boutiques, les magasins: technique limitée au départ à un jeu de questions simples comme:
Chez qui achète-t-on le pain? Chez le boulanger.
Qui est-ce qui vend le pain? Cest le boulanger qui vend le pain.
Où achète-t-on le pain? À la boulangerie.
JEUX
«TOC-TOC»
Cest un jeu au tableau de feutre pour la fixation de la structure cest. Lenseignant place au tableau de feutre une porte assez grande pour pouvoir cacher des figurines représentant les personnages connus déjà par les apprenants: Jean, Monique, M.Michaud.Un apprenant choisit en cachette un personnage quil glisse sans rien montrer sous la porte, puis, mimant ce personnage , il frappe toc-toc. La classe ou un autre élève doit immédiatement deviner et dire: Cest X ou cest le lapin, lours, le chat Minet ou Jojo. Si la classe se trompe, celui qui a caché le personnage dit simplement Non. Les autres continuent de proposer dautres noms jusquà ce quils trouvent la bonne réponse. Lélève au tableau de feutre déplace alors la porte et dit en montrant le personnage: Oui, cest
. On peut aussi bien jouer par équipes et compter les erreurs.
Le jeu des portes
On veut fixer limpératif Entre! et la structure Ce nest pas.
Cest toujours au tableau de feutre quon place des portes, chacune delles recouvrant un des 5 ou 6 personnages que le professeur a présentés (Voilà X
..) puis recouverts de ladite porte. Un apprenant choisit mentalement une porte et frappe sur la table pour mimer le personnage caché par cette porte. Un autre apprenant doit deviner quelle porte a été choisie et inviter le personnage qui se trouve derrière à entrer: Entre, X
.sil ne sest pas trompé cest à lui de choisir une porte, sinon le premier joueur précise : Ce nest pas X
et il frappe de nouveau. Un troisième élève doit répondre.
Le jeu du muet
On suppose que quelquun frappe à la porte. Un élève muet pour la circonstance (on peut même lui mettre un baillon) doit aller voir à la porte pour répondre à la question: Qui est-ce? dun camarade et essayer de décrire par des gestes un personnage quil choisit parmi ceux que lenseignant a présentés à la classe (en les disposant au tableau de feutre: Gabriel est gros, Jean est petit, Jules fume la pipe, Gilles porte une valise, Georges a un haut-de-forme, Aranud promène son chien, Stéphanie joue de la flûte, Martine porte des lunettes de soleil). Lapprenant qui a posé la question doit interpréter la mimique de son camarade et dire: Cest Jean; sil se trompe, le muet fait signe que non et cest à un autre apprenant dessayer de deviner de qui il sagit.
QUI EST-CE QUI LA?
Arrangez-vous de façon que léquipe qui interroge donne un petit objet quelconque à lun de ses membres, sans que léquipe qui devine le voie. Il faut que chaque membre de lautre équipe devine qui a lobjet caché.
A: Qui a le bouton? (Qui est-ce qui la?)
B: Cest Amélie qui la.
A: Non. (Non, Ce nest pas Amélie).
C: Qui a le bouton?
D: Cest vous qui lavez? (Est-ce vous qui lavez?)
C: Oui. (Oui, cest moi).
OÙ EST-CE?
Dans ce jeu une équipe cache un objet quelque part dans la pièce et lautre équipe essaie de deviner où il est:
A: Où est la clé?
B: Elle est dans votre poche? (Est-ce quelle est dans votre poche?)
A: Non. (Non, elle ny est pas).
C: Où est la clé?
Si un membre de léquipe qui devine a les yeux bandés ou sil est tourné face au mur, le champ des possibilités est plus étendu: sur la table, sous le siège, dans le cartable, derrière le pot de fleurs, etc.
LE JEU DES MÉTIERS
Quest-ce que tu feras quand tu seras grand? Quand je serai grand je serai maître décole parce que
Un jury appréciera le choix et la justification.
LE PROCÈS
On divise le groupe classe en deux équipes qui proposent une liste de mots que le représentant de chaque équipe écrit au tableau. Chaque équipe choisit ensuite un mot dont le défenseur de chaque sous-groupe doit vanter les qualités en argumentant leur discours. On choisit par exemple: un chapeau et une tulipe. Lavocat du chapeau dit: Un chapeau est plus utile que la tulipe car on peut se protéger du grand soleil ou du vent. Lavocat de la tulipe peut dire: Oui, mais sans tulipe, sans fleur, le monde est laid. Puis nous avons besion doxygène et les plantes nous le procurent, etc.
LE JEU DES SUBSTITUTS
Quest-ce qui peut remplacer
un stylo?
un moteur?
.. un fusil?
Quand rien ne peut remplacer ce qui est évoqué, on demande : Alors, quest-ce que tu fais? La réponse sera: Je men passe.
PIGEON-VOLE
On peut jouer à une sorte de pigeon-vole: Qui pique et qui mord? Insectes, moustiques, serpents, chien, chat, lion, etc. On pénalisera par exemple lapprenant qui répondrait avec la mimique appropriée: Chat pique?
Une variante: Jacques a dit Un apprenant passe devant la classe et propose aux autres : Jacques a dit: Lavion vole! Les autres apprenants sont obligés de lever les bras en disant: Lavion vole. Si le meneur de jeu ne respecte pas la structure Jacques a dit
. et que lobjet ne vole pas, les apprenants ne doivent pas bouger et celui qui le fait sort du jeu.
LE JEU DES OBJETS
On rassemble sur le bureau un certain nombre dobjets ou figurines: un livre, un gâteau, un stylo, un fruit, une gomme, etc. Le jeu consiste à réclamer ces objets. Lapprenant ne les obtiendra que sil construit la proposition relative qui convient:
Prof: Voici un livre, quest-ce que jen fais?
A: Vous le lisez.
B: Donnez-moi, sil vous plaît, le livre que vous lisez.
Lenseignant mime ensuite: manger un gâteau, boire la limonade, prendre le crayon pour écrire, regarder le dessin, ouvrir le sac, cacher le ballon, etc.
LE JEU DE LIMPATIENCE
Le meneur de jeu demande aux apprenants tour à tour dexprimer un désir:
A: Je voudrais aller à Paris.
Prof: Pas si vite, jeune homme, il faut dabord que vous passiez chez le coiffeur,
..
B: Je voudrais rentrer à la maison.
Prof: Pas si vite, il faut dabord dire une poésie,
..
LE JEU DU FANTÔME
On divise le groupe classe en sous-groupes quon range ensuite lun derrière lautre. Lenseignant se met à côté du premier sous-groupe et dit à son voisin: Tu sais, hier jai vu un fantôme. Celui-ci interroge: Et quest-ce quil ta dit? Lenseignant: Rien! Lapprenant: Et quest-ce quil ta fait? Lenseignant: Comme ça (et il agite les mains levées au niveau des épaules puis se blottit). Le joueur se tourne vers son voisin, ils répètent le même dialogue et cela continue jusquà ce que tout le monde ait pris la parole. À la fin, lenseignant reprend le dialogue et lorsque le voisin lui pose la question: Et quest-ce quil ta fait? lenseignant le pousse et, comme tous les joueurs se sont rapprochés de façon que chacun touche lépaule de lautre , ils tombent, lenseignant y compris.
NIVEAU MOYEN
Au Niveau Moyen il sagit de favoriser une prise de parole plus autonome, moins dirigée quau Niveau Elémentaire. Cela ne se réalise que par une minutieuse préparation technique. À la place de lenseignant qui a trop tendance à monopoliser la parole, ce sera le support matériel qui jouera le rôle dincitateur ou au moins de contexte conversationnel. Cest ce qui prépare lapprenant à un échange authentique.
JEUX ET DIVERTISSEMENTS DE LANGAGE
Recettes de langage
1 Pour lancer la conversation
Poser autant de questions, directes ou indirectes, que possible, sur une phrase: Jaimerais beaucoup aller au théâtre ce soir.
Exemple:
Pourquoi au théâtre?
À quel théâtre?
Pour voir quelle pièce?
Gaie ou triste?
Cest une pièce de qui?
Elle a du succès?
Quen dit la critique?
Vous naimeriez pas mieux voir un bon film?
2 Donnez le plus de réponses possibles à une question:
Pensez-vous passer vos vacances à Paris cet été?
Exemple:
Non, je ne pense pas, je resterai à
.
Je préfère la Côte dAzur.
Non, jirai plutôt en Bretagne.
Oui, je pense passer un mois à Paris.
Oui, à Paris dabord, puis en Italie.
3 Il est possible de partir dun verbe
Lenseignant peut indiquer le verbe ou bien il peut demander à un apprenant den proposer un. Lapprenant A est linterlocuteur principal, les camarades (B, C, D) lui posent tour à tour une question, à laquelle il répond; on peut aller jusquà lépuisement du sujet.
A: Je suis entré.
B; Où?
A: Dans un restaurant.
C: Pourquoi?
A: Parce que javais faim et je voulais manger.
D: Quelle heure était-il?
A: Il était une heure.
E:Une fois entré, quest-ce que vous avez fait?
A: Je me suis assis à une table et jai demandé la carte.
F: Quest-ce que vous avez choisi comme hors-duvre?
À la fin, on fait résumer lhistoire.
LA PHRASE GIGOGNE
A: Je vais au marché
B: tous les samedis
C: pour
.
D: parce que
.
E: quand
BACCALAURÉAT ET EXAMENS
Des mots suffisamment chargés de significations de la vie des jeunes apprenants pour quils puissent susciter une conversation authentique et passionnée.
DEVINER daprès trois phrases le nom dun grand homme, dune femme célèbre ou un simple nom commun. On peut inviter un apprenant à quitter la salle de classe et demander à ses camarades de choisir une autre identité pour leur camarade et lécrire sur un bout de papier quon fait attacher au dos du volontaire à son retour dans la classe. Il devra deviner sa nouvelle identité en posant des questions auxquelles les autres répondent par oui ou non.
LE JEU DU SECRET
Un élève dira quelque chose à loreille dun autre. Les autres lui posent alors de nombreuses questions: Quest-ce que X ta dit? Est-ce quil ta dit cela? Cela? Finalement, lorsque les questions auront été très proches de la vérité, lapprenant interrogé avouera. Les commentaires seront: Ah! toi, tu gardes bien ton secret! ou au contraire: Tu ne gardes pas longtemps tes secrets!
LAUTO-ÉCOLE
On désigne un élève et un moniteur de conduite: Attention, ne faites pas de mouvements brusques! Attention au signal!
On peut apporter les figurines des panneaux de signalisation les plus importants; aux apprenants den trouver le sens.
LE JEU DES DÉFIS ET DES VÉRITÉS
Les apprenants se lanceront des défis et diront des vérités: Tu nes pas capable de dire une poésie en français à ton professeur de physique! Pourquoi as-tu séché la classe de maths hier?
CEST DOMMAGE
On imaginera une situation:
A: Est-ce que tu veux venir au cinéma ce soir?
B: Non, je nai pas le temps,/ plus dargent.
A: Cest dommage, il y a un excellent film au cinéma.
Les apprenants trouveront alors des situations du même ordre. On pourra, pour animer la classe, la diviser en deux groupes: celui qui trouvera le plus grand nombre de situations lemportera.
LE THÉÂTRE
Un apprenant simprovise metteur en scène et distribue rôles et accessoires à ses camarades: le danseur, le chanteur, le policier, le voleur, etc. Chacun devra jouer le rôle quil a reçu et essayer de construire un possible scénario.
LE TEMPS QUIL FAIT, LA MÉTÉO
Cest un sujet de conversation qui peut donner loccasion à des constatations fort variées dun bout à lautre du monde, ou dune saison à lautre.
Mai: il pleut, il ne pleut pas.
Octobre: le vent souffle un peu, il souffle de la mer, de lintérieur; lair est humide, sec, la terre est molle/dure
Nous arrivons couverts de boue, de poussière
On récompensera les apprenants qui auront donné les indications climatiques les plus originales ou les plus pertinentes.
LE PROVERBE MORCELÉ
Chaque groupe choisit en secret un proverbe. Chaque membre du groupe dit à voix haute un mot du proverbe tour à tour et lautre groupe doit assembler les mots pour former le proverbe complet. On peut introduire des erreurs ou inverser les termes.
Pierre qui mousse namasse pas roule; Une reprise à temps évite les déchirures; Tôt levé et tôt couché voilà santé, richesse et sagesse; Lhonnêteté est la meilleure des politiques; Lespoir fait vivre; Un sou de côté cest un sou de gagné (dégaré); Vent mauvais ne profite à personne; Ce nest pas avec du vinaigre quon attrape des mouches; La fille du cordonnier est la plus mal chaussée; Tout ce qui brille nest pas or.
DEVINETTE EN 20 QUESTIONS
On divise la classe en deux groupes. (Lenseignant demande tour à tour à chaque groupe.) Un groupe pense à quelque chose (ou à quelquun) et précise à lautre sil sagit dun animal, dun végétal ou dun minéral, dun humain. Lautre goupe peut poser jusquà 20 questions pour trouver le mot. Exemple:
Cest une personne?
Est-ce quelle vit encore?
Est-ce quelquun de célèbre?
Est-ce un /e Japonais/e, un/e Français/e, un/e Roumain/e, etc.
Est-ce un écrivain célèbre?
LAMNÉSIQUE
Chaque joueur reçoit une feuille épinglée dans le dos portant le nom dun personnage célèbre. La classe peut voir le nom, mais non le joueur. Celui-ci doit, en posant des questions, essayer de deviner le nom dans un temps limité.
LE RELAIS À LA COMPTINE
Séparer les concurrents en rangées égales. Le premier de chaque rangée vient en courant à une table où un juge est assis. Il peut y en avoir plusieurs. Le juge donne au concurrent un biscuit et lui dit de chanter une certaine chanson. Il doit manger le gâteau puis chanter la chanson ou réciter une poésie puis revenir et toucher le second de son rang. La première rangée qui finit gagne.
LE JEU DES CONTRAIRES
Donnez à chacun un bout de papier sur lequel on a écrit un mot: on doit trouver le mot opposé en comparant avec les papiers tenus par les autres joueurs: noir/blanc; grand/petit; jeune/vieux, etc.
JEU DES RIMES
Le premier dit: Je pense à un mot qui rime avec
..(exemple: moi, le deuxième doit deviner roi). Puis cest le tour du second.
LE JEU DES SÉRIES
Utilisez des couleurs ou des noms de filles, des noms de garçons, de pays européens de la manière suivante: le premier doit nommer autant dobjets rouges quil peut, le second autant dobjets oranges, etc. Quand les couleurs sont épuisées, essayez les noms. Le joueur qui fournit le plus de mots gagne.
LE JEU DE KIM
Lenseignant parcourt la classe en montrant un plateau sur lequel il a placé un certain nombre dobjets: une clé, un crayon, un livre, etc. Les apprenants font des listes des objets déposés sur le plateau autant quils peuvent sen souvenir. Ils ont seulement la permission de donner auparavant un rapide coup dil sur le plateau.
LE JEU DU DÉTECTIVE
Cest un bon jeu pour jouer après quon a acquis les couleurs, les vêtements et les unités de poids et mesures. Un enfant qui va jouer le rôle de détective est envoyé hors de la pièce. Alors, la classe désigne le criminel qui a volé une banque. Il se tient face à la classe assez loin pour que ses camarades voient la couleur de ses chaussettes, de ses chaussures ou de sa cravate, ainsi que sa taille et son poids approximativement; alors il retourne à sa place. Le détective est rappelé dans la pièce pour découvrir qui a commis le crime. Il demande aux apprenants tour à tour si le criminel est grand / petit, gros / maigre, sil a des chaussettes bleues, etc. Toute personne interrogée doit donner une réponse véridique, excepté le criminel. Après que le criminel a finalement été démasqué, il devient le détective.
SOUS LHORLOGE
Une jeune femme traverse le Quai aux Fleurs. Elle sadresse à un passant pour lui demander lheure. Le passant fait aimablement observer à la jeune femme quelle vient de passer sous lhorloge de la Conciergerie. Dans la hâte de la vie parisienne, lattention se trouve souvent émoussée. Dialogue:
Jeune Femme: Pardon, monsieur, vous avez lheure, sil vous plaît? Ma montre est arrêtée et jai un rendez-vous à deux heures.
Passant : Je nai pas dheure, mademoiselle. Pourtant, je peux vous dire que vous nêtes pas en retard.
J.F. Comment cela?
P.: Regardez plutôt: vous êtes sous lhorloge. Elle marque deux heures moins vingt!
J.F.: En effet, vous avez raison. Je navais pas fait attention
P.: Et pourtant, lhorloge de la Conciergerie est célèbre; vous ne la connaissiez pas?
J.F.: Pas encore.
P.: Vous ne savez donc pas que cest à la Conciergerie qua été emprisonnée la reine Marie-Antoinette, avant son exécution?
Grammaire: expression de lopposition: pourtant, et pourtant; emploi des temps: plus-que-parfait, imparfait; linterrogation négative marque la surprise: Vous ne la connaissiez pas; Vous ne savez donc pas
.
Vocabulaire: Quelle heure est-il?; une horloge, une montre, une pendule, un réveil, un réveille-matin; Indiquez les minutes, les heures; être à lheure, en retard, en avance; le cadran, le remontoir
Thèmes: Lexactitude, La politesse, Létourderie, Une période de la Révolution: la Terreur; Les monuments, témoins du passé.
NIVEAU SUPÉRIEUR
Cest le niveau où la compétence linguistique des apprenants leur permet dengager une véritable conversation, dauthentiques discussions, libres, spontanées. La conversation semble respecter à ce niveau la définition donnée par Littré: Échange de propos sur tout ce que fournit la circonstance.. Une fois atteint ce niveau linguistique peut-on renoncer à toute technique ou aux programmes? Nulle chance, les méthodes continuent davoir leur rôle, leur utilité.
Lunité méthodologique des niveaux moyen et supérieur savère nécessaire notamment au début du cours supérieur et elle est incontournable sil sagit dapprenants moins habitués à sexprimer librement en langue 2. Par ailleurs, le passage du collège au lycée ressemble souvent à la traversée du désert particulièrement pour des apprenants qui nont pas eu de contacts avec des natifs pendant les longues vacances dété. On comprend alors facilement linhibition de certains élèves dont la réticence linguistique est accompagnée de barrières affectives dues à la timidité devant les nouveaux camarades, le sentiment dinfériorité par rapport à ceux venant décoles renommées, à la peur du ridicule très forte à lâge de ladolescence. Cest à lenseignant donc de créer le plus vite possible une atmosphère de confiance, damitié, de liberté et de gaieté.
On recommande le recours à la conversation tournante comme exercice dont le succès est garanti afin de délier les langues de tous les apprenants. Un autre jeu qui sert à amorcer la prise de parole, à pratiquer la phonation française consiste à faire allonger des phrases aux apprenants ou à leur en faire créer à partir des mots fournis par lenseignant. Le même but peut être atteint en recourant à des images: illustration de manuel, diapositives, reproductions dart. Encouragés par ces premiers succès langagiers, les apprenants iront de lavant sans problèmes.
Quelque avancé que soit le niveau linguistique atteint par nos apprenants et tout intelligents et spontanés que nous puissons être, la plus grave erreur serait que nous nous fiions uniquement à ces qualités pour improviser dadmirables échecs. Compter sur la seule envie de bavarder, sur la passion des échanges langagiers manifestée par les jeunes apprenants et sur notre inspiration commune, cest bâtir gracieusement des châteaux de cartes. Limprovisation en classe de langues cest tout ce quil y a de plus nuisible à lintention de former la compétence communicative chez nos apprenants.
Cest pourquoi nous proposons une démarche préparatoire:
Une semaine à lavance nous choisissons avec nos élèves le sujet de la discussion à la suite dun remue-méninges (brain-storming). Les apprenants passent tour à tour au tableau noir pour y inscrire les sujets quils proposent puis on passe au vote: le sujet qui aura obtenu le plus grand nombre de suffrages deviendra le sujet de la conversation. Et pour que la tâche des apprenants soit facilitée on inscrira au tableau quelques questions particulièrement accrochantes qui serviront daxe de déroulement de la prochaine séance et même on pourra les commenter sans les épuiser évidemment. Dans le but dassurer un fondement solide aux arguments et les soutenir par des exemples pertinents et variés on peut indiquer une bibliographie minimale, accessible, et encourager les apprenants à utiliser des informations fournies par internet. Une autre piste portera sur le travail lexical: cest une bonne occasion denrichir le vocabulaire en fournissant des expressions difficiles telles des gallicismes, des idiotismes ou on peut même indiquer un lexique à introduire dans les prises de parole. Laide dun exposé préparé par un apprenant nest pas non plus dépourvue dintérêt à condition quil soit bref et quil ait un rapport direct avec le sujet choisi. Selon les dispositions des apprenants, on peut suggérer également une enquête, à moins que deux ou trois élèves ne montent un petit sketch.
LA SÉANCE DE CONVERSATION
Si les préparatifs préviennent léchec, ils ne garantissent pas quand même un succès complet puisque la classe de langue est un lieu vivant, où quelque chose dinédit peut arriver à tout moment.
Louverture des débats
On place à louverture, afin de réchauffer les esprits, le sketch ou lexposé qui ne dureront que quelques minutes. On sait bien que le dosage et la diversité des activités sont une garantie du succès de lacte denseignement / apprentissage, aussi restent-ils un souci permanent de lenseignant. Nul doute que les adolescents opèrent plus aisément que les enfants avec des concepts et des notions abstraites mais noublions pas quils doivent faire un effort supplémentaire pour lappréhension dun message en langue cible. Ne négligeons pas non plus lhumour et la fantaisie dont on peut enrober certaines pilules linguistiques afin de les faire avaler par nos apprenants. Le sketch à son tour permet de créer une atmosphère détendue et différente de celle de nos classes habituelles surtout si lon opère un changement de la disposition du mobilier. Le décor, les costumes, les applaudissements contribuent également à sévader du cadre strictement scolaire ce qui pourrait engendrer des échanges spontanés entre les spectateurs désireux de partager leurs opinions.
Au cas où les apprenants hésitent encore il ne nous reste quà les provoquer au moyen de quelque citation amusante ou explosive, de certaine affirmation choquante. Et si cela ne marche pas cest le moment de faire appel à quelquun des leurs, à un de ces leaders dopinion, aux fortes têtes, aux rebelles même sils font les pitres.
Soyons souples
Une fois le débat engagé, il peut arriver que lune de ces fortes personnalités prononce un énoncé qui bouleverse léchafaudage construit minutieusement, plus ou moins à grand peine. Accueillons-le les bras ouverts puisque la conversation, quoique supposant le resepct dun certain contrat, nest pas régie par des règles inébranlables. Le domaine de loral est moins rigide que celui de lécrit car la présence de linterlocuteur, la communion qui se crée au cours de linteraction stimulent lélan communicatif, chauffe les esprits et inspirent des réactions imprévisibles. La libre expression en langue étrangère est une performance à laquelle aspire dailleurs tout apprenant et lobjectif suprême de tout enseignant. Quoi de plus authentique que dexprimer spontanément son point de vue devant ses camarades, dans la classe comme si cétait dans un contexte naturel? Là aussi la préparation, si elle a été bien faite peut nous rendre service afin de permettre une communication réelle.
Faire parler tous les apprenants
Voilà le grand défi de toute classe de langue eu égard à lindigence des moulins à paroles en langue seconde. Il faut faire appel aux procédés censés mobiliser les apprenants à quitter leur commodité silencieuse et délier leurs langues. Car pour lapprenant la première phrase a le même poids que le premier pas pour le bébé. Rien de plus efficace pour soigner sa timidité quune deuxième puis une troisième phrase, ce qui ne se réalise quavec des effectifs restreints dapprenants, le groupe idéal tournant autour dune quinzaine.
