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Lot 01 TERRASSEMENT ET RESEAUX (N° CPV 45112500); Lot 02 .... Les candidats devront alors répondre sur la base du dossier modifié sans pouvoir élever aucune réclamation à ce sujet. ..... Lors de l'examen des offres, la commission d'appel d'offres se réserve la ... Montants pris en compte en cas d' erreurs de calcul :.




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Une histoire financière de Saint-Etienne

1790 - 2013




























Claude Cretin professeur de géographie urbaine
Université Jean Monnet Saint-Etienne




Par le même auteur

Saint-Etienne n’est plus dans Saint-Etienne. Plaidoyer pour un nouveau pays urbain. 1995
Le cours Fauriel, un miroir pour la ville. 1998
Histoire d’un hôtel de ville, la maison commune des Stéphanois. 2002
A la recherche d’une place perdue, les Ursules à Saint-Etienne. 2012































Première partie : de la Révolution
A la seconde guerre mondiale


Les racines de nos finances communales


Avant-propos

« C’est à moi d’être vrai, c’est au lecteur d’être juste »
J J Rousseau

Pour ce qui concerne les finances proprement dites j’ai essayé d’abord de fournir au lecteur ou au chercheur une information la plus complète possible, elle est rassemblée dans les nombreux tableaux qui jalonnent le texte. Il en tirera peut être d’autres conclusions que les miennes... c’est un des propos de ce travail. L’autre s’adresse aux Stéphanois curieux de savoir comment, et pourquoi le cas échéant, telle ou telle décision a été prise, ou oubliée, puis enfin financée et comment la ville a été peu à peu aménagée.

Indirectement c’est poser la question de savoir si sur une aussi longue période il existe une continuité ou, du moins, une assez grande fermeté dans les options choisies pour qu’on puisse affirmer l’existence d’un « projet », un projet porté par des générations d’édiles et de Stéphanois. La ville serait le sujet autonome de son histoire. J’ai déjà, à l’occasion d’autres études, répondu à cette question mais jamais la réponse ne m’a paru aussi claire que dans ce domaine des finances et de la gouvernance municipale.

J’ai donc essayé de répondre à la simple question : de quoi disposaient les maires, qu’ont-ils pu ou voulu faire ? Mais les opérations financières d’une aussi longue période ne pouvaient donner lieu à une étude exhaustive qui, au surplus, n’est pas de ma compétence. Je m’en suis tenu aux grandes lignes et n’ai détaillé que celles qui m’ont paru exemplaires des politiques suivies par les municipalités stéphanoises. Aussi il m’a paru préférable de présenter la gestion financière par grandes périodes sans trop m’écarter du découpage chronologique traditionnel et de lier dans chacune d’elles ressources et réalisations.

N’ayant acquis une assez large autonomie financière qu’à la fin de la Restauration et sous Louis-Philippe, autonomie renforcée sous le Second Empire, les municipalité ont d’abord et tout naturellement continué d’agir comme leurs prédécesseurs, c'est-à-dire avec prudence et sans grande ambition, même si certains maires ont fait preuve d’indépendance et de continuité dans l’affirmation du pouvoir municipal. La prodigieuse croissance de la population et l’enrichissement général ont ensuite libéré les énergies, les ambitions… et les projets. A la fin du Second Empire c’est une grande ville qui est née, une ville ouvrière aux ressources désormais assurées quoique parfois chancelantes. Mais ce sont aussi les difficultés inhérentes à ce très rapide développement qui se sont manifestées très tôt et ont entravé continûment la gestion de la ville jusqu’à 1940.

La coupure extraordinaire intervenue entre 1940 et 1945 est si abrupte que rien n’est comparable entre le XIXe, finissant vers 1950, et la période contemporaine. C’est pourquoi je me suis résolu à diviser ce travail en deux parties presqu’indépendantes car autant les règles et les pratiques jusqu’à 1950 - 60 ont peu évolué depuis leur origine, autant tout s’est renouvelé depuis. Ce sont d’autres sommes qui sont en jeu, d’autres problèmes qu’il faut régler, ce sont d’autres méthodes de travail qui sont apparues. Mais les difficultés sont toujours là, à un tel point que nous sommes bien proche du dépôt de bilan, non pas celui du budget de notre ville mais celui de l’organisation territoriale et financière du pays.

Pour en revenir aux finances proprement dites je n’ignore pas les appréhensions du public à leur égard : domaine rébarbatif, complexe, réservé aux spécialistes. Pourtant… Jusqu’à une très récente période les finances locales sont de fait très simples en leurs principes et leur maniement. Ce n’est que depuis le début des années 1980 que, d’une part, ces finances ont paru échapper à la compréhension du commun des citoyens et que, d’autre part, la nécessité de leur refonte est devenue impérative tant les récents aspects financiers en ont perturbé la gestion. Mais il est possible de contourner l’obstacle…

Enfin il m’a paru indispensable de rappeler les limites du territoire dans lequel ce travail s’inscrit. La petite ville née du nouveau découpage administratif de 1790 n’a évidemment rien à voir avec Saint-Etienne au cœur du XIXe siècle ni avec son dernier avatar, l’inclusion dans Saint-Etienne Métropole ainsi que les récentes perspectives ouvertes par la région Rhône-Alpes. J’ai cependant laissé de côté les conditions naturelles du site qui ont souvent contraint les décisions et pesé sur leur financement. Ce dernier aspect de la question est assez secondaire pour que je le réserve à une annexe dont l’utilité n’apparaîtra qu’à ceux qui ne connaissent pas la ville… mais j’encourage quand même les Stéphanois à la lire !



Une longue expansion territoriale

Saint-Etienne couvre à peine 1,5 km2 en 1790 puis environ 40 en 1855 pour arriver aux 80 actuels, une croissance qui n’a guère d’équivalent en France. Une lointaine raison tient à l’occupation homogène du terroir montagnard stéphanois par une population clairsemée et installée dans de nombreux hameaux. L’un d’entre eux, le minuscule Saint-Etienne de Furan, le germe de notre ville actuelle, occupait le meilleur site et si nous ne savons que peu de choses de son histoire médiévale nous savons que la paroisse correspondante était immense puisqu’elle s’étendait approximativement de Rochetaillée, Tarentaize et Planfoy à Villars par La Tour, Saint-Priest, l’Etrat. De subdivision en subdivision de cette paroisse on est arrivé au morcellement de 1790. Les XIXe et XXe siècle seront une lente et obstinée reconquête et le mouvement n’est pas fini. Ce n’est étonnant qu’en apparence ; ce sont les mêmes hommes, les mêmes activités, les mêmes intérêts qui en fait unissent ces terroirs. Ce sont des querelles de personnes, d’intérêts, des rivalités entre notables qui en ont freiné la nécessaire réunion ; la question est toujours d’actualité.

ses implications avec la question financière

Une très ancienne revendication.

Dès 1790 les échevins stéphanois entendent bien constituer autour de leur minuscule ville une nouvelle entité communale en annexant les parcelles fiscales (bases du recouvrement des impositions) de Montaud, Outre-Furan, Valbenoîte, Furet-La Valette et la Métare. Malheureusement la solution retenue, malgré l’avis favorable du pouvoir central, est celle du maintien des six parcelles sous la forme de six communes de plein exercice.

Il est impossible de délimiter avec exactitude la commune centrale de ses voisines dites rurales ou suburbaines. L’enchevêtrement dans nombre de cas est inextricable : la place Marengo, élément essentiel d’un futur Saint-Etienne, dépend en partie de Montaud ; à Badouillère une limite qui « paraît (sic) devoir passer par le portail d’entrée de la maison […] traverse la basse-cour […] laissant du côté de Montaud la grange et l’écurie ». En 1790 les rues Roannelle, Polignais, Tarentaize sont détachées de Montaud et attribuées à la ville. Selon l’arrêté d’octobre 1794 Outre-Furan et Valbenoîte devraient être annexées mais rien n’est fait. La tentative de 1801 est vouée au même échec, il en va encore de même en 1817 et 18. Enfin l’ordonnance du 27 novembre 1822 officialise un doublement de la ville qui atteint environ 2,6 km2, les annexions se faisant surtout aux dépens d’Outre-Furan. On est loin du compte malgré trente ans de manœuvres.

L’hostilité des maires et des notables, dans les communes rurales, est étonnante car pour la plupart leurs propriétés, foncières et immobilières, leurs négoce, leurs établissements artisanaux ou industriels, s’inscrivent indifféremment sur la totalité du futur grand Saint-Etienne. Je ne retiendrai, entre autres innombrables exemples, que celui des Neyron inscrits au cadastre d’Outre-Furan comme rentiers avec 256 ha en propriété, mais qui figurent à Saint-Etienne comme négociants. André-Antoine Neyron sera d’ailleurs maire de Saint-Etienne puis d’Outre-Furan après l’avoir été à Saint-Genest-Lerpt. Leur « multi nationalité » est bien au cœur de leur attitude qui n’est qu’en apparence paradoxale. Stéphanois ils souhaitent l’extension de la ville indispensable à son bon fonctionnement matériel comme économique et à son prestige ; ruraux ils tiennent à protéger leurs activités d’une fiscalité plus pesante. « Du côté des finances municipales nous ne pensons pas qu’il soit très moral pour la ville de Saint-Etienne de vouloir augmenter ses ressources en s’emparant de celles des autres communes. » (« A Sa Majesté Impériale Napoléon III ... les maires des quatre communes suburbaines de la ville de Saint-Etienne. » 1853 ). L’impôt des portes et fenêtres ainsi que la patente dépendent pour leurs taux de la taille de la commune de perception ; de même les salaires sont moindres dans les faubourgs au prétexte des avantages procurés par un mode de vie campagnard et au moindre octroi.

Les communes suburbaines firent aussi état d’un argument plus subtil. Elles observèrent que des espaces libres et propres à la construction ne manquaient pas dans le territoire urbain central. Un plan de 1854 va jusqu’à perfidemment indiquer que des « terres arables » et des « terres vides » sont proches du centre même de Saint-Etienne. Ce qui n’est certes pas inexact mais ne tient pas compte des difficultés propres à la topographie heurtée de la ville ni de la nécessité d’en éloigner les activités qui porteraient atteinte à la sécurité des immeubles ou, pire, à leur valeur locative, ainsi en va-t-il des houillères. La réplique stéphanoise est visible sur d’autres plans où les vides en question sont couverts par des quadrillages de voiries, là aussi sans se soucier de la vraisemblance des projets.

Pour apaiser les esprits le gouvernement, après l’extension modérée de 1822, refuse le maintien d’un droit unique pour l’octroi. Les communes rurales bénéficient d’un tarif moindre. La fraude se développe qui consiste, après passage de l’octroi rural, à contourner les points d’entrée dans la ville centre signalés par une pancarte au sommet d’un piquet et la guérite de l’octroi urbain. Les ruses et les astuces sont favorisées par le flou des limites. Aussi dès 1827 l’ingénieur du cadastre propose la suppression pure et simple de Montaud. « Les membres du conseil municipal de Montaud [...] éprouvent le besoin de remercier (le maire de Saint-Etienne) de la générosité qu’il montre à leur égard en abandonnant le projet de la suppression directe de la commune en voulant bien se contenter aujourd’hui de la détruire en réalité et à petit bruit par voie de prétendue rectification et d’englobement de tous les quartiers importants et des deux cinquièmes environ de sa population » (délibération du 4 mai 1833). Effectivement, sans aller jusqu’à l’annexion, la ville réclame au moins des compensations pour la participation des ruraux aux services comme ceux des écoles, églises, hospices ; en réplique Montaud fait bâtir école et église ! De nouvelles paroisses (Le Soleil 1841 ; Montaud 1842), de nouvelles communes (Beaubrun 1842 ; La Ricamarie 1843) viennent compliquer la situation.

Enfin une ville, et une ville préfectorale !

C’est sous le Second Empire que le mouvement d’annexion reprend avec vigueur comme dans beaucoup de grandes villes après 1850 (Paris 1859 ; Lyon 1852). On entérinait une nouvelle situation économique et démographique car même si des espaces vides subsistaient ils étaient déjà structurés par les nouveaux boulevards, les voies ferrées, les gares, les usines, ces nouvelles frontières urbaines. Un autre argument était d’ordre financier : l’agglomération ne pouvait foncionner avec un budget central important et les budgets confetti des quartiers suburbains. Quand, en 1847, Comte-Grandchamp étudie un plan pour l’alimentation en eau potable de Saint-Etienne, il ne se soucie pas des limites communales, elles sont absentes de son travail. Mais il fallut des décennies avant que l’homogénéisation des nouveaux territoires communaux se fasse et les anciennes communes rurales sont encore perceptibles dans le paysage contemporain.

La police d’une ville ouvrière et frondeuse va servir d’argument pour entraîner à la fois l’absorption des communes suburbaines et l’accès au rang de préfecture. On soutient, malgré les dénégations des communes visées, que les « forces perturbatrices » se trouvent dans les communes suburbaines où elles se réfugient avant d’agir à leur guise en ville. Toujours ferme dans sa quête d’un territoire à la mesure de ses ambitions, son vrai but, le conseil municipal adopte le 23 juillet 1853 le vœu selon lequel « il y a lieu de réunir à la ville de Saint-Etienne l’intégralité des communes suburbaines ». Ce qu’entérine la loi du 31 mars 1855 prise par un pouvoir central soucieux d’affirmer la nouvelle autorité impériale ici comme dans la plupart des grandes villes. Curieusement les Stéphanois sont assez indifférents, pourtant les finances communales vont s’en trouver propulsées vers des sommes jamais atteintes jusqu’ici avec d’immenses répercussions sur les impôts, l’octroi, les investissements. Peu d’entre eux se déplacent pour élire un nouveau conseil municipal qui sera présidé par Faure-Belon nommé maire le 14 juin.

La même année, le 25 juillet, le transfert de la préfecture, réclamé depuis longtemps, est décidé avec effet au 1er janvier 1856 malgré l’opposition du Conseil Général, très influencé par les Montbrisonnais et les élus de la plaine forézienne. Que Saint-Etienne ville en expansion continue, premier foyer économique et urbain du département, soit la préfecture, dès le début du XIXe cela relève de l’évidence. La municipalité soutient cette ambition depuis 1830, cependant sans succès. La subdivision militaire est déjà en ville mais il faudrait la présence des autorités administratives pour assurer l’ordre. Après les troubles de 1831, les craintes de coalitions entre passementiers à Montaud en 1833, ceux de 1834 à Valbenoîte, la grève des mineurs d’Outre-Furan en 1846 et ses morts, et plus encore les émeutes et pillages des 13 et 14 avril 1848, les possédants se sont avisés que les communes-croupions, qui avaient jusque là bien des avantages économiques, étaient peu contrôlées. Déjà en 1848 c’est la commission administrative de Saint-Etienne qui assume les pouvoirs du préfet démissionnaire et le conseil en profite pour demander le transfert. Comme à Saint-Etienne on a financé - et mal construit - une sous-préfecture devenue le Palais des Arts et que le Conseil Général est pour sa part réticent, le maire et le préfet ont cohabité pendant 46 ans dans le même bâtiment, l’Hôtel de ville. Il n’est pas anecdotique de remarquer que de nos jours cette divergence d’intérêts entre une grande ville industrielle et un département rural se manifeste encore au conseil général. A Montbrison on en a hérité un certain ressentiment.

On s’en tiendra là, mis à part la cession en 1863 d’une partie du sud de la commune au bénéfice de Planfoy, les limites communales sont stabilisées pour plus d’un siècle.

Vélléités d’organisation : les années 1920 - 1940

« La ville de Saint-Etienne dans sa hâte de se développer [...] étouffe dans ses quartiers surpeuplés […] On sent en elle le besoin de s’étendre dans les environs, de se décongestionner ». On ne saurait mieux relancer la question des limites communales que ne le fait cette remarque extraite du rapport de l’architecte de la ville, Abougit, présenté au nom de la commission du logement et de l’urbanisme le 13 mai 1924 devant le conseil municipal. La commission désignée en juin 1919, travaillait depuis 1920 pour répondre à la loi Cornudet du 14 mars 1919 sur l’extension et l’embellissement des villes sinistrées ou de plus de 10 000 h. La discussion s’engagea donc sur l’achat des terrains que nécessitait la construction de logements. Pour en trouver libres, non menacés par les dégâts houillers, accessibles aux transports en commun, rien ne valait, selon la commission, le nord de la commune préféré au sud et sud-est. Mais « Il faudra demander l’annexion de Saint-Priest » s’exclame un conseiller qui ne pratiquait pas encore le politiquement correct. Il ajoute « Il nous faudrait [...] demander le rattachement à Saint-Etienne de ces communes (Saint-Priest – La Fouillouse – Villars – L’Etrat) car il n’est pas admissible que notre ville s’impose des frais d’agrandissement pour le seul profit de ces communes voisines ».

Cependant personne ne peut croire à l’exécution d’un plan qui perce et détruit brutalement en grande partie le vieux Saint-Etienne, et suppose l’annexion de 500 ha soustraits aux communes voisines. Si la municipalité répond aux exigences de la loi, elle oublie le rapport dans un tiroir ; on n’en reparlera plus. Précis et chiffré le rapport Abougit accompagné d’un plan de « ville nouvelle » est un travail de circonstance qui a certainement fait plaisir à son principal auteur mais qui ne résultait que d’une demande administrative, il fallait se conformer aux exigences de la loi qui demandait aussi d’indiquer « les communes voisines destinées à être annexées par la grande ville ». La municipalité, freinée par la crise des années 30, se contenta de travaux de voirie et de parer au plus pressé. Avoir choisi le nord alors qu’au sud on pouvait encore bâtir montre bien qu’il s’agissait d’une discussion de pure forme. Quand il faudra agir dans l’urgence, entre 1950 et 1965, c’est bien vers le sud et sud-est qu’on se tournera. Ce secteur offrait en effet, et dans les meilleurs délais, les espaces indispensables aux premiers grands ensembles de logements. D’annexions il ne fut plus question ; par contre les maires des communes voisines ont gardé une méfiance extrême qui se manifeste encore et a entravé, comme dans les années 1850, toute tentative de réorganisation de la carte administrative. Une situation banale autour de la plupart des grandes villes françaises. Nous avions su agir, nous sommes paralysés.

Comme le Préfet et le Ministère refusent la quasi totalité des travaux proposés par la mairie au prétexte qu’ils ne sont pas inscrits dans un plan d’ensemble conforme aux lois de 1919 et 1924, il faut trouver une solution. A Durafour relance le plan d’aménagement en 1930, le projet est confié en 1936 à l’architecte Hur et une commission extra-municipale se remet au travail jusqu’en 1938. Ce nouveau et magnifique plan avait-il quelque chance d’être exécuté ? On peut en douter à la vue d’un imposant système de circulation qui éventre la ville et l’écrase (en subsiste toutefois de nos jours le périphérique oriental) et encore plus en découvrant un minutieux zonage qui n’épargne pas un mètre carré. Son financement est cependant prévu par le programme des Grands travaux de L Soulié (CM du 31 décembre 1935).

Le plan Hur adopté en 1939, tout en se limitant strictement à Saint-Etienne, ouvre la voie à une nouvelle organisation, notamment dans le sud de la commune. La guerre et le bombardement de 1944 en auront raison. Il est intéressant de constater que bien des idées lancées par Abougit puis Hur inspirèrent leurs successeurs. D’autre part « Les villes et leurs banlieues pouvant être constituées en région lorsqu’elles sont appelées à se développer sur le territoire des communes voisines » (décret-loi en 1935), une réflexion, pilotée par la ville, s’engage jusqu’en 1939 pour, cette fois, associer et non plus annexer les communes vivant en symbiose avec Saint-Etienne ; on peut dire que Saint-Etienne Métropole trouve là sa plus lointaine racine.

Trois solutions seront discutées, sans d’ailleurs que la plupart des communes se rendent compte que s’est enclenché un mécanisme qui, à très long terme, peut mettre fin à leur autonomie. En effet la plupart n’y voient qu’une facilité astucieuse pour obtenir des crédits qui leur font défaut. Une solution, soutenue par A Pinay, défend l’existence de quatre regroupements autour de Saint-Etienne, Firminy, Rive-de-Gier et Saint-Chamond ; une autre allie à l’Ondaine Saint-Etienne et le nord de la ville, y compris Andrézieux, le Gier restant à part ; la troisième, maximaliste, s’étend du Gier à la plaine du Forez et à Fraisses. La guerre interrompt cette discussion. Si les grandes lignes de la coopération sont en place la définition d’un nouveau cadre institutionnel reprendra après les années 1950 dans un tout autre contexte économique et financier.

Ces préalables exposés il est temps d’en venir à la façon dont a pu être financée la « construction » de la ville, jusqu’à la limite des années 1960 date après laquelle tout change, et de nature et d’échelle.




 « Notre ville (est) encore très récente […] elle se trouve dans la nécessité de faire face, avec des ressources très réduites, à des dépenses énormes […] La ville de Lyon a depuis longtemps acquitté toutes ces dépenses et ne supporte plus que les frais ordinaires d’entretien, mais Saint-Étienne se trouve dans la situation d’un commerçant qui débute et qui n’a pas encore payé les frais de premier établissement ». (Un conseiller municipal en 1904)

Il revient au maire et au conseil municipal de proposer, d’avoir des projets, des ambitions. La communauté des habitants leur a délégué le soin d’assurer les services communs dont elle a besoin dans sa vie quotidienne et professionnelle. Et ces besoins ne feront que croître avec le temps. Mais la volonté politique ne serait rien sans l’outil financier : point d’argent, point de Suisse… De nombreux travaux ont été ainsi ajournés, modifiés, amoindris sinon abandonnés faute de financement. Certes quelques uns, très peu, étaient peut être inutiles voire somptuaires, pour d’autres ce fut regrettable. Les grandes lignes d’une histoire financière de la ville méritent donc d’être évoquées ainsi que les mécanismes de base du budget.

Le conseiller cité ci-dessus, sans doute jaloux des Lyonnais, a raison mais à cette date il exagère quelque peu. Certes à Saint-Étienne la situation est au départ plus difficile qu’ailleurs puisque la ville ne disposait d’aucun des équipements que l’histoire avait légués aux autres grandes villes. On peut schématiser - à l’extrême ? - en trois périodes que singularisent une ou deux priorités.

De 1790 au début du Second Empire il a fallu assurer le plus indispensable malgré le très fort handicap de ressources limitées. Puis les recettes n’ont cessé d’augmenter, les difficultés se sont atténuées et on s’est efforcé d’équiper, l’eau a eu la priorité. Cette deuxième période s’achève dans une relative stagnation et la situation s’aggrave pendant l’entre-deux-guerres, crise monétaire et économique se sont conjuguées pour presque paralyser l’action communale. Enfin, troisième étape, après le second conflit mondial une vigoureuse croissance économique et démographique transforme radicalement le rôle des finances locales dont l’importance et la complexité laissent penser qu’une refonte de ce système devient indispensable.

Nous voici à pied d’œuvre mais il faut encore un préalable, comment fonctionne un budget communal ?


« Le budget de chaque commune est proposé par le maire »
(article 145 de la loi communale de 1884).

Le budget : des règles simples, une utilisation parfois subtile

Que mon lecteur de bonne foi se rassure, je suis certain que la déclaration annuelle de ses revenus lui donne plus de tracas que la lecture de ce qui suit, il lui suffira d’un peu d’attention et de bon sens.

En 1790-91 les Constituants abolirent la fiscalité d’Ancien Régime pour la remplacer par un système plus égalitaire et fondé, pour l’essentiel, sur la richesse foncière. Ainsi apparurent les « quatre vieilles » : les deux contributions foncières (terrains bâtis ; terres agricoles), la contribution mobilière, la patente. On ajouta peu après à ces impôts celui sur les portes et fenêtres jusqu’à 1880. Après bien des vicissitudes ce système, très sommaire, vite renforcé par le retour des indispensables impôts indirects et des taxes, traversa le XIXe jusqu’à l’impôt sur le revenu (1872 puis 1914-17) et assura le fonctionnement de l’Etat. Voilà pour l’Etat. Pour la commune on adopta un impôt indirect, une taxe, et on ajouta la possibilité de s’appuyer sur l’impôt dû à l’Etat.

L’essentiel des financements locaux fut donc assuré par des impôts indirects dont l’octroi est le plus ancien et le plus rémunérateur. Les communes purent, pour le compléter, financer leurs dépenses en percevant un pourcentage des impôts dûs à l’Etat, dit centime le franc ou centime (soit 1 %, 5% d’impôt supplémentaire sont annoncés sous la forme de 5 centimes)

Quand celui-ci a renoncé, en 1917, à percevoir les quatre vieilles on a continué d’en établir le montant fictif pour calculer les centimes destinés aux communes jusqu’aux lois de 1973/74/75 préparées par les textes de 1968. Tant bien que mal les municipalités se contentèrent de ce système car le reste est d’un moindre rapport : ventes et locations (immeubles, bois, terrains), produits de services rendus (droit de place au marché par ex.). Assez vite il fallut cependant trouver des ressources qu’on se procura en votant des centimes ordinaires affectés aux dépenses nouvelles, des  centimes extraordinaires  pour rembourser les emprunts, puis s’ajoutèrent des taxes. Multiplier le nombre des centimes était redouté mais V Duchamp observe, lors de l’achat des bois Balaÿ dans le Pilat en 1883 : « en 1876 par suite d’une erreur la ville a été imposée de 5 centimes [...] personne ne s’en est plaint et la chose a été à peine connue et n’a donné lieu à aucune réclamation », heureuse époque ! Un autre moyen consista à agrandir le territoire communal pour y accueillir plus de population, d’activités et de recettes mais ce n’est pas toujours rentable quand il faut équiper ces quartiers.

Enfin ressource suprême : l’emprunt. Avantageux, il permet d’engager et poursuivre des travaux dont le coût dépasse les capacités financières du moment. Son principal défaut ? il faut le rembourser, capital et intérêts… et la charge annuelle qui en résulte peut constituer un handicap majeur dans la politique financière municipale.

A partir de cette panoplie d’outils financiers se joue le jeu du budget qui repose sur quelques règles simples. Tout d’abord l’exercice est annuel et doit être présenté en équilibre, y compris pour chacune de ses deux composantes. En premier le budget ordinaire avec ses recettes et ses dépenses ordinaires lorsqu’il s’agit de sommes renouvelées d’année en année ou d’obligations légales ; elles sont très nombreuses (salaires, frais généraux, chauffage, entretien courant, état-civil etc.) et la marge de liberté de la commune réduite. Le principe de base consiste à dégager de la balance dépenses/recettes un excédent dit ordinaire, une économie de précaution.

En second, le budget extraordinaire avec les dépenses extraordinaires pour les travaux neufs, les grosses réparations, les acquisitions, et le remboursement des emprunts antérieurs. Leur financement provient de l’excédent ordinaire à quoi s’ajoutent les recettes extraordinaires : centimes votés à cet effet, emprunts, subventions, voire dons. Enfin les budgets, ordinaires et extraordinaires, sont soldés ensemble en fin d’exercice et un excédent annuel vivement souhaitable. Combiné au résultat de l’exercice précédent il devient l’excédent global. Cela permet le cas échéant un déficit pour l’année en cours (s’il est autorisé par le Préfet) que de bons résultats ultérieurs pourront éponger. En somme on dégage une trésorerie indispensable à la marche de la commune puisque tant que le budget n’est pas voté, et cela prend du temps, le comptable municipal peut payer les factures grâce à cette réserve. La séparation entre ces deux sortes de comptes (dits autrefois budgets) a longtemps été incertaine avant qu’on officialise, en 1934, la pratique d’un seul budget divisé en deux sections, comptes ordinaire et extraordinaire.

Le conseil municipal propose, en fin d’année civile, une prévision : un budget primitif qui exprime ses intentions et fixe les impositions communales. Il est établi après que soit approuvé, hors de la présence du maire responsable, le compte précédent ou compte administratif. Ce dernier retrace les opérations effectivement réalisées et rend compte de l’action municipale écoulée. Car en cours d’exercice l’exécution du primitif est aléatoire, des imprévus surviennent. Le maire fait approuver en cours de route (depuis 1831) un budget supplémentaire, sans impôts nouveaux, qui permet d’ajuster les prévisions initiales et prend en compte les nouvelles dépenses ou recettes, les restes à payer ou encaisser des exercices antérieurs, les travaux reportés pour des causes diverses. Il prévoit aussi des reports et annulations de dépenses ou de recettes. C’est avec lui que le maire peut manoeuvrer.

Quoi de plus simple ?

Recettes ordinaires
RoRecettes extraordinaires
Retotaloctroi
centimes
patente
produits divers,solde reportésoldes reportés
emprunt
centimes exceptionnels
dons, legs, subventions
Recettes totalesDépenses ordinaires
DoDépenses extraordinaires Depersonnel
entretien charges
fournitures
diverstravaux
acquisitions
indemnites diverses
service des emprunts ( int et cap)
Dépenses totalessolde Ro - Do à reportersolde Re - De à reportersolde global
Le solde ordinaire (ro - do) alimente les recettes extraordinaires on parle couramment d’un autofinancement
Le paiement des intérêts des emprunts est de nos jours passé en dépense ordinaire
Le solde global annuel entre les recettes et dépenses totales, obligatoirement positif, correspond à peu près à la trésorerie disponible.
L’octroi a été remplacé par les impôts locaux

Jusqu’au milieu du XXe siècle les gestionnaires se sont efforcés d’arriver, de façon empirique, à un solde ou excédent global positif mais sans analyse minutieuse, en amont, de la démarche suivie. Toute l’habileté financière jouait sur un clavier de prévisions, d’estimation des aléas, de constitution de réserves pour équilibrer les comptes ; tous les maires en fin de mandat font observer qu’ils laissent des réserves dans la caisse municipale sans avoir trop chargé la barque des emprunts ni trop augmenté le nombre de centimes. Dans son plaidoyer de 1884 V Duchamp écrit que, malgré la hausse des dépenses, il « a laissé à l’entière disposition de ses successeurs un excédent net de 340 000 F » ce qui, selon lui, devrait clore toute polémique sur sa gestion. Le 29 avril 1935 A Vernay justifie lui aussi la gestion municipale entre 1931 et 34 en remarquant que, malgré les difficultés de cette période et « sans charge nouvelle pour le contribuable », grâce à une « politique de stricte économie […] nous avons pu constater à la fin de chaque exercice un disponible supérieur à ceux des années antérieures à 1928 […] C’est donc près de 2 millions qui seront laissés à la nouvelle administration municipale pour parer à toute éventualité ».

Ce florilège est surabondant, parfois comique ; on ne résiste pas aux éloges que s’adresse L Soulié en 1928, mais il n’est pas le seul, et qui résument parfaitement l’état d’esprit de la majorité des maires : « contrairement à des légendes […] les dépenses municipales ne se sont pas démesurément accrues à Saint-Etienne depuis 1914 [...] elles auraient plutôt diminué (nous avons fait face) grâce aux réserves qu’une gestion animée d’un sévère esprit d’économie nous avait permis de constituer […] nous avons dû demander le surplus de recettes aux taxes fixées par la loi de 1926. Nous ne pouvions pas en appliquer d’autres et nous avons été la dernière ville de France à les appliquer ». Enfin en décembre 1938 le maire conclut : « ce budget s’équilibre d’une façon parfaite, sans centime additionnel nouveau, sans impôts nouveaux, sans taxes nouvelles, sans charge nouvelle pour les contribuables. La commission des finances a atteint l’équilibre par un effort héroïque de compression ».
Il n’empêche que les limites de l’exercice sont très vite atteintes tant les dépenses croissent et tous les édiles de France réclament une réforme fiscale ; pour sa part le 30 juin 1938 le conseil stéphanois souhaite « une refonte complète des finances communales permettant un équilibre mieux assuré des budgets ».

Sagesse stéphanoise ?

Il est vrai que de graves défauts ont caractérisé la législation financière des communes jusqu’à la fin de la IIIe République. L’ignorer serait injuste envers les maires et leurs comptables qui ont utilisé cet outil tel qu’on le leur livrait. Et ce serait aussi une erreur d’appréciation que de leur appliquer nos critères actuels, sinon pour estimer les réussites ou les difficultés qu’ils ont rencontrées. La rigueur d’écriture ne s’est imposée que progressivement. Avant 1831 il n’est pas rare que les exercices soient mal distingués, recettes et dépenses chevauchant les années !

Les recettes ordinaires doivent servir à régler les dépenses ordinaires et, si l’opération présente un excédent, il est seulement « de bonne gestion financière que cet excédent serve au règlement de dépenses extraordinaires plutôt que de faire appel à l’impôt ou l’emprunt pour couvrir celles-ci » (Alix « Les emprunts des collectivités locales » 1946). Mais la distinction ordinaire/extraordinaire n’est pas toujours claire, par exemple en matière d’achats de matériel ou d’importantes réparations : à partir de quelle somme un travail de réfection devient-il investissement ? les glissements sont nombreux d’un chapitre à l’autre. De toute façon jusque dans les années 1950 il suffit de respecter les masses essentielles, le détail est à l’initiative du comptable pourvu qu’il sépare ce qui relève, ou du personnel, ou du matériel, et arrive à un résultat équilibré.

Cela ne facilite pas l’interprétation des comptes d’autant que la loi de 1884 est très générale et qu’un empilement de décrets et circulaires en a sans cesse modifié l’application. De façon significative, ils se sont multipliés pendant le régime de Vichy pour aboutir sous la IVe république puis la Ve à une nouvelle rédaction des règles de la comptabilité communale dont les plus récentes seront exposées en temps voulu.

Si au début le budget était très surveillé et remontait, pour approbation préalable, jusqu’au pouvoir central qui était en dernier ressort le véritable ordonnateur, quelques textes ont ensuite et peu à peu accordé plus d’autonomie financière aux communes. Ainsi en 1867 les communes ont obtenu un réel pouvoir de décision en ce qui concerne l’emprunt. Les conditions ont pu varier ensuite au fil du temps mais certains emprunts n’eurent même pas besoin d’autorisation, au risque d’ailleurs d’abus.

Plus important la loi de 1884, un pas considérable pour la démocratie communale, a libéré le pouvoir municipal en matière d’impôt en permettant aux maires de faire voter des centimes additionnels « pour insuffisance de revenus tant pour les recettes ordinaires qu’extraordinaires, dans la limite d’un maximum fixé par le Conseil Général ». Cette facilité n’a été utilisée pour renflouer le budget ordinaire que tardivement à Saint-Etienne, à partir de 1920 après une exception en 1884-85 (achat de forêts cité ci-dessus). Texte important aussi, celui d’août 1926 qui publie une longue liste de taxes dans laquelle puisent à leur gré les communes mais un maximum est fixé pour les taux. Dès 1928 Saint-Etienne a dû y recourir, malgré leur faible rendement.

Enfin un texte de 1920, étonnant, autorise une commune à emprunter pour combler un déficit du budget si la preuve de la nécessité en est faite, si toutes les ressources possibles ont été affectées aux recettes et si les dépenses sont limitées à leur strict nécessaire. Il est précisé que des centimes additionnels seraient préférables ! C’est la porte ouverte aux abus car qui ne préfèrerait, pour présenter un bilan flatteur, reporter la charge sur les successeurs tout en faisant état de la modération des impôts locaux ? Par ailleurs si la commune s’impose pour insuffisance de revenus elle peut faire quand même un excédent ordinaire ! Comme il est fictif le devoir du conseil est de l’utiliser pour régler les dépenses extraordinaires, notamment les annuités des emprunts. Ce n’est qu’un devoir… Même prudence stéphanoise : cet artifice n’est utilisé que pour équilibrer le budget de 1937.

A Saint-Etienne la pratique a été en somme vertueuse, ou presque comme je vais maintenant le détailler par grandes périodes. Certes plusieurs maires aux prises avec quelque difficulté ont utilisé les facilités d’interprétation des textes pour se sortir de mauvais passages, mais en général ils ont été prudents.
Premières armes
Premiers résultats

« Le premier devoir d’un administrateur […] est de soigner à l’égard de ses propres affaires celles de la commune dont les intérêts lui sont confiés » (le préfet à un maire stéphanois). Dans l’histoire des finances communales de Saint-Etienne les périodes révolutionnaire et du Premier Empire font figure de préhistoire. Des pièces comptables ont disparu, les archives sont fragmentaires et l’impression d’amateurisme voire de bricolage ressort nettement de l’examen des ressources municipales par ailleurs mises sous tutelle par le pouvoir central. Non élu mais nommé, le maire « propose » un budget modifié ensuite par le sous-préfet et le préfet, enfin « accordé » par le souverain. Certes les mécanismes de base sont déjà en place, certes les notables à qui sont confiées les destinées de la ville ont déjà des projets bien arrêtés, mais les vicissitudes de l’époque révolutionnaire et la lourde chape impériale freinent considérablement tout ce qui est entrepris. Peu à peu les maires se libèrent des contraintes qui ont entravé leur action et, de budget en budget, malgré une période de flottement pendant les années 1830-35, ils maîtrisent très bien l’outil fiscal mis cette fois au service de leurs légitimes ambitions.

Quelques exemples de budgets ou comptes administratifs illustreront ce propos.

Balbutiements

Dès 1789 le peu qui est amorcé - ébauche d’un éclairage public, fontaines, sécurité de la population - excède déjà des ressources très limitées. En 1791 l’achat du couvent de Sainte Catherine grève des finances exsangues. Ce que relève le préfet à l’automne 1803,  tout en le déplorant : « les temps d’orage, de révolution et d’incertitude qui ont précédé […] peuvent […] justifier jusqu’à un certain point le chaos auquel quelques administrateurs ont abandonné les affaires de la ville ». En dehors des ressources de l’octroi, que j’aurai l’occasion de détailler ci-dessous, le maire ne trouve quelques rentrées d’argent que par la vente de biens communaux. Pour environ 185 518 F disponibles en 1806 les 150 900 F de l’octroi représentent 81 % des ressources et certaines années la dette équivaut au total des ressources. Elle est pourtant porteuse d’avenir puisqu’il s’agit d’achats de maisons et propriétés indispensables aux deux grands projets de cette époque : l’établissement du futur axe routier méridien (la grand’rue) et l’aménagement du Furan (ponts, quais, couverture).

La stabilité revenue avec l’Empire assure une fiscalité plus nourrie mais toujours aussi aléatoire et insuffisante. A peu d’exceptions près, dont l’année 1814, les sommes disponibles ne compensent qu’à peine les dépenses fixes. Jusque vers 1820 les recettes totales avoisinent 150 000 F, les dépenses sont à peine inférieures, aucun excédent utile ne se dégage. Dans ces conditions il n’est pas possible d’économiser pour amorcer travaux et achats. Il faudrait 60 à 80 000 F par an dit le maire, et il est modéré dans cette estimation, pour doter la ville de l’indispensable équipement qui lui fait défaut alors que les négociants, fabricants, quincailliers, armuriers etc. savent que sans une nouvelle route, sans voirie, sans eau, sans bâtiments pubics, il faudra abandonner les perspectives de développement que pourtant ils perçoivent et espèrent.

Les trois quarts des recettes de l’octroi vont à l’entretien des piteux bâtiments publics (il pleut dans la mairie), à la Condition des soies (sans elle que ferait le négoce ?), la justice de paix, les traitements de quelques employés (deux commissaires, deux agents, un secrétaire pour le maire, quelques commis) et celui du voyer P-A Dalgabio qui, à l’occasion, réclame des arriérés ! Viennent ensuite des ponts sur le Furan, l’entretien de ses quais et voûtes, la fontaine publique, le dépôt d’incendie. Emargent aussi le bureau de charité, l’hospice, le bureau de mendicité, quelques membres du clergé pour leur logement et enfin les frères et sœurs de la Doctrine chrétienne qui assurent un embryon d’enseignement primaire. L’initiative privée supplée parfois la ville, ainsi une salle de spectacle est financée par un investisseur qui complète sa mise en s’adressant au public : plus d’une soixantaine de notables souscrivent les prêts nécessaires (21 450 F). Et si la propriété privée prime dans le plus grand nombre de cas sur l’intérêt public le sens de l’intérêt général n’est pas inconnu. En répondant à l’emprunt de guerre de 1815 plusieurs citoyens proposent de renoncer au remboursement « sous la condition que le produit sera exclusivement employé à acquitter les indemnités dues aux propriétaires de maisons dont la démolition devient nécessaire […] pour la percée de la route de Roanne ».

Le pouvoir central ne se prive pas de mettre à contribution les communes. Malgré la modestie des ressources locales 5 % des recettes sont consacrés à la Compagnie de réserve chargée de la garde des édifices publics (1805), 1 % vont à l’Hôtel des Invalides, s’ajoute un prélèvement de 8 % sur la condition des soies, enfin une partie du traitement du préfet est à charge de la ville qui en outre alimente un fonds de dépenses départementales, sans oublier des ponctions irrégulières aggravées par la situation désastreuse de l’Empire après la campagne de Russie.

C’est beaucoup.

Comme le carnet recettes-dépenses d’un ménage ?

1808 est un bon exemple de cette comptabilité municipale médiocre, digne du calepin d’une ménagère, mais qui cependant permet un minimum d’indispensables travaux. Elle tient en une page et demie manuscrite ! il faut moins de dix lignes pour énumérer les recettes qui totalisent 220 214 F grâce à 60 726 F issus des comptes antérieurs et aux 150 900 F de l’octroi (68 % des recettes).

Viennent ensuite, reportées en désordre, les dépenses pour un total de 157 673 F laissant à nouveau un excédent de 62 541 F ; en somme l’octroi suffit à tout. En fin de liste de grosses réparations aux trois églises stéphanoises se montent à 35 600 F la principale dépense avec la dotation de 28 000 F « accordée aux hospices sur l’octroi ». Le reste de ce qu’on peut classer comme investissement concerne les pavés, les réverbères, des travaux sur le Furan et un pont sur le bief des moulins soit un total estimé à environ 88 210 F. Il reste donc en entretien et frais de fonctionnement de la commune environ 69 500 F, en réalité 46 500 F car il faut soustraire 10 % de l’octroi soit 15 090 F reversés à la caisse d’amortissement et presque 8 000 F pour la Compagnie de réserve. La principale dépense de fonctionnement est l’administration de la commune qui absorbe 9 017 F puis le bureau de charité pour 5 000 F.

En 1811 la ville estime avoir été « dépouillée » de 35 000 F destinés à des travaux urgents. La somme provient de ventes dont le produit est versé à la Caisse d’Amortissement qui ne les restitua pas… Peu après quelques immeubles dont la vente payerait des travaux doivent être cédés à cette même Caisse. On ne peut vraiment établir le préjudice, A Martourey l’estime à 62 000 F. Il était en tout cas important. Alors qu’en 1814 les dépenses ordinaires s’élèvent à environ 140 000 F et que 52 000 F sont consacrés aux dépenses extraordinaires dont 20 000 pour les jardins Passserat où se construira le Palais de Justice (l’opération se monte à 71 000 F) grâce à une excellente rentrée de l’octroi - 175 000 F - l’exercice est bénéficiaire de 31 000F. Cette période difficile s’achève en 1815 par un déficit de presque 10 000 F et il ne reste que 35 000 F en caisse. Cette année là le maire calcule que les ouvertures de rues et la construction des bâtiments les plus indispensables coûteraient au bas mot 1 500 000 F ! Enfin pendant toute cette période et pour encore longtemps il n’est guère possible de recourir à l’emprunt, les retards de paiement voire les impayés découragent les entrepreneurs et les prêteurs.

Structure du budget municipal pendant le Premier Empire
(pourcentages)


recettes18061807181018141815économies0,821717,51,5impôts directs32,73,22,84,8impôts indirects81,374,97377,291produits (1)0,91,41,751,12,4divers (2)14015,051,40,1total100100100100100
(1) ventes, locations, actes administratifs
(2) amendes et divers

dépenses18061807181018141815dépenses fixesfonctionnement21,423,525,42330,8édilité17,31615,314,115,3police0,110,889,84,6social29,833,431,13327éducation 28,46,114,815,815,4cultes fêtes et divers310,25,44,36,9dépenses exceptionnellesfonctionnement15,243,445,628édilité517335,442,613police0,4532,6socialéducation171,4cultes fêtes et divers16,82720,86,825% dépenses fixes76,462,580,372,488,9% dépenses exceptionnelles23,637,519,727,611,1total100100100100100

Extrait d’ un tableau publié par Gérard M Thermeau dans « Saint-Etienne et son agglomération ».

De telles difficultés expliquent en grande partie que pendant longtemps les notables ne se sont pas intéressés à la fonction de maire, malgré son prestige social, d’autant plus que la charge d’officier d’état-civil et de police est accaparante. Révolution et Empire voient se succéder les nominations de 24 maires entre 1791 et 1799 puis 14 jusqu’à 1815, pour la plupart «dans les affaires ». Le Préfet regrette en 1819 « l’antipathie qu’ils témoigent pour toutes les occupations qui ne se rattachent pas à un but directement d’utilité personnelle ». Pour sa part le conseil municipal - jusqu’à 1831 le maire, nommé, n’en est pas obligatoirement issu - ne se renouvelle guère et ce sont les mêmes hommes qui s’y retrouvent. Eux aussi donnent la priorité à leurs affaires au point qu’il arrive qu’on ne puisse les réunir. Dans une ville tout entière adonnée au travail, au commerce, faute d’une ancienne noblesse et d’une aristocratie de robe, il ne pouvait en être autrement. Ils se sont dévoués, pécunièrement parfois, ils ont agit au mieux des intérêts de la ville et avec constance. Ils ne pouvaient guère mieux comme le montre le budget de 1819, un vrai budget si on le compare à ceux qui l’ont précédé.

modestie et réalisme des budget pendant la Restauration

Présenté par Salichon c'est le projet d'un habile gestionnaire, économe des ressources limitées dont il dispose. Il est voté au conseil municipal le 25 janvier 1819 et, après examen par le préfet, approuvé par le Ministère de l'Intérieur le 12 mai sans grandes modifications, la différence entre les deux estimations ne porte que sur environ 400 F d'arriérés et soldes. Pour certains autres budgets le pouvoir central intervient en rognant beaucoup plus les recettes et surtout les dépenses ainsi en 1821 le ministre supprime 60 000 F de recettes en refusant un emprunt et une contribution extraordinaire !

Salichon prévoit un excédent global de recettes sur les dépenses de 536,44 F, il engage donc au maximum les recettes prévues pour équiper la ville. La recette ordinaire (190 031,34) vient de l'octroi qui en apporte 87 % soit 203 131,93 brut et 165 407,13 F net. Les impôts directs sont minimes et d'ailleurs mal estimés, depuis plusieurs années la patente est inscrite pour 2 000 F. La Condition des soies apporte 7 512,6 F de droits ce qui n'est pas négligeable et on comprend pourquoi le maire utilise 45 000 F d'emprunt pour en bâtir une nouvelle ainsi qu'un Bourse. Il a d'ailleurs l'astuce d'emprunter cette somme aux fabriquants…chacun y trouve son intérêt.

Cet emprunt est complèté par un impôt extraordinaire pour financer le cimetière (18 000 F) et par 6 000 F de cessions foncières, au total 139 691,37F de recettes extraordinaires et 329 722,71 F de recettes totales pour la commune.

Les dépenses ordinaires s'élèvent à 136 253,35F. Le fonctionnement de la commune ne pèse que peu, environ 27% en traitements et frais de bureaux (estimés à 0,5F par habitant) soit 36 298,35F. L'entretien et les charges diverses comptent encore moins, 16% (300F pour la mairie, 600F pour l'horloge, 1 000 aux fontaines mais 12 000F d'éclairage). Par contre les secours aux indigents, l'hospice et le bureau de charité, ponctionnent 36 000 F ou 26% des dépenses, autant que le fonctionnement administratif. Enfin la charge la plus lourde est due à l'instruction publique (30 674 F) et aux cultes (5 100 F). Les fêtes (800F) les imprévus (3 500F) portent ce poste à 40 074 F ou 29% des dépenses ordinaires. Le collège et son personnel, les vicaires, les logements et leur entretien coûtent bien plus que le personnel municipal proprement dit.

Les dépenses extraordinaires sont plus élevées, 192 932,92 F, et les comptes ci-dessus montrent que la section ordinaire a dégagé 53 777 F d'excédent qui vont être investis dans les travaux en sus des recettes extraordinaires. Deux postes dominent la section, la participation aux travaux de la route de Roanne au Rhône si importante pour le commerce stéphanois, soit 59 900 F, et le solde de l'achat des jardins Passerat qui libèreront un emplacement pour le futur Palais de Justice, soit 42 746,22 F. L'emprunt de 45 000 F se retrouve sur la ligne construction d'une Bourse et Condition des soies. Viennent ensuite l'achèvement du cimetière – 18 000 F – et l'achat du terrain pour les halles (future place Dorian) pour 8 668 F enfin les travaux de pavage, ceux des quais du Furan (6 000 F) etc. L'essentiel va donc à des investissements urbains, le reste de la dépense (9 252 F) consiste en arriérés de dépenses ainsi 2 172 F pour le passage du Duc de Berry.

Le budget de 1819

1819RecettesDépensessoldebudget ordinaire190 031,34
dont 165 407 d'octroi net136 253,3553 777,99budget extraordinaire139 691,37192 932,92- 53 241,55total329 722,71329 186,27536,44

Comme il s’agit d’un budget deux observations s’imposent. D’abord l’étonnante continuité des frais de fonctionnement : l’administration et les traitements des employés sont identiques à ceux de 1808 voire quelque peu avant ; les charges et entretien sont immuables, l’horloge coûte toujours 600 F ; les pavés 1 000 F, le poison pour les chiens errant 100 F !  Depuis au moins 15 ans l’hospice émarge pour 30 000 F ; rarissimes sont les dépenses nouvelles ou estimées à la hausse. Ensuite les prévisions d’investissement sont d’une autre qualité. Il est visible que le maire dispose de propositions et de devis, les chiffrages des jardins Passerat, des indemnités pour la route de Roanne au Rhône, l’acquisition du terrain de Dorian en témoignent. En somme la dépense extraordinaire sans être identifiée formellement dans un chapitre spécial est tout à fait connue ou prévue. Pour l’ordinaire la gestion consiste donc à contenir les frais en reportant d’une année sur l’autre des sommes identiques et minimales tout en espèrant la croissance de l’octroi pour éponger la différence éventuelle. Enfin des recettes et dépenses supplémentaires en cours d’exercice ainsi que des régularisation d’exercices antérieurs (plusieurs années parfois) parachèvent l’ajustement. On remarque que, dans ces conditions, l’établissement de courbes calées chaque année sur des comptes exhaustifs ou exacts relève de l’utopie. Ce qui n’empêche sur un intervalle assez long, 5 ou 6 ans, une très bonne estimation des évolutions.

Au total, et pour revenir à 1819, un budget serré mais qui va dégager un excédent plus élevé que celui inscrit en solde. En effet les travaux de la route du Rhône, ceux de la Bourse et Condition des soies ne seront ni achevés ni payés sur cet exercice, l'étalement de la dépense est implicite. Salichon se montre parcimonieux pour les dépenses de fonctionnement de son administration dont l'excédent égale l'apport des emprunts. Il ne néglige cependant pas ce que nous appellerions des dépenses sociales, hospices, cultes, collège encore que ce dernier profite surtout aux petits artisans et commerçants qui trouvent ici ce qu'il ne pourraient payer à Lyon ou ailleurs. Enfin si l'octroi, payé par tous, contribue fortement au budget puisque son montant net excède les dépenses ordinaires, propriétaires et bourgeois mettent la main à la poche, dans leur intérêt bien compris. Ils participent aux emprunts qui financent des équipements dont ils ont besoin et payeront à partir du règlement municipal de 1822 une partie des travaux de pavage et d'assainissement.

Une gestion passive, voire subie, plus que maîtrisée malgré de rares velléités comme en témoigne cette diatribe du maire en 1807 à propos de l’ouverture de la route de Roanne « je m’y détermine […] afin de prévenir aux yeux du gouvernement toutes les objections qu’on pourrait faire contre la délibération que je vous propose d’adopter ».

Cette situation s’améliore quelque peu après 1820 puis se transforme après 1836 - 37 avec des budgets plus volontaires dont la technique plus élaborée dessert mieux les intentions municipales. Peu à peu, surtout pendant le second Empire, les ambitions des édiles s’affirment tandis que l’expérience locale et les circulaires du Ministère améliorent la comptabilité qui devient presque une science exacte !


De la Restauration à la fin du Second Empire une vue cavalière

A en croire tableaux et graphes les sommes mises en jeu par les budgets communaux et les divers ratios qu’on peut en extraire n’ont fait que calquer l’évolution de la population. Très logiquement si les Stéphanois sont cinq fois plus nombreux en fin de période qu’au début, les recettes et dépenses suivent dans des proportions congruentes. Qu’on en juge : les recettes ordinaires et totales, les dépenses ordinaires et totales, sont multipliées par dix - il s’agit d’un « calcul à la louche » bien suffisant - mais par habitant le multiplicateur n’est que de deux. Enfin l’octroi s’il augmente à proportion lui aussi de cette croissance c’est quand même en moindre mesure : il est multiplié par sept et par habitant il n’augmente que de 25%. Au total cela montre que des ressources nouvelles ont été dégagées pour alimenter des budgets de plus en plus gourmands. La ville est plus riche.

Une approche plus fine montre que des phases sont perceptibles dans une évolution qui n’a rien de linéaire comme on s’en doute. Les aléas historiques, les crises économiques, les pratiques comptables et les politiques municipales rythment une histoire de la gestion financière. Mais ces dents de scie des courbes restent minimes et ne rompent pas l’évolution générale. Après des débuts hésitants et une période de vaches maigres les besoins et les ressources ont crû lentement puis ils se sont franchement engagés sur une pente ascendante mais en restant calquée sur celle de la croissance démographique. Un peu après le milieu du siècle, si les courbes conservent leur parallélisme, celles des recettes et dépenses accélèrent leur progression en se désolisarisant de celles de la population et de l’octroi jusqu’à ce qu’un ralentissement marque la fin de cette progression continue. Les dernières années avant 1870 se singularisent par une baisse relative des recettes et dépenses malgré un octroi en progrès et tandis que la population stagne.

Un budget enfin à la mesure d’une activité croissante

« Je ne sais où trouver des termes prudents pour peindre la prospérité croissante dont la France jouit […] partout je vois des maçons à l’œuvre : on bâtit une foule de maisons dans les villes, dans les bourgs, dans les villages ; partout les rues se redressent […] je pourrais remplir quatre pages de détails sur la prospérité de la France » (Stendhal « Mémoires d’un touriste » 12 juin 1837 )

Les vicissitudes politiques, comme Stendhal le constate dans la suite de son texte, ne viennent qu’en second, après l’essor démographique et économique, pour comprendre que, les ressources s’élevant, les besoins s’imposant, le volume des budgets soit en croissance continue. L’importante loi (1831) sur l’élection du conseil municipal et du maire (maintenant choisi en son sein et non pas nommé par le pouvoir central) n’a pas d’incidence autre que de créer un corps électoral censitaire assez large et de donner un peu plus d’autonomie au premier magistrat.

Une césure est repérable, bien avant la fin du règne de Louis-Philippe, à la suite de laquelle des projets plus ambitieux, des besoins plus criants, conduisent à plus de prise de risque, à emprunter beaucoup plus tant les élus ont pu constater que les difficultés passagères pouvaient s’amortir. A Saint-Etienne cela correspond à peu près à l’affaire du legs Jovin-Bouchard (1837) dont je reparlerai ci-dessous. Une déclaration d’un maire de Saint-Etienne (Salichon en 1819 mais aussi Heurtier en 1851) semble issue directement de la lecture de A Smith et montre que le libéralisme économique, souvent accompagné du libéralisme politique, inspire une forte confiance en l’avenir. Un libéralisme politique toutefois tempéré par la crainte que les troubles ne compromettent les fortunes, ainsi la municipalité de gauche (plus exactement « de progrès ») élue en 1848 revient rapidement aux modérés après quelques émeutes. La prospérité est devenue pourtant plus aléatoire, les crises plus marquées. Tandis que la population continue de croître les ressources s’essouflent voire stagnent et les crises sont plus difficiles à amortir. Mais la municipalité, toujours confiante, persévère dans son effort d’équipement et engage des sommes très importantes jusqu’à ce qu’en 1865 le ralentissement soit patent.















































































Quelques données financières

A - De 1806 à 1830

populationoctroiR O Recette totaleD ODépense totale180618 035150 900185 518171 4511807150 900200 934175 7641808150 900220 214157 6731809136 300186 236179 3231810136 000188 073187 0861811140 000183 085181 8081812123 700176 417176 2231813166 000184 759183 0621814175 000226 573143 598195 5171815128 155153 793125 583153 7711816180 161163 7881817134 500153 727196 079127 822195 1541818207 660160 883170 126128 521167 4161819203 631190 031329 722136 253329 1861820194 507277 958136 867210 660182119 102233 860216 905234 755135 949254 1001822240 151219 836291 068135 447290 9801823232 716249 275142 085248 9151824270 910269 971347 803167 695347 4211825249 550289 721332 824162 477379 300182637 031264 547303 118393 574173 802345 6431827254 700175 171311 301225 172362 9651828330 360382 975466 733259 435474 2321829338 282434 825445 125287 620444 5631830313 237358 173602 992278 727562 380

B - De 1831 à 1849

populationoctroiR ORecette totaleD ODépense totale183133 064290 000343 049524 650268 897512 8481832190 000417 660661 774263 266649 8631833340 000479 211607 487379 599601 6471834339 700444 293544 410286 773441 3851835436 455494 166682 728270 008525 843183641 534461 007546 271727 271314 380467 2871837414 705487 869703 709319 017642 8261838466 641567 202690 950337 899546 0551839462 688578 055635 468353 944500 6341840484 281592 599693 780382 239607 734184148 554539 642663 225876 044395 672596 8951842498 304613 569865 370419 074679 8291843483 739602 8381 152 892409 3721 017 1011844464 404600 152789 564427 139603 9591845502 278648 2271 095 764485 072871 667184649 6141847534 022711 8701 098 184480 618866 0051848462 000609 887943 244400 241882 1871849462 000652 4371 059 700444 352903 068

C - De 1850 à 1870


populationoctroiR ORecette totaleD ODépense totale1850462 000665 9291 026 587449 605921 640185156 003576 000772 5261 179 668493 1621 045 5771852576 000800 0331 428 274495 9021 365 1691853576 000816 2701 465 938507 3441 166 2761854711 297945 8311 300 467470 5801 215 5731855736 391998 8121 425 319582 9131 258 248annexion des communes suburbaines en 1855185694 4321 064 0501 425 3032 260 813913 0981 997 19618571 052 6501 448 6852 294 392978 1761 969 50818581 158 0281 601 3022 762 0711 006 6351 997 11018591 257 6451 657 0463 302 6931 035 5902 227 23218601 101 0241 509 5484 005 6151 076 9643 113 239186192 2501 107 9501 488 1183 561 6311 065 7903 151 61718621 192 4611 518 8343 295 6951 082 6752 872 90118631 284 8571 619 0054 397 6201 103 7723 735 88018641 304 4711 664 5173 129 7241 149 7712 886 08618651 337 2841 725 3802 611 6331 099 1172 513 207186696 6201 350 1771 759 0522 213 9411 166 0482 175 99218671 384 5081 828 2212 239 2031 301 1722 241 69718681 453 7901 937 8272 356 3741 337 5642 196 05318691 548 5962 058 8922 599 3151 441 1162 373 92518701 502 9332 064 7912 512 9651 474 0312 328 204
RO recettes ordinaires ; DO dépenses ordinaires

Population en 1872 : 110 814


Recettes, dépenses, en constante croissance

La croissance du total des recettes est spectaculaire, à peine 445 000 F en 1817 et 4 millions en 1860, le maximum. Le million est dépassé en 1843 et après la création du grand Saint-Etienne le maire dispose de 2 260 000 F.

La gestion en est cahotique et, au début, à trop courte vue. Le but du comptable municipal est d’arriver à l’équilibre à la fin de l’année en comprimant les dépenses de toute nature pour dégager un excédent qui permet de financer l’indispensable. Les excédents sont versés à la Caisse de service, le maire peut y puiser avec autorisation du préfet, puis à partir de 1835 ils sont mis à disposition pour l’exercice suivant. La prudence est de mise, le déficit dans cette ville de commerce est une éventualité interdite autant que chez César Birotteau. Il arrive même qu’un maire se félicite du report ou de la non exécution de travaux, pourtant inscrits au budget, parce qu’ainsi il présente à son conseil un compte administratif bénéficiaire. Aussi on ne relève que 5 déficits entre 1815 et 70, et pour des montants modestes dont un seul en dépenses pour l’année 1867. Dans les années 1820-1850 l’excédent global est donc régulier, environ 100 000 F annuels (99 853 F en 1822), rarement moins. Ce n’est qu’à partir de 1853 (308 921 F en 1853) que les excédents deviennent à la fois plus importants, le plus souvent environ 400 000 F, mais irréguliers, signe d’une gestion orientée vers l’engagement de la commune dans des projets coûteux. Impossible de comparer les édiles de 1822 avec ceux du Second Empire. Les premiers lésinent sur le prix d’un hôtel de ville à 400 000 F qu’ils pensent régler rapidement alors que quarante ans après on finit d’apurer une note de presque 2 millions de F. Les seconds emprunteront des millions de F pour des travaux d’adduction d’eau qui seront achevés bien après leurs mandats mais en toute connaissance de cause, ils savent qu’ils reportent une partie de l’effort sur les générations qui en retour en bénéficieront.

Les recettes ordinaires constituent l’essentiel du total des recettes et la courbe de leur évolution est celle qui se calque le plus étroitement sur celle de la population. Comme l’octroi en est la source principale il est indispensable de savoir comment il fonctionne et ce qu’il peut rapporter.

L'octroi, un impôt inégalitaire, une facilité de financement.

« l’amélioration des recettes d’octroi est la condition principale et presqu’unique de celle de la situation financière de la ville » Faure-Belon 1859.

Accordé à la fin du XVIIe, renouvelé en 1780, l'octroi, dit « municipal et de bienfaisance »,  sur certains produits alimentaires, matériaux de construction, moyens de chauffage, bétail, est supprimé le 19 février 1791. Désastreuse à Saint-Étienne comme partout ailleurs, cette décision, qui prive la commune de l'essentiel de ses ressources, est rapportée le 24 février 1800. Une ligne d'octroi entoure à nouveau (1802/03) la ville et quatre communes contiguës. Dans le partage de la ressource Saint-Étienne perçoit la presque totalité (14/15 en 1813) des taxes. Pour compenser la rectification des limites communales faite à leur détriment en 1822-25, des tarifs différents sont alors établis, ils seront plus faibles à Outre-Furan, Montaud, Valbenoîte et Beaubrun qui sont alors séparés de la ville par une deuxième ligne d'octroi, intérieure, il existe ainsi un octroi de banlieue et un de ville. Ces communes utiliseront comme elles l’entendent leur ressource d’octroi.

