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A chaque problème, une solution - SNUipp 89

Nous avons ainsi suivi un parcours qui illustre une formation théorique à partir ..... applicable qu'aux adultes migrants non scolarisés dans leur pays d'origine. ...... Ils mettent en jeu des savoirs plus élémentaires : utiliser un téléphone, ...... rationnelle et coopérative pour faciliter l'interprétation de ses énoncés » (RM 98 : 51).




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mentale.

En fait, l'objectivité scientifique n'est possible que si on a d'abord rompu avec l'objet immédiat, si on a refusé la séduction du premier choix, si l'on a arrêté et contredit les pensées qui naissent de la première observation. Toute objectivité, dûment vérifiée, dément le premier contact avec l'objet. Elle doit d'abord tout critiquer : la sensation, le sens commun, la pratique même la plus constante, l'étymologie, enfin, car le verbe, qui est fait pour chanter et séduire, rencontre rarement la pensée. Loin de s'émerveiller, la pensée objective doit ironiser. Sans cette vigilance malveillante, nous ne prendrons jamais une attitude objective. »


G. Bachelard. La psychanalyse du feu, chap. 1, p. 9 (Gallimard)

En guise d’avant-propos...

A
u cours des dernières années, les enseignants ont été de plus en plus interpellés sur la nécessité de travailler davantage sur les résultats de leurs élèves aux évaluations. Très pragmatiquement, la contrainte institutionnelle a pris la forme d’évaluations normalisées, à faire passer au cours des premières semaines du CE2 et de la 6e. Force est cependant de constater qu’une fois la passation faite, les enseignants se trouvent alors parfois démunis pour en « faire quelque chose », c’est à dire en tirer des pistes utiles pour la « remédiation » auprès des élèves. En allant voir d’un peu plus près les questions posées par l’évaluation des élèves, je me propose d’aller essayer de comprendre quelles nouvelles difficultés se posent alors à l’enseignant lorsqu’il veut prendre appui sur ce que lui disent effectivement les évaluations des élèves, et quelles postures professionnelles il doit essayer de mettre en place, tout en restant dans les contraintes liées à l’exercice quotidien d’un métier.

En effet, poser la question de l’évaluation, de ses différentes typologies (largement explorées par la recherche savante) impose de facto à l’enseignant de terrain d’envisager sous un autre angle la question des savoirs et des apprentissages, de la maîtrise qu’il en a, et de sa capacité à mettre en œuvre des stratégies efficaces pour qu’ « ils » apprennent, tant dans sa manière de « faire classe » entre tous les élèves que dans les situations didactiques mises en œuvre en classe.

Mais comme un écheveau qui n’en finirait pas de se dérouler, ces questions débouchent sur de nouvelles, intrinsèquement liées (sauf à en rester à d’esthétiques controverses...) : tous les élèves peuvent-ils également apprendre ? Le Système Educatif le rend-il possible ? L’enseignant en a-t-il les moyens matériels ? Et comment prendre en compte la place des parents des élèves ? Autant de questions qu’on pourrait rassembler sous le terme d’éthique personnelle, dans laquelle l’enseignant de terrain doit se situer, dans un va-et-vient permanent entre ce qu’il est comme professionnel et ce qu’il est comme individu...

Mais tout ne serait-il alors que question d’individu ? d’engagement personnel ? Ce n’est pas mon expérience : comme pour les élèves, c’est lorsque des dynamiques entre pairs se mettent en route que chacun peut alors mieux trouver sa voie, son style pour mieux réussir. « Seule, je n’y arrive pas » déplorait récemment une directrice en formation. Faute d’avoir trouvé l’espace pour y croire, il ne s’inscrit pas dans une spirale de formation, d’appétence pour élucider un réel qui pèse... Le travail collectif, la rencontre, l’échange avec différent de soi (collègue, chercheur, formateur...) est un moteur essentiel pour rendre le travail quotidien supportable, voire passionnant. Cette posture de « travail collectif » ne va pas de soi, car elle demande une grande confiance dans celui avec qui je vais devoir me livrer. J’essaierai de décrire quels sont les facteurs qui peuvent y contribuer.




Le propos est assurément vaste. L’est-il trop ? Sans doute. Mais articuler les différentes facettes qui composent les nouvelles injonctions faites à l’enseignant est à mon sens indispensable. Se limiter, dans un mémoire professionnel, de n’en prendre qu’un morceau serait selon moi s’exposer à ce qui pervertit (au passé comme au présent) le fruit de nombreux éclairages fournis par la recherche. Pour prendre le contre-pied d’une boutade célèbre, la forme ne garantit pas du fond.







« Il faut se garder des outils et technologies d’évaluation, qui peuvent amener des illusions. Tout dépend de l’usage qu’on en fait. Lutter contre l’échec, c’est changer la visée de l’évaluation. Il y a une nouvelle attente sociale à l’égard de l’école : la réussite pour tous. A l’opposé, les pratiques actuelles d’évaluation restent marquées par une autre attente sociale : la création de hiérarchies d’excellences […]
L’école ne peut pleinement assumer deux finalités aussi opposées. Ne lui appartient-il pas d’interpeller la société civile et de lui demander si elle est réellement prête à faire le postulat d’éducabilité pour tous les enfants ? »
Marcel Crahay, professeur de psychologie à l’Université de Liège








J
ean est depuis vingt-deux ans à la retraite, mais il se souvient bien de ce que signifiait une évaluation dans sa classe du bassin minier d’Alès : « Le critère était net : ceux qui savaient faire des opérations pouvaient entrer comme employés à la mine. Les autres étaient bons pour le fond ». Une sélection efficace et opérationnelle que personne ne songeait à contester, pas même les parents voyant se concrétiser ou s’envoler des rêves d’ascension sociale reportés sur leur progéniture.
Mais il n’y a plus de mineurs, ou si peu. Et moins encore de parents prêts à accepter d’envoyer leurs enfants à la mine. Lente à se mouvoir, la société sait néanmoins qu’elle devient une société de savoir et que la mission de formation confiée à l’école primaire est désormais la réussite pour tous. Si l’enfant est en échec, c’est à l’école de l’en sortir.
Dès lors, l’évaluation ne joue plus le même rôle. Elle n’est plus là pour sélectionner. A quoi sert-elle alors ?

Depuis plusieurs dizaines d'années, cette crise du sens de l'école a conduit des centaines d'observateurs, de chercheurs, de pédagogues à redéfinir le concept de l'évaluation scolaire. Des milliers de pages ont été écrites, qui progressivement ont fabriqué un des plus important corpus de savoirs, de remises en questions, d'injonctions faites à l'École. Pourtant, force est de constater que ce problème est l'un des plus complexes à affronter pour les praticiens de l'Éducation que sont les enseignants. Si plus grand chose ne semble à inventer du côté de l'analyse du problème, tout est encore à construire pour traduire en actes le fruit de la recherche savante, parce que l'évaluation des élèves interroge fortement les injonctions paradoxales faites à l'école.


Évaluation : de quoi parle-t-on ?


Dans sa simplicité, la définition générale donnée par le dictionnaire Larousse historique pose toute l’ambiguïté du terme : "déterminer approximativement la valeur, "estimer" les qualités, les chances d’une personne".
Plus sérieusement, les nombreuses études entreprises sur le sujet (Cardinet, Landsheere, Hadji, Allal, Perrenoud) catégorisent plusieurs fonctions de l’évaluation habituellement utilisée à l’école :
L’évaluation diagnostique (ou pronostique) :
envisagée en début d’apprentissage ou de formation, elle vise à savoir si un sujet possède les capacités nécessaires pour entreprendre une formation ou suivre un apprentissage. Elle vise moins à juger des acquis que des aptitudes. Elle permet de justifier des décisions de sélection ou d’orientation.
L’évaluation sommative :
Version "commune" de l’évaluation, elle intervient lors des bilans, au terme d’un processus d’apprentissage ou de formation. Elle permet de situer les élèves les uns par rapport aux autres. Elle vise à prendre une décision d’orientation ou de sélection en fonction des acquis. Certains distinguent aussi évaluation normative (en référence aux autres membres du groupe évalué) et évaluation critériée (en référence à des critères, un objectif, un programme…). Elle peut aussi être certificative si elle garantit des acquis à l’égard d’un tiers (fin de cycle d’étude), en particulier sur le marché du travail.

Des critiques lourdes
Mais les dernières décennies ont vu fleurir les études mettant à jour les faces cachées d’une évaluation qui, sous couvert d’égalité ou d’objectivité, n’en développe pas moins des logiques perverses :
- A. Grisay, analysant les parcours de 1500 élèves, montre que chaque enseignant tend inconsciemment à ajuster le niveau de son enseignement (et ses appréciations) à la réalité des élèves de sa classe, pour retrouver une distribution des élèves en courbe de Gauss : quelques faibles, beaucoup de moyens, quelques forts…
- Pire même, Amigues et Zerbato-Poudou (1996) montrent que si on enlève alors toutes les copies situés dans la partie médiane de la distribution et donne les copies restantes à d’autres correcteurs, chaque évaluateur recrée une distribution " normale " ! On obtient le même résultat si l’on ne conserve que la moitié inférieure ou supérieure d’un premier lot. Les notateurs créent des écarts qui tiennent davantage à l’échelle et au principe du classement qu’aux écarts significatifs entre les connaissances ou les compétences des uns et des autres.
- V. De Lansheere explique, qu’un enseignant évite d’évaluer une notion lorsqu’il pense que tous les élèves la maîtrisent, ou que tous l’ignorent. Ce faisant, dit-elle, il n’évalue pas le patrimoine commun de la classe, et survalorise l’hétérogénéité entre ses élèves. Tel élève pourra très bien rester à 5/20 toute l’année, bien qu’ayant fait d’importants progrès, s’il continue à rester sous la moyenne de la classe. Que signifie, alors, l’évaluation pour cet élève ?
- P. Perrenoud va plus loin encore : « L’école n’a pas le monopole des hiérarchies d’excellence. […] Les classements scolaires ne sont que la préfiguration de hiérarchies qui ont cours dans la société globale, en vertu de modèles d’excellence suffisamment valorisés pour trouver place dans le curriculum […] Dans le passé, les sociétés étaient moins unifiées et les hiérarchies d’excellence s’établissaient à l’intérieur de chaque sous-groupe. Désormais, la scolarisation est la forme dominante de socialisation des enfants dans les sociétés industrielles ; le jugement d’excellence porté par l’école surpasse désormais toute autre appréciation des qualités des enfants, au point d’apparaître comme la seule hiérarchie vraiment importante. […] L’école fabrique alors une réalité nouvelle, qui donne aux inégalités réelles une signification, une importance et des conséquence qu’elle n’auraient pas en l’absence d’évaluation. »

Des évaluations au service de l’élève ?
Face à ses critiques, les chercheurs ont donc construit progressivement des concepts plus en rapport avec les découvertes des sciences humaines.

L’évaluation formative cherche à s’incorporer au processus d’apprentissage lui-même :
Elle intervient dans le cours d’un apprentissage et permet de situer la progression de l’élève par rapport à un objectif donné. Elle a l’ambition d’obtenir une double rétroaction :
* sur le maître pour lui indiquer comment se déroule son programme pédagogique et quels sont les obstacles auxquels il se heurte, l’aider à réguler, lui fournir des informations.
* sur l’élève pour lui indiquer les étapes qu’il a franchies et les difficultés qu’il rencontre, l’aider, le guider, le rendre "acteur de son apprentissage", favoriser la "métacognition".
Elle fait partie de l’apprentissage même, plutôt que de l’entrecouper. Elle cherche l’adaptation à une situation individuelle ; elle doit donc comporter une certaine souplesse, et son esprit doit être ouvert à la pluralité, à la diversité.
L’expression évaluation formative, note G. de Landsheere, « marque bien que l’évaluation fait, avant tout, partie intégrante du processus éducatif normal, les « erreurs » étant à considérer comme des moments dans la résolution d’un problème (plus généralement comme des moments dans l’apprentissage), et non comme des faiblesses répréhensibles ou des manifestations "pathologiques" ».
Dans une perspective cognitiviste, l’évaluation formative doit certes donner des informations sur les résultats de l’apprentissage, mais ces informations donneront aussi des indications à l’enseignant sur les difficulté rencontrées par l’élève dans le processus d’apprentissage lui-même. L’enseignant va s’intéresser davantage au comportement cognitif de l’enfant, face à la tâche proposée ou au savoir à acquérir. Mais l’évaluation, si elle va révéler les difficultés, saura-t-elle donner à l’enseignant la recette pour faire réussir l’élève  ?

L’évaluation formatrice, dernier maillon de l’évolution ?
Les années 90 ont vu se vulgariser une nouvelle ambition pour l’évaluation. Elle se distingue de l'évaluation formative "par le fait que les objectifs, identiques, sont poursuivis par l'élève lui-même qui doit aussi assurer la régulation du circuit d'apprentissage, la gestion de ses erreurs et de ses réussites".
Les objectifs prioritaires de l’enseignant vont donc être de permettre à l'élève :
- la représentation du but et celle des propriétés des objets sur lesquels on va travailler.
- l'anticipation sur la démarche à suivre.
- la planification ou le choix d'une stratégie.
- l'exécution proprement dite.
- le contrôle des opérations d'orientation et des opérations d'exécution.
- l’appropriation des critères d'évaluation (V. Bouysse).

L’élève s’est approprié les critères d’évaluation des enseignants, il connaît le but à atteindre, il sait comment auto-gérer ses erreurs, il a les outils nécessaires pour anticiper et planifier son action : le rêve pédagogique ! Comme le souligne C. Hadji (1992) "L'évaluation formative, en devenant formatrice, devient proprement pédagogique. Mais pour constituer une pédagogie efficace, capable de réaliser l'intention formative, il lui faut en quelque sorte se délivrer de ses préoccupations premières en devenant [...] une démarche didactique".

Le problème va donc être, dans la mise en œuvre proposée en classe, de faire avancer les élèves vers cette voie ambitieuse. Pour plagier Vygotski : d’abord ensemble, puis tout seul...
On le conçoit aisément : pour l’enseignant, cette représentation s’élabore à partir d’indices observables et un dialogue avec les élèves. Encore faut-il que la posture développée par l’enseignant permette à l’élève d’apprendre à utiliser l’évaluation.
La difficulté pour l’enseignant va évidemment être dans le détour qu’il va devoir faire, au moyen de cadres théoriques et de méthodes, pour pouvoir proposer des situations didactiques permettant aux élèves de mieux cerner les enjeux des savoirs à maîtriser, de s’impliquer dans des conduites d’apprentissage. Pour le maître, l’appropriation de ces cadres de référence et de cette posture professionnelle est loin d’aller de soi, nous y reviendrons...

Des difficultés pour évaluer les élèves en classe ?
La conception même des instruments d’évaluation est une source permanente de confusion : une fois engagé dans ce processus, l’enseignant doit accepter de ne pas se perdre à produire à perte de vue des grilles et à des moulinettes d’évaluation, fussent-elles assistées par ordinateur, s’il veut avoir l’espoir de se forger des outils conceptuels : une théorie des difficultés d’apprentissage, des obstacles cognitifs et affectifs rencontrés par les élèves, et donc des interventions et démarches didactiques possibles pour lui.

A ce propos, dans L’enseignant et l’évaluation, la sociologue Anne Jorro distingue quatre profils d’enseignants-évalueurs : « contrôleur » qui « s’attache à mesurer la performance », « pisteur-talonneur » qui « au delà de la note identifie les remédiations possibles, "conseiller » qui « identifie avec les élèves les critères visibles de réussite de la tâche ou du projet » ou « consultant » qui cherche « à faire émerger chez l’enfant le sens avant la norme ».
Les évaluations CE2 et 6e : le pire ou le meilleur ?
Afin de développer une culture de l’évaluation pourtant déjà inscrite dans la loi d’orientation depuis 1989, un travail important a été fourni par la DEP, puis la DPD. Il est arrivé dans toutes les écoles par la mise en place des évaluations CE2 et 6e, actuellement complétées par d’autres bilans au cours du cycle II. Nous ne traiterons pas ici des polémiques ont eu lieu sur ces évaluations, sur leur rôle, les savoirs évalués ou les implicites qu’ils véhiculent. Je me contenterai de rejoindre l’opinion de S. Broccolichi qui refuse de jeter le bébé avec l’eau du bain : « Évaluer, c’est mesurer les progrès de l’élève. Cela remet en question, quand les objectifs affichés ne se vérifient pas dans la classe. L’important, c’est de se mettre d’accord dans l’école pour faire les choix en conscience. Mais comparer ce qui se passe entre écoles est aussi essentiel que dangereux. Essentiel, pour identifier des paramètres ou des actions efficaces, dangereux si ça entraîne la mise en concurrence entre écoles. ». Pour l’instant, rien ne permet de faire ce procès à l’Administration. Mais elle-même, qu’en dit-elle ? (extraits CIRCULAIRE MEN 16/11/00) :

"Cette évaluation donne lieu, chaque année, à un important travail des maîtres sans que, pour autant, les informations qu’elle révèle soient pleinement exploitées". Pourtant, dit la circulaire, "ces repérages donnent des indications sur les procédures de travail mises en œuvre par les élèves." L’analyse des résultats devrait permettre d’étudier de près "les performances et les profils individuels, qu’il s’agisse des points forts ou des points faibles", en accordant "une attention particulière aux compétences de base". Les Programmes personnalisés d’aide et de progrès "doivent identifier les acquis, définir les objectifs sur lesquels une mobilisation particulière est indispensable et préciser les étapes du parcours à suivre par l’élève et des échéances pour une nouvelle évaluation". Comment ? "sont constitués des groupes de besoin plus ou moins nombreux, mais aussi des groupes de travail hétérogènes (certains enfants en situation d’approfondissement des apprentissages pour eux-mêmes aidant leurs camarades)", mais aussi "des situations d’entraînement et d’exercice" "Qu’il s’agisse de remédiation, de consolidation ou d’approfondissement, chacun doit pouvoir se confronter à des tâches à sa mesure". Quand aux choix didactiques de l’enseignant -est-ce la prudence naturelle des circulaires ministérielles ?-, les recommandations sont minces : certes, "cet entraînement sera d’autant plus bénéfique que les élèves auront conscience de ce qu’ils apprennent, des situations où ces connaissances sont utiles et des modalités qui conduisent à la réussite" et les analyses produites fourniront "une utile réflexion sur le projet d’école, la nature et le rythme des progressions, voire certains choix didactiques".