Mais il faut prodiguer le plus de soins aux plus timides, aux taciturnes et aux revêches sachant combien defforts et de patience sont nécessaires avant darriver à improviser en langue seconde. Pour le commencement on se contente même de réponses écrites. Quant aux cas désespérés, ils seront traités individuellement: leur fournir des fiches individuelles de travail (exercices de lexique, de grammaire), des documents simples qui facilitent leur intervention, leur proposer des sujets qui leur tiennent à cur, quils connaissent bien. Si leur réticence relève dune pauvreté des moyens dexpression on pourra les aider discrètement afin quils puissent construire leur première intervention. Tous les moyens sont bons pour la cause de la réussite de la conversation. La préconversation en tandems puis en équipes de trois-quatre apprenants serait un exercice préparatoire très efficace puisque favorisant la prise de parole de chaque interlocuteur.
Dautres fois on pourrait recourir à lémulation. À une époque où la compétition semble être un excellent facteur mobilisateur de nos capacités intellectuelles, linguistiques et psychiques pourquoi ne pas faire place à des concours à la fin desquels seront récompensés les interventions les plus intéressantes, les plus amusantes ou les plus correctes? Noublions pas encore un détail: Si les éloges seront prononcés à haute voix les critiques seront faites avec tact et, le cas échéant en privé.
Le rôle de lenseignant
Souvent, le facteur inhibiteur ou démobilisateur, lobstacle et le responsable de léchec de la conversation cest le professeur lui-même par ailleurs très sympathique mais un peu trop bavard pour un enseignant dont la tâche est de faire parler les apprenants.
Moins nous aurons parlé au cours dune séance de conversation plus lactivité sera réussie. Cest aux apprenants dêtre en scène tandis que lenseignant gardera les coulisses en tant quanimateur, metteur en scène, souffleur et spectateur. Il a droit à des conclusions conciliantes, brèves, limitées au strict nécessaire. Comment apprendre la mesure? Lenregistrement sur cassette de la première et de la dernière séance du semestre pourrait, à la suite dune étude comparative, nous donner la réponse recherchée.
Comment faire varier les séances?
On peut trouver un prétexte de conversation dans un texte étudié auparavant.
Parfois, une enquête peut déclencher un débat des plus ardents si le sujet porte sur lactualité ou sur la vie des adolescents. En voilà quelques-uns: le budget dun jeune, la publicité pendant les téléfilms; (On peut décoder les ruses de la publicité fondées sur une motivation qui sadresse à lespérance de réussite, aux instincts dagressivité ou sexuels, à la gourmandise, etc.), la violence à lécole et dans la société, la tentation des drogues.
Rien ne nous empêche de tirer profit du goût du ludique manifesté par les jeunes apprenants en leur proposant des jeux portant sur les proverbes, sur les uvres littéraires ou les mariages célèbres. Étudier le sens des proverbes, des sentences, les expliquer, en voilà des prétextes non négligeables de conversation: À bon entendeur, salut, À bon chat bon rat, Tant va la cruche à leau quà la fin elle se casse, Un tiens vaut mieux que deux tu lauras. Un exercice agréable et qui sollicite la mémoire des apprenants consiste à jouer aux proverbes incomplets: lun deux fournit le début du proverbe, lautre doit en découvrir la fin. Un concours entre équipes jouira assurément de ladhésion des jeunes apprenants. Quelquefois on choisit un mot à partir duquel lautre équipe devra reconstituer tout le proverbe:
A: Raison
B: La raison du plus fort est toujours la meilleure.
A: Conscience
B: Science sans conscience nest que ruine de lâme
Un jeu de société pratiqué sur des morceaux de papier lus ensuite publiquement:
A: M.X
B: rencontre Mme Y
C: A quel endroit?
D: M.X demande à Mme Y
E: Mme Y répond à M.X
F: Quel est le résultat de leur entretien?
Avec des apprenants dont la cmpétence culturelle le permet on peut diversifier le jeu des pliages : titre dun livre, nom dun auteur, dun personnage, citations, etc. Dans ce cas tenter la création dun roman par pliage semble aller de soi. On donne un thème général: Les aventures dun candidat le jour des examens . A écrit 6 (4) lignes, plie son papier et le passe à B qui ne voit que les deux dernières lignes de son texte quil devra continuer avant de le passer au suivant. Ces jeux mi-écrits, mi-oraux ont le don détablir une liaison entre lenseignement de la conversation et celui du français écrit.
Les supports audio-visuels
Les diapositives et les films pourront être exploités afin dengager des débats sur certains sujets de civilisation. À la fin de la projection continue dun film on peut demander aux apprenants de faire le récit des étapes de laction, de parler des personnages. La projection fragmentée dune séquence essentielle du film peut déclencher une discussion portant sur le jeu des acteurs, sur le décor, sur le rôle de la gestuelle, sur les mouvements de la caméra, sur le rôle de la lumière, des couleurs, etc. Sil sagit de ladaptation dun roman connu par les apprenants on peut analyser les avantages et les inconvénients de ce moyen dexpression artistique et inviter les apprenants à exprimer leur préférence pour lun ou pour lautre des langages artistiques.
Le CD, la radio, la télévision sont des moyens indispensables pour la classe de français offrant des modèles de langue authentiques. On peut pratiquer à plusieurs reprises lécoute globale dun reportage, dune interview, dune publicité après quoi on demande aux apprenants den faire le résumé, de dire ce quils ont compris, de reconstituer ainsi progressivement le texte parlé. Pour faciliter la compréhension, on peut diviser la classe en équipes ayant des tâches différentes: repérer les noms des personnages, préciser les indices spatio-temporels de laction, repérer les étapes de laction, etc. Sil sagit dune chanson, trouver les pronoms, les verbes, les noms de lieux. Les exercices de compréhension auditive préparatoires à la conversation: exercices de compréhension générale de textes longs; exercices de compréhension détaillée sur des phrases isolées à répéter et à mémoriser.
ESQUISSE DUN PROGRAMME
Séances de mise en route:
- Conversation tournante, le commentaire dimages, apprenant-enseignant
Éveiller lintérêt, faire rire: chacun doit raconter à la classe un fait curieux, une anecdote amusante
.
A. École et éducation
Lenseignement secondaire chez nous
Faut-il supprimer les examens?
Le problème du copiage un fléau de lécole daujourdhui (techniques, efficacité, problème moral)
Est-il possible de parler de tout en classe?
Est-il parfois nécessaire de mentir aux enfants? Léducation des adultes. Les disciplines préférées. Tête bien remplie ou bien faite?
Les âges de la vie
Êtes-vous satisfait davoir votre âge? Préféreriez-vous retourner à lenfance ou voudriez-vous au contraire avoir dix ans de plus? Deux générations peuvent-elles vraiment se comprendre? Révolte, enthousiasme et conformisme dans la jeunesse actuelle. Saméliore-t-on en vieillissant? Tout homme de plus de quarante ans est un gredin!(Bernard Show)
Corps et âme
Les traits du visage révèlent-ils le caractère? La chiromancie. Le problème du racisme: Que pensez-vous des mariages entre gens de couleurs différentes? Lidéal de la beauté féminine (masculine). Êtes-vous attachés à vos objets personnels et à vos habitudes ou bien aimez-vous avant tout le changement et la nouveauté?
Jeux et variétés
Cette séance de détente aura lieu aux veilles des vacances. Elle aura une allure tout à fait différente selon le niveau et létat desprit du public auquel elle sadressera.
Métiers et professions
Est-il possible, est-il souhaitable que les femmes exercent toutes les professions? Une enquête sur les difficultés des jeunes gens à présent. Les professions les plus prestigieuses ou les plus recherchées. Vocation et raisons matérielles dans le choix dune profession. Impact de lémancipation de la femme sur la famille: éclatement de la famille, dénatalité?
Les vêtements et la mode
La mode de lannée. À laquelle des modes dautrefois auriez-vous aimé obéir? La personnalité et la façon de shabiller. Lhabit ne fait-il pas le moine? Le kitsch et la mode.
G. Crimes et châtiments
Pour ou contre la peine de mort.
Films et romans policiers. Jeux sur internet.
La délinquance juvénile.
H La presse
Quelles qualités faut-il avoir pour être un bon journaliste?
La déontologie du métier de journaliste et la liberté dexpression. La presse à scandale.
LHistoire
À quelle époque auriez-vous aimé vivre? Les cinq ou six dates les plus importantes de lhistoire mondiale. Le progrès, mythe ou réalité.
J. LEurope
LUnion européenne, histoire et actualité. Uniformité et différence, avantages et inconvénients.
Dautres suggestions: Nos correspondants, leurs études, leur région, intérêts communs, projets et échanges; Maladie et santé, Manger / se nourrir; Les langues, Tricher et tromper; Voyage, voyage; Les loisirs entre industrie et passion.
Comme les jeunes apprenants aiment jouer et dans le but de leur apprendre à travailler en équipe, de mettre à profit leur imagination et leur énergie nous nous sommes inspirés de Splash! Activity 1, un ouvrage écrit par Brian Abbs, Anne Worrall et Ann Ward, paru aux éditions Longman Group UK Limited, 1993, pour proposer une activité-jeu quon peut pratiquer aussi bien avec des débutants quau Niveau Moyen.
Matériel nécessaire: des ciseaux, un morceau de tissu, du fil de laine, du papier, de la colle, de la peinture, des pinceaux.
Fabrication des poupées: on colle les bouts du papier de façon à obtenir un cylindre; on peint les yeux, le nez, la bouche de cette tête; on colle les fils de laine pour en obtenir les cheveux du personnage; on pratique dans le tissu trois trous: une plus large pour la tête, deux autres pour faire entrer les puces du montreur de marionnettes; on peut ajouter deux oreilles en carton. On donne un nom à ce personnage féminin (Claudine, par exemple) et on passe à la création dun personnage masculin: casquette, cravate auquel on donne également un nom (Bernard, par exemple).
Conversation: Les deux apprenants qui manient les poupées se mettent à dialoguer en utilisant les actes de paroles quils connaissent: se présenter, saluer, inviter, accepter, refuser, proposer, insister, sopposer, demander, répondre, annuler, etc.
Dans un deuxième temps on peut prendre une boîte en carton quon découpe sur un côté pour en faire une scène de théâtre. La paroi opposée figurera le cadre qui changera en fonction de la scène que les montreurs de marionnettes-metteurs en scène ont imaginée. La boîte pourra être placée entre deux tables et les marionnettistes pourront manipuler leurs poupées depuis cette fosse. On peut demander aux acteurs de jouer des scènes classiques telles: le dialogue parents-enfant après une réunion des parents à lécole; discussion dans la cour de lécole entre un nouvel élève et un ancien camarade de classe; lélève interrogé par le professeur, etc. Les apprenants organisés en équipes pourront écrire eux-mêmes le scénario dune histoire à plusieurs personnages, un sketch, un récit quils joueront ensuite devant les autres camarades. Un jury formé de quelques apprenants établira les gagnants en fonction de critères variés: originalité du scénario, correctitude grammaticale et de la prononciation.
TECHNIQUES DENSEIGNEMENT DE LA LITTÉRATURE
Quil sagisse dune Histoire frustratoire de son génie constructif (au milieu dun réel provisoire, démoli, se dresse limaginaire durable) ou bien dun désir inassouvi de permanence, de joie, de liberté, la soif de culture du Roumain semble le privilégier comme une glaise facilement modelable dans les mains de lenseignant qui rêve dêtre Agent culturel.
Cette Histoire a créé chez nos meilleurs compatriotes une sorte de besoin de nettoyage des scories événementielles. Car, tout comme il y a une hygiène pour le corps, il y a une hygiène pour lesprit, qui est la culture, affirme Andrei Ple_u dans son livre Minima moralia. Et, s il veut honorer son humanité, continue le philosophe de la culture, l homme doit passer par le nettoyage offert par la culture.
Quant à l espace occidental, il semble être habité par deux espèces de gens: ceux qui, entendant le mot culture, sortent leur revolver; ceux qui, entendant le mot culture, sortent leur université, constate Jean Ricardou.
La tâche de lenseignant roumain a lair dêtre plus facile de langle du spectateur bien sûr. Car, dès que lon séloigne de la rive et que lon plonge dans la rivière, les questions assaillent lenseignant.
SCIENCE ET / OU LITTÉRATURE
La situation de lapprenant actuel, ayant le privilège de faire, plus ou moins librement, son propre choix entre sciences et lettres, facilite en quelque sorte la mission de lenseignant de langues étrangères. Avant 1989, celui-ci était obligé de se livrer à toutes sortes dacrobaties pour faire passer un texte littéraire en classe de futurs mécaniciens ou délectriciens, de maçons ou de peintres en bâtiment.
Par ailleurs, si les traits distinctifs du langage poétique sopposent indubitablement à ceux du langage scientifique, il est également vrai que poésie et science peuvent cohabiter rendant la présence du texte littéraire moins inopportune en classe de sciences
On ne saurait interroger quun scientifique, Solomon Marcus, pour mieux saisir les oppositions des deux langages:
LANGAGE SCIENTIFIQUE LANGAGE POÉTIQUE
Rationnel Émotionnel
Explicable Ineffable
Lucidité Charme
Significations générales et universelles Significations singulières
et locales
Significations objectives Significations subjectives
Fixité dans lespace Variabilité dans lespace (dépendance (indépendance
par rapport au lecteur) de la lecture)
Emploi dexpressions artificielles Emploi exclusif des
exprressions du langage
Emploi routinier du langage Emploi créateur du langage
Mais cest aussi lavis dun littéraire quil nous faut écouter, celui de Flaubert, par exemple, qui fait preuve dune remarquable intuition: A lavenir, la poésie sera ou de lalgèbre ou elle ne sera plus.
LE PARI DE LENSEIGNANT
Cest la littérature qui résume mon dilemme: Quoi enseigner? Voilà un extrait des Fleurs bleues de Queneau:
- Vous étiez prévenu. Cétait écrit DangerSortie decamions. A lécole, je me demandais pourquoi on apprenait à lire; maintenant jai compris: pour éviter les camions.
- Soit, mais supposez que moi aussi jaie appris à lire, mais une autre langue que la vôtre. Dois-je alors être nécessairement écrasé?
La tradition voulait que tout enseignement dune langue conduisît à une connaissance de la littérature du pays, tradition aujourdhui contestée. Les anecdotes ne manquent pas où tel enseignant riche dune thèse sur la Chanson de Roland se montre incapable de soutenir une banale conversation à la douane; dautre part, des jeunes lycéens férus de Shakespeare ou dOscar Wilde comprennent le douanier britannique à leur première arrivée à Douvres. Ces paradoxes et ces échecs ont petit à petit amené à reconsidérer les conditions et les méthodes dapprentissage dune langue étrangère. Lexpression orale sétant imposée devant les exercices de traduction, les lettres y ont-elles perdu? Oui et non.
Oui, parce quil ny a plus dengouement pour Le Cid, pour Andromaque ou pour Ruy Blas parmi nos jeunes apprenants et non parce quen temps de transition cest toujours la littérature, une autre peut-être qui, fidèle au rendez-vous avec lécole, se montre prête à nous épauler.
Cest à ce moment que surgit lenseignant du FLE se voulant Agent culturel, sinon Prince de la Culture, selon la formule de Constantin Noica. Son rôle est darracher doucement lapprenant à certaines de ses habitudes, de le projeter dans lempirée des lettres, de lapprivoiser et de lui apprendre à vivre aussi dans lesprit sans négliger pour autant la matière. Comment? Par son autorité, pratiquée non pas comme une domination écrasante allant jusquau despotisme, fût-il éclairé, mais dans un sens étymologique: du latin autoritas, de auctor, celui qui accroît, qui fonde. Toute vraie autorité apporte le progrès, enrichit son environnement, ce qui oblige lautre à lacquiescement, au respect et à la confiance sans lesquels lacte instructif-formatif serait voué à léchec.
Et qui pourrait jouir dêtre plus proche de lartistique sinon lenseignant? Metteur en scène, acteur, scénariste, il est aussi le seul à faire même le souffleur. Mais si lartiste a la liberté de renoncer, lui, il nen a pas le droit. Imperfection des manuels, des programmes, échecs? Sa magie appelée À±¹´¹± (eruditio et institutio in bonas artes) les surmontera toujours. Et depuis l invention de la photocopieuse tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles sans parler de la merveille internet.
En revenant à la littérature, dans un monde où lon commence toujours par se demander: À quoi cela sert-il? il est bien légitime de sinterroger sur le rôle de la littérature. Bien que des artistes le taisent ou le récusent formellement (surréalistes, dadaïstes et autres), certains chercheurs en ont distingué pas mal de fonctions: morale, pédagogique, socio-politique, cognitive, toutes trouvant leur accomplissement à travers et dans la fonction esthétique. Car le but de lart, cest le beau avant tout, pour citer de nouveau Flaubert. Cest le beau qui donne unité à lobjet littéraire, en lui conférant mesure et proportion. Quel précepte moral, tout sincère quil soit, mais platement exprimé, et quelque juste soit lintention de celui qui lénonce, pourrait effleurer au moins loreille de lapprenant assailli par maints stimuli? Toutefois, dès quon le vêt dimages artistiques, on verra la glaise devenir objet d'art et sanimer.
Ce qui facilite la tâche du professeur de FLE en Roumanie, cest que lespace culturel de la France a toujours été favorable aux créateurs roumains, tout comme aux autres venus de tous azimuts. Si la culture française va bien, cest grâce aux étrangers, sonne le titre dun article des Nouvelles littéraires de mars 1988. En outre, les écrivains roumains lont prise pour modèle ou ont essayé de se synchroniser avec elle lorsque celle-ci a reconnu la maternité du classicisme, du symbolisme, du surréalisme, de limpressionnisme, etc.
UTOPIE DU MANUEL DÉFINITIF
Il est devenu obligatoire davoir son mot à dire sur le programme et le(s) manuel(s) scolaire(s) de FLE. Quoique léventail des choix se soit considérablement élargi grâce aux manuels alternatifs, cest de lart de lenseignant que tient la réussite de ses cours: trier, renoncer, compléter, enrichir, animer, voilà autant dactes que ce magicien de léducation doit accomplir. Mais tout en étant nécessaires afin de fournir un enseignement systématique et progressif, les documents programmés donnent cette impression de course dobstacles et font de la langue un objet détude poussiéreux.
OUVRIR LE LIVRE POUR SE LIRE, LE FERMER POUR SE VOIR
La classe et le périscolaire (cercle, club, atelier) se rencontrent dans ce ĵ»¿Â de l enseignant de stimuler et d orienter la lecture de ses élèves en traduction et, si possible, dans le texte.
Les méthodes, quelles quelles soient, servent à montrer quen projetant son regard hors de soi, il rentre plus pénétrant, plus éclairé à la suite de la lecture de la vie de autres, par la révélation
de la différence qualitative quil y a dans la façon dont nous apparaît le monde, différence qui, sil ny avait pas lart, resterait le secret éternel de chacun. (Marcel Proust, Le temps retrouvé).
Il sagit aujourdhui aussi bien damener nos élèves à lire que de les guider de telle manière quils deviennent des lecteurs actifs et quils acquièrent le savoir nécessaire au rejet de la sous-littérature, car là où il y a prolifération de lécrit, le danger du kitsch rôde.
La lecture des grands textes constitue un contrepoids, nécessaire de nos jours, au bombardement des medias qui procurent notre lest quotidien de clichés. Lire, cest faire paraître son école, ses leçons, sa formation, doù la responsabilité qui pèse sur les épaules de lenseignant de qui dépend également la qualité du lecteur post-scolarité.
Sur les cinq principes dune lecture intelligente et efficace exposés par Chester (apud Lionel Bellenger, Les méthodes de lecture, P.U.F., 1981) on retient trois: se fixer un but avant de lire; évaluer ce quon a tiré de sa lecture (compte-rendu, notation des passages intéressants, échanger des paroles avec dautres lecteurs); maîtriser les mécanismes perceptifs mis en jeu.
Le professeur a également le devoir de mettre en garde ses élèves sur le risque éventuel de tomber victimes des livres, ou plutôt de la lecture, par une attitude de sympathie, de plongée dans le texte, entraînant lintrusion de la fiction dans le réel jusquà son annihilation et transformant le récepteur en lecteur sidéré. Madame Bovary et Don Quichotte ne nous en avertissent-ils pas suffisamment?
Le seul exercice scolaire traditionnel de la lecture expliquée ne saurait être accusé de provocation du plaisir de lire. Ce nest que la lecture du texte intégral qui le fera naître. Car la brusquerie du franchissement du seuil du livre devrait être préparée par un large horizon dattente, transcendé à chaque nouvelle lecture. La lecture qui donne la possibilité à lapprenant de mettre en jeu toutes ses capacités linguistiques et intellectuelles: compétence, performance, potentialité, cest ce quon appelle lectureproduction opposée à la lectureconsommation:
LECTURE- PRODUCTIONLECTURE-CONSOMMATIONBasée sur la compétence linguistique et la potentialité culturelle de lélèveRelativement peu basée sur la compétence linguistique et la potentialité culturelle de lélèveconstructrice et productricedestructriceouverteferméedynamiquestatiquemotivantepeu motivante
(apud Le Français dans le monde, avril no. 152/1980)
Une fois découvert, le plaisir de la lecture comble toute une vie. Gthe écrivait à Eckerman: Les braves gens ne savent pas ce quil en coûte de temps et de peine pour apprendre à lire. Jai travaillé à cela pendant quatre-vingts ans et je ne peux pas dire encore que jy suis arrivé.. Avec Gthe on passe à ce que nous considérons être le sommet de la lecture, à savoir la lecture créative. Dans ce cas, le livre est point de départ, source didées qui chauffent la pensée. Voilà dailleurs le but non avoué jusque là de lactivité du professeur de langue française.
VADE MECUM
Et parce que tous les problèmes sont posés: les données et les noms à apprendre, les pièges à éviter et les desseins à poursuivre, il ne nous reste quà agir. Enseignons donc! Mais comment? Par où commencer? Létymologie du verbe en question remonte au latin populaire: insignare = signaler. Si lon veut donc être méthodique et systématique, il faut commencer par indiquer à ses élèves en début ou en fin dannée scolaire une bibliographie sélective, minimale et accessible.
En outre, lenseignant étant du côté de la méthode, fabrique des fiches quil peut recueillir dans un dossier pédagogique à lintention de chaque apprenant ou bien dun groupe. On y mettra des fiches utilisables toutes les fois quon aborde un texte, portant sur les mouvements et les courants littéraires, sur la biographie et luvre des écrivains à étudier, un glossaire de termes littéraires, des textes supplémentaires, des exercices, des bandes dessinées, des anecdotes, etc.
Lutilisation du dossier a lavantage de favoriser le travail individuel, indépendant, de lélève qui apprend à son rythme, acquérant ainsi lhabitude du travail intellectuel, indispensable à léducation permanente. Dun statut particulier et privilégié jouissent les apprenants des classes bilingues ou à français renforcé, là où elles subsistent encore, qui possèdent des manuels de littérature leur fournissant des informations de théorie littéraire concernant les genres, les espèces, les courants, le style, la versification, les fonctions du langage, les techniques narratives, etc.
Néanmoins, ladolescent curieux pourrait lancer une interrogation légitime: Quest-ce que la littérature? Les recherches ny manquent pas. Sartre publie en 1948 tout un livre là-dessus; Mariana Tucescu tente elle aussi une description du texte littéraire en synthétisant plusieurs points de vue avisés: le texte littéraire est un objet linguistique particulier n ayant pas de référent, caractérisé par un langage de connotation ; le texte littéraire est une forme de communication dont le but premier de lémetteur est la production dun sens possible et où son(ses) récepteur (s) lecteur(s) est /sont coproduisants(s).
