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MASTER 2 Mémoire de fin d'étude - memSIC

MASTER 2 Mémoire de fin d'étude. Etudes et Recherches en. Sciences de l' Information. et de la Communication. Année universitaire 2005-2006.




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MASTER 2 Mémoire de fin d’étude
Etudes et Recherches en
Sciences de l’Information
et de la Communication

Année universitaire 2005-2006



La réactualisation de l’idée autogestionnaire
dans le contexte du débat sur
le renouvellement des formes organisationnelles



Présenté par : Suzy Canivenc


Directeur de mémoire : Christian Le Moënne
Codirecteur de mémoire : Catherine Loneux



Université Haute Bretagne, Rennes 2
4 place du recteur Henri Le Moal
35 000 Rennes
Remerciements :


Je souhaiterais tout d’abord remercier l’équipe de La Péniche pour l’accueil qu’elle m’a réservé, le temps que chacun de ses membres m’a accordé, et plus globalement, pour toutes les informations, références bibliographiques, réflexions, corrections… que chacun m’a apporté et qui ont nourrit ce travail.
Je remercie également cette entreprise de m’avoir fait découvrir et approché le monde de l’autogestion en m’ouvrant les portes des réseaux auxquels elle collabore.


Je remercie également mes professeurs pour la qualité de l’enseignement qu’ils m’ont prodigué au cours de ces trois années passées à l’université de Rennes 2. Je remercie tout particulièrement M. Le Moenne et Mme Loneux (respectivement directeur et codirecteur de ce mémoire) qui m’ont laissé une large part d’autonomie dans ce travail tout en m’aiguillant sur des pistes de réflexions riches et porteuses.


Je remercie enfin l’ensemble des mes proches qui ont supporté (et auront encore certainement à supporter) mes palabres sur l’autogestion. Je remercie plus particulièrement Jérémy Ardouin, Michael Aubry, Bernard Canivenc, Guy Cremetz, Frédéric Guillimin, Frédéric Huet, Gwenaëlle Lorand, Sandrine Rose, Nelly Tournier, Antoine Touzé pour l’aide qu’ils m’ont apporté dans la réalisation de ce travail.
SOMMAIRE

 TOC \o "1-4" \h \z \u Introduction…………………………………………………………………..6




 HYPERLINK \l "_Toc158888218" 1. L’autogestion : tentative de définition d’un idéal type :  PAGEREF _Toc158888218 \h 20

 HYPERLINK \l "_Toc158888219" 1.1. Présentation générale : les idées fortes de l’idée autogestionnaire :  PAGEREF _Toc158888219 \h 20

 HYPERLINK \l "_Toc158888220" 1.2. Définition du terme autogestion :  PAGEREF _Toc158888220 \h 21

 HYPERLINK \l "_Toc158888221" 1.3. Caractéristiques essentielles d’une organisation autogérée : les principes organisationnels clés :  PAGEREF _Toc158888221 \h 22

 HYPERLINK \l "_Toc158888222" 1.3.1. La socialisation des moyens de production :  PAGEREF _Toc158888222 \h 23

 HYPERLINK \l "_Toc158888223" 1.3.2. La socialisation de l’exercice du pouvoir :  PAGEREF _Toc158888223 \h 25
 HYPERLINK \l "_Toc158888224" §ð La socialisation de l information et de la communication :  PAGEREF _Toc158888224 \h 25
 HYPERLINK \l "_Toc158888225" §ð La socialisation du savoir :  PAGEREF _Toc158888225 \h 27

 HYPERLINK \l "_Toc158888226" 1.3.3. Les bouleversements organisationnels liés à la socialisation des moyens de production et du pouvoir :  PAGEREF _Toc158888226 \h 28
 HYPERLINK \l "_Toc158888227" §ð La remise en cause des formes organisationnelles centralisées :  PAGEREF _Toc158888227 \h 28
 HYPERLINK \l "_Toc158888228" §ð La remise en cause de la division du travail  PAGEREF _Toc158888228 \h 29




 HYPERLINK \l "_Toc158888229" 2. Théorie autogestionnaire et nouvelles théories organisationnelles :  PAGEREF _Toc158888229 \h 31

 HYPERLINK \l "_Toc158888230" 2.1. Deux perspectives « subversives » quant à la conception « classique » des organisations :  PAGEREF _Toc158888230 \h 31

 HYPERLINK \l "_Toc158888231" 2.2. Une même « image » de l’organisation axée sur les activités informationnelles, communicationnelles et cognitives :  PAGEREF _Toc158888231 \h 32

 HYPERLINK \l "_Toc158888232" 2.2.1. La coopération :  PAGEREF _Toc158888232 \h 32

 HYPERLINK \l "_Toc158888236" 2.2.2. Les corollaires de la notion de coopération: les thèmes de la décentralisation, de l’autonomie, de la responsabilisation et la reconnaissance de l’efficience du système de contrôle autonome :  PAGEREF _Toc158888236 \h 35

 HYPERLINK \l "_Toc158888238" 2.2.3. L’effacement des frontières internes et externes de l’organisation:  PAGEREF _Toc158888238 \h 37

 HYPERLINK \l "_Toc158888239" 2.2.4. L’intelligence :  PAGEREF _Toc158888239 \h 38
 HYPERLINK \l "_Toc158888240" §ð Une intelligence collective basée sur la multiplication des interactions :  PAGEREF _Toc158888240 \h 39
 HYPERLINK \l "_Toc158888241" §ð Une intelligence pratique réactualisant la thématique de l apprentissage :  PAGEREF _Toc158888241 \h 41
 HYPERLINK \l "_Toc158888242" §ð La métaphore du cerveau et la métaphore holographique :  PAGEREF _Toc158888242 \h 42

 HYPERLINK \l "_Toc158888243" 2.2.5. Vers une conception plus anthropologique et moins mécaniste des processus organisationnels en entreprise :  PAGEREF _Toc158888243 \h 45
 HYPERLINK \l "_Toc158888244" §ð La « culture d entreprise » :  PAGEREF _Toc158888244 \h 45
 HYPERLINK \l "_Toc158888245" §ð La réconciliation des différentes sphères et l idéal de « l homme complet » :  PAGEREF _Toc158888245 \h 46

 HYPERLINK \l "_Toc158888246" 2.2.6. Le changement permanent :  PAGEREF _Toc158888246 \h 50
 HYPERLINK \l "_Toc158888247" §ð Une conception processuelle, dynamique et évolutive des processus de l organisation  PAGEREF _Toc158888247 \h 50
 HYPERLINK \l "_Toc158888248" §ð Une redéfinition du rôle de l ordre et du désordre dans les processus organisationnels :  PAGEREF _Toc158888248 \h 52

 HYPERLINK \l "_Toc158888249" 2.2.7. La reconnaissance de la diversité et du pluralisme :  PAGEREF _Toc158888249 \h 53

 HYPERLINK \l "_Toc158888250" 2.2.8. Une nouvelle représentation du travail cherchant à le revaloriser  PAGEREF _Toc158888250 \h 55
 HYPERLINK \l "_Toc158888251" §ð Le travail comme pouvoir d action :  PAGEREF _Toc158888251 \h 55
 HYPERLINK \l "_Toc158888252" §ð La dimension créative du travail :  PAGEREF _Toc158888252 \h 56
 HYPERLINK \l "_Toc158888253" §ð Le travail comme outil d émancipation :  PAGEREF _Toc158888253 \h 56

 HYPERLINK \l "_Toc158888254" 2.3. Des cadres épistémologiques similaires :  PAGEREF _Toc158888254 \h 57

 HYPERLINK \l "_Toc158888255" 2.3.1. Deux approches « systémiques » :  PAGEREF _Toc158888255 \h 57

 HYPERLINK \l "_Toc158888256" 2.3.2. Deux pensées dialectiques « processuelles » ou « continuistes » :  PAGEREF _Toc158888256 \h 58

 HYPERLINK \l "_Toc158888257" 2.3.3. Deux approches « constructivistes » :  PAGEREF _Toc158888257 \h 60

 HYPERLINK \l "_Toc158888258" 2.3.4. Deux pensées complexes :  PAGEREF _Toc158888258 \h 62




 HYPERLINK \l "_Toc158888259" 3. Pratiques autogestionnaires et nouvelles théories organisationnelles :  PAGEREF _Toc158888259 \h 63

 HYPERLINK \l "_Toc158888260" 3.1. La Péniche : une entreprise autogérée :  PAGEREF _Toc158888260 \h 64

 HYPERLINK \l "_Toc158888261" 3.1.1. Présentation de l’entreprise La Péniche :  PAGEREF _Toc158888261 \h 64

 HYPERLINK \l "_Toc158888264" 3.1.2. Une entreprise ayant socialisé ses moyens de production :  PAGEREF _Toc158888264 \h 66
 HYPERLINK \l "_Toc158888265" §ð La socialisation de la propriété juridique de l entreprise :  PAGEREF _Toc158888265 \h 67
 HYPERLINK \l "_Toc158888266" §ð La socialisation de la propriété financière de l entreprise : le partage du capital :  PAGEREF _Toc158888266 \h 68
 HYPERLINK \l "_Toc158888267" §ð La socialisation des profits sous forme de salaires:  PAGEREF _Toc158888267 \h 68
 HYPERLINK \l "_Toc158888268" §ð La socialisation du temps de travail :  PAGEREF _Toc158888268 \h 69

 HYPERLINK \l "_Toc158888269" 3.2. La Péniche : une organisation mettant en pratique les concepts des nouvelles théories organisationnelles :  PAGEREF _Toc158888269 \h 71

 HYPERLINK \l "_Toc158888270" 3.2.1. Un exemple d’organisation holographique : la dissémination des pouvoirs organisationnels et décisionnels grâce à la dissémination des moyens d’information, de communication et de formation :  PAGEREF _Toc158888270 \h 71
 HYPERLINK \l "_Toc158888271" §ð La socialisation du pouvoir organisationnel et décisionnel par la socialisation des moyens d information et de communication  PAGEREF _Toc158888271 \h 72
 HYPERLINK \l "_Toc158888272" §ð Les bouleversements organisationnels concomitants à cette « socialisation » :  PAGEREF _Toc158888272 \h 74
 HYPERLINK \l "_Toc158888273" §ð Entre organisation formelle et informelle, entre ordre et désordre : les voies de la souplesse organisationnelle :  PAGEREF _Toc158888273 \h 80
 HYPERLINK \l "_Toc158888274" §ð La place des NTIC :  PAGEREF _Toc158888274 \h 83

 HYPERLINK \l "_Toc158888275" 3.2.2. Un exemple d  « anthropologisation » de l entreprise :  PAGEREF _Toc158888275 \h 84
 HYPERLINK \l "_Toc158888276" §ð Pluralisme, diversité et cohésion :  PAGEREF _Toc158888276 \h 84
 HYPERLINK \l "_Toc158888277" §ð L entreprise autogérée : un lieu de vie communautaire associant vie professionnelle, sociale et privée :  PAGEREF _Toc158888277 \h 92
 HYPERLINK \l "_Toc158888278" §ð Le recrutement et le temps de l intégration : des approches anthropologiques :  PAGEREF _Toc158888278 \h 97
 HYPERLINK \l "_Toc158888279" §ð La clôture symbolique :  PAGEREF _Toc158888279 \h 102

 HYPERLINK \l "_Toc158888280" 3.2.3. Les relations de l organisation à l environnement : un exemple de conciliation entre ouverture et clôture symbolique :  PAGEREF _Toc158888280 \h 102
 HYPERLINK \l "_Toc158888281" §ð Une pluralité d échanges avec l extérieur :  PAGEREF _Toc158888281 \h 104
 HYPERLINK \l "_Toc158888282" §ð Une communication externe à l image de la communication interne misant sur les relations interpersonnelles :  PAGEREF _Toc158888282 \h 104
 HYPERLINK \l "_Toc158888283" §ð Le « réseautage » :  PAGEREF _Toc158888283 \h 106




 HYPERLINK \l "_Toc158888284" 4. Conclusion :  PAGEREF _Toc158888284 \h 111

 HYPERLINK \l "_Toc158888285" 4.1. La réactualisation de l’idée autogestionnaire dans les nouvelles théories organisationnelles :  PAGEREF _Toc158888285 \h 111

 HYPERLINK \l "_Toc158888286" 4.2. La société de l’information, de la communication et de la connaissance comme terrain propice au renouveau de l’idée autogestionnaire :  PAGEREF _Toc158888286 \h 112

 HYPERLINK \l "_Toc158888287" 4.3. Le renouveau de la pensée autogestionnaire comme système organisationnel alternatif ?  PAGEREF _Toc158888287 \h 113

 HYPERLINK \l "_Toc158888288" 4.4. L’intégration de l’idée autogestionnaire par le système organisationnel dominant ?  PAGEREF _Toc158888288 \h 115

 HYPERLINK \l "_Toc158888289" 4.5. Ouverture :  PAGEREF _Toc158888289 \h 115




 HYPERLINK \l "_Toc158888290" Bibliographie :  PAGEREF _Toc158888290 \h 117
 Introduction :
Mise en perspective :
Constats de départ : l’autogestion, une thématique oubliée/occultée
L’autogestion peut, à première vue, apparaître comme une idée désuète pour plusieurs raisons :

Une idée ancienne :
L’autogestion est loin d’être une idée nouvelle. Nathalie Ferreira situe ainsi la naissance de l’idée autogestionnaire « au cœur du XIX° siècle, essentiellement en France, dans le vaste mouvement social né en réaction à la Révolution Industrielle et au mode de production qui lui est inhérent ». Nous montrerons d’ailleurs dans les annexes de ce mémoire que cette idée est encore plus ancienne que ne le pense cette auteure.

Un débat oublié :
Cette idée peut d’autant plus apparaître comme démodée qu’elle est totalement absente des débats politiques ou managériaux depuis une vingtaine d’années.
L’idée autogestionnaire a en effet été l’objet d’un débat politique enflammé dans le contexte libertaire des années 70 en France. Dans ce contexte, cette thématique a été fortement idéologisée en devenant l’apanage des partis de gauche, soucieux de coller aux revendications exprimées lors des événements de mai 68. Dans les années 80, le thème autogestionnaire est apparu comme une idée de plus en plus utopique incapable de faire face à l’amplification de la crise économique. Le débat pris donc fin au milieu des années 80 et le thème autogestionnaire est depuis tombé dans l’indifférence générale.
Ainsi, « après avoir connu la marginalité puis le succès dans les années 70, l’autogestion comme mot a vécu ensuite la phase de banalisation qui accompagne le succès et prépare la décadence puis l’oubli ».

Un terme flou et idéologisé :
Aujourd’hui, lorsque ce thème est évoqué, il ne peut se défaire de cette référence à l’anarchisme du XIX° siècle (mouvance politique qui n’a jamais eu la faveur de la majorité et qui est toujours apparu comme un mouvement radical et violent) ou à l’époque libertaire des années 70 portée par des « jeunes » aveuglés d’idéologies idéalistes et irréalistes. Ainsi, « l’autogestion oscillerait entre l’utopie et l’inefficacité ». Au mieux, elle apparaît comme un doux rêve d’utopistes immatures, au pire comme une menace pour l’ordre social.
Comme en fait état l’Encyclopédie Universalis, « le clair-obscur idéologique offert par l’autogestion en tant que concept et le refus de considérer les résultats effectifs de sa concrétisation, ou l’ignorance manifestée envers ses ratés, ont été propices à bien des équivoques (…) Le concept lui-même semble s’être discrédité à la faveur de son opacité et à cause de ses échecs ; même ses succès anciens apparents semblent remis en cause ».
Une idée occultée mais encore présente :
Le débat sur l’autogestion est donc aujourd’hui complètement occulté. On constate alors un dénie total du thème et des expériences autogestionnaires.
Les rares discours qui « osent » encore traiter des expériences autogestionnaires les présentent souvent comme des expérimentations éphémères qui aboutissent nécessairement à des échecs.
Or, il existe encore de nos jours des organisations, et plus particulièrement des entreprises, qui se revendiquent du modèle autogestionnaire et qui tentent d’en mettre en œuvre les principes. Ainsi, malgré l’occultation du terme d’ « autogestion », nous pouvons aujourd’hui constater l’existence d’entreprises autogérées viables et qui semblent pérennes.
Si l’autogestion est absente des discours, elle n’est pas absente des pratiques.

Hypothèse :

Hypothèse : la réactualisation de l’idée autogestionnaire :
Mais si le terme semble avoir disparu, les idées et le modèle organisationnel dont cette expression est porteuse semblent toujours, voire de plus en plus, d’actualité.
Ainsi, pour Frédéric Cépède « l’autogestion comme source de vitalité souterraine, comme attente d’une démocratie toujours plus radicale et participative reste, elle, féconde et rien n’interdit de penser que le mot puisse connaître dès lors une nouvelle jeunesse dans un avenir plus ou moins proche ». De même, pour Patrick Vivret, « l’autogestion n’est pas morte et sa prospérité peut se lire aujourd’hui dans les mouvements contemporains en faveur d’une autre mondialisation essayant d’articuler les échelles de la démocratie, du local au global, nécessitant un haut niveau d’auto régulation ».
L’idée autogestionnaire semble ainsi resurgir au travers de l’émergence de nouveaux vocables : « participation », « intéressement », « autonomisation » et « responsabilisation » dans le monde des entreprise, « décentralisation » et « démocratie participative » suite à la faillite de l’Etat providence, de nouvelles formes de responsabilisation civique avec l’ « éco citoyenneté »…
Au-delà des discours de sens commun, les réflexions actuellement menées sur les nouveaux modèles organisationnels suite à la faillite du taylorisme semblent réactualiser cette forme organisationnelle particulière.
En effet, si comme le soutient Nathalie Ferreira (citée précédemment), l’idée autogestionnaire émerge en réaction au mode de production inhérent à l’ère industrielle, il est légitime qu’elle ressurgisse à une époque où ce modèle industriel, poussé à son paroxysme, entre en crise et où la société cherche de nouveaux modèles d’organisation de la production « postindustriels ».
La nécessité de faire de l’idée autogestionnaire un véritable concept organisationnel :
Il apparaît ainsi comme pertinent de réintégrer le modèle autogestionnaire dans le débat qui se tient actuellement sur le renouvellement des formes organisationnelles et de s’interroger sur son statut au sein de ce débat : le modèle organisationnel autogestionnaire est-il un modèle définitivement démodé ou au contraire encore, voire peut être de plus en plus, d’actualité dans le contexte du renouvellement des formes organisationnelles?
Mais intégrer le modèle autogestionnaire au sein de cette réflexion scientifique nécessite, au préalable, de démontrer que ce modèle est un véritable concept organisationnel.
En effet, le flou idéologique qui entoure ce terme rend difficile sa prise en considération d’un point de vue scientifique.
Cette imprécision du terme, empêchant sa prise en considération d’un point de vue scientifique, est entretenue par la littéraire sur le sujet. En effet, malgré l’importance du nombre d’ouvrages consacrés à l’autogestion, peu offre une analyse théorique suffisante de ce qui pourrait pourtant apparaître comme un véritable « concept organisationnel ». En effet, ces textes se réduisent souvent à la présentation des courants politiques fondateurs de l’autogestion (l’anarchisme, le communisme, l’anarchosyndicalisme, les guildes socialistes…) puis des différentes expérimentations autogestionnaires dans de grandes organisations politiques (la Yougoslavie de Tito étant l’exemple le plus souvent cité). Ces écrits se réduisent donc à une restitution historique sans mise en perspective théorique organisationnelle susceptible d’intéresser les entreprises contemporaines. La vision théorique s’arrête généralement à celle développée par les fondateurs de cette idée au XIX° et au début du XX° siècle, et la vision pratique s’intéresse largement à l’autogestion comme mode d’organisation politico social.
Le seul exemple d’autogestion entrepreneuriale cité est celui de LIP, alors que cette entreprise n’expérimenta l’autogestion que comme modèle organisationnel transitionnel dans l’attente d’un nouveau dirigeant. Ces écrits entretiennent ainsi l’idée d’un modèle ancien, idéologiquement ancré dans les utopies libertaires de la gauche et voué à n’être qu’éphémère.
Ainsi, face à la « polysémie du terme et [au] flou du contenu » Frank Géorgi constate la « nécessité d’un ancrage plus concret », une « quête de légitimité [qui doit] combiner inscription dans une histoire longue et affirmation du caractère scientifique et moderne de l’autogestion ». Telle sera l’ambition de ce mémoire qui s’attachera donc à faire de l’autogestion un véritable concept organisationnel en rappelant sa genèse puis en dégageant un idéal type. Il s’agira ensuite de démontrer que cet idéal type entretient de nombreuses similitudes avec les nouvelles théories organisationnelles et plus globalement avec la nouvelle « image » de l’organisation actuellement en émergence.

Méthodologie :

Orientation idiographique et nomothétique
Au niveau méthodologique, ce travail s’appuiera sur deux orientations, généralement présentées comme distinctes et entre lesquelles il faut trancher, mais qui, dans cette étude, se complèteront pour mener à bien la démonstration de nos hypothèses :
-« une orientation idiographique dirigée vers la recherche des spécificités » : cette orientation nous permettra ainsi de présenter les caractéristiques spécifiques du modèle autogestionnaire au travers de la définition d’un « idéal type »;
- « une orientation nomothétique cherchant à établir des régularités, des similitudes » : c’est cette démarche qui sera choisie en deuxième partie pour souligner les nombreuses similitudes que nourrissent les pratiques autogestionnaires et les nouvelles théories sur l’entreprise. Nous montrerons ainsi que les spécificités propres aux modèles autogestionnaires semblent actuellement ne plus être le seul apanage de ce modèle libertaire, mais paraissent contaminer l’ensemble des nouvelles théories organisationnelles.
Nous n’en dégagerons pas pour autant une loi universelle selon laquelle le bon modèle d’organisation est celui prôné par le « modèle » autogestionnaire. Il s’agit simplement de rendre compte d’un phénomène et de nourrir la réflexion sur le renouvellement des formes organisationnelles.
La démarche déductive et inductive:
Les méthodes déductives, aussi appelées « hypothético-déductive », reposent sur un raisonnement qui « va des lois et des principes posés comme des hypothèses aux faits d’expérience ». Cette démarche valorise donc, dans la méthodologie de la recherche, le rôle de la théorie que l’on soumet à l’épreuve des faits.
Cette démarche sera utilisée pour définir l’idéal type d’une organisation autogérée à partir des grands courants d’idée qui ont développé et publicisé l’idée autogestionnaire. Cet idéal type sera ensuite confronté à l’étude de cas d’une entreprise autogérée contemporaine en troisième partie. Il s’agira alors de mettre en valeur la mise en pratique des principes spécifiques au modèle autogestionnaire (mis en évidence par l’idéal type précédemment défini) dans cette entreprise. On passera alors de la logique nomothétique (la définition de régularités, de « lois » propres au modèle autogestionnaire et qui en forment les spécificités) à la logique idiographique (en confrontant cet idéal type aux spécificités d’une entreprise ce réclamant de ce modèle pour souligner leur congruence).
La seconde démarche méthodologique repose sur un mouvement inverse en « privilégi[ant] le cheminement des constatations particulières, tirées d’observations de terrain, vers les concepts généraux ». Elle part donc du terrain pour aller vers la théorie.
Cette démarche sera utilisée pour mettre en évidence les similitudes qu’entretiennent les pratiques autogestionnaires et les nouvelles théories organisationnelles. On passera alors de la démarche idiographique (consistant à repérer les spécificités organisationnelles d’une entreprise autogérée) à la démarche nomothétique (en rapprochant ces spécificités organisationnelles des principes organisationnels prônés par les nouvelles théories organisationnelles).

Cette démonstration s’appuiera sur trois méthodes successives :
-une méthode dite « génétique »
-une méthode typologique qui s’inspire de la notion d’ « idéal-type » développée par Max Weber
-une méthode comparative
La méthode génétique :
Cette méthode consiste à retracer la genèse des phénomènes et à mettre en évidence les conditions d’apparition de ces phénomènes.
En effet, les phénomènes organisationnels sont à considérer comme des phénomènes sociaux. Les Sciences Humaines et Sociales (SHS) admettent que les phénomènes sociaux sont des constructions sociales historiquement situées.
Il s’agira donc, dans un premier temps, de retracer la généalogie des théories organisationnelles et communicationnelles pour mettre en valeur leur progression vers des thématiques de plus en plus proches de l’idée autogestionnaire.
Il s’agira ensuite de retracer la genèse du modèle autogestionnaire en parcourant les grands courants de pensée qui ont participé à la naissance et à la promotion de cette idée, afin d’en retenir les caractéristiques principales propres à fonder une idéal type de l’organisation autogérée.
Nous ne retiendrons que l’essentiel  de ce travail généalogique:
La spécificité des principaux concepts développés par les nouvelles théories organisationnelles et communicationnelles,
l’idéal type d’une organisation autogérée.
Le travail préalable à ces deux constats sera toutefois retranscrit en annexes.
La méthode typologique
Cette méthode est liée au concept d’idéal type développé par Max Weber (1862-1920).
Appréhender la réalité sociale nécessite une définition précise de ce dont on va traiter. Pour se faire Max Weber utilise une méthode spécifique : l’ « idéal type ». Cette notion se définit comme une schématisation du réel pour permettre d’accéder à une meilleure compréhension du phénomène étudié en échappant aux jugements incontrôlés.
Cette méthode consiste à dégager les lignes de force du phénomène étudié. L’idéal-type regroupe ansi les caractéristiques essentielles d’un phénomène. Il n’a pas prétention à refléter la réalité mais facilite son analyse en accentuant certains traits. Ces traits caractéristiques ne sont pas nécessairement les plus courants, mais les plus spécifiques et les plus distinctifs pour caractériser l'objet.
Comme l’explique Max Weber « on obtient un idéal-type en accentuant unilatéralement un ou plusieurs points de vue et en enchaînant une multitude de phénomènes, donnés isolément, diffus et discrets, que l'on trouve tantôt en grand nombre, tantôt en petit nombre et par endroit pas du tout, qu'on ordonne selon les précédents points de vue choisis unilatéralement, pour former un tableau de pensée homogène ».
Par ce travail de grossissement et d'idéalisation des traits qui lui semblent fondamentaux, le chercheur construit des idéaltypes, outils grâce auxquels il pourra guider sa recherche.
Définir précisément le modèle autogestionnaire en soulignant ses lignes de forces, ses caractéristiques permettra ainsi de dépasser les discours de sens commun et d’en faire un véritable concept organisationnel. Cette étape nous paraît nécessaire pour intégrer le modèle autogestionnaire au sein du débat concernant le renouvellement des formes organisationnelles selon une approche comparative.
L’utilisation de cette méthode nécessite d’en souligner les limites pour éviter toute confusion sur ce qu’est un idéal type. En effet, comme nous l’avons évoqué précédemment, cet idéal type n’a pas prétention à refléter la réalité, il n’a pas non plus vocation à définir une norme, un modèle universel. C’est un tableau de pensée, il n'est pas la réalité historique ni surtout la réalité «authentique». C’est avant tout un moyen de rendre intelligible des phénomènes sociaux complexes et multiformes tout en essayant d’échapper aux jugements hâtifs et superficiels du sens commun. Comme l’explique Max Weber lui-même « le concept idéal-typique (...) n'est pas lui-même une «hypothèse», mais il cherche à guider l'élaboration des hypothèses. De l'autre côté, il n'est pas un exposé du réel, mais se propose de doter l'exposé de moyens d'expression univoques ».
Ainsi, l’idéal type, une fois défini, n'a d'autre signification que celle d'un concept limite purement idéal, auquel on mesure la réalité pour clarifier le contenu empirique de certains de ses éléments importants, et avec lequel on la compare. Ainsi l’idéal type peut se définir comme une construction rationnelle qui rapporte le donné empirique à un cas idéal.
Un type idéal est ainsi une construction analytique qui sert à l'investigateur de tige de mesure pour établir des similitudes aussi bien que des déviations dans des cas concrets. Il fournit la méthode de base pour l'étude comparative, qui est celle que nous utiliserons en dernière instance pour achever notre démonstration.
Méthodologie comparative :
Définir cet idéal type du modèle autogestionnaire nous permettra en effet de comparer les principes organisationnels prônés par cette idée à ceux publicisés par les nouvelles théories organisationnelles pour en dégager les similitudes.
La comparaison est en effet considérée par certains chercheurs comme le substitut de l’expérimentation en SHS.
Mais cette comparaison, si elle prétend se substituer à la preuve tangible et irréfutable des sciences dures, ne peut se situer uniquement au niveau théorique. L’idéal type autogestionnaire sera donc complété par l’étude empirique d’une entreprise dite « autogérée » et prenant place dans le contexte actuel. Cette étude de cas permettra donc de compléter et d’actualiser au contexte contemporain l’idéal type définit précédemment
L’appellation « autogéré » de l’entreprise étudiée sera confirmée par le fait que cette entreprise s’inscrit dans l’idéal type autogestionnaire précédemment défini.
Cette étude comparative nous permettra ainsi de démontrer que non seulement l’idéal type autogestionnaire, mais aussi et surtout les pratiques organisationnelles autogestionnaires, s’apparentent à celles prônées par les nouvelles théories organisationnelles. Ainsi, bien qu’ancienne, l’idée autogestionnaire nous apparaîtra comme encore, voire de plus en plus, d’actualité, au regard de ces nouvelles théories ayant pour spécificité de mettre l’accent sur les activités informationnelles, communicationnelles et cognitives au sein des entreprises.

Corpus théorique et empirique :

La définition de l’idéal type :
La définition de cet idéal type reposera sur un corpus théorique.
Le travail généalogique que nous effectuerons au préalable sera tout d’abord composé d’ouvrages historiques traitant de l’histoire des idées et courants politiques fondateurs et promoteurs de l’idée autogestionnaire. Ce travail sera complété et illustré au travers d’exemples de différentes expérimentations autogestionnaires (les cités témoins, les conseils ouvriers, la Yougoslavie de Tito, L’Algérie des années 60…)
L’idéal type que nous en dégagerons sera complété par des ouvrages généraux traitant de l’autogestion et plus particulièrement de l’autogestion en entreprise.
Il sera enfin pragmatiquement situé dans le contexte actuel grâce à l’étude de cas d’une entreprise se revendiquant de l’idée autogestionnaire.
L’étude de cas :
Ce mémoire s’appuiera sur l’étude de cas d’une entreprise autogérée, réalisée lors d’un stage d’observation effectué en juin et juillet 2005.
Ce stage visait plusieurs objectifs :
Détecter les modalités de fonctionnement, les principes organisationnels d’une entreprise autogérée
Repérer les modalités de coordination et de coopération dans ce type de structure sans hiérarchie
Mettre en avant l’importance des variables communicationnelles et informationnelles dans une organisation à fonctionnement collectif et démocratique
Repérer la culture d’entreprise mise en oeuvre
Détecter les compétences nécessaires pour participer à ce type d’organisation
Souligner la place de l’informel et des activités considérées dans d’autres entreprises comme non professionnelles dans ce type de structure

Pour atteindre ces objectifs, plusieurs méthodes ont été conjointement utilisées :
l’observation directe des situations de travail et plus particulièrement des situations de communication en interne, l’observation directe des réunions et rencontres entre structures autogérées auxquelles l’entreprise participe,
des questionnaires et des entretiens passés avec chacun des salariés

L’observation directe
Joël Guibert et Guy Jumel définissent l’observation comme « une méthode d’investigation empruntée aux sciences physiques et naturelles transposée aux SHS. Elle consiste à recueillir des informations sur les agents sociaux en captant leurs comportements et leurs propos au moment où ils se manifestent ».
L’observation consiste ainsi en un contact direct sans intermédiaire, avec une réalité sociale.
L’objectif de l’observation directe d’une entreprise est de rendre compte des activités qui prennent place au sein de cette structure, des comportements de chacun de ses membres, des relations qui lient ces différents individus et des rites qui structurent la vie symbolique de ce groupe.
Cette méthode d’investigation repose ainsi d’abord sur une sélection de faits singuliers, de phénomènes restreints dans une perspective inductive et idiographique. Ensuite, et de manière progressive, tous les éléments de l’observation assemblés « en une sorte de puzzle » favorisent l’émergence de propositions générales et de modèles explicatifs sur la vie sociale de l’entreprise étudiée (dans une perspective nomothétique).
Traditionnellement, on distingue l’observation participante (qui consiste à étudier un groupe en participant à ses activités, à sa vie collective) de l’observation non participante (qui consiste à porter son regard de l’extérieur sans participer véritablement à la vie du groupe, à son insu ou avec son accord). L’une correspondrait à une méthodologie propre à l’Ethnologie et l’autre une méthodologie plus habituelle en Sociologie. En réalité « la plupart du temps, les praticiens en sciences sociales choisissent des solutions intermédiaires en participant momentanément et partiellement à la vie du groupe étudié ».

L’objectif de l’étude de cas sur laquelle repose ce mémoire était de mettre en évidence les principes organisationnels d’une entreprise autogérée, et notamment leur imbrication avec des pratiques communicationnelles spécifiques. Cette analyse a donc principalement porté sur l’étude de la communication « interne » et « externe » de l’entreprise, dans ses aspects autant formels qu’informels :
Communication interne :
Formelle :
-réunions et comptes-rendus de réunions,
-discussions portant sur l’activité et l’organisation de l’entreprise,
-documents de gestion circulant entre les salariés,
Informelle :
-discussions interpersonnelles,
-rituels prenant place au sein de l’entreprise,

Communication externe :
Formelle :
-pochette de présentation et documents écrits à destination de l’extérieur,
-relations et réunions avec les autres structures autogérées,
Informelle :
-relations et discussions avec les personnes extérieures invitées au sein de l’entreprise…

L’avantage de cette méthodologie particulière qu’est l’observation directe est de saisir les phénomènes sur le vif et de ne pas dépendre des réponses voir des interprétations des enquêtés, comme dans le cas de l’entretien ou du questionnaire.
Mais cette méthode présente cependant de multiples inconvénients qu’il est nécessaire de prendre en compte pour souligner les limites de cette étude :
-D’une part, s’agissant d’une interaction entre un observateur et des observés, « le risque d’influer sur les comportements de ces derniers n’est pas négligeable. On peut aller jusqu’à se demander si « des comportements ne sont pas artificiellement adoptés dans le but de satisfaire l’observateur ». Ainsi, le statut d’observateur et le rapport aux observés peuvent avoir des effets sur les réalités observées.
- D’autre part, « le recueil de données issues de l’observation dépend de nos propres cadres sociaux et culturels, ceux-ci conditionnant notre perception, notre réceptivité ». Ainsi, cette méthodologie ne paraît pas suffisante en elle-même et nécessite d’être complétée par d’autres approches et d’autres sources d’information telles que l’entretien et le questionnaire. De la confrontation entre ces différentes méthodes naîtra la validité des données recueillies. Dans ce cadre, on procède par tâtonnements, essais, rectifications progressives, comparaisons, associations d’idées, comme le préconisent Gaston Bachelard, Thomas Kuhn, Karl Popper, ou encore Paul Feyerabend.