Lors de l'annexion communale de 1856 ce curieux système de deux octrois pour la même agglomération est maintenu, bien qu'il encourage la fraude déjà facilitée par l'absurdité de certaines limites incontrôlables. La mairie s'en soucie constamment, ainsi le 30 décembre 1830 le maire déclare que « l'octroi est la principale et presqu'unique source de revenu de la ville […] des boulevards en entourant les avenues de la ville il deviendra plus facile aux employés d'en prévenir les entrées frauduleuses ». En effet, peu auparavant, à la Croix de Mission, il a fallu des coups de pistolet pour arrêter un fraudeur. A la fin du siècle le choix de la Croix de Beaulieu pour construire un poste de surveillance est ainsi justifié : « c'est un lieu où prennent naissance plusieurs routes qui aboutissent au Jardin des Plantes d'où la fraude pénètre aisément par les allées d'un endroit boisé […] ce point sur la montagne permet une observation étendue sur les deux versants ».

Les barêmes varient de même que la liste des produits taxés mais la recette de l'octroi dépend évidemment de la consommation urbaine ; elle réagit immédiatement au chômage, aux crises économiques, mais aussi à toute augmentation du niveau de vie. Ainsi pendant le Second Empire le maire exonère les matériaux de construction pour soutenir l’activité immobilière et gagner de futurs assujettis… Une partie de la progression des recettes d’octroi est certainement attribuable à un niveau accru de la consommation pendant cette première moitié du siècle en particulier après 1850. Inégalitaire, l'octroi pèse beaucoup sur les faibles revenus. Ses fluctuations toutefois sont inscrites dans une tendance bien lisible : au cœur du XIXe il a progressé et plus que doublé entre 1815 et 1870 passant de 6,75 à 15 F par habitant. Indice de la médiocrité des autres impositions l'octroi stéphanois est souvent plus élevé que dans des villes disposant de financements complémentaires ; en 1858 il est d'environ 20 F par habitant contre 17,8 à Lyon et 13 à Nantes.

La part de l'octroi dans les recettes a été assez constante et très importante. Quand il est rétabli son rendement est faible, en 1802/03 il ne rapporte que 40 000 F mais 150 000 en 1806. Le revenu net est inférieur après soustraction des frais de gestion (en 1824 ce reste ne couvre même pas les dépenses ordinaires) et du prélèvement de 10% opéré à son profit par l'Etat jusqu'à 1852. C'est l'essentiel des ressources de la ville, en moyenne 75%, jusqu'à 90% en 1815 et en 1822, ce taux baisse ensuite progressivement mais est encore à 75% en 1869 (Pendant les quelques années où il est mis en régie, 1848 à 53, le rendement est stable). Pour un indice 100 en 1822 le produit de l'octroi passe à 700 en 1869, pendant ce délai les recettes ordinaires de la ville, nettes, progressent de l'indice 100 à 1 000. A partir de 1859 la loi autorise un impôt sur la contribution immobilière dit "décimes d'octroi", 10 ou 5% du produit, pour financer des dépenses exceptionnellement élevées. Cela corrige un peu l’inégalité devant l’octroi et ce n’est pas négligeable : 110 000 F en 1860, 155 383 et 169 387 F en 1869. Aux recettes de l'octroi il faut ajouter aussi celles des saisies de marchandises, celles des nombreuses amendes, surtout quand le personnel est intéressé à leur produit. Ainsi le renfort de deux postes supplémentaires de contrôle à Montaud en 1835 fait passer de 33 618 à 52 206 hl la quantité de vin contrôlée !

L'octroi dans les recettes ordinaires (1822- 1851 - 1869)

Recettes ordinaires
brutes
nettesDont octroi % octroi/R ordinaires1822240 151 F203 24185%1851772 526672 870576 000( régie)74,518692 058 8921 820 6761 548 59675
(les recettes ordinaires brutes sont fournies par les impôts et taxes dont l'octroi. Déduction faite des frais et de divers prélèvements elles sont nettes ) 1822 source : le budget préparé en 1821

De multiples taxes ont été perçues en complément mais elles ne rapportent que d'infimes sommes : taxe sur les chiens, droits d'abattage des animaux de boucherie ; location d'emplacements de marché ; produits du domaine communal (l'ancienne mairie est vendue en 1827 pour environ 100 000 F) ; coupes de bois (8 000 F en 1869) ; revenus de la Condition des soies de 1808 à 1861 lorsqu’elle est gérée par la ville ; permis de chasse ; vente de parcelles riveraines du bief du Furan, etc. Les produits financiers (placements et intérêts de prêts), négligeables au départ, seront plus rémunérateurs en fin de siècle.

Les centimes sur les contributions foncières et immobilières n’assurent que peu de ressources supplémentaires de même que ceux sur la patente ainsi que, votés ultérieurement, les centimes pour les chemins vicinaux et l’enseignement primaire, soit 4 % au début de la période et seulement 7 % à la fin du Second Empire.

Le budget ordinaire en route vers le déséquilibre ?

De 234 000 F en 1822 les recettes ordinaires montent au million en 1855 puis 1,4 million en 1856 et culminent à 2 millions en 1869 ; défalcation faite des frais de gestion et d’exploitation les recettes nettes varient de 75 à 85 % des recettes brutes. Cela se traduit aussi par une pression accrue sur les contribuables : par habitant on passe d’environ 10 F en 1831 à 20 F en 1869.

Ces recettes règlent d’abord les dépenses ordinaires et ces dernières progressent plus vite, de 127 822 F en 1817 elles sont à 582 960 en 1855, le million est atteint en 1858 et on dépense 1,4 million en 1869. Calculé en indice cela dépasse un peu la progression des recettes ordinaires. Par habitant elles triplent presque entre 1822 et la fin de la période, de 5,4 F à 14,5 en 1869 (13 en 1870) : faire fonctionner la ville coûte de plus en plus cher. A la différence des recettes ces dépenses connaissent des oscillations marquées, soit que des crises aient affaibli pendant un an ou deux les ressources, soit que la volonté d’épargner ait poussé à économiser en les rognant au maximum.

C’est l’administration et le règlement des traitements et salaires qui en constitue la plus grosse part, toujours aux environs de 30 %, l’entretien courant des bâtiments représente 15 à 18 %. Sous le Second Empire des services nouveaux sont mis en place et les bureaux se développent notamment l’état-civil, l’architecture, le service des eaux et égouts, la police, de nombreux employés sont recrutés. Avec des dépenses de chauffage éclairage qui augmentent, les frais d’administration croissent très vite. Au total en 1869 le fonctionnement de la ville absorbe jusqu’à 70 % des dépenses ordinaires (70 000 F)

Jusque vers 1840 les frais d’exploitation (achats, achats de matériaux, locations, entretien, impôts assurance, prélèvement par l’Etat) pesaient plus que ceux de l’administration (traitements, frais de bureau), la ville commençait de s’équiper mais ne proposait encore que de modestes services. L’administration municipale se développe ensuite et le maire, Faure-Belon, reconnaît en 1856 que « les services municipaux s’étendent et se compliquent ». Certaines dépenses progressent alors moins vite que ne le fait la population, en particulier les traitements du personnel et les frais de bureau, ou le service d’incendie. D’autres dépenses apparaissent, inconnues jusque là, et croissent au contraire rapidement, l’enlèvement des boues et cendres, l’éclairage, l’entretien des jardins publics, la police. Enfin pavage, trottoirs, égouts, adduction d’eau - l’eau avant 1840, les égouts au milieu du siècle, les barrages à la fin du Second Empire - et nouveaux bâtiments publics accélèrent encore plus la croissance de ce type de dépense. De 2,5 F par habitant en 1822 on quadruple en 1869 avec 10 F. Le gros bourg artisanal devient une grande ville moderne.

Au second rang les établissements de charité, l’hospice, le bureau de bienfaisance les secours occasionnels augmentent en valeur absolue mais diminuent en pourcentage du total : 36 000 F en 1822 soit 26 % des dépenses ordinaires et 45 000 F en 1855 qui ne font plus que 11 %. Dans leur vie quotidienne les Stéphanois, comme tous les autres Français, côtoient la misère mais s’ils sont à l’occasion charitables ils n’en manifestent pas moins une certaine indifférence aux malheurs des autres, le siècle est dur. Le chapitre que nous dirions « culturel » est encore moins bien traité. L’éducation et les nouveautés que sont le théâtre, le musée, la bibliothèque émargent mais pour bien peu. Cependant l’instruction primaire est relativement épargnée. Un seul repère montre la modestie de ce chapitre, en 1870 l’ensemble « culturel » ne coûte que 2,5 F par habitant !

Les dépenses extraordinaires sont de mieux en mieux alimentées, d’abord par les excédents puis par le recours à l’emprunt. Et leur affectation aux travaux d’édilité presque totale, car même les secours occasionnels, ainsi aux ouvriers nécessiteux, se traduisent par l’ouverture de chantiers, l’effort le plus important pour ces derniers se situant en 1848 ce qui n’est pas une surprise. Elles ne sont considérables qu’à partir de 1840, soit 4,6 millions de F jusqu’à 1855 et s’envolent ensuite avec 13,4 millions de 1856 à 64.

En fait l’analyse des comptes est quelque peu compliquée par une pratique qui ne disparaîtra que peu à peu, celle des recettes et dépenses supplémentaires intégrées au fur et à mesure en cours d’année ou qu’il faut à l’occasion reporter sur les exercices suivants. La pratique du budget supplémentaire régularisera cette gymnastique comptable parfois brouillonne sinon incompréhensible. Par exemple des secours pour « soulager les indigents » ; des factures règlées en retard par les débiteurs de la mairie ; les recettes « pour ordre » des riverains s’engageant à payer égouts et pavés dont les travaux sont eux aussi inscrits « pour ordre ». Mais les contribuables ne règlent qu’avec plus ou moins de retard, ou ne payent pas ! Le comptable se débrouille comme il peut avec de longues listes de recettes en attente et des paiements qu’il échelonne au mieux pour équilibrer quand même son budget d’où quelques paradoxes de budgets d’abord en excédent puis recalculés avec déficit par suite de ces reprises de comptes antérieurs. Sans oublier quelques irrégularités, comme des travaux payés sur des comptes d’assistance par exemple, cela reste toutefois minime. Un cas exceptionnel enfin est celui des réparations aux couvents pris d’assaut lors des émeutes d’avril 1848. La condamnation de la ville en 1851 l’oblige impromptu à se procurer 554 525 F par un emprunt et une imposition extraordinaire des contribuables les plus aisés jusqu’en 1853. Ces accidents, ces difficultés de lecture et les erreurs qui en découlent ont toutefois peu d’incidence sur l’interprétation à long terme des comptes municipaux dont les grandes masses sont peu sensibles à des sommes au final de peu d’importance.

La priorité : des équipements, des bâtiments publics

Selon A Martourey de 1815 à 1870 les dépenses d’urbanisation (voirie-bâtiments-équipements-eau-égouts) s’élèvent à 26 millions de F soit 45 % des dépenses totales qui atteignent 58 millions de F. De sommes modestes au début on passe de 1840 à 1855 à un total de 4,6 millions de F qui est investi, non compris les annuités des emprunts ni leur remboursement en capital. Mais c’est la période impériale qui est la plus gourmande avec 71 % de ce total, 17 millions, surtout après 1856. Les travaux d’édilité entre 1855 et 64, soit 13,4 millions, dépassent plus d’un million par an, l’équivalent de la moitié des recettes ordinaires. La Restauration n’y a consacré que 120 000 F par an, la Monarchie de Juillet 220 000 F annnuels contre presqu’un million pendant le Second Empire. En bénéficient au maximum les équipements collectifs dont le principal est la fourniture d’eau par l’aqueduc du Furan, les adductions d’eau en ville puis les barrages. La ville devient un grand chantier d’où surgissent pour la grande satisfaction des Stéphanois de nouveaux bâtiments publics. Elle n’a guère connu d’époque aussi active dans ses transformations, pourtant il manquera encore bien des équipements avant l’ultime effort consenti entre 1870 et 1914.

Quelques crises ont interrompu cette croissance mais ne l’ont jamais remise en cause. Pour l’essentiel elles sont dues à des causes générales, difficultés politiques nationales conjuguées à une crise économique. Des troubles locaux, agitation ouvrière voire émeutes, sont à l’origine de celles de 1831, de 1832-34 puis de 1848-49, vite résorbées par la reprise de la production textile, de l’armurerie, du charbon et du fer. En 1860 des investissements coûteux et des emprunts coïncident malheureusement avec une baisse de la production et donc des recettes fiscales. 1865 voit une répétition du scénario et il faut recourir à des taxes et impôts exceptionnels, à l’abandon provisoire de dépenses pour l’adduction d’eau. Le maire prévoit un déficit de 142 000 F. En réalité il est constaté après l’exercice un bénéfice de 20 000 ! la reprise de l’activité a été assez rapide pour que la consommation augmente, que les recettes suivent et dépassent les prévisions pessimistes du maire. Il n’en reste pas moins prudent et décide de freiner les travaux en cours.

De 1820 à 1870 rappel de quelques données et ratios par habitant


octroirecettes ordinairesrecettes totalesdépenses ordinairesdépenses totalespopulation1820233 860 F
12,3216 925
11,5 F/h254 755
13,4135 949
7,1254 100
13,319 1021830313 237
9,5358 173
10,8602 992
18,2278 727
8,5562 380
1733 0641840484 281
10592 599
12,3693 780
14,4382 239
8607 734
12,648 5541850576 000
10,3772 526
13,81 179 668
21493 162
91 045 577
18,756 00318561 064 050
11,31 425 303
152 260 813
24913 098
9,71 997 196
21,194 43218651 107 950
121 488 118
16,13 561 631
38,61 065 790
11,63 151 617
34,196 62018701 502 933
13,62 064 791
18,62 512 965
22,61 474 031
13,32 328 204
21110 814
en 1872
9,5 F par habitant ratio le plus bas
15,6 F par habitant ratio le plus élevé

Cet effort est le résultat d’une gestion très économe au début, ainsi en 1822 l’excédent assure directement 70 % des dépenses ; entre 1855 et 69 l’autofinancement ne fournit plus en moyenne que 40 % et l’octroi sert plutôt à garantir les annuités des emprunts qu’à abonder directement la ligne des dépenses. D’autres moyens de financement sont loin de fournir autant de ressources, par exemple la participation des propriétaires riverains aux travaux de voirie et égouts ; l’Etat ne subventionne pas ou si peu (par ex. 19 000 F pour les lavoirs mais quand même 100 000 alloués au cours Fauriel pendant l’Empire), sa participation de 500 000 F pour les barrages est dérisoire. Enfin si à l’occasion sont votés des centimes extraordinaires pour un investissement précis, et d’un coût minime, la municipalité ne peut en abuser. En 1832 il a fallu établir des centimes exceptionnels sur les contibutions directes que paient les citoyens les plus riches. Votés pour 5 ans, afin de rétablir une situation financière dégradée par la crise (la ville ne peut rembourser que 100 000 F sur sa dette de 650 000) et par les secours aux ouvriers, ils ont été mal acceptés et supprimés en 1834 dès l’amorce d’une reprise des affaires.

Le moyen de s’en sortir ? emprunter.

L’emprunt pierre de touche de la politique financière

L’utilisation de cette facilité de gestion reflète encore plus fidèlement l’évolution de la politique financière de la ville que ne le fait l’ensemble du budget. Après des débuts hésitants voire maladroits et un recours tardif aux emprunts les maires se hasardent plus volontiers. Les communes empruntent des sommes modestes à des particuliers puis, devant la nécessité, le pouvoir central autorise l’emprunt sous condition d’un accord du Ministre de l’Intérieur et de sa dévolution aux investissements. Deux organismes jouent un rôle capital, la Caisse des Dépôts et Consignation (1816), le Crédit Foncier de France (1852). Rassénérés par une heureuse pratique et une bonne conjoncture économique les édiles accumulent alors les dettes jusqu’à ce que la prudence vienne ralentir cette longue progression.

Au début il est rare d’emprunter, question de mentalité - il faut éviter les dettes - question de confiance - les prêteurs sont méfiants suite à de mauvaises surprises. Quand il faut financer la construction de la Condition des soies en 1818 sept négociants acceptent en un premier temps d’avancer 45 000 F au taux élevé de 6 % puis à la suite de retards administratifs et de retards dans le chantier ils renoncent (leurs raisons ne sont pas vraiment connues). L’opération se fait malgré tout, la ville trouve d’autres prêteurs mais aura du mal à rembourser et ne se libère qu’en 1832. Echaudé le maire attend 1827 pour l’emprunt suivant ; il est accordé en 1828, pour les indispensables travaux d’adduction d’eau soit 300 000 F à rembourser en dix ans. La crise de 1830, contrairement à ce qu’on craint, n’affecte pas les échéances, heureuse surprise.

Voilà qui, joint à la nécessité d’emprunter pour accepter les 550 000 F du legs Jovin-Bouchard (voir quelques détails de l’affaire en annexe) car il est insuffisant pour en réaliser les nombreux travaux d’édilité, encourage à poursuivre dans cette voie. Même si le maire, Deprandière, doit démissionner quand il est désavoué par son conseil lorsqu’il préconise un emprunt de 1,8 million de F pour complèter le legs. La somme trop considérable a effrayé des conseillers timorés, ceux du parti « stationnaire », comme dit le préfet, attentifs aux dépenses. D’ailleurs la loi de 1840 en limitant la durée des prêts à 12 ans ne permettrait pas de dépasser 6 à 700 000 F pour l’emprunt, selon les opposants, compte tenu des faibles excédents annuels affectés aux remboursements. Deprandière, du clan « le progrès », interprète mieux les intentions du légataire : avoir de l’ambition pour la ville, quitte à prendre quelques risques et au prix d’un aménagement des clauses. C’est ce que les deux coteries acceptent par le compromis de 1843, un emprunt s’ajoutera au legs.

La loi de 1840 est un repère majeur. Dans ses attendus le Ministère déclare que « enchaîner l’avenir n’est au pouvoir de personne » ce qui conforte les hésitants. Encore en 1852, au conseil du 15 juin, Peyret-Lallier (maire de 1831 à 35) affirme que « l’économie […] est le seul moyen efficace d’améliorer la situation financière ». Il préconise une meilleure utilisation de l’octroi qu’il ne faut pas affermer mais bien surveiller, il irait jusqu’à baisser les tarifs pour accroître la consommation. Il explique qu’avec des centimes exceptionnels on peut faire lentement mais sûrement ce qui coûte le double en emprunts à cause des intérêts ; il faudrait renoncer à la « ressource décevante du crédit ».

Il n’est pas écouté. Rassurée par la bonne santé économique de la ville, confiante dans la rentrée régulière de l’octroi et misant sur la capacité d’épargne des Stéphanois, la municipalité à partir de ces années 1840 multiplie les emprunts mais leur volume ne croît qu’après l’absorption des communes rurales en 1856 jusqu’à la pause de 1865.

Dès 1841 le collège est meublé par un emprunt de 80 000 F. Les « capitalistes » n’offrant pas de meilleures conditions que la Caisse des Dépôts c’est cette dernière qui va alimenter les caisses jusqu’aux années 1855. L’emprunt suivant, 900 000 F, est réalisé au fur et à mesure du règlement des travaux ce qui permet d’échelonner les remboursements, ainsi 450 000 F affectés à la caserne sont débloqués en trois tranches de 1846 à 55. A la veille du Second Empire le montant total atteint 2 377 000 F.

L’échelle change après l’unification de l’agglomération, le nouveau Saint-Etienne nécessite, rang préfectoral oblige, des travaux d’utilité publique d’importance sans oublier le prestige de promenades et monuments. Comme l’économie paraît toujours florissante le maire se sent solide financièrement. Dès 1855 150 000 F sont empruntés pour un délai inhabituel de seulement 4 ans et demi. L’avantage est de ne payer que 31 000 F d’intérêts, la ville rembourse aisément le capital. Sur le total de 8 177 000 F empruntés entre 1824 et 63 71% le sont entre 1858 et 1863 mais la période 1840 -55 ne démérite pas avec 23% du total et un énorme effort annuel.

L’optimisme que je souligne ci-dessus est confirmé par l’emprunt de 1856 dont l’objet n’est pas détaillé mais concerne les travaux d’urbanisme ; le maire décide de l’offrir en 600 obligations de 1 000 F à 5 % avec des délais de 6,7 et 8 ans. Le public souscrit volontiers. Le même processus est utilisé plusieurs fois ainsi en 1858 pour 439 000 F le reste étant obtenu à la Caisse des Depôts pour monter aux 900 000 F du total. En 1864 et 1865 600 000 F de l’emprunt de 2 millions, autorisé en 1863, sont financés pour les deux tiers par les Stéphanois - 45 % du nombre de souscripteurs - dont beaucoup de petits souscripteurs. Tout en montrant une certaine indépendance vis-à-vis de la Caisse des Dépôts la ville offre aux petits épargnants une avantageuse opportunité de placement. C’est habile politiquement. Ce qu’a déjà prouvé l’emprunt de 2,3 millions de F en 1859 dont la première tranche (673 obligations de 1 000 F) est surtout enlevée par de petits souscripteurs tandis que les gros souscripteurs, plus de 20 000 F chacun, ne prêtent que 20 % de la somme.

Pour l’emprunt de 2 millions affecté aux travaux d’adduction d’eau le maire a essayé de revenir aux obligations pour les particuliers qui acceptent des taux moins élevés et une durée de dix ans, mais avec un succès limité. L’emprunt pèse de plus en plus dans la dette municipale, les remboursements à la Caisse des Dépôts sont étalés jusqu’à 1870 et pour des sommes importantes, 338 000 F annuels. Cette nouvelle gestion de l’emprunt entraîne une charge accrue pour les habitants. Entre 1855 et 1864 les Stéphanois doivent un capital de 3 millions de F et 1,3 million d’intérêts ; en 1865, date décisive en la matière, pour 2,6 millions de recettes totales il faut payer 900 000 F de charges de la dette. L’excédent moyen entre 1861 et 64 n’étant que d’un peu moins de 500 000 F même avec trois impositions exceptionnelles le comptable n’a que 700 000 pour régler la note. Par habitant on est passé de 38 F en 1854 à 74 en 1863, un doublement dangereux. Certes de semblables écueils avaient été franchis plusieurs fois auparavant, en 1831, en 1841, en 48 par exemple, mais le maire inquiet décide de marquer une pause « il faut s’interdire toute dépense nouvelle » pour deux ans déclare-t-il. Le tableau des engagements de la ville confirme son diagnostic, le point bas sera atteint en 1871 loin du dangereux sommet de 1865 ce n’est « qu’une gêne momentanée dit-il. Ce qui explique, en 1869, son souhait de souscrire un emprunt de 1 700 000 F (la guerre le stoppera) même s’il reste une ardoise de 6 millions de F à régler. Une grande ville ne peut pas se passer de la dette qui devient un élément normal de la gestion et une des conditions de sa croissance.

Nous sommes loin, très loin, de ce que pensaient, vingt ans avant, des édiles comme Peyret-Lallier ou même Royet. Mais on n'abandonna qu'à regret la bonne règle du commerce : on investit une partie des bénéfices, on alimente la trésorerie en économisant.

Le pessimisme affiché par Faure-Belon en 1865 n'est qu'un excès circonstanciel de prudence. Faire fonctionner la ville coûte de plus en plus cher, deux fois plus en 1870 que cinquante ans auparavant. Cependant, grâce à l'emprunt et à la demande des entrepreneurs, les maires ont admis, lentement et difficilement, que la satisfaction des besoins collectifs était indispensable à la croissance d'une grande ville industrielle et que reporter des travaux indispensables était plus coûteux à terme que d'emprunter. Ce furent des années cruciales, notamment pendant le début du Second Empire, et un effort considérable donna à la ville une physionomie qu'elle n'a abandonnée qu’après la seconde guerre mondiale. Faure-Belon déclare en 1861 : « Nous laisserons à nos successeurs beaucoup plus de biens qu'ils n'auront de dettes à payer ». N’oubliant pas sa campagne électorale il s’inscrit dans la lignée des édiles vertueux en reconnaissant en 1865 : « on a peine à expliquer aujourd’hui qu’avec d’aussi faibles moyens la municipalité ait pu subvenir à tout ce qu’elle a accompli de 1820 à 1830 ».



Les emprunts de 1824 à 1865

datemontantréalisationduréetauxprêteurs182437 000 F6 %particuliers1828300 0001829 : 240 000
1832 : 60 0004,5 %C. D (1)184180 000 5ans 2 mois4,5 %C.D1842900 0001843 : 350 000
1845 : 100 000
1849 : 100 000
1851 : 130 000
1853 : 220 00012 ans
5 ans
4 ans
4ans 10 mois
6 ans4,5 %C.D1843450 0001846 : 200 000
1850 : 150 000
1855 : 130 00011 ans
5 ans
4 ans4,5 %C.D1853300 0009 ans4,5 %C.D1855150 0004 ans 7 mois4,5 %C.D1856600 0006 - 7 - 8 ans5 %particuliers1858900 0001858 : 439 000
1860 : 461 0002 - 7 ans
5 %
4,5 %particuliers
C.D18592 300 0001859 : 673 000
1860 : 539 000
1861 : 750 000
1862 : 338 0005 à 7 ans
7 ans
8 ans 9 mois
10 ans5 %
4,5 %particuliers
C.D
C.D
particuliers18632 000 0001863 : 1 400 000
1864 : 400 000
1865 : 200 00012 ans
10 et 11 ans
6 ans4,5 %C.D
particuliers
particuliers
(1) C.D : Caisse des Dépôts et Consignations
Source : archives municipales 2 l et 9C 

Affectation de ces emprunts

1824 : Bourse et condition des soies 37 000 F 1853 : théâtre 300 000 ; travaux 220 000
1829 : adduction d’eau 240 000 1855 : caserne 100 000 ; travaux 150 000
1830 : Mont de Piété 100 000 ; secours 60 000 1856 : travaux 600 000
1832 : eaux 60 000 1858 : travaux 439 000
1841 : mobilier 80 000 1859 : eaux 673 000
1843 : travaux 350 000 1860 : eaux 539 000 ; travaux 461 000
1845 : collège 100 1861 : eaux 750 000
1846 : caserne 200 000 1862 : eaux 333 000
1849 : travaux 100 000 (secours) 1863 : eaux 1 400 000
1850 : caserne 150 000 1864 : eaux 400 000
1851 : travaux 130 000 1865 : eaux 200 000


Les engagements annuels de la ville de 1865 à 1875

emprunts18651866186718681869187018711872187318741875total1858 tirage 1347 475amorti347 5751858 tirage 2 18 000409 000amorti427 0001859 tirage 1175 200 239 400amorti414 6001859 tirage 2115 75013 500306 750amorti436 0001859 tirage 333 75033 75033 750278 125266 875255 625amorti901 8751859 tirage 415 21015 11015 21015 21015 21015 21015 210345 605amorti452 075186232 39732 39732 39732 39732 39732 39732 39732 39732 39732 39732 397356 3691863 tirage 194 50063 00063 00063 00063 00063 00063 000356 250342 750329 250511 2502 012 0001863 tirage 227 00018 00018 000 18 00018 00018 00018 00018 00018 000213 500201 500589 000sous total emprunts859 282824 257469 107406 752395 482384 232128 607752 252393 147575 147748 1475 936 391total avec les divers884 382852 357614 207533 082417 332451 742380 607752 252393 147575 147748 1476 602 405

Les divers comprennent : un emprunt de 200 000 F non encore engagé en 1865 prévu jusqu’à 1871 ; une annuité aux hospices jusqu’à 1869 ; idem pour l’église Sainte-Barbe ; une indemnité à l’église Sainte-Marie ; 100 000 F dûs à MM Lassaigne (cours Fauriel) ; annuités et indemnité pour un achat d’immeuble ; l’achat du presbytère de Montaud ; l’achat de terrains pour une école, le boulevard du Nord, la Manufacture d’armes.
Le total pour 1871 tient compte de la fin prévue à cette date du prêt de 200 000, les annuités ne sont pas prises en compte de 1865 à 1870
Pendant les dix années précédentes l’emprunt a coûté 1 281 330 F en intérêts et 3 046 314 F en capital soit 4 327 645 F

Source : rapport de Faure-Belon au conseil municipal le 11 mai 1865
Une nouvelle façon de gérer

En septembre 1855 Faure-Belon rappelle que la réunion des communes rurales, aux ressources insuffisantes mais aux besoins grandissants, va accroître les difficultés financières de la ville. Le transfert de la préfecture impose au surplus des dépenses considérables et urgentes. Le rendement de l’octroi, incertain et excluant qu’on puisse encore en espérer des ressources supplémentaires, il vaut mieux recourir aux emprunts et demander pendant quelques années un impôt supplémentaire de 10% des contributions directes pour aider au financement des 1,2 million de F en dépenses extraordinaires prévisibles. Mais la ville doit déjà 3 420 230 F en cinq emprunts à la Caisse des Dépôts (2 455 000) et trois emprunts en souscription auprès du public (950 000) plus 15 230 divers ; pendant 9 ans il faudra verser des annuités d’environ 250 à 300 000 F. C’est dire que la plus grande prudence est envisagée et que les emprunts ne seront utilisés que par tranches nécessaires aux travaux effectivement en cours. La politique d'emprunt est désormais bien engagée.

le budget et le compte administratif de 1856

Comment le budget a-t-il été exécuté ? Le compte administratif de 1856, donne la situation au 31 mars 1857 : les dépenses ont été maîtisées, parfois habilement repoussées voire, pour quelques unes, annulées ; les recettes étaient sous-estimées et c’est heureux car les emprunts sont freinés par l’Etat. Au total le budget permet de payer l’indispensable ou le plus urgent et il dégage donc un assez fort surplus pour continuer pendant les exercices suivants.

Les recettes ordinaires sont en effet plus élevées que prévu, surtout pour l’octroi qui rapporte 1 063 451,24 brut et 939 373,28 net au lieu des 930 000 brut prévus en 1855. C’est 75 % des recettes ordinaires qui s’élèvent à 1 425 303 F (la Condition des soies rapporte 74 923 F).

Les recettes extraordinaires (588 953 F) comportent bien les 72 000 F d’imposition supplémentaire et même une ancienne imposition qui sert à rembourser un emprunt datant de 1848. Mais l’emprunt de 1,2 million de F a été ramené à 800 000 puis fixé par le Ministère à 600 000 F. Il n’est réalisé que partiellement en obligations de 1 000 F placées dans le public, au taux de 5 % et échéances jusqu’à 1862-64. Faute d’un accord avec les héritiers Jovin il n’est rien reçu de cette autre source de financement. 

Les recettes exceptionnelles et supplémentaires vont s’y ajouter, d’abord avec l’excédent de 1855 (192 138 F) puis diverses ressources de poche qui les portent à 246 557 F.

Les dépenses ordinaires sont inférieures à la moitié des dépenses totales et les frais administratifs (310 126 F) en dépassent le tiers. Au passage on relève que la police en absorbant 105 000 F constitue, après les frais de perception de l’octroi, la ligne la plus importante. Assurer les charges et l’entretien des biens de la ville coûte beaucoup plus (346 480 F) notamment pour l’éclairage (74 000 F) les fontaines et les promenades.

Le chapitre consacré au social, à l’enseignement, la culture et les cultes est le plus faible (236 491 F ou ¼ des dépenses ordinaires) et ce sont les hospices avec le bureau de bienfaisance qui reçoivent la meilleure part (80 000F). Si on y ajoute les secours divers, les enfants trouvés, les indigents et aliénés on arrive à la moitié de ce type de dépenses. Le reste compte peu, à part les 11 000 F pour le théâtre alors que la bibliothèque, achats et salaires compris, ne coûte que 2 700F. Les imprévus, 20 000F, complètent le total.

Budget de 1856

1856recettesdépensessoldeOrdinaires1 425 303,07
dont 75 % d’octroi913 098,13512 204,94Extraordinaires588 953,05552 115,6136 837,44Supplémentaires246 557,31531 982,57- 285 425,26Total Ext et Supp835 510,361 084 098,18-248 587,82Total2 260 813,431 997 196,31263 617,12
Il s’agit d’un bilan de caisse qui ne prend pas en compte les non valeurs et les restes à payer (370 000 F) ou encaisser (155 000 F) ainsi qu’une réserve de 19 000 F attribuée au Préfet
La population vient de passer de 56 003 habitants à 94 432 avec les quatre communes rurales.


Le maire fait remarquer qu’environ 500 000 F de travaux c’est « assez élevé pour une année peu prospère ». Aussi le report d’un an pour la couverture du Furan sur le cours Saint-André (V Hugo) - l’architecte Exbrayat est décédé - ne le chagrine pas ; au contraire, cela supprime aussi la construction de lavoirs en remplacement de ceux qui auraient disparu le long de la rivière. Le seul projet qu’il regrette c’est le report de la construction de l’hôtel de préfecture au clos Giraud suite aux chicanes dans l’affaire du legs Jovin. Faure-Belon conclut  «  rien ne presse d’emprunter ».  Surtout que le service de la dette consomme 48% des dépenses extraordinaires (265 871,92 F sur 552 115,61) ce qui est vraiment élevé.

Le reste des dépenses extraordinaires est réparti en achats de matériel, indemnités diverses, construction d’une école et 25 000 F pour l’aménagement de l’hôtel de ville qui doit loger la préfecture. Comme il est habituel ce sont les 531 982 F de dépenses supplémentaires, presqu’égales aux précédentes, qui retracent dans une très longue liste la multitude des engagements de la municipalité et les décisions prises au fur et à mesure du déroulement de l’année, une pratique du pilotage à vue qui dépassera largement la fin du siècle. La facture la plus importante est celle de l’hôtel de ville (détaillée entre 74 fournisseurs !) soit 100 096 F ; le reste se partage entre les égouts, les pavés, les fontaines, les réparations, les chemins, les achats de terrain etc. En conclusion le maire tient à donner au public des informations détaillées sur «  les sources et l’emploi des deniers publics ». 

Si sa gestion dégage un excédent non négligeable c’est qu’en fin de compte, surtout au regard de nos critères actuels, une extrême prudence s’est exercée entre retenue sur les dépenses, freinage des emprunts et reports de gros travaux. L’absorption des communes rurales n’a qu’une répercussion des plus minimes, la préfecture reste en projet, seul l’hôtel de ville engage à des dépenses nouvelles.

Le volontarisme des années 1860

Quatre années plus tard le compte administratif de 1860, du même Faure-Belon, témoigne d’une gestion plus hardie. Il est impératif de pourvoir la ville en eau. Cela impose des travaux considérables car sans abondance et sûreté des approvisionnements l’industrie est menacée, sans oublier la vie quotidienne des Stéphanois toujours plus nombreux.

Le budget est préparé dans les années précédentes par des emprunts et des mesures d’économie, si on peut dire… car l’impressionnant excédent de 1859 (1 075 461,25 F) c’est à dire environ une année d’octroi ! est en fait un trompe l’œil qui résulte de 980 442 F d’impayés ce qui le réduit, au sens comptable, à 190 439 F. Cela va pourtant fournir 43% des recettes exceptionnelles et supplémentaires de la ville mais repousse en une fuite en avant le paiement sur les budgets à venir. Une démarche qui pourrait être risquée dans un autre contexte, en effet l’octroi montre ses limites, avec 1 101 024 F il est un peu inférieur à celui de 1856. Le reste est constitué par des emprunts élevés puisque Faure-Belon engage la ville pour 2 300 000 F non utilisés totalement il est vrai.

Le projet des eaux a été chiffré à 3 190 000 F dont 1,3 million pour le barrage du Gouffre d’enfer. L’Etat devrait le financer aux deux tiers en vertu de la loi de protection contre les crues votée en 1858 soit 610 000 F mais ne verse que 570 000 F (ce calcul concerne uniquement un barrage de protection des crues or la ville veut aussi de l'eau potable et industrielle donc un barrage plus important). Il faut trouver pour cela 2,6 millions de F. En renonçant à un nouveau système de distribution de l’eau trop onéreux 2,295 millions suffiraient ; puis le maire accepte ces 2,6 millions comme contribution de la ville. Las le coût du terrassement augmentant on atteint bel et bien 3 millions et avec les frais annexes environ 4,5 !

Par contre les recettes extraordinaires font appel aux Stéphanois conviés à un effort supplémentaire, avec le décime d’octroi et un impôt de 5% sur les contributions, affecté au « projet des eaux ». On y ajoute un emprunt pour les eaux (539 000 F) le reste de l’emprunt pour l’eau de 1858 (461 000) soit une forte progression par rapport à l’endettement précédent.

Le compte administratif de 1860

1860recettesdépensessoldeOrdinaires1 509 548,59
dont 73% d’octroi (1 101 024)1 076 964,4432 584,19Extraordinaires1 258 066,06
dont 1 075 461,25 d’excédent reporté1 249 968,098 097,97Supplémentaires1 238 001,23786 306,88451 694,35Total ext et supp2 496 067,292 036 274,97459 792,32Total4 005 615,883 113 239,37892 376,51
Les recettes ordinaires diffèrent peu des sommes habituelles car si les centimes (20 600) et la patente (32 141) rapportent un peu plus, l’octroi faiblit et frais déduits il reste 984 576 F.


Les dépenses ordinaires augmentent peu par rapport aux exercices antérieurs, ni leur structure. Les affectations en pourcentage sont équivalentes : 32% aux fonctionnement, 20 à l’entretien, autant pour le nettoiement, l’éclairage etc, 24 pour les secours, hospices, instruction publique, beaux-arts (une école neuve pour 68 044 F ; le théâtre revient à 15 240 F).

La grande affaire ce sont les dépenses extraordinaires. Il faut débourser 392 902 F pour le service de la dette ; par mesure d’économie on supprime 167 000 F destinés à des bains et lavoirs publics remis à des jours meilleurs… Elles comportent ensuite sur leur total de 1 249 968 F les travaux du projet des eaux (714 185 F mais 736 314 sont annulés sans emploi !). De même on reporte 110 000 F (voûte du Furan) et 200 000 (terrains des Ursules) cependant la place Marengo est embellie (40 000 F). Il faut ensuite au cours de l’année payer des reports des années antérieures (378 435 F ) puis des travaux nouveaux ou des chantiers en cours prévus au budget (Fauriel, Hôtel de ville, Ecole de dessin) ; avec 98 232 F d’imprévus les dépenses exceptionnelles totalisent plus de 2 millions de F.

Le bilan est étonnant puisqu’il établit au 1er mai 1861 un excédent de 892 376,51 F… Ce sont des apparences. On voit que, malgré des dépenses imprévues, les aléas des chantiers et les reports volontaires de travaux ont écrêté les dépenses et amorcé un étalement qui précède un effort tout aussi considérable pour le deuxième barrage au Pas du Riot. Ce sont les inconvénients d’un budget annuel qu’on doit voter en équilibre ou à balance positive et d’une utilisation abusive des modifications budgétaires en cours d’exercice. Est-ce un habile moyen pour lisser l’effort d’investissement sur plusieurs exercices ? Mais il y a aussi des erreurs dans la gestion, des surprises, heureuses comme en 1865 qui dégage un excédent au lieu d’un déficit, assez souvent malheureuses. C’est peut être inévitable car la maîtrise du budget n’est pas vraiment assurée. Comment justifier, entre autres exemples, qu’une grande partie des excédents provienne souvent d’emprunts encaissés sans utilisation immédiate, parfois par pusillanimité ?

La guerre n’interrompt pas cette pratique financière et on peut observer que les budgets depuis 1865 ne diffèrent pas sensiblement de ceux établis dans leur prolongement entre 1870 et le début des années 1880.

Mais auparavant il est temps de dresser un rapide état des lieux : comment la ville s’est elle transformée grâce à cet important effort de financement (auquel ont participé évidemment les propriétaires privés qui ont de même beaucoup investi pendant ces années là.) ?































Les années décisives, la fondation d'une nouvelle ville. 1790 -1840

« Neaulieu est à cette époque une ville chétive, à peine une bourgade, tout juste un chef-lieu. Une cité sans urbanité, un territoire sans histoire, une densité sans forme ».
J N Blanc « L’inauguration des ruines » (Ed. Losfeld 2013)


C'est une question d'aménagement urbain, voire la question de l'avenir de la ville, qui a dominé la politique municipale pendant les années révolutionnaires et au début du Premier Empire, bien que les édiles aient eu à se soucier des nombreuses difficultés inhérentes à une époque aussi troublée. La "ville industrielle", qu'ils ont commencé d'équiper, a ainsi plus ou moins bien fonctionné et, si la question de l'urbanisme est évoquée dans les années 1920-1940, il faut attendre le grand bouleversement des trente glorieuses (1950/75) pour que l'aménagement urbain et l'avenir de la ville, voire sa redéfinition, reprennent le premier rang dans les préoccupations municipales. Mais, comme le Hans im Schnokeloch, les maires et leurs conseils n'ont pas toujours fait ce qu'ils ont voulu, ni voulu tout ce qu'ils ont fait... ni même dit tout ce qu'ils ont fait ou fait ce qu'ils ont dit !

Les travaux entrepris à Saint-Etienne n'ont rien de spécifique à la ville, même si son fort développement industriel et démographique les justifierait de toute façon. En effet, depuis 1840 environ et jusque vers 1880, les investissements en tous les domaines se multiplient dans tout le pays, routes, canaux, voies ferrées, et pour ce qui nous concerne ici, équipements urbains en réseaux d'eau et d'égouts enfin voirie et programmes immobiliers. Une succession de lois accompagne ce mouvement, dont les lois sur l'alignement des rues, lois d'expropriation dont la plus importante en 1852 (votée pour Paris puis appliquée à d'autres villes) prévoit l'expropriation hors alignement en cas de nécessité pour la salubrité, des subventions publiques sont également prévues dans certains cas. Même une ville comme Saint-Etienne ne maîtrise pas la nouvelle législation, entre avril 1856 et février 1857 le préfet et le Ministère de l'Intérieur interviennent à trois reprises pour corriger le traité conclu avec la « Cie Immobilière pour la régénération des Gauds » au sujet de la loi sur les expropriations, en décembre, puis le financement par emprunt et enfin la loi sur les alignements, février. C'est d'ailleurs l'occasion pour le préfet d'approuver le plan d'alignement de la ville.

Mais il faut tempérer une comparaison trop facile avec notre situation contemporaine. Au XIXe la propriété individuelle résiste assez pour que bien des projets soient très retardés voire échouent. La nécessité des travaux est estimée par leur rentabilité immobilière malgré les vues déjà planificatrices des ingénieurs qui ont un horizon plus lointain que celui des profits immédiats. Si on a en général peur de l'obsolescence des centres villes très taudifiés on cherche à maîtriser la croissance urbaine dans des limites rentables, le rôle du propriétaire et contribuable est dans la plupart des cas prépondérant, d'autant que ce sont ces mêmes propriétaires qui siègent dans les municipalités. Il est essentiel pour tous de conserver un habitat bon marché au centre ville où se trouvent les emplois. Les hésitations et les lenteurs dans l'exécution des projets trouvent là une de leurs origines, le maire est, en plus, partagé entre le pouvoir des premiers bureaux techniques, celui de ses adjoints, et les réserves des comptables qui freinent les emprunts.

Dès l'installation de la première municipalité malgré le manque de moyens, malgré les soubresauts d'une époque troublée, les nouveaux édiles continuent l'œuvre de leurs prédécesseurs et font manifestement preuve d'une forte ambition. Les bases de la réussite industrielle du XIXe vont être construites, transformant une petite ville d'armuriers, forgerons et passementiers, semblable à ces « villes vétustes, grouillantes et malsaines, aux places et rues étroites et tortueuses […] que l'Ancien Régime avait connues » (Histoire de la France urbaine, Le Seuil 1983). Saint-Etienne, à peine 150 ha et 16 000 habitants, commençait le siècle en se contentant d'un modeste rôle administratif (sous-préfecture en 1800), sans monument prestigieux et, ce qui est plus grave, sans bâtiment spécifique. La mairie est logée après quelques péripéties dans une bicoque provisoire que transpercent pluies et orages, le reste est à l'avenant.

Tout sera réalisé mais au prix de vicissitudes innombrables. Encore en 1813 A Neyron écrit au préfet « on n'y trouve ni hôtel de sous-préfecture, ni hôtel de la mairie […] ni palais de justice, ni caserne, ni maison d'arrêt, ni bourse, ni condition des soies ». Réelles difficultés financières mais aussi pingrerie, les bâtiments seront souvent précaires ou insuffisants, les indispensables équipements – éclairage, pavés, égouts, adduction d'eau, voûtes et ponts du Furan – naîtront au terme de longues et difficultueuses gestations. Cependant les contemporains s'en étonneront : « nouvelle Salente, Saint-Etienne voit s'élever chaque jour de nouveaux quartiers » écrit Duplessy en 1818, « ville anglaise » selon Stendhal en 1837, Birmingham ? voire ville américaine, ce qui est pour le moins exagéré ou prématuré. Au point que pendant presqu'un siècle la ville ne sera jamais qu'un éternel chantier car toujours en retard sur les besoins. En 1790 les édiles n'avaient évidemment pas le pressentiment d’un brillant avenir, pourtant ils s'engagèrent avec détermination.

Ils mirent en chantier une très ancienne ambition : ouvrir un nouveau trajet de Roanne au Rhône par le Pilat en évitant Lyon et, en même temps, créer un quartier, voire une nouvelle ville. Une expression qui apparaît sous la plume de l'architecte-voyer P-A Dalgabio. Mais peut-on lui donner sa signification présente ?

Et cela malgré la très forte instabilité municipale. Mais la continuité du projet n'en souffre pas, démontrant qu'il existe, au-delà des clivages politiques et des rivalités de factions, au-delà des obstacles du parcours, un intérêt général puissant. Il semble que sur la question du nouveau Saint-Etienne il y ait eu un fort consensus pour soutenir les projets municipaux. Du moins nous pouvons le penser dans la mesure où nous en avons assez de témoignages... contre fort peu d'échos défavorables. Ce qui ne veut pas dire qu'on n'a pas hésité, qu'on n'a pas louvoyé, ni travaillé en utilisant au mieux des occasions, quitte à remanier, mais sans s'écarter du propos initial. La décision dépendait aussi du gouvernement puisque la nouvelle voirie était un segment d’un projet napoléonien reliant Paris au midi en évitant la vallée du Rhône et l'affaire traînait malgré l’ouverture des derniers ponts sur la Loire (Roanne 1832). Les Stéphanois forcèrent le destin par leur obstination.

Il fallait pour cela une conjonction de circonstances favorables : la vente de Biens Nationaux sur un espace plat, en direction du nord et de Roanne ; un excellent architecte-voyer inspiré par le néo-classicisme alors que la plupart des grandes villes françaises en avaient déjà appliqué les formules bien avant la fin du siècle ; le souhait des notables de quitter la vieille ville pour ce site offrant la possibilité de constructions à la mesure de leurs indispensables besoins d'équipements tant personnels que collectifs. Et peut-être la perspective pour ces notables, comme dans toute la France révolutionnaire, de faire un placement foncier, à bon prix.

La future voirie répondait aussi au besoin, exprimé en avril 1791, de donner à la ville une promenade. Cependant remplacer la vieille route passant par Mi-Carême et Montaud par une route proche du capricieux Furan pouvait être discuté, et le fut, tandis qu'au sud d'autres trajets étaient possibles, empruntant soit le quartier des Gauds (futur cours V Hugo) soit la rue Valbenoîte. Mais les arguments exposés par le maire le 25 mars sont tout à fait convaincants, le passage par les Gauds s'avérant difficile et le raccord entre la rue de Valbenoîte et la place du Peuple un étranglement malencontreux. La nouvelle route pouvait être ouverte dans la vieille ville au prix de seulement deux démolitions de maisons sur la place du Peuple. Il est probable que le tracé est également conçu pour qu'on détruise le couvent qui jusqu'alors bloquait toute expansion vers le nord. Le transpercer était autant symbolique des temps nouveaux que nécessaire. Geste spectaculaire et politique donc que celui de Praire-Royet, élu du District, qui alla jusqu'à donner le premier coup de marteau de la démolition des bâtiments des Dames de Sainte Catherine en mars 1792.

En 1793 la nécessité de réorganiser la production des armes dans l'arsenal stéphanois est à l'origine des limeries pour lesquelles le pouvoir central s'attribue des terrains municipaux. Des ateliers doivent être construits le long de la nouvelle route de Roanne (place de l'hôtel de ville actuelle) pour abriter 1200 ouvriers armuriers, au besoin réquisitionnés. Le projet de lotissement est-il menacé ? Non, car la production s'effondre, les quelques ateliers sortis de terre sont démolis vers 1799-1800 ; deux bâtisses rescapées abritent alors mairie et sous-préfecture. La ville bénéficie en contrepartie de la rectification du cours du Furan sur le côté oriental de la future place de l'hôtel de ville. Mais elle hérite aussi de contestations et de procès qui ne s'achèveront qu'en 1807. La dernière alerte date de 1814 quand le gouvernement impérial menace de récupérer terrains et bâtiments pour renflouer sa trésorerie défaillante !

La nouvelle logique d'aménagement annoncée par un règlement de construction dû à P-A Dalgabio en 1792 est codifiée par un règlement d'alignement (1819 d'abord, puis 1834) qui lui aussi est contesté par le pouvoir central et ne sera approuvé par le préfet qu'en 1857. Entre les deux nouvelles places l'Hôtel de ville est enfin mis en chantier, un nouveau quartier sort de terre. La croisée centrale s'achève en 1826 quand on ouvre la rue Gambetta (actuelle) puis les futures rues M Rondet et République. On comprend qu'un projet aussi ambitieux n'ait été à peu près achevé qu'aux environs de 1830 avec le Palais de Justice, la Prison, le Cimetière du Crêt de Roc, la Condition des soies, la Bourse. Mais beaucoup reste à faire, quoi qu'en dise l'optimiste Duplessy, et nombre de ces bâtiments édifiés à la hâte, au coût le plus bas, disparaîtront prématurément.

Les ambitions municipales se concrétisent peu à peu, ainsi la couverture du Furan dans le centre-ville. La rue du Grand Moulin est achevée entre 1817-19, la place Dorian (actuelle) couverte en 1826 ; entre 1808 et 26 l'eau a presque disparu du centre-ville tandis que les égouts sont construits, aux frais des riverains, entre 1800 et 1840. Il sera plus difficile de couvrir la dérivation dite bief des usines – 1853 pour la place du Peuple - qui ne disparaîtra totalement qu'à la fin du siècle. Quelques trottoirs financés de la même manière apparaissent dans les rues centrales à partir de 1824 tandis que le pavage des rues ne progresse que lentement. L'eau du Furan captée en amont de la ville, stockée dans un réservoir, est distribuée par plus d'une vingtaine de fontaines (1826-32) toutefois en quantité insuffisante. Dans tous les domaines on a paré au plus pressé ; la vie quotidienne est donc à peu près assurée.







A propos des tableaux
Il ne s'agit pas d'une chronologie exhaustive, qui serait d'ailleurs fastidieuse, mais d'un choix des principales réalisations illustrant les inflexions des politiques telles qu'exposées dans ce texte. Quelques unes ne relèvent pas de la municipalité (chemin de fer par ex.) mais s'inscrivent dans l'histoire monumentale de la ville.
Source : Archives Municipales. Les dates peuvent différer de quelques années selon les sources retenues. On trouve en effet soit la date d'inauguration, soit celle du début des travaux, ou de la mise en service, voire celle de la décision administrative.



Premières et modestes réalisations
1792-1807 – tracé de la future Grand'rue au nord de la ville, lotissement jacquard
1799 - décision de construire un réseau d’égouts
1801 – inauguration de la place Marengo (J Jaurès actuelle)
1805 – cimetière du Crêt de Roch achevé en 1819
1807 – collège communal
1816 – école des mineurs
1819 – premier plan d'alignement des constructions.
1822 – l'hôtel de ville mis en chantier (inauguré en 1835) . Plan de pavage des rues
1822 – 26 – prison, gendarmerie
1822 - règlement « pavés et égouts » début de construction du réseau assainissement
1823 – agrandissement du territoire communal qui double en superficie
1824 – décision d'établir des trottoirs. Place Saint-Louis (Waldeck-Rousseau)
1825 – raccordement de la route d'Annonay à la Grand'rue
1826/1832 – fontaines publiques alimentées par le Furan capté au sud de la ville
1827 – Condition des soies, Bourse du commerce
1831 – ouverture complète de la Grand Rue
1831 - création d'une bibliothèque dans les locaux de la mairie
1832 – Palais de Justice, gendarmerie, prison
1833 - création d'un musée d'art et d'industrie à la mairie
1834 - Place Badouillère
1839 – premiers becs de gaz
1843 - ouverture de la place des Ursules après démolition du couvent

Quand le 27 juin 1815 le conseil municipal incite le fabricant d'acier fondu J Jackson à s'installer au nord de la ville, à proximité des mines, quand il entend réserver les nouvelles rues à la résidence, il affirme sa volonté d'organiser la ville qui compte environ 48 000 h en 1841. Le but fixé en 1792 est atteint. Etait-ce délibéré ? Car, à défaut d'autres documents que les décisions clairement exprimées par le conseil municipal, il est difficile d'attribuer aux édiles une telle clairvoyance à si long terme. Mais leur jugement était le bon qui voyait la nécessité d'une pareille régulation urbaine. L'extension, qu'ils ont prévue sous forme d'un faubourg heureusement dessiné, ce sont leurs successeurs qui en feront le centre d'une autre ville.

Tout est en place dès 1845 pour le siècle de l'industrie et de la croissance stéphanoise.


La ville industrielle, l'épuisante course aux équipements

« (la ville) n'ayant dès lors qu'une seule administration, un seul budget, un seul octroi, de grands travaux furent commencés » (Gras, "Histoire du commerce local..." 1910)

Le cadre vient d'être dessiné pour longtemps, jusqu'aux années 1950 voire 60. Sa principale modification sera administrative – l'annexion des communes suburbaines - et fera changer de dimensions la ville qui va peu à peu s'inscrire dans une conurbation (une grappe de villes). Par certains aspects elle gardera l’apparence d'un vaste chantier toujours en mouvement, toujours en évolution. Les affaires municipales changent alors quantitativement : il faut règler d'innombrables questions qui ressortissaient autrefois de l'initiative privée ; qualitativement : le maire n'a pas de compétence universelle, d'importants services techniques vont l'aider.

Une idéologie pour l'action municipale : le libéralisme, parfois tempéré.

« Il fallait laisser à ces industries le temps de se développer et d'accumuler des richesses, de former ou de grandir les fortunes avant de leur demander, pour les besoins communs, de plus fortes parts de leurs fruits et les administrateurs, qui - comprenant cette nécessité - se sont efforcé de résister à la pression des besoins pour restreindre les charges locales et favoriser le mouvement industriel, ont agi sagement ».

Je ne crois pas qu'il soit possible de mieux résumer la politique financière municipale que par cette déclaration de N Heurtier en 1851 : accumulation des "richesses" et du profit ; "besoins communs" en croissance continue ; "résistance" municipale à la dépense ; faveurs envers les milieux industriels et commerciaux. Une politique sage ? non, plutôt timorée. Mais ne nous trompons pas d'époque, celle-là était dure et on ne peut faire grief à ces administrateurs, comme dit le maire, d'être tout simplement de leur temps. Les préoccupations sociales, même ne s'agissant que de l'habitat, seront pour la fin du siècle et resteront subordonnées tandis que les conflits politiques joueront un rôle de plus en plus décisif.

Car qu'ils soient de mouvance légitimiste ou qu'ils penchent pour les opinions de gauche tous ces conseillers municipaux sont partisans du laisser faire économique. Lors d'une crise l'un d'eux déclare « il faut gagner du temps ; plus tard la force des choses, la loi régulatrice de l'Univers rétablira le niveau qui est dérangé » et un autre dira « on commence à reconnaître en France qu'il est dificile de règlementer par des mesures administratives le prix des denrées et, qu'à cet égard, l'intérêt individuel et la libre concurrence satisfont mieux aux besoins de tous que ne pourrait le faire tout l'art administratif ». Les privilèges, les monopoles, ceux du chemin de fer, de la compagnie du canal de Givors ou de la compagnie des Mines de la Loire les effraient.

Opposés aux formes autoritaires du pouvoir ils sont certains que l'initiative privée peut et doit tout régler ; tout au plus la crainte des émeutes et un fonds de charité chrétienne inspirent des mesures comme l'organisation de chantiers de travail ou la distribution de secours. « L'opinion où l'on est que tout ce qui peut être livré aux spéculateurs particuliers doit leur être livré [...] reçoit une grande force de la prospérité extraordinaire à laquelle un royaume voisin est rapidement parvenu par l'application de ce principe. Or cette application peut et doit avoir lieu toutes les fois que l'entreprise est susceptible de produire des revenus suffisants pour assurer aux bailleurs de fonds un honnête intérêt » (Salichon, maire en 1819... ou un quotidien d'opinion en 2012 ?). Or il faut reconnaître que, sauf exception, ainsi l'échec de la quincaillerie, les méthodes des fabricants stéphanois - et même leur mode de vie - sont à l'origine d'une prospérité certaine ; n'en serait-il pas de même pour le bien commun ? Reste à prouver que la ville peut se gérer comme une maison de commerce ou un ménage bourgeois. Erreur qu’on retrouvera bien plus tard quand il sera proposé que la ville soit gérée comme une entreprise.

D'une part les municipalités, sans que cela soit toujours explicite, auront donc tendance à privilégier cette conception de la ville comme un outil qu'il faut mettre au service des nécessités industrielles. Saint-Etienne est un espace productif, une machine à profit, qu'il soit industriel ou dû à la rente foncière, et ensuite, mais ensuite seulement, une ville, un lieu d'agrément, d'histoire, de culture. C'est à dire que, dans la mesure où la puissance publique locale peut intervenir, les décisions faciliteront le développement industriel et on ne refusera que très peu aux grands investisseurs. Ce sera une priorité. Elle est toutefois contrebattue et souvent avec efficacité par la pression de plus en plus forte d'autres Stéphanois, lorsqu'ils deviennent électeurs, lors des scrutins évidemment mais aussi sous la forme de pétitions. Souvent inspirées par les politiques d'opposition elles abondent pendant tout le siècle et influent avec succès sur nombre de décisions dans le domaine de l'équipement urbain.

D'autre part, dès le milieu du XIXe, les questions techniques prennent une place capitale. Ce qui est le plus important, mais peu visible, ce n'est pas le gonflement des effectifs d'employés, c'est le renforcement des services techniques. La ville échappe à l'architecte qui ne reviendra, en force, qu'après 1950. Un personnage jusqu'ici absent ou de peu d'importance prend place dans le débat, l'ingénieur. Il pèse de plus en plus dans la prise de décision tandis que le maire devient le politique qui inspire, souhaite et surtout finance. Pour en donner un exemple ce n'est plus le voyer-fontainier, assisté du maire ou de quelque adjoint, qui relie une fontaine à un captage. C'est l'ingénieur, polytechnicien ou ponts et chaussées, qui élabore un plan complexe avec l'aide des bureaux. Les polytechniciens Graeff, Conte-Grandchamp, Montgolfier ou encore Lestrac et Reuss signent la plupart d’entre eux : égouts, couverture du Furan, réseau d’eau, barrages. Et nous devons leur présence à l’importance industrielle du bassin stéphanois. A leurs côtés les conseillers, financier et juridique, tiennent une place également non négligeable.

La mairie n'apprend que peu à peu à se les associer, c'est un changement d'attitude pas toujours facile à prendre. Ainsi architecture et voirie sont séparés en 1881 or les deux services étaient distincts depuis 1854 ce qui montre qu'entre-temps on avait plus ou moins mêlé les tâches. Les empiètements favorisent les accrochages avec les élus ; ingénieurs et architectes se succèdent à un rythme parfois soutenu. A cela s'ajoutent les errements du conseil municipal qui multiplie les projets selon les circonstances ou diverses pressions et laisse de nombreux serpents de mer naviguer dans les eaux stéphanoises. Une autre particularité, du moins est-elle très accusée par rapport à d'autres villes, c'est l'autochtonie d'une grande partie du personnel encadrant ce qui ne favorise pas l'apport d'innovations. Ainsi l'Ecole de Dessin donne à quelques professeurs l'occasion de travailler pour la ville. Je citerai par exemple Boulot professeur de dessin linéaire devenu architecte de la ville de 80 à 88 ou l'architecte Jouve de 81 à 84. Ensuite les cas d'ascension sur place ne sont pas rares et quelques employés sont exemplaires pour avoir grimpé la totalité des échelons : l'alsacien Gérard (1818-1900) simple employé en 1839 finit sa carrière architecte de la ville et voyer en chef ; Abougit (né en 63) commence comme auxiliaire en 83 et devient Directeur du service de voirie en 1910 puis de la voirie-eau-éclairage en 1913-23. En contrepartie ils associent une compétence acquise sur le terrain et sont la mémoire de la ville.

Mais malgré les preuves d'une certaine hauteur de vue de quelques édiles, on peut se poser la question de savoir si les cercles dirigeants étaient toujours désireux, voire capables, de concevoir et de conduire à leur terme les plans nécessaires au développement de la ville. Pendant tout le XIXe, prolongé jusque dans l'entre-deux-guerres, la politique communale est caractérisée par une course incessante entre des besoins toujours croissants et des revenus mal assurés. Les prévisions ont été régulièrement dépassées, signe de politiques hésitantes ou d'une gestion au jour le jour, voire malthusienne, bien que quelques municipalités aient pris les problèmes à bras le corps, notamment à propos de l'eau.



Etablir les réseaux de la ville moderne
Le travail des ingénieurs

1 - Chemin de fer
1828 - ligne d'Andrézieux
1832 - ligne de Lyon
1834 - ligne de Roanne
1858 – première gare de Châteaucreux
1859 - ligne de Firminy Unieux. Saint-Etienne est "bouclé" par les voies ferrées ; amorce d'un boulevard Carnot/Bellevue longeant la ligne
1881 – premier tramway (à vapeur) électrification à partir de 1907 ; trolleybus 1942-52
1884/86 – gare de Châteaucreux

2 – Boulevards
1831 – achèvement de la nouvelle route de Roanne au Rhône qui traverse la ville (Grand'rue)
1842 /53 – rue de la Bourse (Résistance actuelle) prolongée place Grenette et aux Ursules, place ouverte en 1843
1845 – Cours J Bouchard
1855 - Bd du nord (Janin)
1856 - Bd des Ursules (Cours Saint-André puis Hugo) couverture du Furan
1856 / 1882 – ouverture de la rue Michelet et liaison avec la place du Peuple
1857 / 1865 - Cours Fauriel
1860 - Cours H Sauzéa
1884 - achèvement de la liaison Peuple-grand’rue par Jovin Bouchard et rue Voltaire
1900 - Avenue Pdt F Faure (Libération)

3 – eau, assainissement
1822 / 1840 - réseau des égouts en centre ville
1808 /1826 - couverture du Furan dans le centre ville
1826/32 – captages de Champagne qui alimentent un réservoir et 24 fontaines
1834 – alimentation du réservoir par un captage du Furan en amont de la ville
1862 –captages du Pilat, aqueduc des fontaines, distribution urbaine amorcée
1856-1868 - couverture du Furan de la Grand’rue à la Place du Peuple par V Hugo / Ursules
1860/1866 – barrage de Rochetaillée
1873/1878 – barrage du Pas de Riot
1890 – le Furan couvert dans toute la ville (dernier bief passage Sainte-Catherine)
1894 – projet dit "du Lignon" pour augmenter la ressource en eau
1908 – dérivation de l'eau du Lignon vellave
1919 –barrage de Lavalette sur le Lignon (rehaussé en 1943/49)
Le tableau dépasse la limite chronologique adoptée mais il m’a paru indispensable de le laisser ici tant il montre la grande continuité des travaux échelonnés sur le siècle

Beaucoup est accompli, encore plus reste à faire

Quand, le 17 octobre 1851, le jeune et ambitieux N.Heurtier développe son plan intitulé : « Rapport du maire sur l'ensemble des fondations d'utilité publique et des améliorations à poursuivre pour l'assainissement et l'embellissement de la ville », il voit plus loin.

De son long exposé je retiens essentiellement les passages suivants : « Mais aujourd'hui que Saint-Etienne est définitivement placée au rang des grandes villes, que ses industries principales sont assises sur de larges et solides bases et que les capitaux de tous genres accumulés depuis trente ans sont considérables, il y aurait de graves inconvénients à rester dans les mêmes errements et à ne pas s'efforcer d'élever les revenus municipaux au niveau des besoins collectifs qui en sollicitent l'augmentation ; car si Saint-Etienne devait rester pendant longtemps encore privée ou mal pourvue de tout ce qui en rend le séjour agréable et attachant, nous verrions s'acroître progressivement le nombre déjà trop grand de ces émigrations de familles entières qui, retirant leurs capitaux des emplois qui ont longtemps alimenté nos travaux, vont porter dans d'autres villes des biens qu'elles ont amassés dans celle-ci [...] Il serait donc utile assurément que notre corps municipal ait un plan bien arrêté sur la série des créations qu'il importe le plus de poursuivre car ce serait là le moyen d'assurer à la question de nos intérêts municipaux l'unité, l'esprit de suite, la persévérance qui nous ont parfois manqué ».

A la suite de quoi le maire énumère et détaille ces travaux : plan d'alignement de la ville - prolongement de la rue Saint Denis (Michelet) jusqu'à la place du Peuple - pavage des rues, trottoirs, éclairage - transformation du centre avec destruction de maisons, nouvelle voirie, théâtre, marché couvert - fontaines publiques et réservoir d'eau de la Grange de l'Oeuvre - caserne - lycée - écoles - hôtel de la Sous-Préfecture - musée - nouvelles églises - décoration de l'Hôtel de ville - ouverture d'un mont-de-piété et d'un dépôt de mendicité, enfin ligne d'omnibus en direction de la Terrasse qu'on vient de lui proposer. Sans oublier un système de boulevards circulaires. Faure-Belon reprend ce programme auquel il ajoute un véritable projet d'approvisionnement en eau. En 1858 un nouveau conseil reclasse les travaux dont quelques uns sont écartés ou renvoyés à plus tard mais ajoute bains et lavoirs publics, « une oeuvre philanthropique ». Qu'en pense un bon observateur de la ville ? : « on dressait bien des programmes, mais leur exécution se ressentait de la timidité finale des administrateurs qui tous étaient des bourgeois et ne virent jamais assez grand. Ils administraient une cité comme un ménage, sans oser emprunter beaucoup et à de longue échéance. On ne comprenait pas qu'une ville a une existence presque perpétuelle, à la différence des individus, et qu'elle n'est pas tenue d'épargner pour ses vieux jours. On ne se doutait pas que les dépenses d'extension, d'embellissement représentent de l'argent jeté par la fenêtre, qui rentre ensuite par la porte. On économisait les intérêts et l'amortissement d'un emprunt, mais pendant ce temps, le prix des matériaux et des salaires d'élevaient au triple et celui des emplacements au décuple, et on était obligé plus tard de faire à grands frais ce qu'on aurait fait à bon marché vingt ou trente ans plus tôt » (Gras, « Les transformations de Saint- Etienne » 1923).

Le plus étonnant peut-être c'est qu'on n'est vraiment pas en peine de dénicher dans les comptes-rendus des commissions, ou les brochures, des aperçus judicieux sur cet état de chose. Le rappel à des dépenses utilitaires, à des investissements pour l'avenir, est quand même évoqué par de bons esprits. Mais sans que cela entraîne quelque conséquence électorale ou politique que ce soit. On répète à satiété qu'il ne faut pas retomber dans les mêmes erreurs mais, ni les personnes visées ne changent d'orientation, ni les critiques ne donnent l'exemple. Que penser de cette vive diatribe, que je prends pour exemple, dans le rapport de la commission municipale pour la reconstruction du Lycée, daté de 1867 ? Une affaire qui dure depuis déjà longtemps (1839) et ne sera terminée qu'en 1890 ! « Rappelons-nous messieurs, que dans les grandes créations, les mesures radicales sont les seules qui ne laissent pas de regrets. Saint-Etienne, plus que toute autre ville, a besoin d'en faire une consciencieuse application. Ne laissons pas répéter plus longtemps que nos édilités n'ont fait preuve, à toutes époques, que d'impuissance ou de faiblesse, et qu'à Saint-Etienne, le seul travail par excellence, le barrage avec la distribution des eaux, n'a dû sa réussite complète qu'à la direction et à l'action immédiate du gouvernement ». Cette dernière observation n’est qu’à demi pertinente car l’auteur devrait signaler que le plan national de prévention des crues décidé par Napoléon III n’a fait que renforcer la détermination de la ville à se doter d’un barrage et d’une réserve d’eau.


Equiper la ville industrielle

1846/1860 – Sous-préfecture (Musée d'Art et d'Industrie actuel)
1850/1857 – Jardin des Plantes
1853 – Théâtre (disparu en 1928 dans un incendie)
1854 – Prison ; Caserne Rullière (Centre Deux actuel et Université)
1854 – transfert des abattoirs rue du Treuil (place de l'Attache aux bœufs actuelle)
1854 – régénération du quartier des Gauds (Ursules) traitée avec une compagnie privée,
inachevée et suivie d’un échec en 1863 de l’opération immobilière
1858 – Ecole de dessin (Beaux-Arts actuels) ; transfert du musée au Palais des Arts,
jardins en 1865
1859 - dôme de l'hôtel de ville (démoli en 1953)
1866 – inauguration de la nouvelle Manufacture à Carnot
1869 – kiosque à musique place Marengo ; place Bellevue
1872 - ouverture des Halles (1869-72)


C'est dans un contexte d'activité intense, voire fébrile, qu'une multitude de décisions doivent être prises par les municipalités, par ailleurs incessamment débordées par le foisonnement des initiatives privées. Mais ce que le Conseil se félicite d'approuver, car il pense avoir réglé la difficulté, est parfois insuffisant avant qu'on ait achevé les travaux ! Les projets d'hôpital, de lycée, de déplacement de la Charité, de couverture du Furan, de nouveaux cimetières etc s'étalent dans le siècle comme un long feuilleton, ainsi il faut 30 ans pour ouvrir la rue Michelet ! (1856 à 1883). Les hésitations sont critiquées, déjà ! comme le souligne un conseiller le 28 février 1836 « mettons une bonne fois pour toute chaque chose à sa place et nous aurons enfin comme dans les autres villes des monuments dignes de notre ville qui a bien besoin d'être embellie ». La question des alignements est un exemple similaire. Plutôt que d'appliquer la déclaration d'utilité publique qui permet depuis 1851 d'élargir le périmètre des achats d'immeubles on compte sur l'alignement qui ne coûte rien et permet d'attendre... en effet on attend car dans la plupart des cas l'élargissement n'aboutit pas laissant encore de nos jours d'étranges tracés dans le plan de la ville. Dans la question de l'approvisionnement en eau les municipalités ont là aussi toujours couru derrière une demande croissante mais ont toujours consenti des efforts considérables, au risque de défavoriser d'autres travaux et d'alourdir à l'excès leurs dettes. Une telle constance et une telle priorité justifient qu'on en regroupe les principales phases ultérieurement.

En effet la disparition de l’Empire ne signifie en aucun cas un changement dans la politique municipale, les budgets continuent de progresser sous la pression constante des nécessaires investissements et de la chasse aux crédits. Leurs caractéristiques sont en place : recettes fournies par l’octroi ; variations importantes des économies faites sur la trésorerie ; recours accru à l’emprunt malgré le danger d’une dette pesante ; poids élevé des frais fixes de fonctionnement et croissance du « social » (aides et secours) ; investissements réduits, parfois imposés par le pouvoir central, mais part assez forte de l’ « édilité » ou urbanisme, sur un rythme presque cahotique. Au total faiblesse et médiocrité malgré la bonne volonté des administrateurs auxquels nous devons cependant reconnaître de grands mérites.



Les finances d'une grande ville ouvrière (1870 - 1940)


Alors que la guerre de 1870 n'a pas d'incidence majeure sur la vie locale les deux conflits mondiaux qui vont suivre bouleversent la donne. Une période favorable s'achève vers 1880 puis les finances de la ville seront précaires jusqu'à 1940, à de rares exceptions près. Les maires auront les plus grandes difficultés pour mener à bien d'indispensables programmes même en les réduisant parfois à de modestes proportions.

Après des débuts prometteurs, une fin de siècle difficile

Le fait essentiel de l'histoire budgétaire stéphanoise pendant cet intervalle c'est une progression forte et continue des sommes en jeu : 3% environ de croissance annuelle des dépenses. Plus que la moyenne française de 2,2%. Rien que de très banal puisque, entre-temps, la population s'est accrue et ses besoins se sont multipliés.

Mais s'il existe une relation étroite entre l'économie, la démographie et le potentiel de richesse elle est approximative en ce qui regarde les pratiques fiscales de la ville. La mise en œuvre de ce potentiel ne ressortit que du politique ; et le politique parfois, mais rarement, anticipe les recettes ; parfois hésite, attend une confirmation ; parfois sous-estime ou surestime ses ressources avant d'agir. S'il souhaite agir… Ajoutons pour faire bonne mesure que chaque nouveau maire hérite du budget et des engagements de ses prédécesseurs. Il ne peut exprimer ses intentions qu'avec retard, une année au minimum, il arrive même qu’il doive laisser la place avant de pouvoir agir ! Aussi l'alternance des maires (signalée sous les graphes qui accompagnent les tableaux de données financières) n'est en relation étroite qu'avec quelques inflexions majeures ; de même les crises économiques ou les reprises d'activité n'accompagnent les bilans qu'avec plus ou moins de décalage. Mais elles les accompagnent.

Second fait essentiel, la gestion se divise en deux domaines distincts. Le budget ordinaire, à forte inertie – on ajoute facilement, on tarde à supprimer - suit son petit bonhomme de chemin en une courbe ascendante régulière, recettes et dépenses vont de pair bien que cela n'empêche aléas et difficultés. Mais ils ont été à peu près maîtrisés. A l'inverse le budget extraordinaire, plus dépendant de la conjoncture et des intentions municipales, est plus heurté. Les recettes et dépenses passent par des pics et des creux qui, au premier abord, surprennent. Le bilan qu'en donne la trésorerie a rarement connu un profil convenable.

Le baromètre des finances : la trésorerie

Le souci de l'économie n'a jamais abandonné nos édiles : entre 1870 et 1940 l'excédent ordinaire est de règle à cinq exceptions près (en 1918-19-20-23 et 1927). Mais l'excédent prenant en compte la réalité de ces dépenses (avec dépenses supplémentaires) est moins bien maîtrisé. Après celui de 1876 les déficits se multiplient en fin de siècle : de 1902 à 1914 cinq années seulement en solde positif ; neuf années de déficit entre 1915 et 40, surtout dans les années 30. Quant à l'excédent global le préfet doit en autoriser le déficit à 7 reprises (1892-95-96-97-99-1900 et 1910) ce qu'il n'aura pas à faire entre 1910 et 1940 période pendant laquelle l'excédent global amortit 12 déficits annuels. Nous sommes loin des pratiques antérieures.




La trésorerie de 1870 à 1891 (F courants)

RO-DOR-DExcédent annuelExcédent globaljours1870603 991730 057379 018604 407631871771 400448 1364 264608 6711221872773 403617 542-63 092545 5791061873662 7471 962 4721 567 6122 113 1912741874802 813714 553326 7382 439 92820218751 021 3051 952 1921 008 2373 448 16630718761 049 250-1 413548-2 196 6151 251 551881877944 151149 661-893 322358 229281878895 740653 172-280 76777 4621018791 079 933517 983-34 43643 026?1880771 459355 260247 011290 037271881642 396284 741292 530582 567291882687 6163 021 5701 011 6511 594 2181791883655 458400 993-247 2211 346 9971131884240 56190 396-577 928769 069631885484 395116 926-501 719267 350221886574 012537 643-25 155242 195191887766 773616 765-26 441215 754191888863 739720 300121 487337 240271889761 993636 07429 764367 004321890592 687562 402-207 684159 320121891783 362725 58071 014230 33417
Ro-Do : excédent ordinaire, épargne escomptée
R-D : excédent du budget ordinaire en tenant compte des recettes et dépenses supplémentaires
Excédent annuel : balance de tous les comptes de l'année ; excédent global : report à l'exercice suivant
Jours : estimation des jours de fonctionnement assurés par l'excédent global

Le bilan annuel révèle les difficultés, principalement les crises économiques, accompagnées de baisses inattendues de recettes ou de dépenses imprévues. La gestion relativement aisée du cœur du XIXe, au prix toutefois de sévères économies, devient chaotique. Les budgets ne prennent pas toujours en compte la montée d'exigences nouvelles : dépenses liées aux lois sociales, à l'hygiène et la médecine, à l'instruction publique. Un mouvement amorcé pendant le dernier tiers du XIXe et en forte expansion entre 1920 et 40 (assistance médicale à charge des communes en 1893 ; loi de 1905 sur l'assistance aux vieillards, infirmes, incurables ; bureau d'assistance en 1907 ; aide aux femmes en couche et aux familles nombreuses en 1913). Joue aussi l'urbanisation. Les quartiers périphériques ou excentrés, où on acceptait encore de vivre comme à la campagne jusque dans les années 1930, sont rattachés à la ville et équipés. On le mesure par exemple au nombre de pétitions qui réclament l'eau, l'égout, l'éclairage. On le voit dans les décisions modificatives qui ajoutent, au cas par cas, des travaux de voirie, des constructions diverses du lavoir bain-douche aux groupes scolaires et aux patronages. Des petits ruisseaux qui vont faire de grandes rivières. La couleur politique influe aussi sur ces nouvelles dépenses, les municipalités radicales et socialistes consentent un effort sensible dans ces domaines en direction de leurs électeurs.
La trésorerie de 1892 à 1914 (F courants)

RO-DOR-DExcédent annuelExcédent globaljours1892662 176361 436-288 183-57 849-21893443 707837 558189 795131 946111894592 162666 2777 944139 891121895691 396460 587-231 247-91 357-61896654 870566 398-34 530-125 886-21897689 867635 648-24 547-150 432-111898874 851949 783378 167227 735151899893 636260 671-276 696-48 962-31900852 620485 954-105 388-154 349-81901693 8201 808 8101 195 0241 040 675521902538 905-91 860-563 628477 047251903441 7594 891 4304 586 4565 063 5032491904288 147-4320755-4 638 828424 675161905205 253-134 900-327 21697 45961906335 013-476 012-4 81792 64251907493 801736 164401 395494 037241908222 632-279 862-351 354142 6838190962 269-80 570258 036400 718241910202 927-648 811-415 108-14 390-11911390 564445 009397 142382 752211912170 31250 57647 250430 002241913309 218-76 701-92 571337 43016191432 289614 947559 156896 58541
Les jours de fonctionnement sont très approximatifs, avec une trésorerie erratique
De nos jours certains de ces bilans conduiraient à une mise sous surveillance voire une tutelle.

Aussi le bilan global témoigne de la difficile traversée des épreuves qui laissent des traces bien postérieures aux crises. C'est le cas par exemple du redressement de l'économie entre 1890 et 1910 qui a de la peine à réalimenter les ressources municipales. Mais grâce aux mises en réserve antérieures, voire aux manipulations comme celles du recensement pour éviter des dépenses ou recevoir des subventions (ce fut le cas pour l'enseignement primaire), grâce à d'habiles étalements de travaux, en utilisant au mieux la fiscalité, le bilan global est la plupart du temps positif. Voire excessif ce qui n'est pas alors le signe d'une bonne maîtrise de la gestion.

Jusqu’à la crise des années 1880 la montée en puissance des finances communales
L’année 1871 est une année de transition mais la guerre ne touche qu’à peine la ville comme le signale une note marginale du compte administratif. D’ailleurs la très forte activité de la Manufacture d’armes soutient toute l’économie de la ville. Les années qui vont suivre amplifient le mouvement de bonne santé financière lancé vers 1860 et que la crise des années 80 va interrompre. Une date pivot singularise cette période, c'est 1876. Date d'un apogée de l'octroi jusqu'à celui de 1893, suivi par dix ans de baisse ; date à partir de laquelle les recettes et dépenses ordinaires infléchissent leur progression ; date d'une évolution en dents de scie des recettes et dépenses extraordinaires. Heureusement que les économies antérieures ont accumulé un matelas d'excédents car la trésorerie subit un véritable séisme : un déficit de 2 196 615 F en 1876 suivi de trois autres, et l'unique déficit, avant celui de 1902, du budget ordinaire. Le retour à l'équilibre ne se fait qu'à la fin des années 80 après un autre passage à vide entre 1883 et 87. L'excédent global n'est cependant jamais mis en cause, on frôle le déficit, mais la qualité ou le nombre des équipements de la ville en souffre.

En ce qui concerne le budget ordinaire, dont les dépenses croissent plus vite que les recettes, au minimum c’est la stabilité. Cependant nécessité fait loi : pour un indice 100 en 1860 les dépenses sont à 206 en 1874, les frais d'administration à 177 (la ville est-elle mieux gérée ou lésine-t-on ?), les dépenses courantes (entretien, éclairage, voirie) ne sont qu'à 152. La croissance provient des dépenses sociales – hospices, assistance – à l'indice 247 et des dépenses pour l'instruction, indice 332.

Cette même année 1874 l'administration de la ville absorbe 30% des dépenses ordinaires dont un tiers pour la seule police. Un chapitre "divers" concerne le nettoiement, l'éclairage, diverses dépenses pour 13%. C'est le même pourcentage qui est attribué aux hospices, bureau de bienfaisance, indigents, à peine moins que pour les écoles primaires, salles d'asile, salle de spectacle, musée, culte (13,5%). En 1886 le compte est présenté par services : l'administration a progressé à 35% mais les différences avec les années précédente sont minimes. Dans les divers chapitre on voit que l'éclairage ne passe que de 140 808 à 174 335 F ou la police de 203 570 à 225 316 F etc. La voirie n'a pas été gourmande, 182 000 F en 74 puis 280 000 en 1886. Les différences sont plus nettes pour l'instruction publique et l'assistance. Dans ce dernier cas ce n'est plus que 10% des dépenses (270 410 au lieu de 272 640 F – les hospices perdent 15 000 F). L'impulsion est toujours donnée à l'instruction (825 800 F) soit 30% du total des dépenses, le primaire reçoit 480 000 F contre 218 345 en 1874 ; le reste est négligeable, de l'ordre de 12 000 F aux bibliothèques et musées. La nouvelle école des arts et industries est équipée. De l’argent bien placé car les industries stéphanoises ont besoin d’une main d’œuvre instruite. Un effort à relativiser car la nouveauté des budgets c’est la participation de l’Etat qui soutient au niveau local ses ambitions nationales ; les instituteurs sont pris en charge par le budget national de 1883 (220 000 F), conséquence de l'obligation scolaire votée en 1882. Mais si les subventions deviennent régulières il faut construire de nombreux groupes scolaires…

Tout cela est financé par les ressources traditionnelles, 5 centimes ordinaires, 8 de patente, quelques centimes pour les chemins vicinaux et pour l'enseigement primaire, mais surtout par l'octroi. Par exemple, en 1873, sur 2 463 541 F de recettes, les centimes participent pour 65 800F alors que l'octroi apporte 1,782 million de F. L'amorce d'une nouvelle fiscalité est très discrète mais contraste fortement avec la modération d’avant 1870. En 1874 on ajoute 10 centimes et un décime d'octroi ; 5 centimes sont affectés en 77 au dépenses du réseau d'eau ; en 84 encore 5 centimes pour acheter des forêts. Enfin en 1880 la pression s'accentue avec 15 centimes extraordinaires pour le service de l'emprunt de 20 millions de F. Il faut payer un programme d'investissements coûteux. Surtout le barrage du Pas-du-Riot et le réseau de distribution, la caserne de Grouchy, les abattoirs aux Mottetières, les écoles etc. Mais c'est aussi à cause d'une pratique critiquable de l'emprunt alors que sa garantie par l'octroi s'amenuise.






L'octroi de 1860 à 1914
(Recette brute arrondie au F, ville et banlieue)

recette% de ROrecette% de RO18601 101 46173%18882 379 03262%18611 219 09018892 497 4546318621 312 07618902 538 4576618631 413 75118912 525 5626218641 435 35618922 580 8836218651 337 28578%18932 720 9516318661 35017818942 622 7186618671 384 50918952 700 1756618681 453 72018962 748 4096618691 548 59618972 828 9246618701 502 9337518982 926 6036518711 591 9747518993 038 3866518721 700 3167519003 110 8696518731 782 3697219013 247 1366518742 120 3507319023 297 2906618752 410 6377419033 177 4066318762 587 8987419043 069 4656318772 475 2787319053 183 1996518782 399 9167219063 366 1056418792 352 0596819073 386 8506118802 259 1446619083 424 2116418812 277 6436619093 444 3466418822 248 4886419103 431 3936418832 370 9456619113 342 4685818842 129 4746419123 407 6185918851 998 6505919133 466 1485818862 005 0246019143 131 4435418872 209 39261
amendes et produits de saisies exclus de même que les frais d'exploitation soit 8 à 10%
source : Compte administratif

Le stock d'emprunts est de 11,5 millions de F en 1874, soit huit emprunts à amortir d'ici 1897 et 1904-05. C'est encore peu. Le plus important, contracté en 1872 et héritier de celui abandonné en 1870, finance en partie le barrage (2,3 millions). La politique financière est parfois maladroite, en 1875 un emprunt de 3,5 millions a été « opéré imprudemment avant d'en avoir l'emploi » observe V Duchamp en 1884, d'où un excédent, virtuel, des recettes de 3,448 millions de F. Or cela vient après un emprunt de 2,1 millions en 74 soit un total de 13 emprunts revenu à 6 en 1877 : deux pour 0,6 million au Crédit Foncier, l'emprunt de la défense nationale 2,5 millions, un emprunt de 1,6 million par souscription, et deux emprunts de 2,1 et 2,7 millions, le dernier devant régler la question du dédommagement des usiniers du Furan ; l'eau du Furan est à ce prix.

Tout est restructuré en 1879 avec un emprunt, voté dès 1877, de 20 millions sur 40 ans à 3,96% au Crédit Foncier. Il va financer, au fur et à mesure, les travaux en cours. Il sera donc réalisé comme il est d'usage par tranches annuelles variables jusqu'à 1882, en fait 1888 : 8,5 millions en 79, 4 en 81 etc. Il reste encore 4 millions en 1884. Un tableau de 1883 en détaille les 38 lignes d'affectation, parfois illusoires quand il s'agit de travaux envisagés mais non votés. Une pratique courante et significative de la gestion au fil de l'eau. S'y ajoutent 7,9 millions empruntés en 1881 pour rembourser plusieurs dettes et emprunts antérieurs. En 1886 il n'y a plus que 4 emprunts (22,1 millions de F empruntés) dont le service s'élève à 1 066 665 F. Somme qui dépasse en moyenne le tiers des dépenses ordinaires ou la moitié de l'octroi dont les recettes plafonnent, ce qui est considérable et même dangereux. Mais les conseillers ont de la difficulté à suivre, en effet il n'est pas publié de tableau annuel de la dette et les maires semblent agir avec beaucoup de latitude. Beaucoup plus que leur prédécesseur Faure-Belon.

La complexité croissante des opérations financières et les choix politiques qu'elles impliquent sont à l'origine de tensions au sein du conseil. Une vive discussion s'élève le 27 novembre 1881 lors de l'examen du compte administratif de A Primat pour 1880. Un des intervenants prévient « nous condamnons cette manière de faire qui consiste à porter en bloc un crédit alors qu'il serait facile d'en exposer le détail. C'est le fait d'une comptabilité occulte ». Le 28 décembre suivant la minorité refuse de sièger ; la majorité l'accuse de reculer « devant la difficulté de ce travail ». Epithètes injurieuses, remarques désobligeantes seront éliminées du compte-rendu d'un commun accord ! La critique prend à témoin l’opinion publique par l’intermédiaire de la presse. Ce n'est pas la première fois. Mais, entre les républicains installés à la mairie, eux-même divisés, et l'opposition, les querelles sont incessantes. C'est le cas entre 1880–86 dans la longue controverse à propos de la construction d'un nouveau lycée, et ce n'est pas le seul motif de désaccord.

En témoigne le rapport sur la gestion municipale de 1880 à 84 (16 juin 1884) confié à F Laur qui a changé de camp dans l'affaire du lycée et s'oppose à sa construction. Le rapporteur explique que l'exercice 1883 aurait dû finir par un excédent mais que des crédits votés au dernier moment l'ont absorbé. Il a donc fallu supprimer quelques dépenses prévues par la municipalité précédente, notamment pour la Salle des conférences, et s'occuper des urgences. Faux, réplique Duchamp. Il s'agissait de dépenses indispensables que ses successeurs auraient votées de toute façon et en juin il publie une brochure pour défendre sa gestion. F Laur conclut aussi que « les dépenses croissent d'une manière trop rapide », que toutes les économies antérieures se trouvent anéanties. S'il exagère quelque peu en évoquant la menace d'une banqueroute il a raison de vouloir utiliser tout de suite le reste de l'emprunt de 3,3 millions en cours puisque de toute façon on en paye les intérêts. Ce qui n'empêche un nouvel emprunt de 1,5 million en 86 mais on s'empresse de souligner qu'il n'est pas besoin de centimes extraordinaires pour le rembourser ! Aussi quand F Laur propose de suspendre tous les travaux « de longue haleine et de luxe » pour combler le passif par des efforts constants dirigés vers l'économie il se leurre ou fait campagne électorale. Ce travail de Pénélope, ses successeurs le poursuivront en se heurtant à des difficultés croissantes.

Exemplaire aussi la séance du 24 nov. 1905 lorsque l'opposition à la gestion socialiste, dans un climat houleux, déclare « la ville en est réduite à creuser un trou pour en boucher un autre ». Le maire tenu pour le seul responsable rétorque que, si les dépenses augmentent, c'est que de nouvelles charges apparaissent chaque jour, il cite notamment les écoles, les secours, l'aide médicale etc. mais il ne nie pas avoir déclaré « nous allons aux abîmes ».

Une situation de plus en plus précaire jusqu'à 1914.

C'est un optimisme très tempéré qu'exprime le maire, Girodet, le 30 novembre 1889 : « la situation financière est donc actuellement des plus satisfaisantes ; mais en sera-t-il de même dans quelques années ? ». Il a raison. Si le quotidien continue d'être soumis à une gestion très serrée, l'autofinancement s'amenuise de plus en plus. Après l'avertissement de 1892, un déficit global de 57 849 F, les déficits vont s'accumuler. Non seulement la population augmente jusqu’à frôler les 150 000 h mais les services qu’elle attend sont de plus en plus onéreux et l'économie s’enfonce dans la crise. Le volume des budgets accompagne cette évolution démographique et sa présentation est de plus en plus détaillée et technique.

Il reste que la grande affaire, jusqu’aux lois de 1914 et 17, reste la fragilité d’un montage financier qui repose à l’excès sur un impôt indirect lié à la consommation, d’autant que les prévisions démographiques sont inexistantes sans parler de l’horizon économique inconnu. En l’absence d’une réforme - entre 1871 et 1914 plus de 200 projets ont été déposés par les députés - les édiles ont improvisé des réponses. Ils multiplient les centimes, bénéficient d’un meilleur rendement de la patente, appliquent des taxes nouvelles : droits payés par le tramway, taxes sur le stationnement, sur le balayage, sur la voirie, sur les vélocipèdes en 1894 ! Aussi les recettes de l'octroi, qui pourtant s'élèvent, ne fournissent plus que 54% des recettes ordinaires en 1914. Certains services apportent des recettes non négligeables comme celui de l'eau - 0,5 million en 1898 - ou les inhumations. S'y ajoutent une meilleure gestion des emprunts, un renfort accru des subventions de l’Etat. Deux pavillons de l'hôpital sont subventionnés en 1898, de même que quelques annuités de l'emprunt pour le Lycée de filles sont remboursées. A titre d’exemple en 1887 aux centimes ordinaires et à la patente (35 177 et 55 785 F) s’ajoutent des centimes additionnels pour les chemins, pour l’enseignement primaire, un décime d’octroi, soit un total de 782 963 F qui est loin d’être négligeable par rapport aux recettes ordinaires ( 3 614 630 F) ou au service de la dette (1,1 million de F).

Des dépenses ordinaires à peu près stables

Pendant cette fin de siècle les dépenses ordinaires se distribuent à peu près de la même façon qu'auparavant. L'administration de la ville est restée aux environs du tiers des dépenses ordinaires, 33% en 1900 (1,3 million) et 34% (1,9 million) en 1914. Les frais de police (393 772 F) augmentent encore avec 7% des dépenses ; la voirie varie plus facilement en raison de la conjoncture : 0,6 million ou 14% des dépenses en 1900 mais 1 million en 1914 et 17%. Les dépenses sociales, hospices, indigents, secours divers, avec 1 183 941 F (21% et même 27 si on y ajoute le financement de la caisse des retraites des employés municipaux) deviennent le second chapitre des dépenses. Ce n'était que 742 000 F en 1900 et 19% des dépenses. L'instruction publique suit, environ 1 million de F (121 000 F de frais de cantines scolaires sont passés en assistance) soit 17% contre 772 000 F, mais 20%, en 1900. J Janin qui longtemps auparavant reprochait à ses compatriotes leur faible intérêt pour les arts et lettres aurait eu matière à critique, bibliothèque, musées, théâtre reçoivent 76 000 F en 1914, on a d'autres soucis à Saint-Etienne ! Par contre en 1900 on a participé à l'Exposition Universelle et dépensé plus pour les fêtes populaires, notamment le 14 juillet et lors du Couronnement de la muse évalué à lui seul 12 000 F.

La dette pèse lourd

En 1914 sont en cours18 emprunts. Il a été tentant de renouveler l'opération de 1879 qui avait si bien conforté les finances : en 1891 un emprunt de 20 millions est souscrit pour 40 ans à 5% et affecté à une longue liste de travaux, 15 centimes en assureront la charge. Plusieurs emprunts sont regroupés et convertis en 1892, ils apparaissent alors en recettes supplémentaires pour 4 426 710 F. L'emprunt de 20 millions est lui aussi converti en 1895 ce qui donne lieu à une opération blanche car le nouvel emprunt de 16 147 633 F est passé en recettes mais immédiatement balancé en dépenses, d'où des pics dans les deux courbes correspondantes (il ne s'agit pas d'opérations pour ordre, celles-ci sont fréquentes mais n'influent pas les courbes en étant exclues des totaux). La même année l'hôpital est financé par un emprunt de 4,1 millions de F. Le service de la dette oscille autour de 1,2 million de F couvert par l'octroi.

Déjà compris dans 4 millions souscrits en 1899 le projet du Lignon nécessite en 1900 un autre emprunt d'un montant de 8,05 millions de F, ce qui porte en 1900 le capital emprunté à 42 millions en 7 emprunts. Enfin plusieurs emprunts de faible importance (travaux divers dont la Salle des cours publics et auditions, future Bourse du Travail) s'ajoutent à la liste. Une charge bien lourde avec 2 409 645 F de service de la dette en 1914 pour un total emprunté de 54,48 millions de F. Mais s'il est plus facile d’emprunter et si la notion d’endettement créateur de futures richesses par l’investissement s’est imposée peu à peu aux gestionnaires municipaux, on revient toujours à ce constat : il faut économiser sur les dépenses courantes, freiner les travaux et utiliser la méthode, coûteuse, de l’accumulation des excédents de caisse pour pouvoir entamer un cycle d’investissements. « Les dépenses supplémentaires ne doivent correspondre qu’à des nécessité absolues » remarque Girodet en 1889. Et, parlant de la construction du Lycée, Madignier s’évertue à prouver que cela ne coûte presque rien puisque l'Etat finance 50% des 2,8 millions nécessaires et que la revente de terrains et du vieux bâtiment, voire les taxes d’octroi sur les matériaux de construction qu’elle engendre, financeront le reste. Quant à J Ledin il sous-estime les rentrées et compte ainsi sur les plus-values d'octroi pour couvrir les dépenses supplémentaires dont les chantiers de chômeurs. Et quand Neyret annonce en 1908 « la sagesse, la ferme volonté de ne pas voter de crédits supplémentaires » et critique, avec raison, la charge excessive des emprunts (une dette de 42 millions, soit le tiers du budget et 118 centimes additionnels) il ne pourra s'empêcher de recourir aux mêmes méthodes faute d'autre solution.

Les socialistes arrivent au conseil dès 1881 et en 1900 c'est le socialiste J Ledin qui emporte la mairie. Mais il est facile d'observer que, malgré de violents affrontements idéologiques verbaux, voire physiques, le pragmatisme sinon l'opportunisme continuent de règner. Ainsi Ledin est loin de réaliser son programme que d'ailleurs certains de ses co-listiers désapprouvent. Dans les discussions à propos du nouvel hôpital et de la « nouvelle Charité » les critiques de gauche fusent contre les cadeaux accordés aux propriétaires fonciers. Un conseiller déclare, et ce n'est qu'un exemple, (29 mars1907) « depuis près de sept années que cette ville essentiellement ouvrière est administrée par une municipalité socialiste il est regrettable de constater que rien ou presque rien n'a été tenté pour enrayer la progression de la tuberculose ». Ce qui fait écho, soixante ans après, aux critiques des libéraux à propos du legs Jovin-Bouchard.

Toutefois, à la fin du XIXe, la bourgeoisie traditionnelle s'affaiblit nettement et la meilleure participation au pouvoir de nouvelles élites industrielles et de celles issues des professions libérales stimule les municipalités ; la relance est marquée par plusieurs investissements, Lycée, Préfecture, Bourse du travail, Hôpital etc. devenus d'une absolue urgence. Mais malgré quelques réussites heureuses dues à des maires assez volontaristes la ville, entre inertie et velléités, va courir sur son erre pendant la période suivante.
Recettes et dépenses en F courants (1870 à 1893)


Recettes oRec extRec suppRec o+supptotalDépenses oDép extDép suppDép o+supptotal18702 205 135355 8802 191 8364 196 9714 552 8531 401 144706 919 2 065 7703 466 9144 173 82418712 119 765357 060138 7292 258 4942 615 5541 348 365800 932461 9931 810 3582 611 29018722 267 596370 244224 1192 491 7152 862 1391 494 2931 051 058379 8801 874 1732 925 23118732 463 541409 5122 311 4654 775 0065 184 5181 800 794804 3721 011 7402 812 5343 616 90618742 890 398704 4862 232 4275 122 8255 827 3122 087 5851 092 3862 320 6874 408 2725 500 65918753 248 794756 8442 800 2036 048 9976 805 8422 227 4891 700 7981 869 3164 096 8055 797 60418763 483 246788 005258 7623 742 0084 530 0142 433 9961 571 0712 721 5605 155 5566 726 62918773 380 240535 628111 4963 491 7364 027 3652 436 0891 578 611905 9863 342 0754 920 68718783 338 442536 868121 8553 460 2973 997 1662 442 7021 470 806364 4232 807 1254 277 93318793 449 400560 2488 649 39612 098 79612 659 0452 369 4671 112 6679 211 34611 580 81312 693 48118803 419 670492 098846 1734 265 8434 757 942 2 648 211600 3471 262 3723 910 5834 510 93118813 432 759528 4294 166 5817 599 3408 127 7702 790 363528 6404 524 2367 314 5997 835 24018823 500 747502 7242 764 8876 265 6346 768 3582 813 1311 172 163430 9333 244 0644 416 22818833 610 256532 8011 114 7274 724 9835 257 7842 954 7981 181 0141 369 1924 323 9905 550 00618843 325 545555 1691 224 4854 550 0305 105 1993 084 9841 223 4921 374 6504 459 6345 683 12718853 370 625575 1991 131 8894 502 5145 077 7142 886 2301 193 8441 499 3584 385 5885 579 43318863 369 703568 9101 809 3135 179 0165 747 9282 795 6911 131 7061 845 6854 641 3735 773 08318873 641 630606 7191 170 0124 784 6425 391 3622 847 8571 249 9261 320 0204 167 8775 417 80318883 849 567768 8431 335 6945 185 2615 954 1052 985 8281 267 6571 479 1334 464 9615 832 61818894 019 291756 918797 4334 816 7245 573 6433 257 2981 363 228923 3524 180 6505 543 87918903 823 555699 9311 314 8445 138 3995 838 3313 230 8681 470 0181 345 1294 575 9976 046 01518914 087 304617 8421 437 4405 524 7446 142 5873 303 9421 299 4081 468 2224 772 1646 071 57318924 151 521610 5214 279 6078 431 1289 041 6503 489 3451 260 1404 580 3478 069 6929 329 83318934 307 824636 678741 4015 049 2255 685 9043 864 1171 284 442347 5504 211 6675 496 109
Arrondi au F ; o : ordinaires ; ext : extraordinaires ; supp : supplémentaires.
Recettes et dépenses en F courants (1894 à 1914)


Recettes oRec extRec suppRec o+supptotalDépenses oDép extDép suppDép o+supptotal18943 973 970610 219667 5524 641 6225 251 8423 381 8081 268 551593 5373 975 3455 243 89818954 077 069675 7021 532 3505 609 4196 285 1213 385 6731 367 5351 763 1595 148 8326 516 36818964 144 270835 06213 377 13421 521 40422 356 4673 489 4001 435 99017 465 60620 955 00622 390 99718974 285 099682 2631 340 4795 625 5786 307 8413 595 2321 342 4571 394 6984 989 9306 332 38818984 461 534817 6361 796 7346 258 2687 075 9063 586 6831 389 2531 721 8025 308 4856 697 73918994 617 589934 6201 181 0385 798 6276 733 2473 720 9531 471 9871 817 0035 537 9567 009 94319004 759 878898 1792 528 8687 288 7468 186 9263 907 2581 489 5212 895 5346 802 7928 292 31419014 943 411928 2514 098 2879 041 6989 969 9504 249 5911 542 0372 983 2977 232 8888 774 92619024 998 0751 219 3661 622 2076 620 2827 839 6504 459 1701 691 1352 252 9726 712 1428 403 27819035 008 6951 534 1027 291 73112 300 42613 834 5294 566 9361 839 0762 842 0607 408 9969 248 07319044 853 5121 764 891201 1775 054 6896 819 5814 565 3652 082 9644 810 0799 375 44411 458 40919054 877 2781 806 8021 143 5436 020 2827 893 4874 672 0252 065 5201 483 1576 155 1828 220 70319065 230 3661 863 3121 672 6966 903 0628 766 3754 895 3532 122 1522 483 7217 379 0748 771 19219075 517 1481 931 3582 686 8938 204 04110 135 4005 023 3472 266 1272 444 5307 467 8779 734 00519085 345 8082 322 4941 302 2956 648 1038 970 598 5 123 1762 393 9861 804 7896 927 9659 321 95219095 320 0732 900 199602 2705 922 3438 822 5445 257 8042 561 594745 1096 002 9138 564 50819105 311 0022 672 253651 1595 962 1618 634 4165 108 0752 438 5521 502 8976 610 9729 049 52419115 696 2022 481 6161 360 9377 057 1399 538 7565 304 6382 529 4821 307 4926 612 1309 141 61419125 747 9632 440 998693 5656 435 5288 876 5275 577 6512 444 324807 3016 384 9528 829 27719135 979 6322 399 3201 314 9427 294 5749 693 8955 670 4142 415 1891 700 8617 371 2759 786 46619145 720 5712 418 1052 841 7258 562 29610 980 4035 688 2822 473 8972 259 0677 947 34910 421 247
Arrondi au F ; o : ordinaires ; ext : extraordinaires ; supp : supplémentaires.





































































































Le périlleux entre-deux-guerres


« La prospérité est au coin de la rue » (le Président américain Hoover en 1932)

Paroles à graver au fronton d'un musée des déclarations malheureuses et de la langue de bois ! Quoique les Stéphanois et leurs maires l'aient rencontrée cette prospérité, pendant une partie des années 20, après la crise de 1920-22. Trop courte période cependant et de surcroît accompagnée par l'instabilité monétaire (entre 1915 et 20 le franc perd 1/3 de son pouvoir d'achat) malgré le rétablissement brièvement obtenu par Poincaré en 1924. En 1928 la redéfinition du franc qui perd 4/5 ème de sa valeur par rapport à 1914 précède de quelques années la politique de déflation de Laval (1935) qui sera une autre tentative de stabilisation. Signalons au passage qu'à partir de 1914 les données fournies dans ce texte pour les séries chronologiques ne figurent qu'en F constants (indices de conversion de l'Insee). La dépression mondiale qui s'annonce ici dès 1930 puis à la fin de 1931 éprouvera encore plus les finances locales pour lesquelles il est communément admis qu'on assiste alors à leur première crise. Pourtant les dépenses publiques poursuivent leur croissance sur un rythme plus accentué que pendant les périodes antérieures, 4% contre 2% à 3 % avant 1914. Dans cet environnement économique et financier périlleux comment dégager des ressources et faire malgré tout vivre la ville ?

La quête de nouvelles ressources

« Les charges [...] semblent aujourd'hui avoir atteint le maximum […] l'indemnité de vie chère, le relèvement des traitements, le prix plus élevé des travaux neufs et d'entretien ainsi que des combustibles, l'augmentation des dépenses de voirie, les contributions plus importantes dans les dépenses d'assistance constituent des charges définitives et permanentes qui doivent être incorporées au budget primitif ». Le jour de cette déclaration de L Soulié, lors d'une délibération du 30 décembre 1919, on observe qu'il manque environ 4 millions de F pour le prochain budget. Il faudrait éviter, dit-on, de partir d'un primitif irréaliste puis de jouer sur le budget additionnel pour équilibrer recettes et dépenses au jour le jour. Mais cela suppose une prévision améliorée et surtout celle des recettes. La solution est bien connue, augmenter les taxes (concessions d'eau, inhumations) appliquer le maximum des droits d'octroi et recourir, enfin, à la loi de 1884 : elle autorise les centimes d'équilibre des dépenses ordinaires.

La course est lancée et pendant plus de dix ans la pression fiscale augmente mais aussi les concours venus de l'Etat, ce qui n'empêchera pas les reports de travaux voire leur annulation. La ville vivote.

La multiplication des centimes communaux

Mais avant eux, l'octroi. Les droits deviennent insuffisants, pourtant en 1919-20 après leur augmentation ils produisent un surcroît d'environ un million de F courants. Le déclin est inexorable et du tiers des recettes ordinaires dans les années 20 à 25 la part tombe peu à peu pour n'être plus que de 12% en 1938. Néanmoins cela couvre encore la charge de la dette. La modification appliquée en 1918 n'a pas atténué son rendement. A cette date, et à la grande crainte de la ville, la taxe sur les boissons, environ la moitié de la recette, est supprimée. Mais un fonds de compensation est constitué pour une redistribution au prorata de la taille des communes, l'opération est blanche à Saint-Etienne. Quand on supprime l'octroi en 1943 (une décision prise à l’échelle nationale) il suffit d'ajouter 0,25% à la taxe locale sur les transactions pour retrouver une recette équivalente.

L'octroi de 1915 à 1939 (recette brute arrondie au F)

recetteen F constants% des RO19277 973 9051 458 65420%19153 073 9152 561 52256%192810 406 4731 903 57522%19163 250 8222 437 95854%192910 835 3221 868 08623%19173 610 4252 256 36953%193011 204 4491 909 75322%19183 509 8691 698 26750%193110 754 5991 920 39919%19193 554 1261 402 87748%193210 487 1882 042 86916%19204 570 3851 293 46131%193310 670 2202 162 79916%19217 075 0832 306 97537%193410 885 1412 299 56016%19227 553 2802 517 61538%193510 895 5692 514 26220%19236 802 4402 082 25835%193610 619 4022 275 50218%19248 624 8632 310 13534%193710 388 3121 770 64617%19258 549 6142 137 31130%193810 316 8101 547 46112%19268 574 5441 628 01924%193913 809 1471 935 80116%
%des RO : % des Recettes ordinaires 

Jusqu'à 1914 le recours aux centimes additionnels est presqu' inexistant. L'assistance médicale (loi de 1893) est prise en charge par le budget mais à partir de 1907 on vote des centimes pour l'assistance aux vieillards, infirmes, incurables (loi de 1905) qui totalisent 3 millions de F jusqu'à 1914 en y comprenant environ 300 000 F en subventions de l'Etat (En 1914 on y ajoute des centimes pour l'application des lois de 1913 sur l’assistance aux familles nombreuses, aux femmes en couche). Enfin en 1920 l'assistance médicale est financée par des centimes. Cela reste toutefois modéré, 1 417 148 F au total en 1920 pour 2,5 millions en dépenses d'assistance et 6 millions de F en recettes ordinaires.

Autrement plus importante la décision prise en 1919 de percevoir des "centimes pour insuffisance des revenus" (loi de 1884) qui produisent, en 1920, 4 310 736 F soit 17% du total des recettes communales. Alors que les impositions obligatoires de 5 et 8 centimes ne fournissent respectivement que 53 287 et 85 160 F, ces centimes pour les dépenses ordinaires apportent 14 578 736 F en 1931 ! Et les propriétaires paient encore pour le pavage, les égouts - des sommes modestes - ou pour certains travaux comme le curage du ruisseau des villes en 1930 par exemple.

Composition simplifiée des recettes ordinaires (RO) F constants et courants

centimes%Autres recettes%Nouvelles taxes%octroi%RO1871151 541 (4)7376 249 (18)181 591 974752 119 7641884241 256 (4)8757 600 (27)232 129 474643 325 5451911488 400 (4)81 865 334 (18)333 342 468585 696 202192616 930 350 (9)
3 214 5074710 243 945 (17)
1 944 982288 574 544
1 628 0192435 748 839
6 787 509192817 921 836 (9)
3 278 3013813 236 411 (17)
2 421 233285 398 171 (16)
987 44511,510 406 473
1 903 5752246 962 894
8 590 555
% des recettes ordinaires
autres recettes : impôts et taxes municipales ; nouvelles taxes : lois de 1926
(4) (9) (27) etc : nombre d'imputations. 1 903 575 : francs constants base 1914, 1911 n'en diffère qu'à peine

Une telle pression sur les contributions locales n'avait pas été osée jusqu'alors. Le vote des centimes additionnels, en général très mal perçu par les contribuables, rarement envisagé par le maire, est certainement passé dans le climat de bouleversement qui suivait la guerre. Indice de cette forte réticence on n'y avait eu recours qu'en 1884 et 85 pour acheter une forêt à Tarentaize afin de protéger des sources. A ce propos il faut observer que le centime est calculé sur les principaux fictifs de 1890 mal réajustés annuellement et qu'une révision des bases n'interviendra qu'en 1934 ; il vaut en 1928 environ 35 614 F et un peu plus pour la patente ; le décime d'octroi disparaît en 1926. Les villes de taille comparable sont plus riches que Saint-Etienne et comptent en moyenne sur 45 000 F. Cette valeur variant avec le rendement du principal fictif, le nombre de centimes n'a donc guère d'intérêt en lui-même.

Il arrive, très rarement, que des centimes ne soient votés que pendant quelques exercices et affectés à un propos particulier, ainsi un supplément de 3c pour les chemins vicinaux de 1913 à 1920. De même les salaires des employés municipaux comportant depuis 1918 une indemnité de vie chère qui passe dans un chapitre particulier des dépenses ordinaires en 1924, on vote en conséquence 42,6 c. additionnels pour équilibrer ce compte mais en 1925 cette procédure n'est pas utilisée. L'indemnité devient l'allocation mobile ou d'attente – on attend une nouvelle échelle des salaires - qui figure au compte administratif à partir de 1926 avec les centimes additionnels afférents et la dépense ordinaire correspondante. Elle dispararaît en 1936, intégrée au salaire.

Maintenant que le premier pas est fait on n'hésite plus à jouer sur ce nombre de centimes bien qu'à l'occasion les maires soulignent qu'ils arrivent à ne pas les augmenter, voire à les diminuer… par rapport aux prévisions de leurs adversaires. Lors de l'affrontement Soulié – Durafour un journal local affirme que la ville disposait en 1930 de 15 millions et d'un excédent de 5 millions de F qui aurait pu éviter le vote de centimes additionnels. En réalité si l'excédent global de 1929 s'élève bien à 14 807 969 F il faut en soustraire 4 825 197 F nécessaires pour poursuivre les travaux engagés et assurer la continuité des services, la somme ne figurait pas au primitif ! « Il est possible que l'ancien maire comptât trouver (par des recettes accrues) les sommes nécessaires pour rétablir [...] les insuffisances du budget primitif dans son budget additionnel » déclare L Soulié en octobre 1930. Il reste donc en caisse 9 982 772 F. Ce qui permet au nouveau maire d'écrire « en raison de l'insuffisance des crédits affectés depuis de longues années à la plupart des services publics [...] une tâche considérable de redressement était nécessaire. Et malgré tout nous avons pu réduire à 168 c. additionnels nouveaux les prévisions de l'ancien maire qui s'élevaient à 237 centimes ». On multiplierait aisément les exemples de ce genre dans les compte-rendus d'exercices fiscaux qui donnent lieu à d’interminables pages de polémiques.

La pratique du budget primitif « politique », donc optimiste, mais tout à fait irréaliste apparaît désormais comme le principal obstacle à une bonne gestion.

Des taxes, encore des taxes, toujours des taxes.

La classique recette, utilisée encore en 1919 et qui consiste à augmenter le taux des taxes communales, ne suffisant pas non plus à équilibrer les budgets on en instaurera de nouvelles grâce à la loi de 1926. Car le mauvais état des finances locales est général en France même si la situation de Saint-Etienne, grande ville ouvrière, est des plus médiocres. Auparavant apparaît la taxe sur les spectacles (1920 ; le théâtre Massenet est mis en régie en 1922). Le budget de 1927 est délicat à équilibrer, à cause du chômage il manque 4 millions de F. Les taxes sont adoptées en novembre 1927 et décembre 1928, pour appuyer leur nécessité le maire prétexte également une probable disparition de l'octroi. Tout de suite on puise au maximum en créant 16 taxes dans la panoplie offerte par l'Etat ! (la taxe va à l'Etat, la commune n'en reçoit qu'un pourcentage) : taxe sur les cercles associatifs, l'enlèvement des ordures ménagères, les instruments de musique à clavier, les domestiques attachés à la personne, les billards, les véhicules, la publicité lumineuse ou par affiches, le chauffage et l'éclairage électriques etc. Dès 1928 plusieurs sont supprimées car ne rapportant pas assez (distributeurs automatiques de musique) ou sont abaissées (débits de boissons, les cafetiers ont protesté et ce sont de bons agents électoraux). En font partie une taxe sur le revenu des propriétés bâties et sur la valeur locative des locaux d'habitation et professionnels, celle-ci sera supprimée en 1930. C'est une augmentation déguisée des 5 centimes légaux. B Ledin, regrette en mai 1928 de les avoir votées mais comme le dit, en décembre, L Soulié attaqué sur cette avalanche et qui se défend d'en être l'auteur : « la vérité sur les taxes a été établie […] ainsi disparaît une légende créée par l'ignorance […] l'incompétence ». Après quoi il s'abrite derrière la loi pour annoncer que cette dernière s'oppose à d'autres dégrèvements. En 1932 on ajoute la taxe d'assainissement qui doit, en principe, supprimer les contributions des riverains pour les égouts mais elles vont subsister partiellement jusqu'en 1967. Les taxes rapportent 5 millions de F en 1935.

Cet indispensable recours à une multitude de taxes et de centimes additionnels pose nettement la question d'une refonte qui passerait par l'instauration d'un système d'impôts locaux clair et lisible ou une meilleure intervention de l'Etat, ce que réclame une motion de décembre 1937. Or depuis 1931 malgré de multiples tentatives rien n'est fait, on se contentera de simplifier les centimes en 1959. En attendant il faut tirer parti au mieux de la législation et compter à l'occasion sur le budget de la nation.

L'Etat met la main à la poche.

Ce qui caractérise aussi la période c'est la part grandissante des interventions de l'Etat dans les budgets locaux, par intérêt bien compris ou parce que c'est nécessaire en attendant une improbable réforme des finances locales.

Il agit d'abord en complètant les ressources ordinaires des communes par le fonds de compensation des contributions indirectes, ainsi en 1918 comme on l'a vu, auquel s'ajoute le fonds de redistribution partielle de l'impôt sur le chiffre d'affaire. D'exceptionnel en 1920 ce versement devient ensuite une recette ordinaire sur la base d'environ 5 F par habitant. On peut y voir un encouragement à la disparition de l'octroi. Toujours dans ce domaine il est créé un versement compensatoire de la diminution de la valeur du centime intervenue en 1935 (conséquence de la suppression d'une taxe sur la valeur locative) soit environ 0,5 million de F par an. Enfin en 1919 la ville reçoit un million de F pour participation aux frais de guerre puis 1,2 million en 1920 ; en 1939 l'Etat accorde la modeste somme de 1,5 million de F à des services d'intérêt national, les centimes afférents étant dûment supprimé des recettes. Autre intervention la politique déflationniste de 1935 qui réduit les dépenses par un prélèvement obligatoire, l’Etat impose un pourcentage de réduction à toutes les dépenses. L'économie forcée de 3 578 500 F est affectée en 1936 à certaines dépenses imprévues « sans recourir au vote d'impositions nouvelles ».

Avant 1914 l'instruction publique a bénéficié de concours substantiels qui se poursuivent ; le total peut atteindre de fortes sommes comme en 1917 avec environ 2,5 millions de F (remboursement d'annuités pour le lycée de jeunes filles, équipements divers) y compris la subvention annuelle à l'Ecole Nationale de musique. L'assistance est un poste plus important car, malgré les centimes votés pour appliquer les lois, le budget municipal a du mal à suivre. En particulier l'application de la loi de 1905 nécessite un coup de pouce de la solidarité nationale, le surnombre éventuel de vieillards pris en charge donne lieu à une compensation presque régulière d'environ un demi-million de F annuel. Cependant certaines années, 1923 par exemple, quelques subventions ne sont pas encaissées - retard de l'Etat ? - et reportées à l'exercice suivant. Parfois elles sont de pure forme comme pour le chômage : 427 F en 1923, 156 000 en 1928.

Subventions et attributions de l'Etat 1920 - 1934

1920% RO1934actualisé (1)% RO1 - Attributions de l'EtatImpôt chiffre d'affaire89 1930,6816 501609 4901,2Fonds contributions ind.1 250 4198,53 752 1602 800 8615,5Annuités d'emprunts65 8630,5total1 405 4199,54 568 6613 410 35172 - SubventionsEnseignement66 0920,4271 648 202 7750,3Assistance loi de 190581 0720,6144 586107 9090,2Divers5 73746 08034 397Chômage20 6590,1511 795 1248 804 66217,5total173 5601,212 257 4389 149 743 183 – ExceptionnelEffort de guerre1 197 5218,1total2 776 55618,716 826 09912 560 09425
(1) Actualisé : la somme de 1934 est convertie en F de 1920 pour faciliter la comparaison
Le % est en fonction des recettes ordinaires. Dans certains cas le Département ainsi que la Chambre de commerce participent aux subventions (chômage, enseignement) pour des sommes relativement faibles, absentes de ce tableau. Sans le chômage le pourcentage de 1934 revient à 7,5 ; sans l'effort de guerre 10,6 en 1920.

Malgré la multiplicité des subventions – sapeurs-pompiers (supprimée en 1927), retraites ouvrières depuis 1919, diverses comme 100 000 F pour l'achat des terrains de l'Etivallière ou pour les colonies de vacances etc. – la totalité des sommes encaissées ne représente qu'assez peu par rapport au budget communal au début de la période. C'est à peu près 10% des recettes ordinaires mais assez variable : en 1920 un peu plus et avec la grande crise on dépasse momentanément 20%. Il devient indispensable de trouver des ressources nouvelles.

Soucis nouveaux, dépenses nouvelles.

Nouveaux champs d'action

La ville, comme toutes les grandes villes en France, intervient dans des domaines nouveaux, parfois à son corps défendant, parfois pour élargir volontairement son champ d'action. C'est la préfiguration de nos budgets contemporains qui touchent à tous les aspects de la vie en société et l’aboutissement d’une longue évolution à peine amorcée à la fin du Second Empire. En particulier la politique du Front populaire contribue à augmenter les dépenses en faveur du sport, de l'école, de ses oeuvres post et péri scolaires et de la culture.

Signe de nouveaux temps le sport fait son apparition dans les budgets même s'il est loin d'occuper la place qu'il tient de nos jours. Les subventions à diverses sociétés et manifestations tournent autour de 90 000 F en 1932 puis s'élèvent à la veille de la guerre ; après l'achat, en 1925, des 5 ha de l'Etivallière pour 750 000 F viendra la piscine de Grouchy financée par 947 307 F en 1938. On envisage en 1925 un Comité des sports dans une ville qui « occupe en la matière un rang sans équivalent en France » ! Cela reste pourtant modéré surtout si on compare aux subventions que chaque séance mensuelle du conseil accorde aux innombrables et très diverses sollicitations. Ce chapitre enfle et avoisine ou dépasse les 800 000 F annuels entre 1934 et 39 mais cela ne représente que 2% des dépenses ordinaires.

Autre nouveauté, l'urbanisme qui dès 1910 se donne pour propos l'aménagement raisonné de l'extension des villes et, en Europe après 1918, la reconstruction des villes détruites. En France la loi Cornudet de 1919 exige un plan d'aménagement, d'extension et d'embellissement pour les villes de plus de 10 000 habitants. La municipalité stéphanoise désigne donc, dès juin 1919, une commission qui choisit en mars 1920 d'étudier une rénovation et une extension de la ville. C'est aussi reconnaître la vétusté voire la taudification du coeur de la ville sous la poussée de la demande en logement des classes populaires – ouvriers et employés – et admettre que les systèmes antérieurs, en ne recourant qu'à l'initiative privée (premiers programmes privés patronaux vers 1910) ne peuvent suffire à la tâche. En effet une part de la construction reviendrait à l'office municipal d'habitations à bon marché, ou HBM, créé en 1921

La ville garantit quelques emprunts de l'Office municipal ; à cette fin elle emprunte 400 000 F en 1930. Puis elle consent des avances qui ne figurent donc que pour ordre au budget. L'Office reçoit aussi une dotation annuelle, sur 30 ans, d'environ 65 000 F. Mais l'aggravation de la crise du logement justifie un effort plus important et un programme de construction qui entraîne des travaux de voirie. Cependant l'incidence sur les finances de la ville est faible compte tenu de la modestie des réalisations dont certaines sont d'ailleurs payées par des aliénations d'immeubles rue Colombet et Sainte-Catherine en 1931. L'opposition proteste malgré tout au prétexte des centimes additionnels que nécessitent les emprunts.

A relever aussi « la calamité », selon l'expression de L Soulié, qu'est la fermeture en 1926-27, des mines de Villeboeuf. Les travaux de réparation des dégâts en surface obligent la ville à consentir des avances (4,5 millions en 1928 - 8,5 millions en 1931) et même emprunter en attendant un règlement qui se fit attendre ; elle reçoit en compensation une aide de l'Etat d'un million de F en 1928. Mais ce sont les transports et surtout le chômage qui occupent la principale place.

Les transports en commun, une dépense sociale.

Jusqu'à l'entre-deux-guerre les tramways, confiés depuis 1905 en rétroconcession à deux réseaux, CFVE (Cie chemins de fer à voie étroite) et TE (tramways électriques), n'ont guère pesé dans les dépenses de la ville sinon en voirie. Mal entretenu le matériel est en piteux état après 1919 et l’exploitation de moins en moins rentable voire déficitaire. Les bouleversements économiques des années 20 aggravent une situation gérée à coup d'avenants à peu près annuels. Aussi la nécessité de maintenir ces réseaux, indispensables aux usines stéphanoises, conduit à une implication très forte de toutes les municipalités dès 1920.

Afin de maintenir le prix du ticket ouvrier l'avenant de février 1926 prévoit une compensation municipale de 120 000 F par an, en 1926-27, pour les TE qui de fait est appliquée en 27-28. C’est la ville qui règle mais la CFVE rembourse. Le réseau TE est en outre exempté de la redevance de 6% sur les recettes brutes pour 1926-27-28. Lors de ces discussions et malgré bien des hésitations le principe d'un rachat des TE est envisagé par L Soulié. Un projet de convention est signé en décembre 1929 avec effet au premier janvier suivant puis modifié cinq fois jusqu'à 1935. Est prévue une exploitation des TE en régie par la CFVE qui reçoit pour cela une prime de 3% des recettes.
Le rachat est certes coûteux mais supportable, soit 820 000 F et 26 annuités de 175 000 F (dans les dépenses de 1930 : 864 751 F avec les frais et intérêts et 175 000 F, environ 3% des dépenses extraordinaires). Par contre les conséquences pesantes puisque la ville prend en charge aussi bien les bénéfices que les déficits. Or ces derniers, de 1930 à 39, vont totaliser 4 687 796 F - 600 000 F par an ! - pour 126 318 F de bénéfice en 1933 et 34. Selon A Vernay (automne 1932) la forte concurrence des cars, apparue en 31, laisse prévoir la disparition « fatale, aussi bien en surface qu'en souterrain » des tramways « vétustes et inconfortables ». Mais il faut, en attendant, maintenir à tout prix le coût modéré du transport des ouvriers. En 1936 l'application des lois sociales place la municipalité devant un dilemme : augmenter, encore, le prix du ticket ou compenser par le budget de la ville ? Les tarifs sont augmentés sauf celui du ticket ouvrier et la ville prend le surcroît de déficit en charge. Il est tel qu'en 1937 on décide d'emprunter 405 000 F pour le combler (autorisé en mai 1938). Mais L Soulié peut affirmer le 30 décembre 1938 « les tarifs des transports urbains […] sont les plus bas de France malgré l'augmentation récente ».

Comme en même temps la CFVE, qui résiste à peine mieux, éprouve de semblables difficultés la ville lui consent des avances remboursables : 216 000 F en 35, 100 000 aux TE, l'achat de cars pour les TE soit 268 884 F puis 250 000 en 1937 avec achat d'autobus pour 198 000 F. La ville subventionne la caisse de retraite des traminots, une somme toutefois faible. Le budget additionnel de 1937 prévoit 1 917 093 F d'avances et comptes d'attente pour les deux compagnies dont 684 000 F pour la trésorerie CFVE. Celle-ci, dès l'apparition des cars concurrents, a protesté et « affirmé, à tort d'ailleurs, qu'il était du pouvoir de la municipalité de s'opposer à la création de services de transport concurrents » (CM du 1er février 1932). S'ensuit un procès, perdu par la Compagnie. La ville subventionne, pour les mêmes raisons, des lignes de car intra et inter urbaines dont Le Bessat et Marlhes. En 1933 respectivement 75 000 F et 12 640 F pour une demi-douzaine de lignes, des sommes modérées mais qui se maintiendront à peu de chose près pour l'intra urbain et baisseront un peu dans l'autre cas. De 1926 à 34 la société Garampazzi reçoit par exemple et à ce titre 881 248 F.

Le déficit de la CFVE croît et atteint un point tel que la société ne paie plus ses redevances, le manque à gagner totalise presque 2 millions de F en 1937. La ville qui s'engage de plus en plus dans une prise en charge totale se résout à éponger les dettes annuelles d'un service absolument vital pour la bonne marche de l'économie stéphanoise. Le budget municipal en est d'autant obéré.

Une charge pesante celle du chômage

« …la situation est très grave […] et peut comporter […] des complications d'ordre social capables de troubler l'ordre public… » ( Bulletin de la Chambre de Commerce et Industrie 1931)

On connaît mal le nombre exact des chômeurs car, pour obtenir des secours, la déclaration est volontaire et les contrôles sont tâtillons voire jugés vexatoires. Ils seraient une centaine fin 1930, ils sont 2000 en juillet, dépasseront 6 500 l'année suivante sans compter environ 12 000 chômeurs à temps partiel. A Saint-Etienne on les a toujours secourus mais les chantiers communaux, dont la pratique n’a jamais été abandonnée, ne peuvent suffire. Quant au fonds communal c'est une institution, non obligatoire, créée et financée par la ville, indépendante de la municipalité et que l'Etat subventionne ainsi que, dans une bien moindre mesure, le département (en 1930 l'allocation est de 7 F par jour et 3 F pour l'épouse et par enfant).

En mai 1928 L Soulié précise, à propos des nouvelles taxes, que « c'est la nécessité de se procurer des ressources pour l'attribution de secours aux chômeurs » qui en a justifié le vote. Pourtant ajoute-t-il « c'est à Saint-Etienne que les dépenses municipales sont les moins élevées […] cependant nos charges d'assistance […] sont accablantes, plus élevées que dans nombre de villes de population supérieure ». Entre décembre 1926 et mai 1928 556 350 F sont attribués à ces secours mais la ville n'en a déboursé qu'environ le quart soit 404 653 F.

La situation est bien plus grave à partir de 1930. En mai et août il a fallu voter 350 000 F de plus pour les chantiers ; les 150 000 F du fonds sont épuisés dès février 1931 et les appels se succèdent en mars, juin, novembre… la subvention au bureau de bienfaisance passe de 400 000 à 630 000 F. Le maire conclut, le 30 novembre 31, « c'est près de 3 millions de F que la ville aura consacré au chômage ». Elle a participé pour 2 207 988 F au fonds tandis que 1 587 465 F sont affectés dans les dépenses ordinaires aux chantiers ainsi que 150 000 au bureau de Bienfaisance.

Il est certain que les 2 millions prévus pour 1932 seront insuffisants et on anticipe sur les secours de l'Etat en votant 1,2 million supplémentaires. Comme l'avait déclaré A Durafour fin décembre 1931 en présentant le projet pour 1932 « cette crise trouble profondément les méthodes qui président habituellement à la fixation des prévisions budgétaires ». Si les sommes en question sont tout juste supportables, au mieux environ 10% des dépenses ordinaires ou 7% du total des dépenses, elles fragilisent des budgets au bord de l'équilibre. Pour s'en sortir une seule méthode, étaler le plus possible les à-coups comme le montre le primitif de 1932 très loin d'être réalisé dans le compte administratif car volontairement sous-estimé. L'écart est énorme entre prévisions surestimées, primitif sous-estimé et réalité du compte administratif. Affaire de méthode et de jeu d’écriture puisque la dépense réelle est malgré tout à peu près conforme à la prévision du maire. L'emprunt de 2,712 millions pour les chantiers et 2,085 pour les secours, couvre l'essentiel des 5,776 millions de F dépensés ; en réalité avec diverses autres dépenses on atteint 6,2 millions consacrés aux mesures contre le chômage. Habile gestion au fil des jours ? situation subie ? navigation à vue ? peut être un peu de tout mais la position du maire est inconfortable. Il ne s’en tire que grâce à l’emprunt et à la subvention de l’Etat qui ont à eux seuls presque tout règlé.

Le chômage dans le primitif et le compte administratif de 1932

1932PrévisionPart de la villePrimitifempruntCompte admn.Fonds de chômage8 910 000891 000500 000391 0002 794 894Chômage partiel1 683 000168 000168 00051 141Bureau de Bienf.594 000594 000150 000444 000199 389Ouvroirs1 000 0001 000 000100 000900 000377 230Cantines250 000250 000150 000100 000Chantiers (1)3 150 0003 078 000366 0002 712 0002 352 766Reste des secours1 879 000435 000185 000250 000total17 466 0006 416 0001 619 0004 797 0005 776 420
(1) travaux de toute façon largement prévus dans les dépenses ordinaires et extraordaires. chômage ou pas.
La ville prévoit que l'Etat assurera 9/10 du fonds, il s'agira en fait de 9 868 628 F.
Le fonds s'élève à 12 663 522 F (9 868 628 de l'Etat et 2 794 894 de la ville) plus un faible apport du département
Rappelons que le primitif est largement irréaliste, seul le compte administratif relate la réalité des opérations
Le maire fait observer que les 1 619 000 F du primitif, environ le quart de la part de la ville, seront atteints en reportant des dépenses ordinaires non urgentes « pour ne pas recourir à l'impôt ». Ce qui n'est pas tout à fait exact, le nombre de centimes augmentant légèrement pour produire 4 millions de supplément, en contrepartie on emprunte moins. Le reste de l'assistance comporte en particulier des secours en vêtements, charbon, l'ouvroir de couture, des subventions au bureau de Bienfaisance, des subsides aux cantines déjà accordés lors des grèves de 1924-25, ce qui déplaît au patronat qui reproche à la ville de conforter ainsi les syndicats en mêlant assistance et politique. S’y ajoute l'accès du restaurant de Carnot pour les chômeurs et les indigents, d'ailleurs deux autres seront ouverts, sans oublier une "soupe populaire". On entend alors au conseil municipal les habituelles récriminations contre les "fainéants" et autres "professionnels du chômage" mais la majorité socialiste et radicale défend sa politique.

La situation ne s'améliore pas en 1933, année d'un maximum de l'effort consenti avec un fonds de 14 440 386 F (2 286 582 pour la ville) et en 1934 on reprend les mêmes sommes pour le fonds : 2 350 480 pour la ville et 11 795 124 F pour l'Etat. A cette date, selon L Soulié, la facture municipale du chômage s'élève à environ 14 millions depuis 1931. On pourrait ajouter diverses sommes plus ou moins liées au chômage, ce que les maires n'oublient de faire, mais, si les aides sont bel et bien perçues par les familles stéphanoises malmenées par la crise, la charge sur les finances est assez différente.

Pourquoi compter les chantiers ? En effet jusqu'à 1935 inclus la dépense figure depuis très longtemps chaque année dans les dépenses ordinaires de voirie et correspond à des travaux prévus, même si quelques uns auraient pu être effectués à meilleur compte par les services municipaux ou un entrepreneur privé. Les emprunts qu'on y affecte sont habituels. A tel point que dans l'exposé du programme des "Grands Travaux" en juin 1935 L Soulié souligne que l'Etat les financera largement grâce au fonds de chômage ! et que le complément viendra des économies imposées par les décrets-lois de 1935 et par l'emprunt. Il affirme même que la première tranche de 3 millions sera entreprise sans effort particulier pour les contribuables...

Par contre il est très difficile d'évaluer nombre de dépenses comme celle des cantines car le prix du jeton fixé par la mairie est assez loin de la dépense en fourniture et salaires, celle de l'ouvroir pour les mêmes raisons, ou bien encore celles des restaurants populaires avec leurs repas gratuits ou à bas prix. Enfin des sommes considérables ne figurent au compte administratif que pour ordre, elles s'inscrivent à la fois en recettes et dépenses au chapitre afférent, c'est le cas des restaurants (1 104 334 F recette en 1936 pour 1 216 800 en dépense) ou de la subvention du département au bureau de Bienfaisance pour 800 000 à 1 200 000 F annuels.

La décrue s'amorce en 1935 et, en avril, A Vernay déclare « notre préoccupation essentielle a été de faire face […] sans avoir à alourdir le fardeau du contribuable […] le budget s'équilibre de façon parfaite ». La crise aurait déjà coûté à cette date 56 millions dont 20 à la seule charge de la ville. Cette année là sur les 14 389 456 F du fonds on annule 890 543 F et la ville en assure 3 664 362. Et si on doit voter un supplément pour le bureau de Bienfaisance (59 071 F) une part du chômage partiel est annulée de sorte qu'environ 1 million de F sont annulés pour la ville. Les exercices suivants sont établis en légère baisse, il faut tenir compte d'une forte hausse du coût de la vie et d'une reprise de l'inflation ; les 12 millions du fonds en 1939 n'en valent en effet que 8,5 de 1932.

Les systèmes de protection sociale étaient balbutiants avant les années 40 ; socialisation de l'aide et œuvre de bienfaisance ne se distinguent pas nettement. Nombre de familles bourgeoises à Saint-Etienne ont encore "leurs pauvres" tandis que l'Etat consent à soutenir l'initiative communale. En définitive on a consacré, de 1931 à 39, 115 851 519 F au fonds de chômage, la part de la ville montant à 28 451 176 F ou 25%. La ville a également versé 5 728 590 F au bureau de Bienfaisance et inscrit 11 271 168 F pour les chantiers. Enfin sur 100 930 804 F d'emprunts souscrits entre 1931 et 1939 17 151 000 financent le fonds de chômage, 7 520 000 les lois sociales et l'équilibre du budget en 1937. Un coût total d'environ 50 millions ? c'est à dire une année de recettes ou de dépenses ordinaires…la somme est lourde, très lourde, mais plausible.

La gestion financière : un travail de Sisyphe

« De jour en jour je vais mieux » (E Coué dans les années 20)

Comme précédemment la section ordinaire du budget retient tous les soins du maire et de son comptable ; la section extraordinaire est une béquille qui apporte le complément de ressources, mais sans elle la ville serait paralysée. Les ressources de la ville sont ainsi pour une large part affectées à la vie quotidienne de la cité et, pour une autre part, engagées dans le financement des emprunts pour étaler dans le temps une partie de ce fonctionnement et les plus coûteux ou plus longs investissements.


Après avoir faibli jusqu'à 1919 les dépenses ordinaires repartent à la hausse dès 1920, premier budget du retour à une période normale. Elles tripleront, en F constants, jusqu'à leur apogée de 1934, c'est considérable. La voirie, qu'on a négligée, provoque tout de suite un excédent de dépenses de 2,7 millions de F et un déficit annuel. Premier signe des difficultés à venir et qui vont nécessiter, comme on l'a vu, des impositions nouvelles. « Le mouvement ascensionnel des dépenses est […] le fait de la situation économique, de l'extension des services, des contingents assignés (les dépenses obligatoires), et de l'assistance sous toutes ses formes » remarque L Soulié le 28 décembre 1929. Mais on réussit à établir un budget « sans charges nouvelles pour les contribuables ». Le même L Soulié avait souligné le 25 mai 1928 que les dépenses par habitant étaient les plus basses dans sa ville : 241,51 F contre 307,71 à Nantes, 332,93 à Lyon, 325,8 au Havre, etc. pourtant villes ouvrières. « Ces chiffres ne font que confirmer […] la limitation des dépenses au minimum indispensable à la vie communale d'une ville de 200 000 habitants ». Il y revient souvent : « y a - t – il [ …] des dépenses exagérées ? Je ne pense pas ; toutes nos écoles demandent des réparations […] nous n'avons pas encore de théâtre, de bibliothèque municipale […] il ne faut pas faire les démagogues, il faut voir la réalité des choses et les difficultés que nous avons en face de nous ». (31 décembre 1935)










Principaux postes des dépenses ordinaires, en %.

19181920192819351939Personnel33,512,511,58,5Bâtiments, chauffage611466Voirie eau éclairage312524,526,522,5Octroi marchés6745,56Police78,56,58,58Service d'incendie121,522Cimetières23222Biblioth. Musées0,5110,50,5Instruction publique14,513101110Assistance, secours1816222027Subventions4461,51,5Fonds spéc. divers2,522,51,52,5
Quelques postes de faible importance sont négligés. Les imputations sont établies au mieux, elles peuvent varier d'un compte à l'autre. En 1920 et 1939 : 4,5 et 10,6 millions en F constants pour le total des dépenses.

Croissance donc, comme partout en France, mais au prix de la parcimonie, jusqu'à la grande crise qui les gonfle subitement en y intégrant les secours dont une bonne partie est cependant payée par l'Etat. Quant à la structure de ce chapitre elle est d'une remarquable stabilité. La voirie occupe le premier poste ; l'assistance arrive au second rang voire, épisodiquement, au premier. L'administration qui coûtait très peu pèse un peu plus après les augmentations de salaires et surtout après les lois de 1936. Enfin quatrième poste d'importance, l'instruction publique y compris les œuvres para et post scolaires vivement encouragées par les municipalités radicales et socialistes et le gouvernement de Front Populaire. Mais croissance qui, par force, néglige ce qui n'est pas indispensable.

L'investissement en est d'autant plus entravé et des surprises désagréables comme celle du 30 novembre 1937 plutôt fréquentes : « les prévisions budgétaires ont été dépassées et nous avons à faire face à un excédent de dépenses de 4 millions […] nos prévisions auraient été justes si nous ne nous étions pas trouvés en présence de dépenses tout à fait imprévisibles » ! Excusons nos édiles, la surprise fut générale en France avec 7% de hausse des dépenses. L'Etat autorise plusieurs villes, dont Saint-Etienne, à faire des emprunts de renflouement des caisses et L Soulié conclut «  nous nous en tirons à bon compte ». 

Comme ce travail d'équilibriste, voire d'illusionniste dans quelques cas, ne peut être critiqué sur les choix, les opposants, lors de l'examen des comptes, s'en prennent essentiellement à leur présentation. Car pour arriver à ce fameux équilibre ou à un excédent flatteur pour le maire et qui justifie la modération de la pression fiscale, on joue sur les annulations, les reports, parfois involontaires quand l'Etat est en retard de paiement, les passages du primitif à l'additionnel. Je n'en donnerai que deux exemples parmi bien d'autres. Le 24 novembre 1922 un conseiller municipal fait observer à L Soulié que l'excédent du budget relève d'un jeu d'écriture : « on est en réalité passé d'un excédent d'un million à seulement 324 F ». Ce que le maire admet mais excuse par « une pratique vieille de plus de 80 ans » et justifie par des habitudes avérées quoique contestables comme le report de paiement des factures présentées tardivement par certains fournisseurs. Il s'en fera pourtant accuser à nouveau quelques années plus tard.

En effet le 23 octobre 1930 A Durafour, lors d'une espèce d'audit qu'il a demandé à l'administration, reproche à son prédécesseur et adversaire L Soulié d'avoir élaboré un primitif « d'une inflexible parcimonie » mais « d'un caractère factice » pour arriver à « équilibrer le budget sans impôts nouveaux ». On a utilisé, dit-il, « des artifices », en relevant des taxes et surtout en annulant et reportant 4,7 millions de crédits pourtant indispensables, parmi eux 2 millions pour la voirie en « lamentable état ». Le maire, dit-il, comptait récupérer ces crédits en les inscrivant au budget additionnel. « Méthode critiquable » qui aliène l'exercice suivant et paralyse les services. A Durafour estime qu'au lieu d'un excédent de 4,3 millions il y a en fait 0,5 million de déficit (c’est la polémique à propos des centimes citée ci-dessus) ce qu'il n'est certes pas fâché d'établir après sa tumultueuse élection de juillet dans les remous de l'affaire des terrains d'aviation (un conflit d’intérêts à la suite duquel L Soulié démissionne et le Ministre dissout le conseil municipal). A Durafour préconise « une sévère politique de compression et d'économies » et s'en prend au coulage, aux heures supplémentaires injustifiées, aux sureffectifs. Puis en juin 1931 il pense que des emprunts ont été détournés et indûment affectés à des dépenses ordinaires, une pratique illégale et sans doute déjà plusieurs fois utilisée mais invérifiable compte tenu de la présentation des comptes. Selon lui il n'en est pas ainsi dans les autres grandes villes, voire...

L'emprunt : indispensable, coûteux mais supportable.

Après l'atonie de la période de guerre et la très passagère embellie procurée par les nouvelles taxes le recours à l'emprunt reprend mais de façon modérée jusqu'à 1926. De sorte que la dette diminue et que sa charge baisse vite et passe sous les 10% des dépenses ordinaires ce qui est supportable. En 1919 la dette était élevée, plus de 20 millions de F et sa charge environ 20% des recettes ordinaires. A la veille de la crise la situation est saine ; il faut dire aussi que les taux sont bas pour des durées de 30 à 40 ans (47 ans à 3,5% pour l’adduction des eaux du Lignon) et que l'inflation soulage la trésorerie. Les taux remontent pour les dernières opérations, 5 et même 8%, et plusieurs fois d'ailleurs on ne trouve pas de prêteur comme lors d'une panique financière en 1924 ou en novembre 1939 marqué par l’échec pour la 2ème tranche de l'emprunt de 4,4 millions.

En séance plénière la situation des emprunts est rarement rappelée et ceux à souscrire entérinés sans discussion puisqu'ils sont prétendus indispensables. Si, en public et devant les électeurs…, en 1935 on discute du tarif d'octroi pour les volailles ou des taxes sur les débits de boisson en 1927, c'est en commission et conseil restreint, avec le comptable, que la politique d'emprunt se définit. Mais il n'en reste pas de témoignage, par exemple on lit en 1932 : « la commission procède à l'examen […] des moyens propres à équilibrer le budget […] et adopte les articles 33 à 91 » sans autre commentaire. Il ne subsiste que de très minimes traces de ces discussions.

Evidemment l'emploi de l'emprunt est largement orienté vers les travaux neufs même si de subreptices « distractions » l’orientent vers des dépenses courantes. En 1920 – 16 millions en F constants - 70% pour ce secteur dont 10% pour l'hôpital et la préfecture ; le projet des eaux du Lignon compte pour 24 % ce qui laisse peu aux divers autres postes (écoles, Salle d'audition). Cette structure comme celle des dépenses ordinaires varie peu puisqu'en 1939 – 20 millions - travaux, voirie, bâtiments utilisent environ 40%, le Lignon grimpe à 40%, la différence est due au chômage qui en absorbe 10% et aux affectations financières (indemnités de vie chère, lois de 1936, équilibre du budget de 1937) 5% ; sport (2%) et post et para scolaire 4,5% complètent ces affectations.




Les emprunts de 1919 à 1940 (francs constants, base 1914)

annéenombretotal (1)Reste dû% ROcharge (2)% DODette 19192020 246 45013 096 6082921 000 10719120F/hab19202215 820 62510 318 049159785 7331519212218 570 18511 968 365163954 5081219222419 967 6677 165 463901 003 0101319232619 102 90412 055 607173994 5851419242817 176 01310 579 133123922 2991119252715 974 2699 453 412119891 2371119262712 132 4426 847 67285685 445962,5 F/hab19273013 098 2987 675 63385791 008819283214 195 8318 418 83578955 3691019293213 173 8218 151 29574892 433919303314 387 5399 069 631100957 7331075 F/hab19313315 072 9039 114 95172999 298819323618 044 89611 103 892741 007 695619333616 072 12011 728 427781 138 172719343717 173 56812 221 895801 238 903819353618 672 72811 777 229851 330 3801019363716 744 39011 779 038651 170 924819374318 142 84813 744 45697942 180719387020 151 51715 909 3311021 229 5328106 F/hab19397919 345 85814 843 415981 320 8711019408116 893 66513 419 1441121 051 2761185 F/hab
(1) total ou encours de la dette contractée
Le reste dû est en % des recettes ordinaires et supplémentaires, 292 c'est presque 3 ans de recettes
(2) La charge annuelle est en % des dépenses ordinaires et supplémentaires, elle varie de 5 à 7F par habitant.


Ce n'est pas que l'investissement à long terme soit négligé. Au détour d'un commentaire le maire prend en compte la valeur du patrimoine stéphanois (140 millions, sans les forêts, en 1935). En témoignent le projet de grands travaux de 1928 et 1935. Mais avec une certaine ambiguïté de sorte qu'en 1937 l'Etat refuse son autorisation aux emprunts pour ce dernier programme, faisant observer que les crédits pour les patronages, les cantines ou réparations des écoles n'entrent pas dans ce cadre-là. Véritables investissements ? quelques bâtiments et voiries d'envergure. Et surtout l'adduction d'eau qui a entraîné une dépense, couverte presque uniquement par l'emprunt à long terme, de 14 millions entre 1894 et 1924 puis 18,5 millions jusqu'à 1937 (sur l'emprunt de 24 millions en 1937 seuls 3 millions sont engagés) suivent 8,3 millions en 39. Un tel effort mérite d'être retracé dans son ensemble au prix d’un bref retour en arrière.

L'eau : la priorité des priorités.

Faure-Belon a lancé le grand chantier d'alimentation en eau après les premiers essais (fontaines, captage de la plaine de Champagne au XVIIIe). Le projet de captage de la Semène signé par Conte-Grandchamp en 1847 est rejeté, celui du Furan est adopté. D'abord un drainage de 220 ha du Pilat qui alimente l'aqueduc des sources et 4 bassins de stockage, oeuvre de Graeff et Conte-Grandchamp, puis, avec Montgolfier, le barrage du Gouffre d'Enfer inauguré en 1866 mais par B Charvet…. Dans ce domaine de fortes dépenses sont admises, prudence et hardiesse se combinant : « si l'administration est jalouse d'économiser les deniers municipaux elle sait qu'il est des économies ruineuses pour l'avenir [...] une sage économie en matière de travaux publics ne consiste pas à dépenser peu mais à dépenser bien dans un intérêt général sainement entendu » (commission pour les fontaines, 1848). C'est le début d'une politique que nous qualifierions de nos jours de développement durable et d'écologique. Des plantations et de constants achats de forêts protègeront la ressource en eau, à la fois en quantité et en qualité. Grâce à quoi nous bénéficions d’une des plus importantes forêts communales de France : plus de 650 ha et 6 à 8000 m3 de bois par an. Saint-Etienne en tire encore des ressources appréciables sans oublier l'intérêt paysager et touristique. Une des grandes réussites des municipalités du XIXe, la plus grande ?

La sous-estimation de la consommation nécessite la construction d'un deuxième barrage au Pas du Riot en 1876 alors que le premier a doublé la dette municipale (voir ci-dessus le budget de 1860). C'est encore insuffisant ! Le conseil se divise en 1894 sur les projets présentés en novembre 1893 : reprendre celui de la Semène avec un troisième barrage ? Sur le Furet ? le Cotatay ? le Lignon ? voire Issarlès pour renforcer les débits de la Loire ! le maire qui s'oppose à l’ingénieur Montgolfier préfère la Semène.

Barrallon étant révoqué lors du conflit sur la construction de l'Hôpital c'est le projet du Lignon - par Reuss et Delestrac– qui est accepté par la municipalité Chavanon (1895). Le nécessaire mais très important emprunt souscrit en 1899 à cet effet est critiqué par l'opposition socialiste. Nouvelle crise municipale née cette fois de la concession d'une usine greffée sur la canalisation et fournissant de l'énergie aux passementiers de Haute-Loire dont on monnaie ainsi l'accord. Les opposants gagnent en 1900 avec le socialiste J Ledin qui conserve cependant le projet en proposant une régie municipale pour la production électrique : « La commune peut devenir un excellent laboratoire de vie économique décentralisée » selon B Malon, une idée du "socialisme municipal" qui avortera. La Cie Electrique de la Loire manœuvre car elle s'y oppose. L’affaire s'enlise. Une simple dérivation est construite et l'eau arrive en 1908. Mais en 1916-24 il faut édifier un indispensable mur de retenue en ménageant toutefois et heureusement une surélévation ultérieure. Le projet initial refait enfin surface en 1928 avec L Soulié qui entreprend la modernisation du réseau de distribution ainsi que la station de Solaure dans son programme des Grands travaux de 1935 lorsqu'il revient à la mairie. « Ces travaux ont été prévus par le maire en 1926 et s'ils ont été interrompus […] ce n'est pas sa faute car il est resté pendant cinq ans hors de l'Hôtel de ville […] Je défie de dire qu'aucune municipalité ait fait mieux que nous » affirme-t-il, majestueusement, le 30 décembre 1938. Ce n'est qu'en 1943-49 que le barrage de Lavalette, conçu par Reuss en 1893, s'élève à la hauteur prévue cinquante ans plus tôt ! Et ce n'est pas fini. Après la station d'épuration de Solaure en 1949 l'aqueduc est remplacé par une conduite forcée entre 1969 et 72. Dès 1962 la rénovation du système de distribution est envisagée avec une extension de Solaure et de nouveaux réservoirs pour l'alimentation des quartiers collinaires. Quand en 1992 la Stéphanoise des Eaux devient concessionnaire des réseaux eau et assainissement on peut estimer que plus d'un siècle et demi d'une politique constante visant la sécurité de l'alimentation en eau a porté ses fruits. Les conflits ne manquèrent pas jusqu'aux récentes années, le prix fut élevé, mais cela en valait la peine : environ 12 millions de F depuis le barrage du Goufre d'Enfer et 33 millions jusqu'à 1939 pour le Lignon. Un total, vraisemblable, de 50 millions... empruntés.

Etait - ce raisonnable ?

On ne peut l'affirmer sans une étude plus fouillée mais il semble bien que l'endettement stéphanois soit assez modéré ; il existait probablement une marge permettant d'aller un peu plus loin. La dette par habitant est une des plus faibles de France, soit 425 F courants contre, environ, 770 à Nantes, 700 au Havre, 426 à Grenoble, 405 à Limoges, 1 000 à Rouen et plus à Bordeaux, selon A Vernay en avril 1935. Il est probable que la longue expérience stéphanoise des déboires économiques rend plus que prudents les édiles, voire pusillanimes. Il est vrai aussi que la ville est relativement pauvre compte tenu de sa forte composante ouvrière et de sa quasi spécialisation dans la production à faible valeur ajoutée. De cette prudence témoigne, toujours en 1935 A Vernay qui, après avoir reconnu que la voirie très dégradée consomme l'essentiel des dépenses, déclare : « le programme des grands travaux établi en 1929 […] a été amendé : les projets qui ne présentaient pas un intérêt immédiat ont été écartés et ceux susceptibles d'entraîner […] des charges supplémentaires ont été ajournés » ou encore « le projet de nouveau théâtre est reporté, la crise économique n'a pas permis de réaliser cette œuvre ». A Saint-Etienne les ressources sont médiocres, les centimes ordinaires s'appliquent à une masse imposable que tous s'accordent à trouver moindre que dans la plupart des villes de même taille. Mais, quel qu'il soit, le maire ne manque cependant pas de faire remarquer que les crédits à voter ou les emprunts à négocier auront des effets d'entraînement sur l'économie, une idée dans l'air du temps des années 30.

D'autre part il s'agit d'un climat général en France depuis la fin du XIXe que cette « incapacité permanente des villes à répondre au gonflement de leurs populations » (Histoire de la France urbaine, Le Seuil 1983). L'impuissance à maîtriser le cadre urbain très dégradé, le manque de moyens financiers, la course aux solutions toujours inadaptées aux difficultés renaissantes est générale pendant la période d'entre-deux-guerres. C'est tout à fait avéré pour le logement, la distribution d'eau, celle-ci étant cependant, par tradition, mieux prise en compte à Saint-Etienne.


Des maires optimistes, des bilans mitigés.


Tableaux et courbes, même en une première approximation, montrent une gestion chaotique faite d'accidents, de chutes et de reprises. Presque une année sur deux, 12 sur 26, se clôt par un déficit ce qui ne plaide pas en faveur d'une maîtrise de la gestion. Mais ces années périlleuses sont divisées nettement en deux périodes.

En 1919 les déficits se sont accumulés et la trésorerie est au plus bas quelques jours voire deux. La réorganisation des années 20 par une meilleure utilisation des ressources et une pression fiscale accrue est à la fois rapide et efficace, la trésorerie redevient confortable ; l'autofinancement favorable en 1920-24-26-28 et 29 permet une reprise de l'emprunt. Les maires en font état avec satisfaction y ajoutant au besoin une présentation habile des comptes. L'opposition communiste fait toutefois observer le « laisser-aller de l'administration communale » qui est même « virtuellement inexistante » (28 août 1924) alors qu'il reste d'importants travaux à entreprendre. Quelques difficultés puis la crise des années 30 viennent une fois de plus dans l'histoire stéphanoise menacer l'édifice, comme le dit A Vernay expert en litote : « des difficultés ont été rencontrées » (29 décembre 1934). Jusqu'à 1933 les réserves permettent encore d'afficher des résultats en apparence convenables mais l'excédent global s'amenuise, les déficits annuels se succèdent soit sept fois sur 9 exercices entre 1930 et
38. L'autofinancement faiblit de sorte qu'en 1935 la trésorerie a retrouvé ses pires niveaux, une douzaine de jours. Dans un climat qu'alourdit l'approche de la guerre et le retournement social après le reflux du Front populaire, le redressement vient, comme toujours, des économies, des reports de travaux, des annulations et de l'intervention de l'Etat mais aussi parfois d'un sursaut volontariste du premier magistrat de la commune.

La trésorerie de 1915 à 1940 (en F constants base 1914)


Ro-DoR-DExcéd. annuelExc. globalEn jours1915323 12593 212- 210 576536 556291916547 345284 237354 534837 417481917288 827210 172180 318878 256541918- 416 581- 69 526254 349 934 310651919- 1 344 046- 820 332- 739 12523 06521920- 218 5781 253 2401 324 5811 341 117931921374 188- 364 849- 357 6601 187 510631922542 70568 554131 0101 344 900701923- 143 673- 234 334- 143 7871 091 325571924294 546308 067358 1731 313 098661925441 48766 069121 1261 346 682651926406 020373 025429 2031 452 007751927- 147 148- 603 871- 552 163846 737381928963 142747 231930 0301 776 767791929273 998911 964878 3682 552 9991081930568 498- 820 406- 822 4361 701 52373193184 837684 078712 9712 495 54883193257 593- 1 025 845- 1 133 0171 589 372421933247 044- 904 969- 344 7301 309 085341934380 252- 221 592- 230 3531 134 0282719351 157 095748 954- 829 247409 475121936566 7003 318 7701 930 9232 311 151631937381 385326 178- 612 5801 225 8114119381 654 835651 106- 86 388992 3382819391 798 5961 415 406859 8171 787 2435519401 835 3192 046 9051 533 4033 051 114115
Ro-Do : excédent ordinaire, épargne prévue
R-D : excédent du budget ordinaire en tenant compte des recettes et dépenses supplémentaires
Excédent annuel : balance de tous les comptes de l'année ; excédent global : report à l'exercice suivant
Jours : estimation des jours de fonctionnement assurés par l'excédent global

Le programme des "Grands travaux" du 20 juin 1935, repris du programme de 1928/29, adopté à la veille du second tour des municipales, en est un bon exemple. Cependant son immense optimisme n'en fait-il pas une fuite en avant ? La première tranche de 28 millions sur un total de 100 concerne la remise en état des terrains de l'usine à gaz, le cours Nadaud, la rue Roannelle à réhabiliter, les égouts à Beaubrun, l'aérodrome de Bouthéon et le plan d'embellissement de 1924. La seconde porte sur la voirie de Villeboeuf, de Solaure, les nouveaux locaux des services techniques envisagés à Fauriel dans une ancienne brasserie, le vélodrome, des tennis, des logements, les frigorifiques municipaux. De ce programme ne virent leur achèvement, et bien plus tard, outre les travaux pour les eaux, que des travaux de voirie, la caserne des sapeurs-pompiers, l'aménagement de Grouchy réduit à l'achat du site et à la piscine d'été (les autres aménagements sont abandonnés très vite). Les moyens financiers firent défaut, il ne sort de tous ces louables efforts que quelques bâtiments mais un résultat remarquable en équipement scolaire et para-scolaire et les programmes de logements sociaux (Chantalouette 1929 ; Solaure). Ce dont s'enorgueillit pourtant le maire : « Je n'ai trouvé nulle part en France de ville qui […] ait fait une oeuvre aussi considérable ».



Derniers équipements, la ville du XIXe

1874 – caserne de cavalerie de Grouchy
1878 – Abattoir des Mottetières (Bergson actuel)
1882-83 – écoles professionnelles de garçons puis de filles
1885 – début de l'alimentation en électricité ; éclairage des principales rues en 1923
1885/1900 – Hôpital de Bellevue
1890 – Lycée C Fauriel
1895 – Préfecture, inaugurée en 1901
1901/1905 – Bourse du Travail
1905/07 - percée de l'avenue Président Faure (Libération actuelle)
1910 – Condition des soies
1912 – début de la construction de l'église Saint-Charles, achevée en 1924
1927/1930 – achèvement hôtel des PTT, Ecole des Mines
1935 – jardin du Rond-Point


On comprend mieux la ritournelle qui clôt chaque présentation de budget. Sans cacher la gravité de la situation le rituel veut qu'on reste optimiste et qu'on annonce que les impôts n'augmentent pas… ou presque pas : «  l'équilibre parfait du budget, sans impôts nouveaux, sans centimes additionnels nouveaux, sans charges nouvelles pour le contribuable [...] voilà le don de Nouvel An que nous avons fait ce soir à la population ». C'est en ces termes que conclut L Soulié le 30 décembre 1938 manifestant une fois de plus son l'optimisme et, comme tous les édiles, un sens certain de l'autosatisfaction.

Ainsi de la fin du XIXe jusque vers 1950 bien peu a été fait, la période s'achève dans « l'incroyable figement du paysage [ ...] urbain pendant un tiers de siècle entre 1914 et 1950 » (J Gracq, Lettrines, 1974).

La guerre remet tout en question, dans un monde nouveau une autre ville va naître. Les désordres monétaires engendrés par le conflit mondial vont marquer les débuts de la période suivante puis, après la belle envolée des années 1960 et 70, comme partout en France, les finances locales seront à nouveau mises à rude épreuve. C’est un récit totalement différent qu’il faut aborder.

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Recettes et dépenses en F courants de 1914 à 1940

Rec oRec exRec supRo et suptotalDep oDep exDep supDo et suptotal19145 720 5712 418 1052 841 7258 562 29610 980 4035 688 2822 473 8972 259 0677 947 34910 421 24719155 459 5522 166 404727 7196 187 2718 353 6755 071 7612 530 9891 003 6236 075 3848 606 37419166 066 8222 583 029717 6866 784 5089 367 5385 336 9682 489 2931 068 5346 405 5028 894 79519176 811 6372 285 6201 365 4858 177 12210 619 1276 349 4832 489 6301 491 3427 840 82510 330 45519187 013 7983 158 3152 733 4769 747 27412 905 5897 868 5602 488 9532 022 4049 890 96412 379 91719197 419 5932 747 0153 954 70911 374 30214 121 31810 824 6722 543 8122 625 37213 450 04415 993 858192014 790 7643 080 7958 097 60222 888 36625 969 16215 563 1012 828 7182 896 99918 460 10021 288 819192119 089 8193 729 7623 447 98922 537 80826 267 57117 942 2513 707 7315 714 48323 656 73427 364 465192219 736 1963 649 9914 090 22723 826 42327 476 41618 107 9883 462 6145 512 76223 620 75027 083 364192319 364 1503 928 4333 327 66022 691 81026 620 24519 833 5093 632 6303 623 83723 507 34627 089 977192425 316 6724 122 9736 597 01531 913 68736 036 66124 216 9893 935 9036 546 53430 763 52334 699 427192528 726 0965 569 4033 046 86231 772 95837 342 36126 960 0725 348 9254 548 83731 508 90936 857 835192635 748 8396 926 8276 662 71242 411 55149 338 37933 610 3946 630 9436 836 49240 446 88647 077 830192740 705 1408 213 0408 181 42348 886 56357 099 60441 513 9407 930 36710 673 86452 187 80460 118 171192846 962 89410 173 02111 707 84958 670 74368 843 76441 697 5849 173 69612 888 19054 585 77463 759 471192947 542 7929 333 50216 571 36264 114 15473 447 65745 953 5459 528 37112 871 01158 824 55668 352 927193050 233 3869 563 7262 828 53653 061 92262 625 64946 898 0299 575 63510 977 18257 875 21167 450 847193157 708 3046 571 88313 102 78070 811 08477 382 96857 233 2016 410 0809 746 91166 980 11273 390 194193267 018 1195 129 2299 255 10876 273 22781 402 45766 722 4645 679 40214 817 00081 539 46487 218 867193367 412 7695 851 6266 234 61273 647 38179 499 00866 193 9696 047 7888 957 98375 151 95281 199 740193467 978 2045 923 3454 431 15672 409 36078 332 70666 178 2515 964 5477 280 03073 458 28179 423 098193553 829 91115 588 3216 133 70359 963 61475 551 93648 815 63121 427 4667 902 38456 718 01579 145 482193659 117 55820 181 91925 295 22284 412 780104 594 70056 472 86026 658 96012 451 74968 924 60995 583 389193759 803 67119 860 14223 084 29182 887 962102 748 10557 562 86125 371 21623 408 01380 970 874106 342 091193886 739 84021 521 69616 758 464103 498 304125 020 00175 707 17726 438 51323 450 25299 157 429125 595 943193988 477 22321 004 33119 155 692107 632 915128 637 24775 646 83324 968 22321 888 63697 535 469122 503 694194087 112 23215 031 93613 530 694100 642 926115 674 86371 694 79119 345 56711 753 28083 448 071102 793 639
O : ordinaires ; ex : extraordinaires ; sup : supplémentaires. Recettes et dépenses en F constants ( base 1914) de 1914 à 1940


Recettes oRec exRec supRo et suptotalDepenses oDep exDep supDo et suptotal19145 720 5712 418 1052 841 7258 562 29610 980 4035 688 2822 473 8972 259 0677 947 34910 421 24719154 549 4701 805 285606 4155 155 8856 961 1954 226 3452 109 097836 3285 062 6737 171 77119164 549 8211 937 146538 2305 088 0517 025 1974 002 4661 866 848801 3484 803 8146 670 66319174 256 9961 428 420853 3735 110 3696 636 5133 968 1691 555 918932 0284 900 1976 456 11519183 393 6591 528 1661 322 6054 716 2646 244 4303 807 2401 204 292978 5504 785 7905 990 08119192 928 6461 084 2961 560 9954 489 6415 573 9384 272 6921 004 0881 036 2815 309 9736 313 06319204 185 922871 8932 291 6956 477 6177 349 5104 404 500800 553819 8775 224 3776 024 93119216 224 6241 216 1651 124 2677 348 9118 565 0775 850 4361 208 9811 863 3247 713 7608 922 74119226 578 3521 216 5931 363 3307 941 6829 158 2766 035 6471 154 1381 837 4817 873 1289 027 26619235 927 4551 202 5111 018 6126 946 0678 148 5796 071 1281 111 9651 109 2737 180 4018 294 10119246 780 9681 104 3221 766 9848 547 9529 652 2746 486 4221 054 2161 753 4638 239 8859 294 10119257 181 2131 392 290761 6827 942 8959 335 1866 739 7251 337 1731 137 1607 876 8869 214 05919266 787 5091 315 1731 265 0268 052 5359 367 7076 381 4891 258 9941 298 0217 679 5108 938 50519277 445 8731 502 3471 496 5648 942 43710 444 7857 593 8211 450 6401 952 4879 546 30810 996 94719288 590 5551 860 8712 141 62510 732 18012 593 0527 627 4131 678 0732 357 5369 984 94911 663 02219298 196 7151 609 1622 857 02011 053 73512 662 8977 922 7171 642 7592 219 05410 141 77111 784 53019308 562 0791 630 089482 1139 044 19210 674 2907 993 5811 632 1291 871 0179 864 59811 496 726193110 304 7031 173 5112 339 70212 644 40513 817 91710 219 8661 144 6181 740 46111 960 32713 104 946193213 054 905999 1571 802 86414 857 76915 856 92512 997 3121 106 3282 886 30215 883 61416 989 943193313 664 2221 186 0951 263 72414 927 94616 114 04113 417 1781 225 8561 815 73715 832 91516 458 771193414 360 8561 251 347936 11215 296 96816 548 31513 980 6041 260 0511 537 95615 518 56016 778 668193512 421 7903 597 1611 415 41313 837 20317 434 36511 264 6954 944 6021 823 55413 088 24918 263 611193612 667 5784 324 5365 420 20318 087 78122 412 31812 100 8785 712 4222 668 13314 769 01120 481 394193710 193 2163 385 0813 934 62514 127 84117 513 0029 811 8614 324 4223 989 80213 801 66318 125 582193813 010 4693 228 1282 513 67215 524 14118 752 26911 355 6343 965 6223 517 40114 873 03518 838 657193912 402 9572 944 4392 685 21315 088 17018 032 68910 604 3613 500 1083 068 40313 672 76417 172 873194010 369 9901 789 4281 610 71711 980 70713 770 1358 534 6712 302 9301 399 1319 933 80212 236 732
L'arrondi au F explique les différences sur les totaux
O : ordinaires ; ex : extraordinaires ; sup : supplémentaires




















































Deuxième partie : de 1945 à nos jours

Des finances en question


































« Les hommes connaissent leurs vrais intérêts et ne les suivent pas mieux pour cela. Le prodigue qui mange ses capitaux sait parfaitement qu’il se ruine».

JJ Rousseau

















Il est évident qu’une coupure d’une extrême netteté sépare ce que je viens de rapporter de ce que l’après deuxième guerre mondiale nous a réservé. Rien n’est comparable entre les deux périodes. Le XIXe siècle a tout de même fini par s’achever - pour mon compte je placerais la césure vers 1950 - et nous savons tous qu’un autre monde s’est imposé. Quoi qu’il en soit de ces considérations, par ailleurs fort intéressantes pour les spécialistes, je dois au lecteur une nouvelle définition du territoire dans lequel les acteurs financiers évoluent maintenant. Jusqu’ici j’ai mis l’accent sur la construction progressive de la commune dont les édiles reçurent la charge et dont la gestion de plus en plus lourde a été assurée vaille que vaille. Pour cette nouvelle période il est à nouveau nécessaire de redéfinir le cadre administratif, nous n’avons plus affaire à la même ville, ni aux mêmes problèmes de gestion. La ville s’est étendue bien au-delà de son ancien territoire et, comme je l’ai écrit dans un précédent ouvrage, Saint-Etienne n’est plus dans Saint-Etienne. J’en traiterai en premier avant d’en venir aux nouvelles difficultés qu’elle doit affronter. La question de l’endettement consécutif à un fort investissement dans le domaine économique prenant une place prépondérante je l’ai privilégiée par rapport aux questions devenues fort banales du fonctionnement et de l’investissement courant.
















Saint-Etienne est morte, vive Saint-Etienne

« Il serait bon de faire ou de faire faire par des architectes qualifiés un plan d'ensemble pour savoir exactement les lieux de la ville où pourraient être construits de nouveaux immeubles » (A de Fraissinette, 1949). Ces propos auraient pu être tenus mot pour mot au début du XIXe, c'était la tâche dévolue à P-A Dalgabio, mais la réalité qu'ils recouvrent est totalement nouvelle.

En 1945 Saint-Etienne qui vient de perdre plus de 1100 logements dans les bombardements ajoute à ce handicap celui d'être une ville largement taudifiée. Les 2/3 des immeubles datent de plus de cinquante ans, un tiers est surpeuplé et un quart seulement bénéficie d'un minimum de confort. Or la période est celle du renouvellement des activités et, jusqu'à la veille des années 1970, d'un accroissement de population. En 1968 la ville elle-même compte 216 000 h (225 757 h avec les récentes extensions) contre 189 550 en 1954. C'est la question du logement qui va donc dominer pendant longtemps la politique de toutes les municipalités. S'y adjoindront, mais ce sont facettes du même problème, celle d'une restructuration radicale de la ville et d'un nouvel élargissement du territoire communal, rendus nécessaires par la mutation des modes de vie. Au milieu du XIXe il fallait pourvoir aux besoins élémentaires d'une ville en expansion ; après la stagnation de l’entre-deux-guerres, depuis 1945, il faut la faire vivre avec son temps, en assurer la pérennité en donnant à la population et aux entreprises sinon du travail du moins les meilleures conditions pour l'exercer. Il faut même, et c'est déjà perceptible en 1950, convaincre les Stéphanois qu'ils ont changé d'époque et de ville, projeter pour l'extérieur une meilleure image, se débarrasser d'un passé devenu encombrant, y compris au sens propre par ses friches, et d'une image aussi poussiéreuse que noirâtre qu'en avait donné le fameux "Tour de la France par deux enfants".

La simple comparaison des tableaux des principales réalisations municipales depuis 1950 avec les précédents suffit à démontrer que la mairie – comme on dit – intervient dans les moindres aspects de notre vie quotidienne. Cet interventionnisme était déjà perceptible pendant l'entre-deux-guerres mais freiné par un climat économique atone. Dans un contexte législatif de plus en plus complexe, la gestion municipale est devient une délicate mécanique financière. Enfin l'action municipale subit les remous des fluctuations économiques ; il faut réagir vite, très vite, voire anticiper au risque de donner l'impression du désordre, du manque de réflexion ou d'études.

La reprise du mouvement d'expansion en 1969 - 1972

Il faut cependant attendre 1971 pour que le mouvement d'expansion reprenne car la reconstruction et une lente reprise de la vie économique occupent une longue transition d’une quinzaine d’années pendant lesquelles on peut avoir le sentiment que rien ou presque n’a changé. Puis organiser au mieux la vie quotidienne d'une population qui croît et se déplace vers des lieux de travail et de consommation de plus en plus dispersés, repose la question de la pertinence du territoire communal. Mais si on envisage, voire si on opère parfois l'annexion, c'est plutôt l'association qui l'emporte au point qu'un nouvel avatar communal est apparu, Saint-Etienne Métropole.

Au plan national la simplification du dessin communal a connu un retentissant échec avec la loi du 16 juillet 1971. Avant cette date on pouvait regrouper des communes voisines et parfois les préfets agissaient autoritairement en ce sens. Mais la loi de 1971 entendait inciter très fortement les fusions, en particulier par des compensations financières. Le résultat ne fut pas à la hauteur des ambitions. Saint-Etienne n'utilisa pas cette facilité car elle était déjà en négociations avec trois communes plus ou moins convaincues de l'intérêt d'une association étroite avec leur grande voisine.

Des associations raisonnables

Terrenoire n'avait qu'une existence récente, à peine plus d'un siècle, puisqu'elle fut érigée en commune en 1866 au détriment, pour l’essentiel, de Saint-Jean-Bonnefonds. On consacrait ainsi sa croissance démographique et l'activité des aciéries. Mais elle a toujours vécu en osmose avec sa grande voisine, à la façon d'un quartier. Son rattachement à la ville paraît une solution logique pour permettre l'acquisition de terrains à bâtir et ouvrir la voirie à une jonction avec la future autoroute en direction de Lyon. Ainsi en 1967 Terrenoire accepte de céder 29 ha de son territoire pour la construction d'un Institut universitaire de technologie (IUT) stéphanois. De son côté le conseil terranéen ne voit que des avantages à l'annexion dont résulteront « la création de zones industrielles et résidentielles et l'aménagement d'espaces verts » ainsi que « le financement d'équipements collectifs que son budget ne peut assurer » (CM du 26 juin 1969). Il revenait ainsi sur l'échec du 7 décembre 1966 quand une première tentative de fusion fut rejetée, aux applaudissements du public qui reprochait en outre à l'équipe municipale de n'avoir pas été mandatée à ce sujet lors de son élection. L'esprit de clocher n'est cependant pas mort, la célèbre réplique d'un conseiller terranéen à la question de savoir pourquoi il n'était pas entré en contact avec le maire stéphanois en témoigne d'une façon pagnolesque : « je n'ai pas de question à poser à ce monsieur, il n'est pas de Terrenoire ».

L'affaire avait été reprise en novembre 1968, des garanties obtenues, la population informée. Le projet est accepté par la municipalité stéphanoise le 30 juin 1969. La solution d'une communauté urbaine est repoussée par le maire de Saint-Etienne. Il pense que la fusion permet, avec un outil préexistant, d'assurer la gestion d'un vaste ensemble en évitant de superposer des échelons administratifs, source de dépenses supplémentaires importantes (séance du CM stéphanois du 2 janvier 1970). Les cadeaux d'entrée sont substantiels : tarif urbain pour les transports en commun, intégration du personnel y compris les auxiliaires, appel aux fournisseurs habituels de la commune etc. Le conseil municipal de Terrenoire est transformé en commission extra municipale consultative mais son statut est tout de même assez flou. Le préfet entérine donc l'accord par un arrêté de fusion simple du 17 novembre 1969 prenant effet au premier janvier suivant. Tout s'est bien passé, mis à part quelques réactions épidermiques, mais il faut reconnaître que la position même du nouveau quartier lui a permis de conserver sa personnalité à l'intérieur de la ville.

Dans le cas de Rochetaillée ce fut aussi aisé alors que partout ailleurs on refusa de recourir à la loi de 1971, comme à Saint-Jean-Bonnefonds. Cette dernière s'opposa énergiquement à toute tentative bien qu'elle soit en fait un quasi quartier stéphanois dans sa partie occidentale. La commune a conservé son identité, elle est ainsi restée longtemps la base électorale d'un très actif homme politique local.

Envisagée depuis quelque temps et pour les mêmes raisons qu'à Terrenoire la coopération avec Rochetaillée fut accélérée par la loi de 1971. Conscient des avantages qu'on pouvait en retirer son maire propose d'associer la petite commune (621 h) à Saint-Etienne en avançant deux arguments : « vu la situation de la commune et les contacts fréquents [...] avec le service des eaux ou pour le service de l'architecture […] nous y avons tout intérêt […] mieux vaut choisir en toute liberté avant d'y être forcé » (CM 22 avril 1972). L'opposition fut modérée. Le contrat (fusion complexe) est approuvé les 15 juillet et 25 septembre, respectivement, par les communes de Rochetaillée et Saint-Etienne puis arrêté par le préfet le 25 octobre avec effet au 1er janvier 1973. Le conseil est transformé en commission extra municipale, le maire siégeant à celui de la ville et restant officier d'état-civil en tant que maire délégué. Saint-Etienne peut, depuis, faire état de la présence d'un parc naturel régional sur son territoire municipal, en effet le parc du Pilat englobe Rochetaillée et déborde ainsi sur la ville.

Le cas extraordinaire de Saint-Victor-sur-Loire.

C'est en effet un cas unique en France, les deux communes concernées ne sont pas limitrophes. Pour le comprendre il faut se replacer dans le contexte de l'époque. Sous l'effet de surenchère des plans d'urbanisme on extrapole hardiment les courbes de croissance de la population, il s'agit de ne pas se laisser distancer par Grenoble dans la course au million d'habitants à l'intérieur de la "métropole tricéphale" prévue autour de Lyon. Les Trente glorieuses ne paraissent pas devoir se terminer : le niveau de vie croît ; les cadres moyens et supérieurs ne vont pas manquer d'affluer dans une ville en plein renouveau et qui dit adieu au charbon ; leur idéal c'est de l'air, de l'eau, et un pavillon avec jardin, piscine, garage pour deux voitures. Saint-Etienne ne peut laisser ce rôle si valorisateur aux sites classiques de la banlieue résidentielle aisée, Saint-Just sur Loire, Saint-Bonnet-les-Oules ou Saint-Galmier.

Bref il faut trouver à s'étendre, à l'ouest de préférence qui offre les meilleurs sites. De son côté M. Dubanchet, maire de Saint-Victor-sur-Loire, élu en 1964, cherche le moyen de développer sa commune si bien placée au dessus du lac de Grangent et si attractive. Mais comme il le dit après un an de mandat « je suis épuisé comme les finances de la commune [...] avec à peine 50 000 F de budget il est impossible de mener une politique efficace » malgré l'existence d'un Syndicat d'aménagement des gorges de la Loire. Au courant des intentions stéphanoises le maire ouvre les négociations en 1967. Pour les deux communes l'intérêt de l'accord est évident, la fusion est en route. Il est certain que la protection du site a joué un rôle important, la marée pavillonnaire de banlieue s'en approchant et le menaçant. L'image valorisante recherchée par Saint-Etienne, qui vient d'adopter son slogan "ville verte", aurait été irrémédiablement atteinte. Or des projets de lotissement sont annoncés. Mieux vaut être critiqué pour avoir vu trop grand et trop tôt qu'être accusé d'imprévoyance et Saint-Etienne a trop souffert de l'étroitesse de vue de ses anciens édiles. La fusion avec Saint-Victor « offre de vastes espaces inutilisés qui se prêtent à une urbanisation résidentielle de qualité dans le respect d'un site exceptionnel [...] nous devenons presque Saint-Etienne-sur-Loire ce qui est pour tous les Stéphanois un vieux rêve séculaire » (M Durafour CM du 15 juillet 1968).

La consultation des habitants est plus délicate ; si une seule opposition figure sur un registre déposé en mairie une pétition réclame un référendum. De l'avis même du maire ce ne fut pas facile à négocier, presqu'au cas par cas, surtout auprès d'une large majorité d'indécis. La fonction exercée par M Dubanchet, Directeur à la Chambre d'Agriculture, facilite les pourparlers avec les agriculteurs car un projet lié à la fusion, une zone d'aménagement concerté de 600 ha dite des Condamines, risque d'entraîner par ses expropriations de vigoureuses réactions du monde agricole ( ZAC : le terrain aménagé par la collectivité est revendu aux promoteurs privés sous certaines conditions). En fait les 2000 logements promis à devenir le « Saint-Cloud stéphanois [...] une nouvelle riviera », selon la presse locale, ne verront pas tous le jour et de geste architectural la Zac se bornera à un avenir pavillonnaire tout à fait classique. En 1977 la nouvelle municipalité dirigée par J Sanguedolce prend acte du médiocre succès commercial de l'opération en renonçant à environ la moitié de la Zac, moitié fort heureusement devenue réserve naturelle.
Par une délibération du 12 juillet 1968 le conseil municipal de Saint-Victor accepte le principe d'une fusion tout en formulant des exigences qui peuvent paraître exorbitantes mais qui prouvent que la ville, dans sa position de demandeur, doit payer le prix fort. Ainsi « les bases actuelles de l'impôt seront maintenues à tous les contribuables payant à Saint-Victor au moment de la fusion » alors que la législation prévoit une nouvelle fixation par une commission communale que n'engage pas une délibération du conseil. Le maire de Saint-Etienne a rassuré ses futurs administrés « nous n'avons ni voracité, ni orgueil déplacé » (presse locale 3-1-1970). La mairie devient mairie annexe, une commission extra municipale reprend les anciens conseillers et l'ancien maire deviendra maire-adjoint à Saint-Etienne ; il aura en charge l'urbanisme. Les cadeaux d'entrée – chemins revêtus, ramassage des ordures, travaux d'embellissement - sont généreux mais des garanties sont obtenues par Saint-Etienne concernant la qualité du paysage, toute construction de grands ensembles d'habitation est exclue et le cahier des charges de la ZAC va comporter des clauses esthétiques rigoureuses mais ces dernières seront toutefois largement amendées devant les réticences des promoteurs.

Reste une question capitale, peut-on fusionner deux communes non limitrophes ? La préfecture est réticente, le Conseil d'Etat risque de ne pas approuver un précédent dangereux : pourquoi pas une association Lyon Marseille ! il existe toutefois des cas hérités de la féodalité et conservés depuis 1790. Une association ou une fusion avec Saint-Genest-Lerpt et Roche-la-Molière, qui séparent la ville de Saint-Victor, auraient tout simplifié. Elles échouent. Ces deux importantes communes ont dû affronter la disparition des houillères et ses fâcheuses conséquences fiscales mais ont refusé l'association avec Saint-Etienne. Le maire de Saint-Victor passe outre, s'obstine, rencontre à plusieurs reprises le conseiller d'Etat rapporteur du projet. Son travail de lobbyiste est payant et l'accord obtenu le 22 octobre 1969, la nouvelle commune sera Saint-Etienne-sur-Loire. Mais le Conseil d'Etat refuse ensuite la dénomination à la requête de Terrenoire qui ferait partie de cette entité alors qu'elle dépend du bassin du Rhône par le Janon ! Saint-Etienne-sur-Loire n'aura duré que d'octobre au 1er janvier 1970.

Depuis quelques années le microcosme des croques-cerises (les habitants de Saint-Victor) est agité par des déçus de la fusion. Ils réclament le retour à l'autonomie communale, se plaignant qu'on traite le bourg en banlieue dortoir et qu'on n'y dispose pas d'un maire délégué mais il ne semble pas qu'on puisse revenir si facilement en arrière. En effet Terrenoire et Saint-Victor devenus quartiers de la ville disposent actuellement, comme tous les quartiers, d'un élu référent au conseil municipal et d'un conseil de quartier. Redevenir petite commune à petit budget ? De toute façon l'intercommunalité les aurait rattrapées.

L'effet de ces fusions ou associations sur la superficie de la commune est considérable. Saint-Etienne compte 36 km2 au départ et s'accroît de 22 avec Saint-Victor, de 8 pour Terrenoire et enfin des 14 km2 de Rochetaillée, au final 80 km2.

Un autre espace de coopération : Saint-Étienne Métropole

C'est ensuite par le biais des nouvelle solutions que le dessin administratif évolue.

En effet le cadre communal est largement dépassé ; légitime et souvent bénéfique l’ancienne pratique stéphanoise est, depuis longtemps, probante : parc à Villars, prison à La Talaudière, station d'épuration à La Fouillouse, hôpital à Saint-Priest-en-Jarez. Il faut s'associer. Déjà grâce aux lois de 1890 (syndicat à vocation unique) et 1959 (syndicat à vocations multiples) les communes ont largement eu le temps d'expérimenter les avantages de la coopération. Les Stéphanois et leurs voisins le vérifient quotidiennement en utilisant les transports en communs, en faisant ramasser leurs ordures ménagères ou en ouvrant leur robinet. Plus ou moins étendus ou compétents les syndicats se multiplient et s'enchevêtrent.

L'intercommunalité est en route mais la réforme de la fiscalité ne suit pas, ni la définition exacte des pouvoirs des maires et des nouveaux exécutifs. Selon Saint-Etienne les premières questions à traiter, transports en commun, eau et assainissement, ramassage des ordures ménagères, passage de l'autoroute A 45, relèvent d'une communauté de communes (loi de 1992), de plusieurs syndicats ad hoc selon la majorité des communes voisines. L'accord pourrait être trouvé par une autre formule déjà ancienne (loi de 1959), celle du district, aussi les communes les plus convaincues décident de forcer le destin.

Double déception, une affaire mal engagée

Andrézieux-Bouthéon (M Mazoyer), Saint-Priest-en-Jarez (M Chaboissier) et Saint-Etienne (M Dubanchet) lancent à l'été 1989, à la surprise générale, un projet de district urbain pour 39 communes. L'initiative part sans doute d'Andrézieux dont le maire, convaincu des avantages de la formule, préside l'Agence d'urbanisme. Saint-Etienne saisit l'occasion de renforcer son potentiel face aux ambitions lyonnaises. Après un départ qui paraît prometteur le projet échoue très vite parce que probablement conçu en catimini comme dit un de ses détracteurs qui refuse d'être mis devant le fait accompli. Au surplus la décision unilatérale de Saint-Etienne de relever le prix de l'eau puis la délégation du service eau-assainissement sont fort mal perçues par les communes périphériques desservies par la ville. La réplique c'est le Sicos (syndicat intercommunal des communes de la périphérie stéphanoise) créé en 1990, censé régler les questions d'aménagement en périphérie en particulier la question du prix de l'eau et en outre conçu plutôt pour contrer les velléités, supposées, d'envahissement par la ville centre ou l'arbitraire de ses décisions. Mais plus qu'un organe de proposition il a été agité par des querelles de politique locale, Saint-Priest-en-Jarez, favorable au district, n'en fut pas membre puis adhère en 1997. « La peur de nous faire manger nous a unis, mais s'unir c'est déjà beaucoup » a pu dire un de ses représentants. Un autre ajoute « Nous avons eu la chance d'échapper au district [...] nous ne sommes pas contre une coopération intercommunale [...] nous sommes contre toute structure où la commune perdrait son identité. Face à la puissance de Saint-Etienne [...] nous ne pesons pas lourd » (presse locale 1991).

De son côté le préfet relance l'étude du schéma directeur qui devrait concerner 64 communes autour de Saint-Etienne, seule ville de cette taille ne disposant toujours pas d'un tel plan ! Les travaux du syndicat créé à cet effet en novembre 1991 (le Sepas) sont laborieux mais fructueux et bien suivis par de très nombreux élus et personnes qualifiées. La ville en même temps (1991) adhère à la Région Urbaine Lyonnaise. Fin 1993 un accord semble proche mais, entravée par des conflits entre la direction du projet, l'Agence d'urbanisme, sans oublier les habituelles manoeuvres politiciennes, la concertation débouche sur un nouvel et retentissant échec : la "Proposition pour le Schéma Directeur" présentée en décembre 1994 reste une proposition. Le préfet, pour confirmer la poursuite indispensable du projet, arrête cependant un périmètre d'étude englobant 54 communes. Il ne dépasse pas Andrézieux-Bouthéon et exclut la rive gauche de la Loire. Le Montbrisonnais résiste ! En 1995 Saint-Etienne, malgré son adhésion à plus d'une dizaine de syndicats intercommunaux, ne participe toujours pas à une structure fédérant sa région urbaine.

Il faudra attendre septembre 1994 pour que des contacts reprennent à propos de questions techniques : transports en commune, traitement des déchets, prix de l'eau. C'est l'amorce de la communauté de communes. Le Sicos disparaît le 22 novembre 2007 puis est remplacé par le Sidefer (15 communes et Saint-Etienne) chargé des questions de l'eau assainissement ainsi que des piscines.

Il est vrai que la nécessité d’un vaste regroupement est faible car la plupart des questions sont réglées au coup par coup, les maires s'en tenant le plus souvent à la saisie d'opportunités de financement et tenant à conserver leur autonomie, réelle ou non. La médiocrité du développement urbain et péri-urbain n'entraîne pas encore de difficultés majeures. La population totale de la région étant pratiquement stable, il ne s'agit que de réorganisation ou de retouches. Enfin sur un fond d'une grande hétérogénéité, héritée de l'histoire locale, les concurrences politiques ou personnelles ne facilitent pas l'élaboration d'une stratégie commune de développement. Néanmoins l'intercommunalité est au coeur de la campagne électorale en 1994-95 car la capacité de l'agglomération à se renouveler et à se faire connaître à l'extérieur est en cause. Les premières déclarations de M Thiollière (en fonction depuis 1994, élu en 95 et acteur convaincu de la coopératon communale) en font une nécessité vitale pour la ville : « l'agglomération stéphanoise (du Pilat à l'Ondaine et au Gier) constitue notre enjeu [...] pour devenir plus forts nous devons parler d'une même voix ». Le personnel politique communal, autour de la ville, s'est largement renouvelé et un compromis, jugé maintenant inévitable, est accepté à très peu d'exceptions près dont, paradoxalement, celle d'industriels déçus par l'aspect étriqué de la nouvelle structure. Une communauté de communes de taille réduite (22 communes, 26 en 1996) est créée par arrêté préfectoral du 21 décembre 1995.

D'une petite communauté à la grande nébuleuse urbaine.

L'échec du district et l'enlisement du Sepas servent de leçon. Le propos est plus modeste, les compétences plus limitées. La communauté participera en tant que telle au Schéma directeur, se consacrera à l'aménagement urbain, au développement économique (réserves foncières en particulier), à la qualité de l'environnement (traitement des déchets que matérialise pour tous la nouvelle poubelle jaune), aux transports. On vise la complémentarité entre l'action générale et celle des 22 communes adhérentes qui seront 27 en 2000. Dans le conseil de communauté qui gère sa propre fiscalité la ville centre dispose de la présidence et de 23 sièges sur 79 ; le premier budget, en 1996, ne s'élève qu'à 5,18 millions d'euros. Mais la voie est libre vers l'élargissement et une solidarité accrue. La dimension politique du maire de la commune centre s'en accroît d'autant ainsi que son horizon territorial.

Un pas très important est franchi en 1999 avec l'adoption du principe d'une taxe professionnelle unique qui sera mise en place progressivement. Une cause essentielle de la concurrence entre communes disparaît et facilite les choix d'aménagement urbain. Au fil des conseils, entre 1998 et 2000, de nouvelles questions sont soulevées et l'extension des compétences (développement de l'aéroport, requalification du Gier, politique des pôles industriels, réserves foncières) gagne du terrain malgré de fortes réticences des élus de l'Ondaine ou du Gier qui se plaignent d'un « grignotage insidieux » et d'un empiètement « sur toutes les compétences municipales » ; en juillet 1998 il est même observé que « les communes de l'agglomération n'ont pas à prendre en charge les dépenses de Saint-Étienne » (presse locale). Des syndicats sont alors rattachés à la communauté : Siotas (transports agglomération stéphanoise), Sitvag (transports du Gier), Simoc (zone Molina Chazotte) et en 1999 le Siater (aménagement de la zone de la Doa, vieille pomme de discorde au nord de la ville) ainsi que des équipements dont le Musée d'Art moderne, la gestion des équipements du stade G Guichard, la voirie communautaire et certains parcs de stationnement.
Lors de cette phase de gestation la grande absence est celle de la plaine forézienne. Sur un fond de rivalités électorales, elle choisit de s'organiser de part et d'autre de la Loire sous l'oeil soupçonneux de Montbrison qui ne tient pas à voir l'influence stéphanoise déborder plus au nord. On refuse «  de voir s'engouffrer dans le gigantisme stéphanois un trop grand nombre de communes de l'arrondissement de Montbrison » (Le Monde, octobre 1989). A l'est les réticences ne sont pas moindres. Le Gier est largement marqué par son ancienne appartenance à la mouvance lyonnaise qui s'exerce encore par une forte attraction sur la main d'œuvre à partir de Lorette. Le maire de celle-ci est d'ailleurs très attaché à l'individualisme communal, ne lui concédant que le syndicat à vocation unique et parlant de sa commune comme du dernier « village gaulois » ! Dans le Gier lui-même les antagonismes ne manquent pas et les coopérations sont parfois tumultueuses, une communauté de communes n'arrive pas à s'y constituer. La confusion qui en résulte est renforcée par une tentative de rapprochement entre Gier et Ondaine en 1995 puis par un projet de la Région (1996) qui verrait bien deux périmètres pour les Contrats globaux de développement : un pour l'Ondaine et Haut Pilat, un pour le Gier et l’Est stéphanois, sinon un programme intermédiaire entre les deux villes de Lyon et Saint-Étienne.

Une loi de juillet 1999 permet des transferts de compétences accrus et un coup de pouce financier de l'Etat aux communautés qui se transformeraient en communautés d'agglomération. Son succès en France est immédiat, l'occasion saisie à Saint-Etienne. En septembre 2000 le préfet, qui partage le pouvoir d'initiative avec les communes, entérine le périmètre de la future structure en intégrant 7 nouvelles communes et le 1er janvier 2001 naît Saint-Etienne Métropole, communauté d'agglomération. Pour assurer le principe de la continuité territoriale exigé par la loi de 1999 le préfet, en juillet 2002, inclut, malgré elle, Lorette, qui jusque là s'y refusait, de sorte que 8 autres communes du Gier peuvent rejoindre la communauté qui atteint 43 participants ; on en reste encore à des frontières politiques et administratives et non démographiques ou économiques en excluant toujours le sud de la plaine. Demi mesure, mais mesure que j’espère annonciatrice d’une vraie prise de conscience du problème puisqu’en janvier 2013 Andrézieux-Bouthéon et La Fouillouse rejoignent la métropole.

Le budget suit et a plus que triplé depuis les débuts de la communauté de communes. Pour plusieurs maires du Gier les adhésions « sont celles de la raison […] il ne nous restait que deux alternatives. Soit attendre que le préfet nous intègre d'office […] soit y aller de notre propre chef en restant néanmoins solidaires […] il est difficile d'abandonner notre projet de communauté de communes du Gier […] nous n'abordons pas sans appréhension cette grosse machine qu'est Saint-Etienne Métropole ». On ne peut moins manquer d'enthousiasme.

Lorsqu'en juillet 2001 Doizieux, La-Valla-en-Gier et Saint-Genest-Malifaux demandent leur entrée d'autres difficultés frontalières surgissent. Si Saint-Genest était acceptée, Planfoy, qui s'y refuse, serait contrainte d'adhérer au nom de la continuité territoriale. D'autre part les communes du canton de Saint-Genest-Malifaux refusent car elles préfèrent une communauté de communes du Pilat compte tenu des questions spécifiques posées par le Parc Naturel Régional. La polémique est très vive. Le maire de Saint-Genest explique qu'il « ne comprend pas l'inquiétude des habitants qui ont quitté la ville pour s'installer ici […] Saint-Étienne Métropole est un outil de travail et de développement et non pas une atteinte à leur vie villageoise ». Depuis, Doizieux et La-Valla ont rejoint la communauté d'agglomération alors, qu'éloignées, elles sont d'évidence moins rattachées à la ville centre que Saint-Genest qui ressortit du péri urbain stéphanois. L'élargissement de la communauté ne risque-t-il pas de menacer, ici comme dans bien d'autres cas, le succès initial ? L'extension territoriale, alimentée trop souvent par des « carottes fiscales », se fait « sans véritable effort d'économie, sans projet global et entraîne à s'aventurer au-delà de leurs compétences » les communautés trop gourmandes, selon la Cour des comptes (rapport de novembre 2001) bien que cette même Cour en reconnaisse les bienfaits pour les petites communes. Ces critiques n'ont pas changé et sont régulièrement reprises par l'opposition au sein du conseil communautaire.

D'anciennes frictions continuent de ressurgir avec les communes de l'immédiate couronne. Il faut parfois ne pas froisser tel ou tel élu ou contenir des amorces de conflits. Ainsi en 2001 le maire de Saint-Étienne doit rassurer en affirmant qu'il n'a « pas de sentiment anti Villars », ou encore en 2005 La Talaudière fait remarquer à une commune du Sicos, qui n'a pas disparu, que le retrait de cette structure serait une erreur ayant des répercussions négatives sur le prix de l'eau. Ce sont des broutilles ; la recomposition des mailles et des compétences du pouvoir local est en marche depuis une vingtaine d'années et, quelles qu'en soient les péripéties, elle paraît inexorable. Bien au-delà de son territoire communal proprement dit, le nom de Saint-Étienne, associé à celui de Métropole, recouvre une nouvelle réalité. Plus vaste encore et mis en place en 2004 le syndicat mixte du schéma de cohérence territoriale (Scot sud Loire) concerne maintenant 117 communes qui sont invitées à coordonner leurs actions économiques et urbanistiques dans tout le sud du département. Mais n'arrive-t-on pas à un point où il ne s'agit plus de repousser les limites pour coopérer sur de nouveaux périmètres mais plutôt de gérer des espaces flous et au gré des problèmes rencontrés ? A ce propos on peut remarquer que les maires ont souvent mis en avant le fait qu'ils étaient toujours présents dans leur ville et refusaient les mandats électoraux qui les éloigneraient de leurs mandants. Ils ont appliqué le conseil donné par A Pinay : « on ne gouverne bien que de près ». Que nous ayons connu un maire ministre était l'exception ; que le maire actuel s'en démarque puis devienne sénateur est significatif d'un fait bien français : la carrière nationale commence par les responsabilités communales. La question sera prochainement tranchée par une nouvelle législation du cumul des mandats.

Depuis 1973, et sauf rectifications mineures toujours possibles, la croissance territoriale de l'ancienne commune est achevée ; maintenant c'est sa nature qui change. La loi constitutionnelle de mars 2003 reconnaît aux électeurs le droit de pétition, leur consultation par référendum est confirmée. Le caractère fédératif de la communauté est renforcé que ce soit par la croissance de sa fiscalité propre ou l'élargissement continu de ses compétences (une directive ministérielle conseille d'intégrer les syndicats, trop nombreux, dans la communauté). Le germe d'un nouvel espace administratif et financier est en place. Un territoire, une élection, un budget, un maire, cette simplicité démocratique originelle est devenue un brouillamini de structures enchevêtrées, mal connues du public voire ignorées par bien des conseillers municipaux. Pour qu'une histoire s'achève et qu'une autre commence il manque encore l'élection au suffrage universel direct des conseillers et du président de la communauté d'agglomération. Mais où est la détermination des citoyens de 1789 ? Ils avaient su faire table rase et s’adapter à un nouveau monde sans trop de dégâts, nous n’en sommes plus capables.






















































Une autre gestion pour une autre ville

Saint-Etienne s’inscrivait dans une organisation spatiale au sein de laquelle l'uniformité et la densité tenaient lieu d'urbanité - une grande ville ouvrière et industrieuse - d'où ce sentiment, pour qui venait de l'extérieur, qu'il ne s'agissait pas d'une « vraie » ville. Car c'est la diversité, la multiplicité des choix, la multipolarité, même au prix de l'étalement, qui ont toujours fait la ville. Elle passe depuis quelques décennies par un autre avatar, une ville plus complexe, différenciée et propice aux échanges. Ni autonome, ni noyée dans un étalement de banlieues, elle redéfinit ses fonctions et sa place dans l'ensemble rhône-alpin : une commune de taille moyenne certes, mais importante par son rôle d’entraînement dans une grande agglomération. Doit-on préciser que dans ce nouveau chapitre de son histoire la gestion financière a dû changer assez rapidement et du tout au tout ?

Il est donc temps après ces préliminaires - un peu longs ? - mais indispensables, d'en venir à la gestion de la ville.

L’amorce d’un changement

En effet, après quelques années de transition pendant lesquelles les budgets de la Troisième République - et de l’Etat Français - se raccordent sans difficultés aux budgets de la reconstruction du pays, une mutation radicale se produit. En douceur pendant de nombreuses années, puis avec une certaine brutalité lorsque la machine économique accélère le rythme et que les Trente Glorieuses prennent leur essor. La comptabilité garde les mêmes cadres juridiques ; on ne change, formellement, presque rien bien que de décret en décret, de circulaire en circulaire, de règlement en règlement, de pratique en pratique, plus rien ne soit vraiment comparable. Les comptes administratifs dès le début des années 1970 n’ont rien à voir avec ceux des années antérieures. Les années 1980 sont même à cet égard les plus importantes, celles pendant lesquelles la comptabilité communale devient presqu’autonome, un domaine réservé aux initiés, un pouvoir dans le pouvoir. N’est-ce pas ce qui s’est produit pour la finance en général par rapport à l’économie dans les pays capitalistes et libéraux ? si on a dû accepter l’expression « économie réelle » pour parler de la production des biens et services c’est bien parce que la finance a phagocyté toutes les activités.

Comme je ne me soucie pas ici de juger la pertinence de cette évolution je m’en tiendrai à ses conséquences sur la politique municipale : malgré l’élargissement du cadre géographique, la multiplication des domaines d’intervention et l’impressionnante liste des coopérations intercommunales ou régionales, faire fonctionner la commune n’a qu’à peine changé. Investir est devenu par contre l’alpha et l’oméga de toute « bonne gestion » qui se préoccupe de soutenir l’activité, de donner du travail à des administrés toujours plus nombreux, de se procurer des ressources fiscales. Le renversement est total. D’animateurs et bâtisseurs les conseils municipaux se transforment, parfois, en conseils d’administration et le budget d’investissement devient la pièce maîtresse des documents financiers. Dans un contexte idéologique totalement nouveau par rapport aux anciennes pratiques.

Les thèses néo-libérales exercent une forte influence sur la gestion communale au prix, ferai-je remarquer, d’une contradiction non résolue puisque la commune n’est en rien une entreprise privée même si en 1994 la comptabilité communale est un peu modifiée pour se rapprocher de celle des entreprises et que les sociétés d’économie mixte se multiplient. Enfin si on peut essayer de modifier les effets pervers qu’on en redoute ce n’est qu’à la marge. Sauf révolution on n’imagine pas qu’une ville puisse s’abstraire du contexte national ni qu’elle puisse s’administrer comme si Proudhon ou tout autre socialiste utopique en était le maire ! quand la municipalité de gauche a hérité de ses prédécesseurs les sociétés d’économie mixte, qu’elle avait critiquées, elle ne pouvait qu’en modifier le fonctionnement mais pas les supprimer.

Le néo libéralisme

La pensée néo-libérale dont l’inspirateur fondamental est F Hayek (1899-1992) ainsi que M Friedman, est connue également sous le nom d’école de Chicago. Ses théories autant économiques que politiques sur la capacité d’auto régulation de l’économie par la liberté totale du marché, l’apologie du secteur privé, l’absence d’Etat, ont inspiré d’abord Reagan et son équipe aux USA puis en Europe M Thatcher lorsqu’elle arrive aux affaires en 1970-74, avant de gagner la plupart des économies dites, à l’époque, du monde « occidental ». Le tournant  pris en 1983 par le gouvernement de gauche en France marque par une date symbolique la domination du supranational, de la dérégulation financière, du début du règne de la finance (et de son impunité). Le néo libéralisme absolu reste quand même du domaine de l’utopie. Les partisans de l’interventionisme ou du contrôle par l’Etat n’ont pas pu résister mais ils continuent d’argumenter en faveur de l’utopie inverse. Après les désastres de la crise des « subprimes » les néo-libéraux eux-mêmes commencent d’avoir des doutes. Nous vivons actuellement, et selon les pays, de compromis entre  ces deux théories. Un néo libéral en Europe peut être un politicien de « gauche » aux USA !

Où trouver les capitaux ? en s’endettant. Puisque la méthode a déjà si bien réussi et qu’elle est largement proposée par les financiers dont un des métiers est, justement, de prêter. Il se trouve même que des périodes d’inflation favorisent le système et, bien qu’emprunter pour rembourser des emprunts soit interdit, dans les faits c’est à une course aux reports de crédits que l’on assiste. Ainsi le chapitre des emprunts est devenu le plus long, le plus important, du budget tandis que des sommes jugées invraisemblables autrefois propulsent les comptes municipaux à des sommets inenvisageables par le passé. Il reste toutefois des garde-fous, le principe de prudence qui entraîne amortisssements et provisions pour garanties d’emprunt par exemple, le principe d’annualité des comptes de même que la décision de publier, à part, un tableau des emprunts dans le compte administratif.

L’adjoint aux finances, d’homme de bonne volonté qui acceptait un rôle ingrat est ainsi devenu « maire bis », au risque d’ailleurs de se retrouver impliqué dans des imbroglios politico-financiers qu’il n’a pas vu venir ou qu’il a voulu ignorer sinon endosser. De son côté le maire passe d’une culture autrefois plutôt juridique à une culture de gestionnaire, voire financière. Pour ces deux décideurs il reste cependant une forte différence avec l’entrepreneur privé, car si la commune a toujours une large autonomie de décision et beaucoup gagné en autonomie de gestion elle n’a pas une entière autonomie fiscale. L’Etat finance beaucoup plus qu’auparavant, et c’est aussi juste qu’indispensable, mais l’existence des impôts locaux est tout de même le garant de la démocratie locale en liant élus et citoyens pour un projet qui reste politique au sens plein du terme ; que je sache les clients d’une société commerciale n’élisent pas le conseil d’administration ni les directeurs ou le Pdg.

Ces quelques observations posent la question de la compétence des conseillers municipaux d’abord - j’ose même dire, mais pourquoi pas, du maire - ensuite des contribuables et de l’auteur de ces lignes. L’analyse de centaines de pages truffées de termes techniques, fondées le plus souvent sur des mécanismes aussi astucieux que complexes, demande non seulement d’avoir du temps, beaucoup de temps, d’être de la partie mais aussi d’avoir à côté de soi une équipe de professionnels. La lecture de certaines pièces montre d’ailleurs que des conclusions divergentes peuvent être tirées de ces tableaux de données et ratios souvent ésotériques.

Ultime recours : la Chambre régionale des Comptes. Mais elle a deux inconvénients, elle intervient a posteriori - ce qui me convient - elle est parfois aussi indéchiffrable que les documents qu’elle examine mais a le mérite d’attirer l’attention sur les points litigieux et de résumer ses observations en quelques paragraphes.

Je préviens donc le lecteur que j’ai utilisé les délibérations du conseil, évidemment, ainsi que les comptes administratifs pour lesquels j’ai eu en un premier temps une lecture « naïve » puis en n’en retenant que les grandes masses. De la sorte le sens des évolutions est sauvegardé mais en revanche le détail des opérations est assez souvent mis de côté et je n’ai pas voulu proposer des chiffres contestables, tout en restant dans les limites d’une très bonne approximation. D’ailleurs j’ai eu recours lorsque c’était possible aux informations données aux conseillers municipaux, aux électeurs ou aux médias.

Les pratiques ont donc changé. L'abondance des questions à traiter est telle que délégations et commissions sont bien plus nombreuses qu'autrefois, que les séances traitent plusieurs dizaines de délibérations sur un rythme jusqu'alors inconnu. Quand on vote c'est souvent pour entériner, à l'exception de quelques réunions, parfois houleuses, où sont traitées des questions d'importance. Bien plus qu'auparavant le pouvoir municipal s'exerce largement hors du conseil par le contrôle ou l'appartenance à des réseaux d'influence ou de proposition, par le biais de l'information, de la communication. Symptomatiques l'apparition d'un attaché de presse (1975) ou d’un service de communication et d'un chef de cabinet du maire qui double le traditionnel secrétaire général de la mairie (1976). Le cabinet lui-même prenant à l’occasion les allures d’un conseil municipal bis. Le pouvoir municipal est plus personnalisé qu'il ne l'a jamais été, et comme il en a toujours été ou presque, les décisions sont prises en une sorte de consensus mou par les majorités dans ces assemblées pleines de bonne volonté mais qui suivent quelques leaders.

Une évolution amorcée pendant l'entre-deux-guerres se renforce et modifie également beaucoup les usages politiques. Au XIXe les municipalités oeuvraient avec un nombre limité de partenaires sociaux ou économiques, les compagnies houillères, les grands industriels, les fabricants, les principaux commerçants, qui étaient d'ailleurs assez souvent les mêmes que ceux qui siégeaient au conseil. Si la municipalité reste évidemment le principal acteur elle doit composer avec beaucoup plus d'intervenants et les décisions sont le plus souvent négociées autant avec les pouvoirs centraux et régionaux qu’avec les pouvoirs économiques et politiques locaux. La décentralisation laisse plus d'autonomie à la ville mais la recherche des subventions et des crédits, la coordination avec les grands projets nationaux, ne laissent parfois que des marges d'action assez étroites, comme on l'a vu à la fin des années 1960 pour la création de zones d'habitat et industrielles dans le sud de la plaine du Forez ou encore l'élaboration d'un plan directeur d'aménagement pour l'agglomération ou dernièrement pour le passage de l'autoroute A45.

En 1945 - 1950 on entame donc la relance de la vie communale en ayant bien d’autres soucis que ces considérations socio-économiques, il faut reconstruire la ville.




Le compte administratif de 1950

Je ne le détaillerai pas, ce qui par ailleurs serait assez difficile compte tenu d’une présentation peu lisible. Quoi qu’il en soit il est de la famille des budgets de la Troisième République même si le chapitre des emprunts prend de l’ampleur. Il est représentatif de cette période de transition lente que j’ai évoquée ci-dessus et appartient encore à un monde antérieur à peu de détails près.

La clôture de 1950 inscrit 441 848 247 F en excédent global. Il provient pour partie d’un excédent du budget extraordinaire (le terme est encore en vigueur) - 127 694 084 F - soit 538 689 086 F pour les recettes et 410 995 002 F en dépenses et, pour l’essentiel, de l’excédent ordinaire : 314 154 163 F différence entre 1 486 762 079 F de recettes et 1 172 607 916 F de dépenses. Il faut signaler que les centimes pour insuffisance de revenus continent de croître depuis qu’on s’est résigné avant-guerre à les utiliser, cela se monte à 25 265 244 F (389 centimes) plus de la moitié de ce que rapportent les centimes additionnels (46 056 646 F). La pression fiscale continue sa progression.

En structure pas de bouleversement mais une évidente adaptation aux conditions de la période de reconstruction. L’administration passe en troisième rang et ne représente, y compris police et justice, que 15 % des dépenses ordinaires ; par contre la voirie qui a tellement souffert pendant les années noires s’élève à 22 % de ces dépenses, enfin les dépenses sociales (chômage, assistance, prévoyance, famille) sont presque à 21 %.

Le chapitre des emprunts est beaucoup plus démonstratif de la continuité. En cours d’exercice 118 000 000 F d’emprunts nouveaux ont été approuvés au conseil municipal. Au premier janvier 1951 leur nombre est de 83 pour un total de 1 151 922 714 F dont 1 075 892 063 restent dûs jusqu’à la dernière échéance de ce stock prévue en 1981. La somme est considérable toutefois on reste là aussi dans une stricte continuité avec les pratiques d’avant-guerre et la structure antérieure de la dette. En effet les annuités sont à peu près couvertes par un excédent ordinaire toujours positif dans les années 50 même s’il s’affaiblit, soit 20 à 30 % de l’annuité. Le pourcentage de la dette par rapport aux recettes ordinaires reste raisonnable.

Il est à remarquer que dans les années 60 chaque emprunt est encore soumis aux conseillers municipaux et fait l’objet d’une discussion, parfois très brève, mais qui donne l’impression que le conseil peut mesurer l’effort - les centimes - qui est demandé aux contribuable et peut apprécier les conditions du prêt. Les prêteurs ? la Caisse des Dépôts et Consignations pour 56 % du total, le Crédit Foncier de France pour 23 %, les Caisses d’Epargne pour 3 %, au total 82 %. Le reste est négligeable et provient de sociétés du secteur assurance, assurance-vie, capitalisation, crédit communal d’Alsace-Lorraine, etc. Taux et durées sont des plus classiques, de 3 à 6 % le plus souvent et fixes pour une trentaine d’années à peu d’exceptions près, 2% par exemple dans certains prêts de la Caisse des Consignations ou encore 15 à 20 ans en durée.

Enfin plus significative encore la destination de ces emprunts. Evidemment quelques travaux neufs dont la caserne des pompiers mais surtout le service des eaux et le barrage de Lavalette dont la surélévation s’achève. L’impressionnant travail du XIXe n’est pas vraiment terminé : 62 % des emprunts servent à l’amélioration de ce service. Ce n’est qu’après 1970 qu’on pourra relâcher les efforts ; depuis la totalité du réseau et de l’asssainissement a été reprise, car rien n’est jamais fini en ce domaine. La voirie absorbe une bonne part de ce qui reste de même que le service scolaire : reconstruction d’écoles dont Tardy détruite en 1944, aménagement de classes supplémentaires dans les groupes existants ou constructions neuves, le boom des naissances se traduit en effet maintenant par un afflux d’élèves.

Les comptes suivants reviennent peu à peu aux structures classiques, progression inévitable des dépenses de fonctionnement surtout à cause des frais de personnel qui augmentent régulièrement, compression assez forte de certaines dépenses de façon à dégager un excédent, accroissement des travaux neufs et des dépenses en infrastructures pour accompagner la modernisation de la ville et l’élargissement de son territoire : équipement de zones d’habitation ou d’activités, voiries, rocades, réseaux assez souvent en complément des dépenses engagées par les ministères concernés.

Dix après le changement est en marche.

La règle du jeu change

La réforme, tant attendue avant-guerre, a tardé. C'est le 18 mars 1960 que M Durafour annonce l'application du « plan comptable » ainsi qu'une nouvelle présentation des documents : les reports du budget supplémentaire seront transférés au primitif ; les centimes devenus innombrables seront regroupés sous une seule rubrique « centimes » en quatre types : ordinaires, additionnels, service de la dette, extraordinaires ; dans la section ordinaire s’ouvre un compte dit de prélèvement qui alimentera la section extraordinaire et permettra d'évaluer l'effort d'autofinancement. Un peu plus tard les contributions de l’Etat prendront la forme de dotations globales de fonctionnement et d’investissement. La notion de patrimoine communal ne sera prise vraiment en compte qu'après la loi de décembre 1970 qui distingue enfin clairement le fonctionnement de l'investissement ou renouvellement et accroissement de ce patrimoine communal. Pour ce dernier les critères financiers dont l’amortissement, s'imposent. D'une gestion de père de famille (mais qui a défini ce qu’elle est ?), voire d'épicier on passe alors à celle du financier.

Faure-Belon, Ledin ou Soulié reconnaîtraient pourtant sans difficulté le schéma simplifié des finances communales ci-joint. En apparence on a conservé la même structure ; en fait le changement est considérable et les mécanismes financiers contemporains nécessiteraient de longues explications. Quels en sont les points essentiels ?

D’abord un paradoxe de taille. L'autonomie de gestion est accordée par les lois de décentralisation (1982 puis 1992 sur l'administration territoriale et 1999 sur les établissements publics de coopération intercommunale), assortie du contrôle des comptes a posteriori par une Cour régionale des comptes en 1982. Mais la part du financement étatique et des financements extérieurs est telle qu'en 2007 une association de maires réclame une refonte totale du système afin d'obtenir une véritable autonomie ! En effet la dotation globale de fonctionnement (1979) remplace les dernières versions de la taxe locale, elle sera accompagnée par diverses dotations dont celle de décentralisation. Puis la dotation globale d'investissement se substitue aux subventions (1982). A tel point que ces deux dotations atteignent souvent plus de 20% des recettes fiscales tandis que s'y ajoutent de nombreux dégrèvements, compensations, reversements, exonérations. A titre d'exemple sur 212 millions affectés au renouvellement urbain, de 2005 à 2010, 27 seulement viennent du budget municipal et 54 millions de l'agence nationale de rénovation urbaine, 14 du conseil régional. Nombre d’investissements empilent des crédits nationaux, ceux des syndicats de communes, de Saint-Etienne Métropole, du conseil général, régional, de l’Europe etc. Le budget est imbriqué dans un vaste réseau de budgets de toutes natures y compris ceux d'organismes privés. Ainsi pour la récente station d'épuration participent la commune, l'Etat, la communauté de communes, l'Agence de l'eau, l'Europe, le Conseil général, le Conseil régional. Participations multiples, enchevêtrement des compétences et financements, ne simplifient pas la lecture des comptes sans oublier que plusieurs des investissements majeurs de la ville sont ceux de la Métropole qui les finance largement compte tenu du poids de la ville centre. Par contre le maire retrouve, comme au coeur du XIXe, une pleine liberté dans sa politique d'emprunts (1982) au risque toutefois de quelques dangers..

Mais le versement de fortes dotations par le budget national est-il dommageable à l’autonomie de décision ? outre qu’il assure une péréquation des ressources et une égalité territoriale il ne faut pas confondre autonomie financière et politique, la ressource assurée reste encore à l’utiliser avec discernement.

Inutile de préciser que les maires que je viens d’évoquer se trouveraient comme moi fort dépourvus pour interprêter et évaluer les arcanes nouvelles de la gestion communale.

Mécanisme budgétaire contemporain, simplifié

FonctionnementInvestissementA - recettesC - recettesexcédent reporté
produits d'exploitation
dotation globale (1)
impôts indirects, directs
fiscalité localeexcédent reporté
dotation globale (1)
participations
emprunt
aliénations, créances
prélèvement
recettes
totales
A + CB - dépensesD - dépensesfournitures
personnel
travaux, services extérieurs
participations
frais financiers (intérêts des emprunts)
prélèvementdéficit reporté
remboursement emprunts (capital)
acquisitions
travaux
prêts, créances
dépenses
totales
B + Dsolde A - B à reportersolde C - D à reportersolde global
(1) Les dotations globales sont apportées par le budget de l'Etat
Prélèvement : cette somme passe par jeu d'écriture du fonctionnement à l'investissement,
c'est l'économie faite par la commune pour contribuer à son équipement ou encore marge d'autofinancement
Rembourser sa dette en capital est un investissement puisque la richesse communale est
ainsi accrue ; par contre les intérêts constituent une dépense de fonctionnement.
plusieurs budgets sont disjoints du budget général dont celui, important, de l'eau et assainissement. En 2010 il y en a huit de sorte qu’un bilan global doit commencer par reconstituer la totalité des mouvements.

D'un point de vue théorique le budget peut se présenter également de la façon suivante :
les produits de fonctionnement doivent équilibrer les charges de fonctionnement y compris les remboursements de la dette en intérêts et capital ; ainsi la trésorerie initiale, l'autofinancement et les ressources d'investissement équilibrent les investissements réels et la trésorerie finale.

Ensuite l'annualité et l'équilibre des comptes restent la règle alors que depuis 1962 la gestion s'inspire du fonctionnement de l'entreprise privée et de sa culture du résultat financier, de son obligation de résultat. Or l'entreprise dispose d'horizons plus larges, d'une pratique plus souple. La gestion communale n'en est que plus ambiguë voire incohérente si sa finalité n'est pas plus définie. De plus en plus l’entreprise donne la priorité au court terme, surtout vis-à-vis de ses éventuels actionnaires, au contraire la commune devrait jouer sur le long terme, voire le très long terme. Ce qui est de moins en moins le cas. Quand la ville a acheté, vers 1865, des sources et planté des arbres dans le Pilat elle investissait pour plus d’un siècle à venir, impossible pour une entreprise. Les deux modèles de gestion me paraissent incompatibles.

Après la crise de 1975, les limites du système ?

« Neaulieu sous le choc : ville sinistrée, emplois disparus, chômage, perspectives sombres. Amertumes diverses.
Achèvement d’une époque.
Dieu merci la municipalité avait pris la relève des financements majeurs. Elle y voyait son intérêt. Quel beau moyen de redorer le blason de la ville : ne cédons pas au catastrophisme, ayons confiance, réalisons des projets ambitieux malgré les difficultés, tournons-nous vers l’avenir. »
J-N Blanc « L’inauguration des ruines » (éditions J Losfeld) 2013


Le prix du modernisme : un renversement des anciennes priorités

Peu avant les premiers effets de la crise économique amorcée vers 1975 les premiers indices d’une situation délicate de la ville sont visibles. Lors de la séance du conseil du 24 mai 1976 l’adjoint aux finances, sans s’alarmer outre mesure, il n’est pas prophète, déclare : «dans les années à venir il faudra très probablement ralentir les investissements pour porter plus d’attention au fonctionnement des services ». Façon détournée de dire qu’il faut moins emprunter et satisfaire les futurs électeurs de l’année suivante. Les municipales auront lieu en 1977. Les conseillers ont pu en effet constater, lors de la préparation du budget de 1976, une croissance rapide de quelques chapitres, en particulier celui de la dette qui amorce une pente accentuée. Ce n’est pas vraiment nouveau, entre 1955 et 60 le volume budgétaire n’avait cessé de gonfler, de 22 millions de F à 36. En fait, compte tenu de l’inflation qui est assez forte, il faut légèrement atténuer l’augmentation ; de 1966 à 76 l’investissement de 46,2 millions équivaut à 94,5 en 1976 à comparer aux 210,8 du tableau ci-joint, soit une croissance qui atteint tout de même 125 %.

Une situation que précisent quelques ratios calculés pour l’intervalle 1970 à 74. Les recettes de fonctionnement sont en moyenne de 3 404 F par habitant ou 681 F par an et habitant dont 46 % relèvent de la fiscalité directe locale et 30 % du tout nouveau versement dit « versement représentatif de la taxe sur les salaires » qui remplace la taxe locale (cette dernière s’est substitué à l’octroi en 1943, voir ci-dessus). Elles témoignent d’une forte progression qui n’est qu’en partie due à la meilleure santé de la ville et beaucoup à une fiscalité en hausse.

Les dépenses de fonctionnement donnent donc une impression de sécurité puisque avec 570 F par an et habitant elles permettent par rapport aux 681 de recettes un substantiel prélèvement. Les frais de personnel - les effectifs ont doublé en dix ans - sont lourds : 40 % du total et un pourcentage presqu’identique assure le fonctionnement des services municipaux. Si le service des emprunts ressortit ainsi à 14 %, une charge tout à fait acceptable, il faut modérer ce jugement. La progression antérieure des sommes empruntées déjà assez soutenue s’accélère dangereusement, le service des emprunts a plus que doublé entre 1970 et 74, soit de 11 178 000 à 27 936 000 F, dépassant en rythme celui de la fiscalité. Certes les équipements ainsi financés étaient indispensables mais une course de rattrapage s’engage entre recettes et dépenses pour combler l’écart.

Pendant toute cette période fonctionnement et investissement se partagent à peu près le budget total. De 1970 à 74 l’investissement s’élève à 553 F par an et habitant dont 384 en travaux et acquisitions mais 80 F en remboursement de la dette, et 89 F en avances et participations aux Sociétés d’économie mixte ainsi qu’aux infrastructures financées hors budget municipal avec le département ou l’Etat. Il a doublé. La voirie et les espaces verts absorbent l’essentiel des travaux avec (113 F ou 30%), l’urbanisme suit pour 18 % avec les opérations à Tarentaize, Montreynaud, Centre II et quelques Zac comme le Grand Clos.

L’effort de transformation de la ville est à un de ses sommets, voire impressionnant : une croissance de plus de 300 % en dix ans - de 46,2 millions de F à 210,8 - n’est pas banale de même que la part de l’urbanisme/habitat dans les équipements, de 7 à 33 % entre 1966 et 1976.

Dépenses d’investissement

196619681970197219741976en millions de F46,276,973132,3155,3210,8en % du budget445143514743dont équipement8682,574706549remb. des emprunts11,510,215,313,415,822,3
Structure des dépenses d’équipement en %

19661968197019721 9741976voirie réseaux43,956,546,327,420,822,1scolaire sportif35,826,823,729,437,536urbanisme habitat7,611,412,420,130,233,6reste12,75,317,623,111,58
Données citées par A Vant (thèse)

La comparaison 1966 - 1976 est édifiante : la voirie si gourmande autrefois ne pèse plus que 22 % alors que l’urbanisme - habitat consomme le tiers des dépenses d’équipement ; mais le remboursement des emprunts double tandis que le poids relatif de l’équipement plonge ! un virage tout à fait remarquable dans la conduite des affaires.

Cela ne va pas sans danger pour les finances bien que rien d’alarmant n’ait interrompu cette évolution. Les dépenses réelles de fonctionnement ont crû de 57,8 millions de F à 276,7 millions en 10 ans ce qui est considérable (380 % sans tenir compte de l’inflation) mais ne fait que traduire le rattrapage de la ville par rapport aux villes de même importance. Lorsque ces dépenses en viennent à dépasser les moyennes observées en Rhône-Alpes, déjà supérieures à la tendance nationale, on peut s’inquiéter. En 1975 la charge globale par habitant est une des plus élevées pour les villes de 100 à 300 000 h, bien qu’un retard d’équipement soit toujours visible ; Saint-Etienne, vieux « pays noir » en déshérence, revient de tellement loin ! D’autant plus que c’est le poids de la dette qui pèse le plus. En dix ans le remboursement des emprunts passe de 11,5 % à 22,3 % du total et la rubrique « reste » du tableau ci-dessus concerne en majeure partie les avances aux sociétés d’économie mixte et diverses garanties ou participations aux grandes infrastructures c'est-à-dire des dettes potentielles.

Il a fallu augmenter les recettes en proportion, de 77,6 millions de F à 295,4 au prix d’une fiscalité directe élevée, un peu plus de 51 % du total encaissé. La taxe d’habitation est la plus mise à contribution dans les centimes communaux, jusqu’à y peser pour 30 %. Le produit fiscal a presque doublé, passant de 50 234 000 à 95 468 000 F. La nécessité de calmer la pression fiscale a déjà incité le conseil à recommander, depuis quelques années, une légère baisse de la taxe d’habitation par le biais des abattements pour charge de famille, mais en ces années de refonte de la fiscalité (il s’agit de la taxe professionnelle qui remplace la patente , une révision cadastrale foncière en cours ainsi que le passage de la contribution mobilière à la taxe d’habitation ) les « difficultés techniques », selon l’élu, ont retardé les décisions.

Lors de l’approbation du compte administratif de 1976 (CM du13 octobre 1977) le rapporteur constate que la pression fiscale, contrairement au vœu émis l’année précédente, n’a pas faibli. Le produit fiscal est maintenant de 147 millions de F, un bond de 18 % depuis l’année précédente (95 millions). C’est d’abord le fait des dépenses de fonctionnement qui continuent leur progression, 268 millions de F dont 48 % en frais de personnel, un pourcentage qui se maintient depuis longtemps entre 47 et 49 %. La charge par habitant a plus que doublé depuis 1972, de 268 F à 578. Bien entendu ce sont les travaux et acquisitions, services extérieurs, subventions etc. qui ralentissent, à l’exception du chapitre scolaire. Ce n’est pas entièrement dû au fait qu’en année pré-électorale il soit de bonne tactique de ne pas trop lésiner sur le fonctionnement et que quelques travaux soient mis en veilleuse, d’où des reports de crédits. Joue aussi un léger freinage dans les dépenses d’investissement. Ce qui n’empêche que les annuités d’emprunt poursuivent leur croissance : 46,6 millions de F en 1976 contre 36,5 en 1975, une hausse de 27,5 %.

Il n’a pas été possible en effet de ralentir brutalement le recours aux emprunts, 147 millions en 1976 au lieu de 112 en 1975. Certaines tranches de travaux de voirie en cours doivent continuer, l’urbanisation poursuit sa trajectoire (Montreynaud, Centre Deux ). Surtout il a fallu en 1976 continuer de soutenir les trésoreries des sociétés d’économie mixte, le marché

L’investissement en 1976, principaux chapitres

chapitresprincipales opérationsdétailtotalvoirieespace vert Montreynaud
transports en commun
voiries nouvelles
entretien des voiries
parking Hôtel de ville2 020 200 F
2 917 569
2 878 420
2 819 400
2 218 201




25 451 097 Fscolaire
culture, sport
44 134 427
participations Sté econ.
mixtes

participations
à divers travaux Zup de Montreynaud
Centre II
Tarentaize
Condamine
rocade ouest
rocade est
réserves foncières4 218 287
4 936 460
5 661 649
4 706 737
6 217 725
5 989 150
4 938 536 






36 668 544remboursement
de la dette
37 927 777
La dépense totale s’élève à 210 878 638 F (186 374 217 en 1975)

du logement a ralenti, les entreprises peuvent défaillir avec toutes les conséquences sur l’économie de la ville. Pour le seul mois de janvier 1976 c’est plus de 25 millions qui sont avancés ou garantis au profit de la Civse et de la Semaset. Dans le tableau précédent on peut relever qu’une partie des dépenses de voirie leur bénéficie de même qu’une partie des participations aux rocades et réserves foncières. Et le remboursement de la dette concerne la majeure partie des emprunts souscrits pour la participation financière de la ville à ces sociétés.

La ville avait certes besoin de ces investissements et, d’une façon ou d’une autre, ils auraient été mis en œuvre. Mais ils se font presqu’entièrement par le biais d’emprunts dont l’utilisation finale n’est pas maîtrisée par la municipalité. On ne peut s’empêcher de comparer avec l’opération de régénération des Gauds (1856-59) dans laquelle le maire avait pu composer avec une société financière et immobilière de bien moindre envergure que les sociétés auxquelles nous avons affaire de nos jours. Il avait repris le contrôle de l’opération et, malgré quelques pertes, obtenu l’essentiel de ce qu’il ambitionnait. Du reste les capitaux engagés étaient assez modestes au regard des sommes actuelles. Au XIXe il s’agissait d’une société aux limites de l’affaire véreuse ; au XXe c’est un système de financement d’envergure nationale, bien en place, qu’il faut affronter.

Les sociétés d’économie mixte, de quoi s’agit-il ?


Créées en 1926 ces sociétés (Sem) associent des capitaux privés à ceux de la collectivité pour financer des opérations d’intérêt général. Leur cadre juridique, calqué sur celui des sociétés anonymes, est toutefois assez flou. Le contrôle se fait, comme pour le budget communal, a posteriori et ce n’est que depuis 1992 qu’il est obligatoire de publier un bilan de la dernière année d’exercice, en annexe du compte administratif.

La Semaset a été créée pour intervenir dans la Zup de Montreynaud (1977, capital 500 000 F) sous l’impulsion d’un groupement bancaire local. L’opération conduite à la Métare dépend aussi d’une Sem, la Civse et Centre II de la Sedl nées de la même manière.

La ville garantit des emprunts, participe directement en prenant en charge les opérations de voirie - assainissement - espaces verts et assure les trésoreries de ces sociétés par de nombreuses avances voire des prêts sans intérêts. Ces sociétés renouvellent ainsi, en termes modernes, la traditionnelle association entre le prince et le financier. Bien que la municipalité en ait la présidence une cascade de délégations et de sociétés intervenantes dilue le contrôle et obscurcit le fonctionnement financier.

On se reportera à la thèse d’A Vant (p. 381) pour une critique dont je retiens les quelques points suivants. Pour la Semaset la garantie initiale de 3 millions de F votée en 1967 sera élargie jusqu’à 14 en 1977. A Montreynaud la participation de la ville s’élève à 94 millions en 1978 et malgré tout la Civse devra déposer le bilan en 1984. Centre II, malgré des largesses municipales encore plus importantes, aura des difficultés d’achèvement. La participation de la ville atteint 7 millions pour la première tranche, puis 36 pour la seconde dont 7 millions de participation au déficit. Je ne reprends pas toutes les aides plus ou moins légales de la ville dont je citerai la revente de terrains sous leur prix de revient. Malgré cela la ville doit admettre une réduction des surfaces de bureaux, de parkings, de commerces, la disparition d’aménagements comme quelques espaces verts. Enfin le financement des voiries et rocades, hors opération, est également à mettre au compte de ces sociétés (elles en demandent avec vigueur la mise en place) car sans elles le succès commercial serait compromis.



Une fois enlevés 8 millions pour la dotation aux amortissements, l’effort d’autofinancement s’est amenuisé d’un dixième environ et réduit à 32,5 millions de F, comme prévu d’ailleurs au primitif de 1976 voté en 75. Ce n’est pas une somme négligeable mais elle est loin d’assurer la sécurité des emprunts comme il était de règle autrefois. La ville se trouve début 1976 avec un stock de 602 692 562 F de dettes et une annuité de 46,6 millions, moindre que le montant de cet autofinancement. Financièrement parlant on puise dans la trésorerie pour continuer et une partie des emprunts a servi en fait à rembourser l’annuité en capital ; une entreprise pourrait craindre la faillite. En même temps la gestion de la trésorerie a été médiocre puisque, et c’est paradoxal, le bilan global dégage un confortable fonds de roulement de 72,7 millions de F. Aussi la nouvelle équipe se propose de le réduire à un strict minimum d’environ 1 à 1,5 mois des dépenses totales, ratio généralement admis.

Le bilan des « trente glorieuses » n’est pas toujours celui qu’on imagine. L’océan de prospérité générale a caché des disparités et des oubliés ou des sacrifiés de la croissance. Il a dans notre cas fait miroiter des espoirs fallacieux aux communes. Il est manifeste que bien des difficultés présentes entre 2000 et 2013 ont une origine lointaine, celle d’une course au développement sans limite parce que le crédit était facile et l’optimisme inébranlable.

Premiers accrocs

Le bilan des dix dernières années - 1966/1976 - n’est guère encourageant, la dette est passée de 218,6 millions de F à 680,5 soit le sixième rang des villes de plus de 100 000 h les plus endettées. Sa charge annuelle représente 28 % des recettes ordinaires ; si on tient compte que ce ratio ne devrait pas dépasser 30 % lors d’une phase de croissance démographique modérée la cote d’alerte est atteinte pour une ville qui, au mieux, stagne et traverse une période de transition économique. Cependant le stock de dette paraît encore supportable bien qu’en 1978 des différés d’amortissement viendront surcharger la barque. L’équipe sortante peut s’enorgueillir d’avoir largement amorcé la modernisation de la ville et de l’avoir transformée par quelques réalisations spectaculaires. Mais à quel prix ?

Malgré tout la question financière n’a pas joué le premier rôle dans la campagne électorale perdue par l’équipe au pouvoir. A l’exception de la hausse des impôts locaux dont la taxe d’habitation qui alimente la critique, la dette n’a que peu mobilisé en comparaison d’autres problèmes : situation précaire de Manufrance, difficultés économiques, personnalité du maire-ministre à qui sont reproché ses absences, faible impact des nouvelles réalisations par rapport aux attente du public populaire, apparition de nouvelles formes d’opposition (comités de quartiers regroupant des associations ).

La nouvelle équipe municipale aborde ainsi une situation délicate. Son intention de faire baisser la pression fiscale sur les ménages, d’amorcer un effort pour l’entretien du patrimoine de la ville, d’investir dans les vieux quartiers, de ne pas diminuer drastiquement les subventions aux associations, se heurte à la nécessité de poursuivre les investissements et donc de continuer d’emprunter. Evidemment le moins possible. De même la restructuration des sociétés d’économie mixtes qu’il faut prévoir ne va pas sans une protestation auprès de l’Etat. Ses subventions ne couvrent pas la Tva règlée lors de leurs travaux. En outre une bonne partie des investissements qui relèvent de l’Etat - autoroute, enseignement supérieur - sont partiellement financés par la ville. Une des conclusions du rapporteur est sans fard : « les perspectives d’accroissement de la population […] et d’augmentation des patentes industrielles ne nous permettent pas de faire un pari financier sur l’avenir ».

Pourtant un épisode malheureux entraîne les premiers accrocs sérieux dans la politique d’emprunt. Il s’agit du « naufrage » de Manufrance que la municipalité Sanguedolce a essayé, mais en vain, de stopper par tous les moyens possibles pour sauver les emplois. Peu avant, sous la muncipalité précédente, il y avait eu l’emprunt « luxembourgeois » souscrit pour renflouer l’opération Centre II et déjà à cette occasion les mécontents en avaient critiqué les clauses, en particulier le taux de 9 %. Mais calculé en unités de compte du système financier européen l’emprunt avait provoqué un surcoût, sans plus. Lors de l’affaire Manufrance la ville a eu à nouveau recours aux banques étrangères, ce n’était pas la première fois. Sans tous les relever : prêt d’un million de F par la Nordwich union insurance life en 1971 ; 8 millions par le consortium United Oversea Bank/Banque de la Suisse italienne/Banque du commerce international suisse. Les financiers français pouvaient se montrer réticents quand les risques leur paraissaient flagrants, il fallait bien voir ailleurs.

C’était le cas pour Manufrance. Une première tentative de sauvetage de l’entreprise, l’intervention des banques Banexi et Bnp, avait échoué. Les épisodes malheureux vont ensuite se succéder, celui du plan Blanc (1975) rejeté par la nouvelle municipalité est suivi par plusieurs échecs jusqu’à la constitution en 1979 de la Société Nouvelle Manufrance. A cette occasion la ville garantit, entre avril et juin 1979, un emprunt souscrit en Suisse pour un montant d’environ 40 millions de F (16 millions F suisses) au taux de 4,5 % pour 12 ans auprès de la banque Gutzwiller Kurz Bungener. Le maire fait remarquer que « les difficultés qu’il y a pour une entreprise comme la Nouvelle société Manufrance à obtenir des prêts auprès des banques françaises » ont conduit à cette solution qui paraît sans risque.

Quelques années après la ville se sent isolée devant les atermoiements du Conseil Général et l’absence de soutiens gouvernementaux, à partir de 1985. Ne pouvant supporter seule la charge intégrale de la garantie lors de la liquidation de la Société Nouvelle, elle prend la décision, à titre conservatoire, d’un nouvel emprunt de 20 millions de F suisse pour dix ans à 6 %. Malheureusement, et cela n’avait pas été envisagé, dans les années suivantes le F suisse s’apprécie continuement par rapport au F français, les échéances sont de plus en plus lourdes. Après la disparition de la Sté coopérative ouvrière (Scop) qui a succédé à la Société Nouvelle il faut une fois de plus éponger la dette. La municipalité Dubanchet hérite du dossier et trouve enfin une solution que lui offre la Société Générale. La filiale suisse de cette banque rachète, avec ses fonds suisses, les obligations qui avaient été émises par la banque prêteuse ; en contre-partie la Société Générale, en France, consent à la ville un prêt équivalent soit 60 millions de F. Au total une note évaluée à 170 millions de F. On a connu pire récemment mais à l’époque la finance a fait une entrée tonitruante dans la vie des Stéphanois et dans les comptes municipaux.

Rien d’irrémédiable cependant mais nous sommes aux limites de ce qu’il est possible d’obtenir en fonction de règles et d’usages qui ont fait leurs preuves depuis bien plus d’un siècle. Les années suivantes seront tout à fait différentes.

Depuis 1982 une ville libre de s’endetter mais une ville aux abois

Les lois de décentralisation viennent de tout bouleverser et s’il fallait choisir une date charnière entre deux époques de la vie municipale j’élirais la loi du 2 mars 1982 avant même la date de 1975 communément admise, elle, comme date d’un retournement économique. La tutelle de l’Etat disparaît en ce qui concerne les emprunts libérant ainsi les communes qui deviennent de nouveaux acteurs dans un marché financier totalement transformé. Un peu plus tard quelques mesures renforcent la tendance, ainsi les contrats d’emprunts ne relèvent pas du Code des marchés publics (2001) et le maire peut déléguer en matière d’emprunt (2002).

Les années 80 sont caractérisées par l’apparition de nouvelles formes d’épargne pour les ménages aussi bien que pour les entreprises dont les banques se disputent la clientèle. Du côté communal les investissements croissent à vive allure (croissance de population, besoins nouveaux des habitants, renouvellement des équipements, modernisation des réseaux, impulsion des groupements de communes, normes européennes). De 1984 au début des années 2000 les dépenses des communes sont en hausse constante d’autant que pendant quelques épisodes de faiblesse économique la riposte la plus répandue consiste à investir en zones d’activité ou pôles de toutes natures destinés à attirer les entreprises pourvoyeuses d’emplois et de futures ressources fiscales. Parfois sans justification raisonnable et même pour le prestige, tout le monde se souvient de l’engouement irrationnel pour les « technopoles ». Les banques, au cœur de ces flux de capitaux en plein développement, se concurrencent durement et innovent en matière de formules pour les prêts et la rémunération des placements.

Finie l’époque des échéanciers sur 30 ou 40 années à taux fixes et aux remboursements réglés comme des horloges. La Caisse des Dépôts, les Caisses d’épargne, restent encore des interlocuteurs familiers mais les démarcheurs arpentent les couloirs des mairies pour proposer leurs nouvelles solutions adaptées aux besoins des collectivités publiques.

Investir à tout prix.

La parenthèse d’une municipalité de gauche s’achève elle aussi dans un climat de difficultés financières même si flot de la dette a été plus ou moins endigué. La longue descente aux enfers de Manufrance puis de la Scop qui lui succède pèse lourd dans l’âpre bataille des municipales de 1983. Une nouvelle municipalité engage alors une politique financière hardie pour tenter de rétablir la situation ; elle échoue - ou n’obtient qu’un médiocre résultat - sur deux questions qui vont provoquer la démission du maire en 1994, ou du moins la précipiter.

Le climat économique en France repartant à l’embellie pendant cette deuxième moitié des années 80 le maire, après contacts avec la Caisse des Dépôts et quelques autres banquiers, choisit délibérément, et comme bien d’autres de ses collègues, de recourir à l’endettement pour soutenir très activement l’économie. Volontarisme ? pari raisonnable sur l’avenir ? coup de poker ? fuite en avant ? Ce débat va agiter le monde politique local pendant plus de dix ans. Il faut reconnaître que la municipalité précédente avait de son côté accueilli avec intérêt le processus de décentralisation engagé par le pouvoir central : « la réforme sur les compétences des collectivités locales […] va nous permettre d’agir plus efficacement […] dès le budget 1983 j’ai proposé qu’un effort financier particulier soit réservé à cet effet afin de permettre la mise à disposition des bâtiments industriels ». (Vivre à Saint-Etienne mars 1983). C’est d’ailleurs cette même municipalité qui prépare le projet de rétrocession de la friche Giron entre 1978 et 83 en préemptant environ un hectare de bâtiments, projet repris par ses successeurs. Mais l’implication de la nouvelle municipalité va beaucoup plus loin dans la démarche, il faut dire qu’elle a de quoi s’inquiéter avec environ 40 ha de friches industrielles dans la ville et des banques très réticentes à financer de trop petites Pme à capital familial.

La dette doit financer avec force et continuité le soutien à l’économie, option qu’assume le maire en déclarant (1994) : « nous avons dès 1983 choisi une politique d’intervention. Nous l’avons fait en toute connaissance de cause et sachant qu’il y avait quelques risques… ». Le taux de la taxe professionnelle passe de 18,1 % en 1982 à 15 % en 1988. Un service économique de la ville est mis en place qui devient cellule économique en 1990 avec à sa tête un directeur issu de la Caisse des Dépôts. Plusieurs zones d’activité sont relancées ou créées, autant que possible sur le territoire communal proprement dit par prestige et intérêt fiscal (Malacussy, Cotonne, Montreynaud, Simoc etc.) avant qu’on s’intéresse aux zones extérieures et la priorité c’est la politique de location-vente de locaux industriels. La Cour régionale des comptes qui a analysé la période 1989-1995 a dénombré 130 contrats pour une valeur de 870 millions de F. Pour l’investisseur c’est un avantage substantiel et souvent convaincant ; le risque c’est d’attirer des entreprises en difficulté qui trouvent ainsi un ballon d’oxygène et dans quelques cas disparaissent, parfois avant d’avoir remboursé
En somme la ville joue le rôle d’une banque et d’une banque très compréhensive avec ses débiteurs. Les séances du conseil municipal voient se succéder les dossiers, assez succints la plupart du temps, suivis d’une brève présentation des justifications et d’un vote de la décision. Quelques-uns suscitent des débats. Ainsi lors des interventions dans ce qu’on a appelé la crise de la machine-outil et lors des déboires du Giat, malheureux successeur de la Manufacture d’armes.

Un exemple ? Le 6 septembre 1996 un programme de réhabilitation - aménagement est soumis au vote « pour donner au site [le tènement S A Berthiez, machine-outil] une vocation de parc d’activités industrielles mondiales ». Soit un peu plus de 4 millions de F en acquisitions foncières (environ 3 ha), 2,5 millions en travaux, 8 millions pour les bâtiments, un total de 15 millions de F avec les bureaux. La ville sollicitera une subvention auprès de l’Etat dans le cadre des Fonds européens dits Feder qu’elle estime à la moitié de la note. Le maire ajoute qu’il demandera aux dirigeants un engagement précis sur l’emploi, assorti d’un contrôle de l’utilisation des fonds. L’opposition se rallie bon gré mal gré au projet, de trop nombreux emplois sont en cause, tout en doutant de l’efficacité du contrôle. Mais elle renacle sur bon nombre d’autres dossiers : « il est temps de contrôler en toute transparence les cadeaux […] ainsi nous voterons contre le dossier 452 parce qu’il y a un cadeau de 150 000 F sur les loyers et la taxe foncière […] ce dossier nous paraît constituer celui pour lequel la ville s’engage de fait à perdre de l’argent ». Pour l’affaire du Giat la critique est encore plus nette « que penser du renflouement honteux de Winchester [filiale de Giat] aux USA par Giat déficitaire puisqu’une première mesure porte sur une garantie de plus de 300 millions […] alors que Giat France s’apprête à mettre en place un retour à l’équilibre en supprimant 2 569 emplois […] c’est proprement scandaleux ».

Dans ce maquis d’interventions et d’innombrables dossiers difficile de faire un bilan. Certaines actions étaient justifiées et furent utiles. La ville reconnaît avoir investi environ un milliard de F dans l’immobilier industriel entre 1989 et 1994 ; de 1983 à 86 les interventions concernent 50 entreprises et 8,6 ha de terrains. « La part des interventions économiques sur l’ensemble des dépenses d’équipement a certes été ramenée de 44,64 % en 1989 à 6,42 en 1995 mais sur la seule période 1989-1994 elles ont représenté en moyenne 31,45 % », sur 3,2 milliards d’investissement au total selon l’estimation de la Cour régionale des Compte,. La Cour ajoute : « les règles d’intervention n’ont jamais été établies d’une manière claire et transparente et n’ont pas donné lieu à une véritable évaluation. L’absence de tableau de bord précis et chiffré se fait gravement sentir » et surtout « la charge des interventions économiques […] demeure bien supérieure aux recettes liées à ce type d’intervention ». Elle s’inquiète, entre autres exemples, que de 1989 à 93 la différence crédit/débit des opérations économiques serait un déficit de 46 millions de F au surplus non justifié.

La Chambre régionale déplore des « anomalies », des « manques de transparence, de précisions chiffrées, des surcoûts inutiles […] l’abus d’exonérations fiscales », observations que les opposants ne manquent pas d’utiliser. Plus grave la validité des comptes administratifs est mise en cause. Ainsi les dossiers fournis au public, aux conseillers municipaux et à la Chambre ne concordent pas en tous points. Les règles de la comptabilité sont toutefois assez souples pour qu’on puisse ne pas s’étonner d’arriver à des résultats discordants. C’est plus inquiétant s’il s’agit de données brutes, recettes, dettes etc. Est-ce un manque de rigueur ? une volonté de manipuler la présentation des comptes ? Que penser de certains écarts : moins 250 millions de F d’épargne nette selon la Chambre, seulement moins 15,9 selon la ville ; autofinancement négatif de 435 millions en 1994 dit la Chambre, moins 137 dit la mairie ?

Inutile de préciser que quelques séance sont houleuses (entre autres 6 septembre et 2 décembre 1996), l’argument principal de la ville s’appuie sur le fait que la Chambre utiliserait des méthodes comptables « livresques » en oubliant les réalités du terrain. Elle ne tiendrait pas compte des opérations d’ordre comme lors d’un « compactage » de la dette qui consiste, en 1992, à emprunter 78 millions de F pour immédiatement rembourser une dette ancienne. Cela revient à faire figurer la somme à la fois en recette et dépense et gonfle le total. En l’absence de preuve de cette lecture des chiffres les conseillers n’insistent pas et ils reconnaissent que des contraintes particulières à la ville - nature et consistance des anciens terrains houillers ou industriels - problèmes sociaux particuliers à une région sinistrée - expliquent le recours « de temps en temps à quelques coups de pouce ». De même ils admettent que « les marges de manœuvre des collectivités locales sont limitées » et que « depuis 2 ou 3 ans les derniers budgets […] ont été plutôt de profil bas ». Mais ils critiquent âprement d’abord le ciblage sur cette politique sans alternative ensuite les « interventions économiques chasse gardée de M le premier adjoint et du service ad hoc […] un fonctionnement en vase clos émaillé d’un certain nombre de dérapages au regard de la loi ».

Evolution de divers types de dette 1989 - 1992

à la cloture de
l’exercicedette communaledette bâtiments industrielsautres dettestotal19881 491 300228 682122 5171 842 499variation 88/8717 %76 %23,519891 901 596377 312160 3202 439 228variation 89/8827,5 %65 %3019902 074 192496 272145 6262 716 092variation 90/899 %31,5 %9 %19912 143 933550 828199 0652 883 825variation 91/903 %11 %36 %19922 955 713584 144210 9053 750 762variation 92/9137 %6 %59 %
En milliers de F
Source : archives municipales ( non classé) : bureau de comptabilité, mairie.

Le total a doublé entre 1988 et 1992. Pendant les trois premières années la dette en investissements industriels fait plus que doubler, le ralentissement est sensible dès 1992.

Ratios d’endettement 1988 - 1995

19881989199019911992199319941995dette totale
par habitant8 137
5 0249 756
5 41312 999
6 19414 340
6 41915 808
6 20615 723
7 01315 589
7 80015 268
7 957(1) annuité/RRF 24 %
16 %26 %
16 %30 %
17 %30 %
17 %34,7 %
15,8 %32,1
16,2 %34,5 %
18,7 %30,9 %
17,6 %(2) DRF+remb. dette / RRF 103 %
105 %106 %100%105 %103 %103 %105,2 %
Source : Direction des collectivités locales ; analyse financière municipale, archives municipales, dossiers non classés

En italique le ratio pour les villes de 100 à 300 000 h et après 1991 par rapport aux villes de même taille en communauté de communes. La différence est peu sensible. La dette totale diffère légèrement de celle présentée dans d’autres tableaux.

(1) annuité calculée par rapport aux recettes réelles de fonctionnement
(2) dépenses réelles de fonctionnement plus remboursement de la dette en capital par rapport aux recettes réelles de fonctionnement. Le ratio pour la strate nationale correspondante n’a pas été publié.

L’annuité augmente régulièrement tandis que le même ratio pour les villes comparables se maintient. La dette ralentit sa progression. La dernière ligne indique comme pour le tableau de la dette 1989-95 un autofinancement défaillant.

Une tentative de freinage ?

Malgré tout il y a eu un freinage au vu des comptes administratifs (voir le tableau des CA de 1987 à 92) mais le pilote n’obtient pas la réponse souhaitée et se trouve encore emporté par son accélération précédente, il reste à la merci d’un dérapage.

Dans l’intervalle concerné (le tableau dépend de chiffres d’origines diverses mais il donne une excellente indication de la tendance générale) les recettes de fonctionnement augmentent, en apparence de 37 %. Nous sommes dans une période d’inflation marquée, l’Insee l’estime à 16 %, et les recettes n’ont donc augmenté que de 16 %. Les impôts locaux augmentent eux - aussi à un rythme légèrement supérieur. Le même calcul pour les dépenses de fonctionnement aboutit à une hausse de 16 %. Autrement dit la gestion c’est d’abord, on l’a souvent constaté dans cette étude, une contention du fonctionnement. Ce qui augmente d’un côté, par exemple les salaires ou les frais entraînés par des investissements nouveaux, est compensé par une sévère économie sur d’autres postes pour lesquels on peut attendre des jours meilleurs ou qui n’affectent pas excessivement la vie de la cité ou encore qui sont assez minimes pour qu’on n’y fasse peu attention mais assez nombreux pour faire masse ; il n’y a pas de petites économies quand on rogne de partout.

« Depuis 1983 - cela fait 8 années - nous avons beaucoup investi pour transformer Saint-Etienne. Et je crois que nous avons réussi : la ville bouge ! le budget municipal a bien absorbé les dépenses parce que dans le même temps, du fait des restructurations économiques, la masse fiscale augmente. En 1990-91 comme nous l’avions prévu l’équilibre est plus tendu. Cela nous impose des économies de fonctionnement et un léger ralentissement de nos investissements, c'est-à-dire que nous devons davantage étaler nos programmes. Alors faut-il s’arrêter ? sûrement pas ». (bulletin Nouveaux horizons mars 1991).

Malgré cela l’autofinancement brut n’équilibre jamais le total des investissements et lui reste toujours inférieur. Les dépenses d’équipements (cf le tableau des réalisations de 1984 à 94) se maintiennent en effet à un niveau élevé pendant cette période, avec un pic en 1989.

Les charges de la dette pèsent trop dans l’équilibrage des comptes. Ainsi les 230 millions de 1987 équivaudraient à 266 en 1992 avec l’inflation or on doit à cette date 555 millions, à peu près le double. Un ratio très commode consiste à rapporter la charge aux recettes de fonctionnement une base essentielle du potentiel communal. La réponse est sans appel : on passe de 24 % des recettes en 1987 à 41 % en 92. Le recours à l’emprunt s’impose donc toujours et comme trop souvent il vient en dernier ressort rembourser la dette. Tout ce que le gestionnaire peut faire c’est contraindre cet effort d’emprunt, freiner, comme je l’ai observé, mais en sachant que le résultat est loin d’être immédiat. En apparence l’emprunt diminue, en F constants les 227 millions de 1987 seraient 264 en 1992 au lieu des 190 réalisés mais il faut tenir compte de l’effet d’aubaine de la vente du service des eaux dont il est question ci-dessous. Ces observations faites à grands traits et sans entrer dans le détail des fluctuations annuelles dues aux aléas des décisions et travaux, parfois même à des décisions bien antérieures, témoignent que les paris sur l’avenir n’ont - pas encore ? - porté leurs fruits.







Les comptes administratifs de 1987 à 1992


198719881989199019911992recettes de fonctionnement972 857 9761 007 531 7961 070 608 3821 151 609 5221 294 323 2151 333 400 713dépenses de fonct731 326 187776 560 142827 433 555881 598 303899 946 957942 094 612autofinancement brut241 531 789230 971 654 243 174 827270 011 219394 376 258391 306 101charge de la dette229 974 595209 381 491377 387 318369 483 460376 846 611555 375 849autofinancement pour
équipement 11 557 19421 590 163-134 212 491- 99 472 24117 529 647- 164 069 748dépenses équipement424 348 854546 458 858663 535 504487 377 175508 591 493458 595 944équipement
non autofinancé412 791 670524 868 705797 747 995586 849 416491 061 846622 665 692recettes d’équipement
hors emprunt112 316 361100 234 830141 949 925174 359 379267 418 675455 910 433emprunt227 774 000373 090 000659 813 000400 280 000254 175 000190 000 000roulement fin exercice- 26 705 589- 78 249 455- 74 234 537- 86 444 375- 55 912 746- 32 668 004
Source archives municipales : comptes administratifs, versements non classés


Les investissements autres qu’économiques ne sont pas négligés, ils passent au second plan ; la ville fonctionne et assure la vie quotidienne des Stéphanois. Mais tout reste déterminé par l’horizon de la dette à apurer et de ses charges annuelles qui déséquilibrent l’ensemble des comptes. Si des solutions sont à l’occasion trouvées pour atténuer la mauvaise situation financière, comme on va le constater ci-dessous, elles ne règlent jamais le problème. Le bilan reste négatif cependant comme le dit un observateur « vous n’avez pas maîtrisé la dette mais vous avez un patrimoine très riche qui est le garant de cette dette », une opinion que je laisserai à son auteur, R Barre selon Y Espaignet, (voir bibliog.) et dont on peut longuement discuter.

« Revaloriser le fonds de commerce » 

Lorsque le 8 janvier 1990 le maire soumet aux élus une proposition visant à établir un nouveau prix pour l’eau fournie aux Stéphanois par le service municipal il n’imagine évidemment pas qu’il vient de lancer une polémique qui va s’étirer sur dix ans, qui se jouera devant les tribunaux et qui sera une des raisons de sa démission en 1994. L’origine ? les remèdes choisis pour désendetter la ville.

Une nouvelle délibération proposée le 29 mars décide de porter le prix du m3 à 4,5 F car « le tarif actuel de 3,52 F [voté le 8 janvier] se situe dans la moyenne nationale […] mais ne permet pas de constituer des réserves financières pour permettre un autofinancement important ». En particulier la construction d’une vanne d’évacuation de crue sur le barrage de Lavalette ne pourrait être entreprise « sans recourir à un emprunt important ». Tout est dit : situation difficile des finances communales, emprunt supplémentaire à redouter, choix d’une échappatoire spécieuse.

Le prix venait d’être augmenté de 4 % par rapport au tarif de 1989, cela paraît insuffisant au maire qui prévoit même une nouvelle augmentation dans les prochains budgets. Cela pourrait procurer 17 millions de F et faire grimper la note de 28 % or, selon l’opposition, les travaux à Lavalette sont déjà financés puisque le service dégage assez souvent un excédent de fonctionnement. Il est certain que la ville bénéficie de ses très importants investissements du XIX e et supporte moins de frais par rapport aux villes qui recourent à des pompages lointains et des traitements coûteux. En fait l’augmentation revient à un impôt supplémentaire payé par les seuls abonnés. D’autre part le bénéfice n’étant pas légal et le budget du service des eaux strictement séparé du budget général, les nouvelles recettes ne peuvent améliorer la situation de la ville. A moins de manipulations comptables qui furent d’ailleurs soupçonnées par l’opposition. Pour elle la décision du maire est liée aux discussions en cours avec la Générale des Eaux à qui reviendrait le service. Cette société est déjà présente dans l’aménagement de l’espace Fauriel, le réseau de télévision cablée, le golf ; la gestion de l’eau conforterait sa position. Mais comme des contacts sont en cours pour une association avec les communes de la couronne est-il judicieux de négocier une privatisation avant d’avoir défini une structure intercommunale ?

Mise aux voix la délibération est adoptée par la majorité. L’accord du conseil ouvre la voie à la concession d’exploitation du service qui est en régie depuis 1989. A la suite de négociations avec la Générale et la Lyonnaise des eaux les deux compagnies, en concurrence pour d’autres chantiers stéphanois, s’associent sous la raison sociale Société Stéphanoise des Eaux.

Plus tard, en 1994, le maire reconnaîtra volontiers qu’il « a revalorisé le fonds de commerce » pour obtenir de meilleures conditions lors des négociations avec la Générale des Eaux et que de toute façon le prix de revient de l’eau, impossible à définir selon lui, ne résultait que d’ « usages immémoriaux ». Il y avait « la possibilité de dégager des profits importants » mais le maire reconnaît aussi qu’une « question de cette importance […] aurait dû être tranchée avec moins d’insuffisances d’explications […]  il s’agit d’un très bon contrat, peut-être fallait-il expliquer davantage ? »

Un impôt sur l’eau ou un emprunt déguisé ?

Je ne retracerai pas tout le détail des épisodes judiciaires de ce long feuilleton qui a eu des échos nationaux : tentatives de conciliation en commissions - audits - comité des sages et d’experts - conflits avec les syndicats d’ouvriers communaux - recours d’abonnés refusant de payer leur facture - refus des communes de la couronne en 1991 et 92 de payer l’augmentation - recours de l’opposition.

En définitive le 22 décembre 1994 le Tribunal administratif de Lyon annule la délibération fixant le prix de l’eau et propose, en l’absence d’une comptabilité analytique et d’une méconnaissance des volumes produits, un audit pour déterminer le juste prix

Quelques repères à propos de la question du prix de l’eau


Hausse du prix eau/assainissement

1990 - 92 : 124 %
1992 - 95 : 13,5 %
1995 - 2001 : 33,7 %
en 2000 la ville est au 3ème rang des prix en France : 4,5 F 1990 - 6,2 F 1991 - 7,9F 1992 et 8,4 en fin de la période de négociations. La hausse est imputable à hauteur de 60 % aux travaux d’assainissement

14 déc. 1993 et 22 déc. 1994 le tribunal administratif annule les tarifs 1991 et 1992
9 et 30 sept. 1996 le jugement est confirmé par le Conseil d’Etat

Les nouveaux prix (CM juin, septembre 1995 et janvier 1996) sont annulés par le tribunal administratif le 29 janv. 1997

Le tribunal de grande instance désigne deux experts et la ville une société pour un audit ; le prix est fixé à 7,02 F, entériné par le tribunal administratif le 5 juin 1998 (premier jugement en 1997)

Le tribunal administratif rejette les ultimes recours d’usagers, le 2 mai 2001
La mairie remboursera, le concessionnaire accepte les nouveaux tarifs
40 % des usagers (soit 39 211 comptes) demandent le remboursement de 1,9 million d’euros pour la période en régie et 0,55 pour celle de concession
Evolution prévisible : une hausse due aux travaux d’assainissement… !


Dès le début les opposants au projet mettent le doigt sur les faiblesses de la manœuvre. La question dépasse le prix de l’eau qui aurait dû un jour ou l’autre augmenter, les récents travaux d’assainissement l’ont démontré. De même il était justifié de faire participer les communes desservies. Ce sont le droit d’entrée puis la redevance pour occupation de l’espace public et le droit d’usage d’équipement public (par ex. les barrages) qui posent problème ainsi qu’un certain nombre d’irrégularités relevées par les juges et experts.

Le droit d’entrée initial de 350 millions de F a été ramené à 338, c’est à l’évidence une recette du genre ballon d’oxygène pour les finances mais la Stéphanoise l’amortit en incluant 33,3 millions de F annuels dans ses charges de production soit 2,86 F par m3 , le prix en 1992 est ainsi de 7,9 F. Ce qui revient à dire que ce droit n’est qu’un emprunt déguisé sur les 30 ans prévisibles du contrat et au taux, excessif, de 9,2 %. Et que sa charge annuelle est payée par les consommateurs mais non par l’ensemble des contribuables. Y échappent en effet les sociétés soumises à la taxe professionnelle qui assurent 44 % des rentrées fiscales. Sans cet impôt sous-jacent qui rappelle l’octroi, le m3 avoisinerait les 5 F.

D’autre part la suppression du droit d’usage (19 millions de F ramené ensuite à 6), que le Conseil d’Etat n’accepte pas, est également revenue à un nouvel emprunt déguisé par l’ajout sur les factures d’une prime fixe sur l’assainissement. Autres irrégularités : le budget annexe de l’eau assainissement disparaît en 1992, ce que les juges administratifs estiment abusif car la ville conserve des obligations d’investissement dans ce domaine ; quand on rétablit ce compte en 1997 un versement de 16,68 millions d’euros fait au budget principal de la ville en 1996 ne réapparaît pas (voir l’encadré ci-dessous). La question est même posée, et reste sans réponse, d’un transfert illégal de l’excédent du budget annexe des eaux au budget principal. Avec quelques autres observations, auxquelles la ville répond de son mieux, cela fait partie des « discordances inexpliquées » que relève la Cour Régionale des Comptes.

Dans ses premières observations la Cour a aussi critiqué un contrôle insuffisant de la Stéphanoise des Eaux, même si quelques audits externes aient été assez utiles. Surtout il n’y a pas de contrôle des comptes, probablement par manque de personnel municipal qualifié ; si du personnel existe il est affecté en priorité à d’autres tâches (contrat du Furan, barrages). Cependant les contribuables paient des frais de contrôle alors que le conseil municipal ne dispose pas d’un tableau de bord permettant de suivre la gestion ; de même la mairie est mal informée sur les services proposés à la clientèle.

Quand la ville répond elle est parfois évasive ou esquive la question comme sur les irrégularités du rétablissement d’un budget de l’eau évoqué ci-dessus : « il est difficile d’apporter des explications » faute d’un inventaire du patrimoine. Sur le droit d’entrée « qui permettait de redonner au budget des marges de manœuvre », les arguments  sont meilleurs puisque le tribunal administratif, en 1995, reconnaît à la ville le droit « de percevoir une redevance à raison de l’occupation de son domaine public par les canalisations et branchements ». Ce qui permet de transformer le droit d’entrée, supprimé en 1992, en trois versements pour occupation du domaine public d’un total de 338 millions… l’ancien droit d’entrée ! Enfin pour la gestion en général les positions de la ville sont également difficilement défendables et elle admet qu’il « conviendra de clarifier ses comptes par rapport aux exercices passés et futurs ».

L’opposition est accusée de se servir du dossier à des fins électorales, on lui oppose que nombre de grandes villes se sont déchargées du service des eaux dans des conditions semblables. Mais pourquoi, ajoute-t-elle, avoir cédé le service si le maire savait que le prix allait plus que doubler ? : « parce que l’épargne brute ne vous permettait pas d’emprunter » (CM janvier 1996). Le maire a effectivement admis (1994) qu’il tentait par cette manœuvre de diminuer la dette. Et quand l’opposition reproche en plus à la majorité d’avoir terni l’image de la ville la réponse passe au registre du patriotisme local (du chauvinisme ?) : « que reproche-t-on aux Stéphanois ? d’avoir trop souffert, de s’en être sortis tout seuls ? ».


Le dédale des comptes…

Extrait du rapport de la Cour régionale des comptes

« Ce droit d’entrée irrégulier a été supprimé par un avenant n° 7 et remplacé par une redevance d’usage des barrages capitalisée pour 16,68 millions d’euros et une redevance d’occupation du domaine public. Ces deux sommes ajoutées à la redevance d’occupation capitalisée du service d’assainissement donnent un montant total de 59,15 millions d’euros égal au droit d’entrée initialement payé à la ville de Saint-Etienne (388 millions de F).

La ville a donc demandé à la S. S des Eaux […] de compenser les sommes dues au titre du remboursement du droit d’entrée, pour partie par une redevance d’occupation du domaine public de 2,59 M d’euros capitalisée en partie pour 23,78 M d’euros au titre de l’eau et 18,69 M au titre de l’assainissement et, pour le solde, par une redevance barrage que le délégataire devait verser à la ville, soit une valeur capitalisée […] égale à 16,68 millions d’euros.

Le montant de cette redevance d’usage au lieu d’être perçu annuellement […] a donc été versé en une seule fois au budget principal de la collectivité […] à une date à laquelle le budget annexe de l’eau n’avait pas encore été rétabli. Il a pu être constaté qu’aucun transfert n’a été opéré en 1997 au bénéfice du budget annexe au titre des 16,68 M d’euros perçus par le budget principal ».



Ils ne s’en sont pas encore sortis. Le budget de la ville a certes reçu le secours du droit d’entrée/occupation du sol pour les exercices 1992 - 93 - 94 mais les difficultés sont évidemment réapparues dès la préparation de l’exercice 95. Un boulet d’environ 3 milliards de dettes et leurs 465 millions d’intérêts annuels entrave toujours les finances municipales. Le 21 avril 1994, peu avant les élections de 1995, le maire démissionne ; la querelle de l’eau a été, si j’ose me permettre ce mauvais jeu de mots, la goutte qui fait déborder le vase… « L’affermage de l’eau n’est pas un échec, mais n’a pas été forcément une réussite et cela en partie du fait d’un problème de communication […] j’ai endetté la ville ? c’est vrai mais pas en vain ». Que penser de cette conclusion du maire datée de 1994 ?


Compte administratif de 1995
(en millions de F)
population : 201 569

A - Fonctionnement

Recettes : 1511,6
dont impôts locaux 724,3 ou 48 % (194 en taxe d’habitation et 316 taxe professionnelle)
dotation globale de fonctionnement 337,8 ou 22 %

Dépenses: 1401,9
dont dépenses en personnel 678 ou 48 %
charges financières 239,3 ou 18 % mais hors emprunts pour le Centre de congrès de l’espace Fauriel passé dans la rubrique « art et culture »
équipement brut 319

Dépenses de fonctionnement des services opérationnels (357,5 soit 26 % du total des dépenses de fonctionnement) :
1 - Aménagement urbain 8 %
2 - Développement économique 4 %
(pour ces deux rubriques ce niveau d’analyse ne permet pas de distinguer le détail, l’aménagement urbain comporte des zones d’activité par exemple)
3 - Gestion de l’espace public 17 %
4 -Education 13 % - action sociale 21 % - sport animation 10 %
5 - Art et culture 17 %
Etc.

B - Investissement

Recettes: 487,5 en 1995 disparaissent les recettes versées par la Stéphanoise des eaux d’où une baisse de 16 %
dont dotation globale d’investissement 112

Dépenses: 578,3 en baisse de 17 %
Dont remboursement en capital de la dette 220 ou 38 %

Dépenses d’investissement des services opérationnels (230 soit 40 % du total des dépenses d’investissement) :
1 - Aménagement urbain 57,6 ou 25 %
2 - Développement économique 35,5 ou 15 % %
(Même observation que ci-dessus § A)
3 - Gestion de l’espace public 45 ou 20 %
4 - Education sport animation action sociale 56 ou 27 %
5 - Art et culture 21 ou 9 %
Etc.

C - épargne brute 109,7

Elle est obtenue par une double action, en premier une contraction des dépenses de fonctionnement portant sur les services et frais généraux mais non sur la dépenses pour le personnel qui croissent encore un peu, puis une légère hausse des impôts locaux.


D - Dette

Dette au 31 décembre 3 057 millions de F
L’annuité est de 465 millions de F dont 224 en capital et 241 en intérêts

Soit (source Direction générale des collectivités locales sur la base d’autres données mais le résultat est peu différent) 15 268 F par habitant / an
La moyenne des villes entre 100 et 300 000 h dans une communauté urbaine est moitié moindre avec 7957 F
L’annuité par rapport aux recettes réelles de fonctionnement est de 31 %, moyenne de la tranche urbaine est de 17 %.

la situation de la ville malgré une légère baisse de ces ratios ( 15 590 F /h/an - 34 % pour annuité/RRF en 1994 ) est tout à fait dangereuse. Les dépenses de fonctionnement plus la charge de la dette excèdent les recettes. Il a fallu emprunter 200,7 millions de F

NB : ce tableau a été établi à partir des documents publiés par la mairie, du compte administratif ainsi que de documents édités par la Cour régionale des Comptes; ces trois sources ne concordent pas toujours comme je l’ai remarqué ci-dessus.



Le lecteur - si toutefois il s’en trouve au moins un arrivé jusqu’ici - aura remarqué que, par rapport au texte de la première partie et au tout début de celle-ci, les aspects traditionnels du budget, recettes - impôts locaux - dépenses de fonctionnement - investissements consacrés à la vie quotidienne des Stéphanois, ont perdu une grande partie de leur importance. En effet la vie financière, s’agissant du déroulement des affaires courantes, a depuis bien longtemps acquis une vitesse de croisière, qu’on songe par exemple aux frais de personnel, à l’entretien courant des bâtiments, aux subventions etc. Comme dans une affaire commerciale bien rôdée les décisions ne sont plus vraiment discutées et s’enchaînent selon la tradition de la maison.

Par contre les aspects économiques de la vie commuale ont pris, et de loin, la première place. Au XIXe les emprunts venaient à l’appui des indispensables équipements et aménagements urbains, rues et boulevards, égouts, adduction d’eau, cimetières, barrages, accès routiers ; désormais, même s’ils jouent encore ce rôle, ils soutiennent une active politique économique d’aides et d’interventions les plus diverses pour conserver, voire développer, entreprises, emplois, logements et ressources fiscales, notoriété. Dans le cas stéphanois il est un objectif supplémentaire que toute municipalité se doit d’atteindre : ne pas décliner, rester au rang des plus grandes villes, en garder l’image, et, au risque de quelques contorsions, dépasser ce seuil fatidique des 150 000 h, toujours pouvoir se comparer à Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand pour ne citer que quelques voisins. Ce dernier objectif a manifestement conduit, lui aussi, à des excès et des imprudences dans la gestion.

Contrastant avec cette mécanique ronronnante, les municipalités tiennent aussi à marquer leur direction des affaires communales par quelque décision touchant le cadre de vie : plans de circulation, réaménagement des grandes places publiques, parkings, plus rarement par quelque édifice symbolique de sa politique. Il serait inexact de penser que l’urbanisme proprement dit avait disparu des préoccupations municipales mais en dehors d’actions ponctuelles destinées, en principe, à retenir la population dans les limites communales et d’interventions en faveur de la promotion immobilière privée, le souci majeur était l’emploi et la conversion des friches industrielles ce qui n’était pas convenons-en une mince affaire. Un retour aux grandes opérations urbanistiques, préparé déjà par l’adjoint à l’urbanisme et futur maire, caractérise la période suivante sans que les problèmes économiques soient réglés.

Il n’est donc pas étonnant que la question de la dette continue d’être le fil conducteur de la suite de cette histoire financière. Mais avant de m’engager dans les derniers épisodes je propose un détour par la question des transports en commun qui illustre à merveille les embarras de la gestion et marque la transition entre deux équipes municipales aux méthodes bien différentes.

Les nombreux avatars d’une société de transport

Divers épisodes précèdent la création le 1 janvier 1955 du Syndicat du réseau des transports en commun de la région stéphanoise (S.R.T.C) par la ville et le département. Il fusionne les réseaux CFVE et TE (celui-ci en régie municipale depuis 1929, cf première partie). Une concession est accordée jusqu’au 31 décembre 1980 et la CFVE (filiale d’une société qui elle-même dépend d’une société suisse) en reçoit l’exploitation.

Le syndicat, à vocation unique, organise le transport dans un périmètre comprenant la ville et l’Ondaine soit 6 communes. En 1975, sans oublier de nombreux dysfonctionnements dûs à une politique d’investissements médiocre, le déficit chronique, comme autrefois… oblige la ville à en couvrir 70 % et le département 30 %.

Pour corser la situation en 1974, après promulgation de la loi créant le versement transport par les entreprises, naît un autre syndicat : le S.I.T.R.A.C dévolu à cette fonction d’encaisseur (le précédent périmètre plus la périphérie soit 13 communes). C’est en effet un outil intéressant pour alimenter des caisses périodiquement vides mais la coexistence des deux entités ne peut être que conflictuelle. Il existe une véritable inadéquation entre les périmètres du Sitrac et la concession Cfve et un manque de coordination que ce soit pour les tarifs ou les réseaux. Sans compter des doubles casquettes dans les conseils respectifs qui finissent par relèguer le Sitrac à un rôle de collecteur sans influence.

Le 19 décembre 1980 la fin de la concession est l’occasion de simplifier par la création du S.I.O.T.A.S (syndicat intercommunal pour l’organisation des transports de l’agglomération stéphnoise) organisme unique pour le transport et la gestion financière ; le département se retire du syndicat Le conseil d’administration est composé par les délégués des conseils municipaux : 8 pour la ville, 24 pour les douze autres communes. Ses ressources proviennent du versement transport, des contribution des communes, de subventions et emprunts. Il est secondé par un personnel technique et administratif spécialisé qui risque de manifester, du fait de ses compétences, une certaine autonomie.

Le groupe Via Transexel (division du groupe Via Gti), obtient la nouvelle concession le 1er janvier 1981 et sous le nom de S.T.A.S (société des transports de l’agglomération stéphanoise) se charge de l’exploitation, de la gestion et du recrutement du personnel. Les investissements sont du domaine du Siotas ainsi que les résultats d’exploitation. Le déficit, qui, lui, traverse imperturbablement tous ces épisodes, revient aux communes. Par ailleurs le Siotas dépend largement de la ville qui assure environ 85 % de son fonctionnement. En 1987 le renouvellement du matériel aboutit au choix de Transcet, filiale de la Caisse des Dépôts. L’exploitation lui est aussi confiée et la TRAS (transports urbains de l’agglomération st.) apparaît en 1988 (l’acronyme Stas date de 1991 comme raison commerciale et remplace Tras). Transcet offre des solutions techniques intéressantes mais surtout cela permet à la ville la renégociation de prêts consentis par la Caisse des Dépôts. Elle obtient des taux plus avantageux, ce qu’on peut considérer comme un cadeau d’entrée octroyé par la Caisse, bon à prendre en ces périodes de difficultés pour les emprunteurs.

La commune a-t-elle réglé la question des transports publics ?

Embrouillaminis ; irrégularités ?

Pendant la gestion de la TRAS le Siotas lui concède des avances de trésorerie qui sont investies en placements financiers. Le but est de réduire le déficit d’exploitation (il se monte par ex. à 52 091 045 F en 1995)  mais non de préparer des investissements. Le Siotas peut même s’endetter (180 millions en 1993) alors que la Tras dispose parfois d’excédents selon un audit de la Cour des comptes régionale lorsque des avances sont budgétées en début d’exercice donc avant tout compte d’exploitation.. Toujours d’après la Cour « il ne s’agit pas de fonds destinés à produire un quelconque intérêt mais bien d’une subvention d’équilibre dont la vocation est de combler un déficit né de l’activité de la Tras […] il y a confusion entre les sommes versées au titre de la participation au déficit et celles payées pour la mission de gestion du réseau ».

Pendant l’entre-deux-guerres la ville épongeait sans cesse les déficits ; maintenant cette politique, sans doute explicable puisqu’il faut à tout prix assurer ce service, est devenue illisible tant les arrangements et « le manque de clarté » des comptes atteignent des sommets . Le Siotas répond que « le manque de transparence dans les relations Tras/Siotas ne permettait pas de connaître les besoins réels de financement des investissements […] la Tras faisait état d’un besoin urgent de trésorerie […] les avances ont été justifiées par des programmes d’investissements réalisés à brève échéance » (ce dernier argument est réfuté par l’audit). Le syndicat explique encore que, par exemple, un emprunt souscrit en 1993 n’était pas indispensable puisqu’à la régularisation des comptes et grâce à la situation de la Tras il a pu rembourser 100 millions par anticipation entre 1995 et 1997.

Autre exemple de ces comptes d’apothicaire, le compte administratif 1994 du Siotas mentionne 39 millions de F d’intérêts, donc mis à charge des communes, alors qu’il s’agit d’un emprunt contracté pour assurer un volant de trésorerie à la Tras. « La rémunération versée à la Tras est noyée dans les avances destinées à couvrir le déficit d’exploitation » ; toujours en 1994 le déficit est de 60 millions (chiffre arrondi), le Siotas verse 62 millions en incluant la rémunération puis demande en 1995 un reversement de 2,5 millions. La Cour rappelle qu’en toute régularité le Siotas n’aurait dû demander qu’environ 400 000 F différence entre le déficit et la participation au déficit. On s’y perd…

Une rupture inévitable

Le nouveau maire qui a en priorité le souci légitime de constituer enfin une coopération communale autour de Saint-Etienne accepte de présider le Siotas, étape préalable et évidente d’une structure intercommunale solidaire. Mais il se trouve face à une gestion passablement obscurcie, de plus la Caisse des Dépôts n’est pas seule mais associée à des banques dont le Crédit Agricole. Quelques-unes estiment qu’il n’est plus de leur vocation de gérer des transports et souhaitent se désengager.

La ville propose alors une réorganisation incluant toujours la Caisse des Dépôs associée maintenant à VIAGTI, groupement spécialisé dans les transports. « Au sein de la Stas c’était panique à bord » déclare le maire à un journal régional, en effet le manque de transparence entre Tras et Siotas, dénoncé par l’audit de la Cour des comptes et auquel il s’agit de mettre fin, couvrait de fortes divisions entre personnes et nuisait à la prise de décision. La nécessité de renforcer l’intercommunalité l’a emporté sur les arrangements à l’intérieur du Syndicat.

Après quelques derniers épisodes les transports qui dépendent maintenant de Saint-Etienne Métropole (2001) sont gérés par Transdev filiale de la Caisse des dépôts (groupe Veolia - Transdev en 2011) qui a, toujours avec la Stas comme exploitant, un périmètre de 43 communes du sud de la plaine à l’Ondaine et au Gier. La Métropole a consacré 10 millions d’euros au développement des transports urbains pour 2013.

Les années de tous les dangers : de 1995 aux emprunts « toxiques »

Après plus d’une décennie d’une politique financière très - trop ? - volontariste l’équipe municipale tente pendant deux mandats successifs d’infléchir l’interventionisme économique et de redresser le bilan. La ville de Saint-Etienne n’est pas la seule dans ce cas, il en est ainsi pour de très nombreuses agglomérations, mais pèse toujours ici le lourd héritage de la crise qui a vu la disparition des activités traditionnelles sans que la relève soit assurée. La ville va rester dans le peloton des communes les plus endettées tout en s’efforçant de continuer des investissements indispensables.

Contrairement à ce que la polémique engendrée par cette situation peu enviable pourrait suggérer, la gestion a, de l’avis de tous les observateurs, été sinon d’une rigueur extrême du moins toujours scrupuleuse. Ce qu’observe la Cour régionale des comptes qui « n’a pas relevé d’éléments particuliers pouvant affecter la fiabilité des comptes produits » et, de même, « les opérations de clôture des exercices […] n’appellent pas de remarques particulières à l’exception toutefois des provisions pour risques financiers ». Les précédentes observations étaient d’un autre ton. Bien entendu la guérilla des questions - réponses pendant les séances du conseil municipal a parfois été intense et la Cour régionale n’a pas manqué de souligner que, lors de ces joutes politiques, la présentation des documents n’a pas toujours été d’une clarté exemplaire ou d’une bonne volonté manifeste.



Dans le texte et dans les tableaux annexes :

lorsque les données chiffrées sont reprises des rapports de la Cour régionale des comptes (CRC) il s’agit du budget principal, sauf pour l’analyse de la dette. Il existe en effet huit budgets annexes : eau, lotissement, abattoirs, laboratoire, chauffage urbain, activités funéraires et les deux principaux qui sont l’assainissement et les affaires économiques. Le poids de ce dernier dans l’endettement communal explique sa réintègration dans les comptes, il a récemment rejoint le budget principal. J’ai eu recours, en plus des nombreux documents publiés par la ville, au « Bulletin d’informations statistiques de la Direction des collectivités locales » du Ministère de l’Intérieur (DGCL). Il distingue agglomération ou groupement fiscalisé et ville proprement dite mais là encore, selon les études, les budgets annexes sont ou non intégrés. Ajoutons à cela que les méthodes comptables peuvent varier et on comprendra qu’il existe souvent des divergences entres les données. Mais elles sont minimes et ne peuvent modifier les conclusions qu’on peut en induire.
La moindre des économies peut contribuer au maintien des bénéfices…

Les recettes de fonctionnement ont progressé de façon régulière alors que les dépenses ont un peu accéléré le rythme - j’allais écrire : comme toujours - mais il faut convenir que cette fois, si en fin de période l’écart se stabilise, la capacité théorique d’autofinancement a atteint un minimum qu’il serait dangeureux de creuser encore.

La politique appliquée en matière d’impôts locaux est en première ligne dans cette gestion. Depuis des décennies la ville affiche un potentiel fiscal inférieur à celui de la moyenne des villes de même taille, rien de mystérieux en cela depuis la disparition de ses anciennes activités. En 2008 il est de 743 ¬ contre 792 et, à titre d exemples, 624 contre 631 en 2002, une exception, mais 667 ¬ contre 718 en 2004. Toucher aux impôts locaux est donc un exercice délicat et, de plus, la commune n en est pas vraiment maîtresse. Les taux dépendent d’elle mais non les bases ; cependant comme le contribuable a des difficultés à distinguer le taux et la base, la part communale dans l’empilement des échelons territoriaux, on peut jouer sur ces ambiguïtés. Des baisses ont été décidées plusieurs fois, en particulier en 2004, 2006 et 2007 pour contribuer au maintien d’un certain pouvoir d’achat de la population imposable et aussi pour freiner les départs en périphérie. De l’avis de nombreux observateurs, et je suis de leur nombre, l’impôt local ne joue qu’un rôle accessoire dans ce phénomène. Quoi qu’il en soit il a fallu reprendre une hausse modérée de la pression fiscale afin de renforcer la marge d’autofinancement et de provisionner des réserves budgétaires compte tenu des incertitudes pour les échéances à venir. Sans entrer plus avant dans le détail de la fiscalité locale il reste que la ville dispose de médiocres ressources qui entravent sa gestion alors que les charges de fonctionnement et les investissements ne diminuent pas mais au contraire ne peuvent qu’augmenter. Le handicap stéphanois se traduit par une participation de l’imposition locale - malgré son poids élevé - toujours inférieure à la moyenne de la state de comparaison : 27,5 % des recettes de fonctionnement en 2000 contre 32,7 ou 28,5 % contre 34,2 en 2005 par exemple. S’ajoutent aux ressources la dotation globale de fonctionnement, environ 50 millions d’euros soit 20 % des recettes ainsi que les retours de fiscalité de la Métropole, par exemple 46 millions en 2011.

Une situation dont la médiocrité n’a cependant rien de comparable à celle souvent observée au XIXe ou au début du XXe. Autrefois on pouvait compter sur la reprise des affaires et s’appuyer sur la croissance démographique pour redresser la barre et espérer de meilleures rentrées d’autant que la population était loin d’exiger le niveau de services auquel elle s’est depuis habituée.

Une gestion habile pour des résultats mesurés

Le fonctionnement (2000 - 2009)
en euros courants par habitant mais 100 ¬ de 2 000 valent 120 en 2010, source DGCL

20002002200520072009recettes de fonctionnement1 446 (1 325)1 430 (1 241)1 490 (1 322)1 491 (1 373)1 522 (1 304)dépenses de fonct.1 360 (1 230)1 334 (1 116)1 408 (1 194)1 424 (1 255)1 460 (1 199)excédent87 (96)96 (125)82 (128)67 (118)62 (105)capacité d’autofinancement161 (155)163 (174)138 (178)126 (174)147 (157)fonds de roulement- 94 (19)- 8 (40)21 (39)12 (50)- 30 (41)
(xxxx) ratio pour la tranche comparable : villes de plus de 50 000 h dans un groupement fiscalisé

Les dépenses ont un peu augmenté, de 8,2 % selon la CRC entre 2004 et 2009 mais depuis 2007 elles plafonnent. S’agissant des dépenses courantes une politique de maîtrise poursuivie depuis bien des années a porté ses fruits alors que des charges nouvelles, liées à la mise en service d équipements engagés bien antérieurement, doivent être assurées.

La ville se situe pour ses dépenses de fonctionnement au-dessus de la moyenne de la strate comparable, 1 424 ¬ par habitant en 2008 au lieu de 1 255 (par ex. 1 360 en 2000 contre 1 230 et 1 408 en 2005 contre 1 194). Seul le poste du personnel (environ 3 500 emplois) se maintient à un niveau élevé, voire progresse, soit 56 % du total en 2009 malgré des efforts sur le taux de remplacement des départs à la retraite. Là aussi quelques rappels de ratios l’illustrent : 624 ¬ par habitant contre 587 (moyenne de la strate) en 2000, 679 contre 590 en 2005, 748 contre 637 en 2008. Comme dans la plupart des villes centre d agglomération la délégation de services à des structures communautaires n entraîne pas une diminution proportionnelle des effectifs. C’est souvent le cas des villes en difficulté économique dans une région déprimée, les municipalités ont tendance, et c’est compréhensible, à ne pas trop freiner l’emploi municipal pour lutter contre le chômage et soutenir la ccnsommation. Evidemment la limite est celle du clientélisme. La modernisation des services a également permis quelques économies.Mais un correctif important doit être apporté, si l’inflation est prise en compte il s’agit, pour toutes les agglomérations, d’une baisse. Les contraintes économiques puis la crise de la fin de période l’expliquent aisément, nous ne sommes plus en période dépensière et assurée de son avenir.

Dans ces dépenses le poste des charges financières, incompressible, est trop lourd, lui aussi bien supérieur à la moyenne de la strate comparable. Ce n’est pas une surprise compte tenu du volume des emprunts antérieurs qui continuent de courir. En 2000 il faut supporter 22 millions d’euros en charges soit presque 9 % du total du fonctionnement alors que l’ensemble de la strate est à 6,6 %, puis en 2003 on constate une légère diminution (environ 15 millions et 6 %) avant un retour à des montants élevés. La Cour des comptes retient pour 2008 le taux de 5,9 % alors que la strate correspondante est, selon son mode de calcul, à 3,9.

La constitution de provisions confortables obère elle aussi le dégagement de marges de manœuvre malgré la très économe gestion des affaires courantes. Le pilotage de la dette nécessite en effet, comme je le développerai ci-dessous, des opérations de couverture pour contrebalancer des pertes inattendues et subites sur les opérations de remboursement ou de conversion d’emprunt ; à titre d’exemple perte de 6,8 millions en 2006 puis de 2,2 en 2007 pour un gain de 7,4 millions. Lorsqu’en 2006 il est procédé à l’inscription de 0,4 million d’euros c’est, dit l’ordonnateur, pour « sécuriser la dette […] suite à l’observation de marchés financiers très fluctuants ces dernières semaines ». L’accumulation de provisions grève le bilan mais la ville observe à sa décharge le fait « que rien ni personne n’avait formulé pareille mise en garde dans les années 2000 à 2007 […] pouvons - nous rappeler que la plupart des institutions financières n’en faisaient (des provisions) pas vraiment ? ». A quoi la CRC rétorque que la ville avait quand même été alertée sur le caractère risqué de ses positions financières et que l’absence d’une évaluation du risque conduit à une gestion cahotique des provisions.


L’investissement, l’emprunt (2000 à 2010)
Quelques exemples (DGCL)

En millions d’euros (100 de l’année 2000 valent 120 en 2010)

200020012002200320042005200620072008200920102011ressources d’investissement145 464 142 596198 727143 483100 739161 620152 136131 487124 325102 887133 61999 442dont emprunt45 38958 92468 04456 84110 05824 06520 05123 98120 08015 99417 40012 335dépenses d’équipement74 24942 27336 14234 99737 60546 91241 92855 00350 30255 00846 26147 114remboursement d’emprunt59 80159 90872 39265 31720 59820 80321 61424 26620 36921 92123 15424 003
En euros par habitant

200020012002200320042005200620072008200920102011793 (927)777 (690)1083 (562)782 (556)549 (606)881 (714)829 (609)717 (613)677 (586)569 (552)748 (531)565 (507)247 (241)321 (136)371 (150)310 (168)55 (141)131 (167)109 (125)131 (116)109 (124)88 (120)97 (108)70 (99)405 (303)230 (304)197 (243)191 (245)205 (281)256 (290)228 (344)300 (346)274 (314)304 (366)259 (284)268 (304)326 (222)326 (160)394 (172)356 (182)112 (130)113 (165)118 (121)132 (120)111 (110)121 (101)130 (115)136 (117)
(xxxx) ratio pour la tranche comparable : villes de plus de 50 000 h dans un groupement fiscalisé
Note : au-delà des recettes d’investissement (impôts et emprunts) la DGCL totalise toutes les ressources affectées à l’investissement

Les ressources d’investissement de même que le recours à l’emprunt sont en diminution pendant cette période. Au début l’emprunt par habitant est très supérieur à ce qu’on observe ailleurs puis les ratios se rapprochent et le ratio stéphanois est parfois inférieur, signe d’un net effort de ralentissement dans ce domaine.
Les dépenses d’équipement sont presque toujours inférieures à la moyenne de la strate malgré un rapprochement des ratios en fin de période.
Enfin le remboursement de la dette diminue peu à peu à partir de 2003.

Grande régularité de la gestion qui est beaucoup plus « lissée » que pendant les exercices antérieurs à l’exception de certaines années de grands chantiers urbains par exemple (2002-2005). Les a-coups budgétaires sont évités le plus que possible.
Budget de 2008
(en millions d’euros)
Population légale 183 522 habitants

A - fonctionnement

Recettes : 265,45
Dont impôts locaux 136,66 ou 52 %
Dotation de l’Etat : 55,86 dont la Dgf (21%) ; autres compensations 21,58 ; recettes des services 51,35 (19%)

Dépenses : 250,75
Dont dépenses de personnel 138,15 (55 %) ; charges financières 17,42 (7%) ; charges courantes 95,18 (38%)


B - investissement

Recettes : 57,03
Autofinancement brut (différence entre recettes et dépenses de fonctionnement) 14,70 (26%)
Emprunt 20,4 (36%) ; recettes financières diverses 5,96 (10%) ; ressources extérieures, Etat, région, département, agglomération etc 15,97 (28%)

Dépenses : 57,03
Remboursement de la dette 20,48 (36%) ; équipement 36,55 (64%) dont
aménagement urbain 10,6 ; participation Epase 1,5 ; affaires économiques, maison de l’emploi 5,72 ; acquisitions foncières 2,2 ; voirie éclairage 3,45 ; culture 2,48 ; sport 1,91 ; éducation 1,76 ; Montreynaud 1,6

C - dette
l’encours en 2008 serait de 381,1 millions pour le budget principal soit une stabilisation au niveau de 2007 et une baisse de 32 millions depuis 2001.

Les intentions : les recettes stagnent, les dépenses augmentent, la municipalité s’est engagée à ne pas augmenter la fiscalité, dans ces conditions « nous avons fait l’exploit de baisser les dépenses de fonctionnement malgré une légère hausse des dépenses de personnel » (CM 18 décembre 2007). Mais l’épargne brute baisse encore, difficulté que l’adjoint aux finances pense compenser par une économie sur les intérêts de la dette. De même le remboursement de la dette est égal aux nouveaux emprunts pour obtenir un palier dans l’endettement. Certes les taux d’imposition locale ne changent pas mais comme les bases décidées par l’Etat sont en hausse, les contribuables risquent de ne pas apprécier.

La part des impôts locaux dans les recettes a un peu augmenté en %. Mais il n’a pas été possible de contenir les dépenses de personnel , 4,6% de hausse depuis 2006, à la suite d’une revalorisation des salaires en catégorie C la plus représentée dans les effectifs.

A la veille d’une échéance électorale il faut noter que peu de projets sont engagés, il s’agit d’une transition et d’un achèvement de programmes déjà anciens. Les dépenses d’investissement diminuent de 6,3 millions en baisse de 9% par rapport aux exercices précédents.



Après réalisation, le compte administratif de 2008.

Comme on peut s’y attendre ce budget d’échéance électorale a été réalisé à peu près en conformité avec les prévisions (source DGCL).

Les recettes de fonctionnement sont un peu meilleures : 273,8 au lieu de 265,4 et les impôts locaux sont identiques à la prévision.

Les dépenses atteignent 261,3 au lieu de 250,7 malgré des charges de personnel maîtrisées, 137,2 pour 138,1 prévus. Les charges courantes expliquent la différence, 109 au lieu de 95,1. L’exploit annoncé lors du vote du primitif n’a pas eu lieu, avec des données aussi contraignantes le contraire aurait été étonnant.

En investissement les recettes sont moindres que prévu, 47,6 au lieu de 57. L’excédent brut de fonctionnement a encore diminué 12,4 contre 14,7 annoncés, il était de 20 millions en 2006 et 16 en 2007. L’emprunt est conforme aux prévisions mais les ressources extérieures baissent plus que prévu, 10,5 au lieu de 15,9.

Pour les dépenses on note un dépassement marqué avec 70 contre 57 dû à des dépenses d’équipement en hausse 50 au lieu de 36,5. Le remboursement des emprunts est conforme à la prévision.

Enfin la dette est effectivement stabilisée comme prévu à 380,8 millions.

Au final un exercice qui reste au niveau des précédents et une gestion serrée mais qui ne peut encore sortir la ville du marasme financier.

Il résulte de cette gestion, aux limites de l’équilibre, des investissements assurés mais au prix d’une prise de risque décelée par la médiocre capacité d’autofinancement et la mauvaise situation du fonds de roulement qui rappelle celle des pires années du XIXe.

Pendant une vingtaine d’années les Stéphanois ont donc pu assister à un renouvellement spectaculaire de leur cadre de vie. Pour la majorité d’entre eux leur appréciation de la politique financière s’est bornée à la comparaison de leurs impôts locaux avec le nombre et la qualité des services dont ils ont disposé. Dans l’ensemble ils ont apprécié même si, et souvent à juste titre, certains choix et certains emplacements étaient critiquables. Quelques contribuables ont pu en contester le coût, l’utilité ou penser qu’on aurait pu faire mieux sinon autre chose. Un reproche fait par l’opposition nous ramène à un problème récurrent : « vous avez trop fait pour le prestige et pas assez pour les besoins de la population » (CM 1993) et de fait il apparaît bien que quelques grands projets sont parfois très éloignés des préoccupations de la population.

Mais il est certain qu’un effort considérable a été accompli et de toute façon on ne réécrit pas l’histoire, les édiles ont toujours assumé les choix de leurs prédécesseurs. Le paradoxe c’est que les villes de même taille ont en moyenne plus et mieux investi, nous sommes toujours un peu en retard. Cependant l’observateur extérieur ne manque pas de relever l’aspect agréable et moderne de la ville et de l’agglomération mais on devine que c’est parce qu’il ne s’y attendait pas tant l’image de Saint-Etienne est restée médiocre voire sinistre. Heureuse surprise, il découvre que nous ne sommes plus au temps de Zola.


Dernières péripéties

Les ultimes pages de l’histoire financière de la ville s’écrivent sous nos yeux et nous sommes - une fois de plus… - en une période de transition. Se conjuguent les premiers effets d’un changement dans la conduite des affaires municipales et les premières conséquences des mesures adoptées pour réguler les politiques d’emprunt. Ce que je peux exposer, sans disposer du minimum de recul indispensable à l’historien/géographe, ne dépasse donc que de peu ce que les Stéphanois intéressés par ces questions peuvent savoir.

La dette toujours renouvelée pour financer l’investissement ;

Ce n’est qu’un peu moins de la moitié des dépenses d’équipement qui a été financée par l’épargne nette et les ressources propre de la ville. Selon la CRC l’épargne nette de 14,03 millions d’euros en 2004 passe, les années suivantes, à 8,04 - 2,36 - 5,74 - 3,48 pour finir à 0,52 en 2009. Elle a chuté à seulement 8 % des dépenses d’équipement alors qu’elle en assurait presque le double au début des années 2000. La capacité d’autofinancement de la ville est ainsi régulièrement inférieure à celle de ses égales : 8% en 2008 contre 11,5 pour les villes de la même strate. Comme les subventions dépendent des politiques gouvernementales elles restent à un niveau à peu près stable d’environ 12 à 15 % avec parfois des aubaines comme le plan de relance de 2009 et sa remise de TVA. Il en est de même pour les diverses participations ministérielles. Il faut ajouter aussi des ressources diverses dont la taxe locale d’équipement, non négligeable, soit encore un peu moins de 20 % du financement.

Comment a - t - on pu trouver plus de 40 millions en moyenne annuelle pour financer des équipements considérables, environ 270 millions investis entre 2004 et 2009 ? bien que j’ai déjà relativisé cet effort puisqu’il est en général inférieur à ce qu’on observe dans les villes de même taille. Le mandat en cours prévoit sur la même lancée 300 millions de 2008 à 2014.

Pour les grandes opérations (assainissement, tram, équipements culturels, rénovation urbaine) la ville attend beaucoup des aides extérieures mais ce n’est pas sans risques et parfois sans répercussion sur la qualité et surtout sur les délais d’exécution. Ainsi, il s’agit de l’assainissement, « pour financer ces projets nous avons mis en place une batterie de dispositifs et nous comptons sur l’aide des uns et des autres : l’Agence de l’eau, les fonds propres des concessionnaires, les aides européennes […] les aides régionales, il y en a aussi, merci à la Région qui a fait de gros efforts pour la région stéphanoise […] et le Conseil Général […] tous ces co-financement permettent de faire l’opération telle qu’elle est envisagée aujourd’hui. Ce ne sera pas simple mais cela n’ira pas dans le sens d’une augmentation de la fiscalité ou des taxes […] tout cela est bien cadré » (CM 6 octobre 2003). Au cours de la même séance les édiles apprennent le retrait de l’Etat dans le financement des transports collectifs or la deuxième ligne de tramway dont les conseillers débattent en dépend largement : « la ville de Saint-Etienne ne se prononcera qu’après l’engagement d’un financement public, notamment si l’Etat accompagne la mise en œuvre de ce projet ». L’opposition rappelle que la ville a du coup perdu 18,5 millions d’euros et que « 16 millions de l’Europe sont en balance. Etes-vous assurés de les avoir ? si nous ne les avons pas, la situation deviendrait vraiment critique ».

L’emprunt assure donc l’essentiel, environ 20 millions annuels, plus de 40 % de la dépense. Dans des conditions qui n’ont plus rien à voir avec les pratiques antérieures et vont entraîner une sérieuse crise de la dette des collectivités locales. Compte tenu de sa dette antérieure Saint-Etienne est particulièrement concernée.

Le rôle de la Métropole ; Les relations Ville - Métropole

Saint-Etienne-Métropole

En 2013 : 45 communes, 388 500 habitants sur 570 km2

A - Les compétences : développement économique - aménagement - habitat - transports - politique de la ville, qui sont obligatoires. S’y ajoutent : voirie et stationnement - assainissement - culture et sport

B - Les recettes : de 1999 à 2009 la principale ressource était la taxe professionnelle à taux unique. Depuis la communauté reçoit, à la place, une partie de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation à la valeur ajoutée. Le reste est constitué par les versements des communes associées, les emprunts, les subventions et participations de l’Etat, de l’Union européenne etc. ; le produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ; le produit du versement pour les transports en commun.

C - Le budget 2011, principaux engagements

Fonctionnement

1 - Recettes 262 millions d’euros

Fiscalité 189,8 M dont 100 M cotisation entreprises, 10 M taxe addionnelle ménages, 3,5 M du Conseil général, 46,7 M versement transports, 28 M taxe enlèvement ordures ménagères
Dotation de l’Etat 51,5 M
Produits des services et produits financiers 20,7 M

2 - Dépenses 239 M

reversement aux communes 105 M (une forme de péréquation entre les participants)
frais de personnel 27,63 M
frais financiers 11,66 M
charges de fonctionnement 94,07M

Investissement

1 - Recettes 85,1 M

Epargne brute 23 M, subventions et recettes de Tva 15,2 M, cessions foncières 7 M, emprunt 39,9 M

2 - Dépenses 85,1 M

16 M développement économique, 9 M enseignement supérieur recherche, 10 M attractivité du territoire, 12 M transports urbains, 4 M amélioration qualité eau et rivières
Remboursement de la dette 13,9 M



Le tiers des ressources propres d’investissement de Saint-Etienne provient des reversements et des actions engagées par la Métropole. Une très grande partie des actions entreprises par la ville sont, soit d’initiative totalement due à la Métropole, soit et le plus souvent en partenariat financier et technique avec elle. Il devient difficile de distinguer finement les actions enchevêtrées entre les deux collectivités : la ville contribue à la Métropole et lui a abandonné, comme les autres communes, une partie de ses recettes (l’ex taxe prof.) mais elle reçoit un reversement (20% de ses recettes de fonctionnement en 2011) et bénéficie d’investissements qu’elle n’a pas à financer entièrement. Les principaux de ces derniers sont les travaux au stade, le Zénith, le Musée d’art moderne, la deuxième ligne de tram, la recherche et l’enseignement supérieur etc.

L’avantage de la structure est d’associer les territoires de la métropole et de coordonner les principaux investissements des 45 communes. Ce qui soulève la question politique de la présidence. En vue des municipales de 2014 la position juridique du maire actuel à Saint-Etienne est normale : on ne candidate pas à la présidence puisqu’elle relève d’un vote du conseil communautaire, pas plus d’ailleurs qu’à la mairie de la ville. Mais sauf rares exceptions le maire de la commune centre est le président de la communauté pour des raisons évidentes d’efficacité. On n’élit directement ni le maire ni le président mais tout électeur sait qu’il les désigne indirectement par son bulletin.

Pour l’électeur la situation n’est pas des plus claires, surtout en ce qui concerne le budget. Mais il est certain que la communauté d’agglomération est un premier pas vers la mise en place d’une sorte de « super commune » dotée d’un double budget, l’un voué aux tâches quotidiennes de proximité et héritier du budget traditionnel, l’autre dédié aux grandes opérations recouvrant la totalité du territoire ou concernant des services rendus à la population de l’agglomération. Au passage cette finalité milite en faveur de la suppression de l’étage intermédiaire avec la région, le département.

Les collectivités piègées
« Jamais empoisonneur ne sut mieux son métier » Boileau Satire III

La dette du budget principal a oscillé autour de 380 millions mais il faut tenir compte des budgets annexes dont celui des affaires économiques très important. La dette totale qui était de 389 millions en 2004 atteint 410 millions en 2008 puis 405 l’année suivante. De 1995 à 2006 la baisse a été de 81 millions. La dette de 2008 c’est 140 % des recettes de fonctionnement (la richesse potentielle de la ville) alors que les communes de la même strate n’atteignent que 80 %. De façon approximative, et malgré un tassement à partir de 2006, c’est un niveau double de celui de la moyenne nationale : 2075 euros par habitant contre 1091 et le troisième rang des villes de plus de 100 000 h hors Paris.

Cet effort est enrayé dès 2006 par une hausse générale des taux d’intérêt ainsi que par la finalisation de nombreux et coûteux équipements, une situation classique à la veille d’un bilan en fin de mandat. En 2007 la ville recourt à un nouvel emprunt de 22 millions d’euros sur 35 ans, très avantageux au premier abord mais qui reporte sur ses 22 dernières années les risques d’une indexation du taux de remboursement sur la parité euro/dollar/franc suisse. Un pari. Jusqu’au milieu du XXI e avec des taux inconnus mais pouvant atteindre 10 à 20 %, c’est une situation ingérable, l’exemple même de l’emprunt « toxique » aux dégâts éventuels reportés sur de lointains successeurs.

Le compte administratif de 2008 fait état de 74 emprunts, de 25 swapes et d’une dette globale de 375 millions. Plus du tiers de ces produits est détenu par Dexia, le reste se distribue entre le Crédit Agricole, le Crédit Foncier, les caisses d’Epargne et quelques banques étrangères. Les emprunts à taux fixe ont presque disparu, 16 % de l’encours en 2008 pour 15 % à taux variables et 62 % en produits structurés plus ou moins risqués (5% divers). La moyenne nationale des structurés est de 20 %. En valeur absolue on est passé d’environ 50 millions en 2000 à 160 pour la période 2001-2004 et 230 à 260 millions de 2005 à 2007.

L’ingéniosité des financiers

Taux fixe, indexé, swap, toxique : il n’est évidemment pas question ici de rentrer dans les arcanes de la finance mais un problème central mérite un minimum d’explications. Il s’agit des taux. D’autant que les questions financières tiennent maintenant une place importante dans l’information locale, très régulièrement la presse leur consacre une rubrique. La quesion de l’endettement occupe une place prépondérante, les démarches de la ville au plan national sont exposées et suivies de près, le contraste est énorme avec le peu d’intérêt que suscitaient ces problèmes il y a seulement une vingtaine d’années, sans parler du XIX e !

Le swap est un contrat d’échanges de produits financiers par exemple les intérêts d’un prêt. On échange un taux variable contre un taux fixe moyennant des frais et une prime pour le risque. Chacune des deux parties de l’échange espère que l’avenir des variations des taux lui sera profitable, c’est un pari. Un collectivité peut préferer un taux fixe pour avoir un échéancier prévisible qui facilite la gestion mais un taux variable est intéressant dans le cas d’une baisse espérée du coût de l’emprunt.
Si les taux baissent l’emprunteur peut espérer un gain, au cas contraire il peut être très pénalisé.
En fait le plus souvent l’emprunteur devient l’assureur de son prêteur.

Le snowball est un taux d’intérêt révisé régulièrement et qui au mieux reste stable, si l’ensemble des taux évolue à la baisse il ne suit pas le mouvement et ne peut pas baisser (effet boule de neige)

Un exemple simple d’emprunt indexé toxique :
Durée 30 ans
D’abord 3 ans au taux fixe de 3,1 % trimestriel
Ensuite 17 ans au taux de 6,5 % duquel on déduit chaque trimestre 5 fois la différence entre le taux d’inflation en zone euro et le taux d’inflation en France
Pour finir 10 ans à 3,9 %
Le pari repose sur l’espoir que l’inflation en France est durablement inférieure à celle en l’Europe
Par rapport à un taux indexé sur le seul différentiel d’inflation celui-ci multiplie le risque par 5 !


Si les taux fixes ont encore de l’avenir les prêts se font de plus en plus avec des taux indexés ou variables. Les conditions de prêt évoluent avec les aléas du marché, les fluctuations de l’inflation et les marchés sont eux aussi de plus en plus « volatiles » comme dit le jargon du milieu bancaire, autrement dit ils sont très instables. S’ajoute une marge qui rémunère la banque et les risques qu’elle encourt. Le calcul du taux est fait en référence à un index, le plus souvent le taux des emprunts entre banques à moins d’un an. Ces index se divisent en deux grandes familles : d’une part les index définissant des taux révisables, le taux est connu d’avance par périodes à venir et définies, d’autre part les index variables, le taux est établi a posteriori par périodes échues. Reste à répartir les emprunts de la ville entre endettement à taux fixes et endettement à taux variables. Avantages et inconvénients se partagent équitablement les deux options. Les comptables municipaux peuvent aussi accepter des profils d’amortissement divers, soit progressif, soit par tranches de capital.

L’emprunt toxique se distingue par une formule de calcul du taux différente des choix précédents. D’abord elle n’est pas unique, la durée de l’emprunt est divisée en au moins deux grandes périodes. La première dite de bonification sur 1 à 3 ans est à taux fixe en général bas voire très bas. C’est un produit « d’appel » comme chez les grands distributeurs (hyper marché, téléphonie etc). Pour les périodes suivantes, sur 20 à 30 ans, des formules compliquées apparaissent, très souvent presqu’incompréhensibles au non initié. Mais elles se résument à une alternative, si une condition est vérifiée on continue de payer un taux bas, sinon un autre taux est calculé et naturellement le prêteur escompte que le scénario favorable, probable au début, ne durera pas… et qu’il encaissera des intérêts substantiels. Susceptible d’être renégocié sur les marchés financiers l’emprunt repose sur des taux hypothétiques calculés selon des index se référant à des taux de change, des rapports entre la valeur de deux monnaies ou plus, des taux d’inflation, des différences entre taux d’inflation, entre taux de change etc voire à des calculs avec effet de levier qui multiplie le taux plus que proportionnellement à la variation de l’index ! La tentation pour la ville est évidente : de l’argent facile à court terme, des dangers reportés à un avenir lointain.

Toutes les apparences d’un produit rêvé pour les collectivités qui ont eu affaire assez souvent à des escrocs s’abritant derrière la prétendue inéluctabilité des règles, un tour de passe-passe fondé sur une image, fausse, de compétence et de savoir. Les banques avaient trouvé des clients enthousiastes ainsi que le dit un ancien trader « j’avais voulu " monétiser l’indifférence ", faire gagner de l’argent à ma banque en tirant parti du comportement des collectivités passant leur temps à échanger leurs emprunts à taux fixes contre des taux variables insaisissables… ». Les clients avaient oublié qu’une entreprise travaille d’abord pour ses actionnaires et n’a pas vocation à la philanthropie. Le déficit d’information est plus que flagrant.

On a corrigé le tir, et adopté un peu partout la « gestion active de la dette ». Sous cette formule se met en place une stratégie de gestion la plus économe possible des deniers de la ville : faire jouer la concurrence, ajuster les flux de remboursement et d’emprunt en fonction de la trésorerie, répartir les emprunts et leurs modalités selon les buts poursuivis les durées et les types d’investissements, équilibrer entre recettes définitives de la section d’investissement, autofinancement, recettes d’emprunt. Ne pas oublier que l’emprunt permet d’éviter la fiscalité à court terme en reportant le prix à payer sur le futur, or ce futur peut parfois être favorable si on observe une évolution positive des bases de l’imposition locale, si la dotation de l’Etat progresse, si le niveau attendu des taux d’intérêts est à la baisse. La mise en place d’une administration spécialisée pour une gestion qui se pratique au jour le jour est devenue une préoccupation majeure des collectivités locales.

Saint-Etienne s’est donc dotée d’un service adéquat et a également eu recours à des sociétés spécialisées dans cette nouvelle façon de traiter les achats et ventes de produits financiers comme dans une banque. Une nouveauté absolue dans les pratiques financières communales et dont la conséquence la plus immédiate a été la mise sur la touche de la plupart des conseillers auxquels le maire ne peut communiquer que des bilans. Bien que d’innombrables municipalités aient cédé aux sirènes de la finance facile il reste qu’un bon nombre ont su flairer le danger et échapper au risque ; il s’est trouvé assez de conseillers ou de fonctionnaires municipaux pour évaluer sainement les conditions de prêt mais ils n’ont pu que s’incliner face aux pouvoirs du maire et de son ajoint ou directeur financier (cas de Lille qui s’est défiée assez tôt pour s’en débarrasser tandis que la communauté urbaine de Lille est lourdement chargée d’emprunts toxiques !). Les procès qui menacent les banques risquent d’avoir des conséquences pénales de même que les observations de la Cour des Comptes ; en avril 2013, à Saint-Etienne, l’adjoint aux finances, et un conseiller financier, sont condamnés pour favoritisme au profit d’une de ces sociétés et non respect des règles des marchés publics. Une situation tout à fait inédite dans l’histoire financière municipale.



Histoire d’un désastre : Dexia crédit local


1987 - création du Crédit local de France, société anonyme qui succède à la Caisse d’aide à l’investissement des collectivités locales. La Caisse des Dépôts gère cet établissement public.