Le texte littéraire connaît deux niveaux dorganisation: le narratif et le poétique, se disputant également la scène du dramatique. Le texte narratif apparaît comme une traversée horizontale dont le verbe, expression des actions et des événements, imprime une certaine dynamique au récit, générant la prédilection du jeune lecteur pour le roman.
Au cours du déroulement de la stratégie pédagogique, lenseignant déploie trois hypostases incitateur, initiateur, conseiller correspondant aux trois phases de lapproche dun texte littéraire: entrée, progression, sortie.
I a) Cest des moyens (les plus séduisants) dont dispose le maître de se faire incitateur que dépend la réussite de lapproche du texte et la qualité du lecteur en herbe. Les diapos, la bande dessinée, lenregistrement sur cassette audio et vidéo, les photos, etc., constituent un appui considérable et indispensable du professeur de FLE. Même si ladolescent est capable de réaliser des opérations mentales complexes sans recours à un support concret, au matériel, nous recommandons le recours à laudio-visuel comme préambule à lanalyse du texte pour mieux suggérer et anticiper les images littéraires et faciliter ainsi le contact avec la littérarité. Dans cette première étape, lobjet littéraire est occulté, le maître feint de lignorer et cache son intention en préservant son rôle de meneur discret de jeu accompli également par les inventaires lexicaux quil dresse: familles de mots, synonymes, antonymes. Après quoi on fait écouter le récit original, occasion pour lélève de saisir lharmonie des sons, la musicalité du texte.
b) Une première lecture assure le rapprochement, la rencontre du lecteur et du texte. Une relecture (par fragments, par rôles) ny gâte rien, bien au contraire, elle constitue un exercice de phonation qui induit en même temps la compréhension du texte. Et parce que la littérature joue sur les connotations, on passe des dénotations aux inventaires stylistiques, aux connotations, aux symboles, aux champs et réseaux lexicaux. On fait ensuite quelques exercices de conversation sur la langue employée: facile, difficile, populaire, précieuse, recherchée, symboles connus, peu connus, inconnus; sur le style: simple, recherché, précieux, neutre, clair, ironique; sur les intentions de lauteur: claires, complexes, évidentes, faciles ou difficiles à découvrir; conclusions sur le texte: daccord ou de désaccord, satisfaisantes ou non, fantaisistes. Ensuite on peut faire entrer en scène lécrivain par la présentation de quelques bribes de sa vie-uvre, de quelques données biographiques plus attrayantes pour les apprenants.
II A Voilà venir le moment où le maître initie ses disciples à un modèle danalyse du récit, ayant pour point de départ les études de Greimas, de Gérard Genette, de Jean Ricardou, de Lita Lindquist.
On part dune définition minimale du récit:
1 description ou reportage
2 que fait quelquun
3 dévénements
4 causés ou subis par des personnages
5 et où lon peut déceler une idée, un thème.
Les événements, les personnages et le thème constituent les éléments du récit, tandis que les deux premiers forment les aspects du récit
On peut également fournir aux apprenants le schéma quinaire, schéma narratif dont les moments sont: situation initiale, élément perturbateur, action(s), élément rééquilibrant, situation finale.
ÉLÉMENTS
ÉVÉNEMENTS
On parle dévénements sil y a conséquence de ceux-ci sur lhistoire. Il faut également observer que les événements connaissent une certaine chronologie dans lordre de lhistoire et quils sont autrement disposés dans lordre du récit. Les différences qui distinguent lordre du récit de lordre de lhistoire portent sur la distance: vers le passé (flash-back ou analepse) ou vers lavenir (prolepse); sur la durée des analepses et des prolepses par rapport aux événements diégétiques, sur la distance qui sépare le point de départ de lanalepse de son point darrivée.
Le modèle actantiel mérite aussi une attention particulière. La notion de modèle (schéma ou code) actantiel sest imposée dans les études sémiologiques pour visualiser les principales forces du conflit et leur rôle dans laction. On ne sépare plus artificiellement les caractères et laction mais on révèle la dialectique et le passage progressif de lun à lautre. Son succès est dû à la clarification apportée aux problèmes de la dynamique des situations et des personnages, de lapparition et de la résolution des conflits. Le modèle fournit une vision nouvelle du personnage qui nest plus assimilé à un être psychologique ou métaphysique, mais à une unité appartenant au système global des actions, variant de la forme amorphe de lactant (structure profonde narrative) à la forme précise de lacteur (structure superficielle discursive). Toutefois, lunanimité est loin de régner chez les chercheurs quant à la forme à donner au schéma et à la définition de ses cases. Dans sa Sémantique structurale (Larousse, 1966) et dans Du sens (Seuil, 1970), Greimas, inspiré par le système de Souriau, structure les six fonctions dramaturgiques en les subdivisant en trois paires de fonctions:
D1 O D2
A S Op
Laxe destinateur (D1) destinataire (D2) est celui du contrôle des valeurs et donc de lidéologie. Il est essentiel pour la création des valeurs et des désirs, de leur répartition parmi les personnages. Cest laxe du pouvoir et du savoir ou des deux à la fois. Laxe sujet (S) objet (O) trace la trajectoire de laction et la quête du héros ou du protagoniste. Il est jonché dobstacles que le sujet doit surmonter pour accomplir sa tâche. Cest laxe du vouloir. Laxe adjuvant (A) opposant (Op) facilite ou empêche la communication, il produit les circonstances et les modalités de laction, mais ces cases ne sont pas forcément occupées par des personnages. Adjuvants et opposants ne sont parfois que des projections de la volonté dagir et des résistances imaginaires du sujet lui-même.
Dans lapplication opérée par Anne Ubersfeld du modèle greimassien dans son livre intitulé Lire le théâtre, paru chez Belin, 2000 elle permute le couple sujet-objet, faisant du sujet la fonction manipulée par le couple destinateur destinataire, alors que lobjet devient la fonction prise entre adjuvant et opposant. En suivant le schéma dAnne Ubersfeld on risque de surévaluer la nature du sujet, ce qui ne semble pas être lintention de la chercheuse, puisquelle note, à juste titre, quil ny a pas de sujet autonome dans un texte, sans un axe sujet-objet.
THEME
Ce sont les relations entre le sujet et lobjet dun récit qui font ressortir la formule générale du thème du roman, du récit.
ASPECTS
LE NARRATEUR
Ce quelquun qui fait la description nest ni une personne ni lauteur, cest un aspect technique de lorganisation du récit. On distingue trois visions ou points de vue narratifs:
Vision par derrière du narrateur omniscient (focalisation zéro), qui a le don de lubiquité, démiurge sachant tout de tout, anticipant sur laction. Les personnages ne gardent aucun secret ni pour lui ni pour le lecteur quil prend pour témoin de son métatexte. On lappelle aussi point de vue général.
Vision du dehors ou point de vue externe (focalisation externe): le narrateur veut être objectif, impersonnel, il sefface de lhistoire pour laisser parler les faits, les personnages quil présente en chroniqueur.
Vision avec ou point de vue interne (focalisation interne): le narrateur est un témoin de lhistoire quil raconte de lintérieur, à la première personne.je.
RYTHME
Le problème du rythme concerne le rapport établi entre le temps de lhistoire (TH) et le temps du récit (TR). Le moment où le temps du récit coïncide avec le temps de lhistoire est appelé par Genette dans Figures III scène. Dun côté et de lautre il y a: sommaire, lorsquon résume en quelques mots ou phrases ce qui sest passé pendant des jours, des mois ou même des années; pause, lorsquon décrit un objet, une personne sans que laction avance; ellipse lorsque le récit bondit sans enregistrer le temps diégétique écoulé.
FRÉQUENCE
Cela porte sur la singularité des événements racontés ou sur leur régularité. Il y a des cas où un événement qui se passe une fois dans lordre de lhistoire peut être raconté plusieurs fois ou linverse, ce qui sest passé une fois est raconté une seule fois. Des combinaisons de mots, des adjectifs, des nombres, des couleurs, etc. peuvent enregistrer une certaine fréquence, riche en suggestions.
La façon dont sont rapportées les paroles (ou les pensées) prêtées aux personnages est une autre technique, en partie liée au point de vue narratif, à étudier dans le commentaire:
Le Style direct ou discours direct consiste à reproduire telles quelles les paroles des personnages dans des propositions principales introduites ou non par une incise contenant un verbe déclaratif: Docteur, dit Rambert, je ne pars pas&
Le Style indirect ou discours indirect, introduit par un subordonnant à forme de phrase complétive: Rambert dit qu il avait encore réfléchit, qu il continuait à croire ce qu il croyait&
Le discours (style) indirect libre. Par rapport au précédent, celui-ci se caractérise par la suppression du subordonnant que, la transposition à la troisième personne: Cela le gênerait pour aimer celle quil avait laissée
Le style indirect libre permet le passage souple du point de vue général (narration par lauteur) au point de vue interne (narration par le personnage). Si le récit ne respecte pas le schéma, cest aux apprenants de remarquer les écarts à la norme, den exprimer leurs opinions, décrire leurs propres textes sur le modèle de celui soumis à leur commentaire. Ce qui fait la littérature ce nest pas lobéissance à une règle plutôt didactique, extralittéraire en tout cas. Car imposer une thèse et poursuivre son illustration narrative cest échouer littérairement (voir les romans à thèse).
II. B. Quant à cet envers noir de lécriture dont parlait Roland Barthes, il semble accompagner la poésie plus quun autre genre littéraire et cest lui quil nous faut faire ré-exister lors de nos classes de littérature. Une démarche possible serait celle de commencer par copier, selon le conseil de Gaston Bachelard, lentement, religieusement, nos poèmes les plus chers pour mieux séjourner dans les images. Doù la nécessité de lecture attardée, de re-lecture, le par cur allant presque de soi. On peut dans un premier temps laisser liberté absolue dappréciation au lecteur car limportant cest de faire parler les apprenants sans oublier le but de leur faire aimer la poésie. Si le poète est du côté du mystère, du rêve, de lineffable, le maître se situe du côté de lordre, de la clarté, de lexprimable, de la méthode.
On peut instaurer après le chaos (brainstorming) des intuitions, lordre dun schéma, dune analyse de poème, inspiré du modèle de la spirale herméneutique de Paul Zumthor. Il sagit dune démarche de bas en haut mettant en évidence la dialectique des structures du poème et de leur devenir. Mais pour quil y ait approfondissement, il faut passer de lhorizontal, niveau de chacune des cinq couches analysées, au vertical de leurs interrelations.
Parce que lil est le premier à prendre contact avec le poème, on considère nécessaire de sintéresser à la disposition typographique des vers, à la mise en page, ce qui fait ressortir lobéissance ou lécart à une certaine norme ou tradition (voir les idéogrammes dApollinaire, les poèmes de Prévert, de Queneau, etc.). Le titre lui aussi peut générer un métatexte plus ou moins ample.
ANALYSE DU POÈME
SUBSTANCEFORMEEXPRESSIONNiveau de lespèce prosodique
Rhythme et structure strophique
Poème à forme fixe
Poème à forme libre
Poème en proseNiveau de la matérialité (physique)
Couche phonique
Rimes, assonances, allitérations
Métaplasmes
Couche morpho-syntaxique
Métataxes
CONTENUNiveau de lexpérience et du message
Expérience vécue dans lunivers réel ou imaginaire
Thème et motifsNiveau de la composition (chimique)
Couche lexicale
Champs morpho-sémantiques (isotopies)
Couche des unités figuratives minimales
Métasémèmes
Métalogismes
La couche phonique, la couche prosodique et la couche morpho-synatxique rendent compte de la matière du texte, de lordre physique, la couche lexicale et celle des unités figuratives minimales forment le niveau de la composition au sens chimique, le niveau des motifs et des thèmes étant le niveau le plus profond du message. Il sagit donc dun parcours de la surface vers la profondeur. Même sil ny a pas de dictionnaire définissant les significations poétiques des voyelles et des consonnes, le poète ne les enchaîne pas au hasard. Chacun en crée un alphabet dans son laboratoire alchimique et le lecteur sacharne à lidentifier ou à lapprocher au moins. Quelle preuve plus éloquente que le sonnet rimbaldien des Voyelles colorées par la fantaisie du poète?
A son origine, le poème français était accompagné de musique tout comme à lantiquité grecque et la prosodie que pourrait-elle être sinon ce cheminement de la parole à la chanson par le rythme, la rime, les assonances, etc.? Mais être un bon technicien ne suffit pas pour être un bon poète. Lhistoire de la poésie française a dailleurs connu, après une période parnassienne dexcès formel, un affranchissement de sous la tutelle des règles de la versification, les allitérations et les assonances créant des effets non moins poétiques.
Lanalyse de lenchaînement des noms et des verbes, de leur fréquence, de la préférence pour tels modes et temps verbaux, de la distribution des articles, des pronoms, des adjectifs ou des adverbes, le décèlement des distorsions de la synatxe sont aussi riches de renseignements pour quiconque se propose dentreprendre lapproche dun texte poétique. Vu que la poésie se fait, comme dit Aragon, en donnant à chaque mot une importance exagérée, cest du travail sur la couche lexicale quon attend le taux maximum de révélation. Parfois il est important détudier le vocabulaire préféré par le poète (langue courante, soutenue, termes techniques, argot, etc.). On range ensuite le matériel lexical en isotopies, en champs lexicaux. Les chercheurs du Groupe ¼ facilitent notre entreprise car ils nous fournissent les grandes isotopies des textes littéraires: celle qui se rapporte à l homme (corps, actes, sentiments, culture, histoire, etc.), une autre qui porte sur l univers (espace, temps, formes minérales, végétales, animales, sons, couleurs, etc.), celle du langage (parole, chant). Lanalyse des tropes peut renforcer ou invalider les conclusions antérieures. Mais il ny a pas de poèmes sil ny a pas de re-construction après ce découpage du texte en couches: car sans être suivie dune synthèse, lanalyse nest que dissection. Si le poète part dun monde en archipel pour en faire le tout-texte, le lecteur démarre du tout-texte quil émiette pour mieux en saisir la rondeur.
II C Pour ce qui est du texte de théâtre, le grand absent des manuels antérieurs à 1989, il a trouvé enfin une meilleure place dans les manuels alternatifs, et ellle est bien méritée, si lon considère avec Fredrick Théodor Vischer le genre dramatique comme le genre le plus haut. Pour De Sanctis, le drame est la forme la plus haute dart, vu quil suppose action, liberté: Ma senza la umana libertà, non che il dramma la poesie è distrutta. Car il est à même de fournir ce modèle dart de la conversation si nécessaire pour savoir bien argumenter et raisonner, interroger-répondre tout en conférant dynamisme à la classe et servant le dessein pédagogique dinstruction-éducation. Sans parler du rôle de la classe comme antichambre de la vie, en loccurrence (lenseignement du théâtre) comme guide du jeune spectateur après avoir éveillé son goût du spectacle de théâtre. Qui plus est, la scène semble être plus proche de la situation vécue, probablement à cause de lillusion de réel quelle crée. Le professeur pourrait exploiter ce penchant de ladolescent pour le jeu dramatique en linvitant à sen laisser tenter (lecture par rôles, récitations, mise en scène dune saynète, dun acte, etc.)
On sest habitué à interroger Platon quand il sagit de lapproche du texte de théâtre. Pour le philosophe antique si lépopée (conte, roman, le narratif en général) est à la fois imitation et écart, parce quelle sappuie sur le récit et le dialogue, le théâtre est pure imitation car là il ny a que des personnages qui agissent tout en parlant. En étudiant une pièce de théâtre, on sintéresse non seulement à lauteur, à la publication de sa création, mais aussi à la première représentation, aux acteurs, à sa réception par le public de lépoque. A la différence du roman, le texte dramaturgique peut être structuré en actes, tableaux, scènes quil faut relever également.
Létude de Richard Monod consacrée au théâtre offre un modèle danalyse qui consiste à dégager les thèmes, décelables par lélimination de toute trace danecdote quon doit situer au plus haut niveau de généralité.
Le monde que le dramaturge met en scène connaît les mêmes trois éléments fondamentaux de lEpos: les événements, lespace-temps, les personnages. Voilà pourquoi lorsquon analyse un tel texte, on peut suivre en quelque sorte le modèle danalyse du récit. On distingue: la fable (les événements), ce qui fait parler darrière-plan narratif et doit être racontée clairement, tout en privilégiant linformation dordre chronologique, de topos. Les personnages sont des êtres humains ou anthropomorphes, auxquels le modèle actantiel ajoute des abstractions, des idées parmi lesquellles celles de lhumanité, de Dieu, de la patrie, du pouvoir, de la passion, de la raison, etc, personnages qui accomplissent les six fonctions du langage. Le discours qui consiste à prélever un jugement dun personnage, puis
par une opération danalyse ou de transformation à dégager les présupposés de ce jugement, ses références culturelles, à interpréter le dénouement.
Outre le texte à dire ou le texte dialogué on décèle dans le théâtre ce quon appelle les didascalies (depuis lAntiquité grecque) ou para-texte. Il comprend selon Jean-Marie Thomasseau: les titres, la liste des personnages, les premières indications temporelles et spatiales, les descriptions du décor ou le para-texte initial de lacte, le para-texte didascalique, les entractes ou le texte éludé. Ses destinataires: le metteur en scène, les comédiens, le lecteur. Ce dernier se sert du paratexte pour faire jouer dans son imagination les scènes de la pièce.
Mais un texte dramatique peut constituer le point de départ de lentraînement des élèves à la production écrite et ensuite à la représentation. En faisant varier une donnée de la fable ou dun personnage, imaginer un coup de théâtre, on peut également suivre les changements subis par les autres personnages et le nouveau dénouement.
De nos jours la rédaction de commentaires composés interminables étant passée de mode et en labsence dune motivation précise (plus de commentaire au bac et à lexamen dentrée en fac) nous préférons la lecture méthodique ou la lecture linéaire.
Lexplication linéaire permet daborder un texte de façon efficace. Elle aide à repérer, à analyser et à regrouper les éléments qui donent lunité du texte. Elle permet de dégager des hypothèses de lecture qui serviront de base pour lélaboration du commentaire composé à lécrit et de la lecture méthodique à loral.
Première approche;
Le titre, lauteur, la date. Ces indications sont toujours fournies avrec le texte. Si le livre est connu, il est possible de situer le texte dans louvrage et dans luvre de lauteur. Sinon, le titre, souvent évocateur, peut donner des informations sur les héros ou le thème.
Le premier regard sur le texte
Un coup dil sur la disposition typographique peut permettre denvisager la nature dun texte; dialogues, nombre de paragraphes, proportion des paragraphes, changements du caractère, dates, signature.
Un coup dil sur les premiers et les derniers mots peut donner des indications sur le contenu.
La lecture du texte
Sil y a narration, se poser des questions telles: Où cela se passe-t-il? Quand? Combien de personnages? Comment sappellent-ils? Que font-ils? Que disent-ils? Résumer lhistoire en une ou deux pharses. Sil ne sagit pas dune narration, repérer les étapes successives du texte.
Létude linéaire. Au fil du texte, on se demande constamment ce qui peut être significatif, cest-à-dire ce qui peut faire lobjet dun commentaire. Observer chacun des niveaux suivants: le lexique, la syntaxe, les sonorités, les images, les références culturelles.
Lexique: les connotations de certains termes; les oppositions et les rapprochements de mots (alliances de mots, antithèses, gradations, etc.), le registre de langage; le choix original de certains mots, les répétitions de mots; les champs lexicaux.
Syntaxe: les aspects des temps et des verbes, la place des mots (inversions, mises entre virgules, etc.); les fonctions de sujet et dobjet, les figures de style syntaxiques (métataxes: anacoluthe, ellipse, chiasme, parallélisme, etc.), la valeur des termes de liaison (les connecteurs).
Sonorités: les répétitions de sonorités: allitérations, assonances, rimes intérieures dans les poèmes
; les jeux sur les sonorités; onomatopées, paronomases, lharmonie dans les sonorités: euphonie et cacophonie.
Images: les comparaisons et les métaphores, les métaphores filées, les autres figures de style: synecdoque, métonymie, etc.
Références culturelles: les références explicites: mythologie, littéarture, histoire, références implicites.
Tout repérage doit être accompagné de son commentaire ponctuel. Si on ne trouve aucun commentaire à faire, pour donner un sens au repérage, on doit considérer quil sagit dun repérage non valable, on le passe donc sous silence.
Regroupement final. Au cours de létude linéaire, on se rend progressivement compte que les observations successives ne sont pas indépendantes les unes des autres, et peu à peu apparaissent des centres dintérêt dont chacun correspond à plusieurs commentaires ponctuels. A la fin de létude, on rassemble tout ce qui a été expliqué et lon conclut en mettant en évidence les principaux centres dintérêt.
LA LECTURE MÉTHODIQUE
A la différence de lexplication linéaire, les centres dintérêt de la lecture méthodique ne sont pas le point daboutissement de létude, mais au contraire le point de départ qui organise cette étude. On appelle ce point de départ laxe de lecture. Cest laxe de lecture qui fait de la lecture méthodiuqe une lecture consciente de ses choix.
a) Le détour par létude linéaire
Une étude linéaire permet de repérer les centres dintérêt dun texte et de choisir ensuite quel axe pourrait guider une lecture méthodique. On procède en trois étapes.
1 On commence par une étude linéaire du texte. Cette lecture fournit les éléments du commentaire et permet de découvrir les centres dintérêt du texte.
On examine ces centres dintérêt. Si lun deux paraît fondamental, cest ce centre dintérêt qui devient laxe de la lecture méthodique. Sinon, on sefforce de regrouper plusieurs centres dintérêt pour parvenir à un axe de lecture méthodique qui rendra compte de limportance du texte.
On recherche, parmi les indications de létude linéaire, celles qui se rapportent à laxe de lecture méthodique choisi. On les rassemble et on les classe pour éviter toute répétition. On nhésite pas à briser lordre linéaire pour regrouper les remarques par séries.
b) Lapproche par les outils danalyse globale
On observe le texte et on procède à plusieurs lectures en suivant successivement plusieurs pistes, parmi lesquelles:
- La situation dénonciation: Qui parle? À qui? Dans quel cadre?
- La structure du texte: Y a-t-il une cohérence, une progression, des ellipses?
- Lemploi des personnes, à travers les pronoms personnels et possessifs; quelle est leur fréquence et leur répartition?
- Les jeux dopposition et les mises en parallèle: Que révèlent-ils?
- Les champs lexicaux: A quels domaines appartiennent-ils?
- Le ton du texte.
Ces diverses analyses permettent de découvrir ce qui est le plus significatif dans le texte. On détermine alors laxe de la lecture méthodique, axe qui reprend une ou plusieurs pistes étudiées.
Lapproche par genre et type de textes
Cest lapproche la plus efficace, quand on possède une bonne connaissance des genres ou des types de textes.
On se demande à quel genre ou à quel type appartient le texte à expliquer. Laxe de lecture méthodique est choisi en retenant une caractéristique du genre ou du type de texte qui convient bien au texte à étudier.
Cest ainsi que pour la lecture méthodique dune description dans un roman on peut choisir, par exemple, comme axe: lorganisation de la description ou le rôle de la description dans le récit. Pour la lecture méthodique dune première page de roman: létablissement du cadre spatio-temporel ou la construction du personnage. Pour la lecture méthodique dun monologue de théâtre: lexpression dune situation de crise ou la révélation des sentiments intimes. Pour la lecture méthodique dun poème lyrique: la relation entre individuel et universel.
