Td corrigé Présenté par Pascal DUPLESSIS Tome 1 - archive-EduTice pdf

Présenté par Pascal DUPLESSIS Tome 1 - archive-EduTice

Il est donc clair qu'en terme de volume de flux, la part de l'Afrique Centrale reste ... de ce chapitre à l'examen des montants des IDE qui entrent dans la CEMAC, ..... Cette hausse spectaculaire est le résultat de la mise en chantier de l'oléoduc ...... (à notre connaissance) sur le sujet n'est disponible à nos jours sur la CEMAC .




part of the document



Récit d’une conquête
33. Vers la rationalisation des savoirs
34. Des professionnalités non convergentes

Conclusion



Partie 2 : Délimitation d’un champ de savoirs à enseigner
en Information-documentation

Introduction 

1. Un cadre de réflexion : la didactique 

11. La didactique : définition, histoire, épistémologie, tâches et outils conceptuels
12. La dimension épistémologique de la didactique comme cadre théorique pour servir
à la délimitation d’un champ de savoirs à enseigner en Information-documentation
13. Problématisation : la question de la mise en forme scolaire

2- Etat des lieux de la didactique de l’Information-documentation

21. Premiers pas, premières orientations 
22. Une nouvelle impulsion au tournant des années 2000
23. Apparition d’un nouveau concept : le curriculum
24. Des chantiers ouverts sur le terrain
25. Des perspectives universitaires
26. Un bilan fait d’esquisses : la référence, le cadre et le contenu

3- Examen d’un corpus de notions candidates

31. Objectifs de l’étude
32. Méthodologie
33. Analyse des données
34. Bilan

Conclusion


Partie 3 : Des outils didactiques pour référer,
définir et structurer la matière

Introduction 

1. La référence des savoirs documentaires: entre légitimation, transposition, et création

11. La filiation scientifique, voie de légitimation
12. Le concept de pratiques sociales de référence, autre modalité de la transposition
13. L’approche contre-transpositionnelle, source de création
14. Bilan

2. Des savoirs structurants : l’organisation interne des concepts

21. Des notions aux concepts
22. Réception du concept de concept en didactique
23. Les niveaux de formulation conceptuelle
24. Bilan

3. Des savoirs à structurer : l’organisation externe des concepts

31. Les concepts intégrateurs de l’Information-documentation
32. Les réseaux conceptuels
33. Bilan

Conclusion

Conclusion générale……………………………………………………………………………

Références documentographiques
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE

Pourquoi la question d’une didactique de l’Information-documentation se pose-t-elle aujourd’hui ? Exprimée ainsi, la question appelle à se détacher de l’état présent pour regarder en arrière, du côté des origines, et à reprendre le long chemin parcouru dans l’espoir d’en saisir les principales étapes. Mais toute entreprise de reconstruction du passé nécessite que l’on adopte un regard particulier. Celui-ci ne peut être, en l’occurrence, qu’épistémologique, explorant l’ensemble des faits qui ont concouru à la formation de l’idée selon laquelle la documentation, de matière documentaire à l’usage des enseignements, pourrait devenir elle-même une matière d’enseignement. Un chemin long d’un demi-siècle relie ces deux états.
L’Information-documentation, aujourd’hui, est une notion émergente, bien qu’encore floue à de nombreux égards. Ainsi, de manière générale, elle comprend tout ce qui ressort de la documentation scolaire, à savoir ses deux dimensions de gestion et de formation. C’est cependant vers ce dernier pôle qu’elle tend à se particulariser, hésitant entre les diverses appellations de maîtrise de l’information, d’éducation à la culture de l’information ou bien encore de littérisme informationnel (information literacy). Par ailleurs, l’apposition des deux termes - information et documentation – invite à établir un lien légitimant avec les Sciences de l’information et de la documentation appelées à servir de référence. Quoi qu’il en soit, cette formation linguistique est récente, puisque le syntagme n’est apparu qu’à la fin de la dernière décennie, et n’a été normalisé que depuis peu.
En ce cas, de quoi était-il question auparavant ? Le terme information s’avère une adjonction récente. Documentation, employé seul, affichait sa forte proximité avec la matière d’une part, cet ensemble constitué de documents, et avec les techniques permettant leur traitement, à savoir l’analyse, le stockage et la recherche de ces derniers. Ainsi le Manifeste de la FADBEN (Fédération des enseignants documentalistes de l’Education nationale) titre-t-il en 1978 Documentation discipline nouvelle. S’il n’est alors encore question que de formation méthodologique à la recherche documentaire et à l’usage du document, cette revendication marque cependant une étape charnière entre le simple emploi du document en appui du cours, préconisé par l’institution en 1952, et l’idée contemporaine selon laquelle le concept même de document pourrait devenir un objet de savoir à enseigner.
Certes, le glissement d’appréciation, étiqueté par cette évolution terminologique, peut s’expliquer de différentes manières. Pour Y. Le Coadic (1994) par exemple, cette mutation rend compte d’un changement de paradigme effectué en quelques décennies à peine, lorsque l’objet de toutes les attentions a cessé d’être la bibliothèque, le livre ou le document (bibliothéconomie, documentologie), pour devenir l’information en tant que substance dont on étudie la nature, la genèse et les effets (Science de l’information). En illustration à cela, il n’est que de faire remarquer avec quelle force sont introduits, dans notre société comme dans l’école de celle-ci, les nouveaux concepts de société de l’information et de culture de l’information.
Mais cela suffit-il pour que l’on en vienne à évoquer la possibilité d’une nouvelle matière scolaire ? Il faudra bien tout d’abord rendre compte du processus qui a fait que la Documentation, d’un objet pour étudier, devienne pour certains un objet à étudier. Ensuite pourra-t-il être question d’analyser ce dernier, de saisir dans quel cadre il s’inscrit et d’étudier les conditions de son émergence.
On le voit au travers de cette préoccupation ici affirmée, la réflexion que nous développerons dans cette étude ne prendra pas sa source dans la sphère des Sciences de l’information et de la communication, mais bien dans celle des Sciences de l’éducation.
Il s’agira, en effet, de chercher à saisir pourquoi, et comment, s’est opéré ce passage d’une pratique professionnelle (celle du documentaliste, celle du professeur de discipline utilisant le document), à un projet d’enseignement. Les types de savoirs mis en jeu dans l’un et l’autre cas étant totalement distincts, la rupture constatée est bien quant à elle de nature épistémologique, tant elle correspond à un changement radical de statut, de concepts et de visées relatifs à la Documentation. Mais s’agit-il vraiment de rupture, ou seulement d’évolution, de transformation progressive d’un état préexistant vers un état nouveau ? En d’autres termes, l’Information-documentation, matière scolaire aujourd’hui en questionnement, existait-elle en puissance dans la matière documentaire dès lors que celle-ci était introduite dans l’institution, en 1952 ? Posée en ces termes, la question amène à considérer trois orientations distinctes :
- est-il possible de penser l’école comme une machine à produire des formes (scolaires) à partir de la matière que l’on y introduit ? Quelle est, dès lors, la genèse de ce projet d’enseignement ?
- est-il possible de penser les objets scolaires considérés, i.e. les savoirs à enseigner relatifs au champ info-documentaire, comme manifestation de cette forme ? Comment émergent, s’imposent et se structurent ces objets de savoir ?
- est-il possible de penser la forme scolaire, non pas seulement en termes d’objets, mais également en termes d’agents responsables de la mise en forme de la matière, à savoir l’administrateur, les professeurs de discipline et la « profession » ? Comment ce bouillonnement de la matière en vient-il à produire les conditions concrètes de sa réalisation, aussi bien en termes d’espace, d’interrelations entre les disciplines que de métier ?
Appréhender ainsi l’Information-documentation comme ayant pré-existé en puissance dans la matière documentaire est risqué. Suivre en effet plus avant cette théorie aristotélicienne de la forme conduirait à croire en une possible entéléchie de la Documentation, i.e. rêver à l’inéluctabilité de son achèvement. Or, notre position ne peut être que vigilante et circonspecte. Ce principe ne saurait d’ailleurs être rapporté aux affaires scolaires, à moins qu’il n’en constitue l’horizon toujours renvoyé. L’idée même de transposition didactique (Y. Chevallard, 1985) s’y oppose, en tant qu’élaboration continuée, par réajustements successifs pour maintenir la distance entre les savoirs banalisés et les savoirs scientifiques toujours mouvants. Aussi n’en ferons-nous qu’une hypothèse de départ, intéressante lorsqu’il s’agira de mieux suivre, en marquant l’ordre des faits, ce déplacement de la matière-objet à l’objet d’étude. De fait, nous constaterons que si l’une a précédé l’autre, de même, le Service documentaire a annoncé le Centre de documentation et d’information (CDI), et de même, le gestionnaire a ouvert la voie à l’enseignant.
Quoi qu’il en soit, les quelques voies ouvertes par cette image d’un objet d’enseignement info-documentaire (l’essence) qui serait contenu en puissance dans la Documentation (matière) et exprimé par l’idée d’une matière scolaire (la forme), correspondent à des préoccupations d’ordre épistémologique, si tant est que l’épistémologie scolaire, ainsi que l’entend Michel Develay (1996), est « une réflexion sur les savoirs enseignés à l’école dans le but d’en expliciter les fondements, les méthodes [et] les conclusions ».
Une épistémologie de l’Information-documentation, à ce jour, n’a que peu été tentée (M. Frisch, 2003). Les contenus et les contours de l’Information-documentation, en tant que matière à enseigner, ne sont pas non plus encore délimités : « on est loin d’un savoir construit, systématiquement pris en compte et faisant l’objet d’une évaluation », rappelait A. Beguin en 1996. Dix ans après, le constat reste identique.
L’entrée épistémologique, en tant que composante d’une didactique orientée vers les objets de savoir, soutiendra ainsi cette entreprise qui se voudrait à la fois critique et heuristique, dans la mesure où il s’agira ici non pas d’examiner une discipline déjà installée mais une création originale et en possible devenir. Le but que nous nous fixons consiste à soumettre à la critique épistémologique les conditions exigibles d’une didactisation de cette matière. Nous emprunterons pour ce faire quelques outils appartenant au champ des didactiques des disciplines.
Plus prosaïquement, et dans une perspective plus élargie et plus lointaine, il pourrait être question de procéder à une sorte de balisage épistémologique préparant l’établissement d’un curriculum, une sorte de préalable où seraient éprouvés quelques outils pressentis pour travailler cette matière et propres à pouvoir en dégager des formes premières. Aussi, si notre approche se réclame à la fois critique et prospective, lui souhaitons-nous également une visée technologique, susceptible de proposer quelques instruments didactiques pour l’enseignement.

S’agissant de l’organisation de notre étude, nous n’avons fait que suivre, in fine, les directions indiquées par M. Develay (1996), du moins celles qui se tenaient à notre portée. Ainsi notre réflexion épistémologique débutera-t-elle par l’analyse historique et sociologique de l’émersion de l’Information-documentation, comprise en tant que matière candidate à un enseignement dans le secondaire. Cette première partie sera donc animée par la volonté de connaître la ou les différentes causes à l’origine de cet intérêt récent pour une didactique de l’Information-documentation. L’évolution dont il sera rendu compte par une approche diachronique sera analysée au travers des différentes composantes du domaine considéré, telles le statut de la matière documentaire, la gestion et l’organisation qu’elle nécessite, la place physique et symbolique qu’elle occupe, mais encore le statut professionnel de ses agents, le projet institutionnel pour l’intégration de la Documentation et l’influence exercée par certains mouvements éducatifs sur l’émergence d’une pédagogique documentaire.
A la suite de cela, le besoin exprimé progressivement en faveur d’une rationalisation des contenus conceptuels de l’Information-documentation nous conduira à procéder à une analyse didactique des savoirs proposés à l’enseignement. La délimitation de notre cadre d’étude nous permettra de sélectionner les questions directrices pour notre entreprise, relatives à la référence des savoirs proposés, à leur identification et à leur structuration. Ces questions seront en un premier temps rôdées sur la matière dont nous disposons aujourd’hui, en l’occurrence un ensemble de listes de notions info-documentaires produites de 1994 à nos jours dans le but d’établir un corpus de savoirs à enseigner. Le processus de didactisation, ainsi amorcé, peut être saisi comme projet de mise en forme d’une matière pour l’heure justement informe, et informelle. Il sera alors question de jauger de la pertinence de ces premiers éléments, de dégager un profil épistémologique de leur statut et de percevoir, au travers de l’organisation qu’ils manifestent, celui de la matière d’enseignement qu’ils composent.
La troisième partie de cette étude se centrera sur les questions de référence, de statut épistémologique de ces savoirs et de la structuration de la matière, mais à partir d’outils conceptuels élaborés par les didactiques des disciplines, tels la transposition didactique, les pratiques sociales de référence, les niveaux de formulation et les réseaux conceptuels, ainsi que les concepts intégrateurs. En même temps que nous vérifierons la pertinence de ces transferts sur l’Information-documentation, nous tenterons de faire apparaître en quoi ils permettent de préciser les conditions épistémologiques requises à l’élaboration d’un ensemble de savoirs à enseigner en Information-documentation.







Partie 1 


La documentation : d’une matière pour l’enseignement
à une matière d’enseignement







« Le travail est passionnant qui inscrit une discipline
d’enseignement comme un savoir vivant qui naît, grandit,
se transforme et meurt parfois, sous la dépendance de
rapports de force liés aux divers groupes de pression qui
pensent avoir leur mot à dire sur les savoirs à enseigner. »

M. Develay, Donner du sens à l’école, 1996

Introduction

Si la didactique a mobilisé les acteurs des disciplines depuis la fin des années 70, elle n’est apparue à l’horizon du champ de la Documentation qu’au début des années 90, pour ne pénétrer véritablement les débats que depuis quelques années. Une explication s’offre aussitôt à l’esprit : la voie ouverte par l’instauration du CAPES de Documentation en 1989 a stimulé la réflexion de la partie la plus militante de la profession, celle qui investit à cette époque les formations dispensées dans les IUFM. Il est ainsi remarquable que d’emblée la question de l’autonomie pédagogique ait été associée à celle de l’élucidation des contenus conceptuels à enseigner. Ces premiers essais, appuyés sur les théories des didacticiens des sciences, n’auront que de faibles échos sur le terrain. Celui-ci garde les yeux sur d’autres horizons, qu’ils soient technologiques (l’informatisation des CDI) ou pédagogiques (la méthodologie et la médiation documentaires), davantage porteurs, du moins le croit-on à l’époque, d’espoirs de reconnaissance pour la profession.

Ce que nous chercherons à comprendre dans cette première partie, c’est comment s’est construite la question de la didactique de l’information-documentation. Mais tenter de saisir la nature et les conditions d’émergence de ces causalités amène à aborder également le front des résistances et à considérer l’hésitation devant les autres alternatives. C’est donc un ensemble de facteurs, liés au contexte éducatif, à l’évolution de la Documentation inscrite à l’intérieur de celui-ci, aux courants pédagogiques et aux forces structurant en profondeur les mouvements constatés, que nous devrons interroger.
Les cadres et les perspectives qu’il faudra tracer pour entreprendre ce chantier emprunteront tantôt à l’histoire du système éducatif, lorsqu’il s’agira de suivre la marche de la Documentation dans le temps de l’Ecole, tantôt aux Sciences de l’éducation pour discerner les horizons sur lesquels se découpent les démarches, les méthodes et les enjeux pédagogiques à l’œuvre, la sociologie des professions enfin, pour suivre les processus liés à l’identité et à la professionnalisation du corps des enseignants documentalistes.
Ce questionnement, de type historico-sociologique (M. Develay, 1996), aura donc pour but de mieux saisir pourquoi et comment se pose aujourd’hui la question didactique à partir des conditions d’émergence de la Documentation scolaire et de l’évolution de son intention pédagogique. Pour ce faire, il nous faudra concevoir l’Information-documentation comme une discipline putative, ou du moins comme une matière d’enseignement, engagée dans un processus de constitution.
Nous ferons partir la question du rapport particulier qu’entretient la documentation avec la connaissance et avec la transmission de la connaissance. De cette approche épistémologique, empruntant beaucoup aux apports étymologiques et terminologiques, nous interrogerons la place et la fonction du document dans l’enseignement et ferons l’hypothèse qu’elles exercent une influence sur, ou du moins qu’elles reflètent, les tensions actuelles repérées dans la double appellation de professeur-documentaliste.
La tension entre ces deux pôles (professeur et documentaliste) résulte de la coexistence, semble-t-il difficile à concilier, d’une logique pédagogique et d’une logique de gestion. Nous la retrouverons en filigrane aussi bien dans l’historique des Centres de ressources que dans les types identitaires des personnels. Cette logique de gestion, nécessitant des compétences techniques professionnelles et pour cela composante majeure du métier, ne sera cependant pas directement traitée ici en tant que telle, mais sera envisagée dans le cadre d’une perspective débouchant sur un horizon pédagogique. Elle sera toujours observée tantôt comme empêchant ou masquant cette visée, tantôt comme justifiant ou marquant le chemin d’une spécificité pédagogique.

Cette nature duelle de la Documentation, cependant, structurera l’étude en traitant d’abord de la matière et des espaces documentaires, ensuite de la pédagogie et du métier d’enseignant documentaliste. La matière documentaire, ce gisement de ressources mis à disposition des acteurs, nécessitant pour cela un traitement et des accès appropriés, apparaît bien avant les premiers Centres et les premières nominations de leurs responsables. Est-ce un ferment à partir duquel vont progressivement s’organiser ces créations documentaires que sont les lieux, les fonctions et les démarches pédagogiques ? De quelle manière cet élément duel structurel va-t-il produire des formes d’où sortiront plus tard les alternatives pédagogiques et identitaires divisant le corps de métier ?
Il faudra avant cela, à partir d’une visite dans les CDI et l’histoire de leur constitution, s’étonner de voir comment, par exemple, une vision symbolique et utopiste d’un lieu a pu générer une telle prise de conscience de la mission pédagogique de ses personnels. Mais de telles visées ne peuvent être, en définitive, que des projections d’une utopie plus grande encore, telle que celle issue du mouvement de l’Education nouvelle. Comment, dès lors, ce mouvement a-t-il sculpté, pour de longues années, le profil de ce métier, jusqu’à produire une pédagogie documentaire originale ? Quels sont les nouveaux rôles attribués aux professeurs, en quelque sorte concurrencés par le document et sommés de travailler avec des élèves actifs et acteurs ? Quelle(s) posture(s) l’enseignant documentaliste est-il amené à prendre dans les collaborations auxquelles l’institution le convie ?
Les enseignants documentalistes, bientôt nantis de fonctions, voire de missions, disposant d’une méthodologie et d’une démarche particulières deviennent en moins de dix ans des pédagogues. Mais la pédagogie documentaire est-elle une pédagogie ? Quels sont ses constituants et sur quelle théorie de l’apprentissage repose-t-elle ? Quelle est sa place vis à vis des disciplines ?
Aux lendemains de la massification scolaire, l’esprit de rénovation de l’école fonde en la Documentation de nombreux espoirs et se montre très favorable à la profession, lui fournissant mandat, diplôme et statut. Cet élan vers une professionnalisation accrue, dont les principaux moteurs restent la réduction des inégalités scolaires et la reconnaissance sociale du métier, nécessite d’asseoir et de légitimer l’action pédagogique. Quels choix s’offrent alors, avec quels enjeux et quels risques ? Divisé entre une approche comportementaliste et une approche constructiviste, le groupe se scinde en tenants d’une Documentation transversale et auxiliaire des disciplines d’un côté et partisans d’une Documentation spécifique et émancipée de l’autre. La problématique documentaire se resserre alors autour de la question de savoir comment aspirer à une plus grande maîtrise de l’action pédagogique tout en évitant la spécialisation.
Comment dès lors, va réagir l’institution devant les propositions et les nouvelles demandes exprimées, dans un contexte renouvelé non seulement par de nouveaux programmes disciplinaires prenant en charge des pans entiers de prérogatives jusque là attribuées aux enseignants documentalistes, mais encore par l’informatisation de l’Ecole donnant accès aux gisements de ressources en réseaux et par l’ouverture à la société de l’information ? Un dialogue est-il même encore possible ?
Les questions, on le pressent, s’orientent vers une lecture sociologique des aspirations professionnelles de ce corps particulier d’enseignants sans enseignement ni élèves. Quels outils d’explicitation vont-ils permettre de comprendre la situation et, surtout, de dégager une voie possible de résolution ?
Il s’agirait, en l’occurrence, de saisir l’élucidation et la rationalisation des savoirs à enseigner en information-documentation comme un élément susceptible de renforcer les compétences info-documentaires des élèves d’une part et d’accompagner, d’autre part, le processus de professionnalisation engagé par les enseignants documentalistes aujourd’hui.


1. La double nature du document : substrat/substance

11. Approche épistémologique

Qu’il soit un objet outil, dont on se sert pour trouver l’information dont on a besoin, ou bien un objet de savoir, à propos duquel il faudrait posséder quelques notions pour en mieux saisir l’intérêt, le document se trouve au centre épistémologique de toute réflexion sur le rapport au savoir en général, et, plus spécifiquement, sur la médiation particulière qu’il instaure de fait entre ce savoir et le sujet cognitif. Cette réflexion, dès lors, intéresse la pédagogie documentaire, en même temps qu’elle questionne le métier d’enseignant documentaliste et les fonctions du Centre de documentation et d’information. Il est donc naturel de commencer par interroger le document, cet élément de base de la réflexion et voir s’il porte en germe les mutations à venir.
Si l’on veut bien en croire l’étymologie, qui donne accès au « vrai sens d’un mot », document résulte d’un emprunt tardif (1214) au latin documentum « exemple, modèle, leçon, enseignement, démonstration », lui-même dérivé de docere « faire apprendre, enseigner » (A. Rey, 1995). Du verbe latin procèdent ainsi doctor, oris "maître : celui qui enseigne", doctrina, "enseignement : la chose enseignée" et docilis "docile : qui est facile à enseigner". Il est ainsi facile de saisir à quel point l’idée de document, tout autant que l’objet, sont enracinés dans l’acte même d’enseigner.
Son premier dérivé verbal, documenter (1755) a conservé le sens ancien attaché à document « instruire, enseigner » jusqu’à récemment, dans la seconde moitié du XIXème siècle. A partir de là, il a pris les acceptions modernes de « fournir des documents à (quelqu’un, une organisation) » et « appuyer (une thèse) par des documents ». On verra là, dans ce glissement sémantique, l’indice d’une rupture plus profonde dans le statut accordé au document, qui passe ainsi d’objet essentiel à partir duquel se produit l’enseignement, à celui d’auxiliaire qui vient prouver, illustrer si besoin est ce dernier. Ainsi d’emblée le document vient, sur le plan de la transmission du savoir et de la médiation, en quelque sorte concurrencer le professeur. Pour ne donner qu’un exemple à cela, considérons comment cette opposition se manifeste lors de l’énonciation du savoir, créant un écart temporel. Pendant le cours, le contenu de connaissance transmis est déclaré dans l’instant (synchronie) et, pour l’élève, le professeur paraît en être l’auteur. S’agissant du document, au contraire, l’auteur est absent, non incarné, et peu souvent convoqué. Le moment de l’énonciation s’est opéré bien antérieurement (diachronie).
En prolongement de cette remarque, nous trouverons là matière à transposer sur le plan du métier pour mieux appréhender la scission apparue entre le professeur, qui déclare, et le documentaliste, qui intervient en appui du premier, dans la mesure où il peut fournir la preuve, par le document, de ce qui est déclaré, par la parole, lors du cours.
Cette scission semble aussi être à l’origine de l’écart qui se traduit topologiquement par la séparation de la salle de cours (l’endroit où l’on enseigne) d’avec le lieu documentaire (l’endroit où l’on trouve l’exemple, la preuve, l’illustration).
Cette rupture dans l’histoire récente du verbe documenter est donc à l’origine d’une triple opposition sur les plans de :
- la médiation : professeur / document ;
- la fonction : professeur / documentaliste ;
- l’espace : salle de cours / espace documentaire.

Cette première approche nous éclaire sur l’existence d’une dimension pédagogique du document. On observe ainsi comment l’usage a marqué, au XIXème siècle la séparation entre le document et le cours professé, en lui assignant une place subsidiaire.

12. Terminologie

Du point de vue de la linguistique, ou science du langage, on observe la déclinaison du terme document en substantifs (documentaire, documentation, documentaliste, documentologie), en adjectif (documentaire) et en verbes (documenter, se documenter), autant de mots qu’il serait bien difficile de contourner en l’occurrence. Constitutifs du mot documentation, lequel désigne un ensemble plus vaste, plus englobant, mais aux contours mal définis, ces deux termes, document et documentation, méritent d’être préalablement définis.

121. La documentation

Le terme de documentation est pour le moins polysémique. Il peut de fait être employé pour désigner dans le langage courant : un corpus de documents, un document permettant d’installer et d’utiliser un matériel, un ensemble de compétences techniques professionnelles ou domestiques et, par métonymie, un centre ou un service de ressources documentaires, un département universitaire ou encore un domaine disciplinaire.
Il importe dès lors de préciser cette notion et de noter ce qu’elle recouvre exactement.
Poursuivant les travaux de l’Association française de normalisation, les auteurs du Vocabulaire de la documentation de l’Association des professionnels de l’information et de la documentation (A. Boulogne, 2004) attribuent aujourd’hui deux sens principaux à ce terme :

documentation 1 : Ensemble des méthodes et des techniques de traitement systématique de documents ou d’informations, quel que soit leur support, mises en œuvre pour répondre aux besoins des usagers et incluant l’acquisition, le signalement, l’analyse documentaire, l’indexation, le stockage, la recherche, la diffusion de ces documents ou informations.

documentation 2 : Ensemble des documents réunis par une personne pour s’informer sur un sujet.

Il importe donc de distinguer ce qui relève, d’une part, d’un ensemble d’unités documentaires qui sont réunies pour un projet particulier et effectif (documentation 2), de ce qui désigne, d’autre part, un ensemble de techniques permettant le traitement de ressources potentiellement recherchées et utilisables par des usagers (documentation 1).
Dans le premier cas (documentation 2), la documentation est une « matière » constituée d’objets discontinus appelés à être exploités par un individu pour satisfaire son besoin d’information. Elle induit de ce fait un certain rapport à (une représentation construite de) la connaissance et appelle à l’activité d’un sujet cognitif qui peut être tout chercheur ou tout élève en situation de recherche.
Dans le second cas (documentation 1), le but est tout autre. Il ne s’agit plus de chercher à bénéficier d’un gain de connaissance, mais, en amont, de faciliter cette recherche, d’organiser les accès, et de fournir à l’usager un service en lui préparant les conditions pour l’élaboration d’une documentation 2. Il est ici question de gérer des ressources sous un double aspect :
- un traitement physique pour en assurer la conservation et la mise à disposition ;
- un traitement intellectuel décrivant son contenu (indexation) pour en assurer le classement et l’accès lors d’une recherche.
La documentation 1 consiste donc en une mise en système ordonné de collections et en l’organisation raisonnée d’accès en vue de satisfaire un public donné. Elle ressortit aux missions techniques du métier de documentaliste et réclame des savoirs techniques.
Par contre, si la documentation 1 doit être affaire de professionnels qualifiés, la documentation 2 intéresse tout sujet impliqué dans une démarche d’enseignement ou d’(auto-) apprentissage, en tant qu’enseignant ou en tant qu’apprenant. Celle-ci peut alors ressortir à la mission pédagogique de l’enseignant (documentaliste) et nécessite des savoirs méthodologiques.
Dans ce dernier cas, la documentation 2 peut, soit engager la médiation d’un enseignant, soit devenir l’objet même d’un enseignement (les apprentissages documentaires). Ainsi nous utiliserons documentation 3 pour désigner cette matière candidate à l’enseignement.

Cette première distinction fournit des indices permettant d’inférer le sens de la bivalence induite par l’appellation de professeur documentaliste, en désignant celui-ci par sa double fonction :
- gestionnaire des ressources (documentation 1) potentiellement disponible et permettant la constitution effective par l’usager d’une documentation 2 selon son projet ;
- médiateur pédagogique (documentation 3) entre cet usager et la documentation 2.

La documentation 2 apparaît ainsi à l’interface des deux fonctions de l’enseignant documentaliste. Elle s’avère également être la cible visée par les enseignants de discipline et les élèves. Son unité de base est le document.

122. Le document

Dans son acception la plus réduite, en tant que « support porteur d’information », la notion de document a donné lieu à des définitions contrastées admettant une liste plus ou moins étendue d’objets. De ce point de vue en effet, des objets tels que des signaux de fumée, ou un échange verbal pourraient se prévaloir du titre de document. Mais s’ils contiennent et transmettent bien une information, ce ne sont pas pour autant des documents au motif qu’ils ne sont pas fixés sur un support durable et ne peuvent donc être conservés.
Le document implique en effet que l’information soit inscrite sur un support de manière à pouvoir être ensuite stockée, reproduite et traitée par n’importe quel destinataire. Cette inscription matérielle varie selon les types de support (papier, film, numérique) et les technologies disponibles (imprimé, analogique, électronique).
Par ailleurs, au sens strict - et documentaire - du terme, la définition du document doit encore échapper aux visions relatives des autres disciplines. Prenons le cas d’un architecte observant un bâtiment ou une avenue et leur conférant un statut de document dans la mesure où ils lui livrent un certain nombre de significations en quelque sorte inscrites dans la pierre. A ce titre, nombre de « documents potentiels » doivent leur existence au regard subjectif d’une personne, d’une communauté ou d’une science. Toutefois, l’Information-documentation scolaire, en conformité avec les Sciences de l’information et de la communication, ne s’attache, quant à elle, qu’à l’étude des « documents formels », à savoir ceux issus d’un processus d’élaboration d’informations, mais assortis de l’intention expresse de les communiquer en les inscrivant sur un support donné (P. Duplessis et I. Ballarini-Santonocito, 2006).
Cette condition d’une intention de transmission d’une information prolonge l’idée originale, rappelons-le, qui est contenue dans le documentum latin « enseignement, démonstration », dérivé de docere « faire apprendre, enseigner ».

Jean-Paul Roux-Fouillet (2004) rappelle ainsi les cinq critères déterminant un document. L’objet document :
1- repose sur un support transportable, reproductible et stable ;
2- a une unité de contenu ;
3- contient des informations ;
4- lesquelles sont structurées de manière lisible par un homme ou par une machine ;
5- a une finalité (renseignement, acte commercial ou juridique, etc.)

d’où cette définition synthétique :
- un document est « un ensemble cohérent, stable et fini d’informations structurées et lisibles ; à usage défini, quel qu’en soit le support ».

Les cinq éléments de caractérisation que propose J.-P. Roux-Fouillet peuvent être schématiquement classés en deux groupes qui rappellent la distinction précédemment établie s’agissant de la documentation (1 et 2) entre aspect physique et technique d’une part, et aspect sémantique et pédagogique d’autre part.
Ainsi les items 1 et 2, relatifs au contenant, renvoient-ils au premier aspect et concernent-ils la fonction gestionnaire de la documentation 1, tandis que les items 3 à 5, évoquant le contenu, se rapportent plutôt à la dimension cognitive de la documentation 2 dans la mesure où celle-ci procède d’une intention d’acquisition de connaissances.

13. Hypothèses de lecture

Pour en revenir à la seule notion de document, retenons que celui-ci est le produit de l’inscription d’un contenu informationnel sur un support physique. Cette articulation d’une signification transportée (substance) et d’une matérialité porteuse (substrat) n’est pas sans rappeler la double mission confiée au professeur documentaliste dans ses tâches pédagogiques d’une part, et gestionnaires d’autre part. Cette conclusion, déjà formulée au sujet de documentation, amène à considérer cette idée que c’est le matériau qui crée la fonction. Ainsi la nature bipolaire du document produirait-elle une fonction duelle déjà identifiée par une double appellation statutaire.
Est-il possible d’inférer de la sorte que la double nature du document, cette matière documentaire de base en Documentation, ait eu une incidence sur la constitution des phénomènes documentaires que nous observons à l’école, notamment ceux relatifs :
- au développement de la documentation scolaire saisie comme matériau subsidiaire du cours ;
- aux espaces documentaires ;
- aux responsables gestionnaires de ces espaces et des ressources qu’ils contiennent ;
- à la pédagogie liée à l’exploitation de cette matière documentaire ?
En d’autres termes, la double nature (substrat/substance) même de cette matière documentaire a-t-elle pu imprégner les évolutions de ces phénomènes, imposant par là même une tension entre ces deux orientations, l’une tendue vers la gestion des supports physiques, l’autre orientée vers l’exploitation des supports de connaissance (documentum) ?
La bivalence remarquée dans la double appellation de professeur documentaliste transpose-t-elle sur le terrain des missions et des identités cette tension entre deux logiques, gestionnaire et pédagogique, et leur nécessaire hiérarchisation ?
2. Genèse de la pédagogie documentaire

Cette vision duale de la matière documentaire, à la fois substrat (la dimension matérielle) et substance (la dimension signifiante) facilite l’entrée dans l’environnement local de la Documentation scolaire. Elle propose en un premier temps une grille simple de lecture permettant de classer les éléments constitutifs d’un milieu documentaire où se déploient des réalités qu’il est possible d’analyser de manière diachronique.
Ainsi ce qui a trait au support sensible, qu’il soit matériel ou virtuel, regroupera en premier lieu les données relatives à la matière documentaire elle-même (documentation 2), au travers de son apparition dans l’école et de sa prise en considération par l’institution, et, en second lieu, celles relatives aux espaces documentaires chargés de la conservation et de l’accessibilité de ces ressources, à partir de l’évolution des fonctions qui leur ont été attribuées.
S’agissant à présent du versant informationnel, la question portera sur l’intérêt croissant porté à l’activité documentaire éducative (documentation 3), encore appelée aujourd’hui pédagogie documentaire. Ses assises théoriques seront en particulier interrogées, afin et avant de prendre la mesure des espoirs fondés par un métier auquel l’origine et l’essor semblent être étroitement corrélés.

21. De la documentation pédagogique à la pédagogie de la documentation

Nous avons proposé comme postulat que la nature épistémologique de la documentation comportait en germe l’évolution des phénomènes documentaires (usage, espace, fonction, responsabilité) dans l’école. L’étude diachronique de ces phénomènes permet-elle de le vérifier ? De quelle manière la matière documentaire a-t-elle orienté, facilité ou contraint les politiques éducatives dans leur choix s’agissant tout d’abord de ses usages, puis de ses espaces, enfin de sa fonction pédagogique ? Nous chercherons encore à déceler dans ces prémices l’origine des velléités exprimées par la profession à jouer un rôle pédagogique spécifique.



211. Intégration de la documentation à l’école

On nomme ressources documentaires l’ensemble des documents disponibles, dans un lieu documentaire, ou à partir de celui-ci (F. Moulin-Boirot et M.-E. Morlet, 1992), inscrits dans son inventaire et qui sont de ce fait potentiellement mobilisables par les usagers. Les resssources sont conservées et organisées selon une classification normalisée en différents fonds correspondant le plus souvent à leur genre. Aujourd’hui, les C.D.I. entretiennent des fonds composites dont les collections d’ouvrages littéraires et documentaires. La proximité de ces deux fonds, obéissant à des fonctions distinctes, est la conséquence directe de l’histoire de la matière documentaire scolaire. Nous suivrons leur cheminement parallèle jusque dans les années 60, décennie de leur rapprochement définitif.
Les ressources apparaissent officiellement dès 1838 dans les lycées français, sous l’appellation de bibliothèques scolaires. Héritières des premières bibliothèques à vocation scolaire des collèges de Jésuites au XVIIème, elles sont à l’origine constituées d’œuvres de littérature française et sont d’abord destinées aux élèves (F. Chapron, 1999). Les œuvres proposées sont récréatives et servent à l’édification morale. Bien vite, elles se scinderont en bibliothèques spécialisées pour les professeurs en tant que « structures d’appoint dans un enseignement magistral où la leçon du maître prime », et en bibliothèques de classe à l’intention des élèves. Un arrêté de 1882 réglemente ces collections et impose la création dans chaque établissement primaire d’une Bibliothèque populaire des écoles publiques. Mais faute de moyens et d’incitations, le mouvement s’essouffle rapidement. La situation perdure cependant dans les établissements secondaires, et ce jusqu’au milieu des années 60, lorsqu’est officialisée la fusion entre bibliothèque et service de documentation.
La notion de ressources documentaires à vocation pédagogique est quant à elle institutionnalisée en 1879 par la création du Musée pédagogique, œuvre de Jules Ferry et de Ferdinand Buisson. De cette fondation procédera, en 1935, la première forme du Centre national de documentation pédagogique (CNDP), lui-même ancêtre de l’INRP et de l’actuel CNDP. Il faudra cependant attendre 1958 et la création du premier « service de documentation » au lycée Janson-de-Sailly pour trouver une documentation mise localement à disposition de tous et organisée. Jusque là, on la trouve éparpillée dans des cabinets spécialisés sous la responsabilité des professeurs des disciplines (histoire-géographie, sciences naturelles, sciences physiques). Côtoyant les bibliothèques des professeurs, ces cabinets conservent principalement un matériel nécessaire pour la classe ainsi que des ouvrages préparant les concours de recrutement, mais peu de documents proprement pédagogiques (M. Poupelin et M. Monthus, 1993).
Françoise Chapron (1999) fait ressortir que l’intérêt manifesté pour la documentation pédagogique par l’institution a résulté de l’essor des centres documentaires et des métiers de la documentation suscités par l’accroissement spectaculaire de la masse documentaire aux lendemains de la deuxième guerre mondiale, lorsque les besoins en information scientifique et technique étaient cruciaux pour l’économie des pays développés.
Ainsi, au cours de l’année 1952 apparaît une circulaire intitulée très précisément « Le rôle de la documentation dans l’enseignement du second degré », laquelle inaugure cet intérêt de la tutelle pour l’intégration de la matière documentaire à l’école. Outre le fait que l’usage du document permettrait de passer d’une logique déductive à une logique inductive, sur le modèle des sciences expérimentales, insistance est faite sur « la place que ces méthodes d’enseignement doivent faire à la documentation dans toutes [les] disciplines ». Bien que la fin du texte minore quelque peu cette injonction, puisque ces ressources servent principalement d’appui au cours du maître, il n’en reste pas moins qu’il constitue le premier élan novateur pour le rapprochement de la documentation et des méthodes pédagogiques, la première permettant de questionner les secondes. A la documentation interne à l’établissement s’ajoutent des ressources documentaires extérieures, dites « inamovibles » (sites, musées, monuments), jugées utiles pour compléter le cours. Le CNDP est alors missionné pour produire et publier un tel inventaire. C’est d’ailleurs à l’occasion de la proclamation de l’achèvement de ce travail, en 1954, que l’on trouve la première occurrence de l’expression de ressources pédagogiques. La circulaire de 1952, par conséquent, offre d’une part à la matière documentaire un statut didactique officiel (montrer, illustrer, démontrer par le document), en même temps qu’elle élargit l’acception de la notion à des objets non documentaires, bien que porteurs d’informations intéressant le cours. Cette idée d’ouverture culturelle de l’établissement sera conservée au titre des futures missions de l’enseignant documentaliste. Enfin, notons que le « rôle de la documentation » tient des compétences d’organisation personnelles du professeur, sans que soit encore prévu aucun soutien logistique pour rassembler, conserver, organiser et rendre accessible ces ressources.
En 1958, sont enfin créés les premiers Centres locaux de documentation pédagogique (CLDP), à partir de l’idée de rassembler et d’organiser la matière documentaire. Il s’agit non seulement de rationaliser les moyens humains et financiers mais également d’aider les maîtres à diversifier leurs sources. Notons que ces ressources restent toujours adressées à ces derniers.
Quatre ans plus tard, la circulaire du 10 février 1962 dresse un bilan sommaire mais encourageant en commençant par affirmer que « notre pédagogie recourt de plus en plus au document ». Elle cherche surtout à réglementer et à définir le Service de documentation (SD) nouvellement instauré en précisant notamment « la documentation pédagogique qu’il doit rassembler ». La matière documentaire ainsi définie s’inscrit dans un réseau vertical assujettissant le Centre local (CLDP) au Centre régional de documentation pédagogique (CRDP). Il est important de constater que, par voie de conséquence, le poste de responsable nommé pour gérer ces ressources est corrélativement dépendant, pour son recrutement et pour sa formation, du directeur du CRDP.
L’année 1966 balise une nouvelle avancée significative dans l’évolution de la nature et de l’utilisation des ressources documentaires, et ce, à partir de trois événements. Tout d’abord les SD se transforment en SDI, agrégeant le I de Information pour marquer l’adjonction de l’information culturelle et de la documentation scolaire et professionnelle. Ensuite s’opère la délicate fusion des bibliothèques centrales et des Services documentaires. Enfin, et ce n’est pas la moindre des choses, l’espace documentaire et ses ressources s’ouvrent aux élèves. Il est évident qu’à partir de cette petite révolution, la nature même de la matière documentaire va se trouver modifiée par la nécessité de faire correspondre l’offre aux besoins réels.
Un nouveau pallier est franchi à la création des CDI en 1973, lorsque que les Services deviennent des Centres pour appuyer et officialiser une double intention : d’une part, la documentation est désormais placée « au centre » pédagogique de l’établissement et, d’autre part, elle doit être regroupée en un seul lieu. Le rapport de l’inspecteur général Tallon, remis l’année suivante, revient sur cette dernière exigence, tout en la nuançant : des « sous-dépôts temporaires ou éventuellement permanents » sont toutefois admis à la condition d’être inscrits au « fichier collégial » que tient le responsable du Centre. Par ailleurs, l’aspect pécuniaire est pour la première fois abordé : le rapport préconise l’ouverture d’une ligne budgétaire propre à la documentation.
Depuis ce rapport, et la circulaire de 1979 qui s’en est profondément inspiré, la nature des fonds et des collections n’a que peu évolué. Ainsi les CDI actuels mettent-ils à disposition des élèves et des professeurs différents types de fonds (F. Moulin-Boirot et M.-E. Morlet, 1992) :
- le fonds de la bibliothèque-médiathèque : ouvrages de référence, livres
documentaires, ouvrages de fiction, périodiques, etc. ;
- le fonds des documents administratifs et réglementaires (B.O., annales, programmes,
etc.) ;
- la documentation afférente à l’orientation scolaire et professionnelle.

Mais un bouleversement important, tant sur le plan des ressources (documentation 2) que sur celui des techniques de gestion (documentation 1) a été apporté à la fin des années 80 par le développement continu des technologies de l’information et de la communication (TIC) et l’informatisation des CDI qui a suivi. Les implications concernant la seule matière documentaire sont de plusieurs ordres :
- la constitution de bases de données remplaçant les fichiers papier ;
- l’optimisation du traitement des ressources documentaires au moyen d’un logiciel de
gestion et de recherche documentaire, véritable interface entre les collections et
l’usager ;
- la déterritorialisation des ressources documentaires ;
- le travail documentaire en réseaux (accès et mutualisation) ;
- l’accès aux gigantesques ressources en ligne (le Web) ;
Autant de changements qui, en l’espace d’une décennie, ont contribué à ébranler l’identité professionnelle des bibliothécaires comme des documentalistes.

Il ressort ainsi de ce premier bilan que c’est bien à partir de la matière documentaire « première » que procèdent et se développent les notions consécutives d’espace documentaire et de métier :
- apparition de la notion : Musée pédagogique (1879), CNDP (1932) ;
- 1ère injonction officielle d’une utilisation pédagogique (circulaire de 1952) ;
- 1er rassemblement des ressources en un seul lieu (CLDP, 1958) ;
- nomination d’un personnel spécialisé et généralisation de l’idée d’une gestion
raisonnée des ressources (SD, 1962);
- volonté de placer la documentation au centre pédagogique de l’établissement (CDI,
1973).
Ce sont les fonctions de rassemblement, de gestion et de mise à disposition des ressources qui créent les besoins en lieu et en personnel spécifiques. De même, lorsque la matière documentaire acquiert une dimension pédagogique de plus en plus marquée, la spécificité pédagogique des espaces et des personnels croît en conséquence. Aussi ne se contente-t-elle pas de les appeler mais elle les dessine au travers de la fonction qu’elle développe. C’est ce qui apparaît plus clairement encore si l’on s’intéresse à l’évolution des rôles et des buts qui lui sont progressivement assignés. Elle passe en effet des fonctions de loisir, de culture avant 1950, à la fonction didactique à partir de 1952, pour s’ouvrir enfin à une fonction pédagogique au début des années 70.
De matière que l’on montre aux élèves en appui du cours, elle devient progressivement une matière à manipuler par l’élève lui-même dans le but espéré de le faire accéder au savoir et de lui permettre d’élaborer du sens.

De matière à l’origine disséminée, désarticulée dans les cabinets et les salles de cours, voilà qu’elle semble vouloir s’agréger, se rassembler, prendre corps dans un lieu unique et centralisé où il faut à présent se rendre si l’on veut la trouver et la travailler.
Quelle est l’histoire de ces lieux ? Est-il possible, au travers de leur évolution, de saisir de quelle manière ils ont accompagné ou forgé cette question de la recherche d’une spécificité pédagogique de la Documentation ?

212. Etat des lieux documentaires : des espaces et leur logique

2121. Des logiques héritées du passé

Quel est donc l’impact de ces fonctions, ou logiques, sur les espaces documentaires ? Comment se traduisent-elles en termes d’espace et de localisation ?
Françoise Chapron (1999) fait le constat de la stratification des fonctions dans les CDI d’aujourd’hui, faisant coexister des logiques héritées du passé. Elle dénombre ainsi des logiques patrimoniale et culturelle, de service et, enfin, pédagogique.
Cette succession suit un axe évolutif, tel que nous avons pu l’esquisser plus haut. Les logiques patrimoniale et culturelle sont le produit, en premier lieu, de l’effort de rassemblement et de stockage des ressources à une époque où la documentation était encore peu disponible d’une part (les CRDP ne sont créés qu’en 1950), et, d’autre part des divers types de bibliothèques qui se sont succédées de la fin du XIXème siècle à leur intégration dans les SDI en 1966. A l’heure des ressources numériques, cette logique de stock est désormais confrontée à une logique de flux. Ce glissement de logique accompagne en fait le retrait annoncé - et supposé - du document, voué à la dématérialisation, et l’avènement de l’information.
La logique de service est celle d’un service documentaire, idée fixée dans l’appellation même du lieu, le Service de documentation (SD), en 1962. Dans cette logique, les ressources documentaires sont exclusivement destinées à servir le professeur dans la préparation et la présentation de son cours aux élèves. Aussi une infrastructure et des moyens humains ont-ils été pensés et organisés pour soutenir cette mission de service. La notion de service revient d’ailleurs en force aujourd’hui dans le discours institutionnel pour recentrer la vocation du lieu sur la satisfaction des besoins informationnels des usagers (élèves et professeurs).
S’agissant enfin de la logique pédagogique, il faut en situer l’apparition en 1974, lors du passage du « Service » au « Centre ». Effet terminologique qui n’est sans doute que l’actualisation du bouleversement plus profond qui s’est produit dès 1966 lorsque les élèves ont été invités à investir les lieux. L’accès direct aux ressources a eu pour effet de susciter une réflexion sur la nature des collections, l’organisation des locaux, mais encore, conséquence plus importante, sur la médiation pédagogique et ses acteurs, dont les rôles et la responsabilité font aujourd’hui encore l’objet d’une redéfinition.
On peut alors se demander comment, et dans quelle mesure, cette logique délibérément pédagogique des lieux a pu influencer la vocation des personnels à passer d’un statut passif de prestataires de service à celui de pédagogues co-acteurs de la formation des élèves.

2122. « Un centre documentaire avec quelque chose autour »

Le rapport de l’inspecteur général Tallon, en septembre 1974, entérine la récente promotion des SDI en CDI. Ce changement d’appellation entend faire franchir un saut quantitatif et qualitatif à ces nouveaux locaux documentaires. D’un point de vue quantitatif tout d’abord puisque est annoncée leur généralisation sur le territoire ; d’un point de vue qualitatif ensuite sur les plans statutaire et architectural.
Au plan du statut, la revalorisation porte sur la place, au sens propre comme au sens symbolique, laissée à la documentation dans l’établissement : « non plus service annexe et auxiliaire, mais centre, dans tous les sens du terme, aussi bien lieu central de l’établissement que foyer central d’animation, ‘carrefour de la vie éducative et de l’activité pédagogique’ ».
Rappelons que le nouveau Centre a également pour fonction de « centraliser » la documentation dispersée dans les cabinets et les laboratoires. La métaphore topologique institue de fait, et une fois pour toutes, le CDI comme le centre géographique, le carrefour, le foyer ou encore le cœur de l’établissement, voire du système éducatif. Aujourd’hui encore, la littérature emprunte généreusement à cette rhétorique qui a pour fonction de focaliser l’attention des acteurs sur les bienfaits de la documentation et sur la réussite espérée d’une pédagogie sachant l’utiliser.
Au plan architectural, ce même rapport donne en exemple une expérimentation réalisée sur 82 « établissements à espace aménagé ». On y apprend que la notion de centre est coulée dans le béton des décideurs politiques, puisque « c’est autour [des locaux documentaires] que s’est articulé le plan de masse ; c’est en fonction de leur emplacement qu’ont été disposés les autres locaux et qu’ont été organisées les circulations ». Claude Viry (2001) rapporte à ce propos une expression récurrente à l’époque : « une école, c’est un centre de documentation avec des salles autour ».
Ces réalisations s’appuient sur les normes architecturales du ministère, éditées de 1968 à 1972. Celles de 1970, par exemple, représentaient le centre documentaire sous la forme d’une étoile entourée d’une nébuleuse de salles : salle de documentation-bibliothèque des professeurs, salle d’auto-documentation, salle de lecture, salle de réunion des élèves, salle audiovisuelle, clubs, bibliothèque des élèves, salle des professeurs, duplication, etc., toutes détaillées avec la mention de l’indication de leur surface (cf. Annexe I. 1) . Le rapport de 1974 défend cette conception inédite du Centre, en la présentant comme « la meilleure adaptation de l’espace à une pédagogie évolutive ».
En effet, et comme nous l’aborderons plus tard, le CDI est alors pressenti pour devenir le principal vecteur de la rénovation pédagogique du système éducatif. Suivant l’idée forte selon laquelle l’environnement architectural influence les activités qui s’y déroulent en modifiant les représentations et en dessinant de nouvelles perspectives, il restait à imaginer des espaces à la hauteur des ambitions. A cette époque, l’inspiration vint du modèle québécois et de ses « collèges-bibliothèques » orientés sur une pédagogie très largement basée sur les activités documentaires des élèves (J. Paillat, 1980). Dans cet « Eldorado éducatif », selon l’expression de Claude Viry, jusqu’à 40% du temps scolaire pouvait être consacré au travail autonome en petits groupes.
Cette fulgurante promotion des Centres ne peut que rejaillir sur les documentalistes-bibliothécaires qui en assurent la responsabilité. D’auxiliaires des enseignants de disciplines à l’origine, les voici promus à l’exercice d’un rôle pédagogique central dans l’établissement. Les salles, les classes, et donc les cours et les professeurs devraient maintenant graviter autour d’eux comme des satellites en orbite. Cette révolution de type copernicien (la raison d’état se substituant ici à la raison scientifique) constitue certainement l’un des facteurs qui conduiront la profession à revendiquer une place particulière dans l’échiquier des disciplines. Ce déplacement des projecteurs allant du Centre vers le documentaliste-bibliothécaire se produit dans cette fin des années 70 : pour la première fois, un rapport s’intéresse directement aux personnels responsables en les dotant de fonctions. Qui plus est, de ces sept fonctions, la dernière, pédagogique, est censée englober et diriger toutes les autres.
Mais l’emphase portée sur les Centres était-elle suffisante à elle seule pour opérer une telle révolution ? Par quel autre biais va s’affirmer et s’ancrer cette préemption pédagogique du documentaliste-bibliothécaire ?

2123. L’élève au Centre

Nous avons déjà fait remarquer qu’un des moteurs de l’élan qui a porté le CDI au début des années 70, du moins dans les esprits, a sans doute été l’ouverture de son espace et de ses ressources aux élèves, à l’occasion de l’instauration des SDI en 1966.
A la création des CDI, l’institution fixe même à 10% des effectifs de l’établissement la capacité d’accueil de son centre. Il était même prévu d’augmenter le nombre de places disponibles jusqu’au tiers de l’effectif pour peu que, à l’instar du modèle québécois, les élèves soient encadrés par leurs enseignants. Ce taux servait encore de base pour calculer, à raison de Xm2 alloués à chaque élève, la surface du local.
A cela s’ajoute l’injonction ministérielle d’ouvrir les CDI « tous les jours, en libre accès, du moment où arrivent les premiers élèves à celui où partent les derniers – et même au-delà pour les établissements à internat – y compris de 12 heures à 14 heures et, le soir, pendant la période où les élèves attendent le départ des cars de transport scolaire » (Rapport Tallon, 1974). A partir de ce moment, le lieu CDI est présenté comme un lieu accueillant, confortable et lumineux et où les enjeux scolaires sont établis sur des bases radicalement différentes de celles de la classe.
L’ouverture aux élèves marque un tournant radical dans l’histoire de la Documentation jusque là orientée vers le professeur et le cours. Elle fait du CDI un lieu où l’élève est prioritaire, un lieu centré sur l’élève dans une démarche en cela profondément novatrice et toute chargée de ces espoirs qui seront encore portés par la loi d’orientation de 1989. La participation d’élèves volontaires aux activités de gestion du Centre est même préconisée par le rapport, sur la foi d’expériences qui ont réussi « à la satisfaction de tous ».
La circulaire de 1977 établit avec précision quelle sera la conséquence principale, touchant la relation pédagogique, de cette décision : « le documentaliste-bibliothécaire exerce une action pédagogique directe auprès des élèves pour leur enseigner des méthodes de recherche du document et du travail sur document, soit, individuellement ou en petits groupes […] soit, en groupe-classe, dans le cadre horaire d’une discipline, en collaboration avec le professeur ». Ainsi l’ouverture du Centre, consécutivement à sa création fondée sur le déplacement de la matière documentaire vers le centre symbolique de l’établissement, provoque à présent le déplacement de la classe, avec ses élèves et son professeur. La centralisation des ressources en un lieu présenté comme un cœur, un axe autour duquel s’organise le reste de l’établissement, exerce une action centripète sur celui-ci.
Avant, la classe et les éventuelles ressources documentaires étaient comme aimantées par le cours donné par le maître ; maintenant, ce sont la classe, le maître et son cours qui se trouvent attirés par cette matière documentaire organisée, et par l’accueil participatif de son responsable.

Nous nous demanderons ultérieurement quelles conséquences cette attraction pourrait avoir sur la situation pédagogique et les relations élève-savoir-maître, à partir du postulat que, lorsque la classe est transportée, c’est tout le rapport au savoir qui se trouve également déplacé.

Il apparaît ainsi que l’ouverture des Centres aux élèves marque un nouveau tournant, ou consolide celui entamé par la promotion des Centres. L’évolution qui se dessine ainsi passe d’une centration sur la matière elle-même à une centration sur les espaces documentaires pour arriver ici à une centration sur l’élève. L’action centripète exercée par le nouveau lieu documentaire, en déplaçant le lieu du cours, organise une captation de l’élève en même temps qu’elle décentre la médiation pédagogique et introduit de fait un nouvel acteur, le documentaliste-bibliothécaire. Ainsi, l’ouverture du Centre aux classes s’accompagne, dans les textes (1977), de l’obligation faite à ce personnel d’exercer une action pédagogique directe auprès des élèves.

213. Une nouvelle manière d’enseigner

A partir de ce constat selon lequel tout document présente une double face, un contenant et un contenu, nous avons tenté de mettre en évidence cette idée que la matière elle-même, ce substrat documentaire, avait engagé, ne serait-ce que par sa matérialité (accès, centralisation, gestion, exploitation) un certain nombre de choix et de processus importants. Il s’est agi en effet de choix d’organisation stratégique, architecturale et spatiale ainsi que des choix en moyens humains. Ces décisions, émanant toutes d’une tutelle s’appuyant sur des innovations de terrain et des instances associatives à l’initiative d’un début de professionnalisation du métier d’enseignant documentaliste, relèvent de l’ambitieuse politique éducative qui a prévalu dans les années 70 et dont l’élan a encore porté la décennie suivante. C’est d’un tel élan qu’est née la Documentation scolaire telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Considérons à présent la face du document qui est relative à son contenu, i.e. à cet élément de connaissance qu’il conserve en substance et dont il assure la transmission. Nous avons déjà fait remarqué à quel point l’étymologie de document avait conservé la trace d’un fort attachement, non seulement à la transmission du savoir mais également à l’enseignement. Le retour du document sur le devant de la scène pédagogique, à l’heure de la création des Centres de documentation et d’information, s’est donc accompagné d’une pédagogie nouvelle.
Mais les présupposés qui la fondent s’originent-ils dans la nature même du document ou celui-ci n’est–il que l’instrument d’un projet plus vaste ? Nous nous intéresserons alors à retrouver et à préciser dans quel cadre éducatif et idéologique est inscrite cette nouvelle pédagogie.

2131. Dans le sillage de l’Education nouvelle

« Qu’il s’agisse en effet de confier aux élèves une grande part de responsabilité dans leur propre formation, notamment par le travail indépendant ; qu’il s’agisse de l’apprentissage du travail en équipe ; qu’il s’agisse de la modification du rapport pédagogique entre le maître et l’élève ; qu’il s’agisse d’ouvrir l’enseignement sur la vie, de le rendre plus concret, plus lié au ‘vécu’ des élèves ; qu’il s’agisse de donner à l’école l’attrait et les moyens de l’ ‘école parallèle’, et d’apprendre ainsi à nos élèves à mieux maîtriser les apports ‘sauvages’ de celle-ci ; qu’il s’agisse de leur offrir une vie scolaire moins monotone, plus diversifiée, et de favoriser l’apprentissage de la responsabilité et de l’initiative : pour la réalisation, dans les meilleures conditions, de tous ces objectifs, d’une pédagogie et d’une vie scolaire rénovée, le centre documentaire est un moyen privilégié, sinon indispensable. »

Rapport Tallon, septembre 1974

Si l’idée de rénovation pédagogique court explicitement le long de ce texte fondateur pour les CDI – rappelons qu’il est à l’origine de la première circulaire de mission des documentalistes-bibliothécaires, en 1977 -, il est en revanche explicitement muet sur l’Education nouvelle, ce grand mouvement éducatif parallèle, concurrent de l’école traditionnelle triomphante. Pourtant, toutes les idées qui donnent au CDI, à son personnel et à ses utilisateurs, son cadre éducatif, largement teinté d’idéologie réformiste, sont ici convoquées dans le texte de l’inspecteur général Tallon.
L’Education nouvelle ressemble à une nébuleuse, un ensemble complexe d’idées et de méthodes pédagogiques, expérimentées et mises en œuvre dans les deux premiers tiers du XXème siècle, mais animées d’un même élan (P. Champy et C. Etévé, 2002 ; F. Raynal et A. Rieunier, 1997 ; F. Chapron, 1999). Cet élan, qualifié de réformiste au regard du modèle dominant, trouve à s’unifier autour de postulats et de présupposés communs, tels que « la prise en considération de la réalité enfantine (‘puérocentrique‘), l’organisation d’une vie sociale au sein de la vie scolaire et la relation de l’acte à la pensée » (F. Morandi, 2001).
Dans le rapide survol que nous proposons, nous nous attachons à ne faire ressortir que les éléments utiles à notre projet qui est de révéler les causes profondes de l’investissement actuel de la profession dans le champ didactique, et de ses résistances. Nous pensons en effet que certaines de ces dernières plongent leurs racines dans certains principes portés par le mouvement de l’Education nouvelle.