Ces conclusions sont donc très prudentes, voire timides. Elles ont aussi du mal à choisir les solutions à mettre en œuvre : groupes de niveau ou pas ? qu’est-ce que la “remédiation” ? Les élèves souffrent-ils de manque “d’exercices” ? Cette note de synthèse est révélatrice des difficultés du système à faire siens les fruits des typologies que nous avons évoqué plus haut. Sommative, prédictive, formative, formatrice... ? Quel rôle assigne-t-on à cette évaluation ? Que veut-on que les enseignants en fassent ? N’est-ce pas un constat de faiblesse qui montre l’important décalage entre l’extraordinaire foisonnement des études et conclusions rendues disponibles par la recherche, et l’utilisation effectivement parcimonieuse qui en est faite sur le terrain ? Force est de constater que l’état du système éducatif ne le rend pas en capacité de les rendre disponibles et opérationnelles pour la grande masse des enseignants.

Pourquoi ? Sauf à chercher des boucs émissaires, il faut sans doute chercher des solutions du côté de l’incapacité du système éducatif à trancher entre les attentes contradictoires que les différents acteurs (parents, enseignants, hiérarchies, politiques) peuvent avoir. Nombre de sociologues de l’Éducation (A. Robert, B. Rey, F. Dubet), y voient la difficulté de passer d’un système pyramidal, dans lequel l’enseignant était l’exécutant d’objectifs et de modèles décidés hors de lui, à une nouvelle professionnalité, dans laquelle l’enseignant est pleinement responsable des modalités de la mise en œuvre des nouveaux objectifs qui lui sont assignés par l’institution, au sens défini par Perrenoud :
"Il y a, dans les systèmes éducatifs, un décalage important entre le discours moderniste, teinté de sciences de l’éducation et de pédagogies nouvelles, et les préoccupations prioritaires de la majorité des enseignants et des responsables scolaires. Rares sont ceux qui s’opposent résolument et ouvertement à une pédagogie différenciée ou à une évaluation formative. Il n’y adhèrent toutefois qu’à condition qu’elles soient données " par-dessus le marché ", sans compromettre aucune des fonctions traditionnelles de l’évaluation, sans toucher à la structure scolaire, sans bouleverser les habitudes des parents, sans exiger de nouvelles qualifications des enseignants. Or, si l’évaluation formative n’exige, en elle-même, aucune révolution, elle ne peut se développer pleinement que dans le cadre d’une pédagogie différenciée, fondée sur une politique persévérante de démocratisation de l’enseignement.

Un jour ou l’autre, les systèmes éducatifs seront au pied du mur : ou ils persisteront à s’accrocher au passé en tenant un discours d’avant-garde ; ou ils franchiront le pas et s’orienteront vers un avenir où importeront moins les hiérarchies d’excellence que les compétences réelles du plus grand nombre."


Réfléchir à l’évaluation, c’est donc être progressivement amené faire des choix conscients pour l’Ecole, dans lesquels on voit se dessiner le concept de « réussite de tous » par opposition au rôle de sélection sociale et scolaire attribué à l’école... Mais pour l’enseignant confronté à tous ces doutes et toutes ces questions, que faire en classe ? Voyons de près quels fils j’essaie de tirer, à partir des évaluations institutionnelles...



Mon expérience : lectures et navigation à vue...

Évaluer : et après ? Dix ans de tâtonnements...
L’évaluation des élèves est évidemment une entrée pertinente pour ancrer des pistes de travail, en particulier à partir du dispositif institutionnel des évaluations nationales.
Mais paradoxalement, j’ai déjà constaté que mesurer et comparer des acquis des élèves fait prend conscience de... la difficulté de cerner de façon précise et consensuelle ces acquis. Dans une expérience précédente, menée à deux collègues en cycle II (deux classes parallèles GS-CP-CE1 pendant 6 ans), j’avais eu l’occasion de toucher les limites du décorticage des compétences. En renseignant systématiquement des "grilles de compétences" au quotidien des activités des élèves, nous avions certes progressé dans notre analyse de leurs erreurs. Mais elles ne nous étaient (malgré le travail important et quotidien qu’elles représentaient) finalement d’aucune aide pour renseigner avec certitude les célèbres items "acquis", "non acquis" ou "en cours d’acquisition" au moment des évaluations terminales… En effet, une compétence apparemment "acquise" dans telle situation pouvait se trouver "non acquise" dans une autre. Et je me suis aperçu, au cours des mois, que la "technicité" du dispositif n’enlevait rien de la "subjectivité" de mon évaluation de l’enfant, subjectivité vers laquelle je me retournais souvent pour fixer l’évaluation que je transmettais aux parents !
Heureusement, la rencontre de quelques écrits me prémunit contre l’angoisse excessive...
Critiques sur l’évaluation : quand les spécialistes de l’évaluation légitiment les généralistes de l’enseignement...
"il est difficile d’évaluer le raisonnement, l’imagination, l’autonomie, la solidarité, la citoyenneté, l’équilibre corporel ou l’oreille musicale à travers des épreuves standardisées, qui sont la plupart du temps des " tests papier-crayon " explique Perrenoud. En effet, évaluer des apprentissages complexes demande une créativité méthodologique considérable et induit des coûts importants de passation et de traitement des données. Il est plus expéditif et moins cher de s’en tenir à des épreuves écrites, ce qui ne peut que réduire les apprentissages scolaires à des acquis cognitifs, avec une prime aux disciplines principales et aux opérations techniques.
Il faut donc savoir prendre de la distance avec ces tests d’évaluation, qui ne mesurent... que ce qu’ils ne peuvent mesurer, pour reprendre la boutade de Binet. "L’évaluation est prise en tenaille entre le désir de précision qui lui ôte toute signification sociale, et un souci d’ouverture sur la vie qui lui ôte toute valeur métrique", explique J. Cardinet. Dans le même ordre d’idée, J. Weiss pense que l'enseignant se trouve constamment partagé entre la tentation technicienne qui soulagerait sa conscience et le déchargerait de toute responsabilité envers l’élève, et la profonde conviction de savoir intuitivement ce que "vaut" un élève, mais qu’il n’est pas strictement en mesure de justifier, pièces à l’appui.

D’où la spécificité de chacun. L’enseignant ne doit pas renoncer à faire valoir son sentiment, son expérience, son habitude. Linda Allal va même jusqu’à oser écrire que "les spécialistes doivent intervenir pour rappeler la primauté de l’évaluation intuitive interactive qui se déroule au cours de l’apprentissage"

Convaincu, donc, qu’il me fallait sans douter osciller entre le « bon sens professionnel » et ce que j’avais compris des controverses didactiques et pédagogiques, je décidai donc de creuser un peu ce que je pouvais faire des évaluations institutionnelles de CE2 et de 6e, avec une question apparemment simple : comment allaient-elles pouvoir m’être utiles pour choisir les pistes de travail prioritaires de mon travail d’enseignant ?


Ce que j’essaie de faire… des évaluations institutionnelles

Travaillant dans une école rurale à deux classes, j’ai depuis trois ans la charge d’une classe de cycle III (CE2, CM1, CM2) dont l’effectif oscille entre 27 et 34 élèves. Arrivant dans l’école au moment où se finalisaient les nouvelles instructions officielles du cycle III, mon premier souci a donc été de les rendre lisibles, tant pour moi que pour les parents et les élèves.
Dès le départ, j’ai présenté aux parents l’organisation de la classe en cycle, en m’appuyant sur les IO de 89 et un « référentiel de compétences du cycle III ». Installer chez les parents d’élèves une conscience claire de ce qui va être au cœur du temps scolaire est en effet un défi : le découpage et les contenus disciplinaires leur est peu familier, soit qu’ils aient pour seule référence leur passé scolaire, soit qu’ils considèrent que c’est affaire de spécialiste... Je reviendrai sur le travail avec les parents.
Je vais donc décortiquer les contenus disciplinaires pour les rendre « présentables » (rassemblées sur un document de quatre pages), mais aussi « lisibles » par les parents et les élèves. Ce document va constituer le socle du « contrat » qui va lier les trois parties pendant trois ans : « voici ce que vous avez trois ans pour apprendre. Je suis là pour vous y aider »

Cette année-là, au CE2, quatre enfants sur 12 sont en échec sévère (grandes difficultés à lire, évaluation en français autour de 40 %). Au CM1, 10 enfants, dont une redoublante prise en charge pour "dyslexie" par une orthophoniste privée, et un garçon avec d’importants troubles du langage. Au CM2, une fille également prise en charge pour "dyslexie" en orthophonie privée (voir plus bas).
Les CE2 de l’année suivante sont plus homogènes (bons lecteurs), mais 2/8 sont très lents et très introvertis. Ceux de cette année (2003-2004) sont aussi extraordinairement hétérogènes, comme va l’identifier clairement l’évaluation CE2.

• Un travail spécifique sur l’évaluation CE2-6e :
Partant du principe qu’il est difficile aux enfants de situer leur niveau (par rapport au groupe-cours et par rapport aux compétences attendues en fin de cycle), je décide faire passer les évaluations CE2 aux trois cours. Objectif : faire la photographie de la classe en fonction des "acquis attendus" (CE2), en tentant de faire changer de posture les élèves sur ce que pouvait être l’évaluation : non plus un moyen de classement ou un outil pour décider des sélections scolaires et des redoublements, mais une aide pour savoir ce qu’on vient faire à l’école (évaluation formative).
Une fois les passassions faites, vient le temps des corrections. Elles sont faites collectivement, au cours de longues séances au cours desquelles je fais découvrir aux élèves le sens des items de codage. Le codage des items et le report dans Casimir sont faits par les élèves, afin qu’ils prennent conscience de toute la démarche d’évaluation. Cela représente évidemment un temps de travail conséquent (environ deux semaines). Mais j’ai averti les élèves que cette phase de correction n’était pas du temps perdu, au contraire un moment où chacun allait pouvoir prendre conscience de ce qu’il sait faire. La conduite de ces séances doit être extrêmement rigoureuse : chacun doit savoir qu’on fait un travail important, qu’il est nécessaire de laisser le temps aux plus lents de coder correctement.
Pour les élèves, c’est un premier moment de travail pour poser au groupe les problèmes que lui pose la correction. Une fois la situation présentée, on doit s’entendre sur la bonne réponse. Parfois, la quasi unanimité se fait. Mais parfois, la controverse bat son plein. Et une fois la solution reconnue par tous, reste à savoir quoi faire de son erreur : "Moi, j’ai fait ça… Comment dois-je coder ma réponse ?". Les finesses des codages 4, 5, 8 ou 9 présents sur certains items posent problème, demandent échange et réflexion.
C’est aussi l’occasion de premières interrogations sur le mode : "Si Untel a fait telle erreur, qu’est-ce que ce ça veut dire qu’il a eu comme difficulté ?". On va aider ainsi les élèves à commencer à discerner que le but de l’évaluation n’est en rien le classement des élèves ou la « bonne note », mais davantage d’aider à comprendre ce qui fait souci : telle erreur de résultat vient-elle d’une technique opératoire mal assurée ? d’un défaut de raisonnement ? d’un oubli dans la démarche ?
Jusqu’au report des résultats dans le logiciel Casimir, le sérieux dont font preuve les élèves, le taux très faible de "tricherie" dans les codages est un premier indice de la pertinence du travail pour chacun d’entre eux. D’ailleurs, je pose publiquement le dilemme à affronter :« Vous pouvez tricher, de toutes façons, je ne regarderai pas vos cahiers sauf pour les épreuves d’expression écrite. C’est vous que ça regarde... ».

Premiers résultats visibles
On résume les résultats, sous forme graphique simplifié –ci-dessous le Français- : chaque x est un CE2, chaque o un CM1, chaque u un CM2. Ce codage permet d’anonymer (relativement...) les résultats, de décentrer l’attention des enfants, au départ davantage portés à connaître les premiers et derniers que de chercher à comprendre les enseignements de la présentation des résultats.

Exemple de tableaux affichés dans la classe (français) :
Résultats de la entrée 2001
10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
CE2 x x x x x xx x x x x x
CM1 o o o ooo o o
CM2 u u u u

Rentrée 2002
10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
CE2 x x x x x x x x x x
CM1 o o oooo o o
CM2 u uuuuuuu

Rentrée 2003
10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
CE2 x x x x x x x x x x x
CM1 o o ooooo o
CM2 u u u u u uuuu

Une exploitation collective de ce tableau est alors faite avec les élèves, permettant de prendre conscience de plusieurs résultats observables :
- au sein d’un cours, la dispersion des résultats est importante (on prend la mesure des différences de performances entre élèves), mais le chevauchement des résultats entre élève cours est tout à fait significatif. Il va permettre d’engager avec les élèves une justification et une théorisation du travail en cycle
- sans nier les écarts de performance entre élèves (pourquoi faudrait-il les masquer ?), un graphique aussi simple permet aussi de lire la position respective de chacun en français et en maths (tel élève faible en français se situe dans "la moyenne" de son cours en maths
- On lit facilement la progression d’un groupe en un an. "Tu es peut-être encore en difficulté, mais regarde combien tu as progressé en un an". Dans cet exemple précis, les CM1 de 2002 ont clairement vu, en comparant avec le graphique de l’année précédente, qu’ils avaient à la fois progressé et resserré leur dispersion ("On a avancé tous ensemble, et Damien et Kévin nous ont rattrapés !")
- Pour les CM, l’affichage de résultats supérieurs à 80 % de bonnes réponses est rassurante, positive, permet à chacun de se dire qu’il possède manifestement les "compétences de bases" et sentir que les compétences exigées en cycle III lui sont accessibles. Et que dire de Laurie, CM2 en 2001, paniquée à l’idée de subir les mêmes évaluations que tout le monde (« Mais, maître, tu sais, moi, je suis dyslexique... ») subjuguée de voir des résultats lui indiquant plus de 90% de bonnes réponses !

Un peu facile, dira-t-on, pour des CM... Certes. Mais est-il bien évident que chaque CM ait clairement conscience de ses progrès depuis le CE2 ? Personnellement, ce n’est qu’après avoir effectué ce travail trois ans de suite avec des élèves que j’ai peu enfin entendre régulièrement, cette année, des « grands » sécuriser des petits en leur disant : « C(e n)’est rien... Moi aussi, au CE2, je ne savais pas... Regarde, maintenant, où j’en suis... »
Évidemment, il ne s’agit pas, en proposant aux CM une évaluation trop facile, d’en rester aux bons sentiments et de limiter les exigences conceptuelles et disciplinaires à leur égard.
Et les évaluations 6e...
C’est pourquoi, cette étape de "sécurisation-balisage" franchie, je décide de faire passer (en novembre) aux élèves de CM1 et CM2 les évaluations 6e. L’objectif affiché est de faire sentir à chacun l’écart le séparant du "niveau" exigible d’un élève de 6e. Que cette évaluation soit trop difficile pour eux ne pose dans ce cadre aucun souci : le but est de pouvoir mesurer ce qui reste à chacun à apprendre, tout en ayant éventuellement quelques bonnes surprises au cas où l’évaluation montrerait que, un an ou deux avant, tel ou tel possède déjà tout ou partie des compétences exigées d’un collégien pour tel apprentissage…






Résultats des élèves aux tests d'évaluation 6e (nov 2002)
10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Bonnes réponses Maths (éval. 6e)
CM1 o o o o o o o o
CM2 u u u u u u u u

Compétences fondamentales maths (éval. 6e)
CM1 o o oo oo o o
CM2 u u u uuu u u

Inutile de dire l’importance de la représentation graphique pour les élèves qui voient bien le chemin à accomplir… tout en ayant le repère sécurisant des tableaux d’évaluation CE2 (voir plus haut)

Au cours du traitement des résultats (conduit de la même manière, avec correction et codage avec les élèves), j’essaie de pousser un peu avec eux la démarche, en tentant de s’intéresser spécifiquement aux "compétences fondamentales". Une fois le traitement fait dans Casimir, on s’intéresse, pour chaque élève, au rapport entre résultat global et compétences fondamentales : tel CM1, avec 50 % de bonnes réponses, mais 78 % des compétences fondamentales, semble armé pour les apprentissages à venir. Par contre l’observation d’un autre élève du même cours, ayant un score apparemment proche avec 45 % de bonnes réponses, mais ne "possédant" que seulement 55 % de compétences fondamentales, signale sans doute des "trous" dans les connaissances qu’il faut regarder de plus près.
Pour chaque enfant, il est évidemment important de pouvoir faire un bilan individuel qui va être l’occasion de discuter avec lui (elle) de ses résultats aux évaluations, de ce qu’il pense de ses résultats, de ses points de force et de faiblesse… Le rendu de l’évaluation aux parents en sera une occasion « solennelle » qui permettra à chacun (élèves, parents, maître) de dire ce qu’il pense pouvoir faire pour la suite... Mais les échanges très dynamiques qui ont lieu en groupe-classe sont à mon avis fondamentaux pour la prise de conscience de chacun.

Et au-delà du constat ?
L’étape suivante est évidemment de conduire avec les élèves la réflexion sur "que faire de ces résultats ?", c’est à dire d’engager avec eux le débat sur les "choses" à mettre en place pour permettre à chacun de "profiter au mieux" du temps scolaire, compte tenu des contraintes (plus de 30 élèves…). Rapidement, les échanges vont porter sur plusieurs points.