Certains méthodologues, parmi lesquels Daniel Coste, considèrent que létude des textes littéraires doit être entreprise après une solide acquisition de la langue parlée et écrite et proposent de recourir, dès le commencement, à des textes difficiles, des textes du moins qui se distinguent très nettement de la norme linguistique connue des élèves. En revanche, Jeannine Caillaud prévoit de commencer par des textes faciles et de les introduire très tôt dans lenseignement, avant que la langue non littéraire soit déjà complètement connue. Il sagit dutiliser les textes littéraires comme matériau pour les classes de langue, le texte littéraire permettant de faire des classes plus variées, intéressantes, mais conservant en réalité une fonction équivalente à celle de nimporte quel texte fabriqué. Il y a tout avantage, sur le plan culturel, comme sur le plan psychologique, à aborder rapidement des textes dune authentique valeur. Ce contact avec le texte littéraire confère une légitime fierté aux apprenants; ils se sentent adultes en quelque sorte et éprouvent le désir daller de lavant.
NIVEAU ÉLÉMENTAIRE
Avec un peu de peine, on peut trouver des textes accessibles aux débutants. On cherchera de préférence des poèmes courts parce quune poésie constitue un texte en soi, et aussi parce quil est facile de la faire apprendre par cur. Or, la récitation est un exercice excellent, primordial, selon J. Caillaud, pour la prononciation, lenrichissement du vocabulaire et lenregistrement de tournures grammaticales correctes. On prend lexemple du Cancre de Jacques Prévert. Pourquoi Le Cancre? Parce que cest un poème relativerment court, facile, sans complications syntaxiques ni subtilités lexicales. Il est dautant plus indiqué pour des débutants de tout âge quil est inspiré par une situation scolaire, celle de lécolier qui sèche au tableau, et dépeint les rapports professeurs-élèves, faciles à mimer. On commence par la définition minimale du cancre comme un très mauvais élève et quon fixe à laide de linterrogation à laquelle les élèves nont quà répondre en répétant. En lisant le poème, le professeur insistera sur larticulation très claire et sur la mimique, après quoi il peut demander à un volontaire décrire au tableau les sept premiers vers, éventuellement on corrige les fautes dorthographe. Le reste de la classe copie puis les apprenants relisent à voix haute individuellement ce qui a été écrit, puis tous ensemble avec le professeur. On passe ensuite à lexplication qui se fait toujours à laide du dialogue. Il dit non avec la tête. Les gestes sont suffisamment éloquents pour faire comprendre lattitude de refus du cancre devant tout effort scolaire.Il dit oui avec le cursera compris également à laide de la gestuelle suivie par le langage verbal le sourire suggérant lenthousiasme du mauvais élève pour ce qui lui plaît. Pour ce qui est de mais il dit oui à ce quil aime il suffit de dire quil aime jouer, regarder les dessins animés, se promener, etc. Le passage est relu en chur avant de passer au suivant avec le même cérémonial. On peut évidemment avoir recours au dessin pour représenter le visage du bonheur. Après de nouvelles lectures, individuelles et collectives, on relit le tableau du vocabulaire inconnu jusqualors: les noms masculins, les noms féminins, les verbes. Les élèves font des phrases de réemploi avec un des mots de la liste. Le contrôle de la compréhension donnera lieu à un bref dialogue. Tout le monde est invité à apprendre la poésie par cur. Certains élèves la récitent impeccablement dès le lendemain, dautres ont besoin de plusieurs jours, mais tous y arrivent, le professeur fait la correction des fautes éventuelles. A ce niveau il ne saurait être question de commentaire littéraire. On cherche simplement à amuser les élèves en les faisant sévader du manuel, à leur donner confiance en eux-mêmes, à éveiller leur curiosité. Les plus doués sentiront instinctivement lhumour et la poésie du texte et seront préparés à un possible commentaire lorsquils passeront à un niveau avancé. Dans une telle classe ils pourront être invités à déceler les traits essentiels de lart de Prévert.
NIVEAU MOYEN CLASSES SCIENTIFIQUES
On pourrait choisir un texte de Giono, Regain, et lexploiter pour faire une leçon de vocabulaire sur la cuisine ou pour la dictée. Dans ce cas il faut sassurer dabord que les élèves en ont compris lessentiel et on expliquera et écrira au tableau les mots les plus difficiles. On procède à cette fin par un dialogue interrompu pour écrire au tableau les mots inconnus. Après la dictée on la corrige et le texte nous servira à des leçons de vocabulaire et de grammaire.
En entrant à la maison, lhomme a eu un regard heureux pour chaque chose. Il y avait un beau jour gris, doux comme un pelage de chat. Il coulait par la fenêtre et par la porte et il baignait tout dans sa douceur. Le feu dans lâtre soufflait et usait ses griffes rouges contre le chaudron de la soupe, et la soupe mitonnait en gémissant, et cétait une épaisse odeur de poireaux, de carottes et de pommes de terre bouillies qui emplissait la cuisine. On mangeait déjà les légumes dans cet air-là. Il y avait, sur la table de la cuisine, trois beaux oignons tout pelés qui luisaient violets et blancs, dans une assiette. Il y avait un pot à eau, un pot deau claire et le blond soleil tout pâle qui y jouait. Les dalles étaient propres et lavées et, près de lévier, dans une grosse raie qui avait fendu les pierres et doù on avait jour sur la terre noire, une herbe verdette avait monté qui portait sa grosse tête de graine (Arsule la laisse là pour le plaisir. Elle lappelle Catherine et elle lui parle en lavant les assiettes).
Le pelage: lensemble des poils. Attention à lorthographe! (cf. plume plumage, feuille feuillage, dalle dallage, carreau carrelage, etc.
Lâtre: lintérieur de la cheminée, où lon fait le feu (le foyer). Le chaudron a une anse, la bassine (à confiture) nen a pas.
Quels légumes peut-on encore mettre dans la soupe? (choux, navets, céleri, persil, salade, haricots verts, tomates, etc.)
Quelle est la différence entre pot à eau et pot deau ? (cf. tasse à café tasse de café)
Ne pas confondre fendre et fondre: on fend une planche mais la glace fond à la chaleur.
En passant à la grammaire, on découvre trois gérondifs, en entrant, en gémissant, en lavant. Distinguez: tout, pronom indéfini neutre: Il baignait tout de tout adverbe: tout pâle (très)
Elle la laisse là : la pronom personnel féminin singulier, complément dobjet direct de laisse, là adverbe de lieu.
Le texte est à limparfait (description dans le passé) mais comporte aussi un passé composé (lhomme a eu: action terminée, comme dans un passé simple, qui serait dun emploi plus littéraire), un plus-que-parfait (lherbe avait moulé: action passée précédant une autre action passée) et trois présents ( elle la laisse
lappelle
lui parle) exprimant un état, une habitude (elle est blonde, il boit).
On peut ensuite chercher à définir le caractère du texte. Et dabord son atmosphère. Où se passe le récit? A la campagne. On devine une maison rustique en pleine nature (le jour coulait
, le chaudron de soupe dans lâtre, lherbe dans la fente du dallage
) En quelle saison? A lautomne (beau jour gris douceur feu dans lâtre blond soleil tout pâle) Est-ce lauteur qui décrit cette scène? Non, il nous la fait voir par les yeux du paysan qui rentre chez lui. Giono emploie le procédé très fréquent dans la littérature moderne du monologue intérieur. Cest pourquoi il use dun vocabulaire simple, concret, celui dun homme fruste qui construit ses phrases de façon monotone et maladroite. Propositions juxtaposées, sans autre particule de liaison que des et souvent répétées; multiplications des il y avait et était. Le style est donc volontairement gauche, on pourrait même dire raide, à limage du cultivateur balourd, au langage embarrassé. Et pourtant la poésie est partout dans cette page. Les choses y sont personnifiées; le jour est comparé à un pelage de chat; le feu a des griffes comme un animal sauvage; la soupe gémit; le soleil joue dans leau du pot; lherbe est une amie pour Arsule. A partir de ce petit morceau on peut faire une leçon de civilisation sur la Provence et ses chantres (Daudet, Mistral, Pagnol) et le régionalisme en général. Le texte peut servir de point de départ en vue de la rédaction de résumés, de commentaires, dessais, de descriptions, de dialogues.
III On arrive enfin à la troisième hypostase de lenseignant. Car la sortie du texte nest pas oubli du texte mais sa valorisation. En qualité de conseiller, lenseignant invite lélève à imaginer dabord une suite à une histoire inachevée ou à écrire le début dune autre. Pour éviter les écueils, on demande aux apprenants de produire des phrases simples et si lon travaille par groupes (ce qui est dailleurs souhaitable) on donne des consignes particulières dordre strictement formel (travailler sur les comparaisons, sur les adjectifs, imposer lemploi dun certain temps verbal) ou portant sur la tonalité (faire rire, attendrir, parodier, etc.)
Un autre exercice consisterait à demander aux élèves décrire les dialogues pour les images dune bande dessinée. Cela suppose lemploi du style direct et impose une attention particulière portée à la représentation des actes de parole tels linterrogation, la directive (emploi de limpératif), lacte prédictif (exigeant lemploi du futur).
En faisant précéder le texte littéraire par lexercice écrit on évite les retards quentraînent les explications toujours nécessaires, leffet inhibiteur que provoque le texte imprimé et les restrictions quimposent à limagination et surtout à lexpression les modèles accomplis.
Lécrit ultérieur au texte littéraire semble être facilité par le filtrage opéré durant la lecture dirigée et méthodique. Les apprenants sont ensuite entraînés à la rédaction de résumés, de portraits, de comptes-rendus ou plus rarement de commentaires. Pour ces exercices, la littérature est un pré-texte.; ils sont produits à propos de luvre littéraire et mobilisent la compétence linguistique de lapprenant.
COMMENT FAIRE UN COMMENTAIRE COMPOSÉ?
Ayant consulté plusieurs documents dont Le français au bac de C. Eterstein et A. Lesot, paru chez Hatier, 1990; Français: commentaire de texte, ouvrage conçu et réalisé par Georges Sylnès et Sophie Valle, Hatier, 1990, Français: Commentaire composé, de Anne Lelièvre, Sabine Maurel et Laurent Paluel-Marmont, Nathan, 1993, nous vous proposons lalgorithme suivant:
I-e étape: LIRE LE TEXTE
Lacte de lecture suppose au moins trois opérations: comprendre, évoquer, réagir.
COMPRENDRE
Pendant cette opération qui connaît trois phases ( dégager lidée générale, trouver le sens exact des mots et expressions, rechercher des informations) lobjectif principal est de saisir le sens du texte .
ÉVOQUER
Au cours de la lecture dun texte on fait attention à la perception (visuelle, auditive) que nous en avons.
RÉAGIR
Lobjectif de cette opération consiste à identifier lintention de lauteur selon la tonalité du texte. Celle-ci peut être: comique (ironie, humour, parodie, burlesque), grave, emphatique, dramatique, pathétique, tragique, lyrique, fantastique, épique, réaliste, romanesque, polémique, etc. Il ne faut pas négliger le fait quun texte peut présenter une seule tonalité ou plusieurs.
II-e étape ANALYSER LE TEXTE
ÉTUDIER LE PLAN DU TEXTE
Décomposer correctement les textes qui sy prêtent, cest une opération assez minutieuse qui demande finesse dobservation et patience. Mais à force dexercice elle se réalise sans dificulté. Il faut tenir compte de:
la disposition typographique, du changement de paragraphe (pour la prose) ou de strophe (pour la poésie);
la disposition des connecteurs grammaticaux et logiques qui indiquent souvent le passage dune partie à lautre;
- lexistence des formules servant de refrain;
lexistence de passages différents: dialogue (scène), description, narration.
Étudier la syntaxe
Cette opération est complexe et porte sur:
la longueur de phrases: phrases nettement plus longues ou plus courtes que la moyenne; structure des phrases longues; contraste éventuel des phrases longues et des phrases courtes;
le type des phrases: abondance relative des phrases interrogatives ou exclamatives par rapport aux phrases affirmatives, présence éventuelle des phrases elliptiques;
lordre des mots: différence avec lordre usuel, notamment dans les textes versifiés; place des incises, des appositions;
lemploi des temps et des modes verbaux: différentes valeurs des temps et des modes;
les catégories de mots: fréquence, rareté (parfois absence) des verbes, noms, adjectifs, adverbes; rôle des mots de liaison; verbes daction ou verbes détat.
Dautres aspects porteurs dinformations relèvent de:
lemploi de litalique, du soulignement, des tirets;
des majuscules attribuées à des noms communs pour les personnifier ou les transformer en symboles
la ponctuation expressive: points dexclamation, points de suspension; ou absence de ponctuation.
Tout repérage doit être interprété. Certaines phrases, par exemple, présentent des écarts par rapport à une certaine norme. Si certains faits se répètent au fil du texte il faut en tenir compte et commenter ce phénomène en découvrant sa signification.
Étudier le vocabulaire
Le lexique lui aussi est porteur de sens.
Lidentification des connotations peut nous révéler un jugement de valeur, positif ou négatif mais aussi une partie importante du sens.
Établir les champs lexicaux (lensemble des termes qui se rapportent à un même thème, à une même idée) permet de dégager les thèmes importants en sappuyant sur le texte lui-même. Au cours de cette opération il faut saisir les ressemblances entre les termes, leurs affinités qui peremttent de les regrouper.
Le registre de langue
Le choix ou le passage de lun à lautre peut être significatif. Ainsi, le registre soutenu peut-il correspondre à un sujet grave ou être lindice dun ton ironique ou dune praxis parodique. Quant au registre familier, il peut indiquer une volonté de réalisme (description à fonction diégétique) ou une volonté de décalage entre sujet et registre.
Le vocabulaire peut également surprendre par les écarts de lordre des archaïsmes, des néologismes, des termes rares, techniques, argotiques, etc.
Étudier les figures de style
Cette opération consiste à étudier la fréquence, la diversité et apprécier loriginalité des figures.
Linterprétation des figures de style est un acte complexe pour lequel on na pas de recette. De toute façon, la présence dune figure de style nest pas due au hasard ce qui nous détermine à en chercher la raison et lexpliquer.
5 ÉTUDIER LA VERSIFICATION
Il ne faut jamais considérer létude de la versification comme un exercice en soi mais chercher les effets que les éléments prosodiques produisent.
Le vers français est syllabique et pour dénombrer les syllabes il faut tenir compte des règles de le muet et de la diérèse. Le final muet dans la prononciation courante compte pour une syllabe devant une consonne qui peut être un s ou nt de pluriel: hier peut compter pour deux syllabes diérèse.
Les rimes sont riches si elles présentent trois sons identiques ou plusieurs; les rimes qui ne comportent pas de muet sont appelées rimes masculines (lentement/fumant); les rimes qui en comportent un sont appelées rimes féminines (conquête / tête); des rimes disposées suivant le schéma AABB sont nommées rimes plates ou suivies, disposées selon le schéma ABAB, elles sont dites croisées, selon le schéma ABBA, elles sont embrassées. Ce qui est régulier ne présente pas un intérêt particulier sauf si cela illustre une étape de lévolution de la création poétique dun poète ou dune période de lhistoire de la lyrique.
La diérèse, le jeu des coupes et les enjambements sont des procédés de mise en valeur dun mot, dune expression. Les effets sonores, comme la rime intérieure, le rapprochement inattendu de mots sont autant deffets porteurs de sens.
ÉTUDIER LES TECHNIQUES NARRATIVES
Il faut repérer le type (les types) de focalisation, les manières de rapporter les paroles des personnages (discours direct, indirect, indirect libre), les rapports entre le temps du récit et le temps de lhistoire , etc.
FORMULER UN JUGEMENT
Lobjectif de cette étape est de donner, après lanalyse du texte, une appréciation pertinente. Le jugement successif aux analyses et étayé sur celles-ci marque en fait notre adhésion ou notre rejet des propos de lauteur.
III-e étape RÉDACTION
Le commentaire composé dun texte doit respecter un plan dont les parties principales sont:
Lintroduction qui a le rôle de situer le texte, de présenter le texte et de fournir le plan de la rédaction.
Le développement comprend plusieurs paragraphes .
La conclusion fait le bilan et élargit la question.
TECHNIQUES DÉVALUATION DES COMPÉTENCES EN CLASSE DE FLE
À une époque où tout se calcule, même lamour, pour reprendre les mots de Miossec (dans sa chanson Tout brûle), quantifier lactivité de lenseignant et celle de lapprenant fait figure de bilan des efforts entrepris et danticipation, de prévision de lévolution ultérieure.
Au cours de sa formation initiale, lenseignant débutant ne reçoit guère de formation à lévaluation. Possèderait-il alors quelque science innée qui lui permettrait de savoir évaluer le progrès de ses élèves sans trop se poser de questions? Son seul modèle serait celui du schéma selon lequel lui-même a été évalué en tant quélève. Notre mémoire scolaire garde limage de la note qui tombe comme un verdict, comme la sentence impitoyable dun juge inflexible qui sanctionne les infractions impardonnables dun contrevenant ayant transgressé les lois du code linguistique. Ou bien celle des lauriers du gagnant, de la récompense accordée pour la persévérance, pour le courage et limagination, pourquoi pas? pour la docilité. Souvent, lacte évaluatif donne lieu à des malentendus entre les deux acteurs du processus denseignement/apprentissage, lévaluateur et lévalué. Lévalué mécontent de sa note ronchonne ou rouspète, en tout cas réclame des explications. Comme si cela ne suffisait pas, un autre facteur impliqué dans lenseignement surgit, à savoir létablissement qui entreprend à son tour lévaluation de lévaluateur en fonction des résultats de ses apprenants. Par conséquent, le professeur dont les élèves nont pas de bons résultats ne peut être quun mauvais professeur. La société a elle aussi son mot à dire car les mauvais résultats scolaires condamnent le possesseur à linadaptation à lentrée sur le marché professionnel.
Ce tableau nous donne à réfléchir sur lacte dévaluation des compétences de lenseignement de même que sur ses conséquences immédiates ou à long terme tout en nous invitant à reconsidérer les rapports qui sétablissent entre nos apprenants et nous-mêmes afin de lever les malentendus qui faussent la relation pédagogique et altèrent notre communication. Dans certains autres systèmes scolaires (celui fondé sur la philosophie de Rudolf Steiner, par exemple) on a simplement renoncé aux notes éliminant de cette façon ce facteur contraignant du processus denseignement / apprentissage. Néanmoins, eu égard à la dynamique sociale et professionnelle, le futur postulant doit savoir sauto-évaluer, compétence qui sacquiert au cours de la scolarité. Mais, cest à lenseignant quincombe la tâche dassocier lapprenant à lacte dévaluation, de lui apprendre à se remettre en question, de le faire consentir par contrat à quitter sa situation de sujétion à laquelle le vouait un enseignement traditionnel et prendre en main son apprentissage. Au lieu de subir il doit définir ses propres objectifs et, dans la classe moderne, non seulement il peut mais il a le droit de savoir où il en est. De toute façon nous adhérons à la vision de Gérard de Vecchi: Et si lenseignant partageait une partie de son pouvoir? Pour quune évaluation aide véritablement lélève à apprendre, il faut quelle participe à la construction de son autonomie. Il est essentiel que chaque élève soit partie prenante dans lacte dapprendre et donc indispensable quil comprenne pourquoi il fait un travail. Il doit pouvoir lui-même lévaluer donc savoir, comme le maître. Sil ne fait que répondre aux demandes de lenseignant, cela ne lincite pas à devenir autonome, bien au contraire: cest le pouvoir du maître qui est renforcé et lélève est placé dans la situation de navoir quà obéir pour réussir. Làdessus, les fiches dauto-estimation ont un rôle important permettant à lapprenant destimer sil a atteint ou non lobjectif établi par lenseignant. Cela consiste à répondre par écrit à un questionnaire élaboré par lenseignant. En voilà un possible modèle:
Objectif: Savoir sy prendre pour inviter quelquun
Je suis capable de: 1 saluer mon interlocuteur
2 utiliser les formules de politesse
3 formuler une invitation et demander une réponse à mon interlocuteur
4 réitérer linvitation en trouvant des arguments plus forts et pertinents
5 exprimer le regret dans le cas dun refus
6 prendre congé
Lenseignant évalue lui aussi la compétence de lapprenant: confirmée, à renforcer, en cours dacquisition, non acquise.
Les avantages de lauto-estimation sont irrécusables: elle oblige à la réflexion, exerce le jugement, permet le renforcement de la confiance en soi et favorise le développement de la personnalité encourageant la prise en charge de son apprentissage par lapprenant lui-même. En outre, elle encourage la communication entre lenseignant et les apprenants en les rapprochant
En matière dévaluation des acquis linguistiques, les chercheurs font la distinction entre le domaine du contrôle, de lévaluation cumulative, et le domaine de lévaluation formative, de la prise dinformation, selon Christine Tagliante. On ne saurait non plus ignorer lévaluation initiale à laquelle on procède au début de létude dune nouvelle discipline, au passage à un niveau supérieur ou avant dentamer un nouveau chapitre. Ellle sert à établir le niveau des compétences linguistiques du groupe, de même que le degré dhomogénéité de celui-ci en vue de lélaboration dune stratégie pédagogique pertinente.
Effectuée à la fin dune étape, lévaluation cumulative a du mal à prouver son efficacité ne permettant ni de jauger lactivité précédente ni de pronostiquer le déroulement ultérieur. En effet, contrôler, cest vérifier la conformité des performances de lapprenant à la norme de la langue cible. Dans ce but on utilise des tests, des épreuves, des exercices, des examens qui font le bilan dune situation donnant lieu à une note. Ce type dévaluation est le plus souvent imposé par une institution et sert à classer les apprenats, les candidats. Il sefforce de comparer et de classer des performances sans trop se soucier des êtres engagés dans le processus denseignement / apprentissage. Avec cette forme dévaluation on nest pas loin de lévaluation économique visant à jauger lefficacité du système de léducation en fonction du rapport: ressources matérielles et financières investies par la société / résultats de lenseignement. En pratiquant uniquement cette forme dévaluation, les jeunes âmes risquent dêtre broyées, laminées par le rouleau compresseur de lacadémisme, pour reprendre les mots de N.H.Kleinbaum prononcés par M.Keating.
Heureusement, lenseignant possède également linstrument de lévaluation continue ou formative. Destinée à accompagner lapprenant tout le long de son parcours dapprentissage du programme scolaire et mesurant ses résultats par petites séquences, son efficacité est incontestable. Reposant sur le feed-back, elle est solidaire de lacte dapprentissage auquel elle équivaut quasiment, permettant ainsi le réglage subjectif de lapprentissage, la corrélation des méthodes avec les objectifs opérationnels concrets. Loin de sanctionner, ce type dévaluation est appelé à guider, à stimuler les apprenants, les encourageant également à cultiver leur capacité dauto-évaluation. Au cours de cette forme dactivité, linformation recherchée cest de savoir si lobjectif pédagogique critérié par lenseignant a été atteint ou non par les apprenants. Dans ce but on utilise des fiches dauto-estimation, des tests, des exercices de vérification qui produisent une information commentée destinée aussi bien à lenseignant quà lapprenant. Comme il ny a rien docculte dans cette activité, lapprenant a droit de regard sur son évaluation qui mène à la reconnaissance des compétences et non à un classement.
