Présenté par Pascal DUPLESSIS Tome 1 - archive-EduTice
Il est donc clair qu'en terme de volume de flux, la part de l'Afrique Centrale reste
... de ce chapitre à l'examen des montants des IDE qui entrent dans la CEMAC,
..... Cette hausse spectaculaire est le résultat de la mise en chantier de l'oléoduc
...... (à notre connaissance) sur le sujet n'est disponible à nos jours sur la CEMAC
.
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Récit dune conquête
33. Vers la rationalisation des savoirs
34. Des professionnalités non convergentes
Conclusion
Partie 2 : Délimitation dun champ de savoirs à enseigner
en Information-documentation
Introduction
1. Un cadre de réflexion : la didactique
11. La didactique : définition, histoire, épistémologie, tâches et outils conceptuels
12. La dimension épistémologique de la didactique comme cadre théorique pour servir
à la délimitation dun champ de savoirs à enseigner en Information-documentation
13. Problématisation : la question de la mise en forme scolaire
2- Etat des lieux de la didactique de lInformation-documentation
21. Premiers pas, premières orientations
22. Une nouvelle impulsion au tournant des années 2000
23. Apparition dun nouveau concept : le curriculum
24. Des chantiers ouverts sur le terrain
25. Des perspectives universitaires
26. Un bilan fait desquisses : la référence, le cadre et le contenu
3- Examen dun corpus de notions candidates
31. Objectifs de létude
32. Méthodologie
33. Analyse des données
34. Bilan
Conclusion
Partie 3 : Des outils didactiques pour référer,
définir et structurer la matière
Introduction
1. La référence des savoirs documentaires: entre légitimation, transposition, et création
11. La filiation scientifique, voie de légitimation
12. Le concept de pratiques sociales de référence, autre modalité de la transposition
13. Lapproche contre-transpositionnelle, source de création
14. Bilan
2. Des savoirs structurants : lorganisation interne des concepts
21. Des notions aux concepts
22. Réception du concept de concept en didactique
23. Les niveaux de formulation conceptuelle
24. Bilan
3. Des savoirs à structurer : lorganisation externe des concepts
31. Les concepts intégrateurs de lInformation-documentation
32. Les réseaux conceptuels
33. Bilan
Conclusion
Conclusion générale
Références documentographiques
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
Pourquoi la question dune didactique de lInformation-documentation se pose-t-elle aujourdhui ? Exprimée ainsi, la question appelle à se détacher de létat présent pour regarder en arrière, du côté des origines, et à reprendre le long chemin parcouru dans lespoir den saisir les principales étapes. Mais toute entreprise de reconstruction du passé nécessite que lon adopte un regard particulier. Celui-ci ne peut être, en loccurrence, quépistémologique, explorant lensemble des faits qui ont concouru à la formation de lidée selon laquelle la documentation, de matière documentaire à lusage des enseignements, pourrait devenir elle-même une matière denseignement. Un chemin long dun demi-siècle relie ces deux états.
LInformation-documentation, aujourdhui, est une notion émergente, bien quencore floue à de nombreux égards. Ainsi, de manière générale, elle comprend tout ce qui ressort de la documentation scolaire, à savoir ses deux dimensions de gestion et de formation. Cest cependant vers ce dernier pôle quelle tend à se particulariser, hésitant entre les diverses appellations de maîtrise de linformation, déducation à la culture de linformation ou bien encore de littérisme informationnel (information literacy). Par ailleurs, lapposition des deux termes - information et documentation invite à établir un lien légitimant avec les Sciences de linformation et de la documentation appelées à servir de référence. Quoi quil en soit, cette formation linguistique est récente, puisque le syntagme nest apparu quà la fin de la dernière décennie, et na été normalisé que depuis peu.
En ce cas, de quoi était-il question auparavant ? Le terme information savère une adjonction récente. Documentation, employé seul, affichait sa forte proximité avec la matière dune part, cet ensemble constitué de documents, et avec les techniques permettant leur traitement, à savoir lanalyse, le stockage et la recherche de ces derniers. Ainsi le Manifeste de la FADBEN (Fédération des enseignants documentalistes de lEducation nationale) titre-t-il en 1978 Documentation discipline nouvelle. Sil nest alors encore question que de formation méthodologique à la recherche documentaire et à lusage du document, cette revendication marque cependant une étape charnière entre le simple emploi du document en appui du cours, préconisé par linstitution en 1952, et lidée contemporaine selon laquelle le concept même de document pourrait devenir un objet de savoir à enseigner.
Certes, le glissement dappréciation, étiqueté par cette évolution terminologique, peut sexpliquer de différentes manières. Pour Y. Le Coadic (1994) par exemple, cette mutation rend compte dun changement de paradigme effectué en quelques décennies à peine, lorsque lobjet de toutes les attentions a cessé dêtre la bibliothèque, le livre ou le document (bibliothéconomie, documentologie), pour devenir linformation en tant que substance dont on étudie la nature, la genèse et les effets (Science de linformation). En illustration à cela, il nest que de faire remarquer avec quelle force sont introduits, dans notre société comme dans lécole de celle-ci, les nouveaux concepts de société de linformation et de culture de linformation.
Mais cela suffit-il pour que lon en vienne à évoquer la possibilité dune nouvelle matière scolaire ? Il faudra bien tout dabord rendre compte du processus qui a fait que la Documentation, dun objet pour étudier, devienne pour certains un objet à étudier. Ensuite pourra-t-il être question danalyser ce dernier, de saisir dans quel cadre il sinscrit et détudier les conditions de son émergence.
On le voit au travers de cette préoccupation ici affirmée, la réflexion que nous développerons dans cette étude ne prendra pas sa source dans la sphère des Sciences de linformation et de la communication, mais bien dans celle des Sciences de léducation.
Il sagira, en effet, de chercher à saisir pourquoi, et comment, sest opéré ce passage dune pratique professionnelle (celle du documentaliste, celle du professeur de discipline utilisant le document), à un projet denseignement. Les types de savoirs mis en jeu dans lun et lautre cas étant totalement distincts, la rupture constatée est bien quant à elle de nature épistémologique, tant elle correspond à un changement radical de statut, de concepts et de visées relatifs à la Documentation. Mais sagit-il vraiment de rupture, ou seulement dévolution, de transformation progressive dun état préexistant vers un état nouveau ? En dautres termes, lInformation-documentation, matière scolaire aujourdhui en questionnement, existait-elle en puissance dans la matière documentaire dès lors que celle-ci était introduite dans linstitution, en 1952 ? Posée en ces termes, la question amène à considérer trois orientations distinctes :
- est-il possible de penser lécole comme une machine à produire des formes (scolaires) à partir de la matière que lon y introduit ? Quelle est, dès lors, la genèse de ce projet denseignement ?
- est-il possible de penser les objets scolaires considérés, i.e. les savoirs à enseigner relatifs au champ info-documentaire, comme manifestation de cette forme ? Comment émergent, simposent et se structurent ces objets de savoir ?
- est-il possible de penser la forme scolaire, non pas seulement en termes dobjets, mais également en termes dagents responsables de la mise en forme de la matière, à savoir ladministrateur, les professeurs de discipline et la « profession » ? Comment ce bouillonnement de la matière en vient-il à produire les conditions concrètes de sa réalisation, aussi bien en termes despace, dinterrelations entre les disciplines que de métier ?
Appréhender ainsi lInformation-documentation comme ayant pré-existé en puissance dans la matière documentaire est risqué. Suivre en effet plus avant cette théorie aristotélicienne de la forme conduirait à croire en une possible entéléchie de la Documentation, i.e. rêver à linéluctabilité de son achèvement. Or, notre position ne peut être que vigilante et circonspecte. Ce principe ne saurait dailleurs être rapporté aux affaires scolaires, à moins quil nen constitue lhorizon toujours renvoyé. Lidée même de transposition didactique (Y. Chevallard, 1985) sy oppose, en tant quélaboration continuée, par réajustements successifs pour maintenir la distance entre les savoirs banalisés et les savoirs scientifiques toujours mouvants. Aussi nen ferons-nous quune hypothèse de départ, intéressante lorsquil sagira de mieux suivre, en marquant lordre des faits, ce déplacement de la matière-objet à lobjet détude. De fait, nous constaterons que si lune a précédé lautre, de même, le Service documentaire a annoncé le Centre de documentation et dinformation (CDI), et de même, le gestionnaire a ouvert la voie à lenseignant.
Quoi quil en soit, les quelques voies ouvertes par cette image dun objet denseignement info-documentaire (lessence) qui serait contenu en puissance dans la Documentation (matière) et exprimé par lidée dune matière scolaire (la forme), correspondent à des préoccupations dordre épistémologique, si tant est que lépistémologie scolaire, ainsi que lentend Michel Develay (1996), est « une réflexion sur les savoirs enseignés à lécole dans le but den expliciter les fondements, les méthodes [et] les conclusions ».
Une épistémologie de lInformation-documentation, à ce jour, na que peu été tentée (M. Frisch, 2003). Les contenus et les contours de lInformation-documentation, en tant que matière à enseigner, ne sont pas non plus encore délimités : « on est loin dun savoir construit, systématiquement pris en compte et faisant lobjet dune évaluation », rappelait A. Beguin en 1996. Dix ans après, le constat reste identique.
Lentrée épistémologique, en tant que composante dune didactique orientée vers les objets de savoir, soutiendra ainsi cette entreprise qui se voudrait à la fois critique et heuristique, dans la mesure où il sagira ici non pas dexaminer une discipline déjà installée mais une création originale et en possible devenir. Le but que nous nous fixons consiste à soumettre à la critique épistémologique les conditions exigibles dune didactisation de cette matière. Nous emprunterons pour ce faire quelques outils appartenant au champ des didactiques des disciplines.
Plus prosaïquement, et dans une perspective plus élargie et plus lointaine, il pourrait être question de procéder à une sorte de balisage épistémologique préparant létablissement dun curriculum, une sorte de préalable où seraient éprouvés quelques outils pressentis pour travailler cette matière et propres à pouvoir en dégager des formes premières. Aussi, si notre approche se réclame à la fois critique et prospective, lui souhaitons-nous également une visée technologique, susceptible de proposer quelques instruments didactiques pour lenseignement.
Sagissant de lorganisation de notre étude, nous navons fait que suivre, in fine, les directions indiquées par M. Develay (1996), du moins celles qui se tenaient à notre portée. Ainsi notre réflexion épistémologique débutera-t-elle par lanalyse historique et sociologique de lémersion de lInformation-documentation, comprise en tant que matière candidate à un enseignement dans le secondaire. Cette première partie sera donc animée par la volonté de connaître la ou les différentes causes à lorigine de cet intérêt récent pour une didactique de lInformation-documentation. Lévolution dont il sera rendu compte par une approche diachronique sera analysée au travers des différentes composantes du domaine considéré, telles le statut de la matière documentaire, la gestion et lorganisation quelle nécessite, la place physique et symbolique quelle occupe, mais encore le statut professionnel de ses agents, le projet institutionnel pour lintégration de la Documentation et linfluence exercée par certains mouvements éducatifs sur lémergence dune pédagogique documentaire.
A la suite de cela, le besoin exprimé progressivement en faveur dune rationalisation des contenus conceptuels de lInformation-documentation nous conduira à procéder à une analyse didactique des savoirs proposés à lenseignement. La délimitation de notre cadre détude nous permettra de sélectionner les questions directrices pour notre entreprise, relatives à la référence des savoirs proposés, à leur identification et à leur structuration. Ces questions seront en un premier temps rôdées sur la matière dont nous disposons aujourdhui, en loccurrence un ensemble de listes de notions info-documentaires produites de 1994 à nos jours dans le but détablir un corpus de savoirs à enseigner. Le processus de didactisation, ainsi amorcé, peut être saisi comme projet de mise en forme dune matière pour lheure justement informe, et informelle. Il sera alors question de jauger de la pertinence de ces premiers éléments, de dégager un profil épistémologique de leur statut et de percevoir, au travers de lorganisation quils manifestent, celui de la matière denseignement quils composent.
La troisième partie de cette étude se centrera sur les questions de référence, de statut épistémologique de ces savoirs et de la structuration de la matière, mais à partir doutils conceptuels élaborés par les didactiques des disciplines, tels la transposition didactique, les pratiques sociales de référence, les niveaux de formulation et les réseaux conceptuels, ainsi que les concepts intégrateurs. En même temps que nous vérifierons la pertinence de ces transferts sur lInformation-documentation, nous tenterons de faire apparaître en quoi ils permettent de préciser les conditions épistémologiques requises à lélaboration dun ensemble de savoirs à enseigner en Information-documentation.
Partie 1
La documentation : dune matière pour lenseignement
à une matière denseignement
« Le travail est passionnant qui inscrit une discipline
denseignement comme un savoir vivant qui naît, grandit,
se transforme et meurt parfois, sous la dépendance de
rapports de force liés aux divers groupes de pression qui
pensent avoir leur mot à dire sur les savoirs à enseigner. »
M. Develay, Donner du sens à lécole, 1996
Introduction
Si la didactique a mobilisé les acteurs des disciplines depuis la fin des années 70, elle nest apparue à lhorizon du champ de la Documentation quau début des années 90, pour ne pénétrer véritablement les débats que depuis quelques années. Une explication soffre aussitôt à lesprit : la voie ouverte par linstauration du CAPES de Documentation en 1989 a stimulé la réflexion de la partie la plus militante de la profession, celle qui investit à cette époque les formations dispensées dans les IUFM. Il est ainsi remarquable que demblée la question de lautonomie pédagogique ait été associée à celle de lélucidation des contenus conceptuels à enseigner. Ces premiers essais, appuyés sur les théories des didacticiens des sciences, nauront que de faibles échos sur le terrain. Celui-ci garde les yeux sur dautres horizons, quils soient technologiques (linformatisation des CDI) ou pédagogiques (la méthodologie et la médiation documentaires), davantage porteurs, du moins le croit-on à lépoque, despoirs de reconnaissance pour la profession.
Ce que nous chercherons à comprendre dans cette première partie, cest comment sest construite la question de la didactique de linformation-documentation. Mais tenter de saisir la nature et les conditions démergence de ces causalités amène à aborder également le front des résistances et à considérer lhésitation devant les autres alternatives. Cest donc un ensemble de facteurs, liés au contexte éducatif, à lévolution de la Documentation inscrite à lintérieur de celui-ci, aux courants pédagogiques et aux forces structurant en profondeur les mouvements constatés, que nous devrons interroger.
Les cadres et les perspectives quil faudra tracer pour entreprendre ce chantier emprunteront tantôt à lhistoire du système éducatif, lorsquil sagira de suivre la marche de la Documentation dans le temps de lEcole, tantôt aux Sciences de léducation pour discerner les horizons sur lesquels se découpent les démarches, les méthodes et les enjeux pédagogiques à luvre, la sociologie des professions enfin, pour suivre les processus liés à lidentité et à la professionnalisation du corps des enseignants documentalistes.
Ce questionnement, de type historico-sociologique (M. Develay, 1996), aura donc pour but de mieux saisir pourquoi et comment se pose aujourdhui la question didactique à partir des conditions démergence de la Documentation scolaire et de lévolution de son intention pédagogique. Pour ce faire, il nous faudra concevoir lInformation-documentation comme une discipline putative, ou du moins comme une matière denseignement, engagée dans un processus de constitution.
Nous ferons partir la question du rapport particulier quentretient la documentation avec la connaissance et avec la transmission de la connaissance. De cette approche épistémologique, empruntant beaucoup aux apports étymologiques et terminologiques, nous interrogerons la place et la fonction du document dans lenseignement et ferons lhypothèse quelles exercent une influence sur, ou du moins quelles reflètent, les tensions actuelles repérées dans la double appellation de professeur-documentaliste.
La tension entre ces deux pôles (professeur et documentaliste) résulte de la coexistence, semble-t-il difficile à concilier, dune logique pédagogique et dune logique de gestion. Nous la retrouverons en filigrane aussi bien dans lhistorique des Centres de ressources que dans les types identitaires des personnels. Cette logique de gestion, nécessitant des compétences techniques professionnelles et pour cela composante majeure du métier, ne sera cependant pas directement traitée ici en tant que telle, mais sera envisagée dans le cadre dune perspective débouchant sur un horizon pédagogique. Elle sera toujours observée tantôt comme empêchant ou masquant cette visée, tantôt comme justifiant ou marquant le chemin dune spécificité pédagogique.
Cette nature duelle de la Documentation, cependant, structurera létude en traitant dabord de la matière et des espaces documentaires, ensuite de la pédagogie et du métier denseignant documentaliste. La matière documentaire, ce gisement de ressources mis à disposition des acteurs, nécessitant pour cela un traitement et des accès appropriés, apparaît bien avant les premiers Centres et les premières nominations de leurs responsables. Est-ce un ferment à partir duquel vont progressivement sorganiser ces créations documentaires que sont les lieux, les fonctions et les démarches pédagogiques ? De quelle manière cet élément duel structurel va-t-il produire des formes doù sortiront plus tard les alternatives pédagogiques et identitaires divisant le corps de métier ?
Il faudra avant cela, à partir dune visite dans les CDI et lhistoire de leur constitution, sétonner de voir comment, par exemple, une vision symbolique et utopiste dun lieu a pu générer une telle prise de conscience de la mission pédagogique de ses personnels. Mais de telles visées ne peuvent être, en définitive, que des projections dune utopie plus grande encore, telle que celle issue du mouvement de lEducation nouvelle. Comment, dès lors, ce mouvement a-t-il sculpté, pour de longues années, le profil de ce métier, jusquà produire une pédagogie documentaire originale ? Quels sont les nouveaux rôles attribués aux professeurs, en quelque sorte concurrencés par le document et sommés de travailler avec des élèves actifs et acteurs ? Quelle(s) posture(s) lenseignant documentaliste est-il amené à prendre dans les collaborations auxquelles linstitution le convie ?
Les enseignants documentalistes, bientôt nantis de fonctions, voire de missions, disposant dune méthodologie et dune démarche particulières deviennent en moins de dix ans des pédagogues. Mais la pédagogie documentaire est-elle une pédagogie ? Quels sont ses constituants et sur quelle théorie de lapprentissage repose-t-elle ? Quelle est sa place vis à vis des disciplines ?
Aux lendemains de la massification scolaire, lesprit de rénovation de lécole fonde en la Documentation de nombreux espoirs et se montre très favorable à la profession, lui fournissant mandat, diplôme et statut. Cet élan vers une professionnalisation accrue, dont les principaux moteurs restent la réduction des inégalités scolaires et la reconnaissance sociale du métier, nécessite dasseoir et de légitimer laction pédagogique. Quels choix soffrent alors, avec quels enjeux et quels risques ? Divisé entre une approche comportementaliste et une approche constructiviste, le groupe se scinde en tenants dune Documentation transversale et auxiliaire des disciplines dun côté et partisans dune Documentation spécifique et émancipée de lautre. La problématique documentaire se resserre alors autour de la question de savoir comment aspirer à une plus grande maîtrise de laction pédagogique tout en évitant la spécialisation.
Comment dès lors, va réagir linstitution devant les propositions et les nouvelles demandes exprimées, dans un contexte renouvelé non seulement par de nouveaux programmes disciplinaires prenant en charge des pans entiers de prérogatives jusque là attribuées aux enseignants documentalistes, mais encore par linformatisation de lEcole donnant accès aux gisements de ressources en réseaux et par louverture à la société de linformation ? Un dialogue est-il même encore possible ?
Les questions, on le pressent, sorientent vers une lecture sociologique des aspirations professionnelles de ce corps particulier denseignants sans enseignement ni élèves. Quels outils dexplicitation vont-ils permettre de comprendre la situation et, surtout, de dégager une voie possible de résolution ?
Il sagirait, en loccurrence, de saisir lélucidation et la rationalisation des savoirs à enseigner en information-documentation comme un élément susceptible de renforcer les compétences info-documentaires des élèves dune part et daccompagner, dautre part, le processus de professionnalisation engagé par les enseignants documentalistes aujourdhui.
1. La double nature du document : substrat/substance
11. Approche épistémologique
Quil soit un objet outil, dont on se sert pour trouver linformation dont on a besoin, ou bien un objet de savoir, à propos duquel il faudrait posséder quelques notions pour en mieux saisir lintérêt, le document se trouve au centre épistémologique de toute réflexion sur le rapport au savoir en général, et, plus spécifiquement, sur la médiation particulière quil instaure de fait entre ce savoir et le sujet cognitif. Cette réflexion, dès lors, intéresse la pédagogie documentaire, en même temps quelle questionne le métier denseignant documentaliste et les fonctions du Centre de documentation et dinformation. Il est donc naturel de commencer par interroger le document, cet élément de base de la réflexion et voir sil porte en germe les mutations à venir.
Si lon veut bien en croire létymologie, qui donne accès au « vrai sens dun mot », document résulte dun emprunt tardif (1214) au latin documentum « exemple, modèle, leçon, enseignement, démonstration », lui-même dérivé de docere « faire apprendre, enseigner » (A. Rey, 1995). Du verbe latin procèdent ainsi doctor, oris "maître : celui qui enseigne", doctrina, "enseignement : la chose enseignée" et docilis "docile : qui est facile à enseigner". Il est ainsi facile de saisir à quel point lidée de document, tout autant que lobjet, sont enracinés dans lacte même denseigner.
Son premier dérivé verbal, documenter (1755) a conservé le sens ancien attaché à document « instruire, enseigner » jusquà récemment, dans la seconde moitié du XIXème siècle. A partir de là, il a pris les acceptions modernes de « fournir des documents à (quelquun, une organisation) » et « appuyer (une thèse) par des documents ». On verra là, dans ce glissement sémantique, lindice dune rupture plus profonde dans le statut accordé au document, qui passe ainsi dobjet essentiel à partir duquel se produit lenseignement, à celui dauxiliaire qui vient prouver, illustrer si besoin est ce dernier. Ainsi demblée le document vient, sur le plan de la transmission du savoir et de la médiation, en quelque sorte concurrencer le professeur. Pour ne donner quun exemple à cela, considérons comment cette opposition se manifeste lors de lénonciation du savoir, créant un écart temporel. Pendant le cours, le contenu de connaissance transmis est déclaré dans linstant (synchronie) et, pour lélève, le professeur paraît en être lauteur. Sagissant du document, au contraire, lauteur est absent, non incarné, et peu souvent convoqué. Le moment de lénonciation sest opéré bien antérieurement (diachronie).
En prolongement de cette remarque, nous trouverons là matière à transposer sur le plan du métier pour mieux appréhender la scission apparue entre le professeur, qui déclare, et le documentaliste, qui intervient en appui du premier, dans la mesure où il peut fournir la preuve, par le document, de ce qui est déclaré, par la parole, lors du cours.
Cette scission semble aussi être à lorigine de lécart qui se traduit topologiquement par la séparation de la salle de cours (lendroit où lon enseigne) davec le lieu documentaire (lendroit où lon trouve lexemple, la preuve, lillustration).
Cette rupture dans lhistoire récente du verbe documenter est donc à lorigine dune triple opposition sur les plans de :
- la médiation : professeur / document ;
- la fonction : professeur / documentaliste ;
- lespace : salle de cours / espace documentaire.
Cette première approche nous éclaire sur lexistence dune dimension pédagogique du document. On observe ainsi comment lusage a marqué, au XIXème siècle la séparation entre le document et le cours professé, en lui assignant une place subsidiaire.
12. Terminologie
Du point de vue de la linguistique, ou science du langage, on observe la déclinaison du terme document en substantifs (documentaire, documentation, documentaliste, documentologie), en adjectif (documentaire) et en verbes (documenter, se documenter), autant de mots quil serait bien difficile de contourner en loccurrence. Constitutifs du mot documentation, lequel désigne un ensemble plus vaste, plus englobant, mais aux contours mal définis, ces deux termes, document et documentation, méritent dêtre préalablement définis.
121. La documentation
Le terme de documentation est pour le moins polysémique. Il peut de fait être employé pour désigner dans le langage courant : un corpus de documents, un document permettant dinstaller et dutiliser un matériel, un ensemble de compétences techniques professionnelles ou domestiques et, par métonymie, un centre ou un service de ressources documentaires, un département universitaire ou encore un domaine disciplinaire.
Il importe dès lors de préciser cette notion et de noter ce quelle recouvre exactement.
Poursuivant les travaux de lAssociation française de normalisation, les auteurs du Vocabulaire de la documentation de lAssociation des professionnels de linformation et de la documentation (A. Boulogne, 2004) attribuent aujourdhui deux sens principaux à ce terme :
documentation 1 : Ensemble des méthodes et des techniques de traitement systématique de documents ou dinformations, quel que soit leur support, mises en uvre pour répondre aux besoins des usagers et incluant lacquisition, le signalement, lanalyse documentaire, lindexation, le stockage, la recherche, la diffusion de ces documents ou informations.
documentation 2 : Ensemble des documents réunis par une personne pour sinformer sur un sujet.
Il importe donc de distinguer ce qui relève, dune part, dun ensemble dunités documentaires qui sont réunies pour un projet particulier et effectif (documentation 2), de ce qui désigne, dautre part, un ensemble de techniques permettant le traitement de ressources potentiellement recherchées et utilisables par des usagers (documentation 1).
Dans le premier cas (documentation 2), la documentation est une « matière » constituée dobjets discontinus appelés à être exploités par un individu pour satisfaire son besoin dinformation. Elle induit de ce fait un certain rapport à (une représentation construite de) la connaissance et appelle à lactivité dun sujet cognitif qui peut être tout chercheur ou tout élève en situation de recherche.
Dans le second cas (documentation 1), le but est tout autre. Il ne sagit plus de chercher à bénéficier dun gain de connaissance, mais, en amont, de faciliter cette recherche, dorganiser les accès, et de fournir à lusager un service en lui préparant les conditions pour lélaboration dune documentation 2. Il est ici question de gérer des ressources sous un double aspect :
- un traitement physique pour en assurer la conservation et la mise à disposition ;
- un traitement intellectuel décrivant son contenu (indexation) pour en assurer le classement et laccès lors dune recherche.
La documentation 1 consiste donc en une mise en système ordonné de collections et en lorganisation raisonnée daccès en vue de satisfaire un public donné. Elle ressortit aux missions techniques du métier de documentaliste et réclame des savoirs techniques.
Par contre, si la documentation 1 doit être affaire de professionnels qualifiés, la documentation 2 intéresse tout sujet impliqué dans une démarche denseignement ou d(auto-) apprentissage, en tant quenseignant ou en tant quapprenant. Celle-ci peut alors ressortir à la mission pédagogique de lenseignant (documentaliste) et nécessite des savoirs méthodologiques.
Dans ce dernier cas, la documentation 2 peut, soit engager la médiation dun enseignant, soit devenir lobjet même dun enseignement (les apprentissages documentaires). Ainsi nous utiliserons documentation 3 pour désigner cette matière candidate à lenseignement.
Cette première distinction fournit des indices permettant dinférer le sens de la bivalence induite par lappellation de professeur documentaliste, en désignant celui-ci par sa double fonction :
- gestionnaire des ressources (documentation 1) potentiellement disponible et permettant la constitution effective par lusager dune documentation 2 selon son projet ;
- médiateur pédagogique (documentation 3) entre cet usager et la documentation 2.
La documentation 2 apparaît ainsi à linterface des deux fonctions de lenseignant documentaliste. Elle savère également être la cible visée par les enseignants de discipline et les élèves. Son unité de base est le document.
122. Le document
Dans son acception la plus réduite, en tant que « support porteur dinformation », la notion de document a donné lieu à des définitions contrastées admettant une liste plus ou moins étendue dobjets. De ce point de vue en effet, des objets tels que des signaux de fumée, ou un échange verbal pourraient se prévaloir du titre de document. Mais sils contiennent et transmettent bien une information, ce ne sont pas pour autant des documents au motif quils ne sont pas fixés sur un support durable et ne peuvent donc être conservés.
Le document implique en effet que linformation soit inscrite sur un support de manière à pouvoir être ensuite stockée, reproduite et traitée par nimporte quel destinataire. Cette inscription matérielle varie selon les types de support (papier, film, numérique) et les technologies disponibles (imprimé, analogique, électronique).
Par ailleurs, au sens strict - et documentaire - du terme, la définition du document doit encore échapper aux visions relatives des autres disciplines. Prenons le cas dun architecte observant un bâtiment ou une avenue et leur conférant un statut de document dans la mesure où ils lui livrent un certain nombre de significations en quelque sorte inscrites dans la pierre. A ce titre, nombre de « documents potentiels » doivent leur existence au regard subjectif dune personne, dune communauté ou dune science. Toutefois, lInformation-documentation scolaire, en conformité avec les Sciences de linformation et de la communication, ne sattache, quant à elle, quà létude des « documents formels », à savoir ceux issus dun processus délaboration dinformations, mais assortis de lintention expresse de les communiquer en les inscrivant sur un support donné (P. Duplessis et I. Ballarini-Santonocito, 2006).
Cette condition dune intention de transmission dune information prolonge lidée originale, rappelons-le, qui est contenue dans le documentum latin « enseignement, démonstration », dérivé de docere « faire apprendre, enseigner ».
Jean-Paul Roux-Fouillet (2004) rappelle ainsi les cinq critères déterminant un document. Lobjet document :
1- repose sur un support transportable, reproductible et stable ;
2- a une unité de contenu ;
3- contient des informations ;
4- lesquelles sont structurées de manière lisible par un homme ou par une machine ;
5- a une finalité (renseignement, acte commercial ou juridique, etc.)
doù cette définition synthétique :
- un document est « un ensemble cohérent, stable et fini dinformations structurées et lisibles ; à usage défini, quel quen soit le support ».
Les cinq éléments de caractérisation que propose J.-P. Roux-Fouillet peuvent être schématiquement classés en deux groupes qui rappellent la distinction précédemment établie sagissant de la documentation (1 et 2) entre aspect physique et technique dune part, et aspect sémantique et pédagogique dautre part.
Ainsi les items 1 et 2, relatifs au contenant, renvoient-ils au premier aspect et concernent-ils la fonction gestionnaire de la documentation 1, tandis que les items 3 à 5, évoquant le contenu, se rapportent plutôt à la dimension cognitive de la documentation 2 dans la mesure où celle-ci procède dune intention dacquisition de connaissances.
13. Hypothèses de lecture
Pour en revenir à la seule notion de document, retenons que celui-ci est le produit de linscription dun contenu informationnel sur un support physique. Cette articulation dune signification transportée (substance) et dune matérialité porteuse (substrat) nest pas sans rappeler la double mission confiée au professeur documentaliste dans ses tâches pédagogiques dune part, et gestionnaires dautre part. Cette conclusion, déjà formulée au sujet de documentation, amène à considérer cette idée que cest le matériau qui crée la fonction. Ainsi la nature bipolaire du document produirait-elle une fonction duelle déjà identifiée par une double appellation statutaire.
Est-il possible dinférer de la sorte que la double nature du document, cette matière documentaire de base en Documentation, ait eu une incidence sur la constitution des phénomènes documentaires que nous observons à lécole, notamment ceux relatifs :
- au développement de la documentation scolaire saisie comme matériau subsidiaire du cours ;
- aux espaces documentaires ;
- aux responsables gestionnaires de ces espaces et des ressources quils contiennent ;
- à la pédagogie liée à lexploitation de cette matière documentaire ?
En dautres termes, la double nature (substrat/substance) même de cette matière documentaire a-t-elle pu imprégner les évolutions de ces phénomènes, imposant par là même une tension entre ces deux orientations, lune tendue vers la gestion des supports physiques, lautre orientée vers lexploitation des supports de connaissance (documentum) ?
La bivalence remarquée dans la double appellation de professeur documentaliste transpose-t-elle sur le terrain des missions et des identités cette tension entre deux logiques, gestionnaire et pédagogique, et leur nécessaire hiérarchisation ?
2. Genèse de la pédagogie documentaire
Cette vision duale de la matière documentaire, à la fois substrat (la dimension matérielle) et substance (la dimension signifiante) facilite lentrée dans lenvironnement local de la Documentation scolaire. Elle propose en un premier temps une grille simple de lecture permettant de classer les éléments constitutifs dun milieu documentaire où se déploient des réalités quil est possible danalyser de manière diachronique.
Ainsi ce qui a trait au support sensible, quil soit matériel ou virtuel, regroupera en premier lieu les données relatives à la matière documentaire elle-même (documentation 2), au travers de son apparition dans lécole et de sa prise en considération par linstitution, et, en second lieu, celles relatives aux espaces documentaires chargés de la conservation et de laccessibilité de ces ressources, à partir de lévolution des fonctions qui leur ont été attribuées.
Sagissant à présent du versant informationnel, la question portera sur lintérêt croissant porté à lactivité documentaire éducative (documentation 3), encore appelée aujourdhui pédagogie documentaire. Ses assises théoriques seront en particulier interrogées, afin et avant de prendre la mesure des espoirs fondés par un métier auquel lorigine et lessor semblent être étroitement corrélés.
21. De la documentation pédagogique à la pédagogie de la documentation
Nous avons proposé comme postulat que la nature épistémologique de la documentation comportait en germe lévolution des phénomènes documentaires (usage, espace, fonction, responsabilité) dans lécole. Létude diachronique de ces phénomènes permet-elle de le vérifier ? De quelle manière la matière documentaire a-t-elle orienté, facilité ou contraint les politiques éducatives dans leur choix sagissant tout dabord de ses usages, puis de ses espaces, enfin de sa fonction pédagogique ? Nous chercherons encore à déceler dans ces prémices lorigine des velléités exprimées par la profession à jouer un rôle pédagogique spécifique.
211. Intégration de la documentation à lécole
On nomme ressources documentaires lensemble des documents disponibles, dans un lieu documentaire, ou à partir de celui-ci (F. Moulin-Boirot et M.-E. Morlet, 1992), inscrits dans son inventaire et qui sont de ce fait potentiellement mobilisables par les usagers. Les resssources sont conservées et organisées selon une classification normalisée en différents fonds correspondant le plus souvent à leur genre. Aujourdhui, les C.D.I. entretiennent des fonds composites dont les collections douvrages littéraires et documentaires. La proximité de ces deux fonds, obéissant à des fonctions distinctes, est la conséquence directe de lhistoire de la matière documentaire scolaire. Nous suivrons leur cheminement parallèle jusque dans les années 60, décennie de leur rapprochement définitif.
Les ressources apparaissent officiellement dès 1838 dans les lycées français, sous lappellation de bibliothèques scolaires. Héritières des premières bibliothèques à vocation scolaire des collèges de Jésuites au XVIIème, elles sont à lorigine constituées duvres de littérature française et sont dabord destinées aux élèves (F. Chapron, 1999). Les uvres proposées sont récréatives et servent à lédification morale. Bien vite, elles se scinderont en bibliothèques spécialisées pour les professeurs en tant que « structures dappoint dans un enseignement magistral où la leçon du maître prime », et en bibliothèques de classe à lintention des élèves. Un arrêté de 1882 réglemente ces collections et impose la création dans chaque établissement primaire dune Bibliothèque populaire des écoles publiques. Mais faute de moyens et dincitations, le mouvement sessouffle rapidement. La situation perdure cependant dans les établissements secondaires, et ce jusquau milieu des années 60, lorsquest officialisée la fusion entre bibliothèque et service de documentation.
La notion de ressources documentaires à vocation pédagogique est quant à elle institutionnalisée en 1879 par la création du Musée pédagogique, uvre de Jules Ferry et de Ferdinand Buisson. De cette fondation procédera, en 1935, la première forme du Centre national de documentation pédagogique (CNDP), lui-même ancêtre de lINRP et de lactuel CNDP. Il faudra cependant attendre 1958 et la création du premier « service de documentation » au lycée Janson-de-Sailly pour trouver une documentation mise localement à disposition de tous et organisée. Jusque là, on la trouve éparpillée dans des cabinets spécialisés sous la responsabilité des professeurs des disciplines (histoire-géographie, sciences naturelles, sciences physiques). Côtoyant les bibliothèques des professeurs, ces cabinets conservent principalement un matériel nécessaire pour la classe ainsi que des ouvrages préparant les concours de recrutement, mais peu de documents proprement pédagogiques (M. Poupelin et M. Monthus, 1993).
Françoise Chapron (1999) fait ressortir que lintérêt manifesté pour la documentation pédagogique par linstitution a résulté de lessor des centres documentaires et des métiers de la documentation suscités par laccroissement spectaculaire de la masse documentaire aux lendemains de la deuxième guerre mondiale, lorsque les besoins en information scientifique et technique étaient cruciaux pour léconomie des pays développés.
Ainsi, au cours de lannée 1952 apparaît une circulaire intitulée très précisément « Le rôle de la documentation dans lenseignement du second degré », laquelle inaugure cet intérêt de la tutelle pour lintégration de la matière documentaire à lécole. Outre le fait que lusage du document permettrait de passer dune logique déductive à une logique inductive, sur le modèle des sciences expérimentales, insistance est faite sur « la place que ces méthodes denseignement doivent faire à la documentation dans toutes [les] disciplines ». Bien que la fin du texte minore quelque peu cette injonction, puisque ces ressources servent principalement dappui au cours du maître, il nen reste pas moins quil constitue le premier élan novateur pour le rapprochement de la documentation et des méthodes pédagogiques, la première permettant de questionner les secondes. A la documentation interne à létablissement sajoutent des ressources documentaires extérieures, dites « inamovibles » (sites, musées, monuments), jugées utiles pour compléter le cours. Le CNDP est alors missionné pour produire et publier un tel inventaire. Cest dailleurs à loccasion de la proclamation de lachèvement de ce travail, en 1954, que lon trouve la première occurrence de lexpression de ressources pédagogiques. La circulaire de 1952, par conséquent, offre dune part à la matière documentaire un statut didactique officiel (montrer, illustrer, démontrer par le document), en même temps quelle élargit lacception de la notion à des objets non documentaires, bien que porteurs dinformations intéressant le cours. Cette idée douverture culturelle de létablissement sera conservée au titre des futures missions de lenseignant documentaliste. Enfin, notons que le « rôle de la documentation » tient des compétences dorganisation personnelles du professeur, sans que soit encore prévu aucun soutien logistique pour rassembler, conserver, organiser et rendre accessible ces ressources.
En 1958, sont enfin créés les premiers Centres locaux de documentation pédagogique (CLDP), à partir de lidée de rassembler et dorganiser la matière documentaire. Il sagit non seulement de rationaliser les moyens humains et financiers mais également daider les maîtres à diversifier leurs sources. Notons que ces ressources restent toujours adressées à ces derniers.
Quatre ans plus tard, la circulaire du 10 février 1962 dresse un bilan sommaire mais encourageant en commençant par affirmer que « notre pédagogie recourt de plus en plus au document ». Elle cherche surtout à réglementer et à définir le Service de documentation (SD) nouvellement instauré en précisant notamment « la documentation pédagogique quil doit rassembler ». La matière documentaire ainsi définie sinscrit dans un réseau vertical assujettissant le Centre local (CLDP) au Centre régional de documentation pédagogique (CRDP). Il est important de constater que, par voie de conséquence, le poste de responsable nommé pour gérer ces ressources est corrélativement dépendant, pour son recrutement et pour sa formation, du directeur du CRDP.
Lannée 1966 balise une nouvelle avancée significative dans lévolution de la nature et de lutilisation des ressources documentaires, et ce, à partir de trois événements. Tout dabord les SD se transforment en SDI, agrégeant le I de Information pour marquer ladjonction de linformation culturelle et de la documentation scolaire et professionnelle. Ensuite sopère la délicate fusion des bibliothèques centrales et des Services documentaires. Enfin, et ce nest pas la moindre des choses, lespace documentaire et ses ressources souvrent aux élèves. Il est évident quà partir de cette petite révolution, la nature même de la matière documentaire va se trouver modifiée par la nécessité de faire correspondre loffre aux besoins réels.
Un nouveau pallier est franchi à la création des CDI en 1973, lorsque que les Services deviennent des Centres pour appuyer et officialiser une double intention : dune part, la documentation est désormais placée « au centre » pédagogique de létablissement et, dautre part, elle doit être regroupée en un seul lieu. Le rapport de linspecteur général Tallon, remis lannée suivante, revient sur cette dernière exigence, tout en la nuançant : des « sous-dépôts temporaires ou éventuellement permanents » sont toutefois admis à la condition dêtre inscrits au « fichier collégial » que tient le responsable du Centre. Par ailleurs, laspect pécuniaire est pour la première fois abordé : le rapport préconise louverture dune ligne budgétaire propre à la documentation.
Depuis ce rapport, et la circulaire de 1979 qui sen est profondément inspiré, la nature des fonds et des collections na que peu évolué. Ainsi les CDI actuels mettent-ils à disposition des élèves et des professeurs différents types de fonds (F. Moulin-Boirot et M.-E. Morlet, 1992) :
- le fonds de la bibliothèque-médiathèque : ouvrages de référence, livres
documentaires, ouvrages de fiction, périodiques, etc. ;
- le fonds des documents administratifs et réglementaires (B.O., annales, programmes,
etc.) ;
- la documentation afférente à lorientation scolaire et professionnelle.
Mais un bouleversement important, tant sur le plan des ressources (documentation 2) que sur celui des techniques de gestion (documentation 1) a été apporté à la fin des années 80 par le développement continu des technologies de linformation et de la communication (TIC) et linformatisation des CDI qui a suivi. Les implications concernant la seule matière documentaire sont de plusieurs ordres :
- la constitution de bases de données remplaçant les fichiers papier ;
- loptimisation du traitement des ressources documentaires au moyen dun logiciel de
gestion et de recherche documentaire, véritable interface entre les collections et
lusager ;
- la déterritorialisation des ressources documentaires ;
- le travail documentaire en réseaux (accès et mutualisation) ;
- laccès aux gigantesques ressources en ligne (le Web) ;
Autant de changements qui, en lespace dune décennie, ont contribué à ébranler lidentité professionnelle des bibliothécaires comme des documentalistes.
Il ressort ainsi de ce premier bilan que cest bien à partir de la matière documentaire « première » que procèdent et se développent les notions consécutives despace documentaire et de métier :
- apparition de la notion : Musée pédagogique (1879), CNDP (1932) ;
- 1ère injonction officielle dune utilisation pédagogique (circulaire de 1952) ;
- 1er rassemblement des ressources en un seul lieu (CLDP, 1958) ;
- nomination dun personnel spécialisé et généralisation de lidée dune gestion
raisonnée des ressources (SD, 1962);
- volonté de placer la documentation au centre pédagogique de létablissement (CDI,
1973).
Ce sont les fonctions de rassemblement, de gestion et de mise à disposition des ressources qui créent les besoins en lieu et en personnel spécifiques. De même, lorsque la matière documentaire acquiert une dimension pédagogique de plus en plus marquée, la spécificité pédagogique des espaces et des personnels croît en conséquence. Aussi ne se contente-t-elle pas de les appeler mais elle les dessine au travers de la fonction quelle développe. Cest ce qui apparaît plus clairement encore si lon sintéresse à lévolution des rôles et des buts qui lui sont progressivement assignés. Elle passe en effet des fonctions de loisir, de culture avant 1950, à la fonction didactique à partir de 1952, pour souvrir enfin à une fonction pédagogique au début des années 70.
De matière que lon montre aux élèves en appui du cours, elle devient progressivement une matière à manipuler par lélève lui-même dans le but espéré de le faire accéder au savoir et de lui permettre délaborer du sens.
De matière à lorigine disséminée, désarticulée dans les cabinets et les salles de cours, voilà quelle semble vouloir sagréger, se rassembler, prendre corps dans un lieu unique et centralisé où il faut à présent se rendre si lon veut la trouver et la travailler.
Quelle est lhistoire de ces lieux ? Est-il possible, au travers de leur évolution, de saisir de quelle manière ils ont accompagné ou forgé cette question de la recherche dune spécificité pédagogique de la Documentation ?
212. Etat des lieux documentaires : des espaces et leur logique
2121. Des logiques héritées du passé
Quel est donc limpact de ces fonctions, ou logiques, sur les espaces documentaires ? Comment se traduisent-elles en termes despace et de localisation ?
Françoise Chapron (1999) fait le constat de la stratification des fonctions dans les CDI daujourdhui, faisant coexister des logiques héritées du passé. Elle dénombre ainsi des logiques patrimoniale et culturelle, de service et, enfin, pédagogique.
Cette succession suit un axe évolutif, tel que nous avons pu lesquisser plus haut. Les logiques patrimoniale et culturelle sont le produit, en premier lieu, de leffort de rassemblement et de stockage des ressources à une époque où la documentation était encore peu disponible dune part (les CRDP ne sont créés quen 1950), et, dautre part des divers types de bibliothèques qui se sont succédées de la fin du XIXème siècle à leur intégration dans les SDI en 1966. A lheure des ressources numériques, cette logique de stock est désormais confrontée à une logique de flux. Ce glissement de logique accompagne en fait le retrait annoncé - et supposé - du document, voué à la dématérialisation, et lavènement de linformation.
La logique de service est celle dun service documentaire, idée fixée dans lappellation même du lieu, le Service de documentation (SD), en 1962. Dans cette logique, les ressources documentaires sont exclusivement destinées à servir le professeur dans la préparation et la présentation de son cours aux élèves. Aussi une infrastructure et des moyens humains ont-ils été pensés et organisés pour soutenir cette mission de service. La notion de service revient dailleurs en force aujourdhui dans le discours institutionnel pour recentrer la vocation du lieu sur la satisfaction des besoins informationnels des usagers (élèves et professeurs).
Sagissant enfin de la logique pédagogique, il faut en situer lapparition en 1974, lors du passage du « Service » au « Centre ». Effet terminologique qui nest sans doute que lactualisation du bouleversement plus profond qui sest produit dès 1966 lorsque les élèves ont été invités à investir les lieux. Laccès direct aux ressources a eu pour effet de susciter une réflexion sur la nature des collections, lorganisation des locaux, mais encore, conséquence plus importante, sur la médiation pédagogique et ses acteurs, dont les rôles et la responsabilité font aujourdhui encore lobjet dune redéfinition.
On peut alors se demander comment, et dans quelle mesure, cette logique délibérément pédagogique des lieux a pu influencer la vocation des personnels à passer dun statut passif de prestataires de service à celui de pédagogues co-acteurs de la formation des élèves.
2122. « Un centre documentaire avec quelque chose autour »
Le rapport de linspecteur général Tallon, en septembre 1974, entérine la récente promotion des SDI en CDI. Ce changement dappellation entend faire franchir un saut quantitatif et qualitatif à ces nouveaux locaux documentaires. Dun point de vue quantitatif tout dabord puisque est annoncée leur généralisation sur le territoire ; dun point de vue qualitatif ensuite sur les plans statutaire et architectural.
Au plan du statut, la revalorisation porte sur la place, au sens propre comme au sens symbolique, laissée à la documentation dans létablissement : « non plus service annexe et auxiliaire, mais centre, dans tous les sens du terme, aussi bien lieu central de létablissement que foyer central danimation, carrefour de la vie éducative et de lactivité pédagogique ».
Rappelons que le nouveau Centre a également pour fonction de « centraliser » la documentation dispersée dans les cabinets et les laboratoires. La métaphore topologique institue de fait, et une fois pour toutes, le CDI comme le centre géographique, le carrefour, le foyer ou encore le cur de létablissement, voire du système éducatif. Aujourdhui encore, la littérature emprunte généreusement à cette rhétorique qui a pour fonction de focaliser lattention des acteurs sur les bienfaits de la documentation et sur la réussite espérée dune pédagogie sachant lutiliser.
Au plan architectural, ce même rapport donne en exemple une expérimentation réalisée sur 82 « établissements à espace aménagé ». On y apprend que la notion de centre est coulée dans le béton des décideurs politiques, puisque « cest autour [des locaux documentaires] que sest articulé le plan de masse ; cest en fonction de leur emplacement quont été disposés les autres locaux et quont été organisées les circulations ». Claude Viry (2001) rapporte à ce propos une expression récurrente à lépoque : « une école, cest un centre de documentation avec des salles autour ».
Ces réalisations sappuient sur les normes architecturales du ministère, éditées de 1968 à 1972. Celles de 1970, par exemple, représentaient le centre documentaire sous la forme dune étoile entourée dune nébuleuse de salles : salle de documentation-bibliothèque des professeurs, salle dauto-documentation, salle de lecture, salle de réunion des élèves, salle audiovisuelle, clubs, bibliothèque des élèves, salle des professeurs, duplication, etc., toutes détaillées avec la mention de lindication de leur surface (cf. Annexe I. 1) . Le rapport de 1974 défend cette conception inédite du Centre, en la présentant comme « la meilleure adaptation de lespace à une pédagogie évolutive ».
En effet, et comme nous laborderons plus tard, le CDI est alors pressenti pour devenir le principal vecteur de la rénovation pédagogique du système éducatif. Suivant lidée forte selon laquelle lenvironnement architectural influence les activités qui sy déroulent en modifiant les représentations et en dessinant de nouvelles perspectives, il restait à imaginer des espaces à la hauteur des ambitions. A cette époque, linspiration vint du modèle québécois et de ses « collèges-bibliothèques » orientés sur une pédagogie très largement basée sur les activités documentaires des élèves (J. Paillat, 1980). Dans cet « Eldorado éducatif », selon lexpression de Claude Viry, jusquà 40% du temps scolaire pouvait être consacré au travail autonome en petits groupes.
Cette fulgurante promotion des Centres ne peut que rejaillir sur les documentalistes-bibliothécaires qui en assurent la responsabilité. Dauxiliaires des enseignants de disciplines à lorigine, les voici promus à lexercice dun rôle pédagogique central dans létablissement. Les salles, les classes, et donc les cours et les professeurs devraient maintenant graviter autour deux comme des satellites en orbite. Cette révolution de type copernicien (la raison détat se substituant ici à la raison scientifique) constitue certainement lun des facteurs qui conduiront la profession à revendiquer une place particulière dans léchiquier des disciplines. Ce déplacement des projecteurs allant du Centre vers le documentaliste-bibliothécaire se produit dans cette fin des années 70 : pour la première fois, un rapport sintéresse directement aux personnels responsables en les dotant de fonctions. Qui plus est, de ces sept fonctions, la dernière, pédagogique, est censée englober et diriger toutes les autres.
Mais lemphase portée sur les Centres était-elle suffisante à elle seule pour opérer une telle révolution ? Par quel autre biais va saffirmer et sancrer cette préemption pédagogique du documentaliste-bibliothécaire ?
2123. Lélève au Centre
Nous avons déjà fait remarquer quun des moteurs de lélan qui a porté le CDI au début des années 70, du moins dans les esprits, a sans doute été louverture de son espace et de ses ressources aux élèves, à loccasion de linstauration des SDI en 1966.
A la création des CDI, linstitution fixe même à 10% des effectifs de létablissement la capacité daccueil de son centre. Il était même prévu daugmenter le nombre de places disponibles jusquau tiers de leffectif pour peu que, à linstar du modèle québécois, les élèves soient encadrés par leurs enseignants. Ce taux servait encore de base pour calculer, à raison de Xm2 alloués à chaque élève, la surface du local.
A cela sajoute linjonction ministérielle douvrir les CDI « tous les jours, en libre accès, du moment où arrivent les premiers élèves à celui où partent les derniers et même au-delà pour les établissements à internat y compris de 12 heures à 14 heures et, le soir, pendant la période où les élèves attendent le départ des cars de transport scolaire » (Rapport Tallon, 1974). A partir de ce moment, le lieu CDI est présenté comme un lieu accueillant, confortable et lumineux et où les enjeux scolaires sont établis sur des bases radicalement différentes de celles de la classe.
Louverture aux élèves marque un tournant radical dans lhistoire de la Documentation jusque là orientée vers le professeur et le cours. Elle fait du CDI un lieu où lélève est prioritaire, un lieu centré sur lélève dans une démarche en cela profondément novatrice et toute chargée de ces espoirs qui seront encore portés par la loi dorientation de 1989. La participation délèves volontaires aux activités de gestion du Centre est même préconisée par le rapport, sur la foi dexpériences qui ont réussi « à la satisfaction de tous ».
La circulaire de 1977 établit avec précision quelle sera la conséquence principale, touchant la relation pédagogique, de cette décision : « le documentaliste-bibliothécaire exerce une action pédagogique directe auprès des élèves pour leur enseigner des méthodes de recherche du document et du travail sur document, soit, individuellement ou en petits groupes [
] soit, en groupe-classe, dans le cadre horaire dune discipline, en collaboration avec le professeur ». Ainsi louverture du Centre, consécutivement à sa création fondée sur le déplacement de la matière documentaire vers le centre symbolique de létablissement, provoque à présent le déplacement de la classe, avec ses élèves et son professeur. La centralisation des ressources en un lieu présenté comme un cur, un axe autour duquel sorganise le reste de létablissement, exerce une action centripète sur celui-ci.
Avant, la classe et les éventuelles ressources documentaires étaient comme aimantées par le cours donné par le maître ; maintenant, ce sont la classe, le maître et son cours qui se trouvent attirés par cette matière documentaire organisée, et par laccueil participatif de son responsable.
Nous nous demanderons ultérieurement quelles conséquences cette attraction pourrait avoir sur la situation pédagogique et les relations élève-savoir-maître, à partir du postulat que, lorsque la classe est transportée, cest tout le rapport au savoir qui se trouve également déplacé.
Il apparaît ainsi que louverture des Centres aux élèves marque un nouveau tournant, ou consolide celui entamé par la promotion des Centres. Lévolution qui se dessine ainsi passe dune centration sur la matière elle-même à une centration sur les espaces documentaires pour arriver ici à une centration sur lélève. Laction centripète exercée par le nouveau lieu documentaire, en déplaçant le lieu du cours, organise une captation de lélève en même temps quelle décentre la médiation pédagogique et introduit de fait un nouvel acteur, le documentaliste-bibliothécaire. Ainsi, louverture du Centre aux classes saccompagne, dans les textes (1977), de lobligation faite à ce personnel dexercer une action pédagogique directe auprès des élèves.
213. Une nouvelle manière denseigner
A partir de ce constat selon lequel tout document présente une double face, un contenant et un contenu, nous avons tenté de mettre en évidence cette idée que la matière elle-même, ce substrat documentaire, avait engagé, ne serait-ce que par sa matérialité (accès, centralisation, gestion, exploitation) un certain nombre de choix et de processus importants. Il sest agi en effet de choix dorganisation stratégique, architecturale et spatiale ainsi que des choix en moyens humains. Ces décisions, émanant toutes dune tutelle sappuyant sur des innovations de terrain et des instances associatives à linitiative dun début de professionnalisation du métier denseignant documentaliste, relèvent de lambitieuse politique éducative qui a prévalu dans les années 70 et dont lélan a encore porté la décennie suivante. Cest dun tel élan quest née la Documentation scolaire telle que nous la connaissons aujourdhui.
Considérons à présent la face du document qui est relative à son contenu, i.e. à cet élément de connaissance quil conserve en substance et dont il assure la transmission. Nous avons déjà fait remarqué à quel point létymologie de document avait conservé la trace dun fort attachement, non seulement à la transmission du savoir mais également à lenseignement. Le retour du document sur le devant de la scène pédagogique, à lheure de la création des Centres de documentation et dinformation, sest donc accompagné dune pédagogie nouvelle.
Mais les présupposés qui la fondent soriginent-ils dans la nature même du document ou celui-ci nestil que linstrument dun projet plus vaste ? Nous nous intéresserons alors à retrouver et à préciser dans quel cadre éducatif et idéologique est inscrite cette nouvelle pédagogie.
2131. Dans le sillage de lEducation nouvelle
« Quil sagisse en effet de confier aux élèves une grande part de responsabilité dans leur propre formation, notamment par le travail indépendant ; quil sagisse de lapprentissage du travail en équipe ; quil sagisse de la modification du rapport pédagogique entre le maître et lélève ; quil sagisse douvrir lenseignement sur la vie, de le rendre plus concret, plus lié au vécu des élèves ; quil sagisse de donner à lécole lattrait et les moyens de l école parallèle, et dapprendre ainsi à nos élèves à mieux maîtriser les apports sauvages de celle-ci ; quil sagisse de leur offrir une vie scolaire moins monotone, plus diversifiée, et de favoriser lapprentissage de la responsabilité et de linitiative : pour la réalisation, dans les meilleures conditions, de tous ces objectifs, dune pédagogie et dune vie scolaire rénovée, le centre documentaire est un moyen privilégié, sinon indispensable. »
Rapport Tallon, septembre 1974
Si lidée de rénovation pédagogique court explicitement le long de ce texte fondateur pour les CDI rappelons quil est à lorigine de la première circulaire de mission des documentalistes-bibliothécaires, en 1977 -, il est en revanche explicitement muet sur lEducation nouvelle, ce grand mouvement éducatif parallèle, concurrent de lécole traditionnelle triomphante. Pourtant, toutes les idées qui donnent au CDI, à son personnel et à ses utilisateurs, son cadre éducatif, largement teinté didéologie réformiste, sont ici convoquées dans le texte de linspecteur général Tallon.