Le questionnaire et l’entretien :
Ces méthodes se définissent comme « un recueil d’information dans une situation de face à face ».
Habituellement, questionnaire et entretien sont deux méthodologies bien distinctes :
-Le questionnaire se définit par « une forte directivité, une standardisation des questions, une formulation préalablement fixée, un ordre de question à respecter ».
-L’entretien est une forme de face-à-face plus souple et informelle qui « consiste à faciliter l’expression de l’interviewé en l’orientant vers des thèmes jugés prioritaires pour l’étude tout en lui laissant une certaine autonomie ».
L’entretien à plus une fonction idiographique en laissant l’individu observé contribuer au cheminement de l’interview et en lui laissant une plus grande liberté d’expression.
Le questionnaire a, quant à lui, une fonction plus nomothétique. Il cherche à « révéler, au-delà des différences individuelles, des phénomènes sociaux à partir de la mise en évidence de régularités » au travers d’une trame de questions identiques pour tous les interviewés.
Nous emploierons ici une démarche au confluent de ces deux méthodologies en utilisant un questionnaire à la trame préétablie mais donnant lieu à des discussions très différentes (en contenu et en durée) d’un interviewé à l’autre, au gré de la relation nouée entre observateur et observé et de l’état d’esprit de l’interviewé au moment du face-à-face.

Cette méthodologie vise à répondre à trois principales catégories de questions :
-qui est l’interviewé ? Il s’agit alors de définir l’identité sociale de la personne (sexe, âge, origine sociale, professions, situation familiale, niveau scolaire, lieu de résidence…)
-que fait-il ? L’entretien met alors en évidence les pratiques de l’interviewé au sein de l’entreprise.
-que pense-t-il ? Il s’agit enfin de saisir ses rapports aux pratiques ou ses opinions ou représentations (degré de satisfaction, préférences, souhaits, critiques…) pour accéder à la perception que les acteurs ont de l’organisation.

Cependant, cette méthode souffre elle aussi de lacunes. En effet, toute communication comporte deux dimensions, comme l’a mis en évidence l’Ecole de Palo Alto au travers l’un de ces fameux axiomes qui distingue contenu et relation. La relation qui s’établit entre les partenaires conditionne la bonne réception de l’information. Cet aspect a d’ailleurs été évoqué précédemment lorsque nous avons fait remarqué que les écarts constatés entre les différents entretiens étaient certainement liées à la relation spécifique nouée entre observateur et observé lors des situations de face-à-face.
Ainsi, comme pour les situations d’observation directe, dans l’entretien, l’attitude de l’observateur intervient directement et peut engendrer des effets inducteurs qui risquent de biaiser la communication. Il semble que ce soit d’ailleurs une des principales difficultés à laquelle se heurtent les SHS. En effet, contrairement aux sciences dures, ce ne sont pas des objets que le sujet observe, mais d’autres sujets. Dans ce cadre, le chercheur en SHS ne peut faire la distinction tranchante entre sujet et objet qui caractérise l’activité scientifique selon Descartes (Durkheim tenta d’instaurer cette coupure en sociologie en traitant les phénomènes sociaux comme des « fais », comme des « choses »). Non seulement le chercheur développe une relation sociale avec les « objets » qu’il observe, mais plus encore, il faut partie de ces propres objets de recherche.

Résultats attendus :

Ce travail vise plusieurs objectifs complémentaires et interdépendants :
dépasser les discours simplistes du sens commun sur l’autogestion en soulignant son épaisseur historique et sa permanence dans l’histoire de l’humanité
Faire de l’autogestion un véritable concept organisationnel au travers de la définition d’un idéal type
Faire du concept organisationnel autogestionnaire ainsi défini un concept d’actualité en le rapprochant des nouvelles théories organisationnelles.

Ce travail visera ainsi à démontrer la pertinence du modèle autogestionnaire aujourd’hui, qui, loin d’être désuet, semble de plus en plus d’actualité du point de vue des nouvelles théories organisationnelles dans le contexte du renouvellement des formes organisationnelles.
En substance, cette étude visera à souligner une fois de plus la pertinence des approches informationnelles et communicationnelles dans les entreprises, approches notamment développées par les SIC au travers du champ de la Communication Organisationnelle. Les structures participatives sont en effet à même de démontrer l’importance des variables informationnelles et communicationnelles dans les processus organisationnels.
Ce travail visera également à participer au débat sur le renouvellement des formes organisationnelles en entreprise du point de vue des Sciences de l’Information et de la Communication et plus précisément du point de vue de la Communication Organisationnelle.
Cette participation à ce débat se fera au travers de la réhabilitation d’un modèle organisationnel qui est encore aujourd’hui implicitement prôné mais qui tait son nom : celui de l’autogestion.
Mais ce travail ne visera pas à définir un nouveau modèle organisationnel, une norme organisationnelle universelle à laquelle chaque entreprise devrait se plier. Au contraire, ce travail sera avant tout un appel à l’expérimentation organisationnelle, notamment au travers de la multiplication, (de la « libération »), des pratiques communicationnelles et relationnelles, expérimentation sociale à laquelle l’idée autogestionnaire nous convit. Il convient bien plus de s’inspirer, de se nourrir de l’ « esprit autogestionnaire » que d’appliquer purement et simplement des règles organisationnelles impossibles à définir d’une manière universelle et positiviste du fait du caractère expérimental, diversifié et informel des expérimentations autogestionnaires.

Ce travail se déroulera en trois temps :
Dans un premier temps, nous présenterons les principales caractéristiques (les principes organisationnels clés) d’une entreprise autogérée. Comme nous l’avons déjà évoqué, cet idéal type sera issu d’un travail généalogique portant sur l’idée autogestionnaire (travail retranscrit en annexes). Cette première partie est en effet essentielle à notre démonstration puisqu’elle permettra de passer des discours de sens commun actuellement tenus sur l’autogestion à la définition scientifique d’un véritable « concept organisationnel ».
Dans un deuxième temps, nous exposerons les points de similitudes qu’entretiennent les nouvelles théories organisationnelles avec cet idéal type.
Ce travail de comparaison sera enfin complété et illustré par l’étude de cas d’une entreprise autogérée.
L’autogestion : tentative de définition d’un idéal type :
Présentation générale : les idées fortes de l’idée autogestionnaire :
Au vu des différentes théories qui ont développé et publicisé l’idée autogestionnaire, celle-ci se définit d’abord comme une contestation, une critique du modèle productif et social qui caractérise la société industrielle.
Certes la généalogie que nous avons tracé en annexes de l’idée autogestionnaire ne débute pas au XIXème siècle : les caractéristiques propres au modèle organisationnel de la société industrielle existaient en effet déjà avant son avènement ; cependant, la révolution industrielle semble marquer une forte extension des formes organisationnelles basées sur ces caractéristiques (qui semblent se radicaliser aujourd’hui sous le poids des logiques de la surmodernité). L’autogestion est ainsi avant tout un mouvement d’idées qui se veulent en opposition avec les caractéristiques qui lui semblent au fondement de la domination de l’homme sur l’homme : la propriété privée, le centralisme, l’autorité, le pouvoir, l’excès de rationalité économique, les règles et normes définies de manière statique par les quelques personnes détenant le pouvoir (et qui parviennent à le garder grâce à ce monopole de la définition des règles), la division (entre conception et exécution, entre intelligence et action, entre les différentes dimensions de l’existence humaine).

Mais l’autogestion ne renvoie pas seulement à un mouvement contestataire, c’est également une pensée constructive qui souhaite publiciser des pistes de réflexion innovantes dans le but d’inspirer de nouvelles formes organisationnelles. Elles proposent ainsi d’élaborer des formes organisationnelles plus collectives et communautaires expérimentant la démocratie directe par la délibération de tous. Aux modèles organisationnels issus de la révolution industrielle, elle souhaite substituer de petites communautés autonomes respectueuses du pluralisme des éléments qui la constituent, mais fédérées entre elles par des relations d’entraide et de réciprocité. L’autogestion est ainsi une pensée dialectique qui, face au paradigme binaire oppositionnel, souhaite concilier autonomie et interdépendance, individu et collectif, cohésion et diversité.
Pour ce faire, l’autogestion ne préconise aucun modèle, aucune recette à appliquer, mais, bien au contraire, milite pour une expérimentation constante, une révolution perpétuelle qui oblige à dépasser l’acquis pour chercher sans cesse de nouvelles modalités d’organisation. Les organisations autogérées se veulent ainsi évolutives à l’image de leur environnement (avec lequel elles se doivent d’être en harmonie). Elles sont ainsi à la recherche d’une relation dialectique entre ordre et désordre, entre organisation et désorganisation qui semble au fondement des capacités organisatrices et adaptatives d’un système.
Pour que ce changement permanent s’amorce, l’idée autogestionnaire encourage la rotation des tâches et des pouvoirs, la réconciliation dialectique de l’intelligence et de l’action, ainsi qu’une éducation accessible à tous (selon le principe d’égalité au fondement de l’idée autogestionnaire) polyvalente, ouverte, continue, peu contraignante voire carrément ludique. L’ensemble de ces dispositions permettra alors de développer chez tous l’esprit critique indispensable à la remise en cause permanente de l’existant et à la recherche de l’innovant. Elles permettront également de revaloriser le travail en le rendant plus agréable, plus attractif, mais surtout plus créatif. Enfin, ces dispositions permettront de substituer l’auto discipline individuelle et collective au contrôle et à la surveillance de quelques uns sur d’autres (au fondement de la domination de l’homme sur l’homme).
In fine, l’autogestion, au travers de ces dispositions, souhaite développer le potentiel de chacun pour qu’il puisse servir à tous. En dehors de l’éducation, ce potentiel se développe également grâce à la place importante qui est faite à l’affectif, au ludique et au festif dans les organisations autogérées (des sources d’épanouissement et de créativité souvent occultées, voire réprimées, par la rationalité économique). En développant ces potentiels, l’autogestion permettra alors à l’ensemble des individus qui constituent la société d’être véritablement au fondement des organisations auxquelles ils appartiennent. C’est en effet à ceci que renvoie littéralement le terme « autogestion ».
Définition du terme autogestion :
Au sens littéral, le terme « autogestion » signifie « gestion par soi même ». Il est l’exact contraire de ce que Alain Guillerm et Yvon Bourdet nomment l’ « hétérogestion » et qui renvoie à la « gestion par un autre ».
Ainsi, une organisation autogérée est une organisation où « toutes les décisions sont prises par la collectivité qui est, chaque fois, concernée par l’objet de ces décisions. C’est-à-dire un système où ceux qui accomplissent une activité décident collectivement ce qu’ils ont à faire et comment le faire ». Dans une perspective purement constructiviste, l’organisation autogérée renvoie donc à une organisation artefactuelle réunissant une collectivité d’individus orientée vers un but et qui décide collectivement de ce but et des modalités à mettre en œuvre pour l’atteindre.
L’autogestion suppose ainsi « la suppression de toute distinction entre dirigeants et dirigés et l’affirmation de l’aptitude des hommes à s’organiser collectivement », à se diriger eux-mêmes sans l’intermédiaire d’une hiérarchie à laquelle ils auraient délégué cette activité décisionnelle et organisationnelle. L’autogestion suppose donc un principe de décentralisation (thème que l’on retrouve dans l’étymologie même du terme « anarchie » qui signifie « sans commandement » ou « sans autorité ») ouvrant « la possibilité pour les individus de s’organiser collectivement tant dans la vie sociale que dans l’appareil productif ».
Dans le domaine particulier des entreprises, l’autogestion renvoie à la « gestion d’une unité de production par les travailleurs eux-mêmes ». « Ainsi, les décisions qui concernent les travailleurs d’un atelier doivent être prises par les travailleurs de cet atelier ; celles qui concernent plusieurs ateliers à la fois, par l’ensemble des travailleurs concernés ; celles qui concernent toute l’entreprise, par tout le personnel de l’entreprise ».
Ainsi, « une entreprise est [dite] autogérée lorsqu’elle est dirigée par les personnels qui la font fonctionner ». En substance, il s’agit de « reconnaître à chaque entreprise le droit à déterminer ses propres finalités ».
Caractéristiques essentielles d’une organisation autogérée : les principes organisationnels clés :
Une organisation autogérée repose donc sur un partage égalitaire du pouvoir décisionnel et organisationnel entre tous ses membres. Mais comment mettre en œuvre cette forme d’organisation « sans hiérarchie » ?
Pour ce faire, l’organisation autogérée va tout d’abord s’appuyer sur une « socialisation » (c’est-à-dire un partage égalitaire entre tous les membres de l’organisation) des moyens matériels de production. Parallèlement, elle va également s’appuyer sur une « socialisation » du pouvoir grâce à la socialisation des moyens d’information, de communication et de formation, à l’origine d’une mutualisation et d’un partage total des connaissances.

La socialisation des moyens de production :
Comme nous le montre la brève présentation que nous avons fait de l’autogestion, celle-ci est avant tout la réappropriation de la décision par ceux qui auront à exécuter et mettre en oeuvre cette décision. En ce sens, l’autogestion souhaite réaliser le vieil adage anarchiste qui consiste à réconcilier intelligence et action.

Pourtant, pour beaucoup, l’autogestion se limite à la simple socialisation des moyens de production (c’est-à-dire l’appropriation des moyens matériels de travail par les travailleurs eux-mêmes). L’autogestion consiste alors à « transformer les moyens de production, la terre et le capital, aujourd’hui essentiellement moyen d’asservissement et d’exploitation du travail, en simples instruments d’un travail libre et associé ». La propriété privée des moyens de production est ainsi présentée comme « la clé de voûte d’un système où la dépossession des travailleurs est indissociable de leur exploitation et de leur domination ».
Ce thème est en effet prépondérant chez Marx et Proudhon, ainsi que chez beaucoup d’intellectuels ayant participé à l’élaboration de l’idée autogestionnaire. Mais contrairement au marxisme, l’autogestion « ne vise pas simplement à remplacer les propriétaires capitalistes par telle ou telle collectivité ». Ainsi, « l’autorité-propriété, droit d’user et d’abuser qui définit l’entreprise capitaliste, doit faire place à la propriété sociale des moyens de production, qui n’est ni propriété privée, ni propriété d’Etat ». « L’autogestion se présente d’abord comme une déstructuration de la propriété comme institution sociale » « remplacée par l’usage des moyens de production au bénéfice d’une collectivité de travail qui devient libre et responsable de la mise en valeur sociale du capital initial ». Elle souhaite ainsi « éclater » et « redistribuer » les différents droits bourgeois qui fondent la propriété privée :
-l’usus : le droit d’user de la chose
-le fructus : le droit d’en percevoir les revenus
-l’abusus : le droit d’en disposer et de l’aliéner (au sens juridique).
Dans une organisation autogérée, « ces trois attributs de la propriété éclatent ainsi entre différents centres de décision ».
Ainsi, le thème même de la déstructuration de la propriété privée renvoie à des problématiques bien plus larges que celles purement juridiques et économiques d’une appropriation des moyens matériels de production, et « si l’expropriation est un préalable, elle ne doit pas faire perdre de vue que la question centrale est celle du mode d’appropriation par les travailleurs et la société de leurs conditions de vie et de travail ».

Cette simplification semble liée au terme « autogestion » lui-même, que Henri Arvon estime, à juste titre, « mal approprié ».
Ce n’est pas le préfixe « auto » qui est ici en cause (au contraire, ce terme traduit bien l’idée d’autonomie et de responsabilisation), mais la racine même du mot : le terme « gestion ». Cette notion est en effet « grevée de rationalité économique » et limite ce concept organisationnel à cette seule dimension matérielle, et par là même le dénature.
Ainsi, pour Henri Arvon, les termes anglo-saxons « self-government » et « self management » semblent beaucoup plus adéquats pour désigner ce modèle d’organisation particulier en élargissant son domaine d’application de la simple dimension économique à sa dimension politique. En effet, « les termes anglo-saxons situent la notion d’autogestion dans l’ampleur humaine (…) combinant des aspects à la fois politiques et économiques ». Le premier terme, self-government, renvoie à la « volonté du citoyen de participer activement au fonctionnement de la démocratie en supprimant la distance qui le sépare du pouvoir », le second, self management, consiste à « transférer le pouvoir décisionnel entre les mains de tous les membres d’une entreprise ».
En se replaçant sur le terrain politique, l’idée d’autogestion acquiert ainsi un contenu beaucoup plus large en proposant de « créer un autre sens de mot politique : à savoir la prise en main, sans intermédiaires et à tous les niveaux, de toutes les affaires par tous les hommes ». C’est par cet ancrage politique même que l’autogestion se distingue de « la participation, [du] contrôle ouvrier et [des] coopératives [qui] ne concernent guère que la production et l’économie » .
La socialisation de l’exercice du pouvoir :
Loin de se limiter à la seule socialisation des moyens de production, l’autogestion repose donc également, et peut-être avant tout, sur la « socialisation de l’exercice du pouvoir », ou « l’appropriation des moyens de pouvoir par les travailleurs et les citoyens ».
Comme le souligne Pierre Rosanvallon, « les moyens de production ne sont pas les seuls instruments sur lesquels se fonde le pouvoir dans la société. C’est ainsi que, d’un point de vue économique, on parle dès le XIXème siècle des moyens de production et d’échange ». Il préconise ainsi de « dépasser la seule question de la socialisation des moyens de production pour envisager la socialisation de l’ensemble des moyens de pouvoir », et celle-ci ne s’opère pas par la simple « substitution d’un nouveau propriétaire collectif au propriétaire individuel ». A côté des moyens de production, « Il nous faut [également] aujourd’hui prendre en compte les moyens d’organisation, de formation, d’information, de savoir» pour « imaginer une structure où le « pouvoir » n’est pas une propriété réservée à quelques-uns, une structure sans pouvoir ou plus exactement une structure où l’interrelation des éléments est telle qu’aucun n’en domine un autre ».
Les dimensions informationnelles, communicationnelles et cognitives occupent donc une place centrale dans la théorie autogestionnaire. C’est leur dissémination égalitaire à tous les niveaux de l’organisation qui est à la base même de l’autogestion en entreprise.
La socialisation de l’information et de la communication :
L’information et la communication étant à la base des processus de prise de décision et d’organisation, elles deviennent des ressources clés dans une organisation basée sur la socialisation de ce pouvoir organisationnel et décisionnel.

Pour devenir réellement égalitaire et collective, l’organisation autogérée doit en effet ouvrir à tous ses membres l’ensemble de ses lieux de prise de décisions. Celles-ci se prenant collectivement, ces lieux de prise de décision deviennent des lieux de négociation, donc de communication, auxquels tout le monde doit avoir accès et participer. C’est à cette transformation fondamentale consistant à « élargir les lieux de production de l’information » que renvoie le principe de « socialisation de la communication ».

Conjointement, il faut également socialiser l’information. Tout un chacun doit en effet détenir les informations nécessaires pour pouvoir participer pleinement aux prises de décision organisationnelle. Tout le monde doit donc avoir accès à l’ensemble des informations circulant sur l’organisation.
Comme le souligne Cornélius Castoriadis, dans une organisation autogérée, « décider » c’est, d’une part, « décider soi-même », et, d’autre part, « décider en connaissance de cause. Cela signifie que ceux qui décident doivent disposer de toutes les informations pertinentes ». « Il s’agit donc de diffuser l’information à tous les membres, quelles que soient leurs fonctions (…) La diffusion de l’information est la seule façon de permettre à tous les individus de participer au « pouvoir »» . Jean-Louis Le Moigne et Daniel Carré militent ainsi « pour des bases de données démocratiques » et une «  déspécialis[ation] [de] la gestion de l’information », deux principes qui prennent la sixième et septième place de leurs 50 propositions pour l’autogestion.
Ainsi, la socialisation de l’information et de la communication semble être le principe qui va permettre au collectif de s’affranchir du modèle organisationnel hiérarchique classique. A la place « du chef, du leader, du berger qui décide pour le groupe [se substituent] l’échange, le débat, la négociation, (…) l’information partagée, les enjeux discutés et la décision prise le plus souvent à l’unanimité, au consensus ».

Mais la socialisation de l’information ne s’arrête pas là, elle renvoie également à la possibilité d’être producteur d’information et donc de sens (c'est-à-dire non seulement d’ « informations-signal » mais aussi d’ « informations symboliques »). Ainsi, « pour que chaque niveau d’organisation puisse s’intégrer fonctionnellement à l’ensemble, il faut qu’il soit informé de la finalité de l’ensemble, et qui plus est, qu’il puisse participer au choix de cette finalité ».
La socialisation du pouvoir et de la pise de décision permettent ainsi aux individus qui composent une organisation de se réapproprier la définition de la finalité de leur regroupement en organisation, ils accèdent alors réellement à la propriété politique et symbolique, et non plus seulement matérielle et économique, de leur entreprise.
La socialisation du savoir :
L’apprentissage est une valeur fondamentale dans la pensée autogestionnaire.
Dans la même veine que la socialisation de l’information et de la communication, la socialisation de la formation vise à élargir le savoir et les connaissances organisationnelles de chacun, alimentés quotidiennement par leur savoir pratique, et qui leur permettront ainsi de prendre part intelligemment à la prise de décision.

Dans une organisation autogérée, la formation se conçoit d’abord en situation et vise à « modifier les structures et les méthodes de la formation pour mieux assurer, sur une base décentralisée, un enrichissement réciproque du pouvoir théorique et du savoir pratique ».
Dans une organisation autogérée, la formation est ainsi assurée principalement en interne puisque l’un des objectifs est que chacun détienne les savoirs et les compétences de tous, que le tout soit inscrit dans chacune des parties, permettant ainsi souplesse et flexibilité organisationnelle. L’autogestion prône ainsi un apprentissage permanent et polyvalent.

Le savoir se fonde donc sur la pratique mais aussi sur la multiplication des interactions entre les membres de l’organisation, des confrontations qui sont sources de richesse puisqu’elles donnent à voir de multiples points de vue. Socialisation de la formation et socialisation de l’information et de la communication sont donc étroitement liées. En effet, comme l’explique Gilbert Probst « les interactions et les relations doivent être facilitées, pour que chacun soit en mesure de puiser les informations à leur source, les échanger, les interpréter et les utiliser ». Il parle ainsi d’« apprentissage interactionnel ».
La « socialisation des moyens d’information » va en effet être à la base d’un véritable partage égalitaire des connaissances et des compétences, développant dès lors chez chacun les capacités à prendre des décisions stratégiques. Conjointement, la « socialisation des moyens de communication », enjoignant chacun à s’exprimer, va leur permettre de prendre part activement à ces prises de décision stratégiques.
Socialisation du pouvoir, de l’information, de la communication et du savoir sont donc fortement imbriquées. Comme le soulignent Philippe Braud et François Burdeau, « le courant autogestionnaire porte une grande attention aux problèmes de la communication et de l’éducation pour assurer une participation réelle de tous aux processus décisionnels les concernant. Il s’agit de mettre sur pied une politique audacieuse de formation permanente [visant le] développement maximal et continu de toutes les potentialités humaines, elle est réputée directement porteuse d’un changement radical de la société toute entière, grâce à la formidable libération d’énergies créatrices qu’elle est censée permettre ».

Les bouleversements organisationnels liés à la socialisation des moyens de production et du pouvoir :
Ce partage égalitaire des moyens de production et du pouvoir entraîne deux principaux bouleversements organisationnels :
La remise en cause des formes organisationnelles centralisées :
La socialisation des moyens de production et du pouvoir entraîne en effet conjointement une socialisation des structures d’organisation que Rosanvallon définit comme « le renversement des conceptions pyramidales et élitistes pour une large circulation de l’information, par une décentralisation de sa production, par un travail permanent d’autoformation ». De centralisé et individualisé, le pouvoir d’organiser et de décider doit devenir décentralisé et collectif.
La socialisation des pouvoirs organisationnels et décisionnels bouleverse ainsi l’agencement hiérarchique des organisations visant à maintenir le pouvoir de certains sur d’autres (la domination de l’homme sur l’homme diraient les anarchistes). En effet, « on ne peut s’approprier collectivement des moyens de pouvoir dont la structure a été conçue pour opprimer ou diviser (…) Il n’y a donc pas d’appropriation véritable des moyens de pouvoir indépendamment d’un changement de leur structure ».
Aussi, « ce sont tous les fondements du système hiérarchique qui sont un obstacle au développement de l’autogestion » et qu’il faut chercher à modifier.
La remise en cause de la division du travail
Au premier rang de ces fondements du système hiérarchique, Pierre Rosanvallon place la division du travail et la hiérarchie des revenus qui sont « pour une large part le décalque de la hiérarchie des pouvoirs et des fonctions ».
L’autogestion cherche ainsi à modifier l’organisation hiérarchique en s’attaquant à ses fondements pour trouver de nouvelles modalités organisationnelles instituant une prise de décision collective et égalitairement partagée. Celle-ci ne peut s’obtenir qu’en distribuant au maximum les fonctions décisionnelles et organisationnelles à tous les niveaux de l’organisation. La « dissémination » de ces fonctions stratégiques s’obtient par :
La rotation des tâches et la polyvalence
Les entreprises autogérées évoquent souvent le principe de rotation des tâches et des fonctions comme étant à la base de cette révolution organisationnelle dépassant les limites de la division du travail. Proudhon recommande ainsi de faire parcourir à l’ouvrier la série entière des opérations de l’industrie à laquelle il est attaché pour qu’il acquière ainsi une vue synthétique du processus du travail.
Cependant, ce principe ne peut suffire à lui seul puisque, certes, le pouvoir « tournerait », mais continuerait à chaque fois à être accaparé par une seule personne, ou du moins un petit groupe d’individus, selon une logique privative et centralisatrice. Il semble donc nécessaire d’y adjoindre un autre principe qui est celui de la polyvalence et qui, à côté d’un pouvoir tournant, institue un pouvoir disséminé à tous les niveaux de l’organisation. Proudhon prône ainsi une éducation professionnelle « polytechnique ».
L’autogestion suppose donc « le difficile équilibre d’un système polyarchique de l’autorité en vertu duquel le pouvoir sera distribué de façon égale ».
La réconciliation entre pensée et action :
Cette rotation et cette dissémination des tâches permettent ainsi la réalisation d’un des principaux adages de la pensée anarchiste, à savoir la réconciliation entre intelligence et action, dont la séparation sous forme de « division scientifique du travail » semble être l’un des fondements des organisations hiérarchiques. Ainsi, l’autogestion « récuse catégoriquement la dissociation des tâches de préparation, conception, organisation, et de décision d’une part, et des tâches d’exécution pures et simples d’autre part », « elle est totalement incompatible avec une séparation de ces deux catégories » : « dans un système auto organisé, il n’y a aucune séparation entre ce qui organise, façonne ou dirige et ce qui est organisé, modelé et dirigé. Les aptitudes et les fonctions de façonnement et la direction d’un système sont réparties dans le système. La hiérarchie devient ainsi caduque » et s’y substitue un « principe d’hétérohiérarchie [où] tous les mécanismes de modelage et de direction pourront faire l’objet d’une discussion ».
Théorie autogestionnaire et nouvelles théories organisationnelles :
Deux perspectives « subversives » quant à la conception « classique » des organisations :
En effet, comme nous l’avons vu précédemment, l’autogestion est avant tout un mouvement d’idées qui se veulent en opposition avec les caractéristiques propre à cette sphère sociale et productive particulière qu’est l’ère industrielle et qui lui semble au fondement de la domination de l’homme sur l’homme : la propriété privée ; le centralisme ; l’autorité ; le pouvoir ; l’excès de rationalité économique ; les règles et normes définies de manière statique par les quelques personnes détenant le pouvoir (et qui parviennent à le garder grâce à ce monopole de la définition des règles) ; la division (entre conception et exécution, entre intelligence et action, entre les différentes dimensions de l’existence humaine).

Les nouvelles théories organisationnelles se développent elles aussi en opposition avec la conception dite « classique » de l’organisation, dont les chantres furent Taylor, Fayol et Ford. Cette « image » mécaniste de l’organisation fut en effet fortement remise en cause à partir des années 70. Les nouvelles conceptions qui se développement vont dès lors systématiquement dénoncer :
une conception mécaniste simplifiant les processus organisationnels complexes et dynamiques à une conception simpliste, réductionniste et statique, et engendrant un manque d’innovation, de réactivité, d’adaptabilité, d’engagement et de motivation au travail
une logique transcendantale centralisatrice à la recherche du « tout rationnel », du « tout prévisible » et du « tout calculable » inadaptée à un environnement de plus en plus complexe
une division du travail à l’origine de la perte de l’intelligence globale et du sens du travail
Une logique d’unification et de massification privant l’organisation de la richesse de la diversité

Théorie autogestionnaire et nouvelles théories organisationnelles se présentent ainsi profondément comme deux pensées contestatrices et subversives vis-à-vis des conceptions traditionnelles de l’organisation. Mais, au-delà de cet aspect critique, ce sont également deux corpus théoriques constructifs qui vont tous deux s’attacher à dessiner une nouvelle conception de l’organisation et des processus organisationnels fort similaire de par la place privilégiées qu’ils accordent aux activités informationnelles, communicationnelles et cognitives.
Une même « image » de l’organisation axée sur les activités informationnelles, communicationnelles et cognitives :
Nous allons ici passer en revue les principaux concepts fondateurs (des concepts qui ont tous pour point commun de valoriser la place des activités informationnelles, communicationnelles et cognitives au sein des processus organisationnels) des nouvelles théories organisationnelles pour mettre en évidence leur congruence avec la théorie autogestionnaire.
La coopération :
La thématique de la coopération dans les nouvelles théories organisationnelles :
Une observation attentive des nouvelles théories organisationnelles met en effet en évidence le passage de la problématique de la « coordination » à celle de « coopération », une thématique présentée comme un « enjeu central du développement des organisations ». Ce passage témoigne de l’importance désormais accordée aux relations interpersonnelles dans l’entreprise.
L’idée de coopération dépasse en effet le simple souci d’une coordination strictement matérielle et mécaniste des hommes et des compétences dont la logique était finalement d’ « économiser au maximum la communication inter-humaine » . Comme l’explique Thomas Coutrot : « l’exigence de coopération dépasse largement la seule question de la coordination. Il ne s’agit plus seulement de faire travailler ensemble efficacement des individus, la coopération requiert quelque chose de plus : une coordination qui passe par la bonne volonté des personnes, leur souci de l’intérêt commun, leur refus de profiter d’une opportunité individuelle au détriment du groupe, leur confiance que les autres en feront autant ».
Par ce passage de la coordination à la coopération, l’organisation des « ressources humaines » n’est désormais plus assurée verticalement par la hiérarchie mais horizontalement, par les « opérateurs » eux-mêmes, au travers des leurs interactions quotidiennes et grâce à leur capacité à élaborer un « accord social ». La coopération n’est ainsi plus assurée de « l’extérieur » (par la hiérarchie) mais devient immanente à l’activité de travail et en devient une composante clé. Par conséquent, « la relation avec les autres [devient] un élément originel, de base, et non quelque chose d’accessoire » installant « l’idée de communication, non plus à la périphérie mais au cœur même de l’activité industrielle ».
La coopération encourage ainsi une conception élargie de la communication qui « ne consiste pas seulement dans la transmission de messages, mais [qui], plus fondamentalement, consiste à se mettre d’accord à la fois sur des objectifs communs et sur les interactions entre activités que nécessite la réalisation de ces objectifs ». La communication vise désormais une véritable « compréhension intersubjective ».
La notion de coopération met ainsi en avant la dimension sociale de toute organisation, même entrepreneuriale et soumise aux lois économiques, au détriment d’une conception strictement mécaniste et fonctionnelle de l’entreprise : « la spécificité de la coopération est justement d’échapper à la rationalité instrumentale individuelle. On dira d’un comportement qu’il est coopératif s’il est soutenu par un autre type de rationalité, visant la satisfaction non d’un intérêt matériel personnel, mais la production ou la reproduction de ressources symboliques, par l’adhésion à des normes collectives ».
Cette notion de coopération souligne ainsi l’importance des interactions sociales et plus globalement du « savoir être », compétence désormais aussi fondamentale que le « savoir » ou le « savoir-faire ». Elle ouvre de ce fait la voie à l’expérimentation de nouvelles relations sociales reposant non plus sur la méfiance, la hiérarchie et les jeux de pouvoir mais sur la confiance et la réciprocité propres aux réseaux informels. Il s’agit en effet désormais de « limiter les rapports d’autorité et de contrôle, pour favoriser les synergies et dynamiques créatives qui se nouent autour d’un projet spécifique ».
La thématique de la coopération dans la théorie autogestionnaire :
La coopération est également une notion clé de la pensée autogestionnaire. On la retrouve ainsi chez plusieurs auteurs de ce courant, notamment sous le vocable de « l’entraide », comme par exemple chez Kropotkine. Dans Mutual aid, publié en 1902, il souhaite montrer que l’entraide est une donnée essentielle de la vie animale et humaine. C’est surtout en 1904 dans un long article pour The Nineteenth Century que Kropotkine théorise définitivement l’idée que l’aide mutuelle est le « premier principe d’évolution », permettant la réalisation d’une société harmonieuse. Ainsi, pour cet intellectuel, « l’entr’aide (...) combinée avec la large initiative laissée à l’individu et aux groupes» donna à l’humanité ses plus belles époques.
Un même appel à l’expérimentation de nouveaux rapports sociaux dans l’entreprise :
La thématique de la coopération encourage l’entreprise à devenir un véritable laboratoire social expérimentant de nouvelles formes de relations et d’interactions entre les individus qui la composent. Ce nouvel impératif de la coopération implique en effet l’expérimentation de nouvelles relations sociales qui désormais doivent se fonder sur la confiance, une thématique très en vogue dans les nouvelles théories organisationnelles.
Philippe Zarifian et Pierre Veltz constatent ainsi que « l’évolution du travail (…) résulte d’innovations organisationnelles « pures », portant notamment sur les formes de coordination des activités ».
L’expérimentation sociale est également au centre de la pensée autogestionnaire. Ainsi, plutôt que la révolution, Proudhon prône « l’association et la découverte, l’invention de nouveaux modes de relations sociales ».
Ces considérations ne sont pas sans rappeler les propos de Jacques Henri Jacot pour qui « la forme véritablement nouvelle d’organisation, celle qui procède d’un saut, d’une rupture, est la forme qui contribue au déplacement des rapports sociaux ».

Ainsi, tout comme l’autogestion le préconise, l’entreprise contemporaine doit être le lieu d’une « expérimentation de nouveaux rapports sociaux », une véritable « expérience sociale». Tout comme la théorie autogestionnaire, c’est donc bien à une « révolution sociale » dans l’entreprise que nous convient ces nouvelles théories, puisqu’elles proposent de dépasser les jeux de pouvoir et les relations de méfiance qui avaient cours jusque là dans les organisations au profit de nouvelles relations sociales basées sur le confiance, base de la coopération.
Les corollaires de la notion de coopération: les thèmes de la décentralisation, de l’autonomie, de la responsabilisation et la reconnaissance de l’efficience du système de contrôle autonome :
La notion de coopération a donc pour corollaire la décentralisation d’un certain nombre de prise de décisions ayant trait à l’organisation du travail, désormais dévolue aux « opérateurs » eux-mêmes. Cette logique de décentralisation est symptomatique du passage d’une logique transcendantale à une logique immanente permettant des adaptations « au plus juste » et en « temps réel », c’est-à-dire des ajustements au plus près du terrain et constamment renouvelés.
Cette nouvelle logique va ainsi encourager l’autonomisation et la responsabilisation des « opérateurs ».