Toutefois on ne saurait ignorer la relativité des notes, étudiée par des chercheurs qui ont signalé les effets responsables de linvalidation de lacte dévaluation. En voilà quelques-uns, formulés par Yvan Abernot: effets dordre et de contraste (Nous sommes conscients que la place occupée par une copie dans une série de mauvais devoirs a toutes les chances de pervertir lacte de son évaluation), effets de contamination (Il y a le risque que les points accumulés par un item influencent les autres), effets de stéréotypie (Gardons-nous de coller à un apprenant une note définitive pendant toute sa scolarité!), effet de halo (Le référent social, comportemental ou les considérations dordre esthétique pourraient également entraîner la sous-estimation ou la surestimation de lapprenant), effet de la tendance centrale (lorsque lenseignant contourne la difficulté de corriger en regroupant ses notes autour de la moyenne), effet de relativisation (Limpression densemble lemporte parfois sur le niveau réel des copies), effet de trop grande indulgence (due à une mauvaise perception du concept dhorizontalité interactive ou à une intention de captatio benevolentiae) et de trop grande sévérité (comme critère de reconnaissance de la compétence professionnelle).
Les chercheurs ont mis à la disposition des enseignants des instruments dévaluation plus objectifs que ceux offerts par lenseignement traditionnel, à savoir les tests. Lavantage de ces moyens dévaluation consiste dans lapport dun supplément considérable dobjectivité, de rigueur scientifique sans parler de laspect visant la simplification du travail. Si les questions sont conçues de façon à éviter un éventail de réponses acceptables et à bannir tout jugement, celles-ci respecteront le critère de la brièveté. Par ailleurs, leur utilisation permet de réduire le risque de fraude. Cest toujours dans le sens de léconomie que lemploi des tests savère efficace, éliminant les temps morts par lutilisation dune grille de correction ou dune carte de réponse.
Nous vous proposons la définition donnée par Jean-Claude Mothe selon lequel le test de langue vivante serait une épreuve aux questions nombreuses, contraignantes, standardisées et nécessitant une réponse brève (
) par opposition aux questions peu nombreuses, précises et demandant une réponse longue et diversifiée des épreuves de type traditionnel, et par opposition aussi à ce que recouvre en anglais le terme test, qui y désigne nimorte quelle sorte dépreuve.
Lélaboration des tests est un processus à plusieurs étapes:
fixer les objectifs des tests;
préparer des items;
fixer des techniques de réponses;
ranger les items;
élaborer les consignes;
rédiger les feuilles de réponses;
pré-expérimenter;
fixer le barème;
préciser le temps de travail.
Un proverbe touareg dit: Si tu ne sais pas où tu vas, tu risques de mettre longtemps pour y arriver.
Ausi faut-il désigner avec précision ses objectifs si lon veut rentabiliser lenseignement et élaborer un programme de testing adapté aux attentes de nos apprenants. Afin de faciliter notre travail on opère un découpage de la compétence linguistique globale en une série de sous-compétences selon le critère des skills (ou capacités linguistiques): compréhension orale et compréhension écrite (skills passifs), expression orale et expression écrite (skills actifs).
Dans les classes de débuatnts, eu égard à la pauvreté des connaissances linguistiques et aux habitudes de communication rudimentaires, lenseignant ne saura évaluer quune seule des quatre capacités linguistiques ou la maîtrise dune seule composante de lanalyse linguistique (vocabulaire, grammaire, prononciation, orthographe). À ce niveau il faut appliquer des tests très brefs et dont les tâches sont faciles à résoudre puisque le but est dencourager les apprenants, de susciter une attitude favorable à lapprentissage de la nouvelle langue. Ce serait une erreur dignorer, lors de lélaboration des tests, le penchant pour le ludique manifesté notamment par les débutants.
Au niveau moyen, dès la fin du premier cycle, on évalue le savoir-faire par le biais des dialogues situationnels dont les items correspondent à des actes de parole tels: se présenter, inviter, offrir, refuser, accepter, proposer, féliciter, décommander, faire des compliments, etc. Comme le dialogue fait jouer tant la maîtrise des capacités linguistiques que le maniement des composantes lingustiques, il nous faut mettre à profit certaines situations quotidiennes de communication qui se prêtent à lemploi de certaines catégories grammaticales et dun vocabulaire approprié: À la gare, Au téléphone, Aux achats, Dans une agence de voyage, etc. La consolidation des connaissances acquises est assurée par ladministration suffisamment fréquente des quizzes (le quiz est une sorte de test très bref portant sur le contenu dune petite unité de cours) et des tests de progrès.
Exemples de quiz
Test quiz Niveau débutant
Complétez les phrases à laide de : le ou la
plumier de Jean est sur
.table.
.livre de Julie est dans
.cartable. Jean est dans
.classe. Nadine est sur
..colline. Elle dessine
.petite tortue.
Corrigé:
Le plumier de Jean est sur la table. Le livre de Julie est dans le cartable. Jean est dans la classe. Nadine est sur la colline. Elle dessine la petite tortue.
Niveau moyen
Fais laccord des participes passés soulignés, si besoin est:
Elles sétaient téléphoné, ensuite elles se sont rencontré.
Ils se sont enfui par lescalier.
Nous nous sommes souvenu de notre voyage.
Nous nous étions rencontré à Lyon.
Elles se sont réjoui de nous voir.
Les deux automobilistes se sont adressé des injures et se sont même battu.
Elles se sont souri, ensuite elles se sont séparé.
Corrigé:
Elles sétaient téléphoné, ensuite elles se sont rencontrées.
Ils se sont enfuis par lescalier.
Nous nous sommes souvenus de notre voyage.
Nous nous étions rencontrés à Lyon.
Elles se sont réjouies de nous voir.
Les deux automobilistes se sont adressé des injures et se sont même battus.
Elles se sont souri, ensuite elles se sont séparées.
Niveau avancé
Remplacez les points par le mot tout écrit correctement:
Vos relations avec cette famille sont différentes de celles que vous avez avec
.vos amis. Les pensées quil avait exprimées étaient
. aussi intéressantes que celles de linterlocuteur. Avant de partir en voyage, Suzanne fit un dernier contrôle;
..les fenêtres étaient bien closes. Lentrevue
.prochaine que javais en perspective me donnait
.les émotions du monde. Il avait recouvré ses ersprits;
.trace dirritation avait disparu de son visage. Elle nest plus
.jeune, bien quelle sabstienne de le reconnaître. La maison était
.. illuminée; la réception commençait. Les arbres se dressaient
noirs contre le ciel.
Corrigé: toutes, tous, tout, toutes, toute, toute, tout, tout.
LÉVALUATION DE LEXPRESSION ORALE
Enseignants, didacticiens et apprenants, nous sommes tous daccord quà présent lobjectif essentiel de lapprentissage dune langue étrangère est dacquérir les compétences nécessaires à léchange linguistique, à la communication. Alors, lacte évaluatif vise à vérifier dans quelle mesure lapprenant est ou sera capable de se servir de ses acquisitions linguistiques dans des situations réelles de communication. Laspect linguistique et pratique du programme denseignement englobe trois compétences:
linguistique
socio-pragmalinguistique
stratégique.
La compétence linguistique porte sur la prononciation, lintonation, la syntaxe, la morphologie et le vocabulaire. En utilisant son interlangue, lapprenant commet inévitablement des erreurs grammaticales, des fautes de prononciation, plus ou moins systématiques. Mais lévaluation permettra de faire la distinction entre celles qui gênent la communication et celles qui laissent passer le message sans nuire à la conversation.
La compétence socio-pragmalinguistique porte sur la situation de communication et lacte ou lintention communicative. Il sagit là de la pertinence des phrases émises par lénonciateur. Les variables dont il faut tenir compte au cours des échanges linguistiques sont: qui communique avec qui?, sur quoi?, où?, par quels moyens?, dans quel type de langage? (énoncés informatifs, expressifs, appellatifs)
La compétence stratégique porte sur les différents moyens, autres que les mots de la langue étrangère, auxquels lapprenant fait appel lorsquil est à court dinspiration langagière: mimique, gestes, mots appartenant à une autre langue étrangère ou à la langue maternelle.
LAPPROCHE GLOBALE DUN DOCUMENT SONORE
La démarche proposée pour la compréhension dun document sonore connaît les étapes suivantes: le repérage de la situation, lobservation de lorganisation du discours. Le test de compréhension orale est à la fois un instrument qui facilite le travail de lapprenant. Car la grille proposée par lenseignant focalise lattention de lapprenant qui découvre ainsi le contexte de linteraction, les relations interpersonnelles, le but de léchange verbal. Voilà la grille élaborée par Christine Tagliante et reproduite par nous:
Qui parle à qui? Combien de personnes parlent-elles? Ce sont des hommes, des femmes, des enfants?Quel âge peuvent-ils avoir?
Peut-on les caractériser (nationalité, statut social, rôle, état desprit...)?Où? Peut-on situer le lieu où lon parle (rue, studio, terrasse de café
)?
Y a-t-il des bruits de fond significatifs (rires, musique, bruits de rue,
discussions en arrière fond
.)? De quoi?Peut-on saisir globalement le thème dominant, les sous-thèmes, les domaines de référence?
Quand?À quel moment se situe la prise de parole (heure de la journée, jour de la semaine, avant ou après tel ou tel événement dont on parle)? Comment?Quel est le canal utilisé (entretien en face à face, radio, télévision, micro-trottoir, téléphone, interview, conversation
)?
Quels sont les registres de langue utilisés?
Pour quoi faire?Quelle est lintention de la personne qui parle (informer, expliquer, raconter une histoire, commenter, décrire, présenter un problème, faire part de son indignation
)?
Cette grille, tout en faisant figure de test, savère un guide qui, respectant les critères de lanalyse des interactions (conversations familières, entretiens, interviews, débats, transactions commerciales, échanges didactiques, etc.), mène à la compréhension du texte sonore soumis au décryptage.
Si cette opération de repérage seffectue en groupes de deux ou trois élèves, lélucidation se fera en grand groupe et on peut même passer à lécrit en complétant la grille au tableau noir.
Mais pour saisir le sens global du document nous sommes invités à passer à la seconde phase de lélucidation qui consiste à repérer les marqueurs de la structure du texte. Nous nous appuyons toujours sur les becquilles offertes par Christine Tagliante:
La structurationUn plan est-il annoncé? Sil lest est-il suivi?
Peut-on repérer lorganisation interne du discours?
Peut-on repérer certaines idées annoncées: affirmation, arguments, illustrations, exemples?
Certains des développements sont-ils repérables?Les marqueursY a-t-il:
-des connecteurs logiques: dune part, dautre part, par ailleurs
?
Des marqueurs chronologiques: tout dabord, ensuite, puis, enfin,
-des marqueurs dopposition: malgré cela, bien que, en dépit de, mais, au contraire, cependant
?
-des marqueurs de cause ou de conséquence: en effet, étant donné que, de manière que, pour la raison suivante
?
Les motsRepérez les mots qui peuvent vous mettre sur la voie du sens:
- les mots transparents (en se méfiant des faux amis),
- les reprises, les répétitions,
- les mots clés significatifs du thème ou des sous-thèmes.Les indications-les chiffres,
-les noms géographiques,
-les lieux,
-les dates, les sigles.
Lévaluation de la compréhension orale permet à lévaluateur de vérifier la capacité des apprenants à choisir la meilleure solution, dapprécier la qualité de leur prononciation, la richesse du vocabulaire employé. En outre, comme le document authentique constitue un modèle de phonation, dexpression orale et de structuration du discours, lapprenant est stimulé en même temps à sexprimer en langue étrangère.
Quant aux exercices dexpression orale, ceux-ci peuvent reposer sur: lobservation et la description dun support visuel, limagination dune suite ou de la fin dune histoire, sur la discussion (entretien, débat, exposé des élèves), laction (les jeux dramatiques, les procès littéraires et non seulement).
LÉVALUATION DE LEXPRESSION ÉCRITE
La tâche de lenseignant de FLE savère difficile de plusieurs points de vue. Dabord il est responsable de lacte dincitation à cette forme de communication à distance qui suppose un destinataire absent, mais une fois engagé dans cette activité, il se sent pris au piège de la correctitude grammaticale (formes verbales, accord du participe passé, de ladjectif avec le nom déterminé, concordances des temps, structures syntaxiques, rapports de coordination ou de subordination, adéquation du lexique), de lorthographe et de la sincérité sinon de loriginalité de lexpression écrite. Lenseignant doit adapter sa stratégie évaluative en fonction de lâge de lapprenant. Comme lobjectif primordial, au niveau élémentaire, par exemple, cest de stimuler la communication notamment orale mais aussi écrite il est vain dattendre que le débutant sexprime parfaitement étant sujet à des erreurs dues aux interférences.
Dans lélaboration des grilles dévaluation du message écrit nous nous appuyons grandement sur les grilles dévaluation de loral (adéquation à la situation; respect de la consigne; compétence grammaticale). Mais ce quon évalue surtout dans une production écrite, en dehors de la compétence linguistique, cest la compétence textuelle car cest la compétence de communication selon Marie-Claude Albert. Elle nous propose une série de critères dévaluation qui correspondent aux aspects pertinents du fonctionnement du texte à produire:
Dimension séquentielle du texteGLOBALELOCALEType de texte à produirePlan du texte
Enchaîne-ment des séquencesNiveau transphrastiqueNiveau phrastiqueNiveau
Scriptural
Critère dordre
Pragmatique
Prise en compte de la situation de communication écrite: fonction du langage dominanteOrganisateurs textuels: grandes articulations du discours;
respect des règles de cohérence; répétition; progressionEmploi des connecteurs adéquats: logique, temporels, progression du texteProcédés linguistiques propres à un type décrit. Ex: nominalisation, passivation, énoncés injonctifsChoix du support
Typographie, titre, mise en relief déléments
Sémantique
Choix dun type de texte (narratif, argumentatif)Respect des règles de cohérence;
Non contradiction;
Connaissance du mondeLexique adéquat;
Anaphores lexicales précises et cohéretesAcceptabilité sémantiqueDisposition en en paragraphes;
Respect des
signes
conventionnels
de lécrit
Morpho-
syntaxique
Choix dune perspective temporelle; alternance des temps verbaux (ex: dans le récit passé simple Cohérence temporelleMode de liage des propositions; anphores, connecteurs, ponctuationCompétence syntaxique; concordance des temps; expansion de la phrase: relatives, subordination orthographePonctuation
majuscules Si lapprentissage est une activité collective, lévaluation tend à devenir interactive (apprenant texte enseignant) puisque les critères dévaluation correspondent à la consigne. Mais une relation pédagogique authentique exige linformation préalable de lapprenant afin quil puisse participer à la formulation des exigences qui président à la production dun texte écrit correctement rédigé, cohérent, intelligible.
QUELQUES MODELES DANALYSE DE TEXTE
SE PENSER ET PANSER
(lecture dun extrait de La Peste dAlbert Camus)
Ils poussèrent la porte vitrée. Cétait une immense salle, aux fenêtres hermétiquement closes, malgré la saison. Dans le haut des murs ronronnaient des appareils qui renouvelaient lair, et leurs hélices courbes brassaient lair crémeux et surchauffé, au-dessus de deux rangées de lits gris. De tous les côtés, montaient des gémissements sourds ou aigus qui ne faisaient quune plainte monotone. Des hommes, habillés de blanc, se déplaçaient avec lenteur, dans la lumière cruelle que déversaient les hautes baies garnies de barreaux. Rambert se sentit mal à laise dans la terrible chaleur de cette salle et il eut de la peine à reconnaître Rieux, penché au-dessus dune forme gémissante. Le docteur incisait les aines du malade que deux infirmières, de chaque côté du lit, tenaient écartelé. Quand il se releva, il laissa tomber ses instruments dans le plateau quun aide lui tendait et resta un moment immobile, à regarder lhomme quon était en train de panser.
- Quoi de nouveau? Dit-il à Tarrou qui sapprochait.Paneloux accepte de remplacer Rambert à la maison de quarantaine. Il a déjà beaucoup fait. Il restera la troisième équipe de prospection à regrouper sans Rambert.
Rieux approuva de la tête.
- Castel a achevé ses premières préparations. Il propose un essai.
- Ah! dit Rieux, cela est bien.
Enfin, il y a ici Rambert.
Rieux se retourna. Par-dessus le masque, ses yeux se plissèrent en apercevant le journaliste.
- Que faites-vous ici? vous devriez être ailleurs. Tarrou dit que cétait pour ce soir à minuit et Rambert ajouta : En principe.
Chaque fois que lun deux parlait, le masque de gaze se gonflait et shumidifiait à lendroit de la bouche. Cela faisait une conversation un peu irréelle, comme un dialogue de statues.
Je voudrais vous parler, dit Rambert.
- Nous sortirons ensemble, si vous le voulez bien. Attendez-moi dans le bureau de Tarrou.
Un moment après, Rambert et Rieux sinstallaient à larrière de la voiture du docteur. Tarrou conduisait.
[
.]
- Docteur, dit Rambert, je ne pars pas et je veux rester avec vous.
Tarrou ne broncha pas. Il continuait de conduire. Rieux semblait incapable démerger de sa fatigue.
Et elle ? dit-il dune voix sourde.
Rambert dit quil avait encore réfléchi, quil continuait à croire ce quil croyait, mais que sil partait, il aurait honte. Cela le gênerait pour aimer celle quil avait laissée. Mais Rieux se redressa et dit dune voix ferme que cela était stupide et quil ny avait pas de honte à préférer le bonheur.
Oui, dit Rambert, mais il peut y avoir de la honte à être heureux tout seul.
Tarrou, qui sétait tu jusque-là, sans tourner la tête vers eux, fit remarquer que si Rambert voulait partager le malheur des hommes, il naurait plus jamais le temps pour le bonheur. Il fallait choisir.
- Ce nest pas cela, dit Rambert. Jai toujours pensé que jétais étranger à cette ville et que je navais rien à faire avec vous. Mais maintenant que jai vu ce que jai vu, je sais que je suis dici, que je le veuille ou non. Cette histoire nous concerne tous.
Personne ne répondit et Rambert parut simpatienter.
Vous le savez bien dailleurs! Ou sinon que feriez-vous dans cet hôpital? Avez-vous donc choisi, vous, et renoncé au bonheur?
Ni Tarrou ni Rieux ne répondirent encore. Le silence dura longtemps, jusquà ce quon approchât de la maison du docteur. Et Rambert, de nouveau, posa sa dernière question, avec plus de force encore. Et, seul, Rieux se tourna vers lui. Il se souleva avec effort:
- Pardonnez-moi, Rambert, dit-il, mais je ne le sais pas. Restez avec nous puisque vous le désirez.
Une embardée de lauto le fit taire. Puis il reprit en regardant devant lui:
- Rien au monde ne vaut quon se détourne de ce quon aime. Et pourtant je men détourne, moi aussi, sans que je puisse savoir pourquoi.
Il se laissa retomber sur son coussin.
- Cest un fait, voilà tout, dit-il avec lassitude. Enregistrons-le et tirons les conséquences.
Quelles conséquences? demanda Rambert.
- Ah! dit Rieux, on ne peut pas en même temps guérir et savoir. Alors guérissons le plus vite possible. Cest le plus pressé.
Lexistence humaine pourrait être racontée comme lhistoire dune quête infatigable du bonheur individuel et/ou collectif (eudemonia aristotélicienne). Lhomme nest au fond quun perpétuel Épicure pour qui lamour est le commencement et la fin dune vie heureuse.
Parler du bonheur au milieu du malheur général, voilà un débat étrange! Si lappel du bonheur se fait trop pressant, il arrive que la tristesse se lève au cur de lhomme; cest la victoire du rocher. Mais [si] les vérités écrasantes périssent dêtre reconnues, seules la vigilance et la lucidité sont la prophylaxie du mal, tandis que la révolte solidaire en est la thérapeutique. La première évidence que la catastrophe apporte est que cette histoire nous concerne tous. Telle est dailleurs la leçon quon tire du texte de la quatrième partie du roman-chronique de Camus. Si Rieux, par son métier et par conviction, et Tarrou, par principe, sengagent dans laction combattive, Rambert, le journaliste parisien arrivé à Oran pour y faire un reportage, emploie tous les moyens pour sen évader et rejoindre sa bien aimée. Son trajet, du Nord continental (Paris) vers le Sud maritime (Oran), équivaut à une descensus ad inferos. Il se voit éloigné de son moi, ce qui est associé à une perte, à une diminution au cours de cette catabase. Et pourtant, la descente savère nécessaire prenant des allures de trajet initiatique pour mieux accomplir son parcours anagogique. Au début doctobre, une chance dévasion soffre au journaliste. Le jour fixé il se rend à lhôpital et demande à Tarrou de le conduire auprès de Rieux et cest au cours de cette visite que Rambert annoce sa décision de ne plus quitter la ville pestiférée.
Les événements sont racontés par un narrateur situé en dehors de lhistoire, semble-t-il, ce qui en fait lobjectivité et lallure de chronique. Ce ne sera quen fin de roman que le narrateur quitte lanonymat et se dévoile dans la personne du docteur Rieux. Ce système cryptographique ne vise pas à piquer la curiosité du lecteur, il répond au souci délicat de réduire la part des éléments personnels dans un témoignage qui reste cependant direct. Camus réussit à donner une voix au Nous, à ne pas tomber dans le On car le véritable héros de ces pages nest pas le moi, mais le nous élevé à la dignité de lêtre particulier. (Rachel Bespaloff, Esprit, janvier 1950, article intitulé Le monde du condamné à mort)
Dans le texte étudié, la vision du dehors cède la place à la vision par derrière: une fois pour communiquer létat de malaise de Rambert dans la salle dhôpital, et une seconde fois pour enregistrer brièvement lépuisement du docteur: Rieux semblait incapable démerger de sa fatigue. (La Peste, p.89)
Rien de nouveau et pourtant on y perçoit un geste moderne, celui par lequel le texte domine le sens. Son tissu privilégie la scène, préparée par la description du décor, les répliques du dialogue étant séparées (ou réunies) par des silences réflexifs (pour les locuteurs comme pour le lecteur), par de brèves descriptions (chaque fois que lun deux parlait, le masque de gaze se gonflait et shumidifiait à lendroit de la bouche) ou par des sommaires (Le silence dura longtemps) Certains brefs commentaires, entrecroisant le dialogue, ont lair des didascalies, indications scéniques ou enregistrenments des états de Rieux: épuisement accompagné dune voix sourde; redressement et voix ferme; effort de soulèvement; abandon sur son coussin. Cette courbe de leffort physique et psychique du docteur semble tracer les moments du combat avec le mal.
Il faut parler mais pour se mettre sur le bon chemin (La Peste, p.113) sa parole doit être claire. Et en effet, ces prises de parole sont en fait des prises de position.
Discours direct et discours indirect alternent presque tout le long du dialogue afin peut-être déviter la monotonie textuelle ou pour limiter le subjectivisme et glisser un souffle de doute sur la liberté de pensée et dexpression du locuteur. La substitution de la personne subjective je par la non-personne il et lintroduction du subordonnant que, traits du discours indirect, suggèrent limpossibilité des trois personnages de secouer loppression du mal. Même en sen éloignant spatialement (substitution de la salle dhôpital par lespace fermé de la voiture du docteur), celui-ci continue de les guetter subversivement. À mesure que la distance saccroît lindépendance discursive saffermit, vu limpératif du témoignage de la solidarité mais aussi parce que laction se fait pressante et la décision imminente.
À cette dualité de discours sajoute celle despace de déroulement de la conversation. amorcée déjà à lhôpital, elle continue dans la voiture de Rieux conduite par Tarrou .
La surprise de la présence de Rambert est exprimée par Rieux dans sa question presque brutale Que faites-vous ici? qui sintéresse moins à lobjet de sa visite. La fonction phatique du langage est absente (le temps ne le permet pas) mais non la politesse et la fonction conative (reconnaissable plus loin à travers lapostrophe et limpératif). Et pourtant Rieux ne permet pas à Rambert duser de son droit à la parole, renonce à une seconde proposition dont le conditionnel devriez atténue la brusquerie de son interrogation et introduit une nuance déventualité. Ce tandem discursif semble avoir également le rôle de faire ressortir lopposition des déictiques ici / ailleurs. Le premier connote la ville maudite, Oran, lautre peut renvoyer à la ville de Paris (lieu de départ du journaliste) ou tout autre espace promis au bonheur. Cest comme si lespoir de Rieux était trahi.