LEducation nouvelle ressemble à une nébuleuse, un ensemble complexe didées et de méthodes pédagogiques, expérimentées et mises en uvre dans les deux premiers tiers du XXème siècle, mais animées dun même élan (P. Champy et C. Etévé, 2002 ; F. Raynal et A. Rieunier, 1997 ; F. Chapron, 1999). Cet élan, qualifié de réformiste au regard du modèle dominant, trouve à sunifier autour de postulats et de présupposés communs, tels que « la prise en considération de la réalité enfantine (puérocentrique), lorganisation dune vie sociale au sein de la vie scolaire et la relation de lacte à la pensée » (F. Morandi, 2001).
Dans le rapide survol que nous proposons, nous nous attachons à ne faire ressortir que les éléments utiles à notre projet qui est de révéler les causes profondes de linvestissement actuel de la profession dans le champ didactique, et de ses résistances. Nous pensons en effet que certaines de ces dernières plongent leurs racines dans certains principes portés par le mouvement de lEducation nouvelle.
A la fin du XIXème siècle, des écoles secondaires privées pourvues dinternat, simplantent en pleine campagne afin de se rapprocher du milieu naturel, du grand air et des travaux manuels. Au moyen dune vie communautaire fondée sur des principes viriles, laccent est mis sur la formation du caractère, la vie sociale et le self government. On y manifeste également le souci de trouver des liens entre les matières denseignement, par létude de la nature et lobservation.
En 1894, John Dewey, professeur de philosophie à luniversité de Chicago, fonde une école expérimentale où sont proposées des activités concrètes (menuiserie, tissage, etc.) stimulant les apprentissages culturels. Sa formule « learning by doing » restera célèbre. Tous les travaux menés à cette époque convergent vers un même postulat : la libre découverte de lenfant, et un même constat : la rupture radicale avec la méthode traditionnelle denseignement.
La première décennie du XXème siècle voit apparaître les travaux du médecin psychologue suisse Edouard Claparède, disciple de Dewey, dont lapproche fonctionnelle de lenfance sintéresse à la relation entre le sujet et son environnement. Adolphe Ferrière popularise lexpression dEcole active et fonde en 1921 la Ligue internationale pour lEducation nouvelle, avec Ensor et Olive Decroly. La section française naîtra lannée suivante sous le nom de Groupe français déducation nouvelle (GFEN). Toujours en Suisse, Jean Piaget, par ses travaux, commence à influencer durablement le courant (Le langage et la pensée chez lenfant, 1923).
A la même époque en France, Roger Cousinet (le travail libre par groupes), B. Profit (les coopératives scolaires) et Célestin Freinet (le texte libre, limprimerie, la correspondance scolaire) enracinent lEducation nouvelle par leurs expérimentations. Ce dernier, notamment, introduit lusage du document dans la classe en linscrivant au centre dactivités de recherche et de production. Les élèves réalisent de vrais journaux et, plus tard, publient une vraie revue documentaire, la Bibliothèque de travail (BT). Ce faisant, par le truchement du document, Freinet propose « une alternative au tout naturel de la vie comme source documentaire et au tout artificiel du document scolaire conçu par ladulte et pour lécole » (G. Bécousse, 2004).
Laprès-guerre verra se produire un nouveau départ sous laction notamment de Roger Cousinet, ainsi que de Paul Langevin et de Henri Wallon, les auteurs du rapport éponyme et présidents du GFEN. En 1945, le directeur de lenseignement du second degré, Gustave Monod, crée deux cents « classes nouvelles » dans les sixièmes des lycées. Larrêt brutal de lexpérimentation en 1949, par son successeur, est dailleurs à lorigine de la création de la revue Les Cahiers pédagogiques. Ces classes nouvelles serviront par la suite de référents aux promoteurs des CDI.
Cest dans ce contexte que paraît, en 1947, le plan Langevin-Wallon, porteur dun projet de réforme globale de lenseignement frappé aux idéaux démocratiques de la Résistance. Nourri des principes de lEducation nouvelle, il entend réorganiser lEcole en fonction des enfants, de leur âge et de leurs aptitudes et ouvrir lécole sur la vie. Il promeut en outre le développement des méthodes actives.
A la fin des années 50, le mouvement Freinet soriente vers la pédagogie institutionnelle (Fernand Oury) ou autogestionnaire (Raymond Fonvieille). Les travaux du psychothérapeute Carl Rogers sur la non-directivité et lautonomie sont portés en France par André de Peretti.
Pourtant, en 1965, Jean Piaget constate le relatif échec de ce courant. Il établit le diagnostique dun mouvement qui est apparu trop révolutionnaire pour son époque, dont les fondateurs nont pas eu le goût dappartenir à linstitution, et dont les précurseurs (Rousseau, Tolstoï) se révèlent finalement bien encombrants.
Cependant, les « classes nouvelles » de Gustave Monod, les CDI, et la pédagogie quils suscitent, représentent une traduction concrète de linfluence de lEducation nouvelle. Ainsi, en conclusion dune réflexion sur la place et le statut inédits conférés au document (fait par et pour la classe) dans lEcole moderne de Célestin Freinet, Gérard Bécousse (2004) invite les chercheurs à « reconsidérer la question de la filiation des Centres de documentation avec les propositions et les expérimentations de lEducation nouvelle ».
Lidéologie qui entoure la création des CDI, et les espoirs quelle soulève, emprunte à ce mouvement les idées de transversalité, de méthodes actives ancrées dans le concret, de travail de groupe, de construction du savoir par interaction avec un environnement informationnel, douverture sur la vie, dacquisition de lautonomie et, de manière plus générale et plus profonde, lidée dune rupture avec les méthodes transmissives de la pédagogie traditionnelle, méthodes fondées sur « une activité de reproduction du raisonnement imposé par lenseignant » (J. Berbaum, 1989). Héritière de ces espoirs un peu déçus, une partie de la profession craint aujourdhui quune approche didactique, dont nest souvent perçue que la seule dimension épistémologique des contenus conceptuels, ne marque un retour à la pédagogie frontale et ne constitue par conséquent un aveu déchec.
Quelques textes ministériels permettent de jalonner cette transposition effectuée par linstitution, à la suite du plan Langevin-Wallon, des expériences alternatives propres à ce mouvement en direction du système éducatif. Si lenjeu est bien la « rénovation pédagogique », loutil pour le faire se nomme dabord documentation pédagogique, puis Centre de documentation et dinformation.
2132. 1952-1977 : la pédagogie de la documentation
Le développement de la pédagogie dune part, la dématérialisation brutale du document dautre part, feront basculer la centration sur la documentation au profit de son contenu, linformation. Mais aux débuts de laventure documentaire entreprise par le système éducatif français, la nouvelle pédagogie que proposeront les artisans des CDI est centrée sur lexploitation pédagogique de la documentation.
La circulaire de 1952 portant sur « Le rôle de la documentation dans lenseignement du second degré » se fait lécho timide du plan Langevin-Wallon, affichant toutefois une « préférence marquée pour la formation de lesprit aux méthodes denquête ou de redécouverte, [
] parce quelles lobligent à partir du fait, du document, au lieu de retrouver ceux-ci comme instruments de vérification et de contrôle, aux termes dune pensée dogmatique et déductive ». Cette hygiène de lesprit, qui rappelle La théorie de lenquête de John Dewey (1938), constitue lun des principaux affluents irriguant la future pédagogie documentaire sous lexpression de méthodologie du travail intellectuel. Mais la circulaire tient le professeur (et non lélève) pour responsable et garant de la documentation proposée aux élèves. Elle doit être bien choisie (par le maître) et réduite au minimum. Cependant, et selon un second credo qui envahira les discours sur la maîtrise de linformation à partir des années 90, les documents choisis devront répondre à un souci de confrontation propre « à fournir à lélève loccasion dexercer ses facultés critiques ».
Dans la tourmente de 68, un Colloque se tient à Amiens où chercheurs et acteurs de lEducation nationale réfléchissent sur les objectifs et les modalités dune réforme de lEcole (F. Chapron, 1999). Il y est notamment question de proposer aux élèves un travail individuel ou collectif, avec un décloisonnement spatial et temporel, « incluant lutilisation permanente des moyens dinformation, audiovisuels, bibliothèque, documentation » (sic).
En 1972, le rapport de la commission sur la fonction enseignante prévoit un CDI qui serait « un moyen de formation des élèves pour séduquer, grandir et devenir indépendants, et non seulement pour acquérir des savoirs ». Le CDI se fait donc, à laube de sa création, linstrument privilégié de la critique de la pédagogie assise traditionnelle (J. et G. Pastiaux, 1999).
Lexpérience innovante des 10% est lancée lannée suivante pour favoriser le travail indépendant et le décloisonnement disciplinaire. Ce dispositif, tout empreint des principes de lEducation nouvelle, incite les professeurs à recourir à la documentation et à nouer des contacts avec lextérieur.
Parallèlement à cette introduction une circulaire de 1974 prévoit que les CDI soient équipés de « salles dactivités de groupe » permettant le travail sur documents.
La même année, Le rapport Tallon, tout en positionnant le CDI dans le cadre des 10%, définit les finalités attribuées aux CDI jusquà aujourdhui. Nous lavons déjà observé, il constitue la principale ligne de partage entre la documentation à lusage du maître et la documentation à lusage de lélève. Les précédentes intentions générales se muent ici en préconisations précises et ciblées : il y est notamment question pour la première fois d « initiation aux méthodes de recherche des documents et de travail sur documents ». Le documentaliste-bibliothécaire est invité à prendre part à un acte pédagogique direct au bénéfice des élèves qui doivent devenir « partie prenante dun travail créateur et collectif ». La circulaire de 1977, qui définit les fonctions des responsables des CDI, institutionnalise ces recommandations.
Cette décennie fructueuse pour la Documentation scolaire se clôt donc sur laffirmation de la fonction et du rôle pédagogiques des trois actants de la scène documentaire scolaire que sont la documentation, en tant que matière et ressource, les espaces documentaires et les documentalistes-bibliothécaires.
Mais au-delà des textes officiels et de leurs décrets normalisateurs, est-il possible de se faire une idée du modèle quoffre cette pédagogie nouvelle à la veille des avancées statutaires et pédagogiques des années 80 ? Plus particulièrement, quels rôles tiennent respectivement les documentalistes-bibliothécaires et les enseignants de discipline dans cette pédagogie ? Enfin, lhypothèse émise selon laquelle ces derniers entreraient en concurrence, sur le plan de la médiation, avec le document se vérifie-t-elle ?
2133. « Faire dune bibliothèque, une université sans professeurs »
Laction des chercheurs sest révélée déterminante dans ce cheminement qui a conduit, de 1952 à la fin des années 70, de la prise de conscience par linstitution du rôle pédagogique de la documentation à la création de centres de ressources pilotés par des personnels spécifiques. Jean Hassenforder est lun de ceux-là, qui a travaillé à relier la rénovation pédagogique héritée du mouvement de lEducation nouvelle au développement des CDI. Cette liaison a été assurée par une réflexion portant sur la définition de méthodes pédagogiques basées sur lusage actif de la documentation par lélève.
En 1969, avec Geneviève Lefort, il monte une unité de valeur « Documentation » au département des Sciences de lEducation de Paris X-Nanterre. En 1977, il publie, toujours avec G. Lefort, un choix denquêtes et de comptes-rendus dexpérimentation d « Une nouvelle manière denseigner », qui consiste à faire travailler les élèves soit individuellement, soit par petits groupes, sur des documents. En conclusion de cet ouvrage, les auteurs rédigent un texte intitulé « Pédagogie et documentation » qui propose une synthèse de ces acquis. Ils entendent répondre à la question de savoir dans quelle mesure une pédagogie spécifique a pu se constituer en conséquence du développement du rôle pris par la documentation dans lenseignement. Sont ainsi présentés les fondements et les principes de cette « nouvelle pédagogie », appelée pédagogie de la documentation.
Celle-ci se réclame explicitement du courant de lEducation nouvelle, et prend appui sur les méthodes actives expérimentées par ses pionniers. En particulier, sont convoqués lapport de Carl Rogers sur la non-directivité et lhéritage des Classes nouvelles de 1945.
La pédagogie nouvelle se présente comme un « travail libre sur document » dont le cadre est le projet de lélève. Comme telle, elle sinscrit en réaction à lenseignement magistral quelle critique vivement. Reprenant à leur compte les résultats dune étude socio-psychologique sur les enseignants du second degré publiée cinq ans après 1968, les auteurs contestent rien moins que « la relation didactique, la finalité de lenseignement, les méthodes de discipline, le fonctionnement de la classe fondé sur la transmission du savoir, la définition du savoir lui-même ». Plus spécifiquement, est reproché le pouvoir dautorité conféré au maître sur chaque élève ainsi que le monopole quil exerce sur laccès à linformation, monopole symbolisé par le manuel, document unique, lequel ne peut transmettre quun savoir livresque.
A lopposé, la pédagogie du travail libre à partir dune documentation restitue sa liberté à lélève, par le libre choix des documents, du sujet et de la production finale. Lélève est ainsi appelé à développer son esprit dinitiative, sa créativité, ses capacités à communiquer et à développer son autonomie. Dans le prolongement des Classes nouvelles, ce processus pédagogique fait de lui un « homme cultivé [
], quelquun qui sait sinformer, se documenter, et qui a acquis une méthode de travail pour pouvoir se faire une idée par lui-même. »
En effet, cette nouvelle pédagogie uvre sur deux fronts. Dun côté, elle initie les élèves aux techniques documentaires, à partir dun corpus de six étapes définies correspondant aux aptitudes devant être maîtrisées, véritable prototype des étapes de la recherche documentaire des années 80 ; de lautre, elle forme déjà aux méthodes de travail intellectuel, telles lanalyse et la synthèse des documents, la prise de notes. Ces deux versants sont ainsi distingués lun de lautre, profilant les débats à venir sur la transversalité des compétences info-documentaires.
Quoi quil en soit, les auteurs préconisent que la documentation offerte aux élèves soit nombreuse et variée pour permettre deffectuer des choix, de garantir la qualité intellectuelle de lenseignement et de favoriser la motivation. Le document, tout comme lespace documentaire, est dailleurs considéré comme lun des facteurs essentiels de cette motivation. Ils sont censés éveiller lintérêt et créer un milieu de vie propice au travail. Les auteurs citent à ce sujet ce propos dun bibliothécaire américain rapporté par Melvil Dewey en 1890 : « Avec les bibliothécaires-documentalistes pour conseiller et guider les lecteurs, avec les catalogues et les index très améliorés, il est tout à fait possible de faire dune bibliothèque, une université sans professeurs ».
Quels rôles sont alors donnés aux professeurs et aux documentalistes-bibliothécaires ? Les premiers, de détenteurs exclusifs du savoir, deviennent des conseillers et des orienteurs (des « sources de référence » selon lexpression de C. Rogers), des tuteurs, des animateurs créateurs dambiance et des formateurs de la méthodologie documentaire.
Quant aux seconds, « par leur connaissance des documents, par les services quils mettent en uvre », ils sont en mesure dapporter leur concours aux premiers. Ils se font également conseillers auprès des élèves quils aident individuellement pour faciliter leur parcours.
Lon remarquera, pour conclure, que la formation méthodologique à la recherche documentaire, à la fin de cette décennie, est toujours placée sous la responsabilité de lenseignant de discipline. Cest-à-dire que si une pédagogie spécifique a bien été inventée, par ajouts particuliers apportés au modèle du travail indépendant, et si un personnel pour gérer les ressources et les locaux documentaires que nécessite cette pédagogie, a bien été attribué, en revanche, le rôle pédagogique de ces derniers nest encore québauché.
Nous lavons déjà remarqué, la création, puis la centration du local documentaire dans la géographie de létablissement et des enseignements a cherché à déplacer la classe, élèves et professeurs compris, pour la rapprocher du document et déclencher une sorte de réflexe pédagogique documentaire. Ce décentrement de la classe semble, à la lecture du texte de J. Hassendorfer, bien accompagner également un décentrement du rôle du professeur. Si celui-ci se définit par le fait quil transmet linformation, de façon autoritaire et monopolistique, alors il entre en concurrence avec la documentation : « en effet, la transmission des connaissances ne repose plus uniquement sur le professeur. Lenseignant nest plus le seul à transmettre linformation. Pour une large part, cette fonction est accomplie par les documents ». Au monopole autoritaire du professeur sont opposées la pluralité et la diversité motivante de la documentation.
22. Constitution de la pédagogie documentaire
La décennie précédente sest donc achevée par la définition des fonctions des responsables des CDI et par laffirmation de la primauté de leur rôle pédagogique. Cependant, sagissant des actions de formation en direction des élèves, aucun contenu na été précisé. Seule une ébauche en est esquissée par des chercheurs, comme Jean Hassenforder et Geneviève Lefort (1977) qui, rappelons-le, ont identifié six aptitudes requises dans toute activité de recherche documentaire.
Dans le prolongement de cet élan, quel a été le chemin parcouru au cours de cette nouvelle décennie ? Comment prend corps cette pédagogie nouvelle, trouve-t-elle une forme pérenne ? Est-elle appelée à se différencier des disciplines instituées, ou bien soffre-t-elle en complémentarité à celles-ci ? Quelle place tend-elle à occuper dans ce paysage bouleversé par la massification scolaire et appelé dès lors à une profonde et urgente rénovation ?
Enfin, le chemin parcouru aura-t-il permis la clarification du rôle pédagogique de ceux qui sont appelés à devenir professeurs documentalistes ?
221. 1982-1991 : la recherche de contenus de formation
La décennie souvre par les travaux délaboration dun rapport de lInstitut national de recherche pédagogique (INRP) sur la formation des maîtres, rapport qui sera à lorigine de la création des MAFPEN. André de Peretti, alors directeur de programme à lINRP, confie à Brigitte Chevalier la rédaction du module III « Utilisation des ressources documentaires. Conseils méthodologiques » (B. Chevalier, 1982). Deux chapitres de ce module méritent dêtre signalés ici : « Comment utiliser les ressources documentaires » et « Comment acquérir des méthodes de travail : conseils méthodologiques ».
Le premier, faisant en cela écho aux propositions de J. Hassenforder et G. Lefort (1977), livre un nouvel agencement des compétences documentaires auquel fera référence (sans toujours le savoir !) la profession dans les deux décennies suivantes. Ces compétences sont regroupées en sept étapes, appelées « étapes de la recherche documentaire », et ordonnées de la définition de lobjectif de la recherche à la production du travail et à son évaluation finale (cf. Annexe I. 2). Ce modèle linéaire, sil reçoit aujourdhui nombre de critiques de la part, notamment, de la psychologie cognitive, a servi de contenu de formation à la pédagogie documentaire, même sil nest question, in fine, que de savoirs procéduraux. La circulaire de mission de 1986 lui donnera sa validation institutionnelle, tandis que le référentiel de la FADBEN de 1997, tout en lenrichissant considérablement, en permettra lopérationnalisation ainsi quune large diffusion dans le milieu.
Le second chapitre témoigne quant à lui de cette étroite relation existant entre les activités documentaires et les activités cognitives. Lidentification des capacités repérées dans les étapes de la recherche documentaire, telles que « organiser son travail », « mobiliser ses idées » ou « sauto-évaluer » va servir de base à tout un argumentaire autour de lidée que les compétences info-documentaires ne sont en fait que des compétences transversales. Ce débat ne prendra sa véritable ampleur que dans les années 90 lorsque la question sera posée de la spécificité ou de la transversalité de la formation info-documentaire. Ici encore, le travail prolonge la réflexion des auteurs de « Pédagogie et documentation ».
Les stages MAFPEN de formation continue des documentalistes-bibliothécaires diffuseront ce modèle et contribueront largement à en faire une référence en matière de pratique pédagogique pour la profession.
Ce module INRP reçoit en outre un écho favorable et rapide, puisquune circulaire Vie scolaire datée du 2 juin 1982, « Objectifs pour la vie scolaire dans les collèges », préconise son application dans lemploi du temps des élèves. Ce texte sintéresse à définir les conditions propices à linsertion des élèves de 6ème dans le collège, à lapprentissage de la responsabilité et de lautonomie. Lacquisition de lautonomie est ainsi confiée en large part au « CDI », au travers justement de « linitiation méthodique des élèves de Sixième aux techniques documentaires ; cette initiation serait conduite selon un programme et des techniques élaborées, à raison dune heure ou dune demi-heure par semaine ou par quinzaine ». Lobjectif visé est simple : « que lélève soit pleinement autonome au CDI, donc capable de travailler seul, dès la fin de la Cinquième, si ce nest dès la fin de la Sixième ». Cet exemple montre assez combien les apprentissages documentaires balancent entre des finalités cognitives (méthodologie du travail intellectuel) et des finalités éducatives (autonomie, responsabilisation). Il inaugure en outre, dans un contexte de découverte de lhétérogénéité des élèves et de recherche de solutions pour réduire les difficultés scolaires, la mobilisation des espoirs investis dans le CDI et la confusion consécutive entre compétences info-documentaires et aide au travail des élèves.
En 1986, la circulaire du 13 mars, « Missions des personnels exerçant dans les centres de documentation et dinformation », institutionnalise linitiation et la formation des élèves à la recherche documentaire ainsi que les sept étapes définies par le module INRP. Elle appelle de plus le documentaliste-bibliothécaire et les enseignants de discipline à travailler en étroite liaison. Elle prolonge en cela la circulaire de fonctions de 1977 qui insistait déjà sur les nécessaires collaborations à établir (cf. Annexe I. 3).
Fin 1988, le ministère crée une commission de réflexion sur les contenus denseignement, présidée par Pierre Bourdieu et François Gros. Le rapport, appelé rapport Bourdieu-Gros, sera publié en 1989, année de la publication de la Loi dorientation sur léducation. Parmi les sept principes retenus par les auteurs du rapport, le deuxième donne priorité, avant lenseignement des savoirs, à lapprentissage des modes de pensées fondamentaux tels la pensée déductive, la pensée critique ou la pensée expérimentale. Sagissant des technologies du travail intellectuel au rang desquelles est rangée la recherche documentaire, le rapport souligne le risque quau prétexte « quils sont censés être enseignés par tout le monde, [ces savoir faire fondamentaux] finissent par nêtre enseignés par personne ». Voici posée la problématique de lattribution de la responsabilité pédagogique relative à lacquisition des compétences dites transversales. En matière documentaire, les années 90 napporteront aucune réponse à ce problème.
Trois années après la parution de la circulaire de mission, le ministre de lEducation nationale, Lionel Jospin, annonce la création du CAPES de Sciences et techniques documentaires. Dans le discours quil tient au premier congrès de la FADBEN à cette occasion, et dont les principaux éléments feront lobjet dune note en 1991, il sappuie sur le rapport Bourdieu-Gros pour rappeler à son tour limportance quil y aurait à faire acquérir aux élèves des méthodes de travail intellectuel et de faire du CDI un lieu dapprentissage de la responsabilité. Les fonctions des CDI et les missions de ses personnels sont repositionnées dans le double cadre de la Loi dorientation sur léducation et de la rénovation pédagogique des collèges et des lycées. Sy ajoute un ingrédient nouveau, à savoir lintégration des TIC dans les CDI, et dont limportance ne cessera daugmenter tant sur le plan de la gestion que sur celui de la formation des élèves.
Mais sil est réaffirmé à cette occasion le rôle pédagogique important que joue le CDI au sein de létablissement, il nest encore précisé aucun contenu qui servirait à orienter la formation des élèves, alors que souvre la première session du CAPES en 1990. Il faut sen tenir à des propos généraux qui ne font que reprendre les termes de la circulaire de 1986 :
« [Les CDI] sont loccasion de sinitier à des activités pédagogiques originales (travail en équipes, pratiques transdisciplinaires et concertation accrue entre les professeurs
) ou de développer des aptitudes différentes (esprit dinitiative, exercices de recherche et de maîtrise de linformation
). Les CDI doivent être aussi un lieu dentraînement à lautodocumentation et au travail autonome. Dans cette optique, ils doivent apporter à lélève une aide méthodologique ».
Si les élans des débuts se sont beaucoup émoussés, les thèmes principaux demeurent au travers du lexique : appel à la différence, à loriginalité et à la transdisciplinarité. Cependant, les finalités générales, telles lautonomie et lesprit dinitiative sont contraintes par des moyens spécifiques à la pédagogie documentaire dessinée dans les années 80 : méthodologie, initiation, exercices de recherche. Un nouveau thème majeur apparaît, qui deviendra un générique des compétences à faire acquérir aux élèves, celui de maîtrise de linformation.
Parallèlement aux textes officiels, la Direction des lycées et des collèges (DLC) conduit, de 1989 à 1992, une innovation pédagogique nationale relative à la recherche documentaire dans onze collèges de cinq académies (M.E.N., 1994). Lobjectif est délaborer, à partir dexpériences menées sur le terrain, des démarches et des outils transférables sur le plan national. Les travaux exposés entendent ainsi proposer des solutions à la problématique des apprentissages documentaires. Cette problématique est présentée comme devant concilier trois contraintes : privilégier lintégration des ressources documentaires dans les pratiques pédagogiques, faire valoir le caractère interdisciplinaire et transférable de la recherche d'information et enfin, prendre en compte les modifications pédagogiques induites par lintroduction des TIC. Le but de cette pédagogie documentaire consiste à développer des apprentissages documentaires transversaux, c'est-à-dire « des savoirs et des savoir faire qui anticipent ou prolongent les apprentissages spécifiques des disciplines et font apparaître les convergences entre elles ». Pour y parvenir, cette pédagogie sappuie sur les contenus de ces disciplines, en tenant compte de deux nécessités : le travail en équipe entre enseignants documentaliste et de disciplines, et lélaboration dun projet documentaire.
Que retirer de cette décennie qui aura marqué les dernières avancées institutionnelles significatives sur la voie de la professionnalisations des enseignants documentalistes ?
La perception des acquis enregistrés pendant cette décennie est en partie masquée par les deux événements majeurs que sont la parution de la circulaire de missions et linstauration du CAPES de Documentation, lesquels répondent à des attentes formulées par la profession en apportant une définition des rôles et une clarification du statut. Cependant, à la suite de la période 1952-1979 qui a vu la légitimation dune pédagogie de la documentation et sa matérialisation dans lespace de létablissement, cette décennie structure et développe les contenus de cette pédagogie. La structuration vient de la définition des étapes de la recherche documentaire et de leur institutionnalisation en 1986 .
Sagissant de lenseignant documentaliste, nous avons observé comment laccroissement du rôle joué par la pédagogie de la documentation avait contribué à matérialiser un espace dune part, et à concevoir une fonction dautre part. Ce faisant, positionné en marge du cours tout dabord, puis bientôt au « centre », le documentaliste avait trouvé une certaine consistance pédagogique, au moins suffisante pour quon lui consacre des fonctions de « nature essentiellement pédagogique ».
Un processus analogue se produit dans la période suivante lorsque la pédagogie documentaire, en se structurant, trouve une spécificité qui la rend distincte de la pédagogie de la documentation conduite par le professeur de discipline. Ainsi se profile une nouvelle pratique et, partant, un nouvel acteur pédagogique, quitte à ce que celui-ci devienne un spécialiste de la méthodologie, et de ces savoir faire fondamentaux qui, sans lui, finiraient « par nêtre enseignés par personne » (Bourdieu-Gros, 1989).
Il nen reste pas moins que les textes, ainsi que la littérature professionnelle de lépoque, ne cessent de rappeler la nécessité de travailler en étroite liaison avec les professeurs de discipline. Dans les faits, le travail sur documents reste, comme en 1977, sous la responsabilité du professeur qui conduit les travaux, et dont lenseignant documentaliste dépend, ne serait-ce que parce quil na ni horaire ni classe attribuées, et que la formation quil peut dispenser demeure somme toute facultative.
Toutefois des contenus sont peu à peu affirmés qui donnent une certaine consistance et une certaine légitimité aux activités documentaires. Mais ces contenus se révèlent être des connaissances de nature comportementale et non déclarative (M. Develay, 1992). Aussi sont-ils souvent assimilés à des savoir faire transférables dans les disciplines et venant opportunément en renfort de celles-ci. Cette position consensuelle, du moins encore à cette époque, va servir de postulat fondateur dune pédagogie documentaire comprise, dans le prolongement des origines, comme auxiliaire du cours disciplinaire. Si, aux origines, en labsence denseignant documentaliste, cétait la documentation qui venait en appui du cours, alors il faut voir dans la pédagogie documentaire le prolongement dune fonction identique de subsidiarité aux disciplines.
Il est cependant possible de se demander si cette subsidiarité est exclusive aux champs disciplinaires ou bien si elle admet des apprentissages spécifiques au champ documentaire. Dans ce cas, que peut-on dire de la relation entre les enseignants de discipline et les enseignants documentalistes ? Mais tout dabord, sur quelles assises se fonde et sédifie la pédagogie documentaire ?
222. Les fondements de la pédagogie documentaire
Si lusage se réfère aisément à lexpression de pédagogie documentaire, il est pour le moins difficile, dans la littérature, de trouver des entrées à ce terme. Il y est alors plutôt question de linitiation à la recherche documentaire, des apprentissages documentaires, de la formation à la maîtrise de linformation ou de lacquisition des techniques documentaires.
Ceci peut sexpliquer en partie par labsence de référence nationale, vu quil nexiste aucun texte de cadrage précisant les buts, les objectifs, les moyens et les modalités dune telle pédagogie. Ou bien faudrait-il, par prudence, névoquer que la seule « dimension documentaire des situations dapprentissages scolaires » (F. Morandi, 2003) si tant est quil ne saurait exister de pédagogie documentaire en dehors des cours des disciplines.
Sagit-il dailleurs dune pédagogie ? Certainement si nous pensons, avec Marguerite Altet (1994), que la pédagogie est « ce champ de la transformation de linformation en savoir par la médiation de lenseignant ». Nous pouvons encore linférer si nous la prenons au sens plus fonctionnel dactivité conduite par le maître pour développer des apprentissages précis chez lélève. Cette activité, dans le cas présent, repose principalement sur une méthode, qui est celle de la recherche documentaire. René La Borderie souligne que, dans cette éventualité, le mot est alors suivi dun nom ou dun adjectif, comme dans « pédagogie de lautonomie », pédagogie traditionnelle », etc. (R. La Borderie, 2001). Dans le cas présent, le complément adjectival précise les moyens employés, qui sont donc de nature documentaire.
Il nen reste pas moins que toute pédagogie toujours au sens dactivité visant à développer des apprentissages - comme le rappelle Jean Houssaye, résulte dune dialectique entre pratique et théorie, et quelle se fabrique dans cet écart béant entre ces deux pôles (J. Houssaye, 2002). Aussi faut-il, au delà des « comment » et des « ce quil faut faire » des quelques ouvrages professionnels publiés à cette époque sur ce sujet, tenter de la définir, même succinctement, à partir de son fondement théorique.
Le but visé par la pédagogie documentaire qui se met en uvre dans cette décennie est, au delà de lacquisition de compétences documentaires, la construction des savoirs disciplinaires. La note davril 1991 précise ainsi que « les CDI sont des éléments indispensables pour permettre à tous les élèves daccéder à des savoirs nouveaux et de se les approprier ». Cette pédagogie adjuvante qui est ainsi mise en uvre dans les CDI repose sur un postulat, celui de lefficacité de la médiation documentaire, et sur une théorie de la connaissance selon laquelle linformation peut être transformée en savoir par lactivité de lapprenant.
La médiation documentaire, si elle na pas de théoricien pour la conceptualiser, peut être cependant approchée au regard de quelques travaux publiés. Elle sappuie sur lidée que si le document peut aider lélève à apprendre, il est dabord un média entre lélève et le savoir. Comme tel, il peut aussi bien conduire au savoir quentraver son accès à cause de son opacité. Ces deux positions correspondent, de manière schématique, à celles tenues par lenseignant de discipline et par lenseignant documentaliste. Pour le premier, en tant que prescripteur de recherche documentaire, la localisation de la donnée dans un document peut constituer le gage dun accès à la connaissance, ou du moins apporter la preuve ou lillustration suffisante aux besoins du cours. Pour le second, la vocation de ce type de recherche est avant tout technique et nécessite lappropriation par lélève de certaines compétences qui vont devoir sapprendre par une pratique méthodologique éprouvée dans laction.
Selon Séraphin Alava (1996), la médiation documentaire proprement dite se produit à partir du moment où les données récoltées par cueillette dans des documents divers vont être transformées en information par lélève. Dans cette approche constructiviste de lapprentissage, les opérations de relation, de confrontation et de catégorisation sur ces données entrent en interrelations avec les connaissances antérieures du sujet et les consignes du maître. Les données sont alors mises en forme tout en intégrant et en faisant évoluer le capital cognitif de lélève, ce que J.-P. Astolfi (2002) nomme adjonction oblitérante. La production documentaire demandée à lélève à lissue de ce travail sur documents constitue un moment fort de ce processus de construction du savoir.
De ce point de vue, ces pratiques délaboration du sens ne sopèrent plus tant à partir dun matériau documentaire quà partir dun matériau informationnel. Cest parce que toute information possède un élément de connaissance quelle participe dactivités cognitives et intéresse les enseignements. Elle peut être déjà didactisée en amont, pour les besoins du cours, et dans ce cas, elle intéresse le professeur pour le lien très étroit quelle entretient avec les contenus visés par la séance, mais elle peut aussi ne pas lêtre. Cest le cas de toute information extérieure tirée par exemple des réseaux en ligne, et dont la production na pas spécifiquement ciblé lécole, ses programmes et ses élèves. Elle intéresse de fait plus particulièrement lenseignant documentaliste qui voit là, par la situation-problème quoffre son opacité, matière à faire apparaître des savoirs spécifiquement info-documentaires.
Dans les deux cas toutefois, la médiation documentaire concrétise ce qui se joue de la relation de linformation à la connaissance. Cette conception cognitiviste de la construction de la connaissance par linformation repose sur un modèle théorique exploré par Jacques Legroux (1981), puis repris et diffusé par Jean-Pierre Astolfi (2002). J. Legroux distingue information, connaissance et savoir, et étudie les passages des uns aux autres.
Linformation est extérieure au sujet, elle est quantifiable. Mise en forme, elle nest en fait quune donnée destinée à circuler et à être transmise.
La connaissance, avec laquelle linformation est souvent confondue, est au contraire intérieure au sujet. Citant John Dewey et Olivier Reboul, il rappelle que cest à partir du moment où linformation sest intégrée à la vie psychologique de lindividu quelle devient connaissance. Cest ce moment cognitif de lintégration dune donnée informationnelle en connaissance par le sujet auquel se réfère particulièrement le modèle de la médiation documentaire. Le fait que toute connaissance, dès lors, nest que le résultat dune expérience personnelle - elle-même fruit dune confrontation à plusieurs données et dune confrontation à une représentation obstacle à la compréhension - fonde la nécessité ressentie par les acteurs de mettre en uvre des situations concrètes de travail sur document. Il est alors bien entendu que lélève doit se colleter à lépaisseur de la documentation, au foisonnement des données et à la complexité des informations.
En troisième lieu réside le savoir. Il renvoie quant à lui à un ensemble de données organisées par le sujet, mais de nature objective. Si linformation se caractérise par le primat de lobjectivité et la connaissance par celui de la subjectivité, alors le primat du savoir est lobjectivation, celle que confère lopération de conceptualisation sur des éléments existant à lextérieur du sujet mais devant être construits par lui (J.-P. Astolfi, 2002). La boucle se referme lorsque lon admet quun savoir élaboré, pour être transmis, doit être mis en forme : il devient à nouveau cette information, ou donnée informationnelle objective, disponible (processus de réification).
Ces interrelations information - sujet cognitif - savoir jouent la trame de toutes les situations denseignement-apprentissage pour lesquelles la pédagogie documentaire constitue une modalité générant des expériences et des mises en action de lélève.
Par ailleurs, les cadres généralement requis pour déployer ces activités sont ceux du travail autonome, pour ce qui est de la recherche documentaire notamment, et de la pédagogie de projet, dans lesprit défini par Louis Legrand (1982). Ils structurent entièrement le dispositif : le choix du thème, létablissement du contrat de travail, la division du travail en groupes délèves et, à lintérieur de chaque groupe, la planification de lactivité, lutilisation dune démarche par tâtonnements, lélaboration dun « chef-duvre » et la présentation de celui-ci aux pairs dans une situation de communication.
De telles expériences, dont la notion de mise en activité du sujet est centrale, si elles ont pour but délaborer des savoirs disciplinaires, génèrent simultanément des savoir faire relatifs à la recherche dinformation. Ajoutons à cela que, aux yeux de lenseignant documentaliste, la médiation ne sopère pas seulement par le document ou par linformation, mais encore par lespace documentaire lui-même, en tant que système organisé par des normes et des codes riches de significations. Les savoir faire développés ainsi au cours de ces activités peuvent ressortir aussi bien à des processus intellectuels fondamentaux (trier, analyser, catégoriser, prendre des notes, etc.) quà des compétences spécifiquement documentaires (référencer les sources, déduire les mots clés pour une recherche, affiner une recherche, etc.). Ces compétences procédurales avaient déjà été repérées en 1977 et en 1982 avant dêtre institutionnalisées, sous la forme de modèles de la recherche documentaire distribués en étapes dans la circulaire de 1986. Elles seront précisées dans les années 90 et déclinées en référentiels de compétences fournissant aux praticiens des corpus dobjectifs dont lune des conséquences sera la détermination de séquences dapprentissage info-documentaire, bagage jugé stratégiquement intéressant pour assurer un dialogue entre pairs avec les collègues de discipline.
Dès la fin des années 80, comme en témoigne lexpérience pilotée par la DLC et déjà citée (M.E.N., 1994), laccent est mis sur lintégration de ces compétences dans les programmes disciplinaires. Les programmes qui paraîtront par la suite auront ainsi à cur de compter, au rang de celles qui leur sont spécifiques, un certain nombre de compétences info-documentaires.
Mais ce choix opéré par linstitution est de plus en plus critiqué par une partie de la profession. Aujourdhui celle-ci interroge le statut épistémologique de ces compétences info-documentaires. Quel avenir est-il promis à leur formalisation et quel sens leur attribue la profession ? A ce propos, y a-t-il consensus sur les buts à atteindre et les moyens dy parvenir ? Sur quels grands modèles de la pédagogie se réfèrent les positions observées ? Enfin, nous tenterons destimer comment le rapport à ces contenus en vient à peser sur le processus de professionnalisation.
223. La Documentation écartelée entre deux modèles pédagogiques
Cette seconde période, de 1982 à 1991, qui voit lémergence dune pédagogie documentaire, semble marquer le pas vers une nouvelle modalité de lenseignement-apprentissage. Dans cette attente, lancien modèle issu de lEducation nouvelle se prolonge encore dans les finalités et les techniques éducatives de la pédagogie documentaire, notamment la recherche de lautonomisation, lapprentissage par laction, la démarche de projet et la socialisation par le travail de groupe.
Ceci rappelé, lanalyse révèle par ailleurs la volonté des acteurs daller vers une plus grande maîtrise du dispositif mis en uvre, et selon deux directions qui vont diviser durablement le corps des enseignants documentalistes et entraver la possibilité de définir un avenir commun.
La première direction regarde du côté de la médiation documentaire et de lépistémologie du savoir et de linformation. Empreinte du rêve dun savoir unifié, et fidèle aux élans premiers attribuant à la Documentation une fonction auxiliaire, cette orientation est partagée par une partie de la profession et par linstitution. Elle intéresse les enseignements de disciplines et est centrée, dans une démarche constructiviste, sur lintégration des savoirs disciplinaires.
La seconde direction tend vers une singularisation des compétences mises en jeu dans les activités informationnelles et focalise sur le rôle opératoire quelles jouent dans toute situation de recherche dinformation. Cette recherche de maîtrise des résultats se donne pour outils des modèles de la recherche documentaire visant dune part à rendre compte des jalons devant être empruntés pour une meilleure réussite et dautre part à mieux les anticiper. Cette clarification comportementale permet à lenseignant comme à lélève de réguler lactivité. Cest un premier pas vers une plus grande rationalisation qui aboutira dans la décennie suivante à lélaboration de véritables taxonomies dobjectifs info-documentaires. Cette orientation intéresse par contre les seuls enseignants documentalistes qui voient là un territoire pédagogique réservé où fonder une identité professionnelle encore fragile.
Bien sûr, loutil modélisé est également utilisé par les partisans de la transversalité dans les séquences visant lopérationnalisation de la médiation documentaire, comme celle-ci concerne également les tenants de la spécificité. Mais ce qui compte est le but que leur assigne lenseignant documentaliste : ou bien les compétences info-documentaires mobilisées sont tenues pour transparentes au prix de leur efficacité dans la construction des savoirs disciplinaires (transversalité), ou bien elles deviennent le véritable objectif dacquisition de la séquence (spécificité).
Ces deux voies conduisent vers des horizons distincts sagissant du statut des compétences info-documentaires et du statut effectif de lenseignant documentaliste. Dans une approche constructiviste des savoirs disciplinaires, les compétences vont être saisies comme transversales et assimilées à des savoir faire fondamentaux. Elles ressortissent ainsi à la responsabilité de lenseignant de discipline, laissant à la Documentation un statut de matière ancillaire. Dans une approche comportementale, lidentification de ces compétences vient au contraire démontrer la spécificité de la Documentation et ouvrir des perspectives démancipation à ce nouveau corps des certifiés.
Le double mouvement inauguré dans cette période de forte implication institutionnelle contribue ainsi à construire une problématique de la professionnalisation des enseignants documentalistes autour du statut épistémologique de ses contenus de formation, écartelée entre deux logiques, lune ancillaire, tournée vers lhéritage de lEducation nouvelle, lautre émancipatrice, intéressée par le modèle de la pédagogie par objectifs.
23. 1991-2005 : La rationalisation de la formation info-documentaire
La décennie souvre sur de discours prononcé par le ministre de lEducation nationale, Lionel Jospin, aux enseignants documentalistes lors de lannonce de linstauration du CAPES de Documentation (M.E.N., 1989). Loccasion y est saisie dactualiser les missions de la circulaire de 1986. En fait, le nouveau contexte qui va marquer les années 1990 dans le domaine de la documentation scolaire est déjà précisé. Il met en lumière les finalités liées à la société de l'information, prévoit le rôle majeur des nouvelles technologies et incite au travail sur les processus intellectuels de la lecture et du traitement de l'information dans lesquels doivent s'investir les documentalistes.
Les deux orientations majeures qui vont structurer la période qui souvre sont ainsi placées en perspective : la rationalisation de la formation documentaire des élèves et la participation à lintégration de lécole à la société dite de linformation. Nous ne développerons pas ce deuxième axe, sauf à rappeler dune part combien la problématique de la déterritorialisation des centres documentaires occasionnée par laccès universel facilité aux ressources en ligne a questionné, dans les années 90, les métiers de bibliothécaire et de documentaliste et, dautre part, à quel point les notions de maîtrise de linformation, de culture de linformation et dinformation literacy ont envahi le champ de la réflexion tout en létendant à de nombreux domaines liés à la société de l'information où certains discours politiques confondent enjeux éducatifs et enjeux économiques.
Les profondes mutations qui vont interroger le métier parviennent à présent de lextérieur de lécole et lenjeu pour celle-ci réside dans sa capacité à les intégrer et à en faire des leviers pour la rénovation. Touchant à des problématiques informationnelles de premier rang, le corps des enseignants documentalistes sest senti concerné et a dès lors attendu de ladministration quelle lui fournisse un nouveau mandat pour orienter son action. Cest ainsi que labsence de réponse institutionnelle a poussé la profession à proposer des solutions dans le sens dun plus grand investissement du champ pédagogique.
Nous étudierons dans cette partie quelles ont été les propositions de la profession et quelle a été la réponse de linstitution.
231. Floraison de référentiels info-documentaires
Comment réagissent les enseignants documentalistes au silence de ladministration après léchec de plusieurs tentatives de constitution dun texte dont le métier attendait quil fournisse des précisions sur les contenus de la formation documentaire ?
Ces années sont marquées par un net recul de lintérêt de linstitution pour la Documentation. Ce recul se manifeste principalement par le silence des textes, et ce, malgré des demandes fortes émanant du terrain et de ses représentants. En matière pédagogique, ces demandes vont porter sur deux points : la systématisation des formations au bénéfice des élèves dune part, jusque là soumises à laléatoire des situations et au bon vouloir des collègues de discipline, et dautre part la spécification des contenus de cette formation. Sur ce dernier point, toutes les tentatives de concertation pour définir un référentiel de compétences info-documentaires ont été vouées à léchec.
Ainsi, en 1995, lors de la consultation nationale sur les projets de programmes de la classe de 6ème, et à lheure où sont lancés les Parcours pédagogiques différenciés au collège, une annexe dune page est publiée au Bulletin officiel, barrée de la mention « Projet », et intitulée « Apprendre au CDI ». Le modèle de la démarche de recherche dinformation, déjà présenté en 1982, y est rapporté. Ce court texte, qui naboutira pas, affiche les caractéristiques relatives à la pédagogie documentaire : construction des savoirs, acquisition de savoir faire documentaires, prescription des activités par léquipe pédagogique. Lenseignant documentaliste, notons-le, nest pas mentionné.
Ce nest quen 1997, dans un projet de circulaire émanant de la Direction des Lycées et Collèges et sous limpulsion dun groupe de travail où uvre la FADBEN, quapparaît lexpression de compétences documentaires. Mais ce document de sept pages, intitulé « Développement des compétences documentaires des élèves de collège », ne précise pas davantage celles-ci, sen tenant une nouvelle fois à lénumération des mêmes compétences génériques. De plus, cette opportunité de rédaction ne débouchera pas non plus sur une publication officielle. La FADBEN, de son côté, publiera sa version du référentiel laquelle connut un tel retentissement que lon assista pendant les années qui suivirent à la naissance de nombreuses autres tentatives plus ou moins exhaustives, plus ou moins heureuses sans doute, mais concourant au même but, celui de pallier les lacunes de linstitution en matière de définition des contenus info-documentaires à enseigner (FADBEN, 1997) (cf. Annexe I. 4).
Enfin, la dernière tentative de mise à jour de la circulaire de mission (avant celle actuellement en cours) a été menée, très brièvement, en avril 2002 sous le titre de « Missions du professeur documentaliste ». Sous langle des apprentissages info-documentaires, ce document de cinq pages, sil fait une part importante et attendue à la politique documentaire, se fait en revanche discret sur lidentification, la spécification et la déclinaison des compétences à construire pour les élèves du secondaire. Celles-ci sont renvoyées dans le champ unique des nouveaux dispositifs, au motif de leur approche particulièrement transversale des programmes.
La période allant de 1997, date de la publication du référentiel FADBEN, à nos jours se caractérise ainsi par labsence de publication officielle sur ce thème et, en contre partie, par léclosion de nombreuses propositions doutils référentiels émanant du terrain. On pourra y lire lexpression de limpatience que la profession adresse à linstitution (P. Duplessis, 2005). Ainsi, des initiatives académiques tentent de combler le vide, et de construire, au profit de leurs personnels enseignants, les outils quils attendent. Ce sera luvre, par exemple de la circulaire rectorale de Rouen (1999), ou bien de celle de Lille (2002), toutes deux allant jusquà proposer une progression de la 6ème à la terminale. Dautres académies encouragent leurs équipes de professeurs à réfléchir sur des référentiels et favorisent la mutualisation des productions en les publiant sur leur serveur ou par lintermédiaire des Centres régionaux de documentation pédagogique. Cest le cas, par exemple, des académies de Caen (1998), de Rennes et de Nantes (1999), de Dijon (2000), de Poitiers, de Toulouse (2003), ou encore de Versailles (2004). Les Instituts universitaires de formation des maîtres (I.U.F.M.) apportent leur contribution, tels ceux de Rennes et de Besançon.
Ce bref historique fait apparaître létroite dépendance qui existe entre la circulaire de mission et le référentiel de compétences. Cette relation révèle ainsi les enjeux non seulement pédagogiques (rationalisation des contenus de formation) mais également identitaires de loutil référentiel dans la mesure où, consécutivement, la profession aspire à en faire linstrument de son identité, dans une logique de différenciation fonctionnelle.
Nous avons déjà fait observer que loutil référentiel correspondait à une vision comportementaliste de lapprentissage, mais en quoi est-il appelé, précisément, à devenir linstrument de cette construction identitaire ?
232. Les enseignants documentalistes tentent la pédagogie par les objectifs
Le référentiel de compétences, apparu en 1997 pour la Documentation dans le système éducatif français, doit être distingué des modèles de la recherche documentaire, ces premiers outils pour la profession des années 80. Le modèle de recherche d'information « a pour objectif de décrire de façon séquentielle les différentes étapes par lesquelles il faut passer » (C. Morizio, 2002) tandis que le référentiel est cet outil auquel se rapporte lenseignant pour planifier lacquisition (pilotage de la formation) des compétences et pour évaluer celle-ci (régulation de la formation). Cela dit, les référentiels proposés par la profession présentent tous un mixte des deux approches : le modèle de la recherche sert de cadre organisateur des listes dobjectifs déterminés pour viser lacquisition de ces compétences. Ces listes sont dailleurs déterminées à partir dune analyse du travail (J. Berbaum, 1989) que lon voudrait voir réalisé par lélève.
La compétence, selon Alain Rieunier, est cette « capacité à articuler un ensemble de ressources : savoirs, savoir faire, savoir être, savoir communiquer, savoir inventer, mobilisés par un individu ou par une équipe pour résoudre une situation complexe, originale ou routinière, de manière autonome » (A. Rieunier, 2004). Deux remarques, attachées au contexte présent, peuvent être formulées. La première concerne la combinaison de connaissances de natures diverses pouvant être mobilisées dans une compétence, et particulièrement les savoir faire et les savoirs. Lanalyse des référentiels produits à la suite de celui de la FADBEN (1997) révèle labsence quasi totale de ces derniers, les savoirs discursifs. Ces publications esquissent ainsi une vision des compétences info-documentaires exclusivement procédurale et pour cette raison, sont souvent confondues avec des compétences transversales.
La seconde remarque lui est consécutive puisquelle a trait à lévaluation. Dans les conditions observées, il ne peut être évalué que des comportements saisis dans linstant ou bien inscrits dans les productions documentaires réalisées par les élèves en fin de séquence, sièges de la performance qui permet dinférer les processus psychologiques qui les sous-tendent. Cette restriction rend délicate lévaluation et, du même coup, peut réduire la portée de loutil référentiel, sauf à penser que les activités intellectuelles requises dans ces activités ne peuvent être appréhendées que dans des comportements observables. Les critiques à lencontre du behaviorisme, ce mouvement de la psychologie américaine qui, selon Francis Danvers (2003), « exclut de son champ tout ce qui nest pas directement observable, par exemple, la pensée », sappliquent alors à ces référentiels.
Cela dit, le référentiel de compétences fournit à lenseignant un ensemble structuré dobjectifs comportementaux. Sagissant du domaine info-documentaire, les référentiels produits résultent du projet daboutir à une systématisation et à une rationalisation de la pratique. En tant que classification hiérarchisée dobjectifs de formation (taxonomie), le référentiel vise, comme le souligne Daniel Hameline (1979), à réduire le décalage entre lapprentissage et lévaluation : « que lon évalue ce qui a été appris, pas plus, pas moins ». En cela, la pédagogie par les objectifs (PPO), en tant que « pratique éducative qui met laccent sur la réflexion relative aux objectifs de formation en vue de la détermination des stratégies et modes dévaluation correspondants » (J. Berbaum, 1989), entend réduire lécart entre lenseignement et lapprentissage. Par un système de « retour » grâce à lévaluation, elle facilite la décision de remédiations efficaces et permet dobtenir des résultats (pédagogie de la maîtrise). Le postulat de cette utopie pédagogique repose sur la croyance que toutes les intentions, les programmes et les pratiques pourraient ainsi être traduits en objectifs observables.
Quoi quil en soit, si lun des deux axes théoriques de la PPO se réfère à cette approche systémique, lautre semble bien recevoir pour héritage lEducation nouvelle, dans la mesure où la prise en compte des capacités de lélève (« être capable de
») soppose au modèle normatif traditionnel (stratification, enseignement collectif frontal, focalisation sur la matière, regroupement par âge) (D. Hameline, 1979). Nous pensons avoir fourni un exemple à cette thèse en empruntant le cheminement suivi depuis ses origines par une pédagogie documentaire née des principes de lEducation nouvelle. Ses principaux éléments seraient donc la mise en place dactivités dapprentissage par les méthodes actives, la recherche dune méthode optimisant laction et visant une production-performance support de lévaluation, enfin, lélaboration dun outil de pilotage permettant à lélève de sauto-réguler.
Par ailleurs, le recours à la PPO, effectué par le métier dans les années 90, semble constituer une réaction, ou du moins une alternative au modèle constructiviste qui a prévalu jusque là, incitant à faire des enseignants documentalistes des spécialistes des technologies du travail intellectuel et de lapprentissage des modes de pensée fondamentaux (méthodologie du travail intellectuel). Mais la récente volonté de rationaliser les contenus de la formation se confond à la nécessité ainsi exprimée de les rendre concrets. On passerait ainsi des inobservables dune vision souterraine de lapprentissage, mentaliste ou constructiviste, aux observables de la PPO, correspondant à une vision comportementaliste, et ressentie comme outil permettant la mise au grand jour des acquisitions des élèves. Du même coup, on peut penser que la PPO facilite et accélère la révélation du rôle pédagogique de lenseignant documentaliste et contribue dès lors à la reconnaissance de son affiliation statutaire aux professeurs. La recherche dun modèle attaché à laction pédagogique du corps des documentalistes et permettant de renforcer sa visibilité nous paraît être constitutive dun processus de construction didentité professionnelle.
Lhistoire du corps des documentalistes, depuis ses origines dans les années 70, sest faite au travers dun dialogue fructueux avec ladministration, du moins jusquau début de la dernière décennie. Comment sont alors accueillies les propositions de la profession, surtout lorsquelles convergent vers davantage dautonomie dans le champ pédagogique ? Et comment, à son tour, la profession reçoit-elle la réponse de linstitution quand celle-ci dessine, à lécart du métier, des cadres favorisant le travail documentaire et lintégration des compétences info-documentaires ? Nous vérifierons enfin si les espoirs fondés sur la PPO ont porté leurs fruits.
233. La réponse de linstitution : lintégration
Les tentatives de concertation avec les représentants professionnels à propos de lélucidation des contenus de la formation nont jamais abouti. Et pour cause, celle-ci aurait pour effet de conforter la conception dune émancipation possible de la Documentation en fondant sa prétention à devenir une discipline. Toutefois, la politique du silence adoptée à légard des enseignants documentalistes nempêche pas linstitution, de 1991 à aujourdhui, de sexprimer ailleurs, ni dagir en fournissant des cadres pour la pédagogie documentaire et le travail en équipes. Ces cadres sont alors portés par les dispositifs innovants et par les programmes disciplinaires.
La lecture cursive des textes officiels depuis les années 80 montre une réelle homogénéité du discours portant sur le statut de la formation documentaire à lécole. Il est ainsi établi, peut-on y lire, que les compétences info-documentaires sont de nature essentiellement transversale, cest-à-dire pouvant être mises en uvre dans plusieurs disciplines. Les travaux initiateurs de lINRP en 1982, la circulaire de missions de 1986 et les rédactions de circulaires tentées par la suite confinent en effet la pédagogie documentaire à une démarche méthodologique exclusivement jalonnée détapes à respecter. Un an tout juste après linstauration du CAPES de documentation, le rapport Seryex insiste sur la nature transversale de linformation et met en garde contre une « discipline information ». Il préconise par contre dintégrer cet apprentissage dans toutes les disciplines et dessine déjà les contours des dispositifs transversaux à venir.
Un exemple caractéristique de ce schéma directeur est fourni en 1996 : le livret daccompagnement des programmes de 6ème propose en annexe des « Eléments pour une lecture transversale et thématique des programmes ». Les compétences générales dans les programmes sont alors centrées sur la maîtrise de linformation (« relever linformation, organiser linformation, raisonner linformation, créer linformation, restituer linformation »), celles-ci étant appelées à devenir une préoccupation partagée par toutes les disciplines. De fait, dans les six tableaux présentés dans ce document ne figure aucune mention dune formation ou de contenus spécifiques au champ documentaire, ni dallusion à la présence, dans les établissements, dun CDI et des enseignants qui en assument la responsabilité.
Toute allusion à des savoirs spécifiques est ainsi évitée. Ce concept de transversalité, imposé plutôt que démontré (R. Amiguès, 1999 ; B. Rey, 1995, 1996), postule ainsi que les compétences informationnelles se réduisent à des opérations cognitives fondamentales et communes (analyser, trier, classer, extraire
) mobilisables dans nimporte quel contexte et ce, indépendamment des domaines concernés. Un tel discours tend progressivement à évincer les contenus propres au champ documentaire. Préciser ceux-ci dans un référentiel institutionnel semble donc comporter un risque contre lequel ladministration a jugé bon de se prémunir.