Cette thématique de la décentralisation se retrouve au cœur de la théorie autogestionnaire. En effet, comme nous l’avons évoqué en première partie, l’autogestion repose sur la croyance en la capacité du collectif à se diriger par lui-même sans l’intermédiaire d’une hiérarchie. L’autogestion suppose donc un principe de décentralisation totale -un thème que l’on retrouve implicitement dans l’étymologie même du terme « anarchie » qui signifie « sans commandement » ou « sans autorité »- et conjointement sur une principe de responsabilisation et d’autonomisation de tous.
Un même appel au bouleversement des rapports interhiérarchiques :
Et c’est à une véritable révolution dans les rapports interhiérarchiques que nous conduisent ces nouvelles thématiques, enjoignant les uns à être plus responsables et autonomes et les autres à user de moins de surveillance, de contrôle et de procédures formelles.
Ce processus conduit en effet les travailleurs à développer une « nouvelle attitude (…) vis-à-vis du travail qu'ils ont à réaliser » : « une attitude de prise d'initiative et de responsabilité sur la situation qu'ils affrontent, et dont ils ont la charge en quelque sorte ». Initiative et responsabilité deviennent « le cœur du travail ». La décentralisation encourage en effet la « croissance des responsabilités individuelles à tous les niveaux ». « On constate [ainsi] une tendance de plus en plus répandue à substituer une définition par les objectifs à atteindre ou par les fonctions à remplir (définition laissant ouverte ou semi-ouverte la question du chemin à suivre) à la définition classique des tâches, ce qui revient à introduire une marge d’autonomie intrinsèque dans l’activité ».
Mais ces nouvelles thématiques encouragent également la direction et l’encadrement intermédiaire à développer une nouvelle attitude envers les travailleurs. Décentralisation, autonomisation et responsabilisation mettent en effet en avant l’existence mais surtout l’efficience d’un système de régulation autonome, et ouvrent ainsi la voie à la reconnaissance formelle du rôle profondément organisationnel de l’informel. Les activités informelles avaient déjà acquis une certaine légitimité avec la théorie de la régulation conjointe de Jean-Daniel Reynaud, mais « une chose était de [les] admettre plus ou moins tacitement comme nécessité de régulation, autre chose est de [les] réintroduire dans le modèle d’efficience lui-même ».
Elles sont désormais non seulement reconnues mais, plus encore, pleinement intégrées dans les stratégies organisationnelles. Comme le remarquent Anni Borzeix et Danièle Linhart, « les savoirs et savoir-faire [auxquels ont pourrait ajouter le « savoir-être »] jusqu’alors tacites, informels, non reconnus officiellement par l’organisation font figure, désormais, de ressources essentielles ». 
Les nouvelles théories organisationnelles mettent ainsi en avant la forte légitimation des formes de communication informelles qui auparavant était au mieux niées, au pire interdites. Ainsi, Alain Chanlat et Renée Bédard, s’interrogeant sur la manière de « gérer harmonieusement les flux de communication, condition indispensable pour canaliser les volontés et les intelligences vers la recherche de la performance », constatent que les groupes informels « devraient être, sur le plan des échanges, un merveilleux exemple à suivre. Tous les obstacles aux dialogues rencontrés dans les structures formelles sont inconcevables dans les groupes informels ».
L’effacement des frontières internes et externes de l’organisation:
La figure du « réseau » comme nouvelle modalité d’organisation entraîne un effacement des frontières liées à la multiplicité des interactions qui se développent à l’intérieur des entreprises mais également entre celles-ci et leur environnement. Sous l’effet de ces multiples interrelations, les frontières deviennent perméables, mouvantes et contingentes.
Comme l’explique Thierry Kirat : « les frontières de la firme s’estompent, aussi bien à l’intérieur (dans les cloisonnements entre divisions fonctionnelles, entre niveaux hiérarchiques) qu’à l’extérieur (mise en réseau des firmes, pratique du flux tendu…). Cette gestion des interrelations fait donc apparaître clairement la nécessité du façonnage de « nouvelles frontières » désormais plus invisibles et psychologiques que visibles et formalisées ».
Ainsi, si la notion de frontière perdure, elle ne doit plus prendre le sens de « limite », de « fermeture », mais bien plutôt de « point d’ancrage des relations qu’elle instaure avec son environnement ». Les frontières sont désormais plus symboliques, psychologiques que matérielles, géographiques. Elles bénéficient ainsi d’une plus grande souplesse.

Cette conception de l’organisation brouillant ses frontières tant internes qu’externes se retrouve dans la théorie autogestionnaire :
L’idée d’effacement des frontières internes de l’entreprise renvoie à la logique de polyvalence et de rotation des postes, à la base de la dissémination du pouvoir organisationnel et décisionnel dans l’organisation autogérée.
L’idée d’effacement des frontières entre l’entreprise et son environnement renvoie quant à elle au fédéralisme proudhonien. Cette idée préconise le développement de relations, non de subordination mais de coopération, entre plusieurs unités autonomes de petite taille, comme nous l’avons évoqué en première partie. Ces unités ne sont ainsi plus fermées sur elles-mêmes, bien au contraire, elles vivent en partie grâce aux relations qu’elles entretiennent avec leur environnement. Mondragon, fédération basque de 218 entreprises regroupant plus de 70 000 travailleurs au sein d’une même structure pluraliste, illustre la faisabilité de cette idée proudhonienne.
L’intelligence :
L’intelligence est également devenue une thématique clé des nouvelles théories organisationnelles. En effet, l’entreprise, réclamant désormais des travailleurs autonomes et responsables, ne serait plus seulement à la recherche d’une « force de travail » mais également de « compétences cognitives ».
Ainsi, pour Jacques Henri Jacot, « le caractère le plus évident des formes nouvelles d’organisation est relatif à la prise en considération de la montée explicite de la connaissance, ou plus précisément de la cognition à tous les niveaux de l’activité productive : atelier, entreprise, système industriel ».
Les expressions telles que « organisation apprenante » ou « qualifiante » et « knowledge management » attestent du développement de ces nouvelles conceptions, plaçant l’intelligence au cœur des processus organisationnels et encourageant à faire de l’entreprise un véritable « lieu pédagogique ».

La théorie autogestionnaire accorde elle aussi une place centrale à l’intelligence. Les thèmes de l’éducation et du développement des potentiels y sont omniprésents car ce sont eux qui vont permettre de développer chez tous l’esprit critique indispensable à la remise en cause permanente de l’existant et à la recherche de l’innovant.

Mais c’est à une conception complètement renouvelée de l’intelligence que nous invite ces deux corpus théoriques.
En effet, dans ces deux corpus théoriques, l’intelligence ne se conçoit plus comme un attribut individuel mais collectif, une conception soulignant une fois de plus le rôle primordial que tiennent les interactions dans les processus organisationnels.
Cette nouvelle conception de l’intelligence met également l’accent sur son côté « pratique » (le « learning by doing »), réconciliant ainsi conception et exécution du travail.
Par conséquent, cette intelligence organisationnelle se conçoit également comme disséminée à tous les niveaux de l’entreprise, et non plus comme confinée au sommet hiérarchique.
Une intelligence collective basée sur la multiplication des interactions :
Les nouvelles théories organisationnelles sont fortement marquées par la figure du réseau, métaphore d’une organisation « aplatie » souple et réactive. Amblard, Bernoux, Herreros et Livian situent la première approche du concept de réseau dans les travaux menés par Howard Becker au début des années 80. Travaillant sur la production des œuvres d’art, il soutient la thèse selon laquelle « c’est le monde de l’art plutôt que l’artiste lui-même qui réalise l’œuvre ». Toute œuvre est donc le fruit d’une action collective qui met des acteurs en réseau et ne peut exister que dans ce réseau.
La notion de réseau part ainsi de l’idée que l’intelligence, la créativité, l’innovation sont fondés non sur le seul génie créateur de l’artiste ou du décideur, mais sur la mise en réseau de tous les acteurs. Il n’y aurait donc réellement d’intelligence que collective.
Sylvie Bourdin soutient la même idée en proclament qu’« on ne pense pas seul, pas plus qu’on ne travaille seul ». De même, pour Cornélius Castoriadis, « c’est de la folie que de prétendre à tout prix être sage tout seul ».

Cette conception collective de l’intelligence se retrouve dans l’idée autogestionnaire. C’est en effet une idée que l’on retrouve dans la notion de « general intellect » développée par Marx. Comme nous l’explique Paulo Virno, cette expression « contredit une longue tradition selon laquelle la pensée serait une activité isolée et solitaire, qui nous sépare de nos semblables, une activité intérieure, sans manifestations visibles, étrangère au souci des affaires communes (…) Marx pose l’intellect comme quelque chose d’extérieur et de collectif, comme un bien public » appelé à devenir « le ressort véritable de la production de la richesse ».

Cette nouvelle forme d’intelligence s’appuie donc, pour s’exprimer comme pour se développer, sur de multiples échanges relationnels. Les activités informationnelles et communicationnelles doivent désormais être sans cesse activées pour générer cette « saine émulation » dont l’entreprise a perpétuellement besoin pour se régénérer, c’est-à-dire s’adapter et innover.
Ainsi, « une autre logique de gestion des connaissances voit le jour » en réaction à celle purement instrumentale et mécaniste qui avait cours jusque là : « il ne s’agit pas ici de modéliser les connaissances mais plutôt d’organiser le dialogue (…) de favoriser le développement des liens interpersonnels, en escomptant l’apparition progressive de réseaux professionnels, au gré des affinités, des hasards, des pratiques quotidiennes », « il s’agit de passer d’une logique de gestion et de capitalisation des connaissances à la mise en place d’un environnement favorisant leur mobilisation ».
Jacques-Henri Jacot parle d’ « organisation interactive » au sujet des formes organisationnelles susceptibles de représenter une véritable « rupture ». Dans cette nouvelle perspective, l’ensemble des activités relationnelles sont désormais considérées comme des facteurs clés dans les processus organisationnels.

C’est également un des postulats de l’organisation autogérée. En effet, comme nous l’avons évoqué en première partie, l’organisation autogérée s’appuie sur une socialisation des moyens d’information et de communication encourageant tous les savoirs à se rencontrer pour s’enrichir mutuellement.

Le développement de l’intelligence collective au sein des organisations autogérées est également permis grâce à une organisation à taille humaine. L’une des limites souvent évoquée lorsqu’il est question d’entreprise autogérée met l’accent sur la taille forcément limitée de celle-ci. Cependant, il semblerait plus juste de comprendre cette limite comme une contrainte profitable. Cette taille réduite est en effet la condition même du développement de l’intelligence collective. En effet, celle-ci ne peut s’actualiser que dans des organisations dont la taille permet à la fois de dépasser la rationalité individuelle limitée et de contrer la loi d’unité mentale des foules (l’une et l’autre revenant finalement au même).

Ce souci de développer des organisations à taille humaine semble également caractériser les nouvelles théories organisationnelles qui encouragent la « déconcentration productive ». Thomas Coutrot constate ainsi que « le mot d’ordre n’est plus à la constitution d’immenses conglomérats diversifiés, mais au recentrage sur des métiers. »
Une intelligence pratique réactualisant la thématique de l’apprentissage :
Le développement de l’intelligence est également encouragé à fort recours de formations. Mais c’est également une nouvelle conception de l’apprentissage qui se développe. Celui-ci se conçoit désormais comme étant basé sur la pratique. L’intelligence se développe désormais « en situation ». L’entreprise devient un lieu d’apprentissage, un « lieu pédagogique ». Philippe Zarifian et Pierre Veltz insistent alors sur la nécessité de « sortir l’apprentissage et l’innovation de leur gangue fonctionnelle spécialisée pour en faire des processus actifs dans toute l’épaisseur de l’organisation ». L’activité professionnelle quotidienne doit devenir une « occasion d’apprentissage, d’enrichissement du répertoire d’actions efficaces, d’expérimentations».

Dans le même esprit, Proudhon souhaite renouer l’intelligence et l’activité, la pensée et l’action, notamment à travers ce qu’il nomme l’idéo-réalisme. Selon cette théorie, « toute idée a sa source dans un rapport réel révélé dans une action et perçu ainsi par l’entendement ». Dans La Justice (1858) il énonce que « toute idée naît de l’action et doit retourner à l’action, sous peine de déchéance pour l’agent ».
L’organisation autogérée s’appuie ainsi sur une « dynamique de la formation permanente et de l’autodidaxie pratiquée dans l’entreprise ».
La métaphore du cerveau et la métaphore holographique :
Lieu d’apprentissage, l’entreprise se pense désormais à partir du fonctionnement du cerveau. Comme en témoigne Gareth Morgan, il s’agit en effet de « se servir du cerveau comme métaphore de l’organisation » pour « permettre d’améliorer notre capacité d’organiser de façon à promouvoir l’action souple et créatrice ».
Ainsi, « le réseau neuronal et son architecture deviennent le modèle idéal de l’organisation de la production [en] multipli[ant] les communications et les connexions plutôt que les règles et les prescriptions ». Cette métaphore du cerveau appliquée à l’entreprise encourage donc une fois de plus à multiplier les activités informationnelles et communicationnelles.

Mais c’est à une nouvelle image du cerveau que nous convient les nouvelles théories organisationnelles. En effet, en règle générale, les gestionnaires et théoriciens ont réduit l’image du cerveau appliquée aux entreprises à l’idée d’un système nerveux central que représenteraient les unités centralisées de planification et de prises de décision. Leur rôle est ainsi de faire office de « cerveau », c’est-à-dire de « penser pour le reste de l’organisation, de diriger et d’intégrer toute l’activité de l’organisation ». L’activité cognitive de l’organisation était donc jusque là confinée au sommet hiérarchique de l’entreprise.
Les nouvelles théories organisationnelles développent une toute autre image du cerveau encourageant la création « de nouvelles formes d’organisation qui diffusent des compétences similaires à celles du cerveau à travers toute l’entreprise, plutôt que de les limiter à certaines unités ou parties ».
Cette nouvelle conception compare le cerveau à un système holographique : l’holographie (du grec holos qui signifie « entier » et graphein, « écrire ») est un procédé photographique inventé en 1948 enregistrant l’information d’une manière qui emmagasine le tout dans chacune de ses parties en disséminant cette information.
La métaphore holographique encourage ainsi à « concevoir une vision de l’organisation selon laquelle les capacités requises par le tout sont contenues dans chaque partie, permettant au système d’apprendre et de s’auto organiser ». Dans une organisation holographique, le tout est disséminé dans chacun des parties. Cette notion de « dissémination » n’est pas sans rappeler celle de « socialisation » que nous avons placé au fondement de l’organisation autogérée.
En effet, l’organisation autogérée s’appuie principalement sur la socialisation/dissémination des moyens de production et des pouvoirs décisionnels et organisationnels, elle-même permise par une socialisation/dissémination des moyens d’information, de communication et de formation. Cette socialisation des droits de propriété et des pouvoirs assure la dissémination du tout dans chacune des parties.

Ce qui fonde le caractère holographique du cerveau, selon Gareth Morgan, ce sont les multiples connexions entre neurones. La métaphore holographique participe donc elle aussi de cette nouvelle conception plaçant les flux de communication au centre des processus organisationnels, une conception que l’on retrouve dans la théorie autogestionnaire.

Gareth Morgan distingue deux principes clés au fondement des organisations « holographiques » :
Introduire le tout dans les parties par un principe de « redondance » 
La redondance renvoie à un surplus de capacité permettant de créer une marge de manœuvre pour réfléchir, remettre en question et, éventuellement, modifier les modes de fonctionnement.
Il s’agit d’ « ajoute[r] des fonctions à chacune des parties, de sorte que chacune peut accomplir toute une gamme de fonctions au lieu de se contenter d’une seule activité spécialisée. Les membres acquièrent des compétences multiples de sorte que chacun puisse faire le travail des autres et se substituer à eux si besoin est ».
Le principe de redondance préconise ainsi la diffusion des compétences à tous les niveaux de l’organisation et consacre dès lors la fin de la division horizontale et verticale du travail par le développement de la polyvalence (un principe que l’on retrouve dans la théorie autogestionnaire, comme nous l’avons déjà évoqué). C’est ainsi que les « capacités pertinentes pour le fonctionnement du tout » peuvent être intégrées dans chacune des parties de ce tout.
Formaliser au minimum l’organisation selon un principe de « spécification critique minimale » :
Ce principe s’oppose à la logique bureaucratique cherchant à définir « de manière très précise et très claire tout ce qui a trait à l’organisation » au risque de sa souplesse.
Ce principe préconise au contraire d’institutionnaliser au « minimum » les processus car les fonctions peuvent changer et se modifier selon les circonstances. Le processus organisationnel ne doit ainsi plus être basé sur des normes et standards définis une fois pour toutes mais sur les capacités d’apprentissage individuelles et collectives.
Les règles organisationnelles ne doivent donc plus être décidées par une seule personne, qui plus est éloignée du terrain qu’elle légifère, elles doivent émerger en situation au travers des multiples interactions qui relient les acteurs de terrain, interactions à l’origine des capacités cognitives de toute organisation. Une fois enactées, ces règles ne doivent pas être formalisées, institutionnalisées pour pouvoir rester changeantes au gré des contingences dans un souci de réactivité et d’adaptabilité. Elles doivent pouvoir être réinterprétées continuellement au regard des situations nouvelles. On retrouve ici l’importance désormais accordée au système de régulation autonome.
Le processus organisationnel, en devenant flexible, mouvant, en rééquilibrage permanent, peut alors prétendre à une meilleure adaptabilité.

L’on retrouve ces deux principes dans un texte de Proudhon, intitulé Idée générale de la révolution du XIXème siècle (1851), où celui-ci milite pour que le pouvoir soit le plus possible dissous dans le corps social et que les autorités centrales ne disposent que de prérogatives minimales.

Tout comme l’idée autogestionnaire le préconise, les nouvelles théories organisationnelles encouragent ainsi une dissémination, une distribution, une « socialisation » de l’intelligence organisationnelle et de la prise de décision (qui désormais doit de plus en plus se faire en situation). Les compétences décisionnelles, organisationnelles ne doivent plus être exclusivement détenues par le sommet hiérarchique mais se disséminer au sein de l’entreprise. Ainsi Richard Déry préconise d’étendre les activités propres aux gestionnaires (c’est-à-dire les rôles interpersonnels, informationnels et décisionnels) à l’ensemble des membres de l’organisation. Ces compétences étant au fondement du pouvoir et des formes hiérarchiques, leur « socialisation », c’est-à-dire leur dilution dans l’organisation, entraîne nécessairement un bouleversement des structures organisationnelles qui d’hétérogestionnaires, semblent devoir devenir autogestionnaires. De pyramidale, l’entreprise devient fractale/holographique.
Vers une conception plus anthropologique et moins mécaniste des processus organisationnels en entreprise :
La « culture d’entreprise » :
Mais l’organisation holographique ne renvoie pas seulement à des aspects matériels, structurels, fonctionnels ; elle renvoie également à des aspects symboliques. Ainsi, une organisation devient réellement holographique « lorsque chaque employé partage ce sentiment d’appartenance à un tout » permettant ainsi d’assurer sa cohésion. Gareth Morgan présente ainsi la « culture d’entreprise » comme un « potentiel holographique ».

Cette thématique de la « culture » d’entreprise n’est pas nouvelle. Elle a donné lieu à un véritable engouement managérial dès le début dans années 80, notamment à la suite de l’ouvrage de Peters et Waterman intitulé Le prix de l’excellence. Cet engouement perdure aujourd’hui car c’est à un véritable bouleversement conceptuel que nous invite cette notion : l’accent n’est désormais plus seulement mis sur la nécessité de s’accorder sur des procédures matérielles de travail mais également sur des valeurs. Cette thématique ouvre ainsi la voie à une certaine anthropologisation de l’entreprise, où les dimensions symboliques de valeurs, de croyances et de rites étaient auparavant déniées au profit d’une conception purement économique, mécanique et fonctionnelle/instrumentale des organisations artefactuelles. La notion de culture donne donc à voir l’entreprise non plus comme un agrégat d’individus guidés par des intérêts économiques, mais comme une véritable communauté anthropologique cohérente et soudée autour de valeurs communes.

La « culture d’entreprise » va également jouer un rôle essentiel dans une organisation autogérée. En effet, l’implication et l’adhésion naturelle et spontanée de ses membres va participer de la socialisation du pouvoir. Ainsi, lorsque la culture commune est forte, l’adhésion et l’implication « ne nécessite aucun effort de la part de l’organisation pour obtenir l’intégration souhaitée », « quand le système idéologique est puissant et fort, les systèmes de contrôle ne sont plus nécessaires ». Ainsi, « une idéologie forte et puissante a un effet considérable de nivellement du pouvoir dans la coalition interne. Comme tout le monde a le même système de croyances, tout le monde a la confiance de tout le monde en matière de prise de décision ». En adhérant aux mêmes croyances, « les membres de l’organisation partagent (…) en fait un ensemble de préférences pour des résultats organisationnels » : « alors qu’aucune autre personne n’oriente les autres vers la poursuite d’un but unique, tous le font spontanément parce qu’ils s’identifient à l’organisation et à sa mission ». « En partageant les croyances, tout le monde se partage aussi le pouvoir ». Ainsi, le partage d’une même culture cristallisée par l’organisation favorise la socialisation des moyens de pouvoir : « le pouvoir dans la coalition interne a tendance à être réparti uniformément quand il y a une idéologie forte et puissante ». Une forte culture organisationnelle semble donc essentielle à la mise en pratique de l’autogestion.
Et elle y est particulièrement forte. En effet, la « culture » de l’entreprise se nourrit ici directement des cultures personnelles : les principes de fonctionnement de l’entreprise (l’autogestion) réalisent en effet l’idéal sociopolitique des membres de l’organisation, ce qui engendre une pleine participation et implication de chacun par une identification presque totale à l’entreprise : « les agents internes ne se contentent pas d’accepter tout simplement les buts centraux, il les partagent ou les intériorisent comme s’il s’agissait de leurs propres buts personnels » .
Les finalités et les valeurs de l’organisation recoupant totalement les aspirations et l’idéologie ses membres, le tout se trouve ainsi disséminé dans chacune des parties qui se trouvent, elles mêmes, pleinement intégrées au tout.
La réconciliation des différentes sphères et l’idéal de « l’homme complet » :
La thématique de la « culture d’entreprise » est symptomatique d’un mouvement intellectuel qui cherche à dépasser les conceptions classiques positivistes, mécanistes et dualistes pour redécouvrir la complexité des processus organisationnels et des phénomènes sociaux.
Comme l’explique Jean François Chanlat : « En ayant installé l’économique, le nombre et la chose au centre de son univers, notre société semble en avoir oublié le reste, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas réductible à une formalisation quelconque (…) [ainsi] de plus en plus de chercheurs remettent en cause cette conception instrumentale, adaptative, voire manipulatrice de l’être humain, s’interrogent sur les dimensions oubliées, se tournent vers d’autres disciplines ou d’autres perspectives théoriques. Ils cherchent à rendre intelligible l’expérience humaine et à la saisir dans toute sa complexité et sa richesse ». En effet, l’être humain est beaucoup trop complexe pour se laisser enfermer dans de telles conceptions « simplistes, mécaniques, instrumentales, élitistes, utilitaristes et universalistes ». La conception anthropologique de l’organisation qui émerge serait donc profondément liée au mouvement de complexification que suit le développement de nos connaissances.
Pour se faire, les théories organisationnelles semblent tout d’abord lutter contre l’éclatement des savoirs conduisant irrémédiablement à un éclatement de l’être humain en « occultant un grand nombre de dimensions humaines » pour retrouver une conception anthropologique des phénomènes humains et des processus organisationnels : « le moment est en effet venu de tenter de fonder une véritable anthropologie de l’organisation » visant à « réunir ce qui était jusque là séparé, mettre en évidence des dimensions largement oubliées, réaffirmer le rôle du sujet, de l’expérience, de la symbolique dans les organisations ».
Les nouvelles théories organisationnelles semblent ainsi militer pour la réhumanisation de l’entreprise, au travers d’une réhabilitation des dimensions psychologiques, relationnelles et informelles. Ces différentes thématiques sont présentent depuis bien longtemps au sein des théories organisationnelles, notamment depuis les travaux menées par l’Ecole de Relations Humaines. Elles continuent aujourd’hui à alimenter les recherches :
-les dimensions psychologiques sont omniprésentes chez un chercheur comme Christophe Dejours, représentant du courant de la « psychopathologie du travail » ;
-l’aspect interactionnel du travail et plus encore des processus organisationnels sont prégnants chez Philippe Zarifian et l’ensemble des travaux s’inscrivant dans la champ de la communication organisationnelle ;
-enfin, les dimensions informelles ont retrouvées leur lettre de noblesse depuis la théorie de la régulation conjointe de Daniel Reynaud.
Cette « anthropologisation de l’organisation » marque également une reconnaissance de l’affectif, bannie jusqu’ici des organisations. Philippe Zarifian dénonce ainsi la « fiction » qui consiste à croire en « l'existence d'un monde supra sensible », en la possibilité de « penser en dehors de tout affect ». De même, Christian Thederoz plaide pour que soit mis l’accent sur « le proche, l’affectuel, ce qui unit à un lieu de travail ». Jean François Chanlat souhaite lui aussi « revaloriser la vie intérieure, l’affectivité ».
L’affectivité est donc désormais considérée comme « une dimension incontournable des relations humaines ». Gilbert Probst constate ainsi que les « relations informelles, [les] émotions, [les] échelles de valeurs sont des phénomènes nécessaires et complémentaires à l’organisation formelle, mais le plus souvent considérés comme une source d’interférence et de perturbations aux mesures de structuration formelle (…) Il faut reconnaître la créativité des participants pour générer et construire les structures ». En effet, « La libération des relations interpersonnelles dégage des forces insoupçonnées d’imagination, de capacité d’expression, d’intelligence, de la capacité relationnelle jusqu’alors strictement conditionnées par la relation marchande ».

La pensée autogestionnaire s’oppose elle aussi à l’éclatement de l’être humain. Et elle aussi cherche à valoriser les « dimensions oubliées » des organisations humaines, présentées comme inutiles voire stigmatisées comme parasitaires pour l’activité productive, mais en réalité fondamentales pour la constitution sociale du collectif de travail.
Il semble en effet que l’un des objectifs majeurs de cette pensée particulière soit de retrouver l’ « homme complet » si souvent mis à mal par l’éclatement des sciences et par la division du travail. Ce concept d’ « homme complet » est en effet à la recherche de la « plénitude humaine originelle, d’un ordre cosmique et indifférencié », « d’une totalité perdue dans l’aliénation, la dispersion », la « séparation de la nature et de la culture, la séparation du sociale et de l’humain aboutissant à la spécialisation des diverses sphères d’activités » ; une totalité « qu’il s’agit de reconstituer, de reconquérir » .
Ainsi, le travail qui prend place dans une organisation autogérée allie tant l’intelligence que l’action, mais redonne également sa place à des activités qui étaient jusqu’ici totalement occultées, voire réprimées, dans les milieux professionnels alors qu’elles sont pourtant des dimensions incontournables des relations humaines : telles l’affectif, le ludique et le festif. « L’autogestion renverrait alors à un mode de régulation alternatif, plus affectif », elle étend à l’entreprise « des modes spécifiquement privés de régulation » , tolérant par conséquent « des fantaisies qui s’accommodent mal de la professionnalisation ».
L’entreprise autogérée se veut ainsi tout autant un espace de travail qu’un lieu de vie, elle refuse « d’établir une frontière imperméable entre le travail et les autres aspects de la vie, et les considère comme appartenant à un tout ». Pour que l’homme puisse réellement développer son potentiel et le mettre au service d’un collectif, il faut que chacune de ces dimensions puissent s’épanouir dans l’exercice de son travail. C’est ainsi que l’homme concret redeviendra un homme intégral au potentiel inépuisable.

Les nouvelles théories organisationnelles semblent s’engager dans une voie similaire. La « cité projet », décrite par Boltanski et Chiapello, est une bonne illustration de cette nouvelle conception des phénomènes organisationnels dépassant la séparation de l’existence humaine entre sphère privée, sphère sociale, sphère professionnelle et sphère publique. En effet, dans cette cité en émergence, « ce à quoi se mesure « la grandeur » des personnes et des choses est l’activité. Mais, à la différence de ce que l’on constate dans la cité industrielle, où l’activité se confond avec le travail, l’activité, dans la cité par projets, surmonte les oppositions du travail et du non-travail, du stable et de l’instable, du salariat et du non salariat, de l’intéressement et du bénévolat, de ce qui est évaluable en termes de productivité et de ce qui, n’étant pas mesurable, échappe à toute évaluation comptable ».

Ainsi, nouvelles théories organisationnelles et théorie autogestionnaire militent toutes deux pour la réhumanisation de l’entreprise, au travers d’une réhabilitation des dimensions symboliques, psychologiques, relationnelles, informelles et affectives et d’une réconciliation des différentes sphères de l’existence humaine. Les entreprises autogérées rompent ainsi avec une conception trop matérialiste et rationaliste de l’organisation ainsi qu’avec une conception par trop utilitariste voire manipulatoire de la communication, à l’instar du mouvement intellectuel qui caractérise l’évolution des théories organisationnelles et communicationnelles.

Cette anthropologisation de notre conception des processus organisationnels est aujourd’hui largement nécessaire. En effet, les principes holographiques qui guident désormais les processus organisationnels encouragent l’entreprise à se remanier en permanence. Face à ce perpétuel mouvement d’organisation/désorganisation/réorganisation, nécessaire à la souplesse adaptative de l’organisation, la stabilité que représentent des valeurs partagés et des relations interpersonnels fortes est indispensable pour assurer la cohérence et la cohésion d’un système en perpétuel changement.

Le changement permanent :
La thématique du changement est en effet devenue prépondérante aujourd’hui, comme en témoigne les nombreux travaux des théories organisationnelles focalisés sur la thématique du « renouvellement des formes organisationnelles », mais également la prolifération des cabinets de consulting proposant des prestations en termes de « conduite » ou d’ « accompagnement » du changement.
Philippe Cabin décrit ainsi de nouvelles « méthodes de managériales fondées sur le changement permanent »
Une conception processuelle, dynamique et évolutive des processus de l’organisation
L’organisation ne se perçoit donc plus comme un état stable mais comme un processus dynamique et évolutif en mouvement perpétuel, à la recherche d’une adaptabilité constante. Comme en témoigne Christian Le Moënne « l’organisation n’est pas un état mais un ensemble de processus perpétuels de rupture par rapport aux formes existantes et de recomposition des normes ».
Ainsi, à l’imitation de l’existant, à la répétition du même propre aux organisations institutionnelles, se substitue l’invention et l’expérimentation constante de formes organisationnelles innovantes qui ne doivent plus être conçues comme des modèles stables mais comme une succession évolutive de transitions organisationnelles, comme un processus permanent de désorganisation/réorganisation.

Cette caractéristique des nouvelles formes organisationnelles se retrouve dans la théorie autogestionnaire : en effet, « l’autogestion se définit comme un processus », c’est « un processus permanent, plus qu’un produit fini ou un résultat stable et intangible ».
Rosanvallon définit ainsi l’organisation autogérée comme une organisation « d’expérimentation, un laboratoire, un organisme vivant ». En effet, « une expérience d’autogestion ne signifie pas la résolution de tous les problèmes mais réclame un constant réajustement des objectifs sociaux et économiques dans le cadre d’une expérience sociale sans cesse corrigée et remodelée ». Ainsi, « des entreprises qui veulent s’appuyer sur des structures démocratiques sont des sociétés composées de structures, de règles de groupes et de valeurs qui ne sont pas données au départ, mais qui s’élaborent progressivement au cours de leurs fonctionnements quotidiens » et qui doivent inventer leur propre « régulation sans modèle à copier ».
Il est donc par définition impossible de « concevoir une autogestion programmée, modélisée, enfermée dans un carcan de recettes et de plans prévus à l’avance ». Processus organisationnel partant de la base, « la société autogestionnaire ne pourra être que mobile et diversifiée » .
On retrouve en substance les propos de Kropotkine : « Point d’immobilité dans la vie : une évolution continuelle ». Kropotkine nous donne en effet à voir une société reposant sur le mouvement et l’aménagement constant: « une telle société n’aura rien d’immuable, au contraire – comme on le voit dans la vie organique – l’harmonie sera la résultante d’ajustements et de réajustements, toujours modifiés, de l’équilibre entre la multitude de forces et d’influences » car « l’harmonie n’est pas une chose qui dure indéfiniment. Elle ne peut exister sans être constamment modifiée, sans changer d’aspect à chaque instant – parce que rien n’existe, ni dans la nature, ni dans les relations humaines, qui ne change à un moment ou à un autre ». Elisée Reclus plaide lui aussi pour une utopie non figée, évolutive, à l’image de la nature puisque « tout change, tout se meut dans la nature d’un mouvement éternel ».
On retrouve ici la notion de changement perpétuel, leitmotiv des propositions anarchistes (qu’ils développent généralement sous le vocable de « révolution permanente ») mais également des nouvelles théories organisationnelles.
Une redéfinition du rôle de l’ordre et du désordre dans les processus organisationnels :
Les nouvelles théories organisationnelles, combinant à la fois les thématiques de la culture et celle de l’innovation, de l’expérimentation et du changement permanent, pensent ainsi tout en même temps permanence et changement, stabilité et innovation, ordre et désordre, des phénomènes complémentaires et pris dans un seul et même mouvement organisationnel.
En effet, si l’ordre est nécessaire à la stabilisation de l’entreprise, les phases de désordre, de changement, d’innovation sont porteurs d’un potentiel créatif lui assurant une plus forte viabilité grâce à une meilleure adaptabilité.
Comme nous l’explique Gilbert Probst, les activités auparavant perçues comme des phénomènes de désordre, comme « l’improvisation, la perception et l’utilisation des opportunités, l’invention et l’expérimentation, les discontinuités, le doute et les perturbations », doivent désormais être considérées « comme source de création de l’ordre ». Il faut ainsi encourager les activités communicationnelles auparavant perçues comme « subversives » telles « l’autocritique, l’auto évaluation, la liberté, les débats et le traitement des questions nouvelles et inhabituelles », « la tolérance des conflits, de l’ouverture d’esprit, de la réflexion, de la critique, de l’expression de points de vue différents ».
Ainsi, les activités auparavant perçues comme sources de désordre sont aujourd’hui considérées comme des facteurs d’ordre, et, inversement, les activités auparavant perçues comme des variables d’ordre (la centralisation, la séparation entre exécution et conception, le one best way…) semblent être considérées comme des facteurs de désordre, tout du moins comme les sources d’une certaine sclérose menaçant l’adaptation de l’organisation.

Cette relation dialectique entre ordre et désordre se retrouve dans la théorie autogestionnaire, elle est même un principe central de l’anarchisme. En effet, pour Proudhon et Bakounine, « l'anarchie était à la fois le pire désordre et la pire désorganisation de la société et, suivant cette nécessaire révolution, la construction d'un ordre nouveau, stable et rationnel, basé sur la liberté et la solidarité ». Ainsi, si le désordre est inévitable, c’est avant tout dans le but de créer un nouvel ordre régénéré.
L’anarchisme incarne également, avec plus d’un siècle d’avance, le renversement actuel de la représentation traditionnelle des principes d’ordre et de désordre. En effet, pour la logique capitaliste ou bureaucratique le centralisme, la hiérarchie et l’autoritarisme représentent des facteurs d’ordre alors qu’ils sont des facteurs de désordre pour les anarchistes. Inversement, la créativité, l’imagination, l’innovation, voire l’irrationnel, sont des facteurs d’ordre pour ces derniers, mais de désordre pour les premiers.