La réponse vient enfin mais de manière allusive (pour des raisons circonstancielles ou dincertitude) et indirectement, par lintermédiaire de Tarrou tandis que Rambert y ajoute un laconique: En principe, suggérant la distance par rapport au passé.
Une fois installés tous les trois dans la voiture de Rieux, Rambert fait de nouveau appel au docteur censé, en vertu dun humanisme teinté déthique professionnelle, savoir écouter et restaurer la confiance. En outre, il connaît lui aussi le renoncement et la séparation de lêtre aimé: encore une raison de confiance et de communion avec linstance guérissante.
Après létablissement du contact par lentremise de lapostrophe, le journaliste annonce tout dun coup, comme pour sen libérer, sa décision paradoxale de rester à Oran. La simplicité de lénoncé déclaratif cache un long débat intérieur dont il nest que laboutissement discursif. Deux propositions le composent, reliées par le connecteur et: la première, (variable propositionnelle), négative, annulant le départ et classant ainsi le passé; la seconde, (constante propositionnelle), une affirmative qui tout en équivalant sémantiquement à la précédente, la surpasse par la manifestation de volonté quelle exprime. Lemploi de lindicatif présent y est encore une preuve de certitude, de décision inébranlable. Les répliques sont brèves, réduites au matériau lexical strictement nécessaire à létablissement de la communication. Lélan langagier, léloquence seraient dailleurs inconcevables à proximité de la souffrance humaine. Une certaine tension se laisse percevoir dans lantithèse des déictiques je / vous, atténuée quand même par leur cohabitation phrastique: Je voudrais vous parler qui exprime non seulement le désir communicatif mais aussi limpatience de la solidarité, du nousdont la chance est offerte par le docteur: Nous sortirons ensemble, si vous le voulez bien.
La première partie du dialogue sétaie sur le mode désidératif (fréquence trois du verbe vouloir) qui ne tient quau début de lordre communicationnel pour sengager ensuite vers lordre actuel-factuel (cf. Actualis = agissant):
je veux rester avec vous. Vous = Rieux et Tarrou = agents du Bien, de la santé physique et morale.
Cest un silence réflexif, pas du tout indifférent qui succède à cette déclaration surprenante et qui ouvre la seconde partie du dialogue. Ou bien cest leffet du choc, refoulé chez Tarrou et caché sous la fatigue chez Rieux. En sy arrachant péniblement (sa voix est sourde), il lance une petite question inquiétante: Et elle? Éclatement de la pensée essayant de se faire et de sexprimer: [e el]. Rien quune conjonction suivie dun pronom personnel renvoyant à sa bien-aimée, à lamour et au bonheur à perdre en prenant une telle décision. La conjonction témoigne de la participation, de la connivence et branche le discours intérieur à la parole, lénonciation à lénoncé.
Cela suffit à Rambert pour déclencher le flux argumentatif car sa décision nest pas du tout spontanée, irréfléchie. Mais sans changer de conviction, le journaliste change de perspective. En amont il avait déclaré: Je ne crois pas à lhéroïsme
Ce qui mintéresse cest quon vive et quon meure de ce quon aime. (II-e chapitre, p.80), mais entre temps il a coopéré avec les équipes sanitaires et la perspective de la fuite lui fait honte maintenant. Il a appris que le bonheur dêtre auprès de sa bien-aimée ne pourrait être complet et il se sentirait comme un lâche parce que les remords, la honte et les images de la souffrance finiraient par assombrir lamour.
Face à ce nouveau problème, la générosité, la compréhension et le devoir animent le docteur qui se redresse pour plaider dune voix ferme en faveur du bonheur. Cependant, la réaction de Rambert sera prompte: tout en affirmant, théoriquement, son accord, il avance léventualité dune opposition, perceptible linguistiquement aussi, par la succession immédiate du connecteur mais à laffirmatif oui et par la distinction entre le terme bonheur, employé par le docteur, nom générique se rapportant à lespèce humaine, et heureux, employé par Rambert, adjectif descendant au niveau de lindividu et passant de la notion abstraite à létat concret de lêtre humain. Ce qui, quelques pages auparavant, était encore valable pour le journaliste le bien public est fait du bonheur de chacun (p.54), maintenant ne lest plus:il peut y avoir de la honte à être heureux tout seul.
Cest le tour de Tarrou, qui nayant manifesté jusque là aucun désir langagier, prononce une phrase indépendante, fermée sur elle, sans objet ni direct ni indirect, expression parfaite, la plus nette de la maîtrise de soi, de ce qui semble être lincarnation de la direction, de lautorité. La phrase qui prépare son intervention discursive renforce cette impression en permettant la lecture du syntagme sétait tu [sete ty] comme [c]est têtu [sete ty], confirmée par la présence du mot tête. On pourrait substituer à la fois le definiendum (conduire) par le definiens (sa définition) ce qui certifie lhypothèse avancée en amont: Tarrou menait en étant à la tête (= conduisait). Il ne déclare pas, comme ses interlocuteurs, mais fait remarquer, révèle, voix de la vérité (discours indirect). Tout en gardant son immobilité, son inflexibilité (sans tourner la tête) (Jai entendu tant de raisonnements qui ont failli me tourner la tête
, déclare Tarrou à la page 112) statue du logicien, du prophète qui regarde tout droit , il attire lattention de son interlocuteur, sans le ménager, sur lessence du problème, qui ne consiste pas à opposer le bonheur collectif au bonheur individuel mais le malheur des hommes, de la majorité, au bonheur de lhomme, de lun. Tarrou récuse le compromis, lidée dhybride et, servant sans défaillance le principe du tiers exclu, il naccepte pas les demi-mesures. Cest son devoir davertir le journaliste une fois sur lobligation de choisir soit le service de lhumanité calamitée et son propre malheur, soit la joie personnelle et encore une fois sur ce moment de crise au sens de décision.
Face à cette situation, Rambert se met à lécart de linterprétation de Tarrou et condense en quelques phrases (aperçu de la connaissance en neuf verbes et cinq phrases) cette évolution irréversible quil a vécue du solitaire au solidaire. Il sy agit de lévolution dont parle Camus dans sa Lettre à Roland Barthes sur La Peste (publiée dans Club, février 1955): Sil y a évolution de L Étranger à La Peste, elle sest faite dans le sens de la solidarité et de la participation. (Notice sur La Peste par Louis Faucon, Larousse, 1978, p.28)
Cet épicuréen quétait le journaliste, se croyait, dans son aveuglement égoïste, étranger à la ville infernale. Et quoi de plus propice à la prolifération du mal que lindifférence? Car le danger est de shabituer à côtoyer le mal et den garder le silence, dy consentir. La prise de conscience de Rambert na été possible quaprès lexpérience du malheur, de la souffrance humaine, à laquelle se sont superposés la force persuasive des deux combattants et leur exemple. Il a compris que le combat du fléau, quel que soit son nom, nest pas le faire dun individu ou dun autre mais de tous. La seule chance dexister au monde est celle exprimée par ce raisonnement camusien: Je me révolte, donc nous sommes. Car si le fait dhabiter le mal est indépendant de la volonté de lêtre humain, le fait de le combattre en dépend exclusivement. On y trouve également une leçon de philosophie qui nous apprend quil ny a pas de savoir a priori; il faut avoir traversé la connaissance sensorielle pour arriver à la connaissance rationnelle et quil faut apprendre à regarder pour voir. En effet, ce nest quaprès avoir vu (étape achevée, exprimée à laide du passé composé) que le journaliste sait (indicatif présent) quil appartient volens nolens à ce hic et nunc urgent. Le trajet initiatique ne fait que préparer son ascension à la solidarité. Le moment nest plus à la décision mais à laction solidaire. Cette conclusion est exprimée avec concision dans une phrase simple à valeur daphorisme et de devise: Cette histoire nous concerne tous. Les constituants en sont modestes: un adjectif démonstratif, un nom commun, histoire, qui renvoie dune part à lévénement, au référent et dautre part au récit écrit; un embrayeur personnel, nous; un verbe exprimant lévidence par sa conjugaison à lindicatif présent, concerne; un pronom indéfini tous. Celui-ci élargit la portée du message en léclaircissant. Le pronom personnel nous serait passé presquinaperçu (désignant uniquement les personnages) sil ny avait pas eu le pronom indéfini qui implique également le lecteur en tant que témoin et possible écrivain. Comme une pyramide défiant le temps, cette phrase est séparée du reste par un néant (selon Sartre) où lon peut lire et penser, néant animé par limpatience de Rambert qui répond à la place (le connecteur transitif le permet) des interrogés dont lengagement est pourtant la meilleure réponse. Quelque paradoxal que cela puisse paraître, en se solidarisant avec eux, le journaliste sauve son bonheur car veiller à la santé des autres pourrait engendrer le contentement du devoir accompli. Mais il attend la confirmation ou linfirmation de son espoir inavoué de la part de ceux qui ont lexpérience de la révolte. Cependant, le silence introspectif se prolonge rendant difficile le retour à lontologie. Cest toujours Rieux qui tourne son soi vers lautre, comme pour soffrir tel quil est: un homme nullement omniscient et qui ne peut instruire parce quil vit paradoxalement dans le renoncement et le risque tout en étant convaincu quaucune idée ne vaut quon lui sacrifie le bonheur.
Le rythme saccélère vers la fin de la scène, les phrases sont brèves, composées dimpératifs traduisant la transformation de la déontologie médicale en programme daction. La leçon de Rieux est quil faut faire ce quil y a de plus urgent à un moment donné et la générosité de sa pensée cède la place à la fermeté daction. Tandis que le commencement du dialogue était centré sur le mode du vouloir, la suite est construite sur le mode du savoir (dont la fréquence doccurrences est six).
Les trois personnages se situent sur des positions différentes: Rambert le sentimental, a acquis un savor partiel, celui dune expérience limitée du mal; Tarrou, le cérébral, est le possesseur dun savoir global, abstrait; Rieux, le docteur humanitaire, possède un savoir-faire nécessaire pour guérir. Séparés en philosophie, ils se rejoignent dans laction.
On a déjà remarqué le changement de contexte communicationnel au cours du dialogue. Le premier se prête à une description plus ample que le second, vu limportance de la salle dhôpital: lieu de la souffrance, de la mort ou de la guérison. La description de celle-ci est préparée par une profusion dactes (Tarrou tire deux masques de gaze hydrophile, en tend un à Rambert, linvite à sen couvrir, le journaliste demande, Tarrou répond) et par léveil de la curiosité: on voyait un curieux mouvement dombres. (p. 88) Franchir le seuil de la salle est déjà un acte invitant à lactivation de la perception et forcément à la description. Lembrayeur personnel ils, désignant un agent pluriel, est éloquent pour la concomitance des gestes et pour lunion dans laction à venir (acte prémonitoire) préparée par celle consistant à déplacer un obstacle concret: la porte vitrée qui permet laccès à la salle dhôpital. Pour ce qui est de lembrayeur verbal, le narrateur préfère pousser à ouvrir vu que le premier fait référence à une force agissante qui met en mouvement
(cf. Petit Robert), tandis que lautre met simplement en communication lextérieur et lintérieur. Le débouché est suggéré par le passage des voyelles postérieures [u], [>] à la voyelle antérieure: [e ], [ µ ] ils poussèrent la porte vitrée& Le synatgme immense salle prononcé comme s il y avait un seul mot, configure un espace tendant à l infini mais que les fenêtres obstruent car elles sont hermétiquement closes .
Après les images visuelles cest le tour des images sonores de stimuler le système de perception. Ce sont dabord les sons émis par les ventilateurs [- animés] qui se font entendre. Leur ronronnement est évoqué par la dissémination de quatorze r à lintérieur de la phrase. Le fonctionnement des appareils renvoie nécessairement à lhomme mais il nest que souffrance et gémissements suggérés par les métaplasmes:
de tous les côtés montaient des gémissements sourds ou aigus
quune plainte monotone
[e o e õ e e e ã u u e y y µ o o o]
et leur réitération: 8e; 5 o; 3u; 2 i; 2y.
Et comme la maladie appelle les officiers de la santé, en voilà quelques-uns qui ne se distinguent des autres hommes que par leur habit blanc et par une certaine lenteur des gestes. Cest avec eux quapparaît la lumière, absente jusque là, ce qui nous fait penser aux docteurs comme à des anges du bien. Sil y a une polémique du récit et de la description on trouve aussi des moments damnistie et dalliance dans le roman sil ne sagit de lanagrammatisation. Il faut faire attention aux quarts de mots, comme nous le conseille Paulhan, et à une simple lettre, à la consonne r, par exemlpe, qui saccumule vers la fin de la description de la salle en rencontrant les consonnes [b] et [t] et les voyelles [a], [ã], [e]:
dans la lumière cruelle que déversaient les hautes baies garnies de barreaux.
[ã e r r e e e r e e e a r b a r]
Lintention en serait dannoncer la présence de Rambert qui ne tarde pas dapparaître au commencement de la phrase suivante. Le nom du personnage tente de sécrire entre les lettres de la phrase précédente. En revenant à la troisième phrase, la prolifération de la même lettre (dont la fréquence y est 14!) nous fait observer que cette description est travaillée par linitiale R des noms des deux personnages: Rieux et Rambert; lair pourrait être lu comme lhomophone de [lr].
Tout séclaire maintenant: la salle est donc vue par lil de Rambert et décrite de son point de vue, ce qui nous permet dy reconnaître un exemple de focalisation interne. Lemploi du syntagme lumière cruelle qui semblait étrange (lumière = [-humain]; cruelle = [+humain]) sexplique par la prise de conscience du journaliste, processus qui ne se fait pas dans la joie. Si lon relit baie comme petit golf alors cette salle dhôpital, espace de la claustration, de la mort, cest la ville dOran (ville maritime) peuplée de malades et de médecins, sévie par le fléau et ses victimes. Étant donné que le terme lumière peut connoter intelligence, la phrase la lumière
que déversaient les
baies garnies de barreaux pourrait donner lieu à une interprétation telle: intelligence emprisonnéee dans la ville isolée. Et Rambert, pris entre la maladie et la santé, se sent[it] mal à laise dans la terrible
chaleur
[sã te] = santé
[mal a d i] = maladie
Le visiteur a du mal à reconnaître le docteur qui émerge, au niveau textuel, par son patronyme, tandis que son malade nest plus un être vivant mais une forme gémissante. Cette image achève une phrase suivie dune autre souvrant logiquement par le terme désignant le métier quon regarde exercer. Limage nest pas trop ample mais symbolique: le pestiféré, comme un forcené, est écartelé et le docteur, en exorciste, chasse le mal, les ennemis:
incisait les aines du malade que deux infirmières
[lez en mi ] = les ennemis
Après lopération, même si le déplacement ne seffectue pas encore, il y a du mouvement: le corps du docteur retrouve la verticale qui nest pas une conquête absolue car le regard continue de rester attaché au malade appelé enfin homme, en train de renaître par la pensée conception du docteur (en vertu de lhomophonie de panser, penser et pensée).
Mais lhomme quon était en train de panser (entendu comme pensé = conçu) ne pourrait-il être Rambert aussi? Cest au cours du dialogue introduit en scène par la description (et par cette phrase) que Rambert sera pensé (jugé) et quil se pensera (se concevra) en tant que révolté solidaire.
LART DU VERBE ET LE SYSTÈME MODÉLISANT SECONDAIRE
(lecture dune page proustienne)
Mais le concert recommença et Swann comprit quil ne pourrait pas sen aller avant la fin de ce numéro du programme. Il souffrait de rester enfermé au milieu de ces gens dont la bêtise et les ridicules le frappaient dautant plus douloureusement quignorant son amour, incapables, sils lavaient connu, de sy intéresser et de faire autre chose que den sourire comme dun enfantillage ou de le déplorer comme une folie, ils le lui faisaient apparaître sous laspect dun état subjectif qui nexistait que pour lui, dont rien dextérieur ne lui affirmait la réalité; il souffrait surtout, et au point que même le son des instruments lui donnait envie de crier, de prolonger son exil dans ce lieu où Odette ne viendrait jamais, où personne, où rien ne la connaissait, doù elle était entièrement absente.
% Mais tout à coup ce fut comme si ellle était entrée, et cette apparition lui fut une si déchirante souffrance qu il dut porter la main à son cSur. C est que le violon était monté à des notes hautes où il restait comme pour une attente, une attente qui se prolongeait sans quil cessât de les tenir, dans lexaltation où il était dapercevoir déjà lobjet de son attente qui sapprochait, et avec un effort désespéré pour tâcher de durer jusquà son arrivée, de laccueillir avant dexpirer, de lui maintenir encore un moment de toutes ses dernières forces le chemin ouvert pour quil pût passer, comme on soutient une porte qui sans cela retomberait. Et avant que Swann eût eu le temps de comprendre, et de se dire: Cest la petite phrase de la sonate de Vinteuil, nécoutons pas! tous ses souvenirs du temps où Odette était éprise de lui, et quil avait réussi jusquà ce jour à maintenir invisibles dans les profondeurs de son être, trompés par ce brusque rayon du temps damour quils crurent revenu, sétaient réveillés et, à tire-daile, étaient remontés lui chanter éperdument, sans pitié pour son infortune présente, les refrains oubliés du bonheur.
% Au lieu des expressions abstraites temps où j étais heureux , temps où j étais aimé , qu il avait souvent prononcées jusque-là et sans trop souffrir, car son intelligence n y avait enfermé du passé que de prétendus extraits qui n en conservaient rien, il retrouva tout ce qui de ce bonheur perdu avait fixé à jamais la spécifique et volatile essence; il revit tout: les pétales neigeux et frisés du chrysanthème quelle lui avait jeté dans sa voiture, quil avait gardé contre ses lèvres ladresse en relief de la Maison Dorée sur la lettre où il avait lu: Ma main tremble si fort en vous écrivant le rapprochement de ses sourcils quand elle lui avait dit dun air suppliant: Ce nest pas dans très longtemps que vous me ferez signe?; il sentit lodeur du fer du coiffeur par lequel il se faisait relever sa brosse pendant que Lorédan allait chercher la petite ouvrière, les pluies dorage qui tombèrent si souvent ce printemps-là, le retour glacial dans sa victoria, au clair de lune, toutes les mailles dhabitudes mentales, dimpressions saisonnières, de réactions cutanées, qui avaient étendu sur une suite de semaines un réseau uniforme dans lequel son corps se trouvait repris. À ce moment-là il satisfaisait une curiosité voluptueuse en connaissant les plaisirs des gens qui vivent par lamour. Il avait cru quil pourrait sen tenir là, quil ne serait pas obligé den apprendre les douleurs; comme maintenant le charme dOdette lui était peu de chose auprès de cette formidable terreur qui le prolongeait comme un trouble halo, cette immense angoisse de ne pas savoir à tous moments ce quelle avait fait, de ne pas la posséder partout et toujours! Hélas, il se rappela laccent dont elle sétait écriée : Mais je pourrai toujours vous voir, je suis toujours libre! elle qui ne létait plus jamais! Lintérêt, la curiosité quelle avait eus pour sa vie à lui, le désir passionné quil lui fît la faveur redoutée au contraire par lui en ce temps-là comme une cause dennuyeux dérangements de ly laisser pénétrer; comme elle avait été obligée de le prier pour quil la laissât mener chez les Verdurin: et quand il la faisait venir chez lui une fois par mois, comme il avait fallu, avant quil se laissât fléchir, quelle lui répétât le délice que serait cette habitude de se voir tous les jours dont elle rêvait, alors quelle ne lui semblait à lui quun fastidieux tracas, puis quelle avait prise en dégoût et définitivement rompue, pendant quelle était devenue pour lui un si invincible et si douloureux besoin. Il ne savait pas dire si vrai quand, à la troisième fois quil lavait vue, comme elle lui répétait: Mais pourquoi ne me laissez-vous pas venir plus souvent?, il lui avait dit en riant, avec galanterie: par peur de souffrir. Maintenant, hélas! il arrivait encore parfois quelle lui écrivît dun restaurant ou dun hôtel sur du papier qui en portait le nom imprimé; mais cétait comme des lettres de feu qui le brûlaient. Cest écrit de lhôtel Vouillemont? Quy peut-elle être allée faire? avec qui? que sest-il passé? Il se rappela les becs de gaz quon éteignait boulevard des Italiens, quand il lavait rencontrée contre tout espoir parmi les ombres errantes, dans cette nuit qui lui avait semblé presque surnaturelle, et qui en effet nuit dun temps où il navait même pas à se demander sil ne la contrarierait pas en la cherchant, en la retrouvant, tant il était sûr quelle navait pas de plus grande joie que de le voir et de rentrer avec lui appartenait bien à un monde mystérieux où on ne peut jamais revenir quand les portes sen sont fermées. Et Swann aperçut, immobile en face de ce bonheur revécu, un malheureux qui lui fit pitié parce quil ne le reconnut pas tout de suite, si bien quil dut baisser les yeux pour quon ne vît pas quils étaient pleins de larmes. Cétait lui-même.
Proust est le créateur dun discours romanesque axé sur la dimension temporelle en opposition avec celui mis en circulation par le réalisme. En effet, Balzac et ses imitateurs produisent un discours de lespace qui engendre le personnage fabriqué par le cocon spatial mais finalement étouffé par ce même déterminisme du milieu.
Par contre, le discours proustien se tisse au fur et à mesure que le moi se découvre dans sa relation avec le temps et cette introspection-plongée dans la dimension temporelle fait surgir des espaces, des images, des êtres comme dans ce jeu où les Japonais samusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli deau, de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés, sétirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages
(Du côté de chez Swann). Lécriture savère être une revanche sur lirréversibilité temporelle, art du salut par excellence puisque art du temps comme la musique. Mais, dans son expression la plus parfaite, la littérature possède la force de fixer léphémère musical pour les lecteurs. Cest ce dont témoigne le texte extrait de la dernière partie dUn amour de Swann, losque le protagoniste, exclu du salon des Verdurin, accepte linvitation chez Madame de Saint-Euverte. Le souvenir dOdette quil croyait avoir oubliée surgit de la petite phrase de la sonate de Vinteuil, air national de leur amour.
Le fragment choisi est structuré en trois paragraphes à dimensions ascendentes. La disposition typographique nous renseigne déjà sur lintérêt minimal porté au cadre (au premier paragraphe, le plus court de tous les trois), sur limportance attachée au stimulus musical déclencheur du souvenir et aux liens qui unissent la littérature à ce système modélisant secondaire (deuxième paragraphe) et notamment à lessence du souvenir (dernier paragraphe).
Contrairement à ses prédecesseurs, les écrivains réalistes, Proust ne prête pas trop dintérêt à la fonction référentielle du langage qui suggère plutôt latmosphère du salon où les règles (impossible de sortir pendant le concert) écrasent toute initiative ou improvisation. Nous la percevons à travers lécart qui se creuse entre le protagoniste et les salonards. La rigidité du programme et lindifférence de ces derniers donnent à Swann la sensation de claustration, dexil douloureusement ressenti en raison de labsence de lêtre aimé. La séparation des amants sinscrit textuellement sous la forme de lécart qui relègue le nom de Swann au début du paragraphe sans aucune chance de rejoindre celui dOdette, placé en fin de paragraphe. Mais au centre de cet espace de la mondanité cest le moi souffrant puisque tout le paragraphe repose sur lisotopie de la souffrance (il souffrait, douloureusement, envie de crier), renforcée par laccumulation des négations (jamais, personne, rien). Ce texte confirme laffirmation selon laquelle le discours proustien est un discours sur le dedans, sur le moi, tandis que le roman réaliste produit un discours sur lextérieur.