Par contre, la démarche documentaire, dans sa dimension strictement méthodologique mettant en uvre ces capacités générales, est amplement valorisée. Preuve en est des discours accompagnant, dans le même temps, lapparition des dispositifs transversaux au milieu des années 90. Simultanément à la publication du document de la D.L.C. promouvant le traitement de linformation en compétences génériques dans les programmes, sont lancés les fondements de ces « détours pédagogiques ». Ces dispositifs, proposant une alternative aux pédagogies à dominante transmissive, incitent les équipes à proposer à leurs élèves des activités documentaires. Lannexe de la circulaire instaurant les Itinéraires de découverte (I.D.D.) à la rentrée 2002 réaffirme ainsi tout particulièrement limportance accordée à la démarche documentaire dans la médiation transdisciplinaire.
Si la profession a tout dabord répondu très positivement à cette nouvelle sollicitation des fonds du CDI, elle sest montrée par la suite déçue de constater le peu de prise quelle pouvait avoir sur une véritable formation de ces élèves soudainement transformés, avec leurs professeurs, en usagers consommateurs dinformation, au regard notamment dune augmentation considérable de tâches gestionnaires et de services pour faire face à lafflux des demandes. Ces dispositifs ont ainsi fait naître davantage de besoins en ressources que des besoins en formation, du moins de manière explicite. Tout en favorisant lusage de la recherche documentaire, ils ont paradoxalement empêché que des compétences info-documentaires soient abordées de manière systématique et en tant que véritables objets denseignement (C. Candalot dit Casaurang, 2005).
Misant sur la transversalité des compétences, linstitution, en choisissant dintégrer celles-ci dans les programmes, délègue également aux disciplines les apprentissages documentaires. Vue du côté de lenseignant documentaliste qui doit à chaque fois négocier avec ses collègues les conditions de mise en place dune séquence, il sagit de repérer, dans les différents programmes, les points où tout ou partie de la démarche documentaire est sollicitée. Cest à un tel travail de repérage que se sont employées certaines académies relais, à Rouen (2000), Rennes (2001), Lille (2002) et Toulouse (2005). Dans ces documents, on vérifie par exemple que la citation des sources est prévue par le programme de Français en cycle central, ou encore que linterprétation et lanalyse critique des tableaux et des graphiques est étudiée en 6ème en cours de mathématique.
Largument part alors du constat selon lequel ces compétences sont réellement travaillées à un moment ou à un autre du cursus scolaire, et que, de ce fait, il nest nul besoin dun apprentissage spécifique et systématique. Les conséquences, jugées désastreuses par la profession, de ce concept dinclusion disciplinaire sont faciles à imaginer. Cette parcellisation des savoir faire et leur dissémination dans la scolarité de lélève interdit toute structuration et toute progressivité de la formation. Elle aboutit au contraire à une dispersion sans cohérence, sans projet densemble et où les opportunités sont laissées au hasard et au bon vouloir denseignants peu formés à la documentation et contraints par des programmes déjà chargés.
On peut également y trouver un effet pervers du référentiel de compétences. A trop vouloir atomiser les comportements observables pour les reproduire et les évaluer, à trop chercher à décomposer en unités objectives et sécables le processus continu de la recherche d'information, le référentiel rend possible son propre démantèlement et la dispersion de ses composants, dont les interrelations ne sont plus suffisamment perçues.
La profession, jadis tentée par la pédagogie par les objectifs, dépossédée de loutil référentiel qui devait servir à asseoir sa spécificité, déclare à présent ne plus sy retrouver. Elle éprouve en outre le sentiment davoir perdu le regard et lappui dune institution qui venait de répondre à une partie de ses revendications statutaires en instaurant la voie dune certification au niveau du recrutement. Invitée à collaborer au sein des équipes pédagogiques, elle peine à asseoir une légitimité quant à la validité de ses contenus de formation, quant à sa prétention à vouloir former tous les élèves de manière raisonnée et progressive, quant à la reconnaissance de sa qualification réelle pour évaluer les apprentissages.
24. Bilan
Ce rapide survol historique nous apporte-t-il des éléments de nature à comprendre comment sest construite la question dune didactique de la Documentation ? Lévolution repérée ici peut être découpée en trois moments caractérisés par des avancées significatives, des logiques et des centrations particulières. Linscription des pédagogies du document dans le triangle pédagogique de Jean Houssaye (1988) offre, par ailleurs, un repère théorique qui permet de mieux saisir le statut des actants de la situation pédagogique au cours de ces cinq décennies.
241. La place du document dans la situation pédagogique
La première période (1952-1979) débute sous la pression de léconomie de linformation qui a suivi la fin de la deuxième guerre mondiale. Elle est marquée par la prise de conscience du rôle de la documentation dans les enseignements. La centration se fait sur la matière documentaire elle-même utilisée en appui du cours, en tant que preuve ou illustration.
Il semble ainsi quun nouvel actant, en loccurrence le document (D), fasse intrusion dans la situation pédagogique traditionnelle. Le statut de document didactique qui lui est conféré, et qui le place sur laxe « enseigner », entre le professeur et le savoir, ne change pas la donne et cantonne la démarche dans la même « famille pédagogique ». Cette pédagogie reste quelque part entre le cours vivant et le cours traditionnel, tandis que l« exclu » est lélève (E). (Voir fig. 1).
1. La place du document (1952-1966)
dans le triangle pédagogique (Houssaye, 1988)
Se voyant accorder une place de plus en plus importante, son regroupement et sa centralisation ont pour conséquence la création de centres de ressources, dabord dans une logique de service (SD, 1962), puis dans une logique pédagogique (CDI, 1974). Cette pédagogie trouve son inspiration dans les principes fondamentaux et les techniques du mouvement de lEducation nouvelle. Les SDI, à leur création en 1966, inaugurent un nouveau rapport à la documentation en favorisant son accès direct au profit des élèves. Se pose alors la question dune pédagogie originale qui engagerait ceux-ci dans des activités de travail documentaire. La posture du maître se mue en une posture de facilitateur, puis de médiateur. La littérature tend à présenter le rôle du document dans son rapport au savoir comme de nature à pouvoir et à devoir - supplanter celui, autoritaire, du maître. Cette pédagogie de la documentation sinstalle donc ouvertement en opposition à la pédagogie traditionnelle. Aussi la place du document dans le triangle pédagogique migre-t-elle de laxe « enseigner » vers laxe « apprendre ». Nous placerons le curseur (D) plutôt du côté de lélève que du côté du savoir, ce qui correspond à la 5ème famille pédagogique proposée par Jean Houssaye (2002), et ce, pour les trois raisons suivantes : la démarche documentaire est encore peu fixée, et donc peu contraignante ; est principalement visée lautonomie de lélève ; une médiation est particulièrement sollicitée. Il nen reste pas moins que la place de « lexclu » est à présent occupée par le professeur auquel on tente de substituer le recours au document, pris ici dans le sens concurrent denseignement (voir fig. 2).
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2. La place du document (1966-1997)
dans le triangle pédagogique
La deuxième période souvre par un travail de rationalisation de la démarche documentaire (1982) proposant une modélisation de celle-ci en sept étapes consécutives. Cet outil technique est validé par la circulaire de missions des documentalistes-bibliothécaires de 1986. A partir de là va pouvoir être forgée une pédagogie documentaire fondée sur une double approche. Une approche méthodologique modélisée, orientée vers davantage de maîtrise prise en charge par lenseignant documentaliste dune part, et une approche cognitiviste, poursuivant la construction des savoirs par la médiation documentaire, pilotée par lenseignant de discipline dautre part.
Largement diffusé dans la profession pour servir de cadre méthodologique aux séquences pédagogiques co-animées, le modèle ainsi déterminé en 1982 contribue à positionner le rôle des responsables des CDI comme étant « de nature essentiellement pédagogique ». et concourt à les identifier sur la scène pédagogique, ce que confirme linstauration du CAPES en 1989.
Un nouvel acteur fait ainsi son entrée dans la situation pédagogique aux côtés du professeur de discipline. Mais tandis que ce dernier vise la construction de contenus déclaratifs relatifs à sa discipline, lenseignant documentaliste sintéresse quant à lui à faire acquérir des connaissances de nature procédurale liées à lactivité documentaire. Dans ce dernier cas, les médias sont non seulement linformation, mais encore le document et le système documentaire (CDI). De ce fait, la configuration des actants sur le triangle pédagogique reste globalement inchangée, sauf à saisir le pôle savoir comme regroupant les contenus disciplinaires et documentaires à enseigner, et le pôle professeur comme léquipe enseignante. Sur le schéma 2., seul « D » pourrait être changé en « média documentaire » (MD) incluant linformation, le document et le système documentaire.
La centration se fait à présent sur lactivité documentaire, notamment dans sa dimension technique.
La troisième période, enfin, sera celle dune forte exigence de la profession portant sur les contenus documentaires à enseigner. Les modèles de la décennie précédente seront traduits et déclinés en objectifs comportementaux répertoriés dans des référentiels de compétences. Le prototype français est élaboré par la FADBEN en 1997 et sert de cadre précis pour construire des formations et évaluer les performances des élèves (évaluation formative), dans le sillage de la pédagogie par les objectifs (PPO). De lannée de cette publication à aujourdhui, la centration se fait sur les compétences et suit une logique de maîtrise des apprentissages. Laxe sollicité dans le triangle pédagogique reste donc identique à celui de la période précédente. Par contre, les activités étant davantage encadrées par les outils référentiels et de ce fait plus structurées, le curseur glissera sensiblement vers le pôle des savoirs, sagissant ici des compétences (famille 6 selon Jean Houssaye) (voir fig. 3).
3. La place du document (1997-2006)
dans le triangle pédagogique
242. Des espoirs déçus
En réponse au refus de linstitution de pourvoir à un référentiel national, le métier se dote lui-même doutils de plus ou moins bonne qualité, mais concourant à renforcer une identité professionnelle et à forger un langage partagé et des intérêts communs. Le statut des compétences info-documentaires, entre transversalité et spécificité fait dailleurs lobjet dun débat animé sur fond dune opposition entre théories constructivistes et comportementalistes, et dont les enjeux débordent largement sur le statut de la Documentation (matière ancillaire ou matière denseignement ?) et sur celui de ses responsables ( auxiliaires pédagogiques ou professeurs documentalistes ?).
De son côté, ladministration, confortant des positions héritées des origines, considère la Documentation comme transversale aux disciplines du fait qu « elle relie quand les disciplines séparent » (F. Chapron, 1999). Elle plaide alors pour des collaborations à inscrire dans des projets. A cette fin, elle intègre les compétences dans les programmes et dans les dispositifs innovants.
La décennie est également traversée par linjonction adressée à lécole de participer à lentrée du pays dans la société de linformation. La nécessité de pourvoir les élèves de compétences leur permettant une meilleure « adaptation à lévolution de léconomie et à celle de lemploi » recycle les thématiques de lapprendre à apprendre et du travail intellectuel sous les formes de flexibilité des apprentissages ou de formation permanente (apprendre à se former tout au long de la vie). Les discours sur la culture de linformation ou Information literacy mêlent ainsi compétences en information et compétences en informatique. On peut ainsi observer nombre de compétences info-documentaires tirées des référentiels scolaires dans le Brevet informatique et Internet (2000), au risque dentretenir une confusion idéologique « entre compétence (ou accès) technique et accès cognitif au savoir » (B. Juanals, 2003). Un récent rapport de lInspection générale propose même de réunir ces référentiels en un seul B3i, ou Brevet informatique, Internet et information (IGEN, 2004). Cette injonction, même si elle est adressée à lécole entière ne manque pas dinterpeller les responsables des CDI qui se sentent concernés au premier chef par ce quils interprètent comme lexpression dun nouveau mandat (cf. I. § 32). Concernés en tant quexperts de linformation, mais en même temps laissés sans moyens daction pour apporter leur réponse éducative, technique et pédagogique, ils réclament une redéfinition de leur mission.
A cette frustration sajoutent nombre de déceptions consécutives au peu de résultats obtenus malgré leur engagement pédagogique, quelle que soit la démarche tentée, constructiviste (médiation documentaire) ou comportementaliste (PPO). Aucune évaluation dimpact national na, à ce jour, été conduite dans le secondaire pour juger des éventuels bénéfices de cette action et proposer des remédiations (S. Chevillotte, 2004). Qui plus est, les besoins de formation des élèves, reconnus tant par la tutelle que par tous les acteurs de terrain, ne rencontrent aucune offre en matière de dispositif cadre pour les satisfaire. Sans moyens humains suffisants pour réaliser leurs objectifs, sans programme national pour les rendre cohérents, progressifs et systématiques, sans légitimité pour les évaluer et sans classes attribuées pour les mettre en uvre, les enseignants documentalistes marquent le pas et cherchent de nouvelles solutions.
La question à laquelle sont confrontés les enseignants documentalistes aujourdhui reste celle de leur responsabilité pédagogique dans la formation des élèves à la maîtrise de linformation. Ce qui est dès lors ressenti par certains comme une menace ressort-il à une réduction de leur autonomie en tant que professionnels détenant des compétences déterminées ou bien plutôt à une modification des termes du mandat inscrit dans le texte des missions ?
Par ailleurs, cette exigence de responsabilité a pour corrélat la définition dune spécificité relative aux contenus de cette formation. Cest dans cette entreprise que sest lancée la profession en tentant de rationaliser, en termes dobjectifs précis à atteindre par les élèves, les contenus observables de la formation. Toujours est-il que la voie de lobjectivation des comportements attendus na pas répondu aux espoirs qui avaient été formulés.
Si autonomie, responsabilité et texte de mission ont partie liée avec la professionnalisation du corps des enseignants documentalistes, alors la rationalisation des contenus de formation, ou savoirs à enseigner, concourt-elle, sous la forme qui a été tentée ou sous une autre, à sa construction. Mais à quel titre et de quelle manière ?
3. La rationalisation des savoirs à enseigner, vecteur du processus de professionnalisation des enseignants documentalistes
31. Et dabord, un métier
Nest-il pas surprenant que, presque trente ans après la parution de la première circulaire de missions, lassociation professionnelle FADBEN publie dans un numéro récent de sa revue Médiadoc un « Référentiel métier » (FADBEN, 2006) ? Renouant avec son rôle de force de proposition, elle adresse de fait à ses membres ainsi quà ladministration un message fort et ce, à une époque où cette dernière tend justement à sortir la Documentation de la logique pédagogique où elle cherche à construire son identité, et à la circonscrire dans la logique gestionnaire et bibliothéconomique de la politique documentaire (B. Calenge, 1999). Lassociation militante réaffirme ainsi que « limage de la profession telle [quelle a] cherché à la dessiner est celle dune profession structurée autour de sa mission pédagogique ».
Ny a-t-il pas contradiction, du moins sur le plan terminologique, entre le but visé, à savoir limage dune profession, et loutil proposé, en loccurrence ce référentiel métier ? Non, si lon considère que ce document fait écho à celui publié par lAssociation des professionnels de linformation et de la documentation, dont le titre Référentiels des métiers-types des professionnels de linformation-documentation porte bien la mention de métier. Le métier y est caractérisé par « la fonction particulière quil remplit et par les techniques quil y emploie, ce qui suppose la mise en uvre de compétences déterminées » (ADBS, 2001). Le référentiel liste ainsi un certain nombre de compétences techniques essentielles et complémentaires, dattitudes principales et dactivités dominantes lui permettant de décrire 19 métiers, dont celui denseignant documentaliste. Que celui-ci soit un métier, exigeant une certification et un certain niveau de qualification, défini au moyen dun poste de travail et demandant la maîtrise de techniques et de savoir faire particuliers ne fait aucun doute. La question porte alors, au travers de la recherche dune image à préciser et à valoriser, non pas tant sur le désir daccéder au statut de profession le corps des enseignants étant lui-même considéré comme une « semi-profession » (R. Bourdoncle, 1991) que sur celui de sassurer des conditions dune plus grande professionnalisation.
Laspiration au statut de profession révèle cependant la volonté dune meilleure reconnaissance et, par conséquent dun changement didentité, identité pour soi et pour autrui (C. Dubar, 1991). Elle traduit de fait le souhait de passer dune identité de technicien, de gestionnaire du quotidien et du matériel (la matière documentaire) à celle dun pédagogue, intéressé à la formation intellectuelle des élèves sur le long terme (la pédagogie documentaire). En ce sens, cette évolution souhaitée sinscrit dans une logique daffiliation statutaire au corps des professeurs. Ce clivage entre gestion et pédagogie renvoie à la distinction entre métier et profession. Si ces deux notions ont une origine commune dans les corporations, leur scission apparaît à la Renaissance et à lessor des Universités à partir de lopposition entre activités manuelles et activités intellectuelles. Cette opposition, selon C. Dubar (1991) sassocie à « un ensemble de distinctions socialement structurantes et classantes qui se sont reproduites à travers les siècles : tête/mains, intellectuels/manuels, haut/bas, noble/vil, etc. »
On comprendra du même coup que cette opposition entraîne une hiérarchisation des tâches de lenseignant documentaliste, distribuées le long dun axe vertical, des basses activités de traitement du document (le substrat) jusquaux hautes activités de formation portant sur la construction des significations (la substance). Ainsi le processus de professionnalisation engagé par le corps des professeurs documentalistes se produirait à lintérieur du champ délimité par sa double appellation, à savoir construisant un passage qui mènerait du statut de documentaliste à celui de professeur.
Nous nous intéresserons ainsi à ce lent processus de professionnalisation au sens où lentend Philippe Perrenoud, à savoir un « processus dynamique de construction et de constitution progressive dune profession » (M.-A. Le Gouellec-Decrop, 1997).
Nous reprendrons un court moment le fil de lhistoire pour tenter de retrouver cette dynamique à luvre, avant de ne retenir, parmi les éléments du processus de professionnalisation engagé, que ce qui nous permettrait de saisir les enjeux visés par le mouvement de didactisation de linformation-documentation. Un détour par les types identitaires ou professionnalités (id.) permettra de jauger lancrage de ce mouvement dans le corps ainsi que lavenir dont il peut être porteur.
32. Récit dune conquête
Un retour rapide sur quelques repères historiques jalonnant laxe pédagogique du corps des documentalistes permet une réflexion en perspective sur le processus de professionnalisation en cours. Nous limiterons cette rétrospective à la saisie déléments se rapportant au cadre statutaire, à la définition de la mission pédagogique et à lémergence de lidentité enseignante correspondante. Nous en déduirons la réelle portée des acquis en la matière.
Pour rendre compte de la création progressive du corps spécialisé des documentalistes de lEducation nationale, Odile Britan détermine les quatre phases suivantes (C. Duarte-Cholat, 2002) :
- la période des fondations allant jusquà 1972 ;
- les innovations pédagogiques, de 1973 à 1978 ;
- le passage à lâge adulte, de 1979 à 1988 ;
- la construction de lidentité professionnelle, de 1989 à 1992.
La période des fondations, qui débute à la création des CLDP en 1958, ne connaît comme premiers responsables des locaux documentaires que des personnels recrutés parmi les adjoints denseignement, non chargés denseignement, mais assurant des tâches dadministration et de surveillance. Ces bibliothécaires-documentalistes ne prendront lappellation de documentaliste-bibliothécaire quen 1966 lors de la fusion des bibliothèques centrales et des Services documentaires (SD) ; cette inversion témoigne de la part grandissante prise par la documentation à lécole (S. Devis-Duclos et al., 2006). Dès la fin des années 60, deux visions du métier coexistent déjà, correspondant à deux modèles professionnels de qualification. Lune, souhaitant se démarquer du corps professoral, cherche à construire une identité sur la reconnaissance dun métier spécifique. Lautre, au contraire, revendique un statut calqué sur celui des enseignants. Louverture des SDI, en 1966, favorisera les prétentions pédagogiques des seconds.
La seconde période, de 1973 à 1978, voit la conquête de la reconnaissance officielle dune mission dévolue à ces personnels. Le rapport Tallon (1974) distingue sept fonctions qui seront officialisées par la première circulaire de mission trois ans plus tard : aspects techniques de la fonction, accueil et information, aspects loisirs, aspect information scolaire et professionnelle, aspect animation pédagogique. Lordre de présentation de ces fonctions ne fait que suivre lordre historique de leur apparition. La circulaire confère en outre au documentaliste-bibliothécaire la mission de conduire linitiation des élèves à la recherche documentaire, nouvelle mission qui va modifier et orienter durablement son identité en le faisant passer de prestataire de service et gestionnaire de matériel à collaborateur du professeur, puis formateur. Ces années voient également se constituer une culture identitaire autour de la fondation de la Fédération des associations de documentalistes-bibliothécaires de lEducation nationale (FADBEN) dune part, et de la création, dautre part, du Centre détude pour la documentation et linformation scolaire (CEDIS) qui lance la revue InterSDI, laquelle deviendra InterCDI. Si cette dernière vise à fournir aux documentalistes des ressources techniques et favoriser des échanges de pratiques, la FADBEN, quant à elle, se structure autour du projet de sortir le métier de son vide statutaire.
La troisième phase, de 1979 à 1988, est celle de laffirmation du rôle pédagogique et des compétences professionnelles des documentalistes-bibliothécaires. Conscients de constituer une discipline nouvelle au service de toutes les autres, les militants, appuyés par leur instance associative, revendiquent un statut spécifique mais se heurtent au refus de linstitution pour qui il nest pas question de voir sétablir une distance entre la Documentation et les enseignements. Pour lautorité de tutelle en effet, la création dun CAPES nest pas à lordre du jour. Cependant, au tournant des années 80, le changement politique et la nécessité apparue de lutter contre léchec scolaire modifient les manières de voir. Le CDI est promu fer de lance de la rénovation des collèges engagée par le rapport Legrand (1983). Par ailleurs, la généralisation de linitiation à la recherche documentaire entame le processus de normalisation des pratiques des documentalistes-bibliothécaires. La circulaire du 13 mars 1986 couronne cette avancée en réaffirmant la nature essentiellement pédagogique de ces missions. Le texte resserre les « missions » (terme remplaçant celui de « fonctions ») au nombre de quatre et les réordonne : initiation et formation des élèves à la recherche documentaire, participation à lactivité pédagogique de létablissement, contribution à louverture de létablissement, responsabilité du centre de ressources documentaires multimédia. Il inventorie cependant au passage un nombre important de tâches qui seront à lorigine du désarroi et de linsatisfaction croissante des documentalistes fondés, aujourdhui encore, à demander une clarification de ces missions.
Enfin, les années 89 à 92 ouvrent une triple voie à la construction dune identité professionnelle. Celle-ci suit tout dabord le sillage de la Science de linformation, discipline émergente et référence possible pour la Documentation scolaire. Elle apparaît progressivement dans les cursus disciplinaires sous lappellation de Sciences de linformation et de la documentation. La deuxième voie se présente comme une conséquence de lintégration des TIC à lécole et dans les CDI, lesquels sont sollicités dès 1986 dans le cadre de la formation des élèves. Linformatisation massive des Centres va modifier de manière significative les missions du professeur documentaliste, autant dans ses pratiques de gestion (système de gestion de base de données) que dans ses pratiques pédagogiques (formation des élèves à la recherche d'information par logiciel documentaire, sur support électronique et en ligne). La troisième voie, enfin, souvre naturellement avec la création du CAPES de documentation. Dans son discours du 19 mai 1989, le ministre de lEducation nationale, Lionel Jospin, expose en ces termes la portée de cet événement pour le corps des documentalistes scolaires : « linstauration du CAPES de sciences et techniques documentaires apporte la garantie dune compétence professionnelle spécifique, rationalise le recrutement des personnes désireuses dexercer dans les CDI et offre une voie de promotion bien méritée à celles qui y sont en fonction. Elle est aussi le symbole de lancrage pédagogique de votre profession » (op. cit.).
Introduisant pour la première fois des règles strictes de sélection, et esquissant par ses épreuves un profil des compétences requises, le CAPES constitue dès lors une nouvelle étape dans le processus de professionnalisation. Cependant, il se révèle, du moins à son origine, insatisfaisant par labsence de programme et par le contenu de ses épreuves, lesquelles, avant leurs dernières modifications apparues aux sessions de 2001 et 2007, ne traduisaient pas suffisamment la spécificité disciplinaire. La Science de linformation, en particulier, ny a trouvé sa place quen 2001 (cf. Annexe I. 6). Chacune des quatre épreuves exige à présent du candidat une réflexion sur les contextes et applications pédagogiques relatifs aux thèmes des sujets proposés. Articulant la maîtrise des savoirs théoriques et les compétences techniques et professionnelles, il reflète léquilibre nécessaire entre les deux grandes missions de pédagogie et de gestion.
Il ressort de ces éléments historiques répartis sur un demi-siècle limage générale dune conquête, voulue et organisée par le corps lui-même, dune identité professionnelle spécifique. Les places fortes investies lors de cette conquête se nomment circulaire de missions (1977, 1986) et Certificat daptitude au professorat de lenseignement secondaire (CAPES de Sciences et techniques documentaires, 1989). Le sociologue interactionniste symbolique Everett Hughes cité par Claude Dubar (1991) situe là deux notions essentielles pour caractériser le processus professionnel. La première correspond au mandat, cette « obligation légale dassurer une fonction spécifique », et la seconde au diplôme en tant qu « autorisation légale dexercer certaines activités que dautres ne peuvent pas exercer ». Lun et lautre sont ainsi conférés au corps des documentalistes par son autorité tutélaire. Au diplôme est attaché le statut de professeur et son appellation afférente, bien que composant avec celle de documentaliste, appartenant à un autre domaine.
Il en est autrement sagissant de la conquête de la reconnaissance professionnelle. Si la reconnaissance de compétences techniques relevant du domaine de la gestion est acquise, il nen est pas de même pour la reconnaissance de la mission pédagogique. Constat paradoxal, si on réduit la question aux seules compétences professionnelles, puisque les compétences acquises en formation initiale de ces personnels sont précisément de nature inverse : majoritairement recrutés dans lEducation nationale, bien peu de ces derniers ont reçu une formation de documentaliste.
Cest donc sur le plan du mandat que se situe certainement le point dachoppement qui entrave le sentiment de reconnaissance. De même que la mission est double, visant la gestion et la pédagogie, le mandat doit être considéré au travers de ces deux dimensions. Or si le mandat gestionnaire est suffisamment explicite (toutes les activités, fonctions et finalités de la gestion dun centre de ressources), le mandat pédagogique lest en revanche beaucoup moins (un simple modèle de la recherche documentaire tenant en quelques lignes et une injonction à initier les élèves). Mais plus encore, cest la disparité des moyens affectés à la satisfaction de ces mandats qui pose problème. Le mandat gestionnaire peut se déployer dans un centre bien réel et concret pour lequel on a su trouver une place autant symbolique que matérielle. On est bien loin du compte sagissant du mandat pédagogique tant que lenseignant documentaliste ne se voit affecté de classes délèves, de cadres horaires et programmatiques.
Mais le mandat pédagogique renvoie surtout à la question de lélucidation et de la rationalisation des savoirs à enseigner. Certes des acquis loin dêtre négligeables constituent des facteurs positifs : lintégration des TICE qui impose de recourir à une terminologie normée et qui fonde de fait une culture partagée, lémergence de la Science de linformation qui impose ses champs technique et théorique de référence, et linstauration du CAPES, qui élève sensiblement le niveau dexigence du recrutement, aiguillonne et harmonise la réflexion autour de la formation initiale. Mais suffisent-ils, en dehors du sentiment dinsatisfaction exprimé par les enseignants documentalistes, à asseoir lidée que la documentation serait parvenue au terme de son évolution, à savoir être devenue une (semi-)profession à parité statutaire effective avec les professeurs de discipline ? Un champ spécifique où pourraient se déployer les compétences et les activités pédagogiques de ces personnels est-il aujourdhui circonscrit et investi, voire légitimé ? Est-il possible de distinguer entre mandat du documentaliste et mandat du professeur ? Enfin, ce dernier est-il ressenti par la profession comme susceptible dasseoir la légitimité dun statut certes réel mais encore peu reconnu ?
33. Vers la rationalisation des savoirs
331. Les critères de professionnalisation
La délimitation dun champ particulier à découper par la documentation dans celui des savoirs à enseigner à lécole implique un questionnement sur la spécificité professionnelle des enseignants documentalistes. Cest ce questionnement qua conduit Marie-Annick Le Gouellec-Decrop (1997), en interrogeant le processus de professionnalisation de ce corps et ses identités professionnelles plurielles. Pour ce chercheur, les notions de spécificité et didentité professionnelles renvoient aux concepts fondamentaux de profession, de professionnalisation et didentité.
Sagissant des deux premiers, elle sappuie sur la réflexion sociologique pour définir les critères permettant de savoir si le métier denseignant documentaliste a accédé au statut de profession ou bien sil est engagé dans un processus de construction dune profession. Elle fait alors ressortir les critères suivants :
- un savoir scientifique et théorique, fondé et légitimé par lUniversité, dans le champ
de la documentation ;
- une formation spécifique, pratique de niveau universitaire (lIUFM) ;
- un ensemble de valeurs et un code éthique partagé par une majorité importante de la
population ;
- un mandat (les missions) confié par linstitution ;
- un diplôme (le CAPES) (et son rôle dans la constitution du corps) ;
- une culture professionnelle (et sa construction chez les jeunes certifiés).
Nous retiendrons en particulier le premier de ces critères, relatif au savoir scientifique et théorique, en tant quil fait correspondre à laspiration professionnelle des enseignants documentalistes un intérêt pour la rationalisation des savoirs de référence, et dans la perspective de trouver là une nouvelle raison au mouvement de didactisation.
Si, selon Ph. Perrenoud, la professionnalisation contribue à élever le niveau global individuel et collectif de formation et de compétence (M.-A. Le Gouellec-Decrop, 1997), cest notamment par un processus de scientifisation du métier et de rationalisation de ses savoirs (R. Bourdoncle, 1991). R. Bourdoncle, reprenant la distinction entre métiers et professions rappelle que ces dernières sont professées, c'est-à-dire apprises, non par imitation, mais à partir de déclarations, de discours et de cours. Le lieu dapprentissage par voie - et voix - professorale de ces savoirs est lUniversité, qui est aussi le lieu de leur construction et de leur conservation. « Etre amené, poursuit-il, à expliciter oralement ses pratiques entraîne forcément un processus de rationalisation discursive et la constitution dune base de savoir qui sautonomise peu à peu de la pratique ».
332. La rationalisation des savoirs du métier de documentaliste
Reste à distinguer, lorsquil sagit des professeurs documentalistes à la double fonction, gestionnaire et pédagogique, de quel type de savoir il est question. Aussi le processus de professionnalisation peut sorienter dans deux directions différentes et conduire le corps des enseignants documentalistes dans lune ou lautre des deux voies de rationalisation. Cest précisément ce choix à faire qui est facteur de division dans le corps, ce que révèlent les études sur lidentité professionnelle de ses membres (cf. I. § 34).
Si, majoritairement, les documentalistes interrogés sestiment investis dune mission pédagogique et évoquent en premier lieu de leurs préoccupations la formation des élèves à la recherche documentaire (M.-A. Le Gouellec-Decrop, 1999), ladministration, depuis 2001 leur propose toutefois comme voie de professionnalisation et de reconnaissance une requalification à titre dexpert du système documentaire et de pilote de la politique documentaire de létablissement : à ces « documentalistes inquiets, désireux dêtre mieux reconnus », le pilotage, lorganisation des ressources documentaires de létablissement et le développement du système dinformation devraient apporter « une nouvelle légitimation » (IGEN, 2004). Dans ce cas, les pratiques pour le moins empiriques des responsables des CDI devront en effet être rationalisées et fondées par la Science de linformation, mais également clarifiées par la documentologie, science du livre et de la documentation, et la bibliothéconomie, pratique dorganisation des bibliothèques. Cela dit, cette mission de gestion du centre de ressources est le plus souvent subordonnée à la mission pédagogique principale, ainsi que le met en avant le récent Référentiel métier de la FADBEN (2006). Le CDI étant considéré comme un espace et un outil de médiation, la finalité de son organisation demeure bien formative, ce qui nest pas sans poser un dilemme à ses responsables : ou bien les normes sont appliquées par un professionnel documentaliste mais elles savèrent peu adaptées à lusage pédagogique, ou bien elles ne le sont pas, par un enseignant (documentaliste) non professionnel, mais le résultat permet de former les élèves (M.-A. Le Gouellec-Decrop, 1997).
333. La rationalisation des savoirs à enseigner
Sagissant à présent dune voie de professionnalisation impliquant directement la formation et ressortissant à la mission pédagogique, la question reste, en létat actuel des choses, de savoir sil y a « passage dune démarche intuitive à une démarche rationnelle ? » (R. Bourdoncle, 1991). Difficile den juger sans évaluation nationale des pratiques pédagogiques des documentalistes
Sagissant cette fois des contenus, un effort de rationalisation des savoirs a bien été réalisé dans la décennie précédente à partir de la constitution de référentiels de compétences qui ont permis de déterminer des objectifs dapprentissage spécifiques à la documentation. Cependant, cette spécificité a été largement contestée par linstitution et par une partie des professionnels, ce qui a amené progressivement chercheurs et acteurs de terrain à réfléchir non pas à partir des seuls contenus procéduraux de ces compétences, mais également à partir de leurs contenus notionnels et à souhaiter leur didactisation. Mais là encore, les pratiques engagées restent empiriques, désordonnées et peu fondées. Aussi leffort de rationalisation qui reste à fournir « manifesterait non pas les conduites intuitives et artisanales caractéristiques des métiers, mais lapproche systématique et rationnellement contrôlée déductible dun cadre théorique densemble, ce qui est le propre dune profession » (R. Bourdoncle, 1991).
Mais de quel cadre sagirait-il en loccurrence ? Sil faut chercher les savoirs savants de référence à lUniversité, alors il faudra se tourner vers la Science de linformation. Il nen reste pas moins que de tels savoirs devront être transformés en savoir à enseigner (Y. Chevallard, 1985) et que leur mise en uvre dans des situations didactiques soit posée comme objet détude. Quoi quil en soit, et sagissant aussi bien de la formation initiale que continue, on voit bien, avec Michel Fabre, lintérêt de « construire la professionnalisation sur le triple socle disciplinaire, didactique et pédagogique [et où] la didactique prendrait valeur de médiation » (M. Fabre, 1992).
Pour notre part, et revenant sur cette idée de savoirs « professés » émise par R. Bourdoncle, nous en retiendrons que les savoirs à enseigner devront être, pour partie du moins, des savoirs discursifs, théoriques, ceux que Michel Develay (1992) nomme connaissances déclaratives. Or lanalyse des référentiels de compétences fait apparaître leur quasi inexistence. De fait, lInformation-documentation ne dispose officiellement daucun contenu notionnel présenté comme devant être appris par les élèves.
Nous sommes porté à reconnaître là lune des causes qui entravent le processus de professionnalisation des enseignants documentalistes.
334. Linvestissement dun champ pédagogique
Depuis leur émergence dans les années 60, les enseignants documentalistes ont intimement lié la construction de leur statut à leur investissement pédagogique, se positionnant en enseignant médiateur entre les élèves et linformation. Leur essor a véritablement débuté au tournant des années 80, lorsque lécole sest saisie des CDI pour lutter contre les inégalités sociales. Dès lors, la question posée était celle du choix dun domaine dintervention particulier, i.e. non investi par une autre discipline. De la recherche documentaire (méthodologie documentaire) au traitement de l'information (médiation documentaire), de la méthodologie du travail intellectuel aux heuristiques de linformation (J. Michel, 1989), de la maîtrise de linformation à linformation literacy (Juanals, 2003), le corps des enseignants documentalistes associe à la quête didentité professionnelle la recherche dun havre pédagogique.
Mais la difficulté majeure à laquelle se heurte ce « professeur pas comme les autres » est de ne disposer ni de service horaire, ni de classe en responsabilité dans un temps découpé en heures, ni de discipline particulière, ni de programme (M. Monthus, 1995). Deux alternatives, selon M.-A. Le Gouellec-Decrop (1999), se dessinent qui divisent le corps. Ou bien il conserve cette approche transversale et somme toute consensuelle, soutenue par linstitution, ou bien il fait de la médiation documentaire son champ de spécialité. Dans le premier cas, la documentation nest pas une discipline, les occasions de formation méthodologique des élèves sont soumises aux lois de la négociation et aux jeux des affinités et du hasard, et le statut risque de demeurer hybride. Dans le second cas, la documentation devient une discipline, admettant des modalités particulières, et où sont enseignés des savoirs éventuellement transposés de la Science de linformation et organisés dans des dispositifs qui restent à définir.
Lapproche transversale a bien été analysée par Bernadette Seibel qui note, en 1995, qu« on assiste à lémergence de professionnels qui fondent leur identité sur la maîtrise de lapproche heuristique validée par les connaissances scientifiques ». En fait, dans un contexte dautodidaxie et de difficultés scolaires, les enseignants documentalistes, se positionnant sur ces savoir faire délaissés par les disciplines ou bien considérés comme allant de soi, ont conquis là leur spécificité. Sappuyant sur les théories scientifiques de la psychologie cognitive appliquée à toutes les disciplines, ils seraient parvenus à « déboulonner les représentations réifiées des savoirs scolaires » et à démontrer limportance des démarches de construction des connaissances. Ainsi, leur position dauxiliaire des enseignants de discipline sest muée en collaborations sur la base dune parité pédagogique.
Prolongeant cette thèse, M.-A. Le Gouellec-Decrop dénonce deux conséquences négatives, lune rejaillissant sur les disciplines, lautre sur les enseignants documentalistes. Tout dabord, le rejet hors du cours de lapprentissage des méthodes de travail intellectuel a pour effet daccroître limmobilisme des disciplines, lesquelles se trouvent ainsi confortées dans leur rapport aux seuls contenus du programme. Ensuite, la stratégie souhaitée à cette époque et acceptée par les documentalistes ne vaut plus aujourdhui, à lheure où les choix de politique éducative réintroduisent ces savoir faire dune part dans des dispositifs spécialisés (les modules en lycée, les dispositifs daide et de soutien pour la réussite des élèves en collège) et dautre part dans les programmes eux-mêmes qui font une large part aux compétences, et même, récemment aux compétences info-documentaires.
De ce point de vue, le processus de professionnalisation engagé en documentation gagnerait selon nous à poursuivre la rationalisation des savoirs conceptuels info-documentaires, quitte à réinvestir ce champ dapprentissage des compétences qui pourraient être rendues à leur spécificité à partir du moment où elles mobiliseraient des concepts spécifiquement documentaires.
Pour M.-A. Le Gouellec-Decrop (1999) également, « le champ de la maîtrise de linformation, qui se développe aujourdhui avec louverture du réseau mondial, nous semble simposer comme celui du champ des compétences spécifiques des documentalistes des établissements scolaires ».
34. Des professionnalités non convergentes
Si le processus de professionnalisation du corps des professeurs documentalistes nest pas achevé au regard des critères proposés par M.-A. Le Gouellec-Decrop en 1997 (cf. I. § 331), et loin sen faut, il est toutefois initié. Cest un processus lent qui ne se suffit pas de décrets publiés par linstitution mais réclame aussi la mise en place concomitante dune identité nouvelle. Celle-ci, écrit C. Dubar (1991) « apparaît ainsi constituer un enjeu social dépendant notamment de la capacité des membres [
] à se coaliser, à développer une argumentation convaincante, et à se faire reconnaître et légitimer au moyens dactions collectives multiples ». Lidentité professionnelle se nourrirait donc principalement dune réflexion et dune culture partagées par lensemble du corps et saccompagnerait dune volonté commune de changement structurel. Le corps des enseignants documentalistes en est-il là ?
Des enquêtes menées successivement en 1995 (B. Seibel) et 1997 (M.-A. Le Gouellec-Decrop) convergent au contraire sur le constat de la discordance et de la division du corps. Cependant, certains profils, et des plus porteurs davenir, laissent augurer un renforcement du processus de professionnalisation, du moins dans sa dimension de rationalisation des savoirs.
Sagissant de la première enquête, Bernadette Seibel fait en effet ressortir une ligne de clivage entre les gestionnaires et les pédagogues, laquelle sépare la profession en fonction des priorités choisies par ses membres, et se manifeste à partir des valeurs qui sy expriment et des stratégies employées.
Les premiers donnent pour prioritaire le fonds de ressources, les acquisitions et les traitements documentaires ainsi que la diffusion dinformations. Leur action est commandée par les demandes réelles ou supposées des usagers quils cherchent à satisfaire. Le CDI est pensé comme un lieu libre daccès et dauto-formation. Il est en conséquence organisé suivant une logique de facilitation davantage que dapprentissage. La relation à lélève y est alors individualisée (accompagnement, guidage). La fonction de médiation est principalement remplie par les outils didactiques qui permettent à lélève de « se débrouiller seul ». La relation à lélève assumée par le gestionnaire est résolument en rupture avec celle du professeur.
Les seconds, les pédagogues, privilégient les interventions systématiques auprès des élèves. Celles-ci visent moins à transmettre de linformation quà construire des situations dapprentissage permettant lacquisition de compétences info-documentaires. Le pédagogue se positionne en tant que formateur des processus daccès à la connaissance ; il se réclame spécialiste de la transversalité.
Le débat entre les uns et les autres, toujours vif, réinterroge le statut et lappellation du professeur documentaliste et freine ainsi le processus de professionnalisation. Il révèle, pour une part, lhéritage dune culture professionnelle fondée à lorigine sur le refus de la pédagogie traditionnelle et le rapport frontal au savoir, tel que le mouvement de lEducation nouvelle le percevait. Nous pouvons encore retrouver dans ce clivage lempreinte laissée par la double nature du document telle que nous lavons appréhendée dans son épistémologie et dans son étymologie (cf. I. § 1), à savoir lopposition résiduelle entre une dimension matérielle (le support documentaire, le substrat), qui correspondrait à lidentité de gestionnaire, et une dimension signifiante (linformation contenue, la substance) qui renverrait à lidentité de médiateur et de pédagogue. Sagissant de ces derniers, nous avons déjà analysé la difficulté rencontrée à vouloir entretenir la stratégie de la transversalité. Il faut alors noter que cette enquête, publiée en 1995, a été réalisée en 1991 à une époque où, dune part, la didactique de linformation-documentation nétait pas encore à lordre du jour et où, dautre part, les nouvelles populations issues du CAPES ne pouvaient pas encore sexprimer.
La seconde enquête, publiée en 1997, sappuie sur les critères dappartenance et dinvestissement dans le travail définis par le sociologue Sainsaulieu pour identifier trois groupes distincts de professionnalité (M.-A. Le Gouellec-Decrop, 1997, 1999).
- la professionnalité 1 regroupe des personnels issus des premières générations, les anciens qui manifestent un investissement réduit, ignorent les valeurs du corps et dont le comportement est individualiste. Ce groupe se rattache à lidentité de retrait et ne participe pas au processus de professionnalisation ;
- la professionnalité 2 est portée par les pionniers militants de la première génération. Leur identité, construite dans la lutte et les tractations, se rapproche du modèle négociateur. Ils manifestent, à lopposé des précédents, des liens catégoriels importants, portent les valeurs du groupe (pédagogie, ouverture, responsabilité de la formation de tous les élèves, documentation, etc.) et affichent une certaine volonté de professionnalisation ;
- la professionnalité 3 est constituée des jeunes documentalistes titulaires du CAPES. Loin dêtre laboutissement dune conquête comme pour le groupe précédent, leur statut est de fait un acquis. Ce groupe, dont lidentité est de type promotionnel, rencontre des difficultés dintégration à celui des aînés et aux valeurs du corps. Mais ils partagent cependant un sens aigu de la responsabilité qui leur incombe dans le domaine de la formation des élèves. Cest ce groupe qui répond le plus explicitement aux critères de la professionnalisation.
Si, selon le chercheur, le premier type regroupe des bibliothécaires centrés sur le fonds et le deuxième des documentalistes penchés sur lélève, le troisième compte en son sein des professeurs de documentation accordant une priorité aux TICE. Ce dernier groupe concerne la génération montante de la profession (20% des effectifs en 1999) aussi est-il intéressant de connaître leur profil identitaire pour saisir lévolution probable du processus de professionnalisation des enseignants documentalistes. Partant dun statut acquis, leur identité est celle de professeur. Comme tels, ils revendiquent une agrégation et un corps spécifique dinspection.
Sans doute le travail sur la rationalisation des savoirs et leur didactisation en matière de contenus info-documentaires à enseigner sera en grande partie leur uvre.
Conclusion
La nature épistémologique du document et de la documentation, dans leur rapport au savoir et à la transmission du savoir, avait fait apparaître une bipolarité entre support et contenu (substrat/substance) à partir de laquelle nous avons pu inférer et vérifier une dualité entre les deux logiques de gestion et de pédagogie. Cette dualité semble avoir structuré bon nombre de phénomènes documentaires tels la création despaces documentaires, la définition des missions des personnels et jusquà lappellation de ces derniers.
Les apports de la sociologie des professions nous ont ainsi permis de saisir cette bivalence, enrichie de valorisations sociales (bas/haut, résiduel/noble, matériel/subtil) comme facteur décisif dynamisant le processus de professionnalisation du corps des professeurs documentalistes. Pour ces professionnels revendiquant une mission enseignante mais davantage reconnus en tant que gestionnaires dun centre documentaire, ce processus prend en effet la forme du passage dune identité de documentaliste à celle de professeur. Comme tel, le processus recouvre une démarche daffiliation statutaire au corps des professeurs.
Si les identités professionnelles trouvent à se positionner selon ces logiques, il faut cependant tenir compte de paramètres tels que le moment dentrée en fonction et la voie de recrutement des personnels. En effet, les jeunes générations issues du CAPES, bénéficiaires dun statut de certifié, semblent bientôt, par leur nombre et la nature de leur revendication (agrégation, corps dinspection spécifique), être en mesure daccélérer le processus de professionnalisation qui a été ouvert par leurs aînés militants et dont elles sont redevables dun mandat et dun diplôme.
Sagissant de ce processus, nous avons retenu pour lun des principaux critères permettant de mesurer son avancement vers un meilleur statut professionnel, celui de rationalisation des savoirs. Cette rationalisation exige un travail de verbalisation, délucidation et de conceptualisation des pratiques et techniques du métier, ce qui les met à distance de ce dernier et permet que les savoirs en question soient professés, notamment dans la formation initiale. Parmi les savoirs relatifs à lenseignement, nous avons privilégié, et continuerons à le faire, les seuls savoirs à enseigner aux élèves. Nous pensons que sils savèrent de fait constituer un vecteur de professionnalisation, alors il est probable que celle-ci devienne luvre de la génération montante des jeunes certifiés, dans la mesure où ces derniers composent un groupe identitaire qui assume le statut de professeur.
Mais cette nouvelle population nhérite pas seulement dun statut et dun projet. Elle est tout autant le dépositaire dune réflexion et dun savoir faire en matière de démarche documentaire, dinteractions avec les élèves et de collaborations avec les disciplines. Sur le plan didactique également, des avancées significatives ont été menées sagissant particulièrement de la définition précise, en termes dobjectifs de formation à atteindre par les élèves, des compétences info-documentaires requises dans les situations de recherche d'information.
Cependant, ces avancées ont aussi leurs revers et des leçons doivent être tirées, au sujet notamment de la méthodologie documentaire, des référentiels de compétences et des formations.
La méthodologie documentaire, pour commencer, sest avérée être un cadre utile mais privilégiant lacquisition de compétences instrumentales et procédurales, préparant surtout les élèves à des situations de retrouvage de données dont on sait quelles sont contenues dans les documents du CDI. La méthode, présentée comme linéaire et relativement contraignante, prédispose mal à faire prendre conscience du besoin dinformation et à considérer tout problème de connaissance comme devant être construit et assimilé à un problème informationnel. Pour ce faire, il faudrait (re)connaître lintérêt dune épistémologie de linformation et du document. Ce dernier, par exemple, gagnerait à être étudié en tant que média opaque, i.e. dont les codes et la structure forment entre le lecteur et la donnée informationnelle une épaisse couche de significations à dimension sociale. Les savoir faire documentaires gagneraient ainsi à être éclairés par des savoirs sur le document.
Les référentiels de compétences, quant à eux, sont venus compléter les modèles de recherche documentaire produits dès la fin des années 70. Lapproche comportementale qui préside à leur élaboration, en permettant latomisation des compétences à observer et à évaluer, a conduit dune part à leur dispersion dans les programmes disciplinaires et dautre part à leur confusion avec des (micro)capacités transversales. Ce démantèlement possible de leurs composants a nui à lidée que la formation devait être perçue par les apprenants dans sa globalité et son homogénéité. Dailleurs, les essais de mise en progression de ces référentiels nont jamais été concluants. Lintégration de ces compétences dans les programmes disciplinaires a également été facilitée par le fait que, telles que les référentiels les présentent, elles ne se composent que de connaissances procédurales et excluent tout ce qui ressortit à des savoirs théoriques (notion de source, de document, de requête, etc.), lesquels leur donnent non seulement sens mais en feraient des compétences spécifiques du champ documentaire. Réduits à de simples comportements sans connaissance de cause, ces compétences sont aujourdhui proposées pour validation par tous les professeurs de disciplines, ce qui contribue très sensiblement à entraver le processus de professionnalisation du corps. Pour réhabiliter ces compétences, il faudrait alors les corréler explicitement à des savoirs théoriques, issus dun processus de transposition didactique.
Enfin, les formations documentaires, souhaitées par la profession et préconisées par la circulaire datée de 1986, nont pas davantage apporté les résultats escomptés. Que ce soit au lycée sagissant des élèves provenant du collège, ou bien de luniversité sagissant des contingents sortant des lycées, le constat est le même de ces élèves qui nont pas acquis les comportements documentaires basiques, sans bien sûr parler des connaissances théoriques
La Documentation, située comme matière auxiliaire et transversale aux disciplines, est restée sur le mode dune simple éventualité, un accessoire à la panoplie pédagogique du professeur de discipline, seul juge de lopportunité dun travail ou dune formation documentaire. Il sensuit une formation aléatoire, productrice dinégalités entre les élèves et interdisant des progressions rationnelles. A cet état de fait est opposée lidée dun curriculum reprenant dans leur globalité tous les constituants dune formation raisonnée et prenant en compte lintérêt de tous les élèves.
Ces formations documentaires, dans la mesure où elles écartent tout contenu notionnel de leurs objectifs, ne peuvent que contribuer au discrédit de laction didactique de lenseignant documentaliste. Là encore, la rationalisation des savoirs à enseigner établirait une parité de fait avec les enseignants de discipline, sur le plan des contenus. Les collaborations se noueraient alors à partir de la construction collective de situations didactiques articulant des problématiques disciplinaires à des problématiques documentaires, instituant les concepts à construire comme outils de résolution de celles-ci.
Deux directions convergentes ont ainsi été parcourues, lune explorant les voies pédagogiques tentées pour former les élèves à lInformation-documentation, lautre suivant le lent cheminement de la professionnalisation des enseignants documentalistes. Elles semblent ainsi se rejoindre sur ce constat que la piste des contenus théoriques en Information-documentation na pas encore été explorée, et sur cette hypothèse que leur rationalisation et leur didactisation renforceraient mutuellement les élèves dans une formation raisonnée et les professeurs documentalistes dans leur recherche dune plus grande professionnalisation.
Toutefois, ce projet nen est quà ses prémices, et la question de savoir comment constituer ces savoirs théoriques en amène aussitôt deux autres :
- quels sont les savoirs théoriques appartenant au champ de lInformation-
documentation ?
- avec quels outils travailler leur didactisation ?
Partie 2
Délimitation dun champ de savoirs à enseigner
en Information-documentation
« Tout projet social denseignement et dapprentissage
se constitue didactiquement avec lidentification et la
désignation de contenus de savoirs comme contenus
à enseigner. »
Y. Chevallard
La transposition didactique, 1985
Introduction
Si la rationalisation des contenus denseignement peut constituer à la fois le gage dune meilleure formation des élèves à la maîtrise de lobjet documentaire et lun des vecteurs de la professionnalisation des enseignants documentalistes chargés de cette formation, alors ce travail délucidation mérite dêtre mis en chantier.
Il correspond au processus de transposition didactique dont Y. Chevallard (1985), à la suite du sociologue M. Verret (1975), a consacré une étude analytique et critique. Si ce processus décrit le transfert dobjets du savoir du champ des disciplines scientifiques au champ du système didactique (lélève, le maître et le savoir), il montre en même temps la distance qui sépare lun et lautre et les effets que cette distance produit sur les objets transférés. Ainsi, avant même de devenir des objets réellement enseignés, les objets didactiques se construisent, selon M. Verret, par substitution aux objets théoriques dont ils procèdent, ces derniers ne tenant plus, dès lors quun rôle dartefact.
Outre ces questions de conversion et de reconstruction des savoirs scolaires, le processus de transposition didactique pose ainsi celle, tout autant essentielle, de la référence de ces savoirs. En effet, pour nombre dépistémologies disciplinaires, et pour lInformation-documentation en particulier, il importe dinterroger, en opposition à lidée dune mono-référentialité, la variété de la référence, au travers non seulement des rapports de lécole à luniversité, mais encore des rapports de celle-ci à son environnement social, culturel ou économique (J.-L. Martinand, 1986 ; A. Terrisse, 2001). Attachée à cette question revient celle de la bivalence des relations entre le(s) savoir(s) de référence et le savoir à enseigner, les échanges pouvant se produire dans un sens descendant, des premiers au second, ou bien dans un sens inverse.
Quoi quil en soit, cette transposition fait subir au savoir une sorte dapprêt didactique, qui a pour finalité sa mise en texte (Y. Chevallard, 1985). Au nombre des contraintes inhérentes à cette textualisation, telles la décontextualisation, la dépersonnalisation et la programmation du savoir, M. Verret note ce quil appelle la publicité du savoir, i.e. « la définition explicite, en compréhension et en extension, du savoir à transmettre ». Il sagit là, pour le système scolaire, de veiller à une transmissibilité anonyme et publique permettant ultérieurement le contrôle social des apprentissages. Cest lamont de ce moment du mouvement transpositionnel qui nous retiendra ici, celui où se détermine, se structure et se définit la matière à enseigner, avant son éventuelle publicité. Il servira en effet de cadre à une réflexion centrée sur la rationalisation des savoirs.
Le processus dobjectivation que nous voudrions analyser, sagissant du champ info-documentaire, appelle cependant à formuler deux préalables : celui de la définition des savoirs à enseigner, et celui de leur désignation en tant que savoirs à enseigner.
Les savoirs à enseigner, pour Y. Chevallard, se situent à mi-chemin entre les objets du savoir de référence et les savoirs réellement enseignés. On peut en trouver lexpression explicite dans les programmes scolaires dont se sert lenseignant pour produire ces derniers.
Cest le fait de désigner des objets de savoir, par extraction de la sphère a-scolaire et par insertion dans le système denseignement, qui est à lorigine de la création des savoirs à enseigner. Ce passage du pré-construit du savoir vers un construit didactique dont ce savoir serait la référence se situe en amont de lexistence des objets à enseigner. En aval, la didactisation mise en uvre par laction de lenseignant produit à son tour des objets denseignement, dont les objets à enseigner constituent la référence. Ainsi les derniers se découpent-ils réellement ou fantasmatiquement dans les seconds, lesquels cherchent à se découper eux-mêmes, et de la même façon, dans les premiers. Ces trois états du savoir résonnent entre eux sous le régime de la référence. Toutefois, posséder une liste de savoirs désignés comme devant - ou pouvant - être enseignés ne saurait suffire à la profession pour croire quelle possède des savoirs de référence ou penser quils peuvent être directement enseignés. Lanalyse produite dans cette étude ne concerne ainsi que lun de ces trois états, un entre-deux du mouvement didactique.
Le processus de désignation, on le voit bien, se présente comme lacte dune saisie réflexive sur des objets de savoir à découper dans des champs choisis pour servir de référence. Ce processus réclame en outre un acteur et une écriture. Lorsquune matière cherche à se construire, et quil ny a encore aucun savoir désigné comme tel pour être enseigné, tout savoir désigné ne peut être en fait quun savoir proposé à lacte de désignation. Dans lattente de la décision de ladministrateur, les acteurs peuvent ainsi patienter en écrivant le texte de ce savoir à lintérieur de marges qui restent encore à délimiter. Il sagira en loccurrence dune identification minutieuse de lalphabet notionnel composant la matière proposée à être enseignée dune part, et dautre part de la mise en architecture de lensemble ainsi constitué. Cest précisément à ce stade que nous rencontrons aujourdhui les acteurs dune didactique documentaire.
Référence, structuration, identification des contenus représentent quelques uns des principaux objets détude de la didactique des disciplines. Cest donc par la présentation de cette discipline nouvelle que nous commencerons, en insistant notamment sur sa dimension épistémologique, puisque nous voulons en faire le cadre de notre réflexion. Nous déterminerons les principales questions qui ouvrent notre champ détude, questions centrées sur lidentification et la structuration des objets de savoirs en Information-documentation. De même, nous nous saisirons là de quelques outils qui nous aideront à pousser plus avant notre investigation.
