MASTER 2 Mémoire de fin d'étude - memSIC
MASTER 2 Mémoire de fin d'étude. Etudes et Recherches en. Sciences de l'
Information. et de la Communication. Année universitaire 2005-2006.
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MASTER 2 Mémoire de fin détude
Etudes et Recherches en
Sciences de lInformation
et de la Communication
Année universitaire 2005-2006
La réactualisation de lidée autogestionnaire
dans le contexte du débat sur
le renouvellement des formes organisationnelles
Présenté par : Suzy Canivenc
Directeur de mémoire : Christian Le Moënne
Codirecteur de mémoire : Catherine Loneux
Université Haute Bretagne, Rennes 2
4 place du recteur Henri Le Moal
35 000 Rennes
Remerciements :
Je souhaiterais tout dabord remercier léquipe de La Péniche pour laccueil quelle ma réservé, le temps que chacun de ses membres ma accordé, et plus globalement, pour toutes les informations, références bibliographiques, réflexions, corrections
que chacun ma apporté et qui ont nourrit ce travail.
Je remercie également cette entreprise de mavoir fait découvrir et approché le monde de lautogestion en mouvrant les portes des réseaux auxquels elle collabore.
Je remercie également mes professeurs pour la qualité de lenseignement quils mont prodigué au cours de ces trois années passées à luniversité de Rennes 2. Je remercie tout particulièrement M. Le Moenne et Mme Loneux (respectivement directeur et codirecteur de ce mémoire) qui mont laissé une large part dautonomie dans ce travail tout en maiguillant sur des pistes de réflexions riches et porteuses.
Je remercie enfin lensemble des mes proches qui ont supporté (et auront encore certainement à supporter) mes palabres sur lautogestion. Je remercie plus particulièrement Jérémy Ardouin, Michael Aubry, Bernard Canivenc, Guy Cremetz, Frédéric Guillimin, Frédéric Huet, Gwenaëlle Lorand, Sandrine Rose, Nelly Tournier, Antoine Touzé pour laide quils mont apporté dans la réalisation de ce travail.
SOMMAIRE
TOC \o "1-4" \h \z \u Introduction
..6
HYPERLINK \l "_Toc158888218" 1. Lautogestion : tentative de définition dun idéal type : PAGEREF _Toc158888218 \h 20
HYPERLINK \l "_Toc158888219" 1.1. Présentation générale : les idées fortes de lidée autogestionnaire : PAGEREF _Toc158888219 \h 20
HYPERLINK \l "_Toc158888220" 1.2. Définition du terme autogestion : PAGEREF _Toc158888220 \h 21
HYPERLINK \l "_Toc158888221" 1.3. Caractéristiques essentielles dune organisation autogérée : les principes organisationnels clés : PAGEREF _Toc158888221 \h 22
HYPERLINK \l "_Toc158888222" 1.3.1. La socialisation des moyens de production : PAGEREF _Toc158888222 \h 23
HYPERLINK \l "_Toc158888223" 1.3.2. La socialisation de lexercice du pouvoir : PAGEREF _Toc158888223 \h 25
HYPERLINK \l "_Toc158888224" §ð La socialisation de l information et de la communication : PAGEREF _Toc158888224 \h 25
HYPERLINK \l "_Toc158888225" §ð La socialisation du savoir : PAGEREF _Toc158888225 \h 27
HYPERLINK \l "_Toc158888226" 1.3.3. Les bouleversements organisationnels liés à la socialisation des moyens de production et du pouvoir : PAGEREF _Toc158888226 \h 28
HYPERLINK \l "_Toc158888227" §ð La remise en cause des formes organisationnelles centralisées : PAGEREF _Toc158888227 \h 28
HYPERLINK \l "_Toc158888228" §ð La remise en cause de la division du travail PAGEREF _Toc158888228 \h 29
HYPERLINK \l "_Toc158888229" 2. Théorie autogestionnaire et nouvelles théories organisationnelles : PAGEREF _Toc158888229 \h 31
HYPERLINK \l "_Toc158888230" 2.1. Deux perspectives « subversives » quant à la conception « classique » des organisations : PAGEREF _Toc158888230 \h 31
HYPERLINK \l "_Toc158888231" 2.2. Une même « image » de lorganisation axée sur les activités informationnelles, communicationnelles et cognitives : PAGEREF _Toc158888231 \h 32
HYPERLINK \l "_Toc158888232" 2.2.1. La coopération : PAGEREF _Toc158888232 \h 32
HYPERLINK \l "_Toc158888236" 2.2.2. Les corollaires de la notion de coopération: les thèmes de la décentralisation, de lautonomie, de la responsabilisation et la reconnaissance de lefficience du système de contrôle autonome : PAGEREF _Toc158888236 \h 35
HYPERLINK \l "_Toc158888238" 2.2.3. Leffacement des frontières internes et externes de lorganisation: PAGEREF _Toc158888238 \h 37
HYPERLINK \l "_Toc158888239" 2.2.4. Lintelligence : PAGEREF _Toc158888239 \h 38
HYPERLINK \l "_Toc158888240" §ð Une intelligence collective basée sur la multiplication des interactions : PAGEREF _Toc158888240 \h 39
HYPERLINK \l "_Toc158888241" §ð Une intelligence pratique réactualisant la thématique de l apprentissage : PAGEREF _Toc158888241 \h 41
HYPERLINK \l "_Toc158888242" §ð La métaphore du cerveau et la métaphore holographique : PAGEREF _Toc158888242 \h 42
HYPERLINK \l "_Toc158888243" 2.2.5. Vers une conception plus anthropologique et moins mécaniste des processus organisationnels en entreprise : PAGEREF _Toc158888243 \h 45
HYPERLINK \l "_Toc158888244" §ð La « culture d entreprise » : PAGEREF _Toc158888244 \h 45
HYPERLINK \l "_Toc158888245" §ð La réconciliation des différentes sphères et l idéal de « l homme complet » : PAGEREF _Toc158888245 \h 46
HYPERLINK \l "_Toc158888246" 2.2.6. Le changement permanent : PAGEREF _Toc158888246 \h 50
HYPERLINK \l "_Toc158888247" §ð Une conception processuelle, dynamique et évolutive des processus de l organisation PAGEREF _Toc158888247 \h 50
HYPERLINK \l "_Toc158888248" §ð Une redéfinition du rôle de l ordre et du désordre dans les processus organisationnels : PAGEREF _Toc158888248 \h 52
HYPERLINK \l "_Toc158888249" 2.2.7. La reconnaissance de la diversité et du pluralisme : PAGEREF _Toc158888249 \h 53
HYPERLINK \l "_Toc158888250" 2.2.8. Une nouvelle représentation du travail cherchant à le revaloriser PAGEREF _Toc158888250 \h 55
HYPERLINK \l "_Toc158888251" §ð Le travail comme pouvoir d action : PAGEREF _Toc158888251 \h 55
HYPERLINK \l "_Toc158888252" §ð La dimension créative du travail : PAGEREF _Toc158888252 \h 56
HYPERLINK \l "_Toc158888253" §ð Le travail comme outil d émancipation : PAGEREF _Toc158888253 \h 56
HYPERLINK \l "_Toc158888254" 2.3. Des cadres épistémologiques similaires : PAGEREF _Toc158888254 \h 57
HYPERLINK \l "_Toc158888255" 2.3.1. Deux approches « systémiques » : PAGEREF _Toc158888255 \h 57
HYPERLINK \l "_Toc158888256" 2.3.2. Deux pensées dialectiques « processuelles » ou « continuistes » : PAGEREF _Toc158888256 \h 58
HYPERLINK \l "_Toc158888257" 2.3.3. Deux approches « constructivistes » : PAGEREF _Toc158888257 \h 60
HYPERLINK \l "_Toc158888258" 2.3.4. Deux pensées complexes : PAGEREF _Toc158888258 \h 62
HYPERLINK \l "_Toc158888259" 3. Pratiques autogestionnaires et nouvelles théories organisationnelles : PAGEREF _Toc158888259 \h 63
HYPERLINK \l "_Toc158888260" 3.1. La Péniche : une entreprise autogérée : PAGEREF _Toc158888260 \h 64
HYPERLINK \l "_Toc158888261" 3.1.1. Présentation de lentreprise La Péniche : PAGEREF _Toc158888261 \h 64
HYPERLINK \l "_Toc158888264" 3.1.2. Une entreprise ayant socialisé ses moyens de production : PAGEREF _Toc158888264 \h 66
HYPERLINK \l "_Toc158888265" §ð La socialisation de la propriété juridique de l entreprise : PAGEREF _Toc158888265 \h 67
HYPERLINK \l "_Toc158888266" §ð La socialisation de la propriété financière de l entreprise : le partage du capital : PAGEREF _Toc158888266 \h 68
HYPERLINK \l "_Toc158888267" §ð La socialisation des profits sous forme de salaires: PAGEREF _Toc158888267 \h 68
HYPERLINK \l "_Toc158888268" §ð La socialisation du temps de travail : PAGEREF _Toc158888268 \h 69
HYPERLINK \l "_Toc158888269" 3.2. La Péniche : une organisation mettant en pratique les concepts des nouvelles théories organisationnelles : PAGEREF _Toc158888269 \h 71
HYPERLINK \l "_Toc158888270" 3.2.1. Un exemple dorganisation holographique : la dissémination des pouvoirs organisationnels et décisionnels grâce à la dissémination des moyens dinformation, de communication et de formation : PAGEREF _Toc158888270 \h 71
HYPERLINK \l "_Toc158888271" §ð La socialisation du pouvoir organisationnel et décisionnel par la socialisation des moyens d information et de communication PAGEREF _Toc158888271 \h 72
HYPERLINK \l "_Toc158888272" §ð Les bouleversements organisationnels concomitants à cette « socialisation » : PAGEREF _Toc158888272 \h 74
HYPERLINK \l "_Toc158888273" §ð Entre organisation formelle et informelle, entre ordre et désordre : les voies de la souplesse organisationnelle : PAGEREF _Toc158888273 \h 80
HYPERLINK \l "_Toc158888274" §ð La place des NTIC : PAGEREF _Toc158888274 \h 83
HYPERLINK \l "_Toc158888275" 3.2.2. Un exemple d « anthropologisation » de l entreprise : PAGEREF _Toc158888275 \h 84
HYPERLINK \l "_Toc158888276" §ð Pluralisme, diversité et cohésion : PAGEREF _Toc158888276 \h 84
HYPERLINK \l "_Toc158888277" §ð L entreprise autogérée : un lieu de vie communautaire associant vie professionnelle, sociale et privée : PAGEREF _Toc158888277 \h 92
HYPERLINK \l "_Toc158888278" §ð Le recrutement et le temps de l intégration : des approches anthropologiques : PAGEREF _Toc158888278 \h 97
HYPERLINK \l "_Toc158888279" §ð La clôture symbolique : PAGEREF _Toc158888279 \h 102
HYPERLINK \l "_Toc158888280" 3.2.3. Les relations de l organisation à l environnement : un exemple de conciliation entre ouverture et clôture symbolique : PAGEREF _Toc158888280 \h 102
HYPERLINK \l "_Toc158888281" §ð Une pluralité d échanges avec l extérieur : PAGEREF _Toc158888281 \h 104
HYPERLINK \l "_Toc158888282" §ð Une communication externe à l image de la communication interne misant sur les relations interpersonnelles : PAGEREF _Toc158888282 \h 104
HYPERLINK \l "_Toc158888283" §ð Le « réseautage » : PAGEREF _Toc158888283 \h 106
HYPERLINK \l "_Toc158888284" 4. Conclusion : PAGEREF _Toc158888284 \h 111
HYPERLINK \l "_Toc158888285" 4.1. La réactualisation de lidée autogestionnaire dans les nouvelles théories organisationnelles : PAGEREF _Toc158888285 \h 111
HYPERLINK \l "_Toc158888286" 4.2. La société de linformation, de la communication et de la connaissance comme terrain propice au renouveau de lidée autogestionnaire : PAGEREF _Toc158888286 \h 112
HYPERLINK \l "_Toc158888287" 4.3. Le renouveau de la pensée autogestionnaire comme système organisationnel alternatif ? PAGEREF _Toc158888287 \h 113
HYPERLINK \l "_Toc158888288" 4.4. Lintégration de lidée autogestionnaire par le système organisationnel dominant ? PAGEREF _Toc158888288 \h 115
HYPERLINK \l "_Toc158888289" 4.5. Ouverture : PAGEREF _Toc158888289 \h 115
HYPERLINK \l "_Toc158888290" Bibliographie : PAGEREF _Toc158888290 \h 117
Introduction :
Mise en perspective :
Constats de départ : lautogestion, une thématique oubliée/occultée
Lautogestion peut, à première vue, apparaître comme une idée désuète pour plusieurs raisons :
Une idée ancienne :
Lautogestion est loin dêtre une idée nouvelle. Nathalie Ferreira situe ainsi la naissance de lidée autogestionnaire « au cur du XIX° siècle, essentiellement en France, dans le vaste mouvement social né en réaction à la Révolution Industrielle et au mode de production qui lui est inhérent ». Nous montrerons dailleurs dans les annexes de ce mémoire que cette idée est encore plus ancienne que ne le pense cette auteure.
Un débat oublié :
Cette idée peut dautant plus apparaître comme démodée quelle est totalement absente des débats politiques ou managériaux depuis une vingtaine dannées.
Lidée autogestionnaire a en effet été lobjet dun débat politique enflammé dans le contexte libertaire des années 70 en France. Dans ce contexte, cette thématique a été fortement idéologisée en devenant lapanage des partis de gauche, soucieux de coller aux revendications exprimées lors des événements de mai 68. Dans les années 80, le thème autogestionnaire est apparu comme une idée de plus en plus utopique incapable de faire face à lamplification de la crise économique. Le débat pris donc fin au milieu des années 80 et le thème autogestionnaire est depuis tombé dans lindifférence générale.
Ainsi, « après avoir connu la marginalité puis le succès dans les années 70, lautogestion comme mot a vécu ensuite la phase de banalisation qui accompagne le succès et prépare la décadence puis loubli ».
Un terme flou et idéologisé :
Aujourdhui, lorsque ce thème est évoqué, il ne peut se défaire de cette référence à lanarchisme du XIX° siècle (mouvance politique qui na jamais eu la faveur de la majorité et qui est toujours apparu comme un mouvement radical et violent) ou à lépoque libertaire des années 70 portée par des « jeunes » aveuglés didéologies idéalistes et irréalistes. Ainsi, « lautogestion oscillerait entre lutopie et linefficacité ». Au mieux, elle apparaît comme un doux rêve dutopistes immatures, au pire comme une menace pour lordre social.
Comme en fait état lEncyclopédie Universalis, « le clair-obscur idéologique offert par lautogestion en tant que concept et le refus de considérer les résultats effectifs de sa concrétisation, ou lignorance manifestée envers ses ratés, ont été propices à bien des équivoques (
) Le concept lui-même semble sêtre discrédité à la faveur de son opacité et à cause de ses échecs ; même ses succès anciens apparents semblent remis en cause ».
Une idée occultée mais encore présente :
Le débat sur lautogestion est donc aujourdhui complètement occulté. On constate alors un dénie total du thème et des expériences autogestionnaires.
Les rares discours qui « osent » encore traiter des expériences autogestionnaires les présentent souvent comme des expérimentations éphémères qui aboutissent nécessairement à des échecs.
Or, il existe encore de nos jours des organisations, et plus particulièrement des entreprises, qui se revendiquent du modèle autogestionnaire et qui tentent den mettre en uvre les principes. Ainsi, malgré loccultation du terme d « autogestion », nous pouvons aujourdhui constater lexistence dentreprises autogérées viables et qui semblent pérennes.
Si lautogestion est absente des discours, elle nest pas absente des pratiques.
Hypothèse :
Hypothèse : la réactualisation de lidée autogestionnaire :
Mais si le terme semble avoir disparu, les idées et le modèle organisationnel dont cette expression est porteuse semblent toujours, voire de plus en plus, dactualité.
Ainsi, pour Frédéric Cépède « lautogestion comme source de vitalité souterraine, comme attente dune démocratie toujours plus radicale et participative reste, elle, féconde et rien ninterdit de penser que le mot puisse connaître dès lors une nouvelle jeunesse dans un avenir plus ou moins proche ». De même, pour Patrick Vivret, « lautogestion nest pas morte et sa prospérité peut se lire aujourdhui dans les mouvements contemporains en faveur dune autre mondialisation essayant darticuler les échelles de la démocratie, du local au global, nécessitant un haut niveau dauto régulation ».
Lidée autogestionnaire semble ainsi resurgir au travers de lémergence de nouveaux vocables : « participation », « intéressement », « autonomisation » et « responsabilisation » dans le monde des entreprise, « décentralisation » et « démocratie participative » suite à la faillite de lEtat providence, de nouvelles formes de responsabilisation civique avec l « éco citoyenneté »
Au-delà des discours de sens commun, les réflexions actuellement menées sur les nouveaux modèles organisationnels suite à la faillite du taylorisme semblent réactualiser cette forme organisationnelle particulière.
En effet, si comme le soutient Nathalie Ferreira (citée précédemment), lidée autogestionnaire émerge en réaction au mode de production inhérent à lère industrielle, il est légitime quelle ressurgisse à une époque où ce modèle industriel, poussé à son paroxysme, entre en crise et où la société cherche de nouveaux modèles dorganisation de la production « postindustriels ».
La nécessité de faire de lidée autogestionnaire un véritable concept organisationnel :
Il apparaît ainsi comme pertinent de réintégrer le modèle autogestionnaire dans le débat qui se tient actuellement sur le renouvellement des formes organisationnelles et de sinterroger sur son statut au sein de ce débat : le modèle organisationnel autogestionnaire est-il un modèle définitivement démodé ou au contraire encore, voire peut être de plus en plus, dactualité dans le contexte du renouvellement des formes organisationnelles?
Mais intégrer le modèle autogestionnaire au sein de cette réflexion scientifique nécessite, au préalable, de démontrer que ce modèle est un véritable concept organisationnel.
En effet, le flou idéologique qui entoure ce terme rend difficile sa prise en considération dun point de vue scientifique.
Cette imprécision du terme, empêchant sa prise en considération dun point de vue scientifique, est entretenue par la littéraire sur le sujet. En effet, malgré limportance du nombre douvrages consacrés à lautogestion, peu offre une analyse théorique suffisante de ce qui pourrait pourtant apparaître comme un véritable « concept organisationnel ». En effet, ces textes se réduisent souvent à la présentation des courants politiques fondateurs de lautogestion (lanarchisme, le communisme, lanarchosyndicalisme, les guildes socialistes
) puis des différentes expérimentations autogestionnaires dans de grandes organisations politiques (la Yougoslavie de Tito étant lexemple le plus souvent cité). Ces écrits se réduisent donc à une restitution historique sans mise en perspective théorique organisationnelle susceptible dintéresser les entreprises contemporaines. La vision théorique sarrête généralement à celle développée par les fondateurs de cette idée au XIX° et au début du XX° siècle, et la vision pratique sintéresse largement à lautogestion comme mode dorganisation politico social.
Le seul exemple dautogestion entrepreneuriale cité est celui de LIP, alors que cette entreprise nexpérimenta lautogestion que comme modèle organisationnel transitionnel dans lattente dun nouveau dirigeant. Ces écrits entretiennent ainsi lidée dun modèle ancien, idéologiquement ancré dans les utopies libertaires de la gauche et voué à nêtre quéphémère.
Ainsi, face à la « polysémie du terme et [au] flou du contenu » Frank Géorgi constate la « nécessité dun ancrage plus concret », une « quête de légitimité [qui doit] combiner inscription dans une histoire longue et affirmation du caractère scientifique et moderne de lautogestion ». Telle sera lambition de ce mémoire qui sattachera donc à faire de lautogestion un véritable concept organisationnel en rappelant sa genèse puis en dégageant un idéal type. Il sagira ensuite de démontrer que cet idéal type entretient de nombreuses similitudes avec les nouvelles théories organisationnelles et plus globalement avec la nouvelle « image » de lorganisation actuellement en émergence.
Méthodologie :
Orientation idiographique et nomothétique
Au niveau méthodologique, ce travail sappuiera sur deux orientations, généralement présentées comme distinctes et entre lesquelles il faut trancher, mais qui, dans cette étude, se complèteront pour mener à bien la démonstration de nos hypothèses :
-« une orientation idiographique dirigée vers la recherche des spécificités » : cette orientation nous permettra ainsi de présenter les caractéristiques spécifiques du modèle autogestionnaire au travers de la définition dun « idéal type »;
- « une orientation nomothétique cherchant à établir des régularités, des similitudes » : cest cette démarche qui sera choisie en deuxième partie pour souligner les nombreuses similitudes que nourrissent les pratiques autogestionnaires et les nouvelles théories sur lentreprise. Nous montrerons ainsi que les spécificités propres aux modèles autogestionnaires semblent actuellement ne plus être le seul apanage de ce modèle libertaire, mais paraissent contaminer lensemble des nouvelles théories organisationnelles.
Nous nen dégagerons pas pour autant une loi universelle selon laquelle le bon modèle dorganisation est celui prôné par le « modèle » autogestionnaire. Il sagit simplement de rendre compte dun phénomène et de nourrir la réflexion sur le renouvellement des formes organisationnelles.
La démarche déductive et inductive:
Les méthodes déductives, aussi appelées « hypothético-déductive », reposent sur un raisonnement qui « va des lois et des principes posés comme des hypothèses aux faits dexpérience ». Cette démarche valorise donc, dans la méthodologie de la recherche, le rôle de la théorie que lon soumet à lépreuve des faits.
Cette démarche sera utilisée pour définir lidéal type dune organisation autogérée à partir des grands courants didée qui ont développé et publicisé lidée autogestionnaire. Cet idéal type sera ensuite confronté à létude de cas dune entreprise autogérée contemporaine en troisième partie. Il sagira alors de mettre en valeur la mise en pratique des principes spécifiques au modèle autogestionnaire (mis en évidence par lidéal type précédemment défini) dans cette entreprise. On passera alors de la logique nomothétique (la définition de régularités, de « lois » propres au modèle autogestionnaire et qui en forment les spécificités) à la logique idiographique (en confrontant cet idéal type aux spécificités dune entreprise ce réclamant de ce modèle pour souligner leur congruence).
La seconde démarche méthodologique repose sur un mouvement inverse en « privilégi[ant] le cheminement des constatations particulières, tirées dobservations de terrain, vers les concepts généraux ». Elle part donc du terrain pour aller vers la théorie.
Cette démarche sera utilisée pour mettre en évidence les similitudes quentretiennent les pratiques autogestionnaires et les nouvelles théories organisationnelles. On passera alors de la démarche idiographique (consistant à repérer les spécificités organisationnelles dune entreprise autogérée) à la démarche nomothétique (en rapprochant ces spécificités organisationnelles des principes organisationnels prônés par les nouvelles théories organisationnelles).
Cette démonstration sappuiera sur trois méthodes successives :
-une méthode dite « génétique »
-une méthode typologique qui sinspire de la notion d « idéal-type » développée par Max Weber
-une méthode comparative
La méthode génétique :
Cette méthode consiste à retracer la genèse des phénomènes et à mettre en évidence les conditions dapparition de ces phénomènes.
En effet, les phénomènes organisationnels sont à considérer comme des phénomènes sociaux. Les Sciences Humaines et Sociales (SHS) admettent que les phénomènes sociaux sont des constructions sociales historiquement situées.
Il sagira donc, dans un premier temps, de retracer la généalogie des théories organisationnelles et communicationnelles pour mettre en valeur leur progression vers des thématiques de plus en plus proches de lidée autogestionnaire.
Il sagira ensuite de retracer la genèse du modèle autogestionnaire en parcourant les grands courants de pensée qui ont participé à la naissance et à la promotion de cette idée, afin den retenir les caractéristiques principales propres à fonder une idéal type de lorganisation autogérée.
Nous ne retiendrons que lessentiel de ce travail généalogique:
La spécificité des principaux concepts développés par les nouvelles théories organisationnelles et communicationnelles,
lidéal type dune organisation autogérée.
Le travail préalable à ces deux constats sera toutefois retranscrit en annexes.
La méthode typologique
Cette méthode est liée au concept didéal type développé par Max Weber (1862-1920).
Appréhender la réalité sociale nécessite une définition précise de ce dont on va traiter. Pour se faire Max Weber utilise une méthode spécifique : l « idéal type ». Cette notion se définit comme une schématisation du réel pour permettre daccéder à une meilleure compréhension du phénomène étudié en échappant aux jugements incontrôlés.
Cette méthode consiste à dégager les lignes de force du phénomène étudié. Lidéal-type regroupe ansi les caractéristiques essentielles dun phénomène. Il na pas prétention à refléter la réalité mais facilite son analyse en accentuant certains traits. Ces traits caractéristiques ne sont pas nécessairement les plus courants, mais les plus spécifiques et les plus distinctifs pour caractériser l'objet.
Comme lexplique Max Weber « on obtient un idéal-type en accentuant unilatéralement un ou plusieurs points de vue et en enchaînant une multitude de phénomènes, donnés isolément, diffus et discrets, que l'on trouve tantôt en grand nombre, tantôt en petit nombre et par endroit pas du tout, qu'on ordonne selon les précédents points de vue choisis unilatéralement, pour former un tableau de pensée homogène ».
Par ce travail de grossissement et d'idéalisation des traits qui lui semblent fondamentaux, le chercheur construit des idéaltypes, outils grâce auxquels il pourra guider sa recherche.
Définir précisément le modèle autogestionnaire en soulignant ses lignes de forces, ses caractéristiques permettra ainsi de dépasser les discours de sens commun et den faire un véritable concept organisationnel. Cette étape nous paraît nécessaire pour intégrer le modèle autogestionnaire au sein du débat concernant le renouvellement des formes organisationnelles selon une approche comparative.
Lutilisation de cette méthode nécessite den souligner les limites pour éviter toute confusion sur ce quest un idéal type. En effet, comme nous lavons évoqué précédemment, cet idéal type na pas prétention à refléter la réalité, il na pas non plus vocation à définir une norme, un modèle universel. Cest un tableau de pensée, il n'est pas la réalité historique ni surtout la réalité «authentique». Cest avant tout un moyen de rendre intelligible des phénomènes sociaux complexes et multiformes tout en essayant déchapper aux jugements hâtifs et superficiels du sens commun. Comme lexplique Max Weber lui-même « le concept idéal-typique (...) n'est pas lui-même une «hypothèse», mais il cherche à guider l'élaboration des hypothèses. De l'autre côté, il n'est pas un exposé du réel, mais se propose de doter l'exposé de moyens d'expression univoques ».
Ainsi, lidéal type, une fois défini, n'a d'autre signification que celle d'un concept limite purement idéal, auquel on mesure la réalité pour clarifier le contenu empirique de certains de ses éléments importants, et avec lequel on la compare. Ainsi lidéal type peut se définir comme une construction rationnelle qui rapporte le donné empirique à un cas idéal.
Un type idéal est ainsi une construction analytique qui sert à l'investigateur de tige de mesure pour établir des similitudes aussi bien que des déviations dans des cas concrets. Il fournit la méthode de base pour l'étude comparative, qui est celle que nous utiliserons en dernière instance pour achever notre démonstration.
Méthodologie comparative :
Définir cet idéal type du modèle autogestionnaire nous permettra en effet de comparer les principes organisationnels prônés par cette idée à ceux publicisés par les nouvelles théories organisationnelles pour en dégager les similitudes.
La comparaison est en effet considérée par certains chercheurs comme le substitut de lexpérimentation en SHS.
Mais cette comparaison, si elle prétend se substituer à la preuve tangible et irréfutable des sciences dures, ne peut se situer uniquement au niveau théorique. Lidéal type autogestionnaire sera donc complété par létude empirique dune entreprise dite « autogérée » et prenant place dans le contexte actuel. Cette étude de cas permettra donc de compléter et dactualiser au contexte contemporain lidéal type définit précédemment
Lappellation « autogéré » de lentreprise étudiée sera confirmée par le fait que cette entreprise sinscrit dans lidéal type autogestionnaire précédemment défini.
Cette étude comparative nous permettra ainsi de démontrer que non seulement lidéal type autogestionnaire, mais aussi et surtout les pratiques organisationnelles autogestionnaires, sapparentent à celles prônées par les nouvelles théories organisationnelles. Ainsi, bien quancienne, lidée autogestionnaire nous apparaîtra comme encore, voire de plus en plus, dactualité, au regard de ces nouvelles théories ayant pour spécificité de mettre laccent sur les activités informationnelles, communicationnelles et cognitives au sein des entreprises.
Corpus théorique et empirique :
La définition de lidéal type :
La définition de cet idéal type reposera sur un corpus théorique.
Le travail généalogique que nous effectuerons au préalable sera tout dabord composé douvrages historiques traitant de lhistoire des idées et courants politiques fondateurs et promoteurs de lidée autogestionnaire. Ce travail sera complété et illustré au travers dexemples de différentes expérimentations autogestionnaires (les cités témoins, les conseils ouvriers, la Yougoslavie de Tito, LAlgérie des années 60
)
Lidéal type que nous en dégagerons sera complété par des ouvrages généraux traitant de lautogestion et plus particulièrement de lautogestion en entreprise.
Il sera enfin pragmatiquement situé dans le contexte actuel grâce à létude de cas dune entreprise se revendiquant de lidée autogestionnaire.
Létude de cas :
Ce mémoire sappuiera sur létude de cas dune entreprise autogérée, réalisée lors dun stage dobservation effectué en juin et juillet 2005.
Ce stage visait plusieurs objectifs :
Détecter les modalités de fonctionnement, les principes organisationnels dune entreprise autogérée
Repérer les modalités de coordination et de coopération dans ce type de structure sans hiérarchie
Mettre en avant limportance des variables communicationnelles et informationnelles dans une organisation à fonctionnement collectif et démocratique
Repérer la culture dentreprise mise en oeuvre
Détecter les compétences nécessaires pour participer à ce type dorganisation
Souligner la place de linformel et des activités considérées dans dautres entreprises comme non professionnelles dans ce type de structure
Pour atteindre ces objectifs, plusieurs méthodes ont été conjointement utilisées :
lobservation directe des situations de travail et plus particulièrement des situations de communication en interne, lobservation directe des réunions et rencontres entre structures autogérées auxquelles lentreprise participe,
des questionnaires et des entretiens passés avec chacun des salariés
Lobservation directe
Joël Guibert et Guy Jumel définissent lobservation comme « une méthode dinvestigation empruntée aux sciences physiques et naturelles transposée aux SHS. Elle consiste à recueillir des informations sur les agents sociaux en captant leurs comportements et leurs propos au moment où ils se manifestent ».
Lobservation consiste ainsi en un contact direct sans intermédiaire, avec une réalité sociale.
Lobjectif de lobservation directe dune entreprise est de rendre compte des activités qui prennent place au sein de cette structure, des comportements de chacun de ses membres, des relations qui lient ces différents individus et des rites qui structurent la vie symbolique de ce groupe.
Cette méthode dinvestigation repose ainsi dabord sur une sélection de faits singuliers, de phénomènes restreints dans une perspective inductive et idiographique. Ensuite, et de manière progressive, tous les éléments de lobservation assemblés « en une sorte de puzzle » favorisent lémergence de propositions générales et de modèles explicatifs sur la vie sociale de lentreprise étudiée (dans une perspective nomothétique).
Traditionnellement, on distingue lobservation participante (qui consiste à étudier un groupe en participant à ses activités, à sa vie collective) de lobservation non participante (qui consiste à porter son regard de lextérieur sans participer véritablement à la vie du groupe, à son insu ou avec son accord). Lune correspondrait à une méthodologie propre à lEthnologie et lautre une méthodologie plus habituelle en Sociologie. En réalité « la plupart du temps, les praticiens en sciences sociales choisissent des solutions intermédiaires en participant momentanément et partiellement à la vie du groupe étudié ».