Comment vivre ensemble ?
C’est l’occasion de donner sens à des règles de vie mises en place en classe (si on veut que tout le monde ne fasse pas la même chose en même temps, quelles contraintes en terme de déplacements, de conduite individuelle, de droits, de volume sonore ?…), mais aussi d’outils (si moi, j’ai besoin de travailler spécifiquement telle notion, où, quand et comment vais-je pouvoir le faire ?) On va donc négocier des règles, des modalités de travail individuel ou d’utilisation d’outils qui vont être équitables (chacun a droit de travailler ses points faibles, quels que soient ses résultats…). Se pose immédiatement la question des outils disponibles, de leur tri, classement et rangement pour pouvoir les utiliser (bibliothèque, fichiers de travail individuels, logiciels…). Des règles doivent être suivies par tous, pour donner à chacun le droit d’apprendre. Le maître en est garant.

Au fur et à mesure que l’expérience commune de la classe va grandir, on va aussi examiner les conditions nécessaires à chacun pour exercer son métier d’élève. Quelques règles de confiance installées sur "ce qu’on a à faire ensemble", on va progressivement oser parler publiquement de soi. "A ton avis, à votre avis, que faut-il qu’on fasse, tous et chacun, pour que Untel se sente mieux ? A votre avis, qu’est-ce qui fait qu’Untel n’a pas réussi ça ? ou qu’il a perturbé le travail ? Quelles sont les raisons du conflit qui a eu lieu ce matin ?".
Ces multiples régulations oralisées, ritualisées (on ne laisse pas un incident sans l’élucider collectivement) mettent en place petit à petit l’idée que tel comportement, tel résultat est peut-être le symptôme d’autre chose, qu’on va pouvoir contribuer à améliorer les choses en négociant, en faisant un effort dans sa relations avec l’autre, avec moins d’exclusion, plus de tolérance…
Je pense que c’est une condition essentielle pour que chacun(e) fasse le chemin intérieur pour recomposer l’image qu’il a de l’école, lieu de violence et de conflit d’intérêts souvent plus que symboliques…. La mise en place progressive d’une "ambiance de travail" n’est pas qu’un supplément d’âme. C’est pourquoi la négociation avec les élèves des "projets", des "défis" qu’on va se lancer chaque année participe totalement à la conscience que chacun va construire de lui-même, de la place qu’il peut espérer conquérir dans l’école, quels que soient ses résultats aux évaluations… Cela passe, pour le maître, par une exigence de tous les instants. Si chaque enseignant n’a évidemment pas les mêmes seuils de tolérance de ce qui est « acceptable » (bruit, échanges verbaux, déplacements), ce sont toutes ces régulations qui vont (ou non...) petit à petit « faire classe », c’est à dire fabriquer un groupe qui va accepter de vivre ensemble une rencontre avec les savoirs scolaires.
Pour apprendre quoi ?
Se pose également la question de l'organisation disciplinaire des savoirs scolaires : faire de la grammaire, de l'histoire, des sciences, c'est quoi ? Plusieurs écrits sont fabriqués, qui constitueront la mémoire des débats et serviront de référence lorsqu'il sera nécessaire de se poser la question (souvent !) : "que sommes nous en train de faire ? d'apprendre ? Qu’est-ce qui gêne ?"…

Du côté des contenus disciplinaires, une fois ces évaluations faites, la décision est prise d’essayer d’identifier, en maths et en français, pour chaque cours, les 10 "compétences" évaluées les mieux réussies, et les 10 les moins réussies. C’est l’occasion d’utiliser concrètement les possibilités d’un tableur (grâce au traitement informatique d’Excel à partir des données de Casimir) pour faire des tris selon différents critères, jusqu’à ce qu’on parvienne à "lire" quelque chose qui semble opérationnel.
On va alors fabriquer des listes qui, affichées, deviendront la synthèse collective de ce que nous ont appris les évaluations.
Exemple en maths, de "compétences" identifiées dans le groupe de CM :
Les mieux partagées :
- reconnaître les parallèles et des figures géométriques simples 
- technique opératoire addition et soustraction 
- lire un graphique 
- situer un nombre décimal sur une échelle 
- calcul mental simple
- calculs avec parenthèses.

Les moins partagées :
- diviser un nombre par 10/100/1000, tables de multiplication
- encadrement de nombres décimaux
- calcul mental complexe, estimation et ordre de grandeur, technique opératoire de divisions à deux chiffres
- lecture de problème, lecture de données en tableaux, lecture de consignes
- double/triple/tiers, fractions, proportionnalité
- parallèle/perpendiculaire, aires et périmètres…

Très naturellement, le groupe va intégrer l’idée que ces notions, affichées au vu de chacun, vont être le "programme prioritaire" au cours des mois à venir… Mais du coup, on les travaille avec un autre regard… "C’est ce dont on a besoin pour aller en 6e".






Cette utilisation dans la classe des outils proposés par les évaluations institutionnelles contribue indéniablement à la clarification collective et individuelle des enjeux scolaires. Mais l’identification de priorités de travail ne garantit évidemment pas que l’élève « apprenne ». Devant les différences significatives des « performance » de ses élèves, que doit faire le maître ? Quelles situations d’apprentissage à mettre en place par le maître ? Faut-il aider ? Individualiser ? A quelles conceptions de ce qu’est l’enfant cela est-il relié ?
Avant de préciser ce que j’essaie de mettre en œuvre en classe, un petit détour par quelques références qui ont contribué à construire mes réponses sur ces questions...



Faire que l’élève apprenne : un impératif nouveau ?
L
e développement des théories psychologiques sur l’enfant, puis sur les apprentissages ont induit une profonde révolution dans la manière de penser l’école. « Dresser l’animal qui est en nous, réfréner ses désirs » disait Alain. Le XXe siècle verra se vulgariser les idées de Freud, Montessori, Freinet, Rogers, Neill dans lesquelles le « désir » est central. Rogers théorise la valorisation de l’apprenant : « On n’a bien appris que ce qu’on a appris tout seul », mais Paul Ricœur dit au contraire « Tout autodidacte est un imposteur ». L'ICEM ou la pédagogie institutionnelle de Vasquez et Oury tentent une synthèse pour imaginer des relations pédagogiques prenant en compte les évolutions sociétales : désir, expression individuelle, coopération, sans pouvoir s’extraire de contradictions et de malentendus dans leur vulgate. Ainsi, Freinet : chantre de la liberté et du laisser-faire ou marxiste convaincu qui croyait aux valeurs du travail social (imprimerie, coopératives ouvrières…) ?

Ces conceptions, qui vont progressivement irriguer les discours sur l’École, ne seront cependant mises en œuvre que par un cercle restreint de militants revendiquant des ambitions de transformations sociales. Elles ne vont pas manquer d’être récupérées par la « modernité » de la seconde moitié du XXe siècle, se contentant parfois de la forme de certains outils pour lifter sans transformer.

Mais le ver est dans le fruit. Loin des conceptions moralistes de Jules Ferry, les "Compagnons de l’Université Nouvelle", ancêtres du GFEN, structurent de nouvelles doctrines pédagogiques, à la lumière des enseignements de Bachelard. Elles iront jusqu’à prendre forme dans l’étonnante audace du plan Lanvevin-Wallon qui ne survivra pas à l’après-guerre. A partir des années 80, on voit cependant apparaître des essais de digestion de ces apports théoriques dans les écrits institutionnels (Legrand, De Peretti). Mais l’École reste largement sous la domination des modèles élitistes, comme l’explique clairement, une fois de plus, Perrenoud : "les objectifs de l’éducation scolaire de base ne sont pas faits pour le plus grand nombre, mais pour les futures élites. L’échec d’une fraction importante de chaque génération est donc programmé et il est inutile de s’épuiser à développer des cycles et des pédagogies différenciées si on ne s’attaque pas au curriculum. Il existe un conflit d’intérêt évident, qu’il ne faut pas sous-estimer, entre :
* d’une part, ceux qui attendent de la scolarité de base la préparation la plus dense, la plus complète et la plus spécifique possible aux études longues ;
* d’autre part, ceux qui lui assignent la mission d’amener chacun à un niveau suffisant de culture générale, quels que soient sa formation et son destin professionnel ultérieurs.
La première vision prédomine, car l’école s’est construite par le haut. Les programmes restent conçus, dans une large mesure, malgré les réformes curriculaires successives, comme une préparation des meilleurs aux études longues."

Comme le montrait en creux l’analyse de la circulaire sur l’évaluation (voir plus haut), le constructivisme n’est pas encore intégré. L’héritage des pédagogies nouvelles n’est assumé qu’en paroles. La réflexion sur la réorganisation des savoirs, réclamée par E. Morin autour de ses « sept savoirs », reste hors du champ de préoccupation des acteurs de l’École :
1. faire prendre conscience des cécités de la connaissance ;
2. faire découvrir les principes d’une connaissance pertinente ;
3. enseigner la condition humaine ;
4. enseigner l’identité terrienne ;
5. préparer à affronter les incertitudes ;
6. enseigner la compréhension ;
7. initier à l’éthique du genre humain.

Les mêmes qui lisent ou écoutent Morin, fascinés et sûrs, disent-ils, qu’il trace la voie de l’avenir, retombent dans leur volonté de ne renoncer à rien dès qu’il s’agit de programmes scolaires " concrets ".

De nouveaux mots sur de vieilles césures ?
De plus en plus nombreux sont ceux qui pensent que la sélection scolaire recouvre la discrimination entre ceux pour qui les savoirs scolaires font sens, et ceux pour qui la forme scolaire se résume à « être sage », « bien écouter », « apprendre ces leçons » comme si les valeurs de l’école de Jules Ferry avaient perduré dans l’inconscient collectif. « Doués » et « non-doués » se sont transformés en « conceptuels » et « manuels », « concrets » et « abstraits ». Et paradoxalement, c’est aux élèves les moins à l’aise qu’on va demander le plus tôt d’avoir un « projet professionnel » pour les orienter ! Faute de travailler ce rapport au savoir, les plus défavorisés intègrent l’idée que « ce n’est pas pour moi. » Ils subissent le rituel de l’école, de plus en plus souvent dans la violence. Le pari de l’éducabilité, du "tous capables", du "en faire ses égaux pour qu’ils le deviennent" chers au GFEN n’est toujours pas assumé par l’école.
En conséquence, faute de choix reconnu, l’École reste malgré elle condamnée à chercher dans le "à chacun selon ses moyens", les "groupes d’aide", les "rythmes propres", les "remédiations" les solutions aux échecs subis par les élèves.

Confronté à ces questions, l’Enseignant n’a que peu de choix s’il reste seul pour trancher. C’est pourquoi je pense qu’il est nécessaire d’interroger les connaissances fabriquées par la psychologie au XXe siècle, avant d’en déduire les choix auquel chaque enseignant doit se confronter dans son action quotidienne.


Que nous apprend la recherche sur les apprentissages ?
• Après le behaviourisme (l’apprentissage est une modification de comportement provoquée par les stimulii extérieurs), la psychologie du développement (Piaget, les stades de développement) a connu une assez grande diffusion.
A partir d’objets d’études pourtant très différents, les épistémologues, les psychologues ou les pédagogues arrivent progressivement à des conclusions convergentes : on parle de plus en plus de production de savoir, et non plus de reproduction. Bachelard évoque les « rectifications », « contre l’enchaînement naturel », chaque nouvelle connaissance scientifique déconstruisant les précédentes. « Toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas de question, il ne peut y avoir de connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit. Préciser, rectifier, diversifier… ». Piaget mettait en avant les mêmes notions en définissant des « stades » psychologiques atteint dans la conceptualisation à chaque âge. On demande progressivement à l’école et aux enseignants de travailler ces questions, de modifier le rapport aux disciplines, d’avoir une réflexion épistémologique, de ne pas enseigner les sciences comme « allant de soi » mais au contraire en insistant sur les révolutions successives qui ont transformé les champs de savoir.

Aujourd’hui, la psychologie cognitive (et ses nombreuses tendances contradictoires !) tient le haut du pavé : se former, apprendre, c’est modifier ses représentations mentales, passer d’une cohérence à une autre, et pas « empiler » des informations les unes sur les autres. Jérome Bruner (L’éducation, entrée dans la Culture) défend l’idée que l’apprentissage individuel est indissociable de la culture sociale, et qu’on peut tout enseigner, à tout âge, pourvu qu’on trouve une présentation adaptée. On se recentre sur la question des savoirs, du rapport au savoir et à la culture humaine, l’enjeu étant bien de relier le petit apprenant aux milliers d’années de "culture commune", que ce soit à travers les contes ou l’histoire de la numération…
Avec la diffusion des idées de Vygotski, mais aussi de biologistes comme J.P. Changeux (" L'homme de vérité ", 0dile Jacob, 2002) se répand l’idée socio-constructiviste : on apprend avec les autres. Dans une confrontation qui oblige à élucider ses propres représentations, l’apprenant modifie sa « zone proximale de développement ». On recommande aux enseignants de travailler dans le complexe plutôt que de découper les savoirs en unités de base qui perdent leur sens social. Les mouvements pédagogiques (GFEN, AFL ou ICEM) traduisent en slogans ces idées : « Expliquer empêche de comprendre » ou « C’est à plusieurs qu’on apprend tout seul », « auto-socio-construction » , « conflit socio-cognitif ».
André Giordan met en image ces acquis dans sa perspective « allostérique » qui rassemble nombre des acquis de la psychologie du Xxe siècle :

Conséquences de ces nouveaux savoirs sur l’Apprendre : des questions à prendre en charge par l’École...
L’irruption de ces nouvelles connaissances, tant sur la psychologie de l’Enfant que sur les mécanismes d’apprentissage, a progressivement conduit le système éducatif poser de nouvelles questions aux enseignants pour leur demander d’intégrer ces connaissances nouvelles. Je vais donc rapidement revenir sur quelques enjeux des débats actuels sur ce que l’école doit faire, et la manière dont elle peut s’y prendre pour y parvenir... J’essaierai d’y construire des cohérences pour dégager quelques principes de fonctionnement pour le fonctionnement quotidien de ma classe.
Les cycles
La première justification au travail en cycle, ce serait que les élèves puissent passer quelques années avec des règles du jeu et des styles pédagogiques un peu stables, mettant leur énergie à apprendre plutôt qu’à s’adapter aux particularités des enseignants. Évidemment, les cycles sont pour le système éducatif l’occasion de passer enfin et de façon qu’on peut espérer irréversible d’une logique de programme (ce que les professeurs sont censés enseigner) à une logique d’objectifs (ce que les élèves sont censés apprendre et savoir au bout du compte).

Dans la mesure où on a prouvé que le redoublement est inutile (M. Crahay), le réduire est toujours un progrès. Mais si on en reste aux objectifs statistiques, les « lignes de pente » vont dériver, les écarts entre élèves vont s’accroître, même si on ne les sanctionne pas par un retard scolaire. A cet égard, que dire de l’utilisation institutionnelle des indicateurs ministériels de redoublement, qui se contentent souvent de prendre le symptôme pour le remède ? Une partie de la crédibilité des objectifs de fin de cycle tiendra donc aux outils intermédiaires d’évaluation qui pourront être mis en place sans re-saucissonner les objectifs du cycle… Vaste défi.

D’ailleurs, comment comprendre la difficulté actuelle dans la mise en place des cycles, si ce n’est la propension institutionnelle à mettre "la charrue avant les bœufs" : les cycles ne peuvent être, dit Perrenoud, que l’étage supérieur d’un édifice qui comprendrait déjà, dans ses étages inférieurs, pédagogie différenciée, constructivisme, coopération, approche par compétences, référence à des objectifs de haut niveau, didactiques pointues et évaluation formative...

Compétences contre savoir ?
Objet de débats passionnels, l’opposition entre savoirs et compétences est à la fois fondée et injustifiée :
* elle est injustifiée, parce que la plupart des compétences mobilisent des savoirs ; développer des compétences n’amène pas à tourner le dos aux savoirs, au contraire
* elle est fondée, parce que l’on ne peut développer des compétences à l’école sans limiter le temps dévolu à la pure assimilation de savoirs, ni sans mettre en question leur organisation en disciplines cloisonnées. De plus, le risque (souvent dénoncé par les tenants de l’ordre scolaire ancien) existe , de faire travailler les enfants sur des « compétences transversales » en prenant davantage appui sur la recherche de « motivation » que sur la confrontation avec les savoirs. La cruelle expérience de "l’éveil" des années 70 en fut l’illustration magistrale. Certains (Rocheix) évoquent l’idée que ces pratiques furent (sont ?) encore plus inégalitaires que les anciennes. Depuis Vygotski, on sait que la mobilisation s’entraîne dans des situations complexes, qui obligent à poser le problème avant de le résoudre, à repérer les connaissances pertinentes, à les réorganiser en fonction de la situation, à extrapoler ou combler les vides, dans la "zone proximale de développement de l’enfant", dans un processus d’apprentissage des élèves qui, à l'image de la spirale d’un escalier, conquièrent graduellement les compétences , d’abord collectivement dans leurs rapports sociaux dans la classe, puis en les intégrant individuellement.

Mais trop souvent, les notions fondamentales ne sont-elles pas étudiées à l’école hors de tout contexte ? Elles restent donc " lettres mortes ", tels des capitaux immobilisés faute de savoir les investir à bon escient. C’est pour cette raison — et non par déni des savoirs — qu’il importe de développer des compétences dès l’école, autrement dit de lier constamment les savoirs et leur mise en œuvre dans des situations complexes. Cela vaut à l’intérieur des disciplines aussi bien qu’au carrefour des disciplines.