La reconnaissance de la diversité et du pluralisme :
L’importance accordée aux dimensions collectives et interactionnelles des nouvelles organisations conduit nécessairement à la reconnaissance de la diversité des points de vue.
A l’homogénéité des points de vue qui caractérise la direction et les cadres intermédiaires, se substitue donc le pluralisme des informations, des connaissances et des idées qui émergent, circulent, se confrontent et s’enrichissent à tous les niveaux de l’entreprise.
Ainsi, Arlette Bouzon souhaite que soient considérés les « points de vue différents, voire contradictoires, émis par des personnalités d’horizons divers, avant de définir une stratégie ou de prendre des décisions importantes (…) [car] L’hétérogénéité et la diversité de vues induisent généralement une tolérance aux opinions diverses et une réceptivité accrue aux idées nouvelles, sources de créativité et d’innovation ». Serge Amabile défend lui aussi cette idée. Pour lui, « l’attention de l’organisation doit intégrer celle des acteurs [car] chacun différemment, complémentairement, à son poste, à partir de son expérience, de sa pratique, sait construire et donner un sens à des stimuli et conduit à rendre possible l’émergence de nouveaux comportements et de nouvelles connaissances dans l’organisation ».
Dominique Puthod constate ainsi le « passage d’une rationalité limitée conçue à l’échelle individuelle à une rationalité partagée conçue à l’échelle collective ».

La reconnaissance de la diversité tient également une place centrale dans la pensée autogestionnaire, une notion que l’on retrouve plus généralement sous le vocable de « pluralisme ». Proudhon présente ainsi cette notion, dans La guerre et la paix (1861), comme l’ « axiome de l’univers ». Son idée de "fédéralisme autogestionnaire" plaide ainsi pour une libération de l’homme par le pluralisme social : en effet, le fédéralisme substitue à l’unité partielle et statique imposée d’en haut, la diversité foisonnante et mouvante qui émerge du bas.
Conférant un droit (et peut être même un devoir) d’expression à chacun, l’organisation autogérée est forcément basée sur la reconnaissance du pluralisme. Sainsaulieu, Tixier et Marty définissent ainsi l’organisation démocratique comme une « structure complexe qui doit s’efforcer d’articuler la multirationalité que l’on rencontre nécessairement dès lors que l’entreprise donne la parole à tous ses membres ».

Cette reconnaissance de la diversité se retrouve également aujourd’hui chez des auteurs tels que Paulo Virno, Michael Hart et Antonio Négri qui placent la notion de « multitude » à la base des formes organisationnelles actuellement en émergence. Cette notion de « multitude » entretient de nombreux liens avec la théorie autogestionnaire. Pour Paulo Virno, cette notion de multitude renvoie en effet à « la pluralité, en tant que forme durable d’existence sociale et politique, par opposition à l’unité cohérente du peuple. La multitude consiste en un réseau d’individus fait de nombreuses singularités ». Cette définition de la multitude fait ainsi la conjonction entre le concept de pluralité développé par Proudhon et celui de réseau développé par les nouvelles théories organisationnelles.
Cette notion caractérisant les nouvelles formes organisationnelles semble donc faire revivre l’idée autogestionnaire. Sous la plume de Hobbes, la multitude renvoie en effet à une forme organisationnelle « réfractaire à l’obéissance » et à l’unité politique, la multitude « ne conclut pas de pactes durables, n’obtient jamais le statut de personne juridique parce qu’elle ne transfère jamais ses propres droits au souverain ». De même, pour Spinoza, « la multitude est la clé de voûte des libertés civiles ».
Une nouvelle représentation du travail cherchant à le revaloriser
Cette volonté de réhabilitation du travail n’est pas nouvelle : la prégnance du thème de l’élargissement et de l’enrichissement au sein des théories organisationnelles, ainsi que les nombreux travaux concernant la motivation au travail sont là pour en témoigner.

Toutefois, des auteurs contemporaines tels que Philippe Zarifian regrettent que le travail ne soit encore appréhendé qu’au travers d’une conception fonctionnelle (« raisonnant en terme de division du travail, de coordination, de contrôle, le travail est réduit à une fonction ou à un ensemble de tâches, empreintes de prescription, de reproduction et de performances ») ou selon une approche stratégique (« raisonnant en termes de domination, d’exploitation, de soumission »), deux conceptions réduisant « le travailleur à un automate ».

Ainsi, les auteurs contemporains semblent vouloir aller plus loin que les théories sur l’élargissement et l’enrichissement du travail en nous offrant une nouvelle représentation du travail qui n’est pas sans rappeler celle développée par la pensée autogestionnaire.
Le travail comme pouvoir d’action :
Philippe Zarifian propose ainsi « une autre vision mettant l'accent sur le pouvoir d'action, la capacité à donner du sens et l'engagement de la subjectivité. Le travail est d'abord exercice concret de la puissance de pensée et d'actions des individus ». De même, Négri et Hart réhabilitent le travail en le montrant « simplement comme le pouvoir d’agir ».
Cette nouvelle conception n’est pas sans faire penser au propos de Proudhon. Celui-ci définit en effet le travail comme l’action intelligente des hommes en société sur la matière, « la force plastique de la société ». Le travail est pour lui tout à la fois « générateur de l’économie, géniteur de la société, levier de la politique, source de la philosophie, mode d’enseignement, moteur de l’histoire, promoteur de la justice, réalisateur de la liberté, et auteur de l’émancipation de l’homme ».
La dimension créative du travail :
Pour Philippe Zarifian « Le travail est avant tout invention avant d'être imitation et reproduction ». Pour souligner cette dimension profondément créative du travail, Zarifian met l’accent sur la notion d’ « évènement », au cœur des nouvelles conceptions des activités productives : « l'importance de l'invention ne peux être pleinement comprise que si l'on fait intervenir le concept d'événement: travailler c'est s'affronter à des situations qui comportent du surprenant, de l'imprévu qui oblige à inventer, à initier une pensée et une action, en deçà de toutes les tentatives permanentes de standardisation et rationalisation ».
De même, pour Kropotkine, le travail permet de « donner à l’homme un exutoire pour ses impulsions constructives » . Mais la revalorisation du travail dans la pensée autogestionnaire fut surtout amorcée par Fourrier. Il est en effet considéré, à juste titre, comme le plus ardent défenseur du travail. Il souhaite faire de celui-ci une activité agréable et attractive en soulignant sont caractère hautement créatif.
Le travail comme outil d’émancipation :
La nouvelle conception que Philippe Zarifian développe du travail est clairement orientée, comme la pensée autogestionnaire, contre les phénomènes d’aliénation. Il précise ainsi que « l'aliénation ne consiste pas à s'affronter à de l'hétéronomie, à ce qui nous est étranger. Elle surgit par perte de sens, enfermement dans une routine dont on ne voit plus ce qu'elle apporte au vivre commun ». Le travail doit ainsi être considéré comme « source d'émancipation, grâce à la prise de parti et d'action concrète sur la vie sociale » qu’il permet.
De la même manière, Proudhon prônait un " travaillisme pragmatique" qu’il définit comme la réalisation de l’homme par l’homme grâce au travail.
Pour la théorie autogestionnaire comme pour les nouvelles théories organisationnelles, le travail ne doit donc plus être perçu comme une source d’aliénation mais comme un des premiers facteurs d’émancipation.

Ainsi, les nouveaux concepts qui sont au fondement des nouvelles théories organisationnelles entretiennent de nombreux liens avec la théorie autogestionnaire. Ces deux corpus théoriques ont notamment pour point commun de publiciser une « image » de l’entreprise valorisant la place des activités informationnelles, communicationnelles et cognitives.
Conjointement, ces deux corpus théoriques partagent également les mêmes « cadres épistémologiques ».

Des cadres épistémologiques similaires :
Pour penser le nécessaire « renouvellement » des formes organisationnelles, suite à la crise du taylorisme, les nouvelles théories organisationnelles vont s’appuyer sur des approches épistémologiques en rupture avec les approches dites « classiques » et « mécanistes », des approches que l’on retrouvent au fondement même de la théorie autogestionnaire.

Deux approches « systémiques » :
La notion de « systémique » émerge avec L. Von Bertalanffy et repose sur le principe suivant: tout système est un ensemble dont les éléments ne peuvent s'étudier isolément car ils sont en interactions ; et c’est bien leurs relations, et non leur simple agrégat, qui fondent l’existence du système.
En ce sens, la systémique s’oppose à l’ancien paradigme cristallisant des approches déterministes et mécanistes selon une méthodologie qui consistait à isoler les facteurs et qu’Edgar Morin définit comme « un paradigme de disjonction-réduction- unidimensionalisation ».
Dans la perspective constructiviste, le tout est alors plus que la somme de ses parties. Le système ne se réduit plus à la simple accumulation de ses composants, il est plus que la somme de ces derniers grâce aux interactions qu'ils entretiennent, des interactions qui jouent un rôle clé dans les processus organisationnels : celui de la régulation du système.

S’attachant à faire des activités relationnelles la base des processus organisationnels, les nouvelles théories organisationnelles s’inscrivent clairement dans une approche systémique.
De même, la logique collective au fondement du modèle autogestionnaire ne peut concevoir aucune organisation comme un système composé d’éléments isolés. Tout comme les nouvelles théories organisationnelles, non seulement l’autogestion reconnaît les interactions qui unissent ces différents éléments, mais, plus encore, elle encourage leur foisonnement. Cette volonté de n’isoler aucuns des « actants » de l’organisation se reflète dans son ardeur à lutter contre tout division abusive du travail et de l’existence humaine. Cette idée se reflète également dans la structure fédéraliste, associative et mutualiste que prône la pensée autogestionnaire.
Ainsi, pour les nouvelles théories organisationnelles comme pour l’autogestion, l’organisation est bien plus que la somme de ses parties puisque ce sont avant tout les interactions qui sont à la base des processus organisationnels. Plus encore, ces deux corpus théoriques postulent que chacune des parties de l’organisation est capable de concentrer le tout auquel elles appartiennent. Ainsi la partie est dans le tout qui est dans la partie.

Deux pensées dialectiques « processuelles » ou « continuistes » :
Les approches processuelles ou continuistes nous invitent elles aussi à dépasser les anciennes conceptions amenant à penser en termes dualistes et opposés. Les réflexions, théories et problématiques contemporaines nous invitent à penser les paradoxes, « les conflits, les oppositions, les contradictions [qui] sont au cœur de la dynamique historique ». Elles nous encouragent à penser les phénomènes que nous avions toujours conçus comme opposés d’une manière complémentaire.
Ainsi, pour Jean-Pierre Dupuy, « la base de la vie sociale est la dialectique. Il faut en être conscient, en tenir compte en construisant nos théories et non pas chercher à nier ou à supprimer un ou des aspects, comme la contradiction, de cette dialectique sociale ».
Roland Garcia définit la dialectique comme la « théorie de l’unité des contraires ». Ainsi, pour Jean Piaget : « il y a dialectique lorsque deux systèmes, jusque là distincts et séparés l’un à l’autre, fusionnent en une totalité nouvelle dont les propriétés les dépassent ». « L’essentiel de la dialectique consiste [donc] à découvrir ou à établir de nouvelles interdépendances entre systèmes ou sous-systèmes abusivement isolés et en particulier lorsqu’ils sont de sens opposés ».
Cette pensée continuiste propose ainsi de considérer que « l’univers est dans un état de flux constant où l’on trouve les caractéristiques à la fois de la permanence et du changement ».
Cette pensée dialectique semble prendre racine dans la pensée chinoise qui nous invite à prêter attention à l’ « enchaînement du manifeste et de l’inapparent ». L’alternance des phénomènes nous rend en effet sensible à leurs essentielles corrélations, corrélations également mises à jour par la systémique. Ainsi, comme le préconise la systémique, « on ne saurait considérer aucune réalité unilatéralement et individuellement, toute réalité ne s’appréhende qu’à travers l’analyse des rapports qui la relient aux autres et, par là même, la constituent ».
La pensée chinoise du « procès » nous invite également à dépasser la logique positiviste de l’ancien paradigme : normes et canons constituent en effet toujours par eux-mêmes une certaine fixation définitive, une immobilisation arbitraire (abstraite) du procès et ne peuvent donc en rendre compte. « Pas plus qu’il n’y a d’opposition tranchée, il en peut y avoir de position fixe et déterminée : ce que l’on tient communément pour vrai peut se révéler faux si l’on s’y attache de façon figée ».

Cette approche dialectique est clairement prégnante dans les nouvelles théories organisationnelles qui tentent de penser tout à la fois ordre et désordre, stabilité et changement, dimensions matérielle et symbolique, cohésion unitaire et diversité… Ainsi, les auteurs des « Nouvelles approches sociologiques des organisations » prônent une pensée qu’ils caractérisent de « métisse » et de « metis ». L’approche « métisse » est définie comme « tout ce qui peut contribuer à brouiller les frontières, les territoires, tout ce qui peut correspondre à des articulations improbables entre professionnels, entre services, entre organisations ». L’approche « métis » se caractérise quant à elle par « l’inventivité, la réactivité, le maniement de l’ambivalence » et développe « la capacité à s’adapter, à changer, à réagir, à provoquer, à comprendre, à jouer ». Ainsi, pour ces auteurs, « épistémologie métisse, méthodologie métis (…) seraient les nouveaux repères d’une sociologie des organisations ; ils contribuent à dessiner des contours qui nous paraissent devenir anthropologiques, si nous accordons à ce dernier la signification d’une science sociale englobant l’ensemble des sciences de l’homme ».

Cette pensée dialectique et processuelle se retrouve également dans la pensée autogestionnaire. La dialectique est en effet une thématique prépondérante chez Proudhon, que d’aucuns considèrent comme l’un des pères de l’autogestion. L’on retrouve ainsi dans ses textes, et tout particulièrement dans un de ces ouvrages les plus célèbres : La théorie de la propriété (1865), nombre de préceptes taoïstes : "le monde moral et le monde physique reposent sur une pluralité d’éléments; et c’est de la contradiction de ces éléments que résultent la vie, le mouvement de l’univers (…) Le problème consiste non à trouver leur fusion, ce qui serait la mort, mais leur équilibre sans cesse instable, variable comme le développement des sociétés".
Proudhon fonde ainsi ses analyses sur l’antagonisme autonomiste et l’équilibration solidariste qu’ils considèrent comme "la condition même de l’existence": sans opposition, pas de vie, pas de liberté; sans composition, pas de survie, pas d’ordre.
Il considère ainsi le monde et la société comme pluralistes. Leur unité est une unité d’opposition-composition, une union d’éléments diversifiés, autonomes et solidaires, en conflit et en concours.
Ainsi, au paradigme binaire oppositionnel et réducteur qui semble privilégier certains aspects des phénomènes au détriment d’autres, la théorie autogestionnaire souhaite substituer le juste équilibre entre ordre et désordre, individu et collectif, pluralisme et cohésion, action et intelligence…
L’idée autogestionnaire et les nouvelles théories organisationnelles ne souhaitent ainsi pas privilégier l’une de ses dimensions au détriment de l’autre car c’est « de la différence/corrélation [de ces couples à la fois antagonistes et complémentaires] que naît le grand fonctionnement du monde », que fleurissent les processus organisationnels.
Deux approches « constructivistes » :
L’approche constructiviste a été notamment développée et défendue par Jean Louis Le Moigne qui tente, lui aussi, de « proposer un paradigme épistémologique alternatif à l’épistémologie positiviste ».
Le constructivisme peut se définir comme une approche abordant la réalité sociale comme résultante de l’action des individus. Comme l’explique Jean Louis Le Moigne : « le réel existant et connaissable peut être construit par ses observateurs qui sont dès lors ses constructeurs ». De même, pour Paul Valéry : « Les vérités sont choses à faire et non à découvrir, ce sont des constructions et non des trésors ». Bachelard soutient également la même position en affirmant que « rien n’est donné, tout est construit ». Enfin, Simon défendit aussi cette théorie dans sa thèse d’Economie Politique soutenue en 1943 : « les organisations sociales ne sont pas des données, elles sont conçues ».
Les prémisses de l’opposition entre approche positiviste et constructiviste se retrouvent dans le débat qui opposa en son temps Platon et Protagoras :
Platon, notamment au travers de la célèbre allégorie de la caverne, nous invitait à nous défaire des apparences pour trouver l’immuable, le transcendantal, les lois universelles guidant l’homme, et plus généralement le monde, le cosmos. A la recherche de l’aïdos, la forme idéale, il proposa donc une approche positiviste de la réalité.
Pour Protagoras et les sophistes, bien au contraire, il n’existe pas de lois universelles, transcendantales, et, pour eux, « l’homme est la mesure de toute chose ». Prônant une approche immanente, ils défendent l’idée selon laquelle il n’existe pas de chose en soi indépendamment de l’appréhension des individus. Ce n’est alors plus l’aïdos qu’il faut rechercher, mais le Kaïros (le moment opportun), en cultivant la Metis (l’intelligence de l’action).

La perspective constructiviste se retrouve dans les nouvelles théories organisationnelles, notamment au travers de la reconnaissance formelle et l’intégration stratégique du « système de régulation autonome » et qui renvoie aux règles inventées par les travailleurs au cours de leur travail selon une logique immanente.
Partant du principe que toute organisation doit être gérée par ceux qui y appartiennent et que chacun doit prendre part à la construction de la réalité dans laquelle il s’insère, la pensée autogestionnaire prend elle aussi largement partie pour l’approche constructiviste. Jean Louis Le Moigne et Daniel Carré définissent ainsi l’autogestion comme un appel « à construire son milieu de vie par autopoesis », comme une « autoconstruction du monde futur ».
L’approche constructiviste et la pensée autogestionnaire ont ainsi pour point commun de partir de la « base » pour penser les processus organisationnels.

Deux pensées complexes :
A l’instar de la systémique, ces différents cadres conceptuels ne sont pas à penser isolément, ils sont tous liés : chacune de ces théories renvoie aux autres théories tout en les affinant, nous offrant en quelque sorte un paradigme propre à la fois à élargir et à préciser nos connaissances, notamment dans le domaine des organisations.
C’est sous la plume d’Edgar Morin que l’on trouve une des conceptions les plus globales de ce nouveau paradigme qu’il nomme « complexe » et qu’il définit comme « un paradigme de disjonction-conjonction permettant de distinguer sans disjoindre, d’associer sans identifier ou réduire », un paradigme apte à penser les systèmes « complexes (…) faits d’éléments antagonistes qui n’en sont pas moins complémentaires tout en continuant de s’opposer l’un à l’autre ».
Le paradigme de la complexité permet ainsi de penser les interactions (comme le préconise la systémique) et les paradoxes (dans la droite ligne de l’approche dialectique), des éléments qui deviennent d’une importance capitale dans un environnement instable, incertain, en mouvement perpétuel…en un mot complexe, et qui encourage à l’innovation, à la créativité et à l’inventivité permanente de nouvelles pratiques pour construire/déconstruire/reconstruire des formes organisationnelles viables car adaptées.




Après avoir comparé nouvelles théories organisationnelles et théorie autogestionnaire, nous allons confronter ces nouvelles théories de l’organisation aux pratiques d’une entreprise autogérée. La dernière partie de notre travail sera donc consacrée à l’étude d’une organisation autogérée visant à mettre en lumière ses principes et pratiques communicationnels et organisationnels pour montrer leur congruence avec les nouvelles théories organisationnelles. S’esquissera alors, pour ses théories, un objet d’étude certes bien particulier, mais qui semble mettre en application l’ensemble des concepts dont elles sont porteuses.
Pratiques autogestionnaires et nouvelles théories organisationnelles :

Une des principales limites de cette études de cas doit dès à présent être soulignée : elle concerne le temps relativement court sur lequel s’est basée l’observation de cette entreprise autogérée (un mois et demi : de juin à mi juillet 2005). Cette étude de cas ne peut donc prétendre restituer l’évolution dynamique et évolutive de cette organisation, le changement permanent, la « révolution perpétuelle » dont elle fait l’objet, et qui est pourtant l’une des principales caractéristiques de l’idéal type autogestionnaire et des nouvelles théories organisationnelles, comme nous l’avons vu dans la partie précédente.
Cependant, cette étude s’attachera à mettre en lumière les principes, dispositifs et pratiques communicationnels et organisationnels de cette entreprise, aptes à permettre cette organisation intelligente et interactive, souple, flexible et adaptative, que publicisent les nouvelles théories organisationnelles.

Cette étude de cas tentera également de mettre en lumière une application pratique des approches dialectiques et systémiques et qui tente de concilier des phénomènes jusque là pensés séparément car appréhendés comme opposés : l’individu et le collectif, la cohésion et la diversité, l’identité et l’altérité ; l’informel et le formel ; l’ordre et le désordre ; la vie professionnelle, sociale et privée ; l’ouverture et la fermeture ; le matériel et le symbolique, l’économique/technique et le politique…

Enfin, cette étude aura également pour ambition de donner à voir au lecteur l’exemple concret d’un processus d’« anthropologisation » d’une entreprise, une entreprise où la rationalité économique n’est pas l’unique variable prise en compte et qui pourtant parvient à être « productive », en croissance régulière, génératrice de profits et créatrice d’emplois. En un mot, une entreprise qui réalise tant son objectif économique que son objectif social d’épanouissement et de socialisation de ses membres.

Une deuxième limite tient également à toutes les difficultés que recèle ce travail particulier qu’est l’observation et l’analyse d’un terrain empirique, une difficulté que nous avons déjà évoquée en introduction et que nous n’avons pas jugé nécessaire de développer à nouveau, mais que nous estimons tout de même indispensable de rappeler.
La Péniche : une entreprise autogérée :
Présentation de l’entreprise La Péniche :
Historique :
La Péniche a ouvert ses portes en 1995, suite au désir de quelques personnes de créer une entreprise selon des principes collectifs et démocratiques propres à la pensée autogestionnaire.
Cette entreprise vécut des premières années difficiles. En effet, l’équipe, composée à l’origine de 8 personnes, se trouva rapidement en conflit quant aux principes d’organisation qu’ils désiraient mettre en œuvre. Certains souhaitaient simplement créer un groupe d’intérêt économique de travailleurs indépendants, d’autres désiraient créer un véritable « collectif de travail », une entreprise qui ne se limite pas à un simple agrégat d’intérêts individuels. Dès les tous premiers mois, à la suite d’une importante scission d’un commun accord, l’équipe de la Péniche ne comptait plus que quatre salariés. Après deux années chaotiques, la Péniche, qui ne comptait plus que deux salariés, était en péril, l’activité étant de plus en plus faible.
Néanmoins, ces deux salariés décidèrent de persévérer et grâce à l’arrivée d’un contrat important (le revue « Association Mode d’Emploi » éditée par Territorial et qui reste à l’heure actuelle le premier client de l’entreprise), l’activité retrouvée ramena l’équilibre nécessaire à la stabilité de l’activité et permit ainsi l’embauche de nouveaux employés et le développement de l’entreprise.
Activités :
La Péniche est principalement une société de rédacteurs, le rédactionnel représente en effet 90% de l’activité de cette entreprise (d’où leur slogan : « notre métier c’est l’écrit »).
Cette entreprise travaille pour des clients qui partagent les valeurs qu’elle cherche à promouvoir. Le secteur associatif et celui de l’Economie Sociale et Solidaire représentent ainsi plus de 95% de son activité rédactionnelle.
Les membres de cette organisation réalisent des revues (comme « Association mode d’emploi ») ; des ouvrages (pour l’USGERES et Finansol) ; des brochures ; des guides techniques, juridiques et pratiques destinés aux associations ; des journaux mensuels (« la vie associative » pour la CPCA ) et trimestriels (‘Réciproque’ pour la mutuelle les Ménages Prévoyants », JPA ainsi qu’un journal vulgarisant l’information médicale pour ‘La Fondation Avenir’). La Péniche réalise également des lettres d’informations (« la lettre du crédit agricole » à destination des associations, « Echanges et équilibres » pour Finance et Pédagogie, la lettre d’information de l’UREI) ainsi que des sites Internet (le site du crédit mutuel de Bretagne, le site « educ-pop » de l’INJEP, le site de l’AVISE et d’Alpes Solidaires le site « insertion agglo » du PLIE de Grenoble ou encore celui des Ménages Prévoyants) et plus particulièrement de sites d’aide, de soutien et d’information à destination des associations (comme Associatis, ou Association Mode d’Emploi).
Outre ces clients devenus réguliers (80% de la clientèle est en effet fidélisée), La Péniche participe également de manière ponctuelle à la rédaction de différents ouvrages et à la réalisation de supports de communication (papier ou numérique) pour des événements ou manifestations. La Péniche sous-traite certaines de ses activités comme les travaux de maquette, d’illustration ou d’imprimerie.

Le chiffre d’affaires s’élève actuellement à 330 000 euros par an. Le chiffre d’affaires est en constante augmentation depuis plusieurs années. Cette évolution semble régulière, elle croît d’environ 10% chaque année. L’augmentation constante de l’activité conjuguée à une rentabilité stable (l’objectif n’est en effet pas l’accumulation des profits mais l’équilibre financier) permet ainsi à l’entreprise d’effectuer des embauches régulières (une par an en moyenne).

Un projet d’entreprise spécifique :
Cependant, l’objectif premier de cette entreprise n’est pas de faire du rédactionnel ou encore des profits, mais de créer une autre manière de vivre le travail et l’entreprise privée en « créant une organisation sans pouvoir, sans hiérarchie, collective et ayant pour but de travailler moins et plus agréablement ». Ainsi, « dans un projet autogestionnaire, le choix de l’activité économique dans une certaine mesure importe peu. Seule compte sa viabilité et son organisation en adéquation avec un fonctionnement autogéré ».
En effet, comme nous l’expliquent les membres de La Péniche, « au départ des entreprises autogérées il y a toujours une critique du fonctionnement des entreprises traditionnelles. Un système de trois facteurs apparaît comme injuste : l’inégalité (de l’argent), la hiérarchie (du pouvoir), la division du travail (de la compétence, de la spécialisation, de l’efficacité) ».
Regrettant « l’écart entre la pertinence de la critique du système libéral mondial, et la faiblesse des représentations du type de société souhaitée (fondée sur l’égalité, la coopération, la solidarité) », La Péniche, dans la lignée de la tradition autogestionnaire des « cités témoins », souhaite être un exemple concret de cette possibilité de « travailler autrement » et de vivre une autre relation avec l’entreprise privé. « Il ne s’agit plus de préparer un avenir meilleur, mais de vivre autrement le présent ».
Ainsi, La Péniche se définit bien comme une entreprise autogérée dans le sens où c’est l’ensemble du collectif qui a décidé du projet et des modalités pour y parvenir, le collectif a décidé lui-même de sa raison d’être, de ses finalités.
La notion de « projet » est prégnante dans les nouvelles théories organisationnelles et participe au renouvellement de l’ « image » de l’organisation. En ceci, La Péniche est porteuse de cette nouvelle « image » de l’entreprise et multiplie les analogies avec la cité-projet, caractérisant les nouvelles formes organisationnelles en émergence selon Luc Boltanski et Eve Chiapello.
Une entreprise ayant socialisé ses moyens de production :
Cette première partie sera consacrée à mettre en évidence l’application de ce que nous avons précédemment présenté comme étant l’un des premiers grands principes organisationnels de l’idéal type autogestionnaire : la socialisation des moyens de production, et plus particulièrement de la propriété de l’entreprise.
Ce terme de « socialisation » doit avoir une double résonance : il renvoie tout d’abord à une réappropriation des moyens de production par les travailleurs, et, conjointement, à un partage égalitaire de ces moyens de production entre ces travailleurs.
La socialisation de la propriété juridique de l’entreprise :
SARL à ses débuts, la Péniche est devenue une SCOP (société coopérative ouvrière de production) en juillet 2004.
Ce statut juridique particulier repose sur trois principes organisationnels censés garantir un fonctionnement collectif et démocratique de l’entreprise :
-égalité des droits des salariés selon le principe de fonctionnement « un homme = une voix »
-propriété de l’entreprise à ceux qui y travaillent
-reconnaissance d’un pouvoir qui ne soit pas seulement lié au capital détenu
Mais ces principes juridiques n’ont jamais guère influencé la possibilité pour les membres de la Péniche d’expérimenter « une autre manière de travailler » et de vivre l’entreprise privée. Le statut de Scop n’a effectivement fait qu’officialiser une certaine politique entrepreneuriale et une certaine idéologie qui était déjà effective dès la création de la Péniche. Ainsi, pour les membres de La Péniche, « le statut juridique ne fait pas l’autogestion. Celle-ci correspond d’abord à une pratique (…) C’est d’abord la pratique qui viendra garantir l’autogestion : tous les statuts juridiques sont corruptibles ». De même, pour Sainsaulieu, Tixier et Marty, « un fonctionnement collectif de travail ne peut être la conséquence automatique d’une structure formelle idéale. Mettre en place un collectif de travail implique en réalité que tous ses membres individuels trouvent la possibilité de devenir acteur dans le jeu des rapports sociaux qui en constituent le système vivant ».
Ainsi, comme le remarque Michel Lulek, « le statut ne fait pas tout le fonctionnement d’une entreprise. Ne connaît-on pas des SCOP qui fonctionnent comme les pires des entreprises classiques où le gérant est un vrai petit chef et où toutes les relations entre les salariés sont des plus inégalitaires ? N’y a-t-il pas des petites entreprises au statut de SARL où les rapports sont humains, où chacun peut prendre part aux décisions de l’organisation et où le projet est partagé et porté à peu près par tous ? ». En effet, « la démocratie telle qu’elle est comprise et appliquée dans les Scop est diverse, parfois contradictoire avec certains principes supposés de l’autogestion. La raison en est que leur raison d’être se fonde sur d’autres valeurs que celles de la stricte application de la démocratie ».
Par conséquent, les principes, pratiques et dispositifs de La Péniche sont quelque peu différents de ceux prônés par les SCOP puisque la Péniche ne tolère aucun poste statutaire qui différencierait les membres les uns des autres (ce qui n’est pas le cas dans la plupart des SCOP ou règne une certaine hiérarchie des postes et des compétences).
La socialisation de la propriété financière de l’entreprise : le partage du capital :
Dans une logique de réappropriation de l’outil de travail par les travailleurs, le capital de cette entreprise est exclusivement détenu, à parts égales, par ses salariés.
A l’origine, le statut de Sarl contraignit l’entreprise à un capital fixe. La part de chaque membre était alors de 5000 francs. A chaque recrutement s’effectuait une nouvelle répartition du capital, les salariés revendant alors un certain nombre de leurs parts à l’arrivant afin que la quotité soit respectée.
Le capital devint variable lors du passage au statut de Scop. Il est actuellement de 11 700 euros (9 X 1300 euros). La Péniche comptait 9 salariés-actionnaires, mais, suite à une embauche en avril 2005, en compte désormais 10. A chaque recrutement s’effectue un nouvel apport en capital d’un montant égal à celui détenu par chacun des salariés. Les nouveaux entrants apportent généralement leur capital sous forme de crédit sur leurs salaires à venir.
La socialisation des profits sous forme de salaires:
L’objectif de l’entreprise n’est pas l’accumulation des profits, mais bien plutôt l’équilibre financier permettant à chacun de vivre correctement de son travail. La grande majorité des profits dégagés par l’entreprise sont donc voués au paiement des salaires, une répartition qui se veut égalitaire. En ce sens, La Péniche appartient bien aux mondes des entreprises autogérées, qu’Odile Castel définit comme un «ensemble d’entreprises productives d’initiatives collectives (…) qui rémunère le travail de façon privilégiée par rapport au capital ».
Ainsi, à La Péniche, tous les salariés sont en CDI et il n’y a aucune hiérarchisation des salaires : chacun touche le même salaire horaire et est rémunéré selon le volume d’heures qu’il a effectué. Le salaire horaire a été collectivement fixé à un peu plus de 13 euros net de l’heure. L’ensemble des salariés de l’entreprise a en effet décidé de geler l’augmentation salariale à partir du moment où le salaire horaire a dépassé de 10% le salaire français moyen. Les excédents sont utilisés pour des activités non directement rentables mais qui participent à promouvoir les valeurs de l’entreprise et à faire vivre son « projet » (comme des projets de livres tel « autogestion mode d’emploi », des sites Internet tel « lieux communs » ou «autogestion.coop », ou encore la participation à des collectifs d’entreprises autogérées).
Comme l’activité croît régulièrement, les excédants favorisent également la création de nouveaux emplois, là encore l’entreprise choisit de privilégier le travail en non le capital.
La socialisation du temps de travail :
Chacun travaille le nombre d’heures qu’il souhaite en s’engageant sur une quantité d’heures et sur une durée. Cependant, la Péniche souhaite éviter, autant que possible, des volumes horaires trop élevés et ne délivrent pas de contrat au dessus de 30 heures. La moyenne de travail effectué est de 26 heures par semaine (chacun fait entre 20 et 30 heures par semaine). L’ensemble de l’équipe réalise ainsi l’équivalent de 8 temps plein à 35 heures en salariant une dizaine de personnes.
Les membres de La Péniche travaillent donc moins que la plupart des salariés car ils souhaitent travailler « dans des conditions moins stressantes, sans se laisser prendre ni dans l’engrenage de l’accumulation illimitée, ni dans le cercle infernal des besoins et du revenu ».
Le choix d’un temps de travail moins élevé que la moyenne poursuit un triple objectif :
-Travailler moins pour travailler moins (permettant à chacun de se réaliser dans d’autres activités, considérées comme toutes aussi importantes à l’épanouissement humain que le travail),
-Travailler moins pour travailler mieux,
-Travailler moins pour libérer des emplois (L’ensemble des heures de travail effectuées représente ainsi 8 temps plein mais permet en réalité à 10 personnes de travailler et de toucher un salaire leur garantissant un niveau de vie raisonnable).
Les salariés de la Péniche bénéficient également d’un temps de vacances plus étendu que dans les entreprises classiques : Le temps de travail étant annualisé par les salariés eux-mêmes et la plupart d’entre eux souhaitant avoir une dizaine de semaines de vacances par an, ils organisent leur temps de travail en fonction.
Les périodes et temps de congés sont choisis selon le taux d’activité prévu, pour éviter tout problème lié à une pénurie de main d’œuvre. D’ailleurs, les membres de la Péniche ont parfaitement intégré cette contrainte pouvant être source de nombreux dysfonctionnements organisationnels. En effet, il ne viendrait à l’idée de personne de poser des congés ou de refuser de les décaler lorsque l’activité est trop élevée.
Par ailleurs, le temps de travail n’est pas du tout appréhendé de la même manière que dans une entreprise classique : les salariés étant physiquement présents à la Péniche ne sont pas forcément toujours payés, chacun n’est payé que pour les activités productives qu’il fait réellement et qu’il consigne précisément sur sa « fiche horaire ». Ainsi, chacun s’auto contrôle en choisissant son temps de travail et en s’attribuant les horaires et les jours de congés qu’il souhaite. Cette liberté totale dans la gestion du temps de travail implique une forte intériorisation des contraintes internes et externes à l’organisation. Elle oblige chacun à une forte responsabilisation, leur permettant à la fois de jouir de plus de liberté (chacun étant son propre patron) mais d’être contraint à davantage de devoirs.
Par ailleurs, ces « fiches horaires » représentent un formidable outil de gestion. En effet, comme le remarquent les membres de La Péniche, « noter les détails de son temps de travail par types d’activités constitue un outil de gestion remarquable. Par journée, demi-journée ou au fur et à mesure des activités, chacun note sur une fiche le temps qu’il a consacré à telle ou telle activité. Cela permet :
-que chacun sache précisément le nombre d’heures qu’il a effectué et donc le salaire qu’il va percevoir.
-de savoir précisément, une fois les fiches regroupées et totalisées par type d’activités, le temps que prend chacun des travaux
-d’ajuster les tarifs et les devis en fonction des expériences précédentes ».