Lobjectif de létude de cas sur laquelle repose ce mémoire était de mettre en évidence les principes organisationnels dune entreprise autogérée, et notamment leur imbrication avec des pratiques communicationnelles spécifiques. Cette analyse a donc principalement porté sur létude de la communication « interne » et « externe » de lentreprise, dans ses aspects autant formels quinformels :
Communication interne :
Formelle :
-réunions et comptes-rendus de réunions,
-discussions portant sur lactivité et lorganisation de lentreprise,
-documents de gestion circulant entre les salariés,
Informelle :
-discussions interpersonnelles,
-rituels prenant place au sein de lentreprise,
Communication externe :
Formelle :
-pochette de présentation et documents écrits à destination de lextérieur,
-relations et réunions avec les autres structures autogérées,
Informelle :
-relations et discussions avec les personnes extérieures invitées au sein de lentreprise
Lavantage de cette méthodologie particulière quest lobservation directe est de saisir les phénomènes sur le vif et de ne pas dépendre des réponses voir des interprétations des enquêtés, comme dans le cas de lentretien ou du questionnaire.
Mais cette méthode présente cependant de multiples inconvénients quil est nécessaire de prendre en compte pour souligner les limites de cette étude :
-Dune part, sagissant dune interaction entre un observateur et des observés, « le risque dinfluer sur les comportements de ces derniers nest pas négligeable. On peut aller jusquà se demander si « des comportements ne sont pas artificiellement adoptés dans le but de satisfaire lobservateur ». Ainsi, le statut dobservateur et le rapport aux observés peuvent avoir des effets sur les réalités observées.
- Dautre part, « le recueil de données issues de lobservation dépend de nos propres cadres sociaux et culturels, ceux-ci conditionnant notre perception, notre réceptivité ». Ainsi, cette méthodologie ne paraît pas suffisante en elle-même et nécessite dêtre complétée par dautres approches et dautres sources dinformation telles que lentretien et le questionnaire. De la confrontation entre ces différentes méthodes naîtra la validité des données recueillies. Dans ce cadre, on procède par tâtonnements, essais, rectifications progressives, comparaisons, associations didées, comme le préconisent Gaston Bachelard, Thomas Kuhn, Karl Popper, ou encore Paul Feyerabend.
Le questionnaire et lentretien :
Ces méthodes se définissent comme « un recueil dinformation dans une situation de face à face ».
Habituellement, questionnaire et entretien sont deux méthodologies bien distinctes :
-Le questionnaire se définit par « une forte directivité, une standardisation des questions, une formulation préalablement fixée, un ordre de question à respecter ».
-Lentretien est une forme de face-à-face plus souple et informelle qui « consiste à faciliter lexpression de linterviewé en lorientant vers des thèmes jugés prioritaires pour létude tout en lui laissant une certaine autonomie ».
Lentretien à plus une fonction idiographique en laissant lindividu observé contribuer au cheminement de linterview et en lui laissant une plus grande liberté dexpression.
Le questionnaire a, quant à lui, une fonction plus nomothétique. Il cherche à « révéler, au-delà des différences individuelles, des phénomènes sociaux à partir de la mise en évidence de régularités » au travers dune trame de questions identiques pour tous les interviewés.
Nous emploierons ici une démarche au confluent de ces deux méthodologies en utilisant un questionnaire à la trame préétablie mais donnant lieu à des discussions très différentes (en contenu et en durée) dun interviewé à lautre, au gré de la relation nouée entre observateur et observé et de létat desprit de linterviewé au moment du face-à-face.
Cette méthodologie vise à répondre à trois principales catégories de questions :
-qui est linterviewé ? Il sagit alors de définir lidentité sociale de la personne (sexe, âge, origine sociale, professions, situation familiale, niveau scolaire, lieu de résidence
)
-que fait-il ? Lentretien met alors en évidence les pratiques de linterviewé au sein de lentreprise.
-que pense-t-il ? Il sagit enfin de saisir ses rapports aux pratiques ou ses opinions ou représentations (degré de satisfaction, préférences, souhaits, critiques
) pour accéder à la perception que les acteurs ont de lorganisation.
Cependant, cette méthode souffre elle aussi de lacunes. En effet, toute communication comporte deux dimensions, comme la mis en évidence lEcole de Palo Alto au travers lun de ces fameux axiomes qui distingue contenu et relation. La relation qui sétablit entre les partenaires conditionne la bonne réception de linformation. Cet aspect a dailleurs été évoqué précédemment lorsque nous avons fait remarqué que les écarts constatés entre les différents entretiens étaient certainement liées à la relation spécifique nouée entre observateur et observé lors des situations de face-à-face.
Ainsi, comme pour les situations dobservation directe, dans lentretien, lattitude de lobservateur intervient directement et peut engendrer des effets inducteurs qui risquent de biaiser la communication. Il semble que ce soit dailleurs une des principales difficultés à laquelle se heurtent les SHS. En effet, contrairement aux sciences dures, ce ne sont pas des objets que le sujet observe, mais dautres sujets. Dans ce cadre, le chercheur en SHS ne peut faire la distinction tranchante entre sujet et objet qui caractérise lactivité scientifique selon Descartes (Durkheim tenta dinstaurer cette coupure en sociologie en traitant les phénomènes sociaux comme des « fais », comme des « choses »). Non seulement le chercheur développe une relation sociale avec les « objets » quil observe, mais plus encore, il faut partie de ces propres objets de recherche.
Résultats attendus :
Ce travail vise plusieurs objectifs complémentaires et interdépendants :
dépasser les discours simplistes du sens commun sur lautogestion en soulignant son épaisseur historique et sa permanence dans lhistoire de lhumanité
Faire de lautogestion un véritable concept organisationnel au travers de la définition dun idéal type
Faire du concept organisationnel autogestionnaire ainsi défini un concept dactualité en le rapprochant des nouvelles théories organisationnelles.
Ce travail visera ainsi à démontrer la pertinence du modèle autogestionnaire aujourdhui, qui, loin dêtre désuet, semble de plus en plus dactualité du point de vue des nouvelles théories organisationnelles dans le contexte du renouvellement des formes organisationnelles.
En substance, cette étude visera à souligner une fois de plus la pertinence des approches informationnelles et communicationnelles dans les entreprises, approches notamment développées par les SIC au travers du champ de la Communication Organisationnelle. Les structures participatives sont en effet à même de démontrer limportance des variables informationnelles et communicationnelles dans les processus organisationnels.
Ce travail visera également à participer au débat sur le renouvellement des formes organisationnelles en entreprise du point de vue des Sciences de lInformation et de la Communication et plus précisément du point de vue de la Communication Organisationnelle.
Cette participation à ce débat se fera au travers de la réhabilitation dun modèle organisationnel qui est encore aujourdhui implicitement prôné mais qui tait son nom : celui de lautogestion.
Mais ce travail ne visera pas à définir un nouveau modèle organisationnel, une norme organisationnelle universelle à laquelle chaque entreprise devrait se plier. Au contraire, ce travail sera avant tout un appel à lexpérimentation organisationnelle, notamment au travers de la multiplication, (de la « libération »), des pratiques communicationnelles et relationnelles, expérimentation sociale à laquelle lidée autogestionnaire nous convit. Il convient bien plus de sinspirer, de se nourrir de l « esprit autogestionnaire » que dappliquer purement et simplement des règles organisationnelles impossibles à définir dune manière universelle et positiviste du fait du caractère expérimental, diversifié et informel des expérimentations autogestionnaires.
Ce travail se déroulera en trois temps :
Dans un premier temps, nous présenterons les principales caractéristiques (les principes organisationnels clés) dune entreprise autogérée. Comme nous lavons déjà évoqué, cet idéal type sera issu dun travail généalogique portant sur lidée autogestionnaire (travail retranscrit en annexes). Cette première partie est en effet essentielle à notre démonstration puisquelle permettra de passer des discours de sens commun actuellement tenus sur lautogestion à la définition scientifique dun véritable « concept organisationnel ».
Dans un deuxième temps, nous exposerons les points de similitudes quentretiennent les nouvelles théories organisationnelles avec cet idéal type.
Ce travail de comparaison sera enfin complété et illustré par létude de cas dune entreprise autogérée.
Lautogestion : tentative de définition dun idéal type :
Présentation générale : les idées fortes de lidée autogestionnaire :
Au vu des différentes théories qui ont développé et publicisé lidée autogestionnaire, celle-ci se définit dabord comme une contestation, une critique du modèle productif et social qui caractérise la société industrielle.
Certes la généalogie que nous avons tracé en annexes de lidée autogestionnaire ne débute pas au XIXème siècle : les caractéristiques propres au modèle organisationnel de la société industrielle existaient en effet déjà avant son avènement ; cependant, la révolution industrielle semble marquer une forte extension des formes organisationnelles basées sur ces caractéristiques (qui semblent se radicaliser aujourdhui sous le poids des logiques de la surmodernité). Lautogestion est ainsi avant tout un mouvement didées qui se veulent en opposition avec les caractéristiques qui lui semblent au fondement de la domination de lhomme sur lhomme : la propriété privée, le centralisme, lautorité, le pouvoir, lexcès de rationalité économique, les règles et normes définies de manière statique par les quelques personnes détenant le pouvoir (et qui parviennent à le garder grâce à ce monopole de la définition des règles), la division (entre conception et exécution, entre intelligence et action, entre les différentes dimensions de lexistence humaine).
Mais lautogestion ne renvoie pas seulement à un mouvement contestataire, cest également une pensée constructive qui souhaite publiciser des pistes de réflexion innovantes dans le but dinspirer de nouvelles formes organisationnelles. Elles proposent ainsi délaborer des formes organisationnelles plus collectives et communautaires expérimentant la démocratie directe par la délibération de tous. Aux modèles organisationnels issus de la révolution industrielle, elle souhaite substituer de petites communautés autonomes respectueuses du pluralisme des éléments qui la constituent, mais fédérées entre elles par des relations dentraide et de réciprocité. Lautogestion est ainsi une pensée dialectique qui, face au paradigme binaire oppositionnel, souhaite concilier autonomie et interdépendance, individu et collectif, cohésion et diversité.
Pour ce faire, lautogestion ne préconise aucun modèle, aucune recette à appliquer, mais, bien au contraire, milite pour une expérimentation constante, une révolution perpétuelle qui oblige à dépasser lacquis pour chercher sans cesse de nouvelles modalités dorganisation. Les organisations autogérées se veulent ainsi évolutives à limage de leur environnement (avec lequel elles se doivent dêtre en harmonie). Elles sont ainsi à la recherche dune relation dialectique entre ordre et désordre, entre organisation et désorganisation qui semble au fondement des capacités organisatrices et adaptatives dun système.
Pour que ce changement permanent samorce, lidée autogestionnaire encourage la rotation des tâches et des pouvoirs, la réconciliation dialectique de lintelligence et de laction, ainsi quune éducation accessible à tous (selon le principe dégalité au fondement de lidée autogestionnaire) polyvalente, ouverte, continue, peu contraignante voire carrément ludique. Lensemble de ces dispositions permettra alors de développer chez tous lesprit critique indispensable à la remise en cause permanente de lexistant et à la recherche de linnovant. Elles permettront également de revaloriser le travail en le rendant plus agréable, plus attractif, mais surtout plus créatif. Enfin, ces dispositions permettront de substituer lauto discipline individuelle et collective au contrôle et à la surveillance de quelques uns sur dautres (au fondement de la domination de lhomme sur lhomme).
In fine, lautogestion, au travers de ces dispositions, souhaite développer le potentiel de chacun pour quil puisse servir à tous. En dehors de léducation, ce potentiel se développe également grâce à la place importante qui est faite à laffectif, au ludique et au festif dans les organisations autogérées (des sources dépanouissement et de créativité souvent occultées, voire réprimées, par la rationalité économique). En développant ces potentiels, lautogestion permettra alors à lensemble des individus qui constituent la société dêtre véritablement au fondement des organisations auxquelles ils appartiennent. Cest en effet à ceci que renvoie littéralement le terme « autogestion ».
Définition du terme autogestion :
Au sens littéral, le terme « autogestion » signifie « gestion par soi même ». Il est lexact contraire de ce que Alain Guillerm et Yvon Bourdet nomment l « hétérogestion » et qui renvoie à la « gestion par un autre ».
Ainsi, une organisation autogérée est une organisation où « toutes les décisions sont prises par la collectivité qui est, chaque fois, concernée par lobjet de ces décisions. Cest-à-dire un système où ceux qui accomplissent une activité décident collectivement ce quils ont à faire et comment le faire ». Dans une perspective purement constructiviste, lorganisation autogérée renvoie donc à une organisation artefactuelle réunissant une collectivité dindividus orientée vers un but et qui décide collectivement de ce but et des modalités à mettre en uvre pour latteindre.
Lautogestion suppose ainsi « la suppression de toute distinction entre dirigeants et dirigés et laffirmation de laptitude des hommes à sorganiser collectivement », à se diriger eux-mêmes sans lintermédiaire dune hiérarchie à laquelle ils auraient délégué cette activité décisionnelle et organisationnelle. Lautogestion suppose donc un principe de décentralisation (thème que lon retrouve dans létymologie même du terme « anarchie » qui signifie « sans commandement » ou « sans autorité ») ouvrant « la possibilité pour les individus de sorganiser collectivement tant dans la vie sociale que dans lappareil productif ».
Dans le domaine particulier des entreprises, lautogestion renvoie à la « gestion dune unité de production par les travailleurs eux-mêmes ». « Ainsi, les décisions qui concernent les travailleurs dun atelier doivent être prises par les travailleurs de cet atelier ; celles qui concernent plusieurs ateliers à la fois, par lensemble des travailleurs concernés ; celles qui concernent toute lentreprise, par tout le personnel de lentreprise ».
Ainsi, « une entreprise est [dite] autogérée lorsquelle est dirigée par les personnels qui la font fonctionner ». En substance, il sagit de « reconnaître à chaque entreprise le droit à déterminer ses propres finalités ».
Caractéristiques essentielles dune organisation autogérée : les principes organisationnels clés :
Une organisation autogérée repose donc sur un partage égalitaire du pouvoir décisionnel et organisationnel entre tous ses membres. Mais comment mettre en uvre cette forme dorganisation « sans hiérarchie » ?
Pour ce faire, lorganisation autogérée va tout dabord sappuyer sur une « socialisation » (cest-à-dire un partage égalitaire entre tous les membres de lorganisation) des moyens matériels de production. Parallèlement, elle va également sappuyer sur une « socialisation » du pouvoir grâce à la socialisation des moyens dinformation, de communication et de formation, à lorigine dune mutualisation et dun partage total des connaissances.
La socialisation des moyens de production :
Comme nous le montre la brève présentation que nous avons fait de lautogestion, celle-ci est avant tout la réappropriation de la décision par ceux qui auront à exécuter et mettre en oeuvre cette décision. En ce sens, lautogestion souhaite réaliser le vieil adage anarchiste qui consiste à réconcilier intelligence et action.
Pourtant, pour beaucoup, lautogestion se limite à la simple socialisation des moyens de production (cest-à-dire lappropriation des moyens matériels de travail par les travailleurs eux-mêmes). Lautogestion consiste alors à « transformer les moyens de production, la terre et le capital, aujourdhui essentiellement moyen dasservissement et dexploitation du travail, en simples instruments dun travail libre et associé ». La propriété privée des moyens de production est ainsi présentée comme « la clé de voûte dun système où la dépossession des travailleurs est indissociable de leur exploitation et de leur domination ».
Ce thème est en effet prépondérant chez Marx et Proudhon, ainsi que chez beaucoup dintellectuels ayant participé à lélaboration de lidée autogestionnaire. Mais contrairement au marxisme, lautogestion « ne vise pas simplement à remplacer les propriétaires capitalistes par telle ou telle collectivité ». Ainsi, « lautorité-propriété, droit duser et dabuser qui définit lentreprise capitaliste, doit faire place à la propriété sociale des moyens de production, qui nest ni propriété privée, ni propriété dEtat ». « Lautogestion se présente dabord comme une déstructuration de la propriété comme institution sociale » « remplacée par lusage des moyens de production au bénéfice dune collectivité de travail qui devient libre et responsable de la mise en valeur sociale du capital initial ». Elle souhaite ainsi « éclater » et « redistribuer » les différents droits bourgeois qui fondent la propriété privée :
-lusus : le droit duser de la chose
-le fructus : le droit den percevoir les revenus
-labusus : le droit den disposer et de laliéner (au sens juridique).
Dans une organisation autogérée, « ces trois attributs de la propriété éclatent ainsi entre différents centres de décision ».
Ainsi, le thème même de la déstructuration de la propriété privée renvoie à des problématiques bien plus larges que celles purement juridiques et économiques dune appropriation des moyens matériels de production, et « si lexpropriation est un préalable, elle ne doit pas faire perdre de vue que la question centrale est celle du mode dappropriation par les travailleurs et la société de leurs conditions de vie et de travail ».
Cette simplification semble liée au terme « autogestion » lui-même, que Henri Arvon estime, à juste titre, « mal approprié ».
Ce nest pas le préfixe « auto » qui est ici en cause (au contraire, ce terme traduit bien lidée dautonomie et de responsabilisation), mais la racine même du mot : le terme « gestion ». Cette notion est en effet « grevée de rationalité économique » et limite ce concept organisationnel à cette seule dimension matérielle, et par là même le dénature.
Ainsi, pour Henri Arvon, les termes anglo-saxons « self-government » et « self management » semblent beaucoup plus adéquats pour désigner ce modèle dorganisation particulier en élargissant son domaine dapplication de la simple dimension économique à sa dimension politique. En effet, « les termes anglo-saxons situent la notion dautogestion dans lampleur humaine (
) combinant des aspects à la fois politiques et économiques ». Le premier terme, self-government, renvoie à la « volonté du citoyen de participer activement au fonctionnement de la démocratie en supprimant la distance qui le sépare du pouvoir », le second, self management, consiste à « transférer le pouvoir décisionnel entre les mains de tous les membres dune entreprise ».
En se replaçant sur le terrain politique, lidée dautogestion acquiert ainsi un contenu beaucoup plus large en proposant de « créer un autre sens de mot politique : à savoir la prise en main, sans intermédiaires et à tous les niveaux, de toutes les affaires par tous les hommes ». Cest par cet ancrage politique même que lautogestion se distingue de « la participation, [du] contrôle ouvrier et [des] coopératives [qui] ne concernent guère que la production et léconomie » .
La socialisation de lexercice du pouvoir :
Loin de se limiter à la seule socialisation des moyens de production, lautogestion repose donc également, et peut-être avant tout, sur la « socialisation de lexercice du pouvoir », ou « lappropriation des moyens de pouvoir par les travailleurs et les citoyens ».
Comme le souligne Pierre Rosanvallon, « les moyens de production ne sont pas les seuls instruments sur lesquels se fonde le pouvoir dans la société. Cest ainsi que, dun point de vue économique, on parle dès le XIXème siècle des moyens de production et déchange ». Il préconise ainsi de « dépasser la seule question de la socialisation des moyens de production pour envisager la socialisation de lensemble des moyens de pouvoir », et celle-ci ne sopère pas par la simple « substitution dun nouveau propriétaire collectif au propriétaire individuel ». A côté des moyens de production, « Il nous faut [également] aujourdhui prendre en compte les moyens dorganisation, de formation, dinformation, de savoir» pour « imaginer une structure où le « pouvoir » nest pas une propriété réservée à quelques-uns, une structure sans pouvoir ou plus exactement une structure où linterrelation des éléments est telle quaucun nen domine un autre ».
Les dimensions informationnelles, communicationnelles et cognitives occupent donc une place centrale dans la théorie autogestionnaire. Cest leur dissémination égalitaire à tous les niveaux de lorganisation qui est à la base même de lautogestion en entreprise.
La socialisation de linformation et de la communication :
Linformation et la communication étant à la base des processus de prise de décision et dorganisation, elles deviennent des ressources clés dans une organisation basée sur la socialisation de ce pouvoir organisationnel et décisionnel.
Pour devenir réellement égalitaire et collective, lorganisation autogérée doit en effet ouvrir à tous ses membres lensemble de ses lieux de prise de décisions. Celles-ci se prenant collectivement, ces lieux de prise de décision deviennent des lieux de négociation, donc de communication, auxquels tout le monde doit avoir accès et participer. Cest à cette transformation fondamentale consistant à « élargir les lieux de production de linformation » que renvoie le principe de « socialisation de la communication ».
Conjointement, il faut également socialiser linformation. Tout un chacun doit en effet détenir les informations nécessaires pour pouvoir participer pleinement aux prises de décision organisationnelle. Tout le monde doit donc avoir accès à lensemble des informations circulant sur lorganisation.
Comme le souligne Cornélius Castoriadis, dans une organisation autogérée, « décider » cest, dune part, « décider soi-même », et, dautre part, « décider en connaissance de cause. Cela signifie que ceux qui décident doivent disposer de toutes les informations pertinentes ». « Il sagit donc de diffuser linformation à tous les membres, quelles que soient leurs fonctions (
) La diffusion de linformation est la seule façon de permettre à tous les individus de participer au « pouvoir »» . Jean-Louis Le Moigne et Daniel Carré militent ainsi « pour des bases de données démocratiques » et une « déspécialis[ation] [de] la gestion de linformation », deux principes qui prennent la sixième et septième place de leurs 50 propositions pour lautogestion.
Ainsi, la socialisation de linformation et de la communication semble être le principe qui va permettre au collectif de saffranchir du modèle organisationnel hiérarchique classique. A la place « du chef, du leader, du berger qui décide pour le groupe [se substituent] léchange, le débat, la négociation, (
) linformation partagée, les enjeux discutés et la décision prise le plus souvent à lunanimité, au consensus ».
Mais la socialisation de linformation ne sarrête pas là, elle renvoie également à la possibilité dêtre producteur dinformation et donc de sens (c'est-à-dire non seulement d « informations-signal » mais aussi d « informations symboliques »). Ainsi, « pour que chaque niveau dorganisation puisse sintégrer fonctionnellement à lensemble, il faut quil soit informé de la finalité de lensemble, et qui plus est, quil puisse participer au choix de cette finalité ».
La socialisation du pouvoir et de la pise de décision permettent ainsi aux individus qui composent une organisation de se réapproprier la définition de la finalité de leur regroupement en organisation, ils accèdent alors réellement à la propriété politique et symbolique, et non plus seulement matérielle et économique, de leur entreprise.
La socialisation du savoir :
Lapprentissage est une valeur fondamentale dans la pensée autogestionnaire.
Dans la même veine que la socialisation de linformation et de la communication, la socialisation de la formation vise à élargir le savoir et les connaissances organisationnelles de chacun, alimentés quotidiennement par leur savoir pratique, et qui leur permettront ainsi de prendre part intelligemment à la prise de décision.
Dans une organisation autogérée, la formation se conçoit dabord en situation et vise à « modifier les structures et les méthodes de la formation pour mieux assurer, sur une base décentralisée, un enrichissement réciproque du pouvoir théorique et du savoir pratique ».
Dans une organisation autogérée, la formation est ainsi assurée principalement en interne puisque lun des objectifs est que chacun détienne les savoirs et les compétences de tous, que le tout soit inscrit dans chacune des parties, permettant ainsi souplesse et flexibilité organisationnelle. Lautogestion prône ainsi un apprentissage permanent et polyvalent.
Le savoir se fonde donc sur la pratique mais aussi sur la multiplication des interactions entre les membres de lorganisation, des confrontations qui sont sources de richesse puisquelles donnent à voir de multiples points de vue. Socialisation de la formation et socialisation de linformation et de la communication sont donc étroitement liées. En effet, comme lexplique Gilbert Probst « les interactions et les relations doivent être facilitées, pour que chacun soit en mesure de puiser les informations à leur source, les échanger, les interpréter et les utiliser ». Il parle ainsi d« apprentissage interactionnel ».
La « socialisation des moyens dinformation » va en effet être à la base dun véritable partage égalitaire des connaissances et des compétences, développant dès lors chez chacun les capacités à prendre des décisions stratégiques. Conjointement, la « socialisation des moyens de communication », enjoignant chacun à sexprimer, va leur permettre de prendre part activement à ces prises de décision stratégiques.
Socialisation du pouvoir, de linformation, de la communication et du savoir sont donc fortement imbriquées. Comme le soulignent Philippe Braud et François Burdeau, « le courant autogestionnaire porte une grande attention aux problèmes de la communication et de léducation pour assurer une participation réelle de tous aux processus décisionnels les concernant. Il sagit de mettre sur pied une politique audacieuse de formation permanente [visant le] développement maximal et continu de toutes les potentialités humaines, elle est réputée directement porteuse dun changement radical de la société toute entière, grâce à la formidable libération dénergies créatrices quelle est censée permettre ».
Les bouleversements organisationnels liés à la socialisation des moyens de production et du pouvoir :
Ce partage égalitaire des moyens de production et du pouvoir entraîne deux principaux bouleversements organisationnels :
La remise en cause des formes organisationnelles centralisées :
La socialisation des moyens de production et du pouvoir entraîne en effet conjointement une socialisation des structures dorganisation que Rosanvallon définit comme « le renversement des conceptions pyramidales et élitistes pour une large circulation de linformation, par une décentralisation de sa production, par un travail permanent dautoformation ». De centralisé et individualisé, le pouvoir dorganiser et de décider doit devenir décentralisé et collectif.
La socialisation des pouvoirs organisationnels et décisionnels bouleverse ainsi lagencement hiérarchique des organisations visant à maintenir le pouvoir de certains sur dautres (la domination de lhomme sur lhomme diraient les anarchistes). En effet, « on ne peut sapproprier collectivement des moyens de pouvoir dont la structure a été conçue pour opprimer ou diviser (
) Il ny a donc pas dappropriation véritable des moyens de pouvoir indépendamment dun changement de leur structure ».
Aussi, « ce sont tous les fondements du système hiérarchique qui sont un obstacle au développement de lautogestion » et quil faut chercher à modifier.
La remise en cause de la division du travail
Au premier rang de ces fondements du système hiérarchique, Pierre Rosanvallon place la division du travail et la hiérarchie des revenus qui sont « pour une large part le décalque de la hiérarchie des pouvoirs et des fonctions ».
Lautogestion cherche ainsi à modifier lorganisation hiérarchique en sattaquant à ses fondements pour trouver de nouvelles modalités organisationnelles instituant une prise de décision collective et égalitairement partagée. Celle-ci ne peut sobtenir quen distribuant au maximum les fonctions décisionnelles et organisationnelles à tous les niveaux de lorganisation. La « dissémination » de ces fonctions stratégiques sobtient par :
La rotation des tâches et la polyvalence
Les entreprises autogérées évoquent souvent le principe de rotation des tâches et des fonctions comme étant à la base de cette révolution organisationnelle dépassant les limites de la division du travail. Proudhon recommande ainsi de faire parcourir à louvrier la série entière des opérations de lindustrie à laquelle il est attaché pour quil acquière ainsi une vue synthétique du processus du travail.
Cependant, ce principe ne peut suffire à lui seul puisque, certes, le pouvoir « tournerait », mais continuerait à chaque fois à être accaparé par une seule personne, ou du moins un petit groupe dindividus, selon une logique privative et centralisatrice. Il semble donc nécessaire dy adjoindre un autre principe qui est celui de la polyvalence et qui, à côté dun pouvoir tournant, institue un pouvoir disséminé à tous les niveaux de lorganisation. Proudhon prône ainsi une éducation professionnelle « polytechnique ».
Lautogestion suppose donc « le difficile équilibre dun système polyarchique de lautorité en vertu duquel le pouvoir sera distribué de façon égale ».
La réconciliation entre pensée et action :
Cette rotation et cette dissémination des tâches permettent ainsi la réalisation dun des principaux adages de la pensée anarchiste, à savoir la réconciliation entre intelligence et action, dont la séparation sous forme de « division scientifique du travail » semble être lun des fondements des organisations hiérarchiques. Ainsi, lautogestion « récuse catégoriquement la dissociation des tâches de préparation, conception, organisation, et de décision dune part, et des tâches dexécution pures et simples dautre part », « elle est totalement incompatible avec une séparation de ces deux catégories » : « dans un système auto organisé, il ny a aucune séparation entre ce qui organise, façonne ou dirige et ce qui est organisé, modelé et dirigé. Les aptitudes et les fonctions de façonnement et la direction dun système sont réparties dans le système. La hiérarchie devient ainsi caduque » et sy substitue un « principe dhétérohiérarchie [où] tous les mécanismes de modelage et de direction pourront faire lobjet dune discussion ».
Théorie autogestionnaire et nouvelles théories organisationnelles :
Deux perspectives « subversives » quant à la conception « classique » des organisations :
En effet, comme nous lavons vu précédemment, lautogestion est avant tout un mouvement didées qui se veulent en opposition avec les caractéristiques propre à cette sphère sociale et productive particulière quest lère industrielle et qui lui semble au fondement de la domination de lhomme sur lhomme : la propriété privée ; le centralisme ; lautorité ; le pouvoir ; lexcès de rationalité économique ; les règles et normes définies de manière statique par les quelques personnes détenant le pouvoir (et qui parviennent à le garder grâce à ce monopole de la définition des règles) ; la division (entre conception et exécution, entre intelligence et action, entre les différentes dimensions de lexistence humaine).
Les nouvelles théories organisationnelles se développent elles aussi en opposition avec la conception dite « classique » de lorganisation, dont les chantres furent Taylor, Fayol et Ford. Cette « image » mécaniste de lorganisation fut en effet fortement remise en cause à partir des années 70. Les nouvelles conceptions qui se développement vont dès lors systématiquement dénoncer :
une conception mécaniste simplifiant les processus organisationnels complexes et dynamiques à une conception simpliste, réductionniste et statique, et engendrant un manque dinnovation, de réactivité, dadaptabilité, dengagement et de motivation au travail
une logique transcendantale centralisatrice à la recherche du « tout rationnel », du « tout prévisible » et du « tout calculable » inadaptée à un environnement de plus en plus complexe
une division du travail à lorigine de la perte de lintelligence globale et du sens du travail
Une logique dunification et de massification privant lorganisation de la richesse de la diversité
Théorie autogestionnaire et nouvelles théories organisationnelles se présentent ainsi profondément comme deux pensées contestatrices et subversives vis-à-vis des conceptions traditionnelles de lorganisation. Mais, au-delà de cet aspect critique, ce sont également deux corpus théoriques constructifs qui vont tous deux sattacher à dessiner une nouvelle conception de lorganisation et des processus organisationnels fort similaire de par la place privilégiées quils accordent aux activités informationnelles, communicationnelles et cognitives.
Une même « image » de lorganisation axée sur les activités informationnelles, communicationnelles et cognitives :
Nous allons ici passer en revue les principaux concepts fondateurs (des concepts qui ont tous pour point commun de valoriser la place des activités informationnelles, communicationnelles et cognitives au sein des processus organisationnels) des nouvelles théories organisationnelles pour mettre en évidence leur congruence avec la théorie autogestionnaire.
La coopération :
La thématique de la coopération dans les nouvelles théories organisationnelles :
Une observation attentive des nouvelles théories organisationnelles met en effet en évidence le passage de la problématique de la « coordination » à celle de « coopération », une thématique présentée comme un « enjeu central du développement des organisations ». Ce passage témoigne de limportance désormais accordée aux relations interpersonnelles dans lentreprise.
Lidée de coopération dépasse en effet le simple souci dune coordination strictement matérielle et mécaniste des hommes et des compétences dont la logique était finalement d « économiser au maximum la communication inter-humaine » . Comme lexplique Thomas Coutrot : « lexigence de coopération dépasse largement la seule question de la coordination. Il ne sagit plus seulement de faire travailler ensemble efficacement des individus, la coopération requiert quelque chose de plus : une coordination qui passe par la bonne volonté des personnes, leur souci de lintérêt commun, leur refus de profiter dune opportunité individuelle au détriment du groupe, leur confiance que les autres en feront autant ».
Par ce passage de la coordination à la coopération, lorganisation des « ressources humaines » nest désormais plus assurée verticalement par la hiérarchie mais horizontalement, par les « opérateurs » eux-mêmes, au travers des leurs interactions quotidiennes et grâce à leur capacité à élaborer un « accord social ». La coopération nest ainsi plus assurée de « lextérieur » (par la hiérarchie) mais devient immanente à lactivité de travail et en devient une composante clé. Par conséquent, « la relation avec les autres [devient] un élément originel, de base, et non quelque chose daccessoire » installant « lidée de communication, non plus à la périphérie mais au cur même de lactivité industrielle ».
La coopération encourage ainsi une conception élargie de la communication qui « ne consiste pas seulement dans la transmission de messages, mais [qui], plus fondamentalement, consiste à se mettre daccord à la fois sur des objectifs communs et sur les interactions entre activités que nécessite la réalisation de ces objectifs ». La communication vise désormais une véritable « compréhension intersubjective ».
La notion de coopération met ainsi en avant la dimension sociale de toute organisation, même entrepreneuriale et soumise aux lois économiques, au détriment dune conception strictement mécaniste et fonctionnelle de lentreprise : « la spécificité de la coopération est justement déchapper à la rationalité instrumentale individuelle. On dira dun comportement quil est coopératif sil est soutenu par un autre type de rationalité, visant la satisfaction non dun intérêt matériel personnel, mais la production ou la reproduction de ressources symboliques, par ladhésion à des normes collectives ».
Cette notion de coopération souligne ainsi limportance des interactions sociales et plus globalement du « savoir être », compétence désormais aussi fondamentale que le « savoir » ou le « savoir-faire ». Elle ouvre de ce fait la voie à lexpérimentation de nouvelles relations sociales reposant non plus sur la méfiance, la hiérarchie et les jeux de pouvoir mais sur la confiance et la réciprocité propres aux réseaux informels. Il sagit en effet désormais de « limiter les rapports dautorité et de contrôle, pour favoriser les synergies et dynamiques créatives qui se nouent autour dun projet spécifique ».
La thématique de la coopération dans la théorie autogestionnaire :
La coopération est également une notion clé de la pensée autogestionnaire. On la retrouve ainsi chez plusieurs auteurs de ce courant, notamment sous le vocable de « lentraide », comme par exemple chez Kropotkine. Dans Mutual aid, publié en 1902, il souhaite montrer que lentraide est une donnée essentielle de la vie animale et humaine. Cest surtout en 1904 dans un long article pour The Nineteenth Century que Kropotkine théorise définitivement lidée que laide mutuelle est le « premier principe dévolution », permettant la réalisation dune société harmonieuse. Ainsi, pour cet intellectuel, « lentraide (...) combinée avec la large initiative laissée à lindividu et aux groupes» donna à lhumanité ses plus belles époques.
Un même appel à lexpérimentation de nouveaux rapports sociaux dans lentreprise :
La thématique de la coopération encourage lentreprise à devenir un véritable laboratoire social expérimentant de nouvelles formes de relations et dinteractions entre les individus qui la composent. Ce nouvel impératif de la coopération implique en effet lexpérimentation de nouvelles relations sociales qui désormais doivent se fonder sur la confiance, une thématique très en vogue dans les nouvelles théories organisationnelles.
Philippe Zarifian et Pierre Veltz constatent ainsi que « lévolution du travail (
) résulte dinnovations organisationnelles « pures », portant notamment sur les formes de coordination des activités ».
Lexpérimentation sociale est également au centre de la pensée autogestionnaire. Ainsi, plutôt que la révolution, Proudhon prône « lassociation et la découverte, linvention de nouveaux modes de relations sociales ».
Ces considérations ne sont pas sans rappeler les propos de Jacques Henri Jacot pour qui « la forme véritablement nouvelle dorganisation, celle qui procède dun saut, dune rupture, est la forme qui contribue au déplacement des rapports sociaux ».
Ainsi, tout comme lautogestion le préconise, lentreprise contemporaine doit être le lieu dune « expérimentation de nouveaux rapports sociaux », une véritable « expérience sociale». Tout comme la théorie autogestionnaire, cest donc bien à une « révolution sociale » dans lentreprise que nous convient ces nouvelles théories, puisquelles proposent de dépasser les jeux de pouvoir et les relations de méfiance qui avaient cours jusque là dans les organisations au profit de nouvelles relations sociales basées sur le confiance, base de la coopération.
Les corollaires de la notion de coopération: les thèmes de la décentralisation, de lautonomie, de la responsabilisation et la reconnaissance de lefficience du système de contrôle autonome :
La notion de coopération a donc pour corollaire la décentralisation dun certain nombre de prise de décisions ayant trait à lorganisation du travail, désormais dévolue aux « opérateurs » eux-mêmes. Cette logique de décentralisation est symptomatique du passage dune logique transcendantale à une logique immanente permettant des adaptations « au plus juste » et en « temps réel », cest-à-dire des ajustements au plus près du terrain et constamment renouvelés.
Cette nouvelle logique va ainsi encourager lautonomisation et la responsabilisation des « opérateurs ».
Cette thématique de la décentralisation se retrouve au cur de la théorie autogestionnaire. En effet, comme nous lavons évoqué en première partie, lautogestion repose sur la croyance en la capacité du collectif à se diriger par lui-même sans lintermédiaire dune hiérarchie. Lautogestion suppose donc un principe de décentralisation totale -un thème que lon retrouve implicitement dans létymologie même du terme « anarchie » qui signifie « sans commandement » ou « sans autorité »- et conjointement sur une principe de responsabilisation et dautonomisation de tous.
Un même appel au bouleversement des rapports interhiérarchiques :
Et cest à une véritable révolution dans les rapports interhiérarchiques que nous conduisent ces nouvelles thématiques, enjoignant les uns à être plus responsables et autonomes et les autres à user de moins de surveillance, de contrôle et de procédures formelles.
Ce processus conduit en effet les travailleurs à développer une « nouvelle attitude (
) vis-à-vis du travail qu'ils ont à réaliser » : « une attitude de prise d'initiative et de responsabilité sur la situation qu'ils affrontent, et dont ils ont la charge en quelque sorte ». Initiative et responsabilité deviennent « le cur du travail ». La décentralisation encourage en effet la « croissance des responsabilités individuelles à tous les niveaux ». « On constate [ainsi] une tendance de plus en plus répandue à substituer une définition par les objectifs à atteindre ou par les fonctions à remplir (définition laissant ouverte ou semi-ouverte la question du chemin à suivre) à la définition classique des tâches, ce qui revient à introduire une marge dautonomie intrinsèque dans lactivité ».
Mais ces nouvelles thématiques encouragent également la direction et lencadrement intermédiaire à développer une nouvelle attitude envers les travailleurs. Décentralisation, autonomisation et responsabilisation mettent en effet en avant lexistence mais surtout lefficience dun système de régulation autonome, et ouvrent ainsi la voie à la reconnaissance formelle du rôle profondément organisationnel de linformel. Les activités informelles avaient déjà acquis une certaine légitimité avec la théorie de la régulation conjointe de Jean-Daniel Reynaud, mais « une chose était de [les] admettre plus ou moins tacitement comme nécessité de régulation, autre chose est de [les] réintroduire dans le modèle defficience lui-même ».
Elles sont désormais non seulement reconnues mais, plus encore, pleinement intégrées dans les stratégies organisationnelles. Comme le remarquent Anni Borzeix et Danièle Linhart, « les savoirs et savoir-faire [auxquels ont pourrait ajouter le « savoir-être »] jusqualors tacites, informels, non reconnus officiellement par lorganisation font figure, désormais, de ressources essentielles ».
Les nouvelles théories organisationnelles mettent ainsi en avant la forte légitimation des formes de communication informelles qui auparavant était au mieux niées, au pire interdites. Ainsi, Alain Chanlat et Renée Bédard, sinterrogeant sur la manière de « gérer harmonieusement les flux de communication, condition indispensable pour canaliser les volontés et les intelligences vers la recherche de la performance », constatent que les groupes informels « devraient être, sur le plan des échanges, un merveilleux exemple à suivre. Tous les obstacles aux dialogues rencontrés dans les structures formelles sont inconcevables dans les groupes informels ».
Leffacement des frontières internes et externes de lorganisation:
La figure du « réseau » comme nouvelle modalité dorganisation entraîne un effacement des frontières liées à la multiplicité des interactions qui se développent à lintérieur des entreprises mais également entre celles-ci et leur environnement. Sous leffet de ces multiples interrelations, les frontières deviennent perméables, mouvantes et contingentes.
Comme lexplique Thierry Kirat : « les frontières de la firme sestompent, aussi bien à lintérieur (dans les cloisonnements entre divisions fonctionnelles, entre niveaux hiérarchiques) quà lextérieur (mise en réseau des firmes, pratique du flux tendu
). Cette gestion des interrelations fait donc apparaître clairement la nécessité du façonnage de « nouvelles frontières » désormais plus invisibles et psychologiques que visibles et formalisées ».
Ainsi, si la notion de frontière perdure, elle ne doit plus prendre le sens de « limite », de « fermeture », mais bien plutôt de « point dancrage des relations quelle instaure avec son environnement ». Les frontières sont désormais plus symboliques, psychologiques que matérielles, géographiques. Elles bénéficient ainsi dune plus grande souplesse.
Cette conception de lorganisation brouillant ses frontières tant internes quexternes se retrouve dans la théorie autogestionnaire :
Lidée deffacement des frontières internes de lentreprise renvoie à la logique de polyvalence et de rotation des postes, à la base de la dissémination du pouvoir organisationnel et décisionnel dans lorganisation autogérée.
Lidée deffacement des frontières entre lentreprise et son environnement renvoie quant à elle au fédéralisme proudhonien. Cette idée préconise le développement de relations, non de subordination mais de coopération, entre plusieurs unités autonomes de petite taille, comme nous lavons évoqué en première partie. Ces unités ne sont ainsi plus fermées sur elles-mêmes, bien au contraire, elles vivent en partie grâce aux relations quelles entretiennent avec leur environnement. Mondragon, fédération basque de 218 entreprises regroupant plus de 70 000 travailleurs au sein dune même structure pluraliste, illustre la faisabilité de cette idée proudhonienne.
Lintelligence :
Lintelligence est également devenue une thématique clé des nouvelles théories organisationnelles. En effet, lentreprise, réclamant désormais des travailleurs autonomes et responsables, ne serait plus seulement à la recherche dune « force de travail » mais également de « compétences cognitives ».
Ainsi, pour Jacques Henri Jacot, « le caractère le plus évident des formes nouvelles dorganisation est relatif à la prise en considération de la montée explicite de la connaissance, ou plus précisément de la cognition à tous les niveaux de lactivité productive : atelier, entreprise, système industriel ».
Les expressions telles que « organisation apprenante » ou « qualifiante » et « knowledge management » attestent du développement de ces nouvelles conceptions, plaçant lintelligence au cur des processus organisationnels et encourageant à faire de lentreprise un véritable « lieu pédagogique ».
La théorie autogestionnaire accorde elle aussi une place centrale à lintelligence. Les thèmes de léducation et du développement des potentiels y sont omniprésents car ce sont eux qui vont permettre de développer chez tous lesprit critique indispensable à la remise en cause permanente de lexistant et à la recherche de linnovant.
Mais cest à une conception complètement renouvelée de lintelligence que nous invite ces deux corpus théoriques.
En effet, dans ces deux corpus théoriques, lintelligence ne se conçoit plus comme un attribut individuel mais collectif, une conception soulignant une fois de plus le rôle primordial que tiennent les interactions dans les processus organisationnels.
Cette nouvelle conception de lintelligence met également laccent sur son côté « pratique » (le « learning by doing »), réconciliant ainsi conception et exécution du travail.
Par conséquent, cette intelligence organisationnelle se conçoit également comme disséminée à tous les niveaux de lentreprise, et non plus comme confinée au sommet hiérarchique.
Une intelligence collective basée sur la multiplication des interactions :
Les nouvelles théories organisationnelles sont fortement marquées par la figure du réseau, métaphore dune organisation « aplatie » souple et réactive. Amblard, Bernoux, Herreros et Livian situent la première approche du concept de réseau dans les travaux menés par Howard Becker au début des années 80. Travaillant sur la production des uvres dart, il soutient la thèse selon laquelle « cest le monde de lart plutôt que lartiste lui-même qui réalise luvre ». Toute uvre est donc le fruit dune action collective qui met des acteurs en réseau et ne peut exister que dans ce réseau.
La notion de réseau part ainsi de lidée que lintelligence, la créativité, linnovation sont fondés non sur le seul génie créateur de lartiste ou du décideur, mais sur la mise en réseau de tous les acteurs. Il ny aurait donc réellement dintelligence que collective.
Sylvie Bourdin soutient la même idée en proclament qu« on ne pense pas seul, pas plus quon ne travaille seul ». De même, pour Cornélius Castoriadis, « cest de la folie que de prétendre à tout prix être sage tout seul ».
Cette conception collective de lintelligence se retrouve dans lidée autogestionnaire. Cest en effet une idée que lon retrouve dans la notion de « general intellect » développée par Marx. Comme nous lexplique Paulo Virno, cette expression « contredit une longue tradition selon laquelle la pensée serait une activité isolée et solitaire, qui nous sépare de nos semblables, une activité intérieure, sans manifestations visibles, étrangère au souci des affaires communes (
) Marx pose lintellect comme quelque chose dextérieur et de collectif, comme un bien public » appelé à devenir « le ressort véritable de la production de la richesse ».
Cette nouvelle forme dintelligence sappuie donc, pour sexprimer comme pour se développer, sur de multiples échanges relationnels. Les activités informationnelles et communicationnelles doivent désormais être sans cesse activées pour générer cette « saine émulation » dont lentreprise a perpétuellement besoin pour se régénérer, cest-à-dire sadapter et innover.
Ainsi, « une autre logique de gestion des connaissances voit le jour » en réaction à celle purement instrumentale et mécaniste qui avait cours jusque là : « il ne sagit pas ici de modéliser les connaissances mais plutôt dorganiser le dialogue (
) de favoriser le développement des liens interpersonnels, en escomptant lapparition progressive de réseaux professionnels, au gré des affinités, des hasards, des pratiques quotidiennes », « il sagit de passer dune logique de gestion et de capitalisation des connaissances à la mise en place dun environnement favorisant leur mobilisation ».
Jacques-Henri Jacot parle d « organisation interactive » au sujet des formes organisationnelles susceptibles de représenter une véritable « rupture ». Dans cette nouvelle perspective, lensemble des activités relationnelles sont désormais considérées comme des facteurs clés dans les processus organisationnels.
Cest également un des postulats de lorganisation autogérée. En effet, comme nous lavons évoqué en première partie, lorganisation autogérée sappuie sur une socialisation des moyens dinformation et de communication encourageant tous les savoirs à se rencontrer pour senrichir mutuellement.
Le développement de lintelligence collective au sein des organisations autogérées est également permis grâce à une organisation à taille humaine. Lune des limites souvent évoquée lorsquil est question dentreprise autogérée met laccent sur la taille forcément limitée de celle-ci. Cependant, il semblerait plus juste de comprendre cette limite comme une contrainte profitable. Cette taille réduite est en effet la condition même du développement de lintelligence collective. En effet, celle-ci ne peut sactualiser que dans des organisations dont la taille permet à la fois de dépasser la rationalité individuelle limitée et de contrer la loi dunité mentale des foules (lune et lautre revenant finalement au même).
Ce souci de développer des organisations à taille humaine semble également caractériser les nouvelles théories organisationnelles qui encouragent la « déconcentration productive ». Thomas Coutrot constate ainsi que « le mot dordre nest plus à la constitution dimmenses conglomérats diversifiés, mais au recentrage sur des métiers. »
Une intelligence pratique réactualisant la thématique de lapprentissage :
Le développement de lintelligence est également encouragé à fort recours de formations. Mais cest également une nouvelle conception de lapprentissage qui se développe. Celui-ci se conçoit désormais comme étant basé sur la pratique. Lintelligence se développe désormais « en situation ». Lentreprise devient un lieu dapprentissage, un « lieu pédagogique ». Philippe Zarifian et Pierre Veltz insistent alors sur la nécessité de « sortir lapprentissage et linnovation de leur gangue fonctionnelle spécialisée pour en faire des processus actifs dans toute lépaisseur de lorganisation ». Lactivité professionnelle quotidienne doit devenir une « occasion dapprentissage, denrichissement du répertoire dactions efficaces, dexpérimentations».
Dans le même esprit, Proudhon souhaite renouer lintelligence et lactivité, la pensée et laction, notamment à travers ce quil nomme lidéo-réalisme. Selon cette théorie, « toute idée a sa source dans un rapport réel révélé dans une action et perçu ainsi par lentendement ». Dans La Justice (1858) il énonce que « toute idée naît de laction et doit retourner à laction, sous peine de déchéance pour lagent ».
Lorganisation autogérée sappuie ainsi sur une « dynamique de la formation permanente et de lautodidaxie pratiquée dans lentreprise ».
La métaphore du cerveau et la métaphore holographique :
Lieu dapprentissage, lentreprise se pense désormais à partir du fonctionnement du cerveau. Comme en témoigne Gareth Morgan, il sagit en effet de « se servir du cerveau comme métaphore de lorganisation » pour « permettre daméliorer notre capacité dorganiser de façon à promouvoir laction souple et créatrice ».
Ainsi, « le réseau neuronal et son architecture deviennent le modèle idéal de lorganisation de la production [en] multipli[ant] les communications et les connexions plutôt que les règles et les prescriptions ». Cette métaphore du cerveau appliquée à lentreprise encourage donc une fois de plus à multiplier les activités informationnelles et communicationnelles.
Mais cest à une nouvelle image du cerveau que nous convient les nouvelles théories organisationnelles. En effet, en règle générale, les gestionnaires et théoriciens ont réduit limage du cerveau appliquée aux entreprises à lidée dun système nerveux central que représenteraient les unités centralisées de planification et de prises de décision. Leur rôle est ainsi de faire office de « cerveau », cest-à-dire de « penser pour le reste de lorganisation, de diriger et dintégrer toute lactivité de lorganisation ». Lactivité cognitive de lorganisation était donc jusque là confinée au sommet hiérarchique de lentreprise.
Les nouvelles théories organisationnelles développent une toute autre image du cerveau encourageant la création « de nouvelles formes dorganisation qui diffusent des compétences similaires à celles du cerveau à travers toute lentreprise, plutôt que de les limiter à certaines unités ou parties ».
Cette nouvelle conception compare le cerveau à un système holographique : lholographie (du grec holos qui signifie « entier » et graphein, « écrire ») est un procédé photographique inventé en 1948 enregistrant linformation dune manière qui emmagasine le tout dans chacune de ses parties en disséminant cette information.
La métaphore holographique encourage ainsi à « concevoir une vision de lorganisation selon laquelle les capacités requises par le tout sont contenues dans chaque partie, permettant au système dapprendre et de sauto organiser ». Dans une organisation holographique, le tout est disséminé dans chacun des parties. Cette notion de « dissémination » nest pas sans rappeler celle de « socialisation » que nous avons placé au fondement de lorganisation autogérée.
En effet, lorganisation autogérée sappuie principalement sur la socialisation/dissémination des moyens de production et des pouvoirs décisionnels et organisationnels, elle-même permise par une socialisation/dissémination des moyens dinformation, de communication et de formation. Cette socialisation des droits de propriété et des pouvoirs assure la dissémination du tout dans chacune des parties.
Ce qui fonde le caractère holographique du cerveau, selon Gareth Morgan, ce sont les multiples connexions entre neurones. La métaphore holographique participe donc elle aussi de cette nouvelle conception plaçant les flux de communication au centre des processus organisationnels, une conception que lon retrouve dans la théorie autogestionnaire.
Gareth Morgan distingue deux principes clés au fondement des organisations « holographiques » :
Introduire le tout dans les parties par un principe de « redondance »
La redondance renvoie à un surplus de capacité permettant de créer une marge de manuvre pour réfléchir, remettre en question et, éventuellement, modifier les modes de fonctionnement.
Il sagit d « ajoute[r] des fonctions à chacune des parties, de sorte que chacune peut accomplir toute une gamme de fonctions au lieu de se contenter dune seule activité spécialisée. Les membres acquièrent des compétences multiples de sorte que chacun puisse faire le travail des autres et se substituer à eux si besoin est ».
Le principe de redondance préconise ainsi la diffusion des compétences à tous les niveaux de lorganisation et consacre dès lors la fin de la division horizontale et verticale du travail par le développement de la polyvalence (un principe que lon retrouve dans la théorie autogestionnaire, comme nous lavons déjà évoqué). Cest ainsi que les « capacités pertinentes pour le fonctionnement du tout » peuvent être intégrées dans chacune des parties de ce tout.
Formaliser au minimum lorganisation selon un principe de « spécification critique minimale » :
Ce principe soppose à la logique bureaucratique cherchant à définir « de manière très précise et très claire tout ce qui a trait à lorganisation » au risque de sa souplesse.
Ce principe préconise au contraire dinstitutionnaliser au « minimum » les processus car les fonctions peuvent changer et se modifier selon les circonstances. Le processus organisationnel ne doit ainsi plus être basé sur des normes et standards définis une fois pour toutes mais sur les capacités dapprentissage individuelles et collectives.
Les règles organisationnelles ne doivent donc plus être décidées par une seule personne, qui plus est éloignée du terrain quelle légifère, elles doivent émerger en situation au travers des multiples interactions qui relient les acteurs de terrain, interactions à lorigine des capacités cognitives de toute organisation. Une fois enactées, ces règles ne doivent pas être formalisées, institutionnalisées pour pouvoir rester changeantes au gré des contingences dans un souci de réactivité et dadaptabilité. Elles doivent pouvoir être réinterprétées continuellement au regard des situations nouvelles. On retrouve ici limportance désormais accordée au système de régulation autonome.
Le processus organisationnel, en devenant flexible, mouvant, en rééquilibrage permanent, peut alors prétendre à une meilleure adaptabilité.
Lon retrouve ces deux principes dans un texte de Proudhon, intitulé Idée générale de la révolution du XIXème siècle (1851), où celui-ci milite pour que le pouvoir soit le plus possible dissous dans le corps social et que les autorités centrales ne disposent que de prérogatives minimales.
Tout comme lidée autogestionnaire le préconise, les nouvelles théories organisationnelles encouragent ainsi une dissémination, une distribution, une « socialisation » de lintelligence organisationnelle et de la prise de décision (qui désormais doit de plus en plus se faire en situation). Les compétences décisionnelles, organisationnelles ne doivent plus être exclusivement détenues par le sommet hiérarchique mais se disséminer au sein de lentreprise. Ainsi Richard Déry préconise détendre les activités propres aux gestionnaires (cest-à-dire les rôles interpersonnels, informationnels et décisionnels) à lensemble des membres de lorganisation. Ces compétences étant au fondement du pouvoir et des formes hiérarchiques, leur « socialisation », cest-à-dire leur dilution dans lorganisation, entraîne nécessairement un bouleversement des structures organisationnelles qui dhétérogestionnaires, semblent devoir devenir autogestionnaires. De pyramidale, lentreprise devient fractale/holographique.
Vers une conception plus anthropologique et moins mécaniste des processus organisationnels en entreprise :
La « culture dentreprise » :
Mais lorganisation holographique ne renvoie pas seulement à des aspects matériels, structurels, fonctionnels ; elle renvoie également à des aspects symboliques. Ainsi, une organisation devient réellement holographique « lorsque chaque employé partage ce sentiment dappartenance à un tout » permettant ainsi dassurer sa cohésion. Gareth Morgan présente ainsi la « culture dentreprise » comme un « potentiel holographique ».
Cette thématique de la « culture » dentreprise nest pas nouvelle. Elle a donné lieu à un véritable engouement managérial dès le début dans années 80, notamment à la suite de louvrage de Peters et Waterman intitulé Le prix de lexcellence. Cet engouement perdure aujourdhui car cest à un véritable bouleversement conceptuel que nous invite cette notion : laccent nest désormais plus seulement mis sur la nécessité de saccorder sur des procédures matérielles de travail mais également sur des valeurs. Cette thématique ouvre ainsi la voie à une certaine anthropologisation de lentreprise, où les dimensions symboliques de valeurs, de croyances et de rites étaient auparavant déniées au profit dune conception purement économique, mécanique et fonctionnelle/instrumentale des organisations artefactuelles. La notion de culture donne donc à voir lentreprise non plus comme un agrégat dindividus guidés par des intérêts économiques, mais comme une véritable communauté anthropologique cohérente et soudée autour de valeurs communes.
La « culture dentreprise » va également jouer un rôle essentiel dans une organisation autogérée. En effet, limplication et ladhésion naturelle et spontanée de ses membres va participer de la socialisation du pouvoir. Ainsi, lorsque la culture commune est forte, ladhésion et limplication « ne nécessite aucun effort de la part de lorganisation pour obtenir lintégration souhaitée », « quand le système idéologique est puissant et fort, les systèmes de contrôle ne sont plus nécessaires ». Ainsi, « une idéologie forte et puissante a un effet considérable de nivellement du pouvoir dans la coalition interne. Comme tout le monde a le même système de croyances, tout le monde a la confiance de tout le monde en matière de prise de décision ». En adhérant aux mêmes croyances, « les membres de lorganisation partagent (
) en fait un ensemble de préférences pour des résultats organisationnels » : « alors quaucune autre personne noriente les autres vers la poursuite dun but unique, tous le font spontanément parce quils sidentifient à lorganisation et à sa mission ». « En partageant les croyances, tout le monde se partage aussi le pouvoir ». Ainsi, le partage dune même culture cristallisée par lorganisation favorise la socialisation des moyens de pouvoir : « le pouvoir dans la coalition interne a tendance à être réparti uniformément quand il y a une idéologie forte et puissante ». Une forte culture organisationnelle semble donc essentielle à la mise en pratique de lautogestion.
Et elle y est particulièrement forte. En effet, la « culture » de lentreprise se nourrit ici directement des cultures personnelles : les principes de fonctionnement de lentreprise (lautogestion) réalisent en effet lidéal sociopolitique des membres de lorganisation, ce qui engendre une pleine participation et implication de chacun par une identification presque totale à lentreprise : « les agents internes ne se contentent pas daccepter tout simplement les buts centraux, il les partagent ou les intériorisent comme sil sagissait de leurs propres buts personnels » .
Les finalités et les valeurs de lorganisation recoupant totalement les aspirations et lidéologie ses membres, le tout se trouve ainsi disséminé dans chacune des parties qui se trouvent, elles mêmes, pleinement intégrées au tout.
La réconciliation des différentes sphères et lidéal de « lhomme complet » :
La thématique de la « culture dentreprise » est symptomatique dun mouvement intellectuel qui cherche à dépasser les conceptions classiques positivistes, mécanistes et dualistes pour redécouvrir la complexité des processus organisationnels et des phénomènes sociaux.
Comme lexplique Jean François Chanlat : « En ayant installé léconomique, le nombre et la chose au centre de son univers, notre société semble en avoir oublié le reste, cest-à-dire tout ce qui nest pas réductible à une formalisation quelconque (
) [ainsi] de plus en plus de chercheurs remettent en cause cette conception instrumentale, adaptative, voire manipulatrice de lêtre humain, sinterrogent sur les dimensions oubliées, se tournent vers dautres disciplines ou dautres perspectives théoriques. Ils cherchent à rendre intelligible lexpérience humaine et à la saisir dans toute sa complexité et sa richesse ». En effet, lêtre humain est beaucoup trop complexe pour se laisser enfermer dans de telles conceptions « simplistes, mécaniques, instrumentales, élitistes, utilitaristes et universalistes ». La conception anthropologique de lorganisation qui émerge serait donc profondément liée au mouvement de complexification que suit le développement de nos connaissances.
Pour se faire, les théories organisationnelles semblent tout dabord lutter contre léclatement des savoirs conduisant irrémédiablement à un éclatement de lêtre humain en « occultant un grand nombre de dimensions humaines » pour retrouver une conception anthropologique des phénomènes humains et des processus organisationnels : « le moment est en effet venu de tenter de fonder une véritable anthropologie de lorganisation » visant à « réunir ce qui était jusque là séparé, mettre en évidence des dimensions largement oubliées, réaffirmer le rôle du sujet, de lexpérience, de la symbolique dans les organisations ».
Les nouvelles théories organisationnelles semblent ainsi militer pour la réhumanisation de lentreprise, au travers dune réhabilitation des dimensions psychologiques, relationnelles et informelles. Ces différentes thématiques sont présentent depuis bien longtemps au sein des théories organisationnelles, notamment depuis les travaux menées par lEcole de Relations Humaines. Elles continuent aujourdhui à alimenter les recherches :
-les dimensions psychologiques sont omniprésentes chez un chercheur comme Christophe Dejours, représentant du courant de la « psychopathologie du travail » ;
-laspect interactionnel du travail et plus encore des processus organisationnels sont prégnants chez Philippe Zarifian et lensemble des travaux sinscrivant dans la champ de la communication organisationnelle ;
-enfin, les dimensions informelles ont retrouvées leur lettre de noblesse depuis la théorie de la régulation conjointe de Daniel Reynaud.
Cette « anthropologisation de lorganisation » marque également une reconnaissance de laffectif, bannie jusquici des organisations. Philippe Zarifian dénonce ainsi la « fiction » qui consiste à croire en « l'existence d'un monde supra sensible », en la possibilité de « penser en dehors de tout affect ». De même, Christian Thederoz plaide pour que soit mis laccent sur « le proche, laffectuel, ce qui unit à un lieu de travail ». Jean François Chanlat souhaite lui aussi « revaloriser la vie intérieure, laffectivité ».
Laffectivité est donc désormais considérée comme « une dimension incontournable des relations humaines ». Gilbert Probst constate ainsi que les « relations informelles, [les] émotions, [les] échelles de valeurs sont des phénomènes nécessaires et complémentaires à lorganisation formelle, mais le plus souvent considérés comme une source dinterférence et de perturbations aux mesures de structuration formelle (
) Il faut reconnaître la créativité des participants pour générer et construire les structures ». En effet, « La libération des relations interpersonnelles dégage des forces insoupçonnées dimagination, de capacité dexpression, dintelligence, de la capacité relationnelle jusqualors strictement conditionnées par la relation marchande ».
La pensée autogestionnaire soppose elle aussi à léclatement de lêtre humain. Et elle aussi cherche à valoriser les « dimensions oubliées » des organisations humaines, présentées comme inutiles voire stigmatisées comme parasitaires pour lactivité productive, mais en réalité fondamentales pour la constitution sociale du collectif de travail.
Il semble en effet que lun des objectifs majeurs de cette pensée particulière soit de retrouver l « homme complet » si souvent mis à mal par léclatement des sciences et par la division du travail. Ce concept d « homme complet » est en effet à la recherche de la « plénitude humaine originelle, dun ordre cosmique et indifférencié », « dune totalité perdue dans laliénation, la dispersion », la « séparation de la nature et de la culture, la séparation du sociale et de lhumain aboutissant à la spécialisation des diverses sphères dactivités » ; une totalité « quil sagit de reconstituer, de reconquérir » .
Ainsi, le travail qui prend place dans une organisation autogérée allie tant lintelligence que laction, mais redonne également sa place à des activités qui étaient jusquici totalement occultées, voire réprimées, dans les milieux professionnels alors quelles sont pourtant des dimensions incontournables des relations humaines : telles laffectif, le ludique et le festif. « Lautogestion renverrait alors à un mode de régulation alternatif, plus affectif », elle étend à lentreprise « des modes spécifiquement privés de régulation » , tolérant par conséquent « des fantaisies qui saccommodent mal de la professionnalisation ».
Lentreprise autogérée se veut ainsi tout autant un espace de travail quun lieu de vie, elle refuse « détablir une frontière imperméable entre le travail et les autres aspects de la vie, et les considère comme appartenant à un tout ». Pour que lhomme puisse réellement développer son potentiel et le mettre au service dun collectif, il faut que chacune de ces dimensions puissent sépanouir dans lexercice de son travail. Cest ainsi que lhomme concret redeviendra un homme intégral au potentiel inépuisable.
Les nouvelles théories organisationnelles semblent sengager dans une voie similaire. La « cité projet », décrite par Boltanski et Chiapello, est une bonne illustration de cette nouvelle conception des phénomènes organisationnels dépassant la séparation de lexistence humaine entre sphère privée, sphère sociale, sphère professionnelle et sphère publique. En effet, dans cette cité en émergence, « ce à quoi se mesure « la grandeur » des personnes et des choses est lactivité. Mais, à la différence de ce que lon constate dans la cité industrielle, où lactivité se confond avec le travail, lactivité, dans la cité par projets, surmonte les oppositions du travail et du non-travail, du stable et de linstable, du salariat et du non salariat, de lintéressement et du bénévolat, de ce qui est évaluable en termes de productivité et de ce qui, nétant pas mesurable, échappe à toute évaluation comptable ».
Ainsi, nouvelles théories organisationnelles et théorie autogestionnaire militent toutes deux pour la réhumanisation de lentreprise, au travers dune réhabilitation des dimensions symboliques, psychologiques, relationnelles, informelles et affectives et dune réconciliation des différentes sphères de lexistence humaine. Les entreprises autogérées rompent ainsi avec une conception trop matérialiste et rationaliste de lorganisation ainsi quavec une conception par trop utilitariste voire manipulatoire de la communication, à linstar du mouvement intellectuel qui caractérise lévolution des théories organisationnelles et communicationnelles.
Cette anthropologisation de notre conception des processus organisationnels est aujourdhui largement nécessaire. En effet, les principes holographiques qui guident désormais les processus organisationnels encouragent lentreprise à se remanier en permanence. Face à ce perpétuel mouvement dorganisation/désorganisation/réorganisation, nécessaire à la souplesse adaptative de lorganisation, la stabilité que représentent des valeurs partagés et des relations interpersonnels fortes est indispensable pour assurer la cohérence et la cohésion dun système en perpétuel changement.
Le changement permanent :
La thématique du changement est en effet devenue prépondérante aujourdhui, comme en témoigne les nombreux travaux des théories organisationnelles focalisés sur la thématique du « renouvellement des formes organisationnelles », mais également la prolifération des cabinets de consulting proposant des prestations en termes de « conduite » ou d « accompagnement » du changement.
Philippe Cabin décrit ainsi de nouvelles « méthodes de managériales fondées sur le changement permanent »
Une conception processuelle, dynamique et évolutive des processus de lorganisation
Lorganisation ne se perçoit donc plus comme un état stable mais comme un processus dynamique et évolutif en mouvement perpétuel, à la recherche dune adaptabilité constante. Comme en témoigne Christian Le Moënne « lorganisation nest pas un état mais un ensemble de processus perpétuels de rupture par rapport aux formes existantes et de recomposition des normes ».
Ainsi, à limitation de lexistant, à la répétition du même propre aux organisations institutionnelles, se substitue linvention et lexpérimentation constante de formes organisationnelles innovantes qui ne doivent plus être conçues comme des modèles stables mais comme une succession évolutive de transitions organisationnelles, comme un processus permanent de désorganisation/réorganisation.
Cette caractéristique des nouvelles formes organisationnelles se retrouve dans la théorie autogestionnaire : en effet, « lautogestion se définit comme un processus », cest « un processus permanent, plus quun produit fini ou un résultat stable et intangible ».
Rosanvallon définit ainsi lorganisation autogérée comme une organisation « dexpérimentation, un laboratoire, un organisme vivant ». En effet, « une expérience dautogestion ne signifie pas la résolution de tous les problèmes mais réclame un constant réajustement des objectifs sociaux et économiques dans le cadre dune expérience sociale sans cesse corrigée et remodelée ». Ainsi, « des entreprises qui veulent sappuyer sur des structures démocratiques sont des sociétés composées de structures, de règles de groupes et de valeurs qui ne sont pas données au départ, mais qui sélaborent progressivement au cours de leurs fonctionnements quotidiens » et qui doivent inventer leur propre « régulation sans modèle à copier ».
Il est donc par définition impossible de « concevoir une autogestion programmée, modélisée, enfermée dans un carcan de recettes et de plans prévus à lavance ». Processus organisationnel partant de la base, « la société autogestionnaire ne pourra être que mobile et diversifiée » .
On retrouve en substance les propos de Kropotkine : « Point dimmobilité dans la vie : une évolution continuelle ». Kropotkine nous donne en effet à voir une société reposant sur le mouvement et laménagement constant: « une telle société naura rien dimmuable, au contraire comme on le voit dans la vie organique lharmonie sera la résultante dajustements et de réajustements, toujours modifiés, de léquilibre entre la multitude de forces et dinfluences » car « lharmonie nest pas une chose qui dure indéfiniment. Elle ne peut exister sans être constamment modifiée, sans changer daspect à chaque instant parce que rien nexiste, ni dans la nature, ni dans les relations humaines, qui ne change à un moment ou à un autre ». Elisée Reclus plaide lui aussi pour une utopie non figée, évolutive, à limage de la nature puisque « tout change, tout se meut dans la nature dun mouvement éternel ».
On retrouve ici la notion de changement perpétuel, leitmotiv des propositions anarchistes (quils développent généralement sous le vocable de « révolution permanente ») mais également des nouvelles théories organisationnelles.
Une redéfinition du rôle de lordre et du désordre dans les processus organisationnels :
Les nouvelles théories organisationnelles, combinant à la fois les thématiques de la culture et celle de linnovation, de lexpérimentation et du changement permanent, pensent ainsi tout en même temps permanence et changement, stabilité et innovation, ordre et désordre, des phénomènes complémentaires et pris dans un seul et même mouvement organisationnel.
En effet, si lordre est nécessaire à la stabilisation de lentreprise, les phases de désordre, de changement, dinnovation sont porteurs dun potentiel créatif lui assurant une plus forte viabilité grâce à une meilleure adaptabilité.
Comme nous lexplique Gilbert Probst, les activités auparavant perçues comme des phénomènes de désordre, comme « limprovisation, la perception et lutilisation des opportunités, linvention et lexpérimentation, les discontinuités, le doute et les perturbations », doivent désormais être considérées « comme source de création de lordre ». Il faut ainsi encourager les activités communicationnelles auparavant perçues comme « subversives » telles « lautocritique, lauto évaluation, la liberté, les débats et le traitement des questions nouvelles et inhabituelles », « la tolérance des conflits, de louverture desprit, de la réflexion, de la critique, de lexpression de points de vue différents ».
Ainsi, les activités auparavant perçues comme sources de désordre sont aujourdhui considérées comme des facteurs dordre, et, inversement, les activités auparavant perçues comme des variables dordre (la centralisation, la séparation entre exécution et conception, le one best way
) semblent être considérées comme des facteurs de désordre, tout du moins comme les sources dune certaine sclérose menaçant ladaptation de lorganisation.
Cette relation dialectique entre ordre et désordre se retrouve dans la théorie autogestionnaire, elle est même un principe central de lanarchisme. En effet, pour Proudhon et Bakounine, « l'anarchie était à la fois le pire désordre et la pire désorganisation de la société et, suivant cette nécessaire révolution, la construction d'un ordre nouveau, stable et rationnel, basé sur la liberté et la solidarité ». Ainsi, si le désordre est inévitable, cest avant tout dans le but de créer un nouvel ordre régénéré.
Lanarchisme incarne également, avec plus dun siècle davance, le renversement actuel de la représentation traditionnelle des principes dordre et de désordre. En effet, pour la logique capitaliste ou bureaucratique le centralisme, la hiérarchie et lautoritarisme représentent des facteurs dordre alors quils sont des facteurs de désordre pour les anarchistes. Inversement, la créativité, limagination, linnovation, voire lirrationnel, sont des facteurs dordre pour ces derniers, mais de désordre pour les premiers.
La reconnaissance de la diversité et du pluralisme :
Limportance accordée aux dimensions collectives et interactionnelles des nouvelles organisations conduit nécessairement à la reconnaissance de la diversité des points de vue.
A lhomogénéité des points de vue qui caractérise la direction et les cadres intermédiaires, se substitue donc le pluralisme des informations, des connaissances et des idées qui émergent, circulent, se confrontent et senrichissent à tous les niveaux de lentreprise.
Ainsi, Arlette Bouzon souhaite que soient considérés les « points de vue différents, voire contradictoires, émis par des personnalités dhorizons divers, avant de définir une stratégie ou de prendre des décisions importantes (
) [car] Lhétérogénéité et la diversité de vues induisent généralement une tolérance aux opinions diverses et une réceptivité accrue aux idées nouvelles, sources de créativité et dinnovation ». Serge Amabile défend lui aussi cette idée. Pour lui, « lattention de lorganisation doit intégrer celle des acteurs [car] chacun différemment, complémentairement, à son poste, à partir de son expérience, de sa pratique, sait construire et donner un sens à des stimuli et conduit à rendre possible lémergence de nouveaux comportements et de nouvelles connaissances dans lorganisation ».
Dominique Puthod constate ainsi le « passage dune rationalité limitée conçue à léchelle individuelle à une rationalité partagée conçue à léchelle collective ».
La reconnaissance de la diversité tient également une place centrale dans la pensée autogestionnaire, une notion que lon retrouve plus généralement sous le vocable de « pluralisme ». Proudhon présente ainsi cette notion, dans La guerre et la paix (1861), comme l « axiome de lunivers ». Son idée de "fédéralisme autogestionnaire" plaide ainsi pour une libération de lhomme par le pluralisme social : en effet, le fédéralisme substitue à lunité partielle et statique imposée den haut, la diversité foisonnante et mouvante qui émerge du bas.
Conférant un droit (et peut être même un devoir) dexpression à chacun, lorganisation autogérée est forcément basée sur la reconnaissance du pluralisme. Sainsaulieu, Tixier et Marty définissent ainsi lorganisation démocratique comme une « structure complexe qui doit sefforcer darticuler la multirationalité que lon rencontre nécessairement dès lors que lentreprise donne la parole à tous ses membres ».
Cette reconnaissance de la diversité se retrouve également aujourdhui chez des auteurs tels que Paulo Virno, Michael Hart et Antonio Négri qui placent la notion de « multitude » à la base des formes organisationnelles actuellement en émergence. Cette notion de « multitude » entretient de nombreux liens avec la théorie autogestionnaire. Pour Paulo Virno, cette notion de multitude renvoie en effet à « la pluralité, en tant que forme durable dexistence sociale et politique, par opposition à lunité cohérente du peuple. La multitude consiste en un réseau dindividus fait de nombreuses singularités ». Cette définition de la multitude fait ainsi la conjonction entre le concept de pluralité développé par Proudhon et celui de réseau développé par les nouvelles théories organisationnelles.
Cette notion caractérisant les nouvelles formes organisationnelles semble donc faire revivre lidée autogestionnaire. Sous la plume de Hobbes, la multitude renvoie en effet à une forme organisationnelle « réfractaire à lobéissance » et à lunité politique, la multitude « ne conclut pas de pactes durables, nobtient jamais le statut de personne juridique parce quelle ne transfère jamais ses propres droits au souverain ». De même, pour Spinoza, « la multitude est la clé de voûte des libertés civiles ».
Une nouvelle représentation du travail cherchant à le revaloriser
Cette volonté de réhabilitation du travail nest pas nouvelle : la prégnance du thème de lélargissement et de lenrichissement au sein des théories organisationnelles, ainsi que les nombreux travaux concernant la motivation au travail sont là pour en témoigner.
Toutefois, des auteurs contemporaines tels que Philippe Zarifian regrettent que le travail ne soit encore appréhendé quau travers dune conception fonctionnelle (« raisonnant en terme de division du travail, de coordination, de contrôle, le travail est réduit à une fonction ou à un ensemble de tâches, empreintes de prescription, de reproduction et de performances ») ou selon une approche stratégique (« raisonnant en termes de domination, dexploitation, de soumission »), deux conceptions réduisant « le travailleur à un automate ».
Ainsi, les auteurs contemporains semblent vouloir aller plus loin que les théories sur lélargissement et lenrichissement du travail en nous offrant une nouvelle représentation du travail qui nest pas sans rappeler celle développée par la pensée autogestionnaire.
Le travail comme pouvoir daction :
Philippe Zarifian propose ainsi « une autre vision mettant l'accent sur le pouvoir d'action, la capacité à donner du sens et l'engagement de la subjectivité. Le travail est d'abord exercice concret de la puissance de pensée et d'actions des individus ». De même, Négri et Hart réhabilitent le travail en le montrant « simplement comme le pouvoir dagir ».
Cette nouvelle conception nest pas sans faire penser au propos de Proudhon. Celui-ci définit en effet le travail comme laction intelligente des hommes en société sur la matière, « la force plastique de la société ». Le travail est pour lui tout à la fois « générateur de léconomie, géniteur de la société, levier de la politique, source de la philosophie, mode denseignement, moteur de lhistoire, promoteur de la justice, réalisateur de la liberté, et auteur de lémancipation de lhomme ».
La dimension créative du travail :
Pour Philippe Zarifian « Le travail est avant tout invention avant d'être imitation et reproduction ». Pour souligner cette dimension profondément créative du travail, Zarifian met laccent sur la notion d « évènement », au cur des nouvelles conceptions des activités productives : « l'importance de l'invention ne peux être pleinement comprise que si l'on fait intervenir le concept d'événement: travailler c'est s'affronter à des situations qui comportent du surprenant, de l'imprévu qui oblige à inventer, à initier une pensée et une action, en deçà de toutes les tentatives permanentes de standardisation et rationalisation ».
De même, pour Kropotkine, le travail permet de « donner à lhomme un exutoire pour ses impulsions constructives » . Mais la revalorisation du travail dans la pensée autogestionnaire fut surtout amorcée par Fourrier. Il est en effet considéré, à juste titre, comme le plus ardent défenseur du travail. Il souhaite faire de celui-ci une activité agréable et attractive en soulignant sont caractère hautement créatif.
Le travail comme outil démancipation :
La nouvelle conception que Philippe Zarifian développe du travail est clairement orientée, comme la pensée autogestionnaire, contre les phénomènes daliénation. Il précise ainsi que « l'aliénation ne consiste pas à s'affronter à de l'hétéronomie, à ce qui nous est étranger. Elle surgit par perte de sens, enfermement dans une routine dont on ne voit plus ce qu'elle apporte au vivre commun ». Le travail doit ainsi être considéré comme « source d'émancipation, grâce à la prise de parti et d'action concrète sur la vie sociale » quil permet.
De la même manière, Proudhon prônait un " travaillisme pragmatique" quil définit comme la réalisation de lhomme par lhomme grâce au travail.
Pour la théorie autogestionnaire comme pour les nouvelles théories organisationnelles, le travail ne doit donc plus être perçu comme une source daliénation mais comme un des premiers facteurs démancipation.
Ainsi, les nouveaux concepts qui sont au fondement des nouvelles théories organisationnelles entretiennent de nombreux liens avec la théorie autogestionnaire. Ces deux corpus théoriques ont notamment pour point commun de publiciser une « image » de lentreprise valorisant la place des activités informationnelles, communicationnelles et cognitives.
Conjointement, ces deux corpus théoriques partagent également les mêmes « cadres épistémologiques ».
Des cadres épistémologiques similaires :
Pour penser le nécessaire « renouvellement » des formes organisationnelles, suite à la crise du taylorisme, les nouvelles théories organisationnelles vont sappuyer sur des approches épistémologiques en rupture avec les approches dites « classiques » et « mécanistes », des approches que lon retrouvent au fondement même de la théorie autogestionnaire.
Deux approches « systémiques » :
La notion de « systémique » émerge avec L. Von Bertalanffy et repose sur le principe suivant: tout système est un ensemble dont les éléments ne peuvent s'étudier isolément car ils sont en interactions ; et cest bien leurs relations, et non leur simple agrégat, qui fondent lexistence du système.
En ce sens, la systémique soppose à lancien paradigme cristallisant des approches déterministes et mécanistes selon une méthodologie qui consistait à isoler les facteurs et quEdgar Morin définit comme « un paradigme de disjonction-réduction- unidimensionalisation ».
Dans la perspective constructiviste, le tout est alors plus que la somme de ses parties. Le système ne se réduit plus à la simple accumulation de ses composants, il est plus que la somme de ces derniers grâce aux interactions qu'ils entretiennent, des interactions qui jouent un rôle clé dans les processus organisationnels : celui de la régulation du système.
Sattachant à faire des activités relationnelles la base des processus organisationnels, les nouvelles théories organisationnelles sinscrivent clairement dans une approche systémique.
De même, la logique collective au fondement du modèle autogestionnaire ne peut concevoir aucune organisation comme un système composé déléments isolés. Tout comme les nouvelles théories organisationnelles, non seulement lautogestion reconnaît les interactions qui unissent ces différents éléments, mais, plus encore, elle encourage leur foisonnement. Cette volonté de nisoler aucuns des « actants » de lorganisation se reflète dans son ardeur à lutter contre tout division abusive du travail et de lexistence humaine. Cette idée se reflète également dans la structure fédéraliste, associative et mutualiste que prône la pensée autogestionnaire.
Ainsi, pour les nouvelles théories organisationnelles comme pour lautogestion, lorganisation est bien plus que la somme de ses parties puisque ce sont avant tout les interactions qui sont à la base des processus organisationnels. Plus encore, ces deux corpus théoriques postulent que chacune des parties de lorganisation est capable de concentrer le tout auquel elles appartiennent. Ainsi la partie est dans le tout qui est dans la partie.
Deux pensées dialectiques « processuelles » ou « continuistes » :
Les approches processuelles ou continuistes nous invitent elles aussi à dépasser les anciennes conceptions amenant à penser en termes dualistes et opposés. Les réflexions, théories et problématiques contemporaines nous invitent à penser les paradoxes, « les conflits, les oppositions, les contradictions [qui] sont au cur de la dynamique historique ». Elles nous encouragent à penser les phénomènes que nous avions toujours conçus comme opposés dune manière complémentaire.
Ainsi, pour Jean-Pierre Dupuy, « la base de la vie sociale est la dialectique. Il faut en être conscient, en tenir compte en construisant nos théories et non pas chercher à nier ou à supprimer un ou des aspects, comme la contradiction, de cette dialectique sociale ».
Roland Garcia définit la dialectique comme la « théorie de lunité des contraires ». Ainsi, pour Jean Piaget : « il y a dialectique lorsque deux systèmes, jusque là distincts et séparés lun à lautre, fusionnent en une totalité nouvelle dont les propriétés les dépassent ». « Lessentiel de la dialectique consiste [donc] à découvrir ou à établir de nouvelles interdépendances entre systèmes ou sous-systèmes abusivement isolés et en particulier lorsquils sont de sens opposés ».
Cette pensée continuiste propose ainsi de considérer que « lunivers est dans un état de flux constant où lon trouve les caractéristiques à la fois de la permanence et du changement ».
Cette pensée dialectique semble prendre racine dans la pensée chinoise qui nous invite à prêter attention à l « enchaînement du manifeste et de linapparent ». Lalternance des phénomènes nous rend en effet sensible à leurs essentielles corrélations, corrélations également mises à jour par la systémique. Ainsi, comme le préconise la systémique, « on ne saurait considérer aucune réalité unilatéralement et individuellement, toute réalité ne sappréhende quà travers lanalyse des rapports qui la relient aux autres et, par là même, la constituent ».
La pensée chinoise du « procès » nous invite également à dépasser la logique positiviste de lancien paradigme : normes et canons constituent en effet toujours par eux-mêmes une certaine fixation définitive, une immobilisation arbitraire (abstraite) du procès et ne peuvent donc en rendre compte. « Pas plus quil ny a dopposition tranchée, il en peut y avoir de position fixe et déterminée : ce que lon tient communément pour vrai peut se révéler faux si lon sy attache de façon figée ».
Cette approche dialectique est clairement prégnante dans les nouvelles théories organisationnelles qui tentent de penser tout à la fois ordre et désordre, stabilité et changement, dimensions matérielle et symbolique, cohésion unitaire et diversité
Ainsi, les auteurs des « Nouvelles approches sociologiques des organisations » prônent une pensée quils caractérisent de « métisse » et de « metis ». Lapproche « métisse » est définie comme « tout ce qui peut contribuer à brouiller les frontières, les territoires, tout ce qui peut correspondre à des articulations improbables entre professionnels, entre services, entre organisations ». Lapproche « métis » se caractérise quant à elle par « linventivité, la réactivité, le maniement de lambivalence » et développe « la capacité à sadapter, à changer, à réagir, à provoquer, à comprendre, à jouer ». Ainsi, pour ces auteurs, « épistémologie métisse, méthodologie métis (
) seraient les nouveaux repères dune sociologie des organisations ; ils contribuent à dessiner des contours qui nous paraissent devenir anthropologiques, si nous accordons à ce dernier la signification dune science sociale englobant lensemble des sciences de lhomme ».
Cette pensée dialectique et processuelle se retrouve également dans la pensée autogestionnaire. La dialectique est en effet une thématique prépondérante chez Proudhon, que daucuns considèrent comme lun des pères de lautogestion. Lon retrouve ainsi dans ses textes, et tout particulièrement dans un de ces ouvrages les plus célèbres : La théorie de la propriété (1865), nombre de préceptes taoïstes : "le monde moral et le monde physique reposent sur une pluralité déléments; et cest de la contradiction de ces éléments que résultent la vie, le mouvement de lunivers (
) Le problème consiste non à trouver leur fusion, ce qui serait la mort, mais leur équilibre sans cesse instable, variable comme le développement des sociétés".
Proudhon fonde ainsi ses analyses sur lantagonisme autonomiste et léquilibration solidariste quils considèrent comme "la condition même de lexistence": sans opposition, pas de vie, pas de liberté; sans composition, pas de survie, pas dordre.
Il considère ainsi le monde et la société comme pluralistes. Leur unité est une unité dopposition-composition, une union déléments diversifiés, autonomes et solidaires, en conflit et en concours.
Ainsi, au paradigme binaire oppositionnel et réducteur qui semble privilégier certains aspects des phénomènes au détriment dautres, la théorie autogestionnaire souhaite substituer le juste équilibre entre ordre et désordre, individu et collectif, pluralisme et cohésion, action et intelligence
Lidée autogestionnaire et les nouvelles théories organisationnelles ne souhaitent ainsi pas privilégier lune de ses dimensions au détriment de lautre car cest « de la différence/corrélation [de ces couples à la fois antagonistes et complémentaires] que naît le grand fonctionnement du monde », que fleurissent les processus organisationnels.
Deux approches « constructivistes » :
Lapproche constructiviste a été notamment développée et défendue par Jean Louis Le Moigne qui tente, lui aussi, de « proposer un paradigme épistémologique alternatif à lépistémologie positiviste ».
Le constructivisme peut se définir comme une approche abordant la réalité sociale comme résultante de laction des individus. Comme lexplique Jean Louis Le Moigne : « le réel existant et connaissable peut être construit par ses observateurs qui sont dès lors ses constructeurs ». De même, pour Paul Valéry : « Les vérités sont choses à faire et non à découvrir, ce sont des constructions et non des trésors ». Bachelard soutient également la même position en affirmant que « rien nest donné, tout est construit ». Enfin, Simon défendit aussi cette théorie dans sa thèse dEconomie Politique soutenue en 1943 : « les organisations sociales ne sont pas des données, elles sont conçues ».
Les prémisses de lopposition entre approche positiviste et constructiviste se retrouvent dans le débat qui opposa en son temps Platon et Protagoras :
Platon, notamment au travers de la célèbre allégorie de la caverne, nous invitait à nous défaire des apparences pour trouver limmuable, le transcendantal, les lois universelles guidant lhomme, et plus généralement le monde, le cosmos. A la recherche de laïdos, la forme idéale, il proposa donc une approche positiviste de la réalité.
Pour Protagoras et les sophistes, bien au contraire, il nexiste pas de lois universelles, transcendantales, et, pour eux, « lhomme est la mesure de toute chose ». Prônant une approche immanente, ils défendent lidée selon laquelle il nexiste pas de chose en soi indépendamment de lappréhension des individus. Ce nest alors plus laïdos quil faut rechercher, mais le Kaïros (le moment opportun), en cultivant la Metis (lintelligence de laction).
La perspective constructiviste se retrouve dans les nouvelles théories organisationnelles, notamment au travers de la reconnaissance formelle et lintégration stratégique du « système de régulation autonome » et qui renvoie aux règles inventées par les travailleurs au cours de leur travail selon une logique immanente.
Partant du principe que toute organisation doit être gérée par ceux qui y appartiennent et que chacun doit prendre part à la construction de la réalité dans laquelle il sinsère, la pensée autogestionnaire prend elle aussi largement partie pour lapproche constructiviste. Jean Louis Le Moigne et Daniel Carré définissent ainsi lautogestion comme un appel « à construire son milieu de vie par autopoesis », comme une « autoconstruction du monde futur ».
Lapproche constructiviste et la pensée autogestionnaire ont ainsi pour point commun de partir de la « base » pour penser les processus organisationnels.
Deux pensées complexes :
A linstar de la systémique, ces différents cadres conceptuels ne sont pas à penser isolément, ils sont tous liés : chacune de ces théories renvoie aux autres théories tout en les affinant, nous offrant en quelque sorte un paradigme propre à la fois à élargir et à préciser nos connaissances, notamment dans le domaine des organisations.
Cest sous la plume dEdgar Morin que lon trouve une des conceptions les plus globales de ce nouveau paradigme quil nomme « complexe » et quil définit comme « un paradigme de disjonction-conjonction permettant de distinguer sans disjoindre, dassocier sans identifier ou réduire », un paradigme apte à penser les systèmes « complexes (
) faits déléments antagonistes qui nen sont pas moins complémentaires tout en continuant de sopposer lun à lautre ».
Le paradigme de la complexité permet ainsi de penser les interactions (comme le préconise la systémique) et les paradoxes (dans la droite ligne de lapproche dialectique), des éléments qui deviennent dune importance capitale dans un environnement instable, incertain, en mouvement perpétuel
en un mot complexe, et qui encourage à linnovation, à la créativité et à linventivité permanente de nouvelles pratiques pour construire/déconstruire/reconstruire des formes organisationnelles viables car adaptées.
Après avoir comparé nouvelles théories organisationnelles et théorie autogestionnaire, nous allons confronter ces nouvelles théories de lorganisation aux pratiques dune entreprise autogérée. La dernière partie de notre travail sera donc consacrée à létude dune organisation autogérée visant à mettre en lumière ses principes et pratiques communicationnels et organisationnels pour montrer leur congruence avec les nouvelles théories organisationnelles. Sesquissera alors, pour ses théories, un objet détude certes bien particulier, mais qui semble mettre en application lensemble des concepts dont elles sont porteuses.
Pratiques autogestionnaires et nouvelles théories organisationnelles :
Une des principales limites de cette études de cas doit dès à présent être soulignée : elle concerne le temps relativement court sur lequel sest basée lobservation de cette entreprise autogérée (un mois et demi : de juin à mi juillet 2005). Cette étude de cas ne peut donc prétendre restituer lévolution dynamique et évolutive de cette organisation, le changement permanent, la « révolution perpétuelle » dont elle fait lobjet, et qui est pourtant lune des principales caractéristiques de lidéal type autogestionnaire et des nouvelles théories organisationnelles, comme nous lavons vu dans la partie précédente.
Cependant, cette étude sattachera à mettre en lumière les principes, dispositifs et pratiques communicationnels et organisationnels de cette entreprise, aptes à permettre cette organisation intelligente et interactive, souple, flexible et adaptative, que publicisent les nouvelles théories organisationnelles.
Cette étude de cas tentera également de mettre en lumière une application pratique des approches dialectiques et systémiques et qui tente de concilier des phénomènes jusque là pensés séparément car appréhendés comme opposés : lindividu et le collectif, la cohésion et la diversité, lidentité et laltérité ; linformel et le formel ; lordre et le désordre ; la vie professionnelle, sociale et privée ; louverture et la fermeture ; le matériel et le symbolique, léconomique/technique et le politique
Enfin, cette étude aura également pour ambition de donner à voir au lecteur lexemple concret dun processus d« anthropologisation » dune entreprise, une entreprise où la rationalité économique nest pas lunique variable prise en compte et qui pourtant parvient à être « productive », en croissance régulière, génératrice de profits et créatrice demplois. En un mot, une entreprise qui réalise tant son objectif économique que son objectif social dépanouissement et de socialisation de ses membres.
Une deuxième limite tient également à toutes les difficultés que recèle ce travail particulier quest lobservation et lanalyse dun terrain empirique, une difficulté que nous avons déjà évoquée en introduction et que nous navons pas jugé nécessaire de développer à nouveau, mais que nous estimons tout de même indispensable de rappeler.
La Péniche : une entreprise autogérée :
Présentation de lentreprise La Péniche :
Historique :
La Péniche a ouvert ses portes en 1995, suite au désir de quelques personnes de créer une entreprise selon des principes collectifs et démocratiques propres à la pensée autogestionnaire.
Cette entreprise vécut des premières années difficiles. En effet, léquipe, composée à lorigine de 8 personnes, se trouva rapidement en conflit quant aux principes dorganisation quils désiraient mettre en uvre. Certains souhaitaient simplement créer un groupe dintérêt économique de travailleurs indépendants, dautres désiraient créer un véritable « collectif de travail », une entreprise qui ne se limite pas à un simple agrégat dintérêts individuels. Dès les tous premiers mois, à la suite dune importante scission dun commun accord, léquipe de la Péniche ne comptait plus que quatre salariés. Après deux années chaotiques, la Péniche, qui ne comptait plus que deux salariés, était en péril, lactivité étant de plus en plus faible.
Néanmoins, ces deux salariés décidèrent de persévérer et grâce à larrivée dun contrat important (le revue « Association Mode dEmploi » éditée par Territorial et qui reste à lheure actuelle le premier client de lentreprise), lactivité retrouvée ramena léquilibre nécessaire à la stabilité de lactivité et permit ainsi lembauche de nouveaux employés et le développement de lentreprise.
Activités :
La Péniche est principalement une société de rédacteurs, le rédactionnel représente en effet 90% de lactivité de cette entreprise (doù leur slogan : « notre métier cest lécrit »).
Cette entreprise travaille pour des clients qui partagent les valeurs quelle cherche à promouvoir. Le secteur associatif et celui de lEconomie Sociale et Solidaire représentent ainsi plus de 95% de son activité rédactionnelle.
Les membres de cette organisation réalisent des revues (comme « Association mode demploi ») ; des ouvrages (pour lUSGERES et Finansol) ; des brochures ; des guides techniques, juridiques et pratiques destinés aux associations ; des journaux mensuels (« la vie associative » pour la CPCA ) et trimestriels (Réciproque pour la mutuelle les Ménages Prévoyants », JPA ainsi quun journal vulgarisant linformation médicale pour La Fondation Avenir). La Péniche réalise également des lettres dinformations (« la lettre du crédit agricole » à destination des associations, « Echanges et équilibres » pour Finance et Pédagogie, la lettre dinformation de lUREI) ainsi que des sites Internet (le site du crédit mutuel de Bretagne, le site « educ-pop » de lINJEP, le site de lAVISE et dAlpes Solidaires le site « insertion agglo » du PLIE de Grenoble ou encore celui des Ménages Prévoyants) et plus particulièrement de sites daide, de soutien et dinformation à destination des associations (comme Associatis, ou Association Mode dEmploi).
Outre ces clients devenus réguliers (80% de la clientèle est en effet fidélisée), La Péniche participe également de manière ponctuelle à la rédaction de différents ouvrages et à la réalisation de supports de communication (papier ou numérique) pour des événements ou manifestations. La Péniche sous-traite certaines de ses activités comme les travaux de maquette, dillustration ou dimprimerie.
Le chiffre daffaires sélève actuellement à 330 000 euros par an. Le chiffre daffaires est en constante augmentation depuis plusieurs années. Cette évolution semble régulière, elle croît denviron 10% chaque année. Laugmentation constante de lactivité conjuguée à une rentabilité stable (lobjectif nest en effet pas laccumulation des profits mais léquilibre financier) permet ainsi à lentreprise deffectuer des embauches régulières (une par an en moyenne).
Un projet dentreprise spécifique :
Cependant, lobjectif premier de cette entreprise nest pas de faire du rédactionnel ou encore des profits, mais de créer une autre manière de vivre le travail et lentreprise privée en « créant une organisation sans pouvoir, sans hiérarchie, collective et ayant pour but de travailler moins et plus agréablement ». Ainsi, « dans un projet autogestionnaire, le choix de lactivité économique dans une certaine mesure importe peu. Seule compte sa viabilité et son organisation en adéquation avec un fonctionnement autogéré ».
En effet, comme nous lexpliquent les membres de La Péniche, « au départ des entreprises autogérées il y a toujours une critique du fonctionnement des entreprises traditionnelles. Un système de trois facteurs apparaît comme injuste : linégalité (de largent), la hiérarchie (du pouvoir), la division du travail (de la compétence, de la spécialisation, de lefficacité) ».
Regrettant « lécart entre la pertinence de la critique du système libéral mondial, et la faiblesse des représentations du type de société souhaitée (fondée sur légalité, la coopération, la solidarité) », La Péniche, dans la lignée de la tradition autogestionnaire des « cités témoins », souhaite être un exemple concret de cette possibilité de « travailler autrement » et de vivre une autre relation avec lentreprise privé. « Il ne sagit plus de préparer un avenir meilleur, mais de vivre autrement le présent ».
Ainsi, La Péniche se définit bien comme une entreprise autogérée dans le sens où cest lensemble du collectif qui a décidé du projet et des modalités pour y parvenir, le collectif a décidé lui-même de sa raison dêtre, de ses finalités.
La notion de « projet » est prégnante dans les nouvelles théories organisationnelles et participe au renouvellement de l « image » de lorganisation. En ceci, La Péniche est porteuse de cette nouvelle « image » de lentreprise et multiplie les analogies avec la cité-projet, caractérisant les nouvelles formes organisationnelles en émergence selon Luc Boltanski et Eve Chiapello.
Une entreprise ayant socialisé ses moyens de production :
Cette première partie sera consacrée à mettre en évidence lapplication de ce que nous avons précédemment présenté comme étant lun des premiers grands principes organisationnels de lidéal type autogestionnaire : la socialisation des moyens de production, et plus particulièrement de la propriété de lentreprise.
Ce terme de « socialisation » doit avoir une double résonance : il renvoie tout dabord à une réappropriation des moyens de production par les travailleurs, et, conjointement, à un partage égalitaire de ces moyens de production entre ces travailleurs.
La socialisation de la propriété juridique de lentreprise :
SARL à ses débuts, la Péniche est devenue une SCOP (société coopérative ouvrière de production) en juillet 2004.
Ce statut juridique particulier repose sur trois principes organisationnels censés garantir un fonctionnement collectif et démocratique de lentreprise :
-égalité des droits des salariés selon le principe de fonctionnement « un homme = une voix »
-propriété de lentreprise à ceux qui y travaillent
-reconnaissance dun pouvoir qui ne soit pas seulement lié au capital détenu
Mais ces principes juridiques nont jamais guère influencé la possibilité pour les membres de la Péniche dexpérimenter « une autre manière de travailler » et de vivre lentreprise privée. Le statut de Scop na effectivement fait quofficialiser une certaine politique entrepreneuriale et une certaine idéologie qui était déjà effective dès la création de la Péniche. Ainsi, pour les membres de La Péniche, « le statut juridique ne fait pas lautogestion. Celle-ci correspond dabord à une pratique (
) Cest dabord la pratique qui viendra garantir lautogestion : tous les statuts juridiques sont corruptibles ». De même, pour Sainsaulieu, Tixier et Marty, « un fonctionnement collectif de travail ne peut être la conséquence automatique dune structure formelle idéale. Mettre en place un collectif de travail implique en réalité que tous ses membres individuels trouvent la possibilité de devenir acteur dans le jeu des rapports sociaux qui en constituent le système vivant ».
Ainsi, comme le remarque Michel Lulek, « le statut ne fait pas tout le fonctionnement dune entreprise. Ne connaît-on pas des SCOP qui fonctionnent comme les pires des entreprises classiques où le gérant est un vrai petit chef et où toutes les relations entre les salariés sont des plus inégalitaires ? Ny a-t-il pas des petites entreprises au statut de SARL où les rapports sont humains, où chacun peut prendre part aux décisions de lorganisation et où le projet est partagé et porté à peu près par tous ? ». En effet, « la démocratie telle quelle est comprise et appliquée dans les Scop est diverse, parfois contradictoire avec certains principes supposés de lautogestion. La raison en est que leur raison dêtre se fonde sur dautres valeurs que celles de la stricte application de la démocratie ».
Par conséquent, les principes, pratiques et dispositifs de La Péniche sont quelque peu différents de ceux prônés par les SCOP puisque la Péniche ne tolère aucun poste statutaire qui différencierait les membres les uns des autres (ce qui nest pas le cas dans la plupart des SCOP ou règne une certaine hiérarchie des postes et des compétences).
La socialisation de la propriété financière de lentreprise : le partage du capital :
Dans une logique de réappropriation de loutil de travail par les travailleurs, le capital de cette entreprise est exclusivement détenu, à parts égales, par ses salariés.
A lorigine, le statut de Sarl contraignit lentreprise à un capital fixe. La part de chaque membre était alors de 5000 francs. A chaque recrutement seffectuait une nouvelle répartition du capital, les salariés revendant alors un certain nombre de leurs parts à larrivant afin que la quotité soit respectée.
Le capital devint variable lors du passage au statut de Scop. Il est actuellement de 11 700 euros (9 X 1300 euros). La Péniche comptait 9 salariés-actionnaires, mais, suite à une embauche en avril 2005, en compte désormais 10. A chaque recrutement seffectue un nouvel apport en capital dun montant égal à celui détenu par chacun des salariés. Les nouveaux entrants apportent généralement leur capital sous forme de crédit sur leurs salaires à venir.
La socialisation des profits sous forme de salaires:
Lobjectif de lentreprise nest pas laccumulation des profits, mais bien plutôt léquilibre financier permettant à chacun de vivre correctement de son travail. La grande majorité des profits dégagés par lentreprise sont donc voués au paiement des salaires, une répartition qui se veut égalitaire. En ce sens, La Péniche appartient bien aux mondes des entreprises autogérées, quOdile Castel définit comme un «ensemble dentreprises productives dinitiatives collectives (
) qui rémunère le travail de façon privilégiée par rapport au capital ».
Ainsi, à La Péniche, tous les salariés sont en CDI et il ny a aucune hiérarchisation des salaires : chacun touche le même salaire horaire et est rémunéré selon le volume dheures quil a effectué. Le salaire horaire a été collectivement fixé à un peu plus de 13 euros net de lheure. Lensemble des salariés de lentreprise a en effet décidé de geler laugmentation salariale à partir du moment où le salaire horaire a dépassé de 10% le salaire français moyen. Les excédents sont utilisés pour des activités non directement rentables mais qui participent à promouvoir les valeurs de lentreprise et à faire vivre son « projet » (comme des projets de livres tel « autogestion mode demploi », des sites Internet tel « lieux communs » ou «autogestion.coop », ou encore la participation à des collectifs dentreprises autogérées).
Comme lactivité croît régulièrement, les excédants favorisent également la création de nouveaux emplois, là encore lentreprise choisit de privilégier le travail en non le capital.
La socialisation du temps de travail :
Chacun travaille le nombre dheures quil souhaite en sengageant sur une quantité dheures et sur une durée. Cependant, la Péniche souhaite éviter, autant que possible, des volumes horaires trop élevés et ne délivrent pas de contrat au dessus de 30 heures. La moyenne de travail effectué est de 26 heures par semaine (chacun fait entre 20 et 30 heures par semaine). Lensemble de léquipe réalise ainsi léquivalent de 8 temps plein à 35 heures en salariant une dizaine de personnes.
Les membres de La Péniche travaillent donc moins que la plupart des salariés car ils souhaitent travailler « dans des conditions moins stressantes, sans se laisser prendre ni dans lengrenage de laccumulation illimitée, ni dans le cercle infernal des besoins et du revenu ».
Le choix dun temps de travail moins élevé que la moyenne poursuit un triple objectif :
-Travailler moins pour travailler moins (permettant à chacun de se réaliser dans dautres activités, considérées comme toutes aussi importantes à lépanouissement humain que le travail),
-Travailler moins pour travailler mieux,
-Travailler moins pour libérer des emplois (Lensemble des heures de travail effectuées représente ainsi 8 temps plein mais permet en réalité à 10 personnes de travailler et de toucher un salaire leur garantissant un niveau de vie raisonnable).
Les salariés de la Péniche bénéficient également dun temps de vacances plus étendu que dans les entreprises classiques : Le temps de travail étant annualisé par les salariés eux-mêmes et la plupart dentre eux souhaitant avoir une dizaine de semaines de vacances par an, ils organisent leur temps de travail en fonction.
Les périodes et temps de congés sont choisis selon le taux dactivité prévu, pour éviter tout problème lié à une pénurie de main duvre. Dailleurs, les membres de la Péniche ont parfaitement intégré cette contrainte pouvant être source de nombreux dysfonctionnements organisationnels. En effet, il ne viendrait à lidée de personne de poser des congés ou de refuser de les décaler lorsque lactivité est trop élevée.
Par ailleurs, le temps de travail nest pas du tout appréhendé de la même manière que dans une entreprise classique : les salariés étant physiquement présents à la Péniche ne sont pas forcément toujours payés, chacun nest payé que pour les activités productives quil fait réellement et quil consigne précisément sur sa « fiche horaire ». Ainsi, chacun sauto contrôle en choisissant son temps de travail et en sattribuant les horaires et les jours de congés quil souhaite. Cette liberté totale dans la gestion du temps de travail implique une forte intériorisation des contraintes internes et externes à lorganisation. Elle oblige chacun à une forte responsabilisation, leur permettant à la fois de jouir de plus de liberté (chacun étant son propre patron) mais dêtre contraint à davantage de devoirs.
Par ailleurs, ces « fiches horaires » représentent un formidable outil de gestion. En effet, comme le remarquent les membres de La Péniche, « noter les détails de son temps de travail par types dactivités constitue un outil de gestion remarquable. Par journée, demi-journée ou au fur et à mesure des activités, chacun note sur une fiche le temps quil a consacré à telle ou telle activité. Cela permet :
-que chacun sache précisément le nombre dheures quil a effectué et donc le salaire quil va percevoir.
-de savoir précisément, une fois les fiches regroupées et totalisées par type dactivités, le temps que prend chacun des travaux
-dajuster les tarifs et les devis en fonction des expériences précédentes ».
Mais, comme nous lavons vu lors de lélaboration de lidéal type de lorganisation autogéré, les principes autogestionnaires ne peuvent se résumer à une simple socialisation des moyens de production. Ils doivent également nécessairement renvoyer à une socialisation du pouvoir décisionnel et organisationnel.
La Péniche : une organisation mettant en pratique les concepts des nouvelles théories organisationnelles :
Un exemple dorganisation holographique : la dissémination des pouvoirs organisationnels et décisionnels grâce à la dissémination des moyens dinformation, de communication et de formation :
Cette partie nous donnera à voir lexemple concret de la 2° caractéristique clé dune organisation autogérée à savoir la socialisation des pouvoirs décisionnels et organisationnels basée sur une socialisation des moyens dinformation, de communication et de formation, ainsi que les bouleversements organisationnels qui sen suivent, à savoir la remise en cause des organisations hiérarchiques/centralisées et de la division du travail.
Cette partie nous donnera donc à voir comment la socialisation des moyens dinformation, de communication et de formation entraîne conjointement une socialisation du pouvoir décisionnel et organisationnel et donc le passage dorganisation centralisée et hiérarchisée à une organisation autogérée.
Cette socialisation des moyens dinformation, de communication et de formation est en effet un des principes organisationnels clés commun à la théorie autogestionnaire et aux nouvelles théories organisationnelles (quoique celles-ci parlent plus de « distribution », de « dissémination » ou encore de « dilution » que de « socialisation »).
Cette étude de cas nous montrera donc in fine une illustration concrète de la mise en pratique des nouvelles théories organisationnelles et des bouleversements organisationnels fondamentaux quelles impliquent.
La Péniche est en effet une parfaite illustration de cette socialisation/dissémination des moyens dinformation, de communication et de formation et des bouleversements organisationnels que cette « socialisation/dissémination » entraîne.
Cette entreprise sest ainsi dotée de plusieurs dispositifs organisationnels, principalement basés sur cette socialisation des moyens dinformation, de communication et de formation, lui permettant de mettre en application les principes de la pensée autogestionnaire :
sapproprier collégialement et égalitairement la prise de décision
et amener cette prise de décision sur le lieu et le temps de travail pour réconcilier conception et exécution.
Elle est également une illustration concrète des bouleversements organisationnels qui sen suivent :
la fin de la division du travail
et la remise en cause de la logique hiérarchique et centralisatrice
La socialisation du pouvoir organisationnel et décisionnel par la socialisation des moyens dinformation et de communication
Lappropriation collective et égalitaire de la prise de décision : la réunion hebdomadaire :
La plupart des prises de décisions seffectuent lors dune réunion hebdomadaire à laquelle lensemble des membres doit assister. Cette réunion vise à passer en revue les dossiers pour juger de leurs avancées et analyser leurs éventuels problèmes (auxquels chacun tente dapporter des réponses).
Cette réunion traite également de lensemble des sujets qui, cette fois, ne concernent plus lorganisation du travail, de lactivité productive, mais lorganisation de lentreprise : questions financières, de gestion, de formation, de salaires
Ainsi, chacun des dossiers client et des sujets organisationnels font lobjet dune discussion collective où chacun est informé (ce qui lui permet davoir une vision globale de lactivité de lentreprise et de son fonctionnement) et à laquelle chacun est appelé à participer. Cette réunion hebdomadaire permet donc la « socialisation de la communication », consistant à « élargir les lieux de production de linformation », que nous avons présenté comme étant à la base de la socialisation du pouvoir décisionnel et organisationnel.
Lors de cette réunion, la prise de décisions seffectue par consensus. Celui-ci ne nécessite pas de vote, chacun cherchant à trouver le meilleur compromis possible au travers de la discussion. Au quotidien, les oppositions sont peu fréquentes et laissent généralement place à la convergence des idées et des opinions. Comme lexpliquent les membres de La Péniche : « lorganisation du travail quotidien nécessite de se réunir hebdomadairement, mais ne nécessite aucun vote. Les nécessités de travail et le sens des responsabilités de chacun suffisent pour que les choses aillent presque de soi. En ce qui concerne le fonctionnement général, les principes, on peut penser quun vote est nécessaire. Certains préfèrent le fonctionnement au consensus : tant que quelquun nest pas daccord avec une décision, on discute ; la décision nest prise que lorsque plus personne ne sy oppose totalement ». Le consensus est ainsi étroitement lié à lactivité communicationnelle et nécessite donc la socialisation de linformation et de la communication. Seule cette socialisation peut permettre lélaboration dun « consensus rationnel établi à la suite dune discussion libre et franche entre partenaires réputés égaux, libres et capables de voir au-delà de leurs intérêts privés un bien commun dans lequel chacun trouve réellement son compte ».
La réunion se termine par la répartition des différentes tâches. Chacun se propose spontanément pour prendre en charge les dossiers qui lintéresse le plus ou quil connaît le mieux. Chacun est ensuite libre de gérer son planning à sa guise, mais doit en rendre compte auprès du collectif en remplissant une fiche horaire.
Un prise de décision sur le lieu et le temps de travail : lorganisation spatiale en « bureau ouvert » :
Cependant, la prise de décision concernant lorganisation du travail et de lentreprise seffectue également au jour le jour.
En effet, lensemble des membres de lentreprise travaille dans le même espace, sans aucune cloison. Labsence de démarcations spatiales permet ainsi la multiplication des contacts, relations, échanges
en un mot de lensemble des activités communicationnelles ouvrant la possibilité dun décloisonnement des tâches. Ainsi, à la moindre hésitation ou au moindre problème, chacun nhésite pas à interpeller ses collègues pour bénéficier de ses idées ou de ses connaissances.
Par conséquent, lorganisation en « bureau ouvert » permet un ajustement permanent de lactivité et une réorganisation constante de lentreprise.
La multiplication des interactions, loin dêtre considérée comme une perte du temps, est ainsi perçue comme une activité productive clé participant au bon fonctionnement de lentreprise, au rendement de lactivité et à la qualité du produit. Lorganisation en bureau ouvert permet ainsi cette « socialisation de linformation », permettant de disséminer lensemble des informations pertinentes à tous les niveaux de lorganisation.
Cette pratique permet également une formation réciproque régulière : chacun apportant ses compétences au secours des autres en matière dinformatique, de mise en page, de maquette, de veille informationnelle
Il est cependant nécessaire de noter que lagencement en bureau ouvert nengendre pas automatiquement un foisonnement dinteractions, il créé simplement les conditions propices à leur développement.
Les bouleversements organisationnels concomitants à cette « socialisation » :
La fin de la division du travail et la socialisation de la formation :
une prise de décision collégiale et à un travail collaboratif, base de l « intelligence collective » :
La multiplicité des points de vues qui sexpriment à chaque négociation (lors des réunions ou en situation de travail) permet ainsi de procéder à une évaluation plus complète de chacun des problèmes, certains étant plus sensibles aux aspects économiques, dautres aux aspects logistiques, dautres au bien être et à la joie que doivent procurer ces activités
La prise en considération de lensemble des points de vue des membres dune entreprise est également un principe organisationnel défendu par les nouvelles théories organisationnelles, comme nous lavons évoqué précédemment, notamment au travers des travaux dArlette Bouzon.
Serge Amabile plaide ainsi pour le développement dune « organisation attentive », dont lune des difficultés sera de « de penser et dimaginer de nouveaux processus dincitation et de mobilisation afin dutiliser lensemble des moyens de perception et dinterprétation de lentreprise ».
Les pratiques et dispositifs organisationnels que développe La Péniche pour déployer lintelligence collective et pratique de ses membres peuvent nous donner à voir un exemple concret de cette « organisation attentive ».
Non seulement la Péniche sappuie sur une prise de décision collective, mais elle tient également à ce que lactivité productive soit tout aussi collégiale. Elle lutte ainsi contre une division du travail entre conceptualisation et exécution, mais également contre une division de la production en tâches et postes individualisés.
Ainsi, personne ne travaille jamais seul sur un dossier. Non seulement chacun apporte son aide et son avis, mais la Péniche pratique également lécriture collective.
Les méthodes décriture suivent ainsi des principes collectifs impliquant plusieurs salariés mais également les clients. En effet, ceux-ci définissent le support de communication, les cibles auxquelles ils sadressent, et éventuellement les sujets et la manière dont ils seront traités. Ils fournissent également les documentations utiles à la rédaction des articles. La Péniche est également libre de proposer des sujets. Ce sont généralement les rédacteurs qui choissent les angles des sujets en en discutant collectivement au cours des réunions hebdomadaires.
Si certains articles ne font pas lobjet dune écriture collective, ils sont néanmoins réalisés par plusieurs salariés puisque chacun apporte les informations ou les éléments nécessaires à la rédaction des sujets. De plus, les articles font toujours lobjet dune relecture par un ou plusieurs autres rédacteurs. Certaines relectures sont également confiées à des spécialistes (par exemple à un avocat lorsquil sagit dun article juridique commentant la création ou la modification dune loi). La Péniche expose ensuite le travail réalisé au client qui effectue une dernière relecture et fait part de ses corrections.
Ces méthodes décriture collective participent à multiplier les échanges et les occasions de formations réciproques.
En outre, la prise en charge partagée des dossiers évite les éventuelles absurdités liées à la personnalisation des dossiers, et notamment les perversités de l « effet de gel » (notion de psychosociologie mettant en lumière les difficultés à remettre en cause ses décisions initiales), chacun participe ici aux décloisonnement cognitif des autres.
Ces pratiques permettent également un partage des risques : ainsi les problèmes clientèles ou les échecs ne se vivent pas seuls mais collectivement.
Un travail polyvalent et « complet »:
La gestion collective du travail et de lentreprise et la conciliation entre prise de décision et exécution du travail passent également par une non spécialisation des postes de travail. Quil sagisse de rédactionnel, de démarchage, de suivi des clients, de gestion ou dadministration, tout le monde est censé sessayer à tout. « Sans tomber dans lexcès, [les membres de La Péniche souhaitent] développer une prise en charge collective des différentes tâches à effectuer. Ce qui implique que chacun sintéresse à tout et se forme à toutes les tâches nécessaires au fonctionnement de lentreprise. Il faut essayer de diffuser par la formation et le travail à plusieurs la maîtrise des enjeux de chaque tâche [pour] éviter que ne se dessine une hiérarchie insidieuse derrière la hiérarchie des compétences ».
Cette polyvalence est obtenue par la formation à toutes les fonctions que recèle lentreprise et grâce à un principe de « postes tournants ». On retrouve ici le principe de « redondance », au fondement de lorganisation holographique publicisé par les nouvelles théories organisationnelles, où le tout est inscrit dans chacune des parties.
Le partage des compétences et la non spécialisation du travail poursuivent plusieurs objectifs :
-« Toucher à tout » permet davoir une vision globale de lentreprise (la spécialisation entraînant un cloisonnement de lactivité et de la compréhension que chaque salarié en a : chacun dispose ainsi des informations essentielles pour participer à lorganisation et à la gestion de lentreprise, et pour sy impliquer pleinement.
-Le partage des compétences permet ainsi de rendre effective la participation au travers du partage du pouvoir et des décisions.
-De même, chacun est censé pouvoir faire face au moindre problème quil rencontre, quel que soit le domaine de lentreprise ou de lactivité concerné.
En outre, tout le monde ayant les mêmes compétences, personne nest indispensable, ce qui évite les problèmes organisationnels liés à labsence ou au départ dune personne, ainsi que les éventuelles « prise de pouvoir ».
Cette « dissémination » des compétences permet ainsi à lentreprise de jouir de plus de souplesse et de flexibilité tout en luttant contre les principes hiérarchiques.
Le partage de linformation au travers de la non spécialisation des postes permet également de créer un langage commun (chacun disposant des mêmes informations) qui favorise lentente et le consensus lors des négociations.
Mais dans la réalité, on constate une certaine spécialisation des tâches. En effet, certaines activités, comme la gestion ou le démarchage client, ne sont assurées que par un seul ou par quelques employés. Cependant chacun des salariés a reçu une formation à la gestion (assurée par un de leur collègue) et chacun à également la possibilité de faire du démarchage et de la relation clientèle.
Ainsi, à son arrivée, chacun reçoit une formation interne aux domaines quil maîtrise le moins. Progressivement, son activité le portera vers les tâches qui lui conviennent le mieux et qui lui apportent le plus de plaisir. Ainsi, lobjectif est que « Chacun [fasse] plus ce quil aime et se contraint à faire un minimum de ce quil naime guère ».
Ainsi, à La Péniche, ce nest pas aux salariés de sadapter à un poste prédéfini, contrairement aux entreprises hétérogérées où « les postes de travail sont installés en fonction de normes correspondant à un individu abstrait, à une moyenne statistique et ne tiennent en aucune façon compte des spécificités des uns et des autres ». Les salariés parcourent lensemble de la « chaîne de production », et choisissent lactivité qui leur convient le mieux quant à leur à leurs connaissances, mais également quant aux compétences quils se découvrent en situation de travail, et peut être surtout quant à leurs aspirations.
Les formations se font donc essentiellement en interne et tentent dapporter un maximum de savoir et de savoir faire nécessaires au bon déroulement du travail mais aussi au bon fonctionnement de lentreprise : Ceux qui nont guère lexpérience de lécriture darticles (qui nest pas la première compétence recherchée lors dun recrutement) sont formés à la rédaction. Chacun essaie également dapporter aux autres un maximum de données sur le milieu associatif et le secteur de léconomie sociale et solidaire. Chacun est ainsi formé à un métier/une activité (la rédaction) et à un secteur de spécialisation (lassociatif et lEconomie Sociale et Solidaire). Chacun maîtrise ainsi la forme et le fond des articles quil est amené à rédiger au quotidien. Est également enseigné un mode de travail particulier : lécriture collective. Des formations à la comptabilité et à la gestion permettent ensuite à chacun dêtre initié à la gestion dentreprise. Certes, « tous, dans la structure, nattei[gnent] pas un degré de compétence complet sur les outils de suivi de gestion. Ce serait idéal, mais cest rarement le cas. Pourtant lun de ces outils doit être compris et intégré par tous pour un bon fonctionnement autogestionnaire. Il sagit de lexploitation. Cest loutil qui est le reflet le plus complet de lactivité économique de la structure et de sa viabilité fondamentale. Il est donc impératif que tout le monde le comprenne ». Enfin, on laisse progressivement les salariés gérer la relation clientèle des dossiers dont ils ont la charge. Chacun se forme alors de lui-même et en pratique à la gestion de lenvironnement de lentreprise.
Chacun est donc formé à toutes les activités qui prennent place au sein de lentreprise et chacun possède lensemble des informations et des compétences nécessaires au fonctionnement global de la structure. On retrouve ici le principe de redondance des fonctions, à la base de lorganisation holographique.
Lextension et le renouvellement des compétences sopèrent par larrivée régulière de nouveaux salariés (une embauche par an en moyenne), permettant à lentreprise de bénéficier dun nouveau vivier de savoirs et de savoir-faire.
Lentreprise apprend également beaucoup au contact de son environnement au travers de réseaux déchanges dexpériences et de groupes de réflexion sur lautogestion. Mais cette formation, si elle fait intervenir lenvironnement de lentreprise, peut toujours être qualifiée de « formation interne » car toutes ces entreprises appartiennent aux mêmes réseaux et surtout à un même monde : celui de lautogestion.
Ces pratiques particulières de formation « interne » et réciproque marquent bien une socialisation des moyens de formation puisque chacun est à la fois simultanément formateur et formé.
La remise en cause de la logique hiérarchique :
A la Péniche, aucun des onze membres na le statut de « dirigeant ». Cette organisation sattache en effet à fonctionner sans système de pouvoir : la prise de décision étant partagée et seffectuant à lunanimité, le pouvoir est partagé par lensemble des salariés.
Plus largement, lentreprise étend ce principe à lensemble de lentreprise, en refusant tout poste statutaire qui différencierait les membres les uns des autres.
Au niveau juridique, la Péniche est néanmoins tenue davoir un dirigeant. Pour dégager ce titre de toute tâche, fonction, place et symbolique particulière dans lentreprise, cest par tirage au sort quil est nommé et ce titre ne lengage à aucune charge particulière, lensemble des responsabilités étant partagées. Pour preuve, tous les salariés ont une délégation générale de signature du gérant et peuvent ainsi remplir à tout moment ses fonctions, si nécessaire.
Ce tirage au sort à lieu tous les ans au mois de juin. Lorsquun des salariés a déjà été gérant, il est retiré du tirage au sort. Ainsi, chacun a été au moins une fois « gérant », et un nouveau tour a recommencé en juin 2005.
Ce tirage au sort est ainsi une procédure formalisée, toutefois elle ne correspond en rien aux procédures formelles classiques de désignation des dirigeants dont usent les entreprises hiérarchiques et capitalistiques. La part de hasard et labsence de charge matérielle et symbolique qui accompagne cette désignation semblent en faire une procédure tout à la fois formelle et informelle.
Toutefois, on peut constater la mise en place dune certaine « hiérarchie », mais les connotations habituelles de ce terme ne semblent pas appropriées à lorganisation politique et sociale expérimentée par la Péniche.
En effet, la prise de parole, permettant la participation aux décisions et donc à lorganisation de lentreprise, nest pas véritablement égalitairement répartie. Cependant cela ne tient à aucun facteur organisationnel : sexpriment peu ceux qui ne le souhaitent pas ou ceux qui nont rien dutile à apporter aux discussions. Au delà de lenvie de prendre la parole ou de la pertinence des interventions, la Péniche est également consciente des différences psychologiques et culturelles entravant ou favorisant cette prise de parole. Comme lexpliquent les membres de cette entreprise, « par timidité, complexe, manque dassurance ou tout simplement didées, certains ne prennent pas toute la place quils pourraient occuper au sein du collectif. Ce nest pas si grave tant que louverture demeure et que la parole de la personne est constamment sollicitée par les autres et que ceux-ci ne finissent pas par prendre lhabitude de ne plus considérer la personne dans la discussion et la prise de décision. Mais il faut aussi que ce silence ne corresponde pas à un désinvestissement de la personne qui soit de fait un refus de la prise en charge collective en laissant aux autres le soin de régler les problèmes ».
On peut également constater que lancienneté, lexpérience ou encore le charisme influent sur la capacité et la possibilité de prendre la parole et dêtre écouté, comme dans toute organisation humaine.
De plus, il faut souligner que si hiérarchie il y a, elle ne ressemble en rien à la structure pyramidale et rigide que lon rencontre dans les organisations classiques sous la forme dorganigramme. En effet, à la Péniche, cette pyramide se décompose en deux lignes, de proportion quasiment égales : ceux qui sont le plus impliqués dans la prise de décision, et ceux qui tendent à suivre les résolutions qui se dégagent naturellement des discussions sans en avoir véritablement influencé le contenu (une proportion de « retraitistes » diraient Sainsaulieu, Marty et Tixier). En outre, les rôles ne sont pas statiques, ceux qui ne participent guère à certaines discussions peuvent sinvestir davantage dans dautres, et inversement. Ainsi, dans ce type de structure il nexiste pas un centre, mais plusieurs centres, qui plus est mobiles.
Ainsi, « même si les principes dégalité sont clairs, il peut arriver que certains exercent une forme particulière de pouvoir sans forcément quils le recherchent. Cest une objection classique au fonctionnement autogéré : lémergence de leaders « naturels » au sein de tout groupe humain ». Cependant si ce phénomène d « émergence de leaders naturels» suit les principes de pluralité et de mobilité des centres, il nest pas du tout incompatible avec lidée autogestionnaire.
Enfin, le rôle que confère ce positionnement hiérarchique au sein de La Péniche ne ressemble en rien à celui qui a habituellement cours dans les entreprises classiques. Ce rôle témoigne dailleurs de la mutation du rôle de la hiérarchie qui sopère dans les nouvelles théories organisationnelles. Ainsi, le rôle quendosse cette « hiérarchie » au sein de La Péniche multiplie les analogies avec celui du « grand » de la cité-projet qui « nest pas seulement celui qui sait sengager, mais aussi celui qui est capable dengager les autres, de donner de limplication, parce quil inspire confiance, que sa vision produit de lenthousiasme, toutes qualités qui font de lui lanimateur dune équipe quil ne dirige pas de façon autoritaire mais en se mettant à lécoute des autres, avec tolérance, en reconnaissant et en respectant les différences. Ce nest pas un chef (hiérarchique) mais un intégrateur, un facilitateur, donneur de souffle, fédérateur dénergies, impulseur de vie, de sens et dautonomie ». Ainsi, à la Péniche, acquiert un rôle « hiérarchique » celui qui fait pleinement vivre le projet.
Entre organisation formelle et informelle, entre ordre et désordre : les voies de la souplesse organisationnelle :
Comme nous lavons vu, La Péniche dispose de dispositifs organisationnels formels de prise de décision, tels que la réunion hebdomadaire.
Cependant, la mise en trace, la formalisation des normes organisationnelles régissant lorganisation (tels que les règlements intérieurs, les chartes éthiques, les fiches métiers, les fiches ou plans de formation, les tableaux de bords
) reste une pratique peu développée dans cette entreprise. En effet, La Péniche souhaite ne pas « sombrer dans un formalisme excessif. Dautant plus quil ne protège que de peu de chose. Se réfugier, en cas de désaccord important, derrière des statuts qui ont tout prévu ne résout rien».
Ainsi, la communication écrite et la formalisation des normes organisationnelles semblent être réduites à leur strict minimum dans cette entreprise. Les seuls écrits concernant lorganisation du travail ou de lentreprise circulant à la Péniche sont des documents concernant la gestion ainsi que les ordres du jour destinés à la réunion hebdomadaire.
Comme nous lexplique les membres de La Péniche, « le plus important nest peut être pas les règles formelles de prise de décision mais linformation et la compréhension des problèmes. Pour prendre des décisions collectives et adéquates il faut que tout le monde soit au courant de tout et pense à tout. La circulation de linformation est donc fondamentale. Les réunions et leurs comptes-rendus y pourvoient, mais également léchange dans le travail quotidien ».
Ainsi, à la formalisation écrite des règles organisationnelles se substitue un ajustement permanent par la communication orale.
Cest ainsi loral, et non pas lécrit, qui est le mode de communication à vocation organisationnelle privilégié. Cest dailleurs le mode de communication le plus utilisé dans les entreprises généralement, même si elle ny est pas toujours reconnue à sa juste valeur, et notamment dans sa dimension hautement organisationnelle. En effet, loral permet de diffuser un message en temps réel et de ladapter à son interlocuteur en tenant compte de ses éventuelles réactions. Loral est donc le mode de communication le plus approprié à la réalisation déchanges et de feedbacks fructueux au niveau de la qualité, de la rapidité et de la pertinence de léchange informationnel.
Cependant, cette communication souffre dun défaut qui pose généralement problème dans les organisations : la nécessité de répéter le message pour le faire passer à lensemble des individus concernés. La Péniche dépasse cette carence grâce à lagencement en bureau ouvert, qui permet non seulement de faire passer linformation à linterlocuteur désiré, mais, en outre, permet à lensemble des membres de lentreprise de bénéficier de cette information, renforçant ainsi les principes collectifs et démocratiques dorganisation.
Toutefois, il apparaît indispensable aux membres de la Péniche de « fixer clairement les règles de base du fonctionnement de manière à ce quelle soient compréhensibles et sans ambiguïté pour tous » et que tous saisissent le projet spécifique dont cette entreprise est porteuse. Mais « que ces règles soient écrites ou pas importent peu. Il suffit quelles soient suffisamment claires pour être écrites. Même si ces règles doivent pouvoir être modifiées ou souplement appliquées, il faut quelles soient « écrivables ». Cela ne nécessite pas décrire des règles en détail pour toutes les situations, réelles ou potentielles. Cest beaucoup plus souple que cela. Tout simplement parce que les quelques principes de base sont facilement clairs dans la tête de tous ».
Ces principes de base régissant lorganisation du travail et la gestion de lentreprise sont ceux qui fondent le caractère autogestionnaire de cette entreprise, à savoir le partage, légalité et la coopération.
Ainsi, si un certain formalisme est nécessaire, celui-ci ne doit toucher que les grandes lignes de lorganisation (les principes fondamentaux qui structurent le projet dentreprise) et ne pas sattacher à spécifier précisément toutes les activités qui prennent place dans lorganisation. Comme les nouvelles théories organisationnelles le précisent, il sagit de formaliser le but à atteindre tout en laissant au collectif le soin de définir en situation les modalités avec lesquelles il tentera datteindre cet objectif en tenant compte des contraintes internes et externes contingentes au moment où la prise de décision a lieu.
On retrouve donc ici le principe de spécification critique minimal, au cur de lorganisation holographique, qui consiste à formaliser au minimum lorganisation pour développer lapprentissage organisationnel, lintelligence collective et pratique.
Ainsi, le fonctionnement concret de la Péniche nous donne à voir lillustration parfaite de laspect organisationnel tant des processus formels que des processus non formalisés à lavance. La Péniche met notamment en application les recommandations dAnni Bartoli qui conseille de développer une formalisation souple qui ne doit pas toucher au contenu ni aux modalités des échanges mais qui doit simplement faciliter les communications en prévoyant des espaces et des temporalités à cet effet. Il sagit alors de donner des cadres formels à linformel, de développer des dispositifs formels permettant au processus informels de sépanouir sans aucune retenue, et par là même de déployer tout leur potentiel organisationnel, tout comme la Péniche le fait avec par exemple les réunions hebdomadaire ou encore lagencement en bureau ouvert.
Ainsi, une autre règle fondatrice de lentreprise, et qui nous laisse entrevoir lintérêt de faire des entreprises autogérées un sujet détude pour le champ de la Communication Organisationnelle, est celle qui consiste à « discuter » en permanence. Cest ainsi les activités communicationnelles et informationnelles qui sont au fondement du caractère adaptatif et flexible de ce type dorganisation.
Cette stratégie du juste équilibre entre le formel et linformel permet en effet de faire de lorganisation de lactivité et de lentreprise en général un processus en mouvement, inconstant, qui se doit dêtre flexible pour faire face aux fluctuations tant endogènes quexogènes. La formalisation de la finalité du projet, mais la non formalisation précise des modalités dorganisation qui permettront de latteindre ; la formalisation des moments et des lieux déchanges (qui sont au maximum élargis à la Péniche puisque tout est fait pour que tout le monde puisse parler continuellement à tout le monde), mais la non formalisation de leur contenu, permettent ainsi douvrir cette entreprise à la complexité, à limprévisibilité, à lincertitude, à laléa, au hasard (des variables tant porteuses de dangers que dopportunités).
La Péniche nous montre ainsi concrètement que non seulement le désordre nest pas un obstacle à lordre, à lorganisation de lentreprise, mais quil peut être un facteur dordre ; de la multiplication des interactions (et donc de la complexité) naît un principe organisationnel flexible. La Péniche illustre ainsi le principe d « ordre par le bruit », développé par Henri Atlan et Van Forester, à la base du concept dauto-organisation.
La place des NTIC :
Ainsi, les dispositifs organisationnels, informationnels et communicationnels mis en uvre à La Péniche accorde un place privilégiée à la communication orale. Toutefois, ceci nempêche pas lutilisation de systèmes techniques dinformation. Internet peut dailleurs être considéré comme un dispositif informationnel et communicationnel clé de lentreprise.
Tout dabord parce quil est essentiel à lactivité : en effet, nombres dinformations servant à la rédaction des articles sont recherchées sur le net.
Mais Internet est également un outil organisationnel : il permet en effet de nombreux échanges dinformations intra entreprise grâce à lenvoi de-mail (envoie dinformations, de documentations, darticles à relire
). La Péniche utilise également le système des e-mails comme moyen privilégié de communication avec son environnement (clients, partenaires, sous-traitants
).
Enfin, Internet est utilisé pour communiquer avec deux des salariés détachés de la Péniche parisienne mais y participant pleinement grâce au système de « webcam ». Ils sont en effet constamment reliés par caméra et haut parleur tout le long de leur temps de travail. Les systèmes techniques dinformation ont ainsi une vraie vocation organisationnelle à la Péniche puisquils permettent la création dune entité virtuelle outrepassant les contraintes spatiales.
Malheureusement ce système technique semble souffrir de nombreuses lacunes : la communication est mauvaise, nécessitant des répétitions, et parfois inaudible. Cette barrière technique peut ainsi jouer sur la capacité et la possibilité de prendre la parole ou dêtre écouté. De plus elle influe sur la possibilité de se faire tout simplement comprendre ou de comprendre ses interlocuteurs.
En outre, ce système dorganisation pose le problème bien plus important (la technologie pouvant toujours saméliorer) de laspect humain du travail si essentiel à la Péniche. En effet, limpossibilité dêtre réellement en présentiel et de vivre pleinement lensemble des rapports sociaux qui prennent place dans lentreprise peut influencer sur le sentiment dappartenance et jouer sur limplication dans le collectif comme dans lentreprise. La médiation des systèmes dinformation dans les communications interpersonnelles prive ainsi les relations dune certaine humanité. La Péniche semble dailleurs sêtre trouvée confrontée à la nécessité dhumaniser au plus vite ces systèmes en affublant les web-cams de traits anthropomorphiques. Plus sérieusement, Il était question, dès juin 2005, de rapprocher ceux deux salariés dans une même entité, une « Péniche bis » appelée à devenir autonome, qui leur permettra de jouir dun véritable collectif de travail, un rapprochement qui sest effectué dès la rentrée 2005 et qui a depuis embauché une nouvelle personne.
Un exemple d « anthropologisation » de lentreprise :
Pluralisme, diversité et cohésion :
Dans lidéal type autogestionnaire que nous avons élaboré précédemment, nous avons définis les organisations autogérées comme de « petites communautés autonomes respectueuses du pluralisme des éléments qui la constituent ». Limportance accordée au pluralisme et à la diversité des éléments constitutifs du collectif place directement lidée autogestionnaire face à la problématique de la conciliation dialectique entre individu et collectif, entre pluralisme et cohésion.
Des profils similaires
Au premier abord les membres de la Péniche ont des « profils » fortement similaires : ils sont en majorité célibataires, ils habitent dans lest parisien, ils se réclament du courant dextrême gauche sans spécifier un parti particulier apte à refléter leurs pensées. En outre, ils sont tous originaires de France. Même leurs parcours scolaires se rejoignent (quelle que soit la génération à laquelle ils appartiennent) : ils sont en effet une majorité de Bac + 4 en Sciences Humaines et Sociales et particulièrement en Histoire (excepté Olivier qui na pas fait détudes supérieures).
Cette homogénéité semble dailleurs jouer sur la capacité et le sentiment dintégration : Au moment où se déroula ce stage dobservation, deux salariés venaient dêtre embauché, dont lun a quitté lentreprise au bout de trois mois. Cédric semble en effet sêtre heurté à dimportants problèmes dintégration, qui pourraient paraître, à première vue, liés à un profil totalement atypique en comparaison à celui que nous avons défini ci-dessus, mais qui en réalité tient à sa non adhésion au projet particulier de cette entreprise : vivre une aventure autogérée.
Cédric avait en effet un profil totalement différent : marié, 2 enfants, il habite en banlieue et se réclame plus dune gauche réformiste et centriste que révolutionnaire. Mais, comme on le perçoit demblée au travers de son positionnement politique, ses difficultés dintégration tiennent avant tout à une incompréhension de taille : espérant avant tout faire du journalisme, il a intégré une société de rédacteurs, certes, mais où le cur de métier est davantage lexpérimentation autogestionnaire que la rédaction, comme nous le verrons par la suite.
Cet exemple (dune difficulté dintégration liée non pas à un profil différent, mais à une inadéquation avec le projet autogestionnaire) pourrait trouver une seconde illustration au travers du cas de Myriam, qui est pourtant membre de la Péniche depuis trois ans, mais qui elle aussi ressentait une même difficulté dintégration et didentification à lentreprise. Son profil diffère lui aussi du profil mis en évidence précédemment : mariée, deux enfants, elle réside à Lyon et saffirme beaucoup moins politisée que ses collègues. Mais cette différence de profil nest pas seule en cause dans ses difficultés dintégration. En effet, Myriam ne participe à la Péniche que par Télétravail. Limpossibilité dêtre régulièrement en « présentiel » à la Péniche ainsi que les difficultés de transmission et de réception des systèmes dinformation utilisés jouent énormément sur la représentation quelle peut avoir de son rôle et de sa place dans lentreprise et vis-à-vis de ses collègues. La situation dans laquelle était Myriam la privait également des contacts humains et de la dimension collective de cette organisation, des aspects pourtant clé dans lidéal type autogestionnaire. Depuis, la situation sest arrangée : Myriam a déménagé à Grenoble pour rejoindre Sylvain. Ensemble, ils représentent un deuxième collectif de travailleurs mais qui appartient pourtant bien à La Péniche (dont les frontières sont ainsi plus symboliques et psychologiques que matérielles et géographiques comme nous le verrons plus loin), grâce à la force des liens qui les unissent au reste du collectif.
Ainsi, la différence des profils psychologiques influent certainement sur le sentiment dintégration ou dabsence dintégration, mais est loin den être lunique et première cause.
Dailleurs cette apparente homogénéité est trompeuse et les entretiens passés individuellement ont progressivement mis en lumières des personnalités toutes très différentes.
Des parcours et des expériences hétérogènes :
Les membres de La Péniche ont également tous un parcours personnel particulier. La plupart dentre eux étaient en effet à lorigine tournés vers un secteurs dactivité particulier : lédition, la musique, lhumanitaire, le militantisme, les carrières universitaires, le journalisme
.
Ils ont également tous une place spécifique eu sein de lentreprise (certains étant plus portés sur le rédactionnel, quelques-uns sur la gestion, dautres sur le relationnel
). A cet égard, on peut plus particulièrement citer lexemple dOdette, véritable « électron libre » de lentreprise, puisque son travail, denviron deux heures par semaine, ne concerne que la correction des articles et se déroule loin des deux autres collectifs (basés à Paris ou à Grenoble), à Nice.
De même La Péniche se caractérise par une certaine hétérogénéité au niveau des tranches dâges puisque deux générations y cohabitent :
-celle des 25-35 ans (qui se réduit en fait à 28-33 ans)
-et celle des 50 ans et plus.
On constate enfin une certaine diversité dans les rapports que chacun a pu entretenir avec le monde autogestionnaire avant dintégrer La Péniche : en effet, tous nont pas forcément eu de contact avec le monde autogestionnaire avant leur entrée à La Péniche. Cest particulièrement le cas dHélène, de Jordane et de Sylvain. Les contacts que les différents membres de la Péniche ont eu avec le monde de lautogestion vont de rapports étroits (la création dentreprises autogérées), à de courtes expériences (le milieu associatif), et étaient pour certains quasi inexistants. Lentreprise rassemble sur ce point des profils très différents, excluant lhypothèse selon lesquels seuls des gens formés à lautogestion peuvent sy intéresser ou la mettre en pratique.
Cependant lobédience politique étant majoritairement dextrême gauche, on peut penser que ceux qui nont pas eut de contact direct avec les expérimentations autogérées y aient été sensibilisés au travers de leur formation politique. Mais beaucoup reconnaissent également navoir jamais vu, voire même entendu parler dune entreprise autogérée avant dintégrer La Péniche.
Ainsi, au-delà dun travail statistique et superficiel portant sur les âges, la formation, le lieu de résidence et la situation maritale
se révèlent des parcours individuels très divers. Ce qui nempêche pas La Péniche dêtre un collectif très soudé. Et ceci pour une raison forte que nous venons dévoquer : la cohésion nest pas lié à une homogénéité des « profils » mais à une forte cohésion symbolique : tous partagent une idéologie commune.
Une idéologie commune au fondement de la culture dentreprise :
Plus que des profils homogènes, cest lidéologie que chacun partage qui est au fondement de la cohésion de cette entreprise, car celle-ci est directement en rapport avec le projet particulier de La Péniche : expérimenter lautogestion en entreprise pour « travailler autrement ».
Une très grosse majorité des membres de lentreprise nourrissent en effet un attrait commun pour lidéologie dextrême gauche. Cet idéal partagé nourrit directement ce que Mintzberg nomme « lidéologie organisationnelle » et permet ainsi à lentreprise de bénéficier dune solide cohésion. Mintzberg définit en effet lidéologie qui prend place au sein des organisations comme « constituée dun système de croyances et de valeurs à propos de lorganisation, auquel tous les membres de lorganisation adhèrent. Le trait essentiel dune idéologie réside dans son pouvoir mobilisateur et unificateur. Une idéologie lie lindividu à lorganisation ; elle permet lintégration des buts individuels et des buts de lorganisation ».
A La Péniche, lidéologie de lentreprise se nourrit ici directement des idéologies personnelles puisquelles se recoupent en de nombreux points. Ainsi, les principes de fonctionnement organisationnels de lentreprise (lautogestion) réalisent lidéal sociopolitique des membres de la Péniche, ce qui engendre une pleine participation et implication de chacun par une identification presque totale à lentreprise. « Ici les agents internes ne se contentent pas daccepter tout simplement les buts centraux, il les partagent ou les intériorisent comme sil sagissait de leurs propres buts personnels ». Ainsi, « lidentification naturelle et spontanée est le moyen le plus puissant car il ne nécessite aucun effort de la part de lorganisation pour obtenir lintégration souhaitée », « quand le système idéologique est puissant et fort, les systèmes de contrôle ne sont plus nécessaires ». Une forte idéologie organisationnelle semble donc essentielle à la mise en pratique de lautogestion.
En outre, cette idéologie partagée peut expliquer la facilité avec laquelle un consensus peut se dégager des diverses discussions concernant lorganisation du travail et de lentreprise. En effet, le consensus est grandement facilité par la détention dune culture commune. Cette dernière est de plus encore favorisée par la multiplication des interactions, des échanges et des relations affectives permettant dappartenir et de faire vivre une même culture.
Enfin, et parallèlement, cette forte idéologie participe également du processus de socialisation et de répartition égalitaire du pouvoir, comme nous lavons vu en seconde partie : « une idéologie forte et puissante a un effet considérable de nivellement du pouvoir (
) en partageant les croyances, tout le monde se partage aussi le pouvoir », « tous ceux qui ont été socialisés peuvent prendre part à la prise de décision. On peut leur faire confiance pour quils fassent leur choix en fonction de lensemble des croyances qui dominent ». Ainsi, partager une même idéologie participe également de lauto contrôle (là encore nous retrouvons un des concepts clés des nouvelles théories organisationnelles).
Par conséquent, « le pouvoir dans la coalition interne a tendance à être réparti uniformément quand il y a une idéologie forte et puissante ».
Ainsi, à la péniche le recrutement ne se fait pas sur la base des qualifications, ni même de compétences particulières, mais bien sur la manière dont le nouvel arrivant « porte le projet ». Comme nous lexpliquent les membres dAmbiance bois : « Un projet ne peut pas faire appel à des « compétences » extérieures, si « compétentes » soient-elles, sil ny pas un accord au départ sur des objectifs et valeurs fondatrices. Si lon recherche une personne à associer à un projet, entre compétence et habileté technique dune part, proximité idéologique et accord sur les valeurs fondamentales dautre part, il ne faut pas hésiter. Il faut privilégier les seconds car de ceux-ci dépendra la manière dont seront utilisées les connaissances et les savoirs faire, qui peuvent toujours sacquérir par ailleurs sils font défaut au départ ». Ainsi, à la Péniche, « les critères de choix [qui président toute nouvelle embauche] sont avant tout le degré dadhésion du futur salarié au projet autogestionnaire : le refus dun certain confort du salariat, le besoin de chercher autre chose dans le travail que la feuille de paye ou la carrière, le désir dêtre libre, solidaire, autonome ».
Dès lors, les « organisations démocratiques portent une attention soutenue au recrutement », pour sassurer que «le rapport à lorganisation nest pas seulement un rapport au travail, mais signifie ladhésion à un projet de vie et de société ».
La gestion des différences :
Mais si un collectif autogéré se caractérise par une forte culture dentreprise (grâce à un projet commun réellement fédérateur), il se doit également de respecter la diversité de ses membres, car celle-ci est la source de sa richesse, de sa créativité et donc de son dynamisme.
Cette acceptation et cette prise en considération du pluralisme, à la base de lidéal type autogestionnaire, ne peut tolérer de « mystique de lunité érigée en vertu cardinale, de religion du groupe un, [le] sacrifice de tout à lharmonie relationnelle ». Bien au contraire, il lui faut « à la place [développer] lacceptation du conflit comme inhérent à toute relation humaine, la prise en compte des différences et des oppositions, le consentement à la confrontation ». Sainsaulieu, Tixier et Marty définissent ainsi lorganisation démocratique comme une « structure complexe qui doit sefforcer darticuler la multirationalité que lon rencontre nécessairement dès lors que lentreprise donne la parole à tous ses membres ».
Ainsi, la forte dimension collective ne doit pas être perçu comme un obstacle à la reconnaissance de la diversité et du pluralisme. De même, pour Simondon, « le collectif, lexpérience collective, la vie de groupe nest pas le domaine dans lequel se délayent ou samoindrissent des traits saillants de lindividu singulier, mais quau contraire il est le terrain dune individuation nouvelle, plus radicale ».
La Péniche se doit ainsi dêtre respectueuse des différentes personnalités, représentations, attentes, aspirations
qui prennent place en son sein : « les individus ne doivent pas se sentir niés par le collectif ou le poids des décisions communes ». Mais « comment gérer les différences ? ».
Encore une fois, La Péniche place la communication comme le processus clé permettant de concilier individu et collectif, diversité et cohésion, dharmoniser les contraires : « cest par léchange et la discussion que le collectif pourra négocier un équilibre entre les souhaits des uns et des autres ».
Pour illustrer ce propos, nous prendrons lexemple de larrivée dune nouvelle personne dans lentreprise, moment toujours délicat pour le collectif qui doit alors se recomposer. En effet, « le recrutement est un moment critique dans lorganisation. Il vient déranger les jeux de négociation un moment stabilisés dans une sorte de statu quo. Lintroduction dun nouveau sujet avec sa logique complexe vient redistribuer les cartes et obliger organisation et participants à se remettre en mouvement pour retrouver un nouvel ajustement réciproque (
) un nouvel élément oblige à reprendre la recherche de dynamique interne ». De plus, ces « mises à lépreuve » sont régulières à La Péniche puisque cette entreprise embauche en moyenne une nouvelle personne par an. La Péniche sinscrit donc dans une dynamique et une renégociation permanente tant au niveau de son organisation sociale que de son organisation productive.
Lors de ces « épreuves », La Péniche doit particulièrement gérer les difficultés auxquelles certains des salariés doivent faire face pour sadapter à une forme dorganisation originale (car expérimentale), et permettre à chacun de trouver les repères qui lui permettront de se positionner dans lentreprise et de sy épanouir.
Chaque nouvelle embauche est ainsi susceptible dêtre à lorigine dune crise humaine, lensemble des relations devant se redéfinir. Le nouvel entrant se trouve lui aussi en situation difficile puisquil se trouve face à une tension extrême entre la position individuelle, dans laquelle il se trouve encore, et le collectif quil a face à lui et dans lequel il est invité à simpliquer. De plus, la plupart des gens ne sont pas habitués à fonctionner selon des modes si collégiaux, et la première expérience de ce type de structure peut être traumatisante au sens où le salarié doit se départir dune certaine logique individuelle, ce qui peut être ressentie comme une modification de son identité. Comme le soulignent Sainsaulieu, Tixier et Marty , « le fonctionnement collectif est un univers de transformation des mentalités et des particularités parce quil développe de multiples opportunités de relations nouvelles, de risques à prendre, de conflits à vivre et de rencontres nouvelles. Le risque est de plonger les individus dans une sorte danomie culturelle, au-delà de leurs références et repères habituels, où la première victime se trouve être la personnalité, lidentité et la santé mentale de chacun », « le fonctionnement collectif produit une redéfinition des statuts et des rôles professionnels, plongeant chacun dans une crise de représentation ».
Ainsi chaque nouvelle embauche est facteur de tension tant pour lentreprise (le collectif) que pour le nouvel entrant (lindividu).
De plus, à la Péniche, comme dans de nombreuses structures à fonctionnement collectif et démocratique, il na jamais été question de licencier un salarié. Mais, de par leur « exclusion du jeu collectif », les salariés peuvent quitter lentreprise deux-mêmes. La Péniche doit donc sefforcer, à chaque nouvelle embauche, de faire une place au nouvel entrant.
La Péniche, réticente à toute formalisation, ne dispose daucun dispositif de gestion de crise. Comme à laccoutumée, cest au travers du dialogue et du consensus que les crises humaines sont appelées à se résoudre. En effet, « Le fonctionnement collectif impose la rencontre avec lautre dans un rapport didentité à identité en ne laissant pas subsister de médiation (règle, hiérarchie formelle
) ». La communication interpersonnelle, le dialogue en face-à-face ressortent ainsi comme le meilleur outil de gestion de crise humaine. La communication reste le moyen essentiel pour tenter de faire coexister différentes dimensions et espérer un jour une conciliation harmonieuse de lindividu et du collectif.
« Dans la plupart des cas, la confrontation amène chacun à sexpliquer et à expliquer aux autres ses positions plutôt quà trancher ou à exclure ». Sainsaulieu, Tixier et Marty soulignent ainsi limportance de la négociation dans les structures à fonctionnement collectif et démocratique, qui devint en cas de crise, « une nécessité interne », « dans la mesure où la déviance est vécue comme une mise en cause du ciment collectif ».
Dans ces situations, lune des inquiétudes de lentreprise est de voir le collectif anciennement constitué se resserrer et exclure le nouvel entrant par un phénomène de « bouc émissairisation » (terme emprunté à lun des membres de la Péniche). En effet, selon Sainsaulieu : « Lorsque le comportement dun acteur nest pas conforme aux attentes du groupe, il sera directement mis en cause, il y a là une pression normative interne à lorganisation ». Les « phénomènes de déviances et dexclusion » représentent ainsi « un danger grave pour toute expérimentation qui se veut collective et non pas sélective ».
Ce phénomène de mise à lécart est particulièrement pernicieux puisquil « peut entraîner un renforcement du discours normatif et des attitudes retraitistes ». Lorsque le phénomène de mise à lécart commence, il semble ne plus pouvoir trouver de facteurs de rétroactions négatives aptes à le réguler.
De plus, cette réaction de « bouc émissairisation », si elle est parfaitement naturelle, peut se révéler dangereuse pour lentreprise dans son ensemble. La capacité à intégrer de nouveaux éléments est en effet une preuve de louverture et de la souplesse de lentreprise, chaque nouvelle embauche est ainsi à lorigine dune nouvelle dynamique (variable essentielle à la régénération de lorganisation). Si lentreprise perd cette dynamique, elle risque de se refermer sur elle-même et de devenir statique faute dapport de « sang neuf ».
Lors de ce stage dobservation, Cédric (nouvel arrivant) semblait souffrir dune certaine difficulté dintégration. Contrairement à ses collègues, Cédric semblait ainsi plutôt avoir suivi une identification que Mintzberg qualifie de « calculée » : « lidentification calculée est manifestement la forme la plus faible de loyauté, et diffère des autres formes didentification en ce sens quelle nest pas réellement intégrée ni intériorisée par lindividu. Il sidentifie à lorganisation uniquement parce quil à tout intérêt à le faire. Il ne sidentifie à rien qui ne concerne lorganisation ; la relation est strictement contractuelle ». Ce positionnement lui posa de nombreuses difficultés dintégration, car, comme dans la cité projet, dans une entreprise autogérée « est non engageable celui à qui on ne peut pas faire confiance parce quil ne donne pas ce que lon attend de lui et « joue perso », ce qui est une forme de malhonnêteté dans lengagement (opportunisme) ».
Ainsi, face au problème dintégration patent de Cédric, des réunions ont été organisées, soit dans le cadre des réunions hebdomadaires, soit dans le cadre de réunions prévues spécifiquement pour traiter de ce problème. A chaque réunion, chacun sest efforcé dexprimer son opinion. Lors de ces réunions, les rôles se sont distribués naturellement : certains accusaient, dautres ne faisaient que constater, certains nuançaient les propos et dautres prenaient la position de médiateur. Ainsi, un maximum a été fait pour que tous les avis soient exprimés dans le cadre dune discussion calme et constructive. Il na ainsi jamais été question de faire son procès, mais bien plutôt de recadrer la situation en expliquant le réel projet de lentreprise et la nécessité de sy impliquer, tout en rappelant pourquoi Cédric ne semblait pas les comprendre aux yeux de ses collègues. Lobjectif était donc avant tout dexpliciter une nouvelle fois le véritable projet de lentreprise (non pas le rédactionnel, mais lexpérimentation dune autre manière de travailler), non pas pour en convaincre Cédric mais pour savoir sil le comprenait et y souscrivait. De ces multiples échanges est ressorti que Cédric était moins intéressé par lautogestion que par le journalisme, il décida donc de lui-même de quitter lentreprise.
Lentreprise autogérée : un lieu de vie communautaire associant vie professionnelle, sociale et privée :
Les membres de la Péniche considèrent en effet leur entreprise, non seulement comme un lieu de travail mais avant tout comme un lieu anthropologique: lentreprise nest pas la simple scène dune activité productive, cest avant tout un lieu de socialisation, comme Sainsaulieu sest attaché à le démontrer.
Ainsi, toutes les activités humaines peuvent se développer au sein de cette structure. Laffectif, le ludique et le festif ont donc une place privilégiée au sein de la Péniche en comparaison des autres entreprises. Si dans ce type de structure, laffectif, le ludique et le festif ne sont pas forcément plus développés que dans une entreprise classique, ils accèdent cependant à une certaine reconnaissance, leur permettant de déployer tout leur potentiel organisationnel. Ils se développent toutefois avec plus de facilité car la communication interpersonnelle y est pleinement favorisée, comme nous lavons constaté précédemment.
Ainsi, dans une entreprise autogérée, tous les échanges sont prétextes à resserrer le lien social. Le local de la Péniche abrite donc beaucoup dactivités relationnelles : chacun est libre de discuter avec chacun. Les communications qui prennent place dans cet espace particulier mélangent tant la fonction phatique quinformative du langage et de la relation à autrui : les discussions portent en effet autant sur des sujets professionnels, que politiques, sociaux, personnels
La communication permet ainsi la diffusion dinformations en vue de la bonne organisation de lactivité professionnelle, mais elle permet aussi au tissu humain de se former, de se resserrer et de se régénérer, favorisant par là une plus grande cohésion sociale. La communication assure tout à la fois la solidité matérielle (la bonne réalisation de la production) et la cohésion symbolique (le lien social) de lorganisation.
Toutefois, il est à souligner que le lien social se développant dans ce type de structure sappuie sur des « affinités non pas affectives, mais plutôt culturelles », comme nous lavons déjà évoqué en soulignant laspect primordial de lidéologie commune dans ce genre dentreprise.
Limportance des aspects affectifs, ludiques et festifs au sein de lentreprise vise en substance à faire de La Péniche un lieu de vie propice à reformer un « homme complet » selon les vux de la théorie autogestionnaire. En effet, lhomme est trop souvent segmenté : citoyen par moment, producteur en dautre lieux... Toutes les facettes de lexistence sont appelées à se ressouder au sein de la Péniche. Lentreprise autogérée refuse « détablir une frontière imperméable entre le travail et les autres aspects de la vie, et les considère comme appartenant à un tout ». Il sagit de rendre à nouveau « cohérente une vie que les contraintes de la production capitaliste font éclater en de multiples sphères régies par des logiques diverses et contradictoires ». Chaque salarié est ainsi apte à donner toutes ses ressources à lentreprise. Pour bénéficier de lensemble de ses ressources, lentreprise favorise un contexte et une ambiance permettant à chacune des dimensions de lhomme de sexprimer et de sépanouir. Toutes les activités permettant de régénérer le lien social sont donc reconnues à leur juste place.
Cette idée de l « homme complet » pourrait trouver une nouvelle actualité grâce au thème de l « effacement des frontières » développé par les nouvelles théories organisationnelles. Ce phénomène ne touche plus ici les frontières de lentreprise mais celles de lexistence. Cette idée se retrouve également dans le « cité projet » de Boltanski et Chiapello, comme nous lavons évoqué en deuxième partie. La Péniche multiplie les analogies avec ce nouveau « monde connexionniste » où « la distinction de la vie privée et de la vie professionnelle tend à seffacer (
) Il devient dès lors très difficile de faire la distinction entre le temps de la vie privée et le temps de la vie professionnelle, entre les dîners entre des copains et le repas daffaires, entre les liens affectifs et les relations utiles
».
Tout comme lidéal type de la cité projet, lidéal type autogestionnaire quillustre cette entreprise « renonce à faire la distinction entre les relations amicales désintéressées et les relations professionnelles ou utiles ».
Mais cette situation nest pas facile à vivre pour tous. En effet, certains salariés ont naturellement ressenti une certaine difficulté à dissocier leur vie professionnelle et leur vie privée, la frontière entre ces deux sphères devenant beaucoup plus poreuse que dans une structure classique. Cette difficulté à se positionner fut ainsi à lorigine dun certain malaise pour certains. Et cest également un risque pointé par Luc Boltanski et Eve Chiapello qui soulignent « linquiétude engendrée, dans un monde connexionniste, par leffacement de la distinction entre les relations désintéressées, considérées jusque là comme du domaine de la vie affective personnelle, et les relations professionnelles qui pouvaient être placées sous le signe de lintérêt ».