Projet, tâche, activité...
La notion de projet est sans doute une de celle des plus galvaudées dans la doxa pédagogiste, appelant parfois des critiques légitimes (voir plus bas, Bernardin). On se méfie de plus en plus des "projets couscous" qui, sous prétexte de faire le lien entre la culture familiale et l’école, perdent de vue les spécificités de l’école pour diluer ses missions dans une simple "prise en charge sociale" des élèves, pas toujours distinguée de la garderie ou du centre social. L’élève, redevenu enfant, fixe davantage ses repères sur "Je vais avec Jacques, je suis avec Monique" qu’à se demander ce qu’il est entrain d’apprendre.
B. Charlot, J.- Y. Rocheix recentrent sur l’activité des élèves (« non pas enseigner, mais faire que les élèves apprennent »). A force de parler d’épanouissement, de ludique, de différenciation ou d’expression, ne réduit-on pas le temps « d’exposition à l’apprentissage », en renforçant les malentendus au lieu de se centrer sur les conditions d’étude et les modalités d’apprentissage : une structuration des activités de classe qui essaie de respecter toutes les approches et les besoins (temps de leçons et de confrontations conceptuelles, temps de renforcement individuel, temps de démarches de recherches et de projets-productions) ? ou une « théorie de la ligne de pente » qui laissera aller chacun là où il est "prédestiné" ?
Ces critiques doivent nous rendre exigeants sur les objectifs et les contenus des projets mis en œuvre dans les écoles. Je pense cependant qu’on aurait tort de changer de cap à 180° : le projet doit rester un moteur essentiel du fonctionnement scolaire, lorsqu’il permet un partage des responsabilités entre l’enseignant et les élèves de la classe, lorsqu’il est un défi posé à tous, lorsqu’il débouche sur des productions concrètes qui deviennent objet de fierté, lorsqu’il suscite des ponts entre les disciplines et l’émergence de savoirs peu valorisés à l’école...

Individualisation et remédiation...
• La "différentiation pédagogique" est un produit hybride des différentes théories, aux conséquences paradoxales. Une idée simple, apparemment : les élèves sont différents, ils n’ont pas tous besoin de la même chose, au niveau cognitif comme au niveau affectif. A l’école, donc, de faire du sur-mesure... Mais quid de l’individualisation des parcours ? Entre rêve et cauchemar, classes de cycle et niveaux hétérogènes sont en général repoussés par les enseignants car trop loin du modèle qu’ils jugent supportable.
Pourtant, personne ne songe plus à défendre l’idée de l’homogénéité d’une classe de 25 élèves du même âge. Mais les avertissements des spécialistes se multiplient contre la tentation de "groupes de niveau", brisant l’émulation et limitant les ambitions des enseignants tentés de limiter leur intervention aux "savoirs de base". "Il n’est pas possible de " réserver " la pédagogie différenciée à une fraction des élèves, comme on limite la greffe de rein à certaines catégories de patients. Si les cycles ne s’accompagnent d’aucune révision des programmes, il est indécent de demander aux enseignants de faire seuls les frais d’une réduction de l’échec scolaire et des inégalités, alors même que les ressources diminuent et que les publics scolaires et les conditions de travail deviennent plus difficiles." explique Perrenoud, pour qui la pédagogie différenciée ne se confond pas avec une pédagogie de soutien, mais doit restructurer l’ensemble de l’organisation du travail dans la classe.

Les fruits des recherches étudiées par M. Crahay prouvent que "les dispositifs d'enseignement individualisé" doivent être interrogés, en particulier parce que l'attention des élèves durant ces moments est difficile, du fait des perturbations diverses qu'ils subissent à ce moment dans la classe. L'enseignement collectif permet aux élèves de tirer "des bénéfices substantiels" lorsque l'enseignant "fournit des informations, des explications ou anime une discussion sur un objet d'apprentissage". L'apprentissage coopératif, mutuel, le tutorat, s'ils sont structurés selon un canevas précis, sont plus productifs, explique le chercheur belge.
Enfin, il constate que l'évaluation régulière, tant dans la phase de construction de la compétence que dans la phase de stabilisation, est indispensable et doit être fréquente. Elle suppose que les résultats aux tests jalonnant les apprentissages n'interviennent pas dans les notes scolaires ou le score final. La "programmation de la succession des apprentissages" lui semble donc devoir être réhabilitée, dans une perspective vigotskyenne anticipant (et suscitant !) les difficultés des élèves. Une "carte didactique" (agencement des apprentissages, et répertoire des difficultés habituellement constatées) lui paraît souhaitable.

Du haut niveau pour les forts, du bas niveau pour les faibles ?
Dans ce domaine, il faut lutter contre une longue tradition scolaire qui conduit à faire, pour les élèves en difficulté, le deuil des apprentissages "de haut niveau taxonomique" pour assurer des acquis plus " techniques ". Prenons quelques exemples didactiques de ces deuils qui dont on espère à tort qu’ils vont "profiter " aux élèves les plus démunis :

* Travailler " à fond " l’orthographe en renonçant à développer la production de textes.
* S’en tenir au texte narratif, en abandonnant le texte argumentatif.
* Travailler les opérations arithmétiques en faisant l’impasse sur l’algèbre.
* Viser la mémorisation des nomenclatures botaniques ou géographiques, en renonçant aux problématiques explicatives.
* Inculquer quelques règles de conduite sans aborder le débat éthique ou philosophique.
Évidemment, on sait que ces choix "sécurisants" ne mènent nulle part. Et pourtant…
Il ne faut pas oublier la dimension épistémologique du rapport au savoir. Enseigner la règle du participe passé, la géographie ou la numération décimale interroge forcément sur la manière dont se sont structurées les disciplines scolaires au cours de l’Histoire. Les savoirs scolaires ne sont ni anodins ni socialement neutres. Pourquoi enseigner la Physique, et pas l’Écologie ? Edgar Morin, dans ses « 7 savoirs Fondamentaux » (voir plus haut), pense que c’est le problème essentiel pour l’avenir de la société, et que rien n’est plus urgent que re révolutionner l’organisation disciplinaire des enseignements dispensés.

Et des questions essentielles à affronter par le maître...
Des doutes sur les "fausses-bonnes solutions" qui permettent de ménager la chèvre et le chou…
Synthétisant les entrées ci-dessus, Jacques Bernardin, instituteur, chercheur à Paris VIII, membre du GFEN, propose de gratter derrière quelques réponses consensuelles et d’en explorer les effets pervers (Attention : cela ne veut pas dire qu’elles ne soient jamais pertinentes, mais tout dépend de ce qu’on en fait…) Quelques lignes de citation un peu provocatrices, mais… :

Quelques exemples de fausses-bonnes solutions ? :
- rattrapage, soutien, adaptation… Moins on leur en propose, moins ils en fournissent… Le fossé se creuse, l’enseignant s’impatiente… et l’enfant est encore plus fragilisé…
- simplifier, renforcer la présence auprès des enfants : on donne du travail autonome aux enfants autonomes, et on faire oraliser ceux qui peinent… confortant l’enfant dans l’idée "quand je saurais les mots, je saurai lire…" (cf l’évaluation 6e montrant les retards dans le traitement des problèmes et la compréhension fine…)
- développer l’aide extérieure : RASED, structures spécialisées : risque de marquage, de dessaisissement de l’enseignant : "Le psy (l’orthophoniste…) va me le réparer" et donc je n’y peux rien…
- aider physiquement : risque de renforcer la dépendance à l’enseignant, et parasitage de la sphère affective dans la relation pédagogique.
- motivation… activité, activisme, décloisonnement : multiplication des temps, des séquences des objets de travail : "je vais avec Martine, je vais avec Jean-Paul…" Risque de manque de cohérence, de manque d’interrogation des buts, réduction à "travailler, bien travailler"…
- projets : risque de faire passer les buts opératoires derrière la réalisation du projet. Risque de différencier le "ludique" du "pénible" (maths/français). L’accumulation du "faire" ne garantit pas la réalisation du "comprendre".
Interrogeons les missions de l’école : qui doit faire quoi ? Ne développons pas ce qui la fragilise… en développant les seuls appels à l’extérieur.

Et si on cherchait plutôt à...
- Ne plus penser "rattrapage", mais modifier le rapport au savoir de l’élève : considérer que la mobilisation n’est pas préalable, mais à conquérir dans le sens de l’activité...
Ce qui est de nature à transformer les logiques d’auto-reproduction :
- Les faire s’engager : situations de recherches, d’exploration… Les choquer, les déstabiliser…
- Renoncer à la conception morcelée : travailler sur des situations globales, complexes, résoudre dans l’activité le "comment ça marche, que faut-il faire" ?
- Nous, enseignant, qu’est-ce qu’on fait ?
Redéfinir la question de notre intervention, s’astreindre à la neutralité, au silence, ou même rajouter à la turbulence, tester ce qui semble faire consensus pour jouer le maître ignorant
- Ne pas esquiver le sens du travail scolaire : qu’est-ce qu’on fait ? qu’est-ce qu’on a à faire ? "On n’est pas là pour vivre ensemble, on est là pour apprendre à se quitter" (citant JY Rochex).
- Interdire de faire à ceux qui sont activistes, analyser la situation, qu’est-ce qu’on à comme matériau ?", revenir au but de l’activité. "Si je ne sais pas où je vais, j’arrive ailleurs ».
- Faire une pause en cours d’activité ? Revenir sur les difficultés rencontrées, les aides possibles, les stratégies adoptées par tel ou tel élève...
- Faire des retours, montrer les progrès, les évaluations, identifier les compétences attendues
- Sur la "peur d’apprendre", avoir une posture éthique. "Tous capables" déclare le GFEN qui engage à rompre avec les apprentissages solitaires, aller vers les apprentissages solidaires, favoriser le débat argumentatif, la déconstruction-reconstruction des savoirs…

Une synthèse qui résume bien les questions posées ci-dessus :
(André Giordan)


Mes choix pour l’organisation du temps scolaire

Toute la difficulté du travail d’enseignant est donc de décliner concrètement un emploi du temps de l’élève qui lui permette d’être confronté à des situations variées. Elles dépendent évidemment des conditions matérielles locales, avec lesquelles l’enseignant va devoir jouer. Les choix de l’enseignant sont donc un compromis entre des injonctions paradoxales. En voici un :

• Organisation générale de la classe autour de plusieurs types de temps.
des temps de "leçons collectives" durant lesquels on travaille une notion (souvent en grand groupe de cycle) : les accords dans la phrase, les pronoms, l’accord du participe, la numération décimale, la proportionnalité, le pouvoir au Moyen-Age…

Des temps de travail en groupe (à deux, à trois à quatre) qui permettre de confronter, d’investir, de présenter aux autres. Pour reprendre le mot de Bachelard : " qui est enseigné doit enseigner ". Recevoir simplement des connaissances tend à les figer, à les rigidifier, et ne favorise ni l'auto-critique, ni l'ouverture d'esprit. Par contre, qu'à un moment donné un apprenant ait à enseigner ce qui lui a été enseigné, favorise " l'exercice social de sa conviction rationnelle ». Dans l'enseignement reçu, " je suis tout ouïe ", alors que dans l'enseignement que je donne, " je suis tout esprit ". Il suffit, pour s’en convaincre, avoir vu un CM2 en difficulté d’aider un CE2 à corriger l’exercice qu’il vient de faire , ou un groupe de CE2 présenter leur exposé à toute la classe...

des temps d’entraînement individuels, souvent sur ordinateur (exerciseurs, Lectra, Elmo… sur 15 vieux PC mis en réseau) ou sur papier (fiches lecture ICEM, ateliers de lecture, mots croisés, copies de poésies, recherches documentaires, fiches de logique, géométrie, problèmes…), temps de retour sur soi, de confrontation directe avec une tâche purement solaire décontextualisée

des temps de production collective (journal scolaire, expos, compte rendus,) appuyés sur les moments "sociaux" de la classe (rencontres USEP, classe patrimoine, classe PAC avec production d'écrit et mise en scène par un professionnel et spectacle au théâtre municipal (quel souvenir !) visites, projets d'écritures de conte, expos…) incluant des moments de recul sur la vie de la classe (règles de vie, bilans collectifs de situations d’apprentissages, commentaires sur les évaluations, mais aussi prise de risque, défis, paris… :
- "Vous pensez vraiment qu'on serait capables de faire un journal en un jour ?" ;
- "Ce voyage à Paris, pensez-vous que vous serez vraiment capables d'en assurer la préparation complète ?"
La classe d’Etigny nous a accueilli le mois dernier. Seriez-vous capables d’en assurer l’organisation pour les deux classes d’Etigny et les deux classes de Senan ?
- "A l'assemblée générale USEP des enfants, Damien sera-t-il capable d'animer un débat sur le fair-play alors qu’il n’est pas le dernier à refuser d’accepter les règles du jeu ?"

"Tous capables" disaient O. et H. Bassis avant d'inventer leur "en faire des égaux pour qu'ils le deviennent"… En effet, l’essentiel est bien de ré-inscrire tous les élèves, même les plus en difficulté, dans le monde scolaire : que viens-tu faire ici ? Que te demande-t-on ? A quel prix peux-tu devenir un « bon élève » ? Le travail sur les « malentendus » scolaires (cf Rocheix) est à mon sens essentiel pour permettre à l’élève d’entrer progressivement dans une nouvelle appréhension de son métier d’élève. Ce qui est angoissant pour le maître, c’est qu’il est alors obligé de s’inscrire dans des perspectives à long terme, dont les effets ne vont pas se mesurer immédiatement. Afin d’être plus concret, prenons l’exemple d’une discipline, le français, pour voir comment se déclinent au quotidien :

• Production d’écrits, individuels et sociaux (journal scolaire, écriture de scénarios, de contes...) permettent un travail systématique, individuel et collectif, sur la ponctuation, mise en paragraphe, typologie d’erreurs (ortho, accord genre/nombre, accords de verbes, homonymes, ponctuation…).
• Entraînement systématique Lectra et Elmo, permettant aux élèves des chiffrages (vitesse, compréhension, efficacité) et une visualisation de l'évolution de ses performances
• Lectures longues de romans : installer la confiance dans les "longs textes" sans image, "comprendre les intentions de l’auteur", "lire entre les lignes", "comprendre ce qui n’est pas écrit", "découvrir comment l’auteur fait pour installer telle ou telle atmosphère"… L’an passé : Cabot Caboche, Le Faucon déniché, Le Port Englouti. Cette année : La Tarte aux Escargots, Les amies d’Olga, Les contes du Chat Perché, Les contes de la rue Broca…). Autant que possible, ainsi que pour les albums, des lectures en réseau qui permettent d’entrer dans telle ou telle problématique du livre (documentaires, textes historiques, descriptions sociales…)
• Lectures d’albums ou de poésies permettant d’entrer dans l’univers d’un auteur, par des textes à références culturelles fortes (Dis-moi, Histoire à quatre voix, M. Marceau et M. Pivert, Petit Chaka…) qui vont être autant d'occasion d'espérer relier un peu plus l'histoire de chacun et celle de l'Humanité (entrée dans la culture, disait Bruner…)
• Lectures courtes (nouvelles, extraits…) ou documentaires (Victor Hugo, la guerre de 40…) permettant de travailler tel ou tel aspect (substituts pronominaux ou lexicaux, conjugaisons, repérage des verbes….), mais surtout points de départ de lectures en réseau permettant d’aborder des contenus historiques, géographiques…

Pour toutes ces situations de lecture, j’essaie de dactylographier des extraits afin de permettre aux élèves de "travailler" les textes en les surlignant, repérant tel ou tel problème, telle structure... en travaillant particulièrement l’utilisation des pronoms, les reprises anaphoriques, dans une perspective d’enseignement de la compréhension en lecture, telle que préconisée par R. Goigoux (voir plus loin, chapitre 4.2.2.) L’usage du logiciel Idéographix (AFL) permet des traitements du texte intéressants (dictionnaires, occurrences ou cooccurences (ils……ent), closures ou mots masqués (mise en évidence des mots-outils), silhouettes, numérotations de lignes…) très intéressantes en particulier au CE2 pour une meilleure compréhension de la langue écrite. J’essaie, autant que possible, de prendre le temps de lectures à voix haute d’un extrait du texte, par le maître ou les élèves, afin d’entrer dans cette petite musique qui nous rassemble, l’espace d’un instant, vers les mêmes rêves...

• Lecture partout : Outre les situations "français", travail régulier sur les problèmes et les consignes (vocabulaire spécifique, compréhension des consignes…) soit en situation collective soit en travail individuel (logiciel Aide et Soutien)






Les multiples entrées décrites ci-dessus pour le travail scolaire n’ont en soi rien qui ne figure expressément dans le corps des instructions officielles. Pourtant, elles me semblent extrêmement « coûteuses » pour les enseignants, si on en juge, par exemple, par les difficultés rencontrées par les enseignants pour mettre en œuvre les nouvelles orientations des instructions sur l’observation réfléchie de la langue ou la littérature. Dit autrement, qu’est-ce qui fait donc que ce ne soit qu’après bien des années de pratique laborieuse que je ne puisse commencer à en percevoir l’articulation ? Quelle « professionnalité enseignante » se construit au fur et à mesure de l’accumulation d’expérience de l’enseignant, qui ne s’apprend guère en formation ? C’est ce que je vais essayer de présenter maintenant.





Quelles postures pour l’enseignant ?








T
rès naturellement, l’enseignant soucieux d’affronter ces questions va donc devoir s’appliquer à lutter contre les a-priori qu’il a du métier d’enseignant (ce qu’il a connu comme élève, ce qu’il a vu faire, ce qu’on lui a dit qu’il fallait faire...).Frédéric Saujat (maître de conférence en psychologie à Marseille) explique que l’enseignant va devoir faire tout un parcours personnel qui va d’abord l’inscrire au sein du genre professionnel (pour « être du métier », savoir faire ce que d’autres pourraient faire également), tout en se créant un style (en ajustant le genre pour en faire un instrument de l’action). Ce chercheur, à l’instar de R. Goigoux, constate dans ses « entretiens d’auto-confrontation) que le travail d’enseignant ne se résume pas au rapport didactique. « On pense trop le rapport au métier à travers le travail de l’élève, mais peu à ce que ça exige de la part de l’enseignant. Ca peut expliquer pourquoi des innovations didactiques ont du mal à se diffuser dans l’école : non pas parce que l’enseignant les refuse, mais parce qu’il ne sait pas comment les mettre en œuvre, parce que ça lui demande trop. ». Ils suivent en cela les recherches faites par les ergonomes du travail dans la filiation des travaux d’Yves Clot.