Mais, comme nous l’avons vu lors de l’élaboration de l’idéal type de l’organisation autogéré, les principes autogestionnaires ne peuvent se résumer à une simple socialisation des moyens de production. Ils doivent également nécessairement renvoyer à une socialisation du pouvoir décisionnel et organisationnel.
La Péniche : une organisation mettant en pratique les concepts des nouvelles théories organisationnelles :
Un exemple d’organisation holographique : la dissémination des pouvoirs organisationnels et décisionnels grâce à la dissémination des moyens d’information, de communication et de formation :

Cette partie nous donnera à voir l’exemple concret de la 2° caractéristique clé d’une organisation autogérée à savoir la socialisation des pouvoirs décisionnels et organisationnels basée sur une socialisation des moyens d’information, de communication et de formation, ainsi que les bouleversements organisationnels qui s’en suivent, à savoir la remise en cause des organisations hiérarchiques/centralisées et de la division du travail.
Cette partie nous donnera donc à voir comment la socialisation des moyens d’information, de communication et de formation entraîne conjointement une socialisation du pouvoir décisionnel et organisationnel et donc le passage d’organisation centralisée et hiérarchisée à une organisation autogérée.
Cette socialisation des moyens d’information, de communication et de formation est en effet un des principes organisationnels clés commun à la théorie autogestionnaire et aux nouvelles théories organisationnelles (quoique celles-ci parlent plus de « distribution », de « dissémination » ou encore de « dilution » que de « socialisation »).
Cette étude de cas nous montrera donc in fine une illustration concrète de la mise en pratique des nouvelles théories organisationnelles et des bouleversements organisationnels fondamentaux qu’elles impliquent.

La Péniche est en effet une parfaite illustration de cette socialisation/dissémination des moyens d’information, de communication et de formation et des bouleversements organisationnels que cette « socialisation/dissémination » entraîne.
Cette entreprise s’est ainsi dotée de plusieurs dispositifs organisationnels, principalement basés sur cette socialisation des moyens d’information, de communication et de formation, lui permettant de mettre en application les principes de la pensée autogestionnaire :
s’approprier collégialement et égalitairement la prise de décision
et amener cette prise de décision sur le lieu et le temps de travail pour réconcilier conception et exécution.
Elle est également une illustration concrète des bouleversements organisationnels qui s’en suivent :
la fin de la division du travail
et la remise en cause de la logique hiérarchique et centralisatrice

La socialisation du pouvoir organisationnel et décisionnel par la socialisation des moyens d’information et de communication
L’appropriation collective et égalitaire de la prise de décision : la réunion hebdomadaire :
La plupart des prises de décisions s’effectuent lors d’une réunion hebdomadaire à laquelle l’ensemble des membres doit assister. Cette réunion vise à passer en revue les dossiers pour juger de leurs avancées et analyser leurs éventuels problèmes (auxquels chacun tente d’apporter des réponses).
Cette réunion traite également de l’ensemble des sujets qui, cette fois, ne concernent plus l’organisation du travail, de l’activité productive, mais l’organisation de l’entreprise : questions financières, de gestion, de formation, de salaires…
Ainsi, chacun des dossiers client et des sujets organisationnels font l’objet d’une discussion collective où chacun est informé (ce qui lui permet d’avoir une vision globale de l’activité de l’entreprise et de son fonctionnement) et à laquelle chacun est appelé à participer. Cette réunion hebdomadaire permet donc la « socialisation de la communication », consistant à « élargir les lieux de production de l’information », que nous avons présenté comme étant à la base de la socialisation du pouvoir décisionnel et organisationnel.
Lors de cette réunion, la prise de décisions s’effectue par consensus. Celui-ci ne nécessite pas de vote, chacun cherchant à trouver le meilleur compromis possible au travers de la discussion. Au quotidien, les oppositions sont peu fréquentes et laissent généralement place à la convergence des idées et des opinions. Comme l’expliquent les membres de La Péniche : « l’organisation du travail quotidien nécessite de se réunir hebdomadairement, mais ne nécessite aucun vote. Les nécessités de travail et le sens des responsabilités de chacun suffisent pour que les choses aillent presque de soi. En ce qui concerne le fonctionnement général, les principes, on peut penser qu’un vote est nécessaire. Certains préfèrent le fonctionnement au consensus : tant que quelqu’un n’est pas d’accord avec une décision, on discute ; la décision n’est prise que lorsque plus personne ne s’y oppose totalement ». Le consensus est ainsi étroitement lié à l’activité communicationnelle et nécessite donc la socialisation de l’information et de la communication. Seule cette socialisation peut permettre l’élaboration d’un « consensus rationnel établi à la suite d’une discussion libre et franche entre partenaires réputés égaux, libres et capables de voir au-delà de leurs intérêts privés un bien commun dans lequel chacun trouve réellement son compte ».
La réunion se termine par la répartition des différentes tâches. Chacun se propose spontanément pour prendre en charge les dossiers qui l’intéresse le plus ou qu’il connaît le mieux. Chacun est ensuite libre de gérer son planning à sa guise, mais doit en rendre compte auprès du collectif en remplissant une fiche horaire.
Un prise de décision sur le lieu et le temps de travail : l’organisation spatiale en « bureau ouvert » :
Cependant, la prise de décision concernant l’organisation du travail et de l’entreprise s’effectue également au jour le jour.
En effet, l’ensemble des membres de l’entreprise travaille dans le même espace, sans aucune cloison. L’absence de démarcations spatiales permet ainsi la multiplication des contacts, relations, échanges… en un mot de l’ensemble des activités communicationnelles ouvrant la possibilité d’un décloisonnement des tâches. Ainsi, à la moindre hésitation ou au moindre problème, chacun n’hésite pas à interpeller ses collègues pour bénéficier de ses idées ou de ses connaissances.
Par conséquent, l’organisation en « bureau ouvert » permet un ajustement permanent de l’activité et une réorganisation constante de l’entreprise.
La multiplication des interactions, loin d’être considérée comme une perte du temps, est ainsi perçue comme une activité productive clé participant au bon fonctionnement de l’entreprise, au rendement de l’activité et à la qualité du produit. L’organisation en bureau ouvert permet ainsi cette « socialisation de l’information », permettant de disséminer l’ensemble des informations pertinentes à tous les niveaux de l’organisation.
Cette pratique permet également une formation réciproque régulière : chacun apportant ses compétences au secours des autres en matière d’informatique, de mise en page, de maquette, de veille informationnelle…
Il est cependant nécessaire de noter que l’agencement en bureau ouvert n’engendre pas automatiquement un foisonnement d’interactions, il créé simplement les conditions propices à leur développement.
Les bouleversements organisationnels concomitants à cette « socialisation » :
La fin de la division du travail et la socialisation de la formation :
une prise de décision collégiale et à un travail collaboratif, base de l’ « intelligence collective » :
La multiplicité des points de vues qui s’expriment à chaque négociation (lors des réunions ou en situation de travail) permet ainsi de procéder à une évaluation plus complète de chacun des problèmes, certains étant plus sensibles aux aspects économiques, d’autres aux aspects logistiques, d’autres au bien être et à la joie que doivent procurer ces activités…
La prise en considération de l’ensemble des points de vue des membres d’une entreprise est également un principe organisationnel défendu par les nouvelles théories organisationnelles, comme nous l’avons évoqué précédemment, notamment au travers des travaux d’Arlette Bouzon.
Serge Amabile plaide ainsi pour le développement d’une « organisation attentive », dont l’une des difficultés sera de « de penser et d’imaginer de nouveaux processus d’incitation et de mobilisation afin d’utiliser l’ensemble des moyens de perception et d’interprétation de l’entreprise ».
Les pratiques et dispositifs organisationnels que développe La Péniche pour déployer l’intelligence collective et pratique de ses membres peuvent nous donner à voir un exemple concret de cette « organisation attentive ».

Non seulement la Péniche s’appuie sur une prise de décision collective, mais elle tient également à ce que l’activité productive soit tout aussi collégiale. Elle lutte ainsi contre une division du travail entre conceptualisation et exécution, mais également contre une division de la production en tâches et postes individualisés.
Ainsi, personne ne travaille jamais seul sur un dossier. Non seulement chacun apporte son aide et son avis, mais la Péniche pratique également l’écriture collective.
Les méthodes d’écriture suivent ainsi des principes collectifs impliquant plusieurs salariés mais également les clients. En effet, ceux-ci définissent le support de communication, les cibles auxquelles ils s’adressent, et éventuellement les sujets et la manière dont ils seront traités. Ils fournissent également les documentations utiles à la rédaction des articles. La Péniche est également libre de proposer des sujets. Ce sont généralement les rédacteurs qui choissent les angles des sujets en en discutant collectivement au cours des réunions hebdomadaires.
Si certains articles ne font pas l’objet d’une écriture collective, ils sont néanmoins réalisés par plusieurs salariés puisque chacun apporte les informations ou les éléments nécessaires à la rédaction des sujets. De plus, les articles font toujours l’objet d’une relecture par un ou plusieurs autres rédacteurs. Certaines relectures sont également confiées à des spécialistes (par exemple à un avocat lorsqu’il s’agit d’un article juridique commentant la création ou la modification d’une loi). La Péniche expose ensuite le travail réalisé au client qui effectue une dernière relecture et fait part de ses corrections.
Ces méthodes d’écriture collective participent à multiplier les échanges et les occasions de formations réciproques.
En outre, la prise en charge partagée des dossiers évite les éventuelles absurdités liées à la personnalisation des dossiers, et notamment les perversités de l’ « effet de gel » (notion de psychosociologie mettant en lumière les difficultés à remettre en cause ses décisions initiales), chacun participe ici aux décloisonnement cognitif des autres.
Ces pratiques permettent également un partage des risques : ainsi les problèmes clientèles ou les échecs ne se vivent pas seuls mais collectivement.

Un travail polyvalent et « complet »:
La gestion collective du travail et de l’entreprise et la conciliation entre prise de décision et exécution du travail passent également par une non spécialisation des postes de travail. Qu’il s’agisse de rédactionnel, de démarchage, de suivi des clients, de gestion ou d’administration, tout le monde est censé s’essayer à tout. « Sans tomber dans l’excès, [les membres de La Péniche souhaitent] développer une prise en charge collective des différentes tâches à effectuer. Ce qui implique que chacun s’intéresse à tout et se forme à toutes les tâches nécessaires au fonctionnement de l’entreprise. Il faut essayer de diffuser par la formation et le travail à plusieurs la maîtrise des enjeux de chaque tâche [pour] éviter que ne se dessine une hiérarchie insidieuse derrière la hiérarchie des compétences ».
Cette polyvalence est obtenue par la formation à toutes les fonctions que recèle l’entreprise et grâce à un principe de « postes tournants ». On retrouve ici le principe de « redondance », au fondement de l’organisation holographique publicisé par les nouvelles théories organisationnelles, où le tout est inscrit dans chacune des parties.
Le partage des compétences et la non spécialisation du travail poursuivent plusieurs objectifs :
-« Toucher à tout »  permet d’avoir une vision globale de l’entreprise (la spécialisation entraînant un cloisonnement de l’activité et de la compréhension que chaque salarié en a : chacun dispose ainsi des informations essentielles pour participer à l’organisation et à la gestion de l’entreprise, et pour s’y impliquer pleinement.
-Le partage des compétences permet ainsi de rendre effective la participation au travers du partage du pouvoir et des décisions.
-De même, chacun est censé pouvoir faire face au moindre problème qu’il rencontre, quel que soit le domaine de l’entreprise ou de l’activité concerné.
En outre, tout le monde ayant les mêmes compétences, personne n’est indispensable, ce qui évite les problèmes organisationnels liés à l’absence ou au départ d’une personne, ainsi que les éventuelles « prise de pouvoir ».
Cette « dissémination » des compétences permet ainsi à l’entreprise de jouir de plus de souplesse et de flexibilité tout en luttant contre les principes hiérarchiques.
Le partage de l’information au travers de la non spécialisation des postes permet également de créer un langage commun (chacun disposant des mêmes informations) qui favorise l’entente et le consensus lors des négociations.
Mais dans la réalité, on constate une certaine spécialisation des tâches. En effet, certaines activités, comme la gestion ou le démarchage client, ne sont assurées que par un seul ou par quelques employés. Cependant chacun des salariés a reçu une formation à la gestion (assurée par un de leur collègue) et chacun à également la possibilité de faire du démarchage et de la relation clientèle.
Ainsi, à son arrivée, chacun reçoit une formation interne aux domaines qu’il maîtrise le moins. Progressivement, son activité le portera vers les tâches qui lui conviennent le mieux et qui lui apportent le plus de plaisir. Ainsi, l’objectif est que « Chacun [fasse] plus ce qu’il aime et se contraint à faire un minimum de ce qu’il n’aime guère ».
Ainsi, à La Péniche, ce n’est pas aux salariés de s’adapter à un poste prédéfini, contrairement aux entreprises hétérogérées où « les postes de travail sont installés en fonction de normes correspondant à un individu abstrait, à une moyenne statistique et ne tiennent en aucune façon compte des spécificités des uns et des autres ». Les salariés parcourent l’ensemble de la « chaîne de production », et choisissent l’activité qui leur convient le mieux quant à leur à leurs connaissances, mais également quant aux compétences qu’ils se découvrent en situation de travail, et peut être surtout quant à leurs aspirations.
Les formations se font donc essentiellement en interne et tentent d’apporter un maximum de savoir et de savoir faire nécessaires au bon déroulement du travail mais aussi au bon fonctionnement de l’entreprise : Ceux qui n’ont guère l’expérience de l’écriture d’articles (qui n’est pas la première compétence recherchée lors d’un recrutement) sont formés à la rédaction. Chacun essaie également d’apporter aux autres un maximum de données sur le milieu associatif et le secteur de l’économie sociale et solidaire. Chacun est ainsi formé à un métier/une activité (la rédaction) et à un secteur de spécialisation (l’associatif et l’Economie Sociale et Solidaire). Chacun maîtrise ainsi la forme et le fond des articles qu’il est amené à rédiger au quotidien. Est également enseigné un mode de travail particulier : l’écriture collective. Des formations à la comptabilité et à la gestion permettent ensuite à chacun d’être initié à la gestion d’entreprise. Certes, « tous, dans la structure, n’attei[gnent] pas un degré de compétence complet sur les outils de suivi de gestion. Ce serait idéal, mais c’est rarement le cas. Pourtant l’un de ces outils doit être compris et intégré par tous pour un bon fonctionnement autogestionnaire. Il s’agit de l’exploitation. C’est l’outil qui est le reflet le plus complet de l’activité économique de la structure et de sa viabilité fondamentale. Il est donc impératif que tout le monde le comprenne ». Enfin, on laisse progressivement les salariés gérer la relation clientèle des dossiers dont ils ont la charge. Chacun se forme alors de lui-même et en pratique à la gestion de l’environnement de l’entreprise.
Chacun est donc formé à toutes les activités qui prennent place au sein de l’entreprise et chacun possède l’ensemble des informations et des compétences nécessaires au fonctionnement global de la structure. On retrouve ici le principe de redondance des fonctions, à la base de l’organisation holographique.
L’extension et le renouvellement des compétences s’opèrent par l’arrivée régulière de nouveaux salariés (une embauche par an en moyenne), permettant à l’entreprise de bénéficier d’un nouveau vivier de savoirs et de savoir-faire.
L’entreprise apprend également beaucoup au contact de son environnement au travers de réseaux d’échanges d’expériences et de groupes de réflexion sur l’autogestion. Mais cette formation, si elle fait intervenir l’environnement de l’entreprise, peut toujours être qualifiée de « formation interne » car toutes ces entreprises appartiennent aux mêmes réseaux et surtout à un même monde : celui de l’autogestion.
Ces pratiques particulières de formation « interne » et réciproque marquent bien une socialisation des moyens de formation puisque chacun est à la fois simultanément formateur et formé.
La remise en cause de la logique hiérarchique :
A la Péniche, aucun des onze membres n’a le statut de « dirigeant ». Cette organisation s’attache en effet à fonctionner sans système de pouvoir : la prise de décision étant partagée et s’effectuant à l’unanimité, le pouvoir est partagé par l’ensemble des salariés.
Plus largement, l’entreprise étend ce principe à l’ensemble de l’entreprise, en refusant tout poste statutaire qui différencierait les membres les uns des autres.
Au niveau juridique, la Péniche est néanmoins tenue d’avoir un dirigeant. Pour dégager ce titre de toute tâche, fonction, place et symbolique particulière dans l’entreprise, c’est par tirage au sort qu’il est nommé et ce titre ne l’engage à aucune charge particulière, l’ensemble des responsabilités étant partagées. Pour preuve, tous les salariés ont une délégation générale de signature du gérant et peuvent ainsi remplir à tout moment ses fonctions, si nécessaire.
Ce tirage au sort à lieu tous les ans au mois de juin. Lorsqu’un des salariés a déjà été gérant, il est retiré du tirage au sort. Ainsi, chacun a été au moins une fois « gérant », et un nouveau tour a recommencé en juin 2005.
Ce tirage au sort est ainsi une procédure formalisée, toutefois elle ne correspond en rien aux procédures formelles classiques de désignation des dirigeants dont usent les entreprises hiérarchiques et capitalistiques. La part de hasard et l’absence de charge matérielle et symbolique qui accompagne cette désignation semblent en faire une procédure tout à la fois formelle et informelle.
Toutefois, on peut constater la mise en place d’une certaine « hiérarchie », mais les connotations habituelles de ce terme ne semblent pas appropriées à l’organisation politique et sociale expérimentée par la Péniche.
En effet, la prise de parole, permettant la participation aux décisions et donc à l’organisation de l’entreprise, n’est pas véritablement égalitairement répartie. Cependant cela ne tient à aucun facteur organisationnel : s’expriment peu ceux qui ne le souhaitent pas ou ceux qui n’ont rien d’utile à apporter aux discussions. Au delà de l’envie de prendre la parole ou de la pertinence des interventions, la Péniche est également consciente des différences psychologiques et culturelles entravant ou favorisant cette prise de parole. Comme l’expliquent les membres de cette entreprise, « par timidité, complexe, manque d’assurance ou tout simplement d’idées, certains ne prennent pas toute la place qu’ils pourraient occuper au sein du collectif. Ce n’est pas si grave tant que l’ouverture demeure et que la parole de la personne est constamment sollicitée par les autres et que ceux-ci ne finissent pas par prendre l’habitude de ne plus considérer la personne dans la discussion et la prise de décision. Mais il faut aussi que ce silence ne corresponde pas à un désinvestissement de la personne qui soit de fait un refus de la prise en charge collective en laissant aux autres le soin de régler les problèmes ».
On peut également constater que l’ancienneté, l’expérience ou encore le charisme influent sur la capacité et la possibilité de prendre la parole et d’être écouté, comme dans toute organisation humaine.
De plus, il faut souligner que si hiérarchie il y a, elle ne ressemble en rien à la structure pyramidale et rigide que l’on rencontre dans les organisations classiques sous la forme d’organigramme. En effet, à la Péniche, cette pyramide se décompose en deux lignes, de proportion quasiment égales : ceux qui sont le plus impliqués dans la prise de décision, et ceux qui tendent à suivre les résolutions qui se dégagent naturellement des discussions sans en avoir véritablement influencé le contenu (une proportion de « retraitistes » diraient Sainsaulieu, Marty et Tixier). En outre, les rôles ne sont pas statiques, ceux qui ne participent guère à certaines discussions peuvent s’investir davantage dans d’autres, et inversement. Ainsi, dans ce type de structure il n’existe pas un centre, mais plusieurs centres, qui plus est mobiles.
Ainsi, « même si les principes d’égalité sont clairs, il peut arriver que certains exercent une forme particulière de pouvoir sans forcément qu’ils le recherchent. C’est une objection classique au fonctionnement autogéré : l’émergence de leaders « naturels » au sein de tout groupe humain ». Cependant si ce phénomène d’ « émergence de leaders naturels» suit les principes de pluralité et de mobilité des centres, il n’est pas du tout incompatible avec l’idée autogestionnaire.
Enfin, le rôle que confère ce positionnement hiérarchique au sein de La Péniche ne ressemble en rien à celui qui a habituellement cours dans les entreprises classiques. Ce rôle témoigne d’ailleurs de la mutation du rôle de la hiérarchie qui s’opère dans les nouvelles théories organisationnelles. Ainsi, le rôle qu’endosse cette « hiérarchie » au sein de La Péniche multiplie les analogies avec celui du « grand » de la cité-projet qui « n’est pas seulement celui qui sait s’engager, mais aussi celui qui est capable d’engager les autres, de donner de l’implication, parce qu’il inspire confiance, que sa vision produit de l’enthousiasme, toutes qualités qui font de lui l’animateur d’une équipe qu’il ne dirige pas de façon autoritaire mais en se mettant à l’écoute des autres, avec tolérance, en reconnaissant et en respectant les différences. Ce n’est pas un chef (hiérarchique) mais un intégrateur, un facilitateur, donneur de souffle, fédérateur d’énergies, impulseur de vie, de sens et d’autonomie ». Ainsi, à la Péniche, acquiert un rôle « hiérarchique » celui qui fait pleinement vivre le projet.
Entre organisation formelle et informelle, entre ordre et désordre : les voies de la souplesse organisationnelle :
Comme nous l’avons vu, La Péniche dispose de dispositifs organisationnels formels de prise de décision, tels que la réunion hebdomadaire.
Cependant, la mise en trace, la formalisation des normes organisationnelles régissant l’organisation (tels que les règlements intérieurs, les chartes éthiques, les fiches métiers, les fiches ou plans de formation, les tableaux de bords…) reste une pratique peu développée dans cette entreprise. En effet, La Péniche souhaite ne pas « sombrer dans un formalisme excessif. D’autant plus qu’il ne protège que de peu de chose. Se réfugier, en cas de désaccord important, derrière des statuts qui ont tout prévu ne résout rien».
Ainsi, la communication écrite et la formalisation des normes organisationnelles semblent être réduites à leur strict minimum dans cette entreprise. Les seuls écrits concernant l’organisation du travail ou de l’entreprise circulant à la Péniche sont des documents concernant la gestion ainsi que les ordres du jour destinés à la réunion hebdomadaire.
Comme nous l’explique les membres de La Péniche, « le plus important n’est peut être pas les règles formelles de prise de décision mais l’information et la compréhension des problèmes. Pour prendre des décisions collectives et adéquates il faut que tout le monde soit au courant de tout et pense à tout. La circulation de l’information est donc fondamentale. Les réunions et leurs comptes-rendus y pourvoient, mais également l’échange dans le travail quotidien ».
Ainsi, à la formalisation écrite des règles organisationnelles se substitue un ajustement permanent par la communication orale.
C’est ainsi l’oral, et non pas l’écrit, qui est le mode de communication à vocation organisationnelle privilégié. C’est d’ailleurs le mode de communication le plus utilisé dans les entreprises généralement, même si elle n’y est pas toujours reconnue à sa juste valeur, et notamment dans sa dimension hautement organisationnelle. En effet, l’oral permet de diffuser un message en temps réel et de l’adapter à son interlocuteur en tenant compte de ses éventuelles réactions. L’oral est donc le mode de communication le plus approprié à la réalisation d’échanges et de feedbacks fructueux au niveau de la qualité, de la rapidité et de la pertinence de l’échange informationnel.
Cependant, cette communication souffre d’un défaut qui pose généralement problème dans les organisations : la nécessité de répéter le message pour le faire passer à l’ensemble des individus concernés. La Péniche dépasse cette carence grâce à l’agencement en bureau ouvert, qui permet non seulement de faire passer l’information à l’interlocuteur désiré, mais, en outre, permet à l’ensemble des membres de l’entreprise de bénéficier de cette information, renforçant ainsi les principes collectifs et démocratiques d’organisation.
Toutefois, il apparaît indispensable aux membres de la Péniche de « fixer clairement les règles de base du fonctionnement de manière à ce qu’elle soient compréhensibles et sans ambiguïté pour tous » et que tous saisissent le projet spécifique dont cette entreprise est porteuse. Mais « que ces règles soient écrites ou pas importent peu. Il suffit qu’elles soient suffisamment claires pour être écrites. Même si ces règles doivent pouvoir être modifiées ou souplement appliquées, il faut qu’elles soient « écrivables ». Cela ne nécessite pas d’écrire des règles en détail pour toutes les situations, réelles ou potentielles. C’est beaucoup plus souple que cela. Tout simplement parce que les quelques principes de base sont facilement clairs dans la tête de tous ».
Ces principes de base régissant l’organisation du travail et la gestion de l’entreprise sont ceux qui fondent le caractère autogestionnaire de cette entreprise, à savoir le partage, l’égalité et la coopération.
Ainsi, si un certain formalisme est nécessaire, celui-ci ne doit toucher que les grandes lignes de l’organisation (les principes fondamentaux qui structurent le projet d’entreprise) et ne pas s’attacher à spécifier précisément toutes les activités qui prennent place dans l’organisation. Comme les nouvelles théories organisationnelles le précisent, il s’agit de formaliser le but à atteindre tout en laissant au collectif le soin de définir en situation les modalités avec lesquelles il tentera d’atteindre cet objectif en tenant compte des contraintes internes et externes contingentes au moment où la prise de décision a lieu.
On retrouve donc ici le principe de spécification critique minimal, au cœur de l’organisation holographique, qui consiste à formaliser au minimum l’organisation pour développer l’apprentissage organisationnel, l’intelligence collective et pratique.
Ainsi, le fonctionnement concret de la Péniche nous donne à voir l’illustration parfaite de l’aspect organisationnel tant des processus formels que des processus non formalisés à l’avance. La Péniche met notamment en application les recommandations d’Anni Bartoli qui conseille de développer une formalisation souple qui ne doit pas toucher au contenu ni aux modalités des échanges mais qui doit simplement faciliter les communications en prévoyant des espaces et des temporalités à cet effet. Il s’agit alors de donner des cadres formels à l’informel, de développer des dispositifs formels permettant au processus informels de s’épanouir sans aucune retenue, et par là même de déployer tout leur potentiel organisationnel, tout comme la Péniche le fait avec par exemple les réunions hebdomadaire ou encore l’agencement en bureau ouvert.
Ainsi, une autre règle fondatrice de l’entreprise, et qui nous laisse entrevoir l’intérêt de faire des entreprises autogérées un sujet d’étude pour le champ de la Communication Organisationnelle, est celle qui consiste à « discuter » en permanence. C’est ainsi les activités communicationnelles et informationnelles qui sont au fondement du caractère adaptatif et flexible de ce type d’organisation.
Cette stratégie du juste équilibre entre le formel et l’informel permet en effet de faire de l’organisation de l’activité et de l’entreprise en général un processus en mouvement, inconstant, qui se doit d’être flexible pour faire face aux fluctuations tant endogènes qu’exogènes. La formalisation de la finalité du projet, mais la non formalisation précise des modalités d’organisation qui permettront de l’atteindre ; la formalisation des moments et des lieux d’échanges (qui sont au maximum élargis à la Péniche puisque tout est fait pour que tout le monde puisse parler continuellement à tout le monde), mais la non formalisation de leur contenu, permettent ainsi d’ouvrir cette entreprise à la complexité, à l’imprévisibilité, à l’incertitude, à l’aléa, au hasard (des variables tant porteuses de dangers que d’opportunités).
La Péniche nous montre ainsi concrètement que non seulement le désordre n’est pas un obstacle à l’ordre, à l’organisation de l’entreprise, mais qu’il peut être un facteur d’ordre ; de la multiplication des interactions (et donc de la complexité) naît un principe organisationnel flexible. La Péniche illustre ainsi le principe d’ « ordre par le bruit », développé par Henri Atlan et Van Forester, à la base du concept d’auto-organisation.
La place des NTIC :
Ainsi, les dispositifs organisationnels, informationnels et communicationnels mis en œuvre à La Péniche accorde un place privilégiée à la communication orale. Toutefois, ceci n’empêche pas l’utilisation de systèmes techniques d’information. Internet peut d’ailleurs être considéré comme un dispositif informationnel et communicationnel clé de l’entreprise.
Tout d’abord parce qu’il est essentiel à l’activité : en effet, nombres d’informations servant à la rédaction des articles sont recherchées sur le net.
Mais Internet est également un outil organisationnel : il permet en effet de nombreux échanges d’informations intra entreprise grâce à l’envoi d’e-mail (envoie d’informations, de documentations, d’articles à relire…). La Péniche utilise également le système des e-mails comme moyen privilégié de communication avec son environnement (clients, partenaires, sous-traitants…).
Enfin, Internet est utilisé pour communiquer avec deux des salariés détachés de la Péniche parisienne mais y participant pleinement grâce au système de « webcam ». Ils sont en effet constamment reliés par caméra et haut parleur tout le long de leur temps de travail. Les systèmes techniques d’information ont ainsi une vraie vocation organisationnelle à la Péniche puisqu’ils permettent la création d’une entité virtuelle outrepassant les contraintes spatiales.
Malheureusement ce système technique semble souffrir de nombreuses lacunes : la communication est mauvaise, nécessitant des répétitions, et parfois inaudible. Cette barrière technique peut ainsi jouer sur la capacité et la possibilité de prendre la parole ou d’être écouté. De plus elle influe sur la possibilité de se faire tout simplement comprendre ou de comprendre ses interlocuteurs.
En outre, ce système d’organisation pose le problème bien plus important (la technologie pouvant toujours s’améliorer) de l’aspect humain du travail si essentiel à la Péniche. En effet, l’impossibilité d’être réellement en présentiel et de vivre pleinement l’ensemble des rapports sociaux qui prennent place dans l’entreprise peut influencer sur le sentiment d’appartenance et jouer sur l’implication dans le collectif comme dans l’entreprise. La médiation des systèmes d’information dans les communications interpersonnelles prive ainsi les relations d’une certaine humanité. La Péniche semble d’ailleurs s’être trouvée confrontée à la nécessité d’humaniser au plus vite ces systèmes en affublant les web-cams de traits anthropomorphiques. Plus sérieusement, Il était question, dès juin 2005, de rapprocher ceux deux salariés dans une même entité, une « Péniche bis » appelée à devenir autonome, qui leur permettra de jouir d’un véritable collectif de travail, un rapprochement qui s’est effectué dès la rentrée 2005 et qui a depuis embauché une nouvelle personne.