Toutefois, daprès les témoignages récoltés au sein de La Péniche, il semble que ce mode dorganisation intégrant lensemble des dimensions humaines soit tout de même plus facile à vivre et à supporter, moins aliénants que celui des entreprises classiques, amputant lindividu dune partie de son identité et de son humanité.
Ce malaise sestompe donc progressivement à La Péniche au fur et à mesure de lintégration grâce à la relation de confiance qui sétablit entre chacun des membres. Leffacement des frontières de lexistence ne représente en effet un réel danger que si « la recherche de profit demeure lhorizon fondamental par rapport auquel ces relations se forment [car] il sensuit un brouillage assez troublant de la distinction entre relation amicale et relation daffaires, entre le partage désintéressé dintérêts communs et la poursuite dintérêts professionnels et économiques ». Dans cette perspective, « on demande aux individus dêtre loyaux, sincères, enthousiastes, mais en leur faisant subir des pressions telles quen fait ils ressentent de la peur, de la méfiance et de la haine ». Cette interprétation de la cité projet va totalement à lencontre des nouvelles réflexions organisationnelles mettant laccent sur la confiance, comme base indispensable du nouvel impératif de coordination et de coopération. Leffacement des frontières ne peut donc être réellement profitable quau sein dun collectif où la confiance et la coopération ont remplacé la méfiance et les jeux de pouvoirs. Ce sentiment de confiance et de solidarité se construit progressivement au travers des relations interpersonnelles. Les nouvelles formes organisationnelles doivent donc avant tout se préoccuper de créer les conditions favorables au foisonnement des relations interpersonnelles basées sur la proximité et la confiance.
Ainsi, dans le local de La Péniche, prennent place tout autant des activités professionnelles que des activités de la vie quotidienne. Banales à première vue, celles-ci sont en réalité essentielles pour la constitution et la pérennité dun groupe social :
Les repas du midi
Les repas sont ainsi toujours pris collectivement dans les locaux de lentreprise. La table qui sert au repas est la même qui sert aux réunions et trône au milieu du local. Cette table symbolise donc un lieu de rassemblement tout autant professionnel que social et participe du brouillage des frontières et de la « proximité » qui peut exister au sein de ce collectif.
A tour de rôle, une ou plusieurs personnes soccupent de faire les courses et de préparer le repas. Cette tâche, comme la plupart des tâches prenant place à la Péniche (quelles soient professionnelles ou non), nest pas formalisée par un planning strict. Soccupent du repas ceux qui en ont envie et qui ont un emploi du temps le permettant. Comme pour la plupart des postes à la Péniche, la répartition de cette tâche nest pas réellement équilibrée. Toutefois, et cest une fois encore loccasion dapprécier les capacités dauto contrôle de membres de lentreprise, certains ne manquent pas de remarquer par eux-mêmes leur manque dimplication dans cette tâche et ils y remédient rapidement lorsquils estiment eux-mêmes ne pas avoir fait la cuisine depuis trop longtemps. Dailleurs, lirrégularité dans la répartition de cette tâche ne suscite aucune plainte ou récrimination. La préparation du repas représente en effet pour certains un moment de plaisir et de détente, voire de franche convivialité lorsquil se prépare à plusieurs.
Le mardi fait exception : cest en effet le jour de la réunion hebdomadaire. Celle-ci nautorisant labsence daucune personne (pour faire les courses ou préparer à manger) et pouvant avoir une durée variable, le repas se compose de sandwichs partagés dans le parc jouxtant les locaux. Le changement denvironnement permet ainsi de prendre de la distance avec le travail, dont il a déjà été question toute la matinée au cours de la réunion.
Les conversations qui prennent place lors de cette collation touchent des sujets assez divers mais sont assez représentatifs de la culture dentreprise : on y parle souvent politique et actualité dans une ambiance calme et conviviale. Alain en profite souvent pour présenter le bilan de ses nombreuses prospections et prises de contacts. On continue donc à « parler travail » mais sur un ton plus détaché. Comme le reste du temps, lhumour est très présent.
Les rituels :
Toute vie sociale et privée étant marquée de « rituels », ceux-ci conservent une place importante au sein de lentreprise.
16 heures marque ainsi lheure du thé, permettant encore une fois de favoriser les interactions et les liens entre les membres.
Le mercredi, Sarah passe au marché avant darriver à lentreprise, elle ramène ainsi des fruits et légumes frais cultivés par de petits producteurs qui serviront à la composition du repas du midi.
Enfin, il nest pas rare de fêter collectivement un événement, quil soit personnel (comme lobtention dun diplôme en FLE pour Stéphanie) ou professionnel (la nouvelle gérance, les nouveaux contrats) avec du champagne, payé par lentreprise ou par lemployé qui désire faire part à ses collègues dun de ses succès.
Chacun de ces rituels encourage la création de liens affectifs et déchanges, et favorise donc la cohésion et par là la stabilité de lentreprise. Ils participent également à la valorisation individuelle ou collective.
Les rencontres hors travail
Deux groupes se distinguent dans le Péniche :
-Alain, Christian et Olivier qui vivent ensemble.
-Hélène, Jordane, Sylvain qui font partie du même groupe damis depuis quelques années et qui ont intégré Stéphanie et Sarah à leur arrivée dans lentreprise (Sarah entretenait déjà des relations amicales avec Hélène).
A lintérieur de ses deux groupes prennent ainsi place des relations humaines privilégiées. Il nest donc pas rare que les salariés se côtoient aussi hors de lentreprise. Ces rencontres hors travail permettent encore une fois de ne pas limiter les relations interpersonnelles à des rapports purement et simplement professionnels.
En substance, nous retrouvons ici le principe dattractivité défendu par Fourrier pour qui les relations professionnelles ne doivent pas se limiter à simplement satisfaire des besoins dordres matérielles et économiques, mais doivent également avoir pour base les sentiments, laffection, lamitié. Aux besoins physiologiques, sajoutent ceux plus psychologiques dappartenance et daffection qui occupent le troisième étage de la pyramide de Maslow.
Cependant, certains remarquent et regrettent que ces deux groupes nentretiennent que peu de relations entre eux hors de lentreprise. Dailleurs, ces deux groupes correspondent aux deux catégories générationnelles bien distinctes, mises en avant dans létude des profils psychosociologiques (les 28-33 ans et les 50 ans et plus), ce qui fait craindre à certains un « fossé générationnel ». Cependant, il nest pas sûr que cette absence de relation soit plus liée à lâge quà lancienneté des deux groupes damis (qui ont tous deux préexisté à la création de lentreprise). Toutefois, une troisième groupe existe à la jonction des deux autres : une forte amitié lie en effet Sylvain et Christian, fondateurs de lentreprise.
Certains voudraient voir la logique communautaire se développer jusquà envisager une véritable vie en communauté (une expérimentation que mènent des entreprises comme Ardelaine ou Ambiance bois, appartenant toutes deux au réseau REPAS).
Le recrutement et le temps de lintégration : des approches anthropologiques :
Le recrutement par réseau personnel :
La plupart des membres qui composent léquipe de La Péniche ont intégré lentreprise par le biais de leur réseau amical : Alain, Olivier, Christian et Sylvain, à lorigine de la structure, se connaissaient déjà avant la création de lentreprise. Hélène a connu lentreprise par Sylvain quelle a rencontré à Hypokhâgne. Jordane a également eu connaissance de cette entreprise par Sylvain, qui connaissait bien son frère pour avoir été au lycée avec lui. Myriam est elle aussi venue par Sylvain. Enfin, Sarah a pris contact avec lentreprise par le biais dHélène.
La Péniche considère ainsi que le recrutement par le biais des relations amicales nest pas plus arbitraire ou imparfait que les procédures classiques de recrutement. Lentreprise ne cherche donc pas à expérimenter des formes organisationnelles plus optimales, elle vise des structures organisationnelles tout aussi efficientes que celle mise en uvre traditionnellement, mais plus « humaines ».
Ce type de recrutement semble en outre avoir des effets non négligeables sur lentreprise : cette manière de prendre contact puis dintégrer lentreprise implique en effet des liens beaucoup plus étroits et personnels (beaucoup plus « humains »). Ceci semble faciliter lintégration, mais également lidentification à lentreprise et par la même la participation des salariés à sa bonne organisation et à son bon fonctionnement. La personne nouvellement embauchée semble également ressentir une légitimité mieux fondée, puisque son embauche ne dépend pas dun CV et dun court entretien mais dun réseau de relations plus sensible à sa manière dêtre (son savoir être) quà son savoir faire (une donnée qui semble bien plus primordiale que cette dernière dans ce type de structure comme dans les nouvelles théories organisationnelles).
En ce sens, La Péniche semble encore une fois expérimenter ce que Boltanski et Chiapello nomment « la cité-projet », un monde connexionniste basé sur le capital informationnel et relationnel et les capacités à entretenir, développer et mobiliser son « réseau » pour rester en activité.
Seuls Stéphanie et Cédric ont intégré lentreprise suite à un recrutement « standard » (cest-à-dire par « candidature spontanée »), après avoir envoyé un CV à lentreprise ou les avoir contacté directement. Lorsque le réseau de chacun ne peut pourvoir au besoin dun nouveau membre, cest ainsi la candidature spontanée qui est choisie car « le meilleur moyen de trouver de nouveaux participants au projet est encore de les laisser venir à la structure. Cest dabord par la proximité géographique, idéologique, amicale que se feront les adhésions ».
L « entretien dembauche » :
Quelle que soit sa manière de prendre contact avec lentreprise (par son réseau amical impliquant une relation plus personnelle et plus étroite avec lentreprise ; ou par des procédures standards qui induisent une approche plus distancée), le candidat passe toujours un entretien, mais celui-ci diffère encore sur bien des points de l « entretien dembauche » traditionnel.
Tout dabord, La Péniche ne fonctionnant pas selon des logiques hiérarchiques, le plus grand nombre de salariés doit être présent lors de cet entretien. Ici encore la décision semble se prendre selon une procédure consensuelle.
La forme que prend cet entretien semble très informelle : le candidat est invité à partager le repas du midi avec les membres de lentreprise, et l « entretien » semble vite prendre les formes dune discussion collective informelle.
Le contenu de la discussion est également très informel, les questions portant plus sur les qualités humaines et personnelles, les centres dintérêts et sur les motivations à intégrer une structure autogérée (« ladhésion au projet »), que sur des compétences professionnelles. Le savoir être semble donc primordial face au savoir-faire. Mais face au niveau scolaire de la majorité des membres de La Péniche, on peut supposer que le savoir est lui aussi essentiel. Ainsi savoir et savoir être vont fonder la légitimité du candidat en tant que personne apte à se responsabiliser et à participer à un projet collectif.
Le savoir-faire (cest-à-dire le rédactionnel ou la gestion et lorganisation de lentreprise) nest ainsi pas la donnée fondamentale qui va influencer lembauche, contrairement aux entreprises classiques où le candidat est appelé à sadapter parfaitement à un poste prédéfini dune manière assez rigide. Les membres de la Péniche lont dailleurs souligné, lors des divers entretiens passés pour cette étude, en précisant pour la plupart leur ignorance totale en matière de communication, de journalisme ou décriture ainsi que dans le domaine associatif ou de léconomie sociale et solidaire et encore plus dans le domaine de la gestion dentreprise. Cédric, un des rares à avoir eu une expérience préalable dans le journalisme, sest dailleurs trouvé très perplexe lorsquil a constaté que son press-book navait quasiment pas été feuilleté lors de lentretien qui a précédé son embauche, et que cette discussion avait plus portée sur son expérience au Lycée Autogéré de Paris que dans le journalisme.
En effet, lentreprise semble ici considérer quun savoir faire peut toujours sapprendre rapidement au sein de lentreprise, contrairement au savoir être. Jordane souligne dailleurs avec humour quil nest demandé que deux compétences précises à la Péniche : « savoir lire et écrire ». Le savoir faire sapprend, et la capacité dapprentissage (la capacité « dapprendre à apprendre ») découle directement du savoir et du savoir être. Cest ainsi que la formation interne réciproque est une donnée fondamentale dans cette entreprise, comme nous lavons déjà évoqué.
De ce fait, et comme nous lavons déjà constaté, les membres sont plus attachés à recruter des gens qui aspirent à travailler selon des modes autogérés, que des professionnels de la communication. Ainsi, dans ce type dentreprise, « on embauche pas un travailleur mais un « participant » (il ne sagit pas dindividu réduit à une série de capacités désignées, mais de lindividu dans sa totalité) (
) ce choix se fait sur un modèle intériorisé du « bon participant ». La différence essentielle avec le profil psycho technique, cest quil ne sagit pas dune capacité quant au poste de travail, mais dun profil quant à la structure : cest un profil culturel ».
Cest en ce sens quon peut dire que le projet dentreprise, voir peut être le cur de métier de cette organisation nest pas le rédactionnel (ou l « écrit » comme le proclame leur slogan) mais véritablement lautogestion. Ainsi, lorsque les membres de la Péniche parlent de la nécessité d « adhérer au projet » pour intégrer lentreprise, il désigne ici la volonté et la motivation à participer à une expérimentation autogestionnaire. Et les membres actuels de la Péniche ne sy sont jamais trompés et admettent facilement avoir été séduits plus par les modes organisationnels mis en pratique dans cette entreprise que par son activité productive (le rédactionnel).
Le temps long de lintégration
Mais le recrutement ne signe pas lintégration totale du nouveau membre, il nen est quune étape et cest réellement en pratique que chacun va pouvoir apprécier la capacité et les motivations d « adhésion au projet » du nouvel entrant. Cest également en situation que ce dernier va réellement pouvoir juger de lattrait quil a pour lentreprise et pour lensemble de son projet (rédactionnel comme autogestionnaire).
Le temps dintégration est encore une fois bien différent de celui des entreprises classiques où lembauche représente lépreuve la plus décisive. En effet, une fois recruté, le salarié est souvent considéré comme intégré en grande partie, puisque officiellement incorporé au travers de la signature dun contrat de travail qui le lie formellement à sa nouvelle entreprise. Ladaptation humaine au nouveau milieu de travail est ensuite presque intégralement prise en charge par le salarié, qui doit se débrouiller seul pour intégrer les « jeux humains » complexes prenant place au sein de lentreprise.
Il semble, au contraire, quà La Péniche, lépreuve la plus importante nest pas lintégration formelle qui fait suite à un entretien dembauche ou à la signature dun contrat, mais lintégration complexe et informelle qui consiste à sinsérer dans le tissu humain de lentreprise afin dy trouver sa place. On retrouve ici la tension entre lindividu et le collectif.
Lintégration est ici un processus lent et complexe, comme lexpliquent les membres de La Péniche : « [lintégration] ne peut se dérouler que dans la durée pour permettre à tous de se choisir mutuellement ». Ce processus peut même être perçu comme douloureux, à limage de toutes les relations humaines, faites dincertitudes et dimprévisibilité.
Lactivité communicationnelle comme témoin de ladhésion au projet et comme variable dintégration :
Certains membres de lentreprise ont ainsi souffert de cette longue intégration, jouant sur les ressorts complexes de lêtre humain plus que sur de simples variables professionnelles. Cet exemple de lintégration nous donne ici encore une illustration du rôle important quacquiert la communication, puisquil semble bien que la prise de parole soit un facteur clé de lintégration. Cest en effet au travers de la motivation à prendre la parole, témoignant de la volonté de simpliquer dans toutes les activités de lentreprise, que va se juger « ladhésion au projet ».
Hélène a notamment souffert au départ dun manque de légitimité quant à ses capacités à écrire des articles ou à participer à la gestion de lentreprise. Pour certains de ses collègues, le retrait qui a découlé de ce sentiment dillégitimité à sérieusement mis en jeu, à leurs yeux, la motivation de cette employée à « adhérer au projet » autogestionnaire. Il lui a ainsi été reproché de ne pas simpliquer pleinement dans lentreprise. Lintégration dépend ainsi de la représentation que les autres ont de votre capacité à « porter le projet », à sy impliquer pleinement au travers de la prise de parole. Hélène sest ainsi trouvée dans lobligation de s « exprimer» (au sens propre comme au sens figuré) afin de trouver les repères qui lui permirent plus tard de se sentir totalement incorporée dans lentreprise. Elle a ainsi subit une forte tension entre sa timidité naturelle et la nécessité de sexprimer.
Sarah, au contraire, na jamais ressenti cette impression dillégitimité. Elle sest tout de suite exprimée sur nombre de dossiers et impliquée dans lorganisation du travail et de lentreprise.
La capacité à prendre la parole et à se faire entendre semble ainsi un facteur essentiel dintégration au sein dune structure autogérée.
Cédric semblait également souffrir dune intégration lente et douloureuse. Cependant, ce nest pas sa capacité dexpression qui semblait ici être en cause, mais tout simplement linintérêt quil semblait éprouver à lidée de donner son opinion sur des dossiers qui à ses yeux ne le concernaient pas. En effet, Cédric semblait raisonner selon le modèle classique des entreprises hiérarchisées : ne le concernaient que les dossiers sur lesquels il travaille et pour lesquels il est rémunéré. Sur de nombreux points de lactivité et de lentreprise, Cédric ne souhaitait pas sexprimer. Or, par définition, une entreprise autogérée appartient à lensemble des salariés, lensemble des activités concernent tout le monde car cest le fruit de toutes ses activités qui à lorigine de la rémunération de chacun. Ainsi, Cédric ne semblait pas adhérer à lensemble des principes de fonctionnement de la Péniche, il se trouvait ainsi en porte-à-faux vis-à-vis du « projet » de lentreprise. Ce « projet » est pourtant la variable fédératrice qui rassemble lensemble des membres de la Péniche : il est la clé de la cohésion matérielle et symbolique de lentreprise. En nadhérant pas au plus important des éléments fédérateurs de lentreprise (le projet dentreprise), il ne pouvait réaliser sa pleine intégration. Cette situation débouchera dailleurs quelques mois plus tard sur sa démission.
La clôture symbolique :
La Péniche est une structure qui rassemble 10 salariés, mais, comme nous lavons vu, ceux-ci ne sont pas regroupés dans un même lieu géographique. En effet, en juin 2005, 7 membres travaillaient dans un même local parisien, Odette (cas particulier dans lentreprise) était basée à Nice, Myriam se trouvait basée à Lyon et Sylvain à Grenoble (depuis Myriam à rejoint Sylvain car elle souffrait dune certaine solitude dans lexercice de son travail). Mais ces différents groupes géographiques appartiennent pourtant à la même organisation. Lunité spatiale et la clôture organisationnelle ne sont plus ici géographiques, matérielles, mais psychologiques, symboliques. On retrouve ici la thématique de leffacement des frontières, omniprésentes dans les nouvelles théories organisationnelles.
La communication devient ainsi une variable clé pour lorganisation. En effet, si tous les salariés ne sont pas toujours physiquement réunis ils le sont symboliquement grâce à une communication ininterrompue (notamment grâce aux NTIC telles que Internet ou les téléphones portables).
Mais cette porosité des frontières, ou plus exactement cette substitution de frontières psychologiques et symboliques en lieu et place des frontières géographiques et matérielles, ne caractérise pas seulement les frontières internes de lentreprise. La Péniche entretient en effet également des relations particulières avec son environnement. Se pose ici la question du difficile équilibre à trouver entre ouverture (nécessaire pour échapper à lentropie qui sévit dans les systèmes fermés) et fermeture (permettant la différenciation, base de lidentité dune organisation).
Les relations de lorganisation à lenvironnement : un exemple de conciliation entre ouverture et clôture symbolique :
Les relations que les entreprises autogérées développent avec leur environnement diffèrent des relations que nouent les entreprises traditionnelles avec leur milieu. En effet, pour Sainsaulieu : « Le rapport à lenvironnement est au centre de linventivité des organisations à fonctionnement collectif, il est plus complexe que dans lentreprise traditionnelle ».
La Péniche présente plusieurs spécificités dans les relations et la communication quelle développe pour agir « sur », mais surtout « avec » son environnement. La relation à lextérieur est en effet plus perçue sur le mode de la collaboration, de la coopération et de léchange que sur le mode de la compétition et de la concurrence, sur le mode de la confiance plutôt que sur celui de la méfiance. De même les contacts quelle entretient avec son environnement ne sont pas seulement dordre professionnel et les relations extérieures dépassent la simple dimension contractuelle.
Ainsi, les structures démocratiques semblent adopter des stratégies originales qui vont « amener ces organisations à chercher la création de réseaux dalliances et de soutien dans lenvironnement. En effet, celui-ci nest pas monolithique et des îlots sociaux sont favorables à lexpérimentation, doù une tentative de mobilisation constante de ces réseaux de soutien ». Au travers de cette stratégie, « la réciprocité réapparaît » : la coopération encourage ici à renoncer à un certain type de pouvoir traditionnel pour en gagner un autre. Cette manière particulière dorganiser ses relations avec son environnement sur la base de la coopération permet ainsi à lentreprise de renouer avec un fondement anthropologique mis en lumière par Lévi Strauss : le principe de réciprocité, devenu « principe de don et de contre don » sous la plume de Marcel Mauss. La reconnaissance mutuelle des groupes correspond, en effet, pour Lévi Strauss, à la forme générale sous-jacente à lensemble des comportements sociaux, fondement anthropologique. Ce qui importe ici nest pas lobjet de léchange mais lacte d « échanger » en lui même, cest la reconnaissance de lautre, lenjeu est la relation sociale. Le système de don et de contre don est ainsi une contrainte déchange par laquelle se créé le lien social transfigurant le lien naturel. Les connexions que La Péniche entretient avec son environnement renvoient ici à la conception anthropologique de la communication, où celle-ci correspond à un échange fondant la relation sociale.
On retrouve également ici le monde « connexionniste » de la cité projet, où le projet est à la fois lorigine et laboutissement de la multiplication des échanges, des contacts, des relations. Linsertion dans des réseaux, autour de projets, invite donc à inventer de nouvelles formes de relations sociales pour répondre à de multiples objectifs, qui ne sont pas tous guidés, loin de là, par la rationalité économique, mais qui sont tous voués à « étendre le réseau » de lentreprise.
Une pluralité déchanges avec lextérieur :
La Péniche multiplie en effet les occasions de rencontres, déchanges, de relations avec une multitude dacteurs extérieurs à lentreprise.
La Péniche se veut donc une entreprise ouverte. Ainsi, il est courant que le repas du midi soit partagé avec diverses personnes invitées à découvrir lentreprise. Au cours du mois de juin 2005, lentreprise reçut le Président de lUnion régionale des Scop dIle de France, monsieur Arnaudin ; la déléguée générale du CEGES (Conseil des Entreprises et Groupements de l'Economie Sociale), Madame Gillig ; un des réviseurs de lUR Scop Ile-de-France, des salariés de différentes SCOP ; un graphiste à la recherche de travail dans le secteur de lEconomie Sociale et Solidaire ainsi que deux stagiaires préparant un mémoire sur les entreprises autogérées.
Ces visites peuvent avoir différents objectifs : obtenir et donner des informations, échanger des expériences, mutualiser des pratiques, discuter de projets communs, bénéficier dun regard extérieur
Ces visites visent donc à nourrir le dense réseau daide et de soutien auquel appartient la Péniche, mais également à publiciser les pratiques de lentreprise. En effet, chaque visite est introduite par une présentation détaillée de la Péniche : son fonctionnement, son historique, ses activités, ses clients
Les principaux principes de fonctionnement mis en avant auprès des différents visiteurs sont les suivants :
-labsence de patron et de hiérarchie (spécificité qui semble la plus valorisée dans lentreprise)
-un système de salaire horaire égal pour tous
-des tâches tournantes et la non spécialisation des postes
-un temps de travail choisi.
Une communication externe à limage de la communication interne misant sur les relations interpersonnelles :
Outre ces nombreuses rencontres, la Péniche se sert également dun support de communication externe plus classique : une pochette présentant les différents domaines dactivités et clients de lentreprise.
Cependant cet outil de communication ne semble pas beaucoup exploité. Comme en interne de lentreprise, La Péniche semble privilégier le mode de communication orale et la rencontre en face-à-face à lécrit. Les circuits informels sont encore une fois largement favorisés.
En effet, pour faire connaître lentreprise auprès de lopinion publique en général, la Péniche semble avoir opté pour une méthode assez originale : le bouche-à-oreille. Ainsi, chaque salarié est soucieux de parler de son entreprise, de ses activités mais surtout de ses principes de fonctionnement, à un maximum des gens de son entourage. Chacun participe ainsi à la communication externe de lentreprise.
Encore une fois lentreprise sait prendre en compte les temps longs humains de la proximité, de la réflexion, de lintégration, de la compréhension, de lintériorisation
Aux yeux de chacun, il est en effet plus probable quune personne sintéresse à un sujet particulier au travers dune conversation amicale prenant place dans un contexte convivial quau travers dune pochette de présentation impersonnelle reçue par la Poste. Comme nous lavons déjà fait remarquer, loral bénéficie dun important avantage sur lécrit : il permet une meilleure adaptation à son interlocuteur, celui-ci aura alors plus de chance dintégrer le discours qui sadresse personnellement à lui. La Péniche est donc soucieuse de « laisser les gens comprendre, venir et sapproprier les choses ».
Cette stratégie de communication externe est certes très particulière, elle est dailleurs largement négligée dans les entreprises. Comme le remarque Annie Bartoli, « parmi les modalité dinformation externe de notoriété, il en est une que les entreprises ont souvent tendance à oublier : la possibilité pour chacun des salariés de promouvoir son entreprise au quotidien dans le cadre de tous ces contacts externes, personnels ou professionnels. En effet, chacun à lintérieur de lentreprise pourrait être le vecteur de la condition externe. Mais cela suppose trois conditions de base : quil sache (que qui renvoie à la communication interne), quil en soit convaincu (ce qui nécessite une cohérence entre les discours et les actions concrètes), quil ait envie den parler (ce qui repose sur une certaine motivation) ». Il semble quà La Péniche, ces trois conditions soient regroupées.
Là aussi La Péniche pourrait illustrer cette cité projet en émergence, car toutes deux développent la même politique de communication. En effet, « la cité par projet privilégie une communication personnelle, en tête-à-tête ou en petit groupe. Les réputations passent par la bouche-à-oreille plus que par le battage médiatique. Le lobbying remplace les campagnes de publicité ».
La Péniche utilise également un autre support de communication écrit mais celui-ci possède lavantage de sappuyer sur les dimensions humaines de laffectif, du ludique et du festif : des cartes de voeux réalisées par la Péniche et qui participent à publiciser ses modes dorganisation mais également lesprit dentreprise sur un ton humoristique.
Le « réseautage » :
Cette activité déchange bien particulière consiste à « créer une communauté destinée à développer linterconnaissance et la mise en réseau des structures autogérées ».
Conformément au véritable cur de métier de la Péniche, il ne sagit pas de créer des réseaux professionnels ayant trait au monde de la rédaction et de la communication, mais de constituer des réseaux ayant vocation à rassembler les structures autogérées dans un but déchanges dexpériences et de services en tout genre, « que ce soit pour tisser des liens économiques, des projets communs, attirer de nouveaux participants et surtout pour entretenir la flamme dune conception de la production ».
Conformément au principe organisationnel défendu et mis en uvre par La Péniche, ces relations ne sont pas des relations de subordination mais de collaboration, transcendant la simple visée économique. Elles nempêchent cependant pas la concurrence si plusieurs structures exercent la même activité. Ainsi, la présentation quOdile Castel fait de léconomie sociale est solidaire pourrait sappliquer à la stratégie de réseautage de La Péniche où « aucune entité ne travaille de manière isolée mais toujours à travers un partenariat (
) elles établissent [ainsi] une configuration multipolaire (aucune entité na une position centrale) dans un contexte de coopération qui nempêche pas quil puisse exister une relation de compétition entre elles ». De même cette stratégie de réseautage nest pas sans rappeler la configuration particulière de Mondragon, fédération au sein de laquelle « les différentes coopératives prennent leurs décisions commerciales en toute autonomie mais profitent néanmoins de la solidarité qui règne au sein de groupe coopératif ». Selon Bélène Cartabarria « ne pas être isolé, pouvoir échanger informations, stratégie et expériences confère un sentiment de puissance ».
Le réseaux dans lesquels sinscrit La Péniche lui permettent ainsi dêtre à la fois autonome et en interdépendance avec dautres firmes porteuses de mêmes valeurs et au projet dentreprise similaire : « linterdépendance système-environnement et lautonomie deviennent [ici] complémentaires ».
La Péniche illustre encore une fois cette cité projet dont nous parlent Boltanski et Chiapello où « nud de projets, lentreprise est aussi acteur de projets plus vastes avec dautres entreprises ». Ainsi, « Le fonctionnement en réseau », qui caractérise tant les réseaux dentreprises autogérées que la cité projet, « satisfait cette caractéristique bien humaine de vouloir être à la fois libre et engagé. Les engagements peuvent empiéter sur notre liberté dagir de façon autonome, mais il donne en retour un sens à notre vie et à notre travail ».
La Péniche participe ainsi à toutes les rencontres qui peuvent avoir trait de près ou de loin à lautogestion, comme par exemple les rencontres du LAP (Lycée Autogéré de Paris) organisées en juin 2005 visant à rapprocher les diverses structures autogérées et à les faire échanger sur ce mode particulier dorganisation ; ou encore une conférence organisée autour des SCIC (Société Coopérative d'Intérêt Collectif, nouvelle forme d'entreprise coopérative crée en 2002). Là encore lobjectif était de multiplier les contacts au sein des milieux autogérés et de bénéficier déchanges dexpériences tout en réfléchissant à la structuration du mouvement autogestionnaire en France et en Europe.
Plus encore, La Péniche a participé à la création dun réseau national nommé Repas (réseau déchanges et de pratiques alternatives et solidaires), un réseau informel dentreprises désireuses déchanger sur leurs expérimentations. Comme nous lexplique Michel Lulek dAmbiance Bois, ce réseau à pour vocation de relier entre elles de multiples « initiatives économiques qui se reconnaissent cousines dune démarche coopérative, alternative, solidaire ou sociale
Peu importe le label, limportant est dans les pratiques. Cest pourquoi le réseau sappelle réseau déchanges et de pratiques alternatives et solidaires ».
Chaque année est ainsi organisée une rencontre autour dune thématique particulière sur le site dune des 30 entreprises du réseau. Ces rencontres sont ainsi « loccasion de visiter des entreprises, de rencontrer dautres « chercheurs explorateurs ». Elles se composent datelier de réflexion sur les pratiques autogestionnaires et de séances plénières mutualisant ces réflexions, mais également de moments conviviaux autour de repas et de spectacles. Comme nous lexplique Béatrice Barras, lune des fondatrices de ce réseau, « le mot « Repas » est un clin dil à la convivialité qui nous est chère ».
Par ses initiatives, La Péniche souhaite bénéficier dun réseau dense daide, de soutien, de formation réciproque
participant au développement de lentreprise. Lentreprise souhaite également quen sunissant, les entreprises autogérées bénéficient de plus de visibilité en France ; cette démarche participe donc dune stratégie de publicisation, mais qui dépasse leur seule entreprise, leurs efforts étant en effet tournés vers le mouvement autogestionnaire dans son ensemble.
Cette activité de « réseautage » à donc une importance primordiale, lentreprise est très attachée à cette relation particulière à son environnement et la considère comme fondamentale pour sa pérennité et son développement, mais également pour lexpansion de son modèle dorganisation. Ainsi, « lextension et lapprofondissement du champ des complicités sont le secret de la réussite et doivent être le souci premier des entreprises alternatives ».
Les entreprises autogérées sont donc à la fois ouvertes sur leur environnement extérieur mais fonctionnent pourtant en vase clos dans le sens où elles ne fréquentent que des structures similaires. Mais ce réseau semble sélargir de jour en jour, notamment grâce aux thématiques de l « Economie Sociale et Solidaire » qui semblent pénétrer en profondeur le tissu social. Ce réseau offre donc désormais une multitude de contacts, qui ont lavantage de se dérouler sur le mode de la « proximité », chacun ayant limpression dappartenir « au même monde ». Là encore la clôture de ce réseau est bien plus symbolique et psychologique que matérielle et structurelle.