Dans l’espoir de rendre lisible ma pratique, et sans disposer des moyens de ces chercheurs (recours à l’observation par des tiers...) j’ai donc tenté d’établir une typologie des comportements auxquels je tente de m’astreindre en classe (et en dehors) pour tenter quelques cohérences. J’ai donc passé en revue les différents moments de la classe, et j’ai essayé pour chacun de désigner par un verbe l’attitude dominante du maître à ce moment-là. (voir, pour illustration, l’annexe « Analyse d’une séquence de classe » ).



J’ai constitué la liste suivante (ordre alphabétique) :
• anticiper
• aider
• Ajuster la consigne...
• arbitrer
• clarifier
• Confronter
• Corriger ensemble
• Donner une consigne claire
• Evaluer (pour savoir quoi travailler)
• Expliquer
• Faire corriger
• Faire débattre
• Faire dialoguer
• Faire expliciter
• Faire le pari
• Faire vivre des projets
• Féliciter
• Gérer les contraintes
• Indiquer
• interroger
• Mettre de l’ordre
• mobiliser
• montrer
• Nommer des experts
• Organiser
• orienter
• préciser
• Questionner
• Questionner le texte
• Rappeler à l’ordre
• Reformuler
• Relier
• Réorienter
• responsabiliser
• ritualiser
• Sanctionner
• signaler
• trier
• Valoriser






J’ai ensuite essayé de trouver un classement de ces verbes qui permette de « lire » quelques « postures » essentielles qui reviennent dans la classe, me permettant de proposer la typologie ci-après :

Essai de typologie : faire classe, faire apprendre, se transformer
En associant des verbes au « faire classe » et des noms au « faire apprendre », je précise ce qui est de l’ordre de l’action du maître, de sa responsabilité (par des verbes). Les noms précisent que les intentions du maître sont soumises à l’initiative de l’élève. Ces secondes postures seront d’autant plus efficaces que les premières (« faire classe ») seront prises en charge efficacement par le maître.
J’y ajoute les postures de type 3 et 4, qui sont déterminantes (3 : condition du changement pour le maître ; 4 : condition de son « pouvoir agir »). Elles s’exercent hors de la classe.

Devant les élèves :

Faire classe : tous ensemble, une place pour chacun (Gestion du groupe-classe/ordre/mobilisation). Peut se décliner en :
1.a) garantir l’ordre et la liberté individuelle, premier rôle de l’enseignant (mettre de l’ordre,rappeler à l’ordre, sanctionner) 1.b) mais aussi la gestion des individus différents pour faire un groupe opérationnel : animer, écouter, laisser s’expliquer l’autre, faire place à chacun.
1.c) Dans les tâches/défi/projets, organiser, expliciter, jouer la transparence, parier sur la capacité des élèves à investir le savoir dans des situations complexes.

Faire apprendre : tous capables ? Peut se déliner en :
2.a) Positiver, avoir confiance dans l’élève : le maître est assureur de l’estime de soi et des autres
2.b) Travail sur les consignes/activités (le maître est décodeur de l’activité scolaire)
2.c) Tâche/défi/projets : le maître est accompagnateur de l’exercice du métier d’élève (métier d’élève étant entendu comme défi/projets/ et tâches construits par l’élève en cohérence avec le milieu scolaire)
2.d) Aide à la communication/confrontation entre élèves : le maître est pédagogue (comprend l’évaluation dans toutes les acceptions du terme, de « sommative » à « formatrice » et les situations didactiques vécues comme « situations-problèmes »).

Hors la classe :

Com-prendre : avec les parents d’élèves, les partenaires...
(l’enseignant doit comprendre l’autre, se faire comprendre des autres)
4. Apprendre d’autres : l’enseignant est collègue, compagnon, coopérateur, investigateur


Sur ces différentes postures, quelques aperçus issus de la pratique quotidienne :
Faire classe : ordre collectif et place de chacun...
Véritable fondation de la classe, ces postures (1a, 1b) engagent en profondeur l’enseignant, dans un rapport très physique à la classe. C’est sans doute là que se joue une forte part d’intime, dans une extrême variabilité selon les maîtres, dans un fragile équilibre entre la construction des individus et la dépendance à la règle. Je pourrais en détailler ici de multiples exemples :
- expliciter et résoudre collectivement les conflits, en veillant à faire vivre le règlement élaboré.
- gagner auprès de tous les élèves l’idée qu’il est nécessaire de prendre le temps d’écouter jusqu’au bout ce que veut dire Maïté, CE2 très mauvaise lectrice, lorsqu’elle nous parle de ce qu’elle a compris de la lecture.
- parvenir à tenir avec passion un débat littéraire pour confronter les interprétations du roman en cours, sans autre intervention du maître pendant de longues minutes.
accepter de composer rapidement des équipes de rugby équilibrées en mettant au second plan ses inclinations personnelles qui permettraient de gagner le match sans souci...
gérer les conflits entre élèves lorsqu’ils gagnent l’intérieur de la classe et mobilisent plus d’attention que de raison...

Mais même en y investissant une forte énergie, ces compétences des élèves et de la classe ne me semblent toujours acquises que provisoirement, comme si un souffle d’air pouvaient faire tanguer le fragile équilibre. A ce sujet, une anecdote qui révèle des difficultés persistantes : malgré tous mes efforts pour inscrire la « bonne conduite » des élèves dans une construction citoyenne, force est de constater que l’apparente stabilité de la classe tend à ne pas résister lorsqu’un remplaçant la prend en main. Phénomène sans doute commun (surtout si on en juge par l’effectif de la classe !), certes, mais peu satisfaisant puisque tendant à prouver qu’une bonne part de l’adhésion de l’élève à une norme comportementale positive n’est acquise que par « dépendance  affective » (ou par simple crainte) envers l’enseignant.

L’autre posture mise en évidence (1.C : organiser, parier sur la capacité des élèves à investir le savoir en situation complexe) renvoie l’enseignant à ses propres manques : organiser des situations ouvertes, complexes, va amener l’enseignant à piloter ses situations où la contrainte est multiple, où les savoirs et compétences poursuivis vont se retrouver enchâssés dans une multitude de paramètres vont jouer, où l’évaluation de l’action va être renvoyée à un futur moins proche. C’est évidemment déstabilisant, angoissant pour l’enseignant.
Exemple du journal scolaire :
Faire le pari que la classe va progressivement s’emparer du journal scolaire comme moyen de fabriquer un écrit social, ça doit nécessairement se décréter par l’enseignant comme objectif à long terme, Mais pour parvenir à ce but lointain, il va falloir mettre en place le moyens de la construction de ce sens par les élèves, tout en balisant un fonctionnement « rentable » dans le fonctionnement de la classe. Pour le maître, cela signifie aider ses élèves à penser tout à la fois :
la manière dont le journal doit répondre à certains critères : lisibilité, contenu, maquette, régularité, contrainte de production, rubriquage, place du lecteur, suivi des abonnements... Cela nécessite un travail progressif, une analyse des numéros fabriqués, y compris par un regard extérieur : journaliste, maquettiste, semaine de la presse...
la prise en charge organisée par des individus ou des petits groupes de telle ou telle rubrique : le suivi de l’écriture, les réécritures, le fait que le travail soit mené à son terme, rangé au bon endroit pour le retrouver la fois suivante dans l’ordinateur...
l’organisation ergonomique du temps de classe consacré au journal : à la fois que ce temps ne sont pas trop important pour que toute l’activité de production d’écrit ne s’y résume pas, mais aussi que les projets et activités menés dans la classe puisse être à leur tour utile au journal pour montrer à l’extérieur « ce qu’on sait », « ce qu’on fait ».
la maîtrise progressive par les élèves du « savoir écrire pour le journal» en maîtrisant les outils de correction, les logiciels, mais aussi le travail sur les titres, les chapeaux, les clins d’oeil aux lecteurs...
le suivi par le maître de le place prise par chaque élève dans le projet collectif : la manière dont certains y construisent progressivement leur place, les « évitements » (et la régulation de ce qui est tolérable ou non), le rythme de travail, les pertes d’énergies, les aides pour la documentation...

On pourrait décortiquer de la même manière d’autres projets (préparer une rencontre de classes, un spectacle à partir d’une création littéraire, une classe patrimoine...), on retrouverait ces déclinaisons de contraintes, dans lequel le maître doit à la fois savoir garder ses objectifs prioritaires (gestion du groupe, apprentissage...) tout en sachant qu’il devra gérer en même temps un grand nombre de variables parasites avec lesquelles il est inévitable de devoir composer. C’est sans soute pour toutes les instabilités qu’elles renvoient que ces situations sont les plus difficiles à mettre en place pour les enseignants, même si c’est dans ce cadre que peuvent naître de profonds bouleversements dans les comportements scolaires des élèves.
Faire apprendre
C’est pour moi, paradoxalement, le véritable enseignement des dernières années de la recherche en éducation : le métier d’élève s’apprend grâce au maître, et ce d’autant plus que la famille peine à trouver sens dans l’école. C’est une mère d’élève qui m’en donna la clé (certes caricaturale...) : « C’est à l’École qu’Alexis apprend, alors que sa sœur doit apprendre à la maison et va au collège pour qu’on contrôle ce qu’elle sait ». Trouver les clés du sens scolaire, c’est aller dans la précision des consignes et du sens des tâches. Non pas seulement répondre au questionnaire, mais apprendre à répondre au questionnaire. Un exemple à travers l'enseignement de la compréhension en lecture cher à R. Goigoux : donner un questionnaire de lecture AVEC les réponses surprend et déstabilise les élèves. « On n’a plus rien à faire ? ». Ce n’est qu’avec la découverte progressive de la consigne « C’est le travail d’une très bonne élève. Expliquez-moi COMMENT elle a fait pour bien répondre aux questions. » qu’on va se poser la question de comment faire (en recopiant les indices, en surlignant dans le texte...). Ensuite, un classement va permettre d’arriver à une typologie de questions (celles dont la réponse est dans le texte, celles où il faut relier plusieurs éléments pour trouver un sens, celles où on doit expliquer un mot difficile par son contexte, celles où il faut mettre en réseau ses propres connaissances culturelles avec celles de l’auteur...). Enfin, on va s’exercer à chercher soi-même des questions de différents types à partir de textes qu’on lit, les communiquer à d’autres groupes, d’autres classes... qui à leur tour nous feront savoir si leurs classements ont à voir avec le nôtre...
Cette exploration fine des tâches scolaires est à mon sens fondamentale si on veut faire perdre aux élèves cette déplorable attitude l’amenant à chercher dans les yeux du maître la question à se poser... ou la réponse à trouver !
Je ne reviens pas sur l’articulation avec l’évaluation, largement décrite plus haut, à mon sens fondamentale pour donner des repères à l’élève sur sa position propre, mais aussi les besoins du groupe classe, qui vont eux-mêmes déterminer les priorités dans les contenus scolaires à travailler, qui vont apparaître comme tels, et non cachés derrières des formes scolaires ambiguës et opaques pour l’élève.

Quand le tâtonnement amène à Pi
Ainsi, le référentiel d’objectifs pour le second trimestre 2003-2004 (voir annexes) sert de trame aux apprentissages. Chaque semaine, lors du temps réservé à la réorganisation des classeurs des élèves, on va s’attacher non seulement à ranger au bon endroit les travaux réalisés, mais aussi à pointer les contenus qui ont été abordés. Chaque enfant reporte l’appréciation de ses acquis avec un code couleur (vert, orange, rouge selon le degré de maîtrise), C’est aussi le moment où les élèves vont dire « Nous devrions travailler sur cette notion que nous n’avons pas abordée ». Par exemple, Cindy constate que la ligne G5 précise qu’il est nécessaire de travailler sur les figures géométriques en volume. Aussitôt, on se met à chercher les ressources disponibles, dans les manuels ou à la bibliothèque, C’est l’occasion d’utiliser les sommaires, les index... qui vont permettre d’apprendre à gagner du temps et à aller au but. En situation de recherche, les élèves identifient une page du manuel où ils sont invités à reproduire des patrons de figures en relief. Ils se mettent à construire des prismes, des pyramides, des cubes... Pointant que l’auteur du manuel n’a pas proposé de cylindre, Matthieu et Justine, bientôt imités par les autres élèves, se mettent à explorer la meilleure manière de fabriquer le patron du cylindre. On ne met pas longtemps à tomber d’accord sur la nécessité de dessiner un rectangle et deux cercles adjacents. Mais le tâtonnement patine lorsqu’on arrive au découpage. Bientôt, la question se formule : « quelle dimension donner au côté du rectangle adjacent au cercle pour qu’il soit suffisamment long pour permettre de faire le tour du cercle ? »
Pour le maître, cet obstacle n’a absolument pas été anticipé. Mais c’est parce que la situation d’exploration mise en place par les élèves est suffisamment ouverte qu’elle débouche sur un vrai « problème » : comprendre le rapport entre le diamètre et la circonférence d’un cercle... La difficulté pour le maître est alors 1. D’identifier le concept mathématique en jeu, de mesurer s’il est au programme et/ou s’il est accessible aux enfants de cet âge. 2. De décider quand et comment il va permettre aux enfants de mettre en place une situation dans laquelle ils vont trouver l’aide (et le dispositif pédagogique) qui va leur permettre de passer l’obstacle.
Dans ce cas précis, je choisis d’orienter le travail du groupe sur la mesure du cercle : chacun comprend alors qu’il faut partir à la recherche de moyens de mesurer la circonférence par un dispositif expérimental : ficelles, reports de compas ou de segments... Chacun sait que le résultat va être approximatif. Je propose alors de construire au tableau un récapitulatif qui permettra d’identifier progressivement la propriété : proportionnalité entre diamètre et circonférence. L’observation du tableau amène la clarté : « C’est trois fois plus grand » ; « Non, ce n’est pas exactement trois » ; « Attend, je prends la calculette »... On compare, observe. La démarche « expérimentale » étant présente pour tous, il est accepté qu’on n’ait pas de « résultat juste » puisqu’on sait que les mesures du cercle ne sont pas justes... Les différentes écritures des rapports (3,1 ; 3,132 ; 3,15 ; 3,164 ; 3 ,2...) sont comparés, classés... Vient ensuite le recentrage par l’enseignant, l’introduction magistrale de ce qui ne peut être réglé par le tâtonnement des élèves : « Ce que vous venez de faire, l’Humanité a mis des siècles pour approcher le résultat exact... » Cette inscription de la recherche (fortuite ?) du groupe-classe dans l’histoire de l’Humanité est toujours un exceptionnel moment de fierté pour nombre d’élèves du groupe : « Nous existons, puisque nous sommes inscrits dans une histoire... » semblent alors dire leurs yeux...

Com-prendre : et les parents ?
Un médecin n’a aucune raison de développer un diagnostic à l’usage exclusif des patients. Il se borne à leur faire part de ce qu’il constate et pense, en se contenant d’adapter son discours pour être pertinent et compréhensible. Pourtant, nombreux sont les enseignants (et moi le premier...) qui, en difficulté avec la manière de rendre compte aux parents des acquis de leurs enfants, sont tentés de procéder à une évaluation spécifique, qui ne serait faite que pour informer les parents, dans laquelle la norme sociale est plus prégnante que le rapport au savoir...

Pour lever toute confusion, mieux vaudrait mieux essayer d’arriver à faire se succéder plusieurs phases :
1. les professionnels de l’enseignement-apprentissage évaluent les élèves pour guider leurs apprentissage et les interventions pédagogiques de façon optimale (fonction de régulation) ;
2. ils associent les élèves à certaines des opérations de prise de données et d’interprétation et ils leur communiquent une partie des résultats, sous des formes diverses, appropriées à leur âge, à leur compréhension et aux stratégies de mobilisation adoptées (fonction d’information-mobilisation) ;
3. les enseignants communiquent aux parents une partie des informations qu’ils détiennent, sans cacher le reste, mais en ne le divulguant qu’à la demande (rôle d’information).

Si l’école ne parvient pas à renverser la logique actuelle, pour faire de l’information aux parents un dérivé des informations recueillies à des fins formatives, certificatives ou pronostiques, elle passera de plus en plus de temps à produire une information spécifique destinée aux parents, consommateurs de plus en plus exigeants, et de moins en moins à cerner ce qui permet de mieux faire apprendre. Mais le dire est plus facile que de le faire...

Dans ma classe, les graphiques réalisés en classe, qui font l’objet de communications et d’explications lors des réunions de parents ou lorsque je les reçois individuellement pour leur rendre compte des évaluations de début d’année, vont permettre aux parents d’avoir une idée relative (par rapport au groupe-cours et au groupe-classe) du résultat de leur enfant en maths et en français, ce qui est un souci important pour eux. Un bilan individuel est édité, grâce à l’aide d’un logiciel (GPI) qui va piocher les résultats dans la base CASIMIR et présente les compétences de maths et de français en indiquant le pourcentage de réponse ou "acquis, en cours d’acquisition, non acquis". Le document est le support d’un échange informel entre l’enseignant, le(s) parent(s) et l’élève sur la situation, les attentes de chacun, éventuellement les "efforts" à faire sur tel ou tel point.
Il faut cependant noter la difficulté importante d’un parent "ordinaire" (non-expert des questions d’apprentissage) malgré sa bonne volonté, à entrer dans une évaluation pour lui dérangeante, ne lui renvoyant pas forcément ce qu’il est venu chercher « ça va ? ça ne va pas ? » ; «  il est sage ? » ; « de toute façon, elle est moins douée que sa sœur  »). Dans ce contexte, il me semble extrêmement difficile, comme on le lit parfois, d’imaginer un "contrat" liant les "trois parties" autour des actions à envisager pour les semaines à venir.
En particulier pour les familles ayant le rapport le plus lointain (ou le plus craintif…) à l’école, l’objectif est pour moi plus prosaïque et moins immédiat : trouver les moyens d’engager tout au long de l’année un dialogue fructueux, leur permettant de changer de regard sur les priorités de l’école. Passer de "Ils ne peuvent pas sentir mon gamin parce qu’il est trop remuant" à "finalement, ils essaient peut-être un peu de s’en occuper…" est avec certains parents un chemin long et difficile, tant pour les parents que pour l’enseignant. Il m’a fallu trois ans, avec les parents de Mégane, pour que l’irruption en furie de la mère dans l’école (« Je ne veux pas que ma fille soit à côté de cette..... de Justine qui la maltraite ») se transforme progressivement en visite de courtoisie pour montrer les photos du dernier nouveau-né de la famille. Trois ans de négociation ferme et courtoise, de « asseyez-vous, nous allons en parler », de « vous avez bien fait de venir, même si nous ne sommes pas d’accord », de « on va régler à l’école les problèmes de l’école, et laisser ceux de l’extérieur à l’extérieur », de « mais non, votre fille n’est pas à la dérive », de « peut-être pourriez-vous lui laisser le temps de vivre son adolescence avant de la frotter aux problèmes des adultes  ? ». Mais qu’il fut difficile de faire la part des choses, de m’imposer un comportement « professionnel » quand les agressions verbales semblaient me rendre seul responsable de la solitude d’une famille ouvrière en proie (simultanée...) au chômage et à l’arrivée dans un milieu villageois hostile aux « étrangers » pourtant bien français...