A la fin du XIXème siècle, des écoles secondaires privées pourvues d’internat, s’implantent en pleine campagne afin de se rapprocher du milieu naturel, du grand air et des travaux manuels. Au moyen d’une vie communautaire fondée sur des principes viriles, l’accent est mis sur la formation du caractère, la vie sociale et le self government. On y manifeste également le souci de trouver des liens entre les matières d’enseignement, par l’étude de la nature et l’observation.
En 1894, John Dewey, professeur de philosophie à l’université de Chicago, fonde une école expérimentale où sont proposées des activités concrètes (menuiserie, tissage, etc.) stimulant les apprentissages culturels. Sa formule « learning by doing » restera célèbre. Tous les travaux menés à cette époque convergent vers un même postulat : la libre découverte de l’enfant, et un même constat : la rupture radicale avec la méthode traditionnelle d’enseignement.
La première décennie du XXème siècle voit apparaître les travaux du médecin psychologue suisse Edouard Claparède, disciple de Dewey, dont l’approche fonctionnelle de l’enfance s’intéresse à la relation entre le sujet et son environnement. Adolphe Ferrière popularise l’expression d’Ecole active  et fonde en 1921 la Ligue internationale pour l’Education nouvelle, avec Ensor et Olive Decroly. La section française naîtra l’année suivante sous le nom de Groupe français d’éducation nouvelle (GFEN). Toujours en Suisse, Jean Piaget, par ses travaux, commence à influencer durablement le courant (Le langage et la pensée chez l’enfant, 1923).
A la même époque en France, Roger Cousinet (le travail libre par groupes), B. Profit (les coopératives scolaires) et Célestin Freinet (le texte libre, l’imprimerie, la correspondance scolaire) enracinent l’Education nouvelle par leurs expérimentations. Ce dernier, notamment, introduit l’usage du document dans la classe en l’inscrivant au centre d’activités de recherche et de production. Les élèves réalisent de vrais journaux et, plus tard, publient une vraie revue documentaire, la Bibliothèque de travail (BT). Ce faisant, par le truchement du document, Freinet propose « une alternative au tout naturel de la vie comme source documentaire et au tout artificiel du document scolaire conçu par l’adulte et pour l’école » (G. Bécousse, 2004).
L’après-guerre verra se produire un nouveau départ sous l’action notamment de Roger Cousinet, ainsi que de Paul Langevin et de Henri Wallon, les auteurs du rapport éponyme et présidents du GFEN. En 1945, le directeur de l’enseignement du second degré, Gustave Monod, crée deux cents « classes nouvelles » dans les sixièmes des lycées. L’arrêt brutal de l’expérimentation en 1949, par son successeur, est d’ailleurs à l’origine de la création de la revue Les Cahiers pédagogiques. Ces classes nouvelles serviront par la suite de référents aux promoteurs des CDI.
C’est dans ce contexte que paraît, en 1947, le plan Langevin-Wallon, porteur d’un projet de réforme globale de l’enseignement frappé aux idéaux démocratiques de la Résistance. Nourri des principes de l’Education nouvelle, il entend réorganiser l’Ecole en fonction des enfants, de leur âge et de leurs aptitudes et ouvrir l’école sur la vie. Il promeut en outre le développement des méthodes actives.
A la fin des années 50, le mouvement Freinet s’oriente vers la pédagogie institutionnelle (Fernand Oury) ou autogestionnaire (Raymond Fonvieille). Les travaux du psychothérapeute Carl Rogers sur la non-directivité et l’autonomie sont portés en France par André de Peretti.
Pourtant, en 1965, Jean Piaget constate le relatif échec de ce courant. Il établit le diagnostique d’un mouvement qui est apparu trop révolutionnaire pour son époque, dont les fondateurs n’ont pas eu le goût d’appartenir à l’institution, et dont les précurseurs (Rousseau, Tolstoï) se révèlent finalement bien encombrants.
Cependant, les « classes nouvelles » de Gustave Monod, les CDI, et la pédagogie qu’ils suscitent, représentent une traduction concrète de l’influence de l’Education nouvelle. Ainsi, en conclusion d’une réflexion sur la place et le statut inédits conférés au document (fait par et pour la classe) dans l’Ecole moderne de Célestin Freinet, Gérard Bécousse (2004) invite les chercheurs à «  reconsidérer la question de la filiation des Centres de documentation avec les propositions et les expérimentations de l’Education nouvelle ».

L’idéologie qui entoure la création des CDI, et les espoirs qu’elle soulève, emprunte à ce mouvement les idées de transversalité, de méthodes actives ancrées dans le concret, de travail de groupe, de construction du savoir par interaction avec un environnement informationnel, d’ouverture sur la vie, d’acquisition de l’autonomie et, de manière plus générale et plus profonde, l’idée d’une rupture avec les méthodes transmissives de la pédagogie traditionnelle, méthodes fondées sur « une activité de reproduction du raisonnement imposé par l’enseignant » (J. Berbaum, 1989). Héritière de ces espoirs un peu déçus, une partie de la profession craint aujourd’hui qu’une approche didactique, dont n’est souvent perçue que la seule dimension épistémologique des contenus conceptuels, ne marque un retour à la pédagogie frontale et ne constitue par conséquent un aveu d’échec.
Quelques textes ministériels permettent de jalonner cette transposition effectuée par l’institution, à la suite du plan Langevin-Wallon, des expériences alternatives propres à ce mouvement en direction du système éducatif. Si l’enjeu est bien la « rénovation pédagogique », l’outil pour le faire se nomme d’abord documentation pédagogique, puis Centre de documentation et d’information.


2132. 1952-1977 : la pédagogie de la documentation

Le développement de la pédagogie d’une part, la dématérialisation brutale du document d’autre part, feront basculer la centration sur la documentation au profit de son contenu, l’information. Mais aux débuts de l’aventure documentaire entreprise par le système éducatif français, la nouvelle pédagogie que proposeront les artisans des CDI est centrée sur l’exploitation pédagogique de la documentation.

La circulaire de 1952 portant sur « Le rôle de la documentation dans l’enseignement du second degré » se fait l’écho timide du plan Langevin-Wallon, affichant toutefois une « préférence marquée pour la formation de l’esprit aux méthodes d’enquête ou de redécouverte, […] parce qu’elles l’obligent à partir du fait, du document, au lieu de retrouver ceux-ci comme instruments de vérification et de contrôle, aux termes d’une pensée dogmatique et déductive ». Cette hygiène de l’esprit, qui rappelle La théorie de l’enquête  de John Dewey (1938), constitue l’un des principaux affluents irriguant la future pédagogie documentaire sous l’expression de méthodologie du travail intellectuel. Mais la circulaire tient le professeur (et non l’élève) pour responsable et garant de la documentation proposée aux élèves. Elle doit être bien choisie (par le maître) et réduite au minimum. Cependant, et selon un second credo qui envahira les discours sur la maîtrise de l’information à partir des années 90, les documents choisis devront répondre à un souci de confrontation propre « à fournir à l’élève l’occasion d’exercer ses facultés critiques ».
Dans la tourmente de 68, un Colloque se tient à Amiens où chercheurs et acteurs de l’Education nationale réfléchissent sur les objectifs et les modalités d’une réforme de l’Ecole (F. Chapron, 1999). Il y est notamment question de proposer aux élèves un travail individuel ou collectif, avec un décloisonnement spatial et temporel, « incluant l’utilisation permanente des moyens d’information, audiovisuels, bibliothèque, documentation » (sic).
En 1972, le rapport de la commission sur la fonction enseignante prévoit un CDI qui serait « un moyen de formation des élèves pour s’éduquer, grandir et devenir indépendants, et non seulement pour acquérir des savoirs ». Le CDI se fait donc, à l’aube de sa création, l’instrument privilégié de la critique de la pédagogie assise traditionnelle (J. et G. Pastiaux, 1999).
L’expérience innovante des 10% est lancée l’année suivante pour favoriser le travail indépendant et le décloisonnement disciplinaire. Ce dispositif, tout empreint des principes de l’Education nouvelle, incite les professeurs à recourir à la documentation et à nouer des contacts avec l’extérieur.
Parallèlement à cette introduction une circulaire de 1974 prévoit que les CDI soient équipés de « salles d’activités de groupe » permettant le travail sur documents.
La même année, Le rapport Tallon, tout en positionnant le CDI dans le cadre des 10%, définit les finalités attribuées aux CDI jusqu’à aujourd’hui. Nous l’avons déjà observé, il constitue la principale ligne de partage entre la documentation à l’usage du maître et la documentation à l’usage de l’élève. Les précédentes intentions générales se muent ici en préconisations précises et ciblées : il y est notamment question pour la première fois d’ « initiation aux méthodes de recherche des documents et de travail sur documents ». Le documentaliste-bibliothécaire est invité à prendre part à un acte pédagogique direct au bénéfice des élèves qui doivent devenir « partie prenante d’un travail créateur et collectif ». La circulaire de 1977, qui définit les fonctions des responsables des CDI, institutionnalise ces recommandations.
Cette décennie fructueuse pour la Documentation scolaire se clôt donc sur l’affirmation de la fonction et du rôle pédagogiques des trois actants de la scène documentaire scolaire que sont la documentation, en tant que matière et ressource, les espaces documentaires et les documentalistes-bibliothécaires.
Mais au-delà des textes officiels et de leurs décrets normalisateurs, est-il possible de se faire une idée du modèle qu’offre cette pédagogie nouvelle à la veille des avancées statutaires et pédagogiques des années 80 ? Plus particulièrement, quels rôles tiennent respectivement les documentalistes-bibliothécaires et les enseignants de discipline dans cette pédagogie ? Enfin, l’hypothèse émise selon laquelle ces derniers entreraient en concurrence, sur le plan de la médiation, avec le document se vérifie-t-elle ?

2133. « Faire d’une bibliothèque, une université sans professeurs »

L’action des chercheurs s’est révélée déterminante dans ce cheminement qui a conduit, de 1952 à la fin des années 70, de la prise de conscience par l’institution du rôle pédagogique de la documentation à la création de centres de ressources pilotés par des personnels spécifiques. Jean Hassenforder est l’un de ceux-là, qui a travaillé à relier la rénovation pédagogique héritée du mouvement de l’Education nouvelle au développement des CDI. Cette liaison a été assurée par une réflexion portant sur la définition de méthodes pédagogiques basées sur l’usage actif de la documentation par l’élève.
En 1969, avec Geneviève Lefort, il monte une unité de valeur « Documentation » au département des Sciences de l’Education de Paris X-Nanterre. En 1977, il publie, toujours avec G. Lefort, un choix d’enquêtes et de comptes-rendus d’expérimentation d’ « Une nouvelle manière d’enseigner », qui consiste à faire travailler les élèves soit individuellement, soit par petits groupes, sur des documents. En conclusion de cet ouvrage, les auteurs rédigent un texte intitulé « Pédagogie et documentation » qui propose une synthèse de ces acquis. Ils entendent répondre à la question de savoir dans quelle mesure une pédagogie spécifique a pu se constituer en conséquence du développement du rôle pris par la documentation dans l’enseignement. Sont ainsi présentés les fondements et les principes de cette « nouvelle pédagogie », appelée pédagogie de la documentation.
Celle-ci se réclame explicitement du courant de l’Education nouvelle, et prend appui sur les méthodes actives expérimentées par ses pionniers. En particulier, sont convoqués l’apport de Carl Rogers sur la non-directivité et l’héritage des Classes nouvelles de 1945.
La pédagogie nouvelle se présente comme un « travail libre sur document » dont le cadre est le projet de l’élève. Comme telle, elle s’inscrit en réaction à l’enseignement magistral qu’elle critique vivement. Reprenant à leur compte les résultats d’une étude socio-psychologique sur les enseignants du second degré publiée cinq ans après 1968, les auteurs contestent rien moins que « la relation didactique, la finalité de l’enseignement, les méthodes de discipline, le fonctionnement de la classe fondé sur la transmission du savoir, la définition du savoir lui-même ». Plus spécifiquement, est reproché le pouvoir d’autorité conféré au maître sur chaque élève ainsi que le monopole qu’il exerce sur l’accès à l’information, monopole symbolisé par le manuel, document unique, lequel ne peut transmettre qu’un savoir livresque.
A l’opposé, la pédagogie du travail libre à partir d’une documentation restitue sa liberté à l’élève, par le libre choix des documents, du sujet et de la production finale. L’élève est ainsi appelé à développer son esprit d’initiative, sa créativité, ses capacités à communiquer et à développer son autonomie. Dans le prolongement des Classes nouvelles, ce processus pédagogique fait de lui un « homme cultivé […], quelqu’un qui sait s’informer, se documenter, et qui a acquis une méthode de travail pour pouvoir se faire une idée par lui-même. »
En effet, cette nouvelle pédagogie œuvre sur deux fronts. D’un côté, elle initie les élèves aux techniques documentaires, à partir d’un corpus de six étapes définies correspondant aux aptitudes devant être maîtrisées, véritable prototype des étapes de la recherche documentaire des années 80 ; de l’autre, elle forme déjà aux méthodes de travail intellectuel, telles l’analyse et la synthèse des documents, la prise de notes. Ces deux versants sont ainsi distingués l’un de l’autre, profilant les débats à venir sur la transversalité des compétences info-documentaires.
Quoi qu’il en soit, les auteurs préconisent que la documentation offerte aux élèves soit nombreuse et variée pour permettre d’effectuer des choix, de garantir la qualité intellectuelle de l’enseignement et de favoriser la motivation. Le document, tout comme l’espace documentaire, est d’ailleurs considéré comme l’un des facteurs essentiels de cette motivation. Ils sont censés éveiller l’intérêt et créer un milieu de vie propice au travail. Les auteurs citent à ce sujet ce propos d’un bibliothécaire américain rapporté par Melvil Dewey en 1890 : « Avec les bibliothécaires-documentalistes pour conseiller et guider les lecteurs, avec les catalogues et les index très améliorés, il est tout à fait possible de faire d’une bibliothèque, une université sans professeurs ».
Quels rôles sont alors donnés aux professeurs et aux documentalistes-bibliothécaires ? Les premiers, de détenteurs exclusifs du savoir, deviennent des conseillers et des orienteurs (des « sources de référence » selon l’expression de C. Rogers), des tuteurs, des animateurs créateurs d’ambiance et des formateurs de la méthodologie documentaire.
Quant aux seconds, « par leur connaissance des documents, par les services qu’ils mettent en œuvre », ils sont en mesure d’apporter leur concours aux premiers. Ils se font également conseillers auprès des élèves qu’ils aident individuellement pour faciliter leur parcours.

L’on remarquera, pour conclure, que la formation méthodologique à la recherche documentaire, à la fin de cette décennie, est toujours placée sous la responsabilité de l’enseignant de discipline. C’est-à-dire que si une pédagogie spécifique a bien été inventée, par ajouts particuliers apportés au modèle du travail indépendant, et si un personnel pour gérer les ressources et les locaux documentaires que nécessite cette pédagogie, a bien été attribué, en revanche, le rôle pédagogique de ces derniers n’est encore qu’ébauché.
Nous l’avons déjà remarqué, la création, puis la centration du local documentaire dans la géographie de l’établissement et des enseignements a cherché à déplacer la classe, élèves et professeurs compris, pour la rapprocher du document et déclencher une sorte de réflexe pédagogique documentaire. Ce décentrement de la classe semble, à la lecture du texte de J. Hassendorfer, bien accompagner également un décentrement du rôle du professeur. Si celui-ci se définit par le fait qu’il transmet l’information, de façon autoritaire et monopolistique, alors il entre en concurrence avec la documentation : « en effet, la transmission des connaissances ne repose plus uniquement sur le professeur. L’enseignant n’est plus le seul à transmettre l’information. Pour une large part, cette fonction est accomplie par les documents ». Au monopole autoritaire du professeur sont opposées la pluralité et la diversité motivante de la documentation.


22. Constitution de la pédagogie documentaire

La décennie précédente s’est donc achevée par la définition des fonctions des responsables des CDI et par l’affirmation de la primauté de leur rôle pédagogique. Cependant, s’agissant des actions de formation en direction des élèves, aucun contenu n’a été précisé. Seule une ébauche en est esquissée par des chercheurs, comme Jean Hassenforder et Geneviève Lefort (1977) qui, rappelons-le, ont identifié six aptitudes requises dans toute activité de recherche documentaire.
Dans le prolongement de cet élan, quel a été le chemin parcouru au cours de cette nouvelle décennie ? Comment prend corps cette pédagogie nouvelle, trouve-t-elle une forme pérenne ? Est-elle appelée à se différencier des disciplines instituées, ou bien s’offre-t-elle en complémentarité à celles-ci ? Quelle place tend-elle à occuper dans ce paysage bouleversé par la massification scolaire et appelé dès lors à une profonde et urgente rénovation ?
Enfin, le chemin parcouru aura-t-il permis la clarification du rôle pédagogique de ceux qui sont appelés à devenir professeurs documentalistes ?

221. 1982-1991 : la recherche de contenus de formation

La décennie s’ouvre par les travaux d’élaboration d’un rapport de l’Institut national de recherche pédagogique (INRP) sur la formation des maîtres, rapport qui sera à l’origine de la création des MAFPEN. André de Peretti, alors directeur de programme à l’INRP, confie à Brigitte Chevalier la rédaction du module III « Utilisation des ressources documentaires. Conseils méthodologiques » (B. Chevalier, 1982). Deux chapitres de ce module méritent d’être signalés ici : « Comment utiliser les ressources documentaires » et « Comment acquérir des méthodes de travail : conseils méthodologiques ».
Le premier, faisant en cela écho aux propositions de J. Hassenforder et G. Lefort (1977), livre un nouvel agencement des compétences documentaires auquel fera référence (sans toujours le savoir !) la profession dans les deux décennies suivantes. Ces compétences sont regroupées en sept étapes, appelées « étapes de la recherche documentaire », et ordonnées de la définition de l’objectif de la recherche à la production du travail et à son évaluation finale (cf. Annexe I. 2). Ce modèle linéaire, s’il reçoit aujourd’hui nombre de critiques de la part, notamment, de la psychologie cognitive, a servi de contenu de formation à la pédagogie documentaire, même s’il n’est question, in fine, que de savoirs procéduraux. La circulaire de mission de 1986 lui donnera sa validation institutionnelle, tandis que le référentiel de la FADBEN de 1997, tout en l’enrichissant considérablement, en permettra l’opérationnalisation ainsi qu’une large diffusion dans le milieu.
Le second chapitre témoigne quant à lui de cette étroite relation existant entre les activités documentaires et les activités cognitives. L’identification des capacités repérées dans les étapes de la recherche documentaire, telles que « organiser son travail », « mobiliser ses idées » ou « s’auto-évaluer » va servir de base à tout un argumentaire autour de l’idée que les compétences info-documentaires ne sont en fait que des compétences transversales. Ce débat ne prendra sa véritable ampleur que dans les années 90 lorsque la question sera posée de la spécificité ou de la transversalité de la formation info-documentaire. Ici encore, le travail prolonge la réflexion des auteurs de « Pédagogie et documentation ».
Les stages MAFPEN de formation continue des documentalistes-bibliothécaires diffuseront ce modèle et contribueront largement à en faire une référence en matière de pratique pédagogique pour la profession.

Ce module INRP reçoit en outre un écho favorable et rapide, puisqu’une circulaire Vie scolaire datée du 2 juin 1982, « Objectifs pour la vie scolaire dans les collèges », préconise son application dans l’emploi du temps des élèves. Ce texte s’intéresse à définir les conditions propices à l’insertion des élèves de 6ème dans le collège, à l’apprentissage de la responsabilité et de l’autonomie. L’acquisition de l’autonomie est ainsi confiée en large part au « CDI », au travers justement de « l’initiation méthodique des élèves de Sixième aux techniques documentaires ; cette initiation serait conduite selon un programme et des techniques élaborées, à raison d’une heure ou d’une demi-heure par semaine ou par quinzaine ». L’objectif visé est simple : « que l’élève soit pleinement autonome au CDI, donc capable de travailler seul, dès la fin de la Cinquième, si ce n’est dès la fin de la Sixième ». Cet exemple montre assez combien les apprentissages documentaires balancent entre des finalités cognitives (méthodologie du travail intellectuel) et des finalités éducatives (autonomie, responsabilisation). Il inaugure en outre, dans un contexte de découverte de l’hétérogénéité des élèves et de recherche de solutions pour réduire les difficultés scolaires, la mobilisation des espoirs investis dans le CDI et la confusion consécutive entre compétences info-documentaires et aide au travail des élèves.
En 1986, la circulaire du 13 mars, « Missions des personnels exerçant dans les centres de documentation et d’information », institutionnalise l’initiation et la formation des élèves à la recherche documentaire ainsi que les sept étapes définies par le module INRP. Elle appelle de plus le documentaliste-bibliothécaire et les enseignants de discipline à travailler en étroite liaison. Elle prolonge en cela la circulaire de fonctions de 1977 qui insistait déjà sur les nécessaires collaborations à établir (cf. Annexe I. 3).
Fin 1988, le ministère crée une commission de réflexion sur les contenus d’enseignement, présidée par Pierre Bourdieu et François Gros. Le rapport, appelé rapport Bourdieu-Gros, sera publié en 1989, année de la publication de la Loi d’orientation sur l’éducation. Parmi les sept principes retenus par les auteurs du rapport, le deuxième donne priorité, avant l’enseignement des savoirs, à l’apprentissage des modes de pensées fondamentaux tels la pensée déductive, la pensée critique ou la pensée expérimentale. S’agissant des technologies du travail intellectuel au rang desquelles est rangée la recherche documentaire, le rapport souligne le risque qu’au prétexte « qu’ils sont censés être enseignés par tout le monde, [ces savoir faire fondamentaux] finissent par n’être enseignés par personne ». Voici posée la problématique de l’attribution de la responsabilité pédagogique relative à l’acquisition des compétences dites transversales. En matière documentaire, les années 90 n’apporteront aucune réponse à ce problème.
Trois années après la parution de la circulaire de mission, le ministre de l’Education nationale, Lionel Jospin, annonce la création du CAPES de Sciences et techniques documentaires. Dans le discours qu’il tient au premier congrès de la FADBEN à cette occasion, et dont les principaux éléments feront l’objet d’une note en 1991, il s’appuie sur le rapport Bourdieu-Gros pour rappeler à son tour l’importance qu’il y aurait à faire acquérir aux élèves des méthodes de travail intellectuel et de faire du CDI un lieu d’apprentissage de la responsabilité. Les fonctions des CDI et les missions de ses personnels sont repositionnées dans le double cadre de la Loi d’orientation sur l’éducation et de la rénovation pédagogique des collèges et des lycées. S’y ajoute un ingrédient nouveau, à savoir l’intégration des TIC dans les CDI, et dont l’importance ne cessera d’augmenter tant sur le plan de la gestion que sur celui de la formation des élèves.
Mais s’il est réaffirmé à cette occasion le rôle pédagogique important que joue le CDI au sein de l’établissement, il n’est encore précisé aucun contenu qui servirait à orienter la formation des élèves, alors que s’ouvre la première session du CAPES en 1990. Il faut s’en tenir à des propos généraux qui ne font que reprendre les termes de la circulaire de 1986 :
« [Les CDI] sont l’occasion de s’initier à des activités pédagogiques originales (travail en équipes, pratiques transdisciplinaires et concertation accrue entre les professeurs…) ou de développer des aptitudes différentes (esprit d’initiative, exercices de recherche et de maîtrise de l’information…). Les CDI doivent être aussi un lieu d’entraînement à l’autodocumentation et au travail autonome. Dans cette optique, ils doivent apporter à l’élève une aide méthodologique ».

Si les élans des débuts se sont beaucoup émoussés, les thèmes principaux demeurent au travers du lexique : appel à la différence, à l’originalité et à la transdisciplinarité. Cependant, les finalités générales, telles l’autonomie et l’esprit d’initiative sont contraintes par des moyens spécifiques à la pédagogie documentaire dessinée dans les années 80 : méthodologie, initiation, exercices de recherche. Un nouveau thème majeur apparaît, qui deviendra un générique des compétences à faire acquérir aux élèves, celui de maîtrise de l’information.
Parallèlement aux textes officiels, la Direction des lycées et des collèges (DLC) conduit, de 1989 à 1992, une innovation pédagogique nationale relative à la recherche documentaire dans onze collèges de cinq académies (M.E.N., 1994). L’objectif est d’élaborer, à partir d’expériences menées sur le terrain, des démarches et des outils transférables sur le plan national. Les travaux exposés entendent ainsi proposer des solutions à la problématique des apprentissages documentaires. Cette problématique est présentée comme devant concilier trois contraintes : privilégier l’intégration des ressources documentaires dans les pratiques pédagogiques, faire valoir le caractère interdisciplinaire et transférable de la recherche d'information et enfin, prendre en compte les modifications pédagogiques induites par l’introduction des TIC. Le but de cette pédagogie documentaire consiste à développer des apprentissages documentaires transversaux, c'est-à-dire « des savoirs et des savoir faire qui anticipent ou prolongent les apprentissages spécifiques des disciplines et font apparaître les convergences entre elles ». Pour y parvenir, cette pédagogie s’appuie sur les contenus de ces disciplines, en tenant compte de deux nécessités : le travail en équipe entre enseignants documentaliste et de disciplines, et l’élaboration d’un projet documentaire.

Que retirer de cette décennie qui aura marqué les dernières avancées institutionnelles significatives sur la voie de la professionnalisations des enseignants documentalistes ?
La perception des acquis enregistrés pendant cette décennie est en partie masquée par les deux événements majeurs que sont la parution de la circulaire de missions et l’instauration du CAPES de Documentation, lesquels répondent à des attentes formulées par la profession en apportant une définition des rôles et une clarification du statut. Cependant, à la suite de la période 1952-1979 qui a vu la légitimation d’une pédagogie de la documentation et sa matérialisation dans l’espace de l’établissement, cette décennie structure et développe les contenus de cette pédagogie. La structuration vient de la définition des étapes de la recherche documentaire et de leur institutionnalisation en 1986 .
S’agissant de l’enseignant documentaliste, nous avons observé comment l’accroissement du rôle joué par la pédagogie de la documentation avait contribué à matérialiser un espace d’une part, et à concevoir une fonction d’autre part. Ce faisant, positionné en marge du cours tout d’abord, puis bientôt au « centre », le documentaliste avait trouvé une certaine consistance pédagogique, au moins suffisante pour qu’on lui consacre des fonctions de « nature essentiellement pédagogique ».
Un processus analogue se produit dans la période suivante lorsque la pédagogie documentaire, en se structurant, trouve une spécificité qui la rend distincte de la pédagogie de la documentation conduite par le professeur de discipline. Ainsi se profile une nouvelle pratique et, partant, un nouvel acteur pédagogique, quitte à ce que celui-ci devienne un spécialiste de la méthodologie, et de ces savoir faire fondamentaux qui, sans lui, finiraient « par n’être enseignés par personne » (Bourdieu-Gros, 1989).
Il n’en reste pas moins que les textes, ainsi que la littérature professionnelle de l’époque, ne cessent de rappeler la nécessité de travailler en étroite liaison avec les professeurs de discipline. Dans les faits, le travail sur documents reste, comme en 1977, sous la responsabilité du professeur qui conduit les travaux, et dont l’enseignant documentaliste dépend, ne serait-ce que parce qu’il n’a ni horaire ni classe attribuées, et que la formation qu’il peut dispenser demeure somme toute facultative.
Toutefois des contenus sont peu à peu affirmés qui donnent une certaine consistance et une certaine légitimité aux activités documentaires. Mais ces contenus se révèlent être des connaissances de nature comportementale et non déclarative (M. Develay, 1992). Aussi sont-ils souvent assimilés à des savoir faire transférables dans les disciplines et venant opportunément en renfort de celles-ci. Cette position consensuelle, du moins encore à cette époque, va servir de postulat fondateur d’une pédagogie documentaire comprise, dans le prolongement des origines, comme auxiliaire du cours disciplinaire. Si, aux origines, en l’absence d’enseignant documentaliste, c’était la documentation qui venait en appui du cours, alors il faut voir dans la pédagogie documentaire le prolongement d’une fonction identique de subsidiarité aux disciplines.
Il est cependant possible de se demander si cette subsidiarité est exclusive aux champs disciplinaires ou bien si elle admet des apprentissages spécifiques au champ documentaire. Dans ce cas, que peut-on dire de la relation entre les enseignants de discipline et les enseignants documentalistes ? Mais tout d’abord, sur quelles assises se fonde et s’édifie la pédagogie documentaire ?

222. Les fondements de la pédagogie documentaire 

Si l’usage se réfère aisément à l’expression de pédagogie documentaire, il est pour le moins difficile, dans la littérature, de trouver des entrées à ce terme. Il y est alors plutôt question de l’initiation à la recherche documentaire, des apprentissages documentaires, de la formation à la maîtrise de l’information ou de l’acquisition des techniques documentaires.
Ceci peut s’expliquer en partie par l’absence de référence nationale, vu qu’il n’existe aucun texte de cadrage précisant les buts, les objectifs, les moyens et les modalités d’une telle pédagogie. Ou bien faudrait-il, par prudence, n’évoquer que la seule « dimension documentaire des situations d’apprentissages scolaires » (F. Morandi, 2003) si tant est qu’il ne saurait exister de pédagogie documentaire en dehors des cours des disciplines.
S’agit-il d’ailleurs d’une pédagogie ? Certainement si nous pensons, avec Marguerite Altet (1994), que la pédagogie est « ce champ de la transformation de l’information en savoir par la médiation de l’enseignant ». Nous pouvons encore l’inférer si nous la prenons au sens plus fonctionnel d’activité conduite par le maître pour développer des apprentissages précis chez l’élève. Cette activité, dans le cas présent, repose principalement sur une méthode, qui est celle de la recherche documentaire. René La Borderie souligne que, dans cette éventualité, le mot est alors suivi d’un nom ou d’un adjectif, comme dans « pédagogie de l’autonomie », pédagogie traditionnelle », etc. (R. La Borderie, 2001). Dans le cas présent, le complément adjectival précise les moyens employés, qui sont donc de nature documentaire.
Il n’en reste pas moins que toute pédagogie – toujours au sens d’activité visant à développer des apprentissages - comme le rappelle Jean Houssaye, résulte d’une dialectique entre pratique et théorie, et qu’elle se fabrique dans cet écart béant entre ces deux pôles (J. Houssaye, 2002). Aussi faut-il, au delà des « comment »  et des « ce qu’il faut faire » des quelques ouvrages professionnels publiés à cette époque sur ce sujet, tenter de la définir, même succinctement, à partir de son fondement théorique.

Le but visé par la pédagogie documentaire qui se met en œuvre dans cette décennie est, au delà de l’acquisition de compétences documentaires, la construction des savoirs disciplinaires. La note d’avril 1991 précise ainsi que « les CDI sont des éléments indispensables pour permettre à tous les élèves d’accéder à des savoirs nouveaux et de se les approprier ». Cette pédagogie adjuvante qui est ainsi mise en œuvre dans les CDI repose sur un postulat, celui de l’efficacité de la médiation documentaire, et sur une théorie de la connaissance selon laquelle l’information peut être transformée en savoir par l’activité de l’apprenant.
La médiation documentaire, si elle n’a pas de théoricien pour la conceptualiser, peut être cependant approchée au regard de quelques travaux publiés. Elle s’appuie sur l’idée que si le document peut aider l’élève à apprendre, il est d’abord un média entre l’élève et le savoir. Comme tel, il peut aussi bien conduire au savoir qu’entraver son accès à cause de son opacité. Ces deux positions correspondent, de manière schématique, à celles tenues par l’enseignant de discipline et par l’enseignant documentaliste. Pour le premier, en tant que prescripteur de recherche documentaire, la localisation de la donnée dans un document peut constituer le gage d’un accès à la connaissance, ou du moins apporter la preuve ou l’illustration suffisante aux besoins du cours. Pour le second, la vocation de ce type de recherche est avant tout technique et nécessite l’appropriation par l’élève de certaines compétences qui vont devoir s’apprendre par une pratique méthodologique éprouvée dans l’action.
Selon Séraphin Alava (1996), la médiation documentaire proprement dite se produit à partir du moment où les données récoltées par cueillette dans des documents divers vont être transformées en information par l’élève. Dans cette approche constructiviste de l’apprentissage, les opérations de relation, de confrontation et de catégorisation sur ces données entrent en interrelations avec les connaissances antérieures du sujet et les consignes du maître. Les données sont alors mises en forme tout en intégrant et en faisant évoluer le capital cognitif de l’élève, ce que J.-P. Astolfi (2002) nomme adjonction oblitérante. La production documentaire demandée à l’élève à l’issue de ce travail sur documents constitue un moment fort de ce processus de construction du savoir.
De ce point de vue, ces pratiques d’élaboration du sens ne s’opèrent plus tant à partir d’un matériau documentaire qu’à partir d’un matériau informationnel. C’est parce que toute information possède un élément de connaissance qu’elle participe d’activités cognitives et intéresse les enseignements. Elle peut être déjà didactisée en amont, pour les besoins du cours, et dans ce cas, elle intéresse le professeur pour le lien très étroit qu’elle entretient avec les contenus visés par la séance, mais elle peut aussi ne pas l’être. C’est le cas de toute information extérieure tirée par exemple des réseaux en ligne, et dont la production n’a pas spécifiquement ciblé l’école, ses programmes et ses élèves. Elle intéresse de fait plus particulièrement l’enseignant documentaliste qui voit là, par la situation-problème qu’offre son opacité, matière à faire apparaître des savoirs spécifiquement info-documentaires.
Dans les deux cas toutefois, la médiation documentaire concrétise ce qui se joue de la relation de l’information à la connaissance. Cette conception cognitiviste de la construction de la connaissance par l’information repose sur un modèle théorique exploré par Jacques Legroux (1981), puis repris et diffusé par Jean-Pierre Astolfi (2002). J. Legroux distingue information, connaissance et savoir, et étudie les passages des uns aux autres.
L’information est extérieure au sujet, elle est quantifiable. Mise en forme, elle n’est en fait qu’une donnée destinée à circuler et à être transmise.
La connaissance, avec laquelle l’information est souvent confondue, est au contraire intérieure au sujet. Citant John Dewey et Olivier Reboul, il rappelle que c’est à partir du moment où l’information s’est intégrée à la vie psychologique de l’individu qu’elle devient connaissance. C’est ce moment cognitif de l’intégration d’une donnée informationnelle en connaissance par le sujet auquel se réfère particulièrement le modèle de la médiation documentaire. Le fait que toute connaissance, dès lors, n’est que le résultat d’une expérience personnelle - elle-même fruit d’une confrontation à plusieurs données et d’une confrontation à une représentation obstacle à la compréhension - fonde la nécessité ressentie par les acteurs de mettre en œuvre des situations concrètes de travail sur document. Il est alors bien entendu que l’élève doit se colleter à l’épaisseur de la documentation, au foisonnement des données et à la complexité des informations.
En troisième lieu réside le savoir. Il renvoie quant à lui à un ensemble de données organisées par le sujet, mais de nature objective. Si l’information se caractérise par le primat de l’objectivité et la connaissance par celui de la subjectivité, alors le primat du savoir est l’objectivation, celle que confère l’opération de conceptualisation sur des éléments existant à l’extérieur du sujet mais devant être construits par lui (J.-P. Astolfi, 2002). La boucle se referme lorsque l’on admet qu’un savoir élaboré, pour être transmis, doit être mis en forme : il devient à nouveau cette information, ou donnée informationnelle objective, disponible (processus de réification).
Ces interrelations information - sujet cognitif - savoir jouent la trame de toutes les situations d’enseignement-apprentissage pour lesquelles la pédagogie documentaire constitue une modalité générant des expériences et des mises en action de l’élève.
Par ailleurs, les cadres généralement requis pour déployer ces activités sont ceux du travail autonome, pour ce qui est de la recherche documentaire notamment, et de la pédagogie de projet, dans l’esprit défini par Louis Legrand (1982). Ils structurent entièrement le dispositif : le choix du thème, l’établissement du contrat de travail, la division du travail en groupes d’élèves et, à l’intérieur de chaque groupe, la planification de l’activité, l’utilisation d’une démarche par tâtonnements, l’élaboration d’un « chef-d’œuvre » et la présentation de celui-ci aux pairs dans une situation de communication.

De telles expériences, dont la notion de mise en activité du sujet est centrale, si elles ont pour but d’élaborer des savoirs disciplinaires, génèrent simultanément des savoir faire relatifs à la recherche d’information. Ajoutons à cela que, aux yeux de l’enseignant documentaliste, la médiation ne s’opère pas seulement par le document ou par l’information, mais encore par l’espace documentaire lui-même, en tant que système organisé par des normes et des codes riches de significations. Les savoir faire développés ainsi au cours de ces activités peuvent ressortir aussi bien à des processus intellectuels fondamentaux (trier, analyser, catégoriser, prendre des notes, etc.) qu’à des compétences spécifiquement documentaires (référencer les sources, déduire les mots clés pour une recherche, affiner une recherche, etc.). Ces compétences procédurales avaient déjà été repérées en 1977 et en 1982 avant d’être institutionnalisées, sous la forme de modèles de la recherche documentaire distribués en étapes dans la circulaire de 1986. Elles seront précisées dans les années 90 et déclinées en référentiels de compétences fournissant aux praticiens des corpus d’objectifs dont l’une des conséquences sera la détermination de séquences d’apprentissage info-documentaire, bagage jugé stratégiquement intéressant pour assurer un dialogue entre pairs avec les collègues de discipline.
Dès la fin des années 80, comme en témoigne l’expérience pilotée par la DLC et déjà citée (M.E.N., 1994), l’accent est mis sur l’intégration de ces compétences dans les programmes disciplinaires. Les programmes qui paraîtront par la suite auront ainsi à cœur de compter, au rang de celles qui leur sont spécifiques, un certain nombre de compétences info-documentaires.

Mais ce choix opéré par l’institution est de plus en plus critiqué par une partie de la profession. Aujourd’hui celle-ci interroge le statut épistémologique de ces compétences info-documentaires. Quel avenir est-il promis à leur formalisation et quel sens leur attribue la profession ? A ce propos, y a-t-il consensus sur les buts à atteindre et les moyens d’y parvenir ? Sur quels grands modèles de la pédagogie se réfèrent les positions observées ? Enfin, nous tenterons d’estimer comment le rapport à ces contenus en vient à peser sur le processus de professionnalisation.

223. La Documentation écartelée entre deux modèles pédagogiques

Cette seconde période, de 1982 à 1991, qui voit l’émergence d’une pédagogie documentaire, semble marquer le pas vers une nouvelle modalité de l’enseignement-apprentissage. Dans cette attente, l’ancien modèle issu de l’Education nouvelle se prolonge encore dans les finalités et les techniques éducatives de la pédagogie documentaire, notamment la recherche de l’autonomisation, l’apprentissage par l’action, la démarche de projet et la socialisation par le travail de groupe.
Ceci rappelé, l’analyse révèle par ailleurs la volonté des acteurs d’aller vers une plus grande maîtrise du dispositif mis en œuvre, et selon deux directions qui vont diviser durablement le corps des enseignants documentalistes et entraver la possibilité de définir un avenir commun.
La première direction regarde du côté de la médiation documentaire et de l’épistémologie du savoir et de l’information. Empreinte du rêve d’un savoir unifié, et fidèle aux élans premiers attribuant à la Documentation une fonction auxiliaire, cette orientation est partagée par une partie de la profession et par l’institution. Elle intéresse les enseignements de disciplines et est centrée, dans une démarche constructiviste, sur l’intégration des savoirs disciplinaires.
La seconde direction tend vers une singularisation des compétences mises en jeu dans les activités informationnelles et focalise sur le rôle opératoire qu’elles jouent dans toute situation de recherche d’information. Cette recherche de maîtrise des résultats se donne pour outils des modèles de la recherche documentaire visant d’une part à rendre compte des jalons devant être empruntés pour une meilleure réussite et d’autre part à mieux les anticiper. Cette clarification comportementale permet à l’enseignant comme à l’élève de réguler l’activité. C’est un premier pas vers une plus grande rationalisation qui aboutira dans la décennie suivante à l’élaboration de véritables taxonomies d’objectifs info-documentaires. Cette orientation intéresse par contre les seuls enseignants documentalistes qui voient là un territoire pédagogique réservé où fonder une identité professionnelle encore fragile.
Bien sûr, l’outil modélisé est également utilisé par les partisans de la transversalité dans les séquences visant l’opérationnalisation de la médiation documentaire, comme celle-ci concerne également les tenants de la spécificité. Mais ce qui compte est le but que leur assigne l’enseignant documentaliste : ou bien les compétences info-documentaires mobilisées sont tenues pour transparentes au prix de leur efficacité dans la construction des savoirs disciplinaires (transversalité), ou bien elles deviennent le véritable objectif d’acquisition de la séquence (spécificité).
Ces deux voies conduisent vers des horizons distincts s’agissant du statut des compétences info-documentaires et du statut effectif de l’enseignant documentaliste. Dans une approche constructiviste des savoirs disciplinaires, les compétences vont être saisies comme transversales et assimilées à des savoir faire fondamentaux. Elles ressortissent ainsi à la responsabilité de l’enseignant de discipline, laissant à la Documentation un statut de matière ancillaire. Dans une approche comportementale, l’identification de ces compétences vient au contraire démontrer la spécificité de la Documentation et ouvrir des perspectives d’émancipation à ce nouveau corps des certifiés.
Le double mouvement inauguré dans cette période de forte implication institutionnelle contribue ainsi à construire une problématique de la professionnalisation des enseignants documentalistes autour du statut épistémologique de ses contenus de formation, écartelée entre deux logiques, l’une ancillaire, tournée vers l’héritage de l’Education nouvelle, l’autre émancipatrice, intéressée par le modèle de la pédagogie par objectifs.


23. 1991-2005 : La rationalisation de la formation info-documentaire 

La décennie s’ouvre sur de discours prononcé par le ministre de l’Education nationale, Lionel Jospin, aux enseignants documentalistes lors de l’annonce de l’instauration du CAPES de Documentation (M.E.N., 1989). L’occasion y est saisie d’actualiser les missions de la circulaire de 1986. En fait, le nouveau contexte qui va marquer les années 1990 dans le domaine de la documentation scolaire est déjà précisé. Il met en lumière les finalités liées à la société de l'information, prévoit le rôle majeur des nouvelles technologies et incite au travail sur les processus intellectuels de la lecture et du traitement de l'information dans lesquels doivent s'investir les documentalistes.
Les deux orientations majeures qui vont structurer la période qui s’ouvre sont ainsi placées en perspective : la rationalisation de la formation documentaire des élèves et la participation à l’intégration de l’école à la société dite de l’information. Nous ne développerons pas ce deuxième axe, sauf à rappeler d’une part combien la problématique de la déterritorialisation des centres documentaires occasionnée par l’accès universel facilité aux ressources en ligne a questionné, dans les années 90, les métiers de bibliothécaire et de documentaliste et, d’autre part, à quel point les notions de maîtrise de l’information, de culture de l’information et d’information literacy ont envahi le champ de la réflexion tout en l’étendant à de nombreux domaines liés à la société de l'information où certains discours politiques confondent enjeux éducatifs et enjeux économiques.
Les profondes mutations qui vont interroger le métier parviennent à présent de l’extérieur de l’école et l’enjeu pour celle-ci réside dans sa capacité à les intégrer et à en faire des leviers pour la rénovation. Touchant à des problématiques informationnelles de premier rang, le corps des enseignants documentalistes s’est senti concerné et a dès lors attendu de l’administration qu’elle lui fournisse un nouveau mandat pour orienter son action. C’est ainsi que l’absence de réponse institutionnelle a poussé la profession à proposer des solutions dans le sens d’un plus grand investissement du champ pédagogique.
Nous étudierons dans cette partie quelles ont été les propositions de la profession et quelle a été la réponse de l’institution.

231. Floraison de référentiels info-documentaires

Comment réagissent les enseignants documentalistes au silence de l’administration après l’échec de plusieurs tentatives de constitution d’un texte dont le métier attendait qu’il fournisse des précisions sur les contenus de la formation documentaire ?
Ces années sont marquées par un net recul de l’intérêt de l’institution pour la Documentation. Ce recul se manifeste principalement par le silence des textes, et ce, malgré des demandes fortes émanant du terrain et de ses représentants. En matière pédagogique, ces demandes vont porter sur deux points : la systématisation des formations au bénéfice des élèves d’une part, jusque là soumises à l’aléatoire des situations et au bon vouloir des collègues de discipline, et d’autre part la spécification des contenus de cette formation. Sur ce dernier point, toutes les tentatives de concertation pour définir un référentiel de compétences info-documentaires ont été vouées à l’échec.
Ainsi, en 1995, lors de la consultation nationale sur les projets de programmes de la classe de 6ème, et à l’heure où sont lancés les Parcours pédagogiques différenciés au collège, une annexe d’une page est publiée au Bulletin officiel, barrée de la mention « Projet », et intitulée « Apprendre au CDI ». Le modèle de la démarche de recherche d’information, déjà présenté en 1982, y est rapporté. Ce court texte, qui n’aboutira pas, affiche les caractéristiques relatives à la pédagogie documentaire : construction des savoirs, acquisition de savoir faire documentaires, prescription des activités par l’équipe pédagogique. L’enseignant documentaliste, notons-le, n’est pas mentionné.
Ce n’est qu’en 1997, dans un projet de circulaire émanant de la Direction des Lycées et Collèges et sous l’impulsion d’un groupe de travail où œuvre la FADBEN, qu’apparaît l’expression de compétences documentaires. Mais ce document de sept pages, intitulé « Développement des compétences documentaires des élèves de collège », ne précise pas davantage celles-ci, s’en tenant une nouvelle fois à l’énumération des mêmes compétences génériques. De plus, cette opportunité de rédaction ne débouchera pas non plus sur une publication officielle. La FADBEN, de son côté, publiera sa version du référentiel laquelle connut un tel retentissement que l’on assista pendant les années qui suivirent à la naissance de nombreuses autres tentatives plus ou moins exhaustives, plus ou moins heureuses sans doute, mais concourant au même but, celui de pallier les lacunes de l’institution en matière de définition des contenus info-documentaires à enseigner (FADBEN, 1997) (cf. Annexe I. 4).
Enfin, la dernière tentative de mise à jour de la circulaire de mission (avant celle actuellement en cours) a été menée, très brièvement, en avril 2002 sous le titre de « Missions du professeur documentaliste ». Sous l’angle des apprentissages info-documentaires, ce document de cinq pages, s’il fait une part importante et attendue à la politique documentaire, se fait en revanche discret sur l’identification, la spécification et la déclinaison des compétences à construire pour les élèves du secondaire. Celles-ci sont renvoyées dans le champ unique des nouveaux dispositifs, au motif de leur approche particulièrement transversale des programmes.
La période allant de 1997, date de la publication du référentiel FADBEN, à nos jours se caractérise ainsi par l’absence de publication officielle sur ce thème et, en contre partie, par l’éclosion de nombreuses propositions d’outils référentiels émanant du terrain. On pourra y lire l’expression de l’impatience que la profession adresse à l’institution (P. Duplessis, 2005). Ainsi, des initiatives académiques tentent de combler le vide, et de construire, au profit de leurs personnels enseignants, les outils qu’ils attendent. Ce sera l’œuvre, par exemple de la circulaire rectorale de Rouen (1999), ou bien de celle de Lille (2002), toutes deux allant jusqu’à proposer une progression de la 6ème à la terminale. D’autres académies encouragent leurs équipes de professeurs à réfléchir sur des référentiels et favorisent la mutualisation des productions en les publiant sur leur serveur ou par l’intermédiaire des Centres régionaux de documentation pédagogique. C’est le cas, par exemple, des académies de Caen (1998), de Rennes et de Nantes (1999), de Dijon (2000), de Poitiers, de Toulouse (2003), ou encore de Versailles (2004). Les Instituts universitaires de formation des maîtres (I.U.F.M.) apportent leur contribution, tels ceux de Rennes et de Besançon.
Ce bref historique fait apparaître l’étroite dépendance qui existe entre la circulaire de mission et le référentiel de compétences. Cette relation révèle ainsi les enjeux non seulement pédagogiques (rationalisation des contenus de formation) mais également identitaires de l’outil référentiel dans la mesure où, consécutivement, la profession aspire à en faire l’instrument de son identité, dans une logique de différenciation fonctionnelle.
Nous avons déjà fait observer que l’outil référentiel correspondait à une vision comportementaliste de l’apprentissage, mais en quoi est-il appelé, précisément, à devenir l’instrument de cette construction identitaire ?

232. Les enseignants documentalistes tentent la pédagogie par les objectifs

Le référentiel de compétences, apparu en 1997 pour la Documentation dans le système éducatif français, doit être distingué des modèles de la recherche documentaire, ces premiers outils pour la profession des années 80. Le modèle de recherche d'information « a pour objectif de décrire de façon séquentielle les différentes étapes par lesquelles il faut passer » (C. Morizio, 2002) tandis que le référentiel est cet outil auquel se rapporte l’enseignant pour planifier l’acquisition (pilotage de la formation) des compétences et pour évaluer celle-ci (régulation de la formation). Cela dit, les référentiels proposés par la profession présentent tous un mixte des deux approches : le modèle de la recherche sert de cadre organisateur des listes d’objectifs déterminés pour viser l’acquisition de ces compétences. Ces listes sont d’ailleurs déterminées à partir d’une analyse du travail (J. Berbaum, 1989) que l’on voudrait voir réalisé par l’élève.
La compétence, selon Alain Rieunier, est cette « capacité à articuler un ensemble de ressources : savoirs, savoir faire, savoir être, savoir communiquer, savoir inventer, mobilisés par un individu ou par une équipe pour résoudre une situation complexe, originale ou routinière, de manière autonome » (A. Rieunier, 2004). Deux remarques, attachées au contexte présent, peuvent être formulées. La première concerne la combinaison de connaissances de natures diverses pouvant être mobilisées dans une compétence, et particulièrement les savoir faire et les savoirs. L’analyse des référentiels produits à la suite de celui de la FADBEN (1997) révèle l’absence quasi totale de ces derniers, les savoirs discursifs. Ces publications esquissent ainsi une vision des compétences info-documentaires exclusivement procédurale et pour cette raison, sont souvent confondues avec des compétences transversales.
La seconde remarque lui est consécutive puisqu’elle a trait à l’évaluation. Dans les conditions observées, il ne peut être évalué que des comportements saisis dans l’instant ou bien inscrits dans les productions documentaires réalisées par les élèves en fin de séquence, sièges de la performance qui permet d’inférer les processus psychologiques qui les sous-tendent. Cette restriction rend délicate l’évaluation et, du même coup, peut réduire la portée de l’outil référentiel, sauf à penser que les activités intellectuelles requises dans ces activités ne peuvent être appréhendées que dans des comportements observables. Les critiques à l’encontre du behaviorisme, ce mouvement de la psychologie américaine qui, selon Francis Danvers (2003), « exclut de son champ tout ce qui n’est pas directement observable, par exemple, la pensée », s’appliquent alors à ces référentiels.
Cela dit, le référentiel de compétences fournit à l’enseignant un ensemble structuré d’objectifs comportementaux. S’agissant du domaine info-documentaire, les référentiels produits résultent du projet d’aboutir à une systématisation et à une rationalisation de la pratique. En tant que classification hiérarchisée d’objectifs de formation (taxonomie), le référentiel vise, comme le souligne Daniel Hameline (1979), à réduire le décalage entre l’apprentissage et l’évaluation : « que l’on évalue ce qui a été appris, pas plus, pas moins ». En cela, la pédagogie par les objectifs (PPO), en tant que « pratique éducative qui met l’accent sur la réflexion relative aux objectifs de formation en vue de la détermination des stratégies et modes d’évaluation correspondants » (J. Berbaum, 1989), entend réduire l’écart entre l’enseignement et l’apprentissage. Par un système de « retour » grâce à l’évaluation, elle facilite la décision de remédiations efficaces et permet d’obtenir des résultats (pédagogie de la maîtrise). Le postulat de cette utopie pédagogique repose sur la croyance que toutes les intentions, les programmes et les pratiques pourraient ainsi être traduits en objectifs observables.
Quoi qu’il en soit, si l’un des deux axes théoriques de la PPO se réfère à cette approche systémique, l’autre semble bien recevoir pour héritage l’Education nouvelle, dans la mesure où la prise en compte des capacités de l’élève (« être capable de… ») s’oppose au modèle normatif traditionnel (stratification, enseignement collectif frontal, focalisation sur la matière, regroupement par âge) (D. Hameline, 1979). Nous pensons avoir fourni un exemple à cette thèse en empruntant le cheminement suivi depuis ses origines par une pédagogie documentaire née des principes de l’Education nouvelle. Ses principaux éléments seraient donc la mise en place d’activités d’apprentissage par les méthodes actives, la recherche d’une méthode optimisant l’action et visant une production-performance support de l’évaluation, enfin, l’élaboration d’un outil de pilotage permettant à l’élève de s’auto-réguler.
Par ailleurs, le recours à la PPO, effectué par le métier dans les années 90, semble constituer une réaction, ou du moins une alternative au modèle constructiviste qui a prévalu jusque là, incitant à faire des enseignants documentalistes des spécialistes des technologies du travail intellectuel et de l’apprentissage des modes de pensée fondamentaux (méthodologie du travail intellectuel). Mais la récente volonté de rationaliser les contenus de la formation se confond à la nécessité ainsi exprimée de les rendre concrets. On passerait ainsi des inobservables d’une vision souterraine de l’apprentissage, mentaliste ou constructiviste, aux observables de la PPO, correspondant à une vision comportementaliste, et ressentie comme outil permettant la mise au grand jour des acquisitions des élèves. Du même coup, on peut penser que la PPO facilite et accélère la révélation du rôle pédagogique de l’enseignant documentaliste et contribue dès lors à la reconnaissance de son affiliation statutaire aux professeurs. La recherche d’un modèle attaché à l’action pédagogique du corps des documentalistes et permettant de renforcer sa visibilité nous paraît être constitutive d’un processus de construction d’identité professionnelle.
L’histoire du corps des documentalistes, depuis ses origines dans les années 70, s’est faite au travers d’un dialogue fructueux avec l’administration, du moins jusqu’au début de la dernière décennie. Comment sont alors accueillies les propositions de la profession, surtout lorsqu’elles convergent vers davantage d’autonomie dans le champ pédagogique ? Et comment, à son tour, la profession reçoit-elle la réponse de l’institution quand celle-ci dessine, à l’écart du métier, des cadres favorisant le travail documentaire et l’intégration des compétences info-documentaires ? Nous vérifierons enfin si les espoirs fondés sur la PPO ont porté leurs fruits.

233. La réponse de l’institution : l’intégration

Les tentatives de concertation avec les représentants professionnels à propos de l’élucidation des contenus de la formation n’ont jamais abouti. Et pour cause, celle-ci aurait pour effet de conforter la conception d’une émancipation possible de la Documentation en fondant sa prétention à devenir une discipline. Toutefois, la politique du silence adoptée à l’égard des enseignants documentalistes n’empêche pas l’institution, de 1991 à aujourd’hui, de s’exprimer ailleurs, ni d’agir en fournissant des cadres pour la pédagogie documentaire et le travail en équipes. Ces cadres sont alors portés par les dispositifs innovants et par les programmes disciplinaires.

La lecture cursive des textes officiels depuis les années 80 montre une réelle homogénéité du discours portant sur le statut de la formation documentaire à l’école. Il est ainsi établi, peut-on y lire, que les compétences info-documentaires sont de nature essentiellement transversale, c’est-à-dire pouvant être mises en œuvre dans plusieurs disciplines. Les travaux initiateurs de l’INRP en 1982, la circulaire de missions de 1986 et les rédactions de circulaires tentées par la suite confinent en effet la pédagogie documentaire à une démarche méthodologique exclusivement jalonnée d’étapes à respecter. Un an tout juste après l’instauration du CAPES de documentation, le rapport Seryex insiste sur la nature transversale de l’information et met en garde contre une « discipline information ». Il préconise par contre d’intégrer cet apprentissage dans toutes les disciplines et dessine déjà les contours des dispositifs transversaux à venir.
Un exemple caractéristique de ce schéma directeur est fourni en 1996 : le livret d’accompagnement des programmes de 6ème propose en annexe des « Eléments pour une lecture transversale et thématique des programmes ». Les compétences générales dans les programmes sont alors centrées sur la maîtrise de l’information (« relever l’information, organiser l’information, raisonner l’information, créer l’information, restituer l’information »), celles-ci étant appelées à devenir une préoccupation partagée par toutes les disciplines. De fait, dans les six tableaux présentés dans ce document ne figure aucune mention d’une formation ou de contenus spécifiques au champ documentaire, ni d’allusion à la présence, dans les établissements, d’un CDI et des enseignants qui en assument la responsabilité.
Toute allusion à des savoirs spécifiques est ainsi évitée. Ce concept de transversalité, imposé plutôt que démontré (R. Amiguès, 1999 ; B. Rey, 1995, 1996), postule ainsi que les compétences informationnelles se réduisent à des opérations cognitives fondamentales et communes (analyser, trier, classer, extraire…) mobilisables dans n’importe quel contexte et ce, indépendamment des domaines concernés. Un tel discours tend progressivement à évincer les contenus propres au champ documentaire. Préciser ceux-ci dans un référentiel institutionnel semble donc comporter un risque contre lequel l’administration a jugé bon de se prémunir.
Par contre, la démarche documentaire, dans sa dimension strictement méthodologique mettant en œuvre ces capacités générales, est amplement valorisée. Preuve en est des discours accompagnant, dans le même temps, l’apparition des dispositifs transversaux au milieu des années 90. Simultanément à la publication du document de la D.L.C. promouvant le traitement de l’information en compétences génériques dans les programmes, sont lancés les fondements de ces « détours pédagogiques ». Ces dispositifs, proposant une alternative aux pédagogies à dominante transmissive, incitent les équipes à proposer à leurs élèves des activités documentaires. L’annexe de la circulaire instaurant les Itinéraires de découverte (I.D.D.) à la rentrée 2002 réaffirme ainsi tout particulièrement l’importance accordée à la démarche documentaire dans la médiation transdisciplinaire.
Si la profession a tout d’abord répondu très positivement à cette nouvelle sollicitation des fonds du CDI, elle s’est montrée par la suite déçue de constater le peu de prise qu’elle pouvait avoir sur une véritable formation de ces élèves soudainement transformés, avec leurs professeurs, en usagers consommateurs d’information, au regard notamment d’une augmentation considérable de tâches gestionnaires et de services pour faire face à l’afflux des demandes. Ces dispositifs ont ainsi fait naître davantage de besoins en ressources que des besoins en formation, du moins de manière explicite. Tout en favorisant l’usage de la recherche documentaire, ils ont paradoxalement empêché que des compétences info-documentaires soient abordées de manière systématique et en tant que véritables objets d’enseignement (C. Candalot dit Casaurang, 2005).

Misant sur la transversalité des compétences, l’institution, en choisissant d’intégrer celles-ci dans les programmes, délègue également aux disciplines les apprentissages documentaires. Vue du côté de l’enseignant documentaliste qui doit à chaque fois négocier avec ses collègues les conditions de mise en place d’une séquence, il s’agit de repérer, dans les différents programmes, les points où tout ou partie de la démarche documentaire est sollicitée. C’est à un tel travail de repérage que se sont employées certaines académies relais, à Rouen (2000), Rennes (2001), Lille (2002) et Toulouse (2005). Dans ces documents, on vérifie par exemple que la citation des sources est prévue par le programme de Français en cycle central, ou encore que l’interprétation et l’analyse critique des tableaux et des graphiques est étudiée en 6ème en cours de mathématique.
L’argument part alors du constat selon lequel ces compétences sont réellement travaillées à un moment ou à un autre du cursus scolaire, et que, de ce fait, il n’est nul besoin d’un apprentissage spécifique et systématique. Les conséquences, jugées désastreuses par la profession, de ce concept d’inclusion disciplinaire sont faciles à imaginer. Cette parcellisation des savoir faire et leur dissémination dans la scolarité de l’élève interdit toute structuration et toute progressivité de la formation. Elle aboutit au contraire à une dispersion sans cohérence, sans projet d’ensemble et où les opportunités sont laissées au hasard et au bon vouloir d’enseignants peu formés à la documentation et contraints par des programmes déjà chargés.
On peut également y trouver un effet pervers du référentiel de compétences. A trop vouloir atomiser les comportements observables pour les reproduire et les évaluer, à trop chercher à décomposer en unités objectives et sécables le processus continu de la recherche d'information, le référentiel rend possible son propre démantèlement et la dispersion de ses composants, dont les interrelations ne sont plus suffisamment perçues.

La profession, jadis tentée par la pédagogie par les objectifs, dépossédée de l’outil référentiel qui devait servir à asseoir sa spécificité, déclare à présent ne plus s’y retrouver. Elle éprouve en outre le sentiment d’avoir perdu le regard et l’appui d’une institution qui venait de répondre à une partie de ses revendications statutaires en instaurant la voie d’une certification au niveau du recrutement. Invitée à collaborer au sein des équipes pédagogiques, elle peine à asseoir une légitimité quant à la validité de ses contenus de formation, quant à sa prétention à vouloir former tous les élèves de manière raisonnée et progressive, quant à la reconnaissance de sa qualification réelle pour évaluer les apprentissages.

24. Bilan 

Ce rapide survol historique nous apporte-t-il des éléments de nature à comprendre comment s’est construite la question d’une didactique de la Documentation ? L’évolution repérée ici peut être découpée en trois moments caractérisés par des avancées significatives, des logiques et des centrations particulières. L’inscription des pédagogies du document dans le triangle pédagogique de Jean Houssaye (1988) offre, par ailleurs, un repère théorique qui permet de mieux saisir le statut des actants de la situation pédagogique au cours de ces cinq décennies.



241. La place du document dans la situation pédagogique

La première période (1952-1979) débute sous la pression de l’économie de l’information qui a suivi la fin de la deuxième guerre mondiale. Elle est marquée par la prise de conscience du rôle de la documentation dans les enseignements. La centration se fait sur la matière documentaire elle-même utilisée en appui du cours, en tant que preuve ou illustration.
Il semble ainsi qu’un nouvel actant, en l’occurrence le document (D), fasse intrusion dans la situation pédagogique traditionnelle. Le statut de document didactique qui lui est conféré, et qui le place sur l’axe « enseigner », entre le professeur et le savoir, ne change pas la donne et cantonne la démarche dans la même « famille pédagogique ». Cette pédagogie reste quelque part entre le cours vivant et le cours traditionnel, tandis que l’« exclu » est l’élève (E). (Voir fig. 1).






1. La place du document (1952-1966)
dans le triangle pédagogique (Houssaye, 1988)


Se voyant accorder une place de plus en plus importante, son regroupement et sa centralisation ont pour conséquence la création de centres de ressources, d’abord dans une logique de service (SD, 1962), puis dans une logique pédagogique (CDI, 1974). Cette pédagogie trouve son inspiration dans les principes fondamentaux et les techniques du mouvement de l’Education nouvelle. Les SDI, à leur création en 1966, inaugurent un nouveau rapport à la documentation en favorisant son accès direct au profit des élèves. Se pose alors la question d’une pédagogie originale qui engagerait ceux-ci dans des activités de travail documentaire. La posture du maître se mue en une posture de facilitateur, puis de médiateur. La littérature tend à présenter le rôle du document dans son rapport au savoir comme de nature à pouvoir – et à devoir - supplanter celui, autoritaire, du maître. Cette pédagogie de la documentation s’installe donc ouvertement en opposition à la pédagogie traditionnelle. Aussi la place du document dans le triangle pédagogique migre-t-elle de l’axe « enseigner » vers l’axe « apprendre ». Nous placerons le curseur (D) plutôt du côté de l’élève que du côté du savoir, ce qui correspond à la 5ème famille pédagogique proposée par Jean Houssaye (2002), et ce, pour les trois raisons suivantes : la démarche documentaire est encore peu fixée, et donc peu contraignante ; est principalement visée l’autonomie de l’élève ; une médiation est particulièrement sollicitée. Il n’en reste pas moins que la place de « l’exclu » est à présent occupée par le professeur auquel on tente de substituer le recours au document, pris ici dans le sens concurrent d’enseignement (voir fig. 2).


.


2. La place du document (1966-1997)
dans le triangle pédagogique




La deuxième période s’ouvre par un travail de rationalisation de la démarche documentaire (1982) proposant une modélisation de celle-ci en sept étapes consécutives. Cet outil technique est validé par la circulaire de missions des documentalistes-bibliothécaires de 1986. A partir de là va pouvoir être forgée une pédagogie documentaire fondée sur une double approche. Une approche méthodologique modélisée, orientée vers davantage de maîtrise prise en charge par l’enseignant documentaliste d’une part, et une approche cognitiviste, poursuivant la construction des savoirs par la médiation documentaire, pilotée par l’enseignant de discipline d’autre part.
Largement diffusé dans la profession pour servir de cadre méthodologique aux séquences pédagogiques co-animées, le modèle ainsi déterminé en 1982 contribue à positionner le rôle des responsables des CDI comme étant « de nature essentiellement pédagogique ». et concourt à les identifier sur la scène pédagogique, ce que confirme l’instauration du CAPES en 1989.
Un nouvel acteur fait ainsi son entrée dans la situation pédagogique aux côtés du professeur de discipline. Mais tandis que ce dernier vise la construction de contenus déclaratifs relatifs à sa discipline, l’enseignant documentaliste s’intéresse quant à lui à faire acquérir des connaissances de nature procédurale liées à l’activité documentaire. Dans ce dernier cas, les médias sont non seulement l’information, mais encore le document et le système documentaire (CDI). De ce fait, la configuration des actants sur le triangle pédagogique reste globalement inchangée, sauf à saisir le pôle savoir comme regroupant les contenus disciplinaires et documentaires à enseigner, et le pôle professeur comme l’équipe enseignante. Sur le schéma 2., seul « D » pourrait être changé en « média documentaire » (MD) incluant l’information, le document et le système documentaire.
La centration se fait à présent sur l’activité documentaire, notamment dans sa dimension technique.

La troisième période, enfin, sera celle d’une forte exigence de la profession portant sur les contenus documentaires à enseigner. Les modèles de la décennie précédente seront traduits et déclinés en objectifs comportementaux répertoriés dans des référentiels de compétences. Le prototype français est élaboré par la FADBEN en 1997 et sert de cadre précis pour construire des formations et évaluer les performances des élèves (évaluation formative), dans le sillage de la pédagogie par les objectifs (PPO). De l’année de cette publication à aujourd’hui, la centration se fait sur les compétences et suit une logique de maîtrise des apprentissages. L’axe sollicité dans le triangle pédagogique reste donc identique à celui de la période précédente. Par contre, les activités étant davantage encadrées par les outils référentiels et de ce fait plus structurées, le curseur glissera sensiblement vers le pôle des savoirs, s’agissant ici des compétences (famille 6 selon Jean Houssaye) (voir fig. 3).





3. La place du document (1997-2006)
dans le triangle pédagogique


242. Des espoirs déçus

En réponse au refus de l’institution de pourvoir à un référentiel national, le métier se dote lui-même d’outils de plus ou moins bonne qualité, mais concourant à renforcer une identité professionnelle et à forger un langage partagé et des intérêts communs. Le statut des compétences info-documentaires, entre transversalité et spécificité fait d’ailleurs l’objet d’un débat animé sur fond d’une opposition entre théories constructivistes et comportementalistes, et dont les enjeux débordent largement sur le statut de la Documentation (matière ancillaire ou matière d’enseignement ?) et sur celui de ses responsables ( auxiliaires pédagogiques ou professeurs documentalistes ?).
De son côté, l’administration, confortant des positions héritées des origines, considère la Documentation comme transversale aux disciplines du fait qu’ « elle relie quand les disciplines séparent » (F. Chapron, 1999). Elle plaide alors pour des collaborations à inscrire dans des projets. A cette fin, elle intègre les compétences dans les programmes et dans les dispositifs innovants.
La décennie est également traversée par l’injonction adressée à l’école de participer à l’entrée du pays dans la société de l’information. La nécessité de pourvoir les élèves de compétences leur permettant une meilleure « adaptation à l’évolution de l’économie et à celle de l’emploi » recycle les thématiques de l’apprendre à apprendre et du travail intellectuel sous les formes de flexibilité des apprentissages ou de formation permanente (apprendre à se former tout au long de la vie). Les discours sur la culture de l’information ou Information literacy mêlent ainsi compétences en information et compétences en informatique. On peut ainsi observer nombre de compétences info-documentaires tirées des référentiels scolaires dans le Brevet informatique et Internet (2000), au risque d’entretenir une confusion idéologique « entre compétence (ou accès) technique et accès cognitif au savoir » (B. Juanals, 2003). Un récent rapport de l’Inspection générale propose même de réunir ces référentiels en un seul B3i, ou Brevet informatique, Internet et information (IGEN, 2004). Cette injonction, même si elle est adressée à l’école entière ne manque pas d’interpeller les responsables des CDI qui se sentent concernés au premier chef par ce qu’ils interprètent comme l’expression d’un nouveau mandat (cf. I. § 32). Concernés en tant qu’experts de l’information, mais en même temps laissés sans moyens d’action pour apporter leur réponse éducative, technique et pédagogique, ils réclament une redéfinition de leur mission.
A cette frustration s’ajoutent nombre de déceptions consécutives au peu de résultats obtenus malgré leur engagement pédagogique, quelle que soit la démarche tentée, constructiviste (médiation documentaire) ou comportementaliste (PPO). Aucune évaluation d’impact national n’a, à ce jour, été conduite dans le secondaire pour juger des éventuels bénéfices de cette action et proposer des remédiations (S. Chevillotte, 2004). Qui plus est, les besoins de formation des élèves, reconnus tant par la tutelle que par tous les acteurs de terrain, ne rencontrent aucune offre en matière de dispositif cadre pour les satisfaire. Sans moyens humains suffisants pour réaliser leurs objectifs, sans programme national pour les rendre cohérents, progressifs et systématiques, sans légitimité pour les évaluer et sans classes attribuées pour les mettre en œuvre, les enseignants documentalistes marquent le pas et cherchent de nouvelles solutions.

La question à laquelle sont confrontés les enseignants documentalistes aujourd’hui reste celle de leur responsabilité pédagogique dans la formation des élèves à la maîtrise de l’information. Ce qui est dès lors ressenti par certains comme une menace ressort-il à une réduction de leur autonomie en tant que professionnels détenant des compétences déterminées ou bien plutôt à une modification des termes du mandat inscrit dans le texte des missions ?
Par ailleurs, cette exigence de responsabilité a pour corrélat la définition d’une spécificité relative aux contenus de cette formation. C’est dans cette entreprise que s’est lancée la profession en tentant de rationaliser, en termes d’objectifs précis à atteindre par les élèves, les contenus observables de la formation. Toujours est-il que la voie de l’objectivation des comportements attendus n’a pas répondu aux espoirs qui avaient été formulés.
Si autonomie, responsabilité et texte de mission ont partie liée avec la professionnalisation du corps des enseignants documentalistes, alors la rationalisation des contenus de formation, ou savoirs à enseigner, concourt-elle, sous la forme qui a été tentée ou sous une autre, à sa construction. Mais à quel titre et de quelle manière ?


3. La rationalisation des savoirs à enseigner, vecteur du processus de professionnalisation des enseignants documentalistes

31. Et d’abord, un métier

N’est-il pas surprenant que, presque trente ans après la parution de la première circulaire de missions, l’association professionnelle FADBEN publie dans un numéro récent de sa revue Médiadoc un « Référentiel métier » (FADBEN, 2006) ? Renouant avec son rôle de force de proposition, elle adresse de fait à ses membres ainsi qu’à l’administration un message fort et ce, à une époque où cette dernière tend justement à sortir la Documentation de la logique pédagogique où elle cherche à construire son identité, et à la circonscrire dans la logique gestionnaire et bibliothéconomique de la politique documentaire (B. Calenge, 1999). L’association militante réaffirme ainsi que « l’image de la profession telle [qu’elle a] cherché à la dessiner est celle d’une profession structurée autour de sa mission pédagogique ».
N’y a-t-il pas contradiction, du moins sur le plan terminologique, entre le but visé, à savoir l’image d’une profession, et l’outil proposé, en l’occurrence ce référentiel métier ? Non, si l’on considère que ce document fait écho à celui publié par l’Association des professionnels de l’information et de la documentation, dont le titre Référentiels des métiers-types des professionnels de l’information-documentation porte bien la mention de métier. Le métier y est caractérisé par « la fonction particulière qu’il remplit et par les techniques qu’il y emploie, ce qui suppose la mise en œuvre de compétences déterminées » (ADBS, 2001). Le référentiel liste ainsi un certain nombre de compétences techniques essentielles et complémentaires, d’attitudes principales et d’activités dominantes lui permettant de décrire 19 métiers, dont celui d’enseignant documentaliste. Que celui-ci soit un métier, exigeant une certification et un certain niveau de qualification, défini au moyen d’un poste de travail et demandant la maîtrise de techniques et de savoir faire particuliers ne fait aucun doute. La question porte alors, au travers de la recherche d’une image à préciser et à valoriser, non pas tant sur le désir d’accéder au statut de profession – le corps des enseignants étant lui-même considéré comme une « semi-profession » (R. Bourdoncle, 1991) – que sur celui de s’assurer des conditions d’une plus grande professionnalisation.
L’aspiration au statut de profession révèle cependant la volonté d’une meilleure reconnaissance et, par conséquent d’un changement d’identité, identité pour soi et pour autrui (C. Dubar, 1991). Elle traduit de fait le souhait de passer d’une identité de technicien, de gestionnaire du quotidien et du matériel (la matière documentaire) à celle d’un pédagogue, intéressé à la formation intellectuelle des élèves sur le long terme (la pédagogie documentaire). En ce sens, cette évolution souhaitée s’inscrit dans une logique d’affiliation statutaire au corps des professeurs. Ce clivage entre gestion et pédagogie renvoie à la distinction entre métier et profession. Si ces deux notions ont une origine commune dans les corporations, leur scission apparaît à la Renaissance et à l’essor des Universités à partir de l’opposition entre activités manuelles et activités intellectuelles. Cette opposition, selon C. Dubar (1991) s’associe à « un ensemble de distinctions socialement structurantes et classantes qui se sont reproduites à travers les siècles : tête/mains, intellectuels/manuels, haut/bas, noble/vil, etc. »
On comprendra du même coup que cette opposition entraîne une hiérarchisation des tâches de l’enseignant documentaliste, distribuées le long d’un axe vertical, des basses activités de traitement du document (le substrat) jusqu’aux hautes activités de formation portant sur la construction des significations (la substance). Ainsi le processus de professionnalisation engagé par le corps des professeurs documentalistes se produirait à l’intérieur du champ délimité par sa double appellation, à savoir construisant un passage qui mènerait du statut de documentaliste à celui de professeur.
Nous nous intéresserons ainsi à ce lent processus de professionnalisation au sens où l’entend Philippe Perrenoud, à savoir un « processus dynamique de construction et de constitution progressive d’une profession » (M.-A. Le Gouellec-Decrop, 1997).

Nous reprendrons un court moment le fil de l’histoire pour tenter de retrouver cette dynamique à l’œuvre, avant de ne retenir, parmi les éléments du processus de professionnalisation engagé, que ce qui nous permettrait de saisir les enjeux visés par le mouvement de didactisation de l’information-documentation. Un détour par les types identitaires ou professionnalités (id.) permettra de jauger l’ancrage de ce mouvement dans le corps ainsi que l’avenir dont il peut être porteur.


32. Récit d’une conquête

Un retour rapide sur quelques repères historiques jalonnant l’axe pédagogique du corps des documentalistes permet une réflexion en perspective sur le processus de professionnalisation en cours. Nous limiterons cette rétrospective à la saisie d’éléments se rapportant au cadre statutaire, à la définition de la mission pédagogique et à l’émergence de l’identité enseignante correspondante. Nous en déduirons la réelle portée des acquis en la matière.
Pour rendre compte de la création progressive du corps spécialisé des documentalistes de l’Education nationale, Odile Britan détermine les quatre phases suivantes (C. Duarte-Cholat, 2002) :

- la période des fondations allant jusqu’à 1972 ;
- les innovations pédagogiques, de 1973 à 1978 ;
- le passage à l’âge adulte, de 1979 à 1988 ;
- la construction de l’identité professionnelle, de 1989 à 1992.

La période des fondations, qui débute à la création des CLDP en 1958, ne connaît comme premiers responsables des locaux documentaires que des personnels recrutés parmi les adjoints d’enseignement, non chargés d’enseignement, mais assurant des tâches d’administration et de surveillance. Ces bibliothécaires-documentalistes ne prendront l’appellation de documentaliste-bibliothécaire qu’en 1966 lors de la fusion des bibliothèques centrales et des Services documentaires (SD) ; cette inversion témoigne de la part grandissante prise par la documentation à l’école (S. Devis-Duclos et al., 2006). Dès la fin des années 60, deux visions du métier coexistent déjà, correspondant à deux modèles professionnels de qualification. L’une, souhaitant se démarquer du corps professoral, cherche à construire une identité sur la reconnaissance d’un métier spécifique. L’autre, au contraire, revendique un statut calqué sur celui des enseignants. L’ouverture des SDI, en 1966, favorisera les prétentions pédagogiques des seconds.

La seconde période, de 1973 à 1978, voit la conquête de la reconnaissance officielle d’une mission dévolue à ces personnels. Le rapport Tallon (1974) distingue sept fonctions qui seront officialisées par la première circulaire de mission trois ans plus tard : aspects techniques de la fonction, accueil et information, aspects loisirs, aspect information scolaire et professionnelle, aspect animation pédagogique. L’ordre de présentation de ces fonctions ne fait que suivre l’ordre historique de leur apparition. La circulaire confère en outre au documentaliste-bibliothécaire la mission de conduire l’initiation des élèves à la recherche documentaire, nouvelle mission qui va modifier et orienter durablement son identité en le faisant passer de prestataire de service et gestionnaire de matériel à collaborateur du professeur, puis formateur. Ces années voient également se constituer une culture identitaire autour de la fondation de la Fédération des associations de documentalistes-bibliothécaires de l’Education nationale (FADBEN) d’une part, et de la création, d’autre part, du Centre d’étude pour la documentation et l’information scolaire (CEDIS) qui lance la revue InterSDI, laquelle deviendra InterCDI. Si cette dernière vise à fournir aux documentalistes des ressources techniques et favoriser des échanges de pratiques, la FADBEN, quant à elle, se structure autour du projet de sortir le métier de son vide statutaire.

La troisième phase, de 1979 à 1988, est celle de l’affirmation du rôle pédagogique et des compétences professionnelles des documentalistes-bibliothécaires. Conscients de constituer une discipline nouvelle au service de toutes les autres, les militants, appuyés par leur instance associative, revendiquent un statut spécifique mais se heurtent au refus de l’institution pour qui il n’est pas question de voir s’établir une distance entre la Documentation et les enseignements. Pour l’autorité de tutelle en effet, la création d’un CAPES n’est pas à l’ordre du jour. Cependant, au tournant des années 80, le changement politique et la nécessité apparue de lutter contre l’échec scolaire modifient les manières de voir. Le CDI est promu fer de lance de la rénovation des collèges engagée par le rapport Legrand (1983). Par ailleurs, la généralisation de l’initiation à la recherche documentaire entame le processus de normalisation des pratiques des documentalistes-bibliothécaires. La circulaire du 13 mars 1986 couronne cette avancée en réaffirmant la nature essentiellement pédagogique de ces missions. Le texte resserre les « missions » (terme remplaçant celui de « fonctions ») au nombre de quatre et les réordonne : initiation et formation des élèves à la recherche documentaire, participation à l’activité pédagogique de l’établissement, contribution à l’ouverture de l’établissement, responsabilité du centre de ressources documentaires multimédia. Il inventorie cependant au passage un nombre important de tâches qui seront à l’origine du désarroi et de l’insatisfaction croissante des documentalistes fondés, aujourd’hui encore, à demander une clarification de ces missions.

Enfin, les années 89 à 92 ouvrent une triple voie à la construction d’une identité professionnelle. Celle-ci suit tout d’abord le sillage de la Science de l’information, discipline émergente et référence possible pour la Documentation scolaire. Elle apparaît progressivement dans les cursus disciplinaires sous l’appellation de Sciences de l’information et de la documentation. La deuxième voie se présente comme une conséquence de l’intégration des TIC à l’école et dans les CDI, lesquels sont sollicités dès 1986 dans le cadre de la formation des élèves. L’informatisation massive des Centres va modifier de manière significative les missions du professeur documentaliste, autant dans ses pratiques de gestion (système de gestion de base de données) que dans ses pratiques pédagogiques (formation des élèves à la recherche d'information par logiciel documentaire, sur support électronique et en ligne). La troisième voie, enfin, s’ouvre naturellement avec la création du CAPES de documentation. Dans son discours du 19 mai 1989, le ministre de l’Education nationale, Lionel Jospin, expose en ces termes la portée de cet événement pour le corps des documentalistes scolaires : « l’instauration du CAPES de sciences et techniques documentaires apporte la garantie d’une compétence professionnelle spécifique, rationalise le recrutement des personnes désireuses d’exercer dans les CDI et offre une voie de promotion bien méritée à celles qui y sont en fonction. Elle est aussi le symbole de l’ancrage pédagogique de votre profession » (op. cit.).
Introduisant pour la première fois des règles strictes de sélection, et esquissant par ses épreuves un profil des compétences requises, le CAPES constitue dès lors une nouvelle étape dans le processus de professionnalisation. Cependant, il se révèle, du moins à son origine, insatisfaisant par l’absence de programme et par le contenu de ses épreuves, lesquelles, avant leurs dernières modifications apparues aux sessions de 2001 et 2007, ne traduisaient pas suffisamment la spécificité disciplinaire. La Science de l’information, en particulier, n’y a trouvé sa place qu’en 2001 (cf. Annexe I. 6). Chacune des quatre épreuves exige à présent du candidat une réflexion sur les contextes et applications pédagogiques relatifs aux thèmes des sujets proposés. Articulant la maîtrise des savoirs théoriques et les compétences techniques et professionnelles, il reflète l’équilibre nécessaire entre les deux grandes missions de pédagogie et de gestion.

Il ressort de ces éléments historiques répartis sur un demi-siècle l’image générale d’une conquête, voulue et organisée par le corps lui-même, d’une identité professionnelle spécifique. Les places fortes investies lors de cette conquête se nomment circulaire de missions (1977, 1986) et Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement secondaire (CAPES de Sciences et techniques documentaires, 1989). Le sociologue interactionniste symbolique Everett Hughes cité par Claude Dubar (1991) situe là deux notions essentielles pour caractériser le processus professionnel. La première correspond au mandat, cette « obligation légale d’assurer une fonction spécifique », et la seconde au diplôme en tant qu’ « autorisation légale d’exercer certaines activités que d’autres ne peuvent pas exercer ». L’un et l’autre sont ainsi conférés au corps des documentalistes par son autorité tutélaire. Au diplôme est attaché le statut de professeur et son appellation afférente, bien que composant avec celle de documentaliste, appartenant à un autre domaine.
Il en est autrement s’agissant de la conquête de la reconnaissance professionnelle. Si la reconnaissance de compétences techniques relevant du domaine de la gestion est acquise, il n’en est pas de même pour la reconnaissance de la mission pédagogique. Constat paradoxal, si on réduit la question aux seules compétences professionnelles, puisque les compétences acquises en formation initiale de ces personnels sont précisément de nature inverse : majoritairement recrutés dans l’Education nationale, bien peu de ces derniers ont reçu une formation de documentaliste.
C’est donc sur le plan du mandat que se situe certainement le point d’achoppement qui entrave le sentiment de reconnaissance. De même que la mission est double, visant la gestion et la pédagogie, le mandat doit être considéré au travers de ces deux dimensions. Or si le mandat gestionnaire est suffisamment explicite (toutes les activités, fonctions et finalités de la gestion d’un centre de ressources), le mandat pédagogique l’est en revanche beaucoup moins (un simple modèle de la recherche documentaire  tenant en quelques lignes et une injonction à initier les élèves). Mais plus encore, c’est la disparité des moyens affectés à la satisfaction de ces mandats qui pose problème. Le mandat gestionnaire peut se déployer dans un centre bien réel et concret pour lequel on a su trouver une place autant symbolique que matérielle. On est bien loin du compte s’agissant du mandat pédagogique tant que l’enseignant documentaliste ne se voit affecté de classes d’élèves, de cadres horaires et programmatiques.
Mais le mandat pédagogique renvoie surtout à la question de l’élucidation et de la rationalisation des savoirs à enseigner. Certes des acquis loin d’être négligeables constituent des facteurs positifs : l’intégration des TICE qui impose de recourir à une terminologie normée et qui fonde de fait une culture partagée, l’émergence de la Science de l’information qui impose ses champs technique et théorique de référence, et l’instauration du CAPES, qui élève sensiblement le niveau d’exigence du recrutement, aiguillonne et harmonise la réflexion autour de la formation initiale. Mais suffisent-ils, en dehors du sentiment d’insatisfaction exprimé par les enseignants documentalistes, à asseoir l’idée que la documentation serait parvenue au terme de son évolution, à savoir être devenue une (semi-)profession à parité statutaire effective avec les professeurs de discipline ? Un champ spécifique où pourraient se déployer les compétences et les activités pédagogiques de ces personnels est-il aujourd’hui circonscrit et investi, voire légitimé ? Est-il possible de distinguer entre mandat du documentaliste et mandat du professeur ? Enfin, ce dernier est-il ressenti par la profession comme susceptible d’asseoir la légitimité d’un statut certes réel mais encore peu reconnu ?


33. Vers la rationalisation des savoirs

331. Les critères de professionnalisation

La délimitation d’un champ particulier à découper par la documentation dans celui des savoirs à enseigner à l’école implique un questionnement sur la spécificité professionnelle des enseignants documentalistes. C’est ce questionnement qu’a conduit Marie-Annick Le Gouellec-Decrop (1997), en interrogeant le processus de professionnalisation de ce corps et ses identités professionnelles plurielles. Pour ce chercheur, les notions de spécificité et d’identité professionnelles renvoient aux concepts fondamentaux de profession, de professionnalisation et d’identité.
S’agissant des deux premiers, elle s’appuie sur la réflexion sociologique pour définir les critères permettant de savoir si le métier d’enseignant documentaliste a accédé au statut de profession ou bien s’il est engagé dans un processus de construction d’une profession. Elle fait alors ressortir les critères suivants :
- un savoir scientifique et théorique, fondé et légitimé par l’Université, dans le champ
de la documentation ;
- une formation spécifique, pratique de niveau universitaire (l’IUFM) ;
- un ensemble de valeurs et un code éthique partagé par une majorité importante de la
population ;
- un mandat (les missions) confié par l’institution ;
- un diplôme (le CAPES) (et son rôle dans la constitution du corps) ;
- une culture professionnelle (et sa construction chez les jeunes certifiés).

Nous retiendrons en particulier le premier de ces critères, relatif au savoir scientifique et théorique, en tant qu’il fait correspondre à l’aspiration professionnelle des enseignants documentalistes un intérêt pour la rationalisation des savoirs de référence, et dans la perspective de trouver là une nouvelle raison au mouvement de didactisation.

Si, selon Ph. Perrenoud, la professionnalisation contribue à élever le niveau global individuel et collectif de formation et de compétence (M.-A. Le Gouellec-Decrop, 1997), c’est notamment par un processus de scientifisation du métier et de rationalisation de ses savoirs (R. Bourdoncle, 1991). R. Bourdoncle, reprenant la distinction entre métiers et professions rappelle que ces dernières sont professées, c'est-à-dire apprises, non par imitation, mais à partir de déclarations, de discours et de cours. Le lieu d’apprentissage par voie - et voix - professorale de ces savoirs est l’Université, qui est aussi le lieu de leur construction et de leur conservation. « Etre amené, poursuit-il, à expliciter oralement ses pratiques entraîne forcément un processus de rationalisation discursive et la constitution d’une base de savoir qui s’autonomise peu à peu de la pratique ».

332. La rationalisation des savoirs du métier de documentaliste

Reste à distinguer, lorsqu’il s’agit des professeurs documentalistes à la double fonction, gestionnaire et pédagogique, de quel type de savoir il est question. Aussi le processus de professionnalisation peut s’orienter dans deux directions différentes et conduire le corps des enseignants documentalistes dans l’une ou l’autre des deux voies de rationalisation. C’est précisément ce choix à faire qui est facteur de division dans le corps, ce que révèlent les études sur l’identité professionnelle de ses membres (cf. I. § 34).
Si, majoritairement, les documentalistes interrogés s’estiment investis d’une mission pédagogique et évoquent en premier lieu de leurs préoccupations la formation des élèves à la recherche documentaire (M.-A. Le Gouellec-Decrop, 1999), l’administration, depuis 2001 leur propose toutefois comme voie de professionnalisation et de reconnaissance une requalification à titre d’expert du système documentaire et de pilote de la politique documentaire de l’établissement : à ces « documentalistes inquiets, désireux d’être mieux reconnus », le pilotage, l’organisation des ressources documentaires de l’établissement et le développement du système d’information devraient apporter « une nouvelle légitimation » (IGEN, 2004). Dans ce cas, les pratiques pour le moins empiriques des responsables des CDI devront en effet être rationalisées et fondées par la Science de l’information, mais également clarifiées par la documentologie, science du livre et de la documentation, et la bibliothéconomie, pratique d’organisation des bibliothèques. Cela dit, cette mission de gestion du centre de ressources est le plus souvent subordonnée à la mission pédagogique principale, ainsi que le met en avant le récent Référentiel métier de la FADBEN (2006). Le CDI étant considéré comme un espace et un outil de médiation, la finalité de son organisation demeure bien formative, ce qui n’est pas sans poser un dilemme à ses responsables : ou bien les normes sont appliquées par un professionnel documentaliste mais elles s’avèrent peu adaptées à l’usage pédagogique, ou bien elles ne le sont pas, par un enseignant (documentaliste) non professionnel, mais le résultat permet de former les élèves (M.-A. Le Gouellec-Decrop, 1997).

333. La rationalisation des savoirs à enseigner

S’agissant à présent d’une voie de professionnalisation impliquant directement la formation et ressortissant à la mission pédagogique, la question reste, en l’état actuel des choses, de savoir s’il y a « passage d’une démarche intuitive à une démarche rationnelle ? » (R. Bourdoncle, 1991). Difficile d’en juger sans évaluation nationale des pratiques pédagogiques des documentalistes… S’agissant cette fois des contenus, un effort de rationalisation des savoirs a bien été réalisé dans la décennie précédente à partir de la constitution de référentiels de compétences qui ont permis de déterminer des objectifs d’apprentissage spécifiques à la documentation. Cependant, cette spécificité a été largement contestée par l’institution et par une partie des professionnels, ce qui a amené progressivement chercheurs et acteurs de terrain à réfléchir non pas à partir des seuls contenus procéduraux de ces compétences, mais également à partir de leurs contenus notionnels et à souhaiter leur didactisation. Mais là encore, les pratiques engagées restent empiriques, désordonnées et peu fondées. Aussi l’effort de rationalisation qui reste à fournir « manifesterait non pas les conduites intuitives et artisanales caractéristiques des métiers, mais l’approche systématique et rationnellement contrôlée déductible d’un cadre théorique d’ensemble, ce qui est le propre d’une profession » (R. Bourdoncle, 1991).
Mais de quel cadre s’agirait-il en l’occurrence ? S’il faut chercher les savoirs savants de référence à l’Université, alors il faudra se tourner vers la Science de l’information. Il n’en reste pas moins que de tels savoirs devront être transformés en savoir à enseigner (Y. Chevallard, 1985) et que leur mise en œuvre dans des situations didactiques soit posée comme objet d’étude. Quoi qu’il en soit, et s’agissant aussi bien de la formation initiale que continue, on voit bien, avec Michel Fabre, l’intérêt de « construire la professionnalisation sur le triple socle disciplinaire, didactique et pédagogique [et où] la didactique prendrait valeur de médiation » (M. Fabre, 1992).
Pour notre part, et revenant sur cette idée de savoirs « professés » émise par R. Bourdoncle, nous en retiendrons que les savoirs à enseigner devront être, pour partie du moins, des savoirs discursifs, théoriques, ceux que Michel Develay (1992) nomme connaissances déclaratives. Or l’analyse des référentiels de compétences fait apparaître leur quasi inexistence. De fait, l’Information-documentation ne dispose officiellement d’aucun contenu notionnel présenté comme devant être appris par les élèves.
Nous sommes porté à reconnaître là l’une des causes qui entravent le processus de professionnalisation des enseignants documentalistes.

334. L’investissement d’un champ pédagogique

Depuis leur émergence dans les années 60, les enseignants documentalistes ont intimement lié la construction de leur statut à leur investissement pédagogique, se positionnant en enseignant médiateur entre les élèves et l’information. Leur essor a véritablement débuté au tournant des années 80, lorsque l’école s’est saisie des CDI pour lutter contre les inégalités sociales. Dès lors, la question posée était celle du choix d’un domaine d’intervention particulier, i.e. non investi par une autre discipline. De la recherche documentaire (méthodologie documentaire) au traitement de l'information (médiation documentaire), de la méthodologie du travail intellectuel aux heuristiques de l’information (J. Michel, 1989), de la maîtrise de l’information à l’information literacy (Juanals, 2003), le corps des enseignants documentalistes associe à la quête d’identité professionnelle la recherche d’un havre pédagogique.
Mais la difficulté majeure à laquelle se heurte ce « professeur pas comme les autres » est de ne disposer ni de service horaire, ni de classe en responsabilité dans un temps découpé en heures, ni de discipline particulière, ni de programme (M. Monthus, 1995). Deux alternatives, selon M.-A. Le Gouellec-Decrop (1999), se dessinent qui divisent le corps. Ou bien il conserve cette approche transversale et somme toute consensuelle, soutenue par l’institution, ou bien il fait de la médiation documentaire son champ de spécialité. Dans le premier cas, la documentation n’est pas une discipline, les occasions de formation méthodologique des élèves sont soumises aux lois de la négociation et aux jeux des affinités et du hasard, et le statut risque de demeurer hybride. Dans le second cas, la documentation devient une discipline, admettant des modalités particulières, et où sont enseignés des savoirs éventuellement transposés de la Science de l’information et organisés dans des dispositifs qui restent à définir.
L’approche transversale a bien été analysée par Bernadette Seibel qui note, en 1995, qu’« on assiste à l’émergence de professionnels qui fondent leur identité sur la maîtrise de l’approche heuristique validée par les connaissances scientifiques ». En fait, dans un contexte d’autodidaxie et de difficultés scolaires, les enseignants documentalistes, se positionnant sur ces savoir faire délaissés par les disciplines ou bien considérés comme allant de soi, ont conquis là leur spécificité. S’appuyant sur les théories scientifiques de la psychologie cognitive appliquée à toutes les disciplines, ils seraient parvenus à « déboulonner les représentations réifiées des savoirs scolaires » et à démontrer l’importance des démarches de construction des connaissances. Ainsi, leur position d’auxiliaire des enseignants de discipline s’est muée en collaborations sur la base d’une parité pédagogique.
Prolongeant cette thèse, M.-A. Le Gouellec-Decrop dénonce deux conséquences négatives, l’une rejaillissant sur les disciplines, l’autre sur les enseignants documentalistes. Tout d’abord, le rejet hors du cours de l’apprentissage des méthodes de travail intellectuel a pour effet d’accroître l’immobilisme des disciplines, lesquelles se trouvent ainsi confortées dans leur rapport aux seuls contenus du programme. Ensuite, la stratégie souhaitée à cette époque et acceptée par les documentalistes ne vaut plus aujourd’hui, à l’heure où les choix de politique éducative réintroduisent ces savoir faire d’une part dans des dispositifs spécialisés (les modules en lycée, les dispositifs d’aide et de soutien pour la réussite des élèves en collège) et d’autre part dans les programmes eux-mêmes qui font une large part aux compétences, et même, récemment aux compétences info-documentaires.
De ce point de vue, le processus de professionnalisation engagé en documentation gagnerait selon nous à poursuivre la rationalisation des savoirs conceptuels info-documentaires, quitte à réinvestir ce champ d’apprentissage des compétences qui pourraient être rendues à leur spécificité à partir du moment où elles mobiliseraient des concepts spécifiquement documentaires.
Pour M.-A. Le Gouellec-Decrop (1999) également, « le champ de la maîtrise de l’information, qui se développe aujourd’hui avec l’ouverture du réseau mondial, nous semble s’imposer comme celui du champ des compétences spécifiques des documentalistes des établissements scolaires ».


34. Des professionnalités non convergentes

Si le processus de professionnalisation du corps des professeurs documentalistes n’est pas achevé au regard des critères proposés par M.-A. Le Gouellec-Decrop en 1997 (cf. I. § 331), et loin s’en faut, il est toutefois initié. C’est un processus lent qui ne se suffit pas de décrets publiés par l’institution mais réclame aussi la mise en place concomitante d’une identité nouvelle. Celle-ci, écrit C. Dubar (1991) « apparaît ainsi constituer un enjeu social dépendant notamment de la capacité des membres […] à se coaliser, à développer une argumentation convaincante, et à se faire reconnaître et légitimer au moyens d’actions collectives multiples ». L’identité professionnelle se nourrirait donc principalement d’une réflexion et d’une culture partagées par l’ensemble du corps et s’accompagnerait d’une volonté commune de changement structurel. Le corps des enseignants documentalistes en est-il là ?
Des enquêtes menées successivement en 1995 (B. Seibel) et 1997 (M.-A. Le Gouellec-Decrop) convergent au contraire sur le constat de la discordance et de la division du corps. Cependant, certains profils, et des plus porteurs d’avenir, laissent augurer un renforcement du processus de professionnalisation, du moins dans sa dimension de rationalisation des savoirs.
S’agissant de la première enquête, Bernadette Seibel fait en effet ressortir une ligne de clivage entre les gestionnaires et les pédagogues, laquelle sépare la profession en fonction des priorités choisies par ses membres, et se manifeste à partir des valeurs qui s’y expriment et des stratégies employées.
Les premiers donnent pour prioritaire le fonds de ressources, les acquisitions et les traitements documentaires ainsi que la diffusion d’informations. Leur action est commandée par les demandes réelles ou supposées des usagers qu’ils cherchent à satisfaire. Le CDI est pensé comme un lieu libre d’accès et d’auto-formation. Il est en conséquence organisé suivant une logique de facilitation davantage que d’apprentissage. La relation à l’élève y est alors individualisée (accompagnement, guidage). La fonction de médiation est principalement remplie par les outils didactiques qui permettent à l’élève de « se débrouiller seul ». La relation à l’élève assumée par le gestionnaire est résolument en rupture avec celle du professeur.
Les seconds, les pédagogues, privilégient les interventions systématiques auprès des élèves. Celles-ci visent moins à transmettre de l’information qu’à construire des situations d’apprentissage permettant l’acquisition de compétences info-documentaires. Le pédagogue se positionne en tant que formateur des processus d’accès à la connaissance ; il se réclame spécialiste de la transversalité.
Le débat entre les uns et les autres, toujours vif, réinterroge le statut et l’appellation du professeur documentaliste et freine ainsi le processus de professionnalisation. Il révèle, pour une part, l’héritage d’une culture professionnelle fondée à l’origine sur le refus de la pédagogie traditionnelle et le rapport frontal au savoir, tel que le mouvement de l’Education nouvelle le percevait. Nous pouvons encore retrouver dans ce clivage l’empreinte laissée par la double nature du document telle que nous l’avons appréhendée dans son épistémologie et dans son étymologie (cf. I. § 1), à savoir l’opposition résiduelle entre une dimension matérielle (le support documentaire, le substrat), qui correspondrait à l’identité de gestionnaire, et une dimension signifiante (l’information contenue, la substance) qui renverrait à l’identité de médiateur et de pédagogue. S’agissant de ces derniers, nous avons déjà analysé la difficulté rencontrée à vouloir entretenir la stratégie de la transversalité. Il faut alors noter que cette enquête, publiée en 1995, a été réalisée en 1991 à une époque où, d’une part, la didactique de l’information-documentation n’était pas encore à l’ordre du jour et où, d’autre part, les nouvelles populations issues du CAPES ne pouvaient pas encore s’exprimer.

La seconde enquête, publiée en 1997, s’appuie sur les critères d’appartenance et d’investissement dans le travail définis par le sociologue Sainsaulieu pour identifier trois groupes distincts de professionnalité (M.-A. Le Gouellec-Decrop, 1997, 1999).
- la professionnalité 1 regroupe des personnels issus des premières générations, les anciens qui manifestent un investissement réduit, ignorent les valeurs du corps et dont le comportement est individualiste. Ce groupe se rattache à l’identité de retrait et ne participe pas au processus de professionnalisation ;
- la professionnalité 2 est portée par les pionniers militants de la première génération. Leur identité, construite dans la lutte et les tractations, se rapproche du modèle négociateur. Ils manifestent, à l’opposé des précédents, des liens catégoriels importants, portent les valeurs du groupe (pédagogie, ouverture, responsabilité de la formation de tous les élèves, documentation, etc.) et affichent une certaine volonté de professionnalisation ;
- la professionnalité 3 est constituée des jeunes documentalistes titulaires du CAPES. Loin d’être l’aboutissement d’une conquête comme pour le groupe précédent, leur statut est de fait un acquis. Ce groupe, dont l’identité est de type promotionnel, rencontre des difficultés d’intégration à celui des aînés et aux valeurs du corps. Mais ils partagent cependant un sens aigu de la responsabilité qui leur incombe dans le domaine de la formation des élèves. C’est ce groupe qui répond le plus explicitement aux critères de la professionnalisation.

Si, selon le chercheur, le premier type regroupe des bibliothécaires centrés sur le fonds et le deuxième des documentalistes penchés sur l’élève, le troisième compte en son sein des professeurs de documentation accordant une priorité aux TICE. Ce dernier groupe concerne la génération montante de la profession (20% des effectifs en 1999) aussi est-il intéressant de connaître leur profil identitaire pour saisir l’évolution probable du processus de professionnalisation des enseignants documentalistes. Partant d’un statut acquis, leur identité est celle de professeur. Comme tels, ils revendiquent une agrégation et un corps spécifique d’inspection.
Sans doute le travail sur la rationalisation des savoirs et leur didactisation en matière de contenus info-documentaires à enseigner sera en grande partie leur œuvre.


Conclusion

La nature épistémologique du document et de la documentation, dans leur rapport au savoir et à la transmission du savoir, avait fait apparaître une bipolarité entre support et contenu (substrat/substance) à partir de laquelle nous avons pu inférer et vérifier une dualité entre les deux logiques de gestion et de pédagogie. Cette dualité semble avoir structuré bon nombre de phénomènes documentaires tels la création d’espaces documentaires, la définition des missions des personnels et jusqu’à l’appellation de ces derniers.
Les apports de la sociologie des professions nous ont ainsi permis de saisir cette bivalence, enrichie de valorisations sociales (bas/haut, résiduel/noble, matériel/subtil) comme facteur décisif dynamisant le processus de professionnalisation du corps des professeurs documentalistes. Pour ces professionnels revendiquant une mission enseignante mais davantage reconnus en tant que gestionnaires d’un centre documentaire, ce processus prend en effet la forme du passage d’une identité de documentaliste à celle de professeur. Comme tel, le processus recouvre une démarche d’affiliation statutaire au corps des professeurs.
Si les identités professionnelles trouvent à se positionner selon ces logiques, il faut cependant tenir compte de paramètres tels que le moment d’entrée en fonction et la voie de recrutement des personnels. En effet, les jeunes générations issues du CAPES, bénéficiaires d’un statut de certifié, semblent bientôt, par leur nombre et la nature de leur revendication (agrégation, corps d’inspection spécifique), être en mesure d’accélérer le processus de professionnalisation qui a été ouvert par leurs aînés militants et dont elles sont redevables d’un mandat et d’un diplôme.
S’agissant de ce processus, nous avons retenu pour l’un des principaux critères permettant de mesurer son avancement vers un meilleur statut professionnel, celui de rationalisation des savoirs. Cette rationalisation exige un travail de verbalisation, d’élucidation et de conceptualisation des pratiques et techniques du métier, ce qui les met à distance de ce dernier et permet que les savoirs en question soient professés, notamment dans la formation initiale. Parmi les savoirs relatifs à l’enseignement, nous avons privilégié, et continuerons à le faire, les seuls savoirs à enseigner aux élèves. Nous pensons que s’ils s’avèrent de fait constituer un vecteur de professionnalisation, alors il est probable que celle-ci devienne l’œuvre de la génération montante des jeunes certifiés, dans la mesure où ces derniers composent un groupe identitaire qui assume le statut de professeur.

Mais cette nouvelle population n’hérite pas seulement d’un statut et d’un projet. Elle est tout autant le dépositaire d’une réflexion et d’un savoir faire en matière de démarche documentaire, d’interactions avec les élèves et de collaborations avec les disciplines. Sur le plan didactique également, des avancées significatives ont été menées s’agissant particulièrement de la définition précise, en termes d’objectifs de formation à atteindre par les élèves, des compétences info-documentaires requises dans les situations de recherche d'information.
Cependant, ces avancées ont aussi leurs revers et des leçons doivent être tirées, au sujet notamment de la méthodologie documentaire, des référentiels de compétences et des formations.
La méthodologie documentaire, pour commencer, s’est avérée être un cadre utile mais privilégiant l’acquisition de compétences instrumentales et procédurales, préparant surtout les élèves à des situations de retrouvage de données dont on sait qu’elles sont contenues dans les documents du CDI. La méthode, présentée comme linéaire et relativement contraignante, prédispose mal à faire prendre conscience du besoin d’information et à considérer tout problème de connaissance comme devant être construit et assimilé à un problème informationnel. Pour ce faire, il faudrait (re)connaître l’intérêt d’une épistémologie de l’information et du document. Ce dernier, par exemple, gagnerait à être étudié en tant que média opaque, i.e. dont les codes et la structure forment entre le lecteur et la donnée informationnelle une épaisse couche de significations à dimension sociale. Les savoir faire documentaires gagneraient ainsi à être éclairés par des savoirs sur le document.
Les référentiels de compétences, quant à eux, sont venus compléter les modèles de recherche documentaire produits dès la fin des années 70. L’approche comportementale qui préside à leur élaboration, en permettant l’atomisation des compétences à observer et à évaluer, a conduit d’une part à leur dispersion dans les programmes disciplinaires et d’autre part à leur confusion avec des (micro)capacités transversales. Ce démantèlement possible de leurs composants a nui à l’idée que la formation devait être perçue par les apprenants dans sa globalité et son homogénéité. D’ailleurs, les essais de mise en progression de ces référentiels n’ont jamais été concluants. L’intégration de ces compétences dans les programmes disciplinaires a également été facilitée par le fait que, telles que les référentiels les présentent, elles ne se composent que de connaissances procédurales et excluent tout ce qui ressortit à des savoirs théoriques (notion de source, de document, de requête, etc.), lesquels leur donnent non seulement sens mais en feraient des compétences spécifiques du champ documentaire. Réduits à de simples comportements sans connaissance de cause, ces compétences sont aujourd’hui proposées pour validation par tous les professeurs de disciplines, ce qui contribue très sensiblement à entraver le processus de professionnalisation du corps. Pour réhabiliter ces compétences, il faudrait alors les corréler explicitement à des savoirs théoriques, issus d’un processus de transposition didactique.
Enfin, les formations documentaires, souhaitées par la profession et préconisées par la circulaire datée de 1986, n’ont pas davantage apporté les résultats escomptés. Que ce soit au lycée s’agissant des élèves provenant du collège, ou bien de l’université s’agissant des contingents sortant des lycées, le constat est le même de ces élèves qui n’ont pas acquis les comportements documentaires basiques, sans bien sûr parler des connaissances théoriques… La Documentation, située comme matière auxiliaire et transversale aux disciplines, est restée sur le mode d’une simple éventualité, un accessoire à la panoplie pédagogique du professeur de discipline, seul juge de l’opportunité d’un travail ou d’une formation documentaire. Il s’ensuit une formation aléatoire, productrice d’inégalités entre les élèves et interdisant des progressions rationnelles. A cet état de fait est opposée l’idée d’un curriculum reprenant dans leur globalité tous les constituants d’une formation raisonnée et prenant en compte l’intérêt de tous les élèves.
Ces formations documentaires, dans la mesure où elles écartent tout contenu notionnel de leurs objectifs, ne peuvent que contribuer au discrédit de l’action didactique de l’enseignant documentaliste. Là encore, la rationalisation des savoirs à enseigner établirait une parité de fait avec les enseignants de discipline, sur le plan des contenus. Les collaborations se noueraient alors à partir de la construction collective de situations didactiques articulant des problématiques disciplinaires à des problématiques documentaires, instituant les concepts à construire comme outils de résolution de celles-ci.

Deux directions convergentes ont ainsi été parcourues, l’une explorant les voies pédagogiques tentées pour former les élèves à l’Information-documentation, l’autre suivant le lent cheminement de la professionnalisation des enseignants documentalistes. Elles semblent ainsi se rejoindre sur ce constat que la piste des contenus théoriques en Information-documentation n’a pas encore été explorée, et sur cette hypothèse que leur rationalisation et leur didactisation renforceraient mutuellement les élèves dans une formation raisonnée et les professeurs documentalistes dans leur recherche d’une plus grande professionnalisation.
Toutefois, ce projet n’en est qu’à ses prémices, et la question de savoir comment constituer ces savoirs théoriques en amène aussitôt deux autres :
- quels sont les savoirs théoriques appartenant au champ de l’Information-
documentation ?
- avec quels outils travailler leur didactisation ?






Partie 2 


Délimitation d’un champ de savoirs à enseigner
en Information-documentation









« Tout projet social d’enseignement et d’apprentissage
se constitue didactiquement avec l’identification et la
désignation de contenus de savoirs comme contenus
à enseigner. »

Y. Chevallard
La transposition didactique, 1985

Introduction 

Si la rationalisation des contenus d’enseignement peut constituer à la fois le gage d’une meilleure formation des élèves à la maîtrise de l’objet documentaire et l’un des vecteurs de la professionnalisation des enseignants documentalistes chargés de cette formation, alors ce travail d’élucidation mérite d’être mis en chantier.
Il correspond au processus de transposition didactique dont Y. Chevallard (1985), à la suite du sociologue M. Verret (1975), a consacré une étude analytique et critique. Si ce processus décrit le transfert d’objets du savoir du champ des disciplines scientifiques au champ du système didactique (l’élève, le maître et le savoir), il montre en même temps la distance qui sépare l’un et l’autre et les effets que cette distance produit sur les objets transférés. Ainsi, avant même de devenir des objets réellement enseignés, les objets didactiques se construisent, selon M. Verret, par substitution aux objets théoriques dont ils procèdent, ces derniers ne tenant plus, dès lors qu’un rôle d’artefact.
Outre ces questions de conversion et de reconstruction des savoirs scolaires, le processus de transposition didactique pose ainsi celle, tout autant essentielle, de la référence de ces savoirs. En effet, pour nombre d’épistémologies disciplinaires, et pour l’Information-documentation en particulier, il importe d’interroger, en opposition à l’idée d’une mono-référentialité, la variété de la référence, au travers non seulement des rapports de l’école à l’université, mais encore des rapports de celle-ci à son environnement social, culturel ou économique (J.-L. Martinand, 1986 ; A. Terrisse, 2001). Attachée à cette question revient celle de la bivalence des relations entre le(s) savoir(s) de référence et le savoir à enseigner, les échanges pouvant se produire dans un sens descendant, des premiers au second, ou bien dans un sens inverse.
Quoi qu’il en soit, cette transposition fait subir au savoir une sorte d’apprêt didactique, qui a pour finalité sa mise en texte (Y. Chevallard, 1985). Au nombre des contraintes inhérentes à cette textualisation, telles la décontextualisation, la dépersonnalisation et la programmation du savoir, M. Verret note ce qu’il appelle la publicité du savoir, i.e. « la définition explicite, en compréhension et en extension, du savoir à transmettre ». Il s’agit là, pour le système scolaire, de veiller à une transmissibilité anonyme et publique permettant ultérieurement le contrôle social des apprentissages. C’est l’amont de ce moment du mouvement transpositionnel qui nous retiendra ici, celui où se détermine, se structure et se définit la matière à enseigner, avant son éventuelle publicité. Il servira en effet de cadre à une réflexion centrée sur la rationalisation des savoirs.
Le processus d’objectivation que nous voudrions analyser, s’agissant du champ info-documentaire, appelle cependant à formuler deux préalables : celui de la définition des savoirs à enseigner, et celui de leur désignation en tant que savoirs à enseigner.
Les savoirs à enseigner, pour Y. Chevallard, se situent à mi-chemin entre les objets du savoir de référence et les savoirs réellement enseignés. On peut en trouver l’expression explicite dans les programmes scolaires dont se sert l’enseignant pour produire ces derniers.
C’est le fait de désigner des objets de savoir, par extraction de la sphère a-scolaire et par insertion dans le système d’enseignement, qui est à l’origine de la création des savoirs à enseigner. Ce passage du pré-construit du savoir vers un construit didactique dont ce savoir serait la référence se situe en amont de l’existence des objets à enseigner. En aval, la didactisation mise en œuvre par l’action de l’enseignant produit à son tour des objets d’enseignement, dont les objets à enseigner constituent la référence. Ainsi les derniers se découpent-ils réellement ou fantasmatiquement dans les seconds, lesquels cherchent à se découper eux-mêmes, et de la même façon, dans les premiers. Ces trois états du savoir résonnent entre eux sous le régime de la référence. Toutefois, posséder une liste de savoirs désignés comme devant - ou pouvant - être enseignés ne saurait suffire à la profession pour croire qu’elle possède des savoirs de référence ou penser qu’ils peuvent être directement enseignés. L’analyse produite dans cette étude ne concerne ainsi que l’un de ces trois états, un entre-deux du mouvement didactique.
Le processus de désignation, on le voit bien, se présente comme l’acte d’une saisie réflexive sur des objets de savoir à découper dans des champs choisis pour servir de référence. Ce processus réclame en outre un acteur et une écriture. Lorsqu’une matière cherche à se construire, et qu’il n’y a encore aucun savoir désigné comme tel pour être enseigné, tout savoir désigné ne peut être en fait qu’un savoir proposé à l’acte de désignation. Dans l’attente de la décision de l’administrateur, les acteurs peuvent ainsi patienter en écrivant le texte de ce savoir à l’intérieur de marges qui restent encore à délimiter. Il s’agira en l’occurrence d’une identification minutieuse de l’alphabet notionnel composant la matière proposée à être enseignée d’une part, et d’autre part de la mise en architecture de l’ensemble ainsi constitué. C’est précisément à ce stade que nous rencontrons aujourd’hui les acteurs d’une didactique documentaire.

Référence, structuration, identification des contenus représentent quelques uns des principaux objets d’étude de la didactique des disciplines. C’est donc par la présentation de cette discipline nouvelle que nous commencerons, en insistant notamment sur sa dimension épistémologique, puisque nous voulons en faire le cadre de notre réflexion. Nous déterminerons les principales questions qui ouvrent notre champ d’étude, questions centrées sur l’identification et la structuration des objets de savoirs en Information-documentation. De même, nous nous saisirons là de quelques outils qui nous aideront à pousser plus avant notre investigation.
Cela fait, nous projetterons ce cadre sur ce champ aux limites incertaines que constitue la Documentation afin d’y dresser l’état des lieux de la réflexion didactique. Cette réflexion, ainsi que nous nous en apercevrons, n’en est encore qu’aux prémices. Nous l’aborderons d’un point de vue chronologique. Nous y suivrons le cheminement de l’intérêt manifesté pour la constitution d’une didactique, sous les espèces de la recherche d’une référence, de la formalisation curriculaire et de la délimitation d’un corpus de notions.
C’est à partir de ces premiers balbutiements que nous trouverons la matière première sur laquelle porter notre questionnement. Des listes de notions proposées pour être enseignées ont ainsi été produites depuis 1994. Nous en tirerons un corpus à partir duquel nous pourrons extraire les occurrences de termes désignant les notions proposées. Notre examen portera d’abord sur les listes, puis sur les notions elles-mêmes. Il s’agira en premier lieu de vérifier si, au regard de ces données exprimées par les premiers acteurs de la didactique documentaire, nos questions initiales restent pertinentes. En second lieu, nous devrions avoir dégagé, par tris successifs, une base de notions significatives au regard des critères que nous proposerons. Cette base, enfin, pourra servir de matière à la manipulation d’outils conceptuels de la didactique, afin d’en retirer des informations susceptibles de préparer ultérieurement le processus de publicité du savoir. Ce sera l’objet de la troisième partie de cette étude.
1. Un cadre de réflexion : la didactique 

11. La didactique : définition, histoire, épistémologie, tâches et outils conceptuels

111. Définition

Nouvelle discipline instituée, la didactique est enseignée à l’Université depuis le milieu des années 70. Comme le suggère l’étymologie de son appellation, elle se rattache fortement au champ des Sciences de l’éducation : didactique est un emprunt tardif (1554) au grec didaktikos « propre à instruire, relatif à l’enseignement », adjectif verbal de didaskein « enseigner, faire savoir » (A. Rey, 1995). Dans sa forme usuelle, ce sens est toujours d’actualité (Le nouveau Littré, 2004).
La didactique s’intéresse en effet aux processus d’élaboration, de transmission et d’appropriation des savoirs tels qu’ils se présentent dans des situations didactiques scolaires ou non. Elle est constituée par « l’ensemble des procédés, méthodes et techniques qui ont pour but l’enseignement de connaissances déterminées » (P. Meirieu, 2005). Lorsqu’elle n’est pas prise au sens d’activité d’enseignement, la didactique se présente également comme une démarche particulière d’analyse portant sur l’enseignement d’une part, et marquant d’autre part un effort de rationalisation de ses processus (J.-P.Bronckart et J.-L. Chiss, 2005). Les trois axes enseigner, former, apprendre, produits de l’interaction des trois pôles Savoir- Maître-Elève structurant le triangle didactique (ou système didactique), fournissent un cadre théorique à l’expression de ces processus, lesquels sont les principaux objets d’étude de la didactique.
Cependant, cette approche à prétention globalisante est souvent ramenée au seul champ de la structuration, de l’organisation et de la gestion des contenus (M. Altet, 1994). Les contenus des disciplines sont en effet particulièrement étudiés dans leur rapport aux savoirs savants, à partir notamment de l’étude des transpositions qu’ils subissent en amont du cours, avant de devenir ces objets scolaires « morts, réifiés, sans histoire », et qui font d’eux des savoirs construits (S. Joshua, 1996).
En fait, si la didactique s’intéresse à l’ensemble du champ défini par la situation didactique, elle le fait du point de vue privilégié des contenus, ce qui lui permet ainsi de prendre en compte ce qui relève de l’élaboration et de la teneur des programmes, des mécanismes d’apprentissage des élèves ou de la nature des relations instaurées entre le maître et l’élève (J.-L. Martinand, 1996 ; S. Joshua, 1996 ; P. Champy et C. Etévé, 2002, J.-P.Bronckart et J.-L. Chiss, 2005). Pour Y. Chevallard (1994) « le retour au savoir [est] coextensif à l’entreprise didacticienne dans son ensemble ». Ce faisant, la didactique n’ouvre pas tant un nouveau champ d’objets à étudier qu’un nouveau champ de connaissances sur ces objets, à partir d’une « nouvelle façon de lire et d’interpréter la dynamique des échanges d’une situation d’enseignement » (J.-P. Astolfi, 1990-a). C’est à ce titre que la didactique est considérée comme étant le noyau cognitif des recherches sur l’enseignement (L. Cornu et A. Vergnioux, 1992).

112. Histoire de la discipline

On peut faire commencer le processus d’affirmation de la didactique, en tant que domaine de recherche spécifique, à la parution de l’ouvrage de Hans Aebli, Didactique psychologique, 1951. Pourtant, le terme et l’idée de didactique, dans un contexte apparenté, sont apparus au XVIIème siècle avec Comenius dans sa Didactica magna (1632). En même temps qu’il y présente des propositions réformatrices modernes en réaction à la tradition scolastique de l’époque, cet humaniste tchèque fait montre d’un effort de rationalisation des connaissances et de leur transmission dont les effets seraient profitables à tous. L’enseignement y est détaillé comme une technique universelle dont le souci principal est l’efficacité.
J.-P.Bronckart et J.-L. Chiss (2005) font de cette pierre de seuil l’étape inaugurale d’une série de trois périodes successives dans l’histoire des démarches didactiques et correspondant à des formes particulières. A cette première vision d’une discipline d’inspiration philosophique et politique, vision qui irriguera le mouvement réformateur de l’Education nouvelle en opposition à l’école traditionnelle, suit ainsi celle d’une démarche didactique générale s’élaborant en même temps que se constituaient les Sciences de l’éducation. S’inspirant comme celles-ci de la psychologie naissante, apparaissent deux courants : d’un côté une didactique générale influencée par le béhaviorisme, visant à produire des objectifs pédagogiques et à organiser des programmes et des progressions, mais tenant peu compte des capacités réelles des élèves, et de l’autre, un courant psychopédagogique inspiré des travaux de Wallon et de Piaget, et comme tel cherchant au contraire à tenir compte des stratégies et du développement cognitif des apprenants. Cette double naissance porte ainsi en germe quelques unes des orientations principales de la didactique actuelle, l’une attirée notamment par l’étude et la rationalisation des contenus des programmes, l’autre par l’étude des conditions d’appropriation des savoirs. L’influence originelle de la psychologie génétique de Piaget, et particulièrement l’importance accordée aux analyses de type épistémologique et aux observations de type psychologique, a de fait déterminé deux des principales dimensions de la didactique.
La troisième période s’ouvre dans un contexte de multiplication et de mutation des connaissances et des techniques de l’après guerre. L’une des conséquences de cette transformation de tous les champs de la société aura été pour l’école la transformation de ses structures, dans un souci d’élévation du niveau de formation et d’adaptation des programmes. Se sont alors constituées des didactiques des disciplines singulières, avec leurs problématiques et leurs concepts propres.
C’est ainsi que J.-P. Astolfi et M. Develay (1989), situent dans la publication d’un premier ouvrage en didactique des sciences expérimentales, L’élève et/ou les connaissances scientifiques (A. Giordan et al., 1983), l’affirmation somme toute récente de la place de la didactique en tant que discipline intégrant deux types de réflexion, de nature épistémologique et psychologique. Les auteurs écrivent ainsi, en conclusion de l’avant-propos : « d’où sans doute, l’originalité de cette recherche, non exhaustive bien sûr, mais qui tend à mettre en relation, sur un même domaine scientifique, l’approche épistémologique, l’analyse de processus d’apprentissage et les conditions d’appropriation de celui-ci » (Ibid.).

113. Epistémologie

L’histoire de la didactique montre ainsi qu’elle est une discipline multiréférentielle, empruntant à des disciplines extérieures à son champ. Cela se vérifie d’autant plus si, comme le précisent M. Develay (1992), J.-P.Bronckart et J.-L. Chiss (2005), l’analyse des systèmes didactiques doit prendre en compte les contextes politique, culturel et sociologique, et donc s’appuyer sur les domaines de recherche correspondants. Cette image de carrefour est commune chez les didacticiens évoquant leur discipline.
Cependant, la didactique ne saurait être réductible à l’un des champs de recherche dans lesquels elle puise des outils et certains concepts. Cela pose ainsi la question de son statut épistémologique.
La didactique est, pour M. Devalay (1992), un science de la connaissance, au statut de discipline outil puisqu’elle offre aux Sciences de l’éducation une problématique axée sur le rapport au savoir. Se proposant, par l’analyse théorique, de concevoir des outils pédagogiques opérationnels, applicables sur le terrain et en articulation avec celui-ci, elle peut être encore considérée comme une science appliquée, une « science action » (L. Cornu et A. Vergnioux, 1992) en recherche d’efficacité et comme telle susceptible de transformer les pratiques scolaires. Elle nous apparaît donc comme une démarche mixte, à la fois théorique et pratique, une techno-science (J.-P.Bronckart et J.-L. Chiss, 2005). Par ailleurs, se pose le problème du lieu de rattachement à l’une des disciplines de référence s’intéressant aux trois axes des situations didactiques que sont enseigner, former, apprendre : dès lors, la didactique doit-elle plutôt s’ancrer dans la discipline particulière dont elle étudie l’épistémologie, ou bien doit-elle dépendre de la pédagogie, ou bien encore doit-elle constituer une sous-discipline de la psychologie cognitive ?
Si le rôle de la didactique s’est affirmé, depuis maintenant une vingtaine d’années, sa structure et son étendue semblent cependant encore en cours de constitution. En témoignent les problèmes non totalement résolus de délimitation de son domaine d’application avec celui de la pédagogie d’une part, et avec la possible émergence, à partir des didactiques, du didactique d’autre part.
S’agissant de sa distinction avec la pédagogie, nous suivrons M. Altet (1994) pour penser que si la gestion de l’information, la structuration du savoir par l’enseignement et leur appropriation par l’élève relèvent de la didactique, alors « le champ du traitement et de la transformation de l’information en savoir par la pratique relationnelle et l’action de l’enseignant » appartiennent au domaine de la pédagogie. Les deux fonctions didactique (gestion de contenus) et pédagogique (gestion des événements en classe) sont d’ailleurs remplies de manière complémentaire par l’enseignant, la première se produisant en amont du cours, dans un temps fictif, et la seconde dans le temps réel du cours, lors des interactions suscitées par la situation d’enseignement-apprentissage.
La question de l’émergence possible d’une didactique générale se heurte quant à elle à l’idée selon laquelle tout concept œuvrant à l’intérieur d’un domaine particulier ne peut être opératoire qu’à l’intérieur de ce domaine. Cependant la migration des concepts issus des didactiques disciplinaires est bien réelle et reste assez féconde, accréditant l’idée de pouvoir définir un cadre conceptuel commun à différentes disciplines.

114. Objets, tâches et outils conceptuels

A l’intérieur de chaque discipline, apparaît en effet de manière analogue un triple champ d’investigation corrélant les axes déjà mentionnés du triangle didactique. Pour chacun de ces champs, il est possible d’identifier quelle orientation disciplinaire se dessine, quelle tâche se présente au didacticien et quels sont les outils conceptuels susceptibles d’être réinvestis dans des disciplines différentes.
A l’axe reliant les pôles Elève-Savoir correspond ainsi une entrée par la psychologie cognitive dans une logique d’appropriation des savoirs. Sont examinées l’acquisition des contenus en classe par l’apprenant, la manière dont les élèves les utilisent et se les approprient, la façon dont ils se les représentent (M. Altet, 1994). Les concepts de représentation (ou conception), d’objectifs-obstacles et d’opération mentale sont issus de ces recherches.
L’axe reliant les pôles Maître-Elève nécessite, dans une logique des relations, l’approche d’une ingénierie pédagogique, distincte de la pédagogie en ce sens qu’elle réfère un ensemble de techniques permettant l’enseignement (communication, technologies auxiliaires) (M. Develay, 1992), ou encore une attention portée à la situation de formation, à ses contraintes et à ses règles (P. Meirieu, 2005). Cette recherche a notamment produit le concept de contrat didactique.
Enfin, pour interroger l’axe Enseigner, reliant les pôles Savoir et Maître, sera convoquée l’épistémologie de la discipline considérée. Dans une logique de savoir, elle interroge l’origine, la structure et les méthodes d’élaboration du savoir à enseigner. Les concepts utilisés sont la transposition didactique, les réseaux conceptuels et les niveaux de formulation.

C’est cette dernière entrée que nous choisirons pour vérifier si une didactisation de la matière de l’Information-documentation est envisageable, au travers d’une exploration préparatoire mobilisant des opérations d’identification, de référencement, de structuration et de transposition à propos de ses contenus discursifs.


12. La dimension épistémologique de la didactique comme cadre théorique pour servir à la délimitation d’un champ de savoirs à enseigner en Information-documentation

Dans l’ambitieux projet collectif consistant à élaborer une matière d’enseignement de l’Information-documentation, l’approche épistémologique, d’un point de vue didactique, nous a paru constituer une priorité, et ce pour une raison bien simple : en l’absence de contenus conceptuels, i.e. de grain à moudre, les autres approches, psychologique et « pédagogique » (ou relevant d’une ingénierie pédagogique) risqueraient fort de tourner à vide. Comment s’interroger sur les conditions d’appropriation de ces contenus, ou sur la mise en œuvre des conditions de leur transmission dans des situations didactiques tant que ceux-ci ne sont pas déterminés, analysés et organisés ? La première démarche consiste donc à faire émerger ces contenus de l’actuel brouillard qui enveloppe et dissimule la part déclarative des objets de connaissance de l’Information-documentation. Cette première opération, dans la mesure où elle concerne l’origine et l’élaboration d’un savoir (à enseigner) en vue de le structurer, concerne donc spécifiquement la dimension épistémologique de la didactique.
Le didacticien, selon J.-L. Martinand (1996), exerce une responsabilité vis-à-vis de sa discipline et des contenus de celle-ci, engageant sa vigilance sur leur authenticité, son implication dans leur création continuée ainsi que sa compétence pour en garantir la pertinence. Parmi ces quelques principes déontologiques exprimant le rôle de l’action épistémologique du point de vue du maintien d’une cohérence entre le projet social d’éducation et le projet didactique, nous retiendrons particulièrement celui concernant la création continuée. Il montre combien les savoirs scolaires ont besoin d’être renouvelés, recréés, pour demeurer en adéquation avec la dynamique des sciences d’une part, et avec les attentes de la société d’autre part. On pourra également penser, avec Y. Chevallard (1985), qu’il s’agit avant toute chose de rompre l’autarcie du savoir enseigné tout en le maintenant à bonne distance entre les savoirs savants et des savoirs banalisés. Mais cette création, avant que de devenir création continuée, doit trouver à s’originer à l’intérieur d’un champ qui reste à délimiter et à semer.
Ce sera là notre première préoccupation, afin notamment de pouvoir disposer de suffisamment de matière pour faire fonctionner quelques outils épistémologiques qui seront convoqués dans cette intention.

13. Problématisation : la question de la mise en forme scolaire

L’approche épistémologique des savoirs à enseigner consiste donc à prendre ceux-ci comme objets d’étude, et à les soumettre à un certain nombre de questions. Nous retiendrons en un premier temps celles qu’a proposées l’équipe interdisciplinaire réunie par Louis Legrand dans le cadre des activités de la section Sciences et Environnement de l’INRP et dont les travaux ont été réunis sous la direction de André Giordan (1983).
Ces auteurs, dans leur avant-propos, présentent en effet « une approche reposant sur un corpus d’hypothèses pédagogiques, étayées par des approches épistémologiques et institutionnelles du savoir ». Insistant sur l’importance d’une analyse du contenu conceptuel dans le but d’aider les professeurs de sciences à ne pas se satisfaire de représentations issues d’une imagerie, ils préconisent de développer une approche épistémologique sur les concepts concernés à partir du questionnement suivant :

1- Historiquement, comment ces concepts se sont-ils constitués ?
2- Comment évoluent-ils dans le cadre des recherches actuelles ?
3- Comment est-on passé d’une formulation à une autre, en fonction de quels types de
problèmes à résoudre, de quelles modifications de paradigmes, ou d’intérêts
idéologiques ?
4- Dans quelles structures ou champs prennent-ils leur signification ?
5- Existe-t-il une hiérarchisation des concepts dans le cadre d’une discipline ?
6- Sont-ils des instruments de recherche ou des produits terminaux ?

Le champ d’investigation ouvert par ces quelques questions est vaste puisqu’il consiste à se saisir du concept dans ses réalités multidimensionnelle et fonctionnelle en le reliant d’une part à son histoire (1, 3), à une (ou des) référence(s) scientifique(s) (2, 3), au sujet cognitif (6) et même aux autres concepts appartenant au même champ (5), et d’autre part, en éprouvant son potentiel opératoire (4) et sa plasticité (3). Transparaissent alors, au travers de ce questionnement, quelques unes des lignes directrices qui sous-tendent le projet didactique d’élaboration des savoirs scolaires : l’humanisation, la relativité et l’ « instrumentalisation » des concepts. On peut en effet inférer des premières questions le dessein de recontextualiser, voire de (re)personnaliser le concept, en retissant autour de lui toute une culture scientifique faite d’histoire et d’évolutions sociale et politique. Il s’agit d’un processus d’humanisation des concepts, et au-delà, des sciences, au motif que ceux-ci sont avant toute chose des œuvres issues d’un projet humain. Le souci de relativiser la portée du concept scientifique, ensuite, se révèle dans les notions d’évolution et de transformation d’une part, de champ d’application et de hiérarchisation d’autre part. Tout savoir n’est pas une vérité en soi, mais doit être appréhendé comme une construction continuée, dépendant d’un contexte donné pour éprouver sa validité. Enfin, apparaît la préoccupation qui consiste à faire d’un concept un instrument au service de la résolution de problèmes et de projets : le savoir est à la fois l’horizon et le chemin pour y parvenir.

Les perspectives tracées par ce questionnement d’inspiration épistémologique sont toutes de nature à délimiter, à structurer et à intégrer le champ d’une matière d’enseignement dans une écologie des connaissances. Nous ne conserverons de celles-ci cependant, dans le cadre restreint de cette étude, que les trois dernières, pour la raison qu’elles pourraient permettre une structuration des contenus ainsi qu’une définition du statut des concepts retenus. Nous les ferons nôtres en les reprenant sous la forme suivante :


- Qu’est-ce qu’un concept ? Comment distinguer un concept d’une notion ?
- Y aurait-il un parti à tirer de cette distinction pour mieux comprendre les savoirs ?
- Quels seraient les concepts organisateurs de l’Information-documentation ?
- Comment regrouper certains concepts dans des champs de signification qui soient
opératoires pour le maître et pour l’élève ?


Afin de compléter ce questionnement, nous nous intéresserons aux propositions de J.-P. Astolfi et de M. Develay telles qu’elles sont livrées dans le chapitre dédié aux réflexions épistémologiques de La didactique des sciences (1989). Pour ces auteurs, qui faisaient partie du groupe de chercheurs animé par A. Giordan six ans plus tôt, la réflexion pédagogique, en proposant « un examen de la structure du savoir enseigné », permet de :

1- repérer les principaux concepts qui fonctionnent dans la discipline ;
2- analyser leurs relations ;
3- identifier les rectifications respectives de sens qui se sont produites dans
l’histoire de ces concepts, et les obstacles qui ont été levés dans leur
construction ;
4- rendre compte des modalités de leur introduction dans l’enseignement ;
5- examiner le fonctionnement social de ces concepts ;
6- étudier les notions de trame conceptuelle, de niveaux de formulation, de
transposition didactique, de pratiques sociales de référence.

Certaines idées s’inscrivent dans le prolongement du faisceau de questions précédentes, telles le recours à l’enquête historique pour comprendre l’évolution des formes des concepts dans leur enchaînement logique (3), ou leur inscription dans le champ social (5), ou encore l’invitation à considérer la nature des relations que ces concepts entretiennent (1, 2).
On relèvera par contre la marque prononcée de l’influence de Gaston Bachelard (3), avec la reprise de concepts tels que ceux d’obstacle épistémologique et de rectification continuée, ou bien dans la reprise de cette idée de relativité d’un savoir pris dans le mouvement de la pensée humaine et qui fait écrire à M. Fabre (1992) qu’ « une notion n’est pas le substitut d’une chose, [mais] un moment de l’évolution d’une pensée ».
Enfin, apparaissent des outils conceptuels de la didactique, livrés ici avec l’énoncé de la tâche à accomplir. Ils peuvent être soit donnés explicitement, tels ceux de trame conceptuelle, de niveaux de formulation, de transposition didactique ou de pratiques sociales de référence, soit figurer de manière implicite, tels ceux de concept intégrateur (1), de réseaux conceptuels (2) ou de transposition didactique (4). Une énumération aussi précise témoigne sans doute, comme le prétendent les auteurs dans cet ouvrage, de l’affirmation de la didactique comme discipline particulière, équipée de concepts qui lui sont propres. Rappelons que l’ouvrage date de 1989.

Quoi qu’il en soit, nous retirerons de ces dernières propositions deux nouvelles questions ainsi que l’assurance de pouvoir disposer d’outils spécifiques à la didactique des disciplines pour envisager des réponses à des questions qui ont déjà émergé du questionnement précédent. Les questions nouvelles que nous retiendrons sont celles-ci :


- A quelles sources puiser les savoirs de référence de l’Information-documentation ?
- Comment aménager des points d’entrée à ces concepts pour les élèves ?


Quant aux outils conceptuels, nous nous saisirons plus particulièrement de ceux de :


- concept, pour vérifier le statut épistémologique des contenus info-documentaires,
faciliter leur sélection et apprendre à les manipuler ;
- transposition didactique, pour répondre à la question de la référence des concepts
info-documentaires ;
- concept intégrateur, en lien avec l’idée d’une possible structuration verticale des
concepts ;
- réseau conceptuel, pour questionner la pertinence de leur structuration horizontale ;
- niveau de formulation, pour tester la capacité de ces concepts à fournir des accès au
processus d’appropriation progressive des élèves.


Ainsi le questionnement proposé prendra trois directions distinctes et complémentaires :

1. la question de la référence, pour ce qu’elle nous conduit à l’origine des savoirs à enseigner et nous donne à délimiter leur champ ;
2. la question de l’identification des concepts, pour ce qu’elle nous révèle de leur nature épistémologique et nous apprend à les définir ;
3. la question de la structuration, pour ce qu’elle nous invite à voir de l’organisation interne des concepts et des relations qu’ils tissent entre eux de façon à faire de cette matière l’un des textes possibles du savoir.


En somme, et si tant est qu’une telle chose soit concevable et puisse être risquée, il s’agira de décrire ce qui n’existe pas encore. Et d’œuvrer comme si la forme qu’imprimait l’outil à la matière pouvait avoir quelque chose à voir avec une production de sens. Il faudrait alors jouer de cette idée selon laquelle la forme pré-existe dans la matière et qu’un sens peut jaillir de la seule émergence de celle-ci.
L’entreprise consistera donc à identifier, définir, référer et structurer la matière info-documentaire afin de la rendre sensible et de prouver son existence. Nous ferons nôtre cette hypothèse selon laquelle le façonnage par les outils didactiques, outils animés par un projet épistémologique, pourrait produire, à partir de cette matière informe et implicite qu’est aujourd’hui la Documentation, une matière d’enseignement, i.e. participant de la forme scolaire et de l’explicitement transmissible.
La mise en forme d’une donnée dans l’intention de produire du sens, n’est-ce pas cela qui crée justement de l’information ?
Avertissement

Tout au long de cette présentation du travail, nous avons conscience de nous être adossé à une représentation monolithique de la didactique, alors que nous avons précédemment signalé le débat existant entre les didactiques des disciplines et le didactique, expression de l’essence d’une possible didactique générale. Nous avons agi en cela pour plusieurs raisons. La première incline tout simplement vers la commodité, tandis que la deuxième se réfugie avec une égale facilité derrière l’exemple qu’ont donné les auteurs cités à l’appui de ce questionnement. Dans les deux cas en effet, l’emploi du terme didactique, en tant que substantif féminin, fait référence à un usage consensuel présenté comme le produit, chez A. Giordan (1983), de la pensée d’une équipe pluridisciplinaire et, chez J.-P. Astolfi et M. Develay (1989), de l’idée d’un pôle disciplinaire commun (les disciplines scientifiques) tel que peut l’exprimer le titre de l’ouvrage. La troisième raison, que nous espérons plus solide, se réfère à un consensus plus vaste encore, qui s’est fait autour de l’idée que quelques concepts issus des travaux d’une discipline particulière avaient, en migrant, soit résisté soit évolué vers une forme plus stable tout en demeurant opérationnels. C’est précisément le cas des concepts proposés par J.-P. Astolfi et M. Develay.
L’Information-documentation, en qualité de domaine affilié aux Sciences de l’information et de la documentation, a par conséquent prétention à être abordée en qualité de science. Nous postulons ainsi que les concepts didactiques des sciences peuvent lui être également administrés, et ce, indépendamment du statut épistémologique des ces sciences. Il sera nécessaire, dans une phase ultérieure de la recherche, de vérifier si, en effet, le traitement appliqué aux sciences dites formelles ou empirico-formelles peut l’être également aux sciences de type herméneutique, selon la typologie rappelée par M. Develay (1996).
Rappelons cependant que le but de cette étude n’est pas de prouver la prétention de l’Information-documentation a s’honorer de la qualité de science, mais bien de procéder à l’analyse épistémologique d’une matière d’enseignement à partir de ses contenus conceptuels.

Par ailleurs, s’agissant du point de vue adopté tout au long de cette démarche, nous voudrions nous situer au regard des trois types que distingue J.-L. Martinand (1996) au sujet des divergences d’orientation des didacticiens. Celui-ci reconnaît une orientation normative, incarnée par les inspecteurs, une orientation praticienne et une orientation critique et prospective qui est celle des chercheurs et des innovateurs. C’est dans cette dernière voie que nous situons notre élan, dans la mesure où cette réflexion est non seulement pionnière, mais qu’elle cherche à ouvrir un champ de réflexion jusque là résolument refusé par une large partie du corps des enseignants documentalistes, pour la raison que la culture professionnelle s’opposerait à toute représentation d’enseignant professant un savoir scolaire.

A ce propos justement, il faut rappeler la division actuelle du corps en groupes professionnels (gestion et pédagogique) dont l’un est toutefois particulièrement sensible à l’entreprise didactique (cf. I. § 34). Celle-ci est alors considérée comme voie de progrès pour la formation des élèves et comme voie de professionnalisation pour le corps. Mais comment cette entreprise didactique est-elle née et comment évolue-t-elle ? Le groupe des pédagogues est-il cantonné dans une attitude d’écoute passive, ou bien a-t-il déjà produit une réflexion susceptible d’infléchir la recherche ? Dans ce cas, quelles sont les références sur lesquelles il s’appuie et quel(s) but(s) vise-t-il ? Quelle est, à l’heure actuelle, la mesure de son engagement ?
Il est temps de procéder à un état des lieux de la question didactique du point de vue de la profession aujourd’hui.


2. Etat des lieux de la didactique de l’Information-documentation

21. Premiers pas, premières orientations 

A la fin des années 80, la réflexion pédagogique professionnelle, centrée jusque là sur la méthodologie de la recherche, amorce une réflexion en profondeur sur la médiation documentaire au service des contenus disciplinaires à partir du postulat de la transversalité des compétences info-documentaires. Mais dès l’instauration du CAPES en 1989, une autre voie est ouverte qui tente, d’une part, de se dégager de l’approche comportementaliste, et d’autre part, de revendiquer une autonomie pédagogique - voire disciplinaire - en la fondant sur des savoirs de référence spécifiques, empruntés à la Science de l’information et dont la finalité serait l’accès à la culture informationnelle. C’est lors du 3ème congrès de la FADBEN, tenu à Marseille en octobre 1993, que seront posées les bases de ce qui se présente alors comme le départ d’une croisade, tant la notion de didactique de l’information paraît alors « iconoclaste ». Françoise Chapron (1994) et Daniel Warzager (1994) y apportent les bases et les perspectives de la réflexion à venir, au travers d’une présentation de quelques concepts didactiques, dont le triangle pédagogique de Jean Houssaye, d’une proposition de « contenus disciplinaires spécifiques à la documentation » et d’une bibliographie de référence où sont convoquées les figures de la didactique des sciences, telles Michel Develay, Jean-Pierre Astolfi et Gérard de Vecchi, ou encore celle de Britt-Mari Barth connue pour ses travaux sur l’apprentissage de l’abstraction. La même année, mais cette fois-ci du point de vue du concept de médiation documentaire et de la place de l’enseignant documentaliste dans le triangle didactique, Séraphin Alava (1993) défend lui aussi l’idée d’une « didactique de la médiation qui conduit à un savoir construit au travers d’un média et favorise la construction d’un savoir sur ce média ».
Trois ans plus tard, Annette Béguin (1996) pose, dans un article synthétique, la question d’une Didactique ou pédagogie documentaire ? Réalisant, au travers des résistances à l’intérieur de la profession et des lourdeurs de l’institution, l’utopie d’un tel projet, elle n’en considère pas moins la documentation comme un « métasavoir » dont l’objet est le document et dont le substrat est fourni par la Science de l’information. Elle résout enfin - provisoirement - la question lancinante de la transversalité en montrant comment, lors d’activités documentaires, l’élève est amené à « formaliser peu à peu un savoir documentaire qui traverse toutes les disciplines mais qui a, lui aussi, sa spécificité ».
L’année suivante, paraît un article de référence en la matière, signé de Jean-Louis Charbonnier (1997), Les « apprentissages documentaires et la didactisation des Sciences de l’information ». Sur un ton ferme et un mode résolument propositionnel, l’auteur compte sur l’enseignement des notions documentaires pour faire restituer à l’apprenant le sens de son apprentissage, lequel est « un processus partant de l’activité des élèves qui doit les conduire à une représentation de cette activité, à sa compréhension et à celle des objets de savoir concernés ». D’un autre côté, il renvoie vigoureusement le certifié de documentation à sa responsabilité d’enseignant, laquelle s’applique autant à la création de séquences non magistrales qu’à son devoir d’évaluer les acquisitions de ses élèves. Il propose surtout l’examen de quelques notions telles qu’elles pourraient être tirées de la transposition didactique des Sciences de l’information et de la documentation : source, référence documentaire, fichier, langage documentaire, champ et réseau sémantique, pertinence et condensation de l’information. Les conditions de leur acquisition sont également précisées.
Les années suivantes sont dominées par le travail de Françoise Chapron (1997, 1998, 1999), maître de conférences à l’IUFM de Rouen, qui consacre deux articles, ainsi qu’un important chapitre de son ouvrage sur Les CDI des lycées et des collèges à cette réflexion, en appui des travaux précédemment cités. Ce chapitre, intitulé « Vers une didactique de l’information-documentation ? », aborde en premier lieu le statut épistémologique de l’information avant de présenter une liste conséquente de savoirs déclaratifs tels que : information, système d’information, support, typologie des documents, codage de l’information, etc., venant ainsi compléter l’inventaire commencé par Jean-Louis Charbonnier. L’article paru dans la revue Inter CDI, quant à lui, montre que les référents conceptuels de la didactique en information-documentation sont au confluent de deux champs de recherche, les Sciences de l’information et de la communication d’une part, et les Sciences de l’éducation d’autre part, ce qui représente un acquis nouveau. C’est ainsi qu’est mise à profit l’approche de Michel Develay pour travailler la structuration des contenus d’enseignement à partir de deux processus essentiels, l’axiologisation, ou appropriation des valeurs et des finalités en jeu, et la didactisation. Enfin, l’article de Clés à venir (1997) donne une liste fournie et déjà hiérarchisée de notions info-documentaires. De plus est lancée l’idée d’organiser ces éléments en réseaux notionnels.
Outre Atlantique, Paulette Bernhard (2001-2005), professeur honoraire à l’Ecole de bibliothéconomie et des Sciences de l’information (Université de Montréal) engage en 1998 une réflexion sur les modèles disponibles de la recherche d'information. Pour mener à bien le but fixé, à savoir la constitution de Tests d’Identification des Compétences Informationnelles (Projet TICI), ce chercheur tente de s’appuyer sur les descriptions des habiletés et des compétences pour construire « des énoncés et des mises en situation permettant de les mesurer le mieux possible en tenant compte de la clientèle de la formation » (Bernhard, 2001). Est alors délimité un univers informationnel structuré en six grands ensembles : cycles et flux de l’information, information primaire, sources de référence, sources secondaires et outils pour le repérage, personnes ressources, espaces et gisements informationnels. Ces ensembles regroupent quelques 70 notions constituant un cadre conceptuel proposé pour la rédaction d’énoncés et destiné à des élèves de 10 à 18 ans.
Il est difficile de mesurer l’impact de ces publications sur le terrain des CDI. Cependant, ces premières approches réflexives connaissent une concrétisation par la publication, en 1999, d’objectifs de formation et de séquences d’apprentissages documentaires directement utilisables par les enseignants documentalistes. Elaborées par le groupe de réflexion des professeurs documentalistes de l’académie de Rouen (dont fait partie Françoise Chapron), les 30 séquences proposées présentent toutes un nombre restreint de notions sélectionnées pour être acquises par les élèves selon une progression des apprentissages de la 6ème à la terminale (Rouen, 1999). Chaque séance permet alors de distinguer la phase des apports théoriques de celle de la mise en activité des élèves. Cette articulation des connaissances déclaratives aux connaissances procédurales rend compte de l’aspect syncrétique de la compétence. Les notions en question ne font cependant l’objet d’aucune explicitation.
C’est l’époque, ne l’oublions pas, où la profession se dote d’outils référentiels de compétences inspirés du prototype français de la FADBEN (1997). Une floraison de ces outils va naître qui va consacrer la thèse selon laquelle les contenus info-documentaires se limitent à des compétences comportementales d’ordre transversal. Dans ce contexte pourtant restreint, une équipe d’enseignants documentalistes de l’académie de Nantes, en 1999, tente un modeste inventaire des notions de références regroupées autour de six notions de base et articulant compétences et exemples de mise en œuvre selon différents niveaux (P. Duplessis, 1999) (cf. Annexe I. 5). Est introduite dans cette présentation une distinction entre notion et connaissance. La première réfère au principe (ex. notion de nature de document, notion de langage documentaire), tandis que la seconde renvoie à des objets et à des faits (ex. connaissance des natures des documents, connaissance du thesaurus). Cet essai restera cependant un cas unique, les avancées en la matière s’opérant plus particulièrement dans la noosphère, tandis que les attentes des professionnels se situent plutôt dans le registre de la pragmatique.
Pour clore cette décennie qui aura assisté aux balbutiements d’un corpus de savoirs théoriques info-documentaires, une nouvelle proposition de J.-L. Charbonnier paraît sur le site d’une organisation syndicale et invite à débattre des « contenus d’apprentissage en Information-documentation ». Il revient sur le fait qu’aucune pratique réfléchie des médias n’est prise en compte par l’école, laissant penser que leur usage est naturel et se suffit d’une acquisition sur le mode empirique. Ce rapport à l’information ne peut que creuser les inégalités entre les élèves dont les familles entretiennent avec les moyens de communication sociale des relations très diverses. La pédagogie documentaire, dans la mesure où elle dépasserait les notions de compétence et de savoir faire pour identifier et faire construire aux élèves les savoirs en arrière plan, représente une réponse à ces lacunes dans l’éducation. Les pistes dessinées trois ans plus tôt sont alors reprises pour être fermement précisées et balisées par trois regroupements ainsi qu’une hiérarchisation entre notions primaires et secondaires.

22. Une nouvelle impulsion au tournant des années 2000

Le tournant des années 2000 semble apporter une nouvelle vitalité au courant didactique de la profession. Sous l’impulsion du nouveau CAPES qui entre en application lors de la session 2001, est précisé un corps de connaissances qui permet, au concours, d’évaluer à présent des compétences et des connaissances propres au champ concerné et non plus, comme précédemment, pour moitié aux autres disciplines d’appartenance des candidats. Cette réforme a pour double effet de dé-vassaliser la filière Documentation des disciplines instituées et de la rattacher fermement à la Science de l’information. De fait, sont publiés au Bulletin officiel les programmes concernant les épreuves d’admissibilité et d’admission de la section Documentation. Outre un chapitre consacré à la connaissance du système éducatif et un autre au rôle et à l’organisation de la documentation dans l’établissement scolaire, sont exigées et mentionnées, bien que sommairement, des connaissances générales en Sciences de l’information, de la communication et de la documentation, des connaissances techniques du traitement documentaire et des systèmes d’information, ainsi que des méthodes de recherche, de traitement, de classement et d’exploitation de l’information (Annexe I. 6)..

Fort de cette avancée significative, Yves Le Coadic (2000), professeur de Science de l'information au Conservatoire national des métiers, publie dans un article témoin trois séries de propositions de programmes, la première intéressant la classe de seconde, la deuxième pour les épreuves du CAPES, et la troisième pour celles d’une agrégation de Sciences de l’information et de la documentation. Selon lui, le nouveau recrutement d’enseignants documentalistes exigeant des candidats des compétences scientifiques et pédagogiques en Sciences de l’information et de la documentation, cette discipline devrait par conséquent être enseignée dans les CDI des lycées et collèges. Le programme proposé aux classes de seconde comporte quatre modules répartis sur un volume de 68 heures : Eléments de Science de l’information ( 7 heures) ; éléments de technologie de l’information (11 heures) ; éléments de méthodologie de l’information (11 heures) ; Exercices d’application (6 heures).
Deux ans plus tard, cet auteur rédige un Manifeste pour l’enseignement de l’information composé de sept chantiers qui permettraient de construire la discipline Documentation (Y. Le Coadic, 2002-a, 2002-b). Il y dénonce la doctrine officieuse et le discours ambigu de l’institution selon lequel cette discipline, alors qu’elle est expressément convoquée, mais de manière informelle, ne figure dans aucune instruction officielle : « On entretient ainsi le mythe d’une discipline ‘ascolaire’. Malgré tout, ajoute-t-il, au fil des années s’est développée une scolarisation rampante et non assumée de l’information, mais une mauvaise scolarisation faite d’initiations, de sensibilisations, de formations (soi-disant) à la maîtrise de l’information ». La question des contenus devient ainsi une pierre d’achoppement à partir de laquelle l’institution se trouve interpellée. De plus, elle se voit étroitement corrélée à la question de l’existence de la discipline sans qu’une réelle discussion à l’intérieur de la profession n’ait eu lieu qui pourrait démêler les diverses conceptions relatives à la discipline.

Avant lui, en 2001, Daniel Warzager, président de la FADBEN-Créteil, et auteur remarqué de La documentation, indiscipline scolaire publié en 1995, adresse à Jack Lang, alors ministre de l’Education nationale, une lettre ouverte pour demander à ce qu’il soit mis fin à « l’insoutenable inconsistance de la transmission de la culture de l’information à l’Ecole » (D. Warzager, 1995, 2001). La nation a, depuis quelques années déjà, engagé son école à entrer dans la société de l’information. Il a paru dès lors légitime à cet auteur d’espérer de l’institution qu’elle se donne les moyens de relever ce défi et missionne à ce propos ses fonctionnaires les plus qualifiés. Un plan d’urgence est alors proposé comme base pour des négociations souhaitées, au rang desquelles figurent « la transposition didactique des savoirs universitaires, [la] mise au point de corpus de connaissance et [la] détermination d’horaires intégrés à l’ensemble du cursus scolaire des élèves ». Le débat sur la question de la discipline s’élargit donc ici, à partir de l’idée de la transmission d’une culture, à la priorité accordée à un enseignement obligatoire.

Accès à la culture de l’information, maîtrise de l’information, conditions nécessaires à l’entrée dans la société de l’information, deviennent alors des syntagmes communs de moins en moins définis mais de plus en plus utilisés. L’argumentation se nourrissant de poncifs tels que l’inéluctable marche en avant du progrès, l’avènement du village planétaire, l’ouverture des frontières à la démocratie et le sempiternel retard de la France, semble à la profession autant d’écrans opaques pour éluder la question. C’est pourtant cette approche-là que tente l’ouvrage de Frédérique Marcillet, Recherche documentaire et apprentissage : Maîtriser l’information (F. Marcillet, 2000). L’auteur s’attache à définir la maîtrise de l’information comme vecteur de rapprochement efficace et nécessaire entre l’acquisition des connaissances (instruction) et la construction de l’autonomie (éducation). A partir de l’établissement du lien cognitif entre l’apprentissage en général et la recherche documentaire en particulier, il lui est possible de proposer l’idée selon laquelle la transversalité est à la fois le paradigme des apprentissages disciplinaires et celui de l’enseignement de la maîtrise de l’information. Cela posé, le point de vue de la didactique est convoqué. Si la démarche documentaire est un moyen pédagogique au service des acquisitions disciplinaires, « cette pédagogie requiert elle-même des connaissances théoriques et pratiques qui conduisent à parler d’apprentissages documentaires, faits de compétences et de connaissances dont la quantité s’accroît avec le développement technologique des outils de l’information. Leur connaissance relève de l’instruction et de la culture des élèves ». S’appuyant à son tour sur les travaux de Michel Develay, Frédérique Marcillet cherche à définir une matrice disciplinaire et à l’asseoir sur des champs universitaires que sont d’une part la Science de l’information, concernant la maîtrise de l’information, et d’autre part, les sciences du langage, s’agissant de saisir l’information dans son enjeu de communication. A titre d’exemple sont listées quelques notions et connaissances présentées dans un tableau et regroupées autour de trois concepts intégrateurs, lesquels révèlent les contours d’une matrice disciplinaire. Ce travail constitue ainsi une première ébauche substantielle de ce que pourrait être le chantier didactique qui attend la profession. Il a par ailleurs l’intérêt louable de tenter une conciliation de ce qui paraît devoir être opposé, à savoir d’un côté la didactique, attachée à l’idée de la spécificité des connaissances info-documentaires, et de l’autre la transversalité qui, à l’inverse, autorise l’intégration de celles-ci dans les champs disciplinaires institués.

Refusant le postulat de la transversalité, qualifiée d’hasardeuse, de même que celui d’autonomie en matière de recherche documentaire, qui se traduit sur le terrain par de la débrouillardise, Muriel Kawa-Frisch, en 2002, propose à la documentation de « construire une spécificité, un ‘corps plein’ et distinct, sans exclure pour autant le principe d’interdisciplinarité » (M. Kawa-Frisch, 2002). Y est défendue l’idée que la Documentation possède sa propre substance, en l’occurrence une histoire, un ensemble de pratiques originelles et de savoirs théoriques. Ceux-ci sont déclinés en notions et concepts, tels que techniques documentaires, information, document, outils documentaires et langage documentaire. Ces propositions sont largement explicitées et étayées dans l’ouvrage qu’elle consacre l’année suivante aux Evolutions de la documentation et dont le sous-titre, Naissance d’une discipline scolaire exprime bien l’intention (M. Frisch, 2003). L’originalité et, par conséquent, la nouveauté de cet apport, est de situer la didactisation de la documentation au carrefour, d’un côté, de plusieurs savoirs de référence (Science de l’information, Sciences du langage, Sciences de la communication), et de l’autre, de pratiques sociales de référence (J.-L. Martinand, 1986) aussi bien professionnelles que domestiques dans leur dimension pratique d’activité documentaire. Par ailleurs, la large place qui est accordée à l’émergence sociale de la documentation et à ses origines historiques (archivistique, bibliothéconomie, bibliographie, bibliologie, documentologie) apporte cette part de légitimation indispensable à l’épistémologie d’une discipline, dans la mesure où celle-ci, en tant que construit, incorpore des héritages qui la caractérisent, la différencient et la déterminent dans son présent et dans ses perspectives.

La contribution apportée au site national SavoirsCDI par Céline Duarte-Cholat (2002) cette même année marque une pause en ce sens qu’elle fait un premier état des lieux de la situation et de la discussion. La question qui est posée à la documentation, « quels contenus et méthodes d’enseignement » est présentée ici comme prenant place dans l’évolution naturelle d’un parcours de professionnalisation jalonné par la création des CDI, l’affirmation du rôle pédagogique (les circulaires de missions de 1977 et de 1986), l’intégration des TIC dans les CDI et la création du CAPES. A nouveau, l’élaboration et les contenus de cette épreuve assurent un lien solide entre la certification au professorat et l’établissement de savoirs informationnels spécifiques de la documentation. En quelque sorte, et en faisant la part belle à la Science de l’information, le CAPES est présenté comme un outil de légitimation de l’ancrage pédagogique et didactique de l’enseignant documentaliste. Aussi note-t-elle, de manière sans doute optimiste, qu’ « aujourd’hui, il semblerait qu’un grand nombre de professionnels de l’information s’accordent à dire que la documentation doit être considérée comme une discipline d’enseignement ». Si les pratiques sociales de référence sont à nouveau convoquées dans la création de cette didactique, aucun contenu conceptuel n’est cependant précisé. Il n’en reste pas moins que, pour cet auteur, « la didactisation des apprentissages documentaires a pour ambition, à travers la médiation du document et de l’information, de créer des conditions de construction du savoir par l’élève ». Il est à remarquer que les avancées significatives apportées ces dernières années par Frédérique Marcillet, Muriel Frisch et Céline Duarte-Cholat dans l’élucidation des conditions auxquelles il convient de soumettre la Documentation pour en faire l’objet d’une réflexion didactique, sont le produit de travaux de thèse menés en Sciences de l’éducation, et non pas en Science de l’information.

23. Apparition d’un nouveau concept : le curriculum

Le curriculum est un concept organisationnel qui pénètre le champ de la réflexion en Information-documentation sous l’impulsion de Jean-Louis Charbonnier, à partir de 2003. Dans ses contributions, l’auteur interpelle à nouveau l’institution afin qu’elle prescrive explicitement un « ensemble cohérent de contenus et de situations d’apprentissage mis en œuvre dans une progression déterminée » (J.-L. Charbonnier, 2003-a, 2003-b). D’introduction relativement récente, ce concept provient, via les travaux que lui a consacrés Jean-Claude Forquin (1989) dans les années 80, de la sociologie de l’éducation des pays anglophones qui l’a fait émerger entre 1960 et 1985. Le curriculum désigne une approche organisationnelle de l’éducation qui privilégie la question des contenus et la manière d’ordonner ces contenus dans les cursus des élèves. On saisit alors pourquoi cette appellation reçoit un accueil bienveillant de la part des pionniers de la didactique de la Documentation, puisqu’elle présente un modèle susceptible de répondre aux exigences impliquées dans l’intention didactique, à savoir une systématisation et une progression raisonnée d’apprentissages à dominante conceptuelle. Le 7ème congrès de la FADBEN, qui s’est tenu à Nice en avril 2005, s’est fait l’écho de cette nouvelle proposition. Sa thématique générale étant la formation des citoyens, une table ronde dirigée par Colette Charrier-Ligonat a apporté des arguments Pour un curriculum en éducation à l’information. Y étaient notamment invités Jean-Louis Charbonnier, Alexandre Serres et moi-même (FADBEN, 2005). Il y apparaît notamment qu’un curriculum, dans la mesure où il présente un programme complet d’enseignement fondé sur un ensemble de savoirs fondamentaux, fournit le cadre nécessaire à la construction d’une spécificité disciplinaire.
Pour autant, les contenus conceptuels de la documentation tardent à être dégagés et identifiés. Sans eux pourtant, toute prétention à introduire la didactique de la documentation au rang d’une didactique disciplinaire est vouée à n’être perçue par l’administration et par une partie du monde universitaire que comme l’expression du seul malaise identitaire de la profession. C’est le reproche que fait justement Paulette Bernhard (2003), professeur à l’Ecole de bibliothéconomie et des Sciences de l’information de Montréal, dans une contribution à la revue Esquisse qui consacre un numéro en 2003 à l’éducation à l’information. Cet article a donc pour ambition de présenter les Perspectives sur l’éducation à l’information. S’emparant de la question de « la tentation de la disciplinarisation de ‘l’information-documentation’ », elle rappelle que les champs notionnels correspondants ne sont pas suffisamment clarifiés : « ainsi, les notions d’ ‘ information’, de ‘traitement de l’information’, d’ ‘ utilisation de l’information’ et de ‘recherche d’information’ sont-elles différentes selon l’angle d’observation utilisé, disciplinaire (informatique, sciences cognitives, science de l’information, théories de l’apprentissage, sémiologie, etc.) ou interdisciplinaire ». Ce regard extérieur et lucide pointe ainsi l’absence de recherche dans le domaine de l’élucidation terminologique et épistémologique des objets de savoir en question, lesquels ne sont pas encore détourés au regard des disciplines instituées ni même clairement identifiés.
Etablir un curriculum, incluant des contenus et des situations d’apprentissage et d’évaluation, selon une progression allant de la maternelle à l’université, c’est le sens de l’appel lancé par les Assises nationales sur L’éducation à l’information et à la documentation, clef pour la réussite de la maternelle à l’université (2003) qui se sont tenues à Paris en mars 2003. S’agissant de la didactique de la Documentation dans le secondaire, Françoise Chapron et Jean-Louis Charbonnier ont pu y exprimer leur position, la première sur « l’évolution de la place de l’information-documentation dans l’enseignement scolaire », le second à propos de la « place du curriculum en information-documentation dans la formation des élèves, des étudiants et des enseignants ». Un atelier consacré aux enseignements scolaires, co-animé par Colette Charrier-Ligonat, Christiane Etévé, Isabelle Fructus et Yolande Maury a défini plusieurs entrées possibles dans les savoirs : par les TICE, par les médias, par l’action et par l’évaluation associée à celle-ci. L’accord se fait pour réclamer « un corpus de notions plutôt qu’un programme ». Cette demande est reprise dans la synthèse de ces deux journées lorsque Gérard Losfeld, au chapitre des perspectives, rappelle « la nécessité d’un corps théorique de référence qui doit surplomber les dispositifs [de formation à la culture de l’information], et qui doit permettre de conforter et la légitimité épistémologique des savoirs ‘disciplinaires’ requis et la légitimité sociale des formateurs ».
Au titre de contribution à ces Assises, remarquons un texte d’Alexandre Serres (2003), maître de conférences en Sciences de l'information et de la communication, et co-responsable URFIST Bretagne-Pays de Loire, dans lequel est tentée une explicitation de « la triple dialectique des contenus de formation à la maîtrise de l’information ». La question des contenus de formation est ici appréhendée sous l’angle de trois principaux clivages régulièrement constatés dès lors que l’on s’attache à identifier les pesanteurs liées au processus de didactisation : entre formations méthodologiques et formations à l’information, entre didactique autonome et discipline outil, entre formation aux concepts et formation aux procédures. A l’évidence, conclut-il, « l’une des questions les plus cruciales qui se posent aujourd’hui à tous les formateurs est bien la définition, la constitution de ce savoir de base, de ces connaissances formant le socle commun de toute formation à la maîtrise de l’information ». Ce chercheur, dans le prolongement de cette thèse, a donc participé à la table ronde sur le curriculum en éducation à l’information lors du congrès de la FADBEN organisé à Nice en 2005. A cette occasion, il a pu démontrer l’intérêt que représentait un curriculum pour « sortir résolument du bricolage méthodologique actuel », à condition que la formation mise en place soit bien systématique, progressive, complète (élargie aux notions comme aux compétences) et enfin scientifiquement fondée, i.e. référée à la Science de l’information.
Ayant pris part à cette table ronde, j’ai essayé de montrer pour ma part, et au travers d’une comparaison entre les référentiels de compétences et le programme curriculaire, comment ces deux cadres pouvaient être distingués de par leurs origines, leurs fonctions et leurs buts. Le premier, cependant, a vocation à devenir un outil au service du second dans l’enseignement info-documentaire, à condition de lui laisser sa place dans le volet technique du curriculum. Par ailleurs, attirant l’attention sur le fait que certains référentiels articulent des compétences comportementales à des notions, il serait possible de repérer dans ces grilles les prémices de ce corpus de savoirs théoriques restant encore à construire. Enfin, quelques préconisations méthodologiques pour amorcer la didactisation ont été présentées en guise de conclusion (P. Duplessis, 2006-a) (Annexe I. 7).

24. Des chantiers ouverts sur le terrain

Dans l’axe tracé par les Assises nationales sur L’éducation à l’information et à la documentation, une équipe d’enseignants documentalistes de l’académie de Nantes a centré sa réflexion sur l’élaboration d’une modélisation des activités de recherche d'information en ligne (P. Duplessis, I. Ballarini-Santonocito et al, 2006). En rupture totale avec la représentation classique linéaire progressant par étapes successives, le modèle proposé suit une démarche problématisante, par approximations successives, et une logique itérative et sérielle. Elle met en évidence trois pôles articulant les trois processus d’interrogation, d’information et d’appropriation. C’est à partir des pôles opératoires de ce modèle, à savoir la mobilisation du système documentaire, la sélection-évaluation des ressources et le traitement de l’information, qu’ont été recherchés les concepts qu’un élève est amené à maîtriser lors d’une activité de recherche d'information en ligne. Les résultats ont alors été hiérarchisés en concepts génériques et spécifiques de différents niveaux et ont été représentés sous deux formes différentes, une cartographie et un terminogramme. Les concepts retenus ont été le produit d’une dialectique nourrie entre expériences praticiennes et littérature théorique du champ des Sciences de l’information et de la documentation.
Ceci accompli, le besoin de définir avec précision les concepts ainsi dégagés s’est fait ressentir. C’est cette nécessité, à la fois conceptuelle et didactique, qui est à l’origine du projet de publication sur le site SavoirsCDI d’un Petit dictionnaire didactique de l’information documentation, co-rédigé avec Ivana Ballarini-Santonocito. L’entreprise amorcée ici est vaste puisqu’elle prétend à terme, et à partir de l’établissement progressif d’un corpus de concepts info-documentaires, décliner chacun d’entre eux selon quatre dimensions complémentaires : la définition stricto sensu du concept (le savoir savant), une discussion sur son processus de didactisation à partir d’éléments d’analyse épistémologique, des propositions de niveaux de formulation et, enfin, des suggestions de scénarii pédagogiques. Ce projet ne se réclame pas comme l’aboutissement d’une réflexion finalisée, mais appellera à un débat autour des propositions concrètes qu’il émet.
L’équipe de Nantes, poursuivant son exploration des voies possibles de la didactisation des savoirs théoriques info-documentaires, a entrepris cette année l’élaboration de conceptogrammes, représentation des réseaux conceptuels organisant un certain nombre de notions autour d’un concept pivot (cf. III. § 325). Deux buts complémentaires sous-tendent ce travail. Le premier vise à fournir à l’enseignant documentaliste désireux de faire construire tel concept dans sa séquence pédagogique un maillage des concepts qui lui sont immédiatement corrélés. Le cadre théorique repose sur l’idée qu’un concept ne peut se construire indépendamment d’autres sur lesquels il s’appuie, qui le précèdent ou bien dont il est le nécessaire précurseur. Au-delà de cette application pédagogique concrète, le but est encore de faire apparaître, à partir d’un corpus de ces conceptogrammes, un certain nombre de concepts fondamentaux, identifiés à partir de leur fréquence et de leur caractère englobant, ou à fort pouvoir intégrateur. Si ce travail s’avère probant et fructueux, les concepts ainsi repérés pourraient constituer les éléments structurants d’une matrice disciplinaire.
Un autre axe de travail, complémentaire de ceux jusque là évoqués, est mené dans les IUFM de Rouen et de Caen par Nicole Clouet et Agnès Montaigne. Ces formatrices de jeunes professeurs documentalistes, confrontées « au redoutable problème de présenter aux stagiaires PLC2 un corpus enseignable de l’info-documentation », ont entrepris un chantier terminologique dont l’objectif vise l’intégration de l’enseignement de concepts lors des séances de formation (N. Clouet et A. Montaigne, 2006). Il s’agit ici, en partant de la définition d’un concept, de décliner celui-ci selon trois niveaux de complexité (Barth, 2002) relatifs aux attendus des classes de 6ème à la terminale (cf. III. § 23). Si le résultat apparaît simple et « évident », il n’en contribue pas moins à tracer l’une des directions majeures de la didactisation, à savoir l’élaboration de progressions assurant la construction graduelle des concepts. L’idée selon laquelle un concept d’un haut degré d’abstraction et de complexité peut être travaillé dès le plus jeune âge à condition qu’il le soit en tenant compte du registre de conceptualisation (M. Develay, 1992) de l’élève semble à la base de ce travail qui mérite d’être poursuivi. Le corpus des concepts est également présenté sous forme d’un terminogramme organisé selon trois concepts intégrateurs.
Signalons enfin l’intention de la FADBEN de publier, dix ans après le Référentiel de compétences élève dont l’objectif était de formaliser des contenus d’apprentissages spécifiques en Information-documentation, un nouvel outil de référence qui recentre les apprentissages sur un corpus de notions essentielles à faire acquérir aux élèves. Le travail du groupe constitué, auquel je participe, s’inscrit dans une évolution de l’analyse des pratiques qui prend en compte les recherches universitaires. Une soixantaine de notions spécifiques sont ainsi regroupées à partir de sept concepts organisateurs et font l’objet d’un traitement définitoire et analytique en quatre parties : un niveau de formulation Terminale / université, une série d’exemples et de contre-exemples, l’exposé des relations de la notion (relations conceptuelles, hiérarchiques, logiques, disciplinaires) ainsi que des propositions de pistes pédagogiques (cf. Annexe III. 1).

25. Des perspectives universitaires

Quels chantiers de réalisation ou séminaires pour la réflexion viennent nourrir et prolonger ces premiers travaux ? Tout d’abord le Colloque Savoirs et acteurs de la formation axe 1, organisé par le Laboratoire CIVIIC de Sciences de l’éducation de Rouen du 18 au 20 mai 2006, qui a proposé un atelier intitulé Savoirs et information-documentation autour des questions de la définition de ces savoirs, des pratiques sociales desquelles ils procèdent, de leur statut et de leur caractère opérationnel. La majorité des contributions a abordé d’une manière directe ou indirecte les problématiques des notions et concepts info-documentaires, ce qui témoigne de la convergence des réflexions actuelles.
L’Inspection générale « Etablissements et vie scolaire » organise quant à elle, fin août 2006, des Universités d’été à l’Ecole supérieure de l’Education nationale (ESEN) à Poitiers, sur le thème « de l'information à la connaissance ». L’objectif est de confronter les analyses de chercheurs et de praticiens sur le passage de l'information à la connaissance. Il s'agit ainsi d'interroger aussi bien les théories des apprentissages et les mécanismes de la cognition que les constructions didactiques et les modèles pédagogiques qui en découlent.
Un grand projet, enfin, semble très prometteur. Dans la ligne tracée par les Assises nationales de Paris en 2003, une équipe de recherche technologique en éducation (ERTE) s’est constituée sous la houlette d’Annette Béguin, professeur en Sciences de l’information et de la communication à Lille 3. Elle regroupe nombre de partenaires scientifiques, institutionnels du secteur éducatif et universitaire (Laboratoire CIVIIC de Rouen, INRP, URFIST, IUFM et CRDP de Lille) ainsi que la FADBEN, sous l’intitulé Culture informationnelle et curriculum documentaire. L’objectif visé consiste à formuler « un ensemble de préconisations utiles à l’élaboration d’un programme continu d’apprentissages documentaires de la maternelle à l’université ». Se donnant jusqu’en 2010 pour remettre ses conclusions, l’ERTE souhaite procéder à l’expertise des données recueillies dans plusieurs disciplines : les Sciences de l’éducation, la Science de l’information, la sociologie et la psychologie cognitive.

26. Un bilan fait d’esquisses : la référence, le cadre et le contenu

Treize années se sont écoulées, donc, depuis la publication des travaux fondateurs du 3ème congrès de la FADBEN. La voie s’était soudainement ouverte aux lendemains de l’accès à la certification (CAPES), qui a agi sur la profession tel un formidable révélateur identitaire. La reconnaissance officielle de la mission pédagogique a produit en contrepartie l’obligation d’en appliquer réellement les tenants, en l’occurrence l’enseignement rationalisé d’un savoir bénéficiant à tous les élèves. L’effet d’élévation du niveau de professionnalisation a donc joué, concrètement pour ce qui concerne la formation initiale assurée par les IUFM, et en tant qu’idéal dans l’imaginaire des enseignants documentalistes aspirant à une plus grande maîtrise d’un corps de connaissances enseignables.
Cette aspiration à une rationalisation des objets d’apprentissages a aussitôt emprunté la voie didactique, influencée en cela par la parution de l’ouvrage de M. Develay, De l’apprentissage à l’enseignement  (1992). A partir de cette lecture, et de celles d’autres didacticiens des disciplines, sont tracées les grandes lignes du chantier, d’emblée inscrites dans toute l’étendue du triangle pédagogique de J. Houssaye, autre source d’influence. Afin d’explorer l’axe « Enseigner », cette face cachée du triangle, la transversalité sera pensée comme devant dépasser le périmètre confiné de la méthodologie et comprendre la sphère des savoirs documentaires (F. Marcillet, 2000). Le ton de ces premières années est celui de la revendication d’une spécificité où le droit à enseigner est assumé.
Lors de ces treize années écoulées ont pu être précisées, ou plutôt construites, quelques unes des questions les plus importantes de cette entreprise : la question de la référence pour ce qui est du regard en amont, la question de la formalisation du but à atteindre, en aval, et enfin la question de la constitution d’un corps de connaissances constitutives d’une nouvelle matrice disciplinaire.
Si dans les premières années, le rattachement aux Sciences de l’information et de la communication (S.I.C.) semblait naturel et sans discussion, la question de la référence s’est progressivement ouverte à d’autres affiliations possibles, telles les Sciences de l’éducation et les techniques de la Documentation. Dernièrement s’est même posée la question d’un possible emprunt à des pratiques sociales qu’il conviendrait d’examiner. Est-il aujourd’hui possible d’attribuer à l’Information-documentation telle ou telle référence ? A quelle(s) source(s) puise-t-elle ses savoirs scolarisables ? La transposition didactique ne s’opère-t-elle ici que dans un seul sens ? C’est là une exploration qu’il nous faudra entamer.
S’agissant de la caractérisation du but que se fixe l’entreprise didactique au plan de sa formalisation, et qui se présente sous la forme d’un curriculum, on peut remarquer que ce dernier a été récemment proposé sans attirer de réelles protestations. Il a le mérite de faire la lumière sur les aspects consensuels à la profession, tels la nécessité qui se ferait sentir d’un enseignement programmé, complet, progressif et systématisé à tous les élèves. Il laisse ainsi dans l’ombre les ferments de la discorde que contiennent les idées de discipline et de professeur de documentation.
Enfin, et c’est ce qui nous retiendra en priorité, l’élaboration d’un corpus d’objets enseignables a traversé toute cette période comme un fil rouge. Au début, les énumérations désordonnées servaient de preuve à l’existence possible de matière d’enseignement. Elles ont été par la suite progressivement augmentées et structurées, jusqu’à ce qu’elles en viennent aujourd’hui à être classifiées et définies.
Ainsi la formalisation d’un cadre curriculaire d’une part, et la rationalisation d’un ensemble de savoirs à enseigner référés à des disciplines universitaires d’autre part, marquent la coïncidence et la convergence des voies de professionnalisation et de didactisation de l’Information-documentation.


3. Examen d’un corpus de notions candidates

31. Objectifs de l’étude

La réflexion didactique des acteurs de l’Information-documentation s’est à ce jour essentiellement matérialisée par des publications proposant des corpus de connaissances documentaires. Ce sont ces publications dont nous allons nous emparer.
Il est entendu cependant que ces propositions, d’une part, résultent d’une intention explicitement didactique de la part de leurs auteurs et, d’autre part, qu’elles sont fondées non pas sur l’existence de facto d’un savoir savant qui serait déjà fortement découpé, mais davantage sur les représentations que ces auteurs ont des contenus qui devraient être enseignés.
Cela dit, il s’agira ici de repérer, de rassembler et d’analyser la production de listes relatives aux notions postulant au statut de savoir à enseigner en Information-documentation.
Nous voudrions tout d’abord pouvoir mieux estimer l’amplitude, l’avancée et la pertinence de cette production à ce jour. Nous escomptons ainsi de cette étude qu’elle révèle quelques uns des problèmes que pourrait poser une didactisation de la matière info-documentaire.
Nous chercherons encore à construire des critères de cohérence et de pertinence nécessaires à la délimitation d’un périmètre en deçà duquel les notions proposées seraient potentiellement des savoirs à enseigner. Cet ensemble circonscrit de termes, cohérents dans leur formulation, et pertinents au regard du domaine considéré, devra alors pouvoir fournir suffisamment de matière notionnelle brute pour soumettre à l’examen probatoire de la réflexion didactique ces savoirs prétendants, ou ces prétendus savoirs.
Enfin, et dans cette double logique expérimentale et probatoire, nous souhaitons vérifier si les questions proposées au début de ce chapitre à partir d’un cadre théorique (la dimension épistémologique de la didactique) se révèlent toujours pertinentes au regard des nouvelles questions que posera l’analyse du corpus (cf. II. § 13).
Pour ce faire, nous porterons notre regard sur les aspects suivants :

1. s’agissant des listes de notions :
1. les conditions de leur production ;
2. les références disciplinaires ayant explicitement servi d’appui à leur
constitution ;
3. la question des concepts organisateurs.

Seront ainsi posées les questions se rapportant à la désignation des savoirs à enseigner, à l’ancrage référentiel que l’on revendique pour eux, ainsi qu’à leur structuration à l’intérieur des listes.

2. s’agissant des notions proposées :
4. la pertinence de ces notions au regard du domaine considéré
5. l’appellation utilisée pour les désigner et leur catégorie épistémologique
6. leur organisation structurelle

Seront ainsi précisées la question de la référence, exprimée cette fois-ci au travers du choix des notions, la question de leur catégorie épistémologique, et, enfin, la question des concepts organisateurs de ces contenus.


32. Méthodologie

321. Constitution d’un corpus de listes de notions

Les critères retenus pour la constitution de ce corpus de listes de notions ont été les suivants :
1. la présentation formelle : les notions composent une liste
La définition littérale du mot liste a servi de repère premier pour la sélection des productions. Une liste désigne l’« inscription, à la suite les uns des autres, de plusieurs noms de personnes ou de choses » (Le nouveau  Littré, 2004). Il fallait donc que les termes signifiant les notions soient présentés sous la forme d’une succession pouvant être exprimée aussi bien en ligne qu’en colonne.

2. une présentation motivée : la liste est contextualisée
Les listes retenues sont celles dont les auteurs témoignent explicitement du projet de composer, ou de rendre compte ou encore de faire référence à un corps de contenus susceptibles d’être enseignés en Information-documentation. Ont ainsi été éliminés les textes présentant de manière disséminée ou aléatoire des notions pourtant pertinentes dans ce cadre d’étude.

3. une utilisation ciblée : la liste est destinée à l’enseignement dans le secondaire
Les listes retenues intéressent seulement l’enseignement secondaire. Remarquons au passage que nous n’avons rencontré qu’une seule liste adressée au premier cycle universitaire et aucune en direction du primaire.

4. une répartition chronologique large : les listes courent de 1994 à aujourd’hui
La première énumération rencontrée date de 1993 et a été divulguée au 3ème congrès de la FADBEN qui s’est tenu à Marseille en octobre 1993. Les actes ont été publiés l’année suivante. Nous avons pris en considération toutes les propositions publiées, ou en cours de publication, entre cet événement et ce jour. Deux raisons nous ont poussé à tenir compte des travaux courants :
- la faible quantité de productions répondant aux autres critères ;
- le constat que les productions les plus récentes devaient être prises en considération au motif qu’elles présentaient les caractères d’une évolution décisive du contenu de ces listes.

5. une répartition géographique restreinte : la liste appartient au monde francophone
Là encore, les invitations à élargir le corpus étaient pour le moins parcimonieuses… Seule une contribution pertinente a été retenue, émanant de l’université de Montréal, Québec. Par contre, la disparité des systèmes éducatifs aurait pu constituer un critère de rejet. Nous avons cependant conservé cette liste pour trois raisons :
- la tradition des bibliothèques scolaires québécoises a évolué parallèlement à la nôtre ; dans les années 70, elle a même servi de modèle à la création de nos CDI ;
- les travaux de son auteur, centrés sur les référentiels de compétences, s’inscrivent depuis les années 70 dans le même courant de la pédagogie documentaire que le nôtre, à tel point que ses publications servent toujours de référence de ce côté-ci de l’Atlantique ;
- la liste proposée cible des élèves âgés de 10 à 18 ans, soit une tranche d’âge très proche de nos élèves du secondaire.

6. une attention portée aux doublons : les listes ne se copient pas
Nous avons remarqué un dialogue entre les listes produites, ce qui témoigne d’une certaine effervescence et de l’intérêt porté à ce travail. Ce type de relation n’a pas constitué un caractère discriminant tant qu’il ne s’est pas agi de simple copie de tout ou partie d’une liste déjà publiée. Il est par ailleurs naturel que l’on retrouve plus ou moins les mêmes notions.
Nous avons cependant admis les listes différentes provenant du même auteur – ou auteur collectif – en prenant soin d’éviter les doublons formels, et dans la mesure où ces productions apportaient des compléments substantiels. Par ailleurs, le nombre des occurrences a peu d’impact sur l’étude.
Au total, 24 listes ont été sélectionnées à partir de ces critères (cf. documentographie en Annexe II. 2).

322. Constitution d’un corpus d’occurrences des termes utilisés dans les textes

3221. Question de terminologie

Afin d’éviter le plus possible les confusions linguistiques entre notion (ou concept) enseignable et notion (ou concept) sémantique, entre notion et terme ou encore entre objet d’enseignement et objet référé par les notions étudiées, nous utiliserons d’une part le modèle tripartite exposé par Pierre Lerat (1989) (M. Van Campenhoudt, 1997), et d’autre part,  deux normes qui nous serviront à préciser la signification des outils linguistiques employés : la norme ISO 1087 (1990) consacrée au vocabulaire de la terminologie et la norme AFNOR (2004) du vocabulaire de la documentation (A. Boulogne, 2004).
La terminologie est fondée sur un modèle tripartite dont les trois pôles sont l’objet, la notion (ou concept) et le terme (ou signe). Nous suivrons Marc Van Campenhoudt qui utilise les dénominations suivantes : objet, notion et terme. Cette vision a l’avantage d’être compatible avec la théorie linguistique saussurienne faisant de même interagir le signifiant, le signifié et le signe. Nous comprendrons alors le terme comme dénommant un objet et désignant une notion ; l’objet comme étant conceptualisé par une notion et ayant pour nom un terme ; la notion, enfin, comme s’exprimant par un terme et renfermant un savoir sur un objet (fig. 4).

 INCLUDEPICTURE "http://www.termisti.refer.org/graphics/tabl1.gif" \* MERGEFORMATINET 

fig. 4. La triangulation objet-concept-signe de P. Lerat, in Marc Van Campenhoudt (1997)

S’agissant de la définition normée de ces trois termes, nous empruntons leur définition à la norme ISO 1087 (1990) pour :
. Objet : « élément de la réalité qui peut être perçu ou conçu » ;
. Notion : « unité de pensée constituée par abstraction à partir des
propriétés communes à un ensemble d’objets » ;

et la définition de l’AFNOR (2004) pour :
. Terme :  « mot, expression ou symbole employé pour représenter une
notion à l’intérieur d’un domaine ».

3222. Présentation de la grille de saisie des données

Les données sont saisies dans un tableau unique composé de 24 lignes correspondant au nombre de listes sélectionnées, et de 3 colonnes permettant de recueillir les éléments suivants (Annexe II. 1) :
1. le numéro d’ordre attribué à la liste ;
2. la source, réduite au nom de l’auteur et à la date de publication ;
3. la collection des termes signifiant les notions visées.

Une documentographie complète suit le tableau (Annexe II. 2).
Les listes sont présentées dans un ordre chronologique permettant le cas échéant de pouvoir rendre compte d’éventuelles évolutions.
Les termes collectés l’ont été en reproduisant le plus fidèlement possible le contenu des listes. Ils sont reportés dans l’ordre figurant sur les listes.
Lorsqu’une structure organisait les ensembles, soit par le jeu des parenthésages dans un texte, soit par le classement dans un tableau, les termes ont alors été marqués typographiquement afin de conserver leur rang dans la hiérarchie des niveaux :

terme de niveau 1 : gras (TNR 11)
terme de niveau 2 : plein souligné (TNR 11)
terme de niveau 3 : italique (TNR 11)
terme de niveau 4 : plein (Arial 8)
terme de niveau 5 : italique (Arial 8)
terme non hiérarchisé : plein (TNR 11)

Au total, 1068 occurrences ont ainsi été prélevées et constituent un corpus d’origine, ou corpus source (Annexe II. 3 ).
La saisie en colonnes, sans retrait de ligne, a permis une extraction des données afin de produire ultérieurement un tri de classement autorisant la manipulation des termes.

3223. Sélection et transcription des occurrences : les problèmes posés

Nécessité d’un travail de mise en cohérence

Le regroupement des occurrences a aussitôt fait apparaître une très grande disparité des appellations. Le but étant de faire émerger des significations, il importe que les termes renvoyant aux mêmes notions puissent se rejoindre dans une forme identique. Un travail de mise en cohérence doit ainsi être mené dans ce sens. Il se précisera à partir de l’examen des problèmes qui se posent.

Quatre types de difficultés ont alors été rencontrés :



32231. Des difficultés liées à la polysémie de certains termes 

Définir un corpus de termes revient à construire un langage contrôlé qui assure des relations stables entre l’objet, le terme qui le désigne et la notion qui le conceptualise. Aussi chaque terme doit représenter chaque notion identifiée de manière univoque. Cette nécessité ressort d’autant que les termes sont voués à être extraits de leur contexte d’énonciation et ainsi ne devoir le sens produit qu’à la précision de leur formulation. Or certains mots du corpus source, ainsi décontextualisés, peuvent admettre plusieurs significations.
C’est le cas, par exemple, des termes suivants :
. champ (4, 7, 15) : pouvant référer soit champ d’une base de données, soit
champ lexical soit champ sémantique ;
. adresse (22) : pouvant référer soit adresse du document, soit adresse URL ;
. norme (8, 21, 22, 23) : pouvant référer soit norme bibliographique soit
norme de production documentaire
. code (7, 24) : pouvant référer soit code utilisé pour le codage des données sur
un support, soit code typographique, soit code de mise en page de
l’information ;
. cohérence (6) : pouvant référer soit à cohérence de la requête au regard du
besoin d’information, soit à cohérence de l’outil de recherche au vu
des résultats rapportés, soit encore à cohérence du système
d’information.

32232. Des difficultés d’équivalence entre les notions 

Nous distinguerons ici trois cas possibles :

322321. Synonymie 

Très souvent, une même notion est exprimée par une série hétéroclite de termes, ce qui rend difficile, voire impossible leur repérage lors des tris. Les termes choisis par les auteurs peuvent être le fait d’expressions synonymiques, telles :
. URL (21) = adresse URL (15) = adresse universelle (23)
. répertoire (12) = répertoire de sites (23) = annuaire (15) = annuaire de sites
(12) = annuaire thématique (19) = annuaire de recherche (23)
. page de site (21) = page d’accueil (22)
. interface (21) = interface de recherche (5) = outil de recherche (24)
Dans ce cas, elles renvoient à des usages circonscrits dans des contextes déterminés.

322322. Détermination incomplète ou insuffisamment précise 

D’autres propositions de termes, sans remettre vraiment en question les choix opérés, posent problème lorsqu’il s’agira d’opérer des tris :
. documentaire (22) = genre documentaire (24)
. bruit documentaire (23) = silence documentaire (23) = bruit/silence (8, 22)

322323. Détermination par approximation ou par défaut 

D’autres termes, enfin, paraissent avoir été déterminés, par approximation, ou par défaut. Ou bien ils semblent avoir été retenus sans connaissance suffisante de termes qui auraient été plus appropriés, ou bien ils paraissent avoir été choisis parce qu’il n’a pas été possible de dégager un terme plus pertinent :
. mise en forme, organisation interne (5) = mise en page (7, 9) = codes de mise
en page (5), codes de présentation (7), code de l’information (typographie,
couleurs, numérotation) (8), etc.
. paramètres d’évaluation (3)
. référence = référence documentaire (4)
. description documentaire (7)
. –thèques (3, 6)

32233. Des difficultés liées à la formalisation d’expressions dont le complément du nom est l’entrée principale du terme

Un grand nombre de termes sont des composés formés à partir d’un nom et de son complément. Par exemple :
. forme d’énonciation (2)
. objectifs de communication (9)
. degré d’élaboration de l’information (5)
. type de document (7)
. nature du document (10)
. application de normes (8)
. modélisation de l'activité de recherche d'information (23)
. production d’un document (10)
. etc.

Dans la constitution d’une liste alphabétique, c’est le premier composé qui détermine la place, et donc agit sur les regroupements. Il importe alors de savoir si, dans le cas de nature de document et de type de document, l’entrée principale est bien type et nature, ou plutôt document. Laisser le composé ainsi aurait l’inconvénient de disperser différents aspects complémentaires (type, nature, forme, etc .) de la notion exprimée (document).

32234. Des difficultés liées à l’emploi du nombre

Enfin, de nombreux termes se présentent soit au singulier soit au pluriel. En terminologie, la règle veut que les termes soient exprimées sous forme de substantifs singuliers. Cependant, dans le cas présent, la marque du pluriel dans moteurs de recherche, par exemple, nous a paru exprimer quelque chose de plus, voire autre chose, que moteur de recherche. Fallait-il conserver les termes proposés au pluriel et conserver ainsi des significations autres, ou bien réduire tous les termes à la même loi – le respect du singulier – et garder à l’esprit l’idée qu’en chacun gisait cette dualité ?

3224. Solutions proposées pour assurer la cohérence du corpus

Rappelons d’abord que l’objectif de cette étude n’est pas la constitution d’un corpus de notions à enseigner en Information-documentation. Il est de parvenir, à partir de la manipulation des termes recueillis, et tant que faire se peut, à se saisir des questions que peuvent susciter les problèmes auxquels ne manquerait pas d’être confronté le processus de didactisation de la matière info-documentaire. C’est dans le but de fausser le moins possible les problèmes à venir que le corpus d’origine des termes doit tendre vers la plus grande cohérence.

32241. Solutions apportées aux difficultés liées à la polysémie de certains termes 

Ce type de problème est facilement contourné en apportant une précision supplémentaire au terme polysémique afin de le contraindre à la monovalence de ses significations.
Les solutions apportées à la polysémie des termes comme champ, adresse, norme, etc. ont été :
- l’ajout d’un adjectif :
. champ lexical, champ sémantique, champ d’une base de données
. norme bibliographique
- l’ajout d’un complément au nom :
. code de la présentation formelle de l’information
- l’apposition de deux substantifs :
. adresse URL
- le rejet du terme après l’entrée principale par un parenthésage :
. système d’information (cohérence)
- le recours à un autre terme pour mieux référer la notion identifiée :
. code est devenu codage de l’information
. adresse est devenu URL

32242. Solutions apportées aux problèmes d’équivalence entre les notions 

Les solutions choisies sont différentes selon les trois cas repérés.

322421. Synonymie 
Le souci d’harmoniser les expressions synonymiques se traduit par la réduction à un seul terme. Le choix de ce terme est alors guidé, quand faire se peut, par consultation de la norme (A. Boulogne, 2004). Cela donne, pour les termes cités en exemple :
- adresse URL, adresse universelle , etc. sont remplacés par le terme URL ;
- répertoire, annuaire thématique, etc. sont remplacés par le terme annuaire de
sites web ;
- page de site est remplacé par le terme page d’accueil ;
- interface, interface de recherche sont remplacés par le terme outil de
recherche.

322422. Détermination incomplète ou insuffisamment précise 
Dans les deux cas présentés, la norme ne vient pas en aide. Nous avons opté pour le type de solutions suivantes :
- cas de documentaire, genre documentaire :
Ils ont été remplacés par nature de document : documentaire. Ce choix permet ainsi de rapprocher, sur un plan notionnel et physiquement sur une liste, trois notions proches, dont les deux types de nature de document, ce qui donnera :
. nature de document
. nature de document : documentaire
. nature de document : fiction
Seront ainsi regroupés le terme générique et ses deux spécifiques.

- cas de bruit documentaire, silence documentaire, bruit/silence :
Ils ont été remplacés par bruit/silence documentaire. Ce choix est dicté par le fait que ces termes entretiennent une relation d’antinomie et produisent une paire indissociable.
Dans un cas comme dans l’autre, c’est le principe d’équivalence notionnelle qui a prévalu.

322423. Détermination par approximation ou par défaut 
Il s’agit encore une fois ici de saisir la notion référée par les termes proposés et de l’exprimer par un terme univoque et lisible. Ou bien ce terme est normalisé (AFNOR, thesaurus), ou bien il ne l’est pas.
Cas de termes ayant pu être normalisés :
. référence, référence documentaire ont pu être normalisés en référence bibliographique ;
. description documentaire a pu être normalisé en description bibliographique.

Cas des termes n’ayant pas d’équivalence normalisée :
. paramètres d’évaluation : après examen du contexte, nous avons eu recours à l’usage et l’avons remplacé par évaluation de l’information (critères), avec rejet du terme secondaire après l’entrée principale ;
. codes de présentation, mise en forme, organisation interne ; mise en page ; etc. ont été remplacés par code d’organisation formelle de l’information tant il nous a semblé que l’enjeu notionnel portait sur la connaissance d’un code, lequel sous-tendrait l’organisation physique des informations sur un document. Ce cas de traduction est limite, dans la mesure où il demande, avec tous les risques de trahison qu’il comporte, une grande part de décision de notre part. Il est toutefois cohérent dans le contexte restreint de ce corpus.
. –thèques, en tant que suffixe renvoyant à bibliothèque et médiathèque, prend le statut de terme générique des différents lieux de ressources documentaires. Nous l’avons ainsi remplacé par le terme plus général de espace informationnel.

32243. Solutions apportées aux difficultés liées à la formalisation d’expressions dont le complément du nom est l’entrée principale du terme

Dans le cas de termes comme nature du document ou type de document, nous avons vu qu’il y aurait intérêt à rejeter le nom après l’entrée principale choisie pour exprimer la notion visée. Cela donnerait pour ces exemples :
. document (nature)
. document (type)
La solution du rejet de l’idée secondaire sous parenthésage permet ainsi le regroupement des termes traduisant la notion principale. Cela vaut particulièrement pour les composés se comportant comme des attributs de la notion visée, tels statut, rôle, qualité, forme, structure, objectif, pertinence, degré d’élaboration, etc. Ces attributs le déterminent, le définissent. On peut dire que la notion en question les implique. Nous réservons cette solution aux quatre premiers exemples donnés en II. § 32143.
Par contre, elle ne nous a pas paru satisfaisante pour les autres exemples :
. application de normes (8)
. modélisation de l'activité de recherche d'information (23)
. production d’un document (10)
En effet la fonction désignée par le nom placé devant son complément ne ressortit pas aux critères qui viennent d’être évoqués. Il ne s’agit pas ici d’un attribut de la notion principale mais plutôt d’une action portée sur lui, comme le suggère la grande fréquence du suffixe –ion (lat. –io, onis exprimant l’action). A l’inverse du cas précédent où l’attention est portée sur la notion principale (ex. document), ici, l’intérêt porte sur l’action, impliquant du même coup le sujet de celle-ci. Dans le premier cas, l’objet est bien défini en lui-même (rôle, type, etc.), dans le second c’est le comportement du sujet (l’élève) sur l’objet qui est défini (traitement, modélisation, communication, etc.). Ainsi, si l’information, par exemple implique d’avoir un statut, une structure ou d’être pertinente, elle peut faire l’objet d’une production, d’une évaluation ou d’une condensation par l’action de l’élève. Aussi avons-nous choisi, dans ce dernier cas, de ne pas modifier l’organisation syntaxique de ces expressions.

32244. Solutions apportées au problème du nombre

Base de données/bases de données, annuaire de sites web/annuaires de sites web, classification/classifications, voici des paires de termes organisées selon le nombre. Ce choix du nombre par les auteurs des listes ne nous a pas semblé anodin, ou le fruit du hasard. Tout au contraire, il nous a paru exprimer l’essentiel d’un choix pédagogique. S’agit-il de faire connaître à l’élève les différentes bases de données accessibles du CDI afin qu’il puisse trouver les références dont il a besoin, ou bien qu’il connaisse les principes d’organisation, de constitution et d’utilisation d’une base de donnée en général afin qu’à l’avenir, il puisse les utiliser toutes en sachant ce qu’il fait ? S’agit-il de connaître quelques annuaires de sites web utiles aux recherches, ou bien d’en connaître les principes, de savoir ce qui les différencie d’un moteur de recherche ou d’un métamoteur, et qui a trait en particulier à la manière d’indexer ?
Dans le positionnement que prendra l’enseignant à partir de ces quelques questions, il se rangera sans doute dans l’une ou l’autre des professionnalités identifiées par M.-A. Le Gouellec-Decrop (1999). Le choix du nombre, en quelque sorte, détermine l’enjeu didactique.
Le cas de périodique(s) illustre bien cet enjeu. On le trouvera seulement au pluriel dans les listes, ce qui implique que l’on vise la connaissance de certains titres de la presse. Mais s’il est question, non plus de pouvoir énumérer quelques exemples, mais de s’intéresser au principe régissant ce type de publication, alors le retour au singulier (périodique) sera moins signifiant que de le terme périodicité. Ce dernier renvoie bien à une notion d’un degré d’abstraction autre que celui traduit par périodiques/périodique.
Pour cette raison, nous avons conservé, du moins dans un premier temps, la marque du pluriel dans quelques cas où elle était pertinente (cf. II. § 3233). Si elle l’est bien pour annuaire(s) de sites web, classification(s), outil(s) de recherche, en revanche elle ne l’est pas suffisamment pour information, notice catalographique ou requête.
Les cas de source/sources, média/(mass)médias sont différents puisque, homonymes dans leur appellation, ils engagent cependant deux notions différentes. De ce fait, ils ne rentrent pas dans ce cadre d’analyse.

323. Constitution d’un corpus cohérent de termes désignant des notions à enseigner

1068 occurrences avaient été prélevées dans les 24 listes du corpus source (Annexe II. 3).
Le corpus cible, une fois réalisées les corrections terminologiques, en fournit à présent 976 (Annexe II. 4). Cette diminution du nombre des occurrences s’explique par l’équivalence notionnelle de certains termes. Les termes étant réduits à l’univocité, des doublons sont apparus à l’intérieur de chaque liste. Ce sont ces doublons qui ont été supprimés.

Une première opération a consisté à sélectionner, parmi ces occurrences, les termes à retenir pour désigner les notions postulant au statut d’objets à enseigner.
L’examen des groupements opérés par la fonction de tri du logiciel (Word) a permis de procéder aux premières rectifications portant sur les choix effectués et sur la cohérence des formes et des graphies utilisées.
Deux autres types de difficultés sont alors apparus.

3231. Problèmes liés à la sélection des occurrences et à la détermination des termes
32311. La dispersion des termes comportant des rejets d’attributs

Le regroupement des occurrences composées selon la solution proposée en § 32153, c'est-à-dire en rejetant le terme exprimant une notion secondaire après l’entrée principale et sous forme parenthésée (ex. document (type) ) a donné les résultats escomptés.
En effet, la dispersion redoutée de termes signifiant des notions principales communes a ainsi été évitée. Il n’en reste pas moins que, si les termes ainsi formés ont leur entrée principale stabilisée, leur seconde partie connaît une grande dispersion. Par exemple, s’agissant du terme information :
information (concept)
information (coût)
information (crédibilité)
information (degré d’élaboration)
information (économie : valeur, coût)
information (enjeux)
information (éthique)
information (forme)
information (hiérarchie)
information (intelligibilité)
information (légitimité)
information (mode d’accès)
information (mode d’organisation linéaire/non linéaire)
information (mode d’organisation)
information (nature du contenu)
information (nature physique)
information (nature, formes, origine, statut)
information (nature, relativité, instrumentalité)
information (organisation dans un texte)
etc.

Dans un premier temps, il nous avait paru nécessaire de formaliser ces différentes approches de la notion, au motif qu’elles exprimaient une certaine sensibilité des auteurs de chaque liste. Nous avions en quelque sorte tenu à conserver cette particularité à l’intérieur d’une parenthèse que nous rejetions après l’entrée principale. Mais au moment venu de délimiter un ensemble plus restreint de termes, il nous apparaît plus judicieux de ne conserver que l’entrée principale. Dans le cas cité en exemple ne sera ainsi conservé que information.
Le détour n’est cependant pas inutile. Nous aurons à nous souvenir de l’intérêt manifeste que porte la majorité des listes à tenter de circonscrire l’ensemble des caractéristiques de la notion information - et cela est également valable pour d’autres exemples. En dépassant la simple appellation d’information, les auteurs ont ainsi attiré l’attention sur la nécessité de construire une épistémologie de l’information.
Nous appuyant sur ce constat, nous pouvons à présent également dépasser le problème lié à la marque du nombre.

32312. La marque du nombre

Le cas de périodiques/périodicité (cf. II. § 32244 ) avait attiré notre attention sur l’idée que le nombre partageait deux approches didactiques d’une part, et deux niveaux d’abstraction d’autre part. De même, un certain nombre d’objets dénommés par un terme soit au singulier soit au pluriel (moteur de recherche/moteurs de recherche) appelle à considérer la notion qui les conceptualise sous au moins deux angles, celui de sa compréhension (ses caractéristiques, son principe) et celui de son extension (ses manifestations) (cf. III. § 213 ).
De même que pour le cas solutionné précédemment, nous ne conserverons qu’un seul des deux termes proposés, en l’occurrence celui qui est au singulier.

3232. Bilan

Sur un plan qualitatif, et après avoir débattu à partir des difficultés présentées, nous garderons à l’esprit que les termes ainsi retenus appellent à considérer la notion à laquelle ils renvoient sous la double espèce de l’exemple et du principe, impliquant sur le plan de l’apprentissage la double connaissance des savoir faire et des savoirs.
Ce constat amènera par conséquent à questionner la notion de notion.
Sur un plan quantitatif, le corpus ainsi constitué ne retient plus que 289 termes, délestés de la marque du pluriel et de leurs attributs entre parenthèses (Annexe II. 5).
Ce tri ne saurait être définitif. Tel qu’il est, résultant de préoccupations d’ordre principalement terminologique, il répond essentiellement au critère de cohérence interne. Les opérations qui ont abouti à ce corpus restreint de termes ont été des opérations de découpage des notions du domaine à partir de toutes les propositions de notions exprimées par les listes. Aussi n’a-t-il pas été discuté du choix de ces notions. Un nouveau tri sera alors nécessaire pour répondre au critère de pertinence. Toutes ces notions relèvent-elles vraiment du domaine considéré ?

324. Le traitement des données

Le traitement des données nous permettra d’obtenir des éléments de réponse aux questions que nous avons posées, relatives, d’une part aux publications de listes de notions, et d’autre part aux termes retenus à partir de ces listes (cf. II. § 31). S’agissant de ces derniers, la question de la pertinence devrait encore nous donner les moyens d’affiner le corpus de termes.

3241. Données sur les listes de notions

32411. Rappel des objectifs

Par ce procédé de correction terminologique appliqué aux listes d’origine, ou corpus source (Annexe II. 1), nous sommes à présent en mesure de produire un nouveau corpus de listes, ou corpus cible (Annexe II. 6). Il va servir d’objet d’étude permettant d’apporter des réponses aux questions suivantes :

1. Quels sont les lieux et les temps de production des listes de notions ?
2. A quelles références disciplinaires a-t-on fait explicitement appel pour leur
constitution ?
3. Les listes présentées sont-elles structurées ?



32412. Outils méthodologiques

Pour apporter des éléments de réponse à ces questions, nous utiliserons une grille de saisie permettant de prélever des données à la fois sur la source et sur le contenu des listes.
Cette grille (Annexe II. 7) comprend 24 lignes correspondant au nombre de listes, et 8 colonnes, dont la première rappelle le numéro d’ordre de chaque liste. Le restant étant partitionné comme suit :
. données relatives à la source :
1- numéro d’ordre de la liste ;
2- date de publication ;
3- support de publication ;
4- statut de l’auteur (individuel/collectif) ;
5- domaine d’appartenance de l’auteur (individuel/collectif).
. données relatives au contenu :
6- domaine auquel sont référés les contenus ;
7- nombre de termes de la liste ;
8- structuration de la liste, et nombre de niveaux. 

3242. Données sur les termes

32421. Rappel des objectifs

La didactisation des savoirs info-documentaires porterait sur les notions telles que celles incluses dans les listes aujourd’hui à notre disposition. Aussi ne considérons-nous pas celles-ci comme uniques sources de détermination des notions candidates, mais à titre d’exemples fournissant la matière première à la réflexion didactique. Le corpus de termes retenus dans cette étude n’est ainsi considéré que comme un moment du chantier didactique, ce moment où les questions sont plus nombreuses et plus prometteuses que leurs éventuelles réponses.
Nous nous appuierons donc sur le corpus de termes dont nous disposons pour aborder quelques aspects de la transposition didactique :
1. la question de la pertinence des notions proposées au regard des références
disciplinaires désignées par les auteurs des listes
2. l’appellation utilisée pour désigner ces notions et leur catégorie épistémologique
3. la question des concepts organisateurs

32422. Outils méthodologiques

324221. Croisement des questions de la pertinence et de la référence

Cette matière première, composée des termes retenus après opération de tris chargés d’en assurer la cohérence, a cependant encore besoin de passer au tamis de la pertinence au regard des domaines convoqués pour servir de référence. Il s’agit alors de savoir s’il existe un écart entre la référence proclamée (Annexe II. 7, colonne 5) et la référence réelle, telle qu’elle peut être induite par les contenus proposés (Annexe II. 5). Cette réalité nous intéresse en ce qu’elle pose de manière empirique la question de la référence (A. Terrisse, 2001).
Or, l’analyse des listes, sur ce point, a révélé l’hégémonie de la Science de l’information et ses collatéraux (Sciences de l'information et de la documentation, SIC) (cf. II. § 3312). Notre propos sera donc double : il s’agira d’une part de vérifier cette cohérence entre discours d’intention et de proposition, et d’autre part de déduire un champ de classement pour les notions de notre corpus. Le cadre proposé par la Science de l’information peut-il contenir tout ou partie des notions proposées ? La prétention affichée d’en faire la discipline de référence de l’Information-documentation se vérifie-t-elle ou non ?
Nous utiliserons pour ce faire la « carte de la science de l’information » composée par Y. F. Le Coadic (1994), laquelle définit les différentes composantes scientifiques et techniques de cette inter-discipline.
La grille de saisie de ces données comportera donc en ordonnée les différentes disciplines associées de cette science, qu’elles soient scientifiques ou techniques. Conformément aux indications données par les auteurs des listes, et pour faire bonne mesure, nous y adjoindrons les Sciences de l’éducation et la Science de la communication (cf. Annexe II. 8).
Nous comparerons ensuite les déclarations faites par les auteurs des listes à propos de la référence (cf. II. § 3312, tableau n°3) à ces données, et obtiendrons ainsi une meilleure image de la représentation des références qui est ainsi exprimée.
La conséquence de ce travail de classement offrira la possibilité de soumettre la liste des termes retenus jusqu’ici au critère de pertinence, et ainsi d’aboutir à la constitution d’une nouvelle liste.

324222. La question de la catégorie épistémologique de ces notions

Nous nous étonnons, à la lecture du corpus de notions, de voir cohabiter sur un même plan des notions telles que auto-évaluation, dictionnaire, indexation. Il est alors question ici de tenter une caractérisation de la nature épistémologique des notions désignées par les auteurs.
Pour ce faire, nous commencerons par vérifier auprès des auteurs des listes quelle appellation est donnée à ces objets de savoir candidats. Une simple grille rapportera pour chacune des 24 listes du corpus cette, ou ces appellation(s) (Annexe II. 9).
Nous utiliserons ensuite, pour tenter d’y voir plus clair, la distinction qu’opère Y. Chevallard (1985) entre les différents régimes didactiques de ces savoirs. Là encore, une simple grille permettra de filtrer les éléments de notre corpus de notions, dans l’espoir de pouvoir réduire celle-ci à un ensemble de savoirs à enseigner (Annexe II. 10).

324233. La question des concepts organisateurs

Nous avons relevé, au début de cette étude, qu’un certain nombre de listes de notions étaient structurées en différents niveaux. Le besoin d’organiser les contenus entre eux, de donner une architecture à la matière sans cela informe et égale dans ses composants, traduit une certaine idée de la matrice disciplinaire en formation (M. Develay, 1992). Celle-ci s’appuie et se détermine en partie en fonction des concepts les plus importants. Cette importance se mesure au travers de leur capacité à englober nombre des autres concepts de la matière, de les ordonner et de les relier à eux.
II s’agira donc ici de connaître, à partir des listes structurées, quelles sont les notions ayant le plus fort potentiel intégrateur.
Pour ce faire, nous repartirons du corpus cible des occurrences portant la marque typographique que nous y avions laissée de la hiérarchie des niveaux (Annexe II. 4). Ne seront conservées que les occurrences marquées de rang 1 et 2, afin de réduire leur nombre et de se concentrer sur l’essentiel qui est le haut de la pyramide (Annexe II. 11). Nous procéderons à un comptage de ces occurrences et ne conserverons que les termes exprimés par au moins 5 occurrences.
Les résultats seront reportés dans un tableau sur lequel paraîtront, afin de contextualiser la notion présentée, les données relevées au cours de l’étude portant sur leur(s) discipline(s) de référence et leur catégorie épistémologique.

33. Analyse des données

Nous avons donc choisi de découper l’analyse de ces listes en un certain nombre de questions précises se rapportant tantôt aux documents présentant des notions proposées à être enseignées et tantôt à ces dernières.

331. Analyse des données portant sur les listes de notions

Le traitement des données extraites en partie des listes de notions elles-mêmes, et en partie des publications contextualisant ces listes (auteur, date de publication, support de la publication) a permis de produire une analyse portant sur les aspects suivants :
. les acteurs de la transposition
. la question de la référence des savoirs
. la question de la structuration des savoirs

3311. Les conditions de production des listes

L’examen des conditions de production des listes conduit d’abord à s’interroger sur les sources, puis sur les supports utilisés et enfin sur le déploiement des publications dans la période considérée. L’analyse des sources a pu s’appuyer sur deux séries de données distinctes, celles concernant l’auteur d’une part, et celles concernant le support de publication d’autre part. Le second traitement a ainsi permis de fixer la répartition des productions dans le temps. Les résultats reportés dans les tableaux ci-dessous s’appuient sur les données saisies dans l’annexe II. 7.

a- les résultats :

Pour rendre compte des productions du point de vue de leurs auteurs, nous avons interrogé leur statut ainsi que leur domaine d’appartenance, lorsque celui-ci était pertinent.

Statut des auteurs
Domaine d’appartenanceNombre de personnes
(ou d’équipes)

nombre de productionss-totaltotals-totaltotal
universitairesSc. de l’information4
74
11Sc. de l’éducation37équipes d’enseignants-55
instances professionnellesassociation professionnelle1
22
3association syndicale11PRCE22institutionM.E.N.1212académie11chargé d’étude11
1- Les sources productrices de listes de notions

Les supports de publication et les temps de la production ont pu être traités sur un même tableau :

Support9495969798990001020304050607Totalpériodique1311111110site institutionnel1135monographie2114site officiel11Actes112Textes officiels 221-23134112113124
2- Les publications de listes de notions et leur support entre 1994 et 2007

b- éléments d’analyse

Ce qui frappe en premier lieu est la diversité des sources à l’origine des productions de listes. Sont réunis là, de fait, tous les acteurs possibles composant la noosphère, ce « tout ce qui pense » autour du système didactique stricto sensu (Chevallard, 1985) : de l’enseignant souhaitant réfléchir à sa pratique dans le cadre d’une journée de rencontre locale, ou au sein de son association professionnelle, au maître de conférence de l’université ou de l’URFIST, en passant par le formateur de l’IUFM, le syndicaliste et l’administrateur. Le projet didactique, s’il pèse peu en nombre de listes produites à ce jour, trouve cependant à se déployer très largement dans les différentes strates de la noosphère.
Il faut remarquer en second lieu la très forte proportion d’universitaires (46%) impliqués. Leur répartition dans le temps montre que cette implication a davantage servi d’impulsion puisque, de 1994 à 1999, 6 des 10 publications sont de leur fait. Quant à la répartition entre les disciplines d’appartenance, elle se montre presque équilibrée entre Science de l’information et Science de l’éducation. Ce simple constat permet d’inférer quelles sont les deux principales références des savoirs info-documentaires.
L’implication des équipes enseignantes mérite également d’être soulignée. Si l’on additionne les travaux produits par les équipes régionales à ceux des équipes nationales de l’association professionnelle, c’est une production sur trois qui est de leur fait.
Quant aux supports de production, le périodique imprimé reste le vecteur le plus employé pour assurer la diffusion des travaux professionnels. L’année 2006 voit cependant trois productions mises en ligne sur des sites académiques (Rouen, Nantes) et nationaux (CNDP). Ces deux vecteurs offrent la meilleure garantie de pénétration du monde professionnel. Ils représentent en effet à eux-seuls 62% de la diffusion. Ce choix de supports permet d’inférer que la production est principalement tournée vers le corps des enseignants-documentalistes.
La répartition des productions dans le temps, enfin, se montre assez étale, avec un pic de publication en 1999-2000 (29%) qui peut sans doute s’expliquer pour cette période d’intense réflexion et de mobilisation de la noosphère autour de la réforme du CAPES.
Cela dit, la question de la proposition des objets à enseigner reste dans le cas présent pour le moins ambiguë. D’un côté, les professionnels, les associations et les universitaires, où se concentrent les efforts et les réalisations, toujours à reproduire tels ce rocher de Sisyphe qu’il faut sans cesse remonter, et de l’autre, l’institution qui, en 2004, établit bien un programme d’enseignement mais pour le dédier à d’autres personnels enseignants et au profit d’une seule série de 1ère. Autrement dit, ce qui est rationalisé ici ne saurait l’être là. L’image donnée reste celle d’un chantier sans maître d’œuvre ni projet consensuel. Ainsi l’acte de la désignation des objets à enseigner revient bien à l’administrateur et au pouvoir démiurgique qu’il manifeste par sa parole performative.


3312. La question de la référence des savoirs du point de vue des acteurs

a- les résultats :

La répartition des références explicitement données à l’appui des listes par leurs auteurs est reportée sur le tableau ci-dessous. A côté de chaque appellation du domaine de référence figure la date de sa première occurrence.

Date
de la première occurrenceDomaine de référence convoquéss-totalTotal%1997Sc. de l’information et de la documentation (S.I.D.)8


23


74,21996Sc. de l’information (S.I.)71994Sc. de l’information et de la communication (S.I.C.)52003Sc. de la communication (S.C.)12003Disciplines techniques11996Médiologie11996Sc. du langage, linguistique3
8
25,81998Sc. de l’éducation21997Pratiques sociales de référence22000Informatique1Total3131100
3- Les domaines de références convoqués dans les listes de notions

b- éléments d’analyse :
L’équilibre constaté précédemment entre Sciences de l’information et de la communication (SIC) et Sciences de l’éducation est ici rompu au profit des premières. Cette rupture reflète la tendance exprimée par les réformes successives du CAPES, en passe de devenir le CAPES des SIC. Cependant, une forte proportion de références cherche un rapprochement vers les Sciences de l’information et de la documentation (SID), convoquées relativement tardivement, en 1997. Cette confusion entre SIC, SID, SC et SI reflète l’instabilité de cette exception française qui a consisté à réunir les Sciences de l’information aux Sciences de la communication dans la 71ème section du Conseil national des universités. Une étude plus précise des notions exprimées dans ces listes permettrait de mieux distinguer ce qui ressortit à chacune de ces sous-sections.
A l’opposé de cette préemption référentielle sur le domaine info-documentaire, on trouve par exemple l’informatique. Sa première occurrence, datant seulement de 2000, contraste énormément avec la place prise par les T.I.C. dans les CDI, aussi bien dans le pôle gestionnaire que dans le pôle pédagogique. De surcroît, les pressions exercées par les discours prosélytes en faveur de l’urgence de l’entrée dans la société de l'information ne semblent avoir ici aucun écho, si l’on considère que l’unique occurrence relevée dans nos listes le doit à une équipe de chercheurs TIC de l’INRP. Ainsi, le projet institutionnel d’intégration des savoirs documentaires dans le B2i ne semble pas rencontrer le projet didactique. A moins de considérer que l’informatique documentaire est implicitement convoquée dans la référence aux Sciences de l'information et de la documentation. Ceci pourra être vérifié lors du traitement de la question relative à la pertinence du choix de ces notions au regard du domaine considéré.
Cette dernière remarque en appelle une autre : si l’appellation du domaine de référence est souvent mentionnée, elle reste toujours générale, présentée comme une toile de fond à la scène qui se joue devant. Très rares sont en effet les renvois plus précis aux théories, aux concepts, aux auteurs et aux ouvrages relatifs à ces domaines. Le recours aux références n’est ainsi jamais établi preuve à l’appui, ce qui donne bien souvent au propos le ton de la revendication davantage que celui de l’argumentation.

3313. La question de la structuration des savoirs

a- les résultats :

Sur les 24 listes du corpus, seules 9 d’entre elles présentent une structuration interne, soit 37,5%. La répartition entre les différents niveaux de structuration s’établit ainsi :

aucun niveau1562,5%2 niveaux3
37,5%3 niveaux34 niveaux15 niveaux2Total24100%
4- Nombre de niveaux de structuration utilisés dans les listes de notions

b- éléments d’analyse :

Le fait que six des neuf listes structurées le sont depuis 2000 peut faire penser à une évolution récente allant dans ce sens. Ceci peut être corroboré par les deux autres données suivantes :
. deux listes structurées à cinq niveaux paraissent pour la seule année 2006 ;
. les quatre dernières listes parues (ou à paraître) livrent des quantités de termes jusque là jamais ou rarement égalées (n°21 : 103 ; n°22 : 111 ; n°23 : 150 ; n°24 : 69).
Ce dernier point peut en partie expliquer cette possible évolution, un nombre important de termes nécessitant une organisation et un classement. Il est aussi permis de penser l’inverse : le fait de classer une collection stimule la recherche de nouveaux termes et l’enrichit.
Quoi qu’il en soit, l’apparition de la structuration comme élément organisateur des listes de notions équivaut à un saut épistémologique. Le passage de la simple énumération aléatoire à la structuration raisonnée oblige en effet à effectuer une identification plus fine de la notion considérée et, par la spécification de ses caractéristiques, à établir des relations avec d’autres notions de la liste. La structuration renvoie à la vision d’un système qui serait à la fois maîtrisable par un effort de logique - par conséquent, enseignable - et cohérent par cette idée que les composants hétéroclites de ce système concourent à un même but.
Le type de relations utilisé se révèle alors toujours inspiré du modèle des terminogrammes et des thesaurus. La relation est toujours verticale, de type hiérarchique. Les liens sont du type « X contient Y », « Y est contenu dans X ». Les termes sont alors tantôt des génériques, tantôt des spécifiques. Mais à la différence des thesaurus, il n’existe pas de relation d’associativité pour renvoyer à des notions voisines. Ces listes ne supposent donc pas de structuration en réseau.
Il reste à connaître ce que ces structurations expriment des conceptions de la matière à organiser, au travers des choix des notions qui sont opérés, et notamment de celles qui occupent le sommet des hiérarchies.





332. Analyse des données portant sur les notions retenues

3321. Croisement des questions de la pertinence et de la référence

a- les résultats

Les 278 termes du corpus désignant des notions candidates ont ainsi été distribués sur la grille des sciences de référence (cf. Annexe II. 8 ). Les résultats de cette répartition qui apparaissent dans le tableau suivant sont exprimés en nombre et en pourcentage. Le total de 282 termes tient compte du fait que certains termes ont été attribués dans deux catégories à la fois.

Disciplines de référenceDisciplines associéesNb de notions attribuées%%%







Sc. de l’information1. Epistémologie
Philosophie155,2









88









942. Histoire003. Linguistique227,74. Psychologie
Sc. cognitives3211,25. Economie
Droit
Politique
16
5,66. Sociologie
Ethnologie72,47. Télécommunication
Electronique82,88. Informatique4515,99. Logique
Statistique
Mathématique
4
1,410. Bibliothéconomie
Documentation
Archivistique
Journalisme
Muséconomie

101

35,8Sc. de la communication11.1766Sc. de l’éducation12.62,12,1
6Autres113,93,9Total282100100100
5- Répartition des notions exprimées par les listes sur la grille des sciences de référence

Il a paru en outre intéressant de rapprocher ces résultats de ceux enregistrés précédemment, relatifs à la question de la référence des savoirs du point de vue des acteurs (cf. § 3312, tableau n°3). Nous ne tirons des résultats de la répartition des notions qui précède que ce qui peut être comparé avec les premières données relatives aux déclarations des auteurs des listes. Pour ce faire, nous devons opérer les rapprochements suivants :

. les Sciences de l'information et de la documentation, la science de l’information, la linguistique et les disciplines techniques composent le bloc de la Science de l’information ;
. la médiologie et les Sciences de l’information et de la communication sont comptées ensemble

Domaine de référence convoquéDéclaration des auteursRépartition effective des notionsSc. de l’information et de la documentation (S.I.D.)
Sc. de l’information (S.I.)
Disciplines techniques
Sc. du langage, linguistique

61,3




84

69,3




75,3Médiologie
Sc. de la communication (S.C.)
Sc. de l’information et de la communication (S.I.C.)
22,7
6Sc. de l’éducation6,42,1Pratiques sociales de référence6,4-Informatique3,218,710096,1













6- Comparaison des références convoquées par les auteurs des listes aux références induites par les notions

Cela fait, même en ayant procédé à quelques arbitrages, les résultats de la première série doivent cependant être relativisés pour les raisons suivantes :

. le nombre très limité de données (31) ;
. l’impossibilité de connaître les représentations se cachant derrière l’emploi de telle ou telle appellation voisine ;
. la possibilité que ce qui concerne l’informatique ait été implicitement compris dans les Sciences de l’information, ainsi que le montre la carte de Y. F. Le Coadic.

S’agissant à présent de la pertinence des termes, jugée au travers de cette opération de classement dans une grille de référence, nous signalons quelques unes des difficultés rencontrées :
1. certaines notions semblent appartenir davantage au corps de la discipline associée qu’à cet inter-champ qu’elles dessinent avec la Science de l’information. C’est le cas de :
- ordinateur, surbrillance, inverse vidéo, organisateur textuel, partage
des ressources pour l’informatique ;
- expression, rhétorique pour le français
Pour ces raisons, elles ont été supprimées de la liste.

2. certaines notions, soit associées à des objets relevant de processus intellectuels fondamentaux non spécifiques (schéma, tri), soit trop peu pertinentes dans le cas présent (page papier) ont également été retirées de la liste.

3. certaines notions se sont révélées multi-référentielles. C’est, par exemple, le cas de :
- classification : 1 et 10
- indexation : 3 et 10
- requête : 4 et 8
- rumeur : 1, 4, 10 et 11
- etc.
Dans les cas où il ne nous a pas paru possible de nous déterminer, nous les avons rangées dans plusieurs domaines.

4. enfin, la notion information étant commune à toutes les catégories, elle n’a été classée nulle part. L’occasion a été saisie de la rapprocher des concepts intégrateurs.

Considérant également le domaine des Sciences de l’éducation, et après en avoir tenu compte dans nos résultats dans la mesure où cette référence était explicitement citée par les auteurs des listes, les notions présentes ne nous ont pas paru spécifiques du champ considéré. Pour cette raison, elles ont également été supprimées.
A l’issue de ce nouveau tri par le critère de pertinence, la liste compte désormais 271 termes.

b- éléments d’analyse 

Les résultats portés sur le tableau 4 révèlent une très forte présence de la Science de l’information. Y. F. Le Coadic (1994) explique ce résultat par le fait que l’appel à plusieurs sciences semble aller de soi, puisque les problèmes qu’aborde cette nouvelle discipline transgressent les frontières historiques des disciplines traditionnelles. Il est dès lors aisé d’y référer nombre de notions. L’obstacle réside peut-être justement là, dans la difficulté à situer cet inter-champ entre le domaine spécifique d’une discipline associée et celui de l’information-documentation. La place grandissante prise par l’informatique, les télécommunications et l’électronique, par exemple, rendent d’ailleurs ce problème d’ancrage particulièrement sensible.
L’intérêt d’un travail de classement des notions selon leur discipline source a justement le mérite de faire préciser cette localisation. Cette connaissance manque souvent au praticien en quête de repères. Elle devrait en outre faciliter l’élaboration de réseaux notionnels plus cohérents puisqu’ils emprunteraient leurs éléments dans des champs homogènes ou connexes.
Quant au rapprochement effectué entre les références annoncées par les auteurs des listes et les références induites par les notions (tableau n°6), et nonobstant la relative pertinence des données de la première série (tableau n°3), il se dégage néanmoins, avec un taux moyen de 80%, une très nette convergence pour pointer l’importance du rapport à la Science de l’information. Cela est d’autant plus remarquable que si l’on ajoute aux deux séries les chiffres obtenus pour l’informatique, et ce pour la raison qu’elle est associée à la Science de l’information à laquelle elle apporte des connaissances et des techniques sur les outils de recherche et de gestion de l’information, alors le taux monte à 87,2% du côté des déclarations, et à 94% du côté de la répartition de facto. A partir de ces résultats, et seulement à partir d’eux, il est dès lors possible d’inférer que la Science de l’information joue le rôle de discipline de référence pour l’Information-documentation.
A l’inverse, les Sciences de l’éducation (colonne n°12) sont d’autant peu convoquées qu’elles sont à peine repérables à travers les notions dont nous disposons. Nous avons de plus expérimenté le fait que les notions présentées se révélaient peu pertinentes (critère de réussite, co-évaluation, tâche, etc.) pour construire une épistémologie des savoirs info-documentaires. A moins de les compter au rang des notions propres aux Sciences cognitives. S’y trouvent en effet un bon nombre de notions de dimension fort peu discursive, telles que besoin d’information, évaluation de la recherche d'information ou encore représentation du but. L’approche didactique relative à l’appropriation des connaissances puise d’ailleurs dans ces sciences sa réflexion et ses principaux concepts. Il faudrait cependant, parmi ces matériaux, faire la part entre les objets à enseigner comme tels, et ces processus relevant davantage de comportements mentaux, de compétences et de méta-connaissances que de principes et de notions. Ainsi, à relire la liste des termes établis dans cette colonne (n°4), il resterait peu de termes appelés à devenir des savoirs à enseigner. Cette hypothèse demande cependant à être confirmée par l’analyse de leur nature épistémologique.

Ces quelques éléments d’analyse, appuyés sur des données et des résultats trop limités, ne permettent pas de prendre la mesure de la question de la référence en Information-documentation aujourd’hui. Qu’en est-il, par exemple de l’intérêt porté aux pratiques sociales en matière documentaire ? Elles ont été revendiquées comme référence par un auteur, mais n’ont pas trouvé de concrétisation en tant que notions. Sans doute devrait-on pouvoir les trouver parmi les matériaux classés dans le champ des sciences techniques (colonne n°10). Doit-on dès lors, et de façon classique, ne chercher de référence scientifique que dans une discipline universitaire, ou d’autres voies doivent-elles encore être explorées pour une transposition didactique moins restreinte ?

3322. La question de la catégorie épistémologique de ces notions

Il a été évoqué précédemment le cas de ces objets de savoirs appartenant au champ des Sciences cognitives, tels besoin d’information ou représentation du but. Ces notions, présentées dans les listes au milieu d’autres, sans aucune distinction, ont-elles pour autant le même statut ? De même, qu’en est-il pour chronologie, connaissance ou encore thème d’un texte ? Sont-ils à appréhender sur le même plan que citation, bruit/silence documentaire ou auteur ? Se pencher sur la nature didactique de ces notions revient à prendre conscience de niveaux épistémologiques distincts dans l’échelle des savoirs.
Nous emprunterons cette échelle à Yves Chevallard (1985) pour qui tout objet de savoir ne saurait être pour autant un objet à enseigner. Parmi les objets désignés pour être enseignés, le didacticien des mathématiques distingue trois catégories de notions correspondant à différents régimes du savoir. Nous prendrons ainsi délibérément le risque de transposer, mutatis mutandis, ce qui est appliqué dans le champ des mathématiques pour l’appliquer dans le champ de l’Information-documentation.
La première catégorie (A) comprend les notions (mathématiques), objets destinés à être enseignés. Objets construits, discursifs, ils connaissent une définition, se composent d’attributs et se manifestent par un certain nombre d’occasions d’emploi (ex. addition, cercle, nombre).
La seconde catégorie (B) désigne les notions-outils qui viennent en auxiliaire aux notions de la première catégorie. Elles sont connues et sollicitées dans les travaux en classe, mais ne sont jamais étudiées. Y. Chevallard les nomme notions paramathématiques (ex. équation, démonstration, paramètres).
Enfin, la troisième catégorie (C) se compose de cette strate plus profonde de notions qui ne sont qu’implicitement mobilisées dans les situations d’apprentissages. Ces allant de soi renvoient à des capacités qui ne sont jamais enseignées, et par conséquent se développent au mieux par l’entraînement. Leur maîtrise est cependant un pré-requis du contrat didactique. Ce sont des notions dites protomathématiques (ex. savoir reconnaître tel type de problème).
De ces trois catégories de notions, seule la première donne lieu à un enseignement explicite. Les deux autres sont acquises ou développées implicitement. Cependant, seule la dernière (les notions proto-) n’est pas consciemment perçue par le maître ou par l’élève lorsqu’elle est convoquée. Ce que nous pouvons classer ainsi :

- catégorie A -
Notions- catégorie B -
Notions para-- catégorie C -
Notions proto-perçuesnon perçueset enseignéeset non enseignées
Cette grille sélective, appliquée à notre corpus de savoirs désignés, aura ainsi pour conséquence la suppression d’un certain nombre de notions appartenant aux catégories B et C, puisque dès lors non vouée à être enseignées.
a- les résultats 

Nous avons voulu d’abord interroger les auteurs des listes pour savoir si des distinctions étaient discernables dans les appellations désignant les objets de savoir désignés (Annexe II. 9). Le tableau suivant rassemble les résultats de cette enquête :

appellationsnb d’occurrencesnotion15concept11connaissance5savoir5objet d’apprentissage3fait1total40
7- Appellation des objets à enseigner selon les auteurs des listes

Nous avons ensuite apposé sur notre corpus de termes la grille des trois régimes didactiques du savoir (Y. Chevallard, 1985) (Annexe II. 10).

OBJETS DE SAVOIRobjets à enseignerobjets utiles à l’enseignement- catégorie A -
Notions
- catégorie B -
Notions para-
- catégorie C -
Notions proto-annuaire de sites
archive ouverte
article
atlas
auteur
autoritativité
autorité
balise html
banque de données
base de données
bibliographie
bruit/silence documentaire
etc.
activité documentaire
actualité
analogie
analyse de l’information
arborescence
argumentation
champ lexical
champ sémantique
chronologie
concept
connaissance
critère
etc.auto-évaluation
besoin d’information
domaine de connaissance
identification de l’information lecture
problématique
représentation
représentation du but
évaluation de la recherche d'information

8- Classement des notions désignées selon l’analyse épistémologique du régime didactique du savoir (extrait).
b- éléments d’analyse :

Les appellations utilisées par les auteurs des listes ne nous semblent pas faire de distinction entre les différents statuts épistémologiques des notions. Celles-ci sont désignées de manière globale et au moyen de termes génériques allant d’emplois banalisés (notion, concept, savoir) à une terminologie plus savante (objet d’apprentissage, connaissance déclarative).
Par contre, il est à noter la prépondérance des deux termes notion et concept, allant d’ailleurs souvent de pair (30% des cas). Cette double appellation des savoirs désignés trahit une hésitation, voire confine au bégaiement. Aucun auteur employant l’un et/ou l’autre de ces termes n’en donne d’ailleurs une définition. Cette question du concept, importante en didactique, demandera par la suite un éclaircissement.

S’agissant à présent de la nature épistémologique de chacune de ces notions, l’opération de classement a inlassablement conduit à se demander, en premier lieu, ce que l’on enseigne et ce que l’on n’enseigne pas. Les hésitations, qui n’ont pas manqué, ont abouti aux deux questions suivantes :
1. que sait-on de ces savoirs ? Quel champ de significations recouvre cette notion ? Là encore, l’absence d’outils didactiques dans le domaine de l’Information-documentation freine considérablement la résolution de problèmes qui sont liés pour une bonne part à la définition des notions. Y. Chevallard donne pour caractéristique aux notions mises en jeu le fait de pouvoir être définies, d’exprimer des propriétés particulières et de se manifester dans un certain nombre d’emplois. Ces critères, essentiels à l’identification des notions, rappellent ce qui est attendu d’un concept en didactique comme en logique. Cette première réponse pose cependant une nouvelle question : comment rendre compte explicitement, i.e. de manière discursive, d’une notion à enseigner ?
2. quelle est son utilité pour l’élève ? Cette seconde question amène à se dégager un moment du projet didactique pour s’intéresser au projet social d’enseignement et penser leur articulation. Nous sommes alors conduits, ainsi que le propose M. Develay (1992), à penser synchroniquement les dimensions axiologique et didactique du savoir. Ce réinvestissement du mandat sociétal de l’école peut éclairer les choix à opérer sur la détermination des objets de savoir. Le classement des notions se prête mal à ce travail de réflexion axiologique, aussi vaudrait-il mieux réserver celle-ci au moment où sont définies les notions.

Le renseignement de la grille laisse encore apparaître une incertitude, d’ordre logique cette fois. Comment, en tant qu’enseignant, être sûr que les notions de type proto- en sont bien, dès lors qu’on les pense au rang des savoirs à apprendre ? Si le critère de non perception de leur mobilisation en font des notions proto-, alors quelles notions choisir dans la mesure où, sélectionnées pour être insérées dans ces listes, elles ont toutes été consciemment choisies pour devenir des savoirs à enseigner ? Ne faut-il pas se faire violence, ou feindre la schizophrénie pour renseigner ainsi la colonne de l’insu ? En guise de réponse, nous proposons ces trois remarques :
1. Y. Chevallard fait remarquer que « si ces capacités peuvent éventuellement être désignées comme des objectifs d’enseignement, elles ne prennent pas place au rang d’objets d’enseignement pour autant » ;
2. ce qui est de l’ordre proto- dans une discipline ne l’est pas forcément au regard d’une autre : nous avons eu à remarquer combien le questionnement du sujet n’était pas perçu chez nombre de nos collègues de discipline alors qu’il est explicitement et systématiquement proposé aux élèves par les enseignants documentalistes lors des activités documentaires. Il passe alors de la catégorie C pour les premiers à la catégorie B pour les seconds ;
3. des changements de catégories sont possibles à l’intérieur même d’une discipline : la pénétration rapide de concepts issus de la psychologie cognitive dans le milieu professionnel, tels représentation du but ou besoin d’information, a pour conséquence de rendre les enseignants documentalistes conscients de ces processus intellectuels et, consécutivement, de s’employer à les développer chez leurs élèves, du moins en termes d’objectifs. Ces notions passent ainsi de proto- à para-.
La réflexion épistémologique portée sur les savoirs proposés conduit ainsi à mieux poser les questions relatives aux choix des contenus à enseigner et à savoir les dégager de ceux qui n’ont pas à l’être, cependant qu’ils doivent également être appris. Ainsi, tout ce qui s’apprend ne s’enseigne pas pour autant. C’est là une question fondamentale pour la didactique naissante de l’Information-documentation.

- bilan 

Au terme de ce nouveau tri par critère épistémologique, le corpus de notions désignées est réduit à 211 termes (Annexe II. 11)

3323. La question des concepts organisateurs

Il s’agit ici, pour conclure cette étude, de se pencher sur les listes présentant une hiérarchie de leurs contenus notionnels afin de connaître lesquelles de ces notions sont pressenties comme ayant le meilleur potentiel intégrateur.

- les résultats 

Sur les 976 occurrences que contenait la liste cible établie à partir de la mise en cohérence terminologique (cf. Annexe II. 4), nous avons relevé 349 occurrences de rangs 1 et 2 (Annexe II 12). Ce nombre élevé, correspondant à 35,7% des occurrences totales, assure la pertinence des résultats, en ce sens qu’il ne prend en compte que les deux niveaux les plus élevés des hiérarchies. En effet, si 9 listes seulement sur 24 sont structurées, elles représentent pourtant à elles seules 61% des occurrences produites. Nous avons déjà émis cette hypothèse selon laquelle la relation entre structuration et nombre élevé de notions pouvait se faire à double sens : les corpus importants ont besoin d’être structurés, de même que le fait de structurer incite sans doute à déterminer davantage de notions (effet heuristique).
Au nombre des 349 occurrences de rangs 1 et 2, 69 occupent le premier rang et 304 le second. 42 termes distincts se partagent ces 69 occurrences de rang 1, soit un taux de 61%, ce qui révèle une assez large répartition. Il s’est donc avéré nécessaire de se limiter aux notions exprimées au moins par 5 occurrences. Cette préoccupation rejoint d’ailleurs l’un des objectifs de cette étude qui est de dégager les notions les plus fédératrices.
Au total, 13 notions satisfont à ces critères. Elles sont classées par ordre décroissant de leur nombre d’occurrences dans le tableau ci-dessous, avec mention de leur catégorie épistémologique (cf. II. § 3322) et de leur discipline de référence (cf. II. § 3312).

n° d’ordre
NotionsSc. de réf.CatégorieRang
nb d’occurrences
TotalABC121informationXX712192support10X412163document10X49134source10X55105classification1-10X3696base/banque de données8X1897codage de l’information8X2488code d’organisation formelle de l’information10X1679système d’information/documentaire10X32510outil de recherche8X14511indexation3X14512moteur de recherche8X05513thesaurus3X055
9- Les principales notions citées aux rangs 1 et 2 dans les listes structurées : leur catégorie épistémologique et leur discipline de référence.

b- éléments d’analyse 

Toutes les connaissances humaines présentent cette caractéristique fondamentale d’être, par le biais des grands systèmes classificatoires, ordonnées, organisées et hiérarchisées dans leurs parties, afin de pouvoir se laisser saisir par la pensée logique. Il en est de même des disciplines scientifiques et des matières scolaires. Neuf listes de notre corpus présentent cette même intention de fédérer, sous des notions principales, premières, un ensemble cohérent de notions secondaires. Quelles seraient-elles en Information-documentation ? Il est possible d’en avoir une idée assez précise aujourd’hui à partir de ces listes, dans la mesure où elles constituent la (quasi) totalité de ce qui a été publié sur ce sujet.
Même si cela n’a rien d’étonnant, il peut être ainsi confirmé que c’est bien information qui chapeaute en quelque sorte l’édifice. De même était-il prévisible de trouver, dans le groupe de tête, les autres notions de support, document, voire source (en 4, avec 5 occurrences de rang 1) et classification (5).
En revanche, la présence de moteur de recherche (12) nous interpelle. Si outil de recherche (10), qui est son générique, a une certaine vocation à englober d’autres notions telles fichier, logiciel documentaire, portail, annuaires de sites, métamoteur… et moteur de recherche, cela se vérifie moins pour ce dernier. Faut-il inférer là une conséquence du fort impact des TICE sur l’environnement et l’imaginaire de la Documentation ? Si cela était, il faudrait alors avoir les moyens de vérifier cet impact sur support (2) dont l’intérêt a été vivement remotivé depuis l’apparition des supports numériques. Si, s’agissant de outil de recherche, cela venait à être corroboré, alors il faudrait cumuler tout ou partie des résultats obtenus par ces deux notions. Ajoutons à cela l’intérêt porté à base/banque de données (6) ainsi qu’à codage de l’information (7). Serait alors établie la part importante prise par l’informatique documentaire dans la (re)construction des contenus notionnels de l’Information-documentation. Il est regrettable qu’une enquête longitudinale ne puisse être entreprise pour rendre compte de ces évolutions, les données manquant pour la période pré- et proto-informatique scolaire.
Du point de vue des références disciplinaires, la prédominance des sciences techniques documentaires (STD) reste assurée si on se souvient de la répartition des notions info-documentaires sur la carte des sciences de référence (cf. II. § 3312). Les STD (n°10) capitalisaient 35,8% des notions ainsi distribuées, contre 18,7% au profit des deux disciplines liées au numérique réunies (n°s 7 et 8). Cependant, cela ne se vérifie pas si l’on s’attache au ratio : de 1,9 en faveur des STD quand les notions ne sont pas hiérarchisées, le rapport descend à 1,5 lorsqu’elles le deviennent. Ce résultat tend ainsi à confirmer l’inférence énoncée précédemment selon laquelle l’outil numérique est bien installé dans les préoccupations des enseignants documentalistes. Mais les préoccupations dont il s’agit étant de nature didactique, c’est de l’intelligence de l’outil qu’il est question au travers de la connaissance de ses principes et des notions qu’il met en jeu (indexation, droit de l’information, économie de l’information, info-pollution, autoritativité, requête, etc.) Il serait dès lors intéressant de pouvoir étudier la manière dont l’outil, de par les évolutions ou les ruptures qu’il induit, assure ou non la pérennité des concepts.
Enfin, nous avons porté notre attention sur la catégorie épistémologique des notions appréhendées pour intégrer l’ensemble des objets de savoir de la matière info-documentaire. Il s’agissait de vérifier la cohérence didactique de l’édifice. A priori, les notions pressenties pour être les premières se devaient pour le moins d’avoir vocation à être enseignées. De ce point de vue, toutes y satisfont, appartenant à la catégorie des notions (A) selon les critères épistémologiques proposés par Y. Chevallard (1995).
L’entrée proposée ici pour dégager les concepts intégrateurs, à partir des seules listes structurées aujourd’hui disponibles, est-elle suffisante ? Existe-t-il d’autres moyens d’y parvenir que celui du froid recours aux chiffres ? Une approche didactique, investissant la dimension réticulaire des notions n’est-elle pas préférable, plus sûre, et pourquoi ?





Conclusion

L’état des lieux de la didactique documentaire avait fait apparaître cette concordance des temps entre l’instauration du CAPES et la genèse de l’intention didactique. Nous y avons vu une relation de cause à effet : le certificat, en apportant une reconnaissance au corps des enseignants documentalistes, met ceux-ci en devoir d’assumer leur nouveau statut d’enseignant et enclenche de fait une accélération du processus de professionnalisation. Celui-ci se traduit, pour les groupes de professionnalité composés d’une part des pionniers militants, et d’autre part des jeunes documentalistes issus du CAPES (M.-A. Le Gouellec-Decrop, 1997), par la volonté de rationaliser des contenus d’enseignement qui se trouvaient jusque là ignorés.
Cette recherche d’objectivation des savoirs notionnels trouve dans les travaux des didacticiens des disciplines les questions et les outils nécessaires. Les principales questions posées par la profession intéressent ainsi l’identification d’objets de savoirs documentaires et leur rattachement à un savoir universitaire de référence. Dans cette démarche de spécialisation disciplinaire, le curriculum servirait de cadre organisateur des enseignements.
Ces préoccupations rencontrent pour bonne partie celles de la didactique dans sa dimension épistémologique. Si les questions retenues à l’intérieur de ce cadre n’ont pas toutes trouvé des éléments de réponse suffisants au travers de l’analyse des corpus de listes et de notions que nous avons constitués à partir des publications concernées, nous retiendrons pour le moins les constats et les réflexions qui suivent, à partir des trois pôles de l’identification des savoirs à enseigner, de leur référence et de leur structuration.

1. L’identification des objets à enseigner

L’identification des objets de savoir, l’une des tâches majeures de la didactique, se confond dans le cas présent avec leur genèse. Les savoirs désignés à être enseignés ne sont pour l’heure, sauf dans le cas exceptionnel et paradoxal du programme de la classe de 1ère STG, que des savoirs proposés par la noosphère. Les listes ainsi publiées sont très diversement présentées, nourries et structurées. La grande hétérogénéité de leur terminologie montre assez que la Documentation est encore dans une phase de tâtonnements, même si les derniers essais font montre de davantage de rigueur et d’exhaustivité.
Les écarts terminologiques constatés témoignent par ailleurs d’une absence de consensus tant sur le choix des termes que sur les découpages conceptuels. Il apparaît ainsi clairement que ce qui manque, pour établir un dialogue critique et une culture commune, est une base de définition de ces notions. Il est alors étonnant de remarquer combien sont peu utilisés et référés les ouvrages des disciplines pourtant pointées comme sciences de référence par les auteurs. Toutefois, une évolution très récente tend à faire penser qu’une nouvelle étape est en train d’être franchie avec la publication de définitions des notions.
S’agissant de l’appellation générique de ces notions, la même remarque portée sur l’indétermination définitoire des notions peut être formulée ici. D’une part notion et concept sont utilisés comme synonymes, et d’autre part aucune attention n’est portée à leur sens ni aux conséquences possibles que le choix de l’une ou de l’autre appellation pourrait impliquer. Nous n’avons donc pas trouvé là de matière à pouvoir répondre à notre question initiale portant, d’une part sur la distinction fonctionnelle entre notion et concept et, d’autre part, sur la dimension structurante des concepts. Il faudra dès lors interroger logiciens et didacticiens pour aller plus avant. Cette distinction serait sans doute de nature à affiner le tri des notions et à permettre de mieux structurer l’ensemble.
La catégorisation épistémologique de ces notions, enfin, a révélé que le triple régime didactique du savoir pouvait être opérant pour les notions info-documentaires. Elle a montré de plus que certaines notions pouvaient migrer d’une catégorie de notions non enseignables à une autre selon le degré de conscience de l’enseignant. La liste des notions que nous avions retenues s’est ainsi trouvée réduite de celles qui, devant être apprises, ne sont pas pour autant enseignées.
Quoi qu’il en soit, nous avons pu obtenir, à partir de plus d’un millier d’occurrences extraites de ces listes quelques 221 termes, et ce, à la suite de tris successifs exploitant d’abord des critères de cohérence terminologique, puis de pertinence au regard des références disciplinaires et enfin, de pertinence épistémologique. Pour l’heure, et en l’absence d’outils définitoires appropriés, il est difficile d’aller plus avant dans le tri des notions proposées. A ce propos, la distinction que font G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi (1996) entre fait, notion et concept méritera qu’on s’y attarde.

2. Les disciplines de référence

La prédominance de la Science de l’information en tant que science de référence, avancée par les auteurs des listes de notions, trouve à se vérifier lorsque l’on distribue les notions proposées dans les champs disciplinaires. L’entreprise est cependant difficile à mener, là encore en l’absence de définitions précises, lorsqu’il s’agit de faire la part entre ce qui ressortit au champ spécifique de la discipline associée et ce qui ressortit à l’inter-champ délimité par le croisement de celle-ci d’avec le champ documentaire. Une étude plus poussée permettrait de présenter une topographie des implantations de ces notions en s’appuyant notamment sur les attributs qui les composent. Les zones qui apparaîtraient, découpant le champ même de chaque notion, donneraient ainsi à voir ce qui, de chaque notion, pourrait être relié à des notions d’autres disciplines mais partageant des attributs appartenant au même domaine documentaire. Nous retrouverions là un ciment pour l’élaboration de réseaux conceptuels, ainsi que l’application, sur le terrain didactique, de la dimension multi-référentielle de la Science de l’information.
Par ailleurs, notons encore la part importante prise par l’informatique documentaire, saisie comme exemple intéressant d’intersection entre l’Informatique et la Documentation. Se pose ici la question de l’ombre portée de l’outil numérique sur les régimes du savoir. S’agira-t-il de savoir que l’outil est ainsi caractérisé et construit (information), de savoir comment s’en servir pour qu’il donne satisfaction (apprentissage) ou bien plutôt de savoir pourquoi les résultats qu’il permet d’obtenir ont telle configuration, telles lacunes ou tel intérêt (compréhension) (O. Reboul, 1980 ; M. Fabre, 2004). Dans ce dernier cas, l’outil n’est qu’un vecteur mettant en évidence des principes et des lois touchant à la Documentation. Ainsi, une notion exprimée par le terme moteur de recherche peut se décliner sur ces trois modes. Ceci fait apparaître une nouvelle fois la nécessité de ne pas s’en tenir à l’appellation d’un terme mais de l’accompagner d’une définition en compréhension et en extension, ces deux composantes de la publicité du savoir selon M. Verret (1975). La rationalisation des savoirs effectue le passage de l’implicite à l’explicite.
Enfin, nous avons remarqué qu’au-delà de déclarations référentielles très générales, aucune précision n’était réellement apportée quant à l’origine précise de ces savoirs, et notamment au sujet de la méthode employée pour les faire surgir de ces horizons scientifiques. Leur détermination semble dans la plupart des cas relever de l’évidence et, à l’intérieur du groupe professionnel, se référer à un consensus plutôt qu’à un dictionnaire des sciences de l’information. Un « entre nous » qui, en quelque sorte, éviterait, ou permettrait d’éluder l’explicitation et la preuve. De ce simple constat émerge deux questions auxquelles nous nous efforcerons bientôt d’apporter des réponses :
. de quel(s) lieu(x) ces notions sont-elles effectivement extraites ?
. que masque - et donc révèle en creux - cette occultation des références ?
3. La structuration des objets de savoir

A propos de la structuration caractérisant 9 des 24 listes présentées, nous avons eu l’occasion de faire ressortir l’idée que leur apparition correspondait à un saut épistémologique allant dans le sens d’une plus grande explicitation et d’une augmentation de la prise de conscience de la charge notionnelle des contenus ainsi organisés. Par ailleurs, l’effort enregistré qui consiste à structurer des listes de plus en plus volumineuses correspond au désir de rationaliser des contenus jusque là présentés comme non existants. Aussi l’effort de structuration accompagnant la production de ces listes concourt-il au développement du processus de professionnalisation.
Cependant, la nature de l’architecture qui structure ces notions témoigne d’une démarche uniquement basée sur un rapport hiérarchique au savoir. Les relations sont en effet de nature inclusive, faisant seulement jouer termes génétiques (TS) et termes spécifiques (TS) entre eux à la manière des thesaurus, le tout dans une conception classificatoire propre, sans doute, à la culture de la profession. Néanmoins, ces pyramides, quand elles existent, permettent, lors de l’examen de leur sommet, d’appréhender lesquelles de ces notions ont le pouvoir le plus fédérateur. En ce sens, elles nous renseignent sur le nombre et la nature des pôles intégrateurs de la matière. En l’occurrence, et d’après nos résultats, les notions information, support, document et source présenteraient ces qualités.
Outre le fait que ces résultats ne dépendent que d’un nombre peu élevé de données, et sont donc fragiles, nous voudrions formuler l’hypothèse selon laquelle l’organisation verticale des connaissances n’est pas la seule, voire la plus apte à pouvoir rendre compte de ce pouvoir intégrateur. Là encore, un travail mené sur les composants des notions et non pas sur leur saisie globale comme il est procédé ici permettrait peut-être, sinon de parvenir à d’autres résultats, du moins de mieux saisir les relations à l’œuvre. Les notions, organisées en réseaux et non plus en pyramides, entretiendraient alors des liens horizontaux.

Enfin, la liste des notions retenues dans notre corpus montre des niveaux d’abstraction fort contrastés (de DVD à indexation !). Cette proximité induit des relations hiérarchiques que la mise en liste aplanit forcément. Cependant, autant il est facile de reconnaître l’existence de ces disparités et leurs conséquences pour l’appropriation de ces niveaux lorsqu’il s’agit de notions distinctes, autant il est délicat de les penser à l’intérieur de chacune des notions prises isolément. S’il est plus aisé pour un élève de se saisir de telle notion au motif qu’elle est d’un accès plus immédiat qu’une autre, ne peut-on pas de même envisager que cela soit possible pour chaque notion à condition que celle-ci soit saisie non plus globalement mais à partir de ses composantes dont l’accès serait également plus immédiat ? Cette préoccupation didactique qui consiste à trouver, pour la construction des notions un point d’entrée dans l’abstraction qu’elle constitue, n’a pas pu être retrouvée par l’analyse du corpus et ce, pour la même raison que précédemment, à savoir l’absence de définition des objets de savoir proposés.
Ainsi, si certaines questions ont pu trouver des éléments de réponse au travers de l’attention portée à cet ensemble de listes et de notions, d’autres en revanche n’ont pas trouvé suffisamment d’écho. Nous les rappelons ici (cf. II. § 13) :

- Qu’est-ce qu’un concept ? Comment distinguer un concept d’une notion ?
- Y aurait-il un parti à tirer de cette distinction pour mieux comprendre les savoirs ?
- Comment regrouper certains concepts dans des champs de signification qui soient
opératoires pour le maître et pour l’élève ?
- Comment aménager des points d’entrée à ces concepts pour les élèves ?

Afin d’y remédier, nous nous exercerons, dans la partie suivante, à la manipulation de quelques outils conceptuels de la didactique.










Partie 3 



Des outils didactiques pour référer,
définir et structurer la matière










« Un travail préalable ayant pour objet d’approcher
la nature, les contenus et l’organisation d’un savoir
qu’on prétend enseigner »

A. Giordan et al.,
L’élève et/ou les connaissances scientifiques, 1983



Introduction 

Le processus d’objectivation des contenus déclaratifs de l’Information-documentation a été jusque là analysé au travers de la production de listes de notions proposées comme savoirs à enseigner. Une lecture épistémologique appliquée à ce corpus, dans le cadre choisi de la didactique, a permis de tester notre questionnement initial et de resserrer celui-ci autour de trois préoccupations essentielles : la référence des savoirs à enseigner, leur identification et leur structuration en système organisé. Cependant, faute d’éléments paratextuels sur les conditions d’émergence et sur la définition des notions, certaines questions cruciales portant sur le statut épistémologique, la référence et la fonction opératoire de ces contenus n’ont pas trouvé suffisamment de réponses. L’investigation demande ainsi à être poursuivie à partir de concepts outils ayant fait leur preuve dans d’autres disciplines instituées.
La question de la référence nous retiendra en un premier temps, tant sa corrélation aux idées d’origine des savoirs scolarisables et de source où les puiser est forte. La position affichée par les auteurs des listes est globalement la même : elle pointe vers les savoirs universitaires des Sciences de l’information. C’est une position qui, instaurant implicitement l’image d’une descente des savoirs savants vers des savoirs à enseigner, repose sur l’idée classique que nous aurions affaire ici au schéma de la transposition didactique restreinte, selon l’expression que J.-L. Martinand (2001) consacre au modèle présenté par M. Verret et Y. Chevallard. Cependant, si la référence, en tant qu’horizon désigné, est ainsi nettement pointée, le chemin pour l’atteindre n’est jamais indiqué dans ces textes. Par quels procédés ces savoirs sont-ils repérés, sélectionnés, extraits et apprêtés pour constituer une éventuelle matière d’enseignement ? La question de la référence demande ainsi à être décomposée. N’y aurait-il pas un dédoublement de la fonction référentielle à effectuer, l’une apportant sa part de légitimation, l’autre sa puissance heuristique ?
La filiation présentée par les textes n’étant pas suffisamment démontrée, notre recherche des origines possibles des notions info-documentaires nous conduira à sortir quelque peu de ce schéma à sens unique, pour nous intéresser à d’autres modalités du processus transpositionnel. Nous examinerons ainsi les bénéfices que peut tirer la détermination des savoirs à enseigner de modèles différents, tels ceux de transposition didactique générale (id.) d’une part, et de contre transposition d’autre part.

Pour aller plus avant sur la question de l’identification de ces savoirs, sans doute faudra-t-il au préalable aborder celle de leur identité. C’est à une analyse logique et épistémologique que nous soumettrons donc les constituants de la matière dont nous disposons. L’imprécision dont ceux-ci pâtissent s’agissant de leur appellation générique, entre notion et concept, appelle à s’interroger sur les éventuels degrés qu’ils pourraient déployer en tant qu’abstractions. Par ailleurs, et du même point de vue critique, voire suspicieux, qui nous fera rechercher les raisons qui consistent à privilégier les Sciences de l’information comme seule source de référence, nous faisons l’hypothèse que cette imprécision terminologique recouvre un enjeu épistémologique d’importance que nous tenterons d’élucider. Il sera dès lors procédé à une investigation de la structure interne de ces abstractions. Pour ce faire, nous utiliserons les apports de la logique des termes avant de considérer le profit qu’en a tiré B.-M. Barth dans sa proposition d’une définition opératoire des concepts. La réception que montre la didactique des sciences de cette théorie fonde ce qu’on pourrait appeler une approche par le concept, laquelle saisit ce dernier comme un outil intellectuel capable de structurer les schèmes cognitifs des apprenants. Nous basant sur la théorie constructiviste de la connaissance, nous appliquerons à la matière qui nous intéresse l’un des outils relatif à cette approche particulière, en l’occurrence l’idée de niveaux de formulation conceptuelle. Il sera ainsi possible de mesurer, d’une part, la plasticité opératoire des concepts info-documentaires, et d’autre part, de voir comment peuvent être aménagés pour l’élève des points d’entrée à ces abstractions, considérées ici comme entités discontinues.

Le projet consistant à structurer la matière, quant à lui, concourt à celui de sa rationalisation, projet qui reste l’une des priorités au développement du processus de professionnalisation de la profession, ainsi qu’il a été présenté plus haut. Quelques unes des listes examinées témoignaient ainsi de cette intention d’organiser le domaine en projetant dans celui-ci des armatures verticales et inclusives. Ces choix révèlent sans doute une vision hiérarchique du savoir. Ils nous livrent cependant l’image de configurations unifiées, fédérées par quelques concepts intégrateurs susceptibles de fournir une représentation simplifiée mais fonctionnelle de la discipline. Nous reprendrons tout d’abord cette notion de concept intégrateur pour l’administrer au domaine concerné par cette étude et procéder au relevé des propositions émises. Nous explorerons ensuite une autre modalité possible d’organisation, qui appréhende les contenus non pas de manière hiérarchique, mais de manière systémique et réticulaire. Pour comprendre l’intérêt que révèle notamment l’expression graphique de ces réseaux, donnant lieu à une véritable cartographie conceptuelle, il faudra discerner entre les approches psychologiques et épistémologiques. La première permet au sujet de structurer ses connaissances dans des configurations faisant l’objet d’un processus d’apprentissage. La seconde offre au didacticien la possibilité d’organiser la matière, non pas du point de vue surplombant ou panoramique des concepts intégrateurs, mais d’une multiplicité de points de vue particuliers susceptibles d’éclairer des zones spécifiques du domaine.

La question centrale à laquelle tentera de répondre de manière opératoire cette troisième partie, par un transfert d’outils didactiques, est celle de l’émergence d’un domaine de connaissances déclaratives à enseigner. Autrement dit : comment, d’une pratique sociale connue, la Documentation, faire surgir une matière scolarisable ? Les outils rassemblés pour cette entreprise devraient ainsi permettre d’effectuer un certain nombre d’opérations relatives ressortissant au processus de transposition, telles l’établissement de références, la définition opératoire des contenus de cette matière, et leur organisation rationnelle en un système cohérent, lisible et fonctionnel.


1 La référence des savoirs documentaires : entre légitimation, transposition, et création

D’où pourraient procéder les savoirs à enseigner en Documentation scolaire ? Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ce sujet et avons pu mesurer, du point de vue de l’épistémologie des disciplines, à quel point la question de la référence des objets scolaires, en l’occurrence ceux de l’Information-documentation, était étroitement liée à celle de leur détermination. Les objets didactiques semblent voués à être rapportés à une extériorité d’où ils procéderaient et qui les fonderait et les légitimerait en même temps.
Dans la partie précédente, nous nous sommes tout d’abord interrogés sur cette filiation en nous plaçant dans la logique transpositionnelle des auteurs des listes de notions proposées. Nous avons ainsi recherché quelles pouvaient être les sciences de référence à ces notions et avons trouvé un ensemble de disciplines scientifiques et techniques largement regroupées sous l’égide de la Science de l’information. Ainsi, tenu par cette représentation dominante d’une évidente filiation verticale et descendante, nous nous sommes particulièrement intéressé au processus de la transposition didactique principalement inspirée par la didactique des mathématiques. Nous avons pris cependant soin de la considérer non comme un modèle normatif devant servir de patron pour la découpe d’une forme documentaire, mais bien comme un modèle explicatif.
Si la thèse de Y. Chevallard (1985) s’en tient aux savoirs savants comme source unique de référence aux savoirs scolarisables, M. Verret (1975), quant à lui, avait opposé à ces savoirs théoriques, sélectionnées par l’école à des fins idéologiques, un certain nombre de savoirs d’autres types, non scolarisables, au nombre desquels se trouvent les savoirs empiriques. Cette distinction a généré chez les didacticiens à partir des années 80 deux voies référentielles possibles et deux champs de réflexion - et de polémique - contrastés. L’un renferme l’école sur elle-même à partir de l’idée d’un savoir objectif et transcendant, l’autre cherche au contraire à l’ouvrir en référence à des pratiques sociales complexes et immanentes. La thèse la plus largement répandue, la première, celle d’une transposition des savoirs scientifiques, a ainsi fait l’objet de vives critiques, à l’encontre notamment d’une vision jugée trop hégémonique. Pour C. Raisky (2001) par exemple, qui reprend à son compte la thèse de M. Verret, l’école cherche ce faisant à « se couper de ce qui lui est extérieur pour entretenir l’illusion de son détachement des enjeux sociaux ». P. Meirieu y voit un contresens pédagogique dans la mesure où, d’une part, la répartition scolaire des disciplines ne correspond pas à celle des sciences et où, d’autre part, l’exécution d’une tâche mobilise simultanément des savoirs pluriels (M. Tardy, 2002). O. Reboul enfin, refuse cette idée de la précession du savoir savant au savoir scolarisé. Ces savoirs, remarque-t-il, appartiennent par ailleurs à des mondes distincts autant par l’épistémologie que par les valeurs qui les fondent (ibid.).
Nous reprendrons ces deux approches référentielles à partir du champ de l’Information-documentation, afin d’en mesurer les implications possibles en terme de filiation, de légitimation et de transposition. Une troisième voie, dite contre-transpositionelle, et naissante dans le domaine de la Documentation scolaire, sera également esquissée pour les perspectives heuristiques qu’elle ouvre en terme de création de contenus possibles.

11. La filiation scientifique, voie de légitimation

La première approche transpositionnelle, inspirée des travaux de Y. Chevallard, propose une filiation directe avec les savoirs savants, universitaires, et ce au prix de différentes manipulations de sélection, de décomposition, de décontextualisation, de programmation et de publicité de ceux-ci. Cette transposition aboutit de fait à la création de savoirs à enseigner souvent bien éloignés de leur référent premier. Eux-mêmes subissent d’ailleurs une transformation analogue lorsqu’ils deviennent des savoirs enseignés, dans le cadre de la classe et sous les effets conjugués de la personnalité du maître, des objectifs qu’il se fixe, des outils didactiques dont il dispose et de la nature du public concerné. Le texte du savoir scolaire se rapporte ainsi, sans pour autant faire œuvre de réduction, au texte du savoir savant dont il tire souvent une légitimité et une place dans la hiérarchie des disciplines.
De ce point de vue, d’où pourraient provenir les savoirs de référence de l’information-documentation ? Le programme des épreuves du CAPES de Documentation, publié au Bulletin officiel en mai 2004, pointe explicitement les Sciences de l’information, de la communication et de la documentation, ce qui ouvre, nous l’avons découvert, un large champ d’exploration (cf. Annexe I. 6). Cette référence concorde ainsi avec ce que nous avons pu observer de la part de la littérature professionnelle.
Le flottement remarqué entre Science de la communication et Science de l’information provient de leur cohabitation difficile et de cette accusation d’hégémonie portée par la seconde à l’encontre de la première. Il faut rappeler que ce n’est qu’en France que sont regroupées ces deux sciences, branches de la connaissance instituées par l’université. La première, la Science de la communication, centre son étude sur les médias, les processus d’acquisition, de transmission et de marchandisation de l’information, ainsi que sur les processus qui permettent à celle-ci d’acquérir une signification (J.-F. Têtu, 2004). La science de l’information, quant à elle, a pour objectif « l’étude des propriétés générales de l’information et l’analyse des processus de sa construction, de sa communication et de son usage » (Le Coadic, 2004). Y. Le Coadic (1994) résume cette distinction épistémologique entre les deux sciences en concluant que la communication est un acte et l’information un produit.
Science sociale, puisqu’elle prend en compte une demande, un besoin et des enjeux sociaux, la science de l’information est résolument interdisciplinaire. Nous avons pris connaissance de l’ampleur de son domaine de recherche, où se croisent les champs de nombre de disciplines, et avons pu vérifier combien ses objets de savoir semblaient rencontrer ceux de l’Information-documentation (cf. II. § 3321).
S’agissant de celle-ci, rappelons brièvement l’enjeu épistémologique de cette référence. L’Information-documentation ne peut prétendre à devenir matière d’enseignement qu’en s’appuyant sur une référence universitaire, ce qui est aujourd’hui possible puisque la Science de l’information est reconnue par le conseil national des universités depuis 1982, dans la 71ème section. A ce titre, elle est enseignée en 3ème cycle universitaire, et les candidats au CAPES de Documentation peuvent se prévaloir de cette formation pour intégrer les IUFM. On mesure là l’intérêt de cette filiation paraissant somme toute naturelle. A côté de celle-ci, la référence aux domaines techniques de la bibliothéconomie, de la documentation, de l’archivistique ou du journalisme, sources où puise d’ailleurs la Science de l’information, ne saurait être autant pertinente. Nous avons pourtant observé que plus d’un tiers des notions proposées pour être enseignées s’y référaient. Mais dans la mesure où ces pratiques empiriques d’organisation ne peuvent pas fonder une discipline d’enseignement puisqu’elles n’ont pas le statut de disciplines scientifiques (Le Coadic, 2002-b), est-il bien utile de revendiquer leur filiation ? C’est pourtant ce à quoi tend le discours de l’institution, qui cherche à ancrer, à partir du concept de politique documentaire, l’avenir de la Documentation dans le champ de la bibliothéconomie. Il n’est pas interdit de penser, dès lors, que ce choix institutionnel tente d’invalider ou d’empêcher, du même coup, toute velléité d’accès au statut de discipline scientifique pour l’information-documentation en la privant d’une référence universitaire.
Quoi qu’il en soit, un très large regard consensuel se tourne du côté de la Science de l’information pour offrir une référence légitimant un enseignement, dans le secondaire, de contenus qui résulteraient d’une transposition de concepts, de théories, de méthodes et de problématiques appartenant à cette discipline. Yves Le Coadic (2000) se félicite ainsi de la réforme du CAPES entrée en vigueur à la session 2001. Il y perçoit le début significatif d’une intégration de savoirs en Science de l’information dans l’école, laquelle intégration, au-delà des épreuves de recrutement des professeurs documentalistes, permettrait de fonder la discipline des Sciences de l’information et de la documentation, entraînant dans son sillage la création d’un corps d’inspection spécifique, d’une agrégation et des programmes correspondants.
Pour M. Frisch (2003) cependant, le débat épistémologique reste ouvert, tant que les conceptions et les limites de la Science de l’information demeurent sujet à controverse. Elle revient sur la pertinence de cette double filiation entre disciplines techniques et disciplines scientifiques, sans pour autant renier qu’elles partagent des éléments communs tels des concepts, des objets, des pratiques et des techniques, ainsi que des méthodes et des procédures. Dans la première catégorie se rangent principalement la bibliothéconomie, en tant que pratique d’organisation de la bibliothèque, et la bibliographie, définie comme connaissance, recensement et description des ressources documentaires. La seconde catégorie, celle des disciplines scientifiques, comprend évidemment la Science de l’information, proposée alors comme éventuel champ unificateur.
Cette discipline scientifique intégratrice semble donc aujourd’hui devoir l’emporter, autant du point de vue stratégique vers la légitimation que du point de vue épistémologique. De fait, c’est l’objet d’étude même de ces disciplines techniques qui s’est déplacé : il ne s’agit plus aujourd’hui de faire porter la réflexion sur le livre (bibliologie), la bibliothèque (bibliothéconomie) ou le document (documentologie) mais bien sur l’information (Le Coadic, 1994). Cette centration sur l’information, i.e. la maîtrise de son accès, de sa sélection, de son traitement et de son appropriation par l’élève, à l’intérieur d’un système didactique, rejoint en effet les buts que peut se donner une didactique de l’Information-documentation.
Afin de prolonger cette direction, relevons cette remarque de Paulette Bernhard (2003) à propos de « la question de l’arrimage entre les différentes dimensions des notions » et qui propose une rencontre entre la Science de l’information et les Sciences cognitives, dont nous avons vu qu’elles entretenaient des rapports d’interdisciplinarité avec la première. Toute une part de la didactique documentaire, en effet, pourrait bien se prévaloir issue des Sciences cognitives dans la mesure où la réflexion de celle-ci porte sur des objets tels que les processus mentaux organisateurs de la perception, de la représentation, de la catégorisation et du langage, du raisonnement et de l’apprentissage, objets justement relatifs au traitement de l’information.

Pour conclure sur ce point remarquons enfin que, si la transposition est évoquée à propos de savoirs disciplinaires de référence, elle se manifeste essentiellement sous les espèces d’une recherche de filiation davantage que sous celles d’une didactisation d’objets de savoir en objets de savoirs à enseigner. La relation qui est tentée entre les deux mondes semble se faire pour l’heure dans le seul sens ascendant : il est d’abord repéré, ici-bas dans le champ scolaire, des notions candidates à être enseignées, et il est ensuite recherché là-haut des références légitimantes à ces savoirs. Aussi ce processus de filiation traduit-il plutôt un besoin de légitimation qu’un véritable besoin de transposition.
Que dire alors du processus heuristique de détermination des notions qui sont pourtant bien présentées aux quatre coins de la noosphère ? Si, dans leur genèse, ils ne proviennent, ni ne procèdent des savoirs scientifiques, alors d’où les tire-t-on ? Il nous faut donc rechercher ailleurs la source de leur apparition. Cet ailleurs se nomme pratiques sociales de références et contre-transposition.

12. Le concept de pratiques sociales de référence, autre modalité de la transposition

121. L’enjeu référentiel des pratiques sociales

La seconde approche référentielle est celle des pratiques sociales de référence. Elle offre une réponse particulièrement intéressante à la question posée par les disciplines peu référées à des savoirs savants comme, par exemple, l’EPS et la technologie, lesquelles entretiennent plutôt un rapport avec le réel empirique. Ainsi que nous venons de le remarquer, il se pourrait bien que l’information-documentation soit directement concernée.
Selon Jean-Louis Martinand (1986) l’auteur de ce concept, il s’agit d’analyser les écarts observés entre les activités scolaires et les pratiques extra-scolaires prises pour référence. Ces pratiques peuvent correspondre à des activités sociales diverses, activités de recherche, de production, d’ingénierie, ou bien activités domestiques et culturelles. Elles leur correspondent, certes, mais sans les reproduire ni les réduire. La question de la référence implique justement que la relation n’est pas d’identité mais de comparaison. La situation didactique et la situation de référence entretiennent des rapports d’isomorphie (C. Raisky, 2001). Ce faisant, cette question de la référence rejoint du point de vue de l’élève la question du sens à apporter aux tâches scolaires, ce que n’apporte pas, ou trop peu, la référence aux savoirs savants. Michel Develay (1992), à partir du postulat que tout apprentissage est recherche de sens, pointe l’intérêt de convoquer les pratiques sociales de référence dans les situations didactiques, et notamment au travers de la démarche de projet et de la pédagogie de l’alternance. A titre d’exemple, cet auteur montre que, pour un objet disciplinaire donné, par exemple en histoire, un fond d’expériences multiples peut être pris dans les pratiques sociales de référence de l’archéologue, du journaliste, ou du guide. Il n’est pas question de former les élèves à ces métiers, mais plutôt de prendre en compte ces pratiques, dans tous leurs aspects, non seulement leurs composantes de savoirs, déclaratifs ou procéduraux, mais encore dans les objets, les instruments, les problèmes, les tâches, les contextes et les rôles sociaux (J.-L. Martinand, 2001). Ce dernier point intéresse particulièrement les agents de la didactique de l’Information-documentation à qui l’on prête souvent, et à tort, l’intention de vouloir former les élèves à devenir des documentalistes ! Cette imputation abusive naît de la singulière proximité entre les deux métiers de professeur et de documentaliste, inédite dans le système éducatif (un professeur de mathématique n’est pas un professeur-mathématicien), et dont rend justement compte la double appellation de professeur documentaliste.
Si le concept de pratiques sociales de référence paraît, par bien des points, entrer en opposition avec celui de la transposition didactique d’Y. Chevallard, il ne constitue pas pour autant, au regard de leur auteur, une sorte de contre-transposition, ou encore de complément de ce dernier. Il tente plutôt de « répondre à une problématique spécifique » qui est celle de la question de la référence, et de chercher à dépasser les effets dogmatiques de la transposition (J.-L. Martinand, 2001). Il s’agit ainsi de passer d’une transposition restreinte, entre savoir savant et savoir à enseigner, à une transposition générale, entre pratiques de référence et activités scolaires.
Michel Develay (1992) a tenté de concilier ces deux orientations dans une approche plutôt synthétique. Son propos était alors d’attribuer aux savoirs à enseigner la possibilité d’une double filiation, soit celle des savoirs savants, soit celle des pratiques sociales. J.-L. Martinand (2001) a réfuté cette proposition qui, selon lui, détournait le principe même de ce concept en en faisant un instrument de contextualisation des savoirs, ce qu’il n’est pas : « cela revient à proposer une sorte de dualité instable qui se résout en fait en une centration sur le savoir avec prise en compte des contextes pratiques du savoir ». La tentative de M. Develay a également cela de réducteur en ce qu’elle place les pratiques sociales de référence, à niveau égal avec les savoirs savants, en amont de la transposition, dans le moment de la construction des programmes.
Or, ainsi que le fait ressortir C. Raisky (2001), les pratiques sociales de référence ne se situent pas seulement à l’origine du processus, mais également dans les moyens (elles sont prises en compte dans les situations de production du savoir) et dans les fins de la situation didactique (elles les inscrivent dans un projet). En fait, le jeu référentiel intervient à tout moment du processus didactique.
Les pratiques sociales procurent ainsi à l’élève une double référence à partir de laquelle la situation d’apprentissage acquiert du sens, puisqu’elle lui fournit une analogie et une pertinence. L’analogie, d’abord, construit des passerelles vers d’autres situations de même type dans des activités sociales concrètes, qu’elles soient domestiques, culturelles, citoyennes ou qu’elles renvoient aux mondes de la production et de la recherche. La pertinence, ensuite, jette un pont sur l’avenir de l’élève après l’école, en donnant à l’apprentissage une finalité pratique à partir des compétences saisies comme utiles à l’insertion sociale et professionnelle même si, rappelons-le, l’activité scolaire n’a pas pour but de former à ces pratiques sociales ; elle en fait sa référence et non son objectif.

122. Les pratiques sociales de la Documentation

Les enseignements-apprentissages info-documentaires, aujourd’hui, se construisent à partir de mises en activité des élèves centrées sur des pratiques qui peuvent trouver des situations sociales de référence aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’école. La découverte et l’utilisation de l’outil CDI, par exemple, prend pour référence culturelle l’usage des autres lieux de ressources, de la bibliothèque communale ou de quartier à la bibliothèque universitaire. A l’articulation des deux mondes scolaire et publique se rencontrent des usages collectifs (règlement) ou personnalisés (services) et des compétences (repérage, classement, interrogation).
Si le concept de pratiques sociales de référence a été évoqué dans la littérature de la Documentation scolaire depuis 1997, il revient à M. Frisch (2003) d’en avoir proposé une première synthèse pour la Documentation. Cet auteur identifie deux groupes de pratiques, l’un relatif aux professionnels, l’autre relatif aux usagers.



1221. Pratiques des professionnels

Le premier groupe, le plus important et le plus structuré, s’est progressivement constitué tout au long d’une histoire du document qui remonte à l’Antiquité. Les pratiques professionnelles proprement dites devant servir de référence aux pratiques scolaires ne remonteront cependant qu’au début des années 30, à partir du moment où les pratiques bibliothéconomique et bibliographique se spécialisent en activité documentaire stricte. M. Frisch énumère cet ensemble de pratiques diversifiées et spécifiques en les regroupant autour de :
- pratiques de gestion : classement, organisation de l’information, etc. ;
- pratiques de recherche : consultation, interrogation, navigation, etc. ;
- pratiques d’analyse et d’exploitation de la documentation et de l’information :
sélection, tri, restitution, etc. ;
- pratiques d’écriture ;
- pratiques de lecture : lecture recherche, explorative, sélective, documentaire, de
l’image, navigationnelle, etc. ;
- pratiques de communication et d’information.

« L’activité documentaire, conclut-elle, constitue, par conséquent, une pratique sociale de référence pour construire la documentation comme discipline scolaire à part entière ». Il revient aux enseignants documentalistes d’avoir, depuis les années 80, opéré un véritable travail de transformation d’une activité documentaire - dont la vocation n’était pas scolaire - en une activité d’enseignement-apprentissage (M. Frisch, 2006). Cette rupture épistémologique a ainsi donné naissance à une pratique scolaire originale, laquelle peut facilement trouver ses références dans ces activités d’origine.

1222. Pratiques des usagers

Le deuxième groupe de pratiques sociales de référence identifié renvoie aux pratiques des usagers. Celles-ci concernent :
- l’écriture ;
- la lecture ;
- la recherche.
L’auteur ne développe pas davantage la nature de ces pratiques, mais l’on devine qu’il y est autant question des usages personnels que des activités scolaires.
S’agissant des premiers, il suffit de penser, par exemple, à l’impact que produisent sur ceux-ci les outils et les supports technologiques et qui, aujourd’hui en constituent l’horizon indépassable. Le développement des équipements multimédias des familles et des connections à la toile banalise les usages de ces technologies de l’information et de la communication. Ceux-ci, de plus en plus massifs, génèrent un certain nombre de pratiques domestiques, exercées le plus souvent dans la sphère privée. Ils façonnent en même temps la figure d’un improbable usager-documentaliste, terme traduisant cette représentation commune selon laquelle chacun pourrait aujourd’hui se dispenser de savoirs documentaires au motif qu’il bénéficie d’un accès personnel aux ressources via les technologies numériques. L’idée selon laquelle la mutation technologique inaugure un rapport direct, non médiatisé, à l’information est confortée par l’autonomie de fait d’un usager en mesure de pouvoir non seulement interroger, chercher, trouver, sélectionner, traiter lui-même l’information dont il a besoin, mais encore la (re)produire, l’imprimer, l’éditer, la publier et la partager. Cette posture autonome a eu pour effet d’interroger la fonction et la légitimité des professionnels de l’information en général, et dans une bien moindre mesure les personnels enseignants de la Documentation. Sur le plan scolaire en effet, l’enseignant documentaliste sait bien ce qu’il en est de l’écart constaté entre ces pratiques empiriques et personnelles, relevant de savoirs d’action en germes, et les pratiques rationnelles qu’il a pour mission de faire naître. Cette pratique domestique peut d’ailleurs avoir une importance déterminante dans la démarche didactique de l’apprentissage pour peu que l’on y prenne appui pour faire émerger les conceptions des élèves sur les savoirs implicites mobilisés dans ces pratiques. C’est en cela qu’elles sont d’abord des pratiques de référence dont il est intéressant de savoir tirer parti.

1223. L’auto-référence scolaire

S’agissant enfin des activités scolaires, nous voulons évoquer les usages pédagogiques du Web qui s’effectuent à l’intérieur même de l’école. Les prescriptions des enseignants de disciplines en matière de recherche d’information trouvent à se réaliser aussi bien dans la sphère privée du cercle familial que dans celle, fortement socialisée, de l’enceinte scolaire. Dans ce cas, l’activité documentaire renvoie à une pratique s’exerçant, la plupart du temps, en dehors de la situation didactique stricto sensu. Elle ne constitue pas un enseignable mais fait appel à une sorte de proto-savoir (cf. II. § 3322), un allant de soi se référant à des pratiques sociales lointaines s’agissant du chercheur, encore à distance s’agissant de l’étudiant, mais proches s’agissant de l’élève. C'est-à-dire que le professeur, lorsqu’il prescrit ce type d’activité de l’intérieur d’une situation didactique, se réfère à une pratique sociale en usage à l’intérieur même de l’école, mais en même temps extérieure au système didactique qu’il pilote. Elle se situe dans cet entre-deux constitutif du curriculum caché (P. Perrenoud, 2002). La référence est bien ici d’ordre professionnelle, et c’est du métier d’élève dont il est question.
En ce sens, la maîtrise de l’activité documentaire, exigible de l’élève par l’école, devient une pratique sociale auto-référentielle. Sa justification par la pertinence - sa finalité - se manifeste dès lors qu’il est rappelé à l’élève que cette maîtrise lui sera nécessaire tout au long de sa scolarité, et notamment dans ses échelons supérieurs.

13. L’approche contre-transpositionnelle, source de création

L’axe de recherche que développe M. Frisch consiste à se saisir de l’idée de la référence, non pas pour sa dimension de filiation légitimante, laquelle ne saurait avoir lieu ici, non pas seulement dans sa dimension d’isomorphie génératrice de sens, mais surtout pour son pouvoir créateur de savoirs scolarisables.
En sus du recours classique aux champs disciplinaires dont la Documentation se réclame, il s’agirait ici de délimiter et de didactiser des notions « par une opération que nous qualifions plutôt de contre-transposition parce qu’elle s’exerce à partir des pratiques et des activités menées dans l’école, en travaillant au repérage des savoirs d’expérience, à l’extraction des savoirs de l’action, et en mettant les savoirs en mouvement » (Ibid.).
La transposition à contre-sens s’appuierait donc ici non pas sur des objets notionnels, mais sur des savoirs pratiques, et où le savoir est envisagé dans une logique d’usage. Ce renversement de la perspective transpositionnelle classique correspond bien à un processus de rationalisation puisqu’il tend à objectiver des savoirs en acte en des savoirs formels. Cette approche correspond à la problématique des formations professionnelles, où la constitution des objectifs d’enseignement ne peut procéder « par transposition de savoirs explicites préalables, mais [requiert] l’identification et la conceptualisation de savoirs en actes issus de l’expérience pratique » (J.-P. Bronckart et J.-L. Chiss, 2005).
La démarche contre-transpositive convoquée ici appelle à dépasser, nous semble-t-il, l’opposition entre savoirs objectivés, de type discursif, et savoirs incorporés ou détenus, de type opératif (J.-M. Barbier et O. Galatanu, 1998), pour aménager des transferts réciproques de significations entre les premiers et les seconds. Ainsi, de nouveaux savoirs objectivés se dégageraient de l’analyse de ces savoirs d’action concourant à stabiliser un ensemble de notions à enseigner, tandis qu’inversement, les savoirs d’action se verraient transformés en savoirs vivants à l’intérieur de situations didactiques complexes de type situation-problème.
Les savoirs de l’action extraits des pratiques et des activités des élèves seraient alors soumis à l’expertise et à la référence des techniques documentaires et informationnelles. Pour être construits, ils doivent cependant être « orchestrés lors de la mise en place d’une situation d’apprentissage, en référence à la pratique de recherche ».
Selon M. Frisch, ces savoirs se déclineraient en trois faisceaux :
. savoirs d’identification des outils documentaires et informationnels ;
. savoirs d’interrogation et stratégiques ;
. savoirs d’identification, de traitement du document et de l’information.
A la différence d’un exposé de compétences auxquelles ces formulations font penser, l’accent est mis ici sur « le problème général de l’interprétation de l’outil, du document, de l’information par l’usager » (cf. II. Conclusion, 2). Ce dispositif de recherche mis en place pour produire, identifier et analyser ces savoirs d’action s’emploie ainsi à considérer ceux-ci comme une « mise en mots des compétences » (J.-M. Barbier et O. Galatanu, id.).

14. Bilan

La référence des savoirs scolaires relève d’enjeux épistémologiques puissants, quelle que soit la modalité invoquée pour établir et conforter les rapports qu’elle implique : la transposition didactique restreinte, les pratiques sociales de référence ou bien l’approche contre-transpositionnelle. Il s’agit de faire en sorte que les savoirs à enseigner se rapportent, de manière suffisamment forte, à quelque chose qui les tienne.
La première les fait tenir à cet en-haut que figurent les savoirs scientifiques et l’université qui les produit, dans une relation verticale strictement descendante. Mais l’enjeu n’y est pas qu’épistémologique, il est aussi de légitimation, et le prestige des origines se répand le long de cette filiation tel un blason illustre se transmet le long d’un lignage. Mais l’Information-documentation ne puise pas là ses notions, elle les y réfère seulement. Par contre, elle y étanche sa soif de reconnaissance. Y. Chevallard (1994) met en garde les disciplines candidates qui prétendraient pouvoir prendre un tel risque sans réelle légitimité : « à se prévaloir d’un système de savoirs, une pratique sociale gagne en noblesse ce qu’elle perd en intimité. Telle est la pente que suivent nombre d’institutions, et notamment de professions, qui cherchent à se repositionner dans l’échelle des valeurs culturelles ».
Les secondes, ces pratiques sociales de référence relevant de ce que J.-L. Martinand appelle transposition didactique générale, font tenir les savoirs référés d’un hors champ scolaire, d’un ailleurs d’avec lequel ils établissent des relations d’isomorphisme, sur un plan horizontal. Elles leur offrent un vecteur de multi-temporalité, reliant la situation didactique aussi bien en amont de la transposition, ce temps de l’élaboration des savoirs, qu’en aval, du côté des finalités, et amarrant solidement le tout dans l’ici et le maintenant de procédures didactiques accordant les moyens et les manières de faire à ceux et à celles du champ de référence. Ce n’est pas seulement un enjeu épistémologique, ou un simple enjeu de sens, mais un véritable enjeu didactique : les savoirs construits ici devront être transférés avec succès là, dans ces situations fondamentales, a-didactiques « en dehors de tout contexte d’enseignement et en l’absence de toute indication intentionnelle » (G. Brousseau, 1987). A la croisée du monde scolaire et des mondes culturel, professionnel et social, la transposition générale intégrant les pratiques sociales de référence n’est pas dépendante, comme la modalité précédente, des seuls bouleversements scientifiques, mais encore des mutations et des évolutions que connaissent ces différents mondes. L’Information-documentation, elle, fait là son miel : les références dont elle a besoin, si elles ne sont guère prestigieuses, sont bien proches et d’autant plus solides. Derrière l’enseignant se tient un documentaliste l’assurant de son expertise technicienne ; derrière chaque élève résiste un usager-chercheur, ou un usager-documentaliste en mesure de convoquer ses expériences et ses représentations. Il s’agit là d’une transposition en douceur, mais en contre-partie sans publicité ni assurance de légitimation.
Enfin, l’approche contre-transpositionnelle fait tenir les savoirs d’eux-mêmes, ou plutôt d’une autre modalité d’eux-mêmes, cherchant ainsi à dialectiser savoirs théoriques et savoirs d’action. La figure dessinée pour ces relations d’ordre réflexif et rétroactif est celle d’une boucle et le topos est l’ici, ce lieu où on ne s’attendait pas à trouver les savoirs que l’on cherchait dans l’en-haut et dans l’ailleurs des transpositions classiques. A mi-chemin entre les savoirs objectivés issus de la Science de l’information et des savoirs opératifs détenus par les élèves engagés dans des processus concrets, l’expertise technique du champ professionnel documentaire sert d’appui et de référence. Cet ici n’est autre que l’expérience pratique de l’élève en situation didactique de recherche d'information. Cette approche puérocentrique contraste fort avec les précédentes, plutôt adultocentriques, même si la première se tourne vers l’universalité des savoirs et la seconde vers un humanisme contemporain. La démarche reste principalement dépendante de l’évolution des médiations technologiques, desquelles procèdent en bonne part les conditions de l’apparition de ses objets d’étude, puisque les savoirs d’action ne se révèlent qu’au travers d’interactions entre l’élève et les outils et supports documentaires. L’enjeu didactique est ici à la fois cognitif (l’appropriation des savoirs) et épistémologique (l’élucidation de ces savoirs).

Il n’existe pas de modèle unique pour la constitution d’une matière, et chacune d’entre elles est nourrie de son histoire, de son questionnement, de son épistémologie mais également des différentes modalités d’accès à ses références. L’Information-documentation ne saurait échapper à la règle de l’exception.


2 Des savoirs structurants : la structuration interne des concepts

Introduction 

« Quels sont les pouvoirs nouveaux que je vais donner aux élèves qu’ils n’avaient pas en début d’année ? », fait se demander à l’enseignant J.-P. Astolfi (1990-b). Les pouvoirs dont il est question ici sont cette capacité de lire et de comprendre le monde que donnent certains savoirs. Les outils intellectuels qu’ils contiennent et mettent à disposition sont ces concepts dont la fonction opératoire, justement, permet la saisie des phénomènes et des problèmes qu’ils recèlent. C’est donc à une avancée vers la nature épistémologique du concept que nous sommes ici conviés, mais une avancée dont le but reste toujours didactique.
A savoir que l’explicitation de la structure du savoir considéré en tant qu’objet de l’étude puisse servir à l’élaboration de savoirs en tant qu’objets à enseigner. Il faudra bien commencer par procéder à une définition technique du concept, rechercher ses composants, déterminer ses fonctions, jauger de son intérêt pour le but que l’on s’est fixé.
La différence d’appréciation du terme concept entre les professionnels de la Documentation scolaire qui le boudent au profit de celui de notion d’un côté, et les didacticiens des sciences qui au contraire l’affirment de l’autre, ne peut qu’alerter sur l’intérêt particulier que peut représenter cet objet pour qui cherche à saisir ce que la didactique pourrait apporter au processus de rationalisation des savoirs à enseigner en Information-documentation. Nous prendrons ainsi le temps de chercher à savoir comment, et pour quelles raisons, la didactique distingue notion et concept. Ce que nous en tirerons nous aidera à percevoir en quoi la structure interne des concepts peut aider les élèves à les édifier. Il sera alors traité de la fonction opératoire de ces « pouvoirs  nouveaux » qu’évoque J.-P. Astolfi, de la capacité qu’ils confèrent à agir sur le réel en même temps que leur appropriation agit sur les structures cognitives de l’élève.
Pour ce faire, faut-il encore que des accès à ces abstractions structurantes soient possibles. Sans pénétrer le domaine complémentaire des conceptions des élèves, qui ne relève pas de notre approche épistémologique, mais nous référant à la théorie constructiviste de la connaissance, nous voudrions voir s’il est possible d’aménager des points d’entrée à ces concepts pour les élèves, à partir notamment de l’élaboration d’énoncés relatifs aux niveaux de formulation conceptuelle.
Nous conduirons à nouveau cette approche de la fonction structurante des concepts en prenant soin d’en mesurer les retombées sur la didactique de l’Information-documentation. Il s’agira donc de se saisir d’outils didactiques pour travailler les savoirs info-documentaires, dans le but de reconnaître l’intérêt de ces outils dans une entreprise curriculaire, d’estimer la nature épistémologique de ces savoirs et de chercher à structurer la matière qu’ils constituent.

21. Des notions aux concepts

Comment ne pas relever, dans la profession, le mauvais accueil qui est réservé à l’emploi du terme concept ? Il lui est largement préféré celui de notion qui semble, par son ambition sans doute plus réduite, faire moins peur. On remarquera cependant que notion est un terme banalisé pour toutes les disciplines aussi bien sur le terrain que dans les programmes officiels. Pourtant, la didactique des sciences n’emploie guère, quant à elle, que concept, et souvent en opposition avec notion, terme considéré alors comme son rival. Comment distinguer ces deux appellations ? Laquelle utiliser pour désigner les savoirs à enseigner en Information-documentation et à quelles conditions ceux-ci pourraient-ils prétendre à devenir des outils intellectuels ?

211. Définitions étymologique et philosophique

L’entrée par l’histoire de la langue française confirme le lien entre notion et connaissance puisqu’ils ont pour ancêtre commun le latin noscere « apprendre à connaître ». Ayant pris, tout comme concept, le sens d’idée générale et abstraite, il a fait l’objet d’une normalisation au milieu du XXème siècle pour se distinguer de celui-ci, alors compris comme un anglicisme. Ceci peut expliquer en partie l’emploi qui lui est aujourd’hui réservé. Mais les deux termes ne sont pas pour autant synonymes. Notion, explique Alain Rey (1995), « correspond à une idée générale socialisée, plus vague et moins opératoire que concept ». En effet, notion, passé dans le langage courant, renvoie bien, au singulier, à une connaissance immédiate et intuitive, et au pluriel (avoir des notions), à des rudiments de connaissances.
C’est en philosophie que les deux termes ont trouvé le mieux leurs marques respectives. Le Dictionnaire de la philosophie (2000) décrit la notion comme un terme plus vague et plus vaste que le concept qui, lui, est jugé plus précis. Elle est un donné, le fruit de l’expérience et de ce fait ne peut être que commune. Il est un produit, résultat d’un certain travail et par conséquent singulier, i.e. inscrit dans un cadre théorique qui doit être précisé. Ainsi par exemple parlera-t-on de la notion de justice, mais du concept de justice chez Platon. Transposant cet éclairage dans le domaine de la Documentation, il pourra être opposé, à la notion d’information usitée dans le langage courant, le concept d’information en Science de l’information.
Le concept est ainsi défini comme « une idée abstraite, définie et construite avec précision : c’est le résultat d’une pratique et l’élément d’une théorie » (id.).

212. Le champ de référence

C’est en des termes équivalents qu’Alex Mucchielli (2000), épistémologue des Sciences de la communication, appelle ses collègues scientifiques à observer davantage de rigueur dans l’utilisation des termes scientifiques, afin de pouvoir, en tant que concepts, les opposer aux équivalents banalisés par l’usage. Il suffirait pour cela de les contextualiser et de les référer au domaine qui les emploie : « si l’on veut parler de communication en tant que concept, nous sommes obligés de faire référence à la théorie dans laquelle il se situe ». Cette théorie et ce modèle dans lesquels les concepts se pensent et doivent s’exprimer se nomment, pour G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi (1996) champ de référence.
L’idée d’information, par exemple, renvoie à une notion en tant que simple mot du vocabulaire quotidien, ce que favorise son étonnante polysémie, mais devient un concept lorsqu’il est employé en Sciences de l'information, ou bien en biologie, ou encore en journalisme, pour peu que le champ de référence dans lequel il se déploie et se comprend soit précisé et qu’un consensus ait été établi autour de ses caractéristiques et de ses propriétés.
Ainsi les concepts info-documentaires, une fois caractérisés, devraient-ils faire l’objet d’un démarquage d’avec le sens commun. La précision de la terminologie, qui appelle à la rigueur et au respect de la norme, constitue en effet, en tant que marqueur sémantique, l’une des composantes les plus visibles d’une matière scientifique à enseigner. La maîtrise du langage, qui plus est spécialisé, reste encore le meilleur instrument pour développer et structurer la pensée. C’est bien cela qui nous avait manqué dans l’examen du corpus de listes.

213. En logique des termes

La logique des termes, reprenant la distinction introduite par la Logique de Port-Royal (1662), peut encore nous aider à différencier notion et concept et à entrer plus avant dans la définition de ce dernier. Un concept se détermine sémantiquement par un double contenu : sa compréhension d’une part, exprimant la conjonction d’un certain nombre des caractères, ou prédicats, qui le définissent avec précision, et d’autre part, au moyen de son extension, ou étendue des objets comprenant ces caractères.
L’idée abstraite de document, pour reprendre à nouveau un exemple tiré de notre corpus, peut être défini en compréhension par les caractères
. support,
. contenu intellectuel,
. structure,
ainsi qu’en extension par tout objet particulier et discontinu répondant à ces critères, par exemple :
. tel numéro du Monde,
. telle édition du Nouveau Littré
. tel diaporama
. telle émission télévisée (voir fig. 5).
En ce sens, document est bien un concept.
Moins il existe de critères essentiels pour définir un concept (en compréhension) et plus le nombre de ses représentations ira croissant (en extension). A l’inverse, moins un concept est de large étendue et plus il sera de forte compréhension.
Cette considération pose la relativité du rapport notion / concept, puisque le curseur peut se déplacer entre ces deux pôles mis ainsi en tension. Dans le cas d’une moindre caractérisation, on tendra plutôt vers la notion (ex. oiseau), tandis que dans le cas inverse se précisera le concept (ex. : rapace). Il s’ensuit que l’élucidation des concepts info-documentaires devra, pour ce faire, déterminer le point de fixation de critères suffisamment pertinents pour intégrer un champ de référence exclusif.

214. Application de la définition opératoire du concept selon Britt-Mari Barth

En conformité avec cette représentation, Britt-Mari Barth, professeur en Sciences de l’éducation et spécialiste des apprentissages, propose une définition opératoire du concept qu’elle construit à partir des travaux du psychologue américain Jérôme Bruner. Un concept n’existe que par opposition à un autre concept. Cette distinction est dès lors établie, comme nous venons de le voir, sur la base de caractères, ou qualités, ou encore critères qui le composent, et que B.-M. Barth nomme attributs. Les attributs ainsi répertoriés fixent et définissent le concept en compréhension. Certains de ces attributs distinctifs permettent de discriminer, par exemple, périodique et livre et d’identifier l’un et l’autre. La clarification des attributs d’un objet favorise par conséquent le discernement et permet le classement de celui-ci dans une catégorie fondamentale. L’objet ainsi différencié par une combinaison d’attributs qui lui sont spécifiques est désigné par un terme ou étiquette. Celle-ci n’a aucune valeur en soi, étant un symbole arbitraire. L’étiquette permet par contre de regrouper une pluralité d’objets appelés exemples à la condition qu’ils renferment une même combinaison d’attributs (B.-M. Barth, 1987). La liste ouverte d’exemples, assortie de contre-exemples, définit alors le concept en extension.
De la sorte, nous dirons qu’un concept est une construction abstraite désignée par une étiquette (le signifiant), caractérisée par un ensemble d’attributs conjoints (le signifié) et référé à une pluralité d’exemples (le référent).












Fig. 5 : Transposition de la définition opératoire du concept selon Britt-Mari Barth (1987) sur
le concept document dans le domaine conceptuel de l’Information-documentation.

Dans le cadre d’un projet de détermination d’un corpus d’objets à enseigner en Information-documentation, cette définition opératoire du concept peut s’avérer utile pour deux raisons. Tout d’abord, nous avions constaté combien l’absence de précision s’agissant des contenus conceptuels exprimés par les termes proposés dans les listes rendait difficile et hasardeuse l’entreprise de cohérence terminologique (cf. II. § 332). Ce processus définitoire s’annonce ainsi pertinent pour tâcher de lever les ambiguïtés et d’identifier les concepts du corpus. Nous avions, ensuite, fait remarquer combien les appellations utilisées par les auteurs des listes restaient globales et hésitaient plus particulièrement entre les deux emplois de notion et de concept (cf. § II. 3322). Cette imprécision trouverait donc là de quoi s’effacer. En effet, l’identification des attributs se précisant, qui tendrait à faire déplacer le curseur du côté de la notion vers celui du concept, nous assisterions là à un processus de stabilisation épistémologique des contenus de la matière.
Afin de savoir si cet outil est opératoire dans le champ de l’Information-documentation, nous avons décidé de l’appliquer à ses objets. A l’intérieur du groupe de travail de la FADBEN impliqué dans la formalisation des contenus théoriques de la matière, et qui doit remettre ses travaux au début de 2007, nous avons commencé l’exploration de cette voie (cf. § II. 24 et Annexe III. 1). Le tableau ci-dessous en livre quelques extraits :


(terme)

Etiquettes
Définition en compréhension
Définition en extensionAttributsExemplesContre-exemples


1.
DOCUMENT> utilise un support
> contient des informations
> propose une structure organisationnelle
> manifeste une intention de communication
> utilise un code de transcription
> est référençable
> est socialement légitimé
> est indexable. un document électronique
- ex. Encyclopédie Encarta
. un enregistrement d’une émission de radio 
- ex. : « Les archives du procès de Nuremberg », France Culture, 24-08-2006
. un extrait de banque de données
. un n° de périodique
- ex. : Le Monde du 05-05-2006
. une affiche
. une conférence orale non enregistrée
. un débat public en salle
. une conversation téléphonique
. une page web dynamique « à la volée »
. un SMS
. un journal intime (non publié)
. une représentation théâtrale dans un théâtre



2.
MOTEUR DE
RECHERCHE



> outil de recherche automatisé
> recherche et indexe des sources numérisées
> utilise un robot d’exploration
> possède un module d’indexation automatique
> propose un module d’interrogation
> utilise des méthodes de classement automatisé des résultats. moteur de recherche du web :
Yahoo!, Google, MSN, Exalead, etc.
. annuaire de sites :
Open directory
. métamoteur :
Kartoo, Ixquick
. outil de syndication de fils RSS 

3.
NAVIGATION



> modalité de la recherche d’information
> consultation directe d’un dispositif d’information
> approche intuitive de l’information. utilisation de la table des matières d’un livre
. consultation d’un annuaire thématique
. consultation d’un plan de classement
. renvoi dans des bases de données
. hypermédia sur CD-Rom
. navigation sur le Web. interrogation d’un catalogue de bibliothèque
. interrogation d’une banque de données en ligne
. utilisation d’un moteur de recherche du Web
. utilisation d’un métamoteur
. utilisation de l’index d’un livre
10. Application aux concepts de l’Information-documentation de la définition opératoire du
concept selon Britt-Mari Barth

L’exemple 1 montre qu’il est possible, à partir des exemples produits de présenter des typologies d’objet. En l’occurrence, ici : document électronique, livre, périodique, site, affiche, film, etc.
L’exemple 2 illustre le haut niveau d’abstraction de certains attributs, eux-mêmes nécessitant une définition. Par contre, la liste des exemples et contre-exemples est brève mais cependant très évocatrice pour les élèves usagers du Web, parce qu’étant constituée de référents empiriques (J.-L. Martinand, 1995).
L’exemple n°3, navigation, est un concept générique englobant d’autres modalités qui nécessitent également d’être définies : navigation arborescente, navigation hypertextuelle.
Enfin remarquons que nombre de termes convoqués dans l’une ou l’autre de ces modalités définitoires se révèlent eux-mêmes être des concepts. Les concepts se définissent ainsi à la fois en opposition et en coopération avec d’autres concepts.

Il reste encore à distinguer parmi ces attributs ceux qui sont essentiels à la reconnaissance d’un concept de ceux qui ne le sont pas. Les attributs peuvent ainsi s’avérer :
- soit essentiels, parce que toujours présents (la périodicité dans le cas de périodique et
de livre),
- soit accessoires, en tant que variables non essentielles (le support dans ce même
exemple).
Cette distinction de nature peut également être appliquée avec profit aux objets documentaires :

Attributs essentielsAttributs accessoires
INDEXATION> traitement intellectuel
> description du contenu
> analyse du contenu
> accès à l’information
> technique de marquage. langage documentaire
. langage naturel
. indexation humaine
. indexation automatique
MEDIA> dispositif de communication
> utilise un moyen technique
> influence la structure du document
> caractérise la nature physique de l’information
> induit des usages
> influence et modifie la perception du monde. un support matériel
. une source
. un moyen de publication
. un moyen de diffusion
. un canal de transmission

PERIODICITE> fréquence de publication. monographie
. publication en série
11. Application aux concepts de l’Information-documentation de la distinction entre deux natures
d’attributs.

Si la définition précise des attributs permet de catégoriser les objets étudiés selon les concepts disponibles, ces derniers trouvent à se distinguer à partir de leurs attributs essentiels et non de leurs attributs accessoires. Aussi la maîtrise des concepts nécessite-t-elle la reconnaissance par l’élève de ces deux critères.






22. Réception du concept de concept en didactique

221. Un approche épistémologique du concept

C’est sur cette conception empruntée aux travaux de B.-M. Barth que s’appuient Gérard de Vecchi et Nicole Carmona-Magnaldi pour Faire construire des savoirs (1996) à partir d’une définition pratique des concepts. Constatant à quel point les enseignants ont une image extrêmement floue du concept, les auteurs commencent par préciser la délimitation à effectuer entre notion et concept.
Du point de vue didactique, celle-ci s’opère dans le cadre plus général d’une épistémologie du savoir. G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi, proposant une catégorisation des connaissances, distinguent en un premier temps les connaissances ponctuelles, ou informations, des connaissances conceptuelles. Les premières ressortissent au factuel et à l’anecdotique, dérivées de l’expérience ou de l’opinion, et leur accumulation aboutit à produire des connaissances en îlots. C’est ainsi que sont d’ailleurs souvent définies les notions enseignées à l’école. Les secondes, les connaissances conceptuelles, sont présentées comme des structures mentales abstraites et organisées, produits d’un long processus de mise en relation et de construction. Elles trouvent une part de leur étayage, leur substrat, dans les connaissances factuelles qu’elles utilisent comme des points d’ancrage. Si les premières sont statiques, les secondes sont en revanche dynamiques, capables d’évoluer selon les progrès de la recherche. Nous retrouvons là les jugements kantiens de l’assertorique, exprimant une idée de fait, et de l’apodictique, exprimant ce qui est évident pour l’esprit en tant que proposition démontrable.
Connaissances ponctuelles, notions et concepts sont ensuite différenciés à partir des opérations intellectuelles mises en jeu. Les informations, en tant que cas particuliers, font ainsi l’objet d’une simple description ; les notions se construisent au travers d’une définition des idées générales qui caractérisent l’exemple étudié ; les concepts s’approprient à partir de l’élaboration d’une définition générale abstraite obtenue par comparaison avec d’autres objets similaires. Jean-Pierre Astolfi (1992) partage cette conception en précisant que « la construction d’une notion se présente de manière cumulative, par ajout d’éléments successifs, certes logiquement enchaînés, mais ne répondant à aucune question, [tandis que le concept permet] de construire du sens à partir de données, ou comme élaboration d’un modèle d’interprétation de faits ».
Prenons le cas de l’objet moteur de recherche :

Fait, connaissance ponctuelleNotionConcept
par description d’un exemple : MSN Search
par définition globale relative à l’exemplepar extraction des caractères essentiels communs à d’autres objets de même classe et
par définition générale abstraiteNom : MNS Search
Date de lancement : Février 2005
. accès :  HYPERLINK "http://search.msn.fr/" \t "_blank" http://search.msn.fr/
Propriétaire : Microsoft
Taille de l’index : 5 milliards de pages
Syntaxe d’interrogation :
ne tient pas compte de la casse des lettres.
Ordre des mots :
: paris dakar donne un résultat différent de dakar paris. Une plus grande importance est donnée au premier mot choisi.
Opérateurs logiques :
OU : OR
ET : par défaut
SAUF : -
Ne connaît pas la troncature, etc.
> le moteur de recherche MNS Search permet de faire des recherches sur le Web, à partir d’une interrogation effectuée avec des mots complets et dont l’ordre de placement est important. outil de recherche automatisé
> recherche et indexe des sources numérisées
> utilise un robot d’exploration
> possède un module d’indexation automatique
> propose un module d’interrogation
> utilise des méthodes de classement automatisé des résultats
12. Distinction entre les différents régimes de la connaissance appliquée au concept info-documentaire moteur de recherche, selon le modèle de G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi (1996).

Cet exemple illustre l’idée selon laquelle un terme info-documentaire peut masquer différents régimes de la connaissance, allant du statut de connaissance factuelle à celui de connaissance conceptuelle. Aujourd’hui, seuls les deux premiers régimes sont convoqués dans les situations didactiques. Le second, la connaissance notionnelle, renvoie à un ensemble de notions pouvant être connues et sollicitées pendant ou en marge des travaux de classe, mais n’étant jamais enseignées. Elles sont à ranger au rang des notions para-, selon les catégories épistémologiques de Y. Chevallard (1985) (cf. II. § 3322)

Notion et concept, loin d’être synonymes, traduisent ainsi, par l’écart qui les sépare, et la tension qu’ils font naître, toute l’ambition de l’entreprise didactique, qui est d’amener les élèves à construire du sens au travers d’une approche rigoureuse et questionnante. L’accès au savoir opérant, du point de vue didactique, consiste en une appropriation continuée du sens qui s’appuie sur un processus progressif de conceptualisation (B.-M. Barth, 1993). Il s’agit alors essentiellement d’aborder le savoir par le concept. Considérant l’exigence relative à tout enseignement, la position où une discipline place le curseur entre la notion et le concept à l’intérieur de son domaine conceptuel, révèle par conséquent le degré d’implication qu’elle entend prendre dans l’éducation des élèves.

222. La dimension opératoire du concept

Dans L’école pour apprendre (1992), Jean-Pierre Astolfi fustige les savoirs scolaires au motif que ceux-ci se réduiraient à une juxtaposition de propositions logiquement connectées et se contenteraient d’énoncer des contenus. Ces savoirs propositionnels, selon lui, ne sont ni théoriques, puisqu’ils demeurent rigides et formels, ni pratiques dans la mesure où ils sont indissociables du contexte singulier de la classe. De ce fait, ils se révèlent plus proches de la notion et du sens commun que du concept et du savoir scientifique. Or la discipline scolaire est « censée fournir aux élèves des cadres intellectuels, des outils d’analyse du réel extradidactique » (id.). L’approche par le concept permet alors de construire des savoirs opératoires, c'est-à-dire offrant des outils intellectuels capables de servir (analyse, critique, comparaison, problématique, etc.), de s’adapter et d’évoluer. Pour être opératoire, un concept scientifique doit pouvoir être réinvesti dans des situations nouvelles et donner prise sur la réalité (A. Giordan, 1983). Son pouvoir tient de « sa capacité à expliquer un nombre plus grand de faits d’une manière cohérente » (G. de Vecchi, 1990).
De quelle nature est donc cette œuvre (opus) qui agit au sein du concept pour structurer l’esprit des élèves et lui fournir des savoirs de compréhension ? Quatre fonctions opératoires fondent la dimension structurante du concept : l’agrégation, l’investigation, l’explication et la prédiction. Les savoirs conceptuels à enseigner en Information-documentation les intègrent-ils ?
Pour les didacticiens des sciences André Giordan et Gérard de Vecchi (1987), les concepts constituent d’abord des points de regroupement des notions éparses, données par l’expérience et les observations du sujet. Leur fonction d’agrégation consiste ici à réunifier, à rendre cohérents les savoirs acquis mais non consolidés, ainsi que les représentations erronées des élèves et ce, dans le but de les faire évoluer (F. Cornu et A. Vergnioux, 1992). Le concept info-documentaire de requête, par exemple, permettra d’unifier des notions dispersées telles que question, recherche ou mot du sujet.
Les concepts offrent ensuite des instruments d’investigation dans l’élaboration des contenus scientifiques (A. Giordan et G. de Vecchi, 1987). Ils permettent ainsi d’explorer de nouveaux phénomènes, de conduire de nouvelles recherches et de (pro)poser de nouvelles questions. Ce faisant, ils structurent les acquis en permettant leur interconnexion. S’agissant de l’élève s’appropriant le concept de requête, il lui sera dès lors offert, d’une part, de mobiliser et de relier les concepts d’indexation, de mot-clé, de base de données, d’information et de page de résultats. D’autre part, des questions pourront surgir : « Quand je formule une requête, comment est traitée ma demande ? Pourquoi les résultats s’affichent-ils dans cet ordre ? Ces résultats étaient-ils déjà rassemblés dans le moteur de recherche ? Ai-je accès à tout le Web ? » Et toute autre question faisant apparaître que les élèves, par exemple, ne font aucune différence entre une page web, un outil de recherche et Google…
Cela est bien perçu à partir de ce dernier exemple : les concepts n’ont d’intérêt que parce qu’ils offrent les moyens intellectuels de construire et de résoudre des problèmes. Ils sont au service de problématiques auxquelles ils tentent d’apporter des réponses. C’est en ce sens que Jean-Pierre Astolfi et Michel Develay (1989) évoquent la fonction explicative des concepts. Cependant, si les concepts ne trouvent leur pertinence et leur légitimité que dans leur strict champ de référence, ils n’ont pas prétention non plus à pouvoir être efficaces et à opérer hors de leur périmètre explicatif. Leur champ de validité doit être scrupuleusement borné (id.) parce qu’ils ne valent qu’à l’intérieur de certaines limites. Un concept ne peut s’étendre hors de celles-ci qu’en réduisant le nombre de caractères qui le définissent (en compréhension). Un champ de validité délimite la zone dans laquelle le concept, son niveau de formulation, reste opérationnel. Ce qui conduit à penser qu’un concept n’est pas vrai en soi, mais relativement à son champ de validité, ou champ d’application (G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi, 1996).
Dans la mesure où cette démarche conduit à l’élaboration de modèles explicatifs des phénomènes observés, il est dès lors possible de prendre en compte la fonction prédictive, prévisionnelle des concepts, inséparable de la précédente (J.-P. Astolfi, 1986 ; J.-P. Astolfi et M. Develay, 1989). Ainsi la connaissance conceptuelle des principes de l’indexation, associée à sa modalité automatique dans les moteurs de recherche permet de prévoir les résultats, au sens d’une réduction de l’incertitude et du bruit documentaire.


223. La définition pragmatique du concept, selon G. Vergnaud

La fonction explicative du concept l’inscrit de fait à l’intérieur de situations et de problèmes pour lesquels il fournit un outil de résolution. Pour G. Vergnaud (1990), un concept ne saurait ainsi être réduit à sa définition, mais plutôt devoir être pris en tant que processus d’élaboration pragmatique finalisé par ces situations et ces problèmes, et à partir desquels l’élève peut construire des significations. Le concept est alors saisi comme l’ensemble des invariants utilisables dans l’action, et composant les schèmes organisateurs de la conduite pour une classe de situations données. Ces invariants opératoires peuvent être rapprochés des attributs caractérisant le concept chez B.-M. Barth, à cela près qu’ils sont ici des concepts-en-acte, c’est-à-dire qu’ils interviennent dans le traitement des informations et dans les choix opérés par le sujet.
La définition pragmatique d’un concept fait donc appel à « l’ensemble des situations qui constituent la référence de ses différentes propriétés et à l’ensemble des schèmes mis en œuvre par les sujets dans ces situations ». Il s’ensuit qu’un concept peut être considéré comme articulant les trois composantes suivantes (cf. fig. 6) :
. (I) : l’ensemble des invariants opératoires (le signifié) ;
. (S) : l’ensemble des situations apportant du sens au concept (la référence) ;
. (S) : l’ensemble des formes langagières ou non langagières désignant le concept (le signifiant)









fig. 6 : Les trois composantes du concept dans sa définition pragmatique, selon G. Vergnaud (1990)

Cette définition se distingue notamment de celle de B.-M. Barth dans le sens où elle constitue non seulement une approche subjective (les schèmes) plutôt qu’objective (les attributs) mais encore une approche centrée sur les situations plutôt que sur les caractéristiques essentielles de l’objet. La référence, ainsi, ne sert pas à exemplifier ou à manifester la combinaison des attributs d’un concept, mais à définir une classe de situations pour lesquelles le concept est opératoire, et à travers lesquelles il ne peut qu’être construit, constituant ainsi ce que G. Vergnaud nomme champ conceptuel. Le champ conceptuel est à la fois l’ensemble des situations dont le traitement implique l’usage du concept et de ses invariants opératoires, et l’ensemble des concepts qui permettent d’analyser ces situations. La définition pragmatique du concept fait ainsi appel à une théorie psychologique du concept, réintroduisant le sujet dans le jeu didactique.

224. La dimension structurante du concept

Dans le domaine de la didactique de l’information-documentation, Muriel Frisch (2003), contrairement au courant majoritaire qui fait de notion un terme consensuel, a fait le choix délibéré (et courageux !) de concept. Elle justifie cet emploi au motif qu’un concept oblige à adopter une posture mentale rigoureuse, ne serait-ce que pour bien comprendre la complexité de son mécanisme, à mettre en relation des opérations intellectuelles, à entrer dans un processus de conceptualisation à partir de l’identification et de la combinaison de ses attributs ainsi qu’à ouvrir un certain nombre de questions et de problèmes.
Dans un court article paru en 1986, Jean-Pierre Astolfi récapitule la dimension structurante des concepts. Ce sont des outils mentaux disponibles, opérant dans une dynamique intellectuelle centrée sur les relations, permettant une prévision possible dans des situations nouvelles à partir d’un petit nombre de structures réinvestissables et de caractère abstrait, i.e. dépassant les exemples (J.-P. Astolfi, 1986). Ces structures conceptuelles, ou contenus-structures, ne pouvant travailler à vide, nécessitent l’utilisation d’objets d’étude, ces connaissances factuelles (cf. tableau n°12), ou contenus-supports - qui supportent la structure - avec lesquels elles interfèrent constamment. Il faut alors noter que cette interrelation est marquée par le mécanisme piagétien d’équilibration entre assimilation et accommodation, assimilation lorsque le sujet incorpore les propriétés de l’objet, accommodation lorsque l’organisme qui incorpore varie en conséquence (J. Piaget, 1976).
En d’autres termes, et dans le domaine conceptuel qui nous intéresse, l’information-documentation, le concept, en tant que structure facilitant la construction du savoir, peut fournir un outil intellectuel propre à se saisir des objets et des problèmes informationnels. Mais en retour, son appropriation, qui réclame son exercice et son déploiement tout au long du cursus scolaire, construit, modifie et fait évoluer les cadres intellectuels de l’élève. Le concept est à la fois ce qui permet la compréhension des phénomènes du monde de l’information, en les contenant (conceptus) par la pensée, et à la fois ce qui discipline et structure cette pensée.

23 Les niveaux de formulation conceptuelle

231. La construction des concepts

Cette double puissance structurante du concept que confère son appropriation s’acquiert justement lors de la construction de celui-ci par le sujet. Au travers de la construction du concept, donc, c’est un pouvoir d’explicitation qui s’élabore dans un double mouvement de préhension du monde et de soi (com-préhension). Pour G. de Vecchi, « la construction du savoir scientifique passe par une suite de ruptures et de remodelages » (1990). On comprendra que les assises théoriques de cette saisie épistémologique et constructiviste de la connaissance le doivent à Piaget pour ce qui est des remodelages, et à Bachelard s’agissant des ruptures successives.
La construction des concepts peut être perçue, de manière très schématique, comme combinant deux mouvements coordonnés, l’un assurant le passage de la connaissance factuelle à l’abstraction que constitue le concept, l’autre, qui en est à la fois la marque et la conséquence, assurant la réorganisation du savoir. Le premier mouvement s’effectue par une suite de mises en relation progressives et par la prise en compte d’un nombre de faits de plus en plus grand : « au fur et à mesure que le concept s’élaborera, les formulations deviendront de plus en plus abstraites. Il s’agira en fait d’une approche inductive » (id.). Cette chaîne des formulations devra cependant être autant descendue que remontée, afin d’appliquer les outils généraux en cours de formation à des situations concrètes (A. Giordan et al., 1983). Au bout du compte, ces avancées successives en viennent à remettre en cause les représentations, obligeant à une réorganisation des connaissances.
C’est le deuxième mouvement. Il ne s’agit pas d’accumulation, mais bien de restructuration, où les ajouts de connaissances viennent prendre la place, à partir de structures cognitives d’accueil, d’éléments déjà là. Ainsi un ancien modèle explicatif des phénomènes du monde est-il amené à changer lorsqu’un fait nouveau lui retire son pouvoir opératoire (J. D. Novak. et A. J. Cañas, 2006 ; cf. Annexe III. 4). Le rapport à la réalité, de plus en plus complexe et abstraite, est ainsi jalonné de ruptures entre des modèles explicatifs antérieurs et les nouveaux. Le savoir a régulièrement besoin d’être réorganisé. En biologie par exemple, le concept de respiration se transforme au cours des âges des élèves. A la question « par quoi se manifeste la respiration ? », des élèves de maternelle répondront qu’il se manifeste par des mouvements observables ; des élèves de primaire par des échanges gazeux, et des collégiens par des réactions chimiques d’oxydation (G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi, 1996).  Pour accompagner ces ruptures épistémologiques, ces passages d’un niveau de compréhension à un autre, que l’on souhaite plus opératoire, il convient d’aménager une construction progressive des concepts impliqués. Cet aménagement s’accompagne du repérage des niveaux de formulation.
C’est ce concept didactique qui va nous retenir ici, dans la mesure où il articule la réflexion épistémologique sur la structuration interne du concept et sa fonction opératoire à l’approche psychologique de son appropriation par l’élève.

232. Intérêt du concept de niveau de formulation

Les énoncés produits par les élèves constituent les indices du niveau d’abstraction auquel ils sont parvenus à propos d’un concept visé. L’enseignant peut leur venir en aide en balisant ces cheminements par des énoncés construits à partir de la définition opératoire de ce concept.
Philippe Meirieu (1987) inscrit cette préoccupation au tout début de la démarche didactique : « le premier temps de la démarche didactique, écrit-il, consiste à inventorier un nombre limité de notions essentielles et à en déterminer le registre de formulation correspondant à un palier de compréhension chez les élèves dont on a la charge ». C’est ainsi que l’élaboration d’un curriculum en information-documentation peut être facilitée par une réflexion poussée sur les différents niveaux de formulation des concepts qui lui sont constitutifs.
Lors de la définition des objectifs de savoirs notionnels d’une séquence, l’enseignant a tout intérêt à rédiger très précisément, sous la forme d’une ou de plusieurs phrases, ces idées générales qu’il souhaite voir aisément formuler par ses élèves en fin d’apprentissage. Il ne s’agit pas de vouloir les entendre restituées par cœur, mais de s’assurer qu’elles sont bien maîtrisées. Aussi faut-il bien avoir à l’esprit que le niveau linguistique atteint par l’élève peut masquer la perception de la structure sous-jacente au concept travaillé (A. Giordan et G. de Vecchi, 1987). L’énoncé produit par l’enseignant agit comme grille de compréhension des énoncés produits par les élèves.
Cet énoncé, correspondant au seuil d’abstraction visé pour un niveau de scolarité donné, est appelé tantôt niveau de complexité (B.-M. Barth, 1987), tantôt registre de conceptualisation (M. Develay, 1992), tantôt encore registre de formulation (J.-P. Astolfi et M. Develay, 1989) ou, plus généralement, niveau de formulation (G. de Vecchi, 1992 ; G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi, 1996 ; A. Giordan et G. de Vecchi, 1987 ; F. Cornu et A. Vergnioux, 1992). C’est cette dernière terminologie que nous retenons pour notre part.
L’édification du concept par l’élève, dont rendent compte les niveaux de formulation explicitement déterminés, s’opère par l’augmentation progressive du nombre des attributs qui déterminent le concept (définition en compréhension). Cela permet ainsi de réduire, tout en le précisant, le champ de validité du concept et de le spécialiser en réduisant de même son extension, i.e. le nombre des objets auxquels il s’applique. La construction des concepts avance ainsi par paliers successifs vers davantage d’abstraction (G. de Vecchi, 1992).
Le nombre des attributs retenus pour chaque niveau de formulation détermine le niveau de complexité, ou d’abstraction relatif au point d’entrée dans le concept (B.-M. Barth, 1987, 1993). Britt-Mari Barth (1993) propose ainsi à l’enseignant de se poser les questions suivantes : « Quels sont les attributs essentiels ? Quels sont les attributs secondaires ? Quel est le niveau de compréhension recherché ? Pour qui ? »

233. Application du concept de niveau de formulation

Florence Cornu et Alain Vergnioux (1992) incitent de même l’enseignant à établir une typologie des niveaux de formulation d’un concept, en commençant par « faire l’inventaire des énoncés possibles pour une même notion, en fonction des niveaux scolaires, et les organiser dans la progression d’un cursus ».
Une réflexion de ce type a été récemment concrétisée dans les académies de Caen et de Rouen (cf. Annexe III. 2), et envisagée par le groupe de travail de la FADBEN. La première initiative réunit de jeunes enseignants documentalistes autour d’une équipe de formateurs des deux IUFM. Elle propose, dans le cadre d’un atelier de terminologie, quelques exemples éclairants. A partir de la définition savante d’un concept sont définis trois niveaux de formulation : 6ème, 5ème (niveau 1), 4ème, 3ème, 2nde (niveau 2) et 1ère, terminale (niveau 3). Dans ce contexte précis, la définition savante renvoie au savoir savant, tandis que les différents niveaux correspondent aux savoirs à enseigner à tel moment de la scolarité. A titre d’exemple, nous restituons le travail réalisé à partir du concept de support (Dupart et al., 2005) :

SUPPORT


Définition savante (sic)
Élément matériel de stockage destiné à la mise en mémoire de données qui y seront transcrites (généralement de façon permanente). Il combine un matériau, un procédé de codage et une technique d’inscription. On distingue différents types de supports :
naturel : papier, argile, pierre, bois, tissu, peau...
magnétique : bande magnétique, cartouche...
chimique photosensible : pellicule...
optique : disque opto-numérique...
Niveau 1Le support permet d’inscrire des informations sur un matériau pour les conserver.Niveau 2Le support est un élément matériel où les informations peuvent être transcrites au moyen d’un codage (alphabétique, analogique, numérique). Le support permet ainsi la conservation des informations plus ou moins durablement.Niveau 3Le support est un élément matériel (ou immatériel) permettant de transcrire et de stocker des données en mémoire. Il combine un matériau, un procédé de codage et une technique d’inscription. Les différents supports ont des durées de vie variables.
13. Niveaux de formulations énoncés pour le concept support (Dupart et al., 2005)

Il est possible de vérifier, par cet exemple, que les attributs d’un concept sont également des concepts, qu’ils appartiennent ou non au champ de référence du domaine. Si l’on reconnaît bien information, codage, et donnée comme constitutifs de la Science de l’information, en revanche conservation, inscription, transcription et matériau sont à ranger au nombre des concepts transversaux, en cela qu’il possèdent un large champ d’application.
Le texte donné pour définition savante se compose de deux parties :
. l’énoncé relatif au niveau de formulation cible, correspondant à la définition
en compréhension du concept support ;
. une typologie des supports, correspondant à la définition en extension du
concept.
Nous ne retiendrons ici que la première partie.




Commentaires :

Ces énoncés appartenant au maître, nous ne pourrons nous intéresser qu’à leur dimension épistémologique, et chercher, afin de pouvoir appréhender la plasticité d’un concept, à déterminer quels types d’opérations l’énoncé original a subi.
Cependant, l’intention étant tournée vers la facilitation de l’appropriation du concept par l’élève, nous repérerons les procédés mis en œuvre dans ce cas pour aménager des points d’entrée aux élèves.

Méthodologie 

Nous commencerons par repérer les attributs convoqués pour chacun des niveaux. Certains termes étant distincts pour désigner le même concept, nous reportons sur la première colonne les termes normalisés, que nous reproduisons entre crochets (A. Boulogne, 2005). Les termes exprimés dans les énoncés produits garderont ainsi leur forme spécifique. Enfin, nous appellerons Niveau 0 l’énoncé relatif à la définition dite savante.

Terme normaliséNiveau 0
Enoncé de référenceNiveau 1Niveau 2Niveau 3a.[stockage]stockageØØstockage
b.[codage]codageØcodage (alphabétique, analogique, numérique)codage
c.[support physique]élément matériel
matériauélément matérielélément matériel - immatériel
d.1.[conservation]mémoire - conservationconservationconservationdurée de vie2.[mémoire]mémoire
e.1.[information]donnéeinformationinformation2.[donnée]donnée
Nb 5345
14. Répartition des attributs du concept support tels qu’ils apparaissent dans les niveaux de
formulation (V. Dupart et al., 2005)

Remarques préliminaires 

Quelques anomalies sont à remarquer avant de procéder à l’analyse du tableau, l’une d’un point de vue formel, et deux autres d’un point de vue conceptuel.
1. Cohérence formelle : la terminologie employée n’étant pas entièrement normalisée, cela entraîne une certaine incohérence à divers endroits (concept c, concepts d et e pour partie)
2. Cohérence conceptuelle : dans deux cas, mémoire et donnée, la synonymie du terme a entraîné un glissement d’un signifié à un autre :
. mémoire, employé au sens de [conservation] « ensemble de techniques, méthodes et procédés destinés à assurer la sauvegarde matérielle des documents » (d1) au niveau 0 prend le sens de [mémoire] « unité fonctionnelle permettant l’enregistrement, le stockage, la conservation et la restitution de données » (d2) (ex. ROM, RAM, etc.) au niveau 3.
. donnée, employé au sens de [information] « élément de connaissance susceptible d’être représenté à l’aide de convention pour être conservé, traité ou communiqué » (e1 ) au niveau 0 prend le seul sens de [donnée] « data, donnée informatique » (e2) au niveau 3.
Dans les deux cas, cela revient à introduire un attribut conceptuel nouveau qui n’est pas présent dans l’énoncé de référence (niveau 0).
3. Enrichissement conceptuel : sans qu’il y ait cette fois-ci des problèmes dus à la synonymie des termes, des apports inédits au niveau 0 apparaissent à deux endroits :
. des précisions sont apportées à l’attribut [codage] (2b)
. idem pour l’attribut [support physique] (3c)

2331. Types d’opérations appliquées à l’énoncé de référence

- ajouts successifs d’attributs : l’énoncé d’origine comprend cinq attributs essentiels distincts (de a à e). L’énoncé 1 n’en comporte plus que trois. Les attributs manquants viennent s’ajouter progressivement dans les niveaux 2 et 3. Ce procédé par ajouts successifs d’attributs est conforme à l’idée énoncée au § III. 214 selon laquelle plus le nombre d’attributs d’un concept augmente et plus tend à se stabiliser son statut de concept (fig. 7). Le processus va donc dans le sens d’une moindre à une plus grande spécification.













fig. 7 Stabilisation du concept par ajouts successifs d’attributs

- ajout d’attributs accessoires : comme il a été remarqué plus haut, un enrichissement conceptuel inédit, i.e. non prévu dans l’énoncé de référence, s’est produit en 2b et 3c. Ces apports ne s’ajoutent cependant pas à la liste des attributs mais viennent en complément aux attributs essentiels (cf. § III. 214). Ils correspondent à des attributs accessoires. Il est cependant remarquable que cet enrichissement ne soit pas transféré au niveau supérieur (3b) s’agissant de [codage].
- introduction d’attributs de types différents : dans les deux cas précédemment repérés (2b et 3c), les attributs accessoires ne sont pas cumulatifs mais s’excluent mutuellement. Ils sont appelés disjonctifs par B.-M. Barth (1987) qui établit ainsi une typologie, empruntée à Jérôme Bruner, où l’accent est à présent porté sur le type de relation existant entre les attributs qui composent les concepts.

23311. Classement des concepts par type de relation entre leurs attributs

Trois types de concepts sont ainsi dégagés : conjonctifs, disjonctifs ou relationnels. Il y a conjonction d’attributs lorsque ceux-ci doivent être impérativement présents dans chaque exemple (un carré est une figure fermée et comportant 4 segments de droite et de longueur égale et formant 4 angles droits). Le concept est en revanche disjonctif lorsque certains attributs s’excluent (un verbe peut être soit d’action soit d’état). Enfin, le concept est dit relationnel lorsqu’il a besoin d’autres concepts pour être défini (grand, lourd). Reprenant cette classification, Gérard de Vecchi (1992) y ajoute les concepts subjectifs, dont la définition, personnelle, n’est pas partagée par tous (beauté, liberté). Mais ne nous rapprochons-nous pas ici un peu trop de la notion ? Nous présentons donc les trois types proposés par Britt-Mary Barth sous forme d’un tableau, et tâchons de leur adjoindre des exemples tirés de l’information-documentation :

Typesexemples généraux
(Barth, 1987)exemples tirés du domaine info-documentaireConcepts conjonctifsrectangle
insecte
adjectifdocument
répertoire de sites
ressourceConcepts disjonctifsnationalité (soit le fait d’être né dans un pays, soit le fait d’avoir été naturalisé)- support (un élément soit matériel soit immatériel)
- outil de recherche en ligne (soit un répertoire de sites, soit un moteur de recherche soit un métamoteur)
- moteur de recherche (présente les résultats soit par rang soit par catégories)Concepts relationnelspetit
masse
analogie
contrairenotoriété
pertinence
validité temporelle
variabilité du temps de conservation
15. Classement des concepts par type de relation entre les attributs du concept (B.-M. Barth, 1987)

Ce type de classement révèle son utilité non pas pour structurer la discipline mais plutôt pour aider à la détermination des concepts et à la rédaction des niveaux de formulation.

2332. Procédés mis en œuvre pour l’aménagement de points d’entrée aux élèves 

Les procédés repérés dans l’exemple donné et relatifs à l’aménagement de points d’entrée progressifs dans l’abstraction peuvent ainsi être présentés :
- l’augmentation progressive du nombre d’attributs essentiels (cf. III. § 214 et fig. 7) ;
- l’ajout progressif d’attributs accessoires (2b, 3c) ;
- la priorité accordée aux concepts relatifs à des référents empiriques : dans le cas
présent, [codage] et [stockage] sont plus abstraits que [matériau], [information] et
[conservation]
- l’enrichissement progressif du lexique : inscrire précède transcrire, matériau
précède élément matériel, etc. (axe paradigmatique) ;
- la complexification croissante de la syntaxe, et notamment l’apparition de groupes
nominaux : inscrire précède technique d’inscription ; codage précède procédé de
codage ;
matériau précède élément matériel. L’enrichissement se manifeste encore par des
énumérations (2) (axe syntagmatique)

En conclusion :

Ce simple exemple donne une idée des écueils à éviter dans l’élaboration d’énoncés des niveaux de formulation, s’agissant pour le moins de la cohérence terminologique et conceptuelle.
Nous avons observé que le mode général de fonctionnement procédait par accumulation d’éléments successifs, aussi bien conceptuels (attributs) que formels (lexique, syntaxe) à partir d’un état initial, du niveau inférieur aux niveaux supérieurs. Le modèle observé ici semble ainsi traduire une logique de déclinaison, de réduction, voire d’édulcoration du savoir savant. On peut se demander jusqu’à quel point cette vision adultocentriste reste pertinente au regard des stratégies cognitives élaborées par les apprenants à la recherche de points d’entrée dans ces abstractions. Aussi peut-on encore interroger la pertinence qu’il y aurait à vouloir faire correspondre, comme dans l’exemple donné, des niveaux de formulation (niveau 1, niveau 2, etc.) et des niveaux formalisés par le cursus (6ème, 2nde, etc.). A ce propos, l’approche par l’idée de réseaux et d’auras conceptuels peut s’avérer complémentaire (voir infra).
A. Giordan (1983) propose alors de multiplier les énoncés, afin de « détacher les concepts des situations concrètes » et de les affranchir de recettes. Les moments de structuration offerts à l’élève lui permettent ainsi de produire des énoncés intermédiaires lui assurant des approches différenciées.

24. Bilan

La différence entre notion et concept est de nature épistémologique : elle engage des rapports particuliers à la vérité. D’un bout à l’autre du spectre se déploient les possibles de l’abstraction, mais tandis que d’un côté, celui de la notion, l’aire recouverte est étendue et se satisfait de l’expérience et de l’entendu, de l’autre côté, celui du concept, le domaine de validité est étroit et soumis à des critères stricts et mesurés. D’un côté donc le donné, de l’autre le construit.
C’est sur l’orientation spécifique que prend une discipline à cette production de contraintes qu’elle trouve son identité, ainsi que sur le choix des objets d’étude sur lesquels ces contraintes s’exercent.
A ce titre, les objets info-documentaires restent encore à construire. Certains d’entre eux ont vocation à devenir des concepts de ce type, tels information, documentation, support, indexation, source, etc. De nombreux autres candidats doivent encore faire leurs preuves. Il s’agit en premier lieu d’effectuer une conversion à l’intérieur du régime des connaissances, aller du factuel au conceptuel, en passant par le notionnel. Cette traversée s’engage dès lors que ces abstractions en viennent à être définies en compréhension et en extension. Le chemin parcouru entre les extrémités représentées par ces différents rapports à la connaissance sont toute l’ambition d’une entreprise didactique.
En second lieu, les concepts info-documentaires doivent encore faire la preuve de leur pouvoir d’explicitation des problématiques et des phénomènes sociaux et culturels liés à l’information et à la documentation. Ont-ils, in fine, ces vertus apodictiques des modèles explicatifs d’une science ? Nous avons pu vérifier, à partir d’exemples, l’intégration effective de fonctions opératoires requises, relatives aux pouvoirs d’agrégation, d’investigation, d’explication et de prédiction. Peut-on encore penser l’élaboration des concepts, en tant que schèmes organisateurs de la conduite, au travers des invariants qui les rendent opératoires à l’intérieur de classes de situations données ?
Ces concepts, dans leur dimension structurante, doivent être considérés comme bifrons, regardant et organisant simultanément d’un côté le monde et ses manifestations, de l’autre le sujet et sa structure cognitive.
La production d’énoncés rendant compte du niveau d’abstraction - ou niveau de formulation conceptuelle - atteint par, ou bien attendu de l’élève, peut servir de témoin dans le premier cas, ou de balise dans le second. S’agissant de ce dernier emploi, il revient à l’enseignant de prévoir et d’aménager, à partir de ce qu’il sait des attributs essentiels des concepts visés, des points d’entrée, sous la forme de repères, dans ces abstractions selon le niveau de maturation cognitive présumé. Sur ce chemin, il lui faudra cependant apprendre à tenir compte des énoncés produits par les élèves et à les estimer à l’aune des énoncés attendus, afin que soient repérés les moments où les éléments ont des chances d’être intégrés dans leur structure cognitive.
Des travaux d’observation de situations didactiques au cours desquelles des énoncés prenant en compte les niveaux de formulation relatifs aux objets info-documentaires seraient analysés au regard des niveaux d’attente ne sont pas encore inscrits à l’ordre du jour. A ce point de la discussion cependant, la définition en compréhension des concepts semble devoir tenir compte des capacités de structuration effective des élèves.
La détermination des savoirs à enseigner devrait pouvoir être articulée à l’étude des niveaux de formulation. Ce processus particulier d’élaboration de la matière documentaire se situe à cheval sur les dimensions épistémologique et psychologique de la didactique. La première permet un travail sur la décomposition analytique du concept et sur la hiérarchisation des attributs qui le composent, tandis que la seconde cherche à tirer des passerelles cognitives entre ceux-ci et les structures d’accueil des apprenants.
3. Des savoirs à structurer : la structuration externe des concepts

La matière conceptuelle composant l’armature théorique d’une discipline présente une structure doublement articulée. Nous avons examiné comment des savoirs à enseigner en Information-documentation, en tant que concepts, pouvaient tirer leur pouvoir opératoire de l’analyse logique de leur structure interne, laquelle articulait entre eux des attributs selon des relations dont il était possible de rendre compte.
La seconde articulation est extérieure au concept saisi ici en tant qu’unité. Elle cherche à dévoiler l’architecture globale ou régionale de l’ensemble, soit au moyen d’armatures bâties sur des relations d’inclusion, dans le cas des concepts intégrateurs, soit par le biais de cartographies singulières, fondées sur des relations d’association entre les concepts, dans le cas des réseaux conceptuels.
Les regroupements ainsi effectués, ou bien de manière formelle, ou bien de manière dynamique selon les besoins, façonnent des champs de signification diversement appréhendés par l’enseignant. Quels bénéfices celui-ci peut-il espérer en tirer  ?
Dans tous les cas, nous tenterons, à partir d’exemples tirés de la littérature ou de notre recherche, d’en mesurer l’intérêt pour l’entreprise de rationalisation et de structuration de l’Information-documentation.

31 Les concepts intégrateurs de l’Information-documentation

A l’issue d’un relevé des occurrences de rangs 1 et 2 effectué sur 9 listes structurées, nous avions pu dégager les 13 notions les plus fédératrices selon les auteurs de ces listes (cf. II. § 3323). Etaient ainsi apparus, en tête de listes, les concepts suivants : information, support, document et source. Les résultats suivants devaient être moins pris en compte, à moins d’effectuer des regroupements, au motif de leur trop faible nombre d’occurrences. Au-delà des concepts élus, il ressort ce fait qu’un nombre très restreint (quatre en l’occurrence) d’objets émergent à partir de plus de 200 termes retenus. C’est bien là l’une des caractéristiques de ce type de concepts appelés intégrateurs.
Qu’appelle-t-on au juste concept intégrateur ? Comment les détermine-t-on ?



311. Des paradigmes explicatifs fondamentaux

Au milieu des années 80 apparaît en France cette idée que les concepts spécifiques des champs disciplinaires sont hiérarchisés, aussi bien du point de vue de leur rang, en tant que concepts essentiels à la compréhension du domaine considéré, que du point de vue de leur pouvoir intégrateur, en tant qu’ils fédèrent des concepts secondaires. Bien utiliser leur dimension structurante conduirait ainsi « à mieux voir la trame de nos disciplines, et à repérer les quelques concepts fondateurs et vivants à l’œuvre dans chacune d’elles » (J.-P. Astolfi, 1986). L’idée qu’il existerait, somme toute, peu de concepts réellement structurants, et par conséquent essentiels, a conduit d’une part à marquer la distance avec les savoirs propositionnels, multiples et juxtaposés et, d’autre part, à vouloir resserrer les programmes autour de concepts clés et d’objectifs noyaux, par sélection des contenus d’enseignement (J.-P. Astolfi, 1990). Britt-Mari Barth (1993) invite ainsi l’enseignant à réfléchir sur les concepts les plus centraux, ou concepts organisateurs qui donnent au domaine sa cohérence interne.
Michel Develay (1992) les nomme quant à lui concepts intégrateurs et recourt à la métaphore pour évoquer leur relation d’inclusion : « à la manière des poupées gigognes, ils emboîtent des concepts plus petits et constituent les principes organisateurs, au niveau notionnel, d’une discipline enseignée ». Il s’agira par exemple, pour l’information-documentation, du concept d’information qui fédère les concepts de donnée informationnelle, de source, d’auteur, de connaissance informée, etc. A son tour, auteur contient les concepts d’autorité, de responsabilité éditoriale, d’autoritativité, et ainsi de suite.
Pour Britt-Mari Barth (1987), ces concepts inclusifs doivent être recherchés parmi ceux qui, par leur nombre limité d’attributs et par leur grand pouvoir évocateur auprès des élèves, aménageraient à ces derniers un point d’entrée le plus large possible dans l’abstraction. A titre d’exemple, Gérard de Vecchi et Nicole Carmona-Magnaldi (1996) donnent le concept chaise, lequel, par comparaison à ceux de fauteuil et de tabouret, permet de construire le concept de siège. Siège, en effet, pour englober chaise et fauteuil, doit être défini avec moins de spécifications. En information-documentation, il sera facile de partir de moteur de recherche, par exemple, puis de le distinguer d’un métamoteur et d’un répertoire de sites, pour construire le concept d’outil de recherche en ligne.
Les deux dimensions didactiques du concept, épistémologique et psychologique se croisent à nouveau ici : d’un côté l’intérêt porté pour la structuration et la compréhension d’une matière d’enseignement, de l’autre la facilitation de l’appropriation du concept par l’élève pour qui l’on recherche le meilleur accès. La présentation des concepts aux élèves se détermine alors par le choix des attributs qui satisfont le mieux à leur capacité de compréhension (B.-M. Barth, 2002).
La nature de ces « paradigmes explicatifs fondamentaux » comme les nomme M. Develay (1996) sont bien de nature intégratrice. Mais leurs fonctions sont multiples. Ils visent ainsi à :
. organiser les contenus : retrouver une cohérence à la matière, une certaine logique ;
. donner ainsi une meilleure visibilité, en faciliter l’appréhension ;
. sélectionner l’essentiel de l’accessoire, ce qui a pour effet de limiter le nombre de
concepts ;
. faciliter leur appropriation par les élèves.

En ce sens, ils intéressent les acteurs de la didactique de l’Information-documentation.

312. Des propositions pour l’Information-documentation

Pour Muriel Frisch (2003), « la documentation s’appuie sur un ensemble de concepts qui eux-mêmes en recèlent d’autres ». Quatre d’entre eux, présentés comme des concepts phares, se révèlent essentiels : document, techniques documentaires (traitement de l’information), langage documentaire et information. Nous essayons de rendre compte dans ce tableau synthétique de la richesse des pistes ainsi dégagées :

Concepts pharesConcepts secondairesdocumentdocument support ; document électronique ; document primaire ; document secondairetechniques documentairescatalogage : analyse documentaire ; indexation : index, annuaire, moteur de recherche, indexation automatique, indexation manuelle, hypermédia, hypertexte ; résumé documentaire : résumé indicatif, résumé informatiflangage documentaireopposé à langage naturel ; classification (à structuration hiérarchique) : classement documentaire ; lexique (à structuration combinatoire) : mot clé, thesaurusinformationsupport ; forme/contenu ; code ; signification ; structure (pattern) ; information textuelle, numérique, graphique, sonore, audiovisuelle ; message ; décodage ; canal ; signal ; émetteur ; système de traitement de l’information ; communication ; etc.
16. Les « concepts phares » de l’Information-documentation selon M. Frisch (2003)

Signalons également la proposition, beaucoup moins développée, de Frédérique Marcillet (2000) qui s’attache à suivre le modèle de Michel Develay (1992). Celle-ci fonde la matrice disciplinaire à partir des quatre concepts intégrateurs suivants :
. document,
. information,
. traitement de l’information,
. documentation.

S’inscrivant également dans la lignée de la réflexion de M. Develay, l’équipe réunie autour de Nicole Clouet et Agnès Montaigne (2006), quant à elle, réduit ces concepts au nombre de trois. Nous ne produisons dans le tableau ci-dessous que les deux premiers niveaux :

1 –
Construction de l’information2 –
Traitement de l’information3 –
Usages de l’informationProduction de l’information
Mise en scène de l’information
DiffusionAnalyse de l’information
Adresse
Outils de recherche
RessourcesBesoin d’information
Source
Droit
Évaluation de l’information
17. Les « concepts intégrateurs » selon Nicole Clouet et Agnès Montaigne (2006)

La même année, une équipe d’enseignants documentalistes de l’académie de Nantes restitue, sous forme d’un terminogramme hiérarchisé à la manière d’un thesaurus, un travail d’inventaire des concepts info-documentaires mobilisés dans les activités de recherche d’information en ligne (P. Duplessis, I. Ballarini-Santonocito, et al., 2006). Si ce travail n’aboutit pas explicitement à la détermination de concepts intégrateurs de la matière d’enseignement dans sa totalité – il réduit son champ de validité à la recherche d’information en ligne - il peut du moins nourrir cette réflexion en ce qu’il donne à voir une structuration hiérarchique entre concepts génériques et concepts spécifiques. Le tableau ci-dessous se limite aux trois premiers niveaux de cette organisation :


Pôles opératoiresConcepts génériquesConcepts spécifiques de niveau 1


1. Mobilisation
du système documentaire
1.1 Ressource1.1.1 Internet1.1.2 Web1.1.3 Web invisible
1.2 Interface1.2.1 Portail1.2.2 Outil de recherche en ligne1.2.3 Signet1.2.4 URL1.3 Navigation1.3.1 Hyperlien1.3.2 Flux RSS


2. Sélection – évaluation des ressources
2.1 Résultat de requête2.1.1 Bruit / silence documentaire2.1.2 Format de présentation2.1.3 Tri des résultats

2.2 Information2.2.1 Donnée informationnelle2.2.2 Source2.2.3 Auteur2.2.4 Connaissance informée2.2.5 Document2.2.6 Média2.3 Propriété intellectuelle2.3.1 Droit d’auteur
3. Traitement de l’information
3.1 Référencement3.1.1 Norme3.1.2 Sitographie3.1.3 Métadonnée3.2 Conservation3.2.1 Conservation totale/ partielle3.3 Extraction3.3.1 Prise de notes3.3.2 Condensation
18. Les « pôles opératoires » en recherche d'information en ligne selon P. Duplessis, I. Ballarini-
Santonocito, et al. (2006)

Enfin, signalons les travaux en cours de la commission de la FADBEN, attachée à la constitution et à la définition d’un ensemble de notions essentielles regroupées ici en sept « concepts organisateurs ». Chacun des sept concepts fédère huit notions :  

1. Information
2. Document
3. Source
4. Recherche d’information
5. Indexation
6. Exploitation de l’information
7. Espace informationnel

313. La détermination des concepts intégrateurs

Les propositions dans le domaine de la Documentation, on l’aura compris, ne manquent pas. La littérature propose ainsi régulièrement quelques « pistes » pour organiser l’enseignement à partir de quelques concepts intégrateurs parmi lesquels se retrouvent information et documentation. Il est vrai que ce genre de propositions ne coûte pas et chacun peut avoir son opinion sur la question.
Pourtant à la lecture, même superficielle, des quelques exemples rassemblés ci-dessus, il est possible de repérer deux entrées distinctes, la première affichant des concepts sous forme substantivée (Frisch, 2003 ; Marcillet, 2000 ; FADBEN, 2006), la seconde présentant des opérations rappelant l’énoncé d’objectifs de compétences, ou d’objectifs noyaux (Clouet et Montaigne, 2006 ; Duplessis, Ballarini-Santonocito et al., 2006). Si le choix des objectifs noyaux a le mérite d’installer l’ensemble du corpus dans une logique opératoire, elle parvient en revanche plus difficilement à organiser ses éléments, puisque ceux-ci peuvent facilement constituer des réponses possibles à différentes nécessités. Le mode de relation à instaurer dans ces architectures, qu’elles soient inclusives ou exclusives, éprouve ainsi la plasticité de l’ensemble.
Quoi qu’il en soit, les auteurs de ces organisations ne font jamais aucune mention de la méthodologie employée pour parvenir aux résultats qu’ils exposent. Dans le cas de travaux d’équipe, on devine qu’ils sont l’aboutissement d’âpres débats où les questions de terminologie occupent une large place. Nous savons que dans bien des cas, ces résultats ne le doivent qu’à la méthode du compromis.
Nous proposons ici deux méthodes pouvant servir à la détermination de concepts intégrateurs en Information-documentation. La seconde est en cours d’expérimentation.
1. à partir de la définition en compréhension des concepts, et par le croisement
de deux séries de données :
- le nombre d’attributs du concept : le plus petit nombre révélant le plus
grand pouvoir englobant ;
- le nombre des occurrences en tant qu’attributs des autres concepts : le
plus grand nombre traduisant un indice de transversalité à partir
duquel inférer le pouvoir englobant.
2. à partir de l’analyse de cartes conceptuelles (cf. III. § 32522).

Les résultats obtenus, dans l’un et l’autre cas, fourniraient en outre à la réflexion des structures inédites fondées cette fois sur l’analyse des relations qu’entretiennent les objets considérés, et qui sont de nature soit interne soit réticulaire.


32. Les réseaux conceptuels

321. « Apprendre, c’est établir un réseau » 

Un concept ne se construit jamais seul. Son exposition, ainsi que son appropriation nécessitent des mises en relation avec d’autres concepts qui lui sont soit intégrés, soit associés. Ceux qui sont intégrés à un concept qui les contient s’assimilent aux attributs de celui-ci et permettent de le définir en compréhension. Ainsi pour comprendre le concept est-il nécessaire de maîtriser au préalable les abstractions dont il est constitué. Cette structuration du savoir s’établit sur des relations de type hiérarchique permettant de dégager des concepts intégrateurs (cf. III. § 31). Les seconds, associés à d’autres concepts, entretiennent des relations d’adjacence à l’intérieur ou non de la discipline considérée. Lorsque ces concepts corrélés sont voisins, i.e. internes au domaine, on parlera de réseau conceptuel.
L’ensemble des concepts associés pouvant être mis en synergie pour construire un concept pivot constitue un réseau conceptuel (B.-M. Barth, 1993), appelé encore trame ou champ notionnel (M. Develay, 1992). Ce concept intéresse la didactique qui fait le constat que les savoirs scolaires sont généralement présentés aux élèves comme une suite linéaire de concepts non structurés entre eux. Cette présentation cumulative provoque un encombrement de la mémoire et s’accompagne de la difficulté pour le sujet à construire du sens. Le réseau conceptuel repose à l’inverse sur l’idée que chaque concept se construit en appui sur d’autres, dans un système structuré de références (G. De Vecchi et N. Carmona-Magnaldi, 1996 ; J. D. Novak. et A. J. Cañas, 2006 ; cf. Annexe III. 4). L’enjeu pour l’apprentissage est économique : il s’agit d’acquérir des représentations internes de structures externes complexes dont l’organisation en mémoire est toujours coûteuse (F. Tochon, 1990).
F. Cornu et A. Vergnioux (1992) rappellent que ces réseaux, ou trames conceptuelles, peuvent être introduits de deux façons : soit à partir du niveau de formulation du concept cible (cf. III. § 23) et selon que l’on s’intéresse au contenu d’un programme ou aux conceptions des élèves, soit à partir de l’analyse a priori de l’objet à enseigner. Dans ce dernier cas, qui retiendra davantage notre attention, un certain nombre de concepts seront convoqués et organisés. Cette organisation conceptuelle sera présentée graphiquement selon un mode choisi de cartographie. Construite par l’élève, elle l’aidera à structurer ses connaissances, en le faisant procéder à un certain nombre d’interactions entre anciennes et nouvelles connaissances. Construite par le maître, elle lui permettra de circonscrire son objet d’étude. Dans l’un et l’autre cas, ces cartes de concepts pourraient représenter des outils précieux de mise en forme didactique et de structuration externe du domaine considéré.

322. La cartographie conceptuelle

F. Tochon (1990) présente la cartographie conceptuelle comme « un graphisme sémantique visant la description ou la prescription en termes d’apprentissage, d’enseignement ou de communication ». En effet, il apparaît que ces outils sont requis dans trois cas de représentation pouvant concerner les structures cognitives individuelles, les structures d’un domaine partagé par une collectivité, ainsi que les idées exprimées dans un texte (L. Saadani et S. Bertrand-Gastaldy, 2000). Issues des sciences cognitives, elles font aujourd’hui l’objet d’études et d’utilisations dans de nombreux domaines, dont les Sciences de l’éducation. Elles intéressent particulièrement la didactique dans ses deux dimensions épistémologique, lorsqu’il est question de structurer un domaine, et psychologique, pour faciliter l’appropriation des savoirs par l’apprenant (J. D. Novak. et A. J. Cañas, 2006 ; Annexe III. 4). Cette multiplicité d’approches et de domaines d’utilisation a conduit à une dispersion des appellations. Les cartes de concepts, ou cartes conceptuelles, termes à vocation générique, sont ainsi dénommées cartes mentales (mind maps), toiles d’araignées (webmaps), cartes de connaissances (knowledge maps, Kmaps), cartes cognitives (cognitive maps), organisateurs graphiques (graphic organizers), ou encore cartes épistémiques, réseaux, structural knowledge, cognitive structures. Ils revêtent des formes également multiples : en réseau concentrique, en clavier ou en rayon de miel, en arborescence, sous forme de carte géographique ou d’histogramme, etc. A l’inverse des thesaurus, aucune norme ne vient en effet guider leur construction.
Du point de vue structurel, ces réseaux se présentent comme des graphes composés de nœuds et d’arcs. Les nœuds réfèrent aux concepts, stockant leurs propriétés spécifiques, et utilisent non pas des descripteurs comme dans le cas des thesaurus, mais des termes tirés du langage naturel s’agissant des novices ou du langage spécialisé s’agissant d’experts. Les arcs, quant à eux, expriment les relations entre les nœuds (id.). Ces relations font l’objet de nombreuses études, en pays anglo-saxons notamment, cherchant à les caractériser. Si les relations hiérarchiques sont le plus souvent privilégiées, il en existe nombre d’autres. Contrôlées et explicites à l’intérieur des systèmes experts ou bien implicites lorsque produites de manière spontanée et idiosyncrasique (F. Tochon, 1990 ; L. Saadani et S. Bertrand-Gastaldy, 2000). De fait, la lecture des cartes rencontre des difficultés de compréhension lorsque la nature de ces relations n’est pas explicitée. Les arcs gagnent ainsi à être étiquetés. Nombre de solutions sont disponibles : verbes, noms, connecteurs logiques, modificateurs (+, -, ?). Ils peuvent être encore directifs ou visuellement différenciés (ondulés, pointillés, etc.)

323. L’approche cognitive : « une fenêtre sur le cerveau » 

3231. Une cartographie des structures cognitives

La schématisation heuristique, ou technique de synthèse de données, consiste à faire produire par l’apprenant une carte de concepts à partir d’une lecture, d’un exposé ou d’un sujet donné, et à lui demander de décrire le lien relationnel entre les idées. Le principe fondateur est la valeur instructionnelle accordée à l’organisation et à la rétention des connaissances. Serait ainsi facilitée la production de connexions nouvelles entre différents savoirs (F. Tochon, 1990). La vision réticulaire des structures, aussi bien internes qu’extériorisées par des cartes, renvoie à cette idée que tout savoir se construit à partir de connaissances déjà acquises, par intégration de l’ancien au nouveau, et réorganisation de ce dernier (J. D. Novak. et A. J. Cañas, 2006 ; cf. Annexe III. 4). Cette « cartographie des structures cognitives » livre ainsi des informations à l’enseignant, en même temps qu’elle tend à les rendre conscientes à l’apprenant (L. Saadani et S. Bertrand-Gastaldy, 2000).
Les bienfaits de cette technique sont nombreux, bien que souvent minorés par la lourdeur du dispositif dans son application, du point de vue du temps à consacrer à cette formation notamment. Selon les résultats d’études rapportés par nos auteurs, les principaux bénéfices produits concerneraient l’acquisition du vocabulaire, l’intégration de l’information, l’augmentation du niveau de représentation des problèmes, l’évaluation des structures cognitives des apprenants et la mesure des écarts entre les connaissances antérieures et les connaissances acquises.

3232. L’aura conceptuelle

. Cette approche des connaissances par le réseau laisse penser que l’accès à un concept ne saurait être unilatéral, mais au contraire qu’il peut emprunter des voies détournées, des itinéraires particuliers à chacun, selon ses représentations et ses acquis préalables, selon qu’il maîtrise déjà tel ou tel autre concept du réseau sollicité. Cette vision pluriconceptuelle permet ainsi de rendre compte de certaines difficultés rencontrées par l’élève : si celui-ci peine à s’approprier un concept, c’est peut-être qu’il n’a pas suffisamment construit un ou plusieurs autres concepts constitutifs du réseau (M. Develay, 1992). La trame conceptuelle peut alors avoir pour effet de proposer plusieurs points d’entrée possibles pour cette appropriation. Aussi est-il intéressant de représenter pour la classe, ou de faire représenter graphiquement par les élèves eux-mêmes ces réseaux de concepts au fur et à mesure qu’ils progressent et se complètent tout au long d’une même séquence ou, à plus long terme, dans le cursus.
Cette appréhension globale, systémique, relative à l’entrée dans les concepts a été particulièrement étudiée par André Giordan et Gérard de Vecchi (1987) pour lesquels « aborder séparément le concept ne peut correspondre qu’à une démarche très artificielle ». Les concepts, tout au contraire, doivent évoluer en même temps. Cette évolution dans l’appropriation prend pour cadre l’ensemble des conceptions, des notions et des concepts dont dispose l’élève et qui constituent ce que les auteurs nomment l’aura conceptuelle. Celle-ci peut dépasser de loin la discipline concernée et toucher à des éléments périphériques plus ou moins diffus, d’où ce recours au terme d’aura. Chaque élément constitutif de ce champ possédant également son propre champ de diffusion, on imagine comment cette aura conceptuelle peut s’étendre et se ramifier de manière indistincte et singulière pour chaque apprenant.
Dès lors, la construction du concept ne saurait se faire d’un seul mouvement, ni être observable d’un seul regard. L’avancée se fait au contraire par accroches ou par solidifications successives des éléments composant l’aura du concept déterminé. L’évaluation de cette progression prend pour base les niveaux de formulation (cf. III. § 23) perceptibles dans les énoncés des élèves, et correspondant au seuil d’abstraction qu’ils ont atteint. Mais ceux-ci relèvent d’objectifs à long terme et n’évoluent pas aussi radicalement que l’on pourrait le souhaiter. Par contre, ainsi que le révèle l’étude des formulations d’élèves, certains composants (attributs du concept ou indices essentiels d’une idée) de l’aura conceptuelle se mettent progressivement en place et permettent d’établir à quel moment et à quelles conditions des paliers d’intégration significatifs sont franchis. Par conséquent, la prise en considération des auras ou réseaux conceptuels valide en quelque sorte les cheminements individuels choisis par les élèves dans l’appropriation du savoir. Il importe dès lors, d’une part d’associer représentation graphique (carte conceptuelle) et verbalisation écrite (niveau de formulation) et, d’autre part, de faciliter à l’élève la prise de conscience des parcours empruntés.

324. L’approche épistémologique : la trame du savoir

Le savoir d’une discipline, ainsi appréhendé, se présente pour Michel Develay (1992) comme un tissu dont chaque nœud correspond à un concept et dont l’ensemble forme une trame. Cette image du tissu correspond bien, en effet, à cette idée d’une mise en texte, assortie d’une contextualisation des éléments du savoir théorique. La texture conceptuelle correspond alors à l’organisation structurée des éléments formant la matière de la discipline, et permettant ainsi d’en donner une représentation.
S’il apparaît que structurer la matière a un impact sur l’apprentissage, nous considérerons ici son intérêt du point de vue de l’épistémologie des savoirs du domaine considéré. Il convient encore de distinguer entre une cartographie réalisée par l’enseignant dans le but de construire des démarches et des progressions, et une cartographie centrée sur la compréhension structurale de la matière à enseigner.
Les bénéfices à retirer de cette approche rappellent ceux consécutifs à la détermination des concepts intégrateurs (cf. III. § 311) pour cette raison qu’ils se rejoignent dans cette entreprise de structuration du domaine : ils concernent la lisibilité de l’organisation interne de la matière, ainsi que le signalement de sa macrostructure et de ses concepts clés. L. Saadani et S. Bertrand-Gastaldy (2000) notent en effet que la cartographie conceptuelle est un outil pour la construction de curricula en sciences.

325. Expérimentation : des conceptogrammes en Information-documentation

C’est autour de ce projet qu’une équipe d’enseignants documentalistes de l’académie de Nantes, que j’anime, s’est dernièrement lancée dans l’élaboration de conceptogrammes relatifs à l’information-documentation. Le but est double. Il s’agit à la fois de structurer cette matière d’enseignement en dégageant des concepts intégrateurs, et de fournir aux collègues des outils pratiques pour définir des objectifs conceptuels avant de chercher à les rendre opératoires au moyen de situations didactiques. Cet outil leur permet en outre de visualiser rapidement quels sont les concepts corrélés qu’il va falloir travailler en même temps que le concept pivot, cible de l’apprentissage. A la fois outil de représentation et outil pour l’action, le conceptogramme se situe à l’articulation entre le tissu de la discipline et le maillage cognitif de l’élève.

3251. Méthodologie

La méthodologie employée s’est avérée, au cours des séances, suivre le déroulement suivant :
1. sélection d’un concept cible ;
2. inventaire des concepts corrélés à celui-ci, en termes d’adjacence ou de
hiérarchie ;
3. ajustement terminologique ;
4. regroupement de ces contenus autour de quelques pôles intégrateurs ;
5. répartition topologique des concepts ainsi fédérés sur différents niveaux
représentés par des couronnes.

Il faut encore noter que le nombre des concepts convoqués n’est pas fixé à l’avance. Enfin, cette année du moins, les arcs n’ont pas été étiquetés.
Le conceptogramme présenté ici (fig. 8) est le prototype d’une série en cours de dix exemplaires (cf. Annexe III. 5) destinés à être publiés pour engager une discussion sur les rapports de convergence pouvant exister entre les différentes approches portant sur la délimitation, la définition et la structuration du domaine info-documentaire, que sont la définition opératoire et les niveaux de formulation.























































Fig. 8 : Conceptogramme de « outil de recherche » (P. Duplessis, I. Ballarini-Santonocito et al., à paraître)









3252. Commentaires

32521. Résultats

Les cartes produites révèlent une structure concentrique, organisée à partir d’un concept pivot placé au centre de la figure, et d’où irradient des concepts distribués du générique aux spécifiques.
Cette représentation sous forme de cible a l’avantage de pouvoir rendre compte des différents niveaux de proximité entre le concept pivot et les éléments constituant son réseau. La disposition en trois couronnes classe ces éléments selon qu’ils lui sont directement associés ou non. Ainsi, des 35 concepts apparus lors de l’analyse, cinq seulement sont directement corrélés au concept outil de recherche. Ce sont :
. résultat,
. indexation,
. requête,
. type de recherche,
. typologie des outils de recherche.
Les deux derniers concepts, cependant, sont produit par l’adjonction d’un concept outil, typologie, et renvoient à l’élément de caractérisation des concepts chargé de catégoriser les exemples déterminant leur domaine en extension. Quant aux trois autres, leur positionnement privilégié se manifeste par le fait qu’ils intègrent tous les autres concepts situés dans les couronnes extérieures. Ce pouvoir d’inclusion fait d’eux des concepts potentiellement intégrateurs.

32522. La détermination des concepts intégrateurs

L’étude engagée par cette équipe cherche à faire émerger, à partir d’un certain nombre de conceptogrammes à concevoir sur ce même modèle, d’autres concepts de premier niveau. Le regroupement et l’analyse de ceux-ci, dans un second temps, devrait permettre de confirmer ou d’infirmer leur caractère intégrateur. Le nombre des occurrences enregistré pour ceux-ci fournira en outre une indication sur le rôle et la place plus ou moins réelle qu’ils occupent dans le domaine de cette matière d’enseignement. Plus ce nombre sera élevé et plus il sera possible d’inférer que ces concepts de premier niveau affirment une fonction de passeur, en tant que concepts communs à plusieurs cartes.