1991 - privatisation et introduction en Bourse. Caisse des Dépôts : 25 % ; Etat 25,5 % ; autres investisseurs 49,5 %

1996 - Dexia : alliance du Crédit local et du Crédit communal de Belgique créé en 1860 (participation bancaire au Luxembourg 1991).

2008 - 09 puis 2011 - crise financière mondiale, l’action Dexia plonge, défaillance de la société fin 2011.
La Cour des Comptes met en cause (juillet 2013) les faiblesses de la gouvernance, l’absence de régulation. A ce jour la faillite a coûté 6,6 milliards d’euros à l’Etat français (donc aux contribuables !) « le fiasco le plus cher de l’histoire des banques en Europe ».

2012 - Le financement des collectivités locales françaises est repris par la Caisse des Dépôts et la Banque Postale. Création de la Société de financement local le 1er février 2013 (Sfil)

Environ 5 000 collectivités locales ont eu recours à Dexia pour un montant estimé à plus de 12 milliards d’euros. Une bonne proportion de ces prêts sont qualifiés de « prêts toxiques ». Un peu plus de 50 communes ou collectivités seraient en grande difficulté selon la Cour (juillet 2013).

2013 - Soixante dix collectivités ont déjà porté plainte et une première décision de justice est rendue le 8 février 2013 en faveur d’un emprunteur, le Conseil général de Seine-Saint-Denis. La ville de Saint-Etienne dépose une plainte en mai 2013 car la prescription peut intervenir en juin mais elle souhaite arriver à un accord avec la Sfil. Sous la pression des élus locaux, dont le maire de Saint-Etienne, un fonds d’aide aux collectivités concernées serait envisagé (juillet 2013).

L’Etat devenu propriétaire de Dexia veut éviter de payer la totalité des dégâts prévisibles dûs aux actions judiciaires et renvoie le problème aux collectivités. L’associatiion « Acteurs publics contre les emprunts toxiques », présidée par le sénateur maire de Saint-Etienne, propose le cantonnement des produits toxiques dans une structure de défaisance financée en partie par les banques.


Vers un nouveau départ

Les premiers effets de ces emprunts ont été bénéfiques, les taux étaient bas, mais à court terme. Car ils ont remonté après la ou les crises de la finance mondiale. Ce sont les conséquences à long terme des incertitudes sur des emprunts qui courent sur plus de vingt ans qui peuvent devenir dangereuses. La municipalité a entrepris depuis 2008 un vigoureux effort d’assainissement, toujours en cours à la date où ces lignes sont écrites et a dû adapter le projet municipal. La conduite du budget ne change pas s’agissant de la modération des investissements limités aux plus nécessaires, de la réduction des dépenses, de la chasse aux doublons avec la Métropole. Par contre la fiscalité est repartie à la hausse : 7,5 % puis 2 % en 2009 et 2010. Il s’agit de reconstituer une épargne nette (5,9 millions en 2010) et alimenter le chapitre des provisions : 0,4 million en 2006 ; 0,2 en 2007 ; 0,8 en 2008 mais plus de 5 millions en 2009 et 1,5 million en 2013. En 2012 il reste140 millions d’euros en produits toxiques, soit 27 % de la dette, une baisse notable du risque.

La suite consiste en actions très diverses pour renégocier certains contrats, attaquer en justice lorsqu’il est possible de trouver une faille juridique dans les contrats. Dès 2008 des négociations sont entreprises pour certains emprunts. De ces contentieux je retiens l’annulation en 2012 des taux de 2 swapes de la banque écossaise RBS qui grimpaient en flèche vers les 9 % voire beaucoup plus ; la sécurisation de 140 millions en 8 emprunts de 2008 à 2010 ; l’action gagnée contre la Deutsch Bank dont le taux atteignait 24 %. Mais cela se paie, dans le cas de RBS un million pour les intérêts en retard, deux millions pour annuler définitivement ces crédits.

La dette risquée en 2010

Dexia
3 dossiers pour un total de 70 millions
pertes potentielles 49 millions

a - 23 M sur euro/ F suisse couplé à euro/dollar
risque sur les échéances de 2011 à 2027
taux fixe de 2027 à 2032 : 2,44 %
b - 23 M sur dollar/yen
risque échéances 2011 à 2027
taux fixe de 2027 à 2032 : 2,44 %
c - 24 M sur écart taux longs anglais/taux courts japonais
risque échéances 2012 à 2027
taux fixe de 2027 à 2032 : 2,85 %
action en justice après un accord pendant l’année 2011 (blocage à 4,4 % et 5,4 %) échéance 2013 à 9,25 %

Depfa (deutsch pfandbrief bank)
un dossier 21 millions
pertes potentielles 46 millions

euro/F suisse couplé à euro/dollar
risque de 2020 à 2042
taux fixe 0 % jusqu’en 2020
action juridique envisagée

Deutsch bank
un dossier 19 millions de swapes
perte potentielle 19 millions

livre anglaise/F suisse
risque 2010 à 2020
taux de 4,3 % sinon multiplié par environ 100 sous condition de la formule, monté à 24 % en 2010
contrat en contentieux depuis décembre 2009, échéances suspendues

RBS (royal bank of scotland)
Deux dossiers pour 15 millions de contre swapes snowballs
perte potentielle 9 M

Ecarts de taux longs en euros/taux courts en euros
Risque de 2011 à 2020
Taux 4,27 et 4,47 % jusqu’à 2009
Après négociations ces deux contrats sont annulés en 2013, retour au taux de 4 ,99 %
Coût pour la ville : 3 millions dont 1 million d’intérêts en retard


Le budget qui va suivre, 2011, porte la marque évidente de cette reprise en main de la politique d’emprunt. La question qui se pose est alors celle de l’ampleur du changement et surtout de son efficacité, la comparaison avec un des derniers budgets de la période précédente permet une première estimation encourageante.

Budget 2011
(en millions d’euros)
Principales orientations

A - fonctionnement

Recettes : 267,7
Impôts locaux 97 - 36 %
Recettes des services 50 - 19 %
Reversement métropole 51 - 19 %
Dotation de l’Etat 53 - 20 %

Dépenses : 242,6
Dépenses de personnel 138 - 57 %
Frais financiers 17 - 7 %
Dépenses des services 88 - 36 %

B - investissement

Recettes : 46,8 (72 avec l’épargne brute reportée)
Emprunt 23,2 - 50% (hors opérations de réaménagement citées ci-dessus)
Recettes des services 10 - 39 %
Recettes financières 29 - 11%

Dépenses : 72
Remboursement dette (hors réaménagement) 23,6
Equipement : contribution aux équipements multifinancés 11 dont 2,4 pour « cœur de ville » ; maintenance du patrimoine (voirie éclairage prioritaires) 18 ; projets à terminer et nouveaux engagements 20 ( piscine sud-est, comédie de STE, jardins, maison François I)

C - dette
Autofinancement brut 25 - 34 % poursuite du désendettement
part des emprunts toxiques très diminuée, sous les 34 % de 2010

les intentions : face à la légère baissse - 1,5 million - des engagements de l’Etat pas de hausse des taux d’imposition. Les dépenses de fonctionnement sont plafonnées. Celles des services municipaux sont en baisse de 4 % environ et des renégociations tarifaires de quelques services, dont le stationnement, devraient y contribuer.

Les dépenses d’équipement se réduisent à l’indispensable mais quelques projets prioritaires s’achèvent ou sont lancés (cœur de ville, piscine, Comédie, par ex). Les équipements jugés indispensables sont en hausse de 2 millions. Une priorité est accordée à l’entretien du patrimoine. Au final l’investissement progresse peu avec 4 %.

Le désendettement, confirmé pour poursuivre la remise en état des comptes de la ville, s’accompagne d’une forte augmentation de l’épargne brute et de nouvelles provisions.

Après exécution, le compte administratif de 2011

Comme dans la majorité des cas depuis plusieurs décennies l’écart entre budget et compte administratif est minime compte tenu d’outils financiers plus performants qu’autrefois et en l’absence d’événements perturbateurs inattendus. Les recettes de fonctionnement sont un peu supérieures, les impôts locaux conformes aux attentes et la Dotation globale de fonctionnement a baissé moins que prévu.

Les dépenses sont inférieures aux prévisions avec 236,9 millions d’euros. La masse salariale a encore un peu baissé (136 M) de même que les dépenses des services. C’est sur les dépenses d’investissement que les écarts sont plus sensibles.

Les engagements du budget sont réalisés mais les aléas d’avancement des travaux et quelques engagements nouveaux sont intervenus. Malgré des recettes réelles en augmentation (78 M) il y a un solde négatif d’environ 30 millions et des restes à réaliser assez importants (13 M). Les dépenses se montant à 125 millions l’exercice se clôt par un déficit de 20 millions.

Au total la cloture du fonctionnement s’établit à 49 millions et la clôture globale du budget (hors budgets annexes) est de presque 30 millions. Si le remboursement de la dette est conforme au budget de même que les frais financiers il y a un effort supplémentaire sur les provisions dont le total depuis le début du mandat s’élève à plus de 9 millions, de même le fonds de roulement est réapprovisionné.

A ce point il serait intéressant de pouvoir comparer avec un compte administratif proche de la fin du précédent mandat, observe-t-on déjà une nouvelle politique financière après les égarements ou les imprudences précédents ? peut-on infléchir la gestion ?

Mais comment comparer les comptes administratifs ?

Les informations fournies par les services municipaux et diffusés à l’occasion des séances du conseil municipal consacrées aux budgets et aux comptes administratifs sont les plus faciles d’emploi. Mais ils répondent toujours à un propos « pédagogique » comme on dit, si curieusement, dans les médias. Suivant les circonstances et les besoins l’accent est mis sur la dette, le désendettement, ou bien les investissements, sinon le souci de faire des économies, de ne pas augmenter la fiscalité etc. d’où une présentation adaptée et des tableaux non comparables d’un exercice à l’autre.

On doit alors se reporter aux données exhaustives publiées également par la ville… ce qui nécessite une bonne formation aux finances. Le plus sûr est donc de faire confiance aux spécialistes du Ministère qui publient fort heureusement des données bien élaborées, assez complètes et d’une lecture relativement facile. Le seul inconvénient, car il y en a toujours un, c’est que les méthodes du Ministère lui sont propres et ne coïncident pas toujours avec celles du comptable municipal. D’où quelques différences de présentation en particulier sur l’investissement.

Ces réserves admises, lorsqu’on veut comparer deux comptes parfois assez éloignés dans le temps et surtout approuvés par deux municipalités différentes, il est préférable de s’en remettre au Ministère qui apporte en prime la comparaison avec les villes appartenant à la même strate urbaine (c’est le cas de plusieurs tableaux publiés ci-dessus).

Comptes administratifs 2008 et 2011

Population 2008 : 183 522 hab
2011 : 175 940 hab

20082011eurospar habstrateeurospar habstratefonctionnement273 8411 4921 354274 9821 5631 383dont impôts locaux82 850 45149997 066552550Dotation globale f56 46030827954 807312273charges de fonct261 3511 4241 265254 6651 4471 258salaires137 200 748637135 377769650charges financières15 396 844815 2148637ressources d’invest124 32567758699 442565507emprunt20 08010912412 3357099emplois d’invest125 608684569111 283633526équipement50 30227431447 114268304rembourst d’emprunt20 36911111024 003136113excédent brut de fonct33 28518120549 511281230encours dette380 8132 0751 091398 4122 2641 080annuité dette33 47718215336 978210145fonds de roulement73444725 72114661
Source : alize2finances.gouv.fr comptes administratifs centralisés au Ministère de l’Intérieur ou dgcl.interieur.gouv.fr

Les comptes de la transition

La différence la plus importante porte sur la dette et le bilan annuel.

En effet le fonctionnement est à peu près identique car il faut tenir compte d’une baisse de la population répercutée sur les ratios par habitant. Certes les projets urbanistiques peuvent différer, mais ils sont les plus économes possibles. Une même politique d’amaigrissement de la masse salariale et d’effort de productivité est perceptible.

Les impôts locaux pèsent plus lourd dans les recettes mais les ratios tournent autour de ceux de la strate de comparaison. La différence tient à la prise de conscience du danger potentiel des charges financières à venir. Ainsi les charges de fonctionnement baissent légèrement mais sont donc un peu plus élevées puisque la population a diminué. Recettes et dépenses dépassent le ratio moyen de la strate comparable malgré des équipements moindres, la ville prend un virage mais n’est pas sortie de son marasme financier.

Les ressources globales d’investissement apparaissent en baisse mais l’équipement conserve son niveau. Les programmes anciens sont évidemment poursuivis et la continuité dans l’amélioration du cadre de vie affirmée. L’accent mis sur un meilleur entretien du patrimoine est aussi une explication.

Les charges financières sont identiques. L’emprunt diminue ainsi que les frais financiers. Mais la ville supporte toujours l’héritage d’une dette élevée. La principale différence est l’effort consenti pour éliminer dans ce stock les emprunts toxiques : provisions, hausse des impôts locaux, fonds de roulement plus sécurisant, excédent brut de fonctionnement conforté.
(voir en annexe les tableaux détaillés des comptes administratifs de 2000 à 2011)

Comme le paquebot dont le pilote s’évertue à modifier la trajectoire les finances continuent sur leur erre mais il est certain qu’un changement est en cours et que le virage sera pris.


Une longue histoire qui n’est pas achevée

Saint-Etienne était assez mal partie et pendant des d’années, si elle a pu connaître des périodes de répit, elle a toujours « bataillé », comme on dit dans la région, pour purger ses dettes, pour s’équiper quand même, pour redresser sa situation. La dette trouve son origine à la fin des années 90 et comme pour l’ensemble des communes françaises deux principaux facteurs sont en cause, d’une part l’ouverture aux marchés financiers et son contrôle a posteriori, d’autre part le poids de plus en plus élevé des investissements économiques mais aussi des dépenses consenties pour le logement, pour le cadre de vie, le renouvellement du patrimoine, ce qui est légitime, voire pour le prestige, ce qui l’est moins. Malheureusement ici, comme dans quelques autres villes, s’est ajouté le handicap d’une conversion économique pendant laquelle la disparition des entreprises à fort taux d’emploi n’est pas encore compensée par la création d’entreprises créatrices de richesses .













































































Des maires urbanistes

« Ce ne sont pas les constructions qui importent puisqu’on peut les trimballer sur son dos, mais c’est ce qui les relie. Les rues les avenues les places. […] J’ai bâti des immeubles […] et je n’ai pas su dessiner le vide. »
J N Blanc « L’inauguration des ruines » J Losfeld 2013

Un conseil judicieux et bien difficile à suivre dans une ville aussi chahutée, par le relief mais aussi par l’histoire, mais un conseil que les édiles auraient dû entendre.

Les maires ont toujours eu à cœur de bâtir et se sont toujours préoccupé de l’aménagement de la ville. Mais depuis la reconstruction des années 45 à 50 et surtout depuis une trentaine d’années ils se sont beaucoup plus impliqués dans l’urbanisme devenu un des moteurs de la prospérité de la ville et plus encore devenu le symbole de sa modernité. Un élémént essentiel de l’image donnée par l’agglomération. Aussi le mandat d’adjoint à l’urbanisme est souvent une première étape avant la charge municipale suprême ; en comparaison le XIXe n’a eu que de modestes ambitions et a surtout pratiqué à Saint-Etienne un urbanisme réduit à l’utilitaire. Tout a bien changé et dans une campagne municipale l’architecture-urbanisme compte presqu’autant que l’économie.

Bâtir, équiper, aménager : un effort considérable.

La composition socio-professionnelle de la ville amorce un changement à mesure que d'anciennes activités disparaissent en un irrésistible déclin. Les activités tertiaires qui manquaient, bureaux, commerce, transport, font une entrée discrète. Mais Saint-Etienne reste marquée jusqu’aux années 80 par sa population ouvrière, par un apport de population immigrée à faible niveau de vie et par un vieillissement qu'accentue le départ de nombreux jeunes nouvellement formés mais ne trouvant que peu d’emplois sur place.

L'effort de reconstruction ne modifie qu’à peine le paysage urbain et la crise du logement s'aggrave. malgré une active politique en faveur des logements de type social. L’activité est soutenue indirectement par le secteur privé qui s'adresse aux ménages solvables. En 1949 l'office public, Hbm puis Hlm, est remanié car « nous rejetons la politique des petits paquets [...] Saint-Etienne n'a pas connu de grande opération d'urbanisme depuis cinquante ans » (A de Fraissinette). Il est alors décidé de lancer une vaste zone d'habitation à la marge sud-orientale de la ville. Dite Beaulieu, elle compte 1264 logements et se déroule de 1953 à 1955, soutenue par le Ministre de la reconstruction et de l'urbanisme, E C Petit, qui en fait une opération nationale pilote pour la création d'un secteur industrialisé de la construction de logements. Suivront Beaulieu II, Marandinière Montchovet et Beaulieu III et IV. Les chantiers vont se multiplier et les décideurs municipaux adoptent, comme partout en France, les modèles et les techniques de l'urbanisme fonctionnaliste qui permettent l'accès généralisé au confort matériel grâce à l'action publique.







Les tableaux suivants ne retracent que les principales interventions de la ville, soit par une prise en charge directe et totale, soit par un contrôle du financement et du fonctionnement des équipements cités ou une participation à la décision.

La ville contemporaine
1945 - station de traitement des eaux de Solaure, reconstruite en 1972/75
1950 - Caserne des pompiers (Chavanelle)
1951 - gare centrale des trolleybus place Dorian. Les tramways disparaissent en 1952
1952/56 - premiers logements d'urgence sociaux
1953 - Beaulieu I ;1957/59 – Beaulieu II, Marandinière ;1962/74 – Métare
1962/64 - Beaulieu III, Montchovet ; parc de l'Europe
1965 - achat du stade G Guichard, travaux d'aménagement
1966 - Montreynaud ; participation à une agence d'urbanisme (Epures)
1967/70 – Beaulieu IV, la Palle ; début des équipements de quartier (maison des jeunes, centres sociaux etc)
1968 - Maison de la culture (Esplanade actuelle) ; tunnel et viaduc du Rond-Point ; parking des Ursules ; Facultés (Université en 1971)
1969 – élargissement du territoire communal à Saint-Victor sur Loire et Terrenoire ; destruction de l'îlot A Moine (Poste centrale)
1970 – Centre hospitalier régional et universitaire ; plaine Achille (piscine, parc des sports, des expositions) ; rénovation de l'Hôtel de Ville qui se termine en 1975 ; viaduc de Terrenoire
1970/1977 – zone d'habitation de Saint-Victor, la Condamine ; base nautique de Saint-Victor
1971 - Cotonne, Bergson ; Ecole d'Architecture ; gare routière à Chavanelle
Décision pour Centre II
1971 - station d'épuration des eaux du Porchon
1972 - rue de la Ville première rue piétonne ; Rochetaillée devient fraction communale
1973 - Zone industrielle intercommunale Molina/Chazotte
1972 / 74 - parc de Montaud
1974 - Centre Deux, centre commercial et habitat
1975 - parking place Hôtel de Ville ; raccordement du boulevard "est" à l'A 47

Reste à régler la question du coeur de la ville. Obnubilées par l'ampleur des efforts consentis dans les nouveaux quartiers qu'il faut aussi équiper et desservir, les municipalités s'en tiennent à des demi-mesures ou des solutions partielles. Quelques quartiers centraux sont rasés en un premier temps, d'autres sont plus ou moins rénovés (A Moine, Roannelle, Prison/Tréfilerie, Tarentaize) soit environ 15 hectares de vieux quartiers qui disparaissent. La construction privée ne suit pas, préférant, dans un contexte d'activité médiocre, se consacrer au marché du neuf, aux abords du centre-ville peu à peu délaissé par les ménages aisés. Les logements anciens mis en location vont vite se taudifier. Les propositions radicales d'une destruction totale du centre stéphanois sont écartées (il existe un projet transformant la Grand’rue en une espèce de Manahattan sur environ 2 km !), trop utopiques ou irréalisables. Au total environ 42 000 logements neufs livrés entre 1962 et 1992 par rapport au total de 93 000 en 1990 donnent une évaluation d'un effort considérable.

Des logements sociaux sont mis en chantier au bénéfice des ménages les plus défavorisés. Mais les premières HLM sont occupées plutôt par des ménages disposant de ressources convenables. Apparaissent aussi, et au hasard des terrains libres et des multiples dispositifs législatifs du gouvernement, des logements de première nécessité, des cités, des foyers, pour lesquels se mêlent les financements de l'Etat et ceux de la ville

La vie des quartiers - maisons des jeunes et de la culture ; centres sociaux ; équipement socio-culturel - est largement prise en charge par la ville. La construction d'une Maison de la culture et des loisirs (1969) participe elle aussi à l'effort d'équipement socio-culturel devenu indispensable à la vie de la cité.

L'impérieuse nécessité d'un plan qui ne verra jamais le jour...

Construire des logements, détruire, reloger les artisans et petits industriels chassés du centre ou des vieux quartiers ne peut se faire à cette échelle et dans ces délais assez brefs qu'avec une certaine logique. Au début des années 1960 les contacts se succèdent entre les services techniques de la mairie, la Préfecture, quelques organismes régionaux et nationaux, dont le Comité interministériel à l'aménagement du territoire, et les ministères. Sous des formes diverses elles ne cesseront presque jamais.

Après-guerre, à partir des premiers plans dits plans d'urbanisme directeur, se succèdent, en simplifiant, les schémas des groupements d'urbanisme puis les schémas directeurs de la loi d'orientation foncière et leur traduction à l’échelle communale dans un Pos (plan d’occupation des sols (1967) et enfin les schémas contemporains dont le récent plan d'urbanisme local puis le Scot. Tous sont inscrits dans des plans régionaux qui incluent Saint-Etienne dans une grande région urbaine lyonnaise. Certes cet effort de coordination ne vise en aucune façon à étendre le territoire de la commune centrale mais en prépare les conditions, voire préfigure une nouvelle circonscription territoriale, en libérant les concepteurs des grands réseaux (routes, eaux, assainissement, terrains industriels etc) des contraintes communales.

Dès 1958 la mise en oeuvre des plans d'urbanisme directeurs contraint la municipalité à préciser le dessin futur de la ville qui doit également s'inscrire dans un plan d'aménagement urbain de la région lyonnaise. Des directives analogues datent du début du siècle comme on l'a vu ci-dessus mais la mairie n'y voyait qu'un outil utile voire nécessaire à l'obtention du feu vert préfectoral pour ses propres projets et aussi l'accès à des subventions et des prêts. L Soulié, à propos d'un projet de regroupement, rassure ainsi son collègue de La Tour en Jarez (1936) assez réticent, « l'adhésion ne comporte aucune charge [...] et favorisera l'exécution de travaux utiles ».

La politique municipale sera toujours ambiguë sur cette question, comme dans d'autres villes mais ici, et pour des raisons de pesanteur sociologique, beaucoup plus que partout. La nécessité de prévoir et coordonner trouve dans la législation les outils indispensables mais les édiles louvoient, adaptent, pratiquent une politique du coup par coup. Ils privilégient une vision locale cherchant le statu-quo économique et social. Les obstacles levés lors de l'arrivée éventuelle de grands employeurs nationaux dans la région en témoignent. La ligne directrice est celle des intérêts du moment, emplacements et investissements sont inspirés par les occasions. Nombre d'édifices et institutions se sont ainsi promenés sur les plans de la ville car avant la clôture du financement et l'approbation des projets la conjoncture est rarement stable.

La création d'une agence d'urbanisme (Epures,1966) ne peut faire illusion. Elle dépend beaucoup de son principal cotisant, la ville, au risque de frictions voire d'un conflit. Même si en travaillant en symbiose avec le Groupe d'études et programmation de la Direction départementale de l'équipement elle arrive à faire entendre des propositions qui ne sont pas forcément celles qui auraient été prises par les services techniques de la ville. Son travail de fond est la mise en chantier du schéma directeur d'urbanisme prévu par la loi de 1967 : il a été remplacé récemment par un autre type de schéma mais de toute façon il n'a jamais vu le jour après cependant plusieurs moutures. Autre préoccupation de l'agence l'insertion de Saint-Etienne dans la métropole régionale où elle rejoint Lyon et Grenoble. Vis à vis de cette dernière ville la position du maire est nette. Il est nécessaire de soutenir la comparaison. Ce qui va contribuer, ce n'est pas la seule raison, n'oublions pas que nous sommes dans l'élan des Trente glorieuses, à un optimisme excessif sur la capacité de la ville à se développer, on extrapole hardiment les courbes de population et la venue de nouvelles activités.

Le premier projet de Sdau en 1976 n'a finalement que peu d'importance. La presse locale souligne avec ironie que la réflexion arrive bien trop tard : « les principaux coups sont déjà partis ». Au début, en l'absence de plans d'occupation des sols, les permis de construire sont attribués en utilisant le règlement municipal d'urbanisme, ce qui permet une gestion au quotidien et au cas par cas. Le tout sans conséquence importante sur le dessin général puisque, paradoxalement, les principes essentiels du schéma seront presque respectés. Ils concernent les grandes liaisons routières, les grandes zones industrielles, les équipements lourds, de toute façon rejetés à l'extérieur, créant ainsi l’ossature d'une future ville. Parfois leur origine se trouve dans les plans Abougit de 1924, voire dans des plans du XIX e ! Il en est ainsi des boulevards périphériques, de l'autoroute dont le projet de 1970 est, à très peu près, celui de A45 actuelle. Si des Pos voient ensuite le jour ils ne règlent que des situations de détail, ainsi celui de l'ouest stéphanois limite les densités d'urbanisation sur les sites collinaires mais la Chauvetière, la Cotonne, Bergson, le Grand Clos, les Champs sont déjà engagés ou prévus.
D'ailleurs on peut se demander si les réticences aux études d'urbanisme et à la planification de l'action municipale n'ont pas de fait favorisé la perméabilité aux directives nationales faute d'une réelle volonté exprimée par une espèce de contre-plan local. La défense du local : combat d'arrière-garde en faveur des couches moyennes du petit patronat, de l'artisanat ? Une illusion ? Un aspect de la concurrence électorale locale avec les partisans d'une France ordonnée en régions, planifiée, structurée par les grands projets modernistes mais qui laisseraient en marge une ville encore empêtrée dans les séquelles du XIX e ? Le meilleur exemple en est donné par le préfet Camous dont la pléthore de projets a tant contribué à transformer le paysage urbain périphérique tout en étant assez déconnectée des réalités locales. La maîtrise qu'il exerçait sur certains crédits et sa forte personnalité contrebalançaient sans difficulté la feinte ignorance vis à vis de ses projets que pouvait par exemple exprimer quelques élus locaux. En outre l'adhésion des maires aux politiques de changement du cadre de vie dans l'espoir de voir évoluer favorablement l'image donnée vers l'extérieur par la ville rejoignait les finalités développées par le pouvoir central.

Dernière grande opération voulue par la municipalité en cette période, la zone à urbaniser en priorité (Zup) de Montreynaud obtenue en 1967. Pour la réaliser est créée une société d'économie mixte, la Semaset (1963 – plus de 4000 logements prévus mais en fait 2640 en 1979 dont déjà des vacants). S'y ajoutent les zones industrielles voisines, la plus significative étant la zone intercommunale avec la Talaudière et Saint-Jean-Bonnefonds (Simoc). Un syndicat dit de la Doa (1966) est censé aménager l'entrée au nord de la ville en collaboration avec Villars et Saint-Priest-en-Jarez. Mais ici nous abordons une autre question, celle de l'étalement urbain hors les limites communales. L'attraction exercée par les lotissements en lointaine périphérie, sans oublier les grandes zones industrielles de la plaine forézienne, va devenir irrésistible.

Modifier l'image donnée par Saint-Etienne

« Modifier une image de marque nécessite deux étapes. D'abord travailler au changement en s'équipant et en construisant ; ensuite le faire savoir » (M Durafour 1976).

Le slogan " Saint-Etienne ville verte" fait son apparition dès 1959, il est censé faire connaître à l'extérieur que les anciennes activités disparaissent, que la ville se modernise. En 1971 la ville ouvre un Office d'accueil et d'information pour les congrès, le tourisme, l'information des investisseurs. A la mairie fonctionne désormais un service des relations publiques. C'est dans cette ligne qu'est proposée la disparition de l'Hôtel de ville remplacé par un ensemble fonctionnel que soulignerait une tour symbolisant la mutation de la ville. Ce projet est abandonné puis remplacé par la rénovation de la mairie entre 1970 et 75. L'image peut aussi créer un consensus autour des projets municipaux et alimenter le patriotisme local ; le football avec les "Verts" a mobilisé les Stéphanois et malgré le professionalisme du sport contemporain continue de les passionner.

Au total une période, celle des Trente glorieuses, marquée par le volontarisme, l'ampleur des investissements, la radicalité des changements et des solutions proposées, l'interventionisme dans tous les aspects de la vie de la ville. Le paysage urbain est profondément transformé, la ville bouleversée et très marquée par le modernisme à tout prix. Tout cela malgré un climat économique local déprimé dont nombre d’équipements portent la marque par leur réalisation médiocre ou l’absence d’ambition. Pendant que la France connaît une période très favorable Saint-Etienne, une fois de plus à contre-courant, subit la conversion des houillères, la disparition de la sidérurgie, la mutation du textile.

Un nouvel avatar de Saint-Etienne apparaît... une fois de plus

A partir du milieu des années 1970 les réalisations municipales - qui se multiplient dans tous les domaines - changent totalement de caractère par rapport à ce qu'elles ont pu être dans le passé. Avec la crise en arrière-plan, le plafonnement puis la baisse de la population, la désaffection pour le fonctionnalisme, dont les erreurs deviennent flagrantes, provoque un renversement des tendances. La complexité urbaine est mieux prise en compte. Enfin, qu'il s'agisse des opérations et plus encore de leur financement, l'échelle municipale n’est plus appropriée. Le regroupement de communes devient indispensable même si l'accord est loin d'être fait sur sa forme et ses compétences.

Transition, hésitations

L'opération Condamine (Saint-Victor-sur-Loire) est un bon exemple de ces nouvelles perspectives. Elle fut conçue en fonction du changement d'image de la ville avec son slogan "Saint-Etienne sur Loire" et de la planification par grandes opérations structurantes. A la fois mal calibrée, le marché ne pourra pas absorber les 2000 logements prévus et de nombreux équipements ne seront jamais réalisés ; mal ciblée, la clientèle de cadres moyens et supérieurs n'est pas au rendez-vous ou bien préfère les sites traditionnels ; difficile à financer, l'endettement l'entrave. Aussi, lancée en 1970, elle est amorcée seulement vers 1975 puis la municipalité Sanguedolce la transforme en 1977 pour revenir à l'objectif plus modeste d'un ensemble pavillonnaire. C'est un quartier excentré où résident nombre de neo Stéphanois, chant du cygne d'une époque trop optimiste.

La politique de la municipalité s'oriente alors vers une reconquête des quartiers centraux populaires où les interventions précédentes sont loin d'avoir réglé tous les problèmes notamment ceux de l'équipement socio-culturel et de l'urbanisme à l'échelle du quartier. l'Etat finance la rénovation des logements et les équipements sociaux sont subventionnés. En même temps sont entrepris les équipements nécessaire à l'amélioration de la circulation : gare de Carnot, ouverture d'un "axe lourd" pour désengorger la Grand'rue et encourager l’utilisation du tramway en mauvaise posture financière.

Les années suivantes, nouveau changement d'orientation d'abord sous F Dubanchet mais en grande partie grâce à l’action de son adjoint à l’urbanisme, M Thiollière, qui lui succèdera et aura ainsi marqué profondément la politique d’aménagement. Les actions de réhabilitation des quartiers sont poursuivies mais en ne cherchant essentiellement qu'à améliorer le nombre et la qualité des logements remis sur le marché car, sans être oubliés, les équipements urbains ne sont pas prioritaires. La promotion privée est encouragée. Maintenir la population dans les limites communales devient un souci constant y compris en faisant appel à l'habitat individuel en ville.

Les efforts financiers consentis pour le soutien à l’économie s’inscrivent dans le paysage par la multiplication des zones d’activité. Comme on pare au plus urgent on se contente de plaquer des zones industrielles, le plus souvent traditionnelles et en outre dispersées, selon les opportunités. Il s'agit aussi pour des raisons fiscales, et peut-être de prestige, de rester si possible dans les limites communales. Ainsi des efforts considérables sont consentis pour la zone industrielle de l'ouest stéphanois dont la justification se trouve aussi dans le maintien des emplois sur la commune.

Le Technopôle est l’emblème de cette orientation. Son aspect moderniste, qui efface heureusement les noirâtres friches de la sidérurgie dans des quartiers défavorisés, ne doit pas faire oublier que, comme dans de nombreuses autres agglomérations, la majorité des activités sont transférées et n'ont que peu à voir avec les industries de pointe censées s'y développer, à quelques exceptions près, fort heureusement.

Cependant, tout en répondant au cas par cas à des difficultés qu'il faut bien aborder, toutes ces actions manquent de perspectives, il serait bon de savoir où on va. Parmi ces problèmes à régler l’achèvement de Centre II dont une partie est abandonnée sans regrets (plusieurs tours de logements et des équipements, les investisseurs renaclent). La Sari qui opère sur le site Manufrance perd de l’argent et doit être renflouée par la Générale des Eaux, le futuriste Centre d’affaires Atria est abandonné. Après plusieurs tentatives d’implantations les plus

Le groupe Sari-Seeri premier groupe français d’ingénierie, aménagement foncier, gestion d’immeubles emploie 1 300 personnes en 1987. Il est chapeauté par son principal actionnaire la Sté Générale de Eaux ; autre actionnaire la Société Générale. Le moteur de ses investissements est le tertaire supérieur dont à l’époque on attend beaucoup.
La Sari espère rentabiliser l’opération par la vente d’immeubles de haute qualité ; la mairie essaye de minimiser le risque en se désengageant par l’appel au privé. Au total l’opération est plutôt un semi échec ou une semi réussite…
Le tout dans la plus grande discrétion « une affaire de cette importance ne pouvait se traiter que dans le secret en cabinet restreint » selon le maire.

diverses et plus ou moins spectaculaires, le tènement prend son visage actuel assez hétéroclite il faut bien l’avouer : la galerie marchande ne voit pas le jour ni le super-marché, mais le Planétarium puis le Centre des Congrès y trouvent une place ainsi que plus tard l’Ecole de commerce et une partie de l’Ecole des Mines, le tout complété par des logements et des bureaux. Bien des Stéphanois regrettent de ne pas y trouver un grand Musée, une salle de spectacle qui auraient eu leur place dans un quartier bien identifié (la carte de repérage ci-jointe rend compte d’un saupoudrage inhabituel en la matière).

Plusieurs des réalisations municipales s'apparentent plus à des coups médiatiques qu'à un enchaînement d'opérations coordonnées, ainsi l'ouverture d'un golf sur la vieille décharge municipale de Momey. A la critique d’un architecte qui dénonce « une ville sans ambition, des réalisations médiocres » répond l'intervention de l’urbaniste Bofill (1992) censée définir un nouveau et cohérent programme d'action. Le maire souhaite donner à Saint-Etienne « l’image d’une ville facilement identifiable en Europe » (presse locale 1991) et l’imposer sans conteste possible comme ville centre de l’agglomération. L'étude publiée par ce cabinet d'architecture est critiquée, à juste titre, mais elle va en fait servir de cadre très souple et très modulable pour la politique dite du "projet urbain" qui est ensuite adoptée à Saint-Etienne


Un nouveau départ pour la ville

1975 / 78 - mise en place d'un système de protection de la circulation du tram qui sera suivi par un plan de circulation (site propre Carnot-Peuple en 1999)
1972 /76 - parc J Marc (J Marc est le nom adopté en 1988)
1976 - début des travaux pour les grands collecteurs d'égout au nord et centre ville
1978 – rénovation de Tarentaize ; parc J Marc à Villars ; refonte de la place de la Terrasse avec tunnel pour l'autoroute, achèvement en 1984
1980 – gare de Carnot ; création du SIOTAS et de la STAS ; rénovation de quartiers anciens
1982 – Hôpital nord
1984 – Pôle productique (technopôle) ; rénovation et agrandissement du stade G Guichard
1985 – espace Giron (friche industrie textile)
1987 – Musée d'Art Moderne ; rénovation de la gare de Châteaucreux
1988 – début de l'aménagement du site de Manufrance
1989 – Golf municipal (ancienne décharge de Momey)
1990 – Abattoirs et pôle de la viande décentralisés à la Talaudière
1990/1998 – mise en site propre du tramway ; prolongé au sud en 1983, au nord en 1992
1990/1995 - démolition de la caserne Grouchy, de la piscine d'été, début de l'aménagement (logements, nouvelle église)
1991 – Musée de la mine
1992 – privatisation du service de l'eau et assainissement
1993 – Médiathèque de Tarentaize ; planétarium à Fauriel
1994 – Centre des congrès (site Manufrance à Fauriel)



Grand projet de ville, Projet urbain : de nouvelles approches de l’urbanisme

Le changement est flagrant, surtout depuis une vingtaine d’années pendant lesquelles la complexité urbaine est mieux prise en compte. Il n'est plus question d'un plan rigide et d'un traitement par fonctions. Pour simplifier on peut dire que les spécialistes ne se succèdent pas dans les périmètres retenus pour une réalisation municipale mais qu'ils abordent ensemble l'aménagement, du moins est-ce là l'idéal souhaité. D’autre part il est fait référence à un nouveau concept: le « renouveau urbain ». Explicité dans la loi Solidarité urbaine et Renouveau urbain (2000) il apparaît lors d’une exposition des projets municipaux en 2002 mais, comme dans toutes les grandes agglomérations, inspire les urbanistes depuis 1995 et à Saint-Etienne l’action de M Thiollière. Les grands équipements sont toujours conçus comme des locomotives de l’urbanisation (Zénith - Cité du design) et des symboles ; mais quel monument résume la ville ? il paraît que pour les automobilistes c’était la tour de Montreynaud ! C’est maintenant la totalité du tissu urbain qui est traitée à tous les niveaux et toutes les échelles de façon à recréer la ville sur la ville. La relance est attendue autant par le développement des événements culturels (expositions, musique, festivals, biennales) que par l’économie. Les dernières références stéphanoises s’inspirent donc de Glasgow, Barcelone, Bilbao, Birmingham, mais aussi Lyon, Nantes, Lille etc. car partout on fait la même chose, plus ou moins tôt, plus ou moins vite, plus ou moins bien.

D'autre part l'éternel problème de la participation des administrés fait l'objet d'innovations, à la présentation du projet par exemple dans une exposition, s'ajoute depuis peu la consultation des comités de quartier. Dans le même ordre d'idée est apparu l'Atelier urbain qui associe population, techniciens municipaux, jeunes professionnels des Beaux-Arts et de l'Ecole d'Architecture aux adjoints en charge du projet. Ses réalisations, à l'échelle des quartiers - par ex jardin E Gervais, place J Moulin, Campus Tréfilerie etc - , sont conçues pour améliorer le cadre de la vie quotidienne. A la longue ces très nombreuses actions de détail transforment le paysage, notamment par leur mobilier, bancs, lampadaires, plantations, petits aménagements de proximité. De même, sans renoncer aux actions lourdes du type parking rapproché du centre (J Jaurès, Chavanelle), la circulation est corsetée par des mesures indirectes sur le stationnement ou la vitesse des véhicules : site propre pour le tram, largeur des voies rénovées Michelet ou République. Enfin les grandes places centrales sont remises en valeur dont Chavanelle où se combinent parking, et animation urbaine. La coupe du monde de football avait déjà accéléré une mise au goût du jour de la place J Jaurès (1998-2000).

Ce que nous a légué le passé industriel n’en apparaît que mieux. La ville obtient même (décembre 2000) un label de ville d'histoire et du patrimoine du XIX e qui inspire des actions de protection à commencer par un inventaire et la définition de zones protégées. Non sans ambiguïté puisque les bâtiments témoins, par exemple au Crêt de Roc ou à Beaubrun, ne sont pas spécifiquement protégés voire sont démolis ! Trop absorbées par les difficultés économiques ( est-ce la bonne raison ? ) aucune municipalité n’a fait de ces questions une priorité, et pourtant les retombées sur l’attractivité d’une ville sont indéniables. Il n’y avait pas de monument classé jusqu’à 1980, depuis la ville s’invente un patrimoine - Maison dite de François Ier, redécouverte de son histoire antérieure au XIX e - que contrebalancent malheureusement des destructions hâtives ou maladroites, le cas en 2005 de la Cité du design sur le site de l’ancienne Manufacture d’armes étant le plus sujet de polémiques. Le Tribunal administratif vient de relever là (2013) « une erreur manifeste de l’Etat » … un peu tard ! Cette Cité, dont par ailleurs le rôle bénéfique n’est pas niable, est assez souvent qualifiée de catastrophique qu’il s’agissse du choix du site ou de son esthétique. Témoignent encore de ces ambiguïtés les obstacles que rencontrent les associations (ainsi Histoire et Patrimoine de Saint-Etienne dont le modeste mais intéressant musée est même menacé). Ce label patrimoine du XIXe est plus proche d’une ligne flatteuse sur une carte de visite que gage d’action ; une « forme d’illettrisme patrimonial », est un mal très ancien dans notre ville. (revue Histoire et Mémoire, n° 250 juin 2013) et Saint-Etienne a vraiment mal à son histoire !

Un contrat de ville amorcé en 1999, signé en 2000, porte sur plusieurs quartiers (Montreynaud ; Sud-est ; Crêt de Roch ; Tarentaize/Beaubrun/Séverine) ainsi que sur des opérations ponctuelles dans toute la ville. Il est suivi par un "Grand projet de ville" qui part d'un diagnostic exhaustif et concerne tous les aspects de la vie quotidienne. La démarche aboutit enfin à un vaste programme piloté par un Gip (groupement d’intérêt public). Les Stéphanois qui ont louvoyé pendant des mois entre les palissades des chantiers sont tout à fait persuadés de l’existence de ces projets même si la complexité des montages techniques et administratifs leur échappe !

Une convention signée avec l’Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine) prévoit démolitions (1070 logements) et reconstruction ou réhabilitation d’environ 1 500 logements, traitement des abords, création d’espaces publics, équipements divers (sport, écoles, parcs). L'abandon partiel des grands ensembles conduit à des mesures drastiques dont la plus spectaculaire, la plus symbolique d’une rupture avec le passé, est la démolition de la "Muraille de Chine" en 2000 à Montchovet. Sur le site la mairie a cédé le terrain nécessaire à l'édification d'un pôle médical privé regroupant des cliniques stéphanoises, des activités para médicales dont le Centre médical des Sept Collines, de l’autre côté du boulevard périphérique vient d’être inaugurée une piscine

Des démolitions partielles sont en cours ou prévues à Montreynaud, celle de la tour d’habitation date de 2011 et semble encore plus symbolique que celle de Montchovet. Les réhabilitation s’étant déjà succédées sur la colline, les actions entreprises, dont une nouvelle localisation d’un centre commercial, se heurtent à d’énormes difficultés notamment dans la question d’une centralité de ce pseudo quartier : l’image dévalorisée de Montreynaud pèse toujours sur son avenir de même que sa situation périphérique.

Enfin dans les quartiers anciens du centre et de l’ouest démolitions et reconstruction ou réhabilitation sont entreprises îlot par îlot ou par immeuble avec le concours de l’Epora (établissement foncier de l’ouest rhône alpin) qui cède les tènements retenus à la Sté d’équipement de la Loire. La colline du Crêt de Roc et ses abords côté centre ville sont déjà en partie en bonne voie de rénovation.

Les chantiers n’ont parfois rien de comparable avec ceux des précédentes époques, par leur dimensions, leur coût, leur complexité et donc leur lenteur d’exécution. Le tram, l’assainissement et la rénovation des places du centre ville en sont de bons exemples avec des travaux étalés sur 2 à 5 ans. Châteaucreux a commencé en 2004 et n’est pas fini en 2013 : démolitions en 2004 ; assainissement, bassins d’orages, réseaux d’eau en 2005 ; ligne de tram en 2006 ; parking en 2007 ; fin du parvis, inauguration de l’Esplanade, siège de Casino en 2007 ; démolitions rue de la Montat en 2008 ; premiers bâtiments de la Cité des affaires en 2009 dont le siège de la Métropole ; 2010 à 2014 succession de projets et de constructions habitations, bureaux au nord-est de la gare et rue Denfert-Rochereau jusqu’à l’îlot Weiss.

L’ampleur et le coût du Grand projet de ville ont décidé l'Etat à accompagner la ville et ses partenaires locaux en mettant en place (2007) un Etablissement public d'aménagement (Epase) qui, outre un important apport financier (60 millions qui s’ajoutent à 24 de la ville et 36 des autres partenaires), coordonne les projets, les équipes, et pilote l'ensemble en étant promoteur, aménageur, investisseur. Ses premières interventions concernent, après le quartier de Châteaucreux puis Carnot-plaine Achille-Manufacture Nationale, l'entrée orientale de la ville au Pont de l'Ane-Monthieu et enfin l’opération « cœur de ville » achevée en 2013.

Il faut toutefois remarquer que dans la presque totalité de ces chantiers la municipalité n'est plus seule. La nouvelle ligne de tramway y compris la liaison électrifiée avec Firminy, les rénovations lourdes dans les quartiers, l'assainissement du Furan, la station d'épuration, l'aménagement des entrées routières et autoroutières comme au nord de la ville etc. sont des opérations inscrites dans un périmètre géographique et financier qui dépasse celui de la seule

Un aménageur public, l’Epase

Epase : établissement public d’aménagement de Saint-Etienne

La première mission est l’aménagement par un rôle d’ensemblier et par la maîtrise d’ouvrage. Il complète l’action des autres intervenants : ville, métropole, conseil général, régional, agence d’urbanisme, epora, opérateurs privés.
L’Epase fait des propositions et met en œuvre les projets : acquisitions foncières, réalisations d’espaces publics, cessions foncières et immobilières etc.

La seconde mission concerne le développement économique en participant à la définition des stratégies économiques ainse que des secteurs géographiques ou économiques prioritaires. Il contribue à la promotion et la commercialisation des projets.
Ces deux missions sont confiées à 12 groupes de travail, en somme l’Epase est une sorte de Maître Jacques en étant aménageur, promoteur, investisseur.
L’Epase dispose d’un buget de 255 millions d’euros dont 125 de subventions publiques ( 24 millions viennent de la ville, 36 millions proviennent de la métropole, du conseil général, du conseil régional) pour 7 ans. Il a défini onze projets simultanés ou successifs.

Bien que l’établissement se concentre actuellement sur 5 secteurs il concerne en fait toute la ville par les répercussions de ses interventions. Ces secteurs sont : Châteaucreux - Manufacture, Plaine Achille - Monthieu, Pont de l’âne - Jacquard - Ursules, cœur de ville.

Un exemple : Jacquard

En novembre 2009 l’Epase propose un dossier de réalisation de la Zac (zone d’aménagement concerté) de Jacquard dans un périmètre de 13 ha comportant 22 300 m2 de logements et 3 700 m2 pour les équipements.
Financement : 34,4 millions d’euros dont 21,4 de travaux. Les recettes foncières (cessions de terrains) sont de 4,18 millions et la participation des constructeurs 0,12 million.
participation de la ville : 2,145 millions pour les équipements
participation Epase : 27,9 millions

détail du seul programme des équipements publics (Pep)
gymnase 5,376 millions d’euros ; participation de la ville 0,38
petite enfance 0,317 à charge de l’Epase
amicale laïque 3,206 Epase
infrastructures
passage Grand Gonnet Balzac avec square 0,716 Epase
requalification de la place : 4,192 millions dont 1,006 par la ville
jardin Gachet : 2,396 Epase
autre interventions sur l’espace public : 3,763 millions Epase et 0,759 ville

Avec diverses autres dépenses un total d’équipements de 20,506 millions d’euros dont une participation de la ville de 2,145 millions.
L’ensemble de la ville est concerné mais parmi toutes ces opérations certaines sont extrêmement visibles et modifient la perception du paysage urbain, en témoigne une tentative, avortée, de passage du vert au jaune à l'occasion des premières fêtes transurbaines . La coïncidence avec l'énorme chantier urbain de 2004-06 n'est pas fortuite. Une nouvelle ville commence de se dégager peu à peu de quelques importantes opérations.

Il s'agit de la 2ème ligne de tram du Peuple à Châteaucreux (à prolonger vers le nord-est ?) ; du quartier d'affaire de Châteaucreux nouvelle entrée de la ville (siège de Casino, entreprises, centre administratif, logements, le tout sur 40ha) ; du quartier Carnot autour de l'ancienne manufacture (pôle optique-vision, livré en 2005, site universitaire, recherche, logements ). Ici la pièce maîtresse est la Cité du design (recherches appliquées sur matières et formes, Ecole des Beaux-Arts). Le transfert des facultés de sciences y est amorcé. Enfin une salle dite "Zénith" et une des musiques actuelles (Fil) complètent cet inventaire loin d'être exhaustif. Peuvent s’y ajouter les grands collecteurs des égouts, l'aménagement urbain du Furan, la station d'épuration du Porchon et divers travaux de moindre importance qui ont perturbé la vie quotidienne des Stéphanois

commune. C'est celui de syndicats intercommunaux déjà anciens et celui de Saint-Etienne Métropole. La complexité des montages financiers, l'obtention pour la totalité des projets envisagés de l'aide du Département, de la Région, de l'Etat, de l’Europe mais plus encore les inévitables conflits à l'intérieur de ces structures mêmes, expliquent lenteurs et incertitudes dans l'exécution des travaux voire leur enlisement. L'exemple le plus connu, car le plus ancien et largement visible pour tous les Stéphanois, est celui du site de la Doa où les projets les plus divers se succèdent sans aboutir depuis...1968.


Une mutation en cours

1995 – Saint-Etienne Métropole ; pont du Soleil élargi
1997 – nouveau plan de circulation, plusieurs fois modifié par la suite
1998 – mise en place de "l'Atelier" pour de nombreuses actions de proximité et petits espaces publics à réaménager, une centaine de réalisations jusqu'à 2005
1998 – parking souterrain place J Jaurès (Marengo)
1999 – rénovation des places J Jaurès, Hôtel de Ville, Bellevue, J Moulin
2000 – démolition de la "Muraille de Chine"(Montchovet) ; aménagements de quartiers, de
places, dont les rues Michelet et de la République ; contrat de ville
2001 – réouverture de l'Esplanade dite improprement maison de la culture, après incendie ;
rénovation et refonte du musée d’Art et Industrie ; communauté d'agglomération.
2003 – début aménagement du site de la Manufacture d'Armes
2005 - parking de Chavanelle.
programme de rénovation urbaine (2005-12) : logements, maison de l'emploi, parc
urbain de Couriot etc.
2006 – mise en place de l'Etablissement public d'aménagement (Epase)
Rénovation place Chavanelle ; mise en service de la deuxième ligne de tram
Début de l'aménagement de la gare, ouverture du parking.
Achèvement des grands collecteurs et de la déviation du Furan en centre ville
2007- début des travaux pour la nouvelle station du Porchon, achevée en 2008/09
Salle des musiques actuelles (Fil)
Poursuite de l'aménagement du quartier d'affaires de Châteaucreux ; inauguration du
siège de Casino ; fin des travaux de l’Esplanade de France 
2008 - inauguration du « Zénith » plaine Achille
2009 - inauguration de la Cité du design ; poursuite de l’aménagement de l’ancienne
Manufacture : programmes immobiliers ; pôle d’enseignement supérieur
2010 - parc d’activités Metrotech à Saint-Jean-Bonnefonds
2010 - Maison de l’emploi ; lancement de l’aménagement Carnot/Plaine Achille
2011 - Parc F Mitterand ; nouvelle place Carnot ; fin de l’aménagement Jacquard (Zac de
2009 nouvelle place, logements, gymnase, parking)
2011 - destruction de la tour d’habitation de Montreynaud ; démolitions diverses et début de
restructuration du quartier
2012 - 2013 - début de l’aménagement du parc/musée sur le site de Couriot (musée de la
mine)
2013 - fin de l’opération « cœur de ville » : nouvelles places de l’Hôtel de ville et Dorian ;
réhabilitation et création de voies piétonnes en centre ville
2013 - piscine Yves Nayme ; fin de l’aménagement du stade G Guichard



Pendant que ces travaux continuent de bouleverser la vie quotidienne des Stéphanois, les dysfonctionnements du système financier local sont de plus en plus perceptibles. Sa remise en cause est certainement proche bien qu’il n’ait pourtant pas démérité. Faire le point sur ses mérites et défauts est cependant un exercice impossible, aussi je me contenterai de quelques conclusions partielles sinon discutables !







































Repérage







































Pour conclure

« Les villes sont en dernière analyse, les grands réservoirs où l’argent entre et d’où il sort par un mouvement […] qui se renouvelle continuellement. ». Condillac


Au contraire de Condillac - qui ne se borne évidemment pas à ce constat arithmétique - je ne saurais me limiter aux additions et soustractions que j’ai annoncées au début de cette étude. La comptabilité locale s’ouvre sur toute la vie de la collectivité et dans ce bilan on ne peut pas oublier les Stéphanois. Les municipalités en furent, le plus qu’elles le purent, les interprètes. Que ce soit par leurs souhaits, par leur approbation, par leurs réticences, par leur opposition voire leur indifférence, ils sont en fait les acteurs essentiels de la genèse de la ville.

Au terme du parcours pendant lequel j’ai donc découvert de multiples perspectives au-delà des colonnes de chiffres - et auxquelles je n’ai fait le plus souvent qu’allusion - quels sont les points qui me sont alors apparus essentiels ? Je n’en ai gardé que quatre mais il y en aurait bien d’autres…

Les finances communales au fil de l’histoire, une perpétuelle transformation

« […] il faut là-bas des gens qui veulent du travail pour avoir de l’argent, et de l’argent pour avoir encore plus d’argent ». Dumont-Rewer, 1840, parlant de Saint-Etienne.

Lois et décrets n’ont cessé d’être modifiés et les comptables ont dû adapter leurs pratiques à une situation toujours en évolution. Mais c’est aussi tout un système financier qui atteint ses limites. Complexe, enchevêtrant les niveaux de décision et de responsabilité, pas toujours clair, souvent inefficace, souvent injuste, à l'occasion peu performant, on peut accumuler les reproches. Il est temps d'en changer. Nous avons changé de monde et la gestion d'une grande ville n'a plus rien de comparable à celle des communes rurales qui a inspiré la loi de 1884.

Autrefois, d’honnêtes gérants

On ne manque jamais de souligner que la prospérité industrielle et commerciale de la ville fut redevable à une constellation d’entrepreneurs avisés et tendus vers le profit, ils ont su « faire de l’argent ». Mais le décalage est sensible entre cette vigueur industrielle, du moins jusqu’aux années 1880, et les continuelles difficultés financières municipales. Les édiles s’ils ont soutenu les entrepreneurs ne les ont en rien imités dans leur pratique de la gestion urbaine et ce n’était pas leur intention. Auraient ils dû et pu mieux faire ? la question est sans intérêt. Dans l’ensemble, comme l’examen des comptes le montre, ils n’ont pas démérité. Les Stéphanois peuvent délivrer un satisfecit à leurs anciens administrateurs. Au prix cependant de quelques réserves.

Le lecteur aura remarqué l'extrême prudence de la gestion financière. Et sa pusillanimité. Trop souvent les financiers municipaux se sont préoccupés des résultats à court terme et du coût à payer sans toujours envisager le long terme. Curieusement ce n’est pas du tout le cas pour l’approvisionnement en eau ni pour quelques grandes infrastructures de communication. Leurs appréhensions étaient justifiées par une situation économique qui a rarement connu d'assez longs paliers de stabilité mais a dû supporter de graves ébranlements. Elles ont pu être excessives voire contre productives ; la prudence n'exclut pas le risque calculé si l'enjeu le mérite mais ce ne fut que rarement l’option choisie.

En particulier la gestion de la trésorerie et celle des emprunts auraient nécessité une équipe qui aurait pu rappeler celle des ingénieurs au XIXe. Par ses compétences, cette dernière infléchissait les décisions du maire voire décidait à sa place. Lors du conflit du Lignon on a vu la puissance du cercle des grands ingénieurs contrer Barrallon. Pour la trésorerie j’ai souligné son aspect trop souvent cahotique, entraînant des pertes de financement ou des manque à gagner dommageables. Il manquait aussi des outils d’analyse et de prévision dont on n’imaginait pas l’existence jusqu’il y a peu, sur ce point des progrès sont visibles.

D’un endettement raisonnable à des dettes excessives

En ce qui concerne l’emprunt ce n’était pas, pendant très longtemps, un grand inconvénient que de l’aborder comme sur le marché commercial traditionnel. Au surplus il s’agissait d’une ressource hautement sécurisée, au meilleur coût, grâce à la Caisse des Dépôts ou à celle d'Aide à l'équipement des collectivités locales qui ne furent cependant utilisées qu’après bien des réticences. Quand le financement a été ouvert en grand aux banques et banalisé, le jeu spéculatif s'est alors introduit ; le déficit de gouvernance est devenu flagrant. Si la situation s’améliore la consolidation n’est pas achevée et les nouvelles règles ne sont pas totalement définies.

Au XIXe les maires ont été obsédés par le rapport entre leur stock de dette, sa charge annuelle et la capacité à dégager un excédent sur l’exercice en cours. Cette préoccupation était tout à fait louable, et elle l’est toujours, mais elle ignorait l’indexation sur l’inflation tant pour le capital dû à échéance que sur les intérêts. Surtout elle a freiné voire bloqué l’équipement de la ville jusque vers 1865 et dans une moindre mesure jusqu’à 1940 malgré une course poursuite pour essayer de rattraper le retard. Le rétablissement n’a eu lieu qu’après 1965-70 environ grâce au puissant développement économique du pays pendant ces annés là (une croissance de 6% en moyenne). Les édiles travaillaient autrefois avec l’hypothèse d’un monde stable et ils avaient raison au tout début du siècle. Cela peut en partie s’expliquer aussi par l’absence de prévision économique, même peu fiable c’est une béquille indispensable. Les échéanciers pour les derniers emprunts du XIXe (des taux très bas pour des durées de 20 à 40 ans !), en particulier pour l’approvisionnement en eau laissent songeur (emprunts pour Lavalette engagés vers 1910 encore en cours en 1950) quand on voit ce que ces sommes sont devenues après la seconde guerre mondiale.

A partir d’environ 1880 le ralentissement de l’économie et les prémisses de crises avaient commencé de perturber cette vision trop statique du monde financier mais avec très peu de conséquences sur la politique d’emprunt. A l’exception de quelques rares maires qui ont intégré dans leurs perspectives le soulagement de la dette par l’inflation (les générations futures paieraient…). Les prêteurs, eux, s’en sont vite aperçu, les petits rentiers comme on le sait furent ruinés tandis que les « nouveaux riches » des années 1920 surent spéculer sur le bouleversement du monde industriel et financier. La situation a été corrigée pendant l’entre-deux-guerres avec des taux plus élevés et des durées plus courtes et on est arrivé plus récemment à une indexation du risque plus ou moins empirique.

Les communes ont donc emprunté et géré presqu’à l’aveugle (j’ai relevé plusieurs fois des emprunts « inutiles ») car elles ignoraient le poids ultérieur des intérêts, la valeur du capital lors de l’échéance. Elles n’en tenaient pas compte et supposaient simplement que les choses en resteraient à peu près comme elles étaient au moment du prêt ; c’était un pari implicite sur la stabilité monétaire et elles faisaient aussi l’hypothèse d’une croissance assez régulière de leurs ressources. D’autre part le comptable avait pour premier objectif le résultat annuel. En somme une politique en apparence très prudente, voire très sage, mais une politique « du doigt mouillé ». Facile à critiquer après coup puisqu’il m’est paru qu’elles auraient pu et dû emprunter plus pour mieux s’équiper et ainsi favoriser le développement économique de la ville.

La récente crise des emprunts, pilotés cependant par des experts, ressortit d’une même attitude bien qu’on soit dans une situation inverse. Pour la ville une dette indexée, des intérêts minimes voire presque nuls, sauvegardent l’activité économique et réduisent la dépense budgétaire immédiate mais à long terme le poids réel est largement sous-estimé. Que ce soit dans les années 1900 ou récemment le modèle de gestion ne tient pas assez compte du décalage entre la dette actuelle et sa valeur à long terme, il y a une contradiction de plus en plus contre-productive entre le budget annuel, même comportant des programmations pluri annuelles, et les financements à long terme procurés par le marché. L’annualité est-elle à conserver dans la comptabilité communale, si oui sous quelle forme ?

D’une façon générale il me semble que la politique d’emprunt des collectivités locales et en particulier celle des collectivités mérite un statut particulier car elle n’a rien à voir avec le fonctionnement du prêt à un particulier ou une entreprise. Le particulier accepte un prix final plus élevé contre une jouissance immédiate du bien ; l’entreprise peut investir et ainsi spécule sur la formation ultérieure d’une plus-value ; la commune n’envisage pas de bénéfice ultérieur et vise un accroissement de patrimoine

La situation serait plus saine si ces collectivités empruntaient surtout auprès d’organismes publics et para-publics avant de recourir, sous protection, au secteur privé.

Une « vraie fausse » décentralisation ?

Les communes doivent d’abord compter sur elles-mêmes, c’est la condition d’une gestion responsable et démocratique. Toutefois le budget de l’Etat colmate les brèches au fur et à mesure des accidents de parcours et, dans un souci louable d’assurer une péréquation des ressources et l’égalité territoriale, il saupoudre les collectivités de base d’aides aussi multiples que compliquées à mettre en œuvre. En définitive l'Etat, surtout avec les dotations globales de fonctionnement et d’investissement, continue de réguler par le haut. Est-ce compatible avec la décentralisation ? avec l’autonomie communale ? chez nombre de nos voisins les budgets locaux sont en grande partie alimentés par un reversement de la fiscalité nationale, si ce système est compatible avec un degré élevé d’autonomie peut-on s’en inspirer ?

L’Etat s’ingère également par le biais d’une législation envahissante inspirée par la recherche, louable, de l’égalité de traitement, de la sécurité. Très souvent il transpose ainsi des directives européennes. Les récentes plaintes des maires contre l’abus des normes de toutes espèces est démonstrative d’un excès de réglementation.

Finances communales et société locale : des relations de plus en plus étroites

Existe-t-il une interdépendance entre la gestion de la ville et le contexte politique national, entre la gestion financière et le contexte socio-politique local ? Oui, de toute évidence, la ville n’est pas un monde clos. Mais la fréquente déconnection de la situation locale avec le contexte national a très souvent caractérisé l’histoire de la ville dont les gestionnaires se sont repliés sur une gestion pragmatique. Le tempo de l'histoire stéphanoise ne s'inscrit nullement dans la classique périodisation par siècle ou par régimes politiques. Sans y échapper totalement. Les points d'inflexion en sont les redéfinitions du territoire stéphanois plus que les grandes crises nationales. Les décalages avec les rythmes nationaux sont donc très fréquents et cela se lit dans nombre de documents budgétaires. Même si c'est le cas de la plupart des histoires urbaines locales, c'est ici encore plus affirmé. Nous sommes souvent à contre-temps, ce n'est pas toujours un handicap.