Mais sauf à faire reposer le travail d’enseignant sur des qualités individuelles qui nous feraient immédiatement retomber dans les mythes fondateurs des « hussards noirs », cette typologie de « postures » enseignantes n’aurait pas de sens si elles ne s’articulaient pas avec une compétence fondamentale des « métiers » qui aspirent à devenir une « profession » : le travail collectif.

Apprendre d’autres : un enjeu crucial...
C’est devenu un truisme de l’analyse sociologique de l’école : plus une étude qui ne mette le doigt sur la solitude de l’enseignant, qui n’insiste sur l’importance fondamentale du pilotage local, du travail collectif au plus près du terrain, pour engager les enseignants dans cette nouvelle conquête de la professionnalité qui impose à chacun d’endosser sa propre responsabilité dans la bonne marche de l’École. En effet, ses nouveaux oripeaux amènent une mue très coûteuse, à laquelle il serait illusoire de penser que les enseignants puissent entrer par simple injonction
Comme pour l’élève, renoncer au maître idéal...
Avec la politique et la thérapie, l’enseignement était, pour Freud, l’un des trois métiers impossibles qui ont en commun de viser, tel Don Quichotte, des objectifs hors de portée de l’action ordinaire.
Dans de tels métiers, l’échec est une issue qu’on ne peut jamais exclure d’avance. C’est parfois la plus probable, toutefois, elle n’est jamais sûre. La compétence et la conscience professionnelles consistent à tout tenter pour conjurer l’échec. On ne peut donc faire d’avance son deuil de la réussite, pour se protéger définitivement des déceptions. On va nécessairement d’espoirs en désillusions. Comment se garder des effets dévastateurs de cette perverse alternance ? Sans doute y a-t-il plusieurs voies, dont le cynisme ou la foi sans limite dans l’être humain. Entre ces extrêmes, les praticiens ordinaires doivent à la fois espérer suffisamment pour agir avec détermination et s’attendre au pire, pour ne pas s’effondrer si leurs espoirs sont déçus. Une pratique réflexive présente alors une double utilité :
- d’une part, elle permet de poser un regard lucide sur son propre fonctionnement et de prendre quelques distances par rapport à ses fantasmes de toute puissance ou d’échec,
- d’autre part, elle aide à faire la part des choses, de cas en cas, à trouver un chemin entre jouissance masochisme de l’autoflagellation et la tentation du fatalisme. Perrenoud, décidément pertinent, résume :
"Exercer sereinement un métier de l’humain, c’est savoir au plus près, du moins dans l’après-coup, ce qui dépend de l’action professionnelle et ce qui lui échappe. C’est ne pas porter le poids du monde, en "prenant sur soi", en se sentant constamment coupable ; c’est en même temps ne pas se boucher les yeux, percevoir ce qu’on aurait pu faire si on avait mieux compris ce qui se passait, si on s’était montré plus rapide, plus perspicace, plus opiniâtre, plus convaincant. L’on apprend de l’expérience, en cernant de mieux en mieux cette marge étroite dans laquelle la compétence professionnelle fait la différence. L’analyse ne suspend pas le jugement moral, elle ne vaccine pas contre toute culpabilité, mais elle incite le praticien à ne pas être une machine infaillible, à faire la part de ses préférences, hésitations, passages à vide, trous de mémoire, partis pris, dégoûts et attirances et autres faiblesses inhérentes à la condition humaine".
Dans un autre genre, F. Dubet, observateur souvent pointu des faiblesses de l’École, croit profondément à la richesse de la polyvalence de l’enseignant du primaire à condition qu'il assume ses responsabilités :
"Même si les tensions du métier de maître d’école ne sont vécues ni comme un drame, ni comme la décomposition d’un monde à jamais perdue, il reste que le travail des instituteurs est perçu comme une activité de construction du métier engageant de plus en plus fortement la personne devant résoudre un certain nombre de problèmes et d’épreuves. Il faut courir après plusieurs objectifs, il faut engager plusieurs types de relations avec les élèves et tout devient affaire d’équilibres et d’expériences, de cristallisation personnelles. Cette activité est d’autant plus difficile que les instituteurs partagent, comme bien d’autres professions, certains des postulats de la pensée critique les privant des croyances si commodes de l’école républicaine. On sait, par exemple, que la moitié des instituteurs, au sortir des IUFM, pensent que l’école accroît les inégalités et que plus de 40 % pensent que l’école n’est pas étrangère à l’échec des élèves. Autrement dit, les maîtres d’école ne peuvent plus croire pleinement aux principes et aux valeurs qui fondent leur métier ; ils y croient parce qu’ils y sont obligés, s’ils n’y croyaient pas de cette manière, ils ne pourraient pas travailler. « Il y a des leurres et l’obligation d’y croire jusqu’au bout ».
Bien que le métier d’instituteur ne soit pas éclaté, il reste qu’il ne peut plus être totalement décrit comme l’accomplissement d’un rôle déjà écrit. Il consiste plutôt à composer avec diverses logiques qui ne se déchirent sans doute pas, mais qui doivent être recomposées et combinées par les individus eux-mêmes à partir de ce qu’ils désignent comme leur personnalité. C’est en ce sens que le métier engage le sujet, moins au nom de ses convictions ou de son dévouement, mais en réponse à une sorte de nécessité « fonctionnelle » d’intégrer une expérience. Et plus le métier engage, plus il est perçu comme passionnant et comme… épuisant."

Aller aux priorités
Dans une école, dans une classe, il est donc impossible, faute de temps, d’énergie, de moyens, d’activités suffisamment riches et diverses, d’offrir constamment à chacun une " éducation sur mesure ". C’est un problème de gestion de classe et de répartition des ressources. Préparer des heures de classe au risque d'y laisser "sa vie" risque de rendre peu disponible pour réagir rapidement in-situ. On peut optimiser le traitement des différences dans l’optique d’une pédagogie différenciée, surtout en travaillant en équipe et en cycle, mais on restera toujours loin de l’idéal, parce que le rapport entre le nombre d’enseignants et le nombre d’élèves restera toujours insuffisant. L’évaluation formative a donc aussi une dimension stratégique : identifier les urgences, les leviers, les problèmes qu’il faut traiter en priorité.

Mireille Cifali étudie ces phénomènes : « L'enseignant avait auparavant un statut normalisé. Étouffant mais identitaire. Mais l’idéalité « je transmets, ils apprennent » a explosé. On cherche des coupables : parents, ministre, réformes, système, ou on retourne la culpabilité contre soi.
Le malaise ne sera pas évacué par des lois et des généralités, mais un travail local, le « travailler ensemble », des lieux d’écoute… Les marges de liberté renvoient chacun à lui même : on existe dans la classe si on existe dans la vie. C’est passionnant et angoissant : il faut être contradictoire : chercheur, animateur, transmetteur…. La question est alors : « jusqu’où je m’engage ? » et d’accepter qu’il n’y ait pas de réponse simple, toute faite en dehors de moi. C’est passionnant pour l’individu parce que ça peut lui permettre de se découvrir de nouveaux potentiels, mais c’est risqué pour l’égo… »

Transformer son rapport au métier : un défi collectif
La solitude de l’enseignant est double un solitude quotidienne dans la préparation de sa classe, dans sa recherche permanente pour inventer des outils et des démarches quand des milliers d’autres font la même chose jour après jour est indéniablement un gâchis d’énergie formidable. Mais une autre solitude est d’être condamné à vivre seul un métier tout entier inscrit dans la sociologie et les sciences sociales. De Baudelot à VanZanten, en passant par Bourdieu, Lahire ou Broccholichi, les outils existent aujourd’hui pour décrypter le réel en l’inscrivant dans un tout : l’École est reproductrice des inégalités sociales, mais l’école n’est pas condamnée à l’inefficacité ; la demande sociale des parents pour l’École est de plus en plus forte ; « l’Egalité des chances » peut être un concept-piège ; l’écart grandissant entre la norme scolaire prescrite et celle réalisée est un piège mortel pour l’École publique ; la territorialisation doit s’accompagner d’un pilotage très fort pour que le service n’explose pas en multiples écoles « à la carte ».
Inscrire ces connaissances dans le vécu des maîtres n’est pas un supplément d’âme, c’est la condition essentielle pour que chacun comprenant sa place dans un destin commun, il soit prêt à payer le prix (relatif) de l’engagement nécessaire pour que l’école remplisse mieux sa mission. « A force de privilégier la « neutralité » de l’enseignant, l’École publique n’a-t-elle pas rangé trop vite son étendard et ses ambitions ? » disait publiquement un Inspecteur d’Académie en présentant ses orientations de carte scolaire...
« Seul, je n’y arrive pas. »
Comme pour les élèves, c’est lorsque des dynamiques entre pairs se mettent en route que chacun peut alors mieux trouver sa voie, son style pour mieux réussir. « Seul, je n’y arrive pas » déplorait récemment une directrice en formation, n’arrivant pas à entendre que les commandes institutionnelles (évaluation CE2, projet d’école, intégration des enfants handicapés...) pouvaient être un investissement à long terme pour un meilleur vécu du métier. Faute d’avoir trouvé l’espace pour y croire, elle ne s’inscrit pas dans ce que lui demande l’institution, et se réfugie dans une plainte qui lui fait nier son propre pouvoir sur son métier.
Pour modeste qu’elle soit, mon expérience dans le travail collaboratif entre enseignants m’a montré que c’est une source d’énergie incomparable. Certes, elle est décuplée lorsque l’institution donne l’exemple. Mais simplement par le travail entre pairs, il est possible de trouver enfin des espaces pour dire ses doutes, ses insuffisances, et accepter de prendre sa part d’un projet qu’on ne pourrait conduire à plusieurs. Construire un véritable projet culturel pour les élèves, faire se rencontrer les arts plastiques, l’écriture, le théâtre, c’est possible, pour peu que les enseignants de plusieurs écoles isolées parviennent à se faire suffisamment confiance pour faire ensemble le pari de remplir le Théâtre Municipal d’Auxerre de spectateurs-parents éberlués par la « performance » de leurs enfants. Dans le même ordre d’idée, développer des pratiques collaboratives autour de la lecture littéraire ou de l’écriture, de la géométrie ou de l’éducation physique peut devenir un miroir rentable de ses pratiques, par la simple mutualisation du travail de chacun lors d’informelles rencontres hebdomadaires à l’heure du repas de midi. Mais ces pratiques ne peuvent voir le jour et perdurer qu’à deux conditions :

- d’abord, que chacun, dans le groupe de pairs, ait pris le temps d’oser montrer ses doutes et ses lacunes, au-delà de la « comédie de la maîtrise » décrite par Perrenoud. Ce n’est pas la moindre des difficultés, dans un monde professionnel plus souvent refermé vers la clôture individuelle que vers le partage des questions.
- Ensuite, que l’institution fasse l’effort de reconnaître le travail entrepris, en donnant le petit coup de pouce nécessaire pour que l’engagement de quelques-uns fasse réseau : permettre à l’institutrice de CP d’aller voir fonctionner sa collègue de l’école d’à-côté dans sa classe, elles qui se connaissent sans jamais s’être vues exercer leur métier ; donner la respiration nécessaire à un enseignant volontaire pour coordonner un projet pédagogique.

Mais force est de constater que l’institution peine à reconnaître et à promouvoir ces amorces de travail collectif. Pourtant prompte à vanter les mérites du travail en équipe, elle persiste trop souvent à procéder par injonction formelle sans s’appuyer sur les richesses des pratiques professionnelles. Comme le montre Frédéric Saujat, elle continue ainsi à se référer à un modèle descendant qui théorisant des « résistances au changement », et ne fabrique souvent que sentiment d’infraction et de souffrance au travail. Au contraire, un travail collectif sérieux sur les contraintes du travail de l’enseignant (dans l’adaptation quotidienne du réel et du prescrit) pourrait permettre de favoriser la reconnaissance individuelle de chacun, de l’efficacité et du plaisir au travail. Les enseignants, l’Education Nationale, le pays tout entier y ont tout intérêt, dans l’intérêt prioritaire des enfants qui ont le plus besoin de l’Ecole.

Conclusion provisoire...

Enseigner, c’est faire des choix. Au quotidien, la multiplicité des variables qui contribuent à « faire classe » s’entrechoquent, s’affrontent, se complètent ou s’entremêlent comme autant d’éléments d’une culture professionnelle dans laquelle l’enseignant doit à la fois s’inscrire et trouver sa place spécifique, dans une économie de moyens raisonnable avec l’exercice quotidien du métier.
Connaître les contenus à enseigner est indispensable pour les traduire en objectifs d’apprentissage, mais cette connaissance n’est que peu opérationnelle si elle ne s’appuie pas sur un savoir sur « comment l’élève apprend ».

Dans le même ordre d’idée, faire les bons choix didactiques est certes nécessaire, mais ne suffit pas à « faire classe »  : espérer rassembler des élèves aux vécus individuels et sociaux si différents nécessite d’interroger sans complaisance les mécanismes de sélection sociale dominants dans notre système éducatif. Faire le pari de l’éducabilité de chacun n’est pas un objectif consensuel : il nécessite de décliner au quotidien les projets, les attitudes, les controverses et les défis qui amèneront progressivement les enfants les plus en difficultés à changer leur regard sur l’École et sur ce qu’ils y ont à faire pour réussir. Pour cela, l’explicitation la plus fine possible des tâches et des consignes scolaires par l’enseignant et les élèves est sans doute une des voies les plus fécondes à explorer pour désarmer les « sous-entendus » qui, pour les élèves les plus en difficultés, constituent sans doute l’obstacle le plus massif à l’entrée dans les savoirs...

Pour l’enseignant, ce chemin ne va pas de soi, et ne saurait être accompli sans difficultés : il interroge notre capacité à évaluer et comprendre les acquis et les compétences des élèves, mais aussi notre place dans l’espace social, notre rapport aux autres, notre capacité psychologique à faire le deuil de notre toute-puissance tout autant que de renoncer au fatalisme dominant. Travailler avec les autres, oser confronter ses difficultés et ses réussites est autant nécessaire que rare dans l’école que nous connaissons. C’est sans conteste la principale piste de travail pour une Ecole qui aurait l’ambition de faire réussir chaque élève.

Repères bibliographiques


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Philippe Perrenoud (Dix compétences pour enseigner)

Compétences de référenceCompétences plus spécifiques à travailler en formation continue (exemples)
1. Organiser et animer des situations d'apprentissage• Connaître, pour une discipline donnée, les contenus à enseigner et leur traduction en objectifs d'apprentissage
• Travailler à partir des représentations des élèves
• Travailler à partir des erreurs et des obstacles à l'apprentissage
• Construire et planifier des dispositifs et des séquences didactiques
• Engager les élèves dans des activités de recherche, dans des projets de connaissance 2. Gérer la progression des apprentissages• Concevoir et gérer des situations-problèmes ajustées aux niveaux et possibilités des élèves
• Acquérir une vision longitudinale des objectifs de l'enseignement primaire
• Établir des liens avec les théories sous-jacentes aux activités d'apprentissage
• Observer et évaluer les élèves dans des situations d'apprentissage, selon une approche formative
• Établir des bilans périodiques de compétences et prendre des décisions de progression 3. Concevoir et faire évoluer des dispositifs de différenciation• Gérer l'hétérogénéité au sein d'un groupe-classe
• Décloisonner, élargir la gestion de classe à un espace plus vaste
• Pratiquer du soutien intégré, travailler avec des élèves en grande difficulté
• Développer la coopération entre élèves et certaines formes simples d'enseignement mutuel4. Impliquer les élèves dans leur apprentissage et leur travail• Susciter le désir d'apprendre, expliciter le rapport au savoir, le sens du travail scolaire et développer la capacité d'autoévaluaiton chez l'enfant
• Instituer et faire fonctionner un conseil des élèves (conseil de classe ou d'école) et négocier avec les élèves divers types de règles et de contrats
• Offrir des activités de formation optionnelles, " à la carte "
• Favoriser la définition d'un projet personnel de l'élève 5. Travailler en équipe• Élaborer un projet d'équipe, des représentations communes
• Animer un groupe de travail, conduire des réunions
• Former et renouveler une équipe pédagogique
• Confronter et analyser ensemble des situations complexes, des pratiques et des problèmes professionnels
• Gérer des crises ou des conflits entre personnes 6. Participer à la gestion de l'école• Élaborer, négocier un projet d'établissement
• Gérer les ressources de l'école
• Coordonner, animer une école avec tous les partenaires (parascolaires, quartier, associations de parents, enseignants de langue et culture d'origine)
• Organiser et faire évoluer, au sein de l'école, la participation des élèves 7. Informer et impliquer les parents• Animer des réunions d'information et de débat
• Conduire des entretiens
• Impliquer les parents dans la valorisation de la construction des savoirs 8. Se servir des technologies nouvelles• Utiliser des logiciels d'édition de documents
• Exploiter les potentialités didactiques de logiciels en relation avec les objectifs des domaines d'enseignement
• Communiquer à distance par la télématique
• Utiliser les outils multimédia dans son enseignement 9. Affronter les devoirs et les dilemmes éthiques de la profession• Prévenir la violence à l'école et dans la cité
• Lutter contre les préjugés et les discriminations sexuelles, ethniques et sociales.
• Participer à la mise en place de règles de vie commune touchant la discipline à l'école, les sanctions, l'appréciation de la conduite
• Analyser la relation pédagogique, l'autorité, la communication en classe
• Développer le sens des responsabilités, la solidarité, le sentiment de justice 10. Gérer sa propre formation continue• Savoir expliciter ses pratiques
• Établir son propre bilan de compétences et son programme personnel de formation continue
• Négocier un projet de formation commune avec des collègues (équipe, école, réseau)
• S'impliquer dans des tâches à l'échelle d'un ordre d'enseignement ou du DIP
• Accueillir et participer à la formation des collègues Spécimen de planification (travail enseignant).1ère période (septembre-octobre) (1/2)