Par ailleurs, Proust possède lart de créer des surprises en maniant de main de maître le matériau lexical, les connecteurs et les temps verbaux. Ainsi, après linsistance sur labsence irrévocable dOdette, le début du deuxième paragraphe nous surprend-il par un coup de théâtre minutieusement réalisé grâce au connecteur mais, au modalisateur tout à coup et au passé simple qui, selon Jacques Borel , marque les événements douloureux de la vie du narrateur. Son art semble atteindre son plus haut degré dexpression lorsque le verbe proustien devient musique. Car les éléments linguistiques qui composent la phrase proustienne font résonner dans loreille du lecteur la fameuse phrase de la sonate de Vinteuil. La prolongation des notes musicales ne saurait mieux se traduire que par létirement de lénoncé et son prolongement sur plusieurs lignes, leurs effets conjugués créant ainsi la sensation dattente. Deux figures se donnent la main pour rendre compte de lart du romancier et opérer le transcodage de ce système modélisant secondaire quest la musique: lhypotypose et la métonymie de leffet. Lhypotypose est un mot dorigine grecque signifiant image, tableau.et cest lorsque, dans les descriptions, on peint les faits dont on parle comme si ce quon dit était actuellement devant les yeux; on montre, pour ainsi dire, ce quon ne fait que raconter; on donne en quelque sorte loriginal pour la copie, les objets pour les tableaux. Lisotopie de lattente, les trois occurrences de ce même terme, lemploi de limparfait et lextension de la phrase, pareillement aux longs sanglots dun violon, font retenir le souffle du lecteur. Mais si le texte crée une image, cest surtout celle dOdette, ou plus précisément son nom que la phrase scande au moyen de lanagrammatisation. Ainsi, les assonances en [o], [e] et les allitérations en [d] et [t], disséminées le long de la phrase, rappellent comme un écho douloureux le nom de lobjet de cette attente. Absente du référent, Odette est donc présente textuellement: Cest que le violon était monté à des notes hautes
Le finale de lénoncé se transforme en un cri (allitération en i), semblable aux notes hautes du violon (de laccueillir avant dexpirer, de lui maintenir
), qui agonise essayant désespérément de ne pas clore la phrase. Cette porte que la musique singénie à ne pas fermer, seule la mémoire peut la maintenir ouverte. Mais si la musique joue le rôle de détonateur analogique, de stimulus du souvenir, et donc dinspiratrice du verbe, la littérature possède le pouvoir dassurer la vie de celle-là la projetant dans léternité.
La seconde figure à laquelle nous fait penser ce paragraphe sappelle métonymie de leffet, figure par laquelle on identifie un personnage ou une chose avec son ouvrage ou son effet. Comme la phrase musicale est inséparable de lamour de Swann et dOdette, sa transposition linguistique fait instantanément apparaître limage de lêtre aimé, lénoncé étant travaillé par les sons du nom de la personne aimée. Par ailleurs, le fini des signifiants, par leur agencement et leur récurrence, parvient à nous élever dans linfinitude, sémantiquement créée par lentremise dun champ lexical de la durée composé des termes: attente, rester, prolonger, sans cesse, tenir, sapprocher, durer, effort désespéré, maintenir, avant dexpirer, encore, chemin ouvert, soutient, tâcher. On trouve là tout le désir de permanence de lartiste en quête déternité.
La mémoire affective déclenchée par la phrase musicale subvertit la linéarité de lacte de lecture et lirréversibilité du temps passé. Dans léconomie discursive elle dicte, régit la disposition typographique. Immobilisé dans lespace clos du présent, le moi faussé, le moi mondain, obligé à la solitude au milieu de la multitude, fera place, après le choc de la mémoire affective, au moi authentique, moi souffrant et libéré des entraves des bienséances. Le temps passé fait disparaître le salon en lui substituant les espaces de lamour et éliminant le présent au troisième paragraphe.
Si la mémoire affective agit spontanément (à tire daile, tout à coup) excluant la compréhension rationnelle (avant que Swann eût eu le temps de comprendre), la mémoire volontaire (lintelligence) fige le passé amoureux dans des expressions abstraites (temps où jétais aimé, temps où jétais heureux). En outre, la mémoire involontaire révèle et en fait émerger lessence. Mais si lon sattendait à une évocation cohérente, à une fable point nest le cas. Nous apprenons que cette essence persiste à travers les sensations fulgurantes et imperceptibles, quelle est faite des intermittences du cur, des contretemps sentimentaux qui tissent un filet autour des deux amoureux. Et ce processus de remémoration équivalant à une prise de conscience de la souffrance, saccompagne dune sorte de catharsis permettant le salut de lamoureux abandonné justement et seulement grâce à la rencontre de la littérature et de la musique.
Une autre piste de lecture nous conduirait à faire le chemin inverse, de la littérature aux signes de ce système modélisant secondaire de la musique pour mieux les appréhender à travers les signes du langage naturel, étant donné que la conscience de lhomme est une conscience linguistique.
CONTINUITÉ ET RUPTURE DANS UNE PAGE FLAUBERTIENNE
(étude dun texte extrait du chapitre VIII de la deuxième partie de Madame Bovary de Gustave Flaubert)
M. Lieuvain se rassit alors; M. Derozerays se leva, commençant un autre discours. Le sien, peut-être, ne fut point aussi fleuri que celui du Conseiller: Mais il se recommandait par un caractère de style plus positif, cest-à-dire par des connaissances plus spéciales et des considérations plus relevées. Ainsi, léloge du gouvernement y tenait moins de place: la religion et lagriculture en occupaient davantage. On y voyait le rapport de lune et de lautre, et comment elles avaient concouru toujours à la civilisation. Rodolphe, avec Mme Bovary, causait rêves, pressentiments, magnétisme. Remontant au berceau des sociétés, lorateur vous dépeignait ces temps farouches où les hommes vivaient de glands, au fond des bois. Puis ils avaient quitté la dépouille des bêtes, endossé le drap, creusé des sillons, planté la vigne. Était-ce un bien, et ny avait-il pas dans cette découverte plus dinconvénients que davantages? M. Derozerays se posait ce problème. Du magnétisme, peu à peu, Rodolphe en était venu aux affinités, et, tandis que M. le Président citait Cincinatus à sa charrue, Dioclétien plantant ses choux, et les empereurs de la Chine inaugurant lannée par des semailles, le jeune homme expliquait à la jeune femme que ces attractions irrésistibles tiraient leur cause de quelque existence antérieure.
Ainsi, nous, disait-il, pourquoi nous sommes-nous connus? Quel hasard la voulu? Cest quà travers léloignement, sans doute, comme deux fleuves qui coulent pour se rejoindre, nos pentes particulières nous avaient poussés lun vers lautre.
Et il saisit sa main: elle ne la retira pas.
Ensemble de bonnes cultures! cria le président.
Tantôt, par exemple, quand je suis venu chez vous
A M. Bizet, de Quincampoix.
Savais-je que je vous accompagnerais?
Soixante et dix francs!
Cent fois jai voulu partir, et je vous ai suivie, je suis resté.
Fumiers.
Comme je resterais ce soir, demain, les autres jours, toute ma vie!
À M. Caron, dArgueuil, une médaille dor!
Car jamais je nai trouvé dans la société de personne un charme aussi complet.
A M. Bain, de Givry-Saint-Martin!
Aussi, moi, jemporterai votre souvenir.
Pour un bélier mérinos
Mais vous moublierez, jaurai passé comme une ombre.
A M.Belot, de Notre-Dame
- Oh! Non, nest-ce pas, je serai quelque chose dans votre pensée, dans votre vie?
Race porcine, prix ex æquo: à MM. Lehérissé et Cullembourg; soixante francs!
Ce texte repose presque entièrement sur la dualité qui touche le discours rapporté: direct et indirect (seules deux phrases sont en style indirect libre: lignes 10, 11); les thèmes: agriculture / amour; les plans communicationnels: orateur assistance des Comices agricoles; Rodolphe Mme Bovary. Le sommaire introductif du narrateur nous fait connaissance, sans émettre aucun jugement moral, avec les énonciateurs: M. Derozerays, président du jury des Comices agricoles et Rodolphe, un jeune homme en passe de séduire la protagoniste. Son seul commentaire porte sur le style de lorateur [son discours ne fut point aussi fleuri que celui du Conseiller; mais il se recommandait par un caractère de style plus positif, cest-à-dire par des connaissances plus spéciales et des considérations plus relevées
] et sur les thèmes abordés par les locuteurs (religion et agriculture pour M.Derozerays; rêves, pressentiments, magnétisme pour Rodolphe). En dépit de la discordance thématique, les deux discours reposent sur la même technique, celle de la persuasion, et visent à séduire les publics. Nouvelle ressemblance, car ni lassistance des Comices ni Emma nassument à aucun instant le rôle de locuteurs. Cela pourrait faire croire au lecteur qui se contente dun simple coup dil à la disposition typographique de cette page flaubertienne quil sagit dun dialogue dont les interlocuteurs ne sont autres que M. Derozerays et Rodolphe.
Le narrateur se plaît encore à nous dérouter en faisant parler les deux locuteurs au cours de la même phrase grâce au discours indirect anticipant ainsi lécriture du nouveau roman [du magnétisme, peu à peu, Rodolphe en était venu aux affinités, et, tandis que M. le président citait Cincinnatus à sa charrue, Dioclétien plantant ses choux, et les empereurs de la Chine inaugurant lannée par des semailles, le jeune homme expliquait à la jeune femme que ces attractions irrésistibles tiraient leur cause de quelque existence antérieure]. Par ailleurs, les deux énonciateurs ont recours dans leur stratégie persuasive à largument historique en vertu, peut-être, du présupposé du rôle fondateur que joue le retour à lillud tempus.
Mais la dégringolade sinstalle au moment où les voix des locuteurs se détachent du texte narratif pour acquérir leur indépendance. À défaut de propositions incidentes, à rôle de préciser lidentité de lénonciateur, eu égard à la disposition des interventions langagières comme dans un dialogue faisant penser au principe de lalternance, le lecteur pressé risque de se laisser berner. Quelques pages en amont on avait appris que le chronotope densemble de laction était celui du centre de la ville où se tenaient les Comices agricoles et que Rodolphe et Emma sétaient installés en spectateurs à la fenêtre du premier étage de la mairie comme dans la loge dun théâtre tandis que les orateurs officiels se succédaient sur lestrade. Ainsi se crée-t-il un espace privé à lintérieur de lespace public. Mais si spatialement les deux interactions se distinguent, le temps les fait converger et cest cette même simultanéité qui permet demployer la technique du contrepoint. Son effet est en outre amplifié par le choix du point culminant des deux plans de la scène: lattribution des prix aux agriculeurs méritants; lapogée de la déclaration damour.
Faisant preuve dun art digne dun compositeur tel que Bach [ Le contrepoint, du latin punctus contra punctum, est la partie de la théorie musicale qui donne les règles permettant de jouer simultanément deux ou plusieurs parties mélodiques. Le contrepoint donne son attention au déroulement horizontal des mélodies superposées et à la liberté dallure quelles sauront conserver, tout en étant liées entre elles à la fois par les règles de lharmonie et par le recours à des éléments communs (dits imitations) cf. Alpha Encycopédie, 1969], le narrateur semble nopérer quune transcription exacte des paroles des locuteurs. Mais cet effet de réel tout en satisfaisant aux principes de la fidélité et de lobjectivité surpasse le dogme du réalisme. Bien quil sefface du texte, le narrateur y est plus présent que jamais à travers lagencement des énoncés qui semboîtent parfaitement en se répondant, en se complétant, en faisant écho lun à lautre. En rendant muet le personnage féminin et prêtant les freins de la parole au personnage masculin, le distributeur officiel des tours poursuit son but immanquablement.
Pour ce qui est de cette technique, il faut savoir que dans la musique où elle sorigine, elle aura une influence décisive sur le développement de la musique européenne lui permettant de quitter la monodie ancestrale pour fonder un nouveau langage reposant sur la simultanéité des sons (polyphonie). Il sagit dune série de règles concernant dune part lélément horizontal, du déroulement des lignes mélodiques, et de lautre, de lélément vertical, de la compatibilité des sons simultanés.
Pareillement au texte musical, le texte littéraire crée limpression du naturel, mais à lanalyse il savère le fruit dun travail minutieux car on peut y déceler tout un jeu des moyens mis au service de lharmonie et de la cohésion des voix de ce pseudo-dialogue. Rendre limpression de compatibilité des deux lignes mélodiques suppose le recours à tous les moyens, depuis la gestuelle, en passant par le signifiant des lexèmes pour arriver au signifié. Tel est le cas du rapprochement physique des futurs amoureux qui, tout en se produisant à labri des regards indiscrets, sera indirectement verbalisé et rendu public par le président du jury:
Et il saisit sa main; elle ne la retira pas.
Ensemble de bonnes cultures! cria le président.
Le matériau sonore, à raison dallitérations en [k] et [p], créatrices de cacophonie, savère à son tour un liant solide entre les deux pans de lédifice phrastique:
- Tantôt, par exemple, quand je suis venu chez vous
A M. Bizet, de Quincampoix.
- Savais-je que je vous accompagnerais?
En outre, dans une conversation authentique, lintervention de linterlocuteur dans la réplique du locuteur passerait pour un délit conversationnel, à même de provoquer un raté communicationnel à cause du chevauchement des énoncés. Le cas nest pas ici car lénoncé de lorateur, quoique parasitant le circuit interlocutif, semble semboîter parfaitement ayant lair dapporter une précision topologique au discours de Rodolphe vu le circonstanciel quil contient.
Lagencement des quatre interventions ultérieures sera également possible suite à lexploitation de la même catégorie grammaticale, le numéral, et de la polysémie des lexèmes rester et fumiers.
Cent fois même jai voulu partir, et je vous ai suivie, je suis resté.
Fumiers.
Comme je resterais ce soir, demain, les autres jours, toute ma vie!
Comme inspiré par lannonce de lorateur: Soixante et dix francs!, Rodolphe commet une hyperbole grâce au numéral à dessein de donner limpression de timidité et se sert de la gradation pour faire une promesse de fidélité à la jeune femme [Cent fois même jai voulu partir, et je vous ai suvie, je suis resté]. Le syntagme: Cent fois
fait écho à celui prononcé par le président: soixante et dix francs tout en nous suggérant un autre à la faveur de lhomophonie: sans foi.
Pour ce qui est du verbe rester, la bouche du coureur de jupes voudrait lui imprimer le sens dénotatif de demeurer, continuer dêtre dans un lieu (auprès de la personne aimée, en loccurrence). Mais comme se fichant de la déclaration de Rodolphe et de lemploi intransitif de lembrayeur verbal rester, lorateur lance un nom qui va comme un gant en tant quattribut des deux occurrences du verbe: fumiers.
Le lecteur naïf, se laisserait-il tenter par lidée de lexaltation hyperbolisante du séducteur amplifiée par laccumulation de déictiques temporels, le sens connotatif du lexème fumier (homme méprisable, ordure, salaud), à fonction de qualificatif dévalorisant Rodolphe, suffirait à mettre en doute la sincérité du locuteur.
Et à mesure que le séducteur senflamme, les commentaires du président Derozerays semblent singénier à dévaloriser le discours amoureux de celui-là. En suivant sa stratégie, on arrive à un moment important, celui du compliment. Et si le lecteur na pas encore saisi lexagération (marquée par deux indéfinis négatifs et le comparatif aussi complet), cest toujours lorateur qui sengage à la démasquer en localisant, semble-t-il, ailleurs aussi une pareille qualité.
Car jamais je nai trouvé dans la société de personne un charme aussi complet.
A M. Bain, de Givry-Saint-Martin!
Enfin, les dernières répliques feraient les délices du public invité à la représentation de cette scène car, à lapogée de leffusion lyrique du séducteur sévertuant à induire un comportement coopérant de la part de son interlocutrice, il reçoit par procuration, en labsence dune réaction de celle-ci, une réponse triviale du côté de M. Derozerays.
Un troc burlesque sétablit entre les deux plans à linsu des locuteurs et que seul le lecteur perçoit: contre le souvenir de sa bien aimée [ Aussi, moi, jemporterai votre souvenir] le président offre au tombeur
un bélier mérinos. Le point culminant est atteint lors de la dernière intervention qui, prenant la forme de linterrogation oratoire, fait appel à la fonction conative du langage [je serai quelque chose dans votre pensée, dans votre vie?] et à des captateurs tels nest-ce pas induisant une réponse affirmative vu que tout compli-menteur espère être complimenté (menti?). En revanche, ce quil obtient cest:
Race porcine, prix ex aequo: à MM. Lehérissé et Cullembourg: soixante francs!
La conclusion de la scène repose, paraît-il, sur ce dernier patronyme dans lequel lesprit badin de Flaubert nous laisse entendre par voie paronymique calembour tout en nous suggérant une lecture léxéologique.
Les éléments communs des deux discours ont trait au type de discours (argumentatif) et à leur mécanisme (de la persuasion). Quant au genre dargumentation, on constate que si le délibératif (où lorateur se propose de conseiller lutile, le meilleur) et lépidictique (qui traite de léloge ou du blâme, du beau ou du laid) intéressent les deux énonciateurs. Par ailleurs, les deux sujets argumentants font appel à leur compétence encyclopédique pour convaincre et produire un effet de vraisemblable ce qui donne à leur argumentation un caractère doxatique.
Flaubert semble sappuyer sur lhypothèse de laltérité constitutive de tout discours dans le sens précisé par O. Ducrot qui affirme que la pensée dautrui est constitutive de la mienne et il est impossible de les séparer radicalement.
Cest dans le silence du récepteur que sinstille la deuxième voix, celle de lintrus, créant ainsi un croisement de discours et donnant naissance à un hybride, à une sorte de monstre textuel. Le récepteur, par son mutisme, savère un mutagène très intéressant, ancêtre du personnage créé par le nouveau roman sinon par le postmodernisme. Ces interstices de la communication accueillent également le lecteur convié à y inscrire son texte qui transforme la lecture en un acte léxéologique léxéographique même puisque jécris ma lecture. [Roland Barthes, S/Z, Éditions du Seuil, 1970, p.17]
À travers cette page, sous les yeux du lecteur attentif, commencent lagonie du fil narratif unique et le procès, la mise en question de la linéarité de lacte de lecture. Lécriture flaubertienne appelle une relecture, attentive non pas au récit ou à la psychologie du personnage mais au texte lui-même qui nous dit quil est en train déclater. La technique du contrepoint favorisant le chevauchement des voix nous prépare à voir le discours romanesque non plus comme une perle lisse mais comme sa coquille rugueuse et en tant que processus de fabrication. Cest toujours Roland Barthes qui explique les rapports qui sétablissent entre la lecture et lécriture: Lire
nest pas un geste parasite, le complément réactif dune écriture que nous parons de tous les prestiges de la création et de lantériorité. Cest un travail
.
Au fur et à mesure que le texte se construit, le personnage masculin du séducteur se déconstruit, son discours même le dévalorisant. On y trouve également un exemple de ce que Henry James appelle dramatisation de lacte décrire puisque ce pseudo dialogue Rodolphe M.Derozerays nous invite à saisir le côté tragique de lécriture flaubertienne en perpétuelle quête et dont la correspondance avec Louise Colet fait état: Jai à poser à la fois dans la même conversation cinq ou six personnages (qui parlent), plusieurs autres (dont on parle), le lieu où lon est, tout le pays, en faisant des descriptions physiques de gens et dobjets, et à montrer, au milieu de tout cela, un monsieur et une dame qui commencent (par sympathie de goûts) à séprendre un peu lun de lautre. Si javais de la place encore! Mais il faut que tout cela soit rapide sans être sec, et développé sans être épaté, tout en me ménageant, pour la suite, dautres détails qui là seraient plus frappants.
Dans cette page, Flaubert donne limpression davoir atteint ce degré zéro de lécriture auquel parviendront les auteurs du nouveau roman et quil recherchait: Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, cest un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui tiendrait de lui-même par la force interne de son style
un livre qui naurait presque pas de sujet, ou du moins où le sujet serait presque invisible, si cela se peut. Et quest-ce quun livre sur rien sinon un livre sur lécriture, un livre où le texte appelle le texte, un livre sui référentiel? En effet, la cohésion des répliques constitutives de cette scène est réalisée textuellement, celles-ci senchaînant rien que par la force de la grammaire textuelle.
La technique du contrepoint se substitue donc au commentaire du narrateur créant un effet comique par la compatibilité paradoxale des dissonances thématiques qui alimentent les deux mélodies. Par la superposition des deux discours dont lintention évidente est de démasquer le plan de Rodolphe, danticiper la fin de lidylle et de bafouer la société bourgeoise du XIX-e siècle, le narrateur est plus présent que jamais dans le texte. Le narrateur, tout en se méfiant de toute partialité, prend toutes ses précautions faisant entendre son jugement à travers lorganisation de cette scène et la tonalité ironique. En effet, si lon lisait les répliques du président comme la manifestation du signifié latent du texte, on débouche sur la définition de lironie: un signifiant unique et deux signifiés: lun «littéral, manifeste, patent». Lautre «intentionnel, suggéré, latent».
Mais au-delà du jugement impitoyable de son personnage, on lit en filigrane une parodie de la littérature romantique avec ses effusions sentimentales telles, par exemple, les déclarations de Ruy Blas faites à la reine dans le drame éponyme de Hugo [ Vraiment, jai bien souffert. Si vous saviez, madame! / Je vous parle à présent. Six mois, cachant ma flamme, / Jai fui. Je vous fuyais et je souffrais beaucoup
Si vous me disiez: meurs! Je mourrais.. ] et pourquoi pas? un éthos moqueur de ce bonhomme
épris de gueulades, de lyrisme
, admirateur de Hugo, héritier de René, ce côté romantique de Flaubert lui-même. Même si lhypertexte flaubertien ne se greffe pas sur un hypotexte (texte antérieur, texte de départ) précis on y reconnaît le style des effusions lyriques propres à la littérature romantique dont Flaubert tente de se détacher.
La même technique se pare du mérite de placer ce genre de discours dans la catégorie du kitsch: juxtaposition de deux thèmes (agriculture amour), médiocrité des dyades (sujets argumentants médiocres sadressant à des sujets argumentés médiocres), hétérogénéité des arguments, accumulations de procédés (interrogation, affirmations, négations) ce qui nous permet doser y voir la préfiguration de la future écriture postmoderniste.
DES ISOTOPIES ET DES PRINCIPES DE LA CONVERSATION dans une page des Faux Monnayeurs dAndré Gide
- Il mimporte de me prouver que je suis un homme de parole, quelquun sur qui je peux compter.
- Je vois surtout là de lorgueil.
- Appelez cela du nom quil vous plaira: orgueil, présomption, suffisance
Le sentiment qui manime, vous ne le discréditerez pas à mes yeux. Mais, à présent, voici ce que je voudrais savoir; pour se diriger dans la vie, est-il nécessaire de fixer les yeux sur un but?
- Expliquez-vous.
- Jai débattu cela toute la nuit. A quoi faire servir cette force que je sens en moi? Comment tirer le meilleur parti de moi-même? Est-ce en me dirigeant vers un but? Mais ce but, comment le choisir? Comment le connaître, aussi longtemps quil nest pas atteint?
Vivre sans but cest laisser disposer de soi laventure.
- Je crains que vous ne me compreniez pas bien. Quand Colomb découvrit lAmérique, savait-il vers quoi il voguait? Son but était daller devant, tout droit. Son but, cétait lui, et qui le projetait devant lui-même
- Jai souvent pensé, interrompit Édouard, quen art, et en littérature en particulier, ceux-là comptent qui se lancent vers linconnu. On ne découvre pas de terre nouvelle sans consentir à perdre de vue, dabord et longtemps, tout rivage. Mais nos écrivains craignent le large: ce ne sont que des côtoyeurs.