Les histoires de la ville auxquelles je renvoie le lecteur ont abordé le sujet et apporté de substantiels éléments de réponse mais pour entrer dans le détail financier il serait nécessaire de conjuguer des recherches plus affinées (histoires et sociologies des mouvements sociaux, des syndicats, des partis politiques à l’échelle locale, du patronat etc.).

Des comptes élaborés en toute tranquillité

Même lorsque les maires ont eu plus de latitude pour gérer leur budget leurs marges de manœuvre ont toujours été très limitées. La part de la dépense contrainte est en diminution constante mais reste très importante, sous la Restauration j’ai signalé les corrections que se permettait le Ministre en inscrivant des dépenses ou en supprimant des recettes. Si par la suite la situation s’est améliorée le maire ne peut agir le plus souvent qu’à la marge.

Jusqu’à la Restauration, mis à part les quelques années de troubles révolutionnaires, une gestion honnête et rigoureuse assure le fonctionnement a minima d’une ville très préoccupée par la situation économique du pays dont dépend la sienne. La guerre avec ses profits mais aussi ses fermetures de frontières (fabrication et vente d’armes, de quincaillerie, de ruban) conditionne sa prospérité, à cet égard le Premier Empire conduit à une situation désastreuse. Pendant la Restauration et le Second Empire la très faible autonomie locale en matière de budget limite les interventions des municipalités quand bien même leur libéralisme les inciterait à des dépenses que nous dirions sociales (baisse de tarifs d’octroi, équipements publics, limitation des impositions etc). Lors de l’affaire du legs Jovin j’ai pu relever cette protestation contre des dépenses jugées alors ostentatoires (promenades, théâtre, jardins) et ce n’est qu’un exemple. Mais il ne s’agit, à l’intérieur d’un petit groupe libéral, que de divergences entre les partisans du « progrès » et ceux de « l’ordre ». L’incidence sur la conduite du budget a été extrêmement limitée d’autant plus que les questions sociales, même traduites dans la rue et sans être ignorées, ne pèsaient presque pas dans les décisions. Question de morale d’une époque qui fait plutôt confiance à la philanthropie et à la charité. Ce sont surtout les commerçants, les artisans, la petite bourgeoisie libérale qui pétitionnent, assez souvent et avec succès, ou qui se font entendre par la presse. L’opinion publique, si elle intervient, ne concerne qu’une fraction restreinte de la société locale qui considère que le budget est surtout une affaire technique dont on ne saurait discuter.

Après un réveil observable à la fin du Second Empire les luttes électorales prennent de plus en plus compte de la question sociale et la protestation, d’où qu’elle provienne, cherche des échos au conseil municipal. Mais même au début de la Troisième République on en reste au politicien, ainsi le refus de voter le crédit nécessaire pour organiser la visite du Président Mac Mahon en 1877 ou les incidents au conseil municipal lors de la mort de Gambetta.

La question sociale s’invite discrètement au conseil municipal

Le XIXe est pourtant jalonné de grèves, échauffourées, parfois d’émeutes, de crises politiques municipales ; Saint-Etienne acquiert une réputation de « ville rouge ». Partis politiques et syndicats en prenant en charge la défense des intérêts matériels des ouvriers, employés, des classes populaires, incitent les municipalités à voter des mesures parfois extraordinaires, en cours d’exercice, et qui contrarient les équilibres budgétaires. Cela reste rare et peu important quoique non négligeable lorsque les budgets sont contraints par une crise, c’est le cas par exemple en 1886 avec le vote d’importants crédits pour des chantiers de déneigement ou de transport de déblais ainsi que des subventions à l’hospice. De 1890 à 1914 les maires remarquent que la ville coûte de plus en plus cher à administrer et que des dépenses sociales imprévues sont très difficiles à inscrire au budget. En fin de siècle la montée en puissance des aides médicales et sociales pour la vieillesse, les familles nombreuses, y participent mais ces dernières mesures sont prises en application des lois votées par le Parlement (en 1908-10 la ville doit subventionner des lits à l’hospice, effort qu’elle n’apprécie pas du tout).

L’incidence sur les luttes électorales est toutefois encore limitée de même que sur la conception des budgets, l’agitation se porte plutôt sur la question républicaine (républicains contre réaction de tous genres) et sur la laïcité (rouges contre blancs). Les sujets de discorde ne manquent pas ainsi l’érection d’un buste à Waldeck-Rousseau (1909) ou la destruction de la Croix de mission (1883) ou encore la stricte application des lois sur les congrégations en fin de siècle. La construction d’un nouveau Lycée en donne un autre exemple. A des « contribuables mécontents » le maire répond dans son rapport de 1888 que ce sont là « les critiques des ennemis de nos institutions et de ceux à qui le nouveau Lycée ferait concurrence ». La presse, maintenant bien diffusée, donne la première place aux querelles entre hommes politiques et grands événements politiques nationaux ; les débats budgéraires sont expédiés par des articles sommaires ainsi que le vote annuel des crédits. La confection du budget est peu mise en cause et reste le domaine professionnel et discret du trésorier municipal ; seul le résultat équilibré procure en année « normale » un moment de satisfaction pour le maire qui en fait part à ses administrés.

Enfin les critiques de la gauche sociale contre les budgets des premières municipalités socialistes n’ont guère porté et n’ont trouvé que peu d’échos dans la ville. Le cas de Ledin est significatif d’une gouvernance au centre, entre les écueils de la droite « réactionnaire » et de la gauche « révolutionnaire », la gauche de gouvernement, républicaine, est alors au zénith de sa force et se sent sûre d’elle. Mais on sent poindre une opinion publique plus largement étendue aux couches populaires qui réclament une amélioration de leur sort, la « philosophie » du budget en est parfois modifiée.

Gauche-droite ; rouges - blancs ; « socialos » - patronat : l’affrontement

C’est depuis l’entre-deux-guerres que les conflits sociaux sont traités le plus ouvertement et avec force, d’abord dans les campagnes électorales, puis les réunions du conseil municipal. Mais il ne peut s’agir que d’actions à la marge, d’inflexions d’une politique ; en général l’arrivée d’une nouvelle municipalité ne signifie que très rarement un virage marqué dans la gestion financière. L’inertie des précédentes décisions et les contraintes budgétaires l’expliquent aisément. Une nouvelle équipe doit la plupart du temps disposer d’au moins deux mandats pour retourner une situation puis imprimer sa marque sur la conduite des affaires. Depuis cette séquence, et jusqu’à nos jours, les intentions politiques sont contraintes par les barrières légales et techniques de confection des budgets de telle sorte que le compromis est de plus en plus la règle.

Les grèves des années 20 et 30 puis la grande crise sont inscrites dans les luttes pré électorales et dans les budgets au détriment des équipements urbains qui sont non pas négligés mais sans cesse retardés ou remis à des jours meilleurs. Les déclarations en faveur de la classe ouvrière ne manquent pas : « nous devons garantir au personnel des tramways les avantages qu’il a obtenus par l’effet des lois et par son action syndicale » (juillet 1936) ; « pourquoi les logements aisés paieraient l’eau au même tarif que les ouvriers ? » (1935). Dans les budgets on traduit en votant des subventions aux magasins du service municipal de ravitaillement (prix baissés sur des produits de grande consommation), en votant des garanties d’emprunt pour les constructions à bon marché, en prenant à sa charge le déficit du tramway et ne relevant pas les tarifs du ticket ouvrier (1926, 1931,1936 etc.). Mais dans ces deux derniers cas c’est toute l’activité de la ville qui dépend de la pérennité du système de transport ou du logement. Certaines questions de fond sont renvoyées ainsi celle de la suppression de l’octroi qui donne lieu à des échanges approfondis sur les taxations nouvelles à mettre en place et le recasement des employés. Mais aussi à des discussions dérisoires, ainsi la baisse du droit sur les volailles, 10 centimes en décembre 1935 : un cadeau inutile pour les « bourgeois » tandis qu’on ne baisse pas le prix du « bifteck ouvrier » ! mais qui amorcerait la disparition des barrières d’octroi !

Les municipalités de gauche sont prises à parti par les syndicats patronaux qui reprochent le vote de subventions aux soupes populaires, les tarifs de cantine scolaire pour les enfants de grévistes (1925) un peu plus tard (1931) c’est tout le budget de la municipalité Durafour qui est attaqué sur les dépenses dont le crédit d’un million de F pour les travaux dans les écoles, les subventions aux cantines l’aide aux chômeurs. En 1938 un comité dit du Front des contribuables (petits commerçants, patrons) critique le budget, à quoi la municipalité répond : « respectueux des deniers publics mais fidèle à ses engagements […] (le conseil) ne saurait modifier les grandes lignes de son administration qui sont conformes au programme sur lequel il a été élu par la classe ouvrière et les classes moyennes et qui n’entraînent ni dépenses inutiles ni injustifiées… ». Très paradoxalement c’est après la grève de 1937 que l’industriel E Mimard lègue à la ville la moitié de ses actions ! un cadeau qui se révèlera empoisonné comme on l’a constaté ci-dessus.

Les Trente glorieuses s’accompagnent elles aussi d’un cortège revendicatif qui pèse sur les décisions budgétaires, voire qui visent plus loin. Au début des années 1960 à l’imitation du mouvement des luttes urbaines et inspiré par les mouvements italiens, en particulier celui de Bologne, plusieurs collectifs (partis, syndicats, associations) réclament de meilleurs équipements sociaux dans les quartiers dits de « grands ensembles » : centres commerciaux, desserte en transports publics, centres sociaux, maisons des jeunes. Le mouvement connaît une bonne réussite, plusieurs de ces équipements sont d’ailleurs mis en service. Le Comité de liaison de ces mouvements issus de la base populaire, organisé après la grève des mineurs de 1963, devient alors une espèce de tremplin pour la conquête du pouvoir municipal par de nouveaux militants qui accusent « les carences » de l’équipe précédente. Ce sont là les prémisses de l’élection d’une municipalité de gauche qui reprend logiquement cette politique dans son programme.

Mais assez rapidement la participation des habitants à l’amélioration de leur qualité de vie passe aux mains de militants et de spécialistes suffisemment informés. L’urbanisme redevient une affaire de techniciens. La participation des citoyens a tout de même été pérennisée sous la forme des consultations à l’échelle des quartiers.




Finances locales et paysage urbain, un échec suivi d’un renouveau

« Saint-Etienne en un mot est un immense chantier » V Smith 1828

Inachèvement et médiocrité, d’abord produire

Quant aux réalisations elles ont été médiocres. Médiocres car le plus souvent tardives et conçues, parfois dans la précipitation malgré des années de réflexion, souvent au coup par coup, implantées au hasard des occasions, sans vision d'ensemble ou sans ambition. Ce qui était dénoncé dès la fin du XIXe. Et quelles économies de bout de chandelle ! Une voirie toujours à la recherche de crédits et trop souvent en piteux état ; des égouts, pourtant décidés bien avant que d’autres villes n’y songent, mal financés se raccordant tant bien que mal en un réseau obsolète dès le début du XXe. Un équipement calculé au plus juste. Qu'on se souvienne du théâtre si attendu, si vite construit, si vite consolidé, auquel un opportun incendie a heureusement évité une probable catastrophe (et si longtemps sans remplaçant) ; de la Bourse du Travail à la pittoresque histoire mais conçue en partie pour étayer la colline Sainte-Barbe en économisant une façade ; du Palais de Justice qu'il a fallu reconstruire au plus tôt ; de l'Hôtel de Ville accumulant les malfaçons même quand par ostentation on l'a surmonté d'un dôme qu'il a fallu supprimer en 1953 ; de la malencontreuse régénération des Gauds qui n'a abouti, après faillite d'une compagnie aux intentions douteuses, qu'à un immeuble construit et un quartier inachevé ; de la longue absence d'une préfecture qui a dû cohabiter avec la mairie, d’un lycée, d’un hôpital attendus pendant des décennies…la liste n'est pas exhaustive. Certes nombre de villes ont connu de telles mésaventures mais convenons que la nôtre les a accumulées. On objectera quelques réussites, en premier lieu l'alimentation en eau (mais qu'auraient fait les artisans et industriels sans eau ?) ; quelques belles places et promenades.

La rétrospective de l'action municipale met en relief que Saint-Etienne est plus faite de projets, de plans avortés, abandonnés, détournés de leurs visées premières, sinon de bricolages que de grandes entreprises achevées telles qu'elles furent conçues. Mais une espèce de « darwinisme historique » engendré par les contraintes matérielles et financières a éliminé les plus mauvaises options ou des solutions contradictoires et abouti à une organisation urbaine à peu près rationnelle : on n’aurait pu mieux faire avec de si médiocres moyens et le plus souvent si peu de gouvernance et d’ambitions. Mais on pouvait certainement mieux faire.

Jusqu'au milieu du XXe l'étroitesse d'esprit, les calculs mesquins, l'art de la débrouille, le sentiment qu'on peut, voire qu'on doit, se contenter du peu qu'on a, ont à peu d'exceptions près inspiré les politiques municipales. Tout observateur de la vie stéphanoise doit convenir que la ville a manqué d'un patriciat et d'une véritable élite urbaine. Par contre elle n’a presque jamais entravé l’activité industrielle que ce soit par ses investissements ou ses décisions d’aménagement. Qu'ailleurs on ait du mal à penser Saint-Etienne comme une grande ville, qu’on y voie plutôt une grande agglomération industrieuse malgré son renouveau contemporain, malgré toutes les qualités qu'on reconnaît volontiers à sa population, est alors assez compréhensible. Peut-être est ce de bon augure pour une reprise de son destin industriel ? et pourquoi pas un motif de fierté ?

L’histoire politique et administrative locale a été fortement conditionnée par les définitions successives des limites dans lesquelles s'est circonscrite l'action des édiles, cadre qui de son côté suscite le sentiment d'appartenance à ce qu'il est convenu d'appeler, dans notre cas, Saint-Etienne. Mais qu'est ce que Saint-Etienne maintenant ? Certainement plus que le strict dessin de ses frontières, plus que sa stricte activité économique car elle rayonne bien au-delà, plus que la somme des rues, monuments, réseaux, services que les municipalités successives ont réalisés. Comme toute ville c’est d’abord une invention permanente de la société qui y vit, ensuite l’image sous laquelle à l’extérieur on la perçoit.

De bonnes finances locales dépendent de circonscriptions renouvelées

Les finances communales nerf de l'action municipale ? Certes, mais bien plus que cela. Sans la capacité d'imposer et de taxer, les maires auraient beaucoup géré mais peu décidé. Ils n'auraient pas disposé d'une pleine liberté pour répondre à une double tâche, satisfaire les souhaits immédiats de leurs électeurs et parfois, malgré quelques protestations, assurer la vie de la commune en l'équipant pour le long terme. En ce sens l'impôt est une des meilleures bases de la démocratie et tout particulièrement de la démocratie locale. C'est le modèle, le modèle républicain, dont j’ai retracé dans la première partie, et à grands traits, la mise en place puis l'évolution : une commune, un maire, un budget. Il est parfois peu opérant, voire inefficace ; mais il a eu ses vertus et elles furent nombreuses ; il a atteint ses limites. Il mérite d’être refondé.

En effet la période contemporaine se caractérise par le désaccord absolu entre le découpage administratif, de la région au département à la commune, et la répartition effective des ressources, des hommes et des activités. Malgré des réussites indéniables dont témoignent les tableaux ci-dessus, l'enchevêtrement des systèmes locaux, politiques et administratifs, n'a pas facilité la tâche des maires soucieux d'efficacité ; la situation s'est bloquée plusieurs fois au détriment d'une saine et rapide réalisation des ambitions de la ville. Mais les plus avisés des décideurs ont su parfois en jouer et en bénéficier. Comment gérer un budget dans ses conditions, sans horizon dégagé, en l’absence de règles assez stables et d’informations sûres ? L’imbrication des budgets dans de multiples structures, leur complémentarité ou leur concurrence, ont totalement désagrégé la simplicité originelle du modèle. Je comprends les appréhensions d’une petite commune dont le budget est noyé dans l’océan communautaire, je soupçonne la grande ville d’orienter la dépense vers la réalisation de ses ambitions. La première a peut être tort car elle est aussi bénéficiaire, la seconde a sans doute raison, la ville se confond avec l’agglomération, ce qui est bon pour l’une est bon pour l’autre…

La solution pourrait venir d’un retour au principe fondateur : une circonscription - un élu - un budget. Or entre le niveau national et le niveau local illisible dans sa fragmentation excessive, il manque un échelon intermédaire efficace. Car la décentralisation, et c’est un paradoxe, a plus fragilisé que libéré les énergies locales ; les inconvénients de la centralisation sont même aggravés tant, d’une part les collectivités locales manquent encore d’expertise et tant, d’autre part, l’Etat a retrouvé par d’autres chemins l’accès au contrôle, à la direction, voire à l’ingérence inutile dans les affaires locales. Mais évidemment cela nécessite une toute autre organisation territoriale que la nôtre et une redéfinition des droits et devoirs des collectivités et de l’Etat. Est-ce possible ?

La principale difficulté d’un nouveau maillage territorial reste encore à résoudre entre la nécessité de définir et délimiter la ville et l'apparition inéluctable, sous l'effet de la diffusion de l’habitat, de petites régions urbaines, voire de pays urbains. La seconde et non la moindre tient à la plasticité des regroupements optimaux dans ces périphéries inorganisées et où se concentrent de nos jours l’essentiel des difficultés économiques et sociales. Autour des grandes villes ou des métropoles qui tirent assez bien leur épingle du jeu, les territoires périphériques, dont les intérêts divergent ou confluent au gré d’un monde trop changeant, sont en danger et en recomposition presque permanente. Des cadres rigides sont exclus tout autant que la confusion actuelle. Le pouvoir politique est bien conscient du dilemme mais à chaque tentative il empile sans se résoudre à supprimer, le département en particulier, mais aussi le canton, faisant une résistance obstinée. Les communes sont aussi en cause. Si elles méritent d’être conservées ce n’est sûrement pas à tout prix. Les égoïsme locaux, les positions acquises, les forteresses électorales sont âprement défendues et sans cesse de bonnes raisons de ne pas trancher l’emportent. Le retour à la simplicité administrative gênerait-il tant que cela ?

Notre démocratie locale est à renouveler : quels territoires ? quelles assemblées ? quels pouvoirs ? quels financements ? On ne fera pas l'économie d'un bouleversement aussi radical que celui de 1790 qui a ouvert notre histoire communale. Le plus tôt sera le mieux.

Claude Cretin novembre 2013




























Annexes

1 - Les maires de Saint-Etienne depuis 1944

Août 1944 : Dr H Muller
Octobre 1947 : Alexandre de Fraissinette
Mars 1959 : id
Décembre 1959 : Michel Durafour
Mars 1963 : id
Mars 1971 : id
Mars 1977 : Joseph Sanguedolce
Mars 1983 : François Dubanchet
Mars 1989 : id (démission avril 1994)
Mai 1994 : Michel Thiollière
Mars 1995 : id
Mars 2001 : id
Mars 2008 : Maurice Vincent

2 - Quelle fiscalité locale chez nos voisins ? la place de la France

Poser la question c’est y répondre : partout les communautés locales disposent d’un minimum de pouvoir financier car partout elles souhaitent jouir de l’autonomie. Mais à des degrés variés, les situations en Europe sont extrêmement diverses. Si certaines collectivités sont tout à fait indépendantes d’autres sont étroitement contraintes dans leurs choix. Une seule préoccupation est partagée : partout et depuis plus de vingt ans elles réclament une réforme… sans l’obtenir ! c’est que les systèmes fiscaux locaux, très souvent héritiers d’une longue histoire, sont devenus trop complexes, suite à un empilement de taxes et impôts. Autre point de convergence, partout les réformes échouent. La poll tax (impôt de capitation, par tête) de M Thatcher a été retirée, l’Italie légifère puis revient sur les décisions, en France les lois se succèdent, l’Europe en reste à des législations datant au moins du XIXe dans leur grands principes. Pour l’instant une harmonisation est tout à fait exclue.

Trois options principales sont utilisées : taxer, pour l’essentiel de la ressource, la propriété ou l’usage du foncier ; utiliser l’impôt sur le revenu comme base de la ressource locale ; recevoir du budget national la majeure partie du financement local. S’y ajoutent des taxes qui ne représentent en général qu’une faible partie de l’impôt local ; elles sont inexistantes ou presque en Grande-Bretagne et au Danemark, faibles en France (env. 10 %) République Fédérale d’Allemagne, Italie, Belgique, fortes et très fortes, mais ce sont des exceptions, aux Pays Bas (25 %), au Portugal, en Espagne (40 %).

Comme le lecteur a pu le constater la France a une position particulière en combinant les trois options de financement. Elle fait partie d’un petit groupe (France, Belgique, Luxembourg) dont la proportion de recettes propres dans le total de leurs recettes est élevé. En même temps elles ont un poids économique assez faible si on compare leurs dépenses locales au produit brut de la commune. Il arrive que les deux ratios soient élevés et les communes aient une forte autonomie financière et administrative, cas d’un petit groupe nordique (Suède, Finlande, Danemark). La groupe majoritaire peut être dit « européen » (Espagne,Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Royaume Uni, Italie). Les recettes propres sont en faible proportion de la recette totale, la dépense publique locale est faible par rapport au produit brut ; l’Etat ou les collectivités locales intermédiaires alimentent les budgets par des reversements et contributions et de fait les collectivités locales sont assez encadrées dans leurs décisions y compris dans le recours à l’emprunt.

Les plus contrôlées sont en Allemagne, Royaume Uni, Autriche, Pays Bas ; Italie Espagne « européennes » sont proches de la France qui toutefois occupe une position particulière car elle a le maximum de ressources propres mais presque le minimum pour la proportion dans la richesse locale. Le type « européen » a le mérite d’être simple, peu coûteux, mais dispense les communes de leur responsabilité, l’Etat agit à leur place (paradoxal pour des pays décentralisés), la légitimité politique est faible, l’incitation à la coopération très faible (mais il s’agit de communes de très grande taille). Par contre pour la vie quotidienne, les affaires les plus courantes, le degré d’autonomie est plus élevé que par ex. en France Le modèle « français » est trop complexe mais il combine responsabilité (autre paradoxe pour un état très centralisé), prise de risque raisonnable (sauf exception !) légitimité politique par contrôle démocratique local et enfin possibilité d’association avec les voisins. Il est cependant critiquable par sa difficulté le lecture et ses fortes inégalités, entre contributeurs et entre collectivités.

L’autonomie financière n’est qu’un aspect de la plus vaste question de l’autonomie locale qui ressortit du politique, être autonome pour le budget ne signifie pas qu’on l’est dans la prise de décision. A ce propos les médias ont parfois évoqué la possibilité d’une faillite pour une commune française ou européenne, le risque est nul, dans tous les cas l’Etat reprend la gestion en main. Aux USA les faillites de comtés et de collectivités locales ne sont pas rares et causent des dégâts considérables surtout pour les retraités (fonds de pension) et les petits épargnants. Le cas de Detroit, dont la faillite menaçait en juillet 2013, est le plus spectaculaire, la ville étant écrasée par le poids de 18,5 milliards de dollars (14 milliards d’euros) impossibles à rembourser. Le pouvoir central a dû intervenir pour secourir la ville dès septembre car il était inenvisageable de passer par pertes et profits ni la caisse de retraite des employés municipaux ni les dettes des banques bien que l’état du Michigan ait envisagé cette banqueroute. La mise en faillite est toutefois réenvisagée à l’entrée de l’hiver 2013 avec toutes ses conséquences désastreuses.

La fiscalité locale en 2013

En comparaison le système français est complexe et repose surtout sur plusieurs comptabilités et des logiques budgétaires et comptables difficilement conciliables. Le trésorier n’a pas le même document que l’ordonnateur, le maire ou l’assemblée délibérante, et la production d’un document simple et unique est pour l’instant non envisageable, la loi de décembre 2012 sur les finances publiques ne traite pas (encore ?) du sujet. En fait une connaissnce fiable des finances locales est encore lointaine !

Les  « quatre vieilles » n’ont pas totalement disparu et sont modifiées :
La taxe foncière sur le bâti alimente le budget de la ville, de la communauté, du département ; sur le non bâti elle va à la ville et la communauté.
La taxe d’habitation va aussi à la ville et la communauté.
Seule la taxe professionnelle a disparu, la contribution économique territoriale des entreprises qui la remplace se partage en contribution foncière pour la commune et la communauté et en cotisation à la valeur ajoutée qui est distribuée entre commune, communauté, département, région. Le tout est complété par diverses taxes dont quatre concernent la production d’énergie.

La composition des impôts locaux, quelques exemples européens

fiscalité proprefisc partagéedotationsdiversnombre de collectivitésSuède69229290France494341336 682 avec Dom-RomDanemark493232598Finlande4342726348Italie34104788 101Union Europ2720371690 782Belgique2750176589Espagne25244298 115Portugal2544031308Pays Bas175627441Allemagne1542281512 339Royaume Uni15124924406Autriche93332252 367Irlande96526114
Fiscalité partagée : en provenance d’une circonscription locale de plus grande taille (région par ex) ou de l’Etat.
Dotation : Etat le plus souvent
Collectivité dites de premier niveau Source : Conseil des prélèvements obligatoires 2010 et Dexia 2008


Le contribuable n’a pas une connaissance suffisante de sa situation budgétaire ni de celle des collectivités. Il est tenté de penser que les bases des impositions sont arbitraires et peu ou pas du tout liées à la valeur du bien, c’est très flagrant pour la taxe d’habitation (la valeur cadastrale n’a pas été révisée depuis trop longtemps). Les parts reversées au département et à la région sont très discrètement signalées mais la part de la communauté d’agglomération est de mieux en mieux perçue par le cotisant. Les campagnes électorales contemporaines en tiennent compte.

Du côté décideur depuis toujours la tendance est à minorer le poids apparent de l’impôt par exemple en arguant de la non augmentation des taux. Par contre les avantages retirés des dépenses publiques sont toujours mis en vedette sans qu’un véritable arbitrage soit exposé sur l’intérêt de la démarche : emprunter ? imposer plus ? renoncer ? reporter ?












3 - Les comptes administratifs de 2000 à 2011, analyse


2000milliers d’euroseuros par hab.moyenne strateratio %moy. %fonctionnement recettes265 4061 4461 325dont impôts locaux72 96239843427,532,7 dotation globale de fonc.51 00527823619,217,9dépenses249 5281 3601 230dont personnel114 502624 58745,947,7charges financières22 028120828,86,4excédent15 8788796investissementrecettes145 464793927dont emprunts45 38924724131,225,9emplois d’investissement152 683832937dont équipement74 24940530348,632,3remboursements emprunts59 80132622239,123,7excédent brut de fonctionnement43 261capacité d’autofinancement29 583encours de la dette403 99422011 552annuité 41 249443 29730,622,3fonds de roulement- 17 324- 9419


2001milliers d’euroseuros par hab.moyenne strateratio %moy. %fonctionnement recettes254 5291 3871 248dont impôts locaux72 76839738828,531 dotation globale de fonc.50 72427624419,919,5dépenses245 1711 3361 113dont personnel115 94763253847,250,1charges financières21 445117538,74,7excédent9 35851135investissementrecettes142 596777690dont emprunts58 92432113641,319,7emplois d’investissement137 395749695dont équipement42 27323030430,743,8remboursements emprunts59 90832616043,623excédent brut de fonctionnement41 706227220capacité d’autofinancement24 595encours de la dette403 0162 196976annuité 79 768435 21031,316,8fonds de roulement- 13 512- 7462





2002milliers d’euroseuros par hab.moyenne strateratio %moy. %fonctionnement recettes262 4641 4301 241dont impôts locaux74 75340739928,432,1 dotation globale de fonc.50 62727624619,219,8dépenses244 7971 3341 116dont personnel118 73064756748,550,8charges financières21 192115528,64,7excédent17 66696125investissementrecettes198 7271 083562dont emprunts68 04437115034,226,6emplois d’investissement194 1911 058570dont équipement36 14219724318,642,6remboursements emprunts72 39239417237,230,2excédent brut de fonctionnement41 671227205capacité d’autofinancement29 946163174encours de la dette398 6862 1721 100annuité 89 833489 221fonds de roulement-1 552-840





2003milliers d’euroseuros par hab.moyenne strateratio %moy. %fonctionnement recettes258 6251 4091 246dont impôts locaux74 50440641728,833,5 dotation globale de fonc.50 93827824519,719,6dépenses248 3541 3531 125dont personnel120 01465456748,350,4charges financières14 13777455,73,9excédent10 27256121investissementrecettes143 483782556dont emprunts56 84131016839,630,1emplois d’investissement124 743680551dont équipement34 9971912452844,4remboursements emprunts65 31735618252,333excédent brut de fonctionnement37 731206198capacité d’autofinancement28 602encours de la dette390 3412 1271 059annuité 78 142426 22330,217,9fonds de roulement10 3229642





2004milliers d’euroseuros par hab.moyenne strateratio %moy. %fonctionnement recettes261 3171 4241 284dont impôts locaux76 66641843729,334 dotation globale de fonc.53 30529025620,420,1dépenses241 6521 3171 152dont personnel120 45965657449,849,8charges financières13 38673425,53,6excédent19 675107132investissementrecettes100 739549606dont emprunts10 058551411023,2emplois d’investissement109 562597599dont équipement37 60520528134,346,8remboursements emprunts20 59811213018,821,6excédent brut de fonctionnement39 029213209capacité d’autofinancement29 407160184encours de la dette379 8012 0701 076annuité 32 72117816712,513fonds de roulement8 9024955





2005milliers d’euroseuros par hab.moyenne strateratio %moy. %fonctionnement recettes273 4021 4901 322dont impôts locaux77 38542245228,334,2 dotation globale de fonc.54 03229426219,719,8dépenses258 4051 4081 194dont personnel124 59667959048,249,4charges financières15 35284415,93,4excédent14 99782128investissementrecettes161 620881714dont emprunts24 06513116714,823,3emplois d’investissement162 409885709dont équipement46 91225629028,840,8remboursements emprunts20 80311316512,823,3excédent brut de fonctionnement30 292165206capacité d’autofinancement25 299encours de la dette383 5082 0901 078annuité 31 841174 20211,615,2fonds de roulement3 7682139





2006milliers d’euroseuros par hab.moyenne strateratio %moy. %fonctionnement recettes272 0641 4821 333dont impôts locaux78 67842947028,935,2 dotation globale de fonc.54 69729826920,120,1dépenses266 6091 4531 204dont personnel129 70870760848,650,4charges financières20 372111437,63,5excédent5 45530129investissementrecettes152 136829609dont emprunts20 05110912513,120,5emplois d’investissement143 497782597dont équipement41 92822834429,257,7remboursements emprunts21 6141181211520,3excédent brut de fonctionnement26 191capacité d’autofinancement15 596encours de la dette381 3842 0781 083annuité 32 156175 15911,811,9fonds de roulement3 1481762



2007milliers d’euroseuros par hab.moyenne strateratio %moy. %fonctionnement recettes273 6961 4911 373dont impôts locaux81 14444248529,635,3 dotation globale de fonc.55 38830227420,220dépenses261 4081 4241 255dont personnel135 63873963251,850,3charges financières16 21088456,23,6excédent12 28767118investissementrecettes131 487717613dont emprunts23 98113111618,218,9emplois d’investissement138 550755614dont équipement55 00330034639,756,2remboursements emprunts24 26613212017,519,4excédent brut de fonctionnement33 224181219capacité d’autofinancement23 168126174encours de la dette381 0972 0771 078annuité 36 453199 16013,311,6fonds de roulement2 2141250







2008milliers d’euroseuros par hab.moyenne strateratio %moy. %fonctionnement recettes273 8411 4921 354dont impôts locaux82 85045149930,236,9 dotation globale de fonc.56 46030827920,620,6dépenses261 3511 4241 255dont personnel137 20074863752,550,7charges financières15 39684485,83,8excédent12 4896899investissementrecettes124 325677585dont emprunts20 08010912416,121emplois d’investissement125 608684569dont équipement50 3022743144055,1remboursements emprunts20 36911111016,219,3excédent brut de fonctionnement33 285181205capacité d’autofinancement22 653123156encours de la dette380 8132 0751 091annuité 33 477182 15312,211,3fonds de roulement734447



2009milliers d’euroseuros par hab.moyenne strateratio %moy. %fonctionnement recettes275 0831 5221 304dont impôts locaux91 73350750733,338,8 dotation globale de fonc.55 85230927520,321dépenses263 9341 4601 199dont personnel138 29976561452,451,2charges financières15 23384385,73,1excédent11 14962105investissementrecettes102 887569552dont emprunts15 9948812015,521,6emplois d’investissement114 428633569dont équipement55 0083043364859,1remboursements emprunts21 92112110119,117,8excédent brut de fonctionnement38 817215195capacité d’autofinancement26 6481471579,612,4encours de la dette374 8682 0741 085annuité 33 598186 137fonds de roulement-5 416-3041







2010milliers d’euroseuros par hab.moyenne strateratio %moy. %fonctionnement recettes304 7941 7071 355dont impôts locaux94 7235315273138,9 dotation globale de fonc.55 53131127418,220dépenses280 3601 5701 235dont personnel134 91275663948,251,7charges financières14 30080345,12,7excédent24 433137120investissementrecettes133 619748531dont emprunts17 400971081320,3emplois d’investissement124 264696521dont équipement45 26125926437,254,5remboursements emprunts23 15413011518,622,1excédent brut de fonctionnement49 082275216capacité d’autofinancement36 942207179encours de la dette385 3202 1581 090annuité 33 425187 14710,910,8fonds de roulement22 36932567

2011milliers d’euroseuros par hab.moyenne strateratio %moy. %fonctionnement recettes274 9811 5631 383dont impôts locaux97 06655255035,339,7 dotation globale de fonc.54 80731227319,919,7dépenses254 6651 4471 258dont personnel135 37776965053,151,6charges financières15 21486375,92,9excédent20 316115125investissementrecettes99 442565507dont emprunts12 335709912,419,5emplois d’investissement111 283633526dont équipement47 11426830442,357,8remboursements emprunts24 00313611321,521,4excédent brut de fonctionnement49 511281230capacité d’autofinancement35 65720319018,916,7encours de la dette398 4122 2641 080annuité 36 978210 14513,410,5fonds de roulement25 72114661
Source : http:/alize2.finances.gouv.fr comptes administratifs tels qu’exploités au Ministère de l’Intérieur
Le tableau a été simplifié de façon à résumer la politique financière sans entrer dans les subtilités de la comptabilité.
L’excédent de fonctionnement est un excédent comptable, l’excédent brut tient compte d’autres ressources dont financières et reports. Le tableau complet publie le besoin de financement de la section d’investissement duquel se déduit le résultat d’ensemble en le soustrayant de l’excédent comptable. L’annuité de la dette est en % des produits de fonctionnement. La strate compile les résultats des communes de plus de 50 000 habitants incluses dans une communauté de communes. Une strate des villes de plus de 100 000 h aurait été préférable.

4 - Jovin-Bouchard, généreux donateur

« Saint-Etienne qui avait pensé un instant, par suite du legs Jovin-Bouchard, posséder un hôtel de Préfecture ne lui coûtant rien ou presque rien […] avait été entraînée à des dépenses aussi considérables qu'imprévues et se trouvait tout d'un coup face à de nombreuses dépenses plus considérables encore si l'Etat exigeait la réalisation des promesses antérieures » (1er juillet 1853, Quantin, maire de la ville, séance du CM). On ne saurait mieux résumer les inconséquences de la politique urbaine au XIXe siècle : des ambitions légitimes et des projets parfois utopiques, justifiés par la croissance de la ville, mais des ressources gérées en médiocre boutiquier mal inspiré avec en permanence l'espoir d'économiser, voire d'éviter la dépense par quelque bricolage ou arrangement !

La ville depuis longtemps, dès 1830, souhaite le transfert de la Préfecture et pour appuyer son dossier elle s'engage à en assurer les frais ainsi qu'à offrir une partie de l'Hôtel de ville pour établir les bureaux (CM 23 fev 1834) sinon à construire un hôtel de préfecture, une charge qui devrait pourtant en toute logique revenir au département. L'importance du legs ne saurait toutefois se mesurer à ses seules conséquences financières pour la gestion de la ville, les détails de l'affaire et des procès prouvent que Jovin, ainsi que quelques autres conseillers, avait des projets cohérents et ambitieux. Le legs Jovin (9 oct 1835) est inspiré par cette ambition légitime mais Peyret-Lallier, le maire, refuse de s'engager trop rapidement au motif de la prudence fiscale, les dépenses excèdant largement les ressources de la ville : « si le conseil eût pris le temps d'étudier le projet, il aurait reconnu les inconvénients […] l'accroissement des dépenses […] et l'avantage d'en ajourner l'exécution » (presse de 1842 puis brochure de 1852, AM 2M 37). Il démissionne. Son successeur, Deprandière - un des légataires de Jovin - accepte en espèrant complèter par un emprunt le capital espéré, mais manifestement insuffisant. Son programme s'élève à 3,4 millions de F obtenus en partie par un emprunt de 1,8 million. Sur ce dernier point, et la polémique est très vive, comme une commission municipale conclut à un ajournement il s'estime, lui aussi, désavoué et démissionne. Son successeur accepte - enfin ! - les clauses du legs (9 nov, approuvé par ordonnance royale du 10 mars 1836).

Certains opposants exposent des motifs plus politiques. Selon eux le programme de la mairie ne répond pas aux besoins les plus urgents et les plus nécessaires au développement de la ville ainsi qu'aux besoins vitaux de ceux qui, par leur travail et leurs contributions à l'octroi, apportent le plus à la richesse urbaine : l'eau, les lavoirs et bains, le marché couvert, la voirie seraient plus utiles que des monuments ostentatoires. Une brochure de 1840 parle à ce propos « d'oubli inconcevable ». D'un point de vue purement urbanistique il est cependant indispensable de donner un squelette à une ville, jusque là informe, en s'appuyant sur les points forts que sont avenues, larges rues, monuments et équipements publics. Dilemme récurrent des politiques plus que des aménageurs : où se situe l'équilibre entre satisfaire les besoins du quotidien et investir dans des travaux dont l'intérêt ou la rentabilité sont lointains voire incertains ? Certes la ville avait connu un programme, celui de Salichon (maire en 1817 - 19) appliqué par H.Royet mais on en était loin.

De fait, sommée en 1837, date butoir pour le début des travaux, d'exécuter les clauses du testament, la ville recule maintenant devant la dépense probable. Quand en 1838 Deprandière présente son programme la préfecture figure pour 400 000 F alors que le legs lui en affecte 100 000 et que le devis, évidemment, ne cesse de s'élever de 464 000 à 530 000 F puis plus de 630 000. En réalité la facture finale sera encore plus lourde : en oct 1855 l'architecte Boisson l'estime à 780 000 F. Les légataires menacent de caducité la succession (dont ils pourraient alors disposer ?), la ville réclame son dû pour au moins acheter les terrains ce que les légataires contestent aussi, ce type d’achat n’étant pas explicitement prévu par le testament ! puis ils prennent conscience de la difficulté et soucieux de ne pas avoir à exécuter eux-mêmes de tels travaux si la ville renonçait, deviennent alors favorables à une négociation que leur autorise le testament. Une transaction entamée par Jovin-Deshayes, maire pour peu de temps car probablement désigné à cet effet, est approuvée en conseil municipal (août 1842) par 17 voix contre 10. Elle aboutit au traité du 7 octobre 1843 signé par Tézenas successeur de Jovin-Deshayes et les comptes ne seront apurés qu’après 7 versements, le dernier ayant lieu en 1861 ! Le legs est évalué à 568 934 F (le capital étant placé à 4% la liquidation montera à 641 000F) et un délai de 5 ans est fixé pour achever la construction de la préfecture dont le plan est approuvé en juillet 1844 par le Conseil des Bâtiments. La ville peut acheter les terrains du clos Giraud, ceux du futur cours Jovin et ceux de l'Heurton. Le reste des clauses est abandonné sans difficultés. L'imbroglio des dispositions testamentaires - que j'ai simplifié ! - est à peu près dénoué, la pression des légataires de Jovin et de leurs partisans l'a emporté sur la prudence traditionnelle des édiles.


5 - Le coût des barrages et de l’adduction d’eau, une estimation

L'aqueduc des sources : captage des sources 350 000 F ; aqueduc 1,08 million ; terrains 750 000 F ; distribution urbaine 920 000 F ; divers 110 000 soit plus de 3 millions de F. En fait il faudrait ajouter encore quantité de dépenses non attribuées directement à la question de l'eau, un seul exemple 700 000 F pour les études préliminaires en 1856 sans oublier le matériel, l'entretien, les imprévus etc. et les achats de forêts qui se poursuivent de nos jours.

Les barrages : La ville a payé intégralement les trois ouvrages à l'exception d'une subvention infime de l'Etat à la fin du Second Empire (570 000 F). Pour le Gouffre d’Enfer d’ il est prévu 1,3 million en 1860 (barrage seul) mais 3,190 selon les ingénieurs en ajoutant les travaux connexes et les indemnités. Le projet complet est estimé à 4,291 millions en 1865. (le Pas de Riot revient à environ 2,5millions)

En renonçant à un nouveau système de distribution de l'eau qui coûterait un demi million de F la ville pourrait financer à hauteur de 2,295 puis, refaisant ses calculs, le maire pense pouvoir aller quand même à 2,6 M si nécessaire. Mais entre temps les prix augmentent, notamment les terrassements, il faut en réalité trouver au moins 3 millions de F. On augmente alors les droits d'octroi en votant un "décime exceptionnel"d’octroi (10%) et un impôt spécial affecté aux eaux soit 5% sur les contributions locales, de durée limitée.

Le plus important a toutefois été l'indemnité de 2,150 millions payée aux usiniers, après un long procès, pour le rachat de leur droit à l'eau du Furan ! Total 10,43 probablement un peu sous-estimé car de nombreux travaux sont passés légalement ou non dans d'autres rubriques.
Le Lignon a coûté encore beaucoup plus.

En 1904 L dans le bilan de son mandat le maire Ledin estime à 11 M le coût global des approvisionnements en eau. L'effort est considérable mais il a été prioritaire car l'eau est absolument indispensable au développement industriel et démographique, la plupart des autres investissements sont réduits voire sacrifiés. En 2013 la ville est en mesure de venir en aide aux communes de toute l’agglomération y compris dans le sud de la plaine du Forez en dehors de celles déjà alimentées en périphérie.

La charge sur la dette, les emprunts : de 1824 à 1865 la ville emprunte 8 millions de F dont environ 4 vont aux travaux d'adduction et d'assainissement.

Il est prévu deux emprunts d'un total d'un million pour le barrage du Gouffre d'Enfer, mais en fait sont empruntés 2,3 M en 1859 et 2 M en 1863 à 4,5%, durées 5 et 12 ans. En 1873 on emprunte 2,3 M, soit les recettes ordinaires d'une année, pour le Pas de Riot qui vient de s'ajouter au Gouffre d'Enfer.

Dans son rapport du 4 mai 1858 Faure - Belon, le maire, propose de financer par des emprunts pour un total de 2,3 millions. Ce qui sera fait auprès de la Caisse des Dépôts pour 1,289 million et par des obligations placées dans le public pour 1,011 million suite à l'approbation des travaux par le Conseil d'Etat le 25 février 1858 (emprunt autorisé le 9 mai 1859). La ville se libèrera par une taxe de 10% sur l'octroi dite "décime exceptionnel" et 5 centimes extraordinaires pendant 10 ans ; malgré tout il faudra encore emprunter 2 millions (autorisation du 22 avril 1863) car la facture n'a cessé d'augmenter et dépasse 4 millions. D'autres emprunts suivront. La ville a consenti des efforts financiers considérables - un total de plus de 50 millions entre 1858 et 1939 - pour s'assurer des ressources en eau potable alors qu'elle était très économe, voire réticente à investir. Le plus remarquable c'est qu'à 570 000 F près - la contribution de l'Etat - ce sont les Stéphanois qui ont financé, en prêtant de l'argent à la ville, en payant l'octroi et quelqu'autre impôt local. On peut les remercier !

De 1899 à 1937 il y a 7 emprunts d'un total de 61,410 millions dont 39 rien que pour 1936 et 1937 et d'autres ont suivi puisque c'est sous la municipalité Durafour qu'on a terminé Lavalette et l'usine de Solaure.

La dépense totale est imposante, c'est par exemple 40% des encours d'emprunts en 1939, on ne lésine pas pour l'eau. Si on avait vu trop grand par rapport au développement de la ville cela lui a garanti la marge actuelle en cas de sécheresse et la possibilité de vendre de l’eau à un grand nombre de communes périphériques ou de les aider en cas de pénurie.

6 - Le maire et son territoire

Aménager une ville de montagne

Si on en croit un maire, Barrallon, « Saint-Etienne s'est développée, contrairement aux lois naturelles, dans un vallon étroit et sur un cours d'eau qui n'est pas en rapport avec l'accroissement de la population ; on trouverait difficilement ailleurs de semblables conditions » (conseil municipal, session de novembre 1893). En peu de mots et malgré une conception assez naïve du déterminisme en géographie, voilà un aspect des difficultés de la gestion municipale fort bien exposé. Mais ce site difficile est aussi l'occasion d'exprimer une certaine fierté, c'est ainsi qu' à la question d'une personnalité canadienne en visite : « où sont les Cévennes ? », un autre maire, L Soulié, répond : « au bout de la rue ». Le visiteur convint que le voisinage de la grande montagne hérissée de sapins géants n'était pas la moindre originalité de Saint-Etienne ("L'illustration économique et financière", 8 oct. 1927).

Car nous sommes dans une ville de montagne, non seulement par son altitude moyenne de 5 à 600 m mais aussi par ses horizons de collines, ses lointains ouverts sur quelque suc du Velay ou la longue plate-forme des Monts du Forez et surtout par le millier de mètres dont le Pilat la surplombe. Elle s'encastre dans une grande cuvette encombrée de collines, aux rues étroites voire coupées par des escaliers. Que la perspective d'une rue butte sur une pente verdoyante étonne le visiteur et le site déconcerte toujours.

La vallée du Furan est la plus importante et la plus fermement dessinée de celles qui résultent d'un déblaiement inégal de cette dépression ; elle est souvent à environ cent mètres sous les sommets voisins. Dès la confluence avec le Furet elle s'ouvre, au sud, sur un millier de mètres de largeur, c'est à peu de détails près l'axe méridien de la ville contemporaine. Sa forte pente est peu visible car dissimulée par le paysage urbain. En effet de Bellevue, au sud, jusqu'à la Terrasse, au nord, on descend de 570 à 480 m en un peu moins de 6 km. Jusqu'aux abords du centre-ville la partie méridionale est la plus découpée, les altitudes sont élevées, les pentes fortes, les vallées étroites, le cloisonnement par les collines le plus accentué à l'exception de la petite plaine de Champagne. Au nord la vallée s'élargit, les surfaces planes sont plus étendues comme à Méons et le Marais et depuis Carnot jusqu'à la Terrasse, les passages entre les collines plus faciles. Mais, au fait, combien de collines ? Montmartre, Beaubrun, Montaud à l'ouest ; Métare, Villeboeuf, Mulatière, Crêt de Roc à l'est connues autrefois aussi sous les noms de Mont d'Or, Sainte Barbe, Croix Courette, Heurton. Montreynaud s'y est ajoutée mais Saint-Priest ?

La voix populaire en accorde sept à la ville, comme à Rome ! Libre à vous de les chercher, de les compter, selon que vous les incorporerez à la ville ou non, selon que vous dédoublerez telle ou telle, le résultat confortera ou non la légende. Qu'importe, en la matière c'est la légende qui fait foi. De toute façon elles ont été la source de nombreuses difficultés ; elles le sont toujours. En 1866, le conseil municipal constate : « le déplorable état de la colline Sainte Barbe [...] très escarpée, ravinée par les eaux, difficilement accessible, elle devient impraticable en hiver à cause des glaces, et, par les orages d'été elle est convertie en véritable torrent qui précipite les eaux de la montagne sur la place Sainte Barbe et dans les rues adjacentes » ; on a même imaginé un tunnel pour le chemin de fer sous le Crêt de Roc, au coeur de la ville. Quant aux urbanistes contemporains ils ont fort à faire pour organiser la circulation dans ce site étroit et s'évertuent pour donner un peu d'épaisseur à une ville trop allongée et qui n'a pas eu de centre aisément repérable. Les ingénieurs du XIXe ont eu bien des difficultés pour y établir les réseaux d'eau potable ; par contre l'assainissement a profité d'un bon drainage qui emportait les immondices et déchets de toute nature jusqu'à la Loire. Malheureusement par le Furan qu'il a fallu, il y a peu, épurer en le déconnectant des égouts et en le remplaçant par de grands collecteurs. Le climat n'a pas facilité lui non plus la vie quotidienne des Stéphanois.

Un climat de tonalité fraîche, peu marqué par les douceurs océaniques, rude, fortement influencé par notre position à l'intérieur des terres et par l'altitude. Au surplus la ville est adossée au Pilat, exposée au nord. Saint-Etienne n'atteint que 1°5 de moyenne pour janvier et 18°8 pour juillet avec une moyenne des températures les plus basses de - 2° en janvier. Les précipitations comportent de fréquentes mais irrégulières chutes de neige, en moyenne 27 jours par an et d'au moins 2 cm au sol. Aussi la mairie n'a jamais cessé de rappeler aux riverains leurs obligations de déneigement alors que son coût pèse de plus en plus dans le budget.

En somme des conditions naturelles contraignantes toutefois sans excès catastrophiques.

Les Stéphanois ont pu bâtir peu à peu, en fonction de leurs activités tout en jouant sur la diversité des éléments tant topographiques que climatiques. Comme partout à la simplicité de l'organisation originelle se superpose donc la grande variété des solutions adoptées successivement. La très petite ville accrochée au bas de la colline de Sainte-Barbe a d'abord dominé les champs et les prés du Furan - mais aussi ses marécages qui ont longtemps subsisté - profitant d'une excellente exposition au sud-est, à l'abri des vents et des brouillards. Puis elle s'est orientée, d'est en ouest, au long du chemin de Lyon et au bord du Chavanelet, affluent du Furan, avec les ateliers des armuriers (Chavanelle) ou des forgeurs et quincailliers tout en progressant sur le vieux chemin du Puy (la rue Beaubrun). Elle s'est ensuite glissée entre les reliefs du sud et a utilisé pour ses ateliers l'eau et la force des affluents du Furan, toujours dans les parties basses de la dépression où elle a rejoint le site de l'abbaye de Valbenoîte. C'est seulement avec les ateliers des passementiers et une forte croissance de population au XIXe qu'elle s'est risquée au flanc des collines qui restaient libres, à la recherche d'espace, de lumière et loin des fumées toutefois sans occuper les sommets trop mal exposés où prirent place les cimetières ! Ce faisant elle a absorbé au passage des lieux anciennement habités mais jusqu'alors à l'écart, très souvent la base des quartiers traditionnels.

Un renversement total de son orientation est intervenu pendant le premier tiers du XIXe lorsque furent libérés par la vente des biens du clergé de vastes terrains au nord et au sud de la place du Peuple. L'exploitation de la houille et la sidérurgie ont occupé ensuite des terrains plats, mais mal drainés, vers le nord-est et l'ouest. Ce mouvement de bascule, qui se fit assez lentement, est marqué par l'ouverture entre 1792 et 1832 d'une très longue voirie méridienne, la Grand'rue, et la création sur ce nouvel axe des places de l'Hôtel de Ville, Marengo (J Jaurès) et Badouillère (A France) et un peu à l'écart des Ursules. L'espace commence à manquer et si on a pu autrefois abandonner les sommets des collines aux jardins ou aux cimetières, on s'y risque de plus en plus malgré leur climat ou les fortes pentes de leurs accès. La ville a maintenant occupé la totalité de la dépression et en déborde largement. Nous sommes bien loin de la petite bourgade des débuts après une longue conquête de ses nouvelles frontières.



Sources

1 - Comptes administratifs, Archives municipales (AM) 2L
Délibérations du conseil municipal (AM) 1 D
Bulletin municipal (AM) 9 C (collection incomplète)
Conseil des adjoints (AM) 6D 7
Commissions municipales (AM) 6D 29

Parmi les rapports de gestion et compte-rendus de mandat les plus intéressants ceux de :
Faure-Belon pour le Second Empire (AM) 9 C1 - 7
V Duchamp "Situation financière de la ville de Saint-Etienne" juin 1884, Bibliothèque municipale (BM)
J Ledin "Rapport sur la gestion municipale de 1900 à 1904", 1904, BM
J Neyret "Situation financière de la ville de Saint-Etienne" 1908, BM
Bulletin municipal avril 1935 "Rapport sur la gestion de la ville depuis 1930"
La dette de la ville en 2010, mairie Saint-Etienne

2 - pour la période 1971 à 1992 : archives municipales, versements récents non classés

3 - La Documentation française : Observatoire des finances locales

4 - rapports de la Cour Régionale des Comptes (crc.rhone-alpes@ra.ccomptes.fr)

Domaine des interventions économiques et situation financière de la ville de Saint-Etienne de 1989 à 1995.
Rapport d’observations définitives, commune de Saint-Etienne, gestion de l’ « eau et assainissement » 1995 à 2001
Rapport d’observations définitives relatif à la gestion de la commune de Saint-Etienne 2004 à 2009
Réponses données aux rapports par la commune de Saint-Etienne

5 - Ministère de l’Intérieur, Direction Générale des collectivités locales, Département des statistiques (www.dgcl.interieur.gouv.fr)

Bulletin d’informations statistiques Etudes de cas
La situation financière des collectivités locales en 1996
Les finances des collectivités locales en 2012

6 - www.wikiterritorial.cnfpt.fr


Bibliographie

1 - Thèses, DES

A Martourey : « Formation et gestion d'une agglomération industrielle au XIXe, Saint-Etienne de 1815 à 1870 » thèse, 5 volumes, 1437 p,. Bibliothèque municipale

J Meaudre : « La poussée urbaine à Saint-Etienne 1815 - 1872 » DES Lyon, 1966


A Vant : «  Imagerie et urbanisation »  660 p , Thèse, Centre d’études foréziennes, Publications de l’Université de Saint-Etienne, 1981

C Cretin : " Saint-Etienne n'est plus dans Saint-Etienne. Plaidoyer pour un pays urbain", 394 p, Etudes Foréziennes, Publications de l'Université de Saint-Etienne, 1995.

G M Thermeau : « A l'aube de la révolution industrielle ; Saint-Etienne et son agglomération » 446 p, Thèse, Publications de l'Université de Saint-Etienne, 2002.


2 - Ouvrages

E Fournial (sous la direction de) : « Saint-Etienne ; histoire de la ville et de ses habitants » 428 p, Horvath, Roanne 1976

J Merley (sous la direction de) : « Histoire de Saint-Etienne » 318 p, Privat, Toulouse, 1990

« F Dubanchet ; Saint-Etienne par cœur » Entretiens avec Y Espaignet, Edi Loire, 1994

 F Dimier : « Politiquement incorrect… », 1997, chez l’auteur

C Soleil : « La pierre et l’encre ; un défi pour Saint-Etienne » Actes graphiques, 2006

F de Gravelaine : « Saint-Etienne, un territoire se réinvente », D Carre éditeur, 2012


1 - Tableaux première partie

Structure du budget municipal pendant le Premier Empire p 17
Le budget de 1819 p 19
Quelques données financières p 23
A - De 1806 à 1830
B - De 1831 à 1849
C - De 1850 à 1870
L'octroi dans les recettes ordinaires (1822-1851-1869) p 26
De 1820 à 1870 rappel de quelques données et ratios par habitant p 29
Les emprunts de 1824 à 1865 p 32
Les engagements annuels de la ville de 1865 à 1875 p 33
Budget de 1856 p 35
Le compte administratif de 1860 p 36
La trésorerie de 1870 à 1891 (F courants) p 50
La trésorerie de 1892 à 1914 (F courants) p 51
L'octroi de 1860 à 1914 p 53
Recettes et dépenses en F courants (1870 à 1893) p 57
Recettes et dépenses en F courants (1894 à 1914) p 58
L'octroi de 1915 à 1939 (recette brute arrondie au F) p 62
Composition simplifiée des recettes ordinaires (RO) F constants et courants (1871 - 1928)
et attributions de l'Etat 1920 - 1934 p 62
Subventions et attributions de l’Etat 1920 - 1934 p 65
Le chômage dans le primitif et le compte administratif de 1932 p 67
Principaux postes des dépenses ordinaires, en %. (1918 - 1939) p 71
Les emprunts de 1919 à 1940 (francs constants, base 1914) p 73
La trésorerie de 1915 à 1940 (en F constants base 1914) p 76
Recettes et dépenses en F courants de 1914 à 1940 p 78
Recettes et dépenses en F constants ( base 1914) de 1914 à 1940 p 79

graphiques

Population et ressources fiscales de 1801 à 1870 p 22
Recettes et dépenses (octroi et population) de 1860 à 1914 p 59
La trésorerie de 1870 à 1914 p 59
La trésorerie de 1914 à 1940 p 80
Recettes et dépenses en F constants de 1914 à 1940 p 80


2 - Tableaux deuxième partie

Mécanisme budgétaire contemporain, simplifié p 98
Dépenses d’investissement (1966 à 1976) p 100
Structure des dépenses d’équipement en % (1966 à 1976) p 100
L’investissement en 1976, principaux chapitres p 101
Evolution de divers types de dette 1989 - 1992 p 107
Ratios d’endettement 1988 - 1995 p 107
Les comptes administratifs de 1987 à 1992 p 110
Compte administratif de 1995 p 115
Le fonctionnement (2000 - 2009) p 120
L’investissement, l’emprunt (2000 à 2010) p 122
Budget de 2008 p 123
Saint-Etienne-Métropole p 126
La dette risquée en 2010 p 131
Budget 2011 p 132
Comptes administratifs 2008 et 2011 p 134
Epase : établissement public d’aménagement de Saint-Etienne p 146

En annexe : les comptes administratifs de 2000 à 2011, données et analyse


3 - Tableaux des principaux équipements :

Premières et modestes réalisations 1792 - 1843 p 42
Etablir les reseaux de la ville moderne p 45
Equiper la ville industrielle 1846 - 1872 p 47
Derniers équipements, la ville du XIXe 1874 - 1935 p 77
La ville contemporaine (1945 - 1975) p 138
Un nouveau départ pour la ville (1975 - 1994) p 143
Une mutation en cours (1995 - 2013) p 147


Cartes

1 - principales étapes de la croissance du territoire communal
(1790 - 1843 - 1855 - actuel) p 9
2 - les étapes de l’intercommunalité (1885 - 2001 - 2005 - 2013) p 91
3 - croquis de repérage p 149













Table des matières


première partie : de la Révolution à la seconde guerre mondiale

Avant-propos p 3

Une longue extension territoriale p 4

Ses implications avec la question financière

Une très ancienne revendication
Enfin une ville, et une ville préfectorale !
Velléités d’organisation : les années 1920-1940


« le budget de chaque commune est proposé par le maire » (art.145, loi communale de 1884) p 10

Le budget : des règles simples, une utilisation parfois subtile p 10
Sagesse stéphanoise ?

Premières armes p 15

Balbutiements
Comme le carnet recettes-dépenses d’un ménage ?
Modestie et réalisme des budgets pendant la Restauration

De la Restauration à la fin du Premier Empire une vue cavalière p 20

Un budget enfin à la mesure d’une activité croissante
Recettes, dépenses, en constante croissance
L’octroi, un impôt inégalitaire, une facilité de financement
Le budget ordinaire en route vers le déséquilibre ?
La priorité : des équipements, des bâtiments publics
L’emprunt pierre de touche de la politique financière

Une nouvelle façon de gérer p 34

Le budget et le compte administratif de 1856
Le volontarisme des années 1860

Les années décisives, la fondation d’une nouvelle ville, 1790 - 1840 p 39
La ville industrielle, l’épuisante course aux équipements p 43
Une idéologie pour l’action municipale : le libéralisme, parfois tempéré
Beaucoup est accompli, encore plus reste à faire


Les finances d’une grande ville ouvrière (1870 - 1914) p 49

Après des débuts prometteurs, une fin de siècle difficile p 49

Le baromètre des finances : la trésorerie
Jusqu’à la crise des années 1880 la montée en puissance des finances communales
Une situation de plus en plus précaire jusqu’à 1914


Le périlleux entre-deux-guerres p 61

La quête de nouvelles ressources p 61

La multiplication des centimes communaux
Des taxes, encore des taxes, toujours des taxes
L’Etat met la main à la poche

Soucis nouveaux, dépenses nouvelles p 65

Nouveaux champs d’action
Les transports en commun, une dépense sociale
Une charge pesante celle du chômage

La gestion financière : un travail de Sisyphe p 70

L’emprunt : indispensable, coûteux mais supportable
L’eau : la priorité des priorités
Des maires optimistes, des bilans mitigés












Deuxième partie : de 1945 à nos jours
Des finances en question


Saint-Etienne est morte, vive Saint-Etienne p 83

La reprise du mouvement d’expansion en 1969 - 1972 p 83

Des associations raisonnables
Le cas extraordinaire de Saint-Victor-sur-Loire

Un autre espace de coopération : Saint-Etienne Métropole p 86

Double déception, une affaire mal engagée
D’une petite communauté de commune à la grande nébuleuse urbaine


une autre gestion pour une autre ville p 93

l’amorce d’un changement p 93

Le compte administratif de 1950
La règle du jeu change

après la crise de 1975, les limites d’un système ? p 99

Le prix du modernisme : un renversement des anciennes priorités
Premiers accrocs

Depuis 1982 une ville libre de s’endetter mais une ville aux abois p 104

Investir à tout prix
Une tentative de freinage ?
« revaloriser le fonds de commerce »
Un impôt sur l’eau ou un emprunt déguisé ?
Les nombreux avatars d’une société de transport
Embrouillaminis ; irrégularités ?
Une rupture inévitable

Les années de tous les dangers : de 1995 aux emprunts « toxiques » p 119

La moindre des économies peut contribuer au maintien des bénéfices…
Une gestion habile pour des résultats mesurés

Dernières péripéties p 125

La dette toujours renouvelée pour financer l’investissement
Les collectivités piégées
L’ingéniosité des financiers
Vers un nouveau départ

Une longue histoire qui n’est pas achevée p 135

Des maires urbanistes p 137

Bâtir, équiper, aménager : un effort considérable p 137
L’impérieuse nécessité d’un plan qui ne verra jamais le jour… p 139
Modifier l’image donnée par Saint-Etienne p 140
Un nouvel avatar de Saint-Etienne apparaît…une fois de plus p 140

Transitions, hésitations

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