Objectifs prioritairesBilan-ObservationsOrganiser le travail et l’équipement de l’espace classe/ école
(informatique, photo numérique, rétroprojecteur, photocopieur, mobilier de rangement et d’exposition)Réalisé : ordinateurs (mise en réseau), appareil photo (AEI), rétroprojecteur…
Points noirs : photocopies, WC, bibliothèque et mobilier.
Mettre en place des supports d’expo/affichageÉvaluer le niveau des élèves et faire prendre conscience du fonctionnement nécessaire en cycleTravail porteur sur les évaluations (résultats enchâssés CE2-CM1-CM2). Revalorisation de l’image scolaire de certains (Laurie, Alexis, Dimitri, Damien)
Points difficiles : mise en route Kevin G, Manon, Dorian (âge ? Pression familiale ?)Articuler les différents temps de la classe (leçons et démarches collectives de recherche-questionnement ; temps de production et de création ; temps d’entraînement individualisé (exerciseurs et fichiers individuels)Positif : foisonnement, activités et démarches multiples engagées.
Difficile :
- articuler tous les temps ! Exemple : utilisation insuffisante des ordinateurs (exerciseurs, travail individuel de lecture, production d’écrit et mise en forme des savoirs (voir plus loin). Comment - accepter que certains ne participent pas aux travaux de leçons-recherches ?
repérer les difficultés spécifiques de chacun et organiser les contrats de Travail individuel
- mettre en route le journal et le site Internet !Mettre en place des relations de travail avec les parents et la municipalitéParents :
Réalisé : trois réunions (accueil/présentation rentrée, présentation classe patrimoine, visite Arcy, retours des évaluations. Participation massive, témoignages positifs.
Prévu : ateliers de formation/échanges (démarches participe passé, écriture…)
Mairie :
plutôt correct vus les soucis… Reste à voir comment ça va évoluer… Les nombreux efforts faits vont-ils être payés en retour ? ? ? (avec la mise en place du nouveau Conseil d’école ?)
Participer au travail collaboratif au sein de l’école et du cantonEcole : mise en route de la gestion d’école ; travail sur le décloisonnement (musique, arts plastiques ; ateliers du jeudi avec les maternelles et les cycle II (informatique, production d’écrits…)
Canton : Mise en route du RRE. Ancrage progressif sur le disciplinaire (mise en place de l’atelier sur la lecture d’albums au cycle IIIConcevoir un projet fort permettant le démarrage d’une nouvelle perception par les élèves de leur travail et de leur vie en classe.Réalisation de la classe patrimoine (montage budgétaire, préparation avec les élèves, montage du programme avec Delor). Excellents résultats, tant au niveau du travail en histoire qu’au niveau de la vie du groupe (intégration de Damien, Laurie, Mégane ; amélioration de l’ambiance des filles, changement d’attitude de Dimitri, Xavier, Alexis, Damien…)Mettre en place des échanges de services permettant de couvrir correctement l’ensemble des champs scolaires (anglais, arts, musique…)Anglais : démarrage avec Alison (cohérence au niveau des écoles du canton sur les contenus d’enseignement)
Arts plastiques : AEI en cours. Démarrage après la Toussaint du décloisonnement du jeudi.
Musique : travail avec le CPC Musique (choix répertoire, aide au démarrage)Travail sur l’oral (prise de parole, explicitation de son point de vue, exposés, « objets insolites », conseil de coop.)Bien sur objets insolites et prise de parole orale, le reste à mettre en route sérieusement.
Faire progresser l’exigence sur le niveau de langue, le vocabulaire employé, la nécessité de penser son propos avant de prendre la parole…
Spécimen de planification (travail enseignant). 1ère période (septembre-octobre) 2/2

Contenus disciplinairesBilan-ObservationsMaths : Démarche de numération (la numération décimale, classement de nombres, vérification des conséquences en matière de technique opératoire) ; chiffres romains
Problèmes/logique : mise en place de séquences de questionnement/ programmation
Premiers graphiques ?Démarche toujours aussi efficace. Les élèves semblent à l’aise.
Penser à la géométrie… usage du compas pour les mesures.
Graphiques : voie romaine et vinification (CM)
Numération décimale : poursuivre avec la route du temps (diff. échelles)
Penser à systématiser les temps de calcul mental et de technique opératoire.Langue écrite : autour d’  « Histoire à 4 voix », entrée sur les registres de langue, le rapport oral/écrit, première production de texte.
Production « d’écrits pour dire » : autour des vendanges…
Élaboration de « fiches-repères » : les différents types de mots et les accords ; le son {E} à la fin des verbes (typologies des possibles)
Mise en routes des exerciseurs (lecture et exercices de français)
Poésie : y penser !
Bibliothèque : à réorganiser pour meilleur expo des livres. Organiser le prêt de livre et le contact avec la bibli de SenanBonne entrée sur les textes et la production d’écrit (vendanges)
Trouver une méthode pour ne pas avoir trop de textes en même temps à retravailler
(cf travail individuel et contrats)
Exerciseurs : on reste au stade de la découverte (difficultés à ne pas rester dans le trop facile)
Biblio : insuffisant pour la lecture suivie (bien avec la bibli municipale)Histoire-géo : préparation à la classe patrimoine.
Travail sur les « routes du temps » (cf maths numération) (H3)
Repérage et datation des périodes (préhistoire – néolithique et paléolithique- ; celtes et gaulois ; gallo-romains ; haut moyen-Âge). Représentation (H6)
Travail sur cartes à différentes échelles (cf maths)TB. A concrétiser sur les retours et l’expo après les vacances (quels contenus réellement acquis, par qui ? ? ?)
A poursuivre avec le travail d’archéo (Delor) sur le patrimoine de Senan : théâtre, nécropole…)
Lecture de cartes : bien. A poursuivre (IGN, courbes de niveaux, carte en relief)Sciences : protocole d’expérience autour de la transformation du sucre en alcool (hypothèses, paramètres, fiches d’observations, compte-rendu)
le corps humain : la digestion, le rôle du sang, l’appareil sanguinExtra. Bonne expo.


Pas fait.Anglais : Mettre en route l’activitéBon accueil, bonne présence de l’intervenante. Reste à trouver le lien possible avec le reste de la vie de classe.Arts plastiques : observer, dessiner, faire un croquis…
Voir les possibilites d’échanges de service avec Françoise ?Peu de production. A voir à la rentrée de Toussaint (cf AEI)EPS : Mise en route de production de règles à partir des jeux traditionnels (drapeau, poules/renards/vipères) ; endurance ; vers le rugby.
Mettre en route l’association USEPUn peu juste en endurance. Trop souvent sacrifié le temps d’EPS
Voir préparation rencontre USEP
Association USEP : rien de fait…Musique : chants (élaboration d’un répertoire)
Jeux de rythmesInsuffisant. Passer à la vitesse supérieure…Techno : Usage des NTIC et Internet (recherche documentaire, mail)
Leviers et balances (en liaison avec les balances numériques et les situations de leviers en classe

Électricité : circuit (mallettes CDDP)Usage mail embryonnaire (à développer avec les écoles du canton (cf projets Défis ?)
Usage Internet /documentation : rien
Leviers-balances : bien. Nombreuses analogies trouvées par les élèves
Électricité : pas eu le temps.
Ecole de Senan, cycle 3. Analyse d’une séquence de classe : lundi 13/10, 8h30-9h50

0 : 30 M : « des choses à raconter avant qu’on attaque ? »
Deux élèves disent qu’elles ont écrit une lettre pour la classe de Champvallon.ritualiserM donne des infos : invitation à aller le lendemain à Merry pour la Fête de la Science (on va emmener les panneaux fabriqués par la classe, les présenter... Comment ?)
E : ? ? ?
M : Bon, un petit groupe va y travailler... Vous êtes réveillés ? ... Vendredi, on va... ? (M fait reformuler la visite de la classe au conservatoire de la Nature (Bestaire de la Fontaine). Plusieurs E sont repris (« j’entends pas »)...Vivre des projetsMettre de l’ordreM : Justine, tu penses qu’on n’est toujours pas payé notre adhésion à l’USEP ?
Kévin : il faudrait qu’on élise les délégués ?
M : Des candidats ? (15 mains se lèvent, M désigne les deux délégués de la semaine)responsabiliserDamien  présente une plume de coq faisan. Les E posent leurs questions et disent ce qu’ils connaissent. M en profite pour faire un point sur le plumage différent des mâles et femelles (vocabulaire) et un rappel sur l’outil plume utilisé par les écrivains au XVIIe...Relier, expliquer6 :35 : Les filles veulent lire la lettre préparée pour demander aux autres les modifications éventuelles. Damien critique « ben dis donc, il n’y a même pas une formule de politesse ! » La fille relit « Chers amis »... Damien n’en démord pas. Les autres ne le suivent pas. M tranche : « Toi, tu aurais le droit de faire autrement. Mais leur formule est correcte. »
La classe valide la lettre.Faire débattre
arbitrerM demande d’autres commentaires, rappelle à l’attention quelques élèves.Mettre de l’ordre9 :40 M présente les buts de la journée :
explorer suffisamment les Fables pour profiter pleinement de la visite prévue à la fin de la semaine, mais aussi s’en servir pour apprendre à mieux comprendre la langue, en ré-écrivant les Fables. (nouveau rappel à l’ordre)
Maths : finir les évaluations 6e, entrer les résultats. « J’ai reçu les évaluations des 6e actuels, on va pouvoir comparer.... Ca va nous donner des indications pour nous, ce qu’il nous reste à apprendre». Frissons...
Journal : « Il faut faire le sommaire aujourd’hui si on veut qu’il soit imprimé ce w-end et distribué aux abonnés avant les vacances. »
M : Voila les contraintes essentielles de la journéeAnticiper


Evaluer


Gérer les contraintes12 : 25 début de la séquence de Français.
M : je vous distribue une feuille sur laquelle il y a plusieurs fables (chaque rangée distribue ses feuilles). Chacun se plonge dans la lecture pendant 2 mn.M : vous remarquez quoi ?
Gillian : il y a deux fables avec le même titre, une de La Fontaine, une d’Esope
M : explique la filiation entre Esope et La Fontaine (époques différentes, pillage, ré-invention en littérature).expliquer17 :00 Demande aux élèves de dire ce qu’ils connaissent du Loup et l’Agneau. Difficultés des élèves à expliquer (manque de vocabulaire : « l’agneau trouve des excuses »), mais aussi manque de connaissance de l’histoire.
M surpris, patauge. « Bon, on va voir. Vous en lisez deux ou trois très vite. Vous avez le droit de souligner les mots ou expressions inconnues, mais à la deuxième lecture seulement. »relier

Ajuster la consigne...Pendant la lecture, M corrige les positions des élèves, (dos) « Essayez de ne pas lire avec votre bouche, ce n’est pas votre bouche qui lit ».indiquer20:30 : vous vous concentrez sur le corbeau et le renard et vous soulignez ce que vous ne comprenez pas. (consigne répétée 2 fois)orienterLe maître efface le tableau.organiser21 50 Consigne pour les CM : « L’autre jour, nous avons résumé un texte. Aujourd’hui, vous allez réécrire cette poésie en changeant les mots ou expressions qui vous semblent difficiles, en les remplaçant par des mots de votre langue. Exemple « se trouva dépourvue » à remplacer par ... ? (interrogation des élèves). Rappel à l’ordre de Kévin.
Damien : «  se trouva très ennuyée »... Grimace du maître. E2 : « quand le froid fut venu » E3 : « quand le froid arrive » E4 : « non, arriva »Relier


Faire dialoguerDéfinition collective de la consigne à écrire : « je réécris la fable... en utilisant des mots et expressions que je comprends (de mon registre de langue)
M : Vous avez 15 mn, vous le faites en continuant sur la fiche « écriture » de la dernière fois, vous avez le droit d’échangerreformuler

Donner une consigne claire27 :14 Engagement du travail spécifique CE2 (frappe dans les mains) M s’assied sur une chaise à côté du groupe de CE2
« On écoute Océane qui nous indique les mots compliqués...
Océane commence en parlant doucement. Rappel à l’ordre du groupe...
Jérémy continue : « lui tint ce langage »
M : c’est de la teinture ? E(s) : Non, c’est le verbe tenir, tient, a tenu...
M : C’est le passé simple.
Océane : « Ramage » : E6 : « c’est quelque chose qui est au corbeau, c’est le renard qui parle, il dit votre »signaler
interroger

valoriser
questionner

préciserPersonne ne sait rien. M : « Dictionnaire... Qui va avoir fini le premier ? »
(aide individuelle du M avec une élève qui a du mal... « Ra... re... Il y a du monde dans les re... Ram... Ramage !) Les élèves ont du mal à trouver ramage... M aide un autre élève. On arrive à trouver le sens...
Décortiquage de la phrase «  si votre chant se rapporte à... ». les CE2 sont un peu perdus... Phénix pose problème... Bcp de mots inconnus. M donne la réponse.mobiliser
aiderAutre souci avec les « hôtes » (confondu avec les autres)
(Les CM travaillent) M : Il vous reste 7 mn, les CM.
M écrit au tableau : hôte, autres. « Mots de la même famille ? » ? ? ? Les CE2 sont muets.
M. interroge les CM. Médéric (CM1) propose « ôter ». M l’écrit. Candice (CM) intervient : ça ne s’écrit pas pareil, ce n’est pas la même famille. On propose « hotte ». M. perd un peu patience. « Pensez à l’accent circonflexe ! » « Ah, oui, hôtel » E : « C’est des serveurs ? » M : des serveurs dans la forêt ? Pensez « tu es mon hôte, ça veut dire... ? » Damien : « que tu vas dormir dans les bois ? ». Agacement du maître qui monte... « je sais qu’on est lundi, mais... » On arrive enfin à trouver le lien... hôtel, hôte, habitant, celui qui est logé là... »
Les CM reprennent leur travail (M : vous aurez 5 mn de plus pour le dérangement )relierindiquer40 :00 Océane : « Le renard s’en saisit, flatteur (E : famille de flatter... M : « qui flattez-vous ? » : E : mon chien (peu de réponse des CE2) analogie « caresser dans le sens du poil », être gentil avec, à l’inverse de « rebrousse poil » (petit effet de théâtre de M) Qui est le flatteur (CE2 unanimes : « le renard ! »)
A un CM : « arrête avec le Tipex »questionnerOn passe en revue « sans doute », « confus »... Dictionnaire... Jette un oeil au travail des CM... Colère grandissante en voyant Mélody (CM2) écrire « lui tint à peu près ce langage ? Mais tu parles comme ça ? Tu te moques de moi ? Pourquoi je parle ? »
Retour aux CE2. Aide au dictionnaire. Un CE2 continue à chercher dans un dictionnaire trop volumineux. « Ca fait trois fois que je te le dis ». Les CM commencent à discuter, à regarder ce que le voisin a fait.
« Et toi, ça veut dire quoi, confus ». « Jeuné » dit Océane qui confond avec « gêné » M : « Ne répète pas ce que tu n’a pas compris en lisant le dictionnaire... Relis la définition. M s’embrouille un peu entre les sens de « confus » (« gêné » ou « pas clair » ?)

48 :30 : « Vous allez maintenant faire ce que j’ai demandé aux CM (répète la consigne de réécriture). Cherchez dans le classeur la feuille qui parle des fables de La Fontaine. M écrit au tableau la consigne et le titre à écrire sur la feuille (redit à nouveau la consigne) M « En même temps, vous écouterez ce qu’ont produit les grands, ça va vous aider »Rappeler à l’ordre

clarifier


Organiser48 : 40 Retour au travail avec les CM : M : « On écoute vos productions . On essaye que ça ne dépasse pas 15 mn. (travail habituel dans la classe de lecture d’un texte personnel sur lequel on va intervenir à l’oral, charge à l’auteur du texte de prendre note des modifications à faire.)
Damien (CM2) : « La cigale se trouva ennuyER ». M : « Tu as mis quoi à la fin ? (on interroge les autres sur la conduite à tenir : « c’est comme un adjectif », « on peut remplacer par... »)
Plusieurs élèves lisent leur production. Certains n’ont pas transformé grand chose. Mélody (CM2) se fait disputer : « Explique moi ce que tu as appris ce matin ? à recopier un texte ? »

Candice commence à lire son texte. Mais un CE2 intervient : « j’ai déjà fait un résumé de cette poésie ? » M : «  ce n’est pas ce que je te demande aujourd’hui (réexplique la consigne). Voit qu’une autre élève écrit en allant à la ligne comme au tableau : « Je t’ai déjà dit de réfléchir pour ne pas écrire de la même manière que le tableau...  Réfléchis un peu !»
M : Excuse moi Candice... (Candice lit son texte) M : « Voilà une élève qui fait ce qu’on lui demande. Elle est au CM1 pourtant... » Clément (CM1) lit la sienne (« voilà un élève qui a fait un excellent travail, qui répond à la consigne »)
confronter
Questionner

Sanctionner

Réorienter


valoriser
58 :30 Autre texte ? Mathieu (CM1 en échec) propose « le renard et les raisins » M : tu as fait un pari difficile. On n’a pas beaucoup expliqué ce texte. Mathieu lit difficilement. « certain » (confondu avec un pluriel) et « normand » sont mal compris. M essaie de faire prendre l’indice avec la conjugaison du verbe dans le texte. Malgré l’attention un peu fuyante, les élèves continuent à formuler leurs hypothèses, sauf Damien et Mélody qui se font rappeler à l’ordre.
Discussion sur « mourant de faim » : M : il est mort ou pas ? E : non.
M : Il voit... ? E : une vigne M : comment le sait-on ? E : raisin, treille... M : Il ne peut pas les atteindre ? Quelle est sa réaction ? E : « il trouve une excuse ». M mime « ils sont trop verts » et raconte plusieurs exemples de « bonnes excuses »... (rires).
M : je vous félicite, Médéric et Mathieu, on est en train de faire un travail difficile. Autre texte ?