- Hier, en sortant de mon examen, continua Bernard sans lentendre, je suis entré, je ne sais quel démon me poussant, dans une salle où se tenait une réunion publique. Il y était question dhonneur national, de dévouement à la patrie, dun tas de choses qui me faisaient battre le cur. Il sen est fallu de bien peu que je ne signe certain papier, où je mengageais, sur lhonneur à consacrer mon activité au service dune cause qui
certainement mapparaissait belle et noble.
- Je suis heureux que vous nayez pas signé. Mais, ce qui vous a retenu?
- Sans doute quelque secret instinct
Bernard réfléchit quelques instants, puis ajouta en riant: Je crois que cest surtout la tête des adhérents: à commencer par celle de mon frère aîné que jai reconnu dans lassemblée. Il ma paru que tous ces jeunes gens étaient animés par les meilleurs sentiments du monde et quils faisaient fort bien dabdiquer leur initiative car elle ne les eût pas menés loin, leur jugeotte car elle était insuffisante, et leur indépendance desprit car elle eût été vite aux abois. Je me suis dit également quil était bon pour le pays quon pût compter parmi les citoyens un grand nombre de ces bonnes volontés ancilaires: mais que ma volonté à moi ne serait jamais de celles-là. Cest alors que je me suis demandé comment établir une règle, puisque je nacceptais pas de vivre sans règle, et que cette règle je ne lacceptais pas dautrui.
- La réponse me paraît simple: cest de trouver cette règle en soi-même: davoir pour but le développement de soi.
- Oui
cest bien là ce que je me suis dit. Mais je nen ai pas été plus avancé pour cela. Si encore jétais certain de préférer en moi le meilleur, je lui donnerais le pas sur le reste. Mais je ne parviens pas même à connaître ce que jai de meilleur en moi
Jai débattu toute la nuit, vous dis-je. Vers le matin jétais si fatigué que je songeais à devancer lappel de ma classe; à mengager.
- Échapper à la question nest pas la résoudre.
- Cest ce que je me suis dit, et que cette question, pour être ajournée, ne se poserait à
moi que plus gravement après mon service. Alors je suis venu vous trouver pour écouter votre conseil.
- Je nai pas à vous en donner. Vous ne pouvez trouver ce conseil quen vous-même, ni apprendre comment vous devez vivre, quen vivant.
- Et si je vis mal, en attendant davoir décidé comment vivre?
- Ceci même vous instruira. Il est bon de suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant.
Selon la taxinomie proposée par Gérard Genette dans son livre Figures III, nous sommes avec ce texte en présence dune scène dont les énonciateurs sont Bernard et Édouard. Comme la fonction référentielle y est faiblement représentée, le lecteur de ce fragment reste sur sa faim au sujet du contexte spatio-temporel et du satut des interactants. Les quelques renseignements que les deux interlocuteurs laissent échapper nous permettent dinférer que Bernard est un jeune homme, que la veille du dialogue il avait passé un examen, quil est venu chercher un conseil auprès dÉdouard.
En jugeant daprès le seul critère quantitatif des répliques, on serait tentés de prendre Bernard pour le meneur de jeu puisquil domine la conversation. Mais en étudiant de près ses répliques, on constate la fréquence des interrogations, ces appels dinformation qui trahissent les incertitudes du locuteur et témoignent du respect du principe de sincérité et de la confiance dans son successeur (next speaker). Par ailleurs, elles fonctionnent comme des actes automenaçants de sa face positive vu que ses aveux et sa quête de conseils le placent en position basse par rapport à son interlocuteur qui, à son tour, adopte un ton sentencieux quon pourrait prendre pour un taxème de position haute. Cependant, la plupart de ses maximes pèchent, au moins partiellement, par la transgression du principe de pertinence (lignes 12, 16) eu égard à leur généralité qui semble éluder le problème soulevé par le jeune homme.
Dautre part, ce qui a lair dun manque de pertinence pourrait passer pour un acte de politesse de la part dÉdouard qui ne veut pas menacer la face positive de son jeune interlocuteur étant donné que le conseil figure parmi les FTA
Ce qui distingue cette scène dune conversation authentique cest bien la complexité des énoncés et des relations interpersonnelles. Par conséquent, les interruptions ou les transgressions du principe de pertinence ne provoquent pas un court-circuit de la communication. De cette façon, la réplique dÉdouard sétendant de la ligne 16 à la ligne 19, tout en coupant la parole au locuteur en place, conserve le champ lexical employé par Bernard (découvrir, voguer) qui lui sert à aborder le topos des arts (linconnu, découvrir, terre nouvelle, rivage, craindre le large, côtoyeurs).
A côté des indices dune relation horizontale: le vouvoiement mutuel, le souci de ménager la face de lautre (le modalisateur je crains a le don damortir le choc queût pu provoquer lénoncé brut du locuteur), le verbiage de Beranrd lérige en position haute créant ainsi une distance verticale. Mais ce niveau de la hiérarchie va être mis en danger par linterruption dÉdouard (ligne 16) et reconquis à la réplique suivante (ligne 20) lorsque Bernard fait la sourde oreille aux propos de son colloquant comme poussé par la détermination de respecter le principe dexhaustivité et continue le récit de ses inquiétudes. Contrairement aux attentes du lecteur, la communication nest pas compromise bien que le sollicitant trouve dans les propos de son interlocuteur lécho de ses propres réflexions et que les deux lésinent sur les compliments. Si les fleurs quils se lancent sont rares (Édouard approuve la résistance de Bernard à la tentation de sengager politiquement: Je suis heureux que vous nayez pas signé) cela ne devrait pas être interprété comme une exacerbation de légocentrisme ou comme une impolitesse. On a plutôt affaire à un dialogue engagé entre deux hommes qui ne se ménagent pas.
Mais la seule analyse de la conversation semble incomplète, aussi va-t-on se tourner vers létude des champs lexicaux afin de déceler les thèmes autour desquels celle-ci gravite. Un premier champ, configuré par des termes qui reviennent obsessivement dans les répliques de Bernard à travers des embrayeurs verbaux (connaître, savoir, découvrir, choisir) ou des interrogations (à quoi?, comment?), pourrait porter sur le savoir faire. Un autre, pas trop riche mais recouvrant les discours des deux locuteurs, sintéresse, paraît-il, au voyage ou à la découverte: Colomb, voguer, se diriger, aller devant, projeter, se lancer vers linconnu, perdre de vue tout rivage, le large, terre nouvelle, côtoyeurs.
Quant aux deux tentations (politique et militaire) que le jeune homme effleure, elles sorganisent dans le champ lexical de lengagement reposant sur lhonneur national, le dévouement à la patrie, consacrer mon activité, au service dune cause, sengager.
Par ailleurs, les sept occurrences du nom but auxquelles sajoutent celles de son substitut personnel à fonction de C.O.D. le, de même que celles du pronom de la première personne, moi, renforcé souvent par ladjectif indéfini même, nous suggèrent une isotopie plus généreuse, englobant toutes les autres, celle de la quête de soi. La relecture de cette scène nous révèle la figure dun Perceval moderne en quête de soi-même, qui sappprête à sengager dans un parcours initiatique, qui a besoin dun gourou auprès duquel il cherche un conseil pour se faire épauler afin de traverser ce passage mais quil rejette à la fois. En outre, les modèles dordre proposés par la société moderne (lengagement politique ou militaire), à lencontre de celui de la chevalerie médiévale, ne convainquent pas le jeune récipiendaire. Quant à Édouard, il naspire pas aux honneurs du vieux sage, archétype présent dans les contes et défini par Jung dans son livre In lumea arhetipurilor. Cet archétype de lesprit (pouvant se présenter dans les rêves comme magicien, médecin, prêtre, instituteur, professeur, garnd-père) se manifeste selon Jung dans des situations de crise, entendue comme moment de prise de décision, où il faut faire preuve de clairvoyance, de compréhension, de bon conseil, de détermination, dun plan daction, etc. Comme ce vieux sage semble avoir oublié la nécessité de lanamnèse comme processus téléologique, cest au jeune homme dévoquer lévénement de la veille (la réunion publique) et sa nuit de réflexion. Par ailleurs, cette incarnation moderne de lesprit quest Édouard ne fournit pas de solutions en dépit de son ton sententieux. Ses répliques incitent seulement à la prise de conscience (Expliquez-vous) et coïncident aux pensées de Bernard. Partant, celui-ci ne peut ni rebrousser chemin ni se remettre à quelquun (ligne 36). Dailleurs, il na pas la candeur dun Perceval eu égard à lironie dont il saupoudre ses propos sur les adhérents au mouvement nationaliste à la réunion duquel il avait participé la veille de sa discussion avec Édouard. En sen tenant à la définition donnée par Catherine Kerbrat Orecchioni à l ironie: ( un signifiant unique et deux signifiés: l un «littéral, manifeste, patent». L autre «intentionnel, suggéré, latent». ) et à celle du Groupe ¼ ( A, en énonçant x, veut faire entendre non-x. ) qui range l ironie parmi les métalogismes, on en décèle dans le discours de Bernard quelques indices tels les tours superlatifs: ces jeunes gens étaient animés par les meilleurs sentiments du monde et
ils faisaient fort bien de même que la cohabitation dans la même phrase du registre soutenu (abdiquer leur initiative car elle ne les eût pas menés loin, leur indépendance desprit, quon pût compter parmi les citoyens) et du registre familier de la langue (jugeote, aux abois). On en infère que lune des épreuves (la tentation de sengager dans le mouvement nationaliste) du parcours initiatique de Bernard a déjà été passée.
Bien que le jeune homme reste sur sa faim ne trouvant pas la réponse toute mâchée à ses questions, les échanges avec son interlocuteur laident à formuler des interrogations, à exprimer ses obsessions. Et si la conversation nest pas la source de la lumière, elle sert quand même à exprimer les angoisses et les doutes des interactants contribuant ainsi à leur défoulement.
LECTURE DE ZONE DE GUILLAUME APOLLINAIRE
1 A la fin tu es las de ce monde ancien
2 Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin
3 Tu en as assez de vivre dans lantiquité grecque et romaine
La religion seule est restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation
Seul en Europe tu nes pas antique ô Christianisme
LEuropéen le plus moderne cest vous Pape Pie X
Et toi que les fenêtres observent la honte te retient
Dentrer dans une église et de ty confesser ce matin
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut
Voilà la poésie et pour la prose il y a les journaux
Il y a les livraisons à 25 centimes pleines daventures policières
Portraits des grands hommes et mille titres divers
Jai vu ce matin une jolie rue dont jai oublié le nom
Neuve et propre du soleil elle était le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactilographes
Du lundi mation au samedi soir quatre fois par jour y passent
Le matin par trois fois la sirène y gémit
Une cloche rageuse y aboie vers midi
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaqes les avis à la façon des perroquets criaillent
Jaime la graâce de cette rue industrielle
Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et lavenue des Ternes
Voilà la jeune rue et tu nes encore quun petit enfant
Ta mère ne thabille que de bleu et de blanc
Tu es très pieux et avec le plus ancien de tes camarades René Dalize
Vous naimez rien tant que les pompes de lÉglise
Il est neuf heures le gaz est baissé tout bleu vous sortez du dortoir en cachette
Vous priez toute la nuit dans la chapelle du collège
Tandis quéternelle et adorable profondeur améthyste
Tourne à jamais la flamboyante gloire du Christ
Cest le beau lys que tous nous cultivons
Cest la torche aux cheveux roux que néteint pas le vent
Cest le fils pâle et vermeil de la douloureuse mère
Cest larbre toujours touffu de toutes les prières
Cest la double potence de lhonneur et de léternité
Cest létoile à six branches
Cest Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche
Cest le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs
Il détient le record du monde pour la hauteur
Pupille Christ de lil
Vingtième pupille des siècles il sait y faire
Et changé en oiseau ce siècle comme Jésus monte dans lair
Les diables dans les abîmes lèvent la tête pour le regarder
Ils disent quil imite Simon Mage en Judée
Ils crient sil sait voler quon lappelle voleur
Les anges voltigent autour du joli voltigeur
Icare Enoch Élie Apollonius de Thyane
Flottent autour du premier aéroplane
Ils sécartent parfois pour laisser passer ceux que transporte la Sainte-Eucharistie
Ces prêtres qui montent éternellement élevant lhostie
Lavion se pose enfin sans refermer les ailes
Le ciel semplit alors de millions dhirondelles
A tire-daile viennent les corbeaux les faucons les hiboux
DAfrique arrivent les ibis les flamants les marabouts
Loiseau Roc célébré par les conteurs et les poètes
Plane tenant dans les serres le crâne dAdam la première tête
Laigle fond de lhorizon en poussant un grand cri
Et dAmérique vient le petit colibri
De Chine sont venus les pihis longs et souples
Qui nont quune seule aile et qui volent par couples
Puis voici la colombe esprit immaculé
Quescortent loiseau-lyre et le paon ocellé
Le phénix ce bûcher qui soi-même sengendre
Un instant voile tout de son ardente cendre
Les sirènes laissant les périlleux détroits
Arrivent en chantant bellement toutes trois
Et tous aigle phénix et pihis de la Chine
Fraternisent avec la volante machine
Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule
Des troupeaux dautobus mugissants près de toi roulent
Langoisse de lamour te serre le gosier
Comme si tu ne devais jamais plus être aimé
Si tu vivais dans lancien temps tu entrerais dans un monastère
Vous avez honte quand vous vous surprenez à dire une prière
Tu te moques de toi et comme le feu de lenfer ton rire pétille
Les étincelles de ton rire dorent le fond de ta vie
Cest un tableau pendu dans un sombre musée
Et quelquefois tu vas le regarder de près
Aujourdhui tu marches dans Paris les femmes sont ensanglantées
Cétait et je voudrais ne pas men souvenir cétait au déclin de la beauté
Entourée de flammes Notre-Dame ma regardé à Chartres
Le sang de votre Sacré Cur ma inondé à Montmartre
Je suis malade douïr les paroles bienheureuses
Lamour dont je souffre est une maladie honteuse
Et limage qui te possède te fait survivre dans linsomnie et dans langoisse
Cest toujours près de toi cette image qui passe
Maintenant tu es au bord de la Méditerranée
Sous les citronniers qui sont en fleur toute lannée
Avec tes amis tu te promènes en barque
Lun est Nissard il y a un Mentonasque et deux turbiasques
Nous regardons avec effroi les poulpes des profondeurs
Et parmi les algues nagent les poissons images du sauveur
Tu es dans le jardin dune auberge aux environs de Prague
Tu te sens tout heureux une rose est sur la table
Et tu observes au lieu décrire ton conte en prose
La cétoine qui dort dans le cur de la rose
Épouvanté tu te vois dessiné dans les agates de Saint-Vit
Tu étais triste à mourir le jour où tu ty vis
Tu ressembles au Lazare affolé par le jour
Les aiguilles de lhorloge du quartier juif vont à rebours
Et tu recules aussi dans ta vie lentement
En montant au Hradchin et le soir en écoutant
Dans les tavernes chanter des chansons tchèques
Te voici à Marseille au milieu des pastèques
Te voici à Coblence à lhôtel du Géant
Te voici à Rome assis sous un néflier du Japon
Te voici à Amsterdam avec une jeune fille que tu trouves belle et qui est laide
Elle doit se marier avec un étudiant de Leyde
On y loue des chambres en latin Cubicula locanda
Je men souviens jy ai passé trois jours et autant à Gouda
Tu es à Paris chez le juge dinstruction
Comme un criminel on te met en état darrestation
Tu as fait de douloureux et de joyeux voyages
Avant de tapercevoir du mensonge et de lâge
Tu as souffert de lamour à vingt et à trente ans
Jai vécu comme un fou et jai perdu mon temps
Tu noses plus regarder tes mains et à tous moments je voudrais sangloter
Sur toi sur celle que jaime sur tout ce qui ta épouvanté
Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants
Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants
Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare
Ils ont foi dans leur étoile comme les rois-mages
Ils espèrent gagner de largent dans lArgentine
Et revenir dans leur pays après avoir fait fortune
Une famille transporte un édredon rouge comme vous transportez votre cur
Cet édredon et nos rêves sont aussi irréels
Quelques-uns de ces émigrants restent ici et se logent
Rue des Rosiers ou rue des Écouffes dans des bouges
Je les ai vus souvent le soir ils prennent lair dans la rue
Et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs
Il y a surtout des Juifs leurs femmes portent perruque
Elles restent assises exsangues au fond des boutiques
Tu es debout devant le zinc dun bar crapuleux
Tu prends un café à deux sous parmi les malheureux
Tu es la nuit dans un grand restaurant
Ces femmes ne sont pas méchantes elles ont des soucis cependant
Toutes même la plus laide a fait souffrir son amant
Elle est la fille dun sergent de ville de Jersey
Ses mains que je navais pas vues sont dures et gercées
Jai une pitié immense pour les coutures de son ventre
Jhumilie maintemant à une pauvre fille au rire horrible ma bouche
Tu es seul le matin va venir
Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues
La nuit séloigne ainsi quune belle Métive
Cest Ferdine la fausse ou Léa lattentive
Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie
Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie
Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi à pied
Dormir parmi tes fétiches dOcéanie et de Guinée
Ils sont des Christ dune autre forme et dune autre croyance
Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances
Adieu Adieu
Soleil cou coupé
Poème liminaire dAlcools, Zone nous incite à décrypter les significations du terme de zone. Dabord, le dictionnaire Petit Robert nous apprend quentre 1840 et 1935 ce terme désignait le terrain sur lequel il était interdit de bâtir, sétendant entre le mur denceinte des fortifications et le début de la banlieue. Plusieurs connotations seraient alors possibles: absence dun centre, dun point fixe, manque de certitude, espace où chacun est libre, espace fractal, vie brisée, moi déchiré, etc.
Devant cette profusion sémantique, il ne nous reste quà procéder à une analyse pour le déroulement de laquelle nous vous proposons le questionnaire suivant:
1 Quelles remarques dordre prosodique peut-on faire au sujet de ce poème?
Strophes hétérométriques: monostiches (vers 1, 2, 3, 153, 154, etc.), distiques (134-135, 147-148), tercets (4-6), quatrains (149-152, etc.);
Alternance de vers longs et de vers courts;
Enjambements;
Suppression de la ponctuation; le rythme même et la coupe des vers sont la véritable ponctuation, affirme Apollinaire;
Rimes: plates, mais aussi léonines: Jersey/gercée
Un premier commentaire simpose. Lesprit nouveau est celui de la liberté absolue du poète. Lesthétique neuve, celle du début du XX-e siècle, a tendance à substituer aux contraintes de la prosodie et de la métrique la liberté formelle qui engendre dabord la liberté de la lecture se reflétant ensuite dans linterprétation du poème lui-même.
2 LA COUCHE PHONIQUE
Les métaplasmes:
Le premier vers, construit sur lassonance en [a], pourrait renvoyer à lexclamation romantique Ah! qui traduit la lassitude.
Les allitérations en [d], [t] et [p] suggérant le piétinement, auxquelles sajoutent les assonances en [e] et [u], créent limage de la tour Eiffel enjambant les berges de la Seine (en tant que bergère), comme un symbole de la marche du progrès.
Les vers 46-47, travaillés par les métaplasmes en [v], [o], [l], [i], traduisent livresse du vol qui a depuis longtemps hanté lhumanité. Ce nest donc pas par hasard si le poète place en tête du vers suivant le nom dIcare.
LA COUCHE MORPHO-SYNTAXIQUE
Les métataxes
Libre de ponctuation, le poème nimpose aucune direction de lecture mais en même temps il faut reconnaître que le bouleversement de lordre syntaxique nest pas du tout confortable. Cest ainsi que nous lisons (vers 15-16): Jai vu ce matin une jolie rue dont jai oublié le nom / Neuve et propre du soleil elle était le clairon. Plus loin un vers long (29) nous donne un exemple de parataxe ou asyndète, libre à nous de relier les propositions par une conjonction de coordination (et) ou par un subordonnant (comme, par conséquent): Il est neuf heures le gaz est baissé tout bleu vous sortez du dortoir en cachette.
Impossible de se laisser bercer par le même rythme puisquà lintérieur dun vers nous sommes surpris par un changement de sujet grammatical qui brise la phrase: Il y a surtout des Juifs leurs femmes portent perruque. Ailleurs nous sommes accueillis par une syllepse (définie par le Groupe ¼ dans sa Rhétorique générale Éditions du Seuil comme tout manquement rhétorique aux règles d accord entre morphèmes et syntaxe ) Toutes même la plus laide a fait souffrir son amant.
Les vers 147-148 nous offrent lexemple dun chiasme (symétrie en croix) accompagné dune comparaison: Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie / Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie.
Mais en règle générale la syntaxe est respectée, elle est assez simple (un énoncé par vers). Cette normalité syntaxique facilite la lecture des vers et la compréhension du poème.
LES TEMPS VERBAUX
Le présent de lindicatif dominant efface les frontières temporelles, servant même à évoquer un souvenir denfance:
tu nes encore quun petit enfant / Ta mère ne thabille que de bleu et de blanc
À côté du jeu des embrayeurs personnels Je/Tu, déroutant parce quil nous suggère aussi bien un dédoublement du moi poétique quune voie prenant le lecteur pour le destinataire de ce discours lyrique, de ces aveux, où le moi et laltérité se confondent, ce temps verbal serait plutôt le présent de lénonciation, de lécriture dans lequel se dissolvent des flashes, des instantanés de vie personnelle et des bribes dexistence étrangère.
LA COUCHE LEXICALE
Avide de modernité (champ lexical de la modernité), las de lancien paradigme grec, le poète établit la seule correspondance viable celle de la spiritualité et du progrès. La poésie est elle aussi atteinte du renouveau car elle est faite dimages du quotidien, de paysages industriels et citadins où erre sans entraves le moi de cet homo europeus.
MÉTASÉMÈMES
Le poème ne foisonne pas de figures de style. Néanmoins il faut retenir au moins une métaphore filée 32-38, une hyperbole: des millions dhirondelles, une anaphore (Cest réitéré au commencement de 8 vers), des comparaisons, des personnifications.
En revenant aux vers 147-148 on peut lire cet alcool comme une métaphore du livre quon est en train de lire tandis que le boire pourrait métaphoriser aussi bien le processus de création que celui de réception: écrire et lire.
LE NIVEAU DES THEMES ET MOTIFS
Le poème Zone se présente comme réprobation de tout passéisme, de toute complaisance à légard du passé, comme expression de la lassitude du moderne mal de siècle ou du spleen baudelairien.
Féru de modernité, quil sagisse du progrès technique (la tour Eiffel, les hangars de Port Aviation, laéronautique) ou de la volonté daccorder la poésie aux réalités de lexistence.
En tant quhymne à la modernité, Zone renvoie au cubisme. Pareillement aux cubistes qui disposent sur leurs toiles des objets multiples, pratiquent le collage sans tenir compte de la perspective ou du point de fuite, la poésie dApollinaire offre une vision fragmentaire, des miettes de paysages citadins. Le passage sans transition dune séquence à lautre, dune image à lautre nous donne la sensation dun zapping qui tient plutôt de lépoque postmoderne. Le poète possède lorgane de la perception de la poésie dans lactualité la plus triviale, de la grâce dune rue industrielle. À cela sajoute le déplacement de lintérêt qui ne se dirige plus vers la volonté de créer un chef-duvre. Lart naspire non plus à émettre des vérités fondamentales tandis que lutopie de la vision globale, totalisante est rejetée car impossible.
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