32523. Les types de lien relationnels

Par ailleurs, un autre axe de travail, venant compléter ce dernier, s’attache à identifier les liens relationnels articulant entre eux les concepts, ou nœuds. Dans le cas présent, le fait qu’ils sont systématiquement représentés par des flèches en banalise et en occulte la signification.
L’analyse des liens reliant le pivot à la première couronne fait apparaître des relations exprimées par des verbes comme « nécessite », « regroupe », « permet » et « produit » (cf. tableau 19). L’inventaire poursuivi de ces différentes relations pourrait alors renseigner sur la manière dont est structuré le réseau. L’exemple donné ici montre ainsi que les cinq concepts sont reliés par quatre verbes renvoyant à seulement deux types de lien, la définition (2 liens) et la fonction (3 liens). Il apparaît ainsi que ce concept pivot est déterminé en bonne partie de manière fonctionnelle.


concept ciblelien
relationnel

concept de la 1ère couronne
type de lien
outil de recherchenécessiteindexation
définitionen compréhensionregroupedifférents types d’outils de recherche
en extensionpermetrequête
fonctionpermetdifférents types de rechercheproduitrésultat
19. Analyse des liens relationnels apparaissant dans le conceptogramme de outil de recherche



33. Bilan

Le concept, outil de structuration des cadres intellectuels de l’élève, se prête à des contextures particulières rendant compte du tissu disciplinaire dont il est un élément. Nous en avons examiné deux types, correspondant à des structures hiérarchiques tout d’abord, à des structures réticulaires ensuite. Dans le premier cas, quelques concepts intégrateurs relient dans un axe vertical un ensemble d’infra-concepts emboîtés les uns dans les autres. La profondeur de cette organisation rend alors compte de son niveau d’abstraction, tout en ménageant à l’élève des points d’entrée qui se situent dans la dimension inclusive du concept saisi en compréhension. Dans le second cas, en tant que concept contextualisé dans la trame même du savoir, il est relié dans un axe horizontal à un ensemble de concepts qui lui sont corrélés. Il puise alors sa signification dans une trame maîtrisée (le réseau conceptuel) ou au contraire diffuse (l’aura conceptuelle). L’étendue de cette organisation témoigne de son niveau d’interrelation, lequel met à disposition de l’élève une multiplicité d’entrées ou de points d’ancrages qui ont trait à la dimension associative du concept.
Ces deux organisations distinctes autant dans la forme que dans le propos, offrent cependant des bénéfices semblables. Ils travaillent à rendre cohérente l’appréhension que l’on peut avoir de la matière considérée. Cette cohérence en assure la lisibilité et garantit la solidité de sa tessiture. Ainsi, chaque nœud de la trame se trouve-t-il tenu et assuré par les relations, de quelque nature qu’elles soient, qu’il entretient avec les autres nœuds de la structure.
Des distinctions nettes apparaissent par contre dès lors que l’on s’intéresse aux dimensions spatio-temporelles de telles organisations. L’approche intégrative, en premier lieu, invite à une perception globale du domaine à partir de son armature. Celui-ci est donné pour être d’abord saisi dans sa totalité, en tant qu’ensemble hiérarchisé. Il donne ainsi à penser que ce qui est montré forme un tout fini. Ce tout est orienté à partir de quelques pôles, les concepts intégrateurs, qui se partagent ainsi une sorte de carte du ciel où l’information figurerait l’étoile polaire. Du point de vue temporel, la perspective est diachronique, puisque l’exploration de la carte appelle plutôt à un modèle d’enseignement progressif et cursif. En effet, la présentation des hiérarchies, par l’idée d’exhaustivité qu’elle suggère, incite à une construction programmatique des apprentissages, même si l’un des buts visés concerne la séparation de l’essentiel et de l’accessoire.
L’approche réticulaire, en second lieu, tend davantage vers une perspective synchronique, dans la mesure où l’idée qui prédomine consiste à « apprendre en réseau » chacun des concepts formant l’ensemble. Même lorsque certaines relations rapprochant les concepts sont de type hiérarchique, le sens de ces relations n’est jamais unique. Au contraire, la présentation en réseau suscite des interactions nombreuses entre le centre et la périphérie. Le temps des cartographies conceptuelles s’accorde avec celui de la situation didactique. Cette relativité, a contrario de la généralité évoquée par l’approche précédente, touche également et principalement, la dimension spatiale. La vision panoramique unifiée fait ici place à une multitude de scènes régionales où apparaissent des configurations partielles du domaine parcouru. Ici, chaque nœud du réseau a vocation à devenir un centre à partir duquel de nouvelles adjacences et de nouvelles périphéries vont apparaître. La rigueur de la hiérarchie est ainsi remplacée par la qualité et la force des relations qui sous-tendent la texture. La focalisation sur tel ou tel concept visé pour un apprentissage provoque aussitôt la génération dynamique de constellations inédites, à partir des paramètres que sont les nécessités conceptuelles de la situation didactique.
D’autres différences apparaissent enfin s’agissant du contexte et des buts relatifs à leur construction. Tandis que le but visé par la détermination des concepts intégrateurs reste principalement la présentation ordonnée du domaine (du plus générique au plus spécifique, et de l’essentiel à l’accessoire), celui que l’on cherche à atteindre au travers des cartes conceptuelles consiste en l’exposition, par l’enseignant, et en l’appropriation, par l’élève, de la matière. Si dans le premier cas, l’approche induite est plutôt centrée sur le savoir, son organisation et sa logique internes, dans le second cas, l’approche privilégie l’interaction savoir-apprenant, en ce qu’elle s’applique à orienter la carte du savoir de façon à ce que l’apprenant puisse mieux se saisir de son contenu.






Conclusion

Tenter de circonscrire un champ possible de savoirs à enseigner n’est pas une affaire facile. Nous nous sommes employé à en ébaucher les tracés à partir de trois préoccupations distinctes engageant différents plans d’analyse : la recherche des ascendances, l’estimation du fonds et l’arpentage du domaine.
La recherche des ascendances des savoirs proposés à l’enseignement a fait reconnaître la multiplicité des filiations possibles et la pluralité des enjeux référentiels. La filiation ennoblissante, les vertus didactiques de l’analogie avec des situations a-didactiques, la valorisation des savoirs d’actions enfin, trouvent à se déployer sur les figures topologiques de l’en-haut (transposition didactique restreinte), de l’ailleurs (transposition didactique générale) et de l’ici (contre-transposition). La logique référentielle se décline ainsi sur trois registres qui sont la légitimation, le didactique et l’heuristique. Il ne s’agit pas, pour l’Information-documentation, de procéder au classement de ces registres, mais plutôt de penser une dialectique entre ceux-ci, où les objets de savoirs repérés dans l’expérience de l’élève seraient aussitôt éprouvés par l’expertise professionnelle et objectivés par la Science de l’information qui en assurerait, de surcroît, l’indispensable légitimation. Mais l’idée même de dialectique évoque des va-et-vient et des circulations entre ces trois mondes, dans une dynamique à la fois critique et heuristique.
Il n’est plus possible, dès lors, de considérer les objets de savoir de l’Information-documentation comme donnés, soit spontanément, soit automatiquement déductibles du savoir scientifique de référence. Ces savoirs scolarisables doivent plutôt être pensés en tant que construits à partir des interactions entre savoirs scientifiques objectivés, savoirs tirés des pratiques sociales professionnelles et domestiques relatives à la Documentation et savoirs tirés de l’action des apprenants en situation de recherche d'information.
La légitimation du fonds constitué de ces savoirs à enseigner implique par ailleurs une opération d’estimation de leur valeur didactique. Si ces savoirs existaient déjà à l’intérieur de l’école, dans le cadre notamment des prescriptions disciplinaires de recherche documentaire, ils n’étaient appréhendés qu’en termes de para-notions, c'est-à-dire requis pour leur utilité mais non enseignés. L’accès au statut de savoirs enseignables appelle alors à une reconversion épistémologique de leur statut, distinguant pour chacun d’eux des niveaux d’appréhension gradués selon le régime de connaissance auquel ils appartiennent, en tant que fait, notion ou concept. Cette opération d’appréciation épistémologique nécessite que soit d’abord menée une expertise de ces objets sous la forme d’une analyse logique de leur intériorité en tant qu’abstraction. Ainsi l’établissement du régime épistémologique des concepts info-documentaires doit-il être fondé sur leur niveau de définition. Celui-ci est déterminé par le nombre et la précision des attributs qui le composent. Le choix de ces caractères est lui-même dicté par le paradigme, ou principe d’intelligibilité de la discipline (M. Develay, 1995), lequel organise la totalité des contenus en un ensemble cohérent.
C’est cependant à partir des attributs du concept que peuvent être aménagés pour l’élève différents points d’entrée dans l’abstraction, notamment par le recours aux niveaux de formulation et aux cartographies conceptuelles. L’appropriation des concepts, du point de vue de la psychologie, confère à l’apprenant non seulement des savoirs de compréhension du monde, mais lui permet de modifier sa structure cognitive en l’obligeant à une réorganisation continuée de ses connaissances. Ainsi l’estimation opérée sur le fonds conceptuel concerne aussi bien sa nature épistémologique que sa fonction didactique.
Mais la recherche des ascendances et l’évaluation du fonds ne sauraient à elles-seules suffire à circonscrire le champ possible des objets de savoirs de l’Information-documentation. Le cadastre ne serait pas complet s’il n’était procédé en même temps à l’arpentage du domaine, à l’examen de son organisation interne et des relations qui donnent sens à ses constituants conceptuels. L’enjeu de ce relevé topographique est double. Il s’agit d’abord de reconnaître un territoire, au moyen de sa mesure et de sa description minutieuse. Il s’agit ensuite, bien que cela soit concomitant, de provoquer son émersion par le simple fait que des formes, des structures soient ainsi objectivées et apparaissent là où l’implicite les dissimulait à la raison.
Deux types de structures ont été ainsi repérées, l’une intégrative et globale (les concepts intégrateurs), l’autre réticulaire et régionale (les cartes de concepts). Toutes deux, en apportant de la clarté, de la cohérence et donc de la solidité au matériau conceptuel, sont susceptibles de le rendre visible, c'est-à-dire explicite.
L’analyse épistémologique du domaine info-documentaire, rendue possible par l’emprunt de quelques outils appartenant au champ des didactiques des disciplines, a ainsi, nous semble-t-il, permis une première approche critique des conditions exigibles d’une didactisation de cette matière, confirmant ainsi notre questionnement initial portant sur les notions de référence, d’identité épistémologique et de structuration des savoirs à enseigner.



Conclusion générale

1. Une reconversion épistémologique

Dès son introduction officielle dans l’école il y a 50 ans, la matière documentaire a suscité, à partir d’une dualité intrinsèque dissociant support physique et contenu de connaissances, la génération de deux profils professionnels distincts et complémentaires : le gestionnaire et l’enseignant. Si le premier n’est qu’une transposition dans le monde scolaire du métier récent de documentaliste, le second s’avère être une création propre au milieu d’accueil. Cette innovation résulte à la fois du projet social de former les élèves à la maîtrise de l’information et d’un désir, exprimé par une partie majoritaire des enseignants documentalistes, d’affiliation statutaire au corps des professeurs. Ces deux directions en viennent à rejoindre un même chemin, celui de la rationalisation de contenus info-documentaires à enseigner. La nécessité de penser une didactique de l’Information-documentation peut ainsi être mise en relation étroite avec l’instauration du CAPES de Documentation. La certification couronnant les velléités pédagogiques de la profession s’est accompagnée de la perception, du point de vue de celle-ci, d’un nouveau mandat lui conférant une charge d’enseignement.
Dès lors, et parallèlement au déploiement sur le terrain de référentiels de compétences utilisés à des formations purement instrumentales, sont proposées quelques listes de notions dont la prétention est de fournir aux enseignants et aux élèves des outils conceptuels pour comprendre les phénomènes liés à l’information et à la documentation. L’analyse de ces listes révèle l’état des lieux de la réflexion didactique. S’agissant tout d’abord de l’énumération des notions proposées à l’enseignement, but premier de ces travaux, les résultats montrent que cette réflexion est encore dans une phase de tâtonnement expérimental. Au-delà même des incohérences terminologiques, l’imprécision du statut de ces connaissances appelle à leur recadrage épistémologique. La structuration de ces bases de notions, ensuite, connaît un développement significatif que nous interprétons comme l’indice d’un saut épistémologique, en ce sens qu’il s’accompagne d’une part d’une augmentation du nombre de ces objets de savoir, et, d’autre part, qu’il en favorise la cohérence, la visibilité et l’intelligibilité. Ces deux derniers points, le recadrage et le saut épistémologiques, convergent vers l’affirmation qu’un processus de rationalisation est bien engagé, tirant les contenus info-documentaires de l’implicite vers l’explicite. Enfin, l’appel à la référence savante pour légitimer ces propositions laisse dans l’ombre d’autres enjeux référentiels de grande importance, tels le didactique et l’heuristique.
Le recours à des outils conceptuels empruntés aux didactiques des disciplines permet de confirmer et de prolonger ces différents points relatifs à la délimitation d’un champ possible de savoirs à enseigner. L’expertise cadastrale du domaine s’articule ainsi autour de trois préoccupations épistémologiques majeures que sont la recherche de la filiation des savoirs, l’estimation de leur statut et l’examen de leur organisation conceptuelle. Il ressort de ce travail une première approche critique des conditions exigibles d’une didactique de l’Information-documentation :
. la question de la référence des savoirs à enseigner doit être traitée dans le but d’en retirer tous les bénéfices possibles en termes d’heuristique, de didactique et de légitimation ;
. la question de l’organisation de la matière doit pouvoir conduire à révéler le principe d’intelligibilité de celle-ci ;
. la question de l’identification des savoirs doit pouvoir, à partir d’opérations logiques et définitoires, aboutir à l’émergence de leur statut épistémologique d’enseignables.
Tous ces points confluent vers l’idée d’une reconversion épistémologique du statut accordé aux savoirs info-documentaires. Jusque là considérés comme des allant de soi relevant de procédures et de notions implicites, requis pour le travail de l’élève mais non enseignés, ces savoirs sont progressivement mis en lumière par les travaux relevant de l’heuristique, de démarches de spécification de la matière et de promotion à un statut de plus haut niveau épistémologique.

2. Témoigner de la genèse d’une matrice disciplinaire

Les résultats de l’étude rapportés ici ne manquent pas de susciter davantage de questions qu’ils n’apportent de réponses. S’inscrivant ainsi dans la continuité de ces premiers travaux, le projet à suivre se propose d’effectuer un suivi critique de l’entreprise didactique en Information-documentation. Trois regards particuliers pourraient être ainsi adressés à l’horizon épistémologique d’une nouvelle discipline : la dimension heuristique, la question des représentations sur la matière en cours d’élaboration et celle des pratiques didactiques mises en œuvre dans les situations d’enseignement-apprentissage.
La question de la référence, nous l’avons observé, est éminemment épistémologique. Elle développe deux des principales dimensions de l’épistémologie, la première traitant de la légitimation et de la justification des savoirs, la seconde s’intéressant au développement des savoirs et, notamment, au problème de leur découverte. Cette dernière dimension, heuristique, retiendrait plutôt notre attention, s’agissant des lieux et des conditions d’émergence des savoirs considérés, entre empirisme et littérature, entre champs des disciplines associées et champ de l’Information-documentation, mais encore s’agissant des écarts à constater entre les acceptions scientifique et didactique.
Le processus d’élaboration d’une matière, par la direction adoptée pour la recherche de ses composants, par la sélection des objets de savoir, leur organisation en système et le type de problèmes auxquels ces objets doivent répondre, témoigne inéluctablement d’une vision particulière, d’un discours inscrit dans le cadre de référence d’une époque, d’une culture, d’enjeux sociaux économiques relatifs à un contexte donné. Quelles représentations sur la matière ces choix successifs traduisent-ils, venant des différents agents du chantier didactique ?
S’il est vrai, enfin, qu’une part de la recherche des contenus à enseigner peut être menée à partir des travaux réalisés sur le terrain, il nous apparaît important de pouvoir rendre compte des modèles didactiques mobilisés pour faire construire ces savoirs. La profession, peu formée aux interactions du jeu didactique, se mettra-t-elle en quête de modèles inédits tenant compte des conditions particulières d’exercice, ou bien s’appuiera-t-elle sur l’expertise des disciplines, lesquelles et pour quelles raisons ? Quels objets seront les plus requis pour tels concepts ou catégories de concepts ? Quelles tâches et quels types de problèmes seront soumis aux élèves ? Quels types d’évaluation accompagneront ces dispositifs d’enseignement-apprentissage ?
Pour conduire ce projet, il s’agirait en fait de se faire le témoin de la genèse d’une matrice disciplinaire, au sens où, le reprenant à T. S. Kuhn, M. Develay (1997) entend cette identité attribuée à une discipline, et qui est « constituée par le point de vue qui, à un moment donné, est porté sur un contenu disciplinaire et en permet la mise en cohérence ». Ce paradigme, produit de valeurs, d’attentes et de catégories de pensées portées par une société et par ses enjeux idéologiques, trouve à se définir par un principe d’intelligibilité capable de guider la naissance, la constitution et l’évolution d’une discipline. Les choix opérés, même lorsqu’ils sont implicites et demandent un examen critique, déterminent cependant les objets utilisés pour servir de support aux situations didactiques, les tâches prescrites et les différents types de connaissances.
Au total, c’est bien la chronique d’une inventio - au sens latin chrétien du terme, i.e. la découverte d’une chose qui était restée jusque là non visible - de la matière info-documentaire qu’il s’agirait d’écrire. Dans cette perspective, l’hypothèse proposée partirait de cette idée empruntée à l’heuristique (et à Platon) selon laquelle il n’est découvert que ce que l’on sait déjà, mais d’une autre manière (J.-P. Chrétien-Goni, 2006). En inventant et en mettant à jour ce qui était déjà là, mais de manière implicite, l’école procéderait, finalement, à une anamnèse sur le plan épistémologique des savoirs info-documentaires. Ce passage de l’implicite à l’explicite, du non enseignable à l’enseignable exigerait alors que soit révisé le statut de ces savoirs, opération à laquelle nous avons donné le nom de reconversion épistémologique. Ce processus promotionnel, accompagnant l’activité heuristique, serait de plus à l’origine de la production de nouveaux objets.

3. Est-ce la fin de la période romantique ?

Si la question de la discipline n’a résolument pas été traitée dans cette étude – nous avons tenu à la dissocier de la question didactique – elle apparaît cependant souvent en filigrane sous le texte du savoir partiellement constitué. Reprenant les travaux de P. Thuillier , M. Develay (1992) s’interroge sur l’avenir promis aux nouvelles disciplines. Ce qui est noté à propos de la psychologie et de la biologie moléculaire pourrait également s’entendre au sujet de l’Information-documentation : « il semble qu’une nouvelle discipline se développe lorsque diverses personnes s’intéressent à une idée nouvelle, non seulement parce qu’elle a un contenu intellectuel, mais aussi en tant qu’elle est un moyen potentiel d’établir une nouvelle identité intellectuelle et, en particulier, un nouveau rôle professionnel ».
P. Thuillier discerne trois étapes dans l’émergence de la biologie moléculaire. Tout d’abord une période romantique, marquant les origines, où des embryons d’idées et une nouvelle orientation du regard fécondent des innovations théoriques. A cela succède une période dynamique, où le paradigme nouveau s’impose par la pertinence des réponses qu’il apporte à certains problèmes non encore résolus. Enfin, lors de la période académique, la collectivité scientifique valide ces résultats et reconnaît le paradigme.
De toute évidence, l’Information-documentation, dans le chemin qu’emprunte l’intention didactique, ne peut aujourd’hui que considérer la validation scientifique et institutionnelle qu’en tant qu’horizon tenu à distance respectable. De même, la période dynamique ne semble pas ouverte, du moins tant qu’aucun champ de problématiques spécifiques n’est délimité et offert au polissage mutuel des concepts et des compétences. L’élaboration des outils conceptuels, de fait, ne peut s’entendre que dans l’exercice probatoire qui consiste à résoudre des problèmes d’un type nouveau.
Nous renvoyons dès lors, et à partir des éléments que nous avons repérés et examinés, le moment présent de la didactique de l’Information-documentation aux enthousiastes élans de la période romantique.
















ANNEXE DOCUMENTOGRAPHIQUE Références documentographiques



Alava Séraphin (1993), « Eléments pour une didactique », Documentaliste -Science de l'Information t. 30 n°1, p.14-18
Alava Séraphin (1996), « Mémoires, Médias et apprentissages : L'enseignant documentaliste au cœur d'une autre stratégie d'enseignement », Cahiers de la Documentation n°1, p.14-27
Alava Séraphin, Etévé Christiane (1999), « Médiation documentaire et éducation », Revue française de pédagogie n°127, av.-mai-juin 1999, p. 119-164
Altet Marguerite (1994), La formation professionnelle des enseignants : Analyse des pratiques et situations pédagogiques, P.U.F., 1994. 264 p.
Amigues René (1999), « Les savoirs transversaux : utopie nécessaire ou impasse annoncée ? », Médiadoc, juin 1999, p. 16-22
Assises nationales pour l’éducation à l’information (2003), « L’éducation à l’information et à la documentation, clés pour la réussite de la maternelle à l’université », Paris, 11-12 mars 2003 Actes, Site de l’université Pierre et Marie Curie [en ligne]. http://www.ext.upmc.fr/urfist/Assises/Ass-index.htm
Association des professionnels de l’information et de la documentation (2001), Référentiel des métiers-types des professionnels de l’information-documentation : édition mise en conformité avec l’Euroréférentiel I&D, ADBS, 2001
Astolfi Jean-Pierre (1986), « Deux sortes de savoirs », Cahiers pédagogiques n°244-245, mai-juin 1986
Astolfi Jean-Pierre (1990-a), « Les concepts de la didactique des sciences, des outils pour lire et construire les situations d’apprentissage », Recherche et formation n°7, 1990. p. 19-31
Astolfi Jean-Pierre (1990-b), « Intervention de Jean-Pierre Astolfi », Cahiers pédagogiques n°280, Janv. 1990. p. 5
Astolfi Jean-Pierre (1992), L’Ecole pour apprendre, 6° éd., E.S.F., 2002, 205 p.
Astolfi Jean-Pierre, Develay Michel (1989), La didactique des sciences, P.U.F., 1989, coll. Que sais-je ?, p. 34-35
Barbier Jean-Marie, Galatanu Olga (1998), « Savoir d’action », in Champy Philippe, Etévé Christiane (Dir.), Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation, 2ème éd. mise à jour et augm., Nathan, 2002 
Barth Britt-Mari (1987), L’apprentissage de l’abstraction, Retz, 1987. 192 p.
Barth Britt-Mari (1993), Le savoir en construction : Former à une pédagogie de la compréhension, Retz, 1993. 208 p.
Barth Britt-Mari (2002), « La détermination et l’apprentissage des concepts », in Houssaye Jean (Dir.), La pédagogie : une encyclopédie pour aujourd’hui, ESF, 2002. p. 275-288
Bécousse Gérard (2004), « Autonomie, pédagogie, document. 2. L’école nouvelle et la vie », InterCDI n°192, nov.-déc. 2004, p. 74-80
Béguin Annette (1995-1996), « Didactique ou pédagogie documentaire ? », L’Ecole des lettres des collèges n°12, 1995-1996, p.49-64
Bernhard Paulette (2001-2005), « Projet TICI : Tests d’Identification des Compétences Informationnelles. Etude et propositions en vue de l’élaboration de tests d’identification des compétences informationnelles à la fin du primaire, du secondaire et du collégial », Site de l’Université de Montréal, 2001-2005 [En ligne]. http://mapageweb.umontreal.ca/bernh/TICI/ecrits.html
Berbaum Jean (1989), Apprentissage et formation, 2ème éd., P.U.F., 1989. 128 p.
Bernhard Paulette (2003), « Perspectives sur l’éducation à l’information », Esquisse n° 28-33, juin, juil., août 2003, p. 3-13, Site de l’IUFM d’Aquitaine [en ligne]. ttp://www.aquitaine.iufm.fr/recherche/esquisse/index_esquisse.php
Boulogne Arlette (Dir.) (2004), Vocabulaire de la documentation, ADBS, 2004. 334 p.
Bourdoncle Raymond (1991), « La professionnalisation des enseignants : analyses sociologiques anglaises et américaines », Revue française de pédagogie n°94, jan.-fév.-mars 1991, p.73-92
Bronckart Jean-Paul et Chiss Jean-Louis (2005), « Didactique », Site Encyclopaedia Universalis, 2005 [en ligne]. http://www.universalis-edu.com
Cacaly Serge (Dir.) (2004), Dictionnaire de l’information, Armand Colin, 2004
Calenge Bertrand (1999), Conduire une politique documentaire, Editions du Cercle de la librairie, 1999
Candalot dit Casaurang Christel (2005), « Les TPE : leurs apports dans la recherche documentaire des étudiants à l’université », InterCDI n°193, jan.-fév. 2005, p. 16-22
Champy Philippe, Etévé Christiane (Dir.) (1998), Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation, 2ème éd. mise à jour et augm., Nathan, 2002 
Chapron Françoise [1994], « Les apprentissages documentaires : enjeux et perspectives », Actes du 3ème congrès de la FADBEN, « Information et pratiques d’information : quelle recherche ? », Marseille, 15-17 octobre 1993, Nathan, [1994]
Chapron Françoise (1997), « Le multimédia au CDI : Quelle didactique pour la documentation ? », Clés à venir n°14, 1997, p. 39-49 
Chapron Françoise (1998) « Apports de la recherche à l’évolution du métier de professeur documentaliste », Inter CDI n°155, sept.-oct. 1998, p. 6-11
Chapron Françoise (1999), Les C.D.I. des lycées et collèges, PUF, 1999, 245 p.
Charbonnier Jean-Louis (1997), « Les apprentissages documentaires et la didactisation des sciences de l’information », Spirale n°19, 1997, p.45-59
Charbonnier Jean-Louis (2000), « Contenus d’apprentissage en Information-documentation : Eléments pour un débat », Site du SNES, 2000 [9 p.] [en ligne].  HYPERLINK "http://66.249.93.104/search?q=cache:qcce6MvdTBwJ:www.snes.edu/docs/documents/docs_contenus.pdf+%22Documentation,+discipline+nouvelle%22+Fadben&hl=fr&lr=lang_fr&ie=UTF-8" http://66.249.93.104/search?q=cache:qcce6MvdTBwJ:www.snes.edu/docs/documents/docs_contenus.pdf+%22Documentation,+discipline+nouvelle%22+Fadben&hl=fr&lr=lang_fr&ie=UTF-8
Charbonnier Jean-Louis (2003-a), « Place du curriculum en info-documentation dans la formation des élèves, des étudiants et des enseignants », », in Assises nationales Education à l’information et à la documentation. Clés pour la réussite, de la maternelle à l’université, 11-12 mars 2003, Site de l’URFIST de Paris, 2004 [en ligne].  HYPERLINK "http://www.ext.upmc.fr/urfist/Assises/Ass-index.htm" http://www.ext.upmc.fr/urfist/Assises/Ass-index.htm
Charbonnier Jean-Louis (2003-b), « Peut-on parler d’une formation à l’information documentaire de la maternelle à l’université ? », Esquisse n°28-29-30-31-32-33, juin-juil.-août 2003, p.84-87
Chevalier Brigitte (1983), « Action de formation. Le module Utilisation des ressources documentaires : conseils méthodologiques », Inter CDI n°64, juil.-août 1983, p.17-22
Chevallard Yves (1985), La Transposition didactique : du savoir savant au savoir enseigné, La Pensée sauvage, 1998, 240 p.
Chevallard Yves (1994), « Les processus de transposition didactique et leur théorisation », in Arsac et al., La transposition didactique à l’épreuve, La Pensée sauvage, 1994
Chevillotte Sylvie (2004), La formation à la maîtrise de l’information à l’heure européenne :
problèmes et perspectives, Presses de l’ENSSIB, 2004. 232 p.
Chrétien-Goni Jean-Pierre (2006), « Heuristique », Site Encyclopaedia Universalis, 2006 [en ligne]. http://www.universalis-edu.com
Clouet Nicole et Montaigne Agnès (2006), « L’information et le document en trois concepts intégrateurs », Formdoc, Site de l’IUFM de l’académie de Rouen, 2006 [en ligne].  HYPERLINK "http://formdoc.rouen.iufm.fr/article.php3?id_article=286" http://formdoc.rouen.iufm.fr/article.php3?id_article=286
Cornu Florence, Vergnioux Alain (1992), La didactique en questions, CNDP, Hachette éducation, 1992
Danvers Francis (2003), 500 mots-clefs pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, Presses Universitaires du Septentrion, 2003
De Vecchi Gérard (1990), « La construction du savoir scientifique passe par une suite de ruptures et de remodelages », Recherche et formation n°7, 1990. p. 35-46
De Vecchi Gérard, Carmona-Magnaldi Nicole (1996), Faire construire des savoirs, Hachette Education, 1996, 263 p.
Develay Michel (1990), « Intervention de Michel Develay », Cahiers pédagogiques n°280, Janv. 1990. p. 6
Develay Michel (1992), De l’apprentissage à l’enseignement : pour une épistémologie scolaire, ESF, 1992
Develay Miche (1995)l, « Le sens d’une réflexion épistémologique », in Develay Michel (dir.), Savoirs scolaires et didactiques des disciplines : une encyclopédie pour aujourd’hui, ESF, 1995, p. 17-32
Develay Michel (1996), Donner du sens à l'école, ESF, 1996. 123 p.
Devis-Duclos Sylvie, Aumasson Dominique, Berthon Roselyne et al. [2006], Les professeurs –documentalistes, CRDP de l’académie d’Orléans-Tours, 2006. Collection Livre Bleu, 264 p.
Dictionnaire de la philosophie, Encyclopedia Universalis, Albin Michel, 2000
Duarte-Cholat Céline (2002), « De la professionnalisation des documentalistes vers une discipline d’enseignement ? », extrait de « TIC et documentation : études et réflexions sur des pratiques documentaires dans des CDI de collèges », thèse de doctorat en Sciences de l’éducation, 2000, Paris V-René Descartes, Site SavoirsCDI, 2002 [en ligne].  HYPERLINK "http://savoirscdi.cndp.fr/missions/Metier/DuarteCholat/cduarte.htm" http://savoirscdi.cndp.fr/missions/Metier/DuarteCholat/cduarte.htm
Dubar Claude (1991), La socialisation : Construction des identités sociales et professionnelles, Arman Colin, 1991. 276 p.
Duplessis Pascal (2006-a), « Un référentiel pour former, un curriculum pour enseigner », in FADBEN, Information et démocratie : formons nos citoyens ! Actes du 7ème congrès des enseignants documentalistes de l’Education nationale, Nice, 08-10 avril 2005, FADBEN, Nathan, 2006, p. 89-98
Duplessis Pascal et Ballarini-Santonocito Ivana (2006), « Petit dictionnaire didactique de l’information-documentation à l’usage des enseignants documentalistes », In SavoirsCDI, site du CNDP, 2006 [à paraître]
Duplessis Pascal, Ballarini-Santonocito Ivana et al. (2006), Inventaire des concepts info-documentaires mobilisés dans les activités de recherche d’informations en ligne, Académie de Nantes, Site de la cellule CDI du Rectorat de Nantes, janvier 2006 [En ligne]. http://www.ac-nantes.fr:8080/peda/disc/cdi/reseau/crjrl05/jrl49-4.pdf
Duplessis Pascal (2005), « L’enjeu des référentiels de compétences info-documentaires dans l’Education nationale », Documentaliste-Sciences de l'information, Vol. 42-3, juin 2005, p. 178-189
Fabre Michel (1992), « Psychanalyse de la raison didactique et professionnalisation des enseignants :un programme de recherches », Les Sciences de l’éducation n°1-2, 1992, p. 131-154
Fabre Michel (2004), « Savoir problème et compétence : savoir c’est ‘s’y connaître’ », in Toussaint Rodolphe, Xypas Constantin, La notion de compétence en éducation et en formation, L’Harmattan, 2004. p. 299-319
FADBEN (1997), « Compétences en information-documentation : référentiel », Médiadoc, déc. 1997. p. 6-25. Disponible sur le site de l’Académie de Poitiers,  HYPERLINK "http://www.ac-poitiers.fr/tpi/formanet/formatio/referenc/sommaire.htm" http://www.ac-poitiers.fr/tpi/formanet/formatio/referenc/sommaire.htm
FADBEN (2005), Information et démocratie : formons nos citoyens ! Actes du 7ème congrès des enseignants documentalistes de l’Education nationale, Nice, 08-10 avril 2005, FADBEN, Nathan, 2006, p. 84-104
FADBEN (2006), « Référentiel métier », Médiadoc, mars 2006
FADBEN [2007], « Corpus des notions essentielles en Information-documentation », Médiadoc [à paraître en mars 2007]
Fondin Hubert (1996), « La recherche documentaire dans les établissements scolaires français : pour un référentiel de compétences sur le document », Université de Bordeaux III. Séminaire organisé par le Centre Européen de Documentation sur les Politiques en Éducation et Formation de l'Université Libre de Bruxelles- CEDEF / ULB les 13 et 14 décembre 1996. [10 p.], Site de l’université libre de Bruxelles, 1996 [en ligne].  HYPERLINK "http://www.ulb.ac.be/project/learnet/coll/Methcons1-LA-5.html" http://www.ulb.ac.be/project/learnet/coll/Methcons1-LA-5.html
Forquin Jean-Claude (1989), Ecole et culture : le point de vue des sociologues britanniques, De Boeck Université, 1989
Frisch Muriel (2003), Evolutions de la documentation : naissance d’une discipline scolaire, L’Harmattan, 2003, 108 p.
Frisch Muriel (2006), « Entrer dans les savoirs documentaires et informationnels en situation d’apprentissage et de formation », Rouen, Colloque CIVIIC Savoirs et didactiques, 18, 19, 20 mai 2006. A paraître
Giordan André (dir.) (1983), L’élève et/ou les connaissances scientifiques : approche didactique de la construction des concepts scientifiques par les élèves, Peter Lang, 1994. 174 p.
Giordan André, De Vecchi Gérard (1987), Les origines du savoir : Des conceptions des apprenants aux concepts scientifiques, Delachaux et Niestlé, 1997. 212 p.
Hameline Daniel (1979), « L’entrée dans la pédagogie par les objectifs », Revue française de pédagogie, janvier-février-mars 1979, p. 79-90
Hassenforder Jean, Lefort Geneviève (1977), Une nouvelle manière d'enseigner, pédagogie et documentation, Les Cahiers de l'enfance, 1977, 191 p.
Houssaye Jean (1988), Le triangle pédagogique, Peter Lang, 1988
Houssaye Jean (2002), « Le triangle pédagogique ou comment comprendre la situation pédagogique », in Houssaye Jean (dir.), La pédagogie : une encyclopédie pour aujourd’hui, E.S.F., 2002. p. 13-24
Inspection générale de d’Education nationale (2004), « Les Politiques documentaires des établissements scolaires », Rapport à monsieur le ministre de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, mai 2004, site du ministère de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, [en ligne].  HYPERLINK "http://www.education.gouv.fr/syst/igen/rapports.htm" http://www.education.gouv.fr/syst/igen/rapports.htm
Joshua Samuel (1996), « Le point de vue didactique : un éclairage nouveau de questions anciennes », Educations n°7, jan.-fév. 1996. p. 26-28
Juanals Brigitte (2003), La culture de l’information : du livre au numérique, Hermes science, 2003. 243 p.
Kawa-Frisch Muriel (2002), "Transversalité hasardeuse… Quand débrouillardise et non-scolaire sont des réponses insuffisantes pour la documentation à l'école", InterCDI n°175, jan.-févr. 2002, p. 13-14
La Borderie René (2001), Lexique de l’éducation, Nathan, 2005
Le Coadic Yves F. (1994) , La Science de l’information, 3ème éd., PUF, 2004
Le Coadic Yves F. (2000), « Vers une intégration de savoirs en science de l’information dans le Capes de documentation », Documentaliste-Sciences de l’information, vol. 37, n°1, 2000, p. 28-35
Le Coadic Yves F. (2002-a), « Manifeste pour l’enseignement de l’information », Site SavoirsCDI du CNDP, 2002 [en ligne].  HYPERLINK "http://www.savoirscdi.cndp.fr/missions/Metier/lecoadic/manifestenote.htm" http://www.savoirscdi.cndp.fr/missions/Metier/lecoadic/manifestenote.htm
Le Coadic Yves F. (2002-b), « L’information, discipline scolaire », Site SavoirsCDI du CNDP, 2002 [en ligne].  HYPERLINK "http://savoirscdi.cndp.fr/metier/metier/Lecoadic/le_coadic.htm" http://savoirscdi.cndp.fr/metier/metier/Lecoadic/le_coadic.htm 
Le Coadic Yves F. (2004), « Science de l’information », in Cacaly Serge et al., Dictionnaire de l’information, 2ème éd., Nathan, 2006
Le Gouellec-Decrop Marie-Annick (1997), Les documentalistes des établissements scolaires : Emergence d’une profession écartelée en quête d’identité, Thèse Sciences de l’Education, Université de Nantes, 1997
Le Gouellec-Decrop Marie-Annick (1999), « Profession et professionnalisation des documentalistes des établissements scolaires », Revue française de pédagogie n°127, avril-mai-juin 1999
Legrand Louis (1982), Pour un collège démocratique : rapport remis au ministre de l’Education nationale, 1982
Legroux Jacques (1981), De l’information à la connaissance, Mesonance, 1981
Marcillet Frédérique (2000), Recherche documentaire et apprentissage : maîtriser l’information, ESF, 2000, 125 p.
Martinand Jean-Louis (1986), Connaître et transformer la matière : Des objectifs pour l’initiation aux sciences et techniques, Peter Lang, 1986
Martinand Jean-Louis (1995), « La référence et l’obstacle », Perspectives documentaires en éducation n°34, 1995. p. 8-22
Martinand Jean-Louis (1996), « D’où est venue la didactique ? », Educations n°7, jan.-fév. 1996. p. 22-25
Martinand Jean-Louis (2001), « Pratiques de référence et problématique de la référence curriculaire », in Terrisse André (Dir.), Didactique des disciplines : Les références au savoir, De Boeck Université, 2001. p. 17-24
Meirieu Philippe [1987], Apprendre… oui, mais comment, ESF, 1987. 163 p.
Meirieu Philippe (2005), « Petit dictionnaire pédagogique », Site de Philippe Meirieu [2005], [en ligne]. http://www.meirieu.com/DICTIONNAIRE/dictionnaireliste.htm
Michel Jean (1989), « Former aux heuristiques de l’information », Documentaliste vol. 26, n°4-5, juil.-oct. 1989, p. 174-178
Ministère de l’Education nationale, Direction des lycées et collèges, Direction de l'information et des technologies nouvelles (1994), Pour une pédagogie documentaire : expériences de recherche documentaire au collège, M.E.N., 1994. 219 p.
Monthus Marie (1995), « Un professeur pas comme les autres », Cahiers pédagogiques n°332-333, mars-avr. 1995, p. 26-27
Moulin-Boirot Françoise et Morlet Marie-Edith (coord.) (1992), Savoir faire avec le CDI, CRDP de Créteil, 1992, 252 p.
Morandi Franc (2001), Modèles et méthodes en pédagogie, 2ème éd., Nathan, 2001
Morandi Franc (2003), « Pédagogie documentaire et connaissance partagée : Remarques sur les rapports information, cognition et pédagogie », Esquisse n°28-33, juin-août 2003, p. 40-48
Morizio Claude (2002), La recherche d’information, ADBS – Nathan, 2002. 126 p.
Mucchielli Alex (2000), La nouvelle communication : Epistémologie des sciences de l’information-communication, Armand Colin, 2004
Novak Joseph D., Cañas Alberto J. (2006), « The theory underlying concept maps and how to construct them », Site de l’Institute for human and machine cognition, 2006 [en ligne].  HYPERLINK "http://cmap.ihmc.us/Publications/ResearchPapers/TheoryCmaps/TheoryUnderlyingConceptMaps.htm" http://cmap.ihmc.us/Publications/ResearchPapers/TheoryCmaps/TheoryUnderlyingConceptMaps.htm
Paillat Joseph (1980), « A propos d’un article sur le ‘collège-bibliothèque’ au Québec », Inter-CDI n°45, mai-juin 1980. p. 12-15
Pastiaux Georgette et Jean (1999), Précis de pédagogie, Nathan, 1999
Perrenoud Philippe (2002), « Curriculum : le formel, le réel, le caché », in Houssaye Jean (dir.), La pédagogie : une encyclopédie pour aujourd’hui, E.S.F., 2002. p. 61-76
Piaget Jean (1976), « Le constructivisme épistémologique », Bulletin de psychologie n°435, mai-juin 1998, p. 225-233
Poupelin Michel et Monthus Marie (1993), Guide à l’usage des documentalistes et de leurs partenaires dans l’établissement, CNDP – Hachette éducation, 1993, 125 p.
Prairat Eirick (1996), « Qu’est-ce qu’une discipline scolaire ? », Educations n°7, janv.-fév. 1996, p. 29-33
Raisky Claude (2001), « Référence et système didactique », in Terrisse André (Dir.), Didactique des disciplines : Les références au savoir, De Boeck Université, 2001. p. 26-47
Raynal Françoise et Rieunier Alain (1997), Pédagogie : dictionnaire des concepts clés : apprentissages, formation, psychologie cognitive, 4° édition, ESF, 2003 
Reboul Olivier (1980), Qu'est-ce qu'apprendre ? Pour une philosophie de l'enseignement, 9ème éd., P.U.F., 2001, 206 p.
Rey Alain (dir.) (1995), Dictionnaire historique de la langue française, Dictionnaires Le Robert, 1995
Rey Bernard (1995), « Un certain rapport au monde », Cahiers pédagogiques n°332-333, mars-avr. 1995, p. 52-54
Rey Bernard (1996), Les Compétences transversales en question, ESF, 1996
Rieunier Alain (2004), « Psychologie et pédagogie : A la recherche des fils de la trame », Actualité de la formation permanente n°191, juil.-août 2004
Roux-Fouillet Jean-Paul (2004), in Cacaly Serge (Dir.) (2004), Dictionnaire de l’information, Armand Colin, 2004
Rouen (1999), Groupe de réflexion des professeurs documentalistes, Recherche documentaire et maîtrise de l’information : Formation des élèves par le professeur documentaliste de la sixième à la terminale, CRDP de Rouen, 1999. 197 p.
Saadani Lalthoum et Bertrand-Gastaldy Suzanne (2000), « Cartes conceptuelles et Thésaurus : essai de comparaison entre deux modèles de représentation issus de différentes traditions disciplinaires », Site de School of library and information studies, University of Alberta, 2000 [en ligne]. http://www.slis.ualberta.ca/cais2000/saadani.htm
Seibel Bernadette (1995), « Les documentalistes des lycées et des collèges », Bulletin des bibliothèques de France T.40, n°6, 1995. p. 64- 71
Tardy Michel (2002), « La transposition didactique », in Houssaye Jean (dir.), La pédagogie : une encyclopédie pour aujourd’hui, E.S.F., 2002. p. 51-60
Terrisse Alain (2001), « La référence en question », in Terrisse André, Didactique des disciplines : les références au savoir, De Boeck, 2001. 161 p.
Têtu Jean-François (2004), « Science de la communication », in Cacaly Serge et al., Dictionnaire de l’information, 2ème éd., Nathan, 2006
Tochon François (1990), « Les cartes de concepts dans la recherche cognitive sur l’apprentissage et l’enseignement », Perspectives documentaires en éducation n°21, 1990. p. 87-105
Van Campenhoudt Marc (1997), « Abrégé de terminologie multilingue », site du Centre de recherche en terminologie, 2005 [en ligne].  HYPERLINK "http://www.termisti.refer.org/theoweb1.htm" http://www.termisti.refer.org/theoweb1.htm
Vergnaud Gérard (1990), « La théorie des champs conceptuels », Recherches en didactique des mathématiques Vol. 10, n°2-3, p. 133-170
Verret Michel (1975), Le temps des études, 2 t., Librairie Honoré Champion, 1975. 837 p.
Viry Claude (2001), « Projets architecturaux pour les CDI : Entre mythes fondateurs et réalités actuelles, quelle perspective ? », Inter-CDI n°172, juill.-août 2001. p. 6-13
Warzager Daniel [1994], « Emergence d’une didactique de l’information : Des techniques documentaires… à la culture informationnelle », Actes du 3ème congrès de la FADBEN, « Information et pratiques d’information : quelle recherche ? », Marseille, 15-17 octobre 1993, Nathan, [1994] 
Warzager Daniel (1995), "La documentation, indiscipline scolaire", InterCDI n°135, mai-juin 1995, p. 6-11
Warzager Daniel (2001), "L’insoutenable légèreté de la transmission de la culture de l’information à l’école »,  InterCDI n°174, nov.-déc. 2001, p. 10-13
















TABLE DES ANNEXES ANNEXES

Partie I. Textes


Annexe I. 1 : 1975 : « Une école, c’est un centre de documentation avec des salles autour »
Annexe I. 2 : 1983 : La première modélisation de la recherche documentaire 
Annexe I. 3 : 1986 : La circulaire de missions du 13 mars 1986
Annexe I. 4 : 1997 : « Compétences en information-documentation : référentiel », FADBEN 
Annexe I. 5 : 1999 : « Les savoirs documentaires : Amorce d'une réflexion sur les savoirs
documentaires et leur didactisation au collège » (P. Duplessis et al.)
Annexe I. 6 : 2004 : Le programme du CAPES de Documentation (M.E.N.)
Annexe I. 7 : 2005 : « Un outil référentiel pour former, un programme curriculaire pour
enseigner », P. Duplessis, 7ème congrès de la FADBEN, Nice, 08-10 avril 2005

Partie II. Méthodologie

Annexe II. 1 : Corpus source de 24 listes de notions proposées comme objets à enseigner
Annexe II. 2 : Corpus source de 24 listes de notions : Documentographie
Annexe II. 3 : Liste des occurrences sources prélevées dans les listes
Annexe II. 4 : Liste des occurrences cibles après mise en cohérence terminologique
Annexe II 5 : Corpus des termes : tri par cohérence terminologique
Annexe II. 6 : Corpus cible des listes de notions après mise en cohérence de la terminologie
Annexe II. 7 : Données sur la source des listes, leur référence disciplinaire et leur organisation
Annexe II. 8 : Répartition des notions info-documentaires sur la carte des sciences de
référence
Annexe II. 9 : Appellation des objets à enseigner selon les auteurs des listes de notions
Annexe II. 10 : Classement des notions désignées selon l’analyse épistémologique du régime
didactique du savoir
Annexe II. 11 : Corpus des termes : tri par pertinence épistémologique
Annexe II. 12 : Liste des occurrences de rang 1 et 2 dans les listes structurées


Partie III. Outils

Annexe III. 1 : Travaux préparatoires à la didactisation de concepts info-documentaires :
l’exemple de espace informationnel (FADBEN)
Annexe III. 2 : Détermination de niveaux de formulation pour le concept support (IUFM
de Rouen et Caen, 2005)
Annexe III. 3 : Les concepts intégrateurs selon Nicole Clouet et Agnès Montaigne (2006)
Annexe III. 4-a : « The theory underlying concept maps and how to construct them », J. D.
Novak et A. J. Cañas (2006)
4-b : « La théorie sous-jacente aux cartes conceptuelles : comment les construire »
(Traduction)
Annexe III. 5 : Deux conceptogrammes pour l’information-documentation (P. Duplessis, I.
Ballarini-Santonocito et al., à paraître)
TABLE DES MATIERES



Introduction générale ……………………………………………………………. 1



Partie 1 : La documentation : d’une matière pour l’enseignement
à une matière d’enseignement


Introduction 7

1 La double nature de la documentation 10
11. Approche épistémologique
12. Terminologie 11
121. La documentation
122. Le document 13
13. Hypothèses de lecture 15

2 Genèse de la pédagogie documentaire 16

21. De la documentation pédagogique à la pédagogie de la documentation
211. Intégration de la documentation à l’école 17
212. Etat des lieux documentaires : des espaces et leur logique 21
2121. Des logiques héritées du passé
2122. « Un centre documentaire avec quelque chose autour » 22
2123. L’élève au Centre 24
213. Une nouvelle manière d’enseigner 26
2131. Dans le sillage de l’Education nouvelle
2132. 1952-1977 : La pédagogie de la documentation 30
2133. «  Faire d’une bibliothèque, une université sans professeurs » 31

22. Constitution de la pédagogie documentaire 34
221. 1982-1991 : La recherche de contenus de formation
222. Les fondements de la pédagogie documentaire 39
223. La Documentation écartelée entre deux modèles pédagogiques 43

23. 1991-2005 : La rationalisation de la formation info-documentaire  45
231. Floraison de référentiels info-documentaires 46
232. Les enseignants documentalistes tentent la pédagogie par
les objectifs 48
233. La réponse de l’institution : l’intégration 50

24. Bilan  53
241. La place du document dans la situation pédagogique 54
242. Des espoirs déçus 56
3 La rationalisation des savoirs à enseigner, vecteur du processus de professionnalisation

31. Et d’abord, un métier 59
32. Récit d’une conquête 60
33. Vers la rationalisation des savoirs 65
331. Les critères de professionnalisation
332. La rationalisation des savoirs du métier de documentaliste 66
333. La rationalisation des savoirs à enseigner 67
334. L’investissement d’un champ pédagogique 68
34. Des professionnalités non convergentes 69

Conclusion 73



Partie 2 : Délimitation d’un champ de savoirs à enseigner
en Information-documentation


Introduction  78

1. Un cadre de réflexion : la didactique  81

11. La didactique : définition, histoire, épistémologie, tâches et outils conceptuels
111. Définition
112. Histoire de la discipline 82
113. Epistémologie 83
114. Objets, tâches et outils conceptuels 84
12. La dimension épistémologique de la didactique comme cadre théorique
pour servir à la délimitation d’un champ de savoirs à enseigner en
Information-documentation 85
13. Problématisation : la question de la mise en forme scolaire 86

2- Etat des lieux de la didactique de l’Information-documentation 93

21. Premiers pas, premières orientations 
22. Une nouvelle impulsion au tournant des années 2000 96
23. Apparition d’un nouveau concept : le curriculum 100
24. Des chantiers ouverts sur le terrain 103
25. Des perspectives universitaires 105
26. Un bilan fait d’esquisses : la référence, le cadre et le contenu 106

3- Examen d’un corpus de notions candidates 108

31. Objectifs de l’étude

32. Méthodologie 109
321. Constitution d’un corpus de listes de notions
322. Constitution d’un corpus d’occurrences des termes utilisés
dans ces listes 111
3221. Question de terminologie
3222. Présentation de la grille de saisie des données 112
3223. Sélection et transcription des occurrences : les problèmes
posés
32231. Des difficultés liées à la polysémie de certains
termes  114
32232. Des difficultés d’équivalence entre les notions 
322321. Synonymie 
322322. Détermination incomplète ou
insuffisamment précise  115
322323. Détermination par approximation ou par
défaut 
32233. Des difficultés liées à la formalisation d’expressions
dont le complément du nom est l’entrée principale
du terme
32234. Des difficultés liées à l’emploi du nombre 116
3224. Solutions proposées pour assurer la cohérence du corpus
32241. Solutions apportées aux difficultés liées à la
polysémie de certains termes  117
32242. Solutions apportées aux problèmes d’équivalence
entre les notions 
322421. Synonymie 
322422. Détermination incomplète ou
insuffisamment précise  118
322423. Détermination par approximation ou par
défaut 
32243. Solutions apportées aux difficultés liées à la
formalisation d’expressions dont le complément
du nom est l’entrée principale du terme 119
32244. Solutions apportées au problème du nombre 120
323. Constitution d’un corpus cohérent de termes désignant des notions
à enseigner 121
3231. Problèmes liés à la sélection des occurrences et à la
détermination des termes
2311. La dispersion des termes comportant des rejets d’attributs
32312. La marque du nombre 122
3232. Bilan
324. Le traitement des données 123
3241. Données sur les listes de notions
32411. Rappel des objectifs
32412. Outils méthodologiques 124
3242. Données sur les termes
32421. Rappel des objectifs
32422. Outils méthodologiques 125
324221. Croisement des questions de la pertinence
et de la référence
324222. La question de la catégorie
épistémologique de ces notions 126
324233. La question des concepts organisateurs
33. Analyse des données 127
331. Analyse des données portant sur les listes de notions
3311. Les conditions de production des listes
3312. La question de la référence des savoirs du point de vue des
acteurs 130
3313. La question de la structuration des savoirs 131
332. Analyse des données portant sur les notions retenues 133
3321. Croisement des questions de la pertinence et de la référence
3322. La question de la catégorie épistémologique de ces notions 137
3323. La question des concepts organisateurs 142

Conclusion 145
1. L’identification des objets à enseigner
2. Les disciplines de référence 146
3. La structuration des objets de savoir 148




Partie 3 : Des outils didactiques pour référer,
définir et structurer la matière


Introduction  151

1. La référence des savoirs documentaires: entre légitimation, transposition, et
création 154
Introduction
11. La filiation scientifique, voie de légitimation 155
12. Le concept de pratiques sociales de référence, autre modalité de la
transposition 158
121. L’enjeu référentiel des pratiques sociales
122. Les pratiques sociales de la Documentation 160
1221. Pratiques des professionnels 161
1222. Pratiques des usagers
1223. L’auto-référence scolaire 162
13. L’approche contre-transpositionnelle, source de création 163
14. Bilan 164

2. Des savoirs structurants : l’organisation interne des concepts 167

Introduction
21. Des notions aux concepts 168
211. Définitions étymologique et philosophique
212. Le champ de référence 169
213. En logique des termes
214. Application de la définition opératoire du concept selon
B.-M. Barth 170
22. Réception du concept de concept en didactique 175
221. Une approche épistémologique du concept
222. La dimension opératoire du concept 177
223. La définition pragmatique du concept, selon G. Vergnaud 179
224. La dimension structurante du concept 180
23. Les niveaux de formulation conceptuelle 181
231. La construction des concepts
232. Intérêt du concept de niveau de formulation 182
233. Application du concept de niveau de formulation 183
2331. Types d’opérations appliquées à l’énoncé de référence 186
23311. Classement des concepts par type de relation
entre leurs attributs 187
2332. Procédés mis en œuvre pour l’aménagement de points
d’entrée aux élèves  188
24. Bilan 189

3. Des savoirs à structurer : l’organisation externe des concepts 192

31. Les concepts intégrateurs de l’Information-documentation
311. Des paradigmes explicatifs fondamentaux 193
312. Des propositions pour l’Information-documentation 194
313. La détermination des concepts intégrateurs 196
32. Les réseaux conceptuels 198
321. « Apprendre, c’est établir un réseau »
322. La cartographie conceptuelle 199
323. L’approche cognitive : « une fenêtre sur le cerveau » 200
3231. Une cartographie des structures cognitives
3232. L’aura conceptuelle
324. L’approche épistémologique : la trame du savoir 202
325. Expérimentation : des conceptogrammes en Information-
documentation
3251. Méthodologie 203
3252. Commentaires 205
32521. Résultats
32522. La détermination des concepts intégrateurs
32523. Les types de liens relationnels 206
33. Bilan 207

Conclusion 209



Conclusion générale………………………………………………………………… 211

1. Une reconversion épistémologique
2. Témoigner de la genèse d’une matrice disciplinaire 212
3. Est-ce la fin de la période romantique ? 214


Références documentographiques 219

Table des annexes 230

Table des matières 233
 European council of information association (ECIA), Euroréférentiel I&D , vol. 1 Compétences et aptitudes des professionnels européens de l’information-documentation, 2ème éd. revue, ADBS, 2004
 Pour alléger la lecture, nous écrirons documentation lorsqu’il sera question des sens 1 et 2, et Documentation quand il s’agira du sens 3. Plus loin, Documentation deviendra Information-documentation.
 Circulaire du 13 octobre 1952
 « Inventaire des ressources pédagogiques ». Circulaire du 22 mars 1954.
 « Instruction générale concernant le service de documentation des établissements d’enseignement ». Circulaire du 10 février 1962.
 « Application de l’instruction du 10 février 1962 : concours apporté par les Centres Régionaux de Documentation Pédagogique à la mise en place et au fonctionnement des services de documentation ». Circulaire du 10 juin 1963.
 « Le Centre de Documentation et d’information, son rôle, son fonctionnement », septembre 1974.
 « Un centre documentaire avec quelque chose autour, comme un être vivant d’un rang supérieur est quelque chose autour d’ ‘un cœur et d’un système nerveux et qu’il ne vit que par eux’ ». L’inspecteur général Marcel Sire (1975), cité par S. Alava et C. Etévé (1999)
 Emprunt partiel au titre de l’ouvrage de Jean Hassenforder et Geneviève Lefort (1977)
 Dewey Melvil, « Libraries as related to the educational work of the state », Regent’s bulletin n°3, aug. 1890. Cité par J. Hassenforder et G. Lefort, 1977
 Propos repris de Roger Gal, pionnier des Classes nouvelles.
 Brigitte Chevalier est la première à avoir proposé et publié des séquences de méthodologie documentaire : Méthodologie d’utilisation d’un centre de documentation, 1980
 France, Ministère de l’Education nationale, « Missions des personnels exerçant dans les centres de documentation et d’information », circulaire n°86-123 du 13 mars 1986, Bulletin officiel de l’Education nationale n°12, 27 mars 1986
 France, Ministère de l’Education nationale, « Discours de M. Lionel Jospin, ministre de l’Education nationale, prononcé au congrès de la FADBEN le 19 mai 1989 », Bulletin officiel de l’Education nationale n°26 du 19 juin 1989
 France, Ministère de l’Education nationale, “Développer les Centres de documentation et d’information (CDI)”, note du 10 avril 1991
 Notamment par les travaux de Séraphin Alava, Maître de conférences et directeur du département des Sciences de l'éducation, Université Toulouse II.
 L’information est une connaissance structurée et mise en forme : « Toute information se caractérise par un contenu (signifiant), un signifié et une forme » (A. Boulogne, 2005).
 France, Ministère de l’Education nationale, Note de service n°95-111 du 4 mai 1995, Bulletin officiel de l’Education nationale n°19, 11 mai 1995
 France, Ministère de l’Education nationale, « Apprendre au CDI », Bulletin officiel de l’Education nationale n°6, 30 mars 1995, p. 153
 Disponible sur http://www.savoirscdi.cndp.fr/metier/ textesofficiels/2000-2010/projetcirculaire.htm. La persistance, de 1986 à 2002, de la marque du pluriel attachée au mot « mission » constitue l'indice significatif d'un enjeu identitaire pour la profession qui réclame que la mission pédagogique soit première et fédératrice. C'est ainsi que les missions pourraient en effet reproduire l'idée d'un catalogue de tâches hétéroclites, et insuffisamment hiérarchisées, telle que l'a constatée et entérinée la circulaire de 1986.
 Ministère de la Recherche et de l’Espace – Comité d’orientations stratégiques, Formation à l’usage de l’information : Rapport final, juin 1991. Disponible sur http://cdi.scola.ac-paris.fr/cpdp/serieyx.htm, [16 p.]
 « Eléments pour une lecture transversale et thématique des programmes ». In France, M.E.N., Accompagnement des programmes de 6ème, livret 2. CNDP, 1996. p. 81-86
 Parcours diversifiés en 1995, T.I.P.E. en 1996, T.P.E. en 2000.
 Note de service 94-2-10 du 19 juillet 1994, parue dans le Bulletin officiel de l’Education nationale n°30, 28 juillet 1994.
 Commission européenne,  Education, formation et jeunesse, Emploi, relations industrielles et affaires sociales, « Enseigner et apprendre : Vers la société cognitive », Livre blanc sur l’éducation et la formation, CECA-CE-CEEA, 1995
 Daniel Fondanèche a été le premier à utiliser le terme « didactique » dans le champ de la Documentation dans un article d’Inter CDI de sept.-oct.1992, « La didactique documentaire : utilisation des documents », et dans un ouvrage non daté « Les espaces documentaires : Du C.D.I. à la didactique documentaire ». Cependant, l’usage qui y est fait de ce terme emprunte davantage au paradigme méthodologique de la décennie précédente qu’à une véritable recherche des savoirs savants de référence, bien que la documentation y soit saisie comme « une discipline sans programme ».
 Terme repris et développé en 1999 par Yves-François Le Coadic, professeur en sciences de l’information, dans un article de Médiadoc, « Maîtrise de l’information et métasavoir ». Le métasavoir y est défini comme « l’ensemble des connaissances scientifiques et techniques relatives à la recherche et à l’usage, à la construction et à la communication des savoirs produits par et pour les sciences et les techniques humaines et sociales, physiques et biologiques ».
 Voir en particulier dans ce document  le tableau n°6 : Cadre conceptuel proposé – aspect « Recherche d’information »
 M.E.N., « Concours externes du CAPES, du CAPEPS et CAFEP correspondants : Session 2005. Documentation », B.O. Spécial n°5, 20-05-2004
 M.E.N., « Discours prononcé lors de l'inauguration de l'Université de la Communication : Préparer l'entrée de la France dans la société de l'information, à Hourtin (Gironde) » le 25 août 1997, Site du Parti socialiste [en ligne]. http://www.parti-socialiste.fr/tic/discours_25081997.php
 Cité par l’auteur : Champy Philippe, Etévé Christiane, Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation, 2ème éd., Nathan, 1998
 Terme emprunté à Gérard De Vecchi et Nicole Carmona-Magnaldi, in Faire construire des savoirs, 1996
 Publication prévue fin 2006
 D’après les travaux de Gabrielle Di Lorenzo, Questions de savoir : introduction à une méthode de construction autonome des savoirs, 1992
 Les nombres entre parenthèses renvoient à la numérotation des listes présentées dans l’Annexe II. 1.
 Ces nombres renvoient à la numérotation attribuée aux 12 disciplines composant les champs de référence possible (cf. Annexe II. 8 et tableau n°5 ci-dessus)
 Voir Annexe II 7
 R. La Borderie, Le métier d’élève (1991)
 Données recueillies sur le site abondance.com. http://outils.abondance.com/
 Agnès Montaigne, Marie-Laure Compant-Lafontaine et Nicole Clouet
 Pour le document entier, voir Annexe III. 3
 J.-P. Astolfi, 1992
 « Window to the mind », Malone et Dekkers (1984). Cité par L. Saadani et S. Bertrand-Gastaldy (2000).
 Lat. textus « ce qui est tramé, tissé » (A. Rey, op. cit.)
 Terme emprunté à G. de Vecchi et Carmona-Magnaldi (1996).
 La structure des révolutions scientifiques, 2° éd. revue et augm., 1970
 Jeux et enjeux de la science, 1972

PAGE 


PAGE 238



D

E

P

D

P

MD

Document


. Le Monde du 05-05-2006
. Nouveau Littré, 2005
. telle page web sur les élections européennes
. telle émission de télévision sur les oiseaux migrateurs



. support
. contenu intellectuel
. structure

Document

Etiquette


Exemples



Attributs

Concept

S


Concept

I

S



[stockage]







3

[codage]





2



[information]
[conservation]
[support physique]
1

(Typologie)

Type de recherche

Résultat

Indexation



OUTIL DE RECHERCHE

Requête

Recherche en langage contrôlé

Recherche en langage naturel

Recherche en plein texte

Recherche en texte intégral

Index

Indexation manuelle

Indexation automatique

Fonction avancée

Mot-clé

Opérateur booléen

Chaîne de caractères

Concept

Outil de recherche documentaire

Outil de recherche intradocumentaire

Portail

Moteur de recherche

Métamoteur

Répertoire de sites

Plan de classement

Sommaire

Index

Moteur de recherche interne

Tri des résultats

Notice catalogra-phique

Référence 
(tome, page)

Page de résultats

Catégorisation

Indice de pertinence

Indice de popularité

Document

Descripteur