Kévin (non lecteur l’an passé) : le corbeau et le renard.
M : écoutez en travaillant, les CE2, ça va vous donner des idées. Kevin lit son texte (M. est à côté de lui pour étayer quand Kévin bute... sur ses propres mots.)
M : excellent travail. Mais j’ai un problème avec l’orthographe de « CE qui habitent ». Vos propositions ?
Paméla (CM1 en difficultés) : SE parce qu’il y en a plusieurs. (sic)
E : Se, c’est comme lui, moi, toi...
E : Ici, c’est comme ce, celui.
M : CE, c’est un... ?. E : adjectif ! M : Oui, alors qu’ici c’est un ... ?
E ? ? ?
M : nom ? adjectif ? pronom ?
Clément : oui, pronom, ça remplace...
M :Si c’étaient des filles ? Damien : celles...
M : Oui. Ici, c’est le pronom CEUX : C.E.U.X. Un autre texte ?... Yoan.Faire le pariFaire expliciter

Questionner le texte


Féliciter




Confronter

Trier, organiser
Yoan : attiré par l’odeur...
Le travail collectif se poursuit sur les déclinaisons grammaticales... Dimitri, CM2 en difficulté se fait applaudir en ayant trouvé l’accord EZ du verbe avec vous.) Petit passage difficile avec la conjugaison de « je promets ».
M a gardé les meilleur(e)s pour la fin, qui lisent leurs productions.Faire corriger

Questionner
1 :15 :12 Fin du travail collectif avec les CM « Vous finissez vos textes, relisez et faites les modifications nécessaires. On écoute les CE (qui ont travaillé 25 mn) , en commençant par une fille qui ne m’a pas l’air d’avoir compris ce qu’elle devait faire... »
Mélanie J lit : ‘maître corbeau, sur un arbre perdu, tenait dans son bec un fromage ». Elle a recopié « tint à peu près ce langage ».
M : tu parles comme ça ? Comment pourrait-elle dire ?
CE2s : parle, dit, échange...
Les CM sont mis en position d’experts « Vous écoutez pour voir si ça va »
Un élève a écrit « vous êtes ». M interroge Mathieu (CM2), qui a eu des difficultés la semaine passée avec le verbe. On en profite pour un rapide rappel au tableau sur Etre au présent (toutes les personnes.)
1h19 fin de la séquence (1h05) « Vous finissez de relire et vous faites passer votre fiche de travail pour que fasse les corrections ce soir.Nommer des experts


CorrigerUne dizaine d’élèves n’ont pas ouvert la bouche durant la séance (sur 32 élèves présents)
Extrait du « référentiel de compétence » utilisé par les élèves
et transmis aux parents (reformulation des IO sur quatre pages)

MATHEMATIQUES
ProblèmesP1 Résoudre des problèmes relevant des quatre opérations.
P2 Traiter des situations de proportionnalité, en utilisant des raisonnements appropriés.
P3 Utiliser différents modes de représentation des données : tableau, diagramme, graphique.NumérationN1 Comprendre la numération décimale de position.N2 Comparer des nombres, les ranger, les encadrerN3 Connaître et utiliser des relations arithmétiques entre les nombres : double, moitié, tiers, triple, quart, multiples de 2, de 5 et de 10.N4 Utiliser des fractions simples (demi, tiers, quart, dixième, centième, ...).N5 Comprendre les écritures à virgule des nombres décimaux, savoir les lire.N6 Connaître et utiliser des relations entre fractions et nombres décimaux : 0,1 = 1/10 ; 0,01 = 1/100 ; 0,5 = 1/2 ; 0,25 = 1 /4 ; 0,75 = 3/4...Opérations
calcul mentalO1 Connaître et utiliser les tables d'addition et de multiplication.O2 Connaître les compléments à la dizaine supérieure ou à l'entier immédiatement supérieur (pour un décimal avec un chiffre après la virgule).O3 Multiplier et diviser par 10, 100, 1000. O4 Calculer, par écrit, la somme et la différence de deux nombres (entiers ou décimaux), le produit de deux nombres entiers ou d'un nombre décimal par un nombre entier, le quotient entier et le reste dans la division euclidienne d'un nombre entier par un nombre entier.O5.1 Organiser et traiter mentalement des calculs sur les nombres entiers et sur les nombres décimaux.
O5.2 Évaluer l'ordre de grandeur d'un résultat.O6 Utiliser correctement une calculatrice ordinaire et certaines de ses fonctionnalités.GéométrieG1.1 Repérage, utilisation de plans, de cartes
G.1.2 Repérer un point ou une case sur un quadrillageG2 Relations : alignement, perpendicularité, parallélisme, égalité de longueurs, symétrie axiale G3 Réaliser des tracés à l'aide d'un instrument ou à main levée. Utiliser le vocabulaire : droite, perpendiculaire, parallèle, segment, milieu, angle, axe de symétrie.G4 Figures planes : triangle (et cas particuliers), carré, rectangle, losange, cercle : Reconnaître ces figures, les construire, les décrire. Utiliser le vocabulaire : côté, sommet, centre, rayon, diamètre.G5 Solides : cube, parallélépipède rectangle : Reconnaître ces solides, les construire, les décrire, en réaliser un patron. Utiliser le vocabulaire : face, arête, sommet.G6 Réaliser, dans des cas simples, des agrandissements ou des réductions de figures planes.MesuresM1 Longueurs, masses, contenances, durées
M2 Mesurer en utilisant les instruments et en choisissant l'unité appropriée. Estimer des mesures.
M3 Connaître les unités du système métrique et les équivalences entre unités usuelles.
M4 Calculer le périmètre d'un polygone. M5 Calculer une durée.M6 Comprendre la notion d'aire et la distinguer de celle de périmètre. M7 Utiliser les unités usuelles : cm2, dm2 m2. M8 Calculer l'aire d'un rectangle de dimensions entières.M9 Comparer et reproduire des angles à l'aide d'un gabarit, tracer un angle droit Objectifs prioritaires second trimestre 2003-2004 (CM1-CM2)
(établis collectivement après les évaluations et la consultation des référentiels de compétences renseignés individuellement)


FRANÇAIS
LIT2 Se servir des informations portées sur la couverture et la page de titre d'un livre pour savoir s'il correspond au livre que l'on cherche.LIT3 Comprendre un texte littéraire court (de complexité adaptée à l’âge et à la culture de l'élève)LIT 8 Élaborer et écrire un récit d'au moins une vingtaine de lignes, avec ou sans support, en respectant des contraintes orthographiques, syntaxiques, lexicales et de présentation.LIT9 Ecrire un extrait de texte poétique en obéissant à une ou plusieurs règles précisesF4 Identifier et manipuler les différentes expansions du nom (adjectifs qualificatifs, relatives, compléments du nom)
F4.2 Faire les accords nécessaires.F5 Trouver les terminaisons au présent, passé composé, imparfait, futur, conditionnel présent, du subjonctif des verbes réguliers (à partir des règles de conjugaison).F6 Utiliser un dictionnaire pour retrouver la définition d'un mot dans un emploi déterminé.MATHEMATIQUES
P1 Résoudre des problèmes relevant des quatre opérations.
P3 Utiliser différents modes de représentation des données : tableau, diagramme, graphique.N3 Connaître et utiliser des relations arithmétiques entre les nombres : double, moitié, tiers, triple, quart, multiples de 2, de 5 et de 10.N5 Comprendre les écritures à virgule des nombres décimaux, savoir les lire.N6 Connaître et utiliser des relations entre fractions et nombres décimaux : 0,1 = 1/10 ; 0,01 = 1/100 ; 0,5 = 1/2 ; 0,25 = 1 /4 ; 0,75 = 3/4...O3 Multiplier et diviser par 10, 100, 1000. O4 Calculer, par écrit, la somme et la différence de deux nombres (entiers ou décimaux), le produit de deux nombres entiers ou d'un nombre décimal par un nombre entier, le quotient entier et le reste dans la division euclidienne d'un nombre entier par un nombre entier.O5.1 Organiser et traiter mentalement des calculs sur les nombres entiers et sur les nombres décimaux.
G2 Relations : alignement, perpendicularité, parallélisme, égalité de longueurs, symétrie axiale G3 Réaliser des tracés à l'aide d'un instrument ou à main levée. Utiliser le vocabulaire : droite, perpendiculaire, parallèle, segment, milieu, angle, axe de symétrie.G4 Figures planes : triangle (et cas particuliers), carré, rectangle, losange, cercle : Reconnaître ces figures, les construire, les décrire. Utiliser le vocabulaire : côté, sommet, centre, rayon, diamètre.G5 Solides : cube, parallélépipède rectangle : Reconnaître ces solides, les construire, les décrire, en réaliser un patron. Utiliser le vocabulaire : face, arête, sommet.M1 Longueurs, masses, contenances, durées
M4 Calculer le périmètre d'un polygone. M5 Calculer une durée.M6 Comprendre la notion d'aire et la distinguer de celle de périmètre. ÉDUCATION PHYSIQUE ET SPORTIVE
EP1 Réaliser une performance, mesurée pour différents types d'efforts, (athlétisme, gymnastique, natation)EP4 S'Exprimer et communiquer avec son corps, en suivant différents types de rythmes, sur des supports variés. (Danse, gymnastique artistique, gymnastique rythmique, activités de cirque…)HISTOIRE
H2 Classer des documents selon leur nature, leur date et leur origine. H3 Distinguer les grandes périodes historiques, pouvoir les situer chronologiquement, commencer à les connaître.H5 Se servir de ses connaissances historiques dans les autres enseignements.H6 Pouvoir situer dans leur période une vingtaine d'événements situés par les dates définies dans le programmeGEOGRAPHIE
G1 Effectuer une recherche dans un atlas imprimé et dans un atlas numérique.G3 Situer la France dans l'espace mondial,G4 Réaliser un croquis simple de ce qu'on voit.G7 Comprendre et utiliser le vocabulaire géographique de base.SCIENCES
S1 Poser des questions précises et cohérentes à propos d'une situation d'observation ou d'expérienceS4 Rechercher des documents sur un thème donné dans la BCD ou sur Internet.S8 Réaliser un montage électrique simple à partir d’un schémaS9 Communiquer à l’aide de la messagerie électroniqueS10 Comprendre les principes des fonctions des êtres vivants : respiration, nutrition, locomotion, reproductionS11 Connaître et comprendre les phénomènes astronomiques : jour/nuit, saisons, système solaire…MAITRISE DES LANGAGES
L4 Souligner (ou surligner) dans un texte les informations qu'on recherche,
L5.4 Réécrire un texte, en tenant compte des suggestions proposées en classe : ajouter, supprimer, déplacer ou remplacer des morceaux plus ou moins importants de textes, à la main ou en utilisant un logiciel de traitement de texte,
ÉDUCATION CIVIQUE
EC3 Participer à un débat pour examiner les problèmes de vie scolaire en respectant la parole d’autrui et en collaborant à la recherche d’une solution,
EDUCATION MUSICALE
MU1 Interpréter de mémoire plus de dix chansons parmi celles apprisesMU2 Contrôler sa voix et son attitude corporelle pour chanter.
Dispersion des résultats de la classe de cycle III aux évaluations CE2
(oct. 2003)

ABONNE @EditionMgr @EditionClient @041CE1B8 \a 


ABONNE @EditionMgr @EditionClient @0413C648 \a 
 TM \o "1-3" 1. Évaluation : de quoi parle-t-on ?  RENVOIPAGE _Toc66248662 \h 4
1.1.1. L’évaluation diagnostique (ou pronostique) :  RENVOIPAGE _Toc66248663 \h 4
1.1.2. L’évaluation sommative :  RENVOIPAGE _Toc66248664 \h 4
1.1.3. Des critiques lourdes  RENVOIPAGE _Toc66248665 \h 5
1.2. Des évaluations au service de l’élève ?  RENVOIPAGE _Toc66248666 \h 5
1.2.1. L’évaluation formative cherche à s’incorporer au processus d’apprentissage lui-même :  RENVOIPAGE _Toc66248667 \h 5
1.2.2. L’évaluation formatrice, dernier maillon de l’évolution ?  RENVOIPAGE _Toc66248668 \h 5
1.3. Des difficultés pour évaluer les élèves en classe ?  RENVOIPAGE _Toc66248669 \h 6
1.3.1. Les évaluations CE2 et 6e : le pire ou le meilleur ?  RENVOIPAGE _Toc66248670 \h 6
2. Mon expérience : lectures et navigation à vue...  RENVOIPAGE _Toc66248671 \h 8
2.1. Évaluer : et après ? Dix ans de tâtonnements...  RENVOIPAGE _Toc66248672 \h 8
2.1.1. Critiques sur l’évaluation : quand les spécialistes de l’évaluation légitiment les généralistes de l’enseignement...  RENVOIPAGE _Toc66248673 \h 8
2.2. Ce que j’essaie de faire… des évaluations institutionnelles  RENVOIPAGE _Toc66248674 \h 9
2.2.1. • Un travail spécifique sur l’évaluation CE2-6e :  RENVOIPAGE _Toc66248675 \h 9
2.2.2. Premiers résultats visibles  RENVOIPAGE _Toc66248676 \h 10
2.2.3. Et les évaluations 6e...  RENVOIPAGE _Toc66248677 \h 10
2.3. Et au-delà du constat ?  RENVOIPAGE _Toc66248678 \h 11
2.3.1. Comment vivre ensemble ?  RENVOIPAGE _Toc66248679 \h 11
2.3.2. Pour apprendre quoi ?  RENVOIPAGE _Toc66248680 \h 12
2.3.3. Exemple en maths, de "compétences" identifiées dans le groupe de CM :  RENVOIPAGE _Toc66248681 \h 12
3. Faire que l’élève apprenne : un impératif nouveau ?  RENVOIPAGE _Toc66248682 \h 13
3.1.1. De nouveaux mots sur de vieilles césures ?  RENVOIPAGE _Toc66248683 \h 13
3.1.2. Que nous apprend la recherche sur les apprentissages ?  RENVOIPAGE _Toc66248684 \h 14
3.2. Conséquences de ces nouveaux savoirs sur l’Apprendre : des questions à prendre en charge par l’École...  RENVOIPAGE _Toc66248685 \h 14
3.2.1. Les cycles  RENVOIPAGE _Toc66248686 \h 15
3.2.2. Compétences contre savoir ?  RENVOIPAGE _Toc66248687 \h 15
3.2.3. Projet, tâche, activité...  RENVOIPAGE _Toc66248688 \h 15
3.2.4. Individualisation et remédiation...  RENVOIPAGE _Toc66248689 \h 16
3.2.5. Du haut niveau pour les forts, du bas niveau pour les faibles ?  RENVOIPAGE _Toc66248690 \h 16
3.3. Et des questions essentielles à affronter par le maître...  RENVOIPAGE _Toc66248691 \h 16
3.3.1. Des doutes sur les "fausses-bonnes solutions" qui permettent de ménager la chèvre et le chou…  RENVOIPAGE _Toc66248692 \h 16
3.3.2. Et si on cherchait plutôt à...  RENVOIPAGE _Toc66248693 \h 17
3.3.3. Une synthèse qui résume bien les questions posées ci-dessus :  RENVOIPAGE _Toc66248694 \h 17
3.4. Mes choix pour l’organisation du temps scolaire  RENVOIPAGE _Toc66248695 \h 18
4. Quelles postures pour l’enseignant ?  RENVOIPAGE _Toc66248696 \h 20
4.1. Essai de typologie : faire classe, faire apprendre, se transformer  RENVOIPAGE _Toc66248697 \h 21
4.2. Sur ces différentes postures, quelques aperçus issus de la pratique quotidienne :  RENVOIPAGE _Toc66248698 \h 21
4.2.1. Faire classe : ordre collectif et place de chacun...  RENVOIPAGE _Toc66248699 \h 21
4.2.2. Faire apprendre  RENVOIPAGE _Toc66248700 \h 22
4.2.3. Com-prendre : et les parents ?  RENVOIPAGE _Toc66248701 \h 23
4.3. Apprendre d’autres : un enjeu crucial...  RENVOIPAGE _Toc66248702 \h 24
4.3.1. Comme pour l’élève, renoncer au maître idéal...  RENVOIPAGE _Toc66248703 \h 24
4.3.2. Aller aux priorités  RENVOIPAGE _Toc66248704 \h 25
4.3.3. Transformer son rapport au métier : un défi collectif  RENVOIPAGE _Toc66248705 \h 25
4.3.4. « Seul, je n’y arrive pas. »  RENVOIPAGE _Toc66248706 \h 25
Conclusion provisoire...  RENVOIPAGE _Toc66248707 \h 27
Bibliographie et annexes 28-37
 Voir extrait de ce document en annexes
 Un petit test sur des codages d’expression écrite par des directeurs d’école en formation m’a montré que les élèves n’étaient pas les seuls à ne pas être d’accord sur la manière de coder...
 L’intérêt fondamental du travail de Crahay tient au fait qu’il compile des centaines d’enquêtes sociologiques et cherche à dessiner les tendances lourdes des résultats. Son travail est donc une véritable synthèse des savoirs sur l’Ecole.
 voir à ce sujet la citation de G. Bachelard en exergue au début de document...
 voir aussi le spécimen de planification du travail enseignant, en annexes.






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SOMMAIRE