Cela fait, nous projetterons ce cadre sur ce champ aux limites incertaines que constitue la Documentation afin dy dresser létat des lieux de la réflexion didactique. Cette réflexion, ainsi que nous nous en apercevrons, nen est encore quaux prémices. Nous laborderons dun point de vue chronologique. Nous y suivrons le cheminement de lintérêt manifesté pour la constitution dune didactique, sous les espèces de la recherche dune référence, de la formalisation curriculaire et de la délimitation dun corpus de notions.
Cest à partir de ces premiers balbutiements que nous trouverons la matière première sur laquelle porter notre questionnement. Des listes de notions proposées pour être enseignées ont ainsi été produites depuis 1994. Nous en tirerons un corpus à partir duquel nous pourrons extraire les occurrences de termes désignant les notions proposées. Notre examen portera dabord sur les listes, puis sur les notions elles-mêmes. Il sagira en premier lieu de vérifier si, au regard de ces données exprimées par les premiers acteurs de la didactique documentaire, nos questions initiales restent pertinentes. En second lieu, nous devrions avoir dégagé, par tris successifs, une base de notions significatives au regard des critères que nous proposerons. Cette base, enfin, pourra servir de matière à la manipulation doutils conceptuels de la didactique, afin den retirer des informations susceptibles de préparer ultérieurement le processus de publicité du savoir. Ce sera lobjet de la troisième partie de cette étude.
1. Un cadre de réflexion : la didactique
11. La didactique : définition, histoire, épistémologie, tâches et outils conceptuels
111. Définition
Nouvelle discipline instituée, la didactique est enseignée à lUniversité depuis le milieu des années 70. Comme le suggère létymologie de son appellation, elle se rattache fortement au champ des Sciences de léducation : didactique est un emprunt tardif (1554) au grec didaktikos « propre à instruire, relatif à lenseignement », adjectif verbal de didaskein « enseigner, faire savoir » (A. Rey, 1995). Dans sa forme usuelle, ce sens est toujours dactualité (Le nouveau Littré, 2004).
La didactique sintéresse en effet aux processus délaboration, de transmission et dappropriation des savoirs tels quils se présentent dans des situations didactiques scolaires ou non. Elle est constituée par « lensemble des procédés, méthodes et techniques qui ont pour but lenseignement de connaissances déterminées » (P. Meirieu, 2005). Lorsquelle nest pas prise au sens dactivité denseignement, la didactique se présente également comme une démarche particulière danalyse portant sur lenseignement dune part, et marquant dautre part un effort de rationalisation de ses processus (J.-P.Bronckart et J.-L. Chiss, 2005). Les trois axes enseigner, former, apprendre, produits de linteraction des trois pôles Savoir- Maître-Elève structurant le triangle didactique (ou système didactique), fournissent un cadre théorique à lexpression de ces processus, lesquels sont les principaux objets détude de la didactique.
Cependant, cette approche à prétention globalisante est souvent ramenée au seul champ de la structuration, de lorganisation et de la gestion des contenus (M. Altet, 1994). Les contenus des disciplines sont en effet particulièrement étudiés dans leur rapport aux savoirs savants, à partir notamment de létude des transpositions quils subissent en amont du cours, avant de devenir ces objets scolaires « morts, réifiés, sans histoire », et qui font deux des savoirs construits (S. Joshua, 1996).
En fait, si la didactique sintéresse à lensemble du champ défini par la situation didactique, elle le fait du point de vue privilégié des contenus, ce qui lui permet ainsi de prendre en compte ce qui relève de lélaboration et de la teneur des programmes, des mécanismes dapprentissage des élèves ou de la nature des relations instaurées entre le maître et lélève (J.-L. Martinand, 1996 ; S. Joshua, 1996 ; P. Champy et C. Etévé, 2002, J.-P.Bronckart et J.-L. Chiss, 2005). Pour Y. Chevallard (1994) « le retour au savoir [est] coextensif à lentreprise didacticienne dans son ensemble ». Ce faisant, la didactique nouvre pas tant un nouveau champ dobjets à étudier quun nouveau champ de connaissances sur ces objets, à partir dune « nouvelle façon de lire et dinterpréter la dynamique des échanges dune situation denseignement » (J.-P. Astolfi, 1990-a). Cest à ce titre que la didactique est considérée comme étant le noyau cognitif des recherches sur lenseignement (L. Cornu et A. Vergnioux, 1992).
112. Histoire de la discipline
On peut faire commencer le processus daffirmation de la didactique, en tant que domaine de recherche spécifique, à la parution de louvrage de Hans Aebli, Didactique psychologique, 1951. Pourtant, le terme et lidée de didactique, dans un contexte apparenté, sont apparus au XVIIème siècle avec Comenius dans sa Didactica magna (1632). En même temps quil y présente des propositions réformatrices modernes en réaction à la tradition scolastique de lépoque, cet humaniste tchèque fait montre dun effort de rationalisation des connaissances et de leur transmission dont les effets seraient profitables à tous. Lenseignement y est détaillé comme une technique universelle dont le souci principal est lefficacité.
J.-P.Bronckart et J.-L. Chiss (2005) font de cette pierre de seuil létape inaugurale dune série de trois périodes successives dans lhistoire des démarches didactiques et correspondant à des formes particulières. A cette première vision dune discipline dinspiration philosophique et politique, vision qui irriguera le mouvement réformateur de lEducation nouvelle en opposition à lécole traditionnelle, suit ainsi celle dune démarche didactique générale sélaborant en même temps que se constituaient les Sciences de léducation. Sinspirant comme celles-ci de la psychologie naissante, apparaissent deux courants : dun côté une didactique générale influencée par le béhaviorisme, visant à produire des objectifs pédagogiques et à organiser des programmes et des progressions, mais tenant peu compte des capacités réelles des élèves, et de lautre, un courant psychopédagogique inspiré des travaux de Wallon et de Piaget, et comme tel cherchant au contraire à tenir compte des stratégies et du développement cognitif des apprenants. Cette double naissance porte ainsi en germe quelques unes des orientations principales de la didactique actuelle, lune attirée notamment par létude et la rationalisation des contenus des programmes, lautre par létude des conditions dappropriation des savoirs. Linfluence originelle de la psychologie génétique de Piaget, et particulièrement limportance accordée aux analyses de type épistémologique et aux observations de type psychologique, a de fait déterminé deux des principales dimensions de la didactique.
La troisième période souvre dans un contexte de multiplication et de mutation des connaissances et des techniques de laprès guerre. Lune des conséquences de cette transformation de tous les champs de la société aura été pour lécole la transformation de ses structures, dans un souci délévation du niveau de formation et dadaptation des programmes. Se sont alors constituées des didactiques des disciplines singulières, avec leurs problématiques et leurs concepts propres.
Cest ainsi que J.-P. Astolfi et M. Develay (1989), situent dans la publication dun premier ouvrage en didactique des sciences expérimentales, Lélève et/ou les connaissances scientifiques (A. Giordan et al., 1983), laffirmation somme toute récente de la place de la didactique en tant que discipline intégrant deux types de réflexion, de nature épistémologique et psychologique. Les auteurs écrivent ainsi, en conclusion de lavant-propos : « doù sans doute, loriginalité de cette recherche, non exhaustive bien sûr, mais qui tend à mettre en relation, sur un même domaine scientifique, lapproche épistémologique, lanalyse de processus dapprentissage et les conditions dappropriation de celui-ci » (Ibid.).
113. Epistémologie
Lhistoire de la didactique montre ainsi quelle est une discipline multiréférentielle, empruntant à des disciplines extérieures à son champ. Cela se vérifie dautant plus si, comme le précisent M. Develay (1992), J.-P.Bronckart et J.-L. Chiss (2005), lanalyse des systèmes didactiques doit prendre en compte les contextes politique, culturel et sociologique, et donc sappuyer sur les domaines de recherche correspondants. Cette image de carrefour est commune chez les didacticiens évoquant leur discipline.
Cependant, la didactique ne saurait être réductible à lun des champs de recherche dans lesquels elle puise des outils et certains concepts. Cela pose ainsi la question de son statut épistémologique.
La didactique est, pour M. Devalay (1992), un science de la connaissance, au statut de discipline outil puisquelle offre aux Sciences de léducation une problématique axée sur le rapport au savoir. Se proposant, par lanalyse théorique, de concevoir des outils pédagogiques opérationnels, applicables sur le terrain et en articulation avec celui-ci, elle peut être encore considérée comme une science appliquée, une « science action » (L. Cornu et A. Vergnioux, 1992) en recherche defficacité et comme telle susceptible de transformer les pratiques scolaires. Elle nous apparaît donc comme une démarche mixte, à la fois théorique et pratique, une techno-science (J.-P.Bronckart et J.-L. Chiss, 2005). Par ailleurs, se pose le problème du lieu de rattachement à lune des disciplines de référence sintéressant aux trois axes des situations didactiques que sont enseigner, former, apprendre : dès lors, la didactique doit-elle plutôt sancrer dans la discipline particulière dont elle étudie lépistémologie, ou bien doit-elle dépendre de la pédagogie, ou bien encore doit-elle constituer une sous-discipline de la psychologie cognitive ?
Si le rôle de la didactique sest affirmé, depuis maintenant une vingtaine dannées, sa structure et son étendue semblent cependant encore en cours de constitution. En témoignent les problèmes non totalement résolus de délimitation de son domaine dapplication avec celui de la pédagogie dune part, et avec la possible émergence, à partir des didactiques, du didactique dautre part.
Sagissant de sa distinction avec la pédagogie, nous suivrons M. Altet (1994) pour penser que si la gestion de linformation, la structuration du savoir par lenseignement et leur appropriation par lélève relèvent de la didactique, alors « le champ du traitement et de la transformation de linformation en savoir par la pratique relationnelle et laction de lenseignant » appartiennent au domaine de la pédagogie. Les deux fonctions didactique (gestion de contenus) et pédagogique (gestion des événements en classe) sont dailleurs remplies de manière complémentaire par lenseignant, la première se produisant en amont du cours, dans un temps fictif, et la seconde dans le temps réel du cours, lors des interactions suscitées par la situation denseignement-apprentissage.
La question de lémergence possible dune didactique générale se heurte quant à elle à lidée selon laquelle tout concept uvrant à lintérieur dun domaine particulier ne peut être opératoire quà lintérieur de ce domaine. Cependant la migration des concepts issus des didactiques disciplinaires est bien réelle et reste assez féconde, accréditant lidée de pouvoir définir un cadre conceptuel commun à différentes disciplines.
114. Objets, tâches et outils conceptuels
A lintérieur de chaque discipline, apparaît en effet de manière analogue un triple champ dinvestigation corrélant les axes déjà mentionnés du triangle didactique. Pour chacun de ces champs, il est possible didentifier quelle orientation disciplinaire se dessine, quelle tâche se présente au didacticien et quels sont les outils conceptuels susceptibles dêtre réinvestis dans des disciplines différentes.
A laxe reliant les pôles Elève-Savoir correspond ainsi une entrée par la psychologie cognitive dans une logique dappropriation des savoirs. Sont examinées lacquisition des contenus en classe par lapprenant, la manière dont les élèves les utilisent et se les approprient, la façon dont ils se les représentent (M. Altet, 1994). Les concepts de représentation (ou conception), dobjectifs-obstacles et dopération mentale sont issus de ces recherches.
Laxe reliant les pôles Maître-Elève nécessite, dans une logique des relations, lapproche dune ingénierie pédagogique, distincte de la pédagogie en ce sens quelle réfère un ensemble de techniques permettant lenseignement (communication, technologies auxiliaires) (M. Develay, 1992), ou encore une attention portée à la situation de formation, à ses contraintes et à ses règles (P. Meirieu, 2005). Cette recherche a notamment produit le concept de contrat didactique.
Enfin, pour interroger laxe Enseigner, reliant les pôles Savoir et Maître, sera convoquée lépistémologie de la discipline considérée. Dans une logique de savoir, elle interroge lorigine, la structure et les méthodes délaboration du savoir à enseigner. Les concepts utilisés sont la transposition didactique, les réseaux conceptuels et les niveaux de formulation.
Cest cette dernière entrée que nous choisirons pour vérifier si une didactisation de la matière de lInformation-documentation est envisageable, au travers dune exploration préparatoire mobilisant des opérations didentification, de référencement, de structuration et de transposition à propos de ses contenus discursifs.
12. La dimension épistémologique de la didactique comme cadre théorique pour servir à la délimitation dun champ de savoirs à enseigner en Information-documentation
Dans lambitieux projet collectif consistant à élaborer une matière denseignement de lInformation-documentation, lapproche épistémologique, dun point de vue didactique, nous a paru constituer une priorité, et ce pour une raison bien simple : en labsence de contenus conceptuels, i.e. de grain à moudre, les autres approches, psychologique et « pédagogique » (ou relevant dune ingénierie pédagogique) risqueraient fort de tourner à vide. Comment sinterroger sur les conditions dappropriation de ces contenus, ou sur la mise en uvre des conditions de leur transmission dans des situations didactiques tant que ceux-ci ne sont pas déterminés, analysés et organisés ? La première démarche consiste donc à faire émerger ces contenus de lactuel brouillard qui enveloppe et dissimule la part déclarative des objets de connaissance de lInformation-documentation. Cette première opération, dans la mesure où elle concerne lorigine et lélaboration dun savoir (à enseigner) en vue de le structurer, concerne donc spécifiquement la dimension épistémologique de la didactique.
Le didacticien, selon J.-L. Martinand (1996), exerce une responsabilité vis-à-vis de sa discipline et des contenus de celle-ci, engageant sa vigilance sur leur authenticité, son implication dans leur création continuée ainsi que sa compétence pour en garantir la pertinence. Parmi ces quelques principes déontologiques exprimant le rôle de laction épistémologique du point de vue du maintien dune cohérence entre le projet social déducation et le projet didactique, nous retiendrons particulièrement celui concernant la création continuée. Il montre combien les savoirs scolaires ont besoin dêtre renouvelés, recréés, pour demeurer en adéquation avec la dynamique des sciences dune part, et avec les attentes de la société dautre part. On pourra également penser, avec Y. Chevallard (1985), quil sagit avant toute chose de rompre lautarcie du savoir enseigné tout en le maintenant à bonne distance entre les savoirs savants et des savoirs banalisés. Mais cette création, avant que de devenir création continuée, doit trouver à soriginer à lintérieur dun champ qui reste à délimiter et à semer.
Ce sera là notre première préoccupation, afin notamment de pouvoir disposer de suffisamment de matière pour faire fonctionner quelques outils épistémologiques qui seront convoqués dans cette intention.
13. Problématisation : la question de la mise en forme scolaire
Lapproche épistémologique des savoirs à enseigner consiste donc à prendre ceux-ci comme objets détude, et à les soumettre à un certain nombre de questions. Nous retiendrons en un premier temps celles qua proposées léquipe interdisciplinaire réunie par Louis Legrand dans le cadre des activités de la section Sciences et Environnement de lINRP et dont les travaux ont été réunis sous la direction de André Giordan (1983).
Ces auteurs, dans leur avant-propos, présentent en effet « une approche reposant sur un corpus dhypothèses pédagogiques, étayées par des approches épistémologiques et institutionnelles du savoir ». Insistant sur limportance dune analyse du contenu conceptuel dans le but daider les professeurs de sciences à ne pas se satisfaire de représentations issues dune imagerie, ils préconisent de développer une approche épistémologique sur les concepts concernés à partir du questionnement suivant :
1- Historiquement, comment ces concepts se sont-ils constitués ?
2- Comment évoluent-ils dans le cadre des recherches actuelles ?
3- Comment est-on passé dune formulation à une autre, en fonction de quels types de
problèmes à résoudre, de quelles modifications de paradigmes, ou dintérêts
idéologiques ?
4- Dans quelles structures ou champs prennent-ils leur signification ?
5- Existe-t-il une hiérarchisation des concepts dans le cadre dune discipline ?
6- Sont-ils des instruments de recherche ou des produits terminaux ?
Le champ dinvestigation ouvert par ces quelques questions est vaste puisquil consiste à se saisir du concept dans ses réalités multidimensionnelle et fonctionnelle en le reliant dune part à son histoire (1, 3), à une (ou des) référence(s) scientifique(s) (2, 3), au sujet cognitif (6) et même aux autres concepts appartenant au même champ (5), et dautre part, en éprouvant son potentiel opératoire (4) et sa plasticité (3). Transparaissent alors, au travers de ce questionnement, quelques unes des lignes directrices qui sous-tendent le projet didactique délaboration des savoirs scolaires : lhumanisation, la relativité et l « instrumentalisation » des concepts. On peut en effet inférer des premières questions le dessein de recontextualiser, voire de (re)personnaliser le concept, en retissant autour de lui toute une culture scientifique faite dhistoire et dévolutions sociale et politique. Il sagit dun processus dhumanisation des concepts, et au-delà, des sciences, au motif que ceux-ci sont avant toute chose des uvres issues dun projet humain. Le souci de relativiser la portée du concept scientifique, ensuite, se révèle dans les notions dévolution et de transformation dune part, de champ dapplication et de hiérarchisation dautre part. Tout savoir nest pas une vérité en soi, mais doit être appréhendé comme une construction continuée, dépendant dun contexte donné pour éprouver sa validité. Enfin, apparaît la préoccupation qui consiste à faire dun concept un instrument au service de la résolution de problèmes et de projets : le savoir est à la fois lhorizon et le chemin pour y parvenir.
Les perspectives tracées par ce questionnement dinspiration épistémologique sont toutes de nature à délimiter, à structurer et à intégrer le champ dune matière denseignement dans une écologie des connaissances. Nous ne conserverons de celles-ci cependant, dans le cadre restreint de cette étude, que les trois dernières, pour la raison quelles pourraient permettre une structuration des contenus ainsi quune définition du statut des concepts retenus. Nous les ferons nôtres en les reprenant sous la forme suivante :
- Quest-ce quun concept ? Comment distinguer un concept dune notion ?
- Y aurait-il un parti à tirer de cette distinction pour mieux comprendre les savoirs ?
- Quels seraient les concepts organisateurs de lInformation-documentation ?
- Comment regrouper certains concepts dans des champs de signification qui soient
opératoires pour le maître et pour lélève ?
Afin de compléter ce questionnement, nous nous intéresserons aux propositions de J.-P. Astolfi et de M. Develay telles quelles sont livrées dans le chapitre dédié aux réflexions épistémologiques de La didactique des sciences (1989). Pour ces auteurs, qui faisaient partie du groupe de chercheurs animé par A. Giordan six ans plus tôt, la réflexion pédagogique, en proposant « un examen de la structure du savoir enseigné », permet de :
1- repérer les principaux concepts qui fonctionnent dans la discipline ;
2- analyser leurs relations ;
3- identifier les rectifications respectives de sens qui se sont produites dans
lhistoire de ces concepts, et les obstacles qui ont été levés dans leur
construction ;
4- rendre compte des modalités de leur introduction dans lenseignement ;
5- examiner le fonctionnement social de ces concepts ;
6- étudier les notions de trame conceptuelle, de niveaux de formulation, de
transposition didactique, de pratiques sociales de référence.
Certaines idées sinscrivent dans le prolongement du faisceau de questions précédentes, telles le recours à lenquête historique pour comprendre lévolution des formes des concepts dans leur enchaînement logique (3), ou leur inscription dans le champ social (5), ou encore linvitation à considérer la nature des relations que ces concepts entretiennent (1, 2).
On relèvera par contre la marque prononcée de linfluence de Gaston Bachelard (3), avec la reprise de concepts tels que ceux dobstacle épistémologique et de rectification continuée, ou bien dans la reprise de cette idée de relativité dun savoir pris dans le mouvement de la pensée humaine et qui fait écrire à M. Fabre (1992) qu « une notion nest pas le substitut dune chose, [mais] un moment de lévolution dune pensée ».
Enfin, apparaissent des outils conceptuels de la didactique, livrés ici avec lénoncé de la tâche à accomplir. Ils peuvent être soit donnés explicitement, tels ceux de trame conceptuelle, de niveaux de formulation, de transposition didactique ou de pratiques sociales de référence, soit figurer de manière implicite, tels ceux de concept intégrateur (1), de réseaux conceptuels (2) ou de transposition didactique (4). Une énumération aussi précise témoigne sans doute, comme le prétendent les auteurs dans cet ouvrage, de laffirmation de la didactique comme discipline particulière, équipée de concepts qui lui sont propres. Rappelons que louvrage date de 1989.
Quoi quil en soit, nous retirerons de ces dernières propositions deux nouvelles questions ainsi que lassurance de pouvoir disposer doutils spécifiques à la didactique des disciplines pour envisager des réponses à des questions qui ont déjà émergé du questionnement précédent. Les questions nouvelles que nous retiendrons sont celles-ci :
- A quelles sources puiser les savoirs de référence de lInformation-documentation ?
- Comment aménager des points dentrée à ces concepts pour les élèves ?
Quant aux outils conceptuels, nous nous saisirons plus particulièrement de ceux de :
- concept, pour vérifier le statut épistémologique des contenus info-documentaires,
faciliter leur sélection et apprendre à les manipuler ;
- transposition didactique, pour répondre à la question de la référence des concepts
info-documentaires ;
- concept intégrateur, en lien avec lidée dune possible structuration verticale des
concepts ;
- réseau conceptuel, pour questionner la pertinence de leur structuration horizontale ;
- niveau de formulation, pour tester la capacité de ces concepts à fournir des accès au
processus dappropriation progressive des élèves.
Ainsi le questionnement proposé prendra trois directions distinctes et complémentaires :
1. la question de la référence, pour ce quelle nous conduit à lorigine des savoirs à enseigner et nous donne à délimiter leur champ ;
2. la question de lidentification des concepts, pour ce quelle nous révèle de leur nature épistémologique et nous apprend à les définir ;
3. la question de la structuration, pour ce quelle nous invite à voir de lorganisation interne des concepts et des relations quils tissent entre eux de façon à faire de cette matière lun des textes possibles du savoir.
En somme, et si tant est quune telle chose soit concevable et puisse être risquée, il sagira de décrire ce qui nexiste pas encore. Et duvrer comme si la forme quimprimait loutil à la matière pouvait avoir quelque chose à voir avec une production de sens. Il faudrait alors jouer de cette idée selon laquelle la forme pré-existe dans la matière et quun sens peut jaillir de la seule émergence de celle-ci.
Lentreprise consistera donc à identifier, définir, référer et structurer la matière info-documentaire afin de la rendre sensible et de prouver son existence. Nous ferons nôtre cette hypothèse selon laquelle le façonnage par les outils didactiques, outils animés par un projet épistémologique, pourrait produire, à partir de cette matière informe et implicite quest aujourdhui la Documentation, une matière denseignement, i.e. participant de la forme scolaire et de lexplicitement transmissible.
La mise en forme dune donnée dans lintention de produire du sens, nest-ce pas cela qui crée justement de linformation ?
Avertissement
Tout au long de cette présentation du travail, nous avons conscience de nous être adossé à une représentation monolithique de la didactique, alors que nous avons précédemment signalé le débat existant entre les didactiques des disciplines et le didactique, expression de lessence dune possible didactique générale. Nous avons agi en cela pour plusieurs raisons. La première incline tout simplement vers la commodité, tandis que la deuxième se réfugie avec une égale facilité derrière lexemple quont donné les auteurs cités à lappui de ce questionnement. Dans les deux cas en effet, lemploi du terme didactique, en tant que substantif féminin, fait référence à un usage consensuel présenté comme le produit, chez A. Giordan (1983), de la pensée dune équipe pluridisciplinaire et, chez J.-P. Astolfi et M. Develay (1989), de lidée dun pôle disciplinaire commun (les disciplines scientifiques) tel que peut lexprimer le titre de louvrage. La troisième raison, que nous espérons plus solide, se réfère à un consensus plus vaste encore, qui sest fait autour de lidée que quelques concepts issus des travaux dune discipline particulière avaient, en migrant, soit résisté soit évolué vers une forme plus stable tout en demeurant opérationnels. Cest précisément le cas des concepts proposés par J.-P. Astolfi et M. Develay.
LInformation-documentation, en qualité de domaine affilié aux Sciences de linformation et de la documentation, a par conséquent prétention à être abordée en qualité de science. Nous postulons ainsi que les concepts didactiques des sciences peuvent lui être également administrés, et ce, indépendamment du statut épistémologique des ces sciences. Il sera nécessaire, dans une phase ultérieure de la recherche, de vérifier si, en effet, le traitement appliqué aux sciences dites formelles ou empirico-formelles peut lêtre également aux sciences de type herméneutique, selon la typologie rappelée par M. Develay (1996).
Rappelons cependant que le but de cette étude nest pas de prouver la prétention de lInformation-documentation a shonorer de la qualité de science, mais bien de procéder à lanalyse épistémologique dune matière denseignement à partir de ses contenus conceptuels.
Par ailleurs, sagissant du point de vue adopté tout au long de cette démarche, nous voudrions nous situer au regard des trois types que distingue J.-L. Martinand (1996) au sujet des divergences dorientation des didacticiens. Celui-ci reconnaît une orientation normative, incarnée par les inspecteurs, une orientation praticienne et une orientation critique et prospective qui est celle des chercheurs et des innovateurs. Cest dans cette dernière voie que nous situons notre élan, dans la mesure où cette réflexion est non seulement pionnière, mais quelle cherche à ouvrir un champ de réflexion jusque là résolument refusé par une large partie du corps des enseignants documentalistes, pour la raison que la culture professionnelle sopposerait à toute représentation denseignant professant un savoir scolaire.
A ce propos justement, il faut rappeler la division actuelle du corps en groupes professionnels (gestion et pédagogique) dont lun est toutefois particulièrement sensible à lentreprise didactique (cf. I. § 34). Celle-ci est alors considérée comme voie de progrès pour la formation des élèves et comme voie de professionnalisation pour le corps. Mais comment cette entreprise didactique est-elle née et comment évolue-t-elle ? Le groupe des pédagogues est-il cantonné dans une attitude découte passive, ou bien a-t-il déjà produit une réflexion susceptible dinfléchir la recherche ? Dans ce cas, quelles sont les références sur lesquelles il sappuie et quel(s) but(s) vise-t-il ? Quelle est, à lheure actuelle, la mesure de son engagement ?
Il est temps de procéder à un état des lieux de la question didactique du point de vue de la profession aujourdhui.
2. Etat des lieux de la didactique de lInformation-documentation
21. Premiers pas, premières orientations
A la fin des années 80, la réflexion pédagogique professionnelle, centrée jusque là sur la méthodologie de la recherche, amorce une réflexion en profondeur sur la médiation documentaire au service des contenus disciplinaires à partir du postulat de la transversalité des compétences info-documentaires. Mais dès linstauration du CAPES en 1989, une autre voie est ouverte qui tente, dune part, de se dégager de lapproche comportementaliste, et dautre part, de revendiquer une autonomie pédagogique - voire disciplinaire - en la fondant sur des savoirs de référence spécifiques, empruntés à la Science de linformation et dont la finalité serait laccès à la culture informationnelle. Cest lors du 3ème congrès de la FADBEN, tenu à Marseille en octobre 1993, que seront posées les bases de ce qui se présente alors comme le départ dune croisade, tant la notion de didactique de linformation paraît alors « iconoclaste ». Françoise Chapron (1994) et Daniel Warzager (1994) y apportent les bases et les perspectives de la réflexion à venir, au travers dune présentation de quelques concepts didactiques, dont le triangle pédagogique de Jean Houssaye, dune proposition de « contenus disciplinaires spécifiques à la documentation » et dune bibliographie de référence où sont convoquées les figures de la didactique des sciences, telles Michel Develay, Jean-Pierre Astolfi et Gérard de Vecchi, ou encore celle de Britt-Mari Barth connue pour ses travaux sur lapprentissage de labstraction. La même année, mais cette fois-ci du point de vue du concept de médiation documentaire et de la place de lenseignant documentaliste dans le triangle didactique, Séraphin Alava (1993) défend lui aussi lidée dune « didactique de la médiation qui conduit à un savoir construit au travers dun média et favorise la construction dun savoir sur ce média ».
Trois ans plus tard, Annette Béguin (1996) pose, dans un article synthétique, la question dune Didactique ou pédagogie documentaire ? Réalisant, au travers des résistances à lintérieur de la profession et des lourdeurs de linstitution, lutopie dun tel projet, elle nen considère pas moins la documentation comme un « métasavoir » dont lobjet est le document et dont le substrat est fourni par la Science de linformation. Elle résout enfin - provisoirement - la question lancinante de la transversalité en montrant comment, lors dactivités documentaires, lélève est amené à « formaliser peu à peu un savoir documentaire qui traverse toutes les disciplines mais qui a, lui aussi, sa spécificité ».
Lannée suivante, paraît un article de référence en la matière, signé de Jean-Louis Charbonnier (1997), Les « apprentissages documentaires et la didactisation des Sciences de linformation ». Sur un ton ferme et un mode résolument propositionnel, lauteur compte sur lenseignement des notions documentaires pour faire restituer à lapprenant le sens de son apprentissage, lequel est « un processus partant de lactivité des élèves qui doit les conduire à une représentation de cette activité, à sa compréhension et à celle des objets de savoir concernés ». Dun autre côté, il renvoie vigoureusement le certifié de documentation à sa responsabilité denseignant, laquelle sapplique autant à la création de séquences non magistrales quà son devoir dévaluer les acquisitions de ses élèves. Il propose surtout lexamen de quelques notions telles quelles pourraient être tirées de la transposition didactique des Sciences de linformation et de la documentation : source, référence documentaire, fichier, langage documentaire, champ et réseau sémantique, pertinence et condensation de linformation. Les conditions de leur acquisition sont également précisées.
Les années suivantes sont dominées par le travail de Françoise Chapron (1997, 1998, 1999), maître de conférences à lIUFM de Rouen, qui consacre deux articles, ainsi quun important chapitre de son ouvrage sur Les CDI des lycées et des collèges à cette réflexion, en appui des travaux précédemment cités. Ce chapitre, intitulé « Vers une didactique de linformation-documentation ? », aborde en premier lieu le statut épistémologique de linformation avant de présenter une liste conséquente de savoirs déclaratifs tels que : information, système dinformation, support, typologie des documents, codage de linformation, etc., venant ainsi compléter linventaire commencé par Jean-Louis Charbonnier. Larticle paru dans la revue Inter CDI, quant à lui, montre que les référents conceptuels de la didactique en information-documentation sont au confluent de deux champs de recherche, les Sciences de linformation et de la communication dune part, et les Sciences de léducation dautre part, ce qui représente un acquis nouveau. Cest ainsi quest mise à profit lapproche de Michel Develay pour travailler la structuration des contenus denseignement à partir de deux processus essentiels, laxiologisation, ou appropriation des valeurs et des finalités en jeu, et la didactisation. Enfin, larticle de Clés à venir (1997) donne une liste fournie et déjà hiérarchisée de notions info-documentaires. De plus est lancée lidée dorganiser ces éléments en réseaux notionnels.
Outre Atlantique, Paulette Bernhard (2001-2005), professeur honoraire à lEcole de bibliothéconomie et des Sciences de linformation (Université de Montréal) engage en 1998 une réflexion sur les modèles disponibles de la recherche d'information. Pour mener à bien le but fixé, à savoir la constitution de Tests dIdentification des Compétences Informationnelles (Projet TICI), ce chercheur tente de sappuyer sur les descriptions des habiletés et des compétences pour construire « des énoncés et des mises en situation permettant de les mesurer le mieux possible en tenant compte de la clientèle de la formation » (Bernhard, 2001). Est alors délimité un univers informationnel structuré en six grands ensembles : cycles et flux de linformation, information primaire, sources de référence, sources secondaires et outils pour le repérage, personnes ressources, espaces et gisements informationnels. Ces ensembles regroupent quelques 70 notions constituant un cadre conceptuel proposé pour la rédaction dénoncés et destiné à des élèves de 10 à 18 ans.
Il est difficile de mesurer limpact de ces publications sur le terrain des CDI. Cependant, ces premières approches réflexives connaissent une concrétisation par la publication, en 1999, dobjectifs de formation et de séquences dapprentissages documentaires directement utilisables par les enseignants documentalistes. Elaborées par le groupe de réflexion des professeurs documentalistes de lacadémie de Rouen (dont fait partie Françoise Chapron), les 30 séquences proposées présentent toutes un nombre restreint de notions sélectionnées pour être acquises par les élèves selon une progression des apprentissages de la 6ème à la terminale (Rouen, 1999). Chaque séance permet alors de distinguer la phase des apports théoriques de celle de la mise en activité des élèves. Cette articulation des connaissances déclaratives aux connaissances procédurales rend compte de laspect syncrétique de la compétence. Les notions en question ne font cependant lobjet daucune explicitation.
Cest lépoque, ne loublions pas, où la profession se dote doutils référentiels de compétences inspirés du prototype français de la FADBEN (1997). Une floraison de ces outils va naître qui va consacrer la thèse selon laquelle les contenus info-documentaires se limitent à des compétences comportementales dordre transversal. Dans ce contexte pourtant restreint, une équipe denseignants documentalistes de lacadémie de Nantes, en 1999, tente un modeste inventaire des notions de références regroupées autour de six notions de base et articulant compétences et exemples de mise en uvre selon différents niveaux (P. Duplessis, 1999) (cf. Annexe I. 5). Est introduite dans cette présentation une distinction entre notion et connaissance. La première réfère au principe (ex. notion de nature de document, notion de langage documentaire), tandis que la seconde renvoie à des objets et à des faits (ex. connaissance des natures des documents, connaissance du thesaurus). Cet essai restera cependant un cas unique, les avancées en la matière sopérant plus particulièrement dans la noosphère, tandis que les attentes des professionnels se situent plutôt dans le registre de la pragmatique.
Pour clore cette décennie qui aura assisté aux balbutiements dun corpus de savoirs théoriques info-documentaires, une nouvelle proposition de J.-L. Charbonnier paraît sur le site dune organisation syndicale et invite à débattre des « contenus dapprentissage en Information-documentation ». Il revient sur le fait quaucune pratique réfléchie des médias nest prise en compte par lécole, laissant penser que leur usage est naturel et se suffit dune acquisition sur le mode empirique. Ce rapport à linformation ne peut que creuser les inégalités entre les élèves dont les familles entretiennent avec les moyens de communication sociale des relations très diverses. La pédagogie documentaire, dans la mesure où elle dépasserait les notions de compétence et de savoir faire pour identifier et faire construire aux élèves les savoirs en arrière plan, représente une réponse à ces lacunes dans léducation. Les pistes dessinées trois ans plus tôt sont alors reprises pour être fermement précisées et balisées par trois regroupements ainsi quune hiérarchisation entre notions primaires et secondaires.
22. Une nouvelle impulsion au tournant des années 2000
Le tournant des années 2000 semble apporter une nouvelle vitalité au courant didactique de la profession. Sous limpulsion du nouveau CAPES qui entre en application lors de la session 2001, est précisé un corps de connaissances qui permet, au concours, dévaluer à présent des compétences et des connaissances propres au champ concerné et non plus, comme précédemment, pour moitié aux autres disciplines dappartenance des candidats. Cette réforme a pour double effet de dé-vassaliser la filière Documentation des disciplines instituées et de la rattacher fermement à la Science de linformation. De fait, sont publiés au Bulletin officiel les programmes concernant les épreuves dadmissibilité et dadmission de la section Documentation. Outre un chapitre consacré à la connaissance du système éducatif et un autre au rôle et à lorganisation de la documentation dans létablissement scolaire, sont exigées et mentionnées, bien que sommairement, des connaissances générales en Sciences de linformation, de la communication et de la documentation, des connaissances techniques du traitement documentaire et des systèmes dinformation, ainsi que des méthodes de recherche, de traitement, de classement et dexploitation de linformation (Annexe I. 6)..
Fort de cette avancée significative, Yves Le Coadic (2000), professeur de Science de l'information au Conservatoire national des métiers, publie dans un article témoin trois séries de propositions de programmes, la première intéressant la classe de seconde, la deuxième pour les épreuves du CAPES, et la troisième pour celles dune agrégation de Sciences de linformation et de la documentation. Selon lui, le nouveau recrutement denseignants documentalistes exigeant des candidats des compétences scientifiques et pédagogiques en Sciences de linformation et de la documentation, cette discipline devrait par conséquent être enseignée dans les CDI des lycées et collèges. Le programme proposé aux classes de seconde comporte quatre modules répartis sur un volume de 68 heures : Eléments de Science de linformation ( 7 heures) ; éléments de technologie de linformation (11 heures) ; éléments de méthodologie de linformation (11 heures) ; Exercices dapplication (6 heures).
Deux ans plus tard, cet auteur rédige un Manifeste pour lenseignement de linformation composé de sept chantiers qui permettraient de construire la discipline Documentation (Y. Le Coadic, 2002-a, 2002-b). Il y dénonce la doctrine officieuse et le discours ambigu de linstitution selon lequel cette discipline, alors quelle est expressément convoquée, mais de manière informelle, ne figure dans aucune instruction officielle : « On entretient ainsi le mythe dune discipline ascolaire. Malgré tout, ajoute-t-il, au fil des années sest développée une scolarisation rampante et non assumée de linformation, mais une mauvaise scolarisation faite dinitiations, de sensibilisations, de formations (soi-disant) à la maîtrise de linformation ». La question des contenus devient ainsi une pierre dachoppement à partir de laquelle linstitution se trouve interpellée. De plus, elle se voit étroitement corrélée à la question de lexistence de la discipline sans quune réelle discussion à lintérieur de la profession nait eu lieu qui pourrait démêler les diverses conceptions relatives à la discipline.
Avant lui, en 2001, Daniel Warzager, président de la FADBEN-Créteil, et auteur remarqué de La documentation, indiscipline scolaire publié en 1995, adresse à Jack Lang, alors ministre de lEducation nationale, une lettre ouverte pour demander à ce quil soit mis fin à « linsoutenable inconsistance de la transmission de la culture de linformation à lEcole » (D. Warzager, 1995, 2001). La nation a, depuis quelques années déjà, engagé son école à entrer dans la société de linformation. Il a paru dès lors légitime à cet auteur despérer de linstitution quelle se donne les moyens de relever ce défi et missionne à ce propos ses fonctionnaires les plus qualifiés. Un plan durgence est alors proposé comme base pour des négociations souhaitées, au rang desquelles figurent « la transposition didactique des savoirs universitaires, [la] mise au point de corpus de connaissance et [la] détermination dhoraires intégrés à lensemble du cursus scolaire des élèves ». Le débat sur la question de la discipline sélargit donc ici, à partir de lidée de la transmission dune culture, à la priorité accordée à un enseignement obligatoire.
Accès à la culture de linformation, maîtrise de linformation, conditions nécessaires à lentrée dans la société de linformation, deviennent alors des syntagmes communs de moins en moins définis mais de plus en plus utilisés. Largumentation se nourrissant de poncifs tels que linéluctable marche en avant du progrès, lavènement du village planétaire, louverture des frontières à la démocratie et le sempiternel retard de la France, semble à la profession autant décrans opaques pour éluder la question. Cest pourtant cette approche-là que tente louvrage de Frédérique Marcillet, Recherche documentaire et apprentissage : Maîtriser linformation (F. Marcillet, 2000). Lauteur sattache à définir la maîtrise de linformation comme vecteur de rapprochement efficace et nécessaire entre lacquisition des connaissances (instruction) et la construction de lautonomie (éducation). A partir de létablissement du lien cognitif entre lapprentissage en général et la recherche documentaire en particulier, il lui est possible de proposer lidée selon laquelle la transversalité est à la fois le paradigme des apprentissages disciplinaires et celui de lenseignement de la maîtrise de linformation. Cela posé, le point de vue de la didactique est convoqué. Si la démarche documentaire est un moyen pédagogique au service des acquisitions disciplinaires, « cette pédagogie requiert elle-même des connaissances théoriques et pratiques qui conduisent à parler dapprentissages documentaires, faits de compétences et de connaissances dont la quantité saccroît avec le développement technologique des outils de linformation. Leur connaissance relève de linstruction et de la culture des élèves ». Sappuyant à son tour sur les travaux de Michel Develay, Frédérique Marcillet cherche à définir une matrice disciplinaire et à lasseoir sur des champs universitaires que sont dune part la Science de linformation, concernant la maîtrise de linformation, et dautre part, les sciences du langage, sagissant de saisir linformation dans son enjeu de communication. A titre dexemple sont listées quelques notions et connaissances présentées dans un tableau et regroupées autour de trois concepts intégrateurs, lesquels révèlent les contours dune matrice disciplinaire. Ce travail constitue ainsi une première ébauche substantielle de ce que pourrait être le chantier didactique qui attend la profession. Il a par ailleurs lintérêt louable de tenter une conciliation de ce qui paraît devoir être opposé, à savoir dun côté la didactique, attachée à lidée de la spécificité des connaissances info-documentaires, et de lautre la transversalité qui, à linverse, autorise lintégration de celles-ci dans les champs disciplinaires institués.
Refusant le postulat de la transversalité, qualifiée dhasardeuse, de même que celui dautonomie en matière de recherche documentaire, qui se traduit sur le terrain par de la débrouillardise, Muriel Kawa-Frisch, en 2002, propose à la documentation de « construire une spécificité, un corps plein et distinct, sans exclure pour autant le principe dinterdisciplinarité » (M. Kawa-Frisch, 2002). Y est défendue lidée que la Documentation possède sa propre substance, en loccurrence une histoire, un ensemble de pratiques originelles et de savoirs théoriques. Ceux-ci sont déclinés en notions et concepts, tels que techniques documentaires, information, document, outils documentaires et langage documentaire. Ces propositions sont largement explicitées et étayées dans louvrage quelle consacre lannée suivante aux Evolutions de la documentation et dont le sous-titre, Naissance dune discipline scolaire exprime bien lintention (M. Frisch, 2003). Loriginalité et, par conséquent, la nouveauté de cet apport, est de situer la didactisation de la documentation au carrefour, dun côté, de plusieurs savoirs de référence (Science de linformation, Sciences du langage, Sciences de la communication), et de lautre, de pratiques sociales de référence (J.-L. Martinand, 1986) aussi bien professionnelles que domestiques dans leur dimension pratique dactivité documentaire. Par ailleurs, la large place qui est accordée à lémergence sociale de la documentation et à ses origines historiques (archivistique, bibliothéconomie, bibliographie, bibliologie, documentologie) apporte cette part de légitimation indispensable à lépistémologie dune discipline, dans la mesure où celle-ci, en tant que construit, incorpore des héritages qui la caractérisent, la différencient et la déterminent dans son présent et dans ses perspectives.
La contribution apportée au site national SavoirsCDI par Céline Duarte-Cholat (2002) cette même année marque une pause en ce sens quelle fait un premier état des lieux de la situation et de la discussion. La question qui est posée à la documentation, « quels contenus et méthodes denseignement » est présentée ici comme prenant place dans lévolution naturelle dun parcours de professionnalisation jalonné par la création des CDI, laffirmation du rôle pédagogique (les circulaires de missions de 1977 et de 1986), lintégration des TIC dans les CDI et la création du CAPES. A nouveau, lélaboration et les contenus de cette épreuve assurent un lien solide entre la certification au professorat et létablissement de savoirs informationnels spécifiques de la documentation. En quelque sorte, et en faisant la part belle à la Science de linformation, le CAPES est présenté comme un outil de légitimation de lancrage pédagogique et didactique de lenseignant documentaliste. Aussi note-t-elle, de manière sans doute optimiste, qu « aujourdhui, il semblerait quun grand nombre de professionnels de linformation saccordent à dire que la documentation doit être considérée comme une discipline denseignement ». Si les pratiques sociales de référence sont à nouveau convoquées dans la création de cette didactique, aucun contenu conceptuel nest cependant précisé. Il nen reste pas moins que, pour cet auteur, « la didactisation des apprentissages documentaires a pour ambition, à travers la médiation du document et de linformation, de créer des conditions de construction du savoir par lélève ». Il est à remarquer que les avancées significatives apportées ces dernières années par Frédérique Marcillet, Muriel Frisch et Céline Duarte-Cholat dans lélucidation des conditions auxquelles il convient de soumettre la Documentation pour en faire lobjet dune réflexion didactique, sont le produit de travaux de thèse menés en Sciences de léducation, et non pas en Science de linformation.
23. Apparition dun nouveau concept : le curriculum
Le curriculum est un concept organisationnel qui pénètre le champ de la réflexion en Information-documentation sous limpulsion de Jean-Louis Charbonnier, à partir de 2003. Dans ses contributions, lauteur interpelle à nouveau linstitution afin quelle prescrive explicitement un « ensemble cohérent de contenus et de situations dapprentissage mis en uvre dans une progression déterminée » (J.-L. Charbonnier, 2003-a, 2003-b). Dintroduction relativement récente, ce concept provient, via les travaux que lui a consacrés Jean-Claude Forquin (1989) dans les années 80, de la sociologie de léducation des pays anglophones qui la fait émerger entre 1960 et 1985. Le curriculum désigne une approche organisationnelle de léducation qui privilégie la question des contenus et la manière dordonner ces contenus dans les cursus des élèves. On saisit alors pourquoi cette appellation reçoit un accueil bienveillant de la part des pionniers de la didactique de la Documentation, puisquelle présente un modèle susceptible de répondre aux exigences impliquées dans lintention didactique, à savoir une systématisation et une progression raisonnée dapprentissages à dominante conceptuelle. Le 7ème congrès de la FADBEN, qui sest tenu à Nice en avril 2005, sest fait lécho de cette nouvelle proposition. Sa thématique générale étant la formation des citoyens, une table ronde dirigée par Colette Charrier-Ligonat a apporté des arguments Pour un curriculum en éducation à linformation. Y étaient notamment invités Jean-Louis Charbonnier, Alexandre Serres et moi-même (FADBEN, 2005). Il y apparaît notamment quun curriculum, dans la mesure où il présente un programme complet denseignement fondé sur un ensemble de savoirs fondamentaux, fournit le cadre nécessaire à la construction dune spécificité disciplinaire.
Pour autant, les contenus conceptuels de la documentation tardent à être dégagés et identifiés. Sans eux pourtant, toute prétention à introduire la didactique de la documentation au rang dune didactique disciplinaire est vouée à nêtre perçue par ladministration et par une partie du monde universitaire que comme lexpression du seul malaise identitaire de la profession. Cest le reproche que fait justement Paulette Bernhard (2003), professeur à lEcole de bibliothéconomie et des Sciences de linformation de Montréal, dans une contribution à la revue Esquisse qui consacre un numéro en 2003 à léducation à linformation. Cet article a donc pour ambition de présenter les Perspectives sur léducation à linformation. Semparant de la question de « la tentation de la disciplinarisation de linformation-documentation », elle rappelle que les champs notionnels correspondants ne sont pas suffisamment clarifiés : « ainsi, les notions d information, de traitement de linformation, d utilisation de linformation et de recherche dinformation sont-elles différentes selon langle dobservation utilisé, disciplinaire (informatique, sciences cognitives, science de linformation, théories de lapprentissage, sémiologie, etc.) ou interdisciplinaire ». Ce regard extérieur et lucide pointe ainsi labsence de recherche dans le domaine de lélucidation terminologique et épistémologique des objets de savoir en question, lesquels ne sont pas encore détourés au regard des disciplines instituées ni même clairement identifiés.
Etablir un curriculum, incluant des contenus et des situations dapprentissage et dévaluation, selon une progression allant de la maternelle à luniversité, cest le sens de lappel lancé par les Assises nationales sur Léducation à linformation et à la documentation, clef pour la réussite de la maternelle à luniversité (2003) qui se sont tenues à Paris en mars 2003. Sagissant de la didactique de la Documentation dans le secondaire, Françoise Chapron et Jean-Louis Charbonnier ont pu y exprimer leur position, la première sur « lévolution de la place de linformation-documentation dans lenseignement scolaire », le second à propos de la « place du curriculum en information-documentation dans la formation des élèves, des étudiants et des enseignants ». Un atelier consacré aux enseignements scolaires, co-animé par Colette Charrier-Ligonat, Christiane Etévé, Isabelle Fructus et Yolande Maury a défini plusieurs entrées possibles dans les savoirs : par les TICE, par les médias, par laction et par lévaluation associée à celle-ci. Laccord se fait pour réclamer « un corpus de notions plutôt quun programme ». Cette demande est reprise dans la synthèse de ces deux journées lorsque Gérard Losfeld, au chapitre des perspectives, rappelle « la nécessité dun corps théorique de référence qui doit surplomber les dispositifs [de formation à la culture de linformation], et qui doit permettre de conforter et la légitimité épistémologique des savoirs disciplinaires requis et la légitimité sociale des formateurs ».
Au titre de contribution à ces Assises, remarquons un texte dAlexandre Serres (2003), maître de conférences en Sciences de l'information et de la communication, et co-responsable URFIST Bretagne-Pays de Loire, dans lequel est tentée une explicitation de « la triple dialectique des contenus de formation à la maîtrise de linformation ». La question des contenus de formation est ici appréhendée sous langle de trois principaux clivages régulièrement constatés dès lors que lon sattache à identifier les pesanteurs liées au processus de didactisation : entre formations méthodologiques et formations à linformation, entre didactique autonome et discipline outil, entre formation aux concepts et formation aux procédures. A lévidence, conclut-il, « lune des questions les plus cruciales qui se posent aujourdhui à tous les formateurs est bien la définition, la constitution de ce savoir de base, de ces connaissances formant le socle commun de toute formation à la maîtrise de linformation ». Ce chercheur, dans le prolongement de cette thèse, a donc participé à la table ronde sur le curriculum en éducation à linformation lors du congrès de la FADBEN organisé à Nice en 2005. A cette occasion, il a pu démontrer lintérêt que représentait un curriculum pour « sortir résolument du bricolage méthodologique actuel », à condition que la formation mise en place soit bien systématique, progressive, complète (élargie aux notions comme aux compétences) et enfin scientifiquement fondée, i.e. référée à la Science de linformation.
Ayant pris part à cette table ronde, jai essayé de montrer pour ma part, et au travers dune comparaison entre les référentiels de compétences et le programme curriculaire, comment ces deux cadres pouvaient être distingués de par leurs origines, leurs fonctions et leurs buts. Le premier, cependant, a vocation à devenir un outil au service du second dans lenseignement info-documentaire, à condition de lui laisser sa place dans le volet technique du curriculum. Par ailleurs, attirant lattention sur le fait que certains référentiels articulent des compétences comportementales à des notions, il serait possible de repérer dans ces grilles les prémices de ce corpus de savoirs théoriques restant encore à construire. Enfin, quelques préconisations méthodologiques pour amorcer la didactisation ont été présentées en guise de conclusion (P. Duplessis, 2006-a) (Annexe I. 7).
24. Des chantiers ouverts sur le terrain
Dans laxe tracé par les Assises nationales sur Léducation à linformation et à la documentation, une équipe denseignants documentalistes de lacadémie de Nantes a centré sa réflexion sur lélaboration dune modélisation des activités de recherche d'information en ligne (P. Duplessis, I. Ballarini-Santonocito et al, 2006). En rupture totale avec la représentation classique linéaire progressant par étapes successives, le modèle proposé suit une démarche problématisante, par approximations successives, et une logique itérative et sérielle. Elle met en évidence trois pôles articulant les trois processus dinterrogation, dinformation et dappropriation. Cest à partir des pôles opératoires de ce modèle, à savoir la mobilisation du système documentaire, la sélection-évaluation des ressources et le traitement de linformation, quont été recherchés les concepts quun élève est amené à maîtriser lors dune activité de recherche d'information en ligne. Les résultats ont alors été hiérarchisés en concepts génériques et spécifiques de différents niveaux et ont été représentés sous deux formes différentes, une cartographie et un terminogramme. Les concepts retenus ont été le produit dune dialectique nourrie entre expériences praticiennes et littérature théorique du champ des Sciences de linformation et de la documentation.
Ceci accompli, le besoin de définir avec précision les concepts ainsi dégagés sest fait ressentir. Cest cette nécessité, à la fois conceptuelle et didactique, qui est à lorigine du projet de publication sur le site SavoirsCDI dun Petit dictionnaire didactique de linformation documentation, co-rédigé avec Ivana Ballarini-Santonocito. Lentreprise amorcée ici est vaste puisquelle prétend à terme, et à partir de létablissement progressif dun corpus de concepts info-documentaires, décliner chacun dentre eux selon quatre dimensions complémentaires : la définition stricto sensu du concept (le savoir savant), une discussion sur son processus de didactisation à partir déléments danalyse épistémologique, des propositions de niveaux de formulation et, enfin, des suggestions de scénarii pédagogiques. Ce projet ne se réclame pas comme laboutissement dune réflexion finalisée, mais appellera à un débat autour des propositions concrètes quil émet.
Léquipe de Nantes, poursuivant son exploration des voies possibles de la didactisation des savoirs théoriques info-documentaires, a entrepris cette année lélaboration de conceptogrammes, représentation des réseaux conceptuels organisant un certain nombre de notions autour dun concept pivot (cf. III. § 325). Deux buts complémentaires sous-tendent ce travail. Le premier vise à fournir à lenseignant documentaliste désireux de faire construire tel concept dans sa séquence pédagogique un maillage des concepts qui lui sont immédiatement corrélés. Le cadre théorique repose sur lidée quun concept ne peut se construire indépendamment dautres sur lesquels il sappuie, qui le précèdent ou bien dont il est le nécessaire précurseur. Au-delà de cette application pédagogique concrète, le but est encore de faire apparaître, à partir dun corpus de ces conceptogrammes, un certain nombre de concepts fondamentaux, identifiés à partir de leur fréquence et de leur caractère englobant, ou à fort pouvoir intégrateur. Si ce travail savère probant et fructueux, les concepts ainsi repérés pourraient constituer les éléments structurants dune matrice disciplinaire.
Un autre axe de travail, complémentaire de ceux jusque là évoqués, est mené dans les IUFM de Rouen et de Caen par Nicole Clouet et Agnès Montaigne. Ces formatrices de jeunes professeurs documentalistes, confrontées « au redoutable problème de présenter aux stagiaires PLC2 un corpus enseignable de linfo-documentation », ont entrepris un chantier terminologique dont lobjectif vise lintégration de lenseignement de concepts lors des séances de formation (N. Clouet et A. Montaigne, 2006). Il sagit ici, en partant de la définition dun concept, de décliner celui-ci selon trois niveaux de complexité (Barth, 2002) relatifs aux attendus des classes de 6ème à la terminale (cf. III. § 23). Si le résultat apparaît simple et « évident », il nen contribue pas moins à tracer lune des directions majeures de la didactisation, à savoir lélaboration de progressions assurant la construction graduelle des concepts. Lidée selon laquelle un concept dun haut degré dabstraction et de complexité peut être travaillé dès le plus jeune âge à condition quil le soit en tenant compte du registre de conceptualisation (M. Develay, 1992) de lélève semble à la base de ce travail qui mérite dêtre poursuivi. Le corpus des concepts est également présenté sous forme dun terminogramme organisé selon trois concepts intégrateurs.
Signalons enfin lintention de la FADBEN de publier, dix ans après le Référentiel de compétences élève dont lobjectif était de formaliser des contenus dapprentissages spécifiques en Information-documentation, un nouvel outil de référence qui recentre les apprentissages sur un corpus de notions essentielles à faire acquérir aux élèves. Le travail du groupe constitué, auquel je participe, sinscrit dans une évolution de lanalyse des pratiques qui prend en compte les recherches universitaires. Une soixantaine de notions spécifiques sont ainsi regroupées à partir de sept concepts organisateurs et font lobjet dun traitement définitoire et analytique en quatre parties : un niveau de formulation Terminale / université, une série dexemples et de contre-exemples, lexposé des relations de la notion (relations conceptuelles, hiérarchiques, logiques, disciplinaires) ainsi que des propositions de pistes pédagogiques (cf. Annexe III. 1).
25. Des perspectives universitaires
Quels chantiers de réalisation ou séminaires pour la réflexion viennent nourrir et prolonger ces premiers travaux ? Tout dabord le Colloque Savoirs et acteurs de la formation axe 1, organisé par le Laboratoire CIVIIC de Sciences de léducation de Rouen du 18 au 20 mai 2006, qui a proposé un atelier intitulé Savoirs et information-documentation autour des questions de la définition de ces savoirs, des pratiques sociales desquelles ils procèdent, de leur statut et de leur caractère opérationnel. La majorité des contributions a abordé dune manière directe ou indirecte les problématiques des notions et concepts info-documentaires, ce qui témoigne de la convergence des réflexions actuelles.
LInspection générale « Etablissements et vie scolaire » organise quant à elle, fin août 2006, des Universités dété à lEcole supérieure de lEducation nationale (ESEN) à Poitiers, sur le thème « de l'information à la connaissance ». Lobjectif est de confronter les analyses de chercheurs et de praticiens sur le passage de l'information à la connaissance. Il s'agit ainsi d'interroger aussi bien les théories des apprentissages et les mécanismes de la cognition que les constructions didactiques et les modèles pédagogiques qui en découlent.
Un grand projet, enfin, semble très prometteur. Dans la ligne tracée par les Assises nationales de Paris en 2003, une équipe de recherche technologique en éducation (ERTE) sest constituée sous la houlette dAnnette Béguin, professeur en Sciences de linformation et de la communication à Lille 3. Elle regroupe nombre de partenaires scientifiques, institutionnels du secteur éducatif et universitaire (Laboratoire CIVIIC de Rouen, INRP, URFIST, IUFM et CRDP de Lille) ainsi que la FADBEN, sous lintitulé Culture informationnelle et curriculum documentaire. Lobjectif visé consiste à formuler « un ensemble de préconisations utiles à lélaboration dun programme continu dapprentissages documentaires de la maternelle à luniversité ». Se donnant jusquen 2010 pour remettre ses conclusions, lERTE souhaite procéder à lexpertise des données recueillies dans plusieurs disciplines : les Sciences de léducation, la Science de linformation, la sociologie et la psychologie cognitive.
26. Un bilan fait desquisses : la référence, le cadre et le contenu
Treize années se sont écoulées, donc, depuis la publication des travaux fondateurs du 3ème congrès de la FADBEN. La voie sétait soudainement ouverte aux lendemains de laccès à la certification (CAPES), qui a agi sur la profession tel un formidable révélateur identitaire. La reconnaissance officielle de la mission pédagogique a produit en contrepartie lobligation den appliquer réellement les tenants, en loccurrence lenseignement rationalisé dun savoir bénéficiant à tous les élèves. Leffet délévation du niveau de professionnalisation a donc joué, concrètement pour ce qui concerne la formation initiale assurée par les IUFM, et en tant quidéal dans limaginaire des enseignants documentalistes aspirant à une plus grande maîtrise dun corps de connaissances enseignables.
Cette aspiration à une rationalisation des objets dapprentissages a aussitôt emprunté la voie didactique, influencée en cela par la parution de louvrage de M. Develay, De lapprentissage à lenseignement (1992). A partir de cette lecture, et de celles dautres didacticiens des disciplines, sont tracées les grandes lignes du chantier, demblée inscrites dans toute létendue du triangle pédagogique de J. Houssaye, autre source dinfluence. Afin dexplorer laxe « Enseigner », cette face cachée du triangle, la transversalité sera pensée comme devant dépasser le périmètre confiné de la méthodologie et comprendre la sphère des savoirs documentaires (F. Marcillet, 2000). Le ton de ces premières années est celui de la revendication dune spécificité où le droit à enseigner est assumé.
Lors de ces treize années écoulées ont pu être précisées, ou plutôt construites, quelques unes des questions les plus importantes de cette entreprise : la question de la référence pour ce qui est du regard en amont, la question de la formalisation du but à atteindre, en aval, et enfin la question de la constitution dun corps de connaissances constitutives dune nouvelle matrice disciplinaire.
Si dans les premières années, le rattachement aux Sciences de linformation et de la communication (S.I.C.) semblait naturel et sans discussion, la question de la référence sest progressivement ouverte à dautres affiliations possibles, telles les Sciences de léducation et les techniques de la Documentation. Dernièrement sest même posée la question dun possible emprunt à des pratiques sociales quil conviendrait dexaminer. Est-il aujourdhui possible dattribuer à lInformation-documentation telle ou telle référence ? A quelle(s) source(s) puise-t-elle ses savoirs scolarisables ? La transposition didactique ne sopère-t-elle ici que dans un seul sens ? Cest là une exploration quil nous faudra entamer.
Sagissant de la caractérisation du but que se fixe lentreprise didactique au plan de sa formalisation, et qui se présente sous la forme dun curriculum, on peut remarquer que ce dernier a été récemment proposé sans attirer de réelles protestations. Il a le mérite de faire la lumière sur les aspects consensuels à la profession, tels la nécessité qui se ferait sentir dun enseignement programmé, complet, progressif et systématisé à tous les élèves. Il laisse ainsi dans lombre les ferments de la discorde que contiennent les idées de discipline et de professeur de documentation.
Enfin, et cest ce qui nous retiendra en priorité, lélaboration dun corpus dobjets enseignables a traversé toute cette période comme un fil rouge. Au début, les énumérations désordonnées servaient de preuve à lexistence possible de matière denseignement. Elles ont été par la suite progressivement augmentées et structurées, jusquà ce quelles en viennent aujourdhui à être classifiées et définies.
Ainsi la formalisation dun cadre curriculaire dune part, et la rationalisation dun ensemble de savoirs à enseigner référés à des disciplines universitaires dautre part, marquent la coïncidence et la convergence des voies de professionnalisation et de didactisation de lInformation-documentation.
3. Examen dun corpus de notions candidates
31. Objectifs de létude
La réflexion didactique des acteurs de lInformation-documentation sest à ce jour essentiellement matérialisée par des publications proposant des corpus de connaissances documentaires. Ce sont ces publications dont nous allons nous emparer.
Il est entendu cependant que ces propositions, dune part, résultent dune intention explicitement didactique de la part de leurs auteurs et, dautre part, quelles sont fondées non pas sur lexistence de facto dun savoir savant qui serait déjà fortement découpé, mais davantage sur les représentations que ces auteurs ont des contenus qui devraient être enseignés.
Cela dit, il sagira ici de repérer, de rassembler et danalyser la production de listes relatives aux notions postulant au statut de savoir à enseigner en Information-documentation.
Nous voudrions tout dabord pouvoir mieux estimer lamplitude, lavancée et la pertinence de cette production à ce jour. Nous escomptons ainsi de cette étude quelle révèle quelques uns des problèmes que pourrait poser une didactisation de la matière info-documentaire.
Nous chercherons encore à construire des critères de cohérence et de pertinence nécessaires à la délimitation dun périmètre en deçà duquel les notions proposées seraient potentiellement des savoirs à enseigner. Cet ensemble circonscrit de termes, cohérents dans leur formulation, et pertinents au regard du domaine considéré, devra alors pouvoir fournir suffisamment de matière notionnelle brute pour soumettre à lexamen probatoire de la réflexion didactique ces savoirs prétendants, ou ces prétendus savoirs.
Enfin, et dans cette double logique expérimentale et probatoire, nous souhaitons vérifier si les questions proposées au début de ce chapitre à partir dun cadre théorique (la dimension épistémologique de la didactique) se révèlent toujours pertinentes au regard des nouvelles questions que posera lanalyse du corpus (cf. II. § 13).
Pour ce faire, nous porterons notre regard sur les aspects suivants :
1. sagissant des listes de notions :
1. les conditions de leur production ;
2. les références disciplinaires ayant explicitement servi dappui à leur
constitution ;
3. la question des concepts organisateurs.
Seront ainsi posées les questions se rapportant à la désignation des savoirs à enseigner, à lancrage référentiel que lon revendique pour eux, ainsi quà leur structuration à lintérieur des listes.
2. sagissant des notions proposées :
4. la pertinence de ces notions au regard du domaine considéré
5. lappellation utilisée pour les désigner et leur catégorie épistémologique
6. leur organisation structurelle
Seront ainsi précisées la question de la référence, exprimée cette fois-ci au travers du choix des notions, la question de leur catégorie épistémologique, et, enfin, la question des concepts organisateurs de ces contenus.
32. Méthodologie
321. Constitution dun corpus de listes de notions
Les critères retenus pour la constitution de ce corpus de listes de notions ont été les suivants :
1. la présentation formelle : les notions composent une liste
La définition littérale du mot liste a servi de repère premier pour la sélection des productions. Une liste désigne l« inscription, à la suite les uns des autres, de plusieurs noms de personnes ou de choses » (Le nouveau Littré, 2004). Il fallait donc que les termes signifiant les notions soient présentés sous la forme dune succession pouvant être exprimée aussi bien en ligne quen colonne.
2. une présentation motivée : la liste est contextualisée
Les listes retenues sont celles dont les auteurs témoignent explicitement du projet de composer, ou de rendre compte ou encore de faire référence à un corps de contenus susceptibles dêtre enseignés en Information-documentation. Ont ainsi été éliminés les textes présentant de manière disséminée ou aléatoire des notions pourtant pertinentes dans ce cadre détude.
3. une utilisation ciblée : la liste est destinée à lenseignement dans le secondaire
Les listes retenues intéressent seulement lenseignement secondaire. Remarquons au passage que nous navons rencontré quune seule liste adressée au premier cycle universitaire et aucune en direction du primaire.
4. une répartition chronologique large : les listes courent de 1994 à aujourdhui
La première énumération rencontrée date de 1993 et a été divulguée au 3ème congrès de la FADBEN qui sest tenu à Marseille en octobre 1993. Les actes ont été publiés lannée suivante. Nous avons pris en considération toutes les propositions publiées, ou en cours de publication, entre cet événement et ce jour. Deux raisons nous ont poussé à tenir compte des travaux courants :
- la faible quantité de productions répondant aux autres critères ;
- le constat que les productions les plus récentes devaient être prises en considération au motif quelles présentaient les caractères dune évolution décisive du contenu de ces listes.
5. une répartition géographique restreinte : la liste appartient au monde francophone
Là encore, les invitations à élargir le corpus étaient pour le moins parcimonieuses
Seule une contribution pertinente a été retenue, émanant de luniversité de Montréal, Québec. Par contre, la disparité des systèmes éducatifs aurait pu constituer un critère de rejet. Nous avons cependant conservé cette liste pour trois raisons :
- la tradition des bibliothèques scolaires québécoises a évolué parallèlement à la nôtre ; dans les années 70, elle a même servi de modèle à la création de nos CDI ;
- les travaux de son auteur, centrés sur les référentiels de compétences, sinscrivent depuis les années 70 dans le même courant de la pédagogie documentaire que le nôtre, à tel point que ses publications servent toujours de référence de ce côté-ci de lAtlantique ;
- la liste proposée cible des élèves âgés de 10 à 18 ans, soit une tranche dâge très proche de nos élèves du secondaire.
6. une attention portée aux doublons : les listes ne se copient pas
Nous avons remarqué un dialogue entre les listes produites, ce qui témoigne dune certaine effervescence et de lintérêt porté à ce travail. Ce type de relation na pas constitué un caractère discriminant tant quil ne sest pas agi de simple copie de tout ou partie dune liste déjà publiée. Il est par ailleurs naturel que lon retrouve plus ou moins les mêmes notions.
Nous avons cependant admis les listes différentes provenant du même auteur ou auteur collectif en prenant soin déviter les doublons formels, et dans la mesure où ces productions apportaient des compléments substantiels. Par ailleurs, le nombre des occurrences a peu dimpact sur létude.
Au total, 24 listes ont été sélectionnées à partir de ces critères (cf. documentographie en Annexe II. 2).
322. Constitution dun corpus doccurrences des termes utilisés dans les textes
3221. Question de terminologie
Afin déviter le plus possible les confusions linguistiques entre notion (ou concept) enseignable et notion (ou concept) sémantique, entre notion et terme ou encore entre objet denseignement et objet référé par les notions étudiées, nous utiliserons dune part le modèle tripartite exposé par Pierre Lerat (1989) (M. Van Campenhoudt, 1997), et dautre part, deux normes qui nous serviront à préciser la signification des outils linguistiques employés : la norme ISO 1087 (1990) consacrée au vocabulaire de la terminologie et la norme AFNOR (2004) du vocabulaire de la documentation (A. Boulogne, 2004).
La terminologie est fondée sur un modèle tripartite dont les trois pôles sont lobjet, la notion (ou concept) et le terme (ou signe). Nous suivrons Marc Van Campenhoudt qui utilise les dénominations suivantes : objet, notion et terme. Cette vision a lavantage dêtre compatible avec la théorie linguistique saussurienne faisant de même interagir le signifiant, le signifié et le signe. Nous comprendrons alors le terme comme dénommant un objet et désignant une notion ; lobjet comme étant conceptualisé par une notion et ayant pour nom un terme ; la notion, enfin, comme sexprimant par un terme et renfermant un savoir sur un objet (fig. 4).
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fig. 4. La triangulation objet-concept-signe de P. Lerat, in Marc Van Campenhoudt (1997)
Sagissant de la définition normée de ces trois termes, nous empruntons leur définition à la norme ISO 1087 (1990) pour :
. Objet : « élément de la réalité qui peut être perçu ou conçu » ;
. Notion : « unité de pensée constituée par abstraction à partir des
propriétés communes à un ensemble dobjets » ;
et la définition de lAFNOR (2004) pour :
. Terme : « mot, expression ou symbole employé pour représenter une
notion à lintérieur dun domaine ».
3222. Présentation de la grille de saisie des données
Les données sont saisies dans un tableau unique composé de 24 lignes correspondant au nombre de listes sélectionnées, et de 3 colonnes permettant de recueillir les éléments suivants (Annexe II. 1) :
1. le numéro dordre attribué à la liste ;
2. la source, réduite au nom de lauteur et à la date de publication ;
3. la collection des termes signifiant les notions visées.
Une documentographie complète suit le tableau (Annexe II. 2).
Les listes sont présentées dans un ordre chronologique permettant le cas échéant de pouvoir rendre compte déventuelles évolutions.
Les termes collectés lont été en reproduisant le plus fidèlement possible le contenu des listes. Ils sont reportés dans lordre figurant sur les listes.
Lorsquune structure organisait les ensembles, soit par le jeu des parenthésages dans un texte, soit par le classement dans un tableau, les termes ont alors été marqués typographiquement afin de conserver leur rang dans la hiérarchie des niveaux :
terme de niveau 1 : gras (TNR 11)
terme de niveau 2 : plein souligné (TNR 11)
terme de niveau 3 : italique (TNR 11)
terme de niveau 4 : plein (Arial 8)
terme de niveau 5 : italique (Arial 8)
terme non hiérarchisé : plein (TNR 11)
Au total, 1068 occurrences ont ainsi été prélevées et constituent un corpus dorigine, ou corpus source (Annexe II. 3 ).
La saisie en colonnes, sans retrait de ligne, a permis une extraction des données afin de produire ultérieurement un tri de classement autorisant la manipulation des termes.
3223. Sélection et transcription des occurrences : les problèmes posés
Nécessité dun travail de mise en cohérence
Le regroupement des occurrences a aussitôt fait apparaître une très grande disparité des appellations. Le but étant de faire émerger des significations, il importe que les termes renvoyant aux mêmes notions puissent se rejoindre dans une forme identique. Un travail de mise en cohérence doit ainsi être mené dans ce sens. Il se précisera à partir de lexamen des problèmes qui se posent.
Quatre types de difficultés ont alors été rencontrés :
32231. Des difficultés liées à la polysémie de certains termes
Définir un corpus de termes revient à construire un langage contrôlé qui assure des relations stables entre lobjet, le terme qui le désigne et la notion qui le conceptualise. Aussi chaque terme doit représenter chaque notion identifiée de manière univoque. Cette nécessité ressort dautant que les termes sont voués à être extraits de leur contexte dénonciation et ainsi ne devoir le sens produit quà la précision de leur formulation. Or certains mots du corpus source, ainsi décontextualisés, peuvent admettre plusieurs significations.
Cest le cas, par exemple, des termes suivants :
. champ (4, 7, 15) : pouvant référer soit champ dune base de données, soit
champ lexical soit champ sémantique ;
. adresse (22) : pouvant référer soit adresse du document, soit adresse URL ;
. norme (8, 21, 22, 23) : pouvant référer soit norme bibliographique soit
norme de production documentaire
. code (7, 24) : pouvant référer soit code utilisé pour le codage des données sur
un support, soit code typographique, soit code de mise en page de
linformation ;
. cohérence (6) : pouvant référer soit à cohérence de la requête au regard du
besoin dinformation, soit à cohérence de loutil de recherche au vu
des résultats rapportés, soit encore à cohérence du système
dinformation.
32232. Des difficultés déquivalence entre les notions
Nous distinguerons ici trois cas possibles :
322321. Synonymie
Très souvent, une même notion est exprimée par une série hétéroclite de termes, ce qui rend difficile, voire impossible leur repérage lors des tris. Les termes choisis par les auteurs peuvent être le fait dexpressions synonymiques, telles :
. URL (21) = adresse URL (15) = adresse universelle (23)
. répertoire (12) = répertoire de sites (23) = annuaire (15) = annuaire de sites
(12) = annuaire thématique (19) = annuaire de recherche (23)
. page de site (21) = page daccueil (22)
. interface (21) = interface de recherche (5) = outil de recherche (24)
Dans ce cas, elles renvoient à des usages circonscrits dans des contextes déterminés.
322322. Détermination incomplète ou insuffisamment précise
Dautres propositions de termes, sans remettre vraiment en question les choix opérés, posent problème lorsquil sagira dopérer des tris :
. documentaire (22) = genre documentaire (24)
. bruit documentaire (23) = silence documentaire (23) = bruit/silence (8, 22)
322323. Détermination par approximation ou par défaut
Dautres termes, enfin, paraissent avoir été déterminés, par approximation, ou par défaut. Ou bien ils semblent avoir été retenus sans connaissance suffisante de termes qui auraient été plus appropriés, ou bien ils paraissent avoir été choisis parce quil na pas été possible de dégager un terme plus pertinent :
. mise en forme, organisation interne (5) = mise en page (7, 9) = codes de mise
en page (5), codes de présentation (7), code de linformation (typographie,
couleurs, numérotation) (8), etc.
. paramètres dévaluation (3)
. référence = référence documentaire (4)
. description documentaire (7)
. thèques (3, 6)
32233. Des difficultés liées à la formalisation dexpressions dont le complément du nom est lentrée principale du terme
Un grand nombre de termes sont des composés formés à partir dun nom et de son complément. Par exemple :
. forme dénonciation (2)
. objectifs de communication (9)
. degré délaboration de linformation (5)
. type de document (7)
. nature du document (10)
. application de normes (8)
. modélisation de l'activité de recherche d'information (23)
. production dun document (10)
. etc.
Dans la constitution dune liste alphabétique, cest le premier composé qui détermine la place, et donc agit sur les regroupements. Il importe alors de savoir si, dans le cas de nature de document et de type de document, lentrée principale est bien type et nature, ou plutôt document. Laisser le composé ainsi aurait linconvénient de disperser différents aspects complémentaires (type, nature, forme, etc .) de la notion exprimée (document).
32234. Des difficultés liées à lemploi du nombre
Enfin, de nombreux termes se présentent soit au singulier soit au pluriel. En terminologie, la règle veut que les termes soient exprimées sous forme de substantifs singuliers. Cependant, dans le cas présent, la marque du pluriel dans moteurs de recherche, par exemple, nous a paru exprimer quelque chose de plus, voire autre chose, que moteur de recherche. Fallait-il conserver les termes proposés au pluriel et conserver ainsi des significations autres, ou bien réduire tous les termes à la même loi le respect du singulier et garder à lesprit lidée quen chacun gisait cette dualité ?
3224. Solutions proposées pour assurer la cohérence du corpus
Rappelons dabord que lobjectif de cette étude nest pas la constitution dun corpus de notions à enseigner en Information-documentation. Il est de parvenir, à partir de la manipulation des termes recueillis, et tant que faire se peut, à se saisir des questions que peuvent susciter les problèmes auxquels ne manquerait pas dêtre confronté le processus de didactisation de la matière info-documentaire. Cest dans le but de fausser le moins possible les problèmes à venir que le corpus dorigine des termes doit tendre vers la plus grande cohérence.
32241. Solutions apportées aux difficultés liées à la polysémie de certains termes
Ce type de problème est facilement contourné en apportant une précision supplémentaire au terme polysémique afin de le contraindre à la monovalence de ses significations.
Les solutions apportées à la polysémie des termes comme champ, adresse, norme, etc. ont été :
- lajout dun adjectif :
. champ lexical, champ sémantique, champ dune base de données
. norme bibliographique
- lajout dun complément au nom :
. code de la présentation formelle de linformation
- lapposition de deux substantifs :
. adresse URL
- le rejet du terme après lentrée principale par un parenthésage :
. système dinformation (cohérence)
- le recours à un autre terme pour mieux référer la notion identifiée :
. code est devenu codage de linformation
. adresse est devenu URL
32242. Solutions apportées aux problèmes déquivalence entre les notions
Les solutions choisies sont différentes selon les trois cas repérés.
322421. Synonymie
Le souci dharmoniser les expressions synonymiques se traduit par la réduction à un seul terme. Le choix de ce terme est alors guidé, quand faire se peut, par consultation de la norme (A. Boulogne, 2004). Cela donne, pour les termes cités en exemple :
- adresse URL, adresse universelle , etc. sont remplacés par le terme URL ;
- répertoire, annuaire thématique, etc. sont remplacés par le terme annuaire de
sites web ;
- page de site est remplacé par le terme page daccueil ;
- interface, interface de recherche sont remplacés par le terme outil de
recherche.
322422. Détermination incomplète ou insuffisamment précise
Dans les deux cas présentés, la norme ne vient pas en aide. Nous avons opté pour le type de solutions suivantes :
- cas de documentaire, genre documentaire :
Ils ont été remplacés par nature de document : documentaire. Ce choix permet ainsi de rapprocher, sur un plan notionnel et physiquement sur une liste, trois notions proches, dont les deux types de nature de document, ce qui donnera :
. nature de document
. nature de document : documentaire
. nature de document : fiction
Seront ainsi regroupés le terme générique et ses deux spécifiques.
- cas de bruit documentaire, silence documentaire, bruit/silence :
Ils ont été remplacés par bruit/silence documentaire. Ce choix est dicté par le fait que ces termes entretiennent une relation dantinomie et produisent une paire indissociable.
Dans un cas comme dans lautre, cest le principe déquivalence notionnelle qui a prévalu.
322423. Détermination par approximation ou par défaut
Il sagit encore une fois ici de saisir la notion référée par les termes proposés et de lexprimer par un terme univoque et lisible. Ou bien ce terme est normalisé (AFNOR, thesaurus), ou bien il ne lest pas.
Cas de termes ayant pu être normalisés :
. référence, référence documentaire ont pu être normalisés en référence bibliographique ;
. description documentaire a pu être normalisé en description bibliographique.
Cas des termes nayant pas déquivalence normalisée :
. paramètres dévaluation : après examen du contexte, nous avons eu recours à lusage et lavons remplacé par évaluation de linformation (critères), avec rejet du terme secondaire après lentrée principale ;
. codes de présentation, mise en forme, organisation interne ; mise en page ; etc. ont été remplacés par code dorganisation formelle de linformation tant il nous a semblé que lenjeu notionnel portait sur la connaissance dun code, lequel sous-tendrait lorganisation physique des informations sur un document. Ce cas de traduction est limite, dans la mesure où il demande, avec tous les risques de trahison quil comporte, une grande part de décision de notre part. Il est toutefois cohérent dans le contexte restreint de ce corpus.
. thèques, en tant que suffixe renvoyant à bibliothèque et médiathèque, prend le statut de terme générique des différents lieux de ressources documentaires. Nous lavons ainsi remplacé par le terme plus général de espace informationnel.
32243. Solutions apportées aux difficultés liées à la formalisation dexpressions dont le complément du nom est lentrée principale du terme
Dans le cas de termes comme nature du document ou type de document, nous avons vu quil y aurait intérêt à rejeter le nom après lentrée principale choisie pour exprimer la notion visée. Cela donnerait pour ces exemples :
. document (nature)
. document (type)
La solution du rejet de lidée secondaire sous parenthésage permet ainsi le regroupement des termes traduisant la notion principale. Cela vaut particulièrement pour les composés se comportant comme des attributs de la notion visée, tels statut, rôle, qualité, forme, structure, objectif, pertinence, degré délaboration, etc. Ces attributs le déterminent, le définissent. On peut dire que la notion en question les implique. Nous réservons cette solution aux quatre premiers exemples donnés en II. § 32143.
Par contre, elle ne nous a pas paru satisfaisante pour les autres exemples :
. application de normes (8)
. modélisation de l'activité de recherche d'information (23)
. production dun document (10)
En effet la fonction désignée par le nom placé devant son complément ne ressortit pas aux critères qui viennent dêtre évoqués. Il ne sagit pas ici dun attribut de la notion principale mais plutôt dune action portée sur lui, comme le suggère la grande fréquence du suffixe ion (lat. io, onis exprimant laction). A linverse du cas précédent où lattention est portée sur la notion principale (ex. document), ici, lintérêt porte sur laction, impliquant du même coup le sujet de celle-ci. Dans le premier cas, lobjet est bien défini en lui-même (rôle, type, etc.), dans le second cest le comportement du sujet (lélève) sur lobjet qui est défini (traitement, modélisation, communication, etc.). Ainsi, si linformation, par exemple implique davoir un statut, une structure ou dêtre pertinente, elle peut faire lobjet dune production, dune évaluation ou dune condensation par laction de lélève. Aussi avons-nous choisi, dans ce dernier cas, de ne pas modifier lorganisation syntaxique de ces expressions.
32244. Solutions apportées au problème du nombre
Base de données/bases de données, annuaire de sites web/annuaires de sites web, classification/classifications, voici des paires de termes organisées selon le nombre. Ce choix du nombre par les auteurs des listes ne nous a pas semblé anodin, ou le fruit du hasard. Tout au contraire, il nous a paru exprimer lessentiel dun choix pédagogique. Sagit-il de faire connaître à lélève les différentes bases de données accessibles du CDI afin quil puisse trouver les références dont il a besoin, ou bien quil connaisse les principes dorganisation, de constitution et dutilisation dune base de donnée en général afin quà lavenir, il puisse les utiliser toutes en sachant ce quil fait ? Sagit-il de connaître quelques annuaires de sites web utiles aux recherches, ou bien den connaître les principes, de savoir ce qui les différencie dun moteur de recherche ou dun métamoteur, et qui a trait en particulier à la manière dindexer ?
Dans le positionnement que prendra lenseignant à partir de ces quelques questions, il se rangera sans doute dans lune ou lautre des professionnalités identifiées par M.-A. Le Gouellec-Decrop (1999). Le choix du nombre, en quelque sorte, détermine lenjeu didactique.
Le cas de périodique(s) illustre bien cet enjeu. On le trouvera seulement au pluriel dans les listes, ce qui implique que lon vise la connaissance de certains titres de la presse. Mais sil est question, non plus de pouvoir énumérer quelques exemples, mais de sintéresser au principe régissant ce type de publication, alors le retour au singulier (périodique) sera moins signifiant que de le terme périodicité. Ce dernier renvoie bien à une notion dun degré dabstraction autre que celui traduit par périodiques/périodique.
Pour cette raison, nous avons conservé, du moins dans un premier temps, la marque du pluriel dans quelques cas où elle était pertinente (cf. II. § 3233). Si elle lest bien pour annuaire(s) de sites web, classification(s), outil(s) de recherche, en revanche elle ne lest pas suffisamment pour information, notice catalographique ou requête.
Les cas de source/sources, média/(mass)médias sont différents puisque, homonymes dans leur appellation, ils engagent cependant deux notions différentes. De ce fait, ils ne rentrent pas dans ce cadre danalyse.
323. Constitution dun corpus cohérent de termes désignant des notions à enseigner
1068 occurrences avaient été prélevées dans les 24 listes du corpus source (Annexe II. 3).
Le corpus cible, une fois réalisées les corrections terminologiques, en fournit à présent 976 (Annexe II. 4). Cette diminution du nombre des occurrences sexplique par léquivalence notionnelle de certains termes. Les termes étant réduits à lunivocité, des doublons sont apparus à lintérieur de chaque liste. Ce sont ces doublons qui ont été supprimés.
Une première opération a consisté à sélectionner, parmi ces occurrences, les termes à retenir pour désigner les notions postulant au statut dobjets à enseigner.
Lexamen des groupements opérés par la fonction de tri du logiciel (Word) a permis de procéder aux premières rectifications portant sur les choix effectués et sur la cohérence des formes et des graphies utilisées.
Deux autres types de difficultés sont alors apparus.
3231. Problèmes liés à la sélection des occurrences et à la détermination des termes
32311. La dispersion des termes comportant des rejets dattributs
Le regroupement des occurrences composées selon la solution proposée en § 32153, c'est-à-dire en rejetant le terme exprimant une notion secondaire après lentrée principale et sous forme parenthésée (ex. document (type) ) a donné les résultats escomptés.
En effet, la dispersion redoutée de termes signifiant des notions principales communes a ainsi été évitée. Il nen reste pas moins que, si les termes ainsi formés ont leur entrée principale stabilisée, leur seconde partie connaît une grande dispersion. Par exemple, sagissant du terme information :
information (concept)
information (coût)
information (crédibilité)
information (degré délaboration)
information (économie : valeur, coût)
information (enjeux)
information (éthique)
information (forme)
information (hiérarchie)
information (intelligibilité)
information (légitimité)
information (mode daccès)
information (mode dorganisation linéaire/non linéaire)
information (mode dorganisation)
information (nature du contenu)
information (nature physique)
information (nature, formes, origine, statut)
information (nature, relativité, instrumentalité)
information (organisation dans un texte)
etc.
Dans un premier temps, il nous avait paru nécessaire de formaliser ces différentes approches de la notion, au motif quelles exprimaient une certaine sensibilité des auteurs de chaque liste. Nous avions en quelque sorte tenu à conserver cette particularité à lintérieur dune parenthèse que nous rejetions après lentrée principale. Mais au moment venu de délimiter un ensemble plus restreint de termes, il nous apparaît plus judicieux de ne conserver que lentrée principale. Dans le cas cité en exemple ne sera ainsi conservé que information.
Le détour nest cependant pas inutile. Nous aurons à nous souvenir de lintérêt manifeste que porte la majorité des listes à tenter de circonscrire lensemble des caractéristiques de la notion information - et cela est également valable pour dautres exemples. En dépassant la simple appellation dinformation, les auteurs ont ainsi attiré lattention sur la nécessité de construire une épistémologie de linformation.
Nous appuyant sur ce constat, nous pouvons à présent également dépasser le problème lié à la marque du nombre.
32312. La marque du nombre
Le cas de périodiques/périodicité (cf. II. § 32244 ) avait attiré notre attention sur lidée que le nombre partageait deux approches didactiques dune part, et deux niveaux dabstraction dautre part. De même, un certain nombre dobjets dénommés par un terme soit au singulier soit au pluriel (moteur de recherche/moteurs de recherche) appelle à considérer la notion qui les conceptualise sous au moins deux angles, celui de sa compréhension (ses caractéristiques, son principe) et celui de son extension (ses manifestations) (cf. III. § 213 ).
De même que pour le cas solutionné précédemment, nous ne conserverons quun seul des deux termes proposés, en loccurrence celui qui est au singulier.
3232. Bilan
Sur un plan qualitatif, et après avoir débattu à partir des difficultés présentées, nous garderons à lesprit que les termes ainsi retenus appellent à considérer la notion à laquelle ils renvoient sous la double espèce de lexemple et du principe, impliquant sur le plan de lapprentissage la double connaissance des savoir faire et des savoirs.
Ce constat amènera par conséquent à questionner la notion de notion.
Sur un plan quantitatif, le corpus ainsi constitué ne retient plus que 289 termes, délestés de la marque du pluriel et de leurs attributs entre parenthèses (Annexe II. 5).
Ce tri ne saurait être définitif. Tel quil est, résultant de préoccupations dordre principalement terminologique, il répond essentiellement au critère de cohérence interne. Les opérations qui ont abouti à ce corpus restreint de termes ont été des opérations de découpage des notions du domaine à partir de toutes les propositions de notions exprimées par les listes. Aussi na-t-il pas été discuté du choix de ces notions. Un nouveau tri sera alors nécessaire pour répondre au critère de pertinence. Toutes ces notions relèvent-elles vraiment du domaine considéré ?
324. Le traitement des données
Le traitement des données nous permettra dobtenir des éléments de réponse aux questions que nous avons posées, relatives, dune part aux publications de listes de notions, et dautre part aux termes retenus à partir de ces listes (cf. II. § 31). Sagissant de ces derniers, la question de la pertinence devrait encore nous donner les moyens daffiner le corpus de termes.
3241. Données sur les listes de notions
32411. Rappel des objectifs
Par ce procédé de correction terminologique appliqué aux listes dorigine, ou corpus source (Annexe II. 1), nous sommes à présent en mesure de produire un nouveau corpus de listes, ou corpus cible (Annexe II. 6). Il va servir dobjet détude permettant dapporter des réponses aux questions suivantes :
1. Quels sont les lieux et les temps de production des listes de notions ?
2. A quelles références disciplinaires a-t-on fait explicitement appel pour leur
constitution ?
3. Les listes présentées sont-elles structurées ?
32412. Outils méthodologiques
Pour apporter des éléments de réponse à ces questions, nous utiliserons une grille de saisie permettant de prélever des données à la fois sur la source et sur le contenu des listes.
Cette grille (Annexe II. 7) comprend 24 lignes correspondant au nombre de listes, et 8 colonnes, dont la première rappelle le numéro dordre de chaque liste. Le restant étant partitionné comme suit :
. données relatives à la source :
1- numéro dordre de la liste ;
2- date de publication ;
3- support de publication ;
4- statut de lauteur (individuel/collectif) ;
5- domaine dappartenance de lauteur (individuel/collectif).
. données relatives au contenu :
6- domaine auquel sont référés les contenus ;
7- nombre de termes de la liste ;
8- structuration de la liste, et nombre de niveaux.
3242. Données sur les termes
32421. Rappel des objectifs
La didactisation des savoirs info-documentaires porterait sur les notions telles que celles incluses dans les listes aujourdhui à notre disposition. Aussi ne considérons-nous pas celles-ci comme uniques sources de détermination des notions candidates, mais à titre dexemples fournissant la matière première à la réflexion didactique. Le corpus de termes retenus dans cette étude nest ainsi considéré que comme un moment du chantier didactique, ce moment où les questions sont plus nombreuses et plus prometteuses que leurs éventuelles réponses.
Nous nous appuierons donc sur le corpus de termes dont nous disposons pour aborder quelques aspects de la transposition didactique :
1. la question de la pertinence des notions proposées au regard des références
disciplinaires désignées par les auteurs des listes
2. lappellation utilisée pour désigner ces notions et leur catégorie épistémologique
3. la question des concepts organisateurs
32422. Outils méthodologiques
324221. Croisement des questions de la pertinence et de la référence
Cette matière première, composée des termes retenus après opération de tris chargés den assurer la cohérence, a cependant encore besoin de passer au tamis de la pertinence au regard des domaines convoqués pour servir de référence. Il sagit alors de savoir sil existe un écart entre la référence proclamée (Annexe II. 7, colonne 5) et la référence réelle, telle quelle peut être induite par les contenus proposés (Annexe II. 5). Cette réalité nous intéresse en ce quelle pose de manière empirique la question de la référence (A. Terrisse, 2001).
Or, lanalyse des listes, sur ce point, a révélé lhégémonie de la Science de linformation et ses collatéraux (Sciences de l'information et de la documentation, SIC) (cf. II. § 3312). Notre propos sera donc double : il sagira dune part de vérifier cette cohérence entre discours dintention et de proposition, et dautre part de déduire un champ de classement pour les notions de notre corpus. Le cadre proposé par la Science de linformation peut-il contenir tout ou partie des notions proposées ? La prétention affichée den faire la discipline de référence de lInformation-documentation se vérifie-t-elle ou non ?
Nous utiliserons pour ce faire la « carte de la science de linformation » composée par Y. F. Le Coadic (1994), laquelle définit les différentes composantes scientifiques et techniques de cette inter-discipline.
La grille de saisie de ces données comportera donc en ordonnée les différentes disciplines associées de cette science, quelles soient scientifiques ou techniques. Conformément aux indications données par les auteurs des listes, et pour faire bonne mesure, nous y adjoindrons les Sciences de léducation et la Science de la communication (cf. Annexe II. 8).
Nous comparerons ensuite les déclarations faites par les auteurs des listes à propos de la référence (cf. II. § 3312, tableau n°3) à ces données, et obtiendrons ainsi une meilleure image de la représentation des références qui est ainsi exprimée.
La conséquence de ce travail de classement offrira la possibilité de soumettre la liste des termes retenus jusquici au critère de pertinence, et ainsi daboutir à la constitution dune nouvelle liste.
324222. La question de la catégorie épistémologique de ces notions
Nous nous étonnons, à la lecture du corpus de notions, de voir cohabiter sur un même plan des notions telles que auto-évaluation, dictionnaire, indexation. Il est alors question ici de tenter une caractérisation de la nature épistémologique des notions désignées par les auteurs.
Pour ce faire, nous commencerons par vérifier auprès des auteurs des listes quelle appellation est donnée à ces objets de savoir candidats. Une simple grille rapportera pour chacune des 24 listes du corpus cette, ou ces appellation(s) (Annexe II. 9).
Nous utiliserons ensuite, pour tenter dy voir plus clair, la distinction quopère Y. Chevallard (1985) entre les différents régimes didactiques de ces savoirs. Là encore, une simple grille permettra de filtrer les éléments de notre corpus de notions, dans lespoir de pouvoir réduire celle-ci à un ensemble de savoirs à enseigner (Annexe II. 10).
324233. La question des concepts organisateurs
Nous avons relevé, au début de cette étude, quun certain nombre de listes de notions étaient structurées en différents niveaux. Le besoin dorganiser les contenus entre eux, de donner une architecture à la matière sans cela informe et égale dans ses composants, traduit une certaine idée de la matrice disciplinaire en formation (M. Develay, 1992). Celle-ci sappuie et se détermine en partie en fonction des concepts les plus importants. Cette importance se mesure au travers de leur capacité à englober nombre des autres concepts de la matière, de les ordonner et de les relier à eux.
II sagira donc ici de connaître, à partir des listes structurées, quelles sont les notions ayant le plus fort potentiel intégrateur.
Pour ce faire, nous repartirons du corpus cible des occurrences portant la marque typographique que nous y avions laissée de la hiérarchie des niveaux (Annexe II. 4). Ne seront conservées que les occurrences marquées de rang 1 et 2, afin de réduire leur nombre et de se concentrer sur lessentiel qui est le haut de la pyramide (Annexe II. 11). Nous procéderons à un comptage de ces occurrences et ne conserverons que les termes exprimés par au moins 5 occurrences.
Les résultats seront reportés dans un tableau sur lequel paraîtront, afin de contextualiser la notion présentée, les données relevées au cours de létude portant sur leur(s) discipline(s) de référence et leur catégorie épistémologique.
33. Analyse des données
Nous avons donc choisi de découper lanalyse de ces listes en un certain nombre de questions précises se rapportant tantôt aux documents présentant des notions proposées à être enseignées et tantôt à ces dernières.
331. Analyse des données portant sur les listes de notions
Le traitement des données extraites en partie des listes de notions elles-mêmes, et en partie des publications contextualisant ces listes (auteur, date de publication, support de la publication) a permis de produire une analyse portant sur les aspects suivants :
. les acteurs de la transposition
. la question de la référence des savoirs
. la question de la structuration des savoirs
3311. Les conditions de production des listes
Lexamen des conditions de production des listes conduit dabord à sinterroger sur les sources, puis sur les supports utilisés et enfin sur le déploiement des publications dans la période considérée. Lanalyse des sources a pu sappuyer sur deux séries de données distinctes, celles concernant lauteur dune part, et celles concernant le support de publication dautre part. Le second traitement a ainsi permis de fixer la répartition des productions dans le temps. Les résultats reportés dans les tableaux ci-dessous sappuient sur les données saisies dans lannexe II. 7.
a- les résultats :
Pour rendre compte des productions du point de vue de leurs auteurs, nous avons interrogé leur statut ainsi que leur domaine dappartenance, lorsque celui-ci était pertinent.
Statut des auteurs
Domaine dappartenanceNombre de personnes
(ou déquipes)
nombre de productionss-totaltotals-totaltotal
universitairesSc. de linformation4
74
11Sc. de léducation37équipes denseignants-55
instances professionnellesassociation professionnelle1
22
3association syndicale11PRCE22institutionM.E.N.1212académie11chargé détude11
1- Les sources productrices de listes de notions
Les supports de publication et les temps de la production ont pu être traités sur un même tableau :
Support9495969798990001020304050607Totalpériodique1311111110site institutionnel1135monographie2114site officiel11Actes112Textes officiels 221-23134112113124
2- Les publications de listes de notions et leur support entre 1994 et 2007
b- éléments danalyse
Ce qui frappe en premier lieu est la diversité des sources à lorigine des productions de listes. Sont réunis là, de fait, tous les acteurs possibles composant la noosphère, ce « tout ce qui pense » autour du système didactique stricto sensu (Chevallard, 1985) : de lenseignant souhaitant réfléchir à sa pratique dans le cadre dune journée de rencontre locale, ou au sein de son association professionnelle, au maître de conférence de luniversité ou de lURFIST, en passant par le formateur de lIUFM, le syndicaliste et ladministrateur. Le projet didactique, sil pèse peu en nombre de listes produites à ce jour, trouve cependant à se déployer très largement dans les différentes strates de la noosphère.
Il faut remarquer en second lieu la très forte proportion duniversitaires (46%) impliqués. Leur répartition dans le temps montre que cette implication a davantage servi dimpulsion puisque, de 1994 à 1999, 6 des 10 publications sont de leur fait. Quant à la répartition entre les disciplines dappartenance, elle se montre presque équilibrée entre Science de linformation et Science de léducation. Ce simple constat permet dinférer quelles sont les deux principales références des savoirs info-documentaires.
Limplication des équipes enseignantes mérite également dêtre soulignée. Si lon additionne les travaux produits par les équipes régionales à ceux des équipes nationales de lassociation professionnelle, cest une production sur trois qui est de leur fait.
Quant aux supports de production, le périodique imprimé reste le vecteur le plus employé pour assurer la diffusion des travaux professionnels. Lannée 2006 voit cependant trois productions mises en ligne sur des sites académiques (Rouen, Nantes) et nationaux (CNDP). Ces deux vecteurs offrent la meilleure garantie de pénétration du monde professionnel. Ils représentent en effet à eux-seuls 62% de la diffusion. Ce choix de supports permet dinférer que la production est principalement tournée vers le corps des enseignants-documentalistes.
La répartition des productions dans le temps, enfin, se montre assez étale, avec un pic de publication en 1999-2000 (29%) qui peut sans doute sexpliquer pour cette période dintense réflexion et de mobilisation de la noosphère autour de la réforme du CAPES.
Cela dit, la question de la proposition des objets à enseigner reste dans le cas présent pour le moins ambiguë. Dun côté, les professionnels, les associations et les universitaires, où se concentrent les efforts et les réalisations, toujours à reproduire tels ce rocher de Sisyphe quil faut sans cesse remonter, et de lautre, linstitution qui, en 2004, établit bien un programme denseignement mais pour le dédier à dautres personnels enseignants et au profit dune seule série de 1ère. Autrement dit, ce qui est rationalisé ici ne saurait lêtre là. Limage donnée reste celle dun chantier sans maître duvre ni projet consensuel. Ainsi lacte de la désignation des objets à enseigner revient bien à ladministrateur et au pouvoir démiurgique quil manifeste par sa parole performative.
3312. La question de la référence des savoirs du point de vue des acteurs
a- les résultats :
La répartition des références explicitement données à lappui des listes par leurs auteurs est reportée sur le tableau ci-dessous. A côté de chaque appellation du domaine de référence figure la date de sa première occurrence.
Date
de la première occurrenceDomaine de référence convoquéss-totalTotal%1997Sc. de linformation et de la documentation (S.I.D.)8
23
74,21996Sc. de linformation (S.I.)71994Sc. de linformation et de la communication (S.I.C.)52003Sc. de la communication (S.C.)12003Disciplines techniques11996Médiologie11996Sc. du langage, linguistique3
8
25,81998Sc. de léducation21997Pratiques sociales de référence22000Informatique1Total3131100
3- Les domaines de références convoqués dans les listes de notions
b- éléments danalyse :
Léquilibre constaté précédemment entre Sciences de linformation et de la communication (SIC) et Sciences de léducation est ici rompu au profit des premières. Cette rupture reflète la tendance exprimée par les réformes successives du CAPES, en passe de devenir le CAPES des SIC. Cependant, une forte proportion de références cherche un rapprochement vers les Sciences de linformation et de la documentation (SID), convoquées relativement tardivement, en 1997. Cette confusion entre SIC, SID, SC et SI reflète linstabilité de cette exception française qui a consisté à réunir les Sciences de linformation aux Sciences de la communication dans la 71ème section du Conseil national des universités. Une étude plus précise des notions exprimées dans ces listes permettrait de mieux distinguer ce qui ressortit à chacune de ces sous-sections.
A lopposé de cette préemption référentielle sur le domaine info-documentaire, on trouve par exemple linformatique. Sa première occurrence, datant seulement de 2000, contraste énormément avec la place prise par les T.I.C. dans les CDI, aussi bien dans le pôle gestionnaire que dans le pôle pédagogique. De surcroît, les pressions exercées par les discours prosélytes en faveur de lurgence de lentrée dans la société de l'information ne semblent avoir ici aucun écho, si lon considère que lunique occurrence relevée dans nos listes le doit à une équipe de chercheurs TIC de lINRP. Ainsi, le projet institutionnel dintégration des savoirs documentaires dans le B2i ne semble pas rencontrer le projet didactique. A moins de considérer que linformatique documentaire est implicitement convoquée dans la référence aux Sciences de l'information et de la documentation. Ceci pourra être vérifié lors du traitement de la question relative à la pertinence du choix de ces notions au regard du domaine considéré.
Cette dernière remarque en appelle une autre : si lappellation du domaine de référence est souvent mentionnée, elle reste toujours générale, présentée comme une toile de fond à la scène qui se joue devant. Très rares sont en effet les renvois plus précis aux théories, aux concepts, aux auteurs et aux ouvrages relatifs à ces domaines. Le recours aux références nest ainsi jamais établi preuve à lappui, ce qui donne bien souvent au propos le ton de la revendication davantage que celui de largumentation.
3313. La question de la structuration des savoirs
a- les résultats :
Sur les 24 listes du corpus, seules 9 dentre elles présentent une structuration interne, soit 37,5%. La répartition entre les différents niveaux de structuration sétablit ainsi :
aucun niveau1562,5%2 niveaux3
37,5%3 niveaux34 niveaux15 niveaux2Total24100%
4- Nombre de niveaux de structuration utilisés dans les listes de notions
b- éléments danalyse :
Le fait que six des neuf listes structurées le sont depuis 2000 peut faire penser à une évolution récente allant dans ce sens. Ceci peut être corroboré par les deux autres données suivantes :
. deux listes structurées à cinq niveaux paraissent pour la seule année 2006 ;
. les quatre dernières listes parues (ou à paraître) livrent des quantités de termes jusque là jamais ou rarement égalées (n°21 : 103 ; n°22 : 111 ; n°23 : 150 ; n°24 : 69).
Ce dernier point peut en partie expliquer cette possible évolution, un nombre important de termes nécessitant une organisation et un classement. Il est aussi permis de penser linverse : le fait de classer une collection stimule la recherche de nouveaux termes et lenrichit.
Quoi quil en soit, lapparition de la structuration comme élément organisateur des listes de notions équivaut à un saut épistémologique. Le passage de la simple énumération aléatoire à la structuration raisonnée oblige en effet à effectuer une identification plus fine de la notion considérée et, par la spécification de ses caractéristiques, à établir des relations avec dautres notions de la liste. La structuration renvoie à la vision dun système qui serait à la fois maîtrisable par un effort de logique - par conséquent, enseignable - et cohérent par cette idée que les composants hétéroclites de ce système concourent à un même but.
Le type de relations utilisé se révèle alors toujours inspiré du modèle des terminogrammes et des thesaurus. La relation est toujours verticale, de type hiérarchique. Les liens sont du type « X contient Y », « Y est contenu dans X ». Les termes sont alors tantôt des génériques, tantôt des spécifiques. Mais à la différence des thesaurus, il nexiste pas de relation dassociativité pour renvoyer à des notions voisines. Ces listes ne supposent donc pas de structuration en réseau.
Il reste à connaître ce que ces structurations expriment des conceptions de la matière à organiser, au travers des choix des notions qui sont opérés, et notamment de celles qui occupent le sommet des hiérarchies.
332. Analyse des données portant sur les notions retenues
3321. Croisement des questions de la pertinence et de la référence
a- les résultats
Les 278 termes du corpus désignant des notions candidates ont ainsi été distribués sur la grille des sciences de référence (cf. Annexe II. 8 ). Les résultats de cette répartition qui apparaissent dans le tableau suivant sont exprimés en nombre et en pourcentage. Le total de 282 termes tient compte du fait que certains termes ont été attribués dans deux catégories à la fois.
Disciplines de référenceDisciplines associéesNb de notions attribuées%%%
Sc. de linformation1. Epistémologie
Philosophie155,2
88
942. Histoire003. Linguistique227,74. Psychologie
Sc. cognitives3211,25. Economie
Droit
Politique
16
5,66. Sociologie
Ethnologie72,47. Télécommunication
Electronique82,88. Informatique4515,99. Logique
Statistique
Mathématique
4
1,410. Bibliothéconomie
Documentation
Archivistique
Journalisme
Muséconomie
101
35,8Sc. de la communication11.1766Sc. de léducation12.62,12,1
6Autres113,93,9Total282100100100
5- Répartition des notions exprimées par les listes sur la grille des sciences de référence
Il a paru en outre intéressant de rapprocher ces résultats de ceux enregistrés précédemment, relatifs à la question de la référence des savoirs du point de vue des acteurs (cf. § 3312, tableau n°3). Nous ne tirons des résultats de la répartition des notions qui précède que ce qui peut être comparé avec les premières données relatives aux déclarations des auteurs des listes. Pour ce faire, nous devons opérer les rapprochements suivants :
. les Sciences de l'information et de la documentation, la science de linformation, la linguistique et les disciplines techniques composent le bloc de la Science de linformation ;
. la médiologie et les Sciences de linformation et de la communication sont comptées ensemble
Domaine de référence convoquéDéclaration des auteursRépartition effective des notionsSc. de linformation et de la documentation (S.I.D.)
Sc. de linformation (S.I.)
Disciplines techniques
Sc. du langage, linguistique
61,3
84
69,3
75,3Médiologie
Sc. de la communication (S.C.)
Sc. de linformation et de la communication (S.I.C.)
22,7
6Sc. de léducation6,42,1Pratiques sociales de référence6,4-Informatique3,218,710096,1
6- Comparaison des références convoquées par les auteurs des listes aux références induites par les notions
Cela fait, même en ayant procédé à quelques arbitrages, les résultats de la première série doivent cependant être relativisés pour les raisons suivantes :
. le nombre très limité de données (31) ;
. limpossibilité de connaître les représentations se cachant derrière lemploi de telle ou telle appellation voisine ;
. la possibilité que ce qui concerne linformatique ait été implicitement compris dans les Sciences de linformation, ainsi que le montre la carte de Y. F. Le Coadic.
Sagissant à présent de la pertinence des termes, jugée au travers de cette opération de classement dans une grille de référence, nous signalons quelques unes des difficultés rencontrées :
1. certaines notions semblent appartenir davantage au corps de la discipline associée quà cet inter-champ quelles dessinent avec la Science de linformation. Cest le cas de :
- ordinateur, surbrillance, inverse vidéo, organisateur textuel, partage
des ressources pour linformatique ;
- expression, rhétorique pour le français
Pour ces raisons, elles ont été supprimées de la liste.
2. certaines notions, soit associées à des objets relevant de processus intellectuels fondamentaux non spécifiques (schéma, tri), soit trop peu pertinentes dans le cas présent (page papier) ont également été retirées de la liste.
3. certaines notions se sont révélées multi-référentielles. Cest, par exemple, le cas de :
- classification : 1 et 10
- indexation : 3 et 10
- requête : 4 et 8
- rumeur : 1, 4, 10 et 11
- etc.
Dans les cas où il ne nous a pas paru possible de nous déterminer, nous les avons rangées dans plusieurs domaines.
4. enfin, la notion information étant commune à toutes les catégories, elle na été classée nulle part. Loccasion a été saisie de la rapprocher des concepts intégrateurs.
Considérant également le domaine des Sciences de léducation, et après en avoir tenu compte dans nos résultats dans la mesure où cette référence était explicitement citée par les auteurs des listes, les notions présentes ne nous ont pas paru spécifiques du champ considéré. Pour cette raison, elles ont également été supprimées.
A lissue de ce nouveau tri par le critère de pertinence, la liste compte désormais 271 termes.
b- éléments danalyse
Les résultats portés sur le tableau 4 révèlent une très forte présence de la Science de linformation. Y. F. Le Coadic (1994) explique ce résultat par le fait que lappel à plusieurs sciences semble aller de soi, puisque les problèmes quaborde cette nouvelle discipline transgressent les frontières historiques des disciplines traditionnelles. Il est dès lors aisé dy référer nombre de notions. Lobstacle réside peut-être justement là, dans la difficulté à situer cet inter-champ entre le domaine spécifique dune discipline associée et celui de linformation-documentation. La place grandissante prise par linformatique, les télécommunications et lélectronique, par exemple, rendent dailleurs ce problème dancrage particulièrement sensible.
Lintérêt dun travail de classement des notions selon leur discipline source a justement le mérite de faire préciser cette localisation. Cette connaissance manque souvent au praticien en quête de repères. Elle devrait en outre faciliter lélaboration de réseaux notionnels plus cohérents puisquils emprunteraient leurs éléments dans des champs homogènes ou connexes.
Quant au rapprochement effectué entre les références annoncées par les auteurs des listes et les références induites par les notions (tableau n°6), et nonobstant la relative pertinence des données de la première série (tableau n°3), il se dégage néanmoins, avec un taux moyen de 80%, une très nette convergence pour pointer limportance du rapport à la Science de linformation. Cela est dautant plus remarquable que si lon ajoute aux deux séries les chiffres obtenus pour linformatique, et ce pour la raison quelle est associée à la Science de linformation à laquelle elle apporte des connaissances et des techniques sur les outils de recherche et de gestion de linformation, alors le taux monte à 87,2% du côté des déclarations, et à 94% du côté de la répartition de facto. A partir de ces résultats, et seulement à partir deux, il est dès lors possible dinférer que la Science de linformation joue le rôle de discipline de référence pour lInformation-documentation.
A linverse, les Sciences de léducation (colonne n°12) sont dautant peu convoquées quelles sont à peine repérables à travers les notions dont nous disposons. Nous avons de plus expérimenté le fait que les notions présentées se révélaient peu pertinentes (critère de réussite, co-évaluation, tâche, etc.) pour construire une épistémologie des savoirs info-documentaires. A moins de les compter au rang des notions propres aux Sciences cognitives. Sy trouvent en effet un bon nombre de notions de dimension fort peu discursive, telles que besoin dinformation, évaluation de la recherche d'information ou encore représentation du but. Lapproche didactique relative à lappropriation des connaissances puise dailleurs dans ces sciences sa réflexion et ses principaux concepts. Il faudrait cependant, parmi ces matériaux, faire la part entre les objets à enseigner comme tels, et ces processus relevant davantage de comportements mentaux, de compétences et de méta-connaissances que de principes et de notions. Ainsi, à relire la liste des termes établis dans cette colonne (n°4), il resterait peu de termes appelés à devenir des savoirs à enseigner. Cette hypothèse demande cependant à être confirmée par lanalyse de leur nature épistémologique.
Ces quelques éléments danalyse, appuyés sur des données et des résultats trop limités, ne permettent pas de prendre la mesure de la question de la référence en Information-documentation aujourdhui. Quen est-il, par exemple de lintérêt porté aux pratiques sociales en matière documentaire ? Elles ont été revendiquées comme référence par un auteur, mais nont pas trouvé de concrétisation en tant que notions. Sans doute devrait-on pouvoir les trouver parmi les matériaux classés dans le champ des sciences techniques (colonne n°10). Doit-on dès lors, et de façon classique, ne chercher de référence scientifique que dans une discipline universitaire, ou dautres voies doivent-elles encore être explorées pour une transposition didactique moins restreinte ?
3322. La question de la catégorie épistémologique de ces notions
Il a été évoqué précédemment le cas de ces objets de savoirs appartenant au champ des Sciences cognitives, tels besoin dinformation ou représentation du but. Ces notions, présentées dans les listes au milieu dautres, sans aucune distinction, ont-elles pour autant le même statut ? De même, quen est-il pour chronologie, connaissance ou encore thème dun texte ? Sont-ils à appréhender sur le même plan que citation, bruit/silence documentaire ou auteur ? Se pencher sur la nature didactique de ces notions revient à prendre conscience de niveaux épistémologiques distincts dans léchelle des savoirs.
Nous emprunterons cette échelle à Yves Chevallard (1985) pour qui tout objet de savoir ne saurait être pour autant un objet à enseigner. Parmi les objets désignés pour être enseignés, le didacticien des mathématiques distingue trois catégories de notions correspondant à différents régimes du savoir. Nous prendrons ainsi délibérément le risque de transposer, mutatis mutandis, ce qui est appliqué dans le champ des mathématiques pour lappliquer dans le champ de lInformation-documentation.
La première catégorie (A) comprend les notions (mathématiques), objets destinés à être enseignés. Objets construits, discursifs, ils connaissent une définition, se composent dattributs et se manifestent par un certain nombre doccasions demploi (ex. addition, cercle, nombre).
La seconde catégorie (B) désigne les notions-outils qui viennent en auxiliaire aux notions de la première catégorie. Elles sont connues et sollicitées dans les travaux en classe, mais ne sont jamais étudiées. Y. Chevallard les nomme notions paramathématiques (ex. équation, démonstration, paramètres).
Enfin, la troisième catégorie (C) se compose de cette strate plus profonde de notions qui ne sont quimplicitement mobilisées dans les situations dapprentissages. Ces allant de soi renvoient à des capacités qui ne sont jamais enseignées, et par conséquent se développent au mieux par lentraînement. Leur maîtrise est cependant un pré-requis du contrat didactique. Ce sont des notions dites protomathématiques (ex. savoir reconnaître tel type de problème).
De ces trois catégories de notions, seule la première donne lieu à un enseignement explicite. Les deux autres sont acquises ou développées implicitement. Cependant, seule la dernière (les notions proto-) nest pas consciemment perçue par le maître ou par lélève lorsquelle est convoquée. Ce que nous pouvons classer ainsi :
- catégorie A -
Notions- catégorie B -
Notions para-- catégorie C -
Notions proto-perçuesnon perçueset enseignéeset non enseignées
Cette grille sélective, appliquée à notre corpus de savoirs désignés, aura ainsi pour conséquence la suppression dun certain nombre de notions appartenant aux catégories B et C, puisque dès lors non vouée à être enseignées.
a- les résultats
Nous avons voulu dabord interroger les auteurs des listes pour savoir si des distinctions étaient discernables dans les appellations désignant les objets de savoir désignés (Annexe II. 9). Le tableau suivant rassemble les résultats de cette enquête :
appellationsnb doccurrencesnotion15concept11connaissance5savoir5objet dapprentissage3fait1total40
7- Appellation des objets à enseigner selon les auteurs des listes
Nous avons ensuite apposé sur notre corpus de termes la grille des trois régimes didactiques du savoir (Y. Chevallard, 1985) (Annexe II. 10).
OBJETS DE SAVOIRobjets à enseignerobjets utiles à lenseignement- catégorie A -
Notions
- catégorie B -
Notions para-
- catégorie C -
Notions proto-annuaire de sites
archive ouverte
article
atlas
auteur
autoritativité
autorité
balise html
banque de données
base de données
bibliographie
bruit/silence documentaire
etc.
activité documentaire
actualité
analogie
analyse de linformation
arborescence
argumentation
champ lexical
champ sémantique
chronologie
concept
connaissance
critère
etc.auto-évaluation
besoin dinformation
domaine de connaissance
identification de linformation lecture
problématique
représentation
représentation du but
évaluation de la recherche d'information
8- Classement des notions désignées selon lanalyse épistémologique du régime didactique du savoir (extrait).
b- éléments danalyse :
Les appellations utilisées par les auteurs des listes ne nous semblent pas faire de distinction entre les différents statuts épistémologiques des notions. Celles-ci sont désignées de manière globale et au moyen de termes génériques allant demplois banalisés (notion, concept, savoir) à une terminologie plus savante (objet dapprentissage, connaissance déclarative).
Par contre, il est à noter la prépondérance des deux termes notion et concept, allant dailleurs souvent de pair (30% des cas). Cette double appellation des savoirs désignés trahit une hésitation, voire confine au bégaiement. Aucun auteur employant lun et/ou lautre de ces termes nen donne dailleurs une définition. Cette question du concept, importante en didactique, demandera par la suite un éclaircissement.
Sagissant à présent de la nature épistémologique de chacune de ces notions, lopération de classement a inlassablement conduit à se demander, en premier lieu, ce que lon enseigne et ce que lon nenseigne pas. Les hésitations, qui nont pas manqué, ont abouti aux deux questions suivantes :
1. que sait-on de ces savoirs ? Quel champ de significations recouvre cette notion ? Là encore, labsence doutils didactiques dans le domaine de lInformation-documentation freine considérablement la résolution de problèmes qui sont liés pour une bonne part à la définition des notions. Y. Chevallard donne pour caractéristique aux notions mises en jeu le fait de pouvoir être définies, dexprimer des propriétés particulières et de se manifester dans un certain nombre demplois. Ces critères, essentiels à lidentification des notions, rappellent ce qui est attendu dun concept en didactique comme en logique. Cette première réponse pose cependant une nouvelle question : comment rendre compte explicitement, i.e. de manière discursive, dune notion à enseigner ?
2. quelle est son utilité pour lélève ? Cette seconde question amène à se dégager un moment du projet didactique pour sintéresser au projet social denseignement et penser leur articulation. Nous sommes alors conduits, ainsi que le propose M. Develay (1992), à penser synchroniquement les dimensions axiologique et didactique du savoir. Ce réinvestissement du mandat sociétal de lécole peut éclairer les choix à opérer sur la détermination des objets de savoir. Le classement des notions se prête mal à ce travail de réflexion axiologique, aussi vaudrait-il mieux réserver celle-ci au moment où sont définies les notions.
Le renseignement de la grille laisse encore apparaître une incertitude, dordre logique cette fois. Comment, en tant quenseignant, être sûr que les notions de type proto- en sont bien, dès lors quon les pense au rang des savoirs à apprendre ? Si le critère de non perception de leur mobilisation en font des notions proto-, alors quelles notions choisir dans la mesure où, sélectionnées pour être insérées dans ces listes, elles ont toutes été consciemment choisies pour devenir des savoirs à enseigner ? Ne faut-il pas se faire violence, ou feindre la schizophrénie pour renseigner ainsi la colonne de linsu ? En guise de réponse, nous proposons ces trois remarques :
1. Y. Chevallard fait remarquer que « si ces capacités peuvent éventuellement être désignées comme des objectifs denseignement, elles ne prennent pas place au rang dobjets denseignement pour autant » ;
2. ce qui est de lordre proto- dans une discipline ne lest pas forcément au regard dune autre : nous avons eu à remarquer combien le questionnement du sujet nétait pas perçu chez nombre de nos collègues de discipline alors quil est explicitement et systématiquement proposé aux élèves par les enseignants documentalistes lors des activités documentaires. Il passe alors de la catégorie C pour les premiers à la catégorie B pour les seconds ;
3. des changements de catégories sont possibles à lintérieur même dune discipline : la pénétration rapide de concepts issus de la psychologie cognitive dans le milieu professionnel, tels représentation du but ou besoin dinformation, a pour conséquence de rendre les enseignants documentalistes conscients de ces processus intellectuels et, consécutivement, de semployer à les développer chez leurs élèves, du moins en termes dobjectifs. Ces notions passent ainsi de proto- à para-.
La réflexion épistémologique portée sur les savoirs proposés conduit ainsi à mieux poser les questions relatives aux choix des contenus à enseigner et à savoir les dégager de ceux qui nont pas à lêtre, cependant quils doivent également être appris. Ainsi, tout ce qui sapprend ne senseigne pas pour autant. Cest là une question fondamentale pour la didactique naissante de lInformation-documentation.
- bilan
Au terme de ce nouveau tri par critère épistémologique, le corpus de notions désignées est réduit à 211 termes (Annexe II. 11)
3323. La question des concepts organisateurs
Il sagit ici, pour conclure cette étude, de se pencher sur les listes présentant une hiérarchie de leurs contenus notionnels afin de connaître lesquelles de ces notions sont pressenties comme ayant le meilleur potentiel intégrateur.
- les résultats
Sur les 976 occurrences que contenait la liste cible établie à partir de la mise en cohérence terminologique (cf. Annexe II. 4), nous avons relevé 349 occurrences de rangs 1 et 2 (Annexe II 12). Ce nombre élevé, correspondant à 35,7% des occurrences totales, assure la pertinence des résultats, en ce sens quil ne prend en compte que les deux niveaux les plus élevés des hiérarchies. En effet, si 9 listes seulement sur 24 sont structurées, elles représentent pourtant à elles seules 61% des occurrences produites. Nous avons déjà émis cette hypothèse selon laquelle la relation entre structuration et nombre élevé de notions pouvait se faire à double sens : les corpus importants ont besoin dêtre structurés, de même que le fait de structurer incite sans doute à déterminer davantage de notions (effet heuristique).
Au nombre des 349 occurrences de rangs 1 et 2, 69 occupent le premier rang et 304 le second. 42 termes distincts se partagent ces 69 occurrences de rang 1, soit un taux de 61%, ce qui révèle une assez large répartition. Il sest donc avéré nécessaire de se limiter aux notions exprimées au moins par 5 occurrences. Cette préoccupation rejoint dailleurs lun des objectifs de cette étude qui est de dégager les notions les plus fédératrices.
Au total, 13 notions satisfont à ces critères. Elles sont classées par ordre décroissant de leur nombre doccurrences dans le tableau ci-dessous, avec mention de leur catégorie épistémologique (cf. II. § 3322) et de leur discipline de référence (cf. II. § 3312).
n° dordre
NotionsSc. de réf.CatégorieRang
nb doccurrences
TotalABC121informationXX712192support10X412163document10X49134source10X55105classification1-10X3696base/banque de données8X1897codage de linformation8X2488code dorganisation formelle de linformation10X1679système dinformation/documentaire10X32510outil de recherche8X14511indexation3X14512moteur de recherche8X05513thesaurus3X055
9- Les principales notions citées aux rangs 1 et 2 dans les listes structurées : leur catégorie épistémologique et leur discipline de référence.
b- éléments danalyse
Toutes les connaissances humaines présentent cette caractéristique fondamentale dêtre, par le biais des grands systèmes classificatoires, ordonnées, organisées et hiérarchisées dans leurs parties, afin de pouvoir se laisser saisir par la pensée logique. Il en est de même des disciplines scientifiques et des matières scolaires. Neuf listes de notre corpus présentent cette même intention de fédérer, sous des notions principales, premières, un ensemble cohérent de notions secondaires. Quelles seraient-elles en Information-documentation ? Il est possible den avoir une idée assez précise aujourdhui à partir de ces listes, dans la mesure où elles constituent la (quasi) totalité de ce qui a été publié sur ce sujet.
Même si cela na rien détonnant, il peut être ainsi confirmé que cest bien information qui chapeaute en quelque sorte lédifice. De même était-il prévisible de trouver, dans le groupe de tête, les autres notions de support, document, voire source (en 4, avec 5 occurrences de rang 1) et classification (5).
En revanche, la présence de moteur de recherche (12) nous interpelle. Si outil de recherche (10), qui est son générique, a une certaine vocation à englober dautres notions telles fichier, logiciel documentaire, portail, annuaires de sites, métamoteur
et moteur de recherche, cela se vérifie moins pour ce dernier. Faut-il inférer là une conséquence du fort impact des TICE sur lenvironnement et limaginaire de la Documentation ? Si cela était, il faudrait alors avoir les moyens de vérifier cet impact sur support (2) dont lintérêt a été vivement remotivé depuis lapparition des supports numériques. Si, sagissant de outil de recherche, cela venait à être corroboré, alors il faudrait cumuler tout ou partie des résultats obtenus par ces deux notions. Ajoutons à cela lintérêt porté à base/banque de données (6) ainsi quà codage de linformation (7). Serait alors établie la part importante prise par linformatique documentaire dans la (re)construction des contenus notionnels de lInformation-documentation. Il est regrettable quune enquête longitudinale ne puisse être entreprise pour rendre compte de ces évolutions, les données manquant pour la période pré- et proto-informatique scolaire.
Du point de vue des références disciplinaires, la prédominance des sciences techniques documentaires (STD) reste assurée si on se souvient de la répartition des notions info-documentaires sur la carte des sciences de référence (cf. II. § 3312). Les STD (n°10) capitalisaient 35,8% des notions ainsi distribuées, contre 18,7% au profit des deux disciplines liées au numérique réunies (n°s 7 et 8). Cependant, cela ne se vérifie pas si lon sattache au ratio : de 1,9 en faveur des STD quand les notions ne sont pas hiérarchisées, le rapport descend à 1,5 lorsquelles le deviennent. Ce résultat tend ainsi à confirmer linférence énoncée précédemment selon laquelle loutil numérique est bien installé dans les préoccupations des enseignants documentalistes. Mais les préoccupations dont il sagit étant de nature didactique, cest de lintelligence de loutil quil est question au travers de la connaissance de ses principes et des notions quil met en jeu (indexation, droit de linformation, économie de linformation, info-pollution, autoritativité, requête, etc.) Il serait dès lors intéressant de pouvoir étudier la manière dont loutil, de par les évolutions ou les ruptures quil induit, assure ou non la pérennité des concepts.
Enfin, nous avons porté notre attention sur la catégorie épistémologique des notions appréhendées pour intégrer lensemble des objets de savoir de la matière info-documentaire. Il sagissait de vérifier la cohérence didactique de lédifice. A priori, les notions pressenties pour être les premières se devaient pour le moins davoir vocation à être enseignées. De ce point de vue, toutes y satisfont, appartenant à la catégorie des notions (A) selon les critères épistémologiques proposés par Y. Chevallard (1995).
Lentrée proposée ici pour dégager les concepts intégrateurs, à partir des seules listes structurées aujourdhui disponibles, est-elle suffisante ? Existe-t-il dautres moyens dy parvenir que celui du froid recours aux chiffres ? Une approche didactique, investissant la dimension réticulaire des notions nest-elle pas préférable, plus sûre, et pourquoi ?
Conclusion
Létat des lieux de la didactique documentaire avait fait apparaître cette concordance des temps entre linstauration du CAPES et la genèse de lintention didactique. Nous y avons vu une relation de cause à effet : le certificat, en apportant une reconnaissance au corps des enseignants documentalistes, met ceux-ci en devoir dassumer leur nouveau statut denseignant et enclenche de fait une accélération du processus de professionnalisation. Celui-ci se traduit, pour les groupes de professionnalité composés dune part des pionniers militants, et dautre part des jeunes documentalistes issus du CAPES (M.-A. Le Gouellec-Decrop, 1997), par la volonté de rationaliser des contenus denseignement qui se trouvaient jusque là ignorés.
Cette recherche dobjectivation des savoirs notionnels trouve dans les travaux des didacticiens des disciplines les questions et les outils nécessaires. Les principales questions posées par la profession intéressent ainsi lidentification dobjets de savoirs documentaires et leur rattachement à un savoir universitaire de référence. Dans cette démarche de spécialisation disciplinaire, le curriculum servirait de cadre organisateur des enseignements.
Ces préoccupations rencontrent pour bonne partie celles de la didactique dans sa dimension épistémologique. Si les questions retenues à lintérieur de ce cadre nont pas toutes trouvé des éléments de réponse suffisants au travers de lanalyse des corpus de listes et de notions que nous avons constitués à partir des publications concernées, nous retiendrons pour le moins les constats et les réflexions qui suivent, à partir des trois pôles de lidentification des savoirs à enseigner, de leur référence et de leur structuration.
1. Lidentification des objets à enseigner
Lidentification des objets de savoir, lune des tâches majeures de la didactique, se confond dans le cas présent avec leur genèse. Les savoirs désignés à être enseignés ne sont pour lheure, sauf dans le cas exceptionnel et paradoxal du programme de la classe de 1ère STG, que des savoirs proposés par la noosphère. Les listes ainsi publiées sont très diversement présentées, nourries et structurées. La grande hétérogénéité de leur terminologie montre assez que la Documentation est encore dans une phase de tâtonnements, même si les derniers essais font montre de davantage de rigueur et dexhaustivité.
Les écarts terminologiques constatés témoignent par ailleurs dune absence de consensus tant sur le choix des termes que sur les découpages conceptuels. Il apparaît ainsi clairement que ce qui manque, pour établir un dialogue critique et une culture commune, est une base de définition de ces notions. Il est alors étonnant de remarquer combien sont peu utilisés et référés les ouvrages des disciplines pourtant pointées comme sciences de référence par les auteurs. Toutefois, une évolution très récente tend à faire penser quune nouvelle étape est en train dêtre franchie avec la publication de définitions des notions.
Sagissant de lappellation générique de ces notions, la même remarque portée sur lindétermination définitoire des notions peut être formulée ici. Dune part notion et concept sont utilisés comme synonymes, et dautre part aucune attention nest portée à leur sens ni aux conséquences possibles que le choix de lune ou de lautre appellation pourrait impliquer. Nous navons donc pas trouvé là de matière à pouvoir répondre à notre question initiale portant, dune part sur la distinction fonctionnelle entre notion et concept et, dautre part, sur la dimension structurante des concepts. Il faudra dès lors interroger logiciens et didacticiens pour aller plus avant. Cette distinction serait sans doute de nature à affiner le tri des notions et à permettre de mieux structurer lensemble.
La catégorisation épistémologique de ces notions, enfin, a révélé que le triple régime didactique du savoir pouvait être opérant pour les notions info-documentaires. Elle a montré de plus que certaines notions pouvaient migrer dune catégorie de notions non enseignables à une autre selon le degré de conscience de lenseignant. La liste des notions que nous avions retenues sest ainsi trouvée réduite de celles qui, devant être apprises, ne sont pas pour autant enseignées.
Quoi quil en soit, nous avons pu obtenir, à partir de plus dun millier doccurrences extraites de ces listes quelques 221 termes, et ce, à la suite de tris successifs exploitant dabord des critères de cohérence terminologique, puis de pertinence au regard des références disciplinaires et enfin, de pertinence épistémologique. Pour lheure, et en labsence doutils définitoires appropriés, il est difficile daller plus avant dans le tri des notions proposées. A ce propos, la distinction que font G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi (1996) entre fait, notion et concept méritera quon sy attarde.
2. Les disciplines de référence
La prédominance de la Science de linformation en tant que science de référence, avancée par les auteurs des listes de notions, trouve à se vérifier lorsque lon distribue les notions proposées dans les champs disciplinaires. Lentreprise est cependant difficile à mener, là encore en labsence de définitions précises, lorsquil sagit de faire la part entre ce qui ressortit au champ spécifique de la discipline associée et ce qui ressortit à linter-champ délimité par le croisement de celle-ci davec le champ documentaire. Une étude plus poussée permettrait de présenter une topographie des implantations de ces notions en sappuyant notamment sur les attributs qui les composent. Les zones qui apparaîtraient, découpant le champ même de chaque notion, donneraient ainsi à voir ce qui, de chaque notion, pourrait être relié à des notions dautres disciplines mais partageant des attributs appartenant au même domaine documentaire. Nous retrouverions là un ciment pour lélaboration de réseaux conceptuels, ainsi que lapplication, sur le terrain didactique, de la dimension multi-référentielle de la Science de linformation.
Par ailleurs, notons encore la part importante prise par linformatique documentaire, saisie comme exemple intéressant dintersection entre lInformatique et la Documentation. Se pose ici la question de lombre portée de loutil numérique sur les régimes du savoir. Sagira-t-il de savoir que loutil est ainsi caractérisé et construit (information), de savoir comment sen servir pour quil donne satisfaction (apprentissage) ou bien plutôt de savoir pourquoi les résultats quil permet dobtenir ont telle configuration, telles lacunes ou tel intérêt (compréhension) (O. Reboul, 1980 ; M. Fabre, 2004). Dans ce dernier cas, loutil nest quun vecteur mettant en évidence des principes et des lois touchant à la Documentation. Ainsi, une notion exprimée par le terme moteur de recherche peut se décliner sur ces trois modes. Ceci fait apparaître une nouvelle fois la nécessité de ne pas sen tenir à lappellation dun terme mais de laccompagner dune définition en compréhension et en extension, ces deux composantes de la publicité du savoir selon M. Verret (1975). La rationalisation des savoirs effectue le passage de limplicite à lexplicite.
Enfin, nous avons remarqué quau-delà de déclarations référentielles très générales, aucune précision nétait réellement apportée quant à lorigine précise de ces savoirs, et notamment au sujet de la méthode employée pour les faire surgir de ces horizons scientifiques. Leur détermination semble dans la plupart des cas relever de lévidence et, à lintérieur du groupe professionnel, se référer à un consensus plutôt quà un dictionnaire des sciences de linformation. Un « entre nous » qui, en quelque sorte, éviterait, ou permettrait déluder lexplicitation et la preuve. De ce simple constat émerge deux questions auxquelles nous nous efforcerons bientôt dapporter des réponses :
. de quel(s) lieu(x) ces notions sont-elles effectivement extraites ?
. que masque - et donc révèle en creux - cette occultation des références ?
3. La structuration des objets de savoir
A propos de la structuration caractérisant 9 des 24 listes présentées, nous avons eu loccasion de faire ressortir lidée que leur apparition correspondait à un saut épistémologique allant dans le sens dune plus grande explicitation et dune augmentation de la prise de conscience de la charge notionnelle des contenus ainsi organisés. Par ailleurs, leffort enregistré qui consiste à structurer des listes de plus en plus volumineuses correspond au désir de rationaliser des contenus jusque là présentés comme non existants. Aussi leffort de structuration accompagnant la production de ces listes concourt-il au développement du processus de professionnalisation.
Cependant, la nature de larchitecture qui structure ces notions témoigne dune démarche uniquement basée sur un rapport hiérarchique au savoir. Les relations sont en effet de nature inclusive, faisant seulement jouer termes génétiques (TS) et termes spécifiques (TS) entre eux à la manière des thesaurus, le tout dans une conception classificatoire propre, sans doute, à la culture de la profession. Néanmoins, ces pyramides, quand elles existent, permettent, lors de lexamen de leur sommet, dappréhender lesquelles de ces notions ont le pouvoir le plus fédérateur. En ce sens, elles nous renseignent sur le nombre et la nature des pôles intégrateurs de la matière. En loccurrence, et daprès nos résultats, les notions information, support, document et source présenteraient ces qualités.
Outre le fait que ces résultats ne dépendent que dun nombre peu élevé de données, et sont donc fragiles, nous voudrions formuler lhypothèse selon laquelle lorganisation verticale des connaissances nest pas la seule, voire la plus apte à pouvoir rendre compte de ce pouvoir intégrateur. Là encore, un travail mené sur les composants des notions et non pas sur leur saisie globale comme il est procédé ici permettrait peut-être, sinon de parvenir à dautres résultats, du moins de mieux saisir les relations à luvre. Les notions, organisées en réseaux et non plus en pyramides, entretiendraient alors des liens horizontaux.
Enfin, la liste des notions retenues dans notre corpus montre des niveaux dabstraction fort contrastés (de DVD à indexation !). Cette proximité induit des relations hiérarchiques que la mise en liste aplanit forcément. Cependant, autant il est facile de reconnaître lexistence de ces disparités et leurs conséquences pour lappropriation de ces niveaux lorsquil sagit de notions distinctes, autant il est délicat de les penser à lintérieur de chacune des notions prises isolément. Sil est plus aisé pour un élève de se saisir de telle notion au motif quelle est dun accès plus immédiat quune autre, ne peut-on pas de même envisager que cela soit possible pour chaque notion à condition que celle-ci soit saisie non plus globalement mais à partir de ses composantes dont laccès serait également plus immédiat ? Cette préoccupation didactique qui consiste à trouver, pour la construction des notions un point dentrée dans labstraction quelle constitue, na pas pu être retrouvée par lanalyse du corpus et ce, pour la même raison que précédemment, à savoir labsence de définition des objets de savoir proposés.
Ainsi, si certaines questions ont pu trouver des éléments de réponse au travers de lattention portée à cet ensemble de listes et de notions, dautres en revanche nont pas trouvé suffisamment décho. Nous les rappelons ici (cf. II. § 13) :
- Quest-ce quun concept ? Comment distinguer un concept dune notion ?
- Y aurait-il un parti à tirer de cette distinction pour mieux comprendre les savoirs ?
- Comment regrouper certains concepts dans des champs de signification qui soient
opératoires pour le maître et pour lélève ?
- Comment aménager des points dentrée à ces concepts pour les élèves ?
Afin dy remédier, nous nous exercerons, dans la partie suivante, à la manipulation de quelques outils conceptuels de la didactique.
Partie 3
Des outils didactiques pour référer,
définir et structurer la matière
« Un travail préalable ayant pour objet dapprocher
la nature, les contenus et lorganisation dun savoir
quon prétend enseigner »
A. Giordan et al.,
Lélève et/ou les connaissances scientifiques, 1983
Introduction
Le processus dobjectivation des contenus déclaratifs de lInformation-documentation a été jusque là analysé au travers de la production de listes de notions proposées comme savoirs à enseigner. Une lecture épistémologique appliquée à ce corpus, dans le cadre choisi de la didactique, a permis de tester notre questionnement initial et de resserrer celui-ci autour de trois préoccupations essentielles : la référence des savoirs à enseigner, leur identification et leur structuration en système organisé. Cependant, faute déléments paratextuels sur les conditions démergence et sur la définition des notions, certaines questions cruciales portant sur le statut épistémologique, la référence et la fonction opératoire de ces contenus nont pas trouvé suffisamment de réponses. Linvestigation demande ainsi à être poursuivie à partir de concepts outils ayant fait leur preuve dans dautres disciplines instituées.
La question de la référence nous retiendra en un premier temps, tant sa corrélation aux idées dorigine des savoirs scolarisables et de source où les puiser est forte. La position affichée par les auteurs des listes est globalement la même : elle pointe vers les savoirs universitaires des Sciences de linformation. Cest une position qui, instaurant implicitement limage dune descente des savoirs savants vers des savoirs à enseigner, repose sur lidée classique que nous aurions affaire ici au schéma de la transposition didactique restreinte, selon lexpression que J.-L. Martinand (2001) consacre au modèle présenté par M. Verret et Y. Chevallard. Cependant, si la référence, en tant quhorizon désigné, est ainsi nettement pointée, le chemin pour latteindre nest jamais indiqué dans ces textes. Par quels procédés ces savoirs sont-ils repérés, sélectionnés, extraits et apprêtés pour constituer une éventuelle matière denseignement ? La question de la référence demande ainsi à être décomposée. Ny aurait-il pas un dédoublement de la fonction référentielle à effectuer, lune apportant sa part de légitimation, lautre sa puissance heuristique ?
La filiation présentée par les textes nétant pas suffisamment démontrée, notre recherche des origines possibles des notions info-documentaires nous conduira à sortir quelque peu de ce schéma à sens unique, pour nous intéresser à dautres modalités du processus transpositionnel. Nous examinerons ainsi les bénéfices que peut tirer la détermination des savoirs à enseigner de modèles différents, tels ceux de transposition didactique générale (id.) dune part, et de contre transposition dautre part.
Pour aller plus avant sur la question de lidentification de ces savoirs, sans doute faudra-t-il au préalable aborder celle de leur identité. Cest à une analyse logique et épistémologique que nous soumettrons donc les constituants de la matière dont nous disposons. Limprécision dont ceux-ci pâtissent sagissant de leur appellation générique, entre notion et concept, appelle à sinterroger sur les éventuels degrés quils pourraient déployer en tant quabstractions. Par ailleurs, et du même point de vue critique, voire suspicieux, qui nous fera rechercher les raisons qui consistent à privilégier les Sciences de linformation comme seule source de référence, nous faisons lhypothèse que cette imprécision terminologique recouvre un enjeu épistémologique dimportance que nous tenterons délucider. Il sera dès lors procédé à une investigation de la structure interne de ces abstractions. Pour ce faire, nous utiliserons les apports de la logique des termes avant de considérer le profit quen a tiré B.-M. Barth dans sa proposition dune définition opératoire des concepts. La réception que montre la didactique des sciences de cette théorie fonde ce quon pourrait appeler une approche par le concept, laquelle saisit ce dernier comme un outil intellectuel capable de structurer les schèmes cognitifs des apprenants. Nous basant sur la théorie constructiviste de la connaissance, nous appliquerons à la matière qui nous intéresse lun des outils relatif à cette approche particulière, en loccurrence lidée de niveaux de formulation conceptuelle. Il sera ainsi possible de mesurer, dune part, la plasticité opératoire des concepts info-documentaires, et dautre part, de voir comment peuvent être aménagés pour lélève des points dentrée à ces abstractions, considérées ici comme entités discontinues.
Le projet consistant à structurer la matière, quant à lui, concourt à celui de sa rationalisation, projet qui reste lune des priorités au développement du processus de professionnalisation de la profession, ainsi quil a été présenté plus haut. Quelques unes des listes examinées témoignaient ainsi de cette intention dorganiser le domaine en projetant dans celui-ci des armatures verticales et inclusives. Ces choix révèlent sans doute une vision hiérarchique du savoir. Ils nous livrent cependant limage de configurations unifiées, fédérées par quelques concepts intégrateurs susceptibles de fournir une représentation simplifiée mais fonctionnelle de la discipline. Nous reprendrons tout dabord cette notion de concept intégrateur pour ladministrer au domaine concerné par cette étude et procéder au relevé des propositions émises. Nous explorerons ensuite une autre modalité possible dorganisation, qui appréhende les contenus non pas de manière hiérarchique, mais de manière systémique et réticulaire. Pour comprendre lintérêt que révèle notamment lexpression graphique de ces réseaux, donnant lieu à une véritable cartographie conceptuelle, il faudra discerner entre les approches psychologiques et épistémologiques. La première permet au sujet de structurer ses connaissances dans des configurations faisant lobjet dun processus dapprentissage. La seconde offre au didacticien la possibilité dorganiser la matière, non pas du point de vue surplombant ou panoramique des concepts intégrateurs, mais dune multiplicité de points de vue particuliers susceptibles déclairer des zones spécifiques du domaine.
La question centrale à laquelle tentera de répondre de manière opératoire cette troisième partie, par un transfert doutils didactiques, est celle de lémergence dun domaine de connaissances déclaratives à enseigner. Autrement dit : comment, dune pratique sociale connue, la Documentation, faire surgir une matière scolarisable ? Les outils rassemblés pour cette entreprise devraient ainsi permettre deffectuer un certain nombre dopérations relatives ressortissant au processus de transposition, telles létablissement de références, la définition opératoire des contenus de cette matière, et leur organisation rationnelle en un système cohérent, lisible et fonctionnel.
1 La référence des savoirs documentaires : entre légitimation, transposition, et création
Doù pourraient procéder les savoirs à enseigner en Documentation scolaire ? Nous avons déjà eu loccasion daborder ce sujet et avons pu mesurer, du point de vue de lépistémologie des disciplines, à quel point la question de la référence des objets scolaires, en loccurrence ceux de lInformation-documentation, était étroitement liée à celle de leur détermination. Les objets didactiques semblent voués à être rapportés à une extériorité doù ils procéderaient et qui les fonderait et les légitimerait en même temps.
Dans la partie précédente, nous nous sommes tout dabord interrogés sur cette filiation en nous plaçant dans la logique transpositionnelle des auteurs des listes de notions proposées. Nous avons ainsi recherché quelles pouvaient être les sciences de référence à ces notions et avons trouvé un ensemble de disciplines scientifiques et techniques largement regroupées sous légide de la Science de linformation. Ainsi, tenu par cette représentation dominante dune évidente filiation verticale et descendante, nous nous sommes particulièrement intéressé au processus de la transposition didactique principalement inspirée par la didactique des mathématiques. Nous avons pris cependant soin de la considérer non comme un modèle normatif devant servir de patron pour la découpe dune forme documentaire, mais bien comme un modèle explicatif.
Si la thèse de Y. Chevallard (1985) sen tient aux savoirs savants comme source unique de référence aux savoirs scolarisables, M. Verret (1975), quant à lui, avait opposé à ces savoirs théoriques, sélectionnées par lécole à des fins idéologiques, un certain nombre de savoirs dautres types, non scolarisables, au nombre desquels se trouvent les savoirs empiriques. Cette distinction a généré chez les didacticiens à partir des années 80 deux voies référentielles possibles et deux champs de réflexion - et de polémique - contrastés. Lun renferme lécole sur elle-même à partir de lidée dun savoir objectif et transcendant, lautre cherche au contraire à louvrir en référence à des pratiques sociales complexes et immanentes. La thèse la plus largement répandue, la première, celle dune transposition des savoirs scientifiques, a ainsi fait lobjet de vives critiques, à lencontre notamment dune vision jugée trop hégémonique. Pour C. Raisky (2001) par exemple, qui reprend à son compte la thèse de M. Verret, lécole cherche ce faisant à « se couper de ce qui lui est extérieur pour entretenir lillusion de son détachement des enjeux sociaux ». P. Meirieu y voit un contresens pédagogique dans la mesure où, dune part, la répartition scolaire des disciplines ne correspond pas à celle des sciences et où, dautre part, lexécution dune tâche mobilise simultanément des savoirs pluriels (M. Tardy, 2002). O. Reboul enfin, refuse cette idée de la précession du savoir savant au savoir scolarisé. Ces savoirs, remarque-t-il, appartiennent par ailleurs à des mondes distincts autant par lépistémologie que par les valeurs qui les fondent (ibid.).
Nous reprendrons ces deux approches référentielles à partir du champ de lInformation-documentation, afin den mesurer les implications possibles en terme de filiation, de légitimation et de transposition. Une troisième voie, dite contre-transpositionelle, et naissante dans le domaine de la Documentation scolaire, sera également esquissée pour les perspectives heuristiques quelle ouvre en terme de création de contenus possibles.
11. La filiation scientifique, voie de légitimation
La première approche transpositionnelle, inspirée des travaux de Y. Chevallard, propose une filiation directe avec les savoirs savants, universitaires, et ce au prix de différentes manipulations de sélection, de décomposition, de décontextualisation, de programmation et de publicité de ceux-ci. Cette transposition aboutit de fait à la création de savoirs à enseigner souvent bien éloignés de leur référent premier. Eux-mêmes subissent dailleurs une transformation analogue lorsquils deviennent des savoirs enseignés, dans le cadre de la classe et sous les effets conjugués de la personnalité du maître, des objectifs quil se fixe, des outils didactiques dont il dispose et de la nature du public concerné. Le texte du savoir scolaire se rapporte ainsi, sans pour autant faire uvre de réduction, au texte du savoir savant dont il tire souvent une légitimité et une place dans la hiérarchie des disciplines.
De ce point de vue, doù pourraient provenir les savoirs de référence de linformation-documentation ? Le programme des épreuves du CAPES de Documentation, publié au Bulletin officiel en mai 2004, pointe explicitement les Sciences de linformation, de la communication et de la documentation, ce qui ouvre, nous lavons découvert, un large champ dexploration (cf. Annexe I. 6). Cette référence concorde ainsi avec ce que nous avons pu observer de la part de la littérature professionnelle.
Le flottement remarqué entre Science de la communication et Science de linformation provient de leur cohabitation difficile et de cette accusation dhégémonie portée par la seconde à lencontre de la première. Il faut rappeler que ce nest quen France que sont regroupées ces deux sciences, branches de la connaissance instituées par luniversité. La première, la Science de la communication, centre son étude sur les médias, les processus dacquisition, de transmission et de marchandisation de linformation, ainsi que sur les processus qui permettent à celle-ci dacquérir une signification (J.-F. Têtu, 2004). La science de linformation, quant à elle, a pour objectif « létude des propriétés générales de linformation et lanalyse des processus de sa construction, de sa communication et de son usage » (Le Coadic, 2004). Y. Le Coadic (1994) résume cette distinction épistémologique entre les deux sciences en concluant que la communication est un acte et linformation un produit.
Science sociale, puisquelle prend en compte une demande, un besoin et des enjeux sociaux, la science de linformation est résolument interdisciplinaire. Nous avons pris connaissance de lampleur de son domaine de recherche, où se croisent les champs de nombre de disciplines, et avons pu vérifier combien ses objets de savoir semblaient rencontrer ceux de lInformation-documentation (cf. II. § 3321).
Sagissant de celle-ci, rappelons brièvement lenjeu épistémologique de cette référence. LInformation-documentation ne peut prétendre à devenir matière denseignement quen sappuyant sur une référence universitaire, ce qui est aujourdhui possible puisque la Science de linformation est reconnue par le conseil national des universités depuis 1982, dans la 71ème section. A ce titre, elle est enseignée en 3ème cycle universitaire, et les candidats au CAPES de Documentation peuvent se prévaloir de cette formation pour intégrer les IUFM. On mesure là lintérêt de cette filiation paraissant somme toute naturelle. A côté de celle-ci, la référence aux domaines techniques de la bibliothéconomie, de la documentation, de larchivistique ou du journalisme, sources où puise dailleurs la Science de linformation, ne saurait être autant pertinente. Nous avons pourtant observé que plus dun tiers des notions proposées pour être enseignées sy référaient. Mais dans la mesure où ces pratiques empiriques dorganisation ne peuvent pas fonder une discipline denseignement puisquelles nont pas le statut de disciplines scientifiques (Le Coadic, 2002-b), est-il bien utile de revendiquer leur filiation ? Cest pourtant ce à quoi tend le discours de linstitution, qui cherche à ancrer, à partir du concept de politique documentaire, lavenir de la Documentation dans le champ de la bibliothéconomie. Il nest pas interdit de penser, dès lors, que ce choix institutionnel tente dinvalider ou dempêcher, du même coup, toute velléité daccès au statut de discipline scientifique pour linformation-documentation en la privant dune référence universitaire.
Quoi quil en soit, un très large regard consensuel se tourne du côté de la Science de linformation pour offrir une référence légitimant un enseignement, dans le secondaire, de contenus qui résulteraient dune transposition de concepts, de théories, de méthodes et de problématiques appartenant à cette discipline. Yves Le Coadic (2000) se félicite ainsi de la réforme du CAPES entrée en vigueur à la session 2001. Il y perçoit le début significatif dune intégration de savoirs en Science de linformation dans lécole, laquelle intégration, au-delà des épreuves de recrutement des professeurs documentalistes, permettrait de fonder la discipline des Sciences de linformation et de la documentation, entraînant dans son sillage la création dun corps dinspection spécifique, dune agrégation et des programmes correspondants.
Pour M. Frisch (2003) cependant, le débat épistémologique reste ouvert, tant que les conceptions et les limites de la Science de linformation demeurent sujet à controverse. Elle revient sur la pertinence de cette double filiation entre disciplines techniques et disciplines scientifiques, sans pour autant renier quelles partagent des éléments communs tels des concepts, des objets, des pratiques et des techniques, ainsi que des méthodes et des procédures. Dans la première catégorie se rangent principalement la bibliothéconomie, en tant que pratique dorganisation de la bibliothèque, et la bibliographie, définie comme connaissance, recensement et description des ressources documentaires. La seconde catégorie, celle des disciplines scientifiques, comprend évidemment la Science de linformation, proposée alors comme éventuel champ unificateur.
Cette discipline scientifique intégratrice semble donc aujourdhui devoir lemporter, autant du point de vue stratégique vers la légitimation que du point de vue épistémologique. De fait, cest lobjet détude même de ces disciplines techniques qui sest déplacé : il ne sagit plus aujourdhui de faire porter la réflexion sur le livre (bibliologie), la bibliothèque (bibliothéconomie) ou le document (documentologie) mais bien sur linformation (Le Coadic, 1994). Cette centration sur linformation, i.e. la maîtrise de son accès, de sa sélection, de son traitement et de son appropriation par lélève, à lintérieur dun système didactique, rejoint en effet les buts que peut se donner une didactique de lInformation-documentation.
Afin de prolonger cette direction, relevons cette remarque de Paulette Bernhard (2003) à propos de « la question de larrimage entre les différentes dimensions des notions » et qui propose une rencontre entre la Science de linformation et les Sciences cognitives, dont nous avons vu quelles entretenaient des rapports dinterdisciplinarité avec la première. Toute une part de la didactique documentaire, en effet, pourrait bien se prévaloir issue des Sciences cognitives dans la mesure où la réflexion de celle-ci porte sur des objets tels que les processus mentaux organisateurs de la perception, de la représentation, de la catégorisation et du langage, du raisonnement et de lapprentissage, objets justement relatifs au traitement de linformation.
Pour conclure sur ce point remarquons enfin que, si la transposition est évoquée à propos de savoirs disciplinaires de référence, elle se manifeste essentiellement sous les espèces dune recherche de filiation davantage que sous celles dune didactisation dobjets de savoir en objets de savoirs à enseigner. La relation qui est tentée entre les deux mondes semble se faire pour lheure dans le seul sens ascendant : il est dabord repéré, ici-bas dans le champ scolaire, des notions candidates à être enseignées, et il est ensuite recherché là-haut des références légitimantes à ces savoirs. Aussi ce processus de filiation traduit-il plutôt un besoin de légitimation quun véritable besoin de transposition.
Que dire alors du processus heuristique de détermination des notions qui sont pourtant bien présentées aux quatre coins de la noosphère ? Si, dans leur genèse, ils ne proviennent, ni ne procèdent des savoirs scientifiques, alors doù les tire-t-on ? Il nous faut donc rechercher ailleurs la source de leur apparition. Cet ailleurs se nomme pratiques sociales de références et contre-transposition.
12. Le concept de pratiques sociales de référence, autre modalité de la transposition
121. Lenjeu référentiel des pratiques sociales
La seconde approche référentielle est celle des pratiques sociales de référence. Elle offre une réponse particulièrement intéressante à la question posée par les disciplines peu référées à des savoirs savants comme, par exemple, lEPS et la technologie, lesquelles entretiennent plutôt un rapport avec le réel empirique. Ainsi que nous venons de le remarquer, il se pourrait bien que linformation-documentation soit directement concernée.
Selon Jean-Louis Martinand (1986) lauteur de ce concept, il sagit danalyser les écarts observés entre les activités scolaires et les pratiques extra-scolaires prises pour référence. Ces pratiques peuvent correspondre à des activités sociales diverses, activités de recherche, de production, dingénierie, ou bien activités domestiques et culturelles. Elles leur correspondent, certes, mais sans les reproduire ni les réduire. La question de la référence implique justement que la relation nest pas didentité mais de comparaison. La situation didactique et la situation de référence entretiennent des rapports disomorphie (C. Raisky, 2001). Ce faisant, cette question de la référence rejoint du point de vue de lélève la question du sens à apporter aux tâches scolaires, ce que napporte pas, ou trop peu, la référence aux savoirs savants. Michel Develay (1992), à partir du postulat que tout apprentissage est recherche de sens, pointe lintérêt de convoquer les pratiques sociales de référence dans les situations didactiques, et notamment au travers de la démarche de projet et de la pédagogie de lalternance. A titre dexemple, cet auteur montre que, pour un objet disciplinaire donné, par exemple en histoire, un fond dexpériences multiples peut être pris dans les pratiques sociales de référence de larchéologue, du journaliste, ou du guide. Il nest pas question de former les élèves à ces métiers, mais plutôt de prendre en compte ces pratiques, dans tous leurs aspects, non seulement leurs composantes de savoirs, déclaratifs ou procéduraux, mais encore dans les objets, les instruments, les problèmes, les tâches, les contextes et les rôles sociaux (J.-L. Martinand, 2001). Ce dernier point intéresse particulièrement les agents de la didactique de lInformation-documentation à qui lon prête souvent, et à tort, lintention de vouloir former les élèves à devenir des documentalistes ! Cette imputation abusive naît de la singulière proximité entre les deux métiers de professeur et de documentaliste, inédite dans le système éducatif (un professeur de mathématique nest pas un professeur-mathématicien), et dont rend justement compte la double appellation de professeur documentaliste.
Si le concept de pratiques sociales de référence paraît, par bien des points, entrer en opposition avec celui de la transposition didactique dY. Chevallard, il ne constitue pas pour autant, au regard de leur auteur, une sorte de contre-transposition, ou encore de complément de ce dernier. Il tente plutôt de « répondre à une problématique spécifique » qui est celle de la question de la référence, et de chercher à dépasser les effets dogmatiques de la transposition (J.-L. Martinand, 2001). Il sagit ainsi de passer dune transposition restreinte, entre savoir savant et savoir à enseigner, à une transposition générale, entre pratiques de référence et activités scolaires.
Michel Develay (1992) a tenté de concilier ces deux orientations dans une approche plutôt synthétique. Son propos était alors dattribuer aux savoirs à enseigner la possibilité dune double filiation, soit celle des savoirs savants, soit celle des pratiques sociales. J.-L. Martinand (2001) a réfuté cette proposition qui, selon lui, détournait le principe même de ce concept en en faisant un instrument de contextualisation des savoirs, ce quil nest pas : « cela revient à proposer une sorte de dualité instable qui se résout en fait en une centration sur le savoir avec prise en compte des contextes pratiques du savoir ». La tentative de M. Develay a également cela de réducteur en ce quelle place les pratiques sociales de référence, à niveau égal avec les savoirs savants, en amont de la transposition, dans le moment de la construction des programmes.
Or, ainsi que le fait ressortir C. Raisky (2001), les pratiques sociales de référence ne se situent pas seulement à lorigine du processus, mais également dans les moyens (elles sont prises en compte dans les situations de production du savoir) et dans les fins de la situation didactique (elles les inscrivent dans un projet). En fait, le jeu référentiel intervient à tout moment du processus didactique.
Les pratiques sociales procurent ainsi à lélève une double référence à partir de laquelle la situation dapprentissage acquiert du sens, puisquelle lui fournit une analogie et une pertinence. Lanalogie, dabord, construit des passerelles vers dautres situations de même type dans des activités sociales concrètes, quelles soient domestiques, culturelles, citoyennes ou quelles renvoient aux mondes de la production et de la recherche. La pertinence, ensuite, jette un pont sur lavenir de lélève après lécole, en donnant à lapprentissage une finalité pratique à partir des compétences saisies comme utiles à linsertion sociale et professionnelle même si, rappelons-le, lactivité scolaire na pas pour but de former à ces pratiques sociales ; elle en fait sa référence et non son objectif.
122. Les pratiques sociales de la Documentation
Les enseignements-apprentissages info-documentaires, aujourdhui, se construisent à partir de mises en activité des élèves centrées sur des pratiques qui peuvent trouver des situations sociales de référence aussi bien à lintérieur quà lextérieur de lécole. La découverte et lutilisation de loutil CDI, par exemple, prend pour référence culturelle lusage des autres lieux de ressources, de la bibliothèque communale ou de quartier à la bibliothèque universitaire. A larticulation des deux mondes scolaire et publique se rencontrent des usages collectifs (règlement) ou personnalisés (services) et des compétences (repérage, classement, interrogation).
Si le concept de pratiques sociales de référence a été évoqué dans la littérature de la Documentation scolaire depuis 1997, il revient à M. Frisch (2003) den avoir proposé une première synthèse pour la Documentation. Cet auteur identifie deux groupes de pratiques, lun relatif aux professionnels, lautre relatif aux usagers.
1221. Pratiques des professionnels
Le premier groupe, le plus important et le plus structuré, sest progressivement constitué tout au long dune histoire du document qui remonte à lAntiquité. Les pratiques professionnelles proprement dites devant servir de référence aux pratiques scolaires ne remonteront cependant quau début des années 30, à partir du moment où les pratiques bibliothéconomique et bibliographique se spécialisent en activité documentaire stricte. M. Frisch énumère cet ensemble de pratiques diversifiées et spécifiques en les regroupant autour de :
- pratiques de gestion : classement, organisation de linformation, etc. ;
- pratiques de recherche : consultation, interrogation, navigation, etc. ;
- pratiques danalyse et dexploitation de la documentation et de linformation :
sélection, tri, restitution, etc. ;
- pratiques décriture ;
- pratiques de lecture : lecture recherche, explorative, sélective, documentaire, de
limage, navigationnelle, etc. ;
- pratiques de communication et dinformation.
« Lactivité documentaire, conclut-elle, constitue, par conséquent, une pratique sociale de référence pour construire la documentation comme discipline scolaire à part entière ». Il revient aux enseignants documentalistes davoir, depuis les années 80, opéré un véritable travail de transformation dune activité documentaire - dont la vocation nétait pas scolaire - en une activité denseignement-apprentissage (M. Frisch, 2006). Cette rupture épistémologique a ainsi donné naissance à une pratique scolaire originale, laquelle peut facilement trouver ses références dans ces activités dorigine.
1222. Pratiques des usagers
Le deuxième groupe de pratiques sociales de référence identifié renvoie aux pratiques des usagers. Celles-ci concernent :
- lécriture ;
- la lecture ;
- la recherche.
Lauteur ne développe pas davantage la nature de ces pratiques, mais lon devine quil y est autant question des usages personnels que des activités scolaires.
Sagissant des premiers, il suffit de penser, par exemple, à limpact que produisent sur ceux-ci les outils et les supports technologiques et qui, aujourdhui en constituent lhorizon indépassable. Le développement des équipements multimédias des familles et des connections à la toile banalise les usages de ces technologies de linformation et de la communication. Ceux-ci, de plus en plus massifs, génèrent un certain nombre de pratiques domestiques, exercées le plus souvent dans la sphère privée. Ils façonnent en même temps la figure dun improbable usager-documentaliste, terme traduisant cette représentation commune selon laquelle chacun pourrait aujourdhui se dispenser de savoirs documentaires au motif quil bénéficie dun accès personnel aux ressources via les technologies numériques. Lidée selon laquelle la mutation technologique inaugure un rapport direct, non médiatisé, à linformation est confortée par lautonomie de fait dun usager en mesure de pouvoir non seulement interroger, chercher, trouver, sélectionner, traiter lui-même linformation dont il a besoin, mais encore la (re)produire, limprimer, léditer, la publier et la partager. Cette posture autonome a eu pour effet dinterroger la fonction et la légitimité des professionnels de linformation en général, et dans une bien moindre mesure les personnels enseignants de la Documentation. Sur le plan scolaire en effet, lenseignant documentaliste sait bien ce quil en est de lécart constaté entre ces pratiques empiriques et personnelles, relevant de savoirs daction en germes, et les pratiques rationnelles quil a pour mission de faire naître. Cette pratique domestique peut dailleurs avoir une importance déterminante dans la démarche didactique de lapprentissage pour peu que lon y prenne appui pour faire émerger les conceptions des élèves sur les savoirs implicites mobilisés dans ces pratiques. Cest en cela quelles sont dabord des pratiques de référence dont il est intéressant de savoir tirer parti.
1223. Lauto-référence scolaire
Sagissant enfin des activités scolaires, nous voulons évoquer les usages pédagogiques du Web qui seffectuent à lintérieur même de lécole. Les prescriptions des enseignants de disciplines en matière de recherche dinformation trouvent à se réaliser aussi bien dans la sphère privée du cercle familial que dans celle, fortement socialisée, de lenceinte scolaire. Dans ce cas, lactivité documentaire renvoie à une pratique sexerçant, la plupart du temps, en dehors de la situation didactique stricto sensu. Elle ne constitue pas un enseignable mais fait appel à une sorte de proto-savoir (cf. II. § 3322), un allant de soi se référant à des pratiques sociales lointaines sagissant du chercheur, encore à distance sagissant de létudiant, mais proches sagissant de lélève. C'est-à-dire que le professeur, lorsquil prescrit ce type dactivité de lintérieur dune situation didactique, se réfère à une pratique sociale en usage à lintérieur même de lécole, mais en même temps extérieure au système didactique quil pilote. Elle se situe dans cet entre-deux constitutif du curriculum caché (P. Perrenoud, 2002). La référence est bien ici dordre professionnelle, et cest du métier délève dont il est question.
En ce sens, la maîtrise de lactivité documentaire, exigible de lélève par lécole, devient une pratique sociale auto-référentielle. Sa justification par la pertinence - sa finalité - se manifeste dès lors quil est rappelé à lélève que cette maîtrise lui sera nécessaire tout au long de sa scolarité, et notamment dans ses échelons supérieurs.
13. Lapproche contre-transpositionnelle, source de création
Laxe de recherche que développe M. Frisch consiste à se saisir de lidée de la référence, non pas pour sa dimension de filiation légitimante, laquelle ne saurait avoir lieu ici, non pas seulement dans sa dimension disomorphie génératrice de sens, mais surtout pour son pouvoir créateur de savoirs scolarisables.
En sus du recours classique aux champs disciplinaires dont la Documentation se réclame, il sagirait ici de délimiter et de didactiser des notions « par une opération que nous qualifions plutôt de contre-transposition parce quelle sexerce à partir des pratiques et des activités menées dans lécole, en travaillant au repérage des savoirs dexpérience, à lextraction des savoirs de laction, et en mettant les savoirs en mouvement » (Ibid.).
La transposition à contre-sens sappuierait donc ici non pas sur des objets notionnels, mais sur des savoirs pratiques, et où le savoir est envisagé dans une logique dusage. Ce renversement de la perspective transpositionnelle classique correspond bien à un processus de rationalisation puisquil tend à objectiver des savoirs en acte en des savoirs formels. Cette approche correspond à la problématique des formations professionnelles, où la constitution des objectifs denseignement ne peut procéder « par transposition de savoirs explicites préalables, mais [requiert] lidentification et la conceptualisation de savoirs en actes issus de lexpérience pratique » (J.-P. Bronckart et J.-L. Chiss, 2005).
La démarche contre-transpositive convoquée ici appelle à dépasser, nous semble-t-il, lopposition entre savoirs objectivés, de type discursif, et savoirs incorporés ou détenus, de type opératif (J.-M. Barbier et O. Galatanu, 1998), pour aménager des transferts réciproques de significations entre les premiers et les seconds. Ainsi, de nouveaux savoirs objectivés se dégageraient de lanalyse de ces savoirs daction concourant à stabiliser un ensemble de notions à enseigner, tandis quinversement, les savoirs daction se verraient transformés en savoirs vivants à lintérieur de situations didactiques complexes de type situation-problème.
Les savoirs de laction extraits des pratiques et des activités des élèves seraient alors soumis à lexpertise et à la référence des techniques documentaires et informationnelles. Pour être construits, ils doivent cependant être « orchestrés lors de la mise en place dune situation dapprentissage, en référence à la pratique de recherche ».
Selon M. Frisch, ces savoirs se déclineraient en trois faisceaux :
. savoirs didentification des outils documentaires et informationnels ;
. savoirs dinterrogation et stratégiques ;
. savoirs didentification, de traitement du document et de linformation.
A la différence dun exposé de compétences auxquelles ces formulations font penser, laccent est mis ici sur « le problème général de linterprétation de loutil, du document, de linformation par lusager » (cf. II. Conclusion, 2). Ce dispositif de recherche mis en place pour produire, identifier et analyser ces savoirs daction semploie ainsi à considérer ceux-ci comme une « mise en mots des compétences » (J.-M. Barbier et O. Galatanu, id.).
14. Bilan
La référence des savoirs scolaires relève denjeux épistémologiques puissants, quelle que soit la modalité invoquée pour établir et conforter les rapports quelle implique : la transposition didactique restreinte, les pratiques sociales de référence ou bien lapproche contre-transpositionnelle. Il sagit de faire en sorte que les savoirs à enseigner se rapportent, de manière suffisamment forte, à quelque chose qui les tienne.
La première les fait tenir à cet en-haut que figurent les savoirs scientifiques et luniversité qui les produit, dans une relation verticale strictement descendante. Mais lenjeu ny est pas quépistémologique, il est aussi de légitimation, et le prestige des origines se répand le long de cette filiation tel un blason illustre se transmet le long dun lignage. Mais lInformation-documentation ne puise pas là ses notions, elle les y réfère seulement. Par contre, elle y étanche sa soif de reconnaissance. Y. Chevallard (1994) met en garde les disciplines candidates qui prétendraient pouvoir prendre un tel risque sans réelle légitimité : « à se prévaloir dun système de savoirs, une pratique sociale gagne en noblesse ce quelle perd en intimité. Telle est la pente que suivent nombre dinstitutions, et notamment de professions, qui cherchent à se repositionner dans léchelle des valeurs culturelles ».
Les secondes, ces pratiques sociales de référence relevant de ce que J.-L. Martinand appelle transposition didactique générale, font tenir les savoirs référés dun hors champ scolaire, dun ailleurs davec lequel ils établissent des relations disomorphisme, sur un plan horizontal. Elles leur offrent un vecteur de multi-temporalité, reliant la situation didactique aussi bien en amont de la transposition, ce temps de lélaboration des savoirs, quen aval, du côté des finalités, et amarrant solidement le tout dans lici et le maintenant de procédures didactiques accordant les moyens et les manières de faire à ceux et à celles du champ de référence. Ce nest pas seulement un enjeu épistémologique, ou un simple enjeu de sens, mais un véritable enjeu didactique : les savoirs construits ici devront être transférés avec succès là, dans ces situations fondamentales, a-didactiques « en dehors de tout contexte denseignement et en labsence de toute indication intentionnelle » (G. Brousseau, 1987). A la croisée du monde scolaire et des mondes culturel, professionnel et social, la transposition générale intégrant les pratiques sociales de référence nest pas dépendante, comme la modalité précédente, des seuls bouleversements scientifiques, mais encore des mutations et des évolutions que connaissent ces différents mondes. LInformation-documentation, elle, fait là son miel : les références dont elle a besoin, si elles ne sont guère prestigieuses, sont bien proches et dautant plus solides. Derrière lenseignant se tient un documentaliste lassurant de son expertise technicienne ; derrière chaque élève résiste un usager-chercheur, ou un usager-documentaliste en mesure de convoquer ses expériences et ses représentations. Il sagit là dune transposition en douceur, mais en contre-partie sans publicité ni assurance de légitimation.
Enfin, lapproche contre-transpositionnelle fait tenir les savoirs deux-mêmes, ou plutôt dune autre modalité deux-mêmes, cherchant ainsi à dialectiser savoirs théoriques et savoirs daction. La figure dessinée pour ces relations dordre réflexif et rétroactif est celle dune boucle et le topos est lici, ce lieu où on ne sattendait pas à trouver les savoirs que lon cherchait dans len-haut et dans lailleurs des transpositions classiques. A mi-chemin entre les savoirs objectivés issus de la Science de linformation et des savoirs opératifs détenus par les élèves engagés dans des processus concrets, lexpertise technique du champ professionnel documentaire sert dappui et de référence. Cet ici nest autre que lexpérience pratique de lélève en situation didactique de recherche d'information. Cette approche puérocentrique contraste fort avec les précédentes, plutôt adultocentriques, même si la première se tourne vers luniversalité des savoirs et la seconde vers un humanisme contemporain. La démarche reste principalement dépendante de lévolution des médiations technologiques, desquelles procèdent en bonne part les conditions de lapparition de ses objets détude, puisque les savoirs daction ne se révèlent quau travers dinteractions entre lélève et les outils et supports documentaires. Lenjeu didactique est ici à la fois cognitif (lappropriation des savoirs) et épistémologique (lélucidation de ces savoirs).
Il nexiste pas de modèle unique pour la constitution dune matière, et chacune dentre elles est nourrie de son histoire, de son questionnement, de son épistémologie mais également des différentes modalités daccès à ses références. LInformation-documentation ne saurait échapper à la règle de lexception.
2 Des savoirs structurants : la structuration interne des concepts
Introduction
« Quels sont les pouvoirs nouveaux que je vais donner aux élèves quils navaient pas en début dannée ? », fait se demander à lenseignant J.-P. Astolfi (1990-b). Les pouvoirs dont il est question ici sont cette capacité de lire et de comprendre le monde que donnent certains savoirs. Les outils intellectuels quils contiennent et mettent à disposition sont ces concepts dont la fonction opératoire, justement, permet la saisie des phénomènes et des problèmes quils recèlent. Cest donc à une avancée vers la nature épistémologique du concept que nous sommes ici conviés, mais une avancée dont le but reste toujours didactique.
A savoir que lexplicitation de la structure du savoir considéré en tant quobjet de létude puisse servir à lélaboration de savoirs en tant quobjets à enseigner. Il faudra bien commencer par procéder à une définition technique du concept, rechercher ses composants, déterminer ses fonctions, jauger de son intérêt pour le but que lon sest fixé.
La différence dappréciation du terme concept entre les professionnels de la Documentation scolaire qui le boudent au profit de celui de notion dun côté, et les didacticiens des sciences qui au contraire laffirment de lautre, ne peut qualerter sur lintérêt particulier que peut représenter cet objet pour qui cherche à saisir ce que la didactique pourrait apporter au processus de rationalisation des savoirs à enseigner en Information-documentation. Nous prendrons ainsi le temps de chercher à savoir comment, et pour quelles raisons, la didactique distingue notion et concept. Ce que nous en tirerons nous aidera à percevoir en quoi la structure interne des concepts peut aider les élèves à les édifier. Il sera alors traité de la fonction opératoire de ces « pouvoirs nouveaux » quévoque J.-P. Astolfi, de la capacité quils confèrent à agir sur le réel en même temps que leur appropriation agit sur les structures cognitives de lélève.
Pour ce faire, faut-il encore que des accès à ces abstractions structurantes soient possibles. Sans pénétrer le domaine complémentaire des conceptions des élèves, qui ne relève pas de notre approche épistémologique, mais nous référant à la théorie constructiviste de la connaissance, nous voudrions voir sil est possible daménager des points dentrée à ces concepts pour les élèves, à partir notamment de lélaboration dénoncés relatifs aux niveaux de formulation conceptuelle.
Nous conduirons à nouveau cette approche de la fonction structurante des concepts en prenant soin den mesurer les retombées sur la didactique de lInformation-documentation. Il sagira donc de se saisir doutils didactiques pour travailler les savoirs info-documentaires, dans le but de reconnaître lintérêt de ces outils dans une entreprise curriculaire, destimer la nature épistémologique de ces savoirs et de chercher à structurer la matière quils constituent.
21. Des notions aux concepts
Comment ne pas relever, dans la profession, le mauvais accueil qui est réservé à lemploi du terme concept ? Il lui est largement préféré celui de notion qui semble, par son ambition sans doute plus réduite, faire moins peur. On remarquera cependant que notion est un terme banalisé pour toutes les disciplines aussi bien sur le terrain que dans les programmes officiels. Pourtant, la didactique des sciences nemploie guère, quant à elle, que concept, et souvent en opposition avec notion, terme considéré alors comme son rival. Comment distinguer ces deux appellations ? Laquelle utiliser pour désigner les savoirs à enseigner en Information-documentation et à quelles conditions ceux-ci pourraient-ils prétendre à devenir des outils intellectuels ?
211. Définitions étymologique et philosophique
Lentrée par lhistoire de la langue française confirme le lien entre notion et connaissance puisquils ont pour ancêtre commun le latin noscere « apprendre à connaître ». Ayant pris, tout comme concept, le sens didée générale et abstraite, il a fait lobjet dune normalisation au milieu du XXème siècle pour se distinguer de celui-ci, alors compris comme un anglicisme. Ceci peut expliquer en partie lemploi qui lui est aujourdhui réservé. Mais les deux termes ne sont pas pour autant synonymes. Notion, explique Alain Rey (1995), « correspond à une idée générale socialisée, plus vague et moins opératoire que concept ». En effet, notion, passé dans le langage courant, renvoie bien, au singulier, à une connaissance immédiate et intuitive, et au pluriel (avoir des notions), à des rudiments de connaissances.
Cest en philosophie que les deux termes ont trouvé le mieux leurs marques respectives. Le Dictionnaire de la philosophie (2000) décrit la notion comme un terme plus vague et plus vaste que le concept qui, lui, est jugé plus précis. Elle est un donné, le fruit de lexpérience et de ce fait ne peut être que commune. Il est un produit, résultat dun certain travail et par conséquent singulier, i.e. inscrit dans un cadre théorique qui doit être précisé. Ainsi par exemple parlera-t-on de la notion de justice, mais du concept de justice chez Platon. Transposant cet éclairage dans le domaine de la Documentation, il pourra être opposé, à la notion dinformation usitée dans le langage courant, le concept dinformation en Science de linformation.
Le concept est ainsi défini comme « une idée abstraite, définie et construite avec précision : cest le résultat dune pratique et lélément dune théorie » (id.).
212. Le champ de référence
Cest en des termes équivalents quAlex Mucchielli (2000), épistémologue des Sciences de la communication, appelle ses collègues scientifiques à observer davantage de rigueur dans lutilisation des termes scientifiques, afin de pouvoir, en tant que concepts, les opposer aux équivalents banalisés par lusage. Il suffirait pour cela de les contextualiser et de les référer au domaine qui les emploie : « si lon veut parler de communication en tant que concept, nous sommes obligés de faire référence à la théorie dans laquelle il se situe ». Cette théorie et ce modèle dans lesquels les concepts se pensent et doivent sexprimer se nomment, pour G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi (1996) champ de référence.
Lidée dinformation, par exemple, renvoie à une notion en tant que simple mot du vocabulaire quotidien, ce que favorise son étonnante polysémie, mais devient un concept lorsquil est employé en Sciences de l'information, ou bien en biologie, ou encore en journalisme, pour peu que le champ de référence dans lequel il se déploie et se comprend soit précisé et quun consensus ait été établi autour de ses caractéristiques et de ses propriétés.
Ainsi les concepts info-documentaires, une fois caractérisés, devraient-ils faire lobjet dun démarquage davec le sens commun. La précision de la terminologie, qui appelle à la rigueur et au respect de la norme, constitue en effet, en tant que marqueur sémantique, lune des composantes les plus visibles dune matière scientifique à enseigner. La maîtrise du langage, qui plus est spécialisé, reste encore le meilleur instrument pour développer et structurer la pensée. Cest bien cela qui nous avait manqué dans lexamen du corpus de listes.
213. En logique des termes
La logique des termes, reprenant la distinction introduite par la Logique de Port-Royal (1662), peut encore nous aider à différencier notion et concept et à entrer plus avant dans la définition de ce dernier. Un concept se détermine sémantiquement par un double contenu : sa compréhension dune part, exprimant la conjonction dun certain nombre des caractères, ou prédicats, qui le définissent avec précision, et dautre part, au moyen de son extension, ou étendue des objets comprenant ces caractères.
Lidée abstraite de document, pour reprendre à nouveau un exemple tiré de notre corpus, peut être défini en compréhension par les caractères
. support,
. contenu intellectuel,
. structure,
ainsi quen extension par tout objet particulier et discontinu répondant à ces critères, par exemple :
. tel numéro du Monde,
. telle édition du Nouveau Littré
. tel diaporama
. telle émission télévisée (voir fig. 5).
En ce sens, document est bien un concept.
Moins il existe de critères essentiels pour définir un concept (en compréhension) et plus le nombre de ses représentations ira croissant (en extension). A linverse, moins un concept est de large étendue et plus il sera de forte compréhension.
Cette considération pose la relativité du rapport notion / concept, puisque le curseur peut se déplacer entre ces deux pôles mis ainsi en tension. Dans le cas dune moindre caractérisation, on tendra plutôt vers la notion (ex. oiseau), tandis que dans le cas inverse se précisera le concept (ex. : rapace). Il sensuit que lélucidation des concepts info-documentaires devra, pour ce faire, déterminer le point de fixation de critères suffisamment pertinents pour intégrer un champ de référence exclusif.
214. Application de la définition opératoire du concept selon Britt-Mari Barth
En conformité avec cette représentation, Britt-Mari Barth, professeur en Sciences de léducation et spécialiste des apprentissages, propose une définition opératoire du concept quelle construit à partir des travaux du psychologue américain Jérôme Bruner. Un concept nexiste que par opposition à un autre concept. Cette distinction est dès lors établie, comme nous venons de le voir, sur la base de caractères, ou qualités, ou encore critères qui le composent, et que B.-M. Barth nomme attributs. Les attributs ainsi répertoriés fixent et définissent le concept en compréhension. Certains de ces attributs distinctifs permettent de discriminer, par exemple, périodique et livre et didentifier lun et lautre. La clarification des attributs dun objet favorise par conséquent le discernement et permet le classement de celui-ci dans une catégorie fondamentale. Lobjet ainsi différencié par une combinaison dattributs qui lui sont spécifiques est désigné par un terme ou étiquette. Celle-ci na aucune valeur en soi, étant un symbole arbitraire. Létiquette permet par contre de regrouper une pluralité dobjets appelés exemples à la condition quils renferment une même combinaison dattributs (B.-M. Barth, 1987). La liste ouverte dexemples, assortie de contre-exemples, définit alors le concept en extension.
De la sorte, nous dirons quun concept est une construction abstraite désignée par une étiquette (le signifiant), caractérisée par un ensemble dattributs conjoints (le signifié) et référé à une pluralité dexemples (le référent).
Fig. 5 : Transposition de la définition opératoire du concept selon Britt-Mari Barth (1987) sur
le concept document dans le domaine conceptuel de lInformation-documentation.
Dans le cadre dun projet de détermination dun corpus dobjets à enseigner en Information-documentation, cette définition opératoire du concept peut savérer utile pour deux raisons. Tout dabord, nous avions constaté combien labsence de précision sagissant des contenus conceptuels exprimés par les termes proposés dans les listes rendait difficile et hasardeuse lentreprise de cohérence terminologique (cf. II. § 332). Ce processus définitoire sannonce ainsi pertinent pour tâcher de lever les ambiguïtés et didentifier les concepts du corpus. Nous avions, ensuite, fait remarquer combien les appellations utilisées par les auteurs des listes restaient globales et hésitaient plus particulièrement entre les deux emplois de notion et de concept (cf. § II. 3322). Cette imprécision trouverait donc là de quoi seffacer. En effet, lidentification des attributs se précisant, qui tendrait à faire déplacer le curseur du côté de la notion vers celui du concept, nous assisterions là à un processus de stabilisation épistémologique des contenus de la matière.
Afin de savoir si cet outil est opératoire dans le champ de lInformation-documentation, nous avons décidé de lappliquer à ses objets. A lintérieur du groupe de travail de la FADBEN impliqué dans la formalisation des contenus théoriques de la matière, et qui doit remettre ses travaux au début de 2007, nous avons commencé lexploration de cette voie (cf. § II. 24 et Annexe III. 1). Le tableau ci-dessous en livre quelques extraits :
(terme)
Etiquettes
Définition en compréhension
Définition en extensionAttributsExemplesContre-exemples
1.
DOCUMENT> utilise un support
> contient des informations
> propose une structure organisationnelle
> manifeste une intention de communication
> utilise un code de transcription
> est référençable
> est socialement légitimé
> est indexable. un document électronique
- ex. Encyclopédie Encarta
. un enregistrement dune émission de radio
- ex. : « Les archives du procès de Nuremberg », France Culture, 24-08-2006
. un extrait de banque de données
. un n° de périodique
- ex. : Le Monde du 05-05-2006
. une affiche
. une conférence orale non enregistrée
. un débat public en salle
. une conversation téléphonique
. une page web dynamique « à la volée »
. un SMS
. un journal intime (non publié)
. une représentation théâtrale dans un théâtre
2.
MOTEUR DE
RECHERCHE
> outil de recherche automatisé
> recherche et indexe des sources numérisées
> utilise un robot dexploration
> possède un module dindexation automatique
> propose un module dinterrogation
> utilise des méthodes de classement automatisé des résultats. moteur de recherche du web :
Yahoo!, Google, MSN, Exalead, etc.
. annuaire de sites :
Open directory
. métamoteur :
Kartoo, Ixquick
. outil de syndication de fils RSS
3.
NAVIGATION
> modalité de la recherche dinformation
> consultation directe dun dispositif dinformation
> approche intuitive de linformation. utilisation de la table des matières dun livre
. consultation dun annuaire thématique
. consultation dun plan de classement
. renvoi dans des bases de données
. hypermédia sur CD-Rom
. navigation sur le Web. interrogation dun catalogue de bibliothèque
. interrogation dune banque de données en ligne
. utilisation dun moteur de recherche du Web
. utilisation dun métamoteur
. utilisation de lindex dun livre
10. Application aux concepts de lInformation-documentation de la définition opératoire du
concept selon Britt-Mari Barth
Lexemple 1 montre quil est possible, à partir des exemples produits de présenter des typologies dobjet. En loccurrence, ici : document électronique, livre, périodique, site, affiche, film, etc.
Lexemple 2 illustre le haut niveau dabstraction de certains attributs, eux-mêmes nécessitant une définition. Par contre, la liste des exemples et contre-exemples est brève mais cependant très évocatrice pour les élèves usagers du Web, parce quétant constituée de référents empiriques (J.-L. Martinand, 1995).
Lexemple n°3, navigation, est un concept générique englobant dautres modalités qui nécessitent également dêtre définies : navigation arborescente, navigation hypertextuelle.
Enfin remarquons que nombre de termes convoqués dans lune ou lautre de ces modalités définitoires se révèlent eux-mêmes être des concepts. Les concepts se définissent ainsi à la fois en opposition et en coopération avec dautres concepts.
Il reste encore à distinguer parmi ces attributs ceux qui sont essentiels à la reconnaissance dun concept de ceux qui ne le sont pas. Les attributs peuvent ainsi savérer :
- soit essentiels, parce que toujours présents (la périodicité dans le cas de périodique et
de livre),
- soit accessoires, en tant que variables non essentielles (le support dans ce même
exemple).
Cette distinction de nature peut également être appliquée avec profit aux objets documentaires :
Attributs essentielsAttributs accessoires
INDEXATION> traitement intellectuel
> description du contenu
> analyse du contenu
> accès à linformation
> technique de marquage. langage documentaire
. langage naturel
. indexation humaine
. indexation automatique
MEDIA> dispositif de communication
> utilise un moyen technique
> influence la structure du document
> caractérise la nature physique de linformation
> induit des usages
> influence et modifie la perception du monde. un support matériel
. une source
. un moyen de publication
. un moyen de diffusion
. un canal de transmission
PERIODICITE> fréquence de publication. monographie
. publication en série
11. Application aux concepts de lInformation-documentation de la distinction entre deux natures
dattributs.
Si la définition précise des attributs permet de catégoriser les objets étudiés selon les concepts disponibles, ces derniers trouvent à se distinguer à partir de leurs attributs essentiels et non de leurs attributs accessoires. Aussi la maîtrise des concepts nécessite-t-elle la reconnaissance par lélève de ces deux critères.
22. Réception du concept de concept en didactique
221. Un approche épistémologique du concept
Cest sur cette conception empruntée aux travaux de B.-M. Barth que sappuient Gérard de Vecchi et Nicole Carmona-Magnaldi pour Faire construire des savoirs (1996) à partir dune définition pratique des concepts. Constatant à quel point les enseignants ont une image extrêmement floue du concept, les auteurs commencent par préciser la délimitation à effectuer entre notion et concept.
Du point de vue didactique, celle-ci sopère dans le cadre plus général dune épistémologie du savoir. G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi, proposant une catégorisation des connaissances, distinguent en un premier temps les connaissances ponctuelles, ou informations, des connaissances conceptuelles. Les premières ressortissent au factuel et à lanecdotique, dérivées de lexpérience ou de lopinion, et leur accumulation aboutit à produire des connaissances en îlots. Cest ainsi que sont dailleurs souvent définies les notions enseignées à lécole. Les secondes, les connaissances conceptuelles, sont présentées comme des structures mentales abstraites et organisées, produits dun long processus de mise en relation et de construction. Elles trouvent une part de leur étayage, leur substrat, dans les connaissances factuelles quelles utilisent comme des points dancrage. Si les premières sont statiques, les secondes sont en revanche dynamiques, capables dévoluer selon les progrès de la recherche. Nous retrouvons là les jugements kantiens de lassertorique, exprimant une idée de fait, et de lapodictique, exprimant ce qui est évident pour lesprit en tant que proposition démontrable.
Connaissances ponctuelles, notions et concepts sont ensuite différenciés à partir des opérations intellectuelles mises en jeu. Les informations, en tant que cas particuliers, font ainsi lobjet dune simple description ; les notions se construisent au travers dune définition des idées générales qui caractérisent lexemple étudié ; les concepts sapproprient à partir de lélaboration dune définition générale abstraite obtenue par comparaison avec dautres objets similaires. Jean-Pierre Astolfi (1992) partage cette conception en précisant que « la construction dune notion se présente de manière cumulative, par ajout déléments successifs, certes logiquement enchaînés, mais ne répondant à aucune question, [tandis que le concept permet] de construire du sens à partir de données, ou comme élaboration dun modèle dinterprétation de faits ».
Prenons le cas de lobjet moteur de recherche :
Fait, connaissance ponctuelleNotionConcept
par description dun exemple : MSN Search
par définition globale relative à lexemplepar extraction des caractères essentiels communs à dautres objets de même classe et
par définition générale abstraiteNom : MNS Search
Date de lancement : Février 2005
. accès : HYPERLINK "http://search.msn.fr/" \t "_blank" http://search.msn.fr/
Propriétaire : Microsoft
Taille de lindex : 5 milliards de pages
Syntaxe dinterrogation :
ne tient pas compte de la casse des lettres.
Ordre des mots :
: paris dakar donne un résultat différent de dakar paris. Une plus grande importance est donnée au premier mot choisi.
Opérateurs logiques :
OU : OR
ET : par défaut
SAUF : -
Ne connaît pas la troncature, etc.
> le moteur de recherche MNS Search permet de faire des recherches sur le Web, à partir dune interrogation effectuée avec des mots complets et dont lordre de placement est important. outil de recherche automatisé
> recherche et indexe des sources numérisées
> utilise un robot dexploration
> possède un module dindexation automatique
> propose un module dinterrogation
> utilise des méthodes de classement automatisé des résultats
12. Distinction entre les différents régimes de la connaissance appliquée au concept info-documentaire moteur de recherche, selon le modèle de G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi (1996).
Cet exemple illustre lidée selon laquelle un terme info-documentaire peut masquer différents régimes de la connaissance, allant du statut de connaissance factuelle à celui de connaissance conceptuelle. Aujourdhui, seuls les deux premiers régimes sont convoqués dans les situations didactiques. Le second, la connaissance notionnelle, renvoie à un ensemble de notions pouvant être connues et sollicitées pendant ou en marge des travaux de classe, mais nétant jamais enseignées. Elles sont à ranger au rang des notions para-, selon les catégories épistémologiques de Y. Chevallard (1985) (cf. II. § 3322)
Notion et concept, loin dêtre synonymes, traduisent ainsi, par lécart qui les sépare, et la tension quils font naître, toute lambition de lentreprise didactique, qui est damener les élèves à construire du sens au travers dune approche rigoureuse et questionnante. Laccès au savoir opérant, du point de vue didactique, consiste en une appropriation continuée du sens qui sappuie sur un processus progressif de conceptualisation (B.-M. Barth, 1993). Il sagit alors essentiellement daborder le savoir par le concept. Considérant lexigence relative à tout enseignement, la position où une discipline place le curseur entre la notion et le concept à lintérieur de son domaine conceptuel, révèle par conséquent le degré dimplication quelle entend prendre dans léducation des élèves.
222. La dimension opératoire du concept
Dans Lécole pour apprendre (1992), Jean-Pierre Astolfi fustige les savoirs scolaires au motif que ceux-ci se réduiraient à une juxtaposition de propositions logiquement connectées et se contenteraient dénoncer des contenus. Ces savoirs propositionnels, selon lui, ne sont ni théoriques, puisquils demeurent rigides et formels, ni pratiques dans la mesure où ils sont indissociables du contexte singulier de la classe. De ce fait, ils se révèlent plus proches de la notion et du sens commun que du concept et du savoir scientifique. Or la discipline scolaire est « censée fournir aux élèves des cadres intellectuels, des outils danalyse du réel extradidactique » (id.). Lapproche par le concept permet alors de construire des savoirs opératoires, c'est-à-dire offrant des outils intellectuels capables de servir (analyse, critique, comparaison, problématique, etc.), de sadapter et dévoluer. Pour être opératoire, un concept scientifique doit pouvoir être réinvesti dans des situations nouvelles et donner prise sur la réalité (A. Giordan, 1983). Son pouvoir tient de « sa capacité à expliquer un nombre plus grand de faits dune manière cohérente » (G. de Vecchi, 1990).
De quelle nature est donc cette uvre (opus) qui agit au sein du concept pour structurer lesprit des élèves et lui fournir des savoirs de compréhension ? Quatre fonctions opératoires fondent la dimension structurante du concept : lagrégation, linvestigation, lexplication et la prédiction. Les savoirs conceptuels à enseigner en Information-documentation les intègrent-ils ?
Pour les didacticiens des sciences André Giordan et Gérard de Vecchi (1987), les concepts constituent dabord des points de regroupement des notions éparses, données par lexpérience et les observations du sujet. Leur fonction dagrégation consiste ici à réunifier, à rendre cohérents les savoirs acquis mais non consolidés, ainsi que les représentations erronées des élèves et ce, dans le but de les faire évoluer (F. Cornu et A. Vergnioux, 1992). Le concept info-documentaire de requête, par exemple, permettra dunifier des notions dispersées telles que question, recherche ou mot du sujet.
Les concepts offrent ensuite des instruments dinvestigation dans lélaboration des contenus scientifiques (A. Giordan et G. de Vecchi, 1987). Ils permettent ainsi dexplorer de nouveaux phénomènes, de conduire de nouvelles recherches et de (pro)poser de nouvelles questions. Ce faisant, ils structurent les acquis en permettant leur interconnexion. Sagissant de lélève sappropriant le concept de requête, il lui sera dès lors offert, dune part, de mobiliser et de relier les concepts dindexation, de mot-clé, de base de données, dinformation et de page de résultats. Dautre part, des questions pourront surgir : « Quand je formule une requête, comment est traitée ma demande ? Pourquoi les résultats saffichent-ils dans cet ordre ? Ces résultats étaient-ils déjà rassemblés dans le moteur de recherche ? Ai-je accès à tout le Web ? » Et toute autre question faisant apparaître que les élèves, par exemple, ne font aucune différence entre une page web, un outil de recherche et Google
Cela est bien perçu à partir de ce dernier exemple : les concepts nont dintérêt que parce quils offrent les moyens intellectuels de construire et de résoudre des problèmes. Ils sont au service de problématiques auxquelles ils tentent dapporter des réponses. Cest en ce sens que Jean-Pierre Astolfi et Michel Develay (1989) évoquent la fonction explicative des concepts. Cependant, si les concepts ne trouvent leur pertinence et leur légitimité que dans leur strict champ de référence, ils nont pas prétention non plus à pouvoir être efficaces et à opérer hors de leur périmètre explicatif. Leur champ de validité doit être scrupuleusement borné (id.) parce quils ne valent quà lintérieur de certaines limites. Un concept ne peut sétendre hors de celles-ci quen réduisant le nombre de caractères qui le définissent (en compréhension). Un champ de validité délimite la zone dans laquelle le concept, son niveau de formulation, reste opérationnel. Ce qui conduit à penser quun concept nest pas vrai en soi, mais relativement à son champ de validité, ou champ dapplication (G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi, 1996).
Dans la mesure où cette démarche conduit à lélaboration de modèles explicatifs des phénomènes observés, il est dès lors possible de prendre en compte la fonction prédictive, prévisionnelle des concepts, inséparable de la précédente (J.-P. Astolfi, 1986 ; J.-P. Astolfi et M. Develay, 1989). Ainsi la connaissance conceptuelle des principes de lindexation, associée à sa modalité automatique dans les moteurs de recherche permet de prévoir les résultats, au sens dune réduction de lincertitude et du bruit documentaire.
223. La définition pragmatique du concept, selon G. Vergnaud
La fonction explicative du concept linscrit de fait à lintérieur de situations et de problèmes pour lesquels il fournit un outil de résolution. Pour G. Vergnaud (1990), un concept ne saurait ainsi être réduit à sa définition, mais plutôt devoir être pris en tant que processus délaboration pragmatique finalisé par ces situations et ces problèmes, et à partir desquels lélève peut construire des significations. Le concept est alors saisi comme lensemble des invariants utilisables dans laction, et composant les schèmes organisateurs de la conduite pour une classe de situations données. Ces invariants opératoires peuvent être rapprochés des attributs caractérisant le concept chez B.-M. Barth, à cela près quils sont ici des concepts-en-acte, cest-à-dire quils interviennent dans le traitement des informations et dans les choix opérés par le sujet.
La définition pragmatique dun concept fait donc appel à « lensemble des situations qui constituent la référence de ses différentes propriétés et à lensemble des schèmes mis en uvre par les sujets dans ces situations ». Il sensuit quun concept peut être considéré comme articulant les trois composantes suivantes (cf. fig. 6) :
. (I) : lensemble des invariants opératoires (le signifié) ;
. (S) : lensemble des situations apportant du sens au concept (la référence) ;
. (S) : lensemble des formes langagières ou non langagières désignant le concept (le signifiant)
fig. 6 : Les trois composantes du concept dans sa définition pragmatique, selon G. Vergnaud (1990)
Cette définition se distingue notamment de celle de B.-M. Barth dans le sens où elle constitue non seulement une approche subjective (les schèmes) plutôt quobjective (les attributs) mais encore une approche centrée sur les situations plutôt que sur les caractéristiques essentielles de lobjet. La référence, ainsi, ne sert pas à exemplifier ou à manifester la combinaison des attributs dun concept, mais à définir une classe de situations pour lesquelles le concept est opératoire, et à travers lesquelles il ne peut quêtre construit, constituant ainsi ce que G. Vergnaud nomme champ conceptuel. Le champ conceptuel est à la fois lensemble des situations dont le traitement implique lusage du concept et de ses invariants opératoires, et lensemble des concepts qui permettent danalyser ces situations. La définition pragmatique du concept fait ainsi appel à une théorie psychologique du concept, réintroduisant le sujet dans le jeu didactique.
224. La dimension structurante du concept
Dans le domaine de la didactique de linformation-documentation, Muriel Frisch (2003), contrairement au courant majoritaire qui fait de notion un terme consensuel, a fait le choix délibéré (et courageux !) de concept. Elle justifie cet emploi au motif quun concept oblige à adopter une posture mentale rigoureuse, ne serait-ce que pour bien comprendre la complexité de son mécanisme, à mettre en relation des opérations intellectuelles, à entrer dans un processus de conceptualisation à partir de lidentification et de la combinaison de ses attributs ainsi quà ouvrir un certain nombre de questions et de problèmes.
Dans un court article paru en 1986, Jean-Pierre Astolfi récapitule la dimension structurante des concepts. Ce sont des outils mentaux disponibles, opérant dans une dynamique intellectuelle centrée sur les relations, permettant une prévision possible dans des situations nouvelles à partir dun petit nombre de structures réinvestissables et de caractère abstrait, i.e. dépassant les exemples (J.-P. Astolfi, 1986). Ces structures conceptuelles, ou contenus-structures, ne pouvant travailler à vide, nécessitent lutilisation dobjets détude, ces connaissances factuelles (cf. tableau n°12), ou contenus-supports - qui supportent la structure - avec lesquels elles interfèrent constamment. Il faut alors noter que cette interrelation est marquée par le mécanisme piagétien déquilibration entre assimilation et accommodation, assimilation lorsque le sujet incorpore les propriétés de lobjet, accommodation lorsque lorganisme qui incorpore varie en conséquence (J. Piaget, 1976).
En dautres termes, et dans le domaine conceptuel qui nous intéresse, linformation-documentation, le concept, en tant que structure facilitant la construction du savoir, peut fournir un outil intellectuel propre à se saisir des objets et des problèmes informationnels. Mais en retour, son appropriation, qui réclame son exercice et son déploiement tout au long du cursus scolaire, construit, modifie et fait évoluer les cadres intellectuels de lélève. Le concept est à la fois ce qui permet la compréhension des phénomènes du monde de linformation, en les contenant (conceptus) par la pensée, et à la fois ce qui discipline et structure cette pensée.
23 Les niveaux de formulation conceptuelle
231. La construction des concepts
Cette double puissance structurante du concept que confère son appropriation sacquiert justement lors de la construction de celui-ci par le sujet. Au travers de la construction du concept, donc, cest un pouvoir dexplicitation qui sélabore dans un double mouvement de préhension du monde et de soi (com-préhension). Pour G. de Vecchi, « la construction du savoir scientifique passe par une suite de ruptures et de remodelages » (1990). On comprendra que les assises théoriques de cette saisie épistémologique et constructiviste de la connaissance le doivent à Piaget pour ce qui est des remodelages, et à Bachelard sagissant des ruptures successives.
La construction des concepts peut être perçue, de manière très schématique, comme combinant deux mouvements coordonnés, lun assurant le passage de la connaissance factuelle à labstraction que constitue le concept, lautre, qui en est à la fois la marque et la conséquence, assurant la réorganisation du savoir. Le premier mouvement seffectue par une suite de mises en relation progressives et par la prise en compte dun nombre de faits de plus en plus grand : « au fur et à mesure que le concept sélaborera, les formulations deviendront de plus en plus abstraites. Il sagira en fait dune approche inductive » (id.). Cette chaîne des formulations devra cependant être autant descendue que remontée, afin dappliquer les outils généraux en cours de formation à des situations concrètes (A. Giordan et al., 1983). Au bout du compte, ces avancées successives en viennent à remettre en cause les représentations, obligeant à une réorganisation des connaissances.
Cest le deuxième mouvement. Il ne sagit pas daccumulation, mais bien de restructuration, où les ajouts de connaissances viennent prendre la place, à partir de structures cognitives daccueil, déléments déjà là. Ainsi un ancien modèle explicatif des phénomènes du monde est-il amené à changer lorsquun fait nouveau lui retire son pouvoir opératoire (J. D. Novak. et A. J. Cañas, 2006 ; cf. Annexe III. 4). Le rapport à la réalité, de plus en plus complexe et abstraite, est ainsi jalonné de ruptures entre des modèles explicatifs antérieurs et les nouveaux. Le savoir a régulièrement besoin dêtre réorganisé. En biologie par exemple, le concept de respiration se transforme au cours des âges des élèves. A la question « par quoi se manifeste la respiration ? », des élèves de maternelle répondront quil se manifeste par des mouvements observables ; des élèves de primaire par des échanges gazeux, et des collégiens par des réactions chimiques doxydation (G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi, 1996). Pour accompagner ces ruptures épistémologiques, ces passages dun niveau de compréhension à un autre, que lon souhaite plus opératoire, il convient daménager une construction progressive des concepts impliqués. Cet aménagement saccompagne du repérage des niveaux de formulation.
Cest ce concept didactique qui va nous retenir ici, dans la mesure où il articule la réflexion épistémologique sur la structuration interne du concept et sa fonction opératoire à lapproche psychologique de son appropriation par lélève.
232. Intérêt du concept de niveau de formulation
Les énoncés produits par les élèves constituent les indices du niveau dabstraction auquel ils sont parvenus à propos dun concept visé. Lenseignant peut leur venir en aide en balisant ces cheminements par des énoncés construits à partir de la définition opératoire de ce concept.
Philippe Meirieu (1987) inscrit cette préoccupation au tout début de la démarche didactique : « le premier temps de la démarche didactique, écrit-il, consiste à inventorier un nombre limité de notions essentielles et à en déterminer le registre de formulation correspondant à un palier de compréhension chez les élèves dont on a la charge ». Cest ainsi que lélaboration dun curriculum en information-documentation peut être facilitée par une réflexion poussée sur les différents niveaux de formulation des concepts qui lui sont constitutifs.
Lors de la définition des objectifs de savoirs notionnels dune séquence, lenseignant a tout intérêt à rédiger très précisément, sous la forme dune ou de plusieurs phrases, ces idées générales quil souhaite voir aisément formuler par ses élèves en fin dapprentissage. Il ne sagit pas de vouloir les entendre restituées par cur, mais de sassurer quelles sont bien maîtrisées. Aussi faut-il bien avoir à lesprit que le niveau linguistique atteint par lélève peut masquer la perception de la structure sous-jacente au concept travaillé (A. Giordan et G. de Vecchi, 1987). Lénoncé produit par lenseignant agit comme grille de compréhension des énoncés produits par les élèves.
Cet énoncé, correspondant au seuil dabstraction visé pour un niveau de scolarité donné, est appelé tantôt niveau de complexité (B.-M. Barth, 1987), tantôt registre de conceptualisation (M. Develay, 1992), tantôt encore registre de formulation (J.-P. Astolfi et M. Develay, 1989) ou, plus généralement, niveau de formulation (G. de Vecchi, 1992 ; G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi, 1996 ; A. Giordan et G. de Vecchi, 1987 ; F. Cornu et A. Vergnioux, 1992). Cest cette dernière terminologie que nous retenons pour notre part.
Lédification du concept par lélève, dont rendent compte les niveaux de formulation explicitement déterminés, sopère par laugmentation progressive du nombre des attributs qui déterminent le concept (définition en compréhension). Cela permet ainsi de réduire, tout en le précisant, le champ de validité du concept et de le spécialiser en réduisant de même son extension, i.e. le nombre des objets auxquels il sapplique. La construction des concepts avance ainsi par paliers successifs vers davantage dabstraction (G. de Vecchi, 1992).
Le nombre des attributs retenus pour chaque niveau de formulation détermine le niveau de complexité, ou dabstraction relatif au point dentrée dans le concept (B.-M. Barth, 1987, 1993). Britt-Mari Barth (1993) propose ainsi à lenseignant de se poser les questions suivantes : « Quels sont les attributs essentiels ? Quels sont les attributs secondaires ? Quel est le niveau de compréhension recherché ? Pour qui ? »
233. Application du concept de niveau de formulation
Florence Cornu et Alain Vergnioux (1992) incitent de même lenseignant à établir une typologie des niveaux de formulation dun concept, en commençant par « faire linventaire des énoncés possibles pour une même notion, en fonction des niveaux scolaires, et les organiser dans la progression dun cursus ».
Une réflexion de ce type a été récemment concrétisée dans les académies de Caen et de Rouen (cf. Annexe III. 2), et envisagée par le groupe de travail de la FADBEN. La première initiative réunit de jeunes enseignants documentalistes autour dune équipe de formateurs des deux IUFM. Elle propose, dans le cadre dun atelier de terminologie, quelques exemples éclairants. A partir de la définition savante dun concept sont définis trois niveaux de formulation : 6ème, 5ème (niveau 1), 4ème, 3ème, 2nde (niveau 2) et 1ère, terminale (niveau 3). Dans ce contexte précis, la définition savante renvoie au savoir savant, tandis que les différents niveaux correspondent aux savoirs à enseigner à tel moment de la scolarité. A titre dexemple, nous restituons le travail réalisé à partir du concept de support (Dupart et al., 2005) :
SUPPORT
Définition savante (sic)
Élément matériel de stockage destiné à la mise en mémoire de données qui y seront transcrites (généralement de façon permanente). Il combine un matériau, un procédé de codage et une technique dinscription. On distingue différents types de supports :
naturel : papier, argile, pierre, bois, tissu, peau...
magnétique : bande magnétique, cartouche...
chimique photosensible : pellicule...
optique : disque opto-numérique...
Niveau 1Le support permet dinscrire des informations sur un matériau pour les conserver.Niveau 2Le support est un élément matériel où les informations peuvent être transcrites au moyen dun codage (alphabétique, analogique, numérique). Le support permet ainsi la conservation des informations plus ou moins durablement.Niveau 3Le support est un élément matériel (ou immatériel) permettant de transcrire et de stocker des données en mémoire. Il combine un matériau, un procédé de codage et une technique dinscription. Les différents supports ont des durées de vie variables.
13. Niveaux de formulations énoncés pour le concept support (Dupart et al., 2005)
Il est possible de vérifier, par cet exemple, que les attributs dun concept sont également des concepts, quils appartiennent ou non au champ de référence du domaine. Si lon reconnaît bien information, codage, et donnée comme constitutifs de la Science de linformation, en revanche conservation, inscription, transcription et matériau sont à ranger au nombre des concepts transversaux, en cela quil possèdent un large champ dapplication.
Le texte donné pour définition savante se compose de deux parties :
. lénoncé relatif au niveau de formulation cible, correspondant à la définition
en compréhension du concept support ;
. une typologie des supports, correspondant à la définition en extension du
concept.
Nous ne retiendrons ici que la première partie.
Commentaires :
Ces énoncés appartenant au maître, nous ne pourrons nous intéresser quà leur dimension épistémologique, et chercher, afin de pouvoir appréhender la plasticité dun concept, à déterminer quels types dopérations lénoncé original a subi.
Cependant, lintention étant tournée vers la facilitation de lappropriation du concept par lélève, nous repérerons les procédés mis en uvre dans ce cas pour aménager des points dentrée aux élèves.
Méthodologie
Nous commencerons par repérer les attributs convoqués pour chacun des niveaux. Certains termes étant distincts pour désigner le même concept, nous reportons sur la première colonne les termes normalisés, que nous reproduisons entre crochets (A. Boulogne, 2005). Les termes exprimés dans les énoncés produits garderont ainsi leur forme spécifique. Enfin, nous appellerons Niveau 0 lénoncé relatif à la définition dite savante.
Terme normaliséNiveau 0
Enoncé de référenceNiveau 1Niveau 2Niveau 3a.[stockage]stockageØØstockage
b.[codage]codageØcodage (alphabétique, analogique, numérique)codage
c.[support physique]élément matériel
matériauélément matérielélément matériel - immatériel
d.1.[conservation]mémoire - conservationconservationconservationdurée de vie2.[mémoire]mémoire
e.1.[information]donnéeinformationinformation2.[donnée]donnée
Nb 5345
14. Répartition des attributs du concept support tels quils apparaissent dans les niveaux de
formulation (V. Dupart et al., 2005)
Remarques préliminaires
Quelques anomalies sont à remarquer avant de procéder à lanalyse du tableau, lune dun point de vue formel, et deux autres dun point de vue conceptuel.
1. Cohérence formelle : la terminologie employée nétant pas entièrement normalisée, cela entraîne une certaine incohérence à divers endroits (concept c, concepts d et e pour partie)
2. Cohérence conceptuelle : dans deux cas, mémoire et donnée, la synonymie du terme a entraîné un glissement dun signifié à un autre :
. mémoire, employé au sens de [conservation] « ensemble de techniques, méthodes et procédés destinés à assurer la sauvegarde matérielle des documents » (d1) au niveau 0 prend le sens de [mémoire] « unité fonctionnelle permettant lenregistrement, le stockage, la conservation et la restitution de données » (d2) (ex. ROM, RAM, etc.) au niveau 3.
. donnée, employé au sens de [information] « élément de connaissance susceptible dêtre représenté à laide de convention pour être conservé, traité ou communiqué » (e1 ) au niveau 0 prend le seul sens de [donnée] « data, donnée informatique » (e2) au niveau 3.
Dans les deux cas, cela revient à introduire un attribut conceptuel nouveau qui nest pas présent dans lénoncé de référence (niveau 0).
3. Enrichissement conceptuel : sans quil y ait cette fois-ci des problèmes dus à la synonymie des termes, des apports inédits au niveau 0 apparaissent à deux endroits :
. des précisions sont apportées à lattribut [codage] (2b)
. idem pour lattribut [support physique] (3c)
2331. Types dopérations appliquées à lénoncé de référence
- ajouts successifs dattributs : lénoncé dorigine comprend cinq attributs essentiels distincts (de a à e). Lénoncé 1 nen comporte plus que trois. Les attributs manquants viennent sajouter progressivement dans les niveaux 2 et 3. Ce procédé par ajouts successifs dattributs est conforme à lidée énoncée au § III. 214 selon laquelle plus le nombre dattributs dun concept augmente et plus tend à se stabiliser son statut de concept (fig. 7). Le processus va donc dans le sens dune moindre à une plus grande spécification.
fig. 7 Stabilisation du concept par ajouts successifs dattributs
- ajout dattributs accessoires : comme il a été remarqué plus haut, un enrichissement conceptuel inédit, i.e. non prévu dans lénoncé de référence, sest produit en 2b et 3c. Ces apports ne sajoutent cependant pas à la liste des attributs mais viennent en complément aux attributs essentiels (cf. § III. 214). Ils correspondent à des attributs accessoires. Il est cependant remarquable que cet enrichissement ne soit pas transféré au niveau supérieur (3b) sagissant de [codage].
- introduction dattributs de types différents : dans les deux cas précédemment repérés (2b et 3c), les attributs accessoires ne sont pas cumulatifs mais sexcluent mutuellement. Ils sont appelés disjonctifs par B.-M. Barth (1987) qui établit ainsi une typologie, empruntée à Jérôme Bruner, où laccent est à présent porté sur le type de relation existant entre les attributs qui composent les concepts.
23311. Classement des concepts par type de relation entre leurs attributs
Trois types de concepts sont ainsi dégagés : conjonctifs, disjonctifs ou relationnels. Il y a conjonction dattributs lorsque ceux-ci doivent être impérativement présents dans chaque exemple (un carré est une figure fermée et comportant 4 segments de droite et de longueur égale et formant 4 angles droits). Le concept est en revanche disjonctif lorsque certains attributs sexcluent (un verbe peut être soit daction soit détat). Enfin, le concept est dit relationnel lorsquil a besoin dautres concepts pour être défini (grand, lourd). Reprenant cette classification, Gérard de Vecchi (1992) y ajoute les concepts subjectifs, dont la définition, personnelle, nest pas partagée par tous (beauté, liberté). Mais ne nous rapprochons-nous pas ici un peu trop de la notion ? Nous présentons donc les trois types proposés par Britt-Mary Barth sous forme dun tableau, et tâchons de leur adjoindre des exemples tirés de linformation-documentation :
Typesexemples généraux
(Barth, 1987)exemples tirés du domaine info-documentaireConcepts conjonctifsrectangle
insecte
adjectifdocument
répertoire de sites
ressourceConcepts disjonctifsnationalité (soit le fait dêtre né dans un pays, soit le fait davoir été naturalisé)- support (un élément soit matériel soit immatériel)
- outil de recherche en ligne (soit un répertoire de sites, soit un moteur de recherche soit un métamoteur)
- moteur de recherche (présente les résultats soit par rang soit par catégories)Concepts relationnelspetit
masse
analogie
contrairenotoriété
pertinence
validité temporelle
variabilité du temps de conservation
15. Classement des concepts par type de relation entre les attributs du concept (B.-M. Barth, 1987)
Ce type de classement révèle son utilité non pas pour structurer la discipline mais plutôt pour aider à la détermination des concepts et à la rédaction des niveaux de formulation.
2332. Procédés mis en uvre pour laménagement de points dentrée aux élèves
Les procédés repérés dans lexemple donné et relatifs à laménagement de points dentrée progressifs dans labstraction peuvent ainsi être présentés :
- laugmentation progressive du nombre dattributs essentiels (cf. III. § 214 et fig. 7) ;
- lajout progressif dattributs accessoires (2b, 3c) ;
- la priorité accordée aux concepts relatifs à des référents empiriques : dans le cas
présent, [codage] et [stockage] sont plus abstraits que [matériau], [information] et
[conservation]
- lenrichissement progressif du lexique : inscrire précède transcrire, matériau
précède élément matériel, etc. (axe paradigmatique) ;
- la complexification croissante de la syntaxe, et notamment lapparition de groupes
nominaux : inscrire précède technique dinscription ; codage précède procédé de
codage ;
matériau précède élément matériel. Lenrichissement se manifeste encore par des
énumérations (2) (axe syntagmatique)
En conclusion :
Ce simple exemple donne une idée des écueils à éviter dans lélaboration dénoncés des niveaux de formulation, sagissant pour le moins de la cohérence terminologique et conceptuelle.
Nous avons observé que le mode général de fonctionnement procédait par accumulation déléments successifs, aussi bien conceptuels (attributs) que formels (lexique, syntaxe) à partir dun état initial, du niveau inférieur aux niveaux supérieurs. Le modèle observé ici semble ainsi traduire une logique de déclinaison, de réduction, voire dédulcoration du savoir savant. On peut se demander jusquà quel point cette vision adultocentriste reste pertinente au regard des stratégies cognitives élaborées par les apprenants à la recherche de points dentrée dans ces abstractions. Aussi peut-on encore interroger la pertinence quil y aurait à vouloir faire correspondre, comme dans lexemple donné, des niveaux de formulation (niveau 1, niveau 2, etc.) et des niveaux formalisés par le cursus (6ème, 2nde, etc.). A ce propos, lapproche par lidée de réseaux et dauras conceptuels peut savérer complémentaire (voir infra).
A. Giordan (1983) propose alors de multiplier les énoncés, afin de « détacher les concepts des situations concrètes » et de les affranchir de recettes. Les moments de structuration offerts à lélève lui permettent ainsi de produire des énoncés intermédiaires lui assurant des approches différenciées.
24. Bilan
La différence entre notion et concept est de nature épistémologique : elle engage des rapports particuliers à la vérité. Dun bout à lautre du spectre se déploient les possibles de labstraction, mais tandis que dun côté, celui de la notion, laire recouverte est étendue et se satisfait de lexpérience et de lentendu, de lautre côté, celui du concept, le domaine de validité est étroit et soumis à des critères stricts et mesurés. Dun côté donc le donné, de lautre le construit.
Cest sur lorientation spécifique que prend une discipline à cette production de contraintes quelle trouve son identité, ainsi que sur le choix des objets détude sur lesquels ces contraintes sexercent.
A ce titre, les objets info-documentaires restent encore à construire. Certains dentre eux ont vocation à devenir des concepts de ce type, tels information, documentation, support, indexation, source, etc. De nombreux autres candidats doivent encore faire leurs preuves. Il sagit en premier lieu deffectuer une conversion à lintérieur du régime des connaissances, aller du factuel au conceptuel, en passant par le notionnel. Cette traversée sengage dès lors que ces abstractions en viennent à être définies en compréhension et en extension. Le chemin parcouru entre les extrémités représentées par ces différents rapports à la connaissance sont toute lambition dune entreprise didactique.
En second lieu, les concepts info-documentaires doivent encore faire la preuve de leur pouvoir dexplicitation des problématiques et des phénomènes sociaux et culturels liés à linformation et à la documentation. Ont-ils, in fine, ces vertus apodictiques des modèles explicatifs dune science ? Nous avons pu vérifier, à partir dexemples, lintégration effective de fonctions opératoires requises, relatives aux pouvoirs dagrégation, dinvestigation, dexplication et de prédiction. Peut-on encore penser lélaboration des concepts, en tant que schèmes organisateurs de la conduite, au travers des invariants qui les rendent opératoires à lintérieur de classes de situations données ?
Ces concepts, dans leur dimension structurante, doivent être considérés comme bifrons, regardant et organisant simultanément dun côté le monde et ses manifestations, de lautre le sujet et sa structure cognitive.
La production dénoncés rendant compte du niveau dabstraction - ou niveau de formulation conceptuelle - atteint par, ou bien attendu de lélève, peut servir de témoin dans le premier cas, ou de balise dans le second. Sagissant de ce dernier emploi, il revient à lenseignant de prévoir et daménager, à partir de ce quil sait des attributs essentiels des concepts visés, des points dentrée, sous la forme de repères, dans ces abstractions selon le niveau de maturation cognitive présumé. Sur ce chemin, il lui faudra cependant apprendre à tenir compte des énoncés produits par les élèves et à les estimer à laune des énoncés attendus, afin que soient repérés les moments où les éléments ont des chances dêtre intégrés dans leur structure cognitive.
Des travaux dobservation de situations didactiques au cours desquelles des énoncés prenant en compte les niveaux de formulation relatifs aux objets info-documentaires seraient analysés au regard des niveaux dattente ne sont pas encore inscrits à lordre du jour. A ce point de la discussion cependant, la définition en compréhension des concepts semble devoir tenir compte des capacités de structuration effective des élèves.
La détermination des savoirs à enseigner devrait pouvoir être articulée à létude des niveaux de formulation. Ce processus particulier délaboration de la matière documentaire se situe à cheval sur les dimensions épistémologique et psychologique de la didactique. La première permet un travail sur la décomposition analytique du concept et sur la hiérarchisation des attributs qui le composent, tandis que la seconde cherche à tirer des passerelles cognitives entre ceux-ci et les structures daccueil des apprenants.
3. Des savoirs à structurer : la structuration externe des concepts
La matière conceptuelle composant larmature théorique dune discipline présente une structure doublement articulée. Nous avons examiné comment des savoirs à enseigner en Information-documentation, en tant que concepts, pouvaient tirer leur pouvoir opératoire de lanalyse logique de leur structure interne, laquelle articulait entre eux des attributs selon des relations dont il était possible de rendre compte.
La seconde articulation est extérieure au concept saisi ici en tant quunité. Elle cherche à dévoiler larchitecture globale ou régionale de lensemble, soit au moyen darmatures bâties sur des relations dinclusion, dans le cas des concepts intégrateurs, soit par le biais de cartographies singulières, fondées sur des relations dassociation entre les concepts, dans le cas des réseaux conceptuels.
Les regroupements ainsi effectués, ou bien de manière formelle, ou bien de manière dynamique selon les besoins, façonnent des champs de signification diversement appréhendés par lenseignant. Quels bénéfices celui-ci peut-il espérer en tirer ?
Dans tous les cas, nous tenterons, à partir dexemples tirés de la littérature ou de notre recherche, den mesurer lintérêt pour lentreprise de rationalisation et de structuration de lInformation-documentation.
31 Les concepts intégrateurs de lInformation-documentation
A lissue dun relevé des occurrences de rangs 1 et 2 effectué sur 9 listes structurées, nous avions pu dégager les 13 notions les plus fédératrices selon les auteurs de ces listes (cf. II. § 3323). Etaient ainsi apparus, en tête de listes, les concepts suivants : information, support, document et source. Les résultats suivants devaient être moins pris en compte, à moins deffectuer des regroupements, au motif de leur trop faible nombre doccurrences. Au-delà des concepts élus, il ressort ce fait quun nombre très restreint (quatre en loccurrence) dobjets émergent à partir de plus de 200 termes retenus. Cest bien là lune des caractéristiques de ce type de concepts appelés intégrateurs.
Quappelle-t-on au juste concept intégrateur ? Comment les détermine-t-on ?
311. Des paradigmes explicatifs fondamentaux
Au milieu des années 80 apparaît en France cette idée que les concepts spécifiques des champs disciplinaires sont hiérarchisés, aussi bien du point de vue de leur rang, en tant que concepts essentiels à la compréhension du domaine considéré, que du point de vue de leur pouvoir intégrateur, en tant quils fédèrent des concepts secondaires. Bien utiliser leur dimension structurante conduirait ainsi « à mieux voir la trame de nos disciplines, et à repérer les quelques concepts fondateurs et vivants à luvre dans chacune delles » (J.-P. Astolfi, 1986). Lidée quil existerait, somme toute, peu de concepts réellement structurants, et par conséquent essentiels, a conduit dune part à marquer la distance avec les savoirs propositionnels, multiples et juxtaposés et, dautre part, à vouloir resserrer les programmes autour de concepts clés et dobjectifs noyaux, par sélection des contenus denseignement (J.-P. Astolfi, 1990). Britt-Mari Barth (1993) invite ainsi lenseignant à réfléchir sur les concepts les plus centraux, ou concepts organisateurs qui donnent au domaine sa cohérence interne.
Michel Develay (1992) les nomme quant à lui concepts intégrateurs et recourt à la métaphore pour évoquer leur relation dinclusion : « à la manière des poupées gigognes, ils emboîtent des concepts plus petits et constituent les principes organisateurs, au niveau notionnel, dune discipline enseignée ». Il sagira par exemple, pour linformation-documentation, du concept dinformation qui fédère les concepts de donnée informationnelle, de source, dauteur, de connaissance informée, etc. A son tour, auteur contient les concepts dautorité, de responsabilité éditoriale, dautoritativité, et ainsi de suite.
Pour Britt-Mari Barth (1987), ces concepts inclusifs doivent être recherchés parmi ceux qui, par leur nombre limité dattributs et par leur grand pouvoir évocateur auprès des élèves, aménageraient à ces derniers un point dentrée le plus large possible dans labstraction. A titre dexemple, Gérard de Vecchi et Nicole Carmona-Magnaldi (1996) donnent le concept chaise, lequel, par comparaison à ceux de fauteuil et de tabouret, permet de construire le concept de siège. Siège, en effet, pour englober chaise et fauteuil, doit être défini avec moins de spécifications. En information-documentation, il sera facile de partir de moteur de recherche, par exemple, puis de le distinguer dun métamoteur et dun répertoire de sites, pour construire le concept doutil de recherche en ligne.
Les deux dimensions didactiques du concept, épistémologique et psychologique se croisent à nouveau ici : dun côté lintérêt porté pour la structuration et la compréhension dune matière denseignement, de lautre la facilitation de lappropriation du concept par lélève pour qui lon recherche le meilleur accès. La présentation des concepts aux élèves se détermine alors par le choix des attributs qui satisfont le mieux à leur capacité de compréhension (B.-M. Barth, 2002).
La nature de ces « paradigmes explicatifs fondamentaux » comme les nomme M. Develay (1996) sont bien de nature intégratrice. Mais leurs fonctions sont multiples. Ils visent ainsi à :
. organiser les contenus : retrouver une cohérence à la matière, une certaine logique ;
. donner ainsi une meilleure visibilité, en faciliter lappréhension ;
. sélectionner lessentiel de laccessoire, ce qui a pour effet de limiter le nombre de
concepts ;
. faciliter leur appropriation par les élèves.
En ce sens, ils intéressent les acteurs de la didactique de lInformation-documentation.
312. Des propositions pour lInformation-documentation
Pour Muriel Frisch (2003), « la documentation sappuie sur un ensemble de concepts qui eux-mêmes en recèlent dautres ». Quatre dentre eux, présentés comme des concepts phares, se révèlent essentiels : document, techniques documentaires (traitement de linformation), langage documentaire et information. Nous essayons de rendre compte dans ce tableau synthétique de la richesse des pistes ainsi dégagées :
Concepts pharesConcepts secondairesdocumentdocument support ; document électronique ; document primaire ; document secondairetechniques documentairescatalogage : analyse documentaire ; indexation : index, annuaire, moteur de recherche, indexation automatique, indexation manuelle, hypermédia, hypertexte ; résumé documentaire : résumé indicatif, résumé informatiflangage documentaireopposé à langage naturel ; classification (à structuration hiérarchique) : classement documentaire ; lexique (à structuration combinatoire) : mot clé, thesaurusinformationsupport ; forme/contenu ; code ; signification ; structure (pattern) ; information textuelle, numérique, graphique, sonore, audiovisuelle ; message ; décodage ; canal ; signal ; émetteur ; système de traitement de linformation ; communication ; etc.
16. Les « concepts phares » de lInformation-documentation selon M. Frisch (2003)
Signalons également la proposition, beaucoup moins développée, de Frédérique Marcillet (2000) qui sattache à suivre le modèle de Michel Develay (1992). Celle-ci fonde la matrice disciplinaire à partir des quatre concepts intégrateurs suivants :
. document,
. information,
. traitement de linformation,
. documentation.
Sinscrivant également dans la lignée de la réflexion de M. Develay, léquipe réunie autour de Nicole Clouet et Agnès Montaigne (2006), quant à elle, réduit ces concepts au nombre de trois. Nous ne produisons dans le tableau ci-dessous que les deux premiers niveaux :
1
Construction de linformation2
Traitement de linformation3
Usages de linformationProduction de linformation
Mise en scène de linformation
DiffusionAnalyse de linformation
Adresse
Outils de recherche
RessourcesBesoin dinformation
Source
Droit
Évaluation de linformation
17. Les « concepts intégrateurs » selon Nicole Clouet et Agnès Montaigne (2006)
La même année, une équipe denseignants documentalistes de lacadémie de Nantes restitue, sous forme dun terminogramme hiérarchisé à la manière dun thesaurus, un travail dinventaire des concepts info-documentaires mobilisés dans les activités de recherche dinformation en ligne (P. Duplessis, I. Ballarini-Santonocito, et al., 2006). Si ce travail naboutit pas explicitement à la détermination de concepts intégrateurs de la matière denseignement dans sa totalité il réduit son champ de validité à la recherche dinformation en ligne - il peut du moins nourrir cette réflexion en ce quil donne à voir une structuration hiérarchique entre concepts génériques et concepts spécifiques. Le tableau ci-dessous se limite aux trois premiers niveaux de cette organisation :
Pôles opératoiresConcepts génériquesConcepts spécifiques de niveau 1
1. Mobilisation
du système documentaire
1.1 Ressource1.1.1 Internet1.1.2 Web1.1.3 Web invisible
1.2 Interface1.2.1 Portail1.2.2 Outil de recherche en ligne1.2.3 Signet1.2.4 URL1.3 Navigation1.3.1 Hyperlien1.3.2 Flux RSS
2. Sélection évaluation des ressources
2.1 Résultat de requête2.1.1 Bruit / silence documentaire2.1.2 Format de présentation2.1.3 Tri des résultats
2.2 Information2.2.1 Donnée informationnelle2.2.2 Source2.2.3 Auteur2.2.4 Connaissance informée2.2.5 Document2.2.6 Média2.3 Propriété intellectuelle2.3.1 Droit dauteur
3. Traitement de linformation
3.1 Référencement3.1.1 Norme3.1.2 Sitographie3.1.3 Métadonnée3.2 Conservation3.2.1 Conservation totale/ partielle3.3 Extraction3.3.1 Prise de notes3.3.2 Condensation
18. Les « pôles opératoires » en recherche d'information en ligne selon P. Duplessis, I. Ballarini-
Santonocito, et al. (2006)
Enfin, signalons les travaux en cours de la commission de la FADBEN, attachée à la constitution et à la définition dun ensemble de notions essentielles regroupées ici en sept « concepts organisateurs ». Chacun des sept concepts fédère huit notions :
1. Information
2. Document
3. Source
4. Recherche dinformation
5. Indexation
6. Exploitation de linformation
7. Espace informationnel
313. La détermination des concepts intégrateurs
Les propositions dans le domaine de la Documentation, on laura compris, ne manquent pas. La littérature propose ainsi régulièrement quelques « pistes » pour organiser lenseignement à partir de quelques concepts intégrateurs parmi lesquels se retrouvent information et documentation. Il est vrai que ce genre de propositions ne coûte pas et chacun peut avoir son opinion sur la question.
Pourtant à la lecture, même superficielle, des quelques exemples rassemblés ci-dessus, il est possible de repérer deux entrées distinctes, la première affichant des concepts sous forme substantivée (Frisch, 2003 ; Marcillet, 2000 ; FADBEN, 2006), la seconde présentant des opérations rappelant lénoncé dobjectifs de compétences, ou dobjectifs noyaux (Clouet et Montaigne, 2006 ; Duplessis, Ballarini-Santonocito et al., 2006). Si le choix des objectifs noyaux a le mérite dinstaller lensemble du corpus dans une logique opératoire, elle parvient en revanche plus difficilement à organiser ses éléments, puisque ceux-ci peuvent facilement constituer des réponses possibles à différentes nécessités. Le mode de relation à instaurer dans ces architectures, quelles soient inclusives ou exclusives, éprouve ainsi la plasticité de lensemble.
Quoi quil en soit, les auteurs de ces organisations ne font jamais aucune mention de la méthodologie employée pour parvenir aux résultats quils exposent. Dans le cas de travaux déquipe, on devine quils sont laboutissement dâpres débats où les questions de terminologie occupent une large place. Nous savons que dans bien des cas, ces résultats ne le doivent quà la méthode du compromis.
Nous proposons ici deux méthodes pouvant servir à la détermination de concepts intégrateurs en Information-documentation. La seconde est en cours dexpérimentation.
1. à partir de la définition en compréhension des concepts, et par le croisement
de deux séries de données :
- le nombre dattributs du concept : le plus petit nombre révélant le plus
grand pouvoir englobant ;
- le nombre des occurrences en tant quattributs des autres concepts : le
plus grand nombre traduisant un indice de transversalité à partir
duquel inférer le pouvoir englobant.
2. à partir de lanalyse de cartes conceptuelles (cf. III. § 32522).
Les résultats obtenus, dans lun et lautre cas, fourniraient en outre à la réflexion des structures inédites fondées cette fois sur lanalyse des relations quentretiennent les objets considérés, et qui sont de nature soit interne soit réticulaire.
32. Les réseaux conceptuels
321. « Apprendre, cest établir un réseau »
Un concept ne se construit jamais seul. Son exposition, ainsi que son appropriation nécessitent des mises en relation avec dautres concepts qui lui sont soit intégrés, soit associés. Ceux qui sont intégrés à un concept qui les contient sassimilent aux attributs de celui-ci et permettent de le définir en compréhension. Ainsi pour comprendre le concept est-il nécessaire de maîtriser au préalable les abstractions dont il est constitué. Cette structuration du savoir sétablit sur des relations de type hiérarchique permettant de dégager des concepts intégrateurs (cf. III. § 31). Les seconds, associés à dautres concepts, entretiennent des relations dadjacence à lintérieur ou non de la discipline considérée. Lorsque ces concepts corrélés sont voisins, i.e. internes au domaine, on parlera de réseau conceptuel.
Lensemble des concepts associés pouvant être mis en synergie pour construire un concept pivot constitue un réseau conceptuel (B.-M. Barth, 1993), appelé encore trame ou champ notionnel (M. Develay, 1992). Ce concept intéresse la didactique qui fait le constat que les savoirs scolaires sont généralement présentés aux élèves comme une suite linéaire de concepts non structurés entre eux. Cette présentation cumulative provoque un encombrement de la mémoire et saccompagne de la difficulté pour le sujet à construire du sens. Le réseau conceptuel repose à linverse sur lidée que chaque concept se construit en appui sur dautres, dans un système structuré de références (G. De Vecchi et N. Carmona-Magnaldi, 1996 ; J. D. Novak. et A. J. Cañas, 2006 ; cf. Annexe III. 4). Lenjeu pour lapprentissage est économique : il sagit dacquérir des représentations internes de structures externes complexes dont lorganisation en mémoire est toujours coûteuse (F. Tochon, 1990).
F. Cornu et A. Vergnioux (1992) rappellent que ces réseaux, ou trames conceptuelles, peuvent être introduits de deux façons : soit à partir du niveau de formulation du concept cible (cf. III. § 23) et selon que lon sintéresse au contenu dun programme ou aux conceptions des élèves, soit à partir de lanalyse a priori de lobjet à enseigner. Dans ce dernier cas, qui retiendra davantage notre attention, un certain nombre de concepts seront convoqués et organisés. Cette organisation conceptuelle sera présentée graphiquement selon un mode choisi de cartographie. Construite par lélève, elle laidera à structurer ses connaissances, en le faisant procéder à un certain nombre dinteractions entre anciennes et nouvelles connaissances. Construite par le maître, elle lui permettra de circonscrire son objet détude. Dans lun et lautre cas, ces cartes de concepts pourraient représenter des outils précieux de mise en forme didactique et de structuration externe du domaine considéré.
322. La cartographie conceptuelle
F. Tochon (1990) présente la cartographie conceptuelle comme « un graphisme sémantique visant la description ou la prescription en termes dapprentissage, denseignement ou de communication ». En effet, il apparaît que ces outils sont requis dans trois cas de représentation pouvant concerner les structures cognitives individuelles, les structures dun domaine partagé par une collectivité, ainsi que les idées exprimées dans un texte (L. Saadani et S. Bertrand-Gastaldy, 2000). Issues des sciences cognitives, elles font aujourdhui lobjet détudes et dutilisations dans de nombreux domaines, dont les Sciences de léducation. Elles intéressent particulièrement la didactique dans ses deux dimensions épistémologique, lorsquil est question de structurer un domaine, et psychologique, pour faciliter lappropriation des savoirs par lapprenant (J. D. Novak. et A. J. Cañas, 2006 ; Annexe III. 4). Cette multiplicité dapproches et de domaines dutilisation a conduit à une dispersion des appellations. Les cartes de concepts, ou cartes conceptuelles, termes à vocation générique, sont ainsi dénommées cartes mentales (mind maps), toiles daraignées (webmaps), cartes de connaissances (knowledge maps, Kmaps), cartes cognitives (cognitive maps), organisateurs graphiques (graphic organizers), ou encore cartes épistémiques, réseaux, structural knowledge, cognitive structures. Ils revêtent des formes également multiples : en réseau concentrique, en clavier ou en rayon de miel, en arborescence, sous forme de carte géographique ou dhistogramme, etc. A linverse des thesaurus, aucune norme ne vient en effet guider leur construction.
Du point de vue structurel, ces réseaux se présentent comme des graphes composés de nuds et darcs. Les nuds réfèrent aux concepts, stockant leurs propriétés spécifiques, et utilisent non pas des descripteurs comme dans le cas des thesaurus, mais des termes tirés du langage naturel sagissant des novices ou du langage spécialisé sagissant dexperts. Les arcs, quant à eux, expriment les relations entre les nuds (id.). Ces relations font lobjet de nombreuses études, en pays anglo-saxons notamment, cherchant à les caractériser. Si les relations hiérarchiques sont le plus souvent privilégiées, il en existe nombre dautres. Contrôlées et explicites à lintérieur des systèmes experts ou bien implicites lorsque produites de manière spontanée et idiosyncrasique (F. Tochon, 1990 ; L. Saadani et S. Bertrand-Gastaldy, 2000). De fait, la lecture des cartes rencontre des difficultés de compréhension lorsque la nature de ces relations nest pas explicitée. Les arcs gagnent ainsi à être étiquetés. Nombre de solutions sont disponibles : verbes, noms, connecteurs logiques, modificateurs (+, -, ?). Ils peuvent être encore directifs ou visuellement différenciés (ondulés, pointillés, etc.)
323. Lapproche cognitive : « une fenêtre sur le cerveau »
3231. Une cartographie des structures cognitives
La schématisation heuristique, ou technique de synthèse de données, consiste à faire produire par lapprenant une carte de concepts à partir dune lecture, dun exposé ou dun sujet donné, et à lui demander de décrire le lien relationnel entre les idées. Le principe fondateur est la valeur instructionnelle accordée à lorganisation et à la rétention des connaissances. Serait ainsi facilitée la production de connexions nouvelles entre différents savoirs (F. Tochon, 1990). La vision réticulaire des structures, aussi bien internes quextériorisées par des cartes, renvoie à cette idée que tout savoir se construit à partir de connaissances déjà acquises, par intégration de lancien au nouveau, et réorganisation de ce dernier (J. D. Novak. et A. J. Cañas, 2006 ; cf. Annexe III. 4). Cette « cartographie des structures cognitives » livre ainsi des informations à lenseignant, en même temps quelle tend à les rendre conscientes à lapprenant (L. Saadani et S. Bertrand-Gastaldy, 2000).
Les bienfaits de cette technique sont nombreux, bien que souvent minorés par la lourdeur du dispositif dans son application, du point de vue du temps à consacrer à cette formation notamment. Selon les résultats détudes rapportés par nos auteurs, les principaux bénéfices produits concerneraient lacquisition du vocabulaire, lintégration de linformation, laugmentation du niveau de représentation des problèmes, lévaluation des structures cognitives des apprenants et la mesure des écarts entre les connaissances antérieures et les connaissances acquises.
3232. Laura conceptuelle
. Cette approche des connaissances par le réseau laisse penser que laccès à un concept ne saurait être unilatéral, mais au contraire quil peut emprunter des voies détournées, des itinéraires particuliers à chacun, selon ses représentations et ses acquis préalables, selon quil maîtrise déjà tel ou tel autre concept du réseau sollicité. Cette vision pluriconceptuelle permet ainsi de rendre compte de certaines difficultés rencontrées par lélève : si celui-ci peine à sapproprier un concept, cest peut-être quil na pas suffisamment construit un ou plusieurs autres concepts constitutifs du réseau (M. Develay, 1992). La trame conceptuelle peut alors avoir pour effet de proposer plusieurs points dentrée possibles pour cette appropriation. Aussi est-il intéressant de représenter pour la classe, ou de faire représenter graphiquement par les élèves eux-mêmes ces réseaux de concepts au fur et à mesure quils progressent et se complètent tout au long dune même séquence ou, à plus long terme, dans le cursus.
Cette appréhension globale, systémique, relative à lentrée dans les concepts a été particulièrement étudiée par André Giordan et Gérard de Vecchi (1987) pour lesquels « aborder séparément le concept ne peut correspondre quà une démarche très artificielle ». Les concepts, tout au contraire, doivent évoluer en même temps. Cette évolution dans lappropriation prend pour cadre lensemble des conceptions, des notions et des concepts dont dispose lélève et qui constituent ce que les auteurs nomment laura conceptuelle. Celle-ci peut dépasser de loin la discipline concernée et toucher à des éléments périphériques plus ou moins diffus, doù ce recours au terme daura. Chaque élément constitutif de ce champ possédant également son propre champ de diffusion, on imagine comment cette aura conceptuelle peut sétendre et se ramifier de manière indistincte et singulière pour chaque apprenant.
Dès lors, la construction du concept ne saurait se faire dun seul mouvement, ni être observable dun seul regard. Lavancée se fait au contraire par accroches ou par solidifications successives des éléments composant laura du concept déterminé. Lévaluation de cette progression prend pour base les niveaux de formulation (cf. III. § 23) perceptibles dans les énoncés des élèves, et correspondant au seuil dabstraction quils ont atteint. Mais ceux-ci relèvent dobjectifs à long terme et névoluent pas aussi radicalement que lon pourrait le souhaiter. Par contre, ainsi que le révèle létude des formulations délèves, certains composants (attributs du concept ou indices essentiels dune idée) de laura conceptuelle se mettent progressivement en place et permettent détablir à quel moment et à quelles conditions des paliers dintégration significatifs sont franchis. Par conséquent, la prise en considération des auras ou réseaux conceptuels valide en quelque sorte les cheminements individuels choisis par les élèves dans lappropriation du savoir. Il importe dès lors, dune part dassocier représentation graphique (carte conceptuelle) et verbalisation écrite (niveau de formulation) et, dautre part, de faciliter à lélève la prise de conscience des parcours empruntés.
324. Lapproche épistémologique : la trame du savoir
Le savoir dune discipline, ainsi appréhendé, se présente pour Michel Develay (1992) comme un tissu dont chaque nud correspond à un concept et dont lensemble forme une trame. Cette image du tissu correspond bien, en effet, à cette idée dune mise en texte, assortie dune contextualisation des éléments du savoir théorique. La texture conceptuelle correspond alors à lorganisation structurée des éléments formant la matière de la discipline, et permettant ainsi den donner une représentation.
Sil apparaît que structurer la matière a un impact sur lapprentissage, nous considérerons ici son intérêt du point de vue de lépistémologie des savoirs du domaine considéré. Il convient encore de distinguer entre une cartographie réalisée par lenseignant dans le but de construire des démarches et des progressions, et une cartographie centrée sur la compréhension structurale de la matière à enseigner.
Les bénéfices à retirer de cette approche rappellent ceux consécutifs à la détermination des concepts intégrateurs (cf. III. § 311) pour cette raison quils se rejoignent dans cette entreprise de structuration du domaine : ils concernent la lisibilité de lorganisation interne de la matière, ainsi que le signalement de sa macrostructure et de ses concepts clés. L. Saadani et S. Bertrand-Gastaldy (2000) notent en effet que la cartographie conceptuelle est un outil pour la construction de curricula en sciences.
325. Expérimentation : des conceptogrammes en Information-documentation
Cest autour de ce projet quune équipe denseignants documentalistes de lacadémie de Nantes, que janime, sest dernièrement lancée dans lélaboration de conceptogrammes relatifs à linformation-documentation. Le but est double. Il sagit à la fois de structurer cette matière denseignement en dégageant des concepts intégrateurs, et de fournir aux collègues des outils pratiques pour définir des objectifs conceptuels avant de chercher à les rendre opératoires au moyen de situations didactiques. Cet outil leur permet en outre de visualiser rapidement quels sont les concepts corrélés quil va falloir travailler en même temps que le concept pivot, cible de lapprentissage. A la fois outil de représentation et outil pour laction, le conceptogramme se situe à larticulation entre le tissu de la discipline et le maillage cognitif de lélève.
3251. Méthodologie
La méthodologie employée sest avérée, au cours des séances, suivre le déroulement suivant :
1. sélection dun concept cible ;
2. inventaire des concepts corrélés à celui-ci, en termes dadjacence ou de
hiérarchie ;
3. ajustement terminologique ;
4. regroupement de ces contenus autour de quelques pôles intégrateurs ;
5. répartition topologique des concepts ainsi fédérés sur différents niveaux
représentés par des couronnes.
Il faut encore noter que le nombre des concepts convoqués nest pas fixé à lavance. Enfin, cette année du moins, les arcs nont pas été étiquetés.
Le conceptogramme présenté ici (fig. 8) est le prototype dune série en cours de dix exemplaires (cf. Annexe III. 5) destinés à être publiés pour engager une discussion sur les rapports de convergence pouvant exister entre les différentes approches portant sur la délimitation, la définition et la structuration du domaine info-documentaire, que sont la définition opératoire et les niveaux de formulation.
Fig. 8 : Conceptogramme de « outil de recherche » (P. Duplessis, I. Ballarini-Santonocito et al., à paraître)
3252. Commentaires
32521. Résultats
Les cartes produites révèlent une structure concentrique, organisée à partir dun concept pivot placé au centre de la figure, et doù irradient des concepts distribués du générique aux spécifiques.
Cette représentation sous forme de cible a lavantage de pouvoir rendre compte des différents niveaux de proximité entre le concept pivot et les éléments constituant son réseau. La disposition en trois couronnes classe ces éléments selon quils lui sont directement associés ou non. Ainsi, des 35 concepts apparus lors de lanalyse, cinq seulement sont directement corrélés au concept outil de recherche. Ce sont :
. résultat,
. indexation,
. requête,
. type de recherche,
. typologie des outils de recherche.
Les deux derniers concepts, cependant, sont produit par ladjonction dun concept outil, typologie, et renvoient à lélément de caractérisation des concepts chargé de catégoriser les exemples déterminant leur domaine en extension. Quant aux trois autres, leur positionnement privilégié se manifeste par le fait quils intègrent tous les autres concepts situés dans les couronnes extérieures. Ce pouvoir dinclusion fait deux des concepts potentiellement intégrateurs.
32522. La détermination des concepts intégrateurs
Létude engagée par cette équipe cherche à faire émerger, à partir dun certain nombre de conceptogrammes à concevoir sur ce même modèle, dautres concepts de premier niveau. Le regroupement et lanalyse de ceux-ci, dans un second temps, devrait permettre de confirmer ou dinfirmer leur caractère intégrateur. Le nombre des occurrences enregistré pour ceux-ci fournira en outre une indication sur le rôle et la place plus ou moins réelle quils occupent dans le domaine de cette matière denseignement. Plus ce nombre sera élevé et plus il sera possible dinférer que ces concepts de premier niveau affirment une fonction de passeur, en tant que concepts communs à plusieurs cartes.
32523. Les types de lien relationnels
Par ailleurs, un autre axe de travail, venant compléter ce dernier, sattache à identifier les liens relationnels articulant entre eux les concepts, ou nuds. Dans le cas présent, le fait quils sont systématiquement représentés par des flèches en banalise et en occulte la signification.
Lanalyse des liens reliant le pivot à la première couronne fait apparaître des relations exprimées par des verbes comme « nécessite », « regroupe », « permet » et « produit » (cf. tableau 19). Linventaire poursuivi de ces différentes relations pourrait alors renseigner sur la manière dont est structuré le réseau. Lexemple donné ici montre ainsi que les cinq concepts sont reliés par quatre verbes renvoyant à seulement deux types de lien, la définition (2 liens) et la fonction (3 liens). Il apparaît ainsi que ce concept pivot est déterminé en bonne partie de manière fonctionnelle.
concept ciblelien
relationnel
concept de la 1ère couronne
type de lien
outil de recherchenécessiteindexation
définitionen compréhensionregroupedifférents types doutils de recherche
en extensionpermetrequête
fonctionpermetdifférents types de rechercheproduitrésultat
19. Analyse des liens relationnels apparaissant dans le conceptogramme de outil de recherche
33. Bilan
Le concept, outil de structuration des cadres intellectuels de lélève, se prête à des contextures particulières rendant compte du tissu disciplinaire dont il est un élément. Nous en avons examiné deux types, correspondant à des structures hiérarchiques tout dabord, à des structures réticulaires ensuite. Dans le premier cas, quelques concepts intégrateurs relient dans un axe vertical un ensemble dinfra-concepts emboîtés les uns dans les autres. La profondeur de cette organisation rend alors compte de son niveau dabstraction, tout en ménageant à lélève des points dentrée qui se situent dans la dimension inclusive du concept saisi en compréhension. Dans le second cas, en tant que concept contextualisé dans la trame même du savoir, il est relié dans un axe horizontal à un ensemble de concepts qui lui sont corrélés. Il puise alors sa signification dans une trame maîtrisée (le réseau conceptuel) ou au contraire diffuse (laura conceptuelle). Létendue de cette organisation témoigne de son niveau dinterrelation, lequel met à disposition de lélève une multiplicité dentrées ou de points dancrages qui ont trait à la dimension associative du concept.
Ces deux organisations distinctes autant dans la forme que dans le propos, offrent cependant des bénéfices semblables. Ils travaillent à rendre cohérente lappréhension que lon peut avoir de la matière considérée. Cette cohérence en assure la lisibilité et garantit la solidité de sa tessiture. Ainsi, chaque nud de la trame se trouve-t-il tenu et assuré par les relations, de quelque nature quelles soient, quil entretient avec les autres nuds de la structure.
Des distinctions nettes apparaissent par contre dès lors que lon sintéresse aux dimensions spatio-temporelles de telles organisations. Lapproche intégrative, en premier lieu, invite à une perception globale du domaine à partir de son armature. Celui-ci est donné pour être dabord saisi dans sa totalité, en tant quensemble hiérarchisé. Il donne ainsi à penser que ce qui est montré forme un tout fini. Ce tout est orienté à partir de quelques pôles, les concepts intégrateurs, qui se partagent ainsi une sorte de carte du ciel où linformation figurerait létoile polaire. Du point de vue temporel, la perspective est diachronique, puisque lexploration de la carte appelle plutôt à un modèle denseignement progressif et cursif. En effet, la présentation des hiérarchies, par lidée dexhaustivité quelle suggère, incite à une construction programmatique des apprentissages, même si lun des buts visés concerne la séparation de lessentiel et de laccessoire.
Lapproche réticulaire, en second lieu, tend davantage vers une perspective synchronique, dans la mesure où lidée qui prédomine consiste à « apprendre en réseau » chacun des concepts formant lensemble. Même lorsque certaines relations rapprochant les concepts sont de type hiérarchique, le sens de ces relations nest jamais unique. Au contraire, la présentation en réseau suscite des interactions nombreuses entre le centre et la périphérie. Le temps des cartographies conceptuelles saccorde avec celui de la situation didactique. Cette relativité, a contrario de la généralité évoquée par lapproche précédente, touche également et principalement, la dimension spatiale. La vision panoramique unifiée fait ici place à une multitude de scènes régionales où apparaissent des configurations partielles du domaine parcouru. Ici, chaque nud du réseau a vocation à devenir un centre à partir duquel de nouvelles adjacences et de nouvelles périphéries vont apparaître. La rigueur de la hiérarchie est ainsi remplacée par la qualité et la force des relations qui sous-tendent la texture. La focalisation sur tel ou tel concept visé pour un apprentissage provoque aussitôt la génération dynamique de constellations inédites, à partir des paramètres que sont les nécessités conceptuelles de la situation didactique.
Dautres différences apparaissent enfin sagissant du contexte et des buts relatifs à leur construction. Tandis que le but visé par la détermination des concepts intégrateurs reste principalement la présentation ordonnée du domaine (du plus générique au plus spécifique, et de lessentiel à laccessoire), celui que lon cherche à atteindre au travers des cartes conceptuelles consiste en lexposition, par lenseignant, et en lappropriation, par lélève, de la matière. Si dans le premier cas, lapproche induite est plutôt centrée sur le savoir, son organisation et sa logique internes, dans le second cas, lapproche privilégie linteraction savoir-apprenant, en ce quelle sapplique à orienter la carte du savoir de façon à ce que lapprenant puisse mieux se saisir de son contenu.
Conclusion
Tenter de circonscrire un champ possible de savoirs à enseigner nest pas une affaire facile. Nous nous sommes employé à en ébaucher les tracés à partir de trois préoccupations distinctes engageant différents plans danalyse : la recherche des ascendances, lestimation du fonds et larpentage du domaine.
La recherche des ascendances des savoirs proposés à lenseignement a fait reconnaître la multiplicité des filiations possibles et la pluralité des enjeux référentiels. La filiation ennoblissante, les vertus didactiques de lanalogie avec des situations a-didactiques, la valorisation des savoirs dactions enfin, trouvent à se déployer sur les figures topologiques de len-haut (transposition didactique restreinte), de lailleurs (transposition didactique générale) et de lici (contre-transposition). La logique référentielle se décline ainsi sur trois registres qui sont la légitimation, le didactique et lheuristique. Il ne sagit pas, pour lInformation-documentation, de procéder au classement de ces registres, mais plutôt de penser une dialectique entre ceux-ci, où les objets de savoirs repérés dans lexpérience de lélève seraient aussitôt éprouvés par lexpertise professionnelle et objectivés par la Science de linformation qui en assurerait, de surcroît, lindispensable légitimation. Mais lidée même de dialectique évoque des va-et-vient et des circulations entre ces trois mondes, dans une dynamique à la fois critique et heuristique.
Il nest plus possible, dès lors, de considérer les objets de savoir de lInformation-documentation comme donnés, soit spontanément, soit automatiquement déductibles du savoir scientifique de référence. Ces savoirs scolarisables doivent plutôt être pensés en tant que construits à partir des interactions entre savoirs scientifiques objectivés, savoirs tirés des pratiques sociales professionnelles et domestiques relatives à la Documentation et savoirs tirés de laction des apprenants en situation de recherche d'information.
La légitimation du fonds constitué de ces savoirs à enseigner implique par ailleurs une opération destimation de leur valeur didactique. Si ces savoirs existaient déjà à lintérieur de lécole, dans le cadre notamment des prescriptions disciplinaires de recherche documentaire, ils nétaient appréhendés quen termes de para-notions, c'est-à-dire requis pour leur utilité mais non enseignés. Laccès au statut de savoirs enseignables appelle alors à une reconversion épistémologique de leur statut, distinguant pour chacun deux des niveaux dappréhension gradués selon le régime de connaissance auquel ils appartiennent, en tant que fait, notion ou concept. Cette opération dappréciation épistémologique nécessite que soit dabord menée une expertise de ces objets sous la forme dune analyse logique de leur intériorité en tant quabstraction. Ainsi létablissement du régime épistémologique des concepts info-documentaires doit-il être fondé sur leur niveau de définition. Celui-ci est déterminé par le nombre et la précision des attributs qui le composent. Le choix de ces caractères est lui-même dicté par le paradigme, ou principe dintelligibilité de la discipline (M. Develay, 1995), lequel organise la totalité des contenus en un ensemble cohérent.
Cest cependant à partir des attributs du concept que peuvent être aménagés pour lélève différents points dentrée dans labstraction, notamment par le recours aux niveaux de formulation et aux cartographies conceptuelles. Lappropriation des concepts, du point de vue de la psychologie, confère à lapprenant non seulement des savoirs de compréhension du monde, mais lui permet de modifier sa structure cognitive en lobligeant à une réorganisation continuée de ses connaissances. Ainsi lestimation opérée sur le fonds conceptuel concerne aussi bien sa nature épistémologique que sa fonction didactique.
Mais la recherche des ascendances et lévaluation du fonds ne sauraient à elles-seules suffire à circonscrire le champ possible des objets de savoirs de lInformation-documentation. Le cadastre ne serait pas complet sil nétait procédé en même temps à larpentage du domaine, à lexamen de son organisation interne et des relations qui donnent sens à ses constituants conceptuels. Lenjeu de ce relevé topographique est double. Il sagit dabord de reconnaître un territoire, au moyen de sa mesure et de sa description minutieuse. Il sagit ensuite, bien que cela soit concomitant, de provoquer son émersion par le simple fait que des formes, des structures soient ainsi objectivées et apparaissent là où limplicite les dissimulait à la raison.
Deux types de structures ont été ainsi repérées, lune intégrative et globale (les concepts intégrateurs), lautre réticulaire et régionale (les cartes de concepts). Toutes deux, en apportant de la clarté, de la cohérence et donc de la solidité au matériau conceptuel, sont susceptibles de le rendre visible, c'est-à-dire explicite.
Lanalyse épistémologique du domaine info-documentaire, rendue possible par lemprunt de quelques outils appartenant au champ des didactiques des disciplines, a ainsi, nous semble-t-il, permis une première approche critique des conditions exigibles dune didactisation de cette matière, confirmant ainsi notre questionnement initial portant sur les notions de référence, didentité épistémologique et de structuration des savoirs à enseigner.
Conclusion générale
1. Une reconversion épistémologique
Dès son introduction officielle dans lécole il y a 50 ans, la matière documentaire a suscité, à partir dune dualité intrinsèque dissociant support physique et contenu de connaissances, la génération de deux profils professionnels distincts et complémentaires : le gestionnaire et lenseignant. Si le premier nest quune transposition dans le monde scolaire du métier récent de documentaliste, le second savère être une création propre au milieu daccueil. Cette innovation résulte à la fois du projet social de former les élèves à la maîtrise de linformation et dun désir, exprimé par une partie majoritaire des enseignants documentalistes, daffiliation statutaire au corps des professeurs. Ces deux directions en viennent à rejoindre un même chemin, celui de la rationalisation de contenus info-documentaires à enseigner. La nécessité de penser une didactique de lInformation-documentation peut ainsi être mise en relation étroite avec linstauration du CAPES de Documentation. La certification couronnant les velléités pédagogiques de la profession sest accompagnée de la perception, du point de vue de celle-ci, dun nouveau mandat lui conférant une charge denseignement.
Dès lors, et parallèlement au déploiement sur le terrain de référentiels de compétences utilisés à des formations purement instrumentales, sont proposées quelques listes de notions dont la prétention est de fournir aux enseignants et aux élèves des outils conceptuels pour comprendre les phénomènes liés à linformation et à la documentation. Lanalyse de ces listes révèle létat des lieux de la réflexion didactique. Sagissant tout dabord de lénumération des notions proposées à lenseignement, but premier de ces travaux, les résultats montrent que cette réflexion est encore dans une phase de tâtonnement expérimental. Au-delà même des incohérences terminologiques, limprécision du statut de ces connaissances appelle à leur recadrage épistémologique. La structuration de ces bases de notions, ensuite, connaît un développement significatif que nous interprétons comme lindice dun saut épistémologique, en ce sens quil saccompagne dune part dune augmentation du nombre de ces objets de savoir, et, dautre part, quil en favorise la cohérence, la visibilité et lintelligibilité. Ces deux derniers points, le recadrage et le saut épistémologiques, convergent vers laffirmation quun processus de rationalisation est bien engagé, tirant les contenus info-documentaires de limplicite vers lexplicite. Enfin, lappel à la référence savante pour légitimer ces propositions laisse dans lombre dautres enjeux référentiels de grande importance, tels le didactique et lheuristique.
Le recours à des outils conceptuels empruntés aux didactiques des disciplines permet de confirmer et de prolonger ces différents points relatifs à la délimitation dun champ possible de savoirs à enseigner. Lexpertise cadastrale du domaine sarticule ainsi autour de trois préoccupations épistémologiques majeures que sont la recherche de la filiation des savoirs, lestimation de leur statut et lexamen de leur organisation conceptuelle. Il ressort de ce travail une première approche critique des conditions exigibles dune didactique de lInformation-documentation :
. la question de la référence des savoirs à enseigner doit être traitée dans le but den retirer tous les bénéfices possibles en termes dheuristique, de didactique et de légitimation ;
. la question de lorganisation de la matière doit pouvoir conduire à révéler le principe dintelligibilité de celle-ci ;
. la question de lidentification des savoirs doit pouvoir, à partir dopérations logiques et définitoires, aboutir à lémergence de leur statut épistémologique denseignables.
Tous ces points confluent vers lidée dune reconversion épistémologique du statut accordé aux savoirs info-documentaires. Jusque là considérés comme des allant de soi relevant de procédures et de notions implicites, requis pour le travail de lélève mais non enseignés, ces savoirs sont progressivement mis en lumière par les travaux relevant de lheuristique, de démarches de spécification de la matière et de promotion à un statut de plus haut niveau épistémologique.
2. Témoigner de la genèse dune matrice disciplinaire
Les résultats de létude rapportés ici ne manquent pas de susciter davantage de questions quils napportent de réponses. Sinscrivant ainsi dans la continuité de ces premiers travaux, le projet à suivre se propose deffectuer un suivi critique de lentreprise didactique en Information-documentation. Trois regards particuliers pourraient être ainsi adressés à lhorizon épistémologique dune nouvelle discipline : la dimension heuristique, la question des représentations sur la matière en cours délaboration et celle des pratiques didactiques mises en uvre dans les situations denseignement-apprentissage.
La question de la référence, nous lavons observé, est éminemment épistémologique. Elle développe deux des principales dimensions de lépistémologie, la première traitant de la légitimation et de la justification des savoirs, la seconde sintéressant au développement des savoirs et, notamment, au problème de leur découverte. Cette dernière dimension, heuristique, retiendrait plutôt notre attention, sagissant des lieux et des conditions démergence des savoirs considérés, entre empirisme et littérature, entre champs des disciplines associées et champ de lInformation-documentation, mais encore sagissant des écarts à constater entre les acceptions scientifique et didactique.
Le processus délaboration dune matière, par la direction adoptée pour la recherche de ses composants, par la sélection des objets de savoir, leur organisation en système et le type de problèmes auxquels ces objets doivent répondre, témoigne inéluctablement dune vision particulière, dun discours inscrit dans le cadre de référence dune époque, dune culture, denjeux sociaux économiques relatifs à un contexte donné. Quelles représentations sur la matière ces choix successifs traduisent-ils, venant des différents agents du chantier didactique ?
Sil est vrai, enfin, quune part de la recherche des contenus à enseigner peut être menée à partir des travaux réalisés sur le terrain, il nous apparaît important de pouvoir rendre compte des modèles didactiques mobilisés pour faire construire ces savoirs. La profession, peu formée aux interactions du jeu didactique, se mettra-t-elle en quête de modèles inédits tenant compte des conditions particulières dexercice, ou bien sappuiera-t-elle sur lexpertise des disciplines, lesquelles et pour quelles raisons ? Quels objets seront les plus requis pour tels concepts ou catégories de concepts ? Quelles tâches et quels types de problèmes seront soumis aux élèves ? Quels types dévaluation accompagneront ces dispositifs denseignement-apprentissage ?
Pour conduire ce projet, il sagirait en fait de se faire le témoin de la genèse dune matrice disciplinaire, au sens où, le reprenant à T. S. Kuhn, M. Develay (1997) entend cette identité attribuée à une discipline, et qui est « constituée par le point de vue qui, à un moment donné, est porté sur un contenu disciplinaire et en permet la mise en cohérence ». Ce paradigme, produit de valeurs, dattentes et de catégories de pensées portées par une société et par ses enjeux idéologiques, trouve à se définir par un principe dintelligibilité capable de guider la naissance, la constitution et lévolution dune discipline. Les choix opérés, même lorsquils sont implicites et demandent un examen critique, déterminent cependant les objets utilisés pour servir de support aux situations didactiques, les tâches prescrites et les différents types de connaissances.
Au total, cest bien la chronique dune inventio - au sens latin chrétien du terme, i.e. la découverte dune chose qui était restée jusque là non visible - de la matière info-documentaire quil sagirait décrire. Dans cette perspective, lhypothèse proposée partirait de cette idée empruntée à lheuristique (et à Platon) selon laquelle il nest découvert que ce que lon sait déjà, mais dune autre manière (J.-P. Chrétien-Goni, 2006). En inventant et en mettant à jour ce qui était déjà là, mais de manière implicite, lécole procéderait, finalement, à une anamnèse sur le plan épistémologique des savoirs info-documentaires. Ce passage de limplicite à lexplicite, du non enseignable à lenseignable exigerait alors que soit révisé le statut de ces savoirs, opération à laquelle nous avons donné le nom de reconversion épistémologique. Ce processus promotionnel, accompagnant lactivité heuristique, serait de plus à lorigine de la production de nouveaux objets.
3. Est-ce la fin de la période romantique ?
Si la question de la discipline na résolument pas été traitée dans cette étude nous avons tenu à la dissocier de la question didactique elle apparaît cependant souvent en filigrane sous le texte du savoir partiellement constitué. Reprenant les travaux de P. Thuillier , M. Develay (1992) sinterroge sur lavenir promis aux nouvelles disciplines. Ce qui est noté à propos de la psychologie et de la biologie moléculaire pourrait également sentendre au sujet de lInformation-documentation : « il semble quune nouvelle discipline se développe lorsque diverses personnes sintéressent à une idée nouvelle, non seulement parce quelle a un contenu intellectuel, mais aussi en tant quelle est un moyen potentiel détablir une nouvelle identité intellectuelle et, en particulier, un nouveau rôle professionnel ».
P. Thuillier discerne trois étapes dans lémergence de la biologie moléculaire. Tout dabord une période romantique, marquant les origines, où des embryons didées et une nouvelle orientation du regard fécondent des innovations théoriques. A cela succède une période dynamique, où le paradigme nouveau simpose par la pertinence des réponses quil apporte à certains problèmes non encore résolus. Enfin, lors de la période académique, la collectivité scientifique valide ces résultats et reconnaît le paradigme.
De toute évidence, lInformation-documentation, dans le chemin quemprunte lintention didactique, ne peut aujourdhui que considérer la validation scientifique et institutionnelle quen tant quhorizon tenu à distance respectable. De même, la période dynamique ne semble pas ouverte, du moins tant quaucun champ de problématiques spécifiques nest délimité et offert au polissage mutuel des concepts et des compétences. Lélaboration des outils conceptuels, de fait, ne peut sentendre que dans lexercice probatoire qui consiste à résoudre des problèmes dun type nouveau.
Nous renvoyons dès lors, et à partir des éléments que nous avons repérés et examinés, le moment présent de la didactique de lInformation-documentation aux enthousiastes élans de la période romantique.
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TABLE DES ANNEXESANNEXES
Partie I. Textes
Annexe I. 1 : 1975 : « Une école, cest un centre de documentation avec des salles autour »
Annexe I. 2 : 1983 : La première modélisation de la recherche documentaire
Annexe I. 3 : 1986 : La circulaire de missions du 13 mars 1986
Annexe I. 4 : 1997 : « Compétences en information-documentation : référentiel », FADBEN
Annexe I. 5 : 1999 : « Les savoirs documentaires : Amorce d'une réflexion sur les savoirs
documentaires et leur didactisation au collège » (P. Duplessis et al.)
Annexe I. 6 : 2004 : Le programme du CAPES de Documentation (M.E.N.)
Annexe I. 7 : 2005 : « Un outil référentiel pour former, un programme curriculaire pour
enseigner », P. Duplessis, 7ème congrès de la FADBEN, Nice, 08-10 avril 2005
Partie II. Méthodologie
Annexe II. 1 : Corpus source de 24 listes de notions proposées comme objets à enseigner
Annexe II. 2 : Corpus source de 24 listes de notions : Documentographie
Annexe II. 3 : Liste des occurrences sources prélevées dans les listes
Annexe II. 4 : Liste des occurrences cibles après mise en cohérence terminologique
Annexe II 5 : Corpus des termes : tri par cohérence terminologique
Annexe II. 6 : Corpus cible des listes de notions après mise en cohérence de la terminologie
Annexe II. 7 : Données sur la source des listes, leur référence disciplinaire et leur organisation
Annexe II. 8 : Répartition des notions info-documentaires sur la carte des sciences de
référence
Annexe II. 9 : Appellation des objets à enseigner selon les auteurs des listes de notions
Annexe II. 10 : Classement des notions désignées selon lanalyse épistémologique du régime
didactique du savoir
Annexe II. 11 : Corpus des termes : tri par pertinence épistémologique
Annexe II. 12 : Liste des occurrences de rang 1 et 2 dans les listes structurées
Partie III. Outils
Annexe III. 1 : Travaux préparatoires à la didactisation de concepts info-documentaires :
lexemple de espace informationnel (FADBEN)
Annexe III. 2 : Détermination de niveaux de formulation pour le concept support (IUFM
de Rouen et Caen, 2005)
Annexe III. 3 : Les concepts intégrateurs selon Nicole Clouet et Agnès Montaigne (2006)
Annexe III. 4-a : « The theory underlying concept maps and how to construct them », J. D.
Novak et A. J. Cañas (2006)
4-b : « La théorie sous-jacente aux cartes conceptuelles : comment les construire »
(Traduction)
Annexe III. 5 : Deux conceptogrammes pour linformation-documentation (P. Duplessis, I.
Ballarini-Santonocito et al., à paraître)
TABLE DES MATIERES
Introduction générale
. 1
Partie 1 : La documentation : dune matière pour lenseignement
à une matière denseignement
Introduction 7
1 La double nature de la documentation 10
11. Approche épistémologique
12. Terminologie 11
121. La documentation
122. Le document 13
13. Hypothèses de lecture 15
2 Genèse de la pédagogie documentaire 16
21. De la documentation pédagogique à la pédagogie de la documentation
211. Intégration de la documentation à lécole 17
212. Etat des lieux documentaires : des espaces et leur logique 21
2121. Des logiques héritées du passé
2122. « Un centre documentaire avec quelque chose autour » 22
2123. Lélève au Centre 24
213. Une nouvelle manière denseigner 26
2131. Dans le sillage de lEducation nouvelle
2132. 1952-1977 : La pédagogie de la documentation 30
2133. « Faire dune bibliothèque, une université sans professeurs » 31
22. Constitution de la pédagogie documentaire 34
221. 1982-1991 : La recherche de contenus de formation
222. Les fondements de la pédagogie documentaire 39
223. La Documentation écartelée entre deux modèles pédagogiques 43
23. 1991-2005 : La rationalisation de la formation info-documentaire 45
231. Floraison de référentiels info-documentaires 46
232. Les enseignants documentalistes tentent la pédagogie par
les objectifs 48
233. La réponse de linstitution : lintégration 50
24. Bilan 53
241. La place du document dans la situation pédagogique 54
242. Des espoirs déçus 56
3 La rationalisation des savoirs à enseigner, vecteur du processus de professionnalisation
31. Et dabord, un métier 59
32. Récit dune conquête 60
33. Vers la rationalisation des savoirs 65
331. Les critères de professionnalisation
332. La rationalisation des savoirs du métier de documentaliste 66
333. La rationalisation des savoirs à enseigner 67
334. Linvestissement dun champ pédagogique 68
34. Des professionnalités non convergentes 69
Conclusion 73
Partie 2 : Délimitation dun champ de savoirs à enseigner
en Information-documentation
Introduction 78
1. Un cadre de réflexion : la didactique 81
11. La didactique : définition, histoire, épistémologie, tâches et outils conceptuels
111. Définition
112. Histoire de la discipline 82
113. Epistémologie 83
114. Objets, tâches et outils conceptuels 84
12. La dimension épistémologique de la didactique comme cadre théorique
pour servir à la délimitation dun champ de savoirs à enseigner en
Information-documentation 85
13. Problématisation : la question de la mise en forme scolaire 86
2- Etat des lieux de la didactique de lInformation-documentation 93
21. Premiers pas, premières orientations
22. Une nouvelle impulsion au tournant des années 2000 96
23. Apparition dun nouveau concept : le curriculum 100
24. Des chantiers ouverts sur le terrain 103
25. Des perspectives universitaires 105
26. Un bilan fait desquisses : la référence, le cadre et le contenu 106
3- Examen dun corpus de notions candidates 108
31. Objectifs de létude
32. Méthodologie 109
321. Constitution dun corpus de listes de notions
322. Constitution dun corpus doccurrences des termes utilisés
dans ces listes 111
3221. Question de terminologie
3222. Présentation de la grille de saisie des données 112
3223. Sélection et transcription des occurrences : les problèmes
posés
32231. Des difficultés liées à la polysémie de certains
termes 114
32232. Des difficultés déquivalence entre les notions
322321. Synonymie
322322. Détermination incomplète ou
insuffisamment précise 115
322323. Détermination par approximation ou par
défaut
32233. Des difficultés liées à la formalisation dexpressions
dont le complément du nom est lentrée principale
du terme
32234. Des difficultés liées à lemploi du nombre 116
3224. Solutions proposées pour assurer la cohérence du corpus
32241. Solutions apportées aux difficultés liées à la
polysémie de certains termes 117
32242. Solutions apportées aux problèmes déquivalence
entre les notions
322421. Synonymie
322422. Détermination incomplète ou
insuffisamment précise 118
322423. Détermination par approximation ou par
défaut
32243. Solutions apportées aux difficultés liées à la
formalisation dexpressions dont le complément
du nom est lentrée principale du terme 119
32244. Solutions apportées au problème du nombre 120
323. Constitution dun corpus cohérent de termes désignant des notions
à enseigner 121
3231. Problèmes liés à la sélection des occurrences et à la
détermination des termes
2311. La dispersion des termes comportant des rejets dattributs
32312. La marque du nombre 122
3232. Bilan
324. Le traitement des données 123
3241. Données sur les listes de notions
32411. Rappel des objectifs
32412. Outils méthodologiques 124
3242. Données sur les termes
32421. Rappel des objectifs
32422. Outils méthodologiques 125
324221. Croisement des questions de la pertinence
et de la référence
324222. La question de la catégorie
épistémologique de ces notions 126
324233. La question des concepts organisateurs
33. Analyse des données 127
331. Analyse des données portant sur les listes de notions
3311. Les conditions de production des listes
3312. La question de la référence des savoirs du point de vue des
acteurs 130
3313. La question de la structuration des savoirs 131
332. Analyse des données portant sur les notions retenues 133
3321. Croisement des questions de la pertinence et de la référence
3322. La question de la catégorie épistémologique de ces notions 137
3323. La question des concepts organisateurs 142
Conclusion 145
1. Lidentification des objets à enseigner
2. Les disciplines de référence 146
3. La structuration des objets de savoir 148
Partie 3 : Des outils didactiques pour référer,
définir et structurer la matière
Introduction 151
1. La référence des savoirs documentaires: entre légitimation, transposition, et
création 154
Introduction
11. La filiation scientifique, voie de légitimation 155
12. Le concept de pratiques sociales de référence, autre modalité de la
transposition 158
121. Lenjeu référentiel des pratiques sociales
122. Les pratiques sociales de la Documentation 160
1221. Pratiques des professionnels 161
1222. Pratiques des usagers
1223. Lauto-référence scolaire 162
13. Lapproche contre-transpositionnelle, source de création 163
14. Bilan 164
2. Des savoirs structurants : lorganisation interne des concepts 167
Introduction
21. Des notions aux concepts 168
211. Définitions étymologique et philosophique
212. Le champ de référence 169
213. En logique des termes
214. Application de la définition opératoire du concept selon
B.-M. Barth 170
22. Réception du concept de concept en didactique 175
221. Une approche épistémologique du concept
222. La dimension opératoire du concept 177
223. La définition pragmatique du concept, selon G. Vergnaud 179
224. La dimension structurante du concept 180
23. Les niveaux de formulation conceptuelle 181
231. La construction des concepts
232. Intérêt du concept de niveau de formulation 182
233. Application du concept de niveau de formulation 183
2331. Types dopérations appliquées à lénoncé de référence 186
23311. Classement des concepts par type de relation
entre leurs attributs 187
2332. Procédés mis en uvre pour laménagement de points
dentrée aux élèves 188
24. Bilan 189
3. Des savoirs à structurer : lorganisation externe des concepts 192
31. Les concepts intégrateurs de lInformation-documentation
311. Des paradigmes explicatifs fondamentaux 193
312. Des propositions pour lInformation-documentation 194
313. La détermination des concepts intégrateurs 196
32. Les réseaux conceptuels 198
321. « Apprendre, cest établir un réseau »
322. La cartographie conceptuelle 199
323. Lapproche cognitive : « une fenêtre sur le cerveau » 200
3231. Une cartographie des structures cognitives
3232. Laura conceptuelle
324. Lapproche épistémologique : la trame du savoir 202
325. Expérimentation : des conceptogrammes en Information-
documentation
3251. Méthodologie 203
3252. Commentaires 205
32521. Résultats
32522. La détermination des concepts intégrateurs
32523. Les types de liens relationnels 206
33. Bilan 207
Conclusion 209
Conclusion générale
211
1. Une reconversion épistémologique
2. Témoigner de la genèse dune matrice disciplinaire 212
3. Est-ce la fin de la période romantique ? 214
Références documentographiques 219
Table des annexes 230
Table des matières 233
European council of information association (ECIA), Euroréférentiel I&D , vol. 1 Compétences et aptitudes des professionnels européens de linformation-documentation, 2ème éd. revue, ADBS, 2004
Pour alléger la lecture, nous écrirons documentation lorsquil sera question des sens 1 et 2, et Documentation quand il sagira du sens 3. Plus loin, Documentation deviendra Information-documentation.
Circulaire du 13 octobre 1952
« Inventaire des ressources pédagogiques ». Circulaire du 22 mars 1954.
« Instruction générale concernant le service de documentation des établissements denseignement ». Circulaire du 10 février 1962.
« Application de linstruction du 10 février 1962 : concours apporté par les Centres Régionaux de Documentation Pédagogique à la mise en place et au fonctionnement des services de documentation ». Circulaire du 10 juin 1963.
« Le Centre de Documentation et dinformation, son rôle, son fonctionnement », septembre 1974.
« Un centre documentaire avec quelque chose autour, comme un être vivant dun rang supérieur est quelque chose autour d un cur et dun système nerveux et quil ne vit que par eux ». Linspecteur général Marcel Sire (1975), cité par S. Alava et C. Etévé (1999)
Emprunt partiel au titre de louvrage de Jean Hassenforder et Geneviève Lefort (1977)
Dewey Melvil, « Libraries as related to the educational work of the state », Regents bulletin n°3, aug. 1890. Cité par J. Hassenforder et G. Lefort, 1977
Propos repris de Roger Gal, pionnier des Classes nouvelles.
Brigitte Chevalier est la première à avoir proposé et publié des séquences de méthodologie documentaire : Méthodologie dutilisation dun centre de documentation, 1980
France, Ministère de lEducation nationale, « Missions des personnels exerçant dans les centres de documentation et dinformation », circulaire n°86-123 du 13 mars 1986, Bulletin officiel de lEducation nationale n°12, 27 mars 1986
France, Ministère de lEducation nationale, « Discours de M. Lionel Jospin, ministre de lEducation nationale, prononcé au congrès de la FADBEN le 19 mai 1989 », Bulletin officiel de lEducation nationale n°26 du 19 juin 1989
France, Ministère de lEducation nationale, Développer les Centres de documentation et dinformation (CDI), note du 10 avril 1991
Notamment par les travaux de Séraphin Alava, Maître de conférences et directeur du département des Sciences de l'éducation, Université Toulouse II.
Linformation est une connaissance structurée et mise en forme : « Toute information se caractérise par un contenu (signifiant), un signifié et une forme » (A. Boulogne, 2005).
France, Ministère de lEducation nationale, Note de service n°95-111 du 4 mai 1995, Bulletin officiel de lEducation nationale n°19, 11 mai 1995
France, Ministère de lEducation nationale, « Apprendre au CDI », Bulletin officiel de lEducation nationale n°6, 30 mars 1995, p. 153
Disponible sur http://www.savoirscdi.cndp.fr/metier/ textesofficiels/2000-2010/projetcirculaire.htm. La persistance, de 1986 à 2002, de la marque du pluriel attachée au mot « mission » constitue l'indice significatif d'un enjeu identitaire pour la profession qui réclame que la mission pédagogique soit première et fédératrice. C'est ainsi que les missions pourraient en effet reproduire l'idée d'un catalogue de tâches hétéroclites, et insuffisamment hiérarchisées, telle que l'a constatée et entérinée la circulaire de 1986.
Ministère de la Recherche et de lEspace Comité dorientations stratégiques, Formation à lusage de linformation : Rapport final, juin 1991. Disponible sur http://cdi.scola.ac-paris.fr/cpdp/serieyx.htm, [16 p.]
« Eléments pour une lecture transversale et thématique des programmes ». In France, M.E.N., Accompagnement des programmes de 6ème, livret 2. CNDP, 1996. p. 81-86
Parcours diversifiés en 1995, T.I.P.E. en 1996, T.P.E. en 2000.
Note de service 94-2-10 du 19 juillet 1994, parue dans le Bulletin officiel de lEducation nationale n°30, 28 juillet 1994.
Commission européenne, Education, formation et jeunesse, Emploi, relations industrielles et affaires sociales, « Enseigner et apprendre : Vers la société cognitive », Livre blanc sur léducation et la formation, CECA-CE-CEEA, 1995
Daniel Fondanèche a été le premier à utiliser le terme « didactique » dans le champ de la Documentation dans un article dInter CDI de sept.-oct.1992, « La didactique documentaire : utilisation des documents », et dans un ouvrage non daté « Les espaces documentaires : Du C.D.I. à la didactique documentaire ». Cependant, lusage qui y est fait de ce terme emprunte davantage au paradigme méthodologique de la décennie précédente quà une véritable recherche des savoirs savants de référence, bien que la documentation y soit saisie comme « une discipline sans programme ».
Terme repris et développé en 1999 par Yves-François Le Coadic, professeur en sciences de linformation, dans un article de Médiadoc, « Maîtrise de linformation et métasavoir ». Le métasavoir y est défini comme « lensemble des connaissances scientifiques et techniques relatives à la recherche et à lusage, à la construction et à la communication des savoirs produits par et pour les sciences et les techniques humaines et sociales, physiques et biologiques ».
Voir en particulier dans ce document le tableau n°6 : Cadre conceptuel proposé aspect « Recherche dinformation »
M.E.N., « Concours externes du CAPES, du CAPEPS et CAFEP correspondants : Session 2005. Documentation », B.O. Spécial n°5, 20-05-2004
M.E.N., « Discours prononcé lors de l'inauguration de l'Université de la Communication : Préparer l'entrée de la France dans la société de l'information, à Hourtin (Gironde) » le 25 août 1997, Site du Parti socialiste [en ligne]. http://www.parti-socialiste.fr/tic/discours_25081997.php
Cité par lauteur : Champy Philippe, Etévé Christiane, Dictionnaire encyclopédique de léducation et de la formation, 2ème éd., Nathan, 1998
Terme emprunté à Gérard De Vecchi et Nicole Carmona-Magnaldi, in Faire construire des savoirs, 1996
Publication prévue fin 2006
Daprès les travaux de Gabrielle Di Lorenzo, Questions de savoir : introduction à une méthode de construction autonome des savoirs, 1992
Les nombres entre parenthèses renvoient à la numérotation des listes présentées dans lAnnexe II. 1.
Ces nombres renvoient à la numérotation attribuée aux 12 disciplines composant les champs de référence possible (cf. Annexe II. 8 et tableau n°5 ci-dessus)
Voir Annexe II 7
R. La Borderie, Le métier délève (1991)
Données recueillies sur le site abondance.com. http://outils.abondance.com/
Agnès Montaigne, Marie-Laure Compant-Lafontaine et Nicole Clouet
Pour le document entier, voir Annexe III. 3
J.-P. Astolfi, 1992
« Window to the mind », Malone et Dekkers (1984). Cité par L. Saadani et S. Bertrand-Gastaldy (2000).
Lat. textus « ce qui est tramé, tissé » (A. Rey, op. cit.)
Terme emprunté à G. de Vecchi et Carmona-Magnaldi (1996).
La structure des révolutions scientifiques, 2° éd. revue et augm., 1970
Jeux et enjeux de la science, 1972
PAGE
PAGE 238
D
E
P
D
P
MD
Document
. Le Monde du 05-05-2006
. Nouveau Littré, 2005
. telle page web sur les élections européennes
. telle émission de télévision sur les oiseaux migrateurs
. support
. contenu intellectuel
. structure
Document
Etiquette
Exemples
Attributs
Concept
S
Concept
I
S
[stockage]
3
[codage]
2
[information]
[conservation]
[support physique]
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