Un exemple d’ « anthropologisation » de l’entreprise :
Pluralisme, diversité et cohésion :
Dans l’idéal type autogestionnaire que nous avons élaboré précédemment, nous avons définis les organisations autogérées comme de « petites communautés autonomes respectueuses du pluralisme des éléments qui la constituent ». L’importance accordée au pluralisme et à la diversité des éléments constitutifs du collectif place directement l’idée autogestionnaire face à la problématique de la conciliation dialectique entre individu et collectif, entre pluralisme et cohésion.
Des profils similaires
Au premier abord les membres de la Péniche ont des « profils » fortement similaires : ils sont en majorité célibataires, ils habitent dans l’est parisien, ils se réclament du courant d’extrême gauche sans spécifier un parti particulier apte à refléter leurs pensées. En outre, ils sont tous originaires de France. Même leurs parcours scolaires se rejoignent (quelle que soit la génération à laquelle ils appartiennent) : ils sont en effet une majorité de Bac + 4 en Sciences Humaines et Sociales et particulièrement en Histoire (excepté Olivier qui n’a pas fait d’études supérieures).
Cette homogénéité semble d’ailleurs jouer sur la capacité et le sentiment d’intégration : Au moment où se déroula ce stage d’observation, deux salariés venaient d’être embauché, dont l’un a quitté l’entreprise au bout de trois mois. Cédric semble en effet s’être heurté à d’importants problèmes d’intégration, qui pourraient paraître, à première vue, liés à un profil totalement atypique en comparaison à celui que nous avons défini ci-dessus, mais qui en réalité tient à sa non adhésion au projet particulier de cette entreprise : vivre une aventure autogérée.
Cédric avait en effet un profil totalement différent : marié, 2 enfants, il habite en banlieue et se réclame plus d’une gauche réformiste et centriste que révolutionnaire. Mais, comme on le perçoit d’emblée au travers de son positionnement politique, ses difficultés d’intégration tiennent avant tout à une incompréhension de taille : espérant avant tout faire du journalisme, il a intégré une société de rédacteurs, certes, mais où le cœur de métier est davantage l’expérimentation autogestionnaire que la rédaction, comme nous le verrons par la suite.
Cet exemple (d’une difficulté d’intégration liée non pas à un profil différent, mais à une inadéquation avec le projet autogestionnaire) pourrait trouver une seconde illustration au travers du cas de Myriam, qui est pourtant membre de la Péniche depuis trois ans, mais qui elle aussi ressentait une même difficulté d’intégration et d’identification à l’entreprise. Son profil diffère lui aussi du profil mis en évidence précédemment : mariée, deux enfants, elle réside à Lyon et s’affirme beaucoup moins politisée que ses collègues. Mais cette différence de profil n’est pas seule en cause dans ses difficultés d’intégration. En effet, Myriam ne participe à la Péniche que par Télétravail. L’impossibilité d’être régulièrement en « présentiel » à la Péniche ainsi que les difficultés de transmission et de réception des systèmes d’information utilisés jouent énormément sur la représentation qu’elle peut avoir de son rôle et de sa place dans l’entreprise et vis-à-vis de ses collègues. La situation dans laquelle était Myriam la privait également des contacts humains et de la dimension collective de cette organisation, des aspects pourtant clé dans l’idéal type autogestionnaire. Depuis, la situation s’est arrangée : Myriam a déménagé à Grenoble pour rejoindre Sylvain. Ensemble, ils représentent un deuxième collectif de travailleurs mais qui appartient pourtant bien à La Péniche (dont les frontières sont ainsi plus symboliques et psychologiques que matérielles et géographiques comme nous le verrons plus loin), grâce à la force des liens qui les unissent au reste du collectif.
Ainsi, la différence des profils psychologiques influent certainement sur le sentiment d’intégration ou d’absence d’intégration, mais est loin d’en être l’unique et première cause.
D’ailleurs cette apparente homogénéité est trompeuse et les entretiens passés individuellement ont progressivement mis en lumières des personnalités toutes très différentes.
Des parcours et des expériences hétérogènes :
Les membres de La Péniche ont également tous un parcours personnel particulier. La plupart d’entre eux étaient en effet à l’origine tournés vers un secteurs d’activité particulier : l’édition, la musique, l’humanitaire, le militantisme, les carrières universitaires, le journalisme….
Ils ont également tous une place spécifique eu sein de l’entreprise (certains étant plus portés sur le rédactionnel, quelques-uns sur la gestion, d’autres sur le relationnel…). A cet égard, on peut plus particulièrement citer l’exemple d’Odette, véritable « électron libre » de l’entreprise, puisque son travail, d’environ deux heures par semaine, ne concerne que la correction des articles et se déroule loin des deux autres collectifs (basés à Paris ou à Grenoble), à Nice.
De même La Péniche se caractérise par une certaine hétérogénéité au niveau des tranches d’âges puisque deux générations y cohabitent :
-celle des 25-35 ans (qui se réduit en fait à 28-33 ans)
-et celle des 50 ans et plus.
On constate enfin une certaine diversité dans les rapports que chacun a pu entretenir avec le monde autogestionnaire avant d’intégrer La Péniche : en effet, tous n’ont pas forcément eu de contact avec le monde autogestionnaire avant leur entrée à La Péniche. C’est particulièrement le cas d’Hélène, de Jordane et de Sylvain. Les contacts que les différents membres de la Péniche ont eu avec le monde de l’autogestion vont de rapports étroits (la création d’entreprises autogérées), à de courtes expériences (le milieu associatif), et étaient pour certains quasi inexistants. L’entreprise rassemble sur ce point des profils très différents, excluant l’hypothèse selon lesquels seuls des gens formés à l’autogestion peuvent s’y intéresser ou la mettre en pratique.
Cependant l’obédience politique étant majoritairement d’extrême gauche, on peut penser que ceux qui n’ont pas eut de contact direct avec les expérimentations autogérées y aient été sensibilisés au travers de leur formation politique. Mais beaucoup reconnaissent également n’avoir jamais vu, voire même entendu parler d’une entreprise autogérée avant d’intégrer La Péniche.
Ainsi, au-delà d’un travail statistique et superficiel portant sur les âges, la formation, le lieu de résidence et la situation maritale… se révèlent des parcours individuels très divers. Ce qui n’empêche pas La Péniche d’être un collectif très soudé. Et ceci pour une raison forte que nous venons d’évoquer : la cohésion n’est pas lié à une homogénéité des « profils » mais à une forte cohésion symbolique : tous partagent une idéologie commune.
Une idéologie commune au fondement de la culture d’entreprise :
Plus que des profils homogènes, c’est l’idéologie que chacun partage qui est au fondement de la cohésion de cette entreprise, car celle-ci est directement en rapport avec le projet particulier de La Péniche : expérimenter l’autogestion en entreprise pour « travailler autrement ».
Une très grosse majorité des membres de l’entreprise nourrissent en effet un attrait commun pour l’idéologie d’extrême gauche. Cet idéal partagé nourrit directement ce que Mintzberg nomme « l’idéologie organisationnelle » et permet ainsi à l’entreprise de bénéficier d’une solide cohésion. Mintzberg définit en effet l’idéologie qui prend place au sein des organisations comme « constituée d’un système de croyances et de valeurs à propos de l’organisation, auquel tous les membres de l’organisation adhèrent. Le trait essentiel d’une idéologie réside dans son pouvoir mobilisateur et unificateur. Une idéologie lie l’individu à l’organisation ; elle permet l’intégration des buts individuels et des buts de l’organisation ».
A La Péniche, l’idéologie de l’entreprise se nourrit ici directement des idéologies personnelles puisqu’elles se recoupent en de nombreux points. Ainsi, les principes de fonctionnement organisationnels de l’entreprise (l’autogestion) réalisent l’idéal sociopolitique des membres de la Péniche, ce qui engendre une pleine participation et implication de chacun par une identification presque totale à l’entreprise. « Ici les agents internes ne se contentent pas d’accepter tout simplement les buts centraux, il les partagent ou les intériorisent comme s’il s’agissait de leurs propres buts personnels ». Ainsi, « l’identification naturelle et spontanée est le moyen le plus puissant car il ne nécessite aucun effort de la part de l’organisation pour obtenir l’intégration souhaitée », « quand le système idéologique est puissant et fort, les systèmes de contrôle ne sont plus nécessaires ». Une forte idéologie organisationnelle semble donc essentielle à la mise en pratique de l’autogestion.
En outre, cette idéologie partagée peut expliquer la facilité avec laquelle un consensus peut se dégager des diverses discussions concernant l’organisation du travail et de l’entreprise. En effet, le consensus est grandement facilité par la détention d’une culture commune. Cette dernière est de plus encore favorisée par la multiplication des interactions, des échanges et des relations affectives permettant d’appartenir et de faire vivre une même culture.
Enfin, et parallèlement, cette forte idéologie participe également du processus de socialisation et de répartition égalitaire du pouvoir, comme nous l’avons vu en seconde partie : « une idéologie forte et puissante a un effet considérable de nivellement du pouvoir (…) en partageant les croyances, tout le monde se partage aussi le pouvoir », « tous ceux qui ont été socialisés peuvent prendre part à la prise de décision. On peut leur faire confiance pour qu’ils fassent leur choix en fonction de l’ensemble des croyances qui dominent ». Ainsi, partager une même idéologie participe également de l’auto contrôle (là encore nous retrouvons un des concepts clés des nouvelles théories organisationnelles).
Par conséquent, « le pouvoir dans la coalition interne a tendance à être réparti uniformément quand il y a une idéologie forte et puissante ».
Ainsi, à la péniche le recrutement ne se fait pas sur la base des qualifications, ni même de compétences particulières, mais bien sur la manière dont le nouvel arrivant « porte le projet ». Comme nous l’expliquent les membres d’Ambiance bois : « Un projet ne peut pas faire appel à des « compétences » extérieures, si « compétentes » soient-elles, s’il n’y pas un accord au départ sur des objectifs et valeurs fondatrices. Si l’on recherche une personne à associer à un projet, entre compétence et habileté technique d’une part, proximité idéologique et accord sur les valeurs fondamentales d’autre part, il ne faut pas hésiter. Il faut privilégier les seconds car de ceux-ci dépendra la manière dont seront utilisées les connaissances et les savoirs faire, qui peuvent toujours s’acquérir par ailleurs s’ils font défaut au départ ». Ainsi, à la Péniche, « les critères de choix [qui président toute nouvelle embauche] sont avant tout le degré d’adhésion du futur salarié au projet autogestionnaire : le refus d’un certain confort du salariat, le besoin de chercher autre chose dans le travail que la feuille de paye ou la carrière, le désir d’être libre, solidaire, autonome ».
Dès lors, les « organisations démocratiques portent une attention soutenue au recrutement », pour s’assurer que «le rapport à l’organisation n’est pas seulement un rapport au travail, mais signifie l’adhésion à un projet de vie et de société ».
La gestion des différences :
Mais si un collectif autogéré se caractérise par une forte culture d’entreprise (grâce à un projet commun réellement fédérateur), il se doit également de respecter la diversité de ses membres, car celle-ci est la source de sa richesse, de sa créativité et donc de son dynamisme.
Cette acceptation et cette prise en considération du pluralisme, à la base de l’idéal type autogestionnaire, ne peut tolérer de « mystique de l’unité érigée en vertu cardinale, de religion du groupe un, [le] sacrifice de tout à l’harmonie relationnelle ». Bien au contraire, il lui faut  « à la place [développer] l’acceptation du conflit comme inhérent à toute relation humaine, la prise en compte des différences et des oppositions, le consentement à la confrontation ». Sainsaulieu, Tixier et Marty définissent ainsi l’organisation démocratique comme une « structure complexe qui doit s’efforcer d’articuler la multirationalité que l’on rencontre nécessairement dès lors que l’entreprise donne la parole à tous ses membres ».
Ainsi, la forte dimension collective ne doit pas être perçu comme un obstacle à la reconnaissance de la diversité et du pluralisme. De même, pour Simondon, « le collectif, l’expérience collective, la vie de groupe n’est pas le domaine dans lequel se délayent ou s’amoindrissent des traits saillants de l’individu singulier, mais qu’au contraire il est le terrain d’une individuation nouvelle, plus radicale ».
La Péniche se doit ainsi d’être respectueuse des différentes personnalités, représentations, attentes, aspirations…qui prennent place en son sein : « les individus ne doivent pas se sentir niés par le collectif ou le poids des décisions communes ». Mais « comment gérer les différences ? ».
Encore une fois, La Péniche place la communication comme le processus clé permettant de concilier individu et collectif, diversité et cohésion, d’harmoniser les contraires : « c’est par l’échange et la discussion que le collectif pourra négocier un équilibre entre les souhaits des uns et des autres ».
Pour illustrer ce propos, nous prendrons l’exemple de l’arrivée d’une nouvelle personne dans l’entreprise, moment toujours délicat pour le collectif qui doit alors se recomposer. En effet, « le recrutement est un moment critique dans l’organisation. Il vient déranger les jeux de négociation un moment stabilisés dans une sorte de statu quo. L’introduction d’un nouveau sujet avec sa logique complexe vient redistribuer les cartes et obliger organisation et participants à se remettre en mouvement pour retrouver un nouvel ajustement réciproque (…) un nouvel élément oblige à reprendre la recherche de dynamique interne ». De plus, ces « mises à l’épreuve » sont régulières à La Péniche puisque cette entreprise embauche en moyenne une nouvelle personne par an. La Péniche s’inscrit donc dans une dynamique et une renégociation permanente tant au niveau de son organisation sociale que de son organisation productive.
Lors de ces « épreuves », La Péniche doit particulièrement gérer les difficultés auxquelles certains des salariés doivent faire face pour s’adapter à une forme d’organisation originale (car expérimentale), et permettre à chacun de trouver les repères qui lui permettront de se positionner dans l’entreprise et de s’y épanouir.
Chaque nouvelle embauche est ainsi susceptible d’être à l’origine d’une crise humaine, l’ensemble des relations devant se redéfinir. Le nouvel entrant se trouve lui aussi en situation difficile puisqu’il se trouve face à une tension extrême entre la position individuelle, dans laquelle il se trouve encore, et le collectif qu’il a face à lui et dans lequel il est invité à s’impliquer. De plus, la plupart des gens ne sont pas habitués à fonctionner selon des modes si collégiaux, et la première expérience de ce type de structure peut être traumatisante au sens où le salarié doit se départir d’une certaine logique individuelle, ce qui peut être ressentie comme une modification de son identité. Comme le soulignent Sainsaulieu, Tixier et Marty , « le fonctionnement collectif est un univers de transformation des mentalités et des particularités parce qu’il développe de multiples opportunités de relations nouvelles, de risques à prendre, de conflits à vivre et de rencontres nouvelles. Le risque est de plonger les individus dans une sorte d’anomie culturelle, au-delà de leurs références et repères habituels, où la première victime se trouve être la personnalité, l’identité et la santé mentale de chacun », « le fonctionnement collectif produit une redéfinition des statuts et des rôles professionnels, plongeant chacun dans une crise de représentation ».
Ainsi chaque nouvelle embauche est facteur de tension tant pour l’entreprise (le collectif) que pour le nouvel entrant (l’individu).
De plus, à la Péniche, comme dans de nombreuses structures à fonctionnement collectif et démocratique, il n’a jamais été question de licencier un salarié. Mais, de par leur « exclusion du jeu collectif », les salariés peuvent quitter l’entreprise d’eux-mêmes. La Péniche doit donc s’efforcer, à chaque nouvelle embauche, de faire une place au nouvel entrant.
La Péniche, réticente à toute formalisation, ne dispose d’aucun dispositif de gestion de crise. Comme à l’accoutumée, c’est au travers du dialogue et du consensus que les crises humaines sont appelées à se résoudre. En effet, « Le fonctionnement collectif impose la rencontre avec l’autre dans un rapport d’identité à identité en ne laissant pas subsister de médiation (règle, hiérarchie formelle…) ». La communication interpersonnelle, le dialogue en face-à-face ressortent ainsi comme le meilleur outil de gestion de crise humaine. La communication reste le moyen essentiel pour tenter de faire coexister différentes dimensions et espérer un jour une conciliation harmonieuse de l’individu et du collectif.
« Dans la plupart des cas, la confrontation amène chacun à s’expliquer et à expliquer aux autres ses positions plutôt qu’à trancher ou à exclure ». Sainsaulieu, Tixier et Marty soulignent ainsi l’importance de la négociation dans les structures à fonctionnement collectif et démocratique, qui devint en cas de crise, « une nécessité interne », « dans la mesure où la déviance est vécue comme une mise en cause du ciment collectif ».
Dans ces situations, l’une des inquiétudes de l’entreprise est de voir le collectif anciennement constitué se resserrer et exclure le nouvel entrant par un phénomène de « bouc émissairisation » (terme emprunté à l’un des membres de la Péniche). En effet, selon Sainsaulieu : « Lorsque le comportement d’un acteur n’est pas conforme aux attentes du groupe, il sera directement mis en cause, il y a là une pression normative interne à l’organisation ». Les « phénomènes de déviances et d’exclusion » représentent ainsi « un danger grave pour toute expérimentation qui se veut collective et non pas sélective ».
Ce phénomène de mise à l’écart est particulièrement pernicieux puisqu’il « peut entraîner un renforcement du discours normatif et des attitudes retraitistes ». Lorsque le phénomène de mise à l’écart commence, il semble ne plus pouvoir trouver de facteurs de rétroactions négatives aptes à le réguler.
De plus, cette réaction de « bouc émissairisation », si elle est parfaitement naturelle, peut se révéler dangereuse pour l’entreprise dans son ensemble. La capacité à intégrer de nouveaux éléments est en effet une preuve de l’ouverture et de la souplesse de l’entreprise, chaque nouvelle embauche est ainsi à l’origine d’une nouvelle dynamique (variable essentielle à la régénération de l’organisation). Si l’entreprise perd cette dynamique, elle risque de se refermer sur elle-même et de devenir statique faute d’apport de « sang neuf ».
Lors de ce stage d’observation, Cédric (nouvel arrivant) semblait souffrir d’une certaine difficulté d’intégration. Contrairement à ses collègues, Cédric semblait ainsi plutôt avoir suivi une identification que Mintzberg qualifie de « calculée » : « l’identification calculée est manifestement la forme la plus faible de loyauté, et diffère des autres formes d’identification en ce sens qu’elle n’est pas réellement intégrée ni intériorisée par l’individu. Il s’identifie à l’organisation uniquement parce qu’il à tout intérêt à le faire. Il ne s’identifie à rien qui ne concerne l’organisation ; la relation est strictement contractuelle ». Ce positionnement lui posa de nombreuses difficultés d’intégration, car, comme dans la cité projet, dans une entreprise autogérée « est non engageable celui à qui on ne peut pas faire confiance parce qu’il ne donne pas ce que l’on attend de lui et « joue perso », ce qui est une forme de malhonnêteté dans l’engagement (opportunisme) ».
Ainsi, face au problème d’intégration patent de Cédric, des réunions ont été organisées, soit dans le cadre des réunions hebdomadaires, soit dans le cadre de réunions prévues spécifiquement pour traiter de ce problème. A chaque réunion, chacun s’est efforcé d’exprimer son opinion. Lors de ces réunions, les rôles se sont distribués naturellement : certains accusaient, d’autres ne faisaient que constater, certains nuançaient les propos et d’autres prenaient la position de médiateur. Ainsi, un maximum a été fait pour que tous les avis soient exprimés dans le cadre d’une discussion calme et constructive. Il n’a ainsi jamais été question de faire son procès, mais bien plutôt de recadrer la situation en expliquant le réel projet de l’entreprise et la nécessité de s’y impliquer, tout en rappelant pourquoi Cédric ne semblait pas les comprendre aux yeux de ses collègues. L’objectif était donc avant tout d’expliciter une nouvelle fois le véritable projet de l’entreprise (non pas le rédactionnel, mais l’expérimentation d’une autre manière de travailler), non pas pour en convaincre Cédric mais pour savoir s’il le comprenait et y souscrivait. De ces multiples échanges est ressorti que Cédric était moins intéressé par l’autogestion que par le journalisme, il décida donc de lui-même de quitter l’entreprise.
L’entreprise autogérée : un lieu de vie communautaire associant vie professionnelle, sociale et privée :
Les membres de la Péniche considèrent en effet leur entreprise, non seulement comme un lieu de travail mais avant tout comme un lieu anthropologique: l’entreprise n’est pas la simple scène d’une activité productive, c’est avant tout un lieu de socialisation, comme Sainsaulieu s’est attaché à le démontrer.
Ainsi, toutes les activités humaines peuvent se développer au sein de cette structure. L’affectif, le ludique et le festif ont donc une place privilégiée au sein de la Péniche en comparaison des autres entreprises. Si dans ce type de structure, l’affectif, le ludique et le festif ne sont pas forcément plus développés que dans une entreprise classique, ils accèdent cependant à une certaine reconnaissance, leur permettant de déployer tout leur potentiel organisationnel. Ils se développent toutefois avec plus de facilité car la communication interpersonnelle y est pleinement favorisée, comme nous l’avons constaté précédemment.
Ainsi, dans une entreprise autogérée, tous les échanges sont prétextes à resserrer le lien social. Le local de la Péniche abrite donc beaucoup d’activités relationnelles : chacun est libre de discuter avec chacun. Les communications qui prennent place dans cet espace particulier mélangent tant la fonction phatique qu’informative du langage et de la relation à autrui : les discussions portent en effet autant sur des sujets professionnels, que politiques, sociaux, personnels…
La communication permet ainsi la diffusion d’informations en vue de la bonne organisation de l’activité professionnelle, mais elle permet aussi au tissu humain de se former, de se resserrer et de se régénérer, favorisant par là une plus grande cohésion sociale. La communication assure tout à la fois la solidité matérielle (la bonne réalisation de la production) et la cohésion symbolique (le lien social) de l’organisation.
Toutefois, il est à souligner que le lien social se développant dans ce type de structure s’appuie sur des « affinités non pas affectives, mais plutôt culturelles », comme nous l’avons déjà évoqué en soulignant l’aspect primordial de l’idéologie commune dans ce genre d’entreprise.
L’importance des aspects affectifs, ludiques et festifs au sein de l’entreprise vise en substance à faire de La Péniche un lieu de vie propice à reformer un « homme complet » selon les vœux de la théorie autogestionnaire. En effet, l’homme est trop souvent segmenté : citoyen par moment, producteur en d’autre lieux... Toutes les facettes de l’existence sont appelées à se ressouder au sein de la Péniche. L’entreprise autogérée refuse « d’établir une frontière imperméable entre le travail et les autres aspects de la vie, et les considère comme appartenant à un tout ». Il s’agit de rendre à nouveau « cohérente une vie que les contraintes de la production capitaliste font éclater en de multiples sphères régies par des logiques diverses et contradictoires ». Chaque salarié est ainsi apte à donner toutes ses ressources à l’entreprise. Pour bénéficier de l’ensemble de ses ressources, l’entreprise favorise un contexte et une ambiance permettant à chacune des dimensions de l’homme de s’exprimer et de s’épanouir. Toutes les activités permettant de régénérer le lien social sont donc reconnues à leur juste place.
Cette idée de l’ « homme complet » pourrait trouver une nouvelle actualité grâce au thème de l’ « effacement des frontières » développé par les nouvelles théories organisationnelles. Ce phénomène ne touche plus ici les frontières de l’entreprise mais celles de l’existence. Cette idée se retrouve également dans le « cité projet » de Boltanski et Chiapello, comme nous l’avons évoqué en deuxième partie. La Péniche multiplie les analogies avec ce nouveau « monde connexionniste » où « la distinction de la vie privée et de la vie professionnelle tend à s’effacer (…) Il devient dès lors très difficile de faire la distinction entre le temps de la vie privée et le temps de la vie professionnelle, entre les dîners entre des copains et le repas d’affaires, entre les liens affectifs et les relations utiles… ».
Tout comme l’idéal type de la cité projet, l’idéal type autogestionnaire qu’illustre cette entreprise « renonce à faire la distinction entre les relations amicales désintéressées et les relations professionnelles ou utiles ».
Mais cette situation n’est pas facile à vivre pour tous. En effet, certains salariés ont naturellement ressenti une certaine difficulté à dissocier leur vie professionnelle et leur vie privée, la frontière entre ces deux sphères devenant beaucoup plus poreuse que dans une structure classique. Cette difficulté à se positionner fut ainsi à l’origine d’un certain malaise pour certains. Et c’est également un risque pointé par Luc Boltanski et Eve Chiapello qui soulignent « l’inquiétude engendrée, dans un monde connexionniste, par l’effacement de la distinction entre les relations désintéressées, considérées jusque là comme du domaine de la vie affective personnelle, et les relations professionnelles qui pouvaient être placées sous le signe de l’intérêt ».
Toutefois, d’après les témoignages récoltés au sein de La Péniche, il semble que ce mode d’organisation intégrant l’ensemble des dimensions humaines soit tout de même plus facile à vivre et à supporter, moins aliénants que celui des entreprises classiques, amputant l’individu d’une partie de son identité et de son humanité.
Ce malaise s’estompe donc progressivement à La Péniche au fur et à mesure de l’intégration grâce à la relation de confiance qui s’établit entre chacun des membres. L’effacement des frontières de l’existence ne représente en effet un réel danger que si « la recherche de profit demeure l’horizon fondamental par rapport auquel ces relations se forment [car] il s’ensuit un brouillage assez troublant de la distinction entre relation amicale et relation d’affaires, entre le partage désintéressé d’intérêts communs et la poursuite d’intérêts professionnels et économiques ». Dans cette perspective, « on demande aux individus d’être loyaux, sincères, enthousiastes, mais en leur faisant subir des pressions telles qu’en fait ils ressentent de la peur, de la méfiance et de la haine ». Cette interprétation de la cité projet va totalement à l’encontre des nouvelles réflexions organisationnelles mettant l’accent sur la confiance, comme base indispensable du nouvel impératif de coordination et de coopération. L’effacement des frontières ne peut donc être réellement profitable qu’au sein d’un collectif où la confiance et la coopération ont remplacé la méfiance et les jeux de pouvoirs. Ce sentiment de confiance et de solidarité se construit progressivement au travers des relations interpersonnelles. Les nouvelles formes organisationnelles doivent donc avant tout se préoccuper de créer les conditions favorables au foisonnement des relations interpersonnelles basées sur la proximité et la confiance.
Ainsi, dans le local de La Péniche, prennent place tout autant des activités professionnelles que des activités de la vie quotidienne. Banales à première vue, celles-ci sont en réalité essentielles pour la constitution et la pérennité d’un groupe social :
Les repas du midi
Les repas sont ainsi toujours pris collectivement dans les locaux de l’entreprise. La table qui sert au repas est la même qui sert aux réunions et trône au milieu du local. Cette table symbolise donc un lieu de rassemblement tout autant professionnel que social et participe du brouillage des frontières et de la « proximité » qui peut exister au sein de ce collectif.
A tour de rôle, une ou plusieurs personnes s’occupent de faire les courses et de préparer le repas. Cette tâche, comme la plupart des tâches prenant place à la Péniche (qu’elles soient professionnelles ou non), n’est pas formalisée par un planning strict. S’occupent du repas ceux qui en ont envie et qui ont un emploi du temps le permettant. Comme pour la plupart des postes à la Péniche, la répartition de cette tâche n’est pas réellement équilibrée. Toutefois, et c’est une fois encore l’occasion d’apprécier les capacités d’auto contrôle de membres de l’entreprise, certains ne manquent pas de remarquer par eux-mêmes leur manque d’implication dans cette tâche et ils y remédient rapidement lorsqu’ils estiment eux-mêmes ne pas avoir fait la cuisine depuis trop longtemps. D’ailleurs, l’irrégularité dans la répartition de cette tâche ne suscite aucune plainte ou récrimination. La préparation du repas représente en effet pour certains un moment de plaisir et de détente, voire de franche convivialité lorsqu’il se prépare à plusieurs.
Le mardi fait exception : c’est en effet le jour de la réunion hebdomadaire. Celle-ci n’autorisant l’absence d’aucune personne (pour faire les courses ou préparer à manger) et pouvant avoir une durée variable, le repas se compose de sandwichs partagés dans le parc jouxtant les locaux. Le changement d’environnement permet ainsi de prendre de la distance avec le travail, dont il a déjà été question toute la matinée au cours de la réunion.
Les conversations qui prennent place lors de cette collation touchent des sujets assez divers mais sont assez représentatifs de la culture d’entreprise : on y parle souvent politique et actualité dans une ambiance calme et conviviale. Alain en profite souvent pour présenter le bilan de ses nombreuses prospections et prises de contacts. On continue donc à « parler travail » mais sur un ton plus détaché. Comme le reste du temps, l’humour est très présent.
Les rituels :
Toute vie sociale et privée étant marquée de « rituels », ceux-ci conservent une place importante au sein de l’entreprise.
16 heures marque ainsi l’heure du thé, permettant encore une fois de favoriser les interactions et les liens entre les membres.
Le mercredi, Sarah passe au marché avant d’arriver à l’entreprise, elle ramène ainsi des fruits et légumes frais cultivés par de petits producteurs qui serviront à la composition du repas du midi.
Enfin, il n’est pas rare de fêter collectivement un événement, qu’il soit personnel (comme l’obtention d’un diplôme en FLE pour Stéphanie) ou professionnel (la nouvelle gérance, les nouveaux contrats) avec du champagne, payé par l’entreprise ou par l’employé qui désire faire part à ses collègues d’un de ses succès.
Chacun de ces rituels encourage la création de liens affectifs et d’échanges, et favorise donc la cohésion et par là la stabilité de l’entreprise. Ils participent également à la valorisation individuelle ou collective.
Les rencontres hors travail
Deux groupes se distinguent dans le Péniche :
-Alain, Christian et Olivier qui vivent ensemble.
-Hélène, Jordane, Sylvain qui font partie du même groupe d’amis depuis quelques années et qui ont intégré Stéphanie et Sarah à leur arrivée dans l’entreprise (Sarah entretenait déjà des relations amicales avec Hélène).
A l’intérieur de ses deux groupes prennent ainsi place des relations humaines privilégiées. Il n’est donc pas rare que les salariés se côtoient aussi hors de l’entreprise. Ces rencontres hors travail permettent encore une fois de ne pas limiter les relations interpersonnelles à des rapports purement et simplement professionnels.
En substance, nous retrouvons ici le principe d’attractivité défendu par Fourrier pour qui les relations professionnelles ne doivent pas se limiter à simplement satisfaire des besoins d’ordres matérielles et économiques, mais doivent également avoir pour base les sentiments, l’affection, l’amitié. Aux besoins physiologiques, s’ajoutent ceux plus psychologiques d’appartenance et d’affection qui occupent le troisième étage de la pyramide de Maslow.
Cependant, certains remarquent et regrettent que ces deux groupes n’entretiennent que peu de relations entre eux hors de l’entreprise. D’ailleurs, ces deux groupes correspondent aux deux catégories générationnelles bien distinctes, mises en avant dans l’étude des profils psychosociologiques (les 28-33 ans et les 50 ans et plus), ce qui fait craindre à certains un « fossé générationnel ». Cependant, il n’est pas sûr que cette absence de relation soit plus liée à l’âge qu’à l’ancienneté des deux groupes d’amis (qui ont tous deux préexisté à la création de l’entreprise). Toutefois, une troisième groupe existe à la jonction des deux autres : une forte amitié lie en effet Sylvain et Christian, fondateurs de l’entreprise.
Certains voudraient voir la logique communautaire se développer jusqu’à envisager une véritable vie en communauté (une expérimentation que mènent des entreprises comme Ardelaine ou Ambiance bois, appartenant toutes deux au réseau REPAS).
Le recrutement et le temps de l’intégration : des approches anthropologiques :
Le recrutement par réseau personnel :
La plupart des membres qui composent l’équipe de La Péniche ont intégré l’entreprise par le biais de leur réseau amical : Alain, Olivier, Christian et Sylvain, à l’origine de la structure, se connaissaient déjà avant la création de l’entreprise. Hélène a connu l’entreprise par Sylvain qu’elle a rencontré à Hypokhâgne. Jordane a également eu connaissance de cette entreprise par Sylvain, qui connaissait bien son frère pour avoir été au lycée avec lui. Myriam est elle aussi venue par Sylvain. Enfin, Sarah a pris contact avec l’entreprise par le biais d’Hélène.
La Péniche considère ainsi que le recrutement par le biais des relations amicales n’est pas plus arbitraire ou imparfait que les procédures classiques de recrutement. L’entreprise ne cherche donc pas à expérimenter des formes organisationnelles plus optimales, elle vise des structures organisationnelles tout aussi efficientes que celle mise en œuvre traditionnellement, mais plus « humaines ».
Ce type de recrutement semble en outre avoir des effets non négligeables sur l’entreprise : cette manière de prendre contact puis d’intégrer l’entreprise implique en effet des liens beaucoup plus étroits et personnels (beaucoup plus « humains »). Ceci semble faciliter l’intégration, mais également l’identification à l’entreprise et par la même la participation des salariés à sa bonne organisation et à son bon fonctionnement. La personne nouvellement embauchée semble également ressentir une légitimité mieux fondée, puisque son embauche ne dépend pas d’un CV et d’un court entretien mais d’un réseau de relations plus sensible à sa manière d’être (son savoir être) qu’à son savoir faire (une donnée qui semble bien plus primordiale que cette dernière dans ce type de structure comme dans les nouvelles théories organisationnelles).
En ce sens, La Péniche semble encore une fois expérimenter ce que Boltanski et Chiapello nomment « la cité-projet », un monde connexionniste basé sur le capital informationnel et relationnel et les capacités à entretenir, développer et mobiliser son « réseau » pour rester en activité.
Seuls Stéphanie et Cédric ont intégré l’entreprise suite à un recrutement « standard » (c’est-à-dire par « candidature spontanée »), après avoir envoyé un CV à l’entreprise ou les avoir contacté directement. Lorsque le réseau de chacun ne peut pourvoir au besoin d’un nouveau membre, c’est ainsi la candidature spontanée qui est choisie car « le meilleur moyen de trouver de nouveaux participants au projet est encore de les laisser venir à la structure. C’est d’abord par la proximité géographique, idéologique, amicale que se feront les adhésions ».
L’ « entretien d’embauche » :
Qu’elle que soit sa manière de prendre contact avec l’entreprise (par son réseau amical impliquant une relation plus personnelle et plus étroite avec l’entreprise ; ou par des procédures standards qui induisent une approche plus distancée), le candidat passe toujours un entretien, mais celui-ci diffère encore sur bien des points de l’ « entretien d’embauche » traditionnel.
Tout d’abord, La Péniche ne fonctionnant pas selon des logiques hiérarchiques, le plus grand nombre de salariés doit être présent lors de cet entretien. Ici encore la décision semble se prendre selon une procédure consensuelle.
La forme que prend cet entretien semble très informelle : le candidat est invité à partager le repas du midi avec les membres de l’entreprise, et l’ « entretien » semble vite prendre les formes d’une discussion collective informelle.
Le contenu de la discussion est également très informel, les questions portant plus sur les qualités humaines et personnelles, les centres d’intérêts et sur les motivations à intégrer une structure autogérée (« l’adhésion au projet »), que sur des compétences professionnelles. Le savoir être semble donc primordial face au savoir-faire. Mais face au niveau scolaire de la majorité des membres de La Péniche, on peut supposer que le savoir est lui aussi essentiel. Ainsi savoir et savoir être vont fonder la légitimité du candidat en tant que personne apte à se responsabiliser et à participer à un projet collectif.
Le savoir-faire (c’est-à-dire le rédactionnel ou la gestion et l’organisation de l’entreprise) n’est ainsi pas la donnée fondamentale qui va influencer l’embauche, contrairement aux entreprises classiques où le candidat est appelé à s’adapter parfaitement à un poste prédéfini d’une manière assez rigide. Les membres de la Péniche l’ont d’ailleurs souligné, lors des divers entretiens passés pour cette étude, en précisant pour la plupart leur ignorance totale en matière de communication, de journalisme ou d’écriture ainsi que dans le domaine associatif ou de l’économie sociale et solidaire et encore plus dans le domaine de la gestion d’entreprise. Cédric, un des rares à avoir eu une expérience préalable dans le journalisme, s’est d’ailleurs trouvé très perplexe lorsqu’il a constaté que son press-book n’avait quasiment pas été feuilleté lors de l’entretien qui a précédé son embauche, et que cette discussion avait plus portée sur son expérience au Lycée Autogéré de Paris que dans le journalisme.
En effet, l’entreprise semble ici considérer qu’un savoir faire peut toujours s’apprendre rapidement au sein de l’entreprise, contrairement au savoir être. Jordane souligne d’ailleurs avec humour qu’il n’est demandé que deux compétences précises à la Péniche : « savoir lire et écrire ». Le savoir faire s’apprend, et la capacité d’apprentissage (la capacité « d’apprendre à apprendre ») découle directement du savoir et du savoir être. C’est ainsi que la formation interne réciproque est une donnée fondamentale dans cette entreprise, comme nous l’avons déjà évoqué.
De ce fait, et comme nous l’avons déjà constaté, les membres sont plus attachés à recruter des gens qui aspirent à travailler selon des modes autogérés, que des professionnels de la communication. Ainsi, dans ce type d’entreprise, « on embauche pas un travailleur mais un « participant » (il ne s’agit pas d’individu réduit à une série de capacités désignées, mais de l’individu dans sa totalité) (…) ce choix se fait sur un modèle intériorisé du « bon participant ». La différence essentielle avec le profil psycho technique, c’est qu’il ne s’agit pas d’une capacité quant au poste de travail, mais d’un profil quant à la structure : c’est un profil culturel ».
C’est en ce sens qu’on peut dire que le projet d’entreprise, voir peut être le cœur de métier de cette organisation n’est pas le rédactionnel (ou l’ « écrit » comme le proclame leur slogan) mais véritablement l’autogestion. Ainsi, lorsque les membres de la Péniche parlent de la nécessité d’ « adhérer au projet » pour intégrer l’entreprise, il désigne ici la volonté et la motivation à participer à une expérimentation autogestionnaire. Et les membres actuels de la Péniche ne s’y sont jamais trompés et admettent facilement avoir été séduits plus par les modes organisationnels mis en pratique dans cette entreprise que par son activité productive (le rédactionnel).
Le temps long de l’intégration
Mais le recrutement ne signe pas l’intégration totale du nouveau membre, il n’en est qu’une étape et c’est réellement en pratique que chacun va pouvoir apprécier la capacité et les motivations d’ « adhésion au projet » du nouvel entrant. C’est également en situation que ce dernier va réellement pouvoir juger de l’attrait qu’il a pour l’entreprise et pour l’ensemble de son projet (rédactionnel comme autogestionnaire).
Le temps d’intégration est encore une fois bien différent de celui des entreprises classiques où l’embauche représente l’épreuve la plus décisive. En effet, une fois recruté, le salarié est souvent considéré comme intégré en grande partie, puisque officiellement incorporé au travers de la signature d’un contrat de travail qui le lie formellement à sa nouvelle entreprise. L’adaptation humaine au nouveau milieu de travail est ensuite presque intégralement prise en charge par le salarié, qui doit se débrouiller seul pour intégrer les « jeux humains » complexes prenant place au sein de l’entreprise.
Il semble, au contraire, qu’à La Péniche, l’épreuve la plus importante n’est pas l’intégration formelle qui fait suite à un entretien d’embauche ou à la signature d’un contrat, mais l’intégration complexe et informelle qui consiste à s’insérer dans le tissu humain de l’entreprise afin d’y trouver sa place. On retrouve ici la tension entre l’individu et le collectif.
L’intégration est ici un processus lent et complexe, comme l’expliquent les membres de La Péniche : « [l’intégration] ne peut se dérouler que dans la durée pour permettre à tous de se choisir mutuellement ». Ce processus peut même être perçu comme douloureux, à l’image de toutes les relations humaines, faites d’incertitudes et d’imprévisibilité.

L’activité communicationnelle comme témoin de l’adhésion au projet et comme variable d’intégration :
Certains membres de l’entreprise ont ainsi souffert de cette longue intégration, jouant sur les ressorts complexes de l’être humain plus que sur de simples variables professionnelles. Cet exemple de l’intégration nous donne ici encore une illustration du rôle important qu’acquiert la communication, puisqu’il semble bien que la prise de parole soit un facteur clé de l’intégration. C’est en effet au travers de la motivation à prendre la parole, témoignant de la volonté de s’impliquer dans toutes les activités de l’entreprise, que va se juger « l’adhésion au projet ».
Hélène a notamment souffert au départ d’un manque de légitimité quant à ses capacités à écrire des articles ou à participer à la gestion de l’entreprise. Pour certains de ses collègues, le retrait qui a découlé de ce sentiment d’illégitimité à sérieusement mis en jeu, à leurs yeux, la motivation de cette employée à « adhérer au projet » autogestionnaire. Il lui a ainsi été reproché de ne pas s’impliquer pleinement dans l’entreprise. L’intégration dépend ainsi de la représentation que les autres ont de votre capacité à « porter le projet », à s’y impliquer pleinement au travers de la prise de parole. Hélène s’est ainsi trouvée dans l’obligation de s’ « exprimer» (au sens propre comme au sens figuré) afin de trouver les repères qui lui permirent plus tard de se sentir totalement incorporée dans l’entreprise. Elle a ainsi subit une forte tension entre sa timidité naturelle et la nécessité de s’exprimer.
Sarah, au contraire, n’a jamais ressenti cette impression d’illégitimité. Elle s’est tout de suite exprimée sur nombre de dossiers et impliquée dans l’organisation du travail et de l’entreprise.
La capacité à prendre la parole et à se faire entendre semble ainsi un facteur essentiel d’intégration au sein d’une structure autogérée.
Cédric semblait également souffrir d’une intégration lente et douloureuse. Cependant, ce n’est pas sa capacité d’expression qui semblait ici être en cause, mais tout simplement l’inintérêt qu’il semblait éprouver à l’idée de donner son opinion sur des dossiers qui à ses yeux ne le concernaient pas. En effet, Cédric semblait raisonner selon le modèle classique des entreprises hiérarchisées : ne le concernaient que les dossiers sur lesquels il travaille et pour lesquels il est rémunéré. Sur de nombreux points de l’activité et de l’entreprise, Cédric ne souhaitait pas s’exprimer. Or, par définition, une entreprise autogérée appartient à l’ensemble des salariés, l’ensemble des activités concernent tout le monde car c’est le fruit de toutes ses activités qui à l’origine de la rémunération de chacun. Ainsi, Cédric ne semblait pas adhérer à l’ensemble des principes de fonctionnement de la Péniche, il se trouvait ainsi en porte-à-faux vis-à-vis du « projet » de l’entreprise. Ce « projet » est pourtant la variable fédératrice qui rassemble l’ensemble des membres de la Péniche : il est la clé de la cohésion matérielle et symbolique de l’entreprise. En n’adhérant pas au plus important des éléments fédérateurs de l’entreprise (le projet d’entreprise), il ne pouvait réaliser sa pleine intégration. Cette situation débouchera d’ailleurs quelques mois plus tard sur sa démission.
La clôture symbolique :
La Péniche est une structure qui rassemble 10 salariés, mais, comme nous l’avons vu, ceux-ci ne sont pas regroupés dans un même lieu géographique. En effet, en juin 2005, 7 membres travaillaient dans un même local parisien, Odette (cas particulier dans l’entreprise) était basée à Nice, Myriam se trouvait basée à Lyon et Sylvain à Grenoble (depuis Myriam à rejoint Sylvain car elle souffrait d’une certaine solitude dans l’exercice de son travail). Mais ces différents groupes géographiques appartiennent pourtant à la même organisation. L’unité spatiale et la clôture organisationnelle ne sont plus ici géographiques, matérielles, mais psychologiques, symboliques. On retrouve ici la thématique de l’effacement des frontières, omniprésentes dans les nouvelles théories organisationnelles.
La communication devient ainsi une variable clé pour l’organisation. En effet, si tous les salariés ne sont pas toujours physiquement réunis ils le sont symboliquement grâce à une communication ininterrompue (notamment grâce aux NTIC telles que Internet ou les téléphones portables).
Mais cette porosité des frontières, ou plus exactement cette substitution de frontières psychologiques et symboliques en lieu et place des frontières géographiques et matérielles, ne caractérise pas seulement les frontières internes de l’entreprise. La Péniche entretient en effet également des relations particulières avec son environnement. Se pose ici la question du difficile équilibre à trouver entre ouverture (nécessaire pour échapper à l’entropie qui sévit dans les systèmes fermés) et fermeture (permettant la différenciation, base de l’identité d’une organisation).
Les relations de l’organisation à l’environnement : un exemple de conciliation entre ouverture et clôture symbolique :
Les relations que les entreprises autogérées développent avec leur environnement diffèrent des relations que nouent les entreprises traditionnelles avec leur milieu. En effet, pour Sainsaulieu : « Le rapport à l’environnement est au centre de l’inventivité des organisations à fonctionnement collectif, il est plus complexe que dans l’entreprise traditionnelle ».
La Péniche présente plusieurs spécificités dans les relations et la communication qu’elle développe pour agir « sur », mais surtout « avec » son environnement. La relation à l’extérieur est en effet plus perçue sur le mode de la collaboration, de la coopération et de l’échange que sur le mode de la compétition et de la concurrence, sur le mode de la confiance plutôt que sur celui de la méfiance. De même les contacts qu’elle entretient avec son environnement ne sont pas seulement d’ordre professionnel et les relations extérieures dépassent la simple dimension contractuelle.
Ainsi, les structures démocratiques semblent adopter des stratégies originales qui vont « amener ces organisations à chercher la création de réseaux d’alliances et de soutien dans l’environnement. En effet, celui-ci n’est pas monolithique et des îlots sociaux sont favorables à l’expérimentation, d’où une tentative de mobilisation constante de ces réseaux de soutien ». Au travers de cette stratégie, « la réciprocité réapparaît » : la coopération encourage ici à renoncer à un certain type de pouvoir traditionnel pour en gagner un autre. Cette manière particulière d’organiser ses relations avec son environnement sur la base de la coopération permet ainsi à l’entreprise de renouer avec un fondement anthropologique mis en lumière par Lévi Strauss : le principe de réciprocité, devenu « principe de don et de contre don » sous la plume de Marcel Mauss. La reconnaissance mutuelle des groupes correspond, en effet, pour Lévi Strauss, à la forme générale sous-jacente à l’ensemble des comportements sociaux, fondement anthropologique. Ce qui importe ici n’est pas l’objet de l’échange mais l’acte d’ « échanger » en lui même, c’est la reconnaissance de l’autre, l’enjeu est la relation sociale. Le système de don et de contre don est ainsi une contrainte d’échange par laquelle se créé le lien social transfigurant le lien naturel. Les connexions que La Péniche entretient avec son environnement renvoient ici à la conception anthropologique de la communication, où celle-ci correspond à un échange fondant la relation sociale.
On retrouve également ici le monde « connexionniste » de la cité projet, où le projet est à la fois l’origine et l’aboutissement de la multiplication des échanges, des contacts, des relations. L’insertion dans des réseaux, autour de projets, invite donc à inventer de nouvelles formes de relations sociales pour répondre à de multiples objectifs, qui ne sont pas tous guidés, loin de là, par la rationalité économique, mais qui sont tous voués à « étendre le réseau » de l’entreprise.
Une pluralité d’échanges avec l’extérieur :
La Péniche multiplie en effet les occasions de rencontres, d’échanges, de relations avec une multitude d’acteurs extérieurs à l’entreprise.
La Péniche se veut donc une entreprise ouverte. Ainsi, il est courant que le repas du midi soit partagé avec diverses personnes invitées à découvrir l’entreprise. Au cours du mois de juin 2005, l’entreprise reçut le Président de l’Union régionale des Scop d’Ile de France, monsieur Arnaudin ; la déléguée générale du CEGES (Conseil des Entreprises et Groupements de l'Economie Sociale), Madame Gillig ; un des réviseurs de l’UR Scop Ile-de-France, des salariés de différentes SCOP ; un graphiste à la recherche de travail dans le secteur de l’Economie Sociale et Solidaire ainsi que deux stagiaires préparant un mémoire sur les entreprises autogérées.
Ces visites peuvent avoir différents objectifs : obtenir et donner des informations, échanger des expériences, mutualiser des pratiques, discuter de projets communs, bénéficier d’un regard extérieur…
Ces visites visent donc à nourrir le dense réseau d’aide et de soutien auquel appartient la Péniche, mais également à publiciser les pratiques de l’entreprise. En effet, chaque visite est introduite par une présentation détaillée de la Péniche : son fonctionnement, son historique, ses activités, ses clients… Les principaux principes de fonctionnement mis en avant auprès des différents visiteurs sont les suivants :
-l’absence de patron et de hiérarchie (spécificité qui semble la plus valorisée dans l’entreprise)
-un système de salaire horaire égal pour tous
-des tâches tournantes et la non spécialisation des postes
-un temps de travail choisi.
Une communication externe à l’image de la communication interne misant sur les relations interpersonnelles :
Outre ces nombreuses rencontres, la Péniche se sert également d’un support de communication externe plus classique : une pochette présentant les différents domaines d’activités et clients de l’entreprise.
Cependant cet outil de communication ne semble pas beaucoup exploité. Comme en interne de l’entreprise, La Péniche semble privilégier le mode de communication orale et la rencontre en face-à-face à l’écrit. Les circuits informels sont encore une fois largement favorisés.
En effet, pour faire connaître l’entreprise auprès de l’opinion publique en général, la Péniche semble avoir opté pour une méthode assez originale : le bouche-à-oreille. Ainsi, chaque salarié est soucieux de parler de son entreprise, de ses activités mais surtout de ses principes de fonctionnement, à un maximum des gens de son entourage. Chacun participe ainsi à la communication externe de l’entreprise.
Encore une fois l’entreprise sait prendre en compte les temps longs humains de la proximité, de la réflexion, de l’intégration, de la compréhension, de l’intériorisation…Aux yeux de chacun, il est en effet plus probable qu’une personne s’intéresse à un sujet particulier au travers d’une conversation amicale prenant place dans un contexte convivial qu’au travers d’une pochette de présentation impersonnelle reçue par la Poste. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, l’oral bénéficie d’un important avantage sur l’écrit : il permet une meilleure adaptation à son interlocuteur, celui-ci aura alors plus de chance d’intégrer le discours qui s’adresse personnellement à lui. La Péniche est donc soucieuse de « laisser les gens comprendre, venir et s’approprier les choses ».
Cette stratégie de communication externe est certes très particulière, elle est d’ailleurs largement négligée dans les entreprises. Comme le remarque Annie Bartoli, « parmi les modalité d’information externe de notoriété, il en est une que les entreprises ont souvent tendance à oublier : la possibilité pour chacun des salariés de promouvoir son entreprise au quotidien dans le cadre de tous ces contacts externes, personnels ou professionnels. En effet, chacun à l’intérieur de l’entreprise pourrait être le vecteur de la condition externe. Mais cela suppose trois conditions de base : qu’il sache (que qui renvoie à la communication interne), qu’il en soit convaincu (ce qui nécessite une cohérence entre les discours et les actions concrètes), qu’il ait envie d’en parler (ce qui repose sur une certaine motivation) ». Il semble qu’à La Péniche, ces trois conditions soient regroupées.
Là aussi La Péniche pourrait illustrer cette cité projet en émergence, car toutes deux développent la même politique de communication. En effet, « la cité par projet privilégie une communication personnelle, en tête-à-tête ou en petit groupe. Les réputations passent par la bouche-à-oreille plus que par le battage médiatique. Le lobbying remplace les campagnes de publicité ».
La Péniche utilise également un autre support de communication écrit mais celui-ci possède l’avantage de s’appuyer sur les dimensions humaines de l’affectif, du ludique et du festif : des cartes de voeux réalisées par la Péniche et qui participent à publiciser ses modes d’organisation mais également l’esprit d’entreprise sur un ton humoristique.
Le « réseautage » :
Cette activité d’échange bien particulière consiste à « créer une communauté destinée à développer l’interconnaissance et la mise en réseau des structures autogérées ».
Conformément au véritable cœur de métier de la Péniche, il ne s’agit pas de créer des réseaux professionnels ayant trait au monde de la rédaction et de la communication, mais de constituer des réseaux ayant vocation à rassembler les structures autogérées dans un but d’échanges d’expériences et de services en tout genre, « que ce soit pour tisser des liens économiques, des projets communs, attirer de nouveaux participants et surtout pour entretenir la flamme d’une conception de la production ».
Conformément au principe organisationnel défendu et mis en œuvre par La Péniche, ces relations ne sont pas des relations de subordination mais de collaboration, transcendant la simple visée économique. Elles n’empêchent cependant pas la concurrence si plusieurs structures exercent la même activité. Ainsi, la présentation qu’Odile Castel fait de l’économie sociale est solidaire pourrait s’appliquer à la stratégie de réseautage de La Péniche où « aucune entité ne travaille de manière isolée mais toujours à travers un partenariat (…) elles établissent [ainsi] une configuration multipolaire (aucune entité n’a une position centrale) dans un contexte de coopération qui n’empêche pas qu’il puisse exister une relation de compétition entre elles ». De même cette stratégie de réseautage n’est pas sans rappeler la configuration particulière de Mondragon, fédération au sein de laquelle « les différentes coopératives prennent leurs décisions commerciales en toute autonomie mais profitent néanmoins de la solidarité qui règne au sein de groupe coopératif ». Selon Bélène Cartabarria « ne pas être isolé, pouvoir échanger informations, stratégie et expériences confère un sentiment de puissance ».
Le réseaux dans lesquels s’inscrit La Péniche lui permettent ainsi d’être à la fois autonome et en interdépendance avec d’autres firmes porteuses de mêmes valeurs et au projet d’entreprise similaire : « l’interdépendance système-environnement et l’autonomie deviennent [ici] complémentaires ».
La Péniche illustre encore une fois cette cité projet dont nous parlent Boltanski et Chiapello où « nœud de projets, l’entreprise est aussi acteur de projets plus vastes avec d’autres entreprises ». Ainsi, « Le fonctionnement en réseau », qui caractérise tant les réseaux d’entreprises autogérées que la cité projet, « satisfait cette caractéristique bien humaine de vouloir être à la fois libre et engagé. Les engagements peuvent empiéter sur notre liberté d’agir de façon autonome, mais il donne en retour un sens à notre vie et à notre travail ».
La Péniche participe ainsi à toutes les rencontres qui peuvent avoir trait de près ou de loin à l’autogestion, comme par exemple les rencontres du LAP (Lycée Autogéré de Paris) organisées en juin 2005 visant à rapprocher les diverses structures autogérées et à les faire échanger sur ce mode particulier d’organisation ; ou encore une conférence organisée autour des SCIC (Société Coopérative d'Intérêt Collectif, nouvelle forme d'entreprise coopérative crée en 2002). Là encore l’objectif était de multiplier les contacts au sein des milieux autogérés et de bénéficier d’échanges d’expériences tout en réfléchissant à la structuration du mouvement autogestionnaire en France et en Europe.
Plus encore, La Péniche a participé à la création d’un réseau national nommé Repas (réseau d’échanges et de pratiques alternatives et solidaires), un réseau informel d’entreprises désireuses d’échanger sur leurs expérimentations. Comme nous l’explique Michel Lulek d’Ambiance Bois, ce réseau à pour vocation de relier entre elles de multiples « initiatives économiques qui se reconnaissent cousines d’une démarche coopérative, alternative, solidaire ou sociale…Peu importe le label, l’important est dans les pratiques. C’est pourquoi le réseau s’appelle réseau d’échanges et de pratiques alternatives et solidaires ».
Chaque année est ainsi organisée une rencontre autour d’une thématique particulière sur le site d’une des 30 entreprises du réseau. Ces rencontres sont ainsi « l’occasion de visiter des entreprises, de rencontrer d’autres « chercheurs explorateurs ». Elles se composent d’atelier de réflexion sur les pratiques autogestionnaires et de séances plénières mutualisant ces réflexions, mais également de moments conviviaux autour de repas et de spectacles. Comme nous l’explique Béatrice Barras, l’une des fondatrices de ce réseau, « le mot « Repas » est un clin d’œil à la convivialité qui nous est chère ».
Par ses initiatives, La Péniche souhaite bénéficier d’un réseau dense d’aide, de soutien, de formation réciproque…participant au développement de l’entreprise. L’entreprise souhaite également qu’en s’unissant, les entreprises autogérées bénéficient de plus de visibilité en France ; cette démarche participe donc d’une stratégie de publicisation, mais qui dépasse leur seule entreprise, leurs efforts étant en effet tournés vers le mouvement autogestionnaire dans son ensemble.
Cette activité de « réseautage » à donc une importance primordiale, l’entreprise est très attachée à cette relation particulière à son environnement et la considère comme fondamentale pour sa pérennité et son développement, mais également pour l’expansion de son modèle d’organisation. Ainsi, « l’extension et l’approfondissement du champ des complicités sont le secret de la réussite et doivent être le souci premier des entreprises alternatives ».
Les entreprises autogérées sont donc à la fois ouvertes sur leur environnement extérieur mais fonctionnent pourtant en vase clos dans le sens où elles ne fréquentent que des structures similaires. Mais ce réseau semble s’élargir de jour en jour, notamment grâce aux thématiques de l’ « Economie Sociale et Solidaire » qui semblent pénétrer en profondeur le tissu social. Ce réseau offre donc désormais une multitude de contacts, qui ont l’avantage de se dérouler sur le mode de la « proximité », chacun ayant l’impression d’appartenir « au même monde ». Là encore la clôture de ce réseau est bien plus symbolique et psychologique que matérielle et structurelle.
En intégrant ces réseaux, La Péniche est donc à la fois ouverte sur son environnement, ce qui lui permet de se régénérer continuellement grâce à un apport d’informations toujours renouvelées, mais également « fermée », « close symboliquement » puisqu’elle ne s’ouvre que sur des structures portant le même projet qu’elle (expérimenter et publiciser l’autogestion et les pratiques alternatives), ce qui lui permet de bénéficier d’une forte identité. La place que la Péniche occupe au sein du réseau REPAS (ainsi que les autres structures qui composent ce réseau) nous offre donc une illustration parfaite de ce processus paradoxal que nous décrit Jean-Pierre Dupuy selon lequel l’environnement du système participe à la clôture organisationnelle, cognitive et informationnelle de ce système. La Péniche nous montre ainsi l’exemple d’un système à la fois fermé sur lui même et ouvert sur le monde.
Le réseau REPAS est également une illustration concrète de la métaphore holographique. Il se veut en effet un tout en lui-même, dont le projet spécifique (qu’il prenne le nom d’autogestion, d’économie social et solidaire, d’alternative…) est contenu dans chacune de ses parties (les différentes structures qui la compose).
Cette pratique du « réseautage » n’est pas sans rappeler la thématique fédéraliste propre à l’anarchisme autogestionnaire du XIX° siècle, et dont le réseau Repas pourrait être une illustration. Ainsi, plutôt que la révolution prolétarienne, Proudhon prônait davantage l’association des ouvriers et la découverte, l’invention de nouveaux modes de relations sociales et de nouvelles formes de structures économiques. A cette forme particulière d’association il donnera le nom de fédéralisme et l’objectif de lier différents groupements humains tout en les laissant libres et indépendants. Nous avons en effet défini l’idéal type autogestionnaire comme renvoyant à de « petites communautés autonomes respectueuses du pluralisme des éléments qui la constituent, mais fédérées entre elles par des relations d’entraide et de réciprocité ».
Le respect de la pluralité des éléments qui composent le réseau REAPS est perceptible au travers de l’extrême diversité des formes organisationnelles que prennent les entreprises qui composent ce réseau et qui, pourtant, portent toutes le même projet organisationnel : travailler autrement en expérimentant les principes autogestionnaires. Au travers de cette diversité on retrouve également le caractère hautement expérimental des entreprises autogestionnaires, où l’application des principes idéal typiques autogestionnaires peut prendre de multiples formes. Cette multiplicité de formes organisationnelles est le reflet même de la liberté laissée à chacun de ces collectifs qui décident par eux mêmes de la finalité de leur regroupement et des modalités pour y parvenir.
Ainsi, Sainsaulieu, Tixier et Marty remarquent que « le paysage des organisations ayant adopté une dimension collective est très diversifié », de même, Emeric Bréhier constate l’ « impossibilité de percevoir l’autogestion comme uniforme ». Et pour Jacques Grand’Maison, l’objectif de ces réseaux doit être de « permettre une variété des formules mais toujours autour d’un objectif : libérer la capacité de créativité, d’imagination et de concertation ».
Le fédéralisme entre structures autogérées tente ainsi de concilier diversité et cohésion, autonomie et interdépendance, comme l’explique Henri Arvon : « Ces fédérations suivent des contrats synallagmatiques et commutatifs qui lient ceux qui y souscrivent mais chacun est libre de le résilier ».
L’entreprise autogérée et les réseaux d’aide, de soutien et d’échanges dont elle s’entoure illustre ainsi parfaitement ce « monde connexionniste » en émergence, caractéristique des nouvelles formes organisationnelles. Comme en témoigne Béatrice Barras, fondatrice d’Ardelaine et du réseau Repas, « nos méthodes ont souvent fait appel au relationnel (…) La capacité à nouer des relations, à échanger des données, à créer des réseaux de confiance et de communauté d’intérêt est des plus performante, opérationnelle et satisfaisante ».
Le réseau REPAS nous permet ainsi d’illustrer les similitudes que l’on retrouve entre certains éléments de la pensée autogestionnaire et les nouvelles théories organisationnelles. Toutes deux tournent en effet autour des problématiques interactionnelles de la dialectique et de la systémique cherchant à concilier l’individu et le collectif, autonomie et interdépendance, diversité et cohésion…et toutes deux militent pour l’expérimentation de nouvelles formes organisationnelles, basée sur l’invention de nouvelles relations qui ne doivent pas n’être qu’un moyen au service d’un finalité purement économique, mais doivent aussi être considérées comme la condition même de la constitution de la société et du développement de l’intelligence.
Conclusion :
La réactualisation de l’idée autogestionnaire dans les nouvelles théories organisationnelles :
Ainsi, nouvelles théories organisationnelles et théorie autogestionnaire développent toutes deux une « image » très similaire de l’organisation et des processus organisationnels, mettant notamment l’accent sur :
La reconnaissance des dimensions collectives, interactionnelles et collaboratives du travail
Le refus du centralisme et de l’autoritarisme auxquels se substituent la décentralisation et les thématiques de la confiance, de la coopération et de la réciprocité
La remise en cause de la logique de formalisation et la reconnaissance de l’importance du système de régulation autonome et informel
La valorisation de l’intelligence, de l’apprentissage et de la créativité
La reconnaissance du pluralisme
L’importance de la pleine implication et participation de tous
La revalorisation du travail
Le passage de formes organisationnelles pyramidales et hiérarchiques à des formes organisationnelles horizontales disséminant les compétences et les pouvoirs décisionnels et organisationnels à tous les niveaux de l’organisation.
La remise en cause de la division du travail, de la séparation entre conception et exécution, et de la division entre les différentes sphères de l’existence humaine
Une conception non plus statique mais processuelle de l’organisation valorisant les thématiques de l’expérimentation et du changement permanent.
Autant de nouveaux fondements pour l’organisation, communs à la théorie autogestionnaire et aux nouvelles théories organisationnelles, qui nécessitent la démultiplication des flux de communication pour s’actualiser. Les Sciences de l’Information et de la Communication s’avèrent donc être une discipline clé pour analyser les entrelacements de ces deux modèles organisationnels.

La société de l’information, de la communication et de la connaissance comme terrain propice au renouveau de l’idée autogestionnaire :
La société de l’information a été un sujet favori des futurologues et prospectivistes avant de devenir une préoccupation des chercheurs et des décideurs politiques.
On constate depuis quelques temps un glissement sémantique qui nous fait passer de la société de l’information à celle de la connaissance. Ce glissement témoigne de la mutation de notre regard sur les phénomènes organisationnels et communicationnels, qui s’attache désormais à dépasser les conceptions classiques réductrices pour développer des approches à la fois élargies et affinées, en un mot complexifiées.
Ainsi pour Valenduc, ce glissement permet de « retracer un itinéraire conceptuel qui part d’une approche de la société postindustrielle nettement imprégnée de déterminisme technologique, pour s’achever (provisoirement sans doute) sur la notion de société de la connaissance, qui accorde un rôle prépondérant au capital humain et au capital social ». Ainsi, « parler de société de la connaissance c’est mettre l’accent sur de nouvelles dimensions : le savoir, l’apprentissage, la culture ».
Ce n’est plus le simple échange d’informations, de données brutes qui permet l’organisation, mais la compréhension, l’intériorisation puis l’extériorisation des ces informations leur conférant un statut de connaissance. C’est donc l’intelligence qui devient la variable organisationnelle, et donc productive, de base au travers des processus informationnels et communicationnels. Ceux-ci permettent en effet aux potentiels cognitifs non seulement de s’exprimer (et de servir ainsi l’organisation), mais plus encore de se développer à travers la transmission d’informations, les échanges et les relations sociales.

La société actuelle est ainsi celle de l’information, la communication et de la connaissance. On retrouve ici les trois variables clés des organisations autogérées. Comme nous l’avons évoqué, c’est en effet la socialisation de ces trois variable organisationnelles qui sont à la base de la socialisation du pouvoir et donc de l’autogestion.

Cette société de l’information, de la communication et de la connaissance semble un terrain propice pour le développement d’organisations autogérées.
Elle se caractériserait en effet par la démocratisation de la réception et de l’émission d’informations. Elle encourage donc la « socialisation » des moyens d’information et de communication, c’est-à-dire leur dissémination au sein du tissu social. Parallèlement, cette nouvelle doctrine repose sur l’idée qu’information et communication sont désormais les principaux vecteurs d’organisation. En socialisant les moyens d’information et de communication, elle participe donc, in fine, à la socialisation des moyens d’organisation et donc du pouvoir.
Ainsi, comme le souligne Pierre Rosanvallon : « la société informationnelle est l’envers du centralisme démocratique : elle organise la circulation du pouvoir à tous les niveaux et pas seulement de manière verticale. Elle s’appuie sur la conception d’une société décentralisée qui tend à diffuser le pouvoir pour le démocratiser ».
Frank Georgi, fervent défenseur et promoteur de l’idée autogestionnaire, milite ainsi pour « une société informationnelle où le pouvoir circule à tous les niveaux ».

Le renouveau de la pensée autogestionnaire comme système organisationnel alternatif ?
Ainsi, l’idée autogestionnaire, loin d’être morte (comme pourrait le laisser penser son absence patente dans les débats contemporains), semble être en réalité une idée pertinente et d’une vigoureuse actualité dans les nouvelles théories organisationnelles comme dans le contexte sociétal actuel.
Son apparente désuétude ne serait liée qu’au phénomène naturel du « cycle de vie des mots ». En effet, pour Frédéric Cépède « si nous appliquons cette hypothèse du cycle de vie des mots à l’autogestion, nous pouvons considérer qu’après avoir connu la marginalité puis le succès dans les années 70, l’autogestion comme mot a vécu ensuite la phase de banalisation qui accompagne le succès et prépare la décadence puis l’oubli. Mais l’autogestion comme source de vitalité souterraine, comme attente d’une démocratie toujours plus radicale et participative reste, elle, féconde et rien n’interdit de penser que le mot puisse connaître dès lors une nouvelle jeunesse dans un avenir plus ou moins proche ».
Ainsi, si le mot « autogestion » est bien mort, l’idée que ce terme incarne, et notamment l’ « image » de l’organisation dont il est porteur, reste toujours, voire de plus en plus, pertinente. L’idée autogestionnaire semble ainsi refleurir derrière de nouveaux vocables et de nouvelles thématiques. Michel Trebitsch se demande ainsi si l’idée autogestionnaire ne « renaît[rait] pas aujourd’hui dans la notion de « citoyenneté » ou de « nouvelle citoyenneté ». L’autogestion est aujourd’hui métisse de décentralisation, d’autonomie culturelle, de refus du politique, de contournement du national ». Frank Georgi constate lui aussi que « l’autogestion n’est pas morte et sa prospérité peut se lire aujourd’hui dans les mouvements contemporains en faveur d’une autre mondialisation essayant d’articuler les échelles de la démocratie, du local au global, nécessitant un haut niveau d’auto régulation ».
Ainsi, pour Pierre Rosanvallon « l’autogestion n’est pas une doctrine du XIX°, elle est la fille du XXI° siècle. Son projet et sa méthode accompagnent la rupture que nous indique la science contemporaine ».
C’est également l’idée que semblent défendre Michael Hart et Antonio Négri en constatant l’émergence d’une nouvelle forme organisationnelle globale qui offrirait « de nouvelles possibilités aux forces de libération ». A la société de contrôle, qui a succédé à la société disciplinaire, se substitut ainsi une nouvelle société qu’ils nomment « postmoderne (…) dans laquelle les mécanismes de maîtrise se font toujours plus « démocratiques », toujours plus immanents au champ social, diffusés dans le cerveau et le corps des citoyens ».
Ces auteurs situent le lieu d’émergence de cette nouvelle forme macro-organisationnelle au sein de l’entreprise car c’est le lieu « où naissent les résistances et les solutions de remplacement les plus efficaces au pouvoir de l’Empire ». En effet, l’activité productive des entreprises contemporaines semble actuellement subir de profonds bouleversements qui les amèneraient sur les chemins de l’autogestion : « la révolution de l’accumulation informationnelle requiert un énorme bond en avant vers une plus grande socialisation de la production. Cette socialisation grandissante est un processus qui fait assurément bénéficier le capital d’une productivité accrue, mais qui pointe aussi, au-delà de l’ère du capital, vers un nouveau mode social de production ». L’entreprise devient ainsi le lieu où s’exprime l’ « exigence politique de la multitude : le droit à la réappropriation (…) Dans ce contexte, la réappropriation signifie avoir le libre accès (et le contrôle sur) la connaissance, l’information, la communication et les affects, parce que ce sont quelques uns des moyens premiers de la production biopolitique. Le droit de réappropriation est réellement le droit de la multitude à l’autocontrôle et l’autoproduction autonome ».
L’intégration de l’idée autogestionnaire par le système organisationnel dominant ?
Dans une perspective beaucoup moins « enchantée », Boltanski et Chiapello font un constat plus amer : l’idée autogestionnaire, loin de remettre la logique capitaliste en question et de représenter une alternative, servirait au contraire à la justifier, à lui donner un sens, à remobiliser les travailleurs, c’est-à-dire ceux qui jouent un rôle dans le processus d’accumulation capitaliste sans en être les bénéficiaires privilégiés, et qui ont donc besoin d’une symbolique forte pour s’y engager.
Boltanski et Chiapello constatent ainsi la « capacité surprenante de survie [du système capitaliste] par endogénéisation d’une partie de la critique ». C’est en effet la critique qui serait le facteur essentiel de régénération du capitalisme. En croyant le combattre, elle contribuerait, paradoxalement, à le maintenir. Ainsi, « parce que la critique permet au capitalisme de se doter d’un esprit qui est nécessaire à l’engagement des personnes dans le processus de fabrication du profit, elle sert indirectement le capitalisme et est un des instruments de sa capacité à durer ».
L’ouvrage de Michael Hart et d’Antonio Négri semble lui aussi conduire au même constat : « de façon à la fois paradoxale et contradictoire, les processus impériaux de mondialisation assument ces événements en les identifiant à la fois comme limites et comme occasions pour recalibrer les instruments même de l’Empire ».

Ouverture :
Pour penser réellement la place de l’autogestion dans le renouvellement actuel des formes organisationnelles, il nous faut également souligner ce qui différencie cette théorie des nouvelles théories organisationnelles.
Tout d’abord, ces deux théories ne poursuivent pas les mêmes buts : la première valorise cette image de l’organisation car elle est jugée plus humaniste/démocratique, pour l’autre parce qu’elle est jugée plus efficace.
D’autre part, ces deux images de l’organisation fort similaires ne se développent pas dans le même contexte social, économique et culturel : l’une est fille du XIXème siècle alors que la deuxième émerge à l’orée du XXIème siècle.
Profondément, ces deux images sont donc le reflet deux idéologies bien distinctes : le socialisme, voire l’anarchisme, du XIXème siècle pour la première et le capitalisme contemporain pour la seconde.

Malgré ces fortes différences, ces deux idéologies semblent s’appuyer sur des principes organisationnels similaires, reposant notamment sur une intensification des activités communicationnelles, informationnelles et cognitives.
Une question se pose alors : de part cet ancrage idéologique fort différent, ces deux corpus théoriques prônant des principes organisationnelles quasi identiques vont-ils forcément déboucher sur des pratiques organisationnelles similaires ?
Une question plus conceptuelle se pose également : les tentatives de mise en application des nouvelles théories organisationnelles au sein de entreprises contemporaines amorcent-t-elles un certain renouveau de l’autogestion ou reflètent-elles au contraire l’extraordinaire intégration de la critique par le système capitaliste et donc « la fin de l’histoire », désormais engluée dans un système organisationnel indépassable ? Ou bien représentent-elles une troisième voie, une alternative permettant de dépasser ces deux idéologies par le passage à un méta niveau conciliant objectif économique et objectif social ?

Ce travail de recherche demande donc à être poursuivi en passant du niveau des théories, des principes et des discours à celui des pratiques organisationnelles.
Ce mémoire se poursuivra donc par la réalisation d’une Thèse visant à comparer les pratiques organisationnelles des coopératives autogérées à celles issues des innovations managériales contemporaines. L’objectif sera ainsi de poursuivre cette interrogation sur la place de l’autogestion dans les pratiques entrepreneuriales actuelles et d’affiner notre compréhension des modèles organisationnels actuellement en émergence.
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Ouvrages sur l’autogestion :

ARVON, Henri. L’autogestion. PUF, Que sais-je, 1980

FERREIRA, Nathalie. Economie sociale et autogestion, Entre utopie et réalité. L’Harmattan, 2004

FAY, Victor. L’autogestion, une utopie réaliste. Editions Syllepse, 1986

GRAND’MAISON, Jacques. Une tentative d’autogestion. Les Presses de l’Université de Montréal, 1975

GUILLERM, Alain et BOURDET, Yvon. Clefs pour l’autogestion. Editions Seghers, 1977.

LABORIT, Henri. Société informationnelle, idée pour l’autogestion. Les Editions du Cerf, 1973

LE MOIGNE, Jean-Louis et CARRE, Daniel. Auto organisation de l’entreprise, 50 propositions pour l’autogestion. Les Editions d’Organisation, 1977 

ROSANVALLON, Pierre. L’âge de l’autogestion. Edition du Seuil, 1976 

RUSSEL. Bertrand. Le monde qui pourrait être. Denoël, 1966.

Témoignages d’expériences autogestionnaires :

BARRAS, Béatrice. Moutons rebelles. Ardelaine, la fibre du développement local. Editions REPAS, 2003.

LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, l’aventure d’un collectif autogéré. Editions REAPS, 2003


Encyclopédie :

Encyclopédie Universalis, 1998


Ouvrages collectifs :

CHANLAT, Jean-François (dir.). L’individu dans l’organisation, les dimensions oubliées. Les presses de l’université de Laval, Editions ESKA, 1990

DELCAMBRE, Pierre (dir.). In Communications organisationnelles, objets, pratiques, dispositifs. Presse universitaire de Rennes, 2000.

JACOT, Jacques-Henri (dir.). Formes anciennes, formes nouvelles d’organisation. Presses Universitaires de Lyon, 1994 

LE MOENNE, Christian (dir.). Communications d’entreprises et d’organisations. Presses universitaires de Rennes, 1998


Ouvrages collectifs sur l’autogestion:

GEORGI, Frank (dir). L’autogestion, la dernière utopie ? Publication de la Sorbonne, 2003


Périodiques :

Science de la société, octobre 1994, n°33.

Revue Sciences de la société, Mai-octobre 2000, n°50-51.

Revue Science de la société, 2004, n°62.

Revue La pensée, Janvier mars 2000, n°321,
Articles tirés de périodiques :

ZARIFIAN, Philippe et VELTZ, Pierre. Vers de nouveaux modèles d’organisation. In Sociologie du travail, 1993, n°1.

THUDEROZ, Christian. Du lien social dans l’entreprise, travail et individualisme coopératif. Revue française de sociologie XXXVI, 1995.


Textes tirés de sites Internet :

Autogestion, mode d’emploi. Ouvrage rédigé par les membres de la Péniche en ligne sur :  HYPERLINK "http://www.autogestion.coop/" http://www.autogestion.coop/ (dans la rubrique L’autogestion en 10 questions)

CASTORIADIS, Cornélius.  HYPERLINK "http://infokiosque.lautre.net/article.php3?id_article=247" Autogestion et hiérarchie. Editions grain de sable. En ligne sur :  HYPERLINK "http:// infokiosques.net/article.php3?id_article=247" http:// infokiosques.net/article.php3?id_article=247

CASTEL, Odile. La dynamique institutionnelle de l’économie populaire solidaire dans les pays du sud. En ligne sur :  HYPERLINK "http://www.uqo.ca/ries2001/Economie/Populaire/cahierspdf/ CI4.pdf" http://www.uqo.ca/ries2001/Economie/Populaire/cahierspdf/ CI4.pdf , 2001

ZARIFIAN, Philippe. Sur la compétence. En ligne sur  HYPERLINK "http://perso.wanadoo.fr/philippe.zarifian/page50.htm" http://perso.wanadoo.fr/philippe.zarifian/page50.htm , novembre 1999.

ZARIFIAN, Philippe. Sue le modèle de la compétence. En ligne sur  HYPERLINK "http://perso.wanadoo.fr/philippe.zarifian/page64.htm" http://perso.wanadoo.fr/philippe.zarifian /page64.htm , novembre 2002.

ZARIFIAN, Philippe. Sur l’approche des organisations. En ligne sur :  HYPERLINK "http://perso.wanadoo.fr" http://perso.wanadoo.fr /philippe. Zarifian/page91.htm, Juillet 2003.

Michel Antony. Ferments libertaires dans quelques écrits utopiques et utopies libertaires. En ligne sur  HYPERLINK "http://72.14.203.104/search?q=cache:y6K7NB1b7NEJ:artic.ac-besancon.fr/histoire_geographie/HGFTP /Autres /Utopies/u3a-ferm.doc+les+utopies+proches+des+id%C3%A9es+libertaires+&hl=fr&gl=fr&ct=clnk&cd=2" http://72.14.203.104/search?q=cache:y6K7NB1b7NEJ:artic.ac-besancon.fr/histoire_geographie/HGFTP /Autres /Utopies/u3a-ferm.doc+les+utopies+proches+des+id%C3%A9es+libertaires+&hl=fr&gl=fr&ct=clnk&cd=2:. Mise à jour : 21/02/2006

ANTONY, Michel. Quelques œuvres utopiques libertaires ou résolument anarchistes. En ligne sur :  HYPERLINK "http://artic.ac-besancon.fr/histoire_geographie/HGFTP/Autres/Utopies/u3c-ferm.doc" http://artic.ac-besancon.fr/histoire_geographie/HGFTP/Autres/Utopies/u3c-ferm.doc. Mise à jour : 06/07/2005

Sites Internet :

 HYPERLINK "http://www.la-peniche.fr" http://www.la-peniche.fr

 HYPERLINK "http://www.reseaurepas.free.fr" http://www.reseaurepas.free.fr

Films :

La coopérative Mondragon, une idée d’avenir ? Film de Wiltrud Kremer
 Version définitive du mémoire de Master intégrant les remarques faites lors de la soutenance
 FERREIRA, Nathalie. Economie sociale et autogestion, Entre utopie et réalité. L’Harmattan, 2004
 CEPEDE, Frédéric. L’autogestion dans la propagande socialiste, 1968-1980. In L’autogestion, la dernière utopie ?, Sous la direction de Frank Georgi, publication de la Sorbonne, 2003
 FERREIRA, Nathalie. Economie sociale et autogestion, Entre utopie et réalité. L’Harmattan, 2004
 CEPEDE, Frédéric. L’autogestion dans la propagande socialiste, 1968-1980. In L’autogestion, la dernière utopie ? Sous la direction de Frank Georgi, publication de la Sorbonne, 2003
 Cité par Frank Georgi : Les rocardiens : pour une culture politique autogestionnaire. In L’autogestion, la dernière utopie ? Sous la direction de Frank Georgi, publication de la Sorbonne, 2003
 D’après l’expression de Gareth Morgan.
 GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987
 Un outil méthodologique particulier développé par Max Weber.
 GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987
 Bien au contraire, ce point sera qualifier au cours de l’introduction dans le paragraphe intitulé « résultats attendus »
 GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987
 GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987
 WEBER, Max. Essais sur la théorie de la science. Plon, 1965, pp. 179-180
 WEBER, Max. Essais sur la théorie de la science. Plon, 1965, pp. 179-180
 « La Péniche », 144 rue de Bagnolet, 75 020 Paris,  HYPERLINK "http://www.la-peniche.fr" www.la-peniche.fr
 GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987
 GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987
 GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987
 GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987
 Encyclopædia Universalis, 1998
 GUILLERM, Alain et BOURDET, Yvon. Clefs pour l’autogestion. Editions Seghers, 1977.
 CASTORIADIS, Cornélius.  HYPERLINK "http://infokiosque.lautre.net/article.php3?id_article=247" Autogestion et hiérarchie. Editions grain de sable. En ligne sur :  HYPERLINK "http:// infokiosques.net/article.php3?id_article=247" http:// infokiosques.net/article.php3?id_article=247
 Encyclopædia Universalis, 1998
 Cf. annexe 2 : « généalogie de l’idée autogestionnaire » : Le XIXème siècle : L’anarchisme (p 86)
 FAY, Victor. L’autogestion, une utopie réaliste. Editions Syllepse, 1986
 Dictionnaire encyclopédique Quillet.
 CASTORIDIS, Cornélius. Op. Cit.
 TIXIER, Jacques. Socialisme, démocratie, autogestion. Revue La pensée n°321, Janvier mars 2000 
 LE MOIGNE, Jean-Louis et CARRE, Daniel. Auto organisation de l’entreprise, 50 propositions pour l’autogestion. Les Editions d’Organisation, 1977 
 ROSANVALLON, Pierre. L’âge de l’autogestion. Edition du Seuil, 1976 
 Encyclopédie Universalis.
 ROSANVALLON, Pierre. Op. Cit. (1976).
 Encyclopédie Universalis.
 Encyclopédie Universalis.
 ARVON, Henri. L’autogestion. PUF, Que sais-je, 1980
 ARVON, Henri. Op. Cit. (1980).
 GUILLERM, Alain et BOURDET, Yvon. L’autogestion. Editions Seghers, 1975.
 GUILLERM, Alain et BOURDET, Yvon. Clefs pour l’autogestion. Editions Seghers, 1977
 BRAUD, Philippe et BURDEAU, François. Histoire des idées politiques depuis la révolution. Editions Montchrestien, 1992.
 ROSANVALLON, Pierre. L’âge de l’autogestion. Edition du Seuil, 1976 
 ROSANVALLON, Pierre. Op. Cit. (1976).
 ROSANVALLON, Pierre. L’âge de l’autogestion. Edition du Seuil, 1976 
 Au travers de cette notion d’ « interrelation », nous retrouvons les positions systémiques à mêmes de montrer l’importance des relations, et donc des communication, dans une organisation autogérée.
 LABORIT, Henri. Société informationnelle, idée pour l’autogestion. Les Editions du Cerf, 1973
 CASTORIADIS, Cornélius. Op. Cit.
 LABORIT, Henri. Société informationnelle, idée pour l’autogestion. Les Editions du Cerf, 1973
 LE MOIGNE, Jean-Louis et CARRE, Daniel. Auto organisation de l’entreprise, 50 propositions pour l’autogestion. Les Editions d’Organisation, 1977 
 LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, l’aventure d’un collectif autogéré. Editions REAPS, 2003
 Une distinction opérée par le champ de la Communication Organisationnelle et qui doit être manier avec prudence puisque ces deux dimensions, loin de s’opposer, sont complémentaires. Ainsi, dans l’organisation, l’information signal permet de prendre part à l’organisation des activités productives et à leur coordination ; l’information symbolique permet de prendre part aux décisions politiques et de participer à la cohésion symbolique de l’organisation. Henri Laborit fait ainsi une distinction entre « l’information spécialisée (…) nécessaire à un travail technique, [et] l’information généralisée (…) nécessaire à tout homme pour vivre en homme et non en chimpanzé ».
 LABORIT, Henri. Société informationnelle, idée pour l’autogestion. Les Editions du Cerf, 1973
 Cf. annexe 2 : « Généalogie de l’idée autogestionnaire » (p66)
 ROSANVALLON, Pierre. Op. Cit. (1976).
 PROBST, Gilbert. Organiser par l’auto-organisation, Gilbert Probst. Les Editions d’organisation. 1993
 BRAUD, Philippe et BURDEAU, François. Histoire des idées politiques depuis la révolution. Editions Montchrestien, 1992.
 ROSANVALLON, Pierre. Op. Cit. (1976).
 ROSANVALLON, Pierre. Op. Cit. (1976).
 ROSANVALLON, Pierre. Op. Cit. (1976).
 Encyclopédie Universalis.
 Encyclopédie Universalis.
 CASTORIADIS, Cornélius.  HYPERLINK "http://infokiosque.lautre.net/article.php3?id_article=247" Autogestion et hiérarchie. Editions grain de sable. En ligne sur :  HYPERLINK "http:// infokiosques.net/article.php3?id_article=247" http:// infokiosques.net/article.php3?id_article=247
 PROBST, Gilbert. Organiser par l’auto-organisation, Gilbert Probst. Les Editions d’organisation. 1993
 AMBLARD, Henri ; BERNOUX, Philippe ; Herreros, Gilles; LIVIAN, Yves-Frédéric. Les nouvelles approches sociologiques des organisations. Seuil, 1996 (3° éditions augmentée en 2005)
 ZARIFIAN, Philippe et VELTZ, Pierre. Vers de nouveaux modèles d’organisation. In Sociologie du travail n°1, 1993
 COUTROT, Thomas. L’entreprise néolibérale, nouvelle utopie capitaliste ? Editions La Découverte, 1998
 ZARIFIAN, Philippe et VELTZ, Pierre. Vers de nouveaux modèles d’organisation. In Sociologie du travail n°1, 1993
 VIRNO, Paulo. Grammaire de la multitude, pour une analyse des formes de vie contemporaines. Editions de l’éclat et conjonctures. 2001
 ZARIFIAN, Philippe et VELTZ, Pierre. Op. Cit. (1993).
 ZARIFIAN, Philippe et VELTZ, Pierre. Op. Cit. (1993).
 ZARIFIAN, Philippe et VELTZ, Pierre. Op. Cit. (1993).
 COUTROT, Thomas. L’entreprise néolibérale, nouvelle utopie capitaliste ? Editions La Découverte, 1998
 COUJARD, Louis. Information spécifique, innovation et apprentissage dans l’organisation. Esquisse d’une approche critique. In Science de la société n°33, Octobre 1994.
 ZARIFIAN, Philippe et VELTZ, Pierre. Vers de nouveaux modèles d’organisation. In Sociologie du travail n°1, 1993
 JACOT, Jacques-Henri. Formes anciennes, formes nouvelles d’organisation. Presses Universitaires de Lyon, 1994
 LE MOIGNE, Jean-Louis et CARRE, Daniel. Auto organisation de l’entreprise, 50 propositions pour l’autogestion. Les Editions d’Organisation, 1977 
 GENOT, Alain. Pierre Naville et l’autogestion face aux structures du capitalisme et du socialisme d’Etat. In L’autogestion, la dernière utopie ?, Sous la direction de Frank Georgi, publication de la Sorbonne, 2003
 Le mot anarchie dérive du grec ancien "an", qui renvoie au préfixe privatif « sans », et "arkhe", signifiant « commandement » ou « autorité ». Voir annexe 2 : « généalogie de l’idée autogestionnaire » (p 66)
 ZARIFIAN, Philippe. Sur la compétence. En ligne sur  HYPERLINK "http://perso.wanadoo.fr/philippe.zarifian/page50.htm" http://perso.wanadoo.fr/philippe.zarifian/page50.htm , novembre 1999.
 Pierre, ROMELAER. Que seront les entreprises de demain. In CABIN, Philippe et CHOC, Bruno (ouvrage coordonné par). Les organisations, états des savoirs. Editions Sciences Humaines, 2005 (2° édition actualisée)
 ZARIFIAN, Philippe et VELTZ, Pierre. Vers de nouveaux modèles d’organisation. In Sociologie du travail n°1, 1993.
 ZARIFIAN, Philippe et VELTZ, Pierre. Op. Cit. (1993).
 BORZEIX, Anni et LINHART, Danièle. Les identités en parole, entreprises et pratiques langagières. In L’individu dans l’organisation, les dimensions oubliées. Sous la direction de Jean-François Chanlat. Les presses de l’université de Laval, Editions ESKA, 1990
 CHANLAT, Alain et BEDARD, Renée. La gestion, une affaire de parole. L’individu dans l’organisation, les dimensions oubliées. Sous la direction de Jean-François Chanlat. Les presses de l’université de Laval, Editions ESKA, 1990
 Voir annexe 1 : « généalogie des théories organisationnelles et communicationnelles » : « la métaphore du réseau » (p 46)
 KIRAT, Thierry. L’organisation entre statique et dynamique. In JACOT, Jacques-Henri. Formes anciennes, formes nouvelles d’organisation. Presses Universitaires de Lyon, 1994 
 AMBLARD, Henri ; BERNOUX, Philippe ; Herreros, Gilles; LIVIAN, Yves-Frédéric.Les nouvelles approches sociologiques des organisations. Seuil, 1996 (3° éditions augmentée en 2005)
 THUDEROZ, Christian. Du lien social dans l’entreprise, travail et individualisme coopératif. Revue française de sociologie XXXVI, 1995.
 Voir annexe 2 : « généalogie de la théorie autogestionnaire »
 Voir annexe 1 : « généalogie des théories organisationnelles et communicationnelles » : « la métaphore du réseau » (p 46)
 BECKER, Howard. Le monde de l’art. Flammarion, 1988
 BOURDIN, Sylvie. Pour une médiologie des organisations. In Communications organisationnelles, objets, pratiques, dispositifs (textes réunis par Pierre Delcambre). Presse universitaire de Rennes, 2000.
 CASTORIADIS, Cornélius. Les carrefours du labyrinthe II : Domaines de l’homme. Seuil, 1986 
 VIRNO, Paulo. Grammaire de la multitude, pour une analyse des formes de vie contemporaines. Editions de l’éclat et conjonctures. 2001 
 BOUILLON, Jean-Luc. Gestion des connaissances productives et objets de communication professionnelle. In Communications organisationnelles, objets, pratiques, dispositifs (textes réunis par Pierre Delcambre). Presse universitaire de Rennes, 2000.
 COUTROT, Thomas. L’entreprise néolibérale, nouvelle utopie capitaliste ? Editions La Découverte, 1998
 THUDEROZ, Christian. Du lien social dans l’entreprise, travail et individualisme coopératif. Revue française de sociologie XXXVI, 1995.
 ZARIFIAN, Philippe et VELTZ, Pierre. Vers de nouveaux modèles d’organisation. In Sociologie du travail n°1, 1993
 Encyclopédie Universalis.
 BARRAS, Béatrice. Moutons rebelles. Ardelaine, la fibre du développement local. Editions REPAS, 2003.
 MORGAN, Gareth. Les images de l’organisation. SKA, 1989.
 JORDA, Henri. Travail et discipline, de la manufacture à l’entreprise intelligente. L’Harmattan, 1999
 MORGAN, Gareth. Les images de l’organisation. SKA, 1989.
 MORGAN, Gareth. Les images de l’organisation. SKA, 1989.
 MORGAN, Gareth. Les images de l’organisation. SKA, 1989.
 DERY, Richard. De l’information à l’argumentation. In L’individu dans l’organisation, les dimensions oubliées. Sous la direction de Jean-François Chanlat. Les presses de l’université de Laval, Editions ESKA, 1990
 MORGAN, Gareth. Les images de l’organisation. SKA, 1989.
 Voir annexe 1 : « généalogie des théories organisationnelles et communicationnelles » : « la notion de culture apliquée à l’entreprise » (p 43)
 Le pouvoir dans les organisations, henry Mintzberg, Editions d’organisation, 1986, 2003
 Le pouvoir dans les organisations, henry Mintzberg, Editions d’organisation, 1986, 2003
 CHANLAT, Jean-François. Vers une anthropologie de l’organisation. In L’individu dans l’organisation, les dimensions oubliées. Sous la direction de Jean-François Chanlat. Les presses de l’université de Laval, Editions ESKA, 1990.
 CHANLAT, Jean-François. Op. Cit. (1990).
 ZARIFIAN, Philippe. A quoi sert le travail. La dispute, 2003 :
 THUDEROZ, Christian. Du lien social dans l’entreprise. In Revue française de sociologie, XXXVI, 19995.
 CHANLAT, Jean-François. L’être humain, un être de désir et de pulsions. In L’individu dans l’organisation, les dimensions oubliées. Sous la direction de Jean-François Chanlat. Les presses de l’université de Laval, Editions ESKA, 1990
 L’individu dans l’organisation, les dimensions oubliées. Sous la direction de Jean-François Chanlat. Les presses de l’université de Laval, Editions ESKA, 1990
 PROBST, Gilbert. Organiser par l’auto-organisation, Gilbert Probst. Les Editions d’organisation. 1993
 LE MOIGNE, Jean-Louis et CARRE, Daniel. Auto organisation de l’entreprise, 50 propositions pour l’autogestion. Les Editions d’Organisation, 1977 
 TREBITSCH, Michel. Henri Lefebvre et l’autogestion. In Autogestion, la dernière utopie. Sous la direction de Frank Georgi. Publication de la Sorbonne, 2003
 SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983
 L’autogestion, la dernière utopie ? Sous la direction de Frank Georgi, publication de la Sorbonne, 2003
 LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, l’aventure d’un collectif autogéré. Editions REAPS, 2003
 Voir annexe 1 : « généalogie des théories organisationnelles et communicationnelles» : « la notion de projet » (p 46)
 BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999
 Voir Annexe 1 : « généalogie des théories organisationnelles et communicationnelles »
 CABIN, Philippe. Le sciences de l’organisation : entre théorie et pratique. In CABIN, Philippe et CHOC, Bruno (ouvrage coordonné par). Les organisations, états des savoirs. Editions Sciences Humaines, 2005 (2° édition actualisée)
 LEMOENNE, Christian. Quelle conception de la communication à l’heure de la dislocation spatio-temporelle des entreprises. Revue Science de la société n°62, 2004.
 ROSANVALLON, Pierre. Op. Cit. (1976).
 LE MOIGNE, Jean-Louis et CARRE, Daniel. Auto organisation de l’entreprise, 50 propositions pour l’autogestion. Les Editions d’Organisation, 1977 
 Cité dans L’autogestion, la dernière utopie ? Sous la direction de Frank Georgi, publication de la Sorbonne, 2003.
 GENOT, Alain. Pierre Naville et l’autogestion face aux structures du capitalisme et du socialisme d’Etat. In L’autogestion, la dernière utopie ?, Sous la direction de Frank Georgi, publication de la Sorbonne, 2003
 SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983
 ROSANVALLON, Pierre. Op. Cit. (1976).
 ROSANVALLON, Pierre. Op. Cit. (1976).
 KROPOTKINE, Pierre. La science moderne et l’anarchie. 1901.
 PROBST, Gilbert. Organiser par l’auto-organisation, Gilbert Probst. Les Editions d’organisation. 1993
 L’anarchie. En ligne sur :  HYPERLINK "http://perso.orange.fr/jean-pierre.proudhon/p_j_prou/anarchie.htm" http://perso.orange.fr/jean-pierre.proudhon/p_j_prou/anarchie.htm
 BOUZON, Arlette. Les représentations sociales dans l’entreprise. In Communications organisationnelles, objets, pratiques, dispositifs (textes réunis par Pierre Delcambre). Presse universitaire de Rennes, 2000.
 AMABILE, Serge. D’une gestion substantive de l’information à une organisation procédurale de l’attention. Science de la société n°33 
 PUTHOD, Dominique. Les alliances et la politique de vigilance. Science de la société n°33, 1994.
 SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983
 VIRNO, Paulo. Grammaire de la multitude, pour une analyse des formes de vie contemporaines. Editions de l’éclat et conjonctures. 2001 
 HARDT, Michael et NEGRI, Antonio. Empire. Exils, 2000 
 VIRNO, Paulo. Grammaire de la multitude, pour une analyse des formes de vie contemporaines. Editions de l’éclat et conjonctures. 2001 
 ZARIFIAN, Philippe. A quoi sert le travail. La dispute, 2003.
 ZARIFIAN, Philippe. Op. Cit. (2003)
 ZARIFIAN, Philippe. Op. Cit. (2003)
 HARDT, Michael et NEGRI, Antonio. Empire. Exils, 2000 
 PROUDHON. Création de l’ordre dans l’humanité. 1843.
 Encyclopédie Universalis
 ZARIFIAN, Philippe. Op. Cit. (2003)
 ZARIFIAN, Philippe. Op. Cit. (2003)
 RUSSEL, Bertrand. Le monde qui pourrait être. Denoël, 1966.
 ZARIFIAN, Philippe. Op. Cit. (2003)
 ZARIFIAN, Philippe. Op. Cit. (2003)
 Théorie générale des systèmes. Dunod, 1982
 MORIN, Edgar. Introduction à la pensée complexe. ESF, 1990.
 L’individu dans l’organisation, les dimensions oubliées. Sous la direction de Jean-François Chanlat. Les presses de l’université de Laval, Editions ESKA, 1990 
 DUPUY, Jean-Pierre. Anthropologie, culture et organisation, vers un modèle constructiviste. Op. Cit. (1990)
 GARCIA, Roland. Dialectique, psychogenèse et histoire des sciences. Postface de : PIAGET, Jean. Les formes élémentaires de la dialectique. Gallimard, 1980.
 PIAGET, Jean. Les formes élémentaires de la dialectique. Gallimard, 1980.
 MORGAN, Gareth. Les images de l’organisation. SKA, 1989.
 JULLIEN, François. Procès ou création, une introduction à la pensée de lettrés chinois. Paris : Editions du seuil, 1989.
 JULLIEN, François. Op. Cit. (1989).
 AMBLARD, Henri ; BERNOUX, Philippe ; Herreros, Gilles; LIVIAN, Yves-Frédéric. Op. Cit.
 AMBLARD, Henri ; BERNOUX, Philippe. Op. Cit. (1996, 3° éditions augmentée en 2005).
 AMBLARD, Henri ; BERNOUX, Philippe. Op. Cit. (1996, 3° éditions augmentée en 2005).
 JULLIEN, François. Procès ou création, une introduction à la pensée de lettrés chinois. Paris : Editions du seuil, 1989.
  HYPERLINK "http://www.dauphine.fr/crepa/ArticleCahierRecherche/CahierdeRecherche/cahier53.pdf" http://www.dauphine.fr/crepa/ArticleCahierRecherche/CahierdeRecherche/cahier53.pdf
 Le MOIGNE., Jean-Louis. Les épistémologies constructivistes. PUF, 1995 
 BACHELARD, Gaston. La formation de l’esprit scientifique. Paris, Librairie philosophique Vrin, 1999
 LE MOIGNE, Jean-Louis et CARRE, Daniel. Auto organisation de l’entreprise, 50 propositions pour l’autogestion. Les Editions d’Organisation, 1977 
 MORIN, Edgar. Introduction à la pensée complexe. ESF, 1990
 DUPUY, Jean-Pierre. Ordres et désordres, enquête sur un nouveau paradigme. Editions du Seuil, 1982
 Voir annexe 3 : La Péniche : 9. Pochette de présentation (p138)
 Union des syndicats et groupements d’employeurs de l’économie sociale et solidaire
 Collectif associatif des finances solidaires 
 Confédération permanente des coordinations associatives.
 Journal professionnel d’administration, de gestion, d’organisation des responsables d’associations,
 Union régionale des entreprises d’insertion
  HYPERLINK "http://www.cmb.fr" www.cmb.fr
 Institut National de la Jeunesse et de l'éducation populaire :  HYPERLINK "http://www.educ-pop.org" www.educ-pop.org
 Agence de valorisation des initiatives socio-économiques :  HYPERLINK "http://www.avise.fr" www.avise.fr
 Site Internet destiné à l’ensemble des acteurs de l’Economie Sociale de Rhône Alpes :  HYPERLINK "http://www.alpesolidaires.org" www.alpesolidaires.org
 Plan pour l’insertion et l’emploi de l’agglomération grenobloise :  HYPERLINK "http://www.insertion-agglo.org" www.insertion-agglo.org
  HYPERLINK "http://www.menages-prevoyants.fr" www.menages-prevoyants.fr
  HYPERLINK "http://www.associatis.com" http://www.associatis.com
  HYPERLINK "http://www.associationmodeemploi.fr" www.associationmodeemploi.fr
 Voir le site Internet de l’entreprise :  HYPERLINK "http://www.la-peniche.fr" www.la-peniche.fr
 Autogestion, mode d’emploi. Ouvrage rédigé par les membres de la Péniche en ligne sur :  HYPERLINK "http://www.autogestion.coop/" http://www.autogestion.coop/ (dans la rubrique L’autogestion en 10 questions)
 Autogestion, mode d’emploi.
 Autogestion mode d’emploi.
 Voir annexe 2 : « généalogie de la théorie autogestionnaire » : « les cités témoins » (p62)
 LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, l’aventure d’un collectif autogéré. Editions REAPS, 2003
 Voir annexe 1 : « généalogie des théories organisationnelles et communicationnelles » : « la notion de projet » ( p 48)
 Un statut juridique particulier que nous avons déjà évoqué lors de la généalogie de l’idée autogestionnaire.
 Autogestion, mode d’emploi.
 SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983
 LULEK, Michel. Scions…travaillait autrement ? Ambiance bois, l’aventure d’un collectif autogérée. Editions REPAS, 2003.
 ZAIDMAN, Sylvie. Des associations ouvrières au Scop de mai. In L’autogestion, la dernière utopie ?, Sous la direction de Frank Georgi, publication de la Sorbonne, 2003
 CASTEL, Odile. La dynamique institutionnelle de l’économie populaire solidaire dans les pays du sud. En ligne sur :  HYPERLINK "http://www.uqo.ca/ries2001/Economie/Populaire/cahierspdf/ CI4.pdf" http://www.uqo.ca/ries2001/Economie/Populaire/cahierspdf/ CI4.pdf , 2001
 LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, l’aventure d’un collectif autogéré. Editions REAPS, 2003
 Autogestion, mode d’emploi.
 Le premier étant la socialisation des moyens matériels de production, partie que nous venons d’aborder précédemment.
 Cf. annexe 3 : La Péniche : 10. La réunion hebdomadaire (p 152) et 15. Les ordres du jour des réunions (p 162)
 Autogestion, mode d’emploi.
 GUEYE, Sémou Pathé. Espace démocratique et démocratie délibérative, repenser la politique. Revue La pensée n°321, Janvier mars 2000 
 Cf. annexe 3 : La Péniche : 11. L’agencement spatial en « bureau ouvert » (p 153)
 BOUZON, Arlette. Les représentations sociales dans l’entreprise. In Communications organisationnelles, objets, pratiques, dispositifs (textes réunis par Pierre Delcambre). Presse universitaire de Rennes, 2000.
 Autogestion, mode d’emploi.
 Autogestion, mode d’emploi.
 LINHART, Danièle. Le torticolis de l’autruche, l’éternelle modernisation des entreprises françaises. Seuil, 1991
 Cf. annexe 3 : La Péniche : 13. Les fiches gestion (p 156).
 Autogestion, mode d’emploi.
 Autogestion, mode d’emploi.
 SAINSAULIEU, TIXIER, MARTY. La démocratie en organisation. Librairies des Méridiens, 1983.
 Autogestion, mode d’emploi.
 BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999
 Autogestion mode d’emploi.
 Cf. annexe 3 : La Péniche : 13. Les fiches gestion (p 156), 14. Les documents de gestion (p 151) et 15. Les ordres du jour des réunions (p 162).
 Autogestion mode d’emploi.
 Autogestion mode d’emploi.
 Voir annexe 3 : La Péniche : 12. Les web cam (p 155)
 Sylvain est le deuxième membre détaché de la Péniche parisienne. Pour autant, cette distance géographique ne l’a jamais empêché de se sentir pleinement intégré. Il est en effet l’un des fondateurs de cette entreprise et n’est parti sur Grenoble que depuis 2002. Durant 7 ans, il a donc eu tout le temps nécessaire pour tisser des liens de confiance et d’amitié qui lui permirent par la suite de « continuer l’aventure » à distance.
 Le pouvoir dans les organisations, henry Mintzberg, Editions d’organisation, 1986, 2003
 Le pouvoir dans les organisations, henry Mintzberg, Editions d’organisation, 1986, 2003
 Scierie autogérée appartenant au réseau REPAS.
 LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, l’aventure d’un collectif autogéré. Editions REAPS, 2003.
 Autogestion, mode d’emploi.
 SAINSAULIEU, TIXIER, MARTY. La démocratie en organisation. 1983.
 LULEK, Michel. Op. Cit. (2003).
 SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983
 VIRNO, Paulo. Grammaire de la multitude, pour une analyse des formes de vie contemporaines. Editions de l’éclat et conjonctures. 2001
 Autogestion, mode d’emploi.
 Autogestion, mode d’emploi.
 Autogestion, mode d’emploi.
 SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983
 SAINSAULIEU, TIXIER, MARTY. Op. Cit (1983).
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 SAINSAULIEU, TIXIER, MARTY. La démocratie en organisation. 1983.
SAINSAULIEU, TIXIER, MARTY. La démocratie en organisation. 1983.
 BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999
 Cf. annexe 3 : La Péniche : 16. La gestion de crise par la communication (p 172)
 BARRAS, Béatrice. Moutons rebelles. Ardelaine, la fibre du développement local. Editions REPAS, 2003
 LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, l’aventure d’un collectif autogéré. Editions REAPS, 2003
 BARRAS, Béatrice. Op. Cit. (2003).
 BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999
 BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999
 Annexe 3 : La Péniche : 17. Le repas du midi (p 177)
 Cf. annexe 1 : « Généalogie des théories organisationnelles et communicationnelles » : « les apports de Maslow » (p 18).
 Il ne m’a, en effet, pas encore été possible d’assister à un de ces « entretiens d’embauche », ces remarques découlent des témoignages des différents membres de la Péniche concernant leurs embauches.
 On retrouve ici la notion d’ « homme complet » évoquée précédemment.
 SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983
 Autogestion, mode d’emploi.
 SAINSAULIEU, TIXIER, MARTY. La démocratie en organisation. 1983.
 SAINSAULIEU, TIXIER, MARTY. La démocratie en organisation. 1983.
 Cf. annexe 1 : Généalogie des théories communicationnelles : L’anthropologie de la communication (p 58)
 Voir annexes3 : La Péniche : 6. La pochette de présentation (p 138)
 BARTOLI, Annie. Communication et organisation, pour une politique générale cohérente.
Les Editions d’Organisation, 1991
 BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999
 Cf. annexe 3 : La Péniche : 18. Les cartes de vœux (p 177)
 Autogestion, mode d’emploi.
 Autogestion, mode d’emploi.
 CASTEL, Odile. La dynamique institutionnelle de l’économie populaire solidaire dans les pays du sud. En ligne sur :  HYPERLINK "http://www.uqo.ca/ries2001/Economie/Populaire/cahierspdf/ CI4.pdf" http://www.uqo.ca/ries2001/Economie/Populaire/cahierspdf/ CI4.pdf , 2001
 Directrice générale de Fagor électroménager, l’une des 80 coopératives de Fagor.
 La coopérative Mondragon, une idée d’avenir ? Film de Wiltrud Kremer.
 PROBST, Gilbert. Organiser par l’auto-organisation, Gilbert Probst. Les Editions d’organisation. 1993
 BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999
  HYPERLINK "http://www.reseaurepas.free.fr" http://www.reseaurepas.free.fr
 LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, l’aventure d’un collectif autogéré. Editions REAPS, 2003.
 Cf. annexe 3 : La Péniche : 19. Rencontre du REPAS le 26 et 27 novembre 2005 (p 179).
 BARRAS, Béatrice. Moutons rebelles. Ardelaine, la fibre du développement local. Editions REPAS, 2003
 BARRAS, Béatrice. Op. Cit. (2003).
 LULEK, Michel. Scions...travaillait autrement, Ambiance bois, l’aventure d’un collectif autogéré. Editions REAPS, 2003.
 DUPUY, Jean-Pierre. Ordres et désordres, enquête sur un nouveau paradigme. Editions du Seuil, 198
 SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983
 BREHIER, Emeric. Le CERES et l’autogestion au travers de ses revus. In L’autogestion, la dernière utopie ? Sous la direction de Frank Georgi, publication de la Sorbonne, 2003.
 GRAND’MAISON, Jacques. Une tentative d’autogestion. Les Presses de l’Université de Montréal, 1975
 ARVON, Henri. L’autogestion. PUF. Que sais-je ?, A980.
 BARRAS, Béatrice. Moutons rebelles. Ardelaine, la fibre du développement local. Editions REPAS, 2003
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 GEORGI, Frank. Les rocardiens : pour une culture politique autogestionnaire. In L’autogestion, la dernière utopie ? Sous la direction de Frank Georgi. Publication de la Sorbonne, 2003
 ROSANVALLON, Pierre. L’âge de l’autogestion. Edition du Seuil, 1976 
 HARDT, Michael et NEGRI, Antonio. Empire. Exils, 2000
 BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999
 En effet, même si certains auteurs, tels Frank Georgi, pensent que l’autogestion est fille du XXI° siècle, il est indéniable que cette pensée s’est réellement constitué au XIXème siècle et porte la marque de ses géniteurs, tels Proudhon.









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