En intégrant ces réseaux, La Péniche est donc à la fois ouverte sur son environnement, ce qui lui permet de se régénérer continuellement grâce à un apport dinformations toujours renouvelées, mais également « fermée », « close symboliquement » puisquelle ne souvre que sur des structures portant le même projet quelle (expérimenter et publiciser lautogestion et les pratiques alternatives), ce qui lui permet de bénéficier dune forte identité. La place que la Péniche occupe au sein du réseau REPAS (ainsi que les autres structures qui composent ce réseau) nous offre donc une illustration parfaite de ce processus paradoxal que nous décrit Jean-Pierre Dupuy selon lequel lenvironnement du système participe à la clôture organisationnelle, cognitive et informationnelle de ce système. La Péniche nous montre ainsi lexemple dun système à la fois fermé sur lui même et ouvert sur le monde.
Le réseau REPAS est également une illustration concrète de la métaphore holographique. Il se veut en effet un tout en lui-même, dont le projet spécifique (quil prenne le nom dautogestion, déconomie social et solidaire, dalternative
) est contenu dans chacune de ses parties (les différentes structures qui la compose).
Cette pratique du « réseautage » nest pas sans rappeler la thématique fédéraliste propre à lanarchisme autogestionnaire du XIX° siècle, et dont le réseau Repas pourrait être une illustration. Ainsi, plutôt que la révolution prolétarienne, Proudhon prônait davantage lassociation des ouvriers et la découverte, linvention de nouveaux modes de relations sociales et de nouvelles formes de structures économiques. A cette forme particulière dassociation il donnera le nom de fédéralisme et lobjectif de lier différents groupements humains tout en les laissant libres et indépendants. Nous avons en effet défini lidéal type autogestionnaire comme renvoyant à de « petites communautés autonomes respectueuses du pluralisme des éléments qui la constituent, mais fédérées entre elles par des relations dentraide et de réciprocité ».
Le respect de la pluralité des éléments qui composent le réseau REAPS est perceptible au travers de lextrême diversité des formes organisationnelles que prennent les entreprises qui composent ce réseau et qui, pourtant, portent toutes le même projet organisationnel : travailler autrement en expérimentant les principes autogestionnaires. Au travers de cette diversité on retrouve également le caractère hautement expérimental des entreprises autogestionnaires, où lapplication des principes idéal typiques autogestionnaires peut prendre de multiples formes. Cette multiplicité de formes organisationnelles est le reflet même de la liberté laissée à chacun de ces collectifs qui décident par eux mêmes de la finalité de leur regroupement et des modalités pour y parvenir.
Ainsi, Sainsaulieu, Tixier et Marty remarquent que « le paysage des organisations ayant adopté une dimension collective est très diversifié », de même, Emeric Bréhier constate l « impossibilité de percevoir lautogestion comme uniforme ». Et pour Jacques GrandMaison, lobjectif de ces réseaux doit être de « permettre une variété des formules mais toujours autour dun objectif : libérer la capacité de créativité, dimagination et de concertation ».
Le fédéralisme entre structures autogérées tente ainsi de concilier diversité et cohésion, autonomie et interdépendance, comme lexplique Henri Arvon : « Ces fédérations suivent des contrats synallagmatiques et commutatifs qui lient ceux qui y souscrivent mais chacun est libre de le résilier ».
Lentreprise autogérée et les réseaux daide, de soutien et déchanges dont elle sentoure illustre ainsi parfaitement ce « monde connexionniste » en émergence, caractéristique des nouvelles formes organisationnelles. Comme en témoigne Béatrice Barras, fondatrice dArdelaine et du réseau Repas, « nos méthodes ont souvent fait appel au relationnel (
) La capacité à nouer des relations, à échanger des données, à créer des réseaux de confiance et de communauté dintérêt est des plus performante, opérationnelle et satisfaisante ».
Le réseau REPAS nous permet ainsi dillustrer les similitudes que lon retrouve entre certains éléments de la pensée autogestionnaire et les nouvelles théories organisationnelles. Toutes deux tournent en effet autour des problématiques interactionnelles de la dialectique et de la systémique cherchant à concilier lindividu et le collectif, autonomie et interdépendance, diversité et cohésion
et toutes deux militent pour lexpérimentation de nouvelles formes organisationnelles, basée sur linvention de nouvelles relations qui ne doivent pas nêtre quun moyen au service dun finalité purement économique, mais doivent aussi être considérées comme la condition même de la constitution de la société et du développement de lintelligence.
Conclusion :
La réactualisation de lidée autogestionnaire dans les nouvelles théories organisationnelles :
Ainsi, nouvelles théories organisationnelles et théorie autogestionnaire développent toutes deux une « image » très similaire de lorganisation et des processus organisationnels, mettant notamment laccent sur :
La reconnaissance des dimensions collectives, interactionnelles et collaboratives du travail
Le refus du centralisme et de lautoritarisme auxquels se substituent la décentralisation et les thématiques de la confiance, de la coopération et de la réciprocité
La remise en cause de la logique de formalisation et la reconnaissance de limportance du système de régulation autonome et informel
La valorisation de lintelligence, de lapprentissage et de la créativité
La reconnaissance du pluralisme
Limportance de la pleine implication et participation de tous
La revalorisation du travail
Le passage de formes organisationnelles pyramidales et hiérarchiques à des formes organisationnelles horizontales disséminant les compétences et les pouvoirs décisionnels et organisationnels à tous les niveaux de lorganisation.
La remise en cause de la division du travail, de la séparation entre conception et exécution, et de la division entre les différentes sphères de lexistence humaine
Une conception non plus statique mais processuelle de lorganisation valorisant les thématiques de lexpérimentation et du changement permanent.
Autant de nouveaux fondements pour lorganisation, communs à la théorie autogestionnaire et aux nouvelles théories organisationnelles, qui nécessitent la démultiplication des flux de communication pour sactualiser. Les Sciences de lInformation et de la Communication savèrent donc être une discipline clé pour analyser les entrelacements de ces deux modèles organisationnels.
La société de linformation, de la communication et de la connaissance comme terrain propice au renouveau de lidée autogestionnaire :
La société de linformation a été un sujet favori des futurologues et prospectivistes avant de devenir une préoccupation des chercheurs et des décideurs politiques.
On constate depuis quelques temps un glissement sémantique qui nous fait passer de la société de linformation à celle de la connaissance. Ce glissement témoigne de la mutation de notre regard sur les phénomènes organisationnels et communicationnels, qui sattache désormais à dépasser les conceptions classiques réductrices pour développer des approches à la fois élargies et affinées, en un mot complexifiées.
Ainsi pour Valenduc, ce glissement permet de « retracer un itinéraire conceptuel qui part dune approche de la société postindustrielle nettement imprégnée de déterminisme technologique, pour sachever (provisoirement sans doute) sur la notion de société de la connaissance, qui accorde un rôle prépondérant au capital humain et au capital social ». Ainsi, « parler de société de la connaissance cest mettre laccent sur de nouvelles dimensions : le savoir, lapprentissage, la culture ».
Ce nest plus le simple échange dinformations, de données brutes qui permet lorganisation, mais la compréhension, lintériorisation puis lextériorisation des ces informations leur conférant un statut de connaissance. Cest donc lintelligence qui devient la variable organisationnelle, et donc productive, de base au travers des processus informationnels et communicationnels. Ceux-ci permettent en effet aux potentiels cognitifs non seulement de sexprimer (et de servir ainsi lorganisation), mais plus encore de se développer à travers la transmission dinformations, les échanges et les relations sociales.
La société actuelle est ainsi celle de linformation, la communication et de la connaissance. On retrouve ici les trois variables clés des organisations autogérées. Comme nous lavons évoqué, cest en effet la socialisation de ces trois variable organisationnelles qui sont à la base de la socialisation du pouvoir et donc de lautogestion.
Cette société de linformation, de la communication et de la connaissance semble un terrain propice pour le développement dorganisations autogérées.
Elle se caractériserait en effet par la démocratisation de la réception et de lémission dinformations. Elle encourage donc la « socialisation » des moyens dinformation et de communication, cest-à-dire leur dissémination au sein du tissu social. Parallèlement, cette nouvelle doctrine repose sur lidée quinformation et communication sont désormais les principaux vecteurs dorganisation. En socialisant les moyens dinformation et de communication, elle participe donc, in fine, à la socialisation des moyens dorganisation et donc du pouvoir.
Ainsi, comme le souligne Pierre Rosanvallon : « la société informationnelle est lenvers du centralisme démocratique : elle organise la circulation du pouvoir à tous les niveaux et pas seulement de manière verticale. Elle sappuie sur la conception dune société décentralisée qui tend à diffuser le pouvoir pour le démocratiser ».
Frank Georgi, fervent défenseur et promoteur de lidée autogestionnaire, milite ainsi pour « une société informationnelle où le pouvoir circule à tous les niveaux ».
Le renouveau de la pensée autogestionnaire comme système organisationnel alternatif ?
Ainsi, lidée autogestionnaire, loin dêtre morte (comme pourrait le laisser penser son absence patente dans les débats contemporains), semble être en réalité une idée pertinente et dune vigoureuse actualité dans les nouvelles théories organisationnelles comme dans le contexte sociétal actuel.
Son apparente désuétude ne serait liée quau phénomène naturel du « cycle de vie des mots ». En effet, pour Frédéric Cépède « si nous appliquons cette hypothèse du cycle de vie des mots à lautogestion, nous pouvons considérer quaprès avoir connu la marginalité puis le succès dans les années 70, lautogestion comme mot a vécu ensuite la phase de banalisation qui accompagne le succès et prépare la décadence puis loubli. Mais lautogestion comme source de vitalité souterraine, comme attente dune démocratie toujours plus radicale et participative reste, elle, féconde et rien ninterdit de penser que le mot puisse connaître dès lors une nouvelle jeunesse dans un avenir plus ou moins proche ».
Ainsi, si le mot « autogestion » est bien mort, lidée que ce terme incarne, et notamment l « image » de lorganisation dont il est porteur, reste toujours, voire de plus en plus, pertinente. Lidée autogestionnaire semble ainsi refleurir derrière de nouveaux vocables et de nouvelles thématiques. Michel Trebitsch se demande ainsi si lidée autogestionnaire ne « renaît[rait] pas aujourdhui dans la notion de « citoyenneté » ou de « nouvelle citoyenneté ». Lautogestion est aujourdhui métisse de décentralisation, dautonomie culturelle, de refus du politique, de contournement du national ». Frank Georgi constate lui aussi que « lautogestion nest pas morte et sa prospérité peut se lire aujourdhui dans les mouvements contemporains en faveur dune autre mondialisation essayant darticuler les échelles de la démocratie, du local au global, nécessitant un haut niveau dauto régulation ».
Ainsi, pour Pierre Rosanvallon « lautogestion nest pas une doctrine du XIX°, elle est la fille du XXI° siècle. Son projet et sa méthode accompagnent la rupture que nous indique la science contemporaine ».
Cest également lidée que semblent défendre Michael Hart et Antonio Négri en constatant lémergence dune nouvelle forme organisationnelle globale qui offrirait « de nouvelles possibilités aux forces de libération ». A la société de contrôle, qui a succédé à la société disciplinaire, se substitut ainsi une nouvelle société quils nomment « postmoderne (
) dans laquelle les mécanismes de maîtrise se font toujours plus « démocratiques », toujours plus immanents au champ social, diffusés dans le cerveau et le corps des citoyens ».
Ces auteurs situent le lieu démergence de cette nouvelle forme macro-organisationnelle au sein de lentreprise car cest le lieu « où naissent les résistances et les solutions de remplacement les plus efficaces au pouvoir de lEmpire ». En effet, lactivité productive des entreprises contemporaines semble actuellement subir de profonds bouleversements qui les amèneraient sur les chemins de lautogestion : « la révolution de laccumulation informationnelle requiert un énorme bond en avant vers une plus grande socialisation de la production. Cette socialisation grandissante est un processus qui fait assurément bénéficier le capital dune productivité accrue, mais qui pointe aussi, au-delà de lère du capital, vers un nouveau mode social de production ». Lentreprise devient ainsi le lieu où sexprime l « exigence politique de la multitude : le droit à la réappropriation (
) Dans ce contexte, la réappropriation signifie avoir le libre accès (et le contrôle sur) la connaissance, linformation, la communication et les affects, parce que ce sont quelques uns des moyens premiers de la production biopolitique. Le droit de réappropriation est réellement le droit de la multitude à lautocontrôle et lautoproduction autonome ».
Lintégration de lidée autogestionnaire par le système organisationnel dominant ?
Dans une perspective beaucoup moins « enchantée », Boltanski et Chiapello font un constat plus amer : lidée autogestionnaire, loin de remettre la logique capitaliste en question et de représenter une alternative, servirait au contraire à la justifier, à lui donner un sens, à remobiliser les travailleurs, cest-à-dire ceux qui jouent un rôle dans le processus daccumulation capitaliste sans en être les bénéficiaires privilégiés, et qui ont donc besoin dune symbolique forte pour sy engager.
Boltanski et Chiapello constatent ainsi la « capacité surprenante de survie [du système capitaliste] par endogénéisation dune partie de la critique ». Cest en effet la critique qui serait le facteur essentiel de régénération du capitalisme. En croyant le combattre, elle contribuerait, paradoxalement, à le maintenir. Ainsi, « parce que la critique permet au capitalisme de se doter dun esprit qui est nécessaire à lengagement des personnes dans le processus de fabrication du profit, elle sert indirectement le capitalisme et est un des instruments de sa capacité à durer ».
Louvrage de Michael Hart et dAntonio Négri semble lui aussi conduire au même constat : « de façon à la fois paradoxale et contradictoire, les processus impériaux de mondialisation assument ces événements en les identifiant à la fois comme limites et comme occasions pour recalibrer les instruments même de lEmpire ».
Ouverture :
Pour penser réellement la place de lautogestion dans le renouvellement actuel des formes organisationnelles, il nous faut également souligner ce qui différencie cette théorie des nouvelles théories organisationnelles.
Tout dabord, ces deux théories ne poursuivent pas les mêmes buts : la première valorise cette image de lorganisation car elle est jugée plus humaniste/démocratique, pour lautre parce quelle est jugée plus efficace.
Dautre part, ces deux images de lorganisation fort similaires ne se développent pas dans le même contexte social, économique et culturel : lune est fille du XIXème siècle alors que la deuxième émerge à lorée du XXIème siècle.
Profondément, ces deux images sont donc le reflet deux idéologies bien distinctes : le socialisme, voire lanarchisme, du XIXème siècle pour la première et le capitalisme contemporain pour la seconde.
Malgré ces fortes différences, ces deux idéologies semblent sappuyer sur des principes organisationnels similaires, reposant notamment sur une intensification des activités communicationnelles, informationnelles et cognitives.
Une question se pose alors : de part cet ancrage idéologique fort différent, ces deux corpus théoriques prônant des principes organisationnelles quasi identiques vont-ils forcément déboucher sur des pratiques organisationnelles similaires ?
Une question plus conceptuelle se pose également : les tentatives de mise en application des nouvelles théories organisationnelles au sein de entreprises contemporaines amorcent-t-elles un certain renouveau de lautogestion ou reflètent-elles au contraire lextraordinaire intégration de la critique par le système capitaliste et donc « la fin de lhistoire », désormais engluée dans un système organisationnel indépassable ? Ou bien représentent-elles une troisième voie, une alternative permettant de dépasser ces deux idéologies par le passage à un méta niveau conciliant objectif économique et objectif social ?
Ce travail de recherche demande donc à être poursuivi en passant du niveau des théories, des principes et des discours à celui des pratiques organisationnelles.
Ce mémoire se poursuivra donc par la réalisation dune Thèse visant à comparer les pratiques organisationnelles des coopératives autogérées à celles issues des innovations managériales contemporaines. Lobjectif sera ainsi de poursuivre cette interrogation sur la place de lautogestion dans les pratiques entrepreneuriales actuelles et daffiner notre compréhension des modèles organisationnels actuellement en émergence.
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Sites Internet :
HYPERLINK "http://www.la-peniche.fr" http://www.la-peniche.fr
HYPERLINK "http://www.reseaurepas.free.fr" http://www.reseaurepas.free.fr
Films :
La coopérative Mondragon, une idée davenir ? Film de Wiltrud Kremer
Version définitive du mémoire de Master intégrant les remarques faites lors de la soutenance
FERREIRA, Nathalie. Economie sociale et autogestion, Entre utopie et réalité. LHarmattan, 2004
CEPEDE, Frédéric. Lautogestion dans la propagande socialiste, 1968-1980. In Lautogestion, la dernière utopie ?, Sous la direction de Frank Georgi, publication de la Sorbonne, 2003
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Cité par Frank Georgi : Les rocardiens : pour une culture politique autogestionnaire. In Lautogestion, la dernière utopie ? Sous la direction de Frank Georgi, publication de la Sorbonne, 2003
Daprès lexpression de Gareth Morgan.
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Un outil méthodologique particulier développé par Max Weber.
GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987
Bien au contraire, ce point sera qualifier au cours de lintroduction dans le paragraphe intitulé « résultats attendus »
GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987
GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987
WEBER, Max. Essais sur la théorie de la science. Plon, 1965, pp. 179-180
WEBER, Max. Essais sur la théorie de la science. Plon, 1965, pp. 179-180
« La Péniche », 144 rue de Bagnolet, 75 020 Paris, HYPERLINK "http://www.la-peniche.fr" www.la-peniche.fr
GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987
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Cf. annexe 2 : « généalogie de lidée autogestionnaire » : Le XIXème siècle : Lanarchisme (p 86)
FAY, Victor. Lautogestion, une utopie réaliste. Editions Syllepse, 1986
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Au travers de cette notion d « interrelation », nous retrouvons les positions systémiques à mêmes de montrer limportance des relations, et donc des communication, dans une organisation autogérée.
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CASTORIADIS, Cornélius. Op. Cit.
LABORIT, Henri. Société informationnelle, idée pour lautogestion. Les Editions du Cerf, 1973
LE MOIGNE, Jean-Louis et CARRE, Daniel. Auto organisation de lentreprise, 50 propositions pour lautogestion. Les Editions dOrganisation, 1977
LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, laventure dun collectif autogéré. Editions REAPS, 2003
Une distinction opérée par le champ de la Communication Organisationnelle et qui doit être manier avec prudence puisque ces deux dimensions, loin de sopposer, sont complémentaires. Ainsi, dans lorganisation, linformation signal permet de prendre part à lorganisation des activités productives et à leur coordination ; linformation symbolique permet de prendre part aux décisions politiques et de participer à la cohésion symbolique de lorganisation. Henri Laborit fait ainsi une distinction entre « linformation spécialisée (
) nécessaire à un travail technique, [et] linformation généralisée (
) nécessaire à tout homme pour vivre en homme et non en chimpanzé ».
LABORIT, Henri. Société informationnelle, idée pour lautogestion. Les Editions du Cerf, 1973
Cf. annexe 2 : « Généalogie de lidée autogestionnaire » (p66)
ROSANVALLON, Pierre. Op. Cit. (1976).
PROBST, Gilbert. Organiser par lauto-organisation, Gilbert Probst. Les Editions dorganisation. 1993
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SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983
Lautogestion, la dernière utopie ? Sous la direction de Frank Georgi, publication de la Sorbonne, 2003
LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, laventure dun collectif autogéré. Editions REAPS, 2003
Voir annexe 1 : « généalogie des théories organisationnelles et communicationnelles» : « la notion de projet » (p 46)
BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999
Voir Annexe 1 : « généalogie des théories organisationnelles et communicationnelles »
CABIN, Philippe. Le sciences de lorganisation : entre théorie et pratique. In CABIN, Philippe et CHOC, Bruno (ouvrage coordonné par). Les organisations, états des savoirs. Editions Sciences Humaines, 2005 (2° édition actualisée)
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BOUZON, Arlette. Les représentations sociales dans lentreprise. In Communications organisationnelles, objets, pratiques, dispositifs (textes réunis par Pierre Delcambre). Presse universitaire de Rennes, 2000.
AMABILE, Serge. Dune gestion substantive de linformation à une organisation procédurale de lattention. Science de la société n°33
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SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983
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ZARIFIAN, Philippe. Op. Cit. (2003)
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DUPUY, Jean-Pierre. Anthropologie, culture et organisation, vers un modèle constructiviste. Op. Cit. (1990)
GARCIA, Roland. Dialectique, psychogenèse et histoire des sciences. Postface de : PIAGET, Jean. Les formes élémentaires de la dialectique. Gallimard, 1980.
PIAGET, Jean. Les formes élémentaires de la dialectique. Gallimard, 1980.
MORGAN, Gareth. Les images de lorganisation. SKA, 1989.
JULLIEN, François. Procès ou création, une introduction à la pensée de lettrés chinois. Paris : Editions du seuil, 1989.
JULLIEN, François. Op. Cit. (1989).
AMBLARD, Henri ; BERNOUX, Philippe ; Herreros, Gilles; LIVIAN, Yves-Frédéric. Op. Cit.
AMBLARD, Henri ; BERNOUX, Philippe. Op. Cit. (1996, 3° éditions augmentée en 2005).
AMBLARD, Henri ; BERNOUX, Philippe. Op. Cit. (1996, 3° éditions augmentée en 2005).
JULLIEN, François. Procès ou création, une introduction à la pensée de lettrés chinois. Paris : Editions du seuil, 1989.
HYPERLINK "http://www.dauphine.fr/crepa/ArticleCahierRecherche/CahierdeRecherche/cahier53.pdf" http://www.dauphine.fr/crepa/ArticleCahierRecherche/CahierdeRecherche/cahier53.pdf
Le MOIGNE., Jean-Louis. Les épistémologies constructivistes. PUF, 1995
BACHELARD, Gaston. La formation de lesprit scientifique. Paris, Librairie philosophique Vrin, 1999
LE MOIGNE, Jean-Louis et CARRE, Daniel. Auto organisation de lentreprise, 50 propositions pour lautogestion. Les Editions dOrganisation, 1977
MORIN, Edgar. Introduction à la pensée complexe. ESF, 1990
DUPUY, Jean-Pierre. Ordres et désordres, enquête sur un nouveau paradigme. Editions du Seuil, 1982
Voir annexe 3 : La Péniche : 9. Pochette de présentation (p138)
Union des syndicats et groupements demployeurs de léconomie sociale et solidaire
Collectif associatif des finances solidaires
Confédération permanente des coordinations associatives.
Journal professionnel dadministration, de gestion, dorganisation des responsables dassociations,
Union régionale des entreprises dinsertion
HYPERLINK "http://www.cmb.fr" www.cmb.fr
Institut National de la Jeunesse et de l'éducation populaire : HYPERLINK "http://www.educ-pop.org" www.educ-pop.org
Agence de valorisation des initiatives socio-économiques : HYPERLINK "http://www.avise.fr" www.avise.fr
Site Internet destiné à lensemble des acteurs de lEconomie Sociale de Rhône Alpes : HYPERLINK "http://www.alpesolidaires.org" www.alpesolidaires.org
Plan pour linsertion et lemploi de lagglomération grenobloise : HYPERLINK "http://www.insertion-agglo.org" www.insertion-agglo.org
HYPERLINK "http://www.menages-prevoyants.fr" www.menages-prevoyants.fr
HYPERLINK "http://www.associatis.com" http://www.associatis.com
HYPERLINK "http://www.associationmodeemploi.fr" www.associationmodeemploi.fr
Voir le site Internet de lentreprise : HYPERLINK "http://www.la-peniche.fr" www.la-peniche.fr
Autogestion, mode demploi. Ouvrage rédigé par les membres de la Péniche en ligne sur : HYPERLINK "http://www.autogestion.coop/" http://www.autogestion.coop/ (dans la rubrique Lautogestion en 10 questions)
Autogestion, mode demploi.
Autogestion mode demploi.
Voir annexe 2 : « généalogie de la théorie autogestionnaire » : « les cités témoins » (p62)
LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, laventure dun collectif autogéré. Editions REAPS, 2003
Voir annexe 1 : « généalogie des théories organisationnelles et communicationnelles » : « la notion de projet » ( p 48)
Un statut juridique particulier que nous avons déjà évoqué lors de la généalogie de lidée autogestionnaire.
Autogestion, mode demploi.
SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983
LULEK, Michel. Scions
travaillait autrement ? Ambiance bois, laventure dun collectif autogérée. Editions REPAS, 2003.
ZAIDMAN, Sylvie. Des associations ouvrières au Scop de mai. In Lautogestion, la dernière utopie ?, Sous la direction de Frank Georgi, publication de la Sorbonne, 2003
CASTEL, Odile. La dynamique institutionnelle de léconomie populaire solidaire dans les pays du sud. En ligne sur : HYPERLINK "http://www.uqo.ca/ries2001/Economie/Populaire/cahierspdf/ CI4.pdf" http://www.uqo.ca/ries2001/Economie/Populaire/cahierspdf/ CI4.pdf , 2001
LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, laventure dun collectif autogéré. Editions REAPS, 2003
Autogestion, mode demploi.
Le premier étant la socialisation des moyens matériels de production, partie que nous venons daborder précédemment.
Cf. annexe 3 : La Péniche : 10. La réunion hebdomadaire (p 152) et 15. Les ordres du jour des réunions (p 162)
Autogestion, mode demploi.
GUEYE, Sémou Pathé. Espace démocratique et démocratie délibérative, repenser la politique. Revue La pensée n°321, Janvier mars 2000
Cf. annexe 3 : La Péniche : 11. Lagencement spatial en « bureau ouvert » (p 153)
BOUZON, Arlette. Les représentations sociales dans lentreprise. In Communications organisationnelles, objets, pratiques, dispositifs (textes réunis par Pierre Delcambre). Presse universitaire de Rennes, 2000.
Autogestion, mode demploi.
Autogestion, mode demploi.
LINHART, Danièle. Le torticolis de lautruche, léternelle modernisation des entreprises françaises. Seuil, 1991
Cf. annexe 3 : La Péniche : 13. Les fiches gestion (p 156).
Autogestion, mode demploi.
Autogestion, mode demploi.
SAINSAULIEU, TIXIER, MARTY. La démocratie en organisation. Librairies des Méridiens, 1983.
Autogestion, mode demploi.
BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999
Autogestion mode demploi.
Cf. annexe 3 : La Péniche : 13. Les fiches gestion (p 156), 14. Les documents de gestion (p 151) et 15. Les ordres du jour des réunions (p 162).
Autogestion mode demploi.
Autogestion mode demploi.
Voir annexe 3 : La Péniche : 12. Les web cam (p 155)
Sylvain est le deuxième membre détaché de la Péniche parisienne. Pour autant, cette distance géographique ne la jamais empêché de se sentir pleinement intégré. Il est en effet lun des fondateurs de cette entreprise et nest parti sur Grenoble que depuis 2002. Durant 7 ans, il a donc eu tout le temps nécessaire pour tisser des liens de confiance et damitié qui lui permirent par la suite de « continuer laventure » à distance.
Le pouvoir dans les organisations, henry Mintzberg, Editions dorganisation, 1986, 2003
Le pouvoir dans les organisations, henry Mintzberg, Editions dorganisation, 1986, 2003
Scierie autogérée appartenant au réseau REPAS.
LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, laventure dun collectif autogéré. Editions REAPS, 2003.
Autogestion, mode demploi.
SAINSAULIEU, TIXIER, MARTY. La démocratie en organisation. 1983.
LULEK, Michel. Op. Cit. (2003).
SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983
VIRNO, Paulo. Grammaire de la multitude, pour une analyse des formes de vie contemporaines. Editions de léclat et conjonctures. 2001
Autogestion, mode demploi.
Autogestion, mode demploi.
Autogestion, mode demploi.
SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983
SAINSAULIEU, TIXIER, MARTY. Op. Cit (1983).
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SAINSAULIEU, TIXIER, MARTY. La démocratie en organisation. 1983.
SAINSAULIEU, TIXIER, MARTY. La démocratie en organisation. 1983.
BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999
Cf. annexe 3 : La Péniche : 16. La gestion de crise par la communication (p 172)
BARRAS, Béatrice. Moutons rebelles. Ardelaine, la fibre du développement local. Editions REPAS, 2003
LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, laventure dun collectif autogéré. Editions REAPS, 2003
BARRAS, Béatrice. Op. Cit. (2003).
BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999
BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999
Annexe 3 : La Péniche : 17. Le repas du midi (p 177)
Cf. annexe 1 : « Généalogie des théories organisationnelles et communicationnelles » : « les apports de Maslow » (p 18).
Il ne ma, en effet, pas encore été possible dassister à un de ces « entretiens dembauche », ces remarques découlent des témoignages des différents membres de la Péniche concernant leurs embauches.
On retrouve ici la notion d « homme complet » évoquée précédemment.
SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983
Autogestion, mode demploi.
SAINSAULIEU, TIXIER, MARTY. La démocratie en organisation. 1983.
SAINSAULIEU, TIXIER, MARTY. La démocratie en organisation. 1983.
Cf. annexe 1 : Généalogie des théories communicationnelles : Lanthropologie de la communication (p 58)
Voir annexes3 : La Péniche : 6. La pochette de présentation (p 138)
BARTOLI, Annie. Communication et organisation, pour une politique générale cohérente.
Les Editions dOrganisation, 1991
BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999
Cf. annexe 3 : La Péniche : 18. Les cartes de vux (p 177)
Autogestion, mode demploi.
Autogestion, mode demploi.
CASTEL, Odile. La dynamique institutionnelle de léconomie populaire solidaire dans les pays du sud. En ligne sur : HYPERLINK "http://www.uqo.ca/ries2001/Economie/Populaire/cahierspdf/ CI4.pdf" http://www.uqo.ca/ries2001/Economie/Populaire/cahierspdf/ CI4.pdf , 2001
Directrice générale de Fagor électroménager, lune des 80 coopératives de Fagor.
La coopérative Mondragon, une idée davenir ? Film de Wiltrud Kremer.
PROBST, Gilbert. Organiser par lauto-organisation, Gilbert Probst. Les Editions dorganisation. 1993
BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999
HYPERLINK "http://www.reseaurepas.free.fr" http://www.reseaurepas.free.fr
LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, laventure dun collectif autogéré. Editions REAPS, 2003.
Cf. annexe 3 : La Péniche : 19. Rencontre du REPAS le 26 et 27 novembre 2005 (p 179).
BARRAS, Béatrice. Moutons rebelles. Ardelaine, la fibre du développement local. Editions REPAS, 2003
BARRAS, Béatrice. Op. Cit. (2003).
LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, laventure dun collectif autogéré. Editions REAPS, 2003.
DUPUY, Jean-Pierre. Ordres et désordres, enquête sur un nouveau paradigme. Editions du Seuil, 198
SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983
BREHIER, Emeric. Le CERES et lautogestion au travers de ses revus. In Lautogestion, la dernière utopie ? Sous la direction de Frank Georgi, publication de la Sorbonne, 2003.
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ARVON, Henri. Lautogestion. PUF. Que sais-je ?, A980.
BARRAS, Béatrice. Moutons rebelles. Ardelaine, la fibre du développement local. Editions REPAS, 2003
ROSANVALLON, Pierre. Op. Cit. (1976).
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TREBITSCH, Michel. Henri Lefebvre et lautogestion. In Lautogestion, la dernière utopie ? Sous la direction de Frank Georgi, publication de la Sorbonne, 2003
GEORGI, Frank. Les rocardiens : pour une culture politique autogestionnaire. In Lautogestion, la dernière utopie ? Sous la direction de Frank Georgi. Publication de la Sorbonne, 2003
ROSANVALLON, Pierre. Lâge de lautogestion. Edition du Seuil, 1976
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BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999
En effet, même si certains auteurs, tels Frank Georgi, pensent que lautogestion est fille du XXI° siècle, il est indéniable que cette pensée sest réellement constitué au XIXème siècle et porte la marque de ses géniteurs, tels Proudhon.
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