PERMA-CULTURE 2. Aménagements pratiques à la campagne et ...
plantées avec les pommes de terre attirent des masses d'oeufs de ..... Ils se
nomment dans l'ordre : reforestation, préparation du sol et application de ....
GEOFF WALLACE FAIT UNE DÉMONSTRATION DE SON « CONDITIONNEUR
DE SOL » A KIEWA. ...... 7.6 : PLAN D'UN RÉSERVOIR DE TERRE REVU ET
CORRIGÉ.
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PERMA-CULTURE 2.
Aménagements pratiques à la campagne et en ville Bill Mollison Traduction française : François Couplan
SOMMAIRE 1 INTRODUCTION 1.1 La philosophie sous-jacente 2 2.1 La planification PLANIFIER 2.2 Critères de planification LE PAYSAGE 1 Décider des priorités 2.3 La planification des zones et des secteurs 1 Comment placer les éléments dans les zones 2 Comment placer les éléments dans les secteurs 2.4 Analyse à grande échelle du paysage 1 Utiliser la pente 2.5 Combien de terrain ? 2.6 L'« empilement » des végétaux 1 Établissement du système 2.7 L'interaction des plantes et des animaux 1 Les animaux 3.1 L'amélioration du sol à grande échelle AMÉLIORER 3.2 Cultures sans labour
LE SOL 1 Céréales 2 Légumineuses, haies, plantes oléagineuses 3 Distribution de la production 3.3 Mulch en couches pour jardins familiaux 46 1 Le mulch vivant 2 Le mulch de pierres 3 Rendre les annuelles vivaces 4.1 Planifier la production régulière du fourrage TECHNIQUE A 4.2 Permaculture arboricole pour superficies importantes GRANDE ÉCHELLE 1 Production de combustibles à partir des plantes, à la ferme et en ville 4.3 Vergers 1 La taille : nécessité ou habitude ? 4.4 Bois et haies 5.1 Pays arides PLANIFIER EN 1 Stratégies locales CLIMAT DIFFICILE 2 Bétail 3 Techniques des aborigènes 4 Production permanente de grains 5 Système alimentaire pour basse-cour 6 Notes sur l'alimentation des aborigènes 7 Liste annotée de plantes vivaces utiles pour les pays arides 8 Remerciements et excuses 5.2 Tropiques 1 Tropiques humides 5.3 Côtes marines 5.4 La création de micro-climats 6.1 L'habitation climatique STRUCTURES 6.2 Modifications de la maison 6.3 Le soleil et le vent : amis ou ennemis 6.4 Maisons nouvelles 1 Maisons de terre 2 Maisons et plantes 6.5 Plans et techniques de moindre importance 1 Murs anti-bruits 2 Toits de terre (ou toits gazonnés) 3 Mandalas de feu 4 Fenêtres 5 Retour aux grottes 6 Égouts et autres sujets dégoûtants 7.1 Polyculture aquatique EAU, 7.2 Construction des ouvrages hydrauliques HYDRAULIQUE 1 Nomenclature des mares et des lacs 7.3 Cultures en étangs 7.4 Intérêt public -- la pêche sportive 7.5 Vases à salicornes 7.6 Mariculture
1 Pièges à marée en pierre Plantes marines (Zostères, Hétérozostères et Posidonies) 8.1 Installation POULAILLERS EN 8.2 Stockage du fourrage LIBRE-SERVICE 8.3 Régulation de la production 8.4 Inventaire de plantes utiles 1 Espèces avec des graines et des gousses en été 2 Arbres et arbustes produisant noix, glands, etc. (pour stocker de l'automne au printemps) 3 Baies et fruits produisant de la pulpe et des graines (de la fin de l'été au milieu de l'hiver) 4 Lianes pour clôtures et espaliers 5 Racines 6 Verdures et graines pour la couche herbeuse 7 Espèces pour semer à la volée. Semis dans les cours à
paille 8 Herbes et adventices 9 Planification Action civique PERMACULTURE ET COMMUNAUTÊ 10 Bureau d'études AUTRES Plans types RESSOURCES Revue trimestrielle de l'association L'Institut de permaculture Index des espèces utiles en permaculture Tagari 11 Principales références BIBLIOGRAPHIE Compléments bibliographiques 12 Adresses de contacts LA PERMA- CULTURE EN EUROPE FRANCOPHONE 4
Avertissement A l'exception de la région méditerranéenne, le climat de l'Europe est plus froid que celui de l'Australie, où a été conçu cet ouvrage. Les plantes proposées ne peuvent donc pas toutes s'adapter à nos régions. La permaculture y est pourtant pratiquée avec succès depuis plus de dix ans. 5
INTRODUCTION Permettez-moi d'abord de vous dire que je considère la permaculture comme un système énergétique complet, sûr et durable. La permaculture, telle qu'elle est ici définie, se veut une méthode d'agriculture planifiée, dont le choix, la disposition sur le terrain et la conduite des plantes et des animaux constituent la base. Dans ce sens, cet ouvrage n'est pas un livre de « jardinage ». Il est donc bien possible que Permaculture 1 soit le premier livre sur les plantes dont la planification fonctionnelle, et non l'arrangement décoratif forme le thème principal ; car en ce qui concerne la production d'énergie nous retirons bien plus de bénéfices de la planification que de la répartition au hasard des espèces, quelle que soit la valeur intrinsèque des plantes et des animaux. Permaculture 2 essaie d'avancer des suggestions pratiques sur la manière d'obtenir ces bénéfices énergétiques, depuis l'environnement domestique jusqu'aux superficies importantes. Les plantes ne sont pas seulement intéressantes par elles-mêmes, mais elles modifient également le climat local et diminuent de nombreuses formes de pollution. La permaculture est un système décentralisé, qui peut être utilisé par quiconque sait jardiner. Centrée sur l'implantation des individus ou des groupes, son objectif premier est le bien-être de l'homme et la satisfaction des besoins de ceux qu'elle prétend servir. L'intention de Permaculture 2 n'est donc pas de proposer une solution particulière, ou de faire une liste de plans pour tous les climats et toutes les situations, mais d'illustrer les façons dont des approches et des solutions nouvelles ont été développées -- la plupart d'entre elles utilisant peu d'énergie, et produisant toutes plus de calories qu'elles n'en consomment.
La permaculture a maintenant été expérimentée à travers toute l'Australie, dans diverses zones climatiques. Ni David Holmgren ni moi-même ne prévoyions l'accueil enthousiaste qu'a connu Permaculture 1 et la demande qui a suivi pour des plans détaillés, des conférences, des ateliers, des stages, des conseils et des études sur le terrain. De nombreuses personnes nous ont écrit qu'elles pratiquaient, ou imaginaient, des systèmes similaires et que nous avions exprimé leurs idées dans Permaculture 1, qui était une retranscription hâtive de nos notes quelque peu brouillonnes. C'est avec plus de loisir et de plaisir que ce second volume est préparé et rédigé. Comme il ne peut couvrir tous les cas ou tous les climats, le lecteur devra l'adapter à ses conditions locales, mais l'idée de planifier des systèmes requérant peu d'énergie devrait être constante. Je crois et j'espère que les systèmes présentés ici seront remplacés par des projets plus soigneusement conçus -- à mesure que nous acquérons de l'expérience et des informations en travaillant sur des systèmes globaux. 1.1 LA PHILOSOPHIE SOUS-JACENTE « Dans ce monde, les choses sont compliquées et soumises à de nombreux facteurs. Nous devrions observer les problèmes sous différents angles, et pas seulement sous un seul. » (MAO TSÉ-TUNC, 1945) C'est peut-être Fukuoka3, dans son livre La révolution d'un seul brin de paille, qui a le mieux énoncé la philosophie fondamentale de la permaculture. En bref, il s'agit de travailler avec et non contre la nature. Il s'agit d'observations prolongées et consciencieuses, plutôt que de travail prolongé et inconscient ; et de regarder les plantes et les animaux dans toutes leurs fonctions, plutôt que de traiter un site comme un système à production unique. La différence ressemble à celle qui existe entre l'aborigène et le laboureur : le second ouvrirait la poitrine de sa mère pour obtenir plus de lait, le premier ne prend que ce qui lui est librement donné, et il le prend avec respect. Si nous avions étudié les diverses productions de la grande prairie américaine, des savanes africaines et du « bush » australien, nous aurions pu trouver (comme nous l'avons découvert par des analyses ultérieures) qu'elles nous donnent davantage dans leur état naturel que nous n'en pouvons tirer dans un système de labours et de clôtures. On a estimé qu'en Afrique la production de protéines tirées de la viande tomba au 1/60 de son niveau naturel après qu'on y ait coupé les arbres, clôturé, labouré, semé des pâturages et introduit du bétail exotique. Nous voyons ici une dépense d'énergie insensée, un «travail de force», qui a un effet destructeur sur la nature. Il est fréquent en Australie de rencontrer un éleveur de bétail subsistant à peine sur un terrain où vivaient deux ou trois cents aborigènes. Mais pour ceux qui n'ont que peu d'énergie gratuite, la lecture de ce que Fukuoka3 et Bouffier28(*) ont réalisé à pied, sur de grandes superficies, et avec des productions importantes sera une source d'inspiration. Dans le centre du Honduras, Andersen18 décrit les jardins autour des maisonnettes : Près de la maison, et l'entourant souvent plus ou moins, s'étend sur plusieurs centaines de mètres carrés un jardin-verger compact. Il n'y en a pas deux semblables. Ce sont des plantations bien tenues, plus ou moins regroupées. Y poussent divers arbres fruitiers (des agrumes, des mélias, ici et là un manguier, un fourré de caféiers ombragé par les plus hauts arbres)... Des plants de manioc d'une ou deux variétés sont plus ou moins alignés en bordure des arbres. Il y a fréquemment des carrés de taro. Telle est la structure de base des jardins-vergers. Ici et là, en lignes ou en carrés, sont plantés maïs et haricots. Les lianes de diverses cucurbitacées grimpent sans ordre sur tout cela : la chayote (choko) cultivée pour ses fruits et sa grosse racine riche en amidon ; la luffa dont le squelette fibreux sert d'éponge et de tampon à récurer. Elles escaladent l'avant-toit et courent le long de la poutre faîtière, grimpent au sommet des arbres ou festonnent les barrières. Des fleurs et diverses plantes utiles (dahlias, glaïeuls, roses grimpantes, asperges, fougères, balisiers) mettent en valeur l'ensemble du jardin. L'amarante à graines est « une sorte de mauvaise herbe désirable qui se ressème d'elle-même ». Autour des « jardins d'arrière-cour » qui viennent d'être décrits, il note qu'au Mexique certains champs sont « parsemés de guavas et de guamuchiele subspontanés, dont les fruits sont soigneusement récoltés. Étaient-ce des vergers ou des pâturages ? Quels mots existe-t-il dans notre langue pour décrire de tels groupements ? ».
Andersen établit le contraste entre la pensée des Européens, stricte, ordonnée, linéaire, segmentée, et la polyculture des tropiques sèches, productive et plus naturelle. L'ordre qu'il décrit est un ordre semi-naturel de plantes en relations correctes les unes avec les autres, n'étant pas séparées en divers groupements artificiels. Mieux, la maison et la clôture forment un treillis essentiel pour le jardin, de sorte que l'on ne sait où sont les limites entre verger, champ, maison et clôture, où se trouvent les plantes annuelles et les vivaces, ni même où la culture cède la place aux systèmes naturels. L'homme de la monoculture (une figure pompeuse que j'imagine souvent, parfois gras et blanc comme un consommateur, parfois sombre et raide comme un fermier motorisé) ne peut supporter cette complexité dans son jardin ou dans sa vie. Son monde est celui de l'ordre et de la simplicité. Permaculture 2 concerne donc la conception, non pas le jardinage ou l'élevage en tant que tels, mais comme éléments d'un système destiné à servir l'homme et les buts d'une bonne écologie. Mais comme le note Fukuoka3: « Les changements, pour engendrer des résultats, doivent commencer au niveau de la philosophie fondamentale » et les changements que je recherche sont beaucoup plus une affaire de philosophie, la recherche de la question juste, que la réponse à une question. Des deux questions : « Que puis-je demander à cette terre ? » ou bien « Qu'est-ce que cette terre peut me donner ? » la première mène au viol de la terre au moyen de machines et la seconde à une écologie soutenue par le contrôle intelligent de l'homme. C'est la guerre ou la paix et la seconde nécessite plus de réflexion que la première. Que vous soyez debout au centre ou assis sur le pas de la porte, tout ce qu'il vous faut pour vivre bien est là autour de vous. Le soleil, le vent, les gens, les constructions, les pierres, la mer, les oiseaux, les plantes vous entourent. La coopération avec toutes ces choses crée l'harmonie, l'opposition à elles engendre la dissonance et le chaos. Fukuoka3 parle de mahayana, de l'agriculture considéré comme un travail sacré au service de la nature, de la façon dont les personnes de toutes religions sont attirées vers sa ferme et sa philosophie de vie et de culture naturelles, de l'absence de différence entre soi et le monde (car il n'y a pas de différence, mais nous ne pouvons le savoir qu'en ne désirant pas savoir ce qu'il en est). Tout ce que nous pouvons faire est prendre part à la complexité de la vie, nous ne pouvons créer la vie. Mais en « en faisant trop » nous pouvons facilement détruire la vie. De façon plus terre à terre, j'ai parlé de pratiquer l'aïkido avec le paysage à transformer, *Héros de la nouvelle de Giono « L'homme qui plantait des arbres ». Il n'a en fait jamais existé ! N.d.T. d'esquiver les coups, de transformer l'adversité en force, et de tout utiliser de façon positive. L'autre approche est de pratiquer le karaté contre le paysage, de le faire produire en employant votre force et en lui décochant des coups violents. Mais si nous attaquons la nature, nous nous attaquons (et nous détruisons) nous-mêmes. Nous pouvons juste espérer comprendre, utiliser ce qui est là. Considérons les quatre principes de culture de Fukuoka3 :
1. Pas de préparation du sol -- ne retournez pas la terre, ce qui lui cause des blessures qu'elle doit s'efforcer de guérir. 2. Pas d'engrais chimique ni de compost préparé -- laissez les plantes et les animaux qui fabriquent l'humus travailler le sol. 3. Pas d'élimination des herbes indésirables par sarclage ou par herbicide -- utilisez ces plantes ; gardez-les sous contrôle par des moyens naturels ou coupez-les occasionnellement. 4. Pas de dépendance des produits chimiques -- les insectes et les maladies, les herbes indésirables et les animaux « nuisibles » ont leurs propres contrôles -- laissez agir ces derniers et aidez-les. C'est comme vous le voyez un système de stratégie agricole réclamant peu d'énergie.
1.2 L'AGRICULTURE PERMANENTE Il y a plus d'une façon de parvenir à la permanence et à la stabilité en ce qui concerne la terre et la société. L'approche paysanne est bien décrite par King' à propos de la Chine ancienne. Ici, l'homme apportait à une culture annuelle, de céréales des nutriments venant des canaux, des fosses à fumier, des chemins et des forêts. De par les méthodes utilisées, la période et le régime politique, nous pourrions décrire ce système comme une « permanence féodale ». L'homme était lié au paysage par un labeur incessant au service d'un seigneur. Ceci conduisit en définitive à la famine et à la révolution. Une seconde approche est la pâture permanente que procurent la prairie, la pampa et les fermes occidentales modernes, où de grandes propriétés employant peu de personnes créent de vastes pâturages, habituellement pour une seule espèce animale. Les meilleurs termes pour décrire ce système sont : «permanence des barons» -- avec d'immenses propriétés, presque royales, où l'on travaille au plus bas niveau possible d'utilisation du terrain ; car le pâturage est l'usage de la terre le moins productif que nous pouvons imaginer. De tels systèmes, lorsqu'ils sont mécanisés, détruisent des paysages entiers et la complexité de leurs sols. Les forêts, qui pour les industriels ne représentent que du bois, sont une autre forme d'agriculture permanente. Mais elles ont besoin de générations de soin et de connaissances et donc un respect tribal ou communautaire, qui ne se rencontre que dans les groupes humains stables. C'est là la permanence communautaire que beaucoup de nous recherchent : pouvoir planter dans notre vieil âge un noyer ou un oranger en sachant qu'il ne sera pas coupé par les enfants de nos enfants. Plus nous nous éloignons de la permanence communautaire, plus grand est le risque de tyrannie, de féodalisme et de révolution, et plus il faut travailler pour un maigre profit. Toute erreur ou perturbation peut provoquer un désastre, comme une année de sécheresse ruine la récolte de céréales dans le désert ou comme une décision politique lointaine modifie les prix. Le risque réel est que les besoins de ceux qui vivent « sur le terrain » (les habitants) soient inféodés aux besoins (ou à l'avidité) du commerce et du pouvoir centralisé ; que la forêt soit coupée pour construire des vaisseaux de guerre ou fabriquer des journaux et que nous soyons réduits à l'état de serfs dans un paysage désolé. Telle fut la destinée de la paysannerie en Europe, en Irlande et dans une grande partie du Tiers-Monde. Je peux esquisser sommairement la manière d'utiliser moins d'énergie, mais l'avidité et l'usage irréfléchi peuvent aisément renverser le processus. Le diagramme de la fig. 1.1 est une illustration simple mais suffisante de ce que je veux dire. Des forêts sélectionnées ne font pas que produire plus que des cultures annuelles, mais fournissent également des nutriments et des ressources énergétiques pour ces cultures. La caractéristique de tous les systèmes d'agriculture permanente est que leurs besoins en énergie sont fournis par le système. L'agriculture moderne dépend totalement de sources d'énergie extérieures d'où la dépendance à l'égard du pétrole. Sans agriculture permanente, la possibilité d'un ordre social stable n'existe pas. Quand j'ai créé le mot permaculture, j'avais en tête à la fois le problème social et celui de l'environnement. Il se peut que la surpopulation elle-même soit une réaction à l'accroissement des besoins énergétiques que connaissent les cultures annuelles, car le problème ne se posait pas dans les régions de forêts, de même qu'il est inexistant dans les villages industrialisés, ou dans les zones tribales, où un excès d'énergie est localement disponible. En s'éloignant des systèmes de production permanents, où la terre est utilisée en commun, pour se diriger vers une agriculture annuelle et commerciale, où la terre est considérée comme un bien de consommation, on passe d'une société à faible consommation énergétique à une société gaspilleuse d'énergie, on exploite la terre et l'on requiert des sources d'énergie extérieures, principalement dans le Tiers-Monde. Les gens pensent que je suis un peu fou quand je leur dis de rentrer chez eux pour jardiner, ou de ne pas s'impliquer dans l'agriculture mécanisée à grande échelle ; mais un peu de réflexion et de lecture les convaincra que c'est en fait la solution à de nombreux problèmes mondiaux. Une synthèse totalement nouvelle des systèmes utilisant plantes et animaux, en se servant d'une méthode de conception postindustrielle, voire de l'informatique est maintenant possible. Pour ce faire, on applique les principes du flux d'énergie dans les systèmes globaux, mis au point par Odum19, et les principes de saine écologie énoncés par Watt' et par d'autres personnes. Mais c'est, comme on dit, une autre paire de manches que de mettre au point des systèmes de permaculture pour les besoins locaux, régionaux et personnels. Les aborigènes de Tasmanie ont transmis à leurs descendants une légende des « vrais signes » : quelque chose qui vous arrive ici signifie qu'autre chose se passe là-bas. Quelque chose qui arrive maintenant signifie qu'autre chose se passera plus tard. Les fantômes pincent les muscles de l'épaule quand quelqu'un meurt, les vagues se lèvent sur une mer d'huile pour signaler une maladie, et la plante nommée « ti » ouvre ses fleurs lorsque les cygnes pondent leurs premiers oeufs (« Allez vite au lagon car les premiers oeufs peuvent être mangés et les cygnes vont encore pondre. ») Virgile 10 parle aussi de ces choses : « Une bonne récolte de blé succède à une bonne récolte de noix et quand le noyer ne produit que des feuilles, le blé ne donnera que de l'herbe. » Le « ti » et le noyer indiquent la complexité des relations qui peuvent exister entre les espèces. Il faudrait un ordinateur bien perfectionné pour manifester ces relations, mais elles guidaient autrefois les sages et l'homme moderne doit les réapprendre. En Tasmanie, les Européens, les Blancs, occupent précisément la zone où pousse le « stringy bark » -- écorce fibreuse -- (Eucalyptus obliqua) : ils ne dépassent pas volontairement ce domaine. Les tribus d'aborigènes étaient limités géographiquement par des arbres « frères » comme l'« iron-bark » (écorce de fer), le cerisier natif ou le « cider gum » (eucalyptus à cidre). L'écologie tribale était l'écologie de cet arbre. Blesser un arbre était blesser un frère ; ce point de vue traduit une attitude conservationniste sophistiquée. Peut-on abattre un frère et vivre ? Le maître-des-récoltes choisi pour sa mémoire fidèle, était donc l'homme le plus important de la tribu. Ce n'était pas le chef (de la guerre), ni le médecin (de l'esprit et du corps), mais l'ordinateur vivant, d'une longue lignée de mémoires précises, qui orchestrait la récolte de la nourriture, qui décidait des tabous et des interdits, des fêtes et des célébrations. C'est lui qui assurait la continuité de la permaculture tribale. Nous manquons de maîtres-des-récoltes aujourd'hui. 1 AGRICULTURE ANNUELLE. FORTE CONSOMMATION D'ÉNERGIE 2 CONVERSION PARTIELLE EN FORÊT PRODUCTIVE. RÉDUCTION DES BESOINS D'ÉNERGIE ET DES PERTES DE NUTRIMENTS 3 CONVERSION ACHEVÉE. LA FORÊT PRODUCTIVE DONNE COMBUSTIBLE ET NUTRIMENTS POUR UN PETIT JARDIN ANNUEL. LA PRODUCTION TOTALE EST SUPÉRIEURE. FIG. 1.1 : LA CONVERSION DE CULTURES ANNUELLES EN CULTURES VIVACES SUR UNE SUPERFICIE IMPORTANTE RÉDUIT LES BESOINS DE TRAVAIL ET SUPPRIME LE RECOURS A DES SOURCES D'ÉNERGIE EXTÉRIEURES.
PLANIFIER LE PAYSAGE Si je pouvais avancer un seul critère pour distinguer la permaculture des autres systèmes d'agriculture, avec l'exception notable du concept de « keyline » (ligne-clé), c'est que la permaculture est avant tout un système d'agriculture consciemment planifié. Les raisons principales pour planifier un système utilisant les végétaux sont les suivantes : économiser notre énergie à l'intérieur du système
· mobiliser les énergies pénétrant le système de l'extérieur (soleil, vent, feu) ;
arranger les plantes pour qu'elles s'aident mutuellement à vivre en bonne santé ;
disposer de façon optimale tous les éléments (plantes, terrassements et constructions, maisons) dans le paysage
s'adapter au climat et au site (plan spécifique)
y intégrer l'homme et la société ; économiser le combustible pour cuisiner et se chauffer
fournir à l'homme de quoi couvrir ses multiples besoins d'une façon réalisable par chacun. En regardant autour de nous, nous ne trouvons guère de trace de planification réussie, que ce soit dans le paysage ou dans la conception de la plupart des habitations. Les personnes s'occupant de l'aménagement du territoire sont légion, mais où est le résultat de leur travail ? A part les plantations réalisées pour l'esthétique, pour faire joli, inspirées du mode contemplatif des jardins japonais classiques ou les perspectives contrôlées des jardins du Taj Mahal (réminiscents des entrées des résidences d'apparat anglaises ou américaines, artificielle et raides) où pouvons-nous trouver des critères de planification fonctionnelle ? La répartition stricte des fonctions autour des établissements humains, que décrit Von Thunen dans son analyse des villages du nord de l'Europe à l'époque pré-industrielle, donne l'apparence d'avoir été planifiée, mais elle est en fait le résultat inconscient des limitations dues au système économique de cette communauté, basée sur le travail à pied et à cheval. De telles dispositions sont des modèles imposés aux gens et au paysage, non pas des plans conscients, choisis en fonction de leur intérêt pour la société et pour les économies d'énergie. Les pelouses bien ordonnées conduisant au Taj Mahal sont entretenues par. un groupe de 20 à 30 veuves accroupies, munies de petits couteaux pour couper l'herbe. Elles sont forcées de faire ce travail dégradant pour maintenir un symbole d'une noblesse disparue, sur l'ordre de ceux qui admirent ce statut. Le patient jardinier britannique remet sa mèche de cheveux en place et taille sans trêve les haies des nouveaux riches ; l'employé municipal ne soigne les parcs et les jardins de la ville que pour ce qu'ils représentent aux yeux du public. Une telle orientation de la « planification » consiste à forcer la nature et le paysage à saluer la richesse et la force ; elle n'a pas d'autre but ni d'autre fonction. La seule chose que démontrent de tels modes de planification, c'est que le pouvoir peut forcer les hommes, les femmes et les plantes à gaspiller leur énergie dans un labeur imposé, servile et sans intérêt, de même que le jardinier du dimanche tondant sa propre pelouse essaie de maintenir une pâle imitation de ce statut social élevé qu'il convoite. Mais dans ce cas, il est bien sûr le serf schizoïde en même temps que le seigneur féodal, poussant sa tondeuse, brandissant ses cisailles pour tailler la haie, déformant les rosiers et les troènes pour en faire des sujets d'ornement grotesques qui reflètent son éducation mesquine et frustrante.
Nos paysages et nos habitations sont le reflet exact de nos conceptions du monde et de nous-mêmes ; il est donc rare qu'ils fassent des concessions à des principes fonctionnels ou utilitaires. Le terrain entourant les églises et les écoles témoigne du même gaspillage insensé, ce qui maintient ceux qui y vont ou qui les dirigent dans la certitude que le statut social est tout, et que l'utilité n'a ni place ni signification dans ce monde. L'une des histoires vécues que je préfère est celle d'un homme de Burnie, en Tasmanie, qui avait osé planter des choux sur sa « bande de nature » -- le bout de terrain sacré et conventionnel qui se trouve devant chaque maison. Comme il avait fait ainsi la preuve de son manque de sens des convenances, la municipalité le rappela abruptement à l'ordre en envoyant des camions et du personnel pour arracher ses légumes (qui n'étaient que purement utilitaires et n'avaient donc aucune valeur esthétique). Je dois dire, pour être juste, que ceci se passait en 1977. En 1979, la municipalité de Burnie et d'autres villes alentour avaient commencé, à titre d'essai, à planter des arbres produisant fruits et graines oléagineuses dans leurs parcs publics. Il est vrai que les exemples d'arbres donnant de l'ombre ne manquent pas, mais ce serait un arbre de bien peu de valeur, qui ne pourrait donner son ombre à l'homme et à la terre. Il est vrai aussi que la compréhension affinée de la nutrition végétale a entraîné le développement de la rotation des cultures. Et l'agriculture intensive traditionnelle dans l'ouest, est un exemple de planification consciente dans l'espace et dans le temps, utilisant les plantes et les animaux en succession judicieuse pour ramener le sol à la santé. Dans son livre, King5 donne de nombreux exemples de ce que les peuples orientaux ont réalisé en matière d'agriculture permanente grâce à un travail intensif. Nombre d'entre eux font preuve d'ingéniosité en « empilant » les systèmes végétaux (cultures étagées) pour obtenir de meilleurs rendements sur le même terrain. Mais un ouvrage récent de Fukuoka 3 va encore bien plus loin. Il dépasse celui de Phillips et Young4 qui dépendent d'applications massives d'herbicides (principalement le 2-4 D) et d'engrais pour réaliser la culture à large échelle de céréales et de légumineuses. Des signes de meilleures planifications utilisant « les plantes pour les plantes » existent. Il ne fait aucun doute qu'elles deviendront bientôt plus sophistiquées et seront plus largement utilisées, rien que pour des raisons économiques et sanitaires.
2.1 LA PLANIFICATION Deux éléments sont à la base d'une bonne planification en permaculture. Le premier dit où nous allons, le second comment y arriver. Le premier traite des principes, de la gestion des éléments naturels pour le bénéfice de l'homme et de l'environnement ; le second se rapproche davantage des procédés pratiques du jardinage et de l'agriculture. Par exemple, la forme, le choix des espèces et l'emplacement des brise-vent entrent dans la première catégorie ; le mulching, l'utilisation du fumier ou l'amélioration du sol entrent dans la seconde. Une fois la planification commencée, deux choses sont essentielles pour une bonne évolution : observer le résultat, et contrôler ou diriger vers le but souhaité, ou vers une évolution nouvelle. Dans les systèmes complexes, où il y a interaction entre les plantes et les animaux, même les ordinateurs ne peuvent faire face au nombre de variables en jeu, ou prendre en considération le ver de terre, le rouge-gorge, le sol et la relation totale qui existe entre eux. Seul un observateur humain attentif peut effectuer correctement cette évaluation. De petites améliorations apportées au système peuvent avoir pour effet de transformer le désastre en triomphe ou l'avancée en retraite. Telles sont les stratégies de l'évolution dans un système créé par l'homme. Les bons professeurs n'ont rien d'autre à donner que le goût d'apprendre en permanence ; malgré toute leur bonne volonté, ils ne peuvent transmettre à leurs élèves une connaissance définitive. C'est donc la planification en tant que méthode plutôt que les techniques de planification qui m'intéressent ici. Yeomans2 est un maître de la planification, Fukuoka3 est un maître de la stratégie.
2.2 CRITÈRES DE PLANIFICATION « L'homme peut porter à son maximum la stabilité économique et sociale en s'éloignant autant qu'il le peut de la monoculture de grandes étendues de terrain, de façon à porter à son maximum la complexité des chaînes alimentaires. » WATT 14 Une bonne planification globale du paysage devrait laisser la porte ouverte à des raffinements ultérieurs de façon à ce que l'emplacement initial des structures, des terrassements et des végétaux puisse par son arrangement permettre l'inclusion éventuelle d'autres systèmes énergétiques. En bref, n'excluez pas le soleil comme source d'énergie, et laissez l'eau couler vers le bas ; stockez-la dans le sol et laissez-la en sortir propre. Laissez l'air chaud et la vapeur d'eau s'élever à leur guise, et ne vous occupez pas de pompes qui forcent les flux naturels à s'inverser. Les critères pour de tels modèles sont ceux que peuvent actuellement appliquer tous les paysagistes professionnels et les conseillers en architecture ou en agriculture. Ne pas agir ainsi représente une trahison non seulement des clients, mais aussi du futur, où les prix de la maintenance pourront être dix fois plus élevés vue les coûts initiaux d'installation d'un jardin, d'une ferme, d'un parc, d'un logement, d'une usine ou d'une école. Les clients doivent eux aussi vérifier ces critères :
Systèmes d'énergie passive
Contrôle adéquat du climat sur le terrain
Futurs développements prévus
Dispositions pour l'autosuffisance alimentaire sur le terrain
Besoins minimaux d'énergie extérieure
Élimination sans problème des déchets sur le terrain
Structures et terrain nécessitant peu d'entretien
Approvisionnement en eau assuré et stocké
Contrôle du feu et des facteurs climatiques (froid, chaleur excessive et vent). La façon la plus simple de vérifier un plan est de se demander : « Pourquoi ai-je placé cette structure ou cette plante à cet endroit ? » Nous avons abouti à la conclusion qu'une analyse en permaculture doit prendre plusieurs facteurs en considération. Par exemple :
Production et rendement intrinsèques (variété et quantité de la récolte)
Rendement de la planification (canalisation et conservation de l'énergie)
Interaction de la permaculture et d'autres systèmes (habitations) en matière de transfert et de conservation d'énergie ;
Rendement dans le domaine du social et de la santé.
Le rendement total dépend davantage de notre planification, donc de nos connaissances et de notre intellect que de l'énergie disponible à l'intérieur du système. Même en matière de production, c'est la façon dont nous planifions les bordures, les espèces et leurs emplacements qui peut déterminer le rendement, car, on s'est aperçu que la production de céréales était étonnamment accrue en bordure des carrés d'essais testés pour leur rendement (Dr. P. Jones, Univ. Agr. de Sidney, communication personnelle) ; et c'est nous qui déterminons la quantité de bordures dans le système. Nous déterminons également l'arrangement global des espèces en fonction de l'énergie du soleil et du vent, et de notre niveau d'utilisation du système. Au total, l'énergie gagnée, générée et conservée relève d'un calcul complexe. C'est particulièrement vrai si nous utilisons la chaleur peu coûteuse provenant soit du soleil soit d'installations industrielles ou de centrales électriques pour augmenter les rendements des espèces productrices de nourriture et de combustible vivant dans des étangs ou des serres plutôt que de laisser cette énergie se perdre.
1. Décider des priorités Lors des premières étapes, les besoins réels doivent être satisfaits et les environnements adverses modifiés. Mais toujours : la première priorité est de planifier, la seconde concerne les besoins humains, la troisième est la conservation de l'énergie (*) ; tout ceci conduit presque toujours à la modification de l'environnement par les plans et les structures. Il faut prendre des dispositions pour pouvoir inclure ultérieurement d'autres systèmes de conservation d'énergie, de façon à ce que l'ensemble du site puisse utiliser au mieux le vent, la marée, l'eau ou le soleil. Même si ces systèmes ne peuvent être mis en place dès les premières années, un espace leur est réservé dans le cadre des cultures annuelles ou à court terme. Quant il s'agit de la mise en oeuvre : les premiers plans et structures doivent être ceux qui génèrent de l'énergie; les seconds, ceux qui économisent de l'énergie, et seulement à la fin ceux qui consomment de l'énergie. Il est assez facile d'établir les priorités en les comparant à un ensemble de critères, importants à présent et moins sujets à révision, car les conditions changent avec le déroulement du temps. Par la suite, il pourra être possible de prendre en considération ce qui concerne le commerce et le superflu, une fois que les besoins de base auront été satisfaits. La planification à très long terme dans les communautés pourrait donc être centrée sur la diversification et la spécialisation en secteurs s'occupant de médecine, de teinture, de chimie et de combustible. Par contre peu d'entre nous peuvent commencer sans avoir à emprunter de l'énergie sous forme de nourriture, de combustible, de médecine ou même de fumier.
Le but principal de toute notre planification devrait être d'établir un état de synergie, de façon à ce que tout ce qui peut être ensemble soit mis ensemble et travaille ensemble dans une entraide mutuelle. Chaque élément est apte à de multiples fonctions, de multiples usages : chaque fonction peut être assurée par plusieurs éléments de façon à constituer un système sans faille. En appliquant ces critères, certaines questions trouvent d'elles-mêmes leurs réponses. Par exemple : Où dois-je construire ma serre ? En ne tenant compte que de l'énergie, les réponses sont évidentes : · Premièrement, contre les habitations pour fournir et stocker de la chaleur et pour faire pousser des plantes alimentaires. · Deuxièmement, contre les structures ne servant pas d'habitation, pour fournir de la chaleur. · Troisièmement, contre les abris des animaux, avec échanges de chaleur, de fumier et de gaz. · Et il ne faudrait établir qu'en dernier lieu -- sans doute jamais si l'on voulait être raisonnable -- une structure isolée, vitrée de tous côtés.
* Je parle ici de l'énergie totale, qui inclut toutes les énergies relatives à la consommation, à la transformation et à la production. Par exemple, le travail, les matériaux, la moisson, les rendements, le raffinage, le transport, l'empaquetage, le stockage, la vente, etc., sont différentes énergiesimpliquées dans un système commercial. Voir Permaculture I sect. 2.8, p. 8-9. Réf. 19, et Goldsmith (et al.), Blueprint for Survival, Ecologist 1972.
Que dois-je faire lorsque le vent m'empêche de cultiver ?
Premièrement, planter des arbres et des arbustes locaux, utiles ou non (armoises, herbe des pampas, pins, coprosma, épineux), qui soient gratuits ou bon marché, qui poussent très rapidement, qui puissent être bouturés ou propagés par divisions des racines ou par rejetons, et dont on soit sûr qu'ils survivront.
Deuxièmement, en implantant dans tout le jardin des structures, en particulier des treilles, des murs de pierre sèche, des fossés, des talus et de petites haies
Troisièmement, en plantant sur une grande échelle des végétaux rustiques, par boutures ou par plants.
Et enfin en plantant des haies permanentes et utiles en tenant compte des stratégies précédentes
Que faut-il cultiver en premier ? Seules quelques espèces de plantes valent la peine d'être cultivées en grand. Sans nous occuper pour le moment de leur valeur commerciale, voici trois considérations fondamentales : 1 Cultures qui ne nécessitent que peu d'attention après la plantation ou le semis (pommes de terre, maïs, potirons). 2 Qui soient faciles à récolter, à stocker et à utiliser. 3 Et qui puissent fournir une partie importante de l'alimentation. Voici encore les pommes de terre, le maïs et les potirons (pour la chair et les graines). Les céréales ne sont intéressantes que si on les cultive sur de petites surfaces selon le système de Fukuoka'.
4 A des fins commerciales, il nous faut aussi considérer les cultures économiquement interessantes, même si elles sont difficiles à récolter (fraises, framboises) ; 5 difficiles à conserver (melons, pêches) ; 6 rares mais très recherchées (ginseng, asperges); 7 particulièrement bien adaptées au site (cactus, figuier, mâcre, canneberge), par exemple une pente douce exposée au sud avec peu de variables. Le paysage « réel » est traité dans les sections suivantes. A peu près les mêmes critères devraient s'appliquer aux arbres producteurs ; on peut toujours établir entre eux des cultures annuelles à mesure que passe le temps. C'est ainsi que l'on aurait dans les séries précédentes : 1 prunes, fruits rustiques et plantes grimpantes ; 2 noix, noisettes, amandes et fruits facilement séchés ; 3 encore noix, etc., et fruits de haute valeur nutritive ; 4 cerises, safran ; 5 fruit locaux à pulpe, comme les papayes ou les groseilles ; 6 épices et plantes médicinales, teintures et huiles ; UI87 érable à sucre, « cidergum », pistaches, etc. Dans le domaine de la planification pratique, sur le terrain, nous travaillons souvent sans précédents et, dans ce cas, nos seuls guides sont le bon sens, l'observation, la recherche judicieuse des espèces et les principes nécessaires de physique. Mais le planificateur devrait toujours être attentif aux phénomènes locaux et aux traits particuliers, et essayer de tirer parti de ce qui est en place, plutôt que d'implanter de nouvelles structures, réclamant davantage d'énergie.
2.3 LA PLANIFICATION DES ZONES ET DES SECTEURS (voir aussi Permaculture 1, p. 49-57) La clé d'une planification efficace en matière d'énergie (donc efficace sur un plan économique) consiste à diviser le terrain en zones et à y disposer les plantes, les parcours des animaux et les structures en rayons ou en secteurs. Les seules choses qui puissent apporter des modifications sont les facteurs locaux de marchés, de voies d'accès et de transport, de pente, d'observations climatiques locales, de zones d'intérêt particulier, telles les plaines inondables ou les coteaux rocheux et les conditions spéciales du sol, telles les latérites ou les sols marécageux. Comme nous allons traiter plus loin de tous ces effets locaux, je vais me concentrer ici sur la façon de planifier et de diviser en zones un site « idéal », disons une pente douce exposée au midi, avec peu de variables. Les paysages « réels » seront considérés dans les sections suivantes. Tableau 2.1 : Certains facteurs changent avec la distance dans la planification des zones Facteur ou stratégie Zone I Zone II Zone III Zone IV
FIG 2.1/ PENTE EN SPIRALE POUR PLANTES AROMATIQUES ; A LA PORTE DE LA CUISINE (3M DE DIAMETRE) (PLAN)
1. Comment placer les éléments dans les zones Il n'y a pas le moindre doute qu'il faut commencer dès le pas de la porte. Si vous ne contrôlez pas le pas de votre porte, il y a peu de chance que l'enclos de derrière le soit. Le découpage en zones (distance du centre) est décidé par deux facteurs : (a) le nombre de fois que vous avez besoin de rendre visite à la plante, à l'animal ou à la structure; (b) le nombre de fois que la plante, l'animal ou la structure a besoin que vous lui rendiez visite. Par exemple, dans l'espace d'une année, nous pourrions rendre visite au poulailler : · 365 fois pour les oeufs ; 20 fois pour le fumier ; 50 fois pour donner de l'eau ; 5 fois pour choisir des poulets ; 20 fois pour d'autres raisons. Ce qui fait au total 460 visites -- alors que l'on ne rendrait visite à un chêne que deux ou trois fois, pour ramasser des glands. Les zones sont donc des « zones de fréquence de visite » ou des zones de « temps », comme vous voulez. Plus les choses doivent être visitées souvent, plus elles doivent être proches. Un autre exemple : vous avez besoin d'un citron frais de 60 à 100 fois par an, mais l'arbre n'a besoin de vous que 6-12 fois par an, soit en tout de 66 à 112 visites. Pour un pommier, où le ramassage est moins fréquent, le total pourrait être d'une quinzaine de visites. En commençant à nouveau depuis la cour derrière, nous pouvons avoir la disposition suivante : 1 MAISON : CHAMBRES A COUCHER RU NORD LIVING ROOM RU SUD 2 « MAISON D'OMBRE » : SOURCE D'AIR FRAIS 3 SERRE : SOURCE D'AIR CHAUD ET POMPE A CHALEUR 4 JARDIN DE PLANTES AROMATIQUES 5 JARDIN DE PLANTES ANNUELLES 6 JARDIN LABOURÉ PAA LES POULES 7 SERRE CHAUFFÉE PAR LES POULES 8 ET 9 « PAILLERS » POUR UTILISATIONS ALTERNATIVES. FORÊT SERVANT DE RÉSERVE DE NOURRITURE POUR LA VOLAILLE 10 GRANDS ARBRES FRUITIERS (CEUX R FEUILLES PERSISTANTES AU SUD) 11 COMME POUR 10 : PETITS ARBRES FRUITIERS ET GRANDES PLANTES HERBACÉES VIVACES; PLANTES ANNUELLES EN BORDURE. 12, 13 PETITS ARBRES A FRUITS OU R NOIX ; ARBRES TAILLÉS, PLUS GRANDS SUR LES BORDS. 14 PLANTES GRIMPANTES R FEUILLES PERSISTANTES, ATTACHÉES A DES TREILLIS AU NORD POUR L'ISOLATION HIVERNALE. 15 PLANTES GRIMPANTES A FEUILLES CADUQUES RU SUD POUR CONTRÔLER LA CHALEUR ESTIVALE ET FAIRE DE L'OMBRE A LA SERRE. 16 PASSAGE COUVERT OU TONNELLE, AVEC LIANES PRODUCTIVES, HARICOTS A RAME.
FIG. 2.2 : CONCEPTION D'UN TERRAIN DE 1000 M2 OU, À PLUS GRANDE ÉCHELLE, D'UNE PETITE FERME (VOIR FIG. 2.3).
La règle d'or est de commencer à développer la zone la plus proche, de bien la contrôler, puis d'en étendre le périmètre. Il est fréquent que le novice sélectionne un jardin loin de la maison et ne puisse récolter les plantes efficacement, de même qu'il ne peut en prendre soin comme il faut. µTout sol produit un bon jardin, alors restez près de la maison. La stabilisation et l'utilisation du paysage est une question morale dont les implications sont globales. La vie de nomades dénués de tout se déplaçant à la suite d'immenses troupeaux de chèvres est l'une des pires stratégies dans la gestion de l'environnement que l'on puisse imaginer comme l'est une rangée de moisonneuses-batteuses, un chasseur de lapins avec une meute de corniauds, et les camions géants qui servent à débarder le bois. FIG 2.3 : REPARTITION DES ZONES DEPUIS LA PORTE DE LA CUISINE 5DETAIL DE LA FIG 2.2.5
FIG 2.4 : PLAN SCHEMATIQUE DE LA DISTRIBUTION DU BETAIL AUTOUR DE LA MAISON
FIG. 2.5 : PLAN D'ENSEMBLE POUR UNE PETITE FERME COMBINANT CULTURE ET ELEVAGE
Chacune de ces situations représente une variation sur le thème de l'extinction biologique. Nous croyons profondément que si l'on ne peut pas maintenir ou améliorer un système, il vaut mieux le laisser tranquille, ce qui minimise les dégâts et préserve sa complexité. Si nous ne régulons pas notre propre nombre, nos appétits, et la zone que nous occupons, la nature le fera pour nous par la famine, l'érosion, la pauvreté et la maladie. Ce que nous appelons un système politique ou économique se maintient ou tombe suivant notre capacité à conserver l'environnement naturel. Une régulation plus serrée du terrain disponible, combinée à un usage très prudent des systèmes naturels est la seule stratégie qui puisse fonctionner dans le futur. Nous devrions peut-être nous contenter de contrôler les zones que nous pouvons coloniser, maintenir et exploiter par des techniques douces. Ceci implique que les établissements humains devraient toujours inclure la possibilité de produire toute leur nourriture, sans quoi nous courons le double risque de villes stériles et de campagnes mal entretenues, une combinaison fatale où la ville, la forêt et la ferme sont toutes négligées et ne possèdent même pas les ressources de base pour être autosuffisantes. Le temps, comme l'espace, est une ressource, tout agriculteur le sait. De même que nous pouvons dépasser nos limites dans l'espace, il nous est possible de le faire dans le temps. C'est précisément la base de la planification des zones en permaculture. Il est fondamental en matière de conservation du temps de s'occuper du terrain le plus près possible de chez soi, de ne pas aller travailler trop loin et d'être ainsi centré sur le lieu où l'on vit. Il faut faire très attention à la nature des activités et à la distance, ou nous pourrions manquer de temps pour garder le contrôle, et par là diminuer rendement et stabilité. 2. Comment placer les éléments dans les secteurs La planification des secteurs est également traitée dans Permaculture 1. Les facteurs à considérer pour esquisser un plan de base sont: danger d'incendie ; vents froids; vents chauds, salés ou porteurs de poussière; désir de boucher des vues désagréables; angles du soleil en été et en hiver ; réflexion des étendues d'eau. Une fois que les zones et les secteurs sont esquissés, l'analyse des pentes peut commencer. Les entrées supérieures et inférieure ou les routes d'accès, la première pour les matériaux lourds, la seconde pour la lutte contre les incendies, sont alors déterminées. Dans tous les lieux où le climat varie en fonction des saisons, il faudra prévoir une serre attenante, un collecteur d'air chaud, une mare servant de réflecteur et une mare solaire. Des détails sur ces éléments sont données dans les sections suivantes. Pour nous résumer, aucun arbre, aucune plante, aucune structure, aucune activité ne doivent être placées sans tenir compte des critères et du plan de base. Par exemple, si nous avons un pin, il ira dans la zone IV (visites peu fréquentes), hors du secteur de danger d'incendie (il accumule du combustible et brûle comme une torche), en direction du secteur des vents froids (les pins forment des brise-vent résistants), et il peut produire des pignons comestibles. De même, si nous voulons placer une petite structure comme un poulailler, il devrait être en bordure de la zone I (visites fréquentes), être loin du secteur d'incendie possible, en bordure du jardin de plantes annuelles (pour récupérer facilement le fumier) à côté de leur système de production de nourriture, si possible accolé à une serre et formant partie d'un système brise-vent. Il n'y a ni mystère ni grand problème dans de tels systèmes de conception, qui font appel au bon sens. C'est une affaire de prise de conscience tranquille des facteurs essentiels de la planification passive. Répétons les principes de base de la conservation d'énergie : Pas de mise en place sans que l'élément (plante, animal ou structure) remplisse au moins deux ou plusieurs fonctions. Chaque fonction (récupération d'eau, protection contre l'incendie) est assurée par deux éléments ou davantage. Avec ces règles, ces stratégies et ces critères en tête, vous ne pouvez pas trop vous tromper. 2.4 ANALYSE À GRANDE ÉCHELLE DU PAYSAGE « Regarde -- sur le coteau il fait sortir l'eau de son lit, et elle glisse sur les galets lisses en chuchotant d'une voix rauque et apaise le champ desséché de son doux murmure. » VIRGILE10
La fig. 2.6 présente un profil de terrain typique de nombreux climats tempérés ou tropicaux humides, que nous pourrons utiliser comme modèle pour mettre en évidence quelques principes de l'analyse du paysage. Les hauts plateaux (A), surface d'érosion supérieure où est stockée la neige, où les arbres et les arbustes empêchent l'écoulement trop rapide des eaux, et où le cours supérieur des ruisseaux cherche le sens de la pente, cèdent la place à la pente supérieure abrupte (B), rarement utilisée pour l'agriculture (ou alors de façon catastrophique), mais dont le couvert forestier protecteur a souvent été coupé, ce qui est cause d'érosion. La pente inférieure (C) est une zone agricole potentiellement très productive, bien adaptée à recevoir les structures édifiées par l'homme, ses animaux domestiques et ses instruments. Plus bas, de doux vallonnements mènent à une plaine (D) où il est possible de stocker l'eau facilement au moyen de grands barrages peu profonds, et où l'on peut pratiquer des cultures extensives. Ce paysage simplifié devrait indiquer de lui-même plusieurs conduites à suivre pour son utilisation permanente et demande que nous fassions l'analyse soigneuse des techniques à mettre en oeuvre dans chaque zone. La préoccupation première est l'eau, car c'est à la fois, le principal agent d'érosion et une source de vie pour les plantes et les animaux. Le haut plateau est un vaste toit qui recueille la pluie et la neige. Les vents emportent les nuages saturés à de hautes altitudes, et la nuit, l'air saturé dépose des gouttelettes sur les myriades de feuilles et sur les différentes parties des végétaux. Le professeur W.D. Jackson (Université de Tasmanie, communication personnelle) a estimé, en utilisant des grillages de condensation, que peut-être 85 % des précipitations se condensent pendant la nuit sur la surface des myriades de feuilles du plateau. Coulant goutte à goutte cette humidité a besoin de sols spongieux et d'humus pour la retenir et éviter les inondations et les périodes de sécheresse qui sont le fléau des régions arides. Si les roches sont recouvertes de terre et de plantes, elles ne libèrent pas autant de sels dans l'eau, et les arbres agissent comme des pompes, empêchant la nappe phréatique d'affleurer en plaine en créant des salines d'évaporation. Des systèmes fragiles comme celui-ci, en équilibre souvent précaire du fait de la lenteur de la croissance des plantes, doivent être préservés du surpâturage et de l'érosion du sol si l'on veut conserver toute l'eau possible pour la production d'électricité et l'agriculture aux altitudes inférieures. Il est donc nécessaire de gérer soigneusement tous les éléments et d'éviter tout ce qui pourrait avoir des conséquences fâcheuses. Ceci implique de réduire s'il le faut le nombre des animaux qui consomment de grandes quantités de feuilles (comme les daims en Nouvelle-Zélande), ainsi que de planter et de prendre soin d'autant d'arbres, d'arbustes et de végétaux couvrant le sol qu'il est possible, pour retenir l'humidité. De toutes les zones, ce réservoir supérieur est le plus critique en ce qui concerne le bien-être de la nation ou du continent. On devrait donc réduire au minimum le vandalisme provenant de l'extension de stations de sports d'hiver, du pâturage d'altitude et des autorités administratives.
FIG. 2.6 : PENTE -- PROFIL IDÉALISÉ. Les pentes supérieures (B) viennent ensuite, pour l'importance qu'elles occupent dans le cycle hydrologique général. C'est en les déboisant que la plupart des pays commettent une énorme erreur car les arbres qui couvrent ces pentes sont les pompes qui empêchent l'eau salée d'affleurer à la surface de la pente inférieure et y évitent l'accumulation de sels(*). Les forêts des pentes supérieures sont indispensables à l'homme : elles réduisent les courants d'air froid et l'érosion dont les débris emplissent les vallées inférieures, transformant ainsi les rivières en frontières et les lacs en marécages, comme c'est arrivé en Europe et en Asie. Un moratoire concernant la déforestation et le pâturage des pentes de 18° ou plus devrait soulever un intérêt international, car son importance à long terme serait aussi grande que celle d'un moratoire sur les armes. La reforestation des pentes avec des arbres produisant de la nourriture pour les animaux et du bois de chauffe, leur utilisation soigneuse par l'homme et par ses animaux, et la conservation de forêts permanentes pour protéger la zone (C) sont les seuls usages moraux des pentes abruptes. Lorsqu'on se hasarde (comme au Népal) à déboiser de tels systèmes et à y établir des terrasses, à faire brouter les repousses par le bétail et à tenter le seul mode de subsistance qui nous reste (la culture des céréales en terrasse), la catastrophe nous attend. Les vues aériennes des collines et des vallées dénudées qui s'étendent de la Yougoslavie au Bengale, les déserts qui se développent plus bas et la condition des peuples cloués dans les vallées témoignent de notre manque de compréhension. Tout comme en Afrique, l'homme et ses chèvres y sont un fléau, que suivent les sauterelles et le désert. La gloutonnerie du monde pour le papier, en particulier le papier d'emballage et les journaux, ne feront qu'accélérer la famine à l'échelle mondiale. Même là où les forêts de pentes sont encore fréquentes, comme dans les pays « développés », le même destin est à prévoir que celui qui a frappé les pays « sous-développés ». Nous ferions mieux de caractériser ces derniers par leurs écologies dévastées, défoliées et dénudées, et les premiers comme étant « en voie de dépouillement ». En Australie Occidentale, un homme fut récemment jeté en prison pour avoir tenté de faire sauter une usine de pâte à papier ; son acte est jugé immoral par la société, tandis que les propriétaires, tranquilles dans leurs bureaux, ne se sentent pas concernés par la dévastation dont ils sont la cause. Les lois sur la propriété les protègent, alors que ce sont eux les vrais vandales ! Aucune nation, à l'heure actuelle, n'a adopté de lois sur l'environnement aussi strictes que celles qui protègent les exploiteurs Les choses changeront peut-être quand les gens se rendront compte de problèmes qui les attendent en ce qui concerne l'environnement : quand l'agriculteur des plaines de Swan Hill, contemplant son champ recouvert d'une croûte de sel, lèvera les yeux vers les collines au-dessus et demandera à ses voisins ce qu'ils ont fait des forêts qui le protégeaient, aux autorités locales pourquoi des hommes payés sur les deniers publics déboisent les abords des routes, et au gouvernement pourquoi une usine de pâte à papier est en construction au-dessus de chez lui. Dans les régions chaudes du globe. N.d.T.
La pente douce de la zone (C), brillamment analysée par Yeomans2 en ce qui concerne la conservation de l'eau, permet l'agriculture la plus viable, là où la forêt existe toujours au-dessus. Ici, l'important écoulement d'eau peut être guidé vers des barrages de stockages situés à mi-pente, au « point-clé » indiqué sur la fig. 2.6 (examiné plus en détail dans les ouvrages de Yeomans). En utilisant la pente supérieure pour collecter l'eau, une série de drains de récupération comme « gouttières » et de barrages comme « réservoirs », l'eau est conservée aux points-clés pour être utilisée raisonnablement par la suite dans les champs et les bâtiments. Elle passe avec ses nutriments dans les barrages inférieurs et lorsqu'elle quitte le terrain, elle est propre. (C'est l'idéal la réalité en est souvent bien éloignée). La pente inférieure, du moins s'il est prudent d'y conduire un tracteur, peut être convertie en un immense système de stockage de sol et d'eau, et ce en très peu de temps (un seul été est souvent suffisant). Quelques informations sont données dans les sections 3 et 7, mais les ouvrages de Yeomans sont les meilleurs guides détaillés. La pente donne d'immenses avantages pour la planification ; il y a peu d'établissements humains viables (parmi ceux dont l'économie n'est pas basée sur le pétrole, dont les réserves diminuent) qui ne soient situés à ces jonctions critiques de deux économies naturelles, ici la zone entre la forêt de piémont et la plaine, ailleurs la bordure entre plaine et marais, entre terre et estuaire, ou là où plusieurs de ces éléments se rencontrent. Les planificateurs qui prévoient un ensemble de maisons dans une plaine ou sur un plateau peuvent avoir l'avantage d'une planification simple, mais ils exposent leurs habitants à de graves problèmes si les combustibles servant au transport viennent à manquer, car ils devraient alors dépendre de leur environnement pour couvrir leurs divers besoins, mais n'auraient à leur disposition qu'un paysage de monoculture. Les installations permanentes qui ont réussi ont toujours été capables de tirer leurs ressources de deux environnements au moins. De même, toute ferme qui ne veille pas à conserver ce qui est donné par la nature, par exemple qui détruit ses forêts, est vouée à disparaître.
Les crêtes douces, arrondies des pentes inférieures non érodées sont un site excellent pour s'établir. Elles permettent la filtration des déchets, inévitables au sein de populations importantes, à travers les forêts et les lacs situées plus bas, et la transformation des déchets toxiques en bois, en arbres, en fruits et en vie aquatique (fig. 2.7). Les pentes permettent à l'homme de gérer une grande variété d'aspects, d'expositions, d'ensoleillements et d'abris. Les planificateurs responsables peuvent mettre à profit tous ces avantages. Les points situés à mi-pente sont les plus faciles à utiliser, avec l'abri des forêts par derrière, la vue sur le lac et la plaine et le soleil donnant en plein sur les rangées d'arbres productifs au-dessus et au-dessous. « Les crêtes » anglaises occupées dès l'Antiquité témoignent du bon sens des peuples mégalithiques en matière de planification du paysage, mais leur abandon actuel en faveur des banlieues industrielles en plaine ne fait guère honneur à la planification paléolithique des spécialistes modernes. La différence vient peut-être de ce que les premiers planifiaient pour eux-mêmes, et que les derniers le font pour d'autres qu'eux. La plaine de la zone (D) est la plus résistante aux dommages causés par les eaux (sauf en ce qui concerne l'évaporation des sels) et la plus exposée à l'érosion éolienne. Les pluies rouges et poussiéreuses et les fléaux de sauterelles qui s'abattent sur toutes les terres avoisinantes sont le résultat du mauvais usage de la charrue, du machinisme lourd et du labour de ces terrains à peu près plats, combinés avec l'élimination des arbres et des haies et avec la conversion de ces plaines en une monoculture céréalière et une zone d'élevage extensif. C'est ici qu'il est le moins coûteux de stocker de l'eau, dans le sol et dans de grands barrages peu profonds. Des cultures sans labours, des taillis et des haies y sont de première nécessité, et des révolutions techniques à large échelle peuvent y être mises en oeuvre pour améliorer la santé du sol, réduire les pertes dues au vent et à l'eau et produire une nourriture saine. Même sur les terrains arables, et spécialement dans les régions tropicales, des arbres dispersés, environ 10-12 à l'ha, de la famille des Légumineuses, aident grandement à recycler les nutriments et à assurer la stabilité du sol (voir Poulsen17), de façon à ce qu'une zone de culture présente l'aspect d'un bois clair avec des taillis, plutôt que celui d'une plaine balayée par les vents.
FIG. 2.7 : EMPLACEMENT IDEAL DES ELEMENTS EN RELATION AVEC LA PENTE. Nous en avons terminé avec l'analyse à très large échelle, bien que les mêmes idées soient applicables aux petites propriétés qui comportent une pente raisonnable. Il faut modifier localement ce schéma pour utiliser comme champs et pâturages les plateaux situés à mi-pente ou les sommets aplatis des crêtes secondaires. 1. Utiliser la pente (fermes et petites installations) Les fig. 2.7 et 2.8 illustrent quelques relations idéales entre les structures et les fonctions, à condition que la pente soit raisonnable. En commençant depuis le plateau ou la crête, des nids de dindons », ou barrages de stockage, peuvent être placés ici pour accumuler le trop plein des réservoirs supérieurs qui récupèrent l'eau tombant sur le toit des granges, des ateliers, des magasins, des salles de réunion, etc. Chacune de ces structures consomme peu d'eau mais possède une importante surface de toit. Des canaux de détournement autour des hautes crêtes servent aux mêmes fins. En cas d'urgence comme l'incendie ou la sécheresse, l'eau du lac de la vallée ou des grands bassins de stockage situés plus bas peuvent être pompés dans les réservoirs ou les barrages supérieurs. Tous les réservoirs couverts à ce niveau supérieur sont très utiles et on peut les construire en tant que fondations des bâtiments, ce qui forme un volume de régulation thermique sous le sol des ateliers. Une petite pompe à incendie fixe, ou une pompe à incendie mobile, peuvent utiliser leur contenu en cas d'urgence. L'eau des réservoirs couverts n'est pas polluée biologiquement et devrait être strictement réservée pour être utilisée comme eau potable dans la zone d'habitation située plus bas. Les grands volumes d'eau à usage domestique (douches, w.c., etc.) peuvent provenir des barrages supérieurs, sur la ligne des points-clés ou au-dessus. Ils peuvent être remplis lorsque c'est nécessaire depuis le barrage du fond de vallée. Leur contenu sert aussi aux jardins situés à mi-pente. Au-dessus de la ligne de points-clés, en particulier sur les sites secs et rocailleux, il faut établir une sélection soigneuse de permaculture sèche n'ayant besoin que d'arrosage localisé. Placez les végétaux ayant le plus besoin d'eau aux points les plus bas (voir aussi fig. 5.3). Autour des habitations, disposez de petits réservoirs servant en cas d'urgence (environ 22m3
pour une famille de 5 personnes) et construisez les bâtiments derrière le barrage inférieur ou le lac pour les protéger du feu (le feu est plus intense quand il monte la pente). Les eaux usées, dirigées dans une série de petites mares, fournissent un apport appréciable d'algues et de nutriments pour les jardins inférieurs et la nourriture des canards et des poissons. FIG. 2.8 : RELATIONS IDÉALES ENTRE LES STRUCTURES ET LE STOCKAGE DE L'EAU SUR LES PENTES (FONCTIONS ET USAGES). FIG. 2.9 : DES BARRAGES UTILISÉS POUR RÉFLÉCHIR LE SOLEIL EN HIVER ACCROISSENT LE MATIN, LE SOIR ET EN HIVER LA CHALEUR QUE REÇOIT LA SERRE EXPOSÉE. AU MIDI. LES PLANTES QUI S'Y TROUVENT EN BÉNÉFICIENT.
FIG. 210 : PLAN THEORIQUE D'UNE PENTE COMPRENANT EAU ? BATIMENTS ET ACCES FIG. 2.11: COUPE TRANSVERSALE D'UN PAYSAGE SCHÉMATISÉ. Un facteur que l'on oublie souvent est l'accès à la pente supérieure, que ce soit par chemin ou par route. Cet accès peut permettre la réalisation d'un système de drainage ou de détournement de l'eau vers les barrages situés à mi-pente ; il peut aider à la prévention des incendies sur les pentes et servir à débarder le bois provenant de la forêt ou à monter des matériaux jusqu'aux bâtiments utilitaires. Dans les petites propriétés il est fréquent que le mulch et le fumier provenant des fermes supérieures et des forêts puisse être facilement descendu pour créer les jardins situés près de la grange et de la maison. Des planchers à claire-voie sous les abris à tondre, les abris pour chèvres et les étables, situés au sommet de la pente, permettent de stocker le fumier au sec et de le récupérer facilement. Les forêts des pentes supérieures couplées avec la « ceinture thermale » (voir Permaculture 1) du site de la maison produisent une différence remarquable en ce qui concerne le climat et la température du sol de la zone à mi-pente. Quiconque met ceci en doute devrait marcher vers une forêt située plus haut pendant. une nuit de gel et mesurer, ou ressentir, le courant d'air chaud descendant de ces forêts. Si elles sont au-dessus des zones I et II, elles présentent peu de danger d'incendie. Leurs autres fonctions, concernant le contrôle de l'érosion et la rétention d'eau, sont bien établies. La réflexion des barrages dirigée vers le bas (voir Permaculture 1) ajoute de la chaleur. Les collecteurs solaires qui y sont placés transmettent de la chaleur, sous forme d'air ou d'eau circulant par siphon thermique, et aident la maison, la serre ou le jardin, à fonctionner plus efficacement. Même de très faible pentes à environ 1/150 permettent de récupérer de l'eau et de la chaleur si elles sont judicieusement utilisées. Alors que les sections précédentes établissent le schéma de la planification, les techniques pratiques et les stratégies de chaque système sont traitées dans les sections qui suivent. Il ne reste qu'à reconstituer le puzzle de la planification en utilisant ces techniques pour l'établissement et la gestion du système.
2.5 COMBIEN DE TERRAIN ? « Admire un grand domaine si tu veux, mais n'en cultive qu'un petit. » VIRGILE 10 Nous avons peut-être commis la plus grave de toutes les erreurs, du fait de notre cupidité : nous sommes allés plus loin que nous n'en sommes capables. Dans les pays de grande culture de la côte nord-ouest de la Tasmanie, on dit d'un homme qui a trop de terrain qu'il est « pauvre en terrain », et plus sa propriété s'accroît, plus il s'appauvrit, un peu comme le pêcheur cupide qui attrape du poisson jusqu'à ce qu'il y en ait davantage qui retombe à l'eau qu'il ne peut en faire tenir dans son bateau. Si nous pouvions ajuster le terrain à notre âge, on pourrait penser que nous sommes sages, mais nous avons tendance à acquérir plus de terrain à mesure que nous vieillissons, et à le traiter moins bien. Le monde entier apporte la preuve que nous négligeons l'agronomie et que l'homme est avide de terrain. Les grandes compagnies découvrent également que les grandes propriétés entraînent d'importantes obligations, et ce sera de plus en plus le cas à mesure que les réserves de pétrole s'épuiseront. Des amis revinrent récemment de Chine, où 45 000 personnes vivaient tout à fait convenablement sur 8 000 ha, pour trouver leur fils en train de faire faillite tout seul sur la même superficie en Australie ! Les gens demandent souvent combien il leur faut de terrain pour être autosuffisants. La réponse est : « Autant que vous pouvez en contrôler. » Si vous en avez plus, vous n'êtes plus en état d'autosuffisance, et avez encore moins la possibilité de produire des excédents. Si les gens demandent : « Par où dois-je commencer ? », la réponse est toujours : « Sur le pas de votre porte. » Si vous voyez une ferme où le pas de la porte est envahi d'herbes indésirables, ces dernières s'étendront jusqu'à la limite : la ferme n'est pas contrôlée. N'importe quel fermier ou banlieusard qui n'a pas planté un jardin sur le pas de sa porte de derrière n'a pas commencé une permaculture. Si 4 % du terrain -- les quelques arpents qui entourent les maisons paysannes en Russie -- produisent 60 % de la nourriture, que se passerait-il si l'on donnait aux paysans 8 % de la terre ? C'est ce petit bout de terrain près de la maison qu'il est le plus important de cultiver. Pour le fermier, c'est ce terrain qui peut lui permettre de rester dans sa ferme et de survivre aux fluctuations du marché et de la production d'énergie. C'est grâce à lui que le banlieusard peut vivre dans le confort plutôt que de survivre dans la misère. Il y a probablement une taille idéale, environ 750 à 1000 m2, pour le jardin familial, si l'on pense en termes d'agriculture annuelle. Moins signifie trop peu de nourriture, plus veut dire trop de terrain à contrôler. Mais plus le système de culture annuelle peut être petit, plus grand peut être l'espace réservé aux cultures vivaces et à la pâture libre des animaux. Ce que nous observons dans le paysage occidental est quelque chose de décadent : les bouts de terrain des banlieues couverts de pelouses et de fleurs purement décoratives, les zones de lèpre urbaine autour des villes, tout le terrain déboisé aux limites de la civilisation, et ailleurs un lamentable gaspillage de terrain. Dans le futur, il est impensable que ce système puisse se perpétuer. Il semble en ce moment que la seule façon d'éviter les crises à venir est de mettre au point une production importante de nourriture sur le pas de la porte, produite par un travail intensif. Les légumes peuvent largement supplanter les monocultures de céréales comme nourriture humaine, de même que les feuilles d'arbres le peuvent pour nourrir les animaux. Les économies d'énergie provenant de ces deux stratégies sont évidentes et nécessaires.
2.6 L'« EMPILEMENT » DES VÉGÉTAUX « Le tronc élevé et sinueux du palmier se dresse au-dessus de chaque village et à proximité de chaque champ. Le palmier fibreux a pénétré presque toutes les facettes de la vie des gens. C'est la première défense contre le soleil dans les champs, et dans son ombre croît l'olivier. Sous l'olivier, le figuier pousse, et sous le figuier, le grenadier et la vigne, puis la céréale, et les légumes. La seconde contribution du palmier sont les dattes... » WILLIAMS9 Cette citation évocatrice pourrait aussi bien figurer en tête du chapitre sur les terrains arides, mais c'est le prélude essentiel à la considération d'une agriculture à plusieurs étages, spécialement là où un soleil ardent est l'ennemi. Williams ne veut pas présenter l'image d'une forêt, où les plantes, serrées entre elles et trop ombragées ne reçoivent pas assez de lumière où d'humidité. Ce qu'il décrit est représenté sur la fig. 2.12. Mon ami Neil Douglas, qui jardine comme un esprit de la terre sur les collines schisteuses du piémont de l'État de Victoria, où la sécheresse estivale est forte, fait grimper des plantes comme les potirons et les haricots, et dispose ses arbres pour donner de l'ombre à la myriade d'espèces végétales qui vivent dans son jardin : ils ne leur font pas concurrence mais les aident. Les illustrations de A Book of Earthly Delights (Abbie Heathcote, Compendium, 1978) montrent clairement comment le jardin est structuré écologiquement plutôt qu'anarchiquement, mais avec un ordre qui est élaboré plutôt que forcé. De tels jardins trouvent leur équilibre après quelques années d'essai, où les espèces elles-mêmes indiquent leurs préférences, défiant souvent tous les diktats de la littérature. Il est franchement heureux que les plantes ne sachent pas lire ! Dans la nature, les rigueurs de l'environnement peuvent décider de l'espacement des plantes, du degré de leur "empilement » ou de leur densité. La limitation principale peut-être le fait des pluies, et dans le désert, il y a de larges zones de terrain nu entre les plantes. 1. Établissement du système Il n'est pas difficile de concevoir et de réaliser des jardins qui soient plus intensifs que le système naturel, et notre avantage est que nous pouvons utiliser plusieurs méthodes pour accroître le nombre de plantes qui peuvent tenir sur un terrain donné. Ce sont:
..la diminution de la perte d'eau, la construction de structures destinées à donner de l'ombre, et de haies ou de murs qui réduisent l'évaporation due au vent ; · l'introduction d'espèces très résistantes à la sécheresse, tels les cactus, qui résistent mieux que les plantes utiles habituelles, spécialement, comme haies brise-vent ; · l'utilisation de feuilles de plastique enterrées verticalement entre le jardin et le sol sec contigu, pour retenir l'humidité. Notre capacité à tirer profit de toutes les espèces et cultivars utilisés et développés par l'homme en d'autres lieux et d'autres temps dépend directement de notre capacité à leur donner la situation (niche) qui leur convient. La logique conduit donc à modifier les systèmes naturels et les bâtiments. « De cette façon, un environnement peut être rendu capable de recevoir de nombreuses espèces sans qu'elles se fassent concurrence. » (Watt14). La modification principale, et elle est très importante, est qu'un système bien occupé résiste à l'invasion des formes- rampantes (tels les merles et les ronces) de façon à ce que la diversité initiale jointe au manque de perturbations soit le facteur qui préserve le dynamisme diversité - stabilité. Je ne peux trop insister sur l'importance qu'il y a à conserver un petit morceau de terrain totalement occupé par des plantes, si l'on désire économiser des heures de travail. Ce n'est qu'au point où le système commence à se simplifier que nous devons intervenir. Une estimation grossière donne environ 60 ans dans le cas d'éléments de grande taille à longue vie, et moins si les éléments sont petits ou ont la vie courte. Il n'y a cependant pas de raison qui fasse que certains éléments et de nombreuses structures ne puissent persister pendant des millions d'années. La préservation des « lisières »(*) maintient notre choix, et permet la persistance de * "L'effet de lisière" est un facteur important. Il est reconnu en permaculture que l'interface entre deux écosystèmes représente un troisième système, plus complexe, qui combine les deux. Aux interfaces, les espèces des deux systèmes
petites espèces à vie brève et ne supportant pas l'ombre. FIG. 2.12: L'AGRICULTURE EN COUCHES SUPERPOSÉES DANS LA VALLÉE DU NIL SELON WILLIAMS. LES PALMIERS FONT DE L'OMBRE AUX AUTRES CULTURES. SI L'EAU MANQUE, TOUS LES ÉLÉMENTS DOIVENT ÊTRE ESPACÉS. 2.7 L'INTERACTION DES PLANTES ET DES ANIMAUX Le problème des bons livres de jardinage, c'est qu'ils traitent souvent de chaque espèce comme si elle était faite pour vivre seule. Il y a des exceptions notables, par exemple tout ce qui a été écrit sur les plantes compagnes et quelques publications sur les plantes antagonistes. La seule énumération de quelques-unes des interrelations entre plantes, n'est pas inutile.
Les plantes : : servent de support à d'autres plantes (la vigne sur les mûriers, les figuiers, les lyciets) ; · filtrent le soleil et ombragent d'autres plantes (les caféiers sous les palmiers); · fournissent des nutriments pour d'autres plantes (feuilles de consoude pour les pommes de terre); · permettent la pollinisation croisée (différentes variétés de pruniers et de noyers) ; · vivent en symbiose avec d'autres plantes (champignons sous les chênes, les pins); · rejettent ou acceptent d'autres plantes (voir section sur les plantes compagnes); · fournissent des greffons (pommiers, poiriers, noyers). Des listes similaires peuvent être établies pour préciser les relations existant entre plantes et animaux et entre plantes et éléments non organiques. Il est évident que certaines de ces relations peuvent coexister et la lisière possède aussi ses propres espèces dans de nombreux cas. La production photosynthétique globale est supérieure aux interfaces. Par exemple, le système complexe d'interfaces terre/océan -- tels les estuaires etles récifs de corail -- fait montre de la plus grande production, par unité de surface, parmi les écosystèmes les plus importants (Kormondy, E.J., Concepts of Ecology, Prentice Hall, New Jersey, 1959). Un paysage qui possède des lisières complexes est intéressant et beau; il peut être considéré comme étant la base de l'art de la planification du paysage. Et il est certain que le développement des lisières rend le paysage plus productif (Permaculture I, p. 29).
(par exemple le greffage) sont connues et mises à profit par les jardiniers sérieux. D'autres (provisions de nutriments) peuvent être la base même de l'agriculture permanente et de l'autosuffisance régionale. Les douloureux avertissements de Lawrence Hill à propos des dangers potentiels de la consommation de la consoude (New Ecologist, 1979)(*) soulignent les autres usages de cette plante comme fumier liquide ou enfoui, ou comme plante médicinale. Le Leucaena, la luzerne, et en fait la plupart des légumineuses (section 3.2), fournissent des éléments essentiels, comme peut le faire toute plante herbacée ou tout arbre assez vigoureux et profondément enraciné pour aller sonder le sol au-dessous des horizons supérieurs lessivés. Dans la nature, toute matière effectue des cycles via le vent, l'eau, la poussière et par l'intermédiaire de l'homme ou d'autres animaux. Certaines plantes et certains animaux accumulent des éléments rares et essentiels, et peuvent être inclus dans un jardin pour cette seule raison. Dans le Tiers-Monde, les sacs de superphosphate sont coûteux à acquérir (bien que le Coca-Cola soit bon marché). C'est là, en particulier sous les tropiques, que les plantes vivaces à racines profondes ou à racines étalées sont essentielles pour la culture. Lorsqu'on veut mettre au point un système, il faut prendre en considération cette synergie naturelle qui existe entre les plantes et les animaux ; c'est-à-dire, plus simplement, qu'il faut disposer correctement les plantes et les animaux pour en obtenir un troisième bénéfice venant de leur interaction. Quelques exemples spécifiques sont donnés ci-dessous.
Dans l'étude précieuse de Peter Atsatt et Dennis O'Dowd, « Associations de défense des plantes» (plantes servant à protéger d'autres plantes), les interactions entre plantes sont définies des trois façons suivantes:
· I certaines plantes hébergent des prédateurs qui attaquent les insectes nuisibles pour d'autres plantes. C'est ainsi que la Phacelia plantée dans les vergers réduit l'incidence des attaques de Prospatella. Du sorgho ou de la luzerne, plantés entre les rangs de coton, diverses Ombellifères (aneth, fenouil) avec les Crucifères (chou, chou-fleur), les fraisiers dans les vergers de pêchers, les ronces près des vignes, etc., ont tous une action similaire. Dans de nombreux cas, ces plantes sont efficaces sur une seule espèce nuisible, mais il arrive aussi (comme dans le cas du fenouil ou de l'aneth) quelles attirent ou nourrissent des prédateurs qui dévorent de nombreux autres insectes sur toute l'étendue du jardin. A l'inverse, certaines plantes (Berberis) transmettent des maladies à d'autres (rouille des céréales) et forment des réservoirs de réinfection. Elles sont contre-indiquées, ou utilisées délibérément pour supprimer des espèces indésirables.
· 2 Les plantes repoussent les animaux qui veulent s'en nourrir par des moyens physiques (épines) ou chimiques (phénols). Les Renoncules protègent les Graminées de la dent des herbivores du fait de leur lactone irritante, l'anémonine. De la même façon, le Trifolium fragiferum (Trèfle porte-fraise) protège le Trèfle blanc des lièvres. Lorsqu'ils en ont besoin, les jardiniers aborigènes peuvent utiliser l'Haplopappus tenuirostris pour éloigner ou même tuer les ânes et les chevaux sauvages ; et les listes de plantes toxiques abondent. Même les chèvres sauvages meurent lorsqu'elles broutent des pousses de rhododendron ou d'azalées. Telles sont donc les défenses de l'infortuné fellah contre le troupeau prédateur du nomade et les incursions du bétail mal gardé dans son jardin. On invoque des « interférences » olfactives pour expliquer pourquoi les Crucifères cultivées avec des tomates sont moins sujettes aux attaques d'insectes, bien qu'une autre explication publiée dans le New Scientist (nov. 78) offre d'intéressantes perspectives: des plantes dispersées parmi d'autres apparaissent dispersées aux insectes nuisibles, mais une fois qu'ils se sont développés sur certaines plantes, ces dernières apparaissent à leurs prédateurs comme des sources concentrées de nourriture. De toute façon (et en laissant de côté les études des ordinateurs), la dispersion de plantes parmi des espèces variées réduit grandement le problème de parasites, comme le prouvent de nombreuses études.
L'ombre portée par les plantes peut protéger certains insectes ou d'autres plantes des attaques des prédateurs, Atsatt et O'Dowd citent l'exemple de la « Klamath Weed », qui est ainsi protégée des scarabées mangeurs de feuilles, et (Peter Ebbsworth, communication personnelle) l'ombre portée sur les mares par les arbres qui les bordent protège les larves de moustiques de leurs prédateurs efficaces que sont les nototectes. On voit ainsi que tout facteur peut-être utilisé à la fois pour et contre la survie d'une espèce. * Qu'il a lui-même réfuté par la suite : la consommation de la consoude est sans danger. N. du T.
· 3 Les plantes-appâts peuvent éloigner les parasites d'autres plantes, et même réduire leur nombre. Le Nepeta (cataire) exerce une attraction fatale sur les chats. Un de mes amis avait un Grand-Duc dans une cage à larges mailles. Il mangeait les chats qui venaient pour le tuer. La combinaison Nepeta plus Grand-Duc peut donc être mortelle pour les chats errants ! Atsatt et O'Dowd ont remarqué que des espèces de Solanum (S. nigrum, etc.), plantées avec les pommes de terre attirent des masses d'oeufs de doryphores pour qui elles sont un appât mortel. Ces végétaux attractifs, complétés par des pièges mécaniques, peuvent permettre d'éliminer ou d'immobiliser nombre d'animaux ou d'insectes s'approchant des plantes. Les kangourous en Tasmanie sont attirés par le « bois à kangourous » (Pittosporum bicolor) et les mouches à viande par la mauvaise odeur que dégage l'Arum dracunculus ou Dragonnier. Les glaïeuls piègent et éliminent la pourriture de l'oignon en empêchant le champignon de produire ses spores. Il est particulièrement intéressant de noter que la plantation alternée ou en quinconce de plantes résistantes et non-résistantes peut empêcher l'accumulation des parasites et rend inutile de faire sans cesse la course aux variétés résistantes. J'ai cultivé des fèves de printemps et d'été, non pas pour la nourriture, mais pour attirer des pucerons, et donc leurs prédateurs. La conclusion des articles de Science présente un grand intérêt, car elle indique qu'« un bon petit peu » de variété, juste ce qu'il faut, est la clé de la stabilité. Et nous pouvons concevoir et fortifier nous-mêmes ces « associations de défense des plantes » qui existent naturellement, dans la mesure où nous pouvons réussir à déterminer comment elles marchent, comme ci-dessus. Voilà pour ces interactions mais il y a d'autres stratégies, plus ou moins directes, par exemples : · Plantes en contact bénéfique ou nécessaire par leurs racines ou par des gaz. Les pommes et les pissenlits dégagent de l'éthylène, gaz qui permet aux ananas et aux bananes de mûrir. Le Quandong ne peut germer et s'établir que s'il crée une association au niveau des racines avec d'autres plantes. Les oeillets d'Inde empêchent les attaques de nématodes sur les racines des agrumes, etc. · Plantes produisant des facteurs toxiques ou hostiles à la vie d'autres plantes. L'ombre profonde qui règne sous les Coprosma empêche les herbes indésirables de s'y développer ; les phénols produits par les fougères, les noyers et les pins inhibent la croissance d'autres plantes, et les Graminées sécrètent des substances qui tueront les jeunes arbres. Tous ces facteurs peuvent être employés avec profit ou ne servir à rien du fait d'une mauvaise planification. Il faut aussi considérer les facteurs de relation avec le fumier et les éléments minéraux, en particulier dans les jardins éloignés : . les espèces comme la consoude et les Coprosmas fournissent de la potasse pour les pommes de terre (comme mulch ou en enfouissant les feuilles) ; · les espèces comme la luzerne arborescente ou les Leucaenas fournissent l'azote essentiel sous forme de mulch, et les Légumineuses de plus petite taille en apportent également, dans les nodules de leurs racines (voir aussi Co-Evolution Quarterly, 36, automne 1978). Les facteurs physiques comme les abris, l'ombre, la réflexion ou l'utilisation de l'eau font que les plantes réagissent les unes sur les autres, certaines servant aux autres de brise-vent, les ombrageant ou les hébergeant. De nombreuses plantes « rampantes » en protègent d'autres jusqu'à ce qu'elles soient adultes. Le jardinier qui sait observer peut se rendre compte par lui-même de la façon dont les plantes bénéficient des associations, tandis que l'adepte sans cervelle de la monoculture essaie de maintenir à grand prix l'uniformité, ce qui hypothéquera son terrain. Tous les éleveurs qui sont intéressés par ce qui se passe autour d'eux devraient lire Newman Turner33 - un homme qui a su observer son bétail. En incluant délibérément des plantes médicinales et vermifuges dans ses pâturages, il permit à ses bêtes de rester en bonne santé malgré elles. Il y a maintenant de très bons livres sur la médecine par les plantes pour guider le débutant. Il y a des livres qui donnent des informations suspectes, telles ceux qui recommandent l'ail pour repousser la noctuelle du chou. Comme on plante l'ail quand la noctuelle entre en hibernation (en automne), on peut dire que son effet est vraiment cosmique (la noctuelle disparaît dès qu'on plante l'ail). Les contes de fées ne sont pas rares. Il existe cependant de nombreuses raisons de planter des plantes pour d'autres plantes, comme j'ai essayé de le montrer dans cette section. Et même si les dévas et les fées ont une action, il en est de même pour des effets plus terre à terre. Les personnes qui pratiquent la permaculture peuvent concevoir la planification d'un jardin comme un exercice intellectuel, avec beaucoup de coups possibles et infiniment plus de pièces que l'homme ou que l'ordinateur ne peut manipuler. Malheureusement, de nombreux cultivateurs manquent de fair-play et empoisonnent leurs adversaires (et leurs clients), plutôt que de les combattre avec leur cerveau. Mais les bons agriculteurs sont toujours de bons observateurs et peuvent renforcer les alliances efficaces qu'ils rencontrent par hasard, tout en laissant les associations plus faibles s'étioler si elles le veulent. 1. Les Animaux Il est absolument impossible, en dehors des conditions parfaitement stériles des laboratoires, d'exclure les animaux de l'agriculture. Qu'on les nomme insectes nuisibles, microorganismes du sol, animaux domestiques ou sauvages, ils pénètrent tout système et en font partie. Comme les plantes, les animaux ont souffert de la monoculture et des approches mono-intellectuelles. Considérés exclusivement comme une source de viande, de fourrures, de peaux ou d'oeufs, ils ont été forcés à produire en dépensant une énergie maximale, d'où maladies et produits de qualité inférieure et dangereux, contaminés par des additifs, des hormones et des graisses saturées. La question est donc : comment faut-il les utiliser ? En permaculture, nous devons essayer d'employer toutes les possibilités énergétiques d'un élément, et ce qui est unique chez les animaux, c'est qu'ils fournissent des produits utiles à partir de matériaux qui seraient autrement inaccessibles à l'homme. C'est ainsi que les animaux peuvent être utilisés comme : · producteurs de viande, de fibres, d'oeufs, de duvet, etc., à partir de produits peu utiles à l'homme en tant que tel ; · fournisseurs de fumiers de haute qualité, provenant souvent des déchets de l'homme ; · pollinisateurs des plantes, et récupérateurs, rassemblant des matériaux dispersés à travers la permaculture ; · sources de chaleur rayonnant de leur corps, à utiliser dans les systèmes clos telles les serres et les granges; · producteurs de gaz (CO2 et méthane), à utiliser là aussi dans les systèmes clos telles les serres et les composteurs; · tracteurs, creusant la terre. Dans les espaces clos et sur les petits terrains, la volaille, les porcs et les poissons retournent efficacement le sol, le désherbent et l'engraissent ; · animaux de trait (de toutes capacités), faisant fonctionner pompes et véhicules ; · bulldozers pionniers pour défricher et fumer les zones difficiles avant de les planter; · pour contrôler les parasites, en dévorant les nymphes et les oeufs de ces derniers dans les fruits tombés à terre, ou dans les arbres et les arbustes; · pour concentrer des nutriments spécifiques utiles à l'homme, comme l'azote et les phosphates provenant des mouches et des guêpes; · pour nettoyer les filtres à eau ; et · pour tondre l'herbe à ras, aidant ainsi à prévenir les incendies. Pour mettre ces différentes fonctions à profit, nous n'avons qu'à planifier en contrôlant le nombre des animaux et l'espace qui leur est dévolu. Toute population animale produit un surplus provenant de son accroissement naturel, là où on les gère pour se reproduire. Comme une forêt trop dense, trop d'animaux en un même lieu deviennent non-productifs. C'est ainsi que des populations denses de poissons en lac ou en rivière ne peuvent grandir, et que les populations denses de mammifères ou d'oiseaux s'éclaircissent d'elles-mêmes par le manque de nourriture, le stress provenant de leur entassement et la mortalité épidémique des maladies qui s'ensuivent. La plupart des pressions de sélection de cette nature s'exercent sur les animaux jeunes ou très vieux, de même que dans les populations humaines, ce sont les enfants et les vieillards qui sont les premiers à souffrir de la famine et des troubles sociaux. Ceci dénote l'erreur des règlements de pêche, qui prennent en considération la « taille minimale », et qui commandent que les petits poissons soient « rejetés », pour grandir. Nous devrions rejeter les poissons qui sont en âge de se reproduire et utiliser les petits. Aucun fermier ne pourrait survivre s'il tuait le bétail qui peut se reproduire, et aucune organisation de la pêche ne pourrait fonctionner convenablement avec une si mauvaise gestion. Si nous ne nous chargeons pas de limiter les espèces animales, la nature le fera pour nous -- principalement en réduisant le nombre des populations par des catastrophes dues à la surpopulation. Exclure les animaux des zones agricoles signifie les tuer à long terme, et de même que l'homme lui-même est décomposé par les bactéries et les vers, de même peut-il agir comme décomposeur en matière de surplus d'animaux. Tant que nous gérons les animaux, qu'ils soient domestiques ou sauvages, nous pouvons maintenir des populations saines capables de se reproduire. L'accent est mis dans ce livre sur le pâturage libre, de façon à ce que chaque animal soit utilisé dans toutes ses fonctions, sans être placé dans un enclos, ou restreint par des moyens coûteux en énergie. Il y a cependant des raisons morales ou religieuses pour ne pas tuer les animaux, et des raisons économiques pour ne pas les nourrir avec des céréales, qui sont coûteuses. La valeur de nombreuses espèces animales vient de ce qu'elles peuvent utiliser comme nourriture des matériaux que l'homme ne pourrait valoriser autrement (insectes, fruits tombés, cellulose), et leur rôle essentiel sous les tropiques est de transformer les feuilles des arbres et les céréales des moussons en nutriments et en fumier riche et disponible. Des Graminées trop luxuriantes peuvent submerger l'homme et ses jardins si elles ne sont pas contrôlées par des espèces qui les broutent, et nous pouvons donc voir comment les prescriptions religieuses ont (dans leur climat natif) une base écologique saine : dans les zones de mousson les bovins sont des auxiliaires indispensables de l'agriculture. Mais de telles restrictions ne se transposent pas bien sous tous les climats, et nous devrions adopter une moralité adaptée à chaque lieu. Les plantes sans des animaux qui les mangent sont comme des fraises sans crème, ou comme un homme sans femme. En ce sens aussi, les animaux « supportent la moitié du ciel » et ont toujours un rôle bénéfique à jouer en relation avec des espèces végétales. De même que nous pouvons mettre au point des ensembles de plantes, de même pouvons-nous réaliser des associations bénéfiques entre espèces animales, et intégrer les systèmes de plantes aux systèmes d'animaux avec des avantages mutuels. C'est ainsi que presque tout ce que nous avons dit à propos de plantes pourrait être répété à propos des animaux, et pour compliquer les choses, nous pouvons utiliser les interactions des structures concernant les plantes et les animaux, dont certaines sont esquissées dans la section 8.
3. AMÉLIORATION DU SOL Le sol nu est un sol abîmé et il ne se rencontre que là où l'homme ou les animaux introduits ont compromis l'équilibre écologique naturel. Une fois que le sol est nu, il peut être encore plus endommagé par les éléments (soleil, vent ou eau, ou une combinaison des trois) ou par une invasion d'herbes indésirables. C'est ainsi que l'emploi de la charrue conventionnelle ne dérange pas seulement les processus de vie du sol, mais peut également provoquer d'importantes pertes de sol. Les trois approches principales permettant une perte de sol minimale en agriculture sont : · la plantation de forêts et de buissons pour protéger le sol; · l'emploi de charrues qui ne retournent pas le sol, et; · l'encouragement des formes de vie qui aèrent les sols compactés, en particulier les vers de terre. Tous ces processus ont le même résultat : l'aération du sol et un apport sain de nutriments. Ils se nomment dans l'ordre : reforestation, préparation du sol et application de mulch ou de compost. Les deux premiers s'appliquent aux grandes surfaces, le troisième aux petits terrains. La reforestation et la préparation du sol produisent leur propre mulch, tandis que le mulch peut être appliqué aux petits jardins. Il est fréquent que les plantes envahissantes dont nous nous plaignons (lantane, herbe du cap, ronces, bouillon-blanc, chardon, etc.), soient les tentatives d'un sol abîmé pour créer une couverture végétale qui tracera la voie vers une forêt ou une récolte. Elles sont l'indication que le sol a été abîmé, que nous sommes allés trop loin et avons perdu contrôle de la terre. La mesure initiale prise par les Chinois en démarrant leur gigantesque entreprise de réhabilitation du désert a été de recouvrir les dunes de nattes de saule et de paille. Les arbres suivent, tissant à leur tour un lit de feuilles et de racines qui stoppent l'érosion par l'eau et le vent, et même (dans le cas des racines de bambou « en radeau ») modèrent l'effet des tremblements de terre sur leurs habitations. 3.1 AMÉLIORATION DU SOL A LARGE ÉCHELLE P.A. Yeomans et Geoff Wallace (de la vallée de Kiewa) ont tous deux mis au point un système de gestion des sols à grande échelle, pour leur rendre leur productivité et permettre leur utilisation dans des conditions stables. Aucun d'eux n'a été fait chevalier, proclamé héros national, ni même invité à venir enseigner dans les universités qui s'occupent de l'environnement. Mais il fallait s'y attendre : l'Australie ignore ses innovateurs, et va chercher à leur place des experts à l'étranger. L'importance de la Ligne-clé (keyline), et les outils mis au point par Yeomans et Wallace, font que les sols improductifs et stériles peuvent être rapidement réhabilités. Que l'on utilise le « Bunyip Slipper Imp Shakaerator » de Yeomans ou le « Soil Conditioner »(*) de Wallace, ou les deux, le résultat est que le sol compacté est soulevé doucement (ni retourné, ni renversé), aéré et ameubli. La pluie le pénètre et est absorbée ; la température du sol augmente, les racines poussent et meurent pour faire de l'humus ; l'acide carbonique faible provenant de l'air, de la pluie et des racines dissout les nutriments du sol, et la campagne revit. A part un épandage initial de phosphate ou d'oligo-éléments fortement déficients, on ne met rien. Lorsque après ce genre de traitement un sol noir s'est reconstitué sur 20 cm, les arbres et les cultures peuvent être plantés avec succès, et dans le cas où les récoltes proviennent des arbres, la réhabilitation est permanente. Je ne peux pas penser à une seule décision politique qui soit aussi importante que la décision qu'ont prise des hommes de cette trempe de restaurer le sol, car ce sont les produits du sol qui permettent aux politiciens de survivre, comme l'a clairement démontré Sir Albert Howard'. Le monde devrait avoir connaissance de ces résultats et leurs inventeurs devraient être faits enseignants nationaux pour avoir la possibilité de faire passer leurs connaissances au Tiers-monde, là où le besoin s'en fait sentir.
* Sous-soleuses, équivalents tractés de notre « grelinette ,,. N.d.T.
FIG. 3.1 : RÉHABILITATION DU SOL PAR LA SOUS-SOLEUSE.
Wallace et Yeomans ont montré que des sols qui ont mis un siècle à se développer sous le couvert de la forêt peuvent être recréés par l'homme en deux ou trois ans. Wallace a enregistré des augmentations de température jusqu'à 11 °C dans des sols protégés par sa forêt rénovée. Yeomans a montré comment « obtenir de l'eau pour chaque ferme » (et, qui mieux est, de l'eau propre) est un résultat de la Ligne-clé (keyline). De l'eau propre et un sol équilibré : voici les bases de la richesse humaine et sociale. Laissez-tomber la Sécurité Sociale et l'eau chlorée, et allez au coeur du problème -- les ressources de base d'une nation. Howard21 a de quoi dire sur les résultats désastreux de l'apprentissage de l'agriculture en laboratoire ou à l'université, sans vision globale et sans essais sur le terrain. La dégradation fait partie des dommages stupides, et c'est précisément ce qui est arrivé aux paysages de l'homme après le passage de la charrue. Les paysages abîmés s'offrent partout à notre regard. Le fait que la plus grande destruction ait lieu dans les nations les plus pauvres n'est pas un hasard -- après la pauvreté vient l'extinction, le désert, le sel et le silence. Si les nations prenaient pour objectif le bon état des sols, les autres problèmes qui nous harcèlent se résoudraient d'eux-mêmes, et une philosophie adéquate se développerait. Je mentionne des techniques à large échelle parce que les gens qui manquent d'informations s'imaginent que les méthodes biologiques ou de réhabilitation ne peuvent s'appliquer qu'à des projets à petite échelle. Trouvez des hommes comme ceux que j'ai cités et nous pourrions réhabiliter une nation. GEOFF WALLACE FAIT UNE DÉMONSTRATION DE SON « CONDITIONNEUR DE SOL » A KIEWA. Ce que Yeomans et les autres réussissent avec la sous-soleuse et des machines qui ne retournent pas le sol, Fukuoka le fait avec des plantes à racines profondes comme le radis japonais et la luzerne, mais son système n'avait pas été compacté par de lourdes machines ou par du bétail. Même les fortes racines ne peuvent toujours traverser les couches durcies, et l'action vibratoire du « shakeaerater » est nécessaire à cette réhabilitation extrême.
Quand le sol est en voie de guérison, il est temps de planter des arbres et d'y semer des cultures. Un été passé à ramener le sol à la vie n'aura pas été perdu, car les arbres se développent plus vigoureusement dans ces nouvelles conditions ce qui permet de rattraper le temps perdu en une seule saison : un olivier ou un caroubier ayant du mal à survivre sur un sol compacté, pousse de 90 cm à 1,20 cm une fois le sol amélioré, et va peut-être produire en trois ou quatre ans au lieu de 17-18 ans ou plus. Pour nous résumer brièvement, les résultats de la réhabilitation des sols sont: · Un sol vivant: les vers de terre ajoutent du fumier alcalin et agissent comme des pistons vivants qui aspirent l'air et donc l'azote dans le sol. · Un sol friable et ouvert à travers lequel l'eau pénètre facilement, et où l'acide carbonique et les acides humiques libèrent les éléments du sol pour les plantes, servant de tampon contre les variations de pH du sol. · Un sol aéré qui reste plus chaud en hiver et plus frais en été. Le sol absorbant forme une efficace couverture qui retient l'eau et empêche son écoulement en surface ainsi que son évaporation rapide à l'air. Les plantes absorbent l'humidité nocturne, qui sera utilisée plus tard. · Les racines mortes servent de nourriture aux plantes et aux animaux, créant plus d'espaces d'air et de tunnels dans le sol, et fixant l'azote au cours de leur cycle de décomposition. · Le sol est rapidement pénétré par les racines des nouvelles plantes, qu'il s'agisse de cultures annuelles ou vivaces, etc. · On constate un changement permanent du sol s'il n'est plus tué par piétinement, écrasement, labour ou épandage de produits chimiques. PHOTO 3.2 : DÉTAIL DE LA SOUS-SOLEUSE DE WALLACE. LE COUTRE FEND LE SOL, LES BARAES EMMANCHÉES, EN FOAME DE « SOULIERS SUIVENT, POUR PRATIQUER DES TUNNELS D'AIR SOUS L'HEABE.
Les arbres servent bien sûr de pompes à nutriments à long terme, déposant leurs sels minéraux sur le sol sous forme de feuilles et d'écorce, que les champignons et les crustacés du sol transforment en mulch. Wallace a fabriqué un améliorateur de sol très efficace. Un coutre circulaire fend le sol, qui doit n'être ni trop humide, ni trop sec, et la fente est suivie par une barre de métal en forme de soulier, qui ouvre le sol sans le retourner pour former une poche d'air (voir photos 1 et 2). Les graines peuvent être déposées dans ces étroits sillons ; les haricots et le maïs semés ainsi poussent à travers l'herbe pour donner une récolte record. Il n'est besoin ni d'engrais, ni d'épandage en surface : l'effet bénéfique de l'air emprisonné sous terre, et le travail subséquent de la vie du sol et des racines des plantes suffisent. L'illustration graphique des effets de ces mesures sur la température du sol est faite lors des nuits de gel. Les sols aérés ne gèlent pas, contrairement aux sols compactés. Wallace démontre clairement cet effet en faisant des cultures « tropicales » dans sa ferme de la vallée de Kiewa, qui n'est qu'à 65 km de la neige en hiver. Il n'y a qu'une seule règle dans ce type de « labour », c'est de conduire votre tracteur ou votre attelage légèrement vers le bas, en produisant un tracé en arête de hareng : la colonne vertébrale est la vallée et les côtes sont les pentes. Comme le dit Geoff : « Même un enfant peut conduire une machine roulant légèrement en pente. » Les canaux du sol -- il y en a des centaines -- deviennent ainsi le chemin le plus facile pour que l'eau circule, et elle quitte la vallée, sous la surface du sol. Comme la surface est peu dérangée, les racines protègent de l'érosion, même juste après le « labour », l'eau pénètre et les processus de vie sont accélérés. Le profit d'un sol amélioré de cette manière est représenté sur la fig. 3.1. Wallace ne voit pas l'intérêt de descendre à plus de 100 mm lors du premier passage, et à plus de 150-225 mm par la suite. Les racines des plantes, nourries par la chaleur et par l'air, pénètrent ensuite jusqu'à 30 ou 50 cm dans les pâturages, davantage en forêt. Pour éliminer les quantités d'eau massives provenant des égouts, Yeomans recommande d'entailler jusqu'à 90 ou 1,50 cm ; un essai de ce système est en cours à Maryborough (Victoria) sous des lagons d'épandage. J'ai rarement vu des terrains qui ne pourraient tirer bénéfice d'une telle amélioration du sol, comme première étape avant d'y concrétiser d'autres conceptions. Il n'y a que les sols très rocheux ou sableux qui ne puissent être traités convenablement (dans ce cas, il faut principalement avoir recours à des moyens biologiques), mais on peut utiliser cette méthode sur les terrains de football pour les empêcher de se compacter en se détrempant, sans gêner sérieusement leur utilisation. De la même façon, les pâturages et les cultures ne cessent pas de produire, contrairement à ce qui se passe lorsqu'on les laboure avec des outils conventionnels en mettant la terre à nu, et les processus de vie ne sont que très brièvement interrompus.
Pour les petits jardins de terre compactée, Yeomans recommande d'y enfoncer une lourde fourche-bêche et d'exercer une douce pression sur le sol jusqu'à ce qu'il s'entrouvre(*). * La « grelinette est faite pour ça. N.d.T.
FIG. 3.2 : SCHEMA DE LA CULTURE SANS LABOUR DES CEREALES ET DES LEGUMINEUSES.
3.2 CULTURES SANS LABOUR Jusqu'à ce que j'ai lu Fukuoka, je ne trouvais pas de façon satisfaisante d'introduire les céréales et les légumineuses dans la permaculture, mais le système esquissé dans La Révolution d'un seul brin de paille semble avoir résolu le problème de la culture sans labour des céréales. P.A. Yeomans et David King de Nimbin recommandent aussi l'ouvrage de G.F. Van der Muelen, un agronome tropical qui a publié The Ecological Methods for Permanent Land Use in the Tropics (Méthodes écologiques d'utilisation permanente du terrain sous les tropiques) -- on peut commander ce livre à l'adresse suivante : Ranonnkelstraat 119, La Haye, Pays-Bas. Van der Muelen utilise par exemple la dolique (Dolichos lablab) sous les Palmiers du genre Borassus pour former un système vivace. Un ami de Yeomans emploie avec grand succès la dolique avec l'orge en culture annuelle(*). En bref, ce système part de la rotation habituelle légumineuse/céréale/racines/pâturage/jachère/légumineuse pour aboutir à une culture unique mixte de céréales et de légumineuses. Nous avons toutes les raisons d'agir de même en ce qui concerne les systèmes de culture d'arbres, y compris les arbres de la famille des Légumineuses (acacias vrais, robinier faux-acacia, luzerne arborescente) dans les vergers producteurs de fruits, de graines oléagineuses (noix, noisettes, amandes, etc.), ou de bois. N'importe qui peut produire sans tracteur ni machine une récolte importante de céréales et de légumineuses s'il pratique la « rotation simultanée ». La méthode est très bien adaptée à l'utilisation des sédiments provenant des lagons récepteurs d'égouts et d'eaux usées, où il n'y aura pas besoin de fumier de volaille. Dans cet exposé, j'ai combiné les données de trois livres (références 3, 12, 13), en utilisant la méthodologie de Fukuoka, et les données des deux dernières références (12, 13) pour mettre au point un système de culture de céréales permanent et sans labour, qui s'insère dans le système de la permaculture. Les céréales sont une source de nourriture importante et sont produites en une saison. La plupart des régions conviennent à leur culture, et les légumineuses jouent un rôle essentiel dans le processus de fixation d'azote pour les céréales. Une alimentation basée sur les céréales et les légumineuses fournit un supplément de protéines complètes (voir Diet for a small planet de Frances Moore Lapé, FOEBallantine). Le principe du mulch continu (avec trèfle) et de la double culture, avec des céréales semées en hiver et au printemps, rend possible l'utilisation de petites surfaces (400 m2 ou moins) pour fournir à une famille de cinq personnes sa ration annuelle de céréales. Si l'on veut cultiver du riz, le terrain doit d'abord être nivelé et une digue basse construite autour, de façon à ce qu'environ 50 mm d'eau puissent recouvrir la surface du sol au mois de juin (voir référence 12 pour les techniques d'étanchéification des digues avec du plastique). Après avoir travaillé ou nivelé le terrain en été, il faut y épandre de la chaux ou de la dolomie, l'arroser et le préparer pour les semailles d'automne. Pour démarrer le système de culture continue, on applique un mulch complet (sans graines) de paille, d'algues, de papier déchiré ou de sciure, etc., à raison d'environ 900 kg/1 000 m2. Si l'on ne peut se procurer de mulch, les graines peuvent être recouvertes comme il est usuel par ratissage. Je vais traiter ici le cas de plusieurs lots de terrain pour montrer comment différentes plantes peuvent être traitées. En octobre, les grains sont semés à la volée sous le mulch comme suit: Lot n° 1 2 3 4 5 Riz Riz Riz Riz Riz Grains Trèfle blanc Trèfle blanc Trèfle blanc Trèfle blanc Trèfle blanc Seigle Orge Millet Blé d'hiver Avoine Le riz reste en dormance jusqu'au printemps et les autres plantes germent peu après le semis. En supposant que la rotation a déjà eu lieu sur un an et que de la paille provenant de la culture précédente peut être utilisée comme mulch, l'année se déroule comme suit. * En France, Marc Bonf ils (Permaculture Pyrénées -- 11300 Bourièges) a obtenu d'intéressants résultats avec les céréales d'hiver. N.d.T.
Octobre : On épand à la volée une fine couche de fumier de volaille sur le terrain. Utilisez 1 kg de trèfle par ha, 7-16 kg de seigle et d'autres céréales par ha et 6-11 kg de riz par ha. Utilisez du trèfle inoculé si c'est la première culture. Les semences peuvent être d'abord disséminées, puis recouvertes de paille, ce qui les protège des oiseaux. La seconde année, le seigle et le trèfle sont semés à cette époque dans le riz mûr. Le seigle et les autres céréales sont semés au milieu du mois. Novembre : 1re semaine -- le riz de l'année passée est récolté, la récolte séchée sur des râteliers pendant 2 à 3 semaines, puis battue. La paille de riz et la balle sont épandues sur le champ. Du riz qui n'a pas été extrait de sa balle est semé dans le mois qui suit la récolte, juste avant que la paille soit mise en place. Décembre-mars : Émigrez vers un climat chaud ou admirez votre culture en hiver. La faire brouter légèrement par les moutons ou les oies aide les plantes à taller et apporte du fumier. Resemez dès que possible dans les zones ou la levée s'est mal effectuée. Quand les végétaux ont atteint environ 150 mm, 100 canards à l'ha réduiront le nombre des parasites tout en fumant le champ. Il faut éviter d'y laisser stagner l'eau. Avril : Vérifiez que le riz pousse bien et ressemez si c'est nécessaire. Mai : Le seigle, l'orge, etc., sont récoltés vers le milieu du mois et mis à sécher en tas pendant 7 à 10 jours. Le riz est piétiné mais il se remet. Après que les autres céréales ont été battues, la paille et la balle sont répandues sur le champ, en transportant chaque type de paille sur un lot différent, comme par exemple : Lot n° 1 2 3 4 5 Pailles Avoine Seigle Orge Millet Blé Juin : Il ne reste que le riz. Les adventices d'été peuvent apparaître, mais elles sont affaiblies par inondation pendant 7 à 10 jours, jusqu'à ce que le trèfle jaunisse, mais sans qu'il ne meure. Le riz pousse jusqu'à la récolte du mois de novembre. Juillet-septembre : Le champ est maintenu à une saturation de 50 à 80 % sous le riz, tandis que l'on prépare les grains des autres céréales pour le semer en octobre. Le cycle continue alors comme avant, mais en utilisant maintenant la paille des cultures comme mulch. Chacun doit mettre au point ses propres techniques et ses mélanges d'espèces; mais une fois qu'un cycle a été perfectionné, il n'y a plus de façons culturales à prévoir, et le mulch de paille est la seule défense contre les adventices : il est bon de planter autour des champs des lignes de Coprosma, de consoude, d'agrumes, de mûrier, de citronnelle, de luzerne arborescente, d'herbe des pampas ou d'une autre plante-abri limitant les adventices. Épandez de la sciure comme mulch sous ces bordures pour éviter l'invasion d'adventices provenant des digues ou du terrain avoisinant.
Là où une culture irriguée n'est pas possible, du riz de culture sèche ou d'autres céréales peuvent être utilisés, et l'arrosage par aspersion remplace l'inondation estivale. Dans les zones de mousson, les pluies d'été devraient suffire. Les amateurs devraient semer densément les graines jusqu'à ce qu'ils soient capables de couvrir le sol de manière égale. Les semoirs mécaniques peuvent être employés pour de grandes surfaces. Là où l'on ne peut cultiver du riz (dans les régions froides par exemple), d'autres céréales peuvent lui être substituées, et des cycles à court terme inventés (blé de printemps ou maïs semé de mars à mai, par exemple, avec avoine, orge ou blé comme culture d'hiver). On peut aussi essayer d'autres légumineuses. Logsdon12 donne des sources pour les graines et le petit matériel, ainsi que des informations sur la manière de s'y prendre pour battre, vanner et moudre. (La machine « RippleFlo » du C.S.I.R.O., maintenant produite en Australie, effectue toutes ces tâches, plus la séparation des grains de l'épi.) Dans les climats humides, le grain doit être séché à 14 % d'humidité avant d'être stocké dans des tonneaux ou des bidons résistant aux parasites. Sur un terrain labouré, il faut 4 à 5 fois plus de semence que dans cette méthode du mulch de paille. Le livre de Fukuoka donne beaucoup plus de données sur le jardinage sans labour pour les fruits et les légumes, et, comme culture d'arbre, il utilise 12 acacias vrais à l'ha au lieu de trèfle. Fukuoka3 a employé ce cycle sans labour pendant 25 ans et son sol s'améliore, sans autre engrais que le fumier de poulets et de canards, sans pulvérisations et sans herbicides. Là où les moineaux posent un problème, les grains sont mélangés avec de l'argile, passés à travers un grillage et roulés en petites boules, ou humectés et roulés dans un récipient contenant de l'argile en poudre pour former des boulettes. On peut aussi former celles-ci en faisant passer l'argile et les grains à travers un hachoir domestique sur une table vibrante couverte de poussière ou de farine. 1. Céréales RIZ (Oryza saliva), bien que céréale à jour court, adaptée aux latitudes jusqu'à 40° N. et S., serait probablement cultivé avec succès dans les pays tempérés. Il est autopollinisé. Les Nations Unies notent que le riz est sensible à l'azote (le fumier de poulet de Fukuoka). Les Japonais contrôlent la maladie des grains en les trempant dans 40 % de « formaline » diluée avec 50 fois son volume d'eau. Les marges autour du champ de riz inondé devraient être tondues ou plantées avec des arbustes ou de grandes plantes herbacées vivaces pour éviter l'invasion par les adventices. Les graminées sauvages servent de réservoir de maladie. Là aussi, Fukuoka coupe à la faucille les graminées sauvages et ignore pulvérisations et insecticides. La graine, à environ 13 % d'humidité, est stockée dans un lieu frais. « Les bons rendement peuvent atteindre 3 à 4 t/ha13. » 88 boisseaux = 5 200 lbs (parfois 116 boisseaux), soit de 2,5 à 5 t, plus 9 t de paille par ha3. (Ces différences de rendement montrent combien plus efficace est le système du mulch de paille).
SEIGLE (Secale cereale) : une plante à jour long adaptée aux climats tempérés ; habituellement cultivée en hiver, mais il existe des types de printemps. Mûrit en 37.71 jours. La pollinisation s'effectue par le vent : semez en automne (octobre-novembre) à 55-60 kg sur un terrain irrigué. Un complément d'azote est nécessaire en terrain pauvre. Nécessite de l'humidité (une irrigation) au moment de la floraison. L'ergot est éliminé par une solution à 20 % de sel de cuisine, puis le grain est rincé et égoutté; sa germination n'en est pas affectée. La récolte doit être battue quelques jours après que les grains sont mûrs. Stockez à moins de 14 % d'humidité. Les bons rendements atteignent de 2,8 t/ha13 à 5,7 t/ha3 (*). BLÉ (Triticum aestivum) : une plante de jour long pour régions tempérées. Certaines variétés poussent en Alaska. Il y a des blés d'hiver et des blés de printemps. Nécessite une période ensoleillée de 6 à 8 semaines pour mûrir. Les sols lourds et bien drainés sont les meilleurs. Autopollinisé. Les variétés ne se féconderont pas mutuellement en cas de haie formant barrière. Semer à 40-80 kg/ha. Est stimulé par la présence d'azote. Dans les régions sèches, l'irrigation par inondation est utile, mais il faudra la stopper quand le grain sera formé. Couper quand le grain est sec et dur. Battre et stocker à moins de 15 % d'humidité. 5 t/ha est un bon rendement. ORGE (Hordeum vulgare) : une plante de jour long pour régions tempérées ; des zones subtropicales à l'arctique. Les types de printemps mûrissent en 60 à 70 jours, les types d'hiver en 160 jours. Autopollinisé. Semer en automne 70-120 kg/ha, en terrain irrigué, ou 13 kg/ha dans du mulch3. Contrôler l'ergot comme pour le seigle. Connaît moins de parasites que le blé. Le grain doit être dur avant le battage et la paille sèche. Stocker à 14 % d'humidité dans un endroit frais et sec. Bons rendements : 3 à 3,5 t/hall ; 4,7 t/ha ou 22 boisseaux3. SARRASIN (Fagopyrum sp.) F. esculentum, F. tataricum, F. emarginatum : adapté à une grande diversité de climats. F. esculentum est l'espèce qui convient le mieux aux climats tempérés humides. Tolère beaucoup de sols, même s'ils sont peu fertiles, mal labourés ou acides. Pollinisé par les insectes, a besoin des abeilles (qui l'apprécient) à raison de 2 ruches/ha. Craint les gelées. Ne semer que lorsque le gel n'est plus à craindre, à raison de 25-40 kg/ha; pas plus, ou il produira moins de graines. La chaux peut aider. Peu de maladies. Récolté normalement après 10 semaines, quand la graine à la base est totalement mûre. Se bat aisément. La graine peut être séchée sur le sol. Bons rendements : 4,2-4,4 t/ha 13. Excellent engrais vert pour les sols pauvres * Et même davantage, jusqu'à 2 kg/m2 en Allemagne (Siegfried Lange50). N.d.T. 45
(*). AVOINE (Avena saliva. A. byzantina) : plante de jour long à variétés d'hiver et de printemps ; réussit mieux en climat tempéré. A saliva est la meilleure culture d'hiver en climat tempéré. Sols neutres de types variés (le meilleur est un terrain argileux sec). Autopollinisé. Verse s'il y a trop d'azote dans le sol ; en a donc moins besoin que les autres céréales. Semez à raison de 50-200 kg/ha en mars-avril pour récolter en août-septembre ou en automne pour les variétés d'hiver. L'eau est nécessaire à la floraison. Récoltez quand la paille est encore un peu verte et le grain un peu tendre. Stockez à moins de 14 % d'humidité. Bons rendements : 5 t/hai3. QUINOA (Chenopodium quinoa et Canihua, C. pallicauda) : cultivé à haute altitude en Amérique du Sud (Pérou, Argentine), le C. quinoa mûrit en 135 à 145 jours, le Canihua en 165 à 172. Tolère les sols chargés de sels. Semer au printemps à raison de 10 à 15 kg/ha. Les oiseaux sont un problème. Les plantes sont arrachées lorsque les graines ne sont plus écrasées sous l'ongle. Mettre en tas pour faire sécher. Les bonnes variétés (1 000 variétés sont disponibles) produisent 2 à 3 t/ha13. TEFF (Eragrostis te f f) : neutre en ce qui concerne la longueur du jour. Types à grains blancs adaptés aux saisons à étés secs, types à grains bruns adaptés aux étés humides. Résiste à la sécheresse, mais doit être abrité à la floraison. Convient à une grande diversité de sols bien drainés ; pousse bien sur les sols sablonneux. Autopollinisé. Semez au printemps pour récolter en automne à raison de 10 à 12 kg/ha. Éclaircissez si nécessaire. Récoltez lorsque les panicules vertes deviennent grises. Produit 2 t/ha 13. MILLET (Plusieurs espèces : surtout Panicum miliaceum et Setaria italica) : traitez comme le maïs (ci-dessous), en semant les graines trempées 10 jours après le maïs à raison de 2-3 kg/ha. Ne supporte pas les gelées printanières. Toutes les espèces et variétés poussent rapidement et sont peu exigeantes en eau. Bonne culture à entreprendre là où les autres céréales ont échoué auparavant. Autopollinisé ou pollinisation croisée. Récoltez quand les grains sont mûrs: suspendez les sommets des plantes dans une grange, et donnez tel quel à la volaille, comme vous le faites avec les capitules de tournesol. Les grains se conservent bien. Les oiseaux sont un problème ; la volaille apprécie le millet. MAÏS (Zea mays -- nombreuses variétés) : plante de jour court, mais adaptée aux zones subtropicales et jusqu'à 40° N. ou S. Ne supporte que les gelées légères. Suivant la variété, produit ses grains en 50 à 130 jours. Préfère les sols neutres et bien drainés. Pollinisation croisée par le vent, a donc besoin de hauts brise-vents pour conserver la pureté des variétés. Souvent suivi par le blé ou l'orge, en rotation avec des pois, des arachides ou du soja. Semer de mai à juillet, « quand les feuilles de chêne sont aussi grandes que des oreilles d'écureuil, ou quand la température du sol est de 15 °C », à raison de 15 à 30 kg/ha. Éclaircissez s'il le faut pour garder 1 200 à 1 400 plants à l'ha. Nécessite moins d'azote, mais plus de phosphate et de potasse que les autres céréales. L'irrigation lors des périodes sèches accroît la production de grain. Le maïs doux est récolté lorsque le grain est laiteux, puis il est congelé, ou les épis sont laissés à sécher sur la plante. Peut être mis en meules dans les champs, effeuillé et donné sous forme d'épis entiers à la volaille, aux porcs. Le grain peut aussi être détaché et stocké. Donne de 1,2 à 1,5 t/ha. Il est également possible de faire brouter aux agneaux les feuilles inférieures, puis de lâcher les porcs dans le champ pour qu'ils récoltent les épis. Le bétail et la volaille glaneront ce qui reste, mais dans ce cas il n'y aura pas grand-chose pour servir de mulch et la paille devra être « empruntée » ailleurs. Une bonne culture intermédiaire avec cette céréale est le haricot à rames (qui grimpe le long des tiges) ou la fève. Dans les régions ensoleillées, melons et potirons peuvent être cultivés en même temps au niveau du sol. * Ne vient pas sur calcaire. N.d.T. 46
2. Légumineuses, haies, plantes oléagineuses FÈVE (Vicia faba) : plante de jour long adaptée aux climats tempérés. Résiste aux gelées. Aime les sols lourds, argilo-calcaires, bien drainés. Autopollinisée, mais les abeilles aident à la formation des graines. Semez d'octobre à décembre à raison de 200 kg/ha (35-40 plantes au m2). Il faut mettre un peu de fumier pour un apport en phosphore, ou épandre des phosphates naturels. Récoltez avant que les gousses supérieures ne soient mûres, entassez pour sécher. Donne 1,5 t/ha. En plus des graines, les jeunes pousses peuvent être consommées comme légume vertu, ainsi que les jeunes gousses en formation. Si les tiges sont coupées après la récolte, elles regerment l'automne suivant. VESCES (Vicia spp., particulièrement V. ervilia) : Légumineuse de jour long adaptée aux climats tempérés. Pousse dans les dunes ou sur sol humide. V. pannonica est la meilleure espèce pour les sols lourds, V. ervilia pour la résistance au froid. Produit plus de graines sur des sols moins fertiles. Autopollinisée, mais aidée par les abeilles. Souvent suivie par du maïs, du blé, ou peut être mélangée avec de l'orge, de l'avoine, du seigle ou du blé. Semez de février à avril, ou en hiver, à raison de 40-50 kg/ha, ou 20 kg/ha avec 30 kg d'avoine, 80 kg de seigle. Il vaut mieux semer avec l'avoine car les graines sont mûres en même temps. Habituellement non irriguée. Récolter quand les gousses inférieures sont mûres. V. ervilia est l'espèce la plus tardive à mûrir. Les grains d'avoine et d'orge se séparent facilement des vesces. Stockez lorsqu'elles sont sèches. Produit jusqu'à 1 t/ha sur sol lourd (V. ervilia)". LENTILLE (Lens esculenta) : plante de jour long pour climats méditerranéens, ou culture d'hiver sous les Tropiques. Très résistant aux gelées. Autopollinisée. Souvent semée avec l'orge en rangs larges de 2 m, en alternance. N'a pas besoin de beaucoup d'azote; a peu de parasites. Semez à raison de 30-80 kg/ha 13, mûrit en 90-150 jours. Récoltez quand les gousses inférieures brunissent. Attachez en bottes et faites sécher plusieurs jours. Battez si les lentilles ont été cultivées avec des céréales. Rendement moyen : 0,6 à 1 t/ha ". Semez en février-mars, ou en automne sous climat méditerranéen. POIS CHICHE (Citer arietinum): plante neutre en ce qui concerne la durée du jour, nécessitant un climat frais pour une meilleure croissance. Peut supporter de bases températures. Met de 90 à 100 jours pour mûrir. Requiert des sols bien drainés. Autopollinisé. Succède habituellement au blé, au riz, à l'avoine. Semez en mars-mai comme culture de printemps à raison d'environ 40-60 kg/ha. Souvent irrigué en cas de sécheresse. Récoltez quand la graine est développée mais encore verte, et que les feuilles sont brun rougeâtre. Arrachez ou coupez, mettez en tas 1 à 2 semaines sur le champ. Battez au fléau. Produit 0,9 t/ha quand la culture est irriguée13. POIS (Pisum sativum) : plante de jour long adaptée aux climats frais et humides. Subit plus de dommage des hautes températures que du gel. Autopollinisé. Précède souvent le blé. Semez de février à mai à raison de 100-150 kg/ha. La potasse est utile sous les climats humides. A besoin d'eau au moment de la floraison puis de nouveau juste avant que ne se forment les gousses, ou lorsqu'elles sont à moitié pleines s'il ne pleut pas. Récoltez en arrachant ou en coupant quand les pois s'ouvrent sans que de l'humidité s'en échappe. Mettez en tas 10-15 jours, séchez à 15 % d'humidité. Produit environ 3-4 t/ha13. LUPIN (Lupinus spp.): plante de jour long, ou engrais vert, préférant les climats frais. Cultivé comme plante annuelle d'été ou d'hiver, mettant de 100 à 150 jours pour mûrir ses graines (si on en a besoin). Préfère les sols neutres et légers. Les abeilles sont les pollinisateurs principaux. Souvent cultivé après les arachides, avant les céréales, ou même utile pour jouer le rôle de pionnier (s'il a été inoculé). Semez de mars à mai ou de septembre à novembre à raison de 40-80 kg/ha. S'il est utilisé comme pionnier, ajoutez des phosphates. Les lapins son un danger. Si vous voulez récolter les graines, coupez les plantes quand les gousses sont aux 3/4 brunes, mettez en bottes, puis battez au-dessus d'un tamis de grillage. Rendement moyen en graines : 0,8 à 1 t/ha13. Une nouvelle variété sans alcaloïde du lupin « Russel vivace » est à l'essai en Grande-Bretagne comme source de nourriture pour l'homme et le bétail -- une sorte de pois vivace. HAIES AUTOUR DES CHAMPS LUZERNE ARBORESCENTE (Chaemocytisus proliferus(*)) : petit arbre jusqu'à 4 m. Légumineuse vivace, rustique. Fleurit de bonne heure : décembre à juin à 40° de lat. N. Donne ses graines de juillet à septembre. Produit abondamment de la graine pour la volaille, et des feuilles * Ou « Tagasaste », originaire des Iles Canaries. La plante que nous connaissons généralement en France sous le nom de Luzerne arborescente est le Medicago arborea. N.d.T. 47
pour les bovins et les moutons. Admet divers sols, argileux, gras. Pollinisé par les insectes, principalement les abeilles. Semez au début de l'été. Ramassez les gousses pour les graines comme avec les lupins (voir ci-dessus). Supporte la taille pour ramasser des bottes de gousses. Plante utile pour créer des haies brise-vent ou avec les graines de Coprosma comme nourriture pour la volaille. Utilisé aussi en bandes à double clôture comme fourrage d'été pour les bovins et les moutons. Les tailles sont employées comme mulch. Plusieurs autres plantes de haies sont mentionnées ailleurs dans ce livre (voir section 4.4). PLANTES OLÉAGINEUSES Un cycle à essayer sur les sols sablonneux (seulement en climat chaud) est arachide/pomme de terre, avec interculture de lupin comme engrais vert. Couvrez le terrain d'un mulch de paille ou d'algues sur les buttes et abritez du vent en plantant du lupin de Russel (vivace). ARACHIDES (A rachis hypogaea) : les graines crues, écossées à la main, sont plantées et peuvent être inoculées s'il n'y a pas de trèfle. Plantées après les dernières fortes gelées en avril-juin à raison de 33 kg/ha, en rangs espacés de 90 cm, les graines à 39 cm sur le rang (24 600 plantes par hectare donnent le meilleur rendement). Les adventices doivent être contrôlées par du mulch, ou les arachides seront difficiles à ramasser. Une mince -couche de fumier de poulet aide la culture. S'il ne pleut pas assez, irriguez tous les 10 jours après la floraison. Les plantes sont arrachées quand les feuilles jaunissent et que certaines gousses sont.brunes sur leur surface intérieure (environ 120 à 140 jours). Nécessite un labour sur les sols lourds, peut être arraché en sol sablonneux, séché et débarrassé de ses gousses (cultivé pour les graines et l'huile). Des modifications aux systèmes ci-dessus doivent être apportées localement, de préférence à petite échelle (tondre les herbes indésirables au lieu d'inonder les champs de riz par exemple). Un complément utile d'information est donné dans l'ouvrage de Phillips, S.H. et Youn, H.M.4. Ce livre, bien qu'orienté vers l'usage de machines lourdes et de pulvérisations donne quelques bons conseils aux agriculteurs qui ont décidé de ne pas labourer. Par exemple, le seigle et le blé sont semés à la volée dans les cultures de soja quand les feuilles de ce dernier commencent à tomber. Les feuilles tombées protègent les graines des oiseaux. Le soja (ou les autres légumineuses) sont semés à la volée dans les chaumes de l'avoine, de l'orge, du blé ou du seigle, comme l'est le Lespedeza, qui est ramassé en automne. Les pois sont semés après le maïs et les pois mange-tout sont suivis du maïs. D'autres cultures adaptées au non-labour sont le concombre, la pastèque, la tomate, le coton, le tabac, la betterave à sucre, le piment et le poivron, la vesce, le tournesol. Le soja succédant aux céréales est semé dans la dernière semaine de mai, et jusqu'à 3 semaines plus tard dans un mulch de paille. Le problème le plus compliqué est de mettre au point d'utiles permutations de la méthode. Si nous avons, disons, 8 céréales, dont 3 sont des formes d'hiver/printemps, 6 légumineuses (mûrissant toutes de façon différente) et des saisons où il pleut soit en hiver, soit en été, les possibilités sont multiples. D'autres complications proviennent des systèmes de culture sèche, d'irrigation par aspersion et de champs inondés. Et dans le cas de chacun, sauf des champs inondés, il existe un potentiel d'intégration avec un système de plantes vivaces ou d'arbres. Il ne reste qu'à essayer. Une limitation est que la paille « de printemps » ne peut être épandue sur les graines de la même culture (ce qui pourrait transmettre des maladies), alors que la paille placée en automne ou au milieu de l'été pourrit avant que ne pointe la culture de printemps. Il y a donc un nombre impressionnant de possibilités à essayer, et la meilleure façon de procéder est de dessiner les successions de cultures sur du papier pour un certain nombre de petits jardins, les essayer dans votre région, et ne passer aux essais à grande échelle que si les premières successions se sont montrées concluantes. Il n'y a cependant pas de doute dans mon esprit que nous ne puissions mettre au point plusieurs rotations permanentes sans labour, au prix de modestes essais. Ce que nous omettons ici est le 2.4 D et les paraquats, pesticides qui sont la base des cultures sans labour là où l'utilisent les agribusinessmen consommateurs d'énergie et manquant de savoir-faire. Fukuoka' contrôle les adventices et les parasites par des moyens naturels (grenouilles, araignées, paille, inondation ou fauchage). Le travail dans le système est minimal et nous espérons que de nombreuses personnes feront des essais dans leurs jardins familiaux avec des pois chiches, des lentilles, des haricots ou des lupins comme légumineuses de remplacement. La communication des résultats serait grandement appréciée, et les essais couronnés de succès seront publiés dans « Permaculture Quarterly ». 48
Pourquoi donner la référence de trois ouvrages sur les céréales ? Les comparaisons sont intéressantes par elles-mêmes. Le bulletin de la F.A.O. et Phillips et Young4 pourraient être caractérisés comme « consciemment non-biologiques », Logsden comme « consciemment biologique » et Fukuoka comme « inconsciemment biologique ». Je pense que la succession marque une évolution dans l'approche et dans le processus : les rendements augmentent en même temps que la compréhension, et cela résume à peu près tout. Fukuoka a « empilé » la rotation des cultures en semant dans la culture précédente et en utilisant le trèfle blanc comme base permanente. Logsden a bien mis au point son système de rotation, mais il est espacé dans le temps. La F.A.O. a quelques idées sur la rotation, mais ne propose aucun système. De même que Fukuoka empile son système céréale/légumineuse, il empile son système agrume/acacia vrai. C'est dans cet effondrement des périodes séparant les successions de cultures qu'il fait preuve de sophistication -- l'ordre dans le temps au moyen d'un désordre apparent dans l'espace. Il en est ainsi pour toutes les synthèses réellement créatives. 3. Distribution de la production La concentration de la production sur une courte période est une stratégie fiscale, qui n'a rien à voir avec l'environnement ; son résultat est un régime de « festin et famine » au marché et dans les champs, avec en conséquence de hauts coûts de stockage. Notre but devrait être d'étaler la production au cours du temps, de façon à ce que nous puissions avoir à notre disposition de nombreux produits à chaque saison. En permaculture, il existe divers moyens pour arriver à ce but: · La sélection de variétés précoces, moyennes et tardives. · La plantation de la même variété dans des conditions de maturation précoce ou tardive. · La sélection d'espèces à production étendue dans le temps. · L'accroissement général de la diversité dans le système, de façon à ce que les feuilles, les fruits, les graines et les racines soient tous productifs. · L'utilisation d'espèces qui se conservent d'elles-mêmes, comme les tubercules, les grains et graines durs, les noix ou les rhizomes qui peuvent être déterrés à la demande. · Les techniques consistant à mettre en bocaux, à sécher, à retirer les noyaux et à conserver au frais ; et · Le commerce régional entre communautés, ou l'achat de terres à différentes altitudes ou latitudes. 3.3 MULCH EN COUCHE POUR JARDINS FAMILIAUX Bien qu'il y ait une description de mulch en couche pour jardins dans Permaculture 1 (p. 1181), cette technique a provoqué de nombreuses questions, auxquelles j'espère pouvoir répondre ici. Cette technique est illustrée sur la fig. 3.3, et des méthodes similaires sont décrites par Ruth Stout en même temps que d'autres, publiées ou non, qui toutes connaissent des variations. Un film vidéo de l'auteur faisant la démonstration du procédé peut être obtenu par W.A.I.T. (West Australia Institute of Technology, Perth) : contactez Barry Oldfield, ou via Smith's Bookstore, Canberra, contactez Harry Smith. La toute première chose à savoir sur le mulch en couche est qu'il épargne beaucoup de travail et économise beaucoup d'eau, tout en utilisant des matériaux que l'on a l'habitude de jeter. Le fait d'utiliser du mulch permet également aux services publics d'économiser de l'argent tout en produisant un excellent sol. Un autre avantage est que ce système ne nécessite pas d'outil et supprime toutes les herbes indésirables : lierre, chiendent, Rumex, pissenlit, Oxalis et même les ronces. Avant de commencer, plantez comme à l'habitude de grands arbres ou des arbustes en provenance d'une pépinière. La première étape (fig. 3.3) est de répandre sur le sol une poignée de dolomie et une poignée de fumier de poulet ou de sang et d'os en poudre ; ces deux derniers apportent l'azote qui va démarrer la réduction du carbone dans les couches suivantes. Ne vous ennuyez pas à creuser, niveler ou désherber le terrain. Votre premier essai devrait être tout près de la maison, en commençant de préférence depuis une fondation ou un chemin libre d'adventices. Vous êtes ainsi protégé d'une invasion d'herbes par derrière. Commencez maintenant à recouvrir le terrain avec les matériaux du mulch : ce peut être du 49
carton, des journaux, des vieux tapis, une assise de feutre pour tapis, de vieux matelas, des vêtements, des morceaux de clôture pourrie ou du bois mince. Si vous récupérez les déchets non-toxiques comme le thé passé, les épluchures, les feuilles et les déchets de nourriture, répartissez-les en premier pour les vers de terre. Si vous possédez une source de foin plein de graines d'adventices, enfouissez-le aussi sous les matériaux de couverture pour que les herbes indésirables ne puissent pousser. Couvrez complètement la zone désirée, sans laisser de trou par où les herbes pourraient passer. Si un arbre ou un arbuste que vous voulez conserver se trouve en plein milieu, déchirez-le papier en deux et disposez-le autour du tronc. Mettez-en un autre, à angle droit avec le premier. Continuez ainsi, en ne conservant que les plantes intéressantes (quelques pissenlits, du trèfle, de petites plantes utiles), dont vous laisserez dépasser les feuilles. Arrosez bien cette première couche, puis disposez, dans l'ordre : 75 mm de, au choix : · paille d'écurie ; · fumier de volaille dans de la sciure ; · algues ; · feuilles en décomposition ou feuilles ratissées ; ou un mélange de ces matériaux. Tous apportent de l'azote et des éléments essentiels ; ils retiennent bien l'eau. Ajoutez ensuite par-dessus les matériaux suivants, secs et exempts de graines d'adventices: 150 mm de, au choix : · aiguilles de pin ; · aiguilles de Casuarina ; · balle de riz ; · coquilles de noix ; · zostère(*); · feuilles décomposées [terreau de feuilles] ou feuilles ratissées ; · fèves de cacao; · paille sèche (pas de foin); · écorce, copeaux ou sciure; ou un mélange de ces matériaux. Pour finir. Arrosez copieusement jusqu'à ce que le tout soit bien imbibé. Mettez toujours au moins 225 mm de couverture au-dessus du papier, carton, etc., 300 mm est mieux, 375 mm est trop, moins ne sert à rien, préparez donc plutôt une petite surface le mieux possible, qu'un grand terrain en couche trop mince ou mal faite. Il faut environ 20 minutes pour couvrir quelque 10 m2. Si vous avez tous les matériaux à votre disposition, ce n'est pas un gros travail, et le résultat a très bonne allure. Prenez maintenant de grosses graines (haricots, pois), des tubercules (oca, pomme de terre, topinambour) des jeunes plants (plantes aromatiques, tomate, céleri, laitue, chou) et de petites plantes en pot. Mettez-les en place comme suit : Creusez avec votre main un petit trou jusqu'à la base de la couche supérieure de mulch, qui est meuble. Faites une fente ou crevez le papier, tapis, etc., avec une vieille hache ou un couteau. Placez deux poignées de terre dans ce trou et enfoncez-y la graine ou le tubercule, ou disposez-y le jeune plant. Dans le cas des graines et des tubercules, remettez le mulch en place par-dessus. S'il s'agit de plants, tenez doucement les feuilles d'une main et ramenez le mulch jusqu'à la base de la plante. OK. Jardin instantané. C'est le moment de se retirer. Une chose importante à faire est de remplir au maximum le terrain de plantes, conformément au plan que vous aviez précédemment préparé sur le papier. Par exemple : * Pas assez en abondance dans nos régions pour qu'on puisse se le permettre. N.d.T. 50
· camomille et thym près du chemin ; · de plus grandes plantes culinaires par derrière (marjolaine, sauge, consoude); · pommes de terre et tubercules plus loin derrière; · petits fruits et arbres fruitiers à la bordure extérieure. Tous les « trous » peuvent être remplis par des fraisiers, de l'ail, des oignons, des pommes de terre, ou d'autres plantes utiles, au hasard. Si vous devez utiliser de petites graines, procédez ainsi : Repoussez le mulch pour former un rang. Disposez-y une ligne de sable dans laquelle vous sèmerez de petites graines de radis, carottes, etc. Couvrez quelques jours avec une planche étroite jusqu'à ce que les graines aient germé (ou faites-le germer d'abord) sur du papier mouillé. Enlevez alors la planche et ramenez le mulch à mesure que les plantes se développent. Les légumes-racines ne donnent pas de bons résultats la première année car le sol est encore compacté et il y a trop de fumier : elles ont tendances à fourcher. Plantez la plupart des légumes-racines la seconde année, quand il n'y a qu'à repousser le mulch supérieur meuble pour découvrir une couche de bon sol noir. A la fin du premier été, le sol a connu une révolution et contient des centaines de vers de terre et de bactéries. Ajoutez un peu de mulch en surface pour garder le niveau, habituellement un mélange de copeaux, d'écorce, d'aiguilles de pin et de foin. Éparpillez un peu de chaux ou de poudre de sang et d'os. Pour les planches permanentes, il n'y a rien d'autre à faire, mais les annuelles ont besoin de temps à autre d'un apport de mulch frais après la récolte : leurs déchets sont enfouis, comme le sont les restes de nourriture provenant de la cuisine. Les vers sont si actifs que les feuilles et les épluchures disparaissent en une nuit. Les chaussures de cuir mettent un peu plus longtemps, les vieux jeans environ une semaine et les canards morts quelques jours. Que ce soit depuis les clôtures mal soignées des voisins, ou depuis la bordure incontrôlée de vos propres cultures, la partie de la zone I recouverte de mulch est constamment attaquée par des envahisseurs venant du sol. Dans les régions subtropicales, le kikuyu et les divers chiendents s'étalent pour étouffer les plantes annuelles dorlotées. A moins de pouvoir vous offrir de profonds rebords de béton, il vous faut chercher les solutions dans la nature. La citronnelle, l'herbe des pampas, la consoude, les bambous, le coprosma et les plantes utiles du même type, vigoureuses, donnant de l'ombre, ou étalant leurs racines, ne se laissent pas envahir par le kikuyu, et une brève inspection de votre terrain révèlera d'autres espèces qui empêcheront l'envahisseur d'approcher. Plantez donc une barrière vivante autour de votre zone protégée, recouvrez-la bien d'un mulch de carton, de sciure ou de paille et reposez-vous, l'esprit tranquille, de votre travail : vos bordures sont à l'abri. Vous pouvez procéder de même pour maîtriser les espèces utiles rampantes, de façon à restreindre les ronces aux clairières de forêts, le cumbungi (massette) au bord des mares entourées de « ti », et la menthe à l'ombre de buissons denses, plutôt que dans des bacs. Les poules dérangent le mulch, mais les canards peuvent y être lâchés au milieu de l'hiver pour nettoyer les limaces et les escargots. La sciure protège des limaces ; les lézards et les grenouilles des cloportes et des perce-oreilles. 51
SEMIS A RÉPÉTITION Avec ce système, il n'est pas nécessaire d'effectuer des rotations, ou de laisser « se reposer le sol ». Les pommes de terre sont simplement placées au sommet de l'ancien mulch et recouvertes d'une nouvelle couche. Mais il n'y a pas besoin non plus de laisser de la place pour sarcler ou biner, et les plantes peuvent être plantées beaucoup plus près les unes des autres, de préférence en mélange plutôt qu'en lignes strictes. A force de replanter souvent et en désordre, le jardin commencera à prendre l'allure pleine de santé d'une pâture mixte. Les raisons de cette approche « désordonnée » sont clairement exposées dans ce livre et ont à voir avec la protection contre les parasites. DÉSHERBAGE Quelques plantes particulièrement vigoureuses peuvent traverser le mulch. Apportez des journaux mouillés et un sceau de sciure. Repoussez les plantes sous le mulch, couvrez-les de journaux mouillés, puis de sciure. Si (peut-être) 10 % du kikuyu ou du chiendent revient, couvrez aussi de journaux et de sciure. Soumis à ce traitement, tous finissent par mourir, débarrassant le terrain de toutes les herbes indésirables. Seules vos plantes ont la tête à l'air. Une autre démarche est de déterrer les racines de Rumex, d'y enterrer des déchets de cuisine et de recouvrir du mulch. 52
FIG. 3.3 : MULCH EN COUCHES. 53
ARROSAGE N'arrosez que lorsque c'est nécessaire, c'est-à-dire quand les plantes commencent à se faner. Au cours d'un été torride à Camberra (77/78), le jardin de la famille Anderson survécut tout l'été avec un seul arrosage aux alentours de Noël(*). Passez la main à travers le mulch : s'il est humide à la base, il n'y a pas besoin d'arroser. Le plus gros du travail consiste à étendre le système, à remplir les espaces de plantes utiles et de mettre au point plantations et récoltes. Gardez constamment le jardin rempli. II vous faudra cependant arroser davantage au cours de la première année, parce que la couche hygroscopique à la base du mulch, formée d'hyphes de champignons et de plantes décomposées, est lente à se développer. Les jeunes plants récemment mis en terre ont besoin d'eau au départ, comme dans le jardinage normal. Les arbres poussent de façon assez phénoménale avec ce système, et fructifient plusieurs années plus tôt qu'en terrain laboùré. Le sol s'améliore constamment. Il est possible que les arbres n'aient plus jamais besoin de mulch frais, car en quelques années les grands arbres et les arbustes produisent leur propre mulch, les plantes vivaces se maintiennent et seules les annuelles ont besoin d'attention chaque année. Les pommes de terre sont ramassées, non pas déterrées, et le mulch est maintenu au-dessus d'elles pour éviter qu'elles ne verdissent. Elles aussi réussissent mieux à partir de la seconde année. N'enterrez jamais la sciure et les copeaux ; placez-les au-dessus, là où l'azote de l'air peut décomposer le bois. Les vers de terre ajoutent suffisamment de fumier pour répondre aux besoins de base des végétaux. Gardez le mulch meuble, ne le laissez pas se tasser ; mélangez dans ce but des tontes d'herbe ou de la sciure avec des matériaux rigides et secs comme des copeaux ou des aiguilles de pin, de l'écorce, etc. Ce système marche. Observations et essais sont les règles. Essayez d'abord une petite superficie, puis étendez-la par la suite. Une brève réflexion révélera les bénéfices sociaux qu'apporte le mulch en couche à l'échelle familiale. En utilisant productivement tous les déchets organiques, vous établissez la jonction entre consommateur et producteur. Et la nature même de votre seau à ordures se transforme en matériaux utiles. Si vous étendez le mulch de votre porte à votre « bande de nature » (), tant mieux. Chris Stoltz, de Ballarat, le fit, et devint bientôt un exemple de productivité, et l'inspiration de ses voisins. On est impressionné par le résultat final de l'emploi en masse du mulch en milieu urbain. QUELQUES SURPRISES Au bout de peu de mois, vous remarquerez des tomates, des Cucurbitacées, des plants d'arbres, etc., jaillissant de votre mulch sans avoir été plantés. Ils viennent de votre seau à ordures, ou peuvent être délibérément semés à la volée, puisque le mulch en couche est le meilleur moyen de propager des plantes saines. Vous vous débarrasserez de votre surplus de jeunes plants en les éclaircissant judicieusement, en les transplantant, en les donnant ou en les vendant. Encore un autre effet de la litière végétale et du mulch est esquissé dans Habitat (V. 4 de mai 1977, pp. 16-17) où le problème du Phytophtora (un champignon nuisible) est soulevé. La litière et le mulch préservent les organismes du sol et les conditions de température et d'humidité qui encouragent la croissance d'organismes hostiles au champignon en question. L'incendie produit l'effet contraire, ce qui explique pourquoi les jardins convenablement recouverts de mulch sont moins sujets aux maladies que les forêts coupées, traversées de routes et brûlées, et pourquoi les pommes de terre cultivées dans du mulch sont souvent sans maladie et « résistantes à la pourriture ». Certaines personnes (ce n'étaient pas des gens de la campagne...) ont entrepris un jour de séparer les plantes en groupes distincts : médicinales, alimentaires, mellifères, aromatiques, légumes annuels. Les livres de jardinage modernes semblent encourager ce système, en présentant des plans ordonnés, où les catégories sont divisées : légumes séparés du verger, verger des plantes aromatiques, plantes aromatiques de la bordure d'annuelles décoratives, bordure de la mare, mare des cactus, etc. Nous recommandons une réintégration totale comme meilleure méthode de lutte anti-parasites, pour la stabilité du système et la beauté du paysage, avec de rares plantations en massifs pour quelques espèces spéciales sans parasites (bambous, oeillets * Qui dans l'hémisphère sud coïncide avec le solstice d'été ! N.d.T. Cf. p.49. 54
d'Inde, groseilliers à maquereaux). 1. Le mulch vivant Une autre façon de protéger les sols des déserts et des Tropiques, est de développer un mulch vivant. Charlie Snell, de Whims Creek (West Australia), écrit qu'on lui commande de grandes quantités de « Sturts Desert Pea » (Pois du désert de Sturts) pour cet usage précis. Ruth Geneff, de Perth (West Australia), utilise Kennedia prostrata comme mulch, dans lequel elle plante son jardin. Des espèces de Dolichos jouent le même rôle dans les régions où il pleut davantage. Si nous pouvons développer une telle couverture du sol, ombragée et riche en azote, la fertilité se développe, et nous pouvons planter ensuite d'autres espèces. Les feuilles et les tiges de plantes rampantes desséchées finissent par faire de l'humus, et les espèces pionnières peuvent s'établir. Fukuoka3 décrit bien comment il a converti de l'argile rouge et dure en un verger par l'emploi de luzerne comme espèce pionnière. 2. Mulch de pierre Dans les déserts de pierres, ou sur les pentes sèches, où les pierres sont facilement disponibles en surface, ces dernières réalisent par elles-mêmes un mulch permanent autour des arbres. Richard Saint-Barbe Baker (Science Show, A.B.C., 26 mai 79) signale que cette technique est particulièrement bénéfique pour les arbres dans les zones désertiques. Les pierres sont utiles aux plantes de différentes manières: en produisant de l'ombre, qui protège de la chaleur intense du jour; en redonnant au sol pendant la nuit la chaleur stockée le jour ; en empêchant la volaille et les petits animaux d'endommager les racines ; en empêchant le vent de déchausser les racines ; en fournissant un abri aux vers de terre et aux petits organismes du sol; et pendant les nuits très fraîches, en favorisant la condensation de l'eau sur leur surface. Une variation sur ce thème est le « mulch noir » formé des déchets de bitume utilisés lors des plantations à large échelle dans le désert. 3. Rendre vos annuelles vivaces Plusieurs techniques ont été mises au point par les jardiniers à travers le monde pour perpétuer les plantes annuelles. Les poireaux en sont un bon exemple, car si on en laisse quelques-uns monter à graines puis qu'on les déterre, on observera de nombreux petits bulbilles à la base des tiges. Ceux-ci peuvent être plantés de la même manière que les oignons et, comme l'indique Fukuoka', les poireaux ne devraient jamais être absents d'un système bien géré. Dans le groupe oignon/poireau, beaucoup d'espèces sont de toutes façons vivaces. Près de la porte, nous pouvons planter deux variétés de ciboulette d'Europe (feuilles fines à épaisses), de l'ail-ciboulette asiatique et plusieurs types d'échalottes. Plus loin, en bordure, mettez des oignons-pommes de terre (qui produisent environ 25 bulbes pour un), de la ciboule, des oignons à botte persistants, les bulbilles du sommet des oignons perpétuels, et plantez en automne des gousses d'ail dans la planche de fraisiers, ou dans tout espace libre dans les plates-bandes. Si on les laisse se multiplier pendant deux ans, les « bulbes » d'ail produisent en permanence. Si les grandes gousses de la base des fèves sont laissées à sécher puis couvertes d'un mulch de foin à la fin de l'été, elles germeront en automne ; les plantes peuvent aussi être sévèrement taillées après la récolte, pour redonner l'année suivante. Le maïs est intéressant à intercaler en été. Les pommes de terre de semence peuvent être laissées sous le mulch pour germer au printemps et les laitues montées donneront autour de leur base de jeunes plants que l'on pourra transplanter. Le persil et de nombreuses espèces à graines plates se ressèment d'elles-mêmes dans le mulch, et leurs jeunes plants peuvent être cultivés. Les fruits et les légumes (tomates, potirons, melons) placés entiers sous le mulch à la récolte fermentent et pourrissent, et produisent de jeunes plants. Certaines personnes conservent des sommets feuilles de carottes en un lieu sombre ou frais, les laissent repousser et les plantent dans une terre légère. D'autres coupent leurs choux à la base, fendent la tige en travers avec un couteau, laissent démarrer de petites pousses puis divisent la tige et les racines et replantent. 55
Toutes ces méthodes éliminent les semis et permettent une culture continue. Dans les climats tempérés, les rameaux axillaires des tomates et des espèces voisines peuvent être pincés et transplantés pendant tout l'été ; en fin de saison, ils seront mis en pots et rentrés pour fructifier au cours de l'hiver. Les poivrons traités de cette façon peuvent être taillés en hiver et transplantés au printemps ; il en va de même avec les piments doux. Certaines espèces annuelles utiles (Stellaire, Amaranthe) doivent être encouragées à persister, peut-être en remuant un peu le sol ou le mulch sous le jeune plant. Anderson7 note qu'en Amérique Centrale, l'Amaranthe est ainsi une céréale « encouragée » plutôt que véritablement cultivée. On peut laisser monter à graines ou mûrir une petite proportion (environ 4-6 %) de toutes les plantes semées pour en disperser les graines sous le mulch, plutôt que d'acheter chaque année le nécessaire. La clé est d'utiliser un mulch d'herbes légères, de foin et de matières végétales du même type, plutôt que de retourner le sol et de cultiver dans la terre nue. 56
4. TECHNIQUES A GRANDE ÉCHELLE 4.1 PLANIFIER LA DISTRIBUTION RÉGULIÈRE DU FOURRAGE Le problème ancestral du manque saisonnier de fourrage ou de nourriture pour les animaux est illustré par la fig. 4.2. Les plantes annuelles et vivaces des pâturages atteignent leur productivité maximale au printemps, avec une moindre reprise de croissance en automne si les pluies sont précoces. C'est du moins le régime des pays tempérés où la pluviosité hivernale domine. Les données indiquées ici concernent le Sud-Est de l'Australie et sont parues dans Pasture Bulletin n°3 du département de l'agriculture de Victoria. La gestion des troupeaux, comme la vente des jeunes bêtes ou l'abattage des animaux après la reproduction, réduit les besoins en nourriture au cours de l'été. Mais il est certain qu'il y a une baisse de la production au milieu de l'été et au milieu de l'hiver, la première à cause de la sécheresse estivale et la seconde à cause du froid et du ralentissement dans le développement des plantes. C'est à partir de ces données que l'agriculteur intelligent peut planifier des cultures d'arbres pour boucher les trous que le pâturage seul ne peut combler. Par exemple, la nourriture du milieu de l'été proviendra des gousses de caroubier et de févier d'Amérique, du feuillage des Coprosma, d'herbe des pampas et de Chaemocytisus, et la nourriture d'automne et d'hiver pourra être fournie par les feuilles des mêmes arbres plus la grande diversité des chênes, du châtaignier et du noyer noir. Ces deux types de fourrage sont à la base de nourritures concentrées à haute énergie, permettant d'utiliser de la façon la plus efficace qui soit la pâture sèche et les herbes luxuriantes. Traditionnellement, dans les zones sujettes à la sécheresse, le feuillage du « kurrajong » du saule et du peuplier ont été coupés pour permettre aux troupeaux de subsister lors des périodes sèches (*). Il est beaucoup plus logique d'utiliser des systèmes de forêt-fourrage où l'animal se sert lui-même, et de planter des bandes de végétaux à feuillage bas, où l'on puisse mettre à brouter les troupeaux sur de courtes périodes. FIG. 4.1 : SYSTÈME DE FOURRAGE (BOVINS/PORCS) AVEC ABEILLES. * Dans le midi de la France, on utilisait celui de l'orme ou du frêne. N.d.T. 57
Nous pouvons schématiquement « niveler » la production de fourrage pour suivre approximativement les besoins du bétail, comme sur la fig. 41. Un changement graduel (4-10 ans) pour arriver à un équilibre correct d'arbres productifs éliminerait le besoin de coûteux récolteurs de forêt, le stockage et la transformation des céréales fourragères et l'élaboration du foin, qui forme une partie essentielle du type de culture à « pâturage seul » que nous voyons aujourd'hui. Cette solution ajoute aussi au confort et au bien-être des animaux, qui peuvent aller en forêt quand ils sont gênés par des températures extrêmes, chaudes ou froides, et occuper les pâturages au cours des périodes tolérables du printemps et de l'automne. On imagine que c'était d'ailleurs l'habitude des bovins et des autres grands herbivores avant que nous n'ayons déboisé pour établir des pâturages, et que les haies non-fonctionnelles d'aujourd'hui sont les restes des anciennes forêts. Comme effet secondaire, les troupeaux sont moins sujets aux stress provenant des chocs de températures, chaudes ou froides, et le fermier comme son troupeau ont besoin de beaucoup moins d'énergie au cours d'une année. On estime que 15 % de la production de boeuf est perdue rien qu'à cause du manque d'abri. Sainte-Barbe Baker affirme que là où 22 % du terrain est planté d'arbres productifs, le rendement double sur les 78 % de superficie restantes : il n'y a donc pas de perte de rendement en plantant des arbres sur la ferme, et les gains dépendent d'une planification correcte. Si de tels systèmes étaient mis au point à large échelle, il est probable que les extrêmes, sécheresses et inondations, seraient atténués par les forêts, et que la région entière bénéficierait d'une polyculture basée sur la pâture et la forêt. Peu d'agriculteurs ont une politique de diversification à long terme, et c'est exactement ce à quoi conduit le système pâture/forêt : les produits des arbres tels le caroubier et le châtaignier peuvent être convertis directement en sucres, combustibles, colles, additifs alimentaires, farines et produits similaires. Ceci est fort important quand les marchés de la laine, des peaux et de la viande fluctuent, et donne au fermier-forestier un gros avantage sur celui qui est accoutumé au système de « pâture seule », lié à un seul produit ou marché. La manière dont ce changement peut s'effectuer est suggérée dans la section suivante. 4.2 PERMACULTURE ARBORICOLE POUR SUPERFICIES IMPORTANTES Toutes les grandes propriétés, de 20 ha ou plus, possèdent des zones que l'on peut enclore en ne perdant que peu de productivité. C'est particulièrement vrai des sols abrupts, caillouteux, érodés ou posant des problèmes, des coins mal configurés, des vallées froides ou des collines battues des vents. De tels endroits permettent la mise en place d'une permaculture arboricole, qui fournit au départ un abri comme haie, puis devient ensuite une source de fourrages divers et d'autres produits des arbres. 58
FIG. 4.2: SCHÉMA D'UNE PRODUCTION AÉGULIÈRE DE FOURRAGE SUR L'ANNÉE. Les premières plantations, en lignes étroites ou disséminées par points, devraient contenir de nombreuses espèces, presque disposées au hasard ; elles devraient être denses, pour que l'on puisse utiliser comme perches les premières coupes d'éclaircissage. Les étapes sont les suivantes: 1. Réduire le nombre des parasites par un contrôle à large échelle ou par une clôture grillagée. 2. Préparer le terrain en réhabilitant le sol et en le chaulant. 3. Accumuler des réserves de graines et planter de nombreuses espèces qui seront réparties plus tard (sélectionnez de bonnes graines et traitez-les si nécessaire en les trempant, en les faisant bouillir, etc.). 4. Marquer les plants les plus forts avec des bâtonnets pour la mise en place ultérieure de mulch et un traitement expérimental avec des engrais (solution d'algues, poudre de sang et d'os, fumier d'étable ou de volaille). Un excellent truc consiste à établir le mulch à l'intérieur de pneus vides passés autour des arbres. Ceci les protège du vent, des lapins et de la sécheresse. Un mulch d'épineux ou de chardons dans les pneus décourage les petits animaux. 5. Introduire graduellement des volailles ou du petit bétail sur le terrain, en les surveillant pour éviter les dégâts. 6. Répartir et déplacer les barrières, ou en ajouter à mesure que le système s'établit. 7. Éliminer les moins bons spécimens, que l'on utilisera comme perches, et laisser se développer les arbres et les arbustes forts ou productifs. 59
FIG. 4.3 : PERMACULTURE ARBORICOLE. PATURAGE CLÔTURÉ ÉLECTRIQUEMENT AU CENTRE ; CENTRE ET COINS MAL CONFIGURÉS PLANTÉS D'ARBRES PRODUCTIFS, CLÔTURES PLANTÉES D'ESPÈCES FORMANT BARRIÈRE. FIG. 4.4 : STRUCTURE IDÉALE POUR DES ARBRES PRODUCTIFS EN PLAINE. ESPÈCES A FEUILLAGE CADUQUE AU SUD, A FEUILLAGE PERSISTANT AU NORD. LES AUTRES SERVENT DE BRISE-VENT, DE REFLECTEURS DE CHALEUR, DE PROTECTEURS DU BÉTAIL, DE TAMPON CLIMATIQUE, DE DIVERSIFICATEURS DE LA PRODUCTION, DE PRODUCTEURS DE COMBUSTIBLE, DE PROTECTION CONTRE L'ÉROSION ET DE NOURRITURE POUR LE BÉTAIL RÉSISTANTE A LA SÉCHERESSE. 60
Une permaculture arboricole a les effets bénéfiques suivants : · Elle procure un endroit protégé où les animaux peuvent nicher ou faire leurs petits, et accroît la production de viande. · Elle permet dès le départ une production de miel et de pollen. · Elle permet plus tard d'obtenir une grande variété de produits animaux et végétaux, de récolter des noix, etc. · Elle tempère les effets climatiques, en particulier ceux de la sécheresse. Rien que ceci peut doubler les rendements dans les champs protégés. · Elle fournit des carburants liquides après simple distillation à la ferme. · Elle empêche l'érosion du sol, en particulier l'érosion par le vent, et la perte d'eau. · Elle réduit les besoins en carburant puisque les cultures annuelles sont réduites en taille. · Elle fait baisser la nappe phréatique et empêche le dépôt de sels sur les sols ; et · Elle fournit une nourriture concentrée pour le bétail, résistant à la sécheresse et au froid, aux périodes où les pâturages sont peu productifs. Dans un monde où l'économie est gouvernée par le coût de l'énergie, les agriculteurs doivent être parfaitement au courant du potentiel de la polyculture. Tout système de monoculture est dangereux. De même qu'une permaculture locale est divisée en zones, les agricultures se trouvent dans des zones différentes par rapport aux marchés, et donc aux centres d'approvisionnement. Plus la distance est grande, plus grand est le coût, et plus il est nécessaire de produire soi-même les matériaux nécessaires, en particulier les engrais et les combustibles. Il faut donc faire attention aux espèces d'arbres sélectionnées, en fonction des besoins locaux et de la distance du marché. 1. Production de combustibles à partir des plantes, à la ferme et en ville Nous partirons ici du principe que tout agriculteur doit être un jardinier, car si son entreprise commerciale s'effondre du fait des prix ou des marchés du carburant, il pourra au moins vivre de (et dans) sa ferme. Mais l'importance de la maison et du jardin va encore plus loin, puisque c'est dans le jardin et à proximité qu'il peut essayer à petite échelle des techniques d'agriculture à basse énergie, qui seront appliquées à de plus grandes surfaces; c'est là aussi qu'il produira les plants d'arbres et d'arbustes pour sa permaculture. L'importance critique des céréales et des légumes-racines (riches en amidon), cultivés sans labour ou presque, des gousses de caroube (riches en sucre), des prunes ou de la canne et de la betterave à sucre est que toutes ces plantes peuvent être mises à fermenter pour produire de l'alcool. Chaque chef de famille, chaque agriculteur peut ainsi produire un combustible brûlant proprement pour la cuisine, la lumière et les indispensables transports. La plupart des localités possèdent (légalement ou illégalement) un expert en distillation bien que (ce qui n'est pas étonnant) cette entreprise ne soit guère encouragée par le gouvernement. C'est la base même de l'autosuffisance que les cultures sus-nommées mettent à notre portée, et comme gain supplémentaire, la valeur en protéines des aliments fermentés n'est pas diminuée, mais accrue (les résidus de céréales séchés produisent 20-25 % de protéines). De simples colonnes à amylase (tuyaux remplis de cultures de bactéries sur des billes de verre ou des cristaux de quartz) permettent de convertir les déchets de cellulose en glucose, ultérieurement transformé en alcool ; un broyeur sert donc la première étape dans la production de combustible à partir d'ordures et de paille. Si l'opération a lieu dans une serre, les produits secondaires - chaleur, CO' et mulch - seront utilisés pour la production alimentaire. Aucun matériau indispensable n'est perdu, mais tous les produits qui ne sont pas utilisés directement peuvent être recyclés en nourriture pour les plantes via les animaux (porc, ver, poisson), refermant ainsi un cycle solaire qui propulsera tracteurs et motos. La technologie est simple, bien connue et répandue. Tous les détails que nous avons sur ce processus sont mis à jour à intervalles réguliers sous forme de « plan standard » (voir Appendice 1). De simples outils suffisent 61
(principalement des réservoirs). Une simple pâte de farine et d'eau peut être utilisée pour boucher les orifices des alambics, et il ne serait pas sérieux de prétendre qu'une communauté ne peut facilement produire du carburant liquide, plus de la nourriture pour le bétail, des agents de conservation, des combustibles pour la cuisine, etc. Il faut croire que le retard n'est dû qu'au refus des services publics d'abandonner les formes d'énergie centralisées et polluantes, et au soutien accordé par le gouvernement aux compagnies pétrolières, et non au peuple ou aux agriculteurs. L'Australie (ABC News, juillet 79) va dépenser 2-3 millions de dollars pour réduire la consommation d'essence, mais il n'est pas possible d'investir la même somme dans la construction d'usines de distillation à faible coût (15 000 dollars) qui permettraient l'autosuffisance d'une communauté villageoise ou d'une petite ville. L'intention est évidente : nous sommes supposés en rester à l'essence ou au gaz, au plomb et à la pollution, jusqu'à ce que les compagnies pétrolières s'emparent aussi de l'alcool. La plupart des voitures à hautes performances roulent maintenant à l'alcool, comme le font 60 % des véhicules au Brésil. Mais on prétend qu'en Australie il faut développer la « recherche » pour atteindre ces résultats. Baratin ! Là aussi la seule attitude possible est de construire nos propres usines locales et de résister au contrôle central, car ce serait un gaspillage d'énergie énorme que de transporter les matières premières à l'usine et l'alcool à la ferme. La production à la ferme et la vente au bord de la route sont la véritable solution, et nous pouvons l'appliquer dès maintenant. FIG. 4.5 STRUCTURES DE BASE « PIÉGEANT » LE SOLEIL, POUR HABITATIONS, CHAMPS. 62
Le Dr. Dick McCann, du département de chimie appliquée à l'Université de Sydney, a présenté à la télévision (A.B.C. Country hour, 19 juillet 1979), le simple alambic qu'il a mis au point pour l'emploi à la ferme, et donne quelques exemples de rendements pour obtenir du combustible à partir de récoltes. Il estime que l'on peut en obtenir 5 000 à 8 000 l/ha/an pour la betterave à sucre et environ le dixième pour le blé (500 l/ha/an). Le blé et les autres céréales produisent moins d'alcool mais donne un résidu plus intéressant comme aliment pour le bétail. Toute région où peuvent pousser la canne ou la betterave à sucre possède l'avantage d'avoir un produit qui fermente directement en alcool. Les céréales, les déchets et la cellulose doivent passer par des stades préliminaires tels la germination, l'ébullion, le broyage et l'activité enzymatique pour produire du glucose ou du saccharose avant la fermentation alcoolique. N'importe quel groupe d'agriculteurs pourrait facilement financer un réservoir sur le terrain, comme le pourrait une petite ville. A peu près 5-10 % de la superficie de la ferme, dévolus à la production de combustible, permettraient l'autosuffisance, et même un peu de surplus. Il faudrait moins de terrain dans le cas de cultures d'arbres, et encore moins s'il s'agit de caroubiers ou d'arbres produisant du sucre. Les fermes et les centres de collecte de déchets urbains sont les bases potentielles de l'énergie future. Quant aux lubrifiants, les produits tirés du ricin et du jojoba sont suffisants. En développant les « autoroutes » de bicyclettes, et en améliorant les transports par chemin de fer, par canaux et par mer, avec en plus l'énergie solaire, toute société pourrait couvrir ses besoins essentiels en matière de transports. Comme les petits distillateurs, des micro-centrales hydrauliques sont possibles, bien que la question n'ait pas encore été soulevée; nombre de fermes et de villes sont à proximité de chutes d'eau ou de rivières à cours rapide. Là aussi, le problème est celui de l'appropriation du pouvoir de décision par les grandes compagnies. Peut-être considérerons-nous un jour la « crise du pétrole » comme un bienfait, si elle mène à une saine autosuffisance régionale, ou comme une malédiction si elle mène à l'utilisation de l'énergie atomique et à une course désespérée pour ce qui reste des ressources mondiales de combustible fossile. Le fait que quelque 20 000 agriculteurs américains utilisent maintenant des alambics dans leur ferme devrait mettre fin à l'excuse de la « recherche nécessaire » et à tout retard dans la mise en application de ces méthodes. En ce qui concerne les véhicules, Victor Papanek, du Wisconsin, a mis au point une auto très légère en « fibre d'herbe », dont la carrosserie est faite de graminées locales et d'une colle moderne. Propulsé par l'alcool, ce véhicule servirait aux besoins de transport des fermes de l'occident comme de celles du Tiers-Monde. Comme la vieille Baby Austins, de tels véhicules n'ont besoin que de petits (5-7 cv) moteurs à alcool, mais les conceptions modernes leur donnent plus d'efficacité que les anciens véhicules. FIG. 4.6 : RÉSEAU DE PLANTATION PIÈGES A SOLEIL/BRISE-VENT. LE MOTIF DE GAUCHE MONTRE LES CLÔTUAES DES CHAMPS RECTANGULAIRES. 63
L'argument peut-être le plus puissant en faveur de l'alcool comme carburant est qu'il permet d'éliminer la pollution insidieuse par le plomb provenant des gaz d'échappement, ce qui diminue les risques concernant la santé en ville. L'avantage à long terme est que la quantité globale de chaleur de la planète n'est pas modifiée, permettant ainsi d'éviter la menace de changement climatique dû à la combustion des carburants fossiles et à l'abattage des forêts. Si l'on considère le chômage, on peut également trouver de quoi dire dans ce domaine. 6-10 ha cultivés en vue de la production de carburant permettraient à une famille de vivre, et un agriculteur trouverait intéressant d'employer (ou de louer) du terrain pour produire du combustible. Le même employé ou producteur pourrait faire des cultures à long terme dans la période entre les cultures annuelles de canne ou de betterave à sucre: des espèces comme le caroubier dont les gousses contiennent 68 % de sucre ont une valeur énergétique incalculable. Des forêts à combustibles pourraient ainsi être établies sur chaque ferme ayant besoin de ramassage plutôt que de cultures annuelles et d'apport de fumier. Les sous-produits de la production accrue des serres et de la nourriture animale ou humaine riche en protéines paieraient les coûts de production, de sorte qu'un tel combustible serait gratuit pour le producteur. Si l'argent qui va actuellement à la création de nouvelles autoroutes (impopulaires) était dirigé vers des usines locales de production d'alcool, les démons du chômage et de la « crise de l'énergie », avec les prix excessifs du carburant qu'elle entraîne, disparaîtraient, et nous aurions de nouveau le temps de penser. Dans les banlieues, tous les déchets de nourriture et de cellulose pourraient être utilisés pour produire du combustible via les colonnes à amylase, et mettre ainsi un terme de l'aberration des coûts de « destruction des déchets ». A voir ce qui se passe dans le monde, on pourrait penser que nous sommes tous fous ou stupides, ou qu'il y a une gigantesque conspiration pour que les gens soient maintenus opprimés. J'aurais tendance à penser que les deux facteurs entrent en jeu. 4.3 LES VERGERS Sauf en ce qui concerne l'échelle des plantes, les vergers sont peu différents des pâtures. L'association légumineuse/arbre est parallèle à l'association légumineuse/graminée des pâtures permanentes ; nous pouvons donc commencer au mieux un verger en y plantant des légumineuses -- de petites espèces comme le trèfle blanc, la dolique et la luzerne, de grands acacias, albizzias et robiniers, et des arbustes dispersés de la même famille. Le deuxième élément, après les légumineuses, est la volaille qui fouille le sol. Il n'y a pas de raison que les légumineuses choisies pour entretenir le verger ne puissent aussi y nourrir la volaille. Même une observation superficielle révèlera à une personne attentive que les arbres à fruits ou à noix sous lesquels vivent des volatiles ou du petit bétail (kangourous, moutons) sont plus vigoureux et en meilleure santé, avec moins de lichens, de branches mortes et très peu d'attaques d'insectes sur les fruits, si même il y en a. A l'inverse, les arbres ou les vergers où les bovins et les chevaux peuvent paître présentent d'important dommages et sont sujets aux maladies. En permaculture, le verger est donc planifié pour servir de domaine à la volaille. Les grandes légumineuses vivaces (robiniers, luzerne arborescence, Podylaria) ne sont pas plantées seulement pour fixer l'azote et briser la monoculture, mais aussi pour nourrir la volaille de leurs graines et de leurs baies. Tous les fruits sont bons, mais le sureau, le mûrier et les aubépines (Crataegus spp.) sont particulièrement intéressants. La litière est plus abondante dans les vergers où vivent des volatiles ; c'est-à-dire que le mulch naturel est plus épais. Les feuilles décomposées sont constamment retournées par les poules, les rejetons des arbres sont plus rares, et l'absorption de l'eau par le sol est meilleure, tandis que les amas compacts d'herbes sont rares et que de nombreuses adventices persistantes sont absentes. Le processus à suivre est simple : préparez le site en conditionnant le sol, placez les espèces de légumineuses et intercalez-y les arbres de verger sélectionnés, en laissant de petits animaux chercher leur nourriture à travers le système ; ils contrôlent les parasites et apportent du fumier. Parmi les animaux intéressants, citons les porcs (en automne), les oies (en hiver), les canards et les poules (toutes l'année). La luzerne arborescente (pour les abeilles), dont les repousses sont coupées en hiver pour nourrir les oies, apporte de l'azote et fournit aux abeilles du nectar. Sont également utiles : le noisetier en lisière, les petits fruits en sous-étage, et les fleurs vivaces ou les légumes pour planter « en ligne ». Il faudra essayer les groseillers rouges et blancs, le cassissier, le groseillier à maquereau, la luzerne, la luzerne arborescente, les trèfles, les narcisses, le dahlia vivace, le topinambour, l'artichaut, l'ugni et encore d'autres plantes pour voir ce qui est adapté au site. Tout arbre à feuilles caduques retiré pour cause de maladie peut être remplacé par un arbre à feuilles persistantes (feijoa, agrumes, loquat, olivier) et la situation sera variée en intercalant à long terme châtaignier, noyer, amandier et prunier. Si vous aviez l'infortune d'hériter un verger en monoculture, les mesures à prendre pour y 6461
remédier sont semblables: ajoutez 3-4 poules, un porc, et 5-6 grands acacias vrais par 1000 m2, avec de nombreuses légumineuses de petite taille. Pour décorer et varier, plantez des Fuchsias, des Banksias et des Kniphofia pour les oiseaux insectivores ; de la bourrache et du trèfle blanc pour les abeilles, et gardez un oeil attentif sur tous les changements, tondant lorsqu'il le faut, et ajoutant de nouvelles espèces à mesure que le système évolue. Toute cette variété permet de vendre directement de nombreux produits au bord de la route, depuis les fleurs jusqu'aux fruits et aux noix. Exactement le même nombre d'arbres peut être cultivé pour l'exploitation commerciale, bien qu'il soit peut-être nécessaire d'agrandir le verger pour y accommoder les espèces intercalaires, mais les économies en engrais et dans la lutte contre les parasites font plus que compenser ce besoin de disperser le système ; et les productions secondaires accroissent le revenu total et libèrent le producteur des fluctuations du marché ou d'un intermédiaire avide. 1. Tailler -- Nécessité ou habitude ? Presque tous les arbres fruitiers que l'on achète en pépinière ont été formés de telle façon qu'il est indispensable de les tailler par la suite. La plupart des livres sur l'arboriculture donnent des informations sur la taille. Peu se posent la question de savoir pourquoi on taille, mais voici quelques raisons : · facilité de pulvérisation et de récolte ; · taille maximale du fruit ; · réduction du feuillage et accroissement du nombre de bourgeons à fruits ; · mûrissement égal dû à une répartition égale de la lumière ; · élimination des parties malades ; · obtention d'arbres de petite taille pour petites surfaces, d'où plus grande densité. Toutes ces raisons sont admirables, si le but est d'obtenir un beau produit à des fins commerciales. Ce n'est pas nécessairement le but de la permaculture. Les arbres non taillés possèdent les traits suivants : · moins de risque de maladies à cause des surfaces de coupe ; · fruits plus petits mais plus nombreux, production plus importante par arbre ; · charpentes plus solides ; · s'insèrent dans les associations de forêt, de culture et d'élevage ; · mûrissement inégal, plus de difficultés à récolter ou pulvériser. La récolte à l'aide d'une échelle ou le ramassage des fruits tombés, la récolte personnelle et beaucoup moins de travail compensent la plupart de ces désavantages. 65
4.4 BOIS ET HAIES Comme pour l'élevage de la « volaille en liberté », on parle souvent des bosquets, mais il est rare que l'on spécifie leur usage dans l'économie de la ferme. On encourage plutôt les agriculteurs à planter des arbres qui conviennent à la fabrication centralisée de pâte à papier ou à la commercialisation extérieure à la ferme. L'exploitation agricole a cependant de nombreux besoins, tels les suivants: · combustible (venant de produits riches en sucres) ; · structures (clôtures et bâtiments); · fourrage (nourriture d'hiver et d'été pour le bétail) ; et · abri (qui peut être fourni par les espèces produisant du fourrage ou des matériaux pour établir les structures). Quelques arbres de grande valeur comme le noyer noir ne produisent pas seulement de jeunes arbres pour la construction, mais peuvent être vendus comme porte-greffes et à maturité permettent au fermier de prendre sa retraite grâce au revenu qu'il peut en tirer (bois très recherché). Pour les structures, on choisira des espèces qui ne s'altèrent pas lorsqu'on les enterre sans les traiter. En voici une liste : Espèces très durables (70 ans ou plus dans le sol) -- 16 Acacia vrai (Acacia acuminata) -- * Robinier faux-acacia (Robinia pseudacacia) -- * Catalpa (Catalpa speciosa) -- Presque tous les Cèdres (Cedrus spp.) -- Genévrier commun (Juniperus communis) -- Eucalyptus (Eucalyptus camaldulensis) -- Athrotaxis (Athrotaxis franklinii) Espèces durables (30-70 ans) -- * Châtaignier américain (Cas tanea dentata) -- * Mûrier rouge (Morus rubra) -- * « Orange des Osages » (Maclura pomifera) -- Cyprès chauve (Taxodium distichum) -- Séquoia de Californie (Sequoia sempervirens) -- * Févier d'Amérique (Gleditsia triacanthos) -- * Chêne blanc d'Amérique (Quercus alba) -- Pittospore (Pittosporum bicolor) -- Cyprès à gros fruit (Cupressus macrocarpa) -- Callitris (Callitris tasmanica) -- Filao (Casuarina decaisnea) -- Phyllocladus (Phyllocladus rhomboidalis) Il est hors de doute que cette liste peut être allongée, mais l'agriculteur peut trouver dans une telle liste les espèces qui lui conviennent comme abri, comme haie et comme aliment pour les bovins ou la volaille, pour la production de nectar, et de feuillage ou de fruits à distiller (pour les huiles essentielles ou l'alcool). Certaines sont adaptées aux conditions arides, d'autres au voisinage des rivières ou des côtes. Certains arbres (la plupart des conifères) sont utiles avant tout pour leur bois, et leur intérêt pour le système est moindre ; de plus, ils poussent lentement. 16 signifie : espèce recommandée pour usages multiples (voir Scherry, R.W., Plants for man, Allen and Unwir, 1954). 66
On pourra établir des barrières de plantes, avec ou sans clôtures, pour diverses raisons: · empêcher le bétail d'entrer ou de sortir ; · protéger les jardins et les maisons du vent; · accroître l'efficacité du vent et du soleil ; · éviter la ré-invasion de plantes indésirables; et · filtrer des vues et des sons désagréables. C'est la première de ces catégories qui présente le plus de difficultés. Puisque le seul arbre que je connaisse qui stoppe tout sans devoir être taillé est le Lycium ferocissimum, un lyciet africain : il stoppe les taureaux, les lions et l'invasion des plantes indésirables, résiste aux embruns et à la force du vent, et nourrit la volaille (qui y disparaît sans que l'on puisse l'en déloger). Dans les zones sablonneuses de la côte, la cime a tendance à s'étaler graduellement jusqu'à 7 m de large et les plantes laissent tomber leurs graines sur le sol. Mais le coût de l'élimination des plants tous les 50 ans en moyenne est faible, comparé à l'attention soutenue dont il faut faire preuve pour maintenir l'efficacité de haies moins féroces. C'est donc ce qu'il y a de mieux comme barrière pour parquer le gros bétail à large échelle. Il arrive que les animaux broutent précautionneusement le feuillage, mais une haie établie de Lycium forme une clôture large et stable. Dans les pâturages ainsi que sur les sols lourds, il ne montre pas de tendance à s'étendre par graines. Des abris de Lycium ou des « bomas » de branches mortes protégeront les plantations d'arbres plus utiles, et des branches coupées, disposées autour des plants, éloigneront les lapins. D'autres personnes recommandent le jujubier ou des rosiers, Rosa multiflora ou Rosa rugosa, pour former des barrières aussi infranchissables, mais il faut sévèrement les tailler dans leurs premières années. Logsden (quel homme utile !) signale aussi d'excellents résultats avec l'« Orange des Osages » (O.G.F.S. American, mai 1978). Les aubépines (Crataegus spp.) transplantées tous les 60-90 cm, puis marcottées ou entremêlées de branches coupées, forment les haies à bétail traditionnelles en Europe. (et en Tasmanie), mais il faut les couper pour les reformer tous les 4-6 ans. Toutes ces haies sont rendues plus efficaces en y passant du fil de fer barbelé lorsqu'elles sont jeunes, en creusant un fossé devant, ou en les protégeant par une clôture électrique. Logsden inclut également le redoutable Genévrier de Virginie qui n'est jamais brouté, le févier d'Amérique et le « shingle oak » (Quercus imbricaria). Les cactus sont efficaces dans les régions sèches, comme le sont les espèces locales épineuses ou immangeables. A l'intérieur de haies que l'on veut impénétrables, il n'y a que les palissades tressées qui puissent empêcher le petit bétail de passer, mais j'en ai vu dans la région de la Mer Caspienne qui étaient aussi denses que des paniers; elles étaient formées de papyrus vivants entremêlés de tiges mortes. Les splendides clôtures tressées de l'Europe centrale, illustrées par Williams', ont été reproduites par Tagari, en utilisant l'acacia local, le « ti » (Melaleuca sp.) ou les repousses du « whipstick » ; bien entendu, le bambou marcherait aussi bien. Des haies formées d'une combinaison de boutures d'épineux et de branchages tressées peuvent s'établir assez rapidement, mais pour ceux qui n'élèvent pas de gros bétail (la plupart d'entre nous), il n'est pas nécessaire qu'elles soient aussi féroces. Dans son excellent ouvrage sur les haies de jardins, Prockter donne une abondance de détails et indique de nombreuses espèces pour toutes sortes de sols et d'expositions, avec de nombreuses informations sur la propagation des haies. Voilà pour empêcher le bétail de passer. Nous en arrivons maintenant aux haies brise vent. Il est indispensable que les brise-vent accomplissent ce que l'on attend d'eux, c'est-à-dire qu'ils brisent la force du vent, mais ils peuvent aussi remplir de nombreuses autres fonctions, dont voici quelques-unes : · servir de pare-feu, là où ce facteur est crucial; · stocker de la nourriture de secours pour toutes sortes d'animaux ; · rendre plus facile la culture ou l'usage d'instruments ; · produire du nectar pour les abeilles, fournir des abris pour les oiseaux insectivores, et des lieux 67
où ils puissent nicher; · produire du bois d'éclaircissage à employer pour la construction; · contenir au moins quelques espèces qui puissent être utilisées pour diversifier la production de la ferme en cas d'urgence ; et · protéger le sol, stocker l'eau propre d'écoulement et éviter l'érosion. La forme du brise-vent devrait autant que possible être celle du « piège à soleil » illustré sur la fig. 4.5 (des treilles sur les murs, des levées de terre et les déblais des barrages créeront d'autres « pièges à soleil », plus localisés). Si nous voulons des brise-vent productifs, tournous-nous vers des haies mixtes de Prunus, Crataegus, Coprosma, Malus (pommier sauvage), noisetier, bambous, fuschsia et vigne, qui sont un habitat remarquable pour les animaux sauvages et produisent du fourrage. Là aussi, des enclos de bambous ou des « champs » d'herbe des pampas, de Paspalum, de sorgho, de « ti » et d'espèces similaires à croissance dense, forment des abris d'hiver indispensables aux moutons fraîchement tondus, aux brebis pleines, ou pour les animaux sauvages en cas de neige. Dans les régions sèches, ce sont les grands tamaris, les Casuarina, l'Acacia aneura, les eucalyptus et d'autres arbres résistant à la sécheresse qui protégeront le sol des vents desséchants. Ceci s'applique également à la réduction de l'évaporation à la surface des étangs. Dans le jardin annuel, des Coprosma tondus, des luzernes arborescentes et des Leucaena offriront, en plus de la protection contre le vent, du mulch de par leurs feuilles et leurs rameaux, et des matériaux pour le pailler. Nous nous défendons contre la brûlure des vents salés en utilisant les Coprosma, le fusain du Japon (Euonymus japonicus), l'argousier (Hippophaé rhamnoides), des plantes à croissance désordonnée comme la Tetragonia implexa et des bosquets de pins élevés. Le tournesol, le topinambour, des ceintures (et non pas des rangs) de haricots à rame et de maïs, permettent d'établir des brise-vents temporaires pour l'été ; en automne et en hiver, ce seront des touffes de fèves. Mais en cas de vents forts, il faut des plantes vivaces. De petites haies de romarin taillé protègent les jardins de plantes aromatiques et l'Escallonia macrantha apporte une délicate touche argentée aux bordures des jardins côtiers. Un certain type de plantes pourra stopper l'invasion des graminées rampantes, des oxalis et des plantes similaires : elles possèdent soit des racines entemêlées (bambous, herbe des pampas, citronnelle), soit un feuillage très dense (consoude, Coprosma, Lycium. Nous pouvons border avec elles les zones contrôlées par une couverture de mulch. Certaines ¬1e ces barrières peuvent être « renforcées » avec des oeillets d'Inde (contre certaines graminées) à l'intérieur, par des chênes et des pins à l'extérieur ; elles empêchent ainsi totalement les incursions des herbes indésirables dans les jardins. 68
5 PLANIFIER EN CLIMAT DIFFICILE La planification doit tenir compte du climat encore plus que du paysage et du sol. On peut dire que l'homme ne vit et ne jardine que dans trois grandes régions climatiques : · les régions tempérées et subtropicales à pluies d'hiver et étés chauds (la zone la plus détaillée dans ce livre) ; · les régions tropicales humides à pluies d'été ; · et les régions arides, où les pluies sont irrégulières et prennent souvent la forme d'averses soudaines provoquant de brutales inondations. Les déserts froids, les montagnes, les zones arctiques et les jungles équatoriales sont peu occupés par l'homme et ne jouent donc qu'un faible rôle dans l'économie mondiale, bien que tous possèdent des plantes utiles. Les côtes ne représentent pas des climats à proprement parler, mais elles ont beaucoup d'aspects en commun et partagent avec les déserts les problèmes du vent et du sel ; on leur réservera donc en général un traitement spécifique. Dans les sections qui suivent, je traiterai brièvement des pays tropicaux et côtiers, et plus longuement des zones arides, qui sont les plus répandues en Australie et dans le Tiers-Monde. 5.1 RÉGIONS ARIDES Le problème peut-être le plus urgent dans le Tiers-Monde et dans une grande partie de l'Occident concerne la réhabilitation des zones arides. Une fois que les arbres ont été totalement éliminés, que les troupeaux de chèvres et de chameaux ont tué toutes les repousses et que le sol a été balayé par le vent ou recouvert d'une croûte de sel, il devient difficile de recréer une forêt ou de cultiver. Et pourtant, comme à tout problème, nous pouvons apporter des solutions. Quelques-unes sont suggérées par l'étude des techniques des habitants des oasis, comme les Indiens Papagos du sud-ouest de l'Arizona, décrits par Andersen18 : « Ces agriculteurs intelligents cultivent d'antiques végétaux, des variétés spécialisées de mais, de haricots et de potirons, qui permettent des récoltes appréciables malgré une pluviosité moindre que partout ailleurs dans le monde. » · Peu de nations font montre de la même attitude positive que les Chinois, qui utilisent des nattes de paille pour contenir les dunes de sable et plantent des millions d'arbres dans des paniers à travers cette couverture stable (ils ont maintenant abandonné l'idée insensée de cultiver des céréales dans ces régions). Il y a deux façons d'approcher les régions arides, aucune des deux n'ayant été tentée sur une très large échelle : · utiliser des espèces et des techniques dont l'effet est connu (comme dans le cas des Indiens de l'Arizona) ; · mettre au point de nouvelles techniques dans le style moderne (comme le « mulch » de bitume employé au Maroc). Elles doivent être utilisées toutes deux dans une approche intégrée de la réhabilitation du désert. Bien que nous ayons appauvri la flore et la faune de nombreux déserts, nous pouvons recombiner les espèces restantes de tous les déserts pour développer une riche agriculture. Ma propre expérience, limitée, avec des aborigènes d'Australie essayant de cultiver dans des conditions très arides, suggère les stratégies données ici. Le texte qui suit est tiré d'un rapport aux conseillers agricoles de l'intérieur australien, complété plus tard la même année par l'auteur. Il y a eu une manifestation importante d'intérêt pour les stratégies proposées et le rapport original a donc été intégré à ce livre pour qu'il en soit fait un usage plus général. Certaines espèces de plantes ont été ajoutées et l'ensemble peut être une petite contribution à la mise en valeur des déserts du Tiers-Monde. L'accent est mis sur les espèces et les problèmes australiens, et en particulier sur la question sociale de la nutrition et de la survie des aborigènes. Les stratégies esquissées dérivent de visites aux réserves d'Ernabella et de Papunya en Australie 69
centrale et d'autres voyages dans l'ouest de l'État de Victoria, en Australie occidentale et dans les parties arides des Nouvelles Galles du sud. Les problèmes rencontrés dans les déserts et les semi-déserts sont parfois les mêmes que dans les zones humides (gelées hivernales d'avril à septembre (17), sols compactés, zones sablonneuses fragiles) mais sont souvent particulières aux Tropiques (attaque des arbres vivants par les termites) ou aux déserts eux-mêmes (populations importantes d'ânes, de chevaux et de bovins retournés à l'état sauvage). A Ernabella, la pluviosité annuelle varie entre (au pire) 50 mm et (au mieux) 640 mm. Une moyenne de 250 mm a donc peu de signification et est localement inexacte si l'on prend en considération l'écoulement provenant des dômes de rochers et des réserves d'eau dans les lits de rivière, dans les puits de forage, et dans les dunes ou les sables secs des rivières. Là où il y a des collines, une ligne de gelée bien marquée se dessine à environ 9-15 m d'altitude sur les pentes, ce qui rend possible d'avoir à la fois des cultures « tropicales » et des cultures « tempérées » sur la même pente. Les stratégies globales de la reforestation du désert sont maintenant bien testées. Les vents desséchants, les rivières et les oasis locales sont les points focaux à partir desquels on doit développer la végétation : si nous démarrons de l'amont, en nous assurant le bassin principal et les bassins latéraux, dans le sens du vent et depuis les oasis, les plantes donnent de l'humidité vers l'aval, dans le vent et localement. En de nombreux endroits, l'écoulement provenant de zones nues ou rocheuses s'ajoute à la quantité effective des précipitations, de sorte que l'on peut sélectionner des terrains d'1 à 20 ha environ pour fournir de l'eau pour les jardins. Des trous dans les rochers, de petits barrages, les suintements des rochers, l'eau souterraine des lits de rivière sablonneux, les forages, les sources, les éoliennes et les réservoirs récupérant l'eau des toits présentent tous un intérêt pour les jardins. Des écoulements superficiels convenablement dirigés permettraient de jardiner en de nombreux endroits. Le but est d'utiliser un maximum de plantes vivaces profondément enracinées et adaptées au climat pour produire de la nourriture et des matériaux destinés aux structures, de façon à ce que les fermes établies dans le désert puissent acquérir davantage d'autosuffisance, et pour mettre au point des systèmes d'agriculture domestique demandant peu d'entretien. Moins ces méthodes dépendent de machines sophistiquées, de transports et de carburants fossiles, mieux cela vaudra pour la survie future, ce qui fait que les méthodes naturelles doivent être préférées, vu l'état de l'économie pétrolière. La végétation native de tous les déserts est encore riche de ressources, bien que l'interaction du pâturage et du feu ainsi que la présence d'un grand nombre d'animaux retournés à l'état sauvage, et (par endroits) de lapins, rendent très difficile l'établissement de nouvelles plantations, à moins de les clôturer soigneusement et de les protéger. Les zones dénuées d'arbres progressent du fait du surpâturage succédant à l'incendie. De nombreux petits animaux natifs sont devenus rares ou sont localement éteints à cause des renards, des dingos, des chats, des chiens et des grandes espèces d'herbivores redevenus sauvages. Les chiens de ferme maintiennent les herbivores à distance, et autour d'Ernabella les pluies ont été suivies d'une dense repousse d'arroche, d'acacia vrai et d'eucalyptus. Mais ces mêmes chiens posent un problème dans les jeunes plantations et avec la volaille, bien que les personnes âgées tiennent à eux pour la chaleur qu'ils leur procurent dans les campements. Je dois tout d'abord exprimer que dans mon opinion, basée sur les cas réels que j'ai constatés le « centre mort » (18) est un mythe. Nombre de légumes et d'arbres importants peuvent pousser dans le désert, et la végétation native, là où elle n'a été ni brûlée, ni surpâturée, offre par elle-même de grandes ressources. L'eau n'est souvent pas loin de la surface du sol. Les matériaux pour le mulch, plantes et feuilles, sont abondants. S'ils ont de l'eau, les végétaux poussent de façon phénoménale dans le désert. L'irrigation moderne par goutte à goutte combinée au mulch permet de réaliser n'importe quelle culture domestique. Alors que les gazons sont des désastres de 17 Dans l'hémisphère sud. N.d.T. 18 Sous-entendu de l'Australie N.d.T. 70
gaspillage, il est possible de créer une sylviculture révolutionnaire, permettant d'accroître la pluviosité et de réduire la poussière et les maladies. La Chine est en train de planter 7 600 km en bordure de ses déserts. L'Australie pourrait faire de même, mais n'a pas même commencé à planter 7 km, préférant garder les chômeurs, la poussière, les sols salés -- et de grands profits pour quelques éleveurs ! Il n'y a eu que bien peu de tentatives de construction de grandes structures de stockage d'eau dans le désert, ou d'encouragement à creuser des lagons, et les techniques de récupération extensive des écoulements d'eau ne sont guère employées, bien que les engins servant à l'équipement routier puissent être utilisés à ces fins. Le potentiel est grand, mais jusqu'à aujourd'hui, l'argent et le soutien du gouvernement ne se sont guère manifestés. L'extraordinaire mouvement des aborigènes pour faire valoir leurs droits offre de grandes possibilités pour développer une agriculture pionnière adaptée aux pays arides. Il faudrait accorder des crédits et fournir les plantes et les matériaux nécessaires, car ce serait une importante contribution à notre connaissance fondamentale des grandes régions arides, ici et à l'étranger, et permettrait d'évaluer les techniques à utiliser sur une grande échelle. La condition présente est triste : presque toute la nourriture est importée dans les villages, et sa qualité est mauvaise à cause des difficultés du transport, et dans la mesure où l'essence devient plus rare et plus chère, tous les secteurs de la population risquent de souffrir. On ne peut donc trop insister sur l'intérêt d'essayer de nouvelles espèces sur une plus large échelle, et de cultiver des jardins familiaux plutôt que de faire des plantations commerciales (ceci peut venir par la suite, comme résultat des petits essais dans les jardins, après que la survie de base des résidents a été assurée). En ce qui concerne les terrains des aborigènes, il faut faire attention aux différences culturelles au moment de l'acceptation de techniques nouvelles. Mais ce n'est pas toujours un problème, puisque des gens comme Horace Winitja à Ernabella, Johnny Kantawara à Warren Creek, et nombre d'autres que je n'ai pu mentionner ici, cultivent en fait de bons jardins de plantes annuelles, et que la demande d'arbres à la pépinière d'Ernabella dépasse l'offre. Deux facteurs doivent être pris en considération : l'un est l'exigence légitime des gardiens qui veulent protéger leurs sites sacrés, ou décider du sort des jardins que l'on veut établir à proximité ; l'autre est le « camp de tristesse » (« sorry camp »), c'est-à-dire que tout le monde quitte un endroit où quelqu'un est mort. Le premier facteur ne fait pas perdre beaucoup de terrain, si l'on prend en considération la culture des arbres, et le second problème peut être réglé en établissant un « camp de tristesse » séparé près des jardins. Le caractère sacré de certains arbres tel le figuier natif (ili) en divers endroits doit aussi être respecté, bien que ceci n'empêche pas son usage comme support pour la vigne, alors qu'ailleurs on pourrait l'utiliser de façon plus profane pour l'hybridation ou comme porte-greffe. Les enfants doivent devenir aussi familiers des espèces cultivées qu'ils le sont des plantes sauvages, ce qui viendra avec le temps lorsque les arbres seront plus répandus. (Ils peuvent avoir l'habitude de cueillir en cassant une branche pour en ramasser les fruits.) Certains légumes ne sont pas familiers et doivent être « appris » avant de devenir de la nourriture ou d'être ramassés quand il le faut. Certains fruits et graines oléagineuses cultivés sont cependant fort appréciés, et l'expérience donnera plus d'habileté pour les utiliser. Les fourmis blanches (termites) sont un problème spécial à l'Australie tropicale ; les fourmis ordinaires, en grande quantité, en sont un autre. Les nématodes sont un parasite des jardins commerciaux d'Alice Springs, et la piéride du chou est généralement présente. Les larves de certains sphynx attaquent les vignes, comme toujours, et les chiens rendent difficile l'élevage du petit bétail. Les mouches des fruits sont un problème en certains endroits, mais de répartition locale. Il n'y a ni opossums, ni merles, ni étourneaux, ni moineaux, ni autres animaux « nuisibles » des climats tempérés. La pose de clôtures, le mulch, la polyculture à base d'arbres et l'emploi de la volaille sous les arbres et les plantes grimpantes réduiraient beaucoup le nombre de parasites. Beaucoup d'espèces d'arbres rustiques semblent en tous cas n'être pas affectés. Des animaux locaux se nourrissant de parasites, comme le Moloch horridus, le Mingari mangeur de fourmis ou « Diable des montagnes », peuvent aider, de même que les pintades. Les oeillets d'Inde (Tage tes spp.) contrôlent 90 % des nématodes et, avec le pyrèthre, peuvent combattre les termites. Il existe dans la région de nombreux arbres résistant aux termites. Un extrait de giroflée (dilué dans de l'eau et 71
pulvérisé) aide à détruire la piéride du chou, et d'autres moyens naturels de contrôle pourraient être essayés. Mike Lubke (Nouvelles Galles du sud) signale qu'elles sont attirées par les Brugmansia, sur lesquelles elles pondent leurs oeufs, mais que les larves n'y forment alors pas de chrysalide. Les cendres de bois et le lait tourné sont également recommandés, par Neil Douglas, et la poudre de roténone (Derris sp.) inoffensive (19), détruit tous les parasites. La mouche à fruits n'est pas un problème en présence d'animaux fouilleurs comme la volaille, qui aide aussi à éliminer les termites. PHOTO 5.1 : KIM TIJAYA DANS LA NOUVELLE PÉPINIÈRE D'ERNABELLA. LES MURS SONT FORMÉS DE GRILLAGE. ON RECOUVRE POUR FAIRE DE L'OMBRE ET ON SUSPEND DES ARROSEURS AU PLAFOND. DE TELLES PÉPINIÈRES PEUVENT ÊTRE ÉRIGÉES PARTOUT. 19 Pas tout à fait, car elle tue également les insectes utiles. N.d.T. 72
1. Stratégies locales Elles entrent dans les catégories suivantes : · jardins familiaux pour survie locale, · plantations à large échelle pour modification du climat, · plantation sur site sélectionné en fonction des eaux d'écoulement. JARDINS FAMILIAUX Ici, le but est d'intégrer le jardinage à la vie dans le désert. Autour de la maison (wiltja), dans les zones clôturées et gardées, protégées des nuisibles, où les herbivores redevenus sauvages se manifestent le moins, les lapins sont tenus à distance par les chiens, et la plupart des déchets organiques s'accumulent. L'eau doit être présente pour que l'installation dure, et l'on peut donc utiliser les eaux usées des douches et des toilettes, ainsi que l'eau récupérée sur les toits. Le but du jardinage est double : premièrement l'utilisation productive des ressources, deuxièmement la modification du climat de la maison ou wiltja en agissant ainsi. Comme dans les régions tempérées, le mulch en couche est une réponse. Parmi les espèces utiles pour le mulch, ainsi que pour donner de l'ombre dans le jardin et dans la rue, citons le « mulga » (Acacia aneura), le tamaris, les Casuarina, les bambous élevés, les déchets de céréales ou de canne à sucre, le Paulownia, l'Acacia albida et le Leucaena. L'irrigation au goutte à goutte plus le mulch est la clé de la conservation de l'eau, de la réduction de l'accumulation des sels et des carbonates, et de l'amélioration du pH à mesure que les acides humiques tendent à neutraliser les effets du sol fortement alcalin. Le labour ne fait qu'accroître l'alcalinité, qui atteint alors des niveaux intolérables. Autour des wiltjas, on balaie les fruits épineux ; des os et des cendres peuvent être ajoutés au mulch, de même que les déjections du bétail, des chiens et d'autres espèces redevenues sauvages. Le résultat est qu'il y a moins d'ordures pour les mouches, donc moins de problèmes oculaires, moins de vieux habits pour transporter la gale et attirer les insectes nuisibles. La chaleur et l'eau provoquent la décomposition rapide de tous les matériaux mentionnés. Le principal entretien consiste à ajouter des feuilles par-dessus. Peu d'outils spéciaux sont nécessaires - si tant est qu'il en faille - et il est superflu de creuser. Planifier la maison Les suggestions qui suivent ont pour but de modifier le climat dans la maison traditionnelle, ou wiltja, et autour. Je ne suggère pas par là que les wiltjas soient nécessairement les habitations les plus désirables. Il faut donner à chacun l'occasion de décider du type de structure qu'il préfère, et de la dépense qu'il veut faire pour construire. Il ne faudrait donc pas croire que des maisons bien conçues ne soient pas nécessaires dans le désert, mais dès à présent les structures existantes pourraient être conçues de façon plus productive. En érigeant des treilles de plantes grimpantes (vigne) et en plantant des arbres (Acacia albida) vers le sud, une treille persistante en tonnelle vers le nord (le Tecoma stans donne de bons résultats ici), le climat de la maison est correctement modifié. Une treille au-dessus du toit de la wiltja, et du lierre ou une treille sur les murs de la maison ont un effet similaire (fig. 5.1). De grands tamaris, des thuyas et des bambous géants pourraient être utilisés pour filtrer les vents froids du nord et fournir du mulch, et un Paulownia au feuillage léger, ou un Acacia albida au sud procure de l'ombre à la maison et aux cultures. Sous les fraîches tonnelles, des fraises, de la menthe, du cassis, des groseilliers à maquereaux et de tendres herbes poussent dans un mulch profond qui retient l'eau. Le « yuu » ou brise-vent près de la wiltja peut être formé de petits bambous, empêchant l'air froid de circuler contre les murs de la maison en hiver. Les treilles et des espèces à feuilles caduques donnent de l'ombre au sud. Si le Tecoma ou le lierre pousse sur le toit, tant mieux. Un petit toit solidement construit peut être couvert de terre, puis de mulch et planté de figue des Hottentos, de cactus, d'autres plantes grasses ou d'espèces adaptées aux déserts. Si on les 73
arrose, ces toits donnent de l'air frais en été et servent d'isolation contre le froid de l'hiver. Des plantes grimpant sur les murs ou sur une treille placée devant les murs ont un effet semblable en ce qui concerne la perte et le gain de chaleur. La ngumpa (maison ombragée), le yuu (brise-vent) et la wiltja (maison) procurent un confort appréciable. Il peut être avantageux de fabriquer ces abris permanents, couverts de végétation, pour les chasseurs ou pour camper ; c'est encore mieux s'ils sont recouverts de terre et de mulch. Il est facile de faire pousser des yuu. Ces tactiques permettent d'éviter de devoir couper du « mulga » au camp. Toutes ces stratégies améliorent le climat et économisent du combustible. On peut essayer d'établir une wiltja schématique (fig. 5.1) pour vivre dehors. Toutes les adaptations suggérées peuvent être faites sur les structures existantes, ou prévues dans les maisons neuves. L'eau chaude obtenue par panneaux solaires est une solution maintenant tout à fait satisfaisante, et il est certainement possible d'éclairer les wiltjas à l'aide de cellules photovoltaïques reliées à un système de batteries ; on pourrait réaliser de même des clôtures électriques solaires pour le bétail sauvage et les chameaux. Il serait possible d'installer des toilettes sèches (toilettes-compost) dans les avant-postes, ou de réserver des endroits où enterrer les excréments au milieu des cultures d'arbres. FIG. 5.1 : SECTION D'UNE WILTJA IDÉALE. 74
PHOTO 5.2 : LE VIEUX MIKE A KAAPA COMMENCE UN MULCH DE PAILLE POUR UN CHAMP DE PASTÈQUES. La ngumpa est utilisé par Kim Tjitayi pour donner de l'ombre à ses canards. Ces structures sont traditionnellement couvertes de chaume, avec du « spinifex » (20) par-dessus. Ce même « spinifex » devrait servir de rnulch après avoir été utilisé ; il permet une bonne isolation quand on l'emploie pour le toit (fig. 5.1). Ginger Wikilyiri est en train d'essayer la vigne ou la treille pour mettre au point un puri destiné à fournir de l'ombre, et il n'y a pas de doute qu'une combinaison de bambou, treille, spinifex et plante grimpante rendraient très confortable la vie à l'extérieur ; on pourrait aussi en faire des tonnelles attachées aux maisons lorsqu'il fait chaud. Andrew Prior doit essayer le « Mortlock » modifié, ou treille en forme d'arbre, mis au point par Brian Coombs au collège horticole de Waite à Adélaïde. Dans les maisons permanentes, l'eau des douches peut être conduite vers des drains faits de tuyaux fendus sous la « maison ombragée » ou le jardin. Dans les wiltjas, des monticules de gravier surmontés de douches permettraient de traiter l'eau et procurereaient de l'humidité aux cultures d'agrumes ou aux plantes grimpantes. Si l'on installe ainsi plusieurs douches, l'arrosage du jardin devient automatique et l'eau de vaisselle, de douche, de bain ou de lavage, conduite sous le mulch, est un avantage, et non un inconvénient. Il s'agit somme toute d'intégrer au jardin l'eau provenant des processus de lavage. Eaux d'égout et eaux usées La manière la plus sûre de se débarrasser des eaux usées est de placer des tuyaux ou de creuser des tranchées sous les plantes. Le lagon ou la mare recueillant l'eau souillée à Ernabella n'a pas encore été planté, mais il est le site idéal pour les dattiers, les pruniers 20 Plante herbacée typiquement australienne. N.d.T. 75
et les pêchers, à la fois sur les bords et autour de la mare, là où l'eau s'infiltre vers le ruisseau souterrain. Même le plus paranoïaque des inspecteurs sanitaires approuverait cette conversion sans danger des eaux usées en vitamines. Les boues de vidange provenant des fosses septiques peuvent être amenées dans des trous de plantation précreusés, puis recouvertes de terre, après quoi l'on plantera des dattiers, des mûriers et des figuiers. Les vignes (de boutures) donnent leurs fruits en 18 mois sous ce climat ! De même, les matières végétales ratissées ou tondues peuvent servir de mulch autour des trous de plantation. Ratisser sous les bambous ou les tamaris sert à deux choses : · fournir du mulch dépourvu de graines ; et · protéger la plante-mère du feu. Bois d'oeuvre résistant aux termites Si l'on commençait dès le départ à traiter le bois destiné aux clôtures et aux treilles, on économiserait beaucoup de bois par la suite. Bambou, « mulga » et eucalyptus devraient être trempés par l'extrémité dans du « Tanalith ». La treille actuelle est faite de Pinus radiata ainsi traité, et devrait durer indéfiniment. Le « Tanalith » (sels de cuivre, de chrome et d'arsenic) est disponible chez les marchands de fournitures agricoles ; il est vendu avec un livret d'instruction qu'il faut demander. Le bois traité peut être manié sans danger par les enfants, mais ne devrait jamais être brûlé car les fumées et les résidus sont fort toxiques(21). Ceci est une technique indispensable car les termites dévorent en quelques années des poteaux de valeur, qui ont mis un temps fou à pousser. Il peut également être avantageux de traiter les treilles et les rames à haricots. Le « Tanalith » est aussi une « peinture » facile à utiliser sur les planches exposées. Lorsqu'il fait chaud, il suffit de laisser tremper le bois pendant trois jours. Les perches devraient être écorcées et coupées à la bonne longueur avant d'être traitées, pour économiser le produit. L'écorce peut servir de mulch dans le jardin, de même que le feuillage (haché) et les rameaux dans les vergers'. Il existe, ou l'on peut faire pousser, de nombreuses espèces résistant aux termites. Relations idéales (eau, etc.) fig. 5.2 Les relations idéales entre l'eau, la wiltja et le jardin sont assez claires. Si l'on peut mettre à profit une pente, c'est l'idéal ; la disposition qu'a adopté Willy à Ullumparu est un modèle. Un barrage a été établi à la main (béton et pierres) dans une fissure du rocher pour former une mare d'eau claire et propre. Le trop-plein s'écoule dans une grande piscine bordée de roseaux. Depuis la retenue supérieure, un tuyau d'environ 1 200 m mène à la zone de la wiltja. On peut par la suite établir des douches dans le jardin, et les déplacer à mesure que les arbres sont plantés et se développent autour d'elles. Les éoliennes (sans essence) sont très efficaces pour élever l'eau. Mike Last et Andrew Prior ont dressé les plans d'un modèle de 7,5 m. Ceci permet des cultures tropicales au-dessus de la ligne de gel (sur des pentes), protégés du gel par des Acacia albida, des Paulownia, etc. On peut alors cultiver des guavas, des papayes et des mangues sur les pentes des collines. Ni les barrages de pierre, ni les éoliennes ne requièrent une grande attention. Les engrenages de ces dernières peuvent être lubrifiés par l'huile de ricin ou de jojoba, qui pousse bien dans les régions arides. Il n'y a besoin que d'une presse très simple pour extraire l'huile. S'ils ne sont pas couverts, les réservoirs placés sur les collines et les crêtes produisent des algues vertes en abondance et des moustiques. Les poissons rouges et les carpes éliminent ces deux inconvénients, et fournissent de temps en temps un repas. Dans les réservoirs et le barrage, un fond de terre permet le développement de moules d'eau douce, qui sont d'excellents filtres à eau et très bonnes à manger ; leurs coquilles sont données aux poules. Les escargots natifs sont des parasites que les canards apprécient. On peut contrôler les moustiques en mettant de petits poissons dans l'eau dormante. 21 Il existe heureusement des alternatives moins dangereuses et plus écologiques, disponibles dans le commerce. 76
FIG. 5.2 : RELATIONS IDÉALES -- EAU, LIEU DE VIE, JARDINS POUR PAYS ARIDES. PLANTATIONS A LARGE ÉCHELLE De grandes quantités de graines de, par exemple, palmier-dattier, jujubier, chêne-liège, pistachier, prunier, thuya, tamaris, châtaignier, févier d'Amérique, caroubier, mesquite et paulownia, et des boutures de vigne, figuier, tamaris, mûrier et Coprosma pourraient être plantées dans des zones d'essais, en sélectionnant des niches pour les plantations spéciales. Pins pignons et pins du désert réussiraient sans doute sur les crêtes, de même que les Casuarina. Les asperges pourraient bien s'adapter au sable des rivières, où des plantes sauvages auraient été observées, et d'autres espèces rustiques aussi. Si les essais limités étaient couronnés de succès, on pourrait alors les étendre sur une large échelle. Des fruits épineux (contre les lapins) et de l'absinthe (délaissée par le bétail) pourraient aider à protéger les jeunes plants. Le succès peut dépendre de la limitation des herbivores retournés à l'état sauvage, ou de la production des épines, ou en les plaçant dans les failles de rochers. Le bouturage des tiges de cactus est presque certain de réussir. Cela vaut la peine d'entreprendre des essais diversifiés à grande échelle. Contrôle de l'érosion sur les pentes sèches La plantation « en filet et cuvettes » des fig. 5.3 et 5.4 est efficace pour contrôler l'érosion des sites surpâturés, minés ou bulldozés. Si l'on a des pneus, on peut s'en servir pour former les cuvettes, les remplir de mulch et y amener des drains de détournement des eaux. Certains ont la chance d'avoir accès à des bûches, qui peuvent être empilées en travers de la pente, qui doit être faible pour que l'eau zigzague sur la surface d'érosion et que le sol l'absorbe. Même de petites bûches et des branches plantées à travers les canaux d'érosion permettent l'accumulation de terre et de feuilles ; on pourra planter à côté de ce dépôt des saules, des « ti », des acacias vrais ou d'autres espèces rustiques à racines fibreuses, qui retiendront en permanence la terre. Du mulch placé derrière des bûches et des barrières stabilise rapidement le sol pour la plantation. Des feuilles tombées et des fientes éparpillées s'accumulent aussi dans ces mini-deltas pour fournir des nutriments aux végétaux. N.d.T. 77
FIG. 5.3 : RÉSEAU ET CUVETTE POUR COLLINE SÈCHE ET PIERREUSE. FIG. 5.4: DÉTAIL D'UNE CUVETTE. 78
FIG. 5.6 : A WOMIKUTTA : UN ROCHER MASSIF AMÈNE l'EAU A LA BASE DES DUNES Sur les plantes très abruptes, il n'y a souvent rien d'autre à faire que de planter de l'herbe de la pampa, des bambous et des espèces pionnières aux racines entremêlées, et de planter au-dessus des châtaigniers, des acacias vrais, des caroubiers, des oliviers ou d'autres espèces de grande taille, dont les graines germeront plus bas sur la pente. Là où l'on peut utiliser des instruments comme la sous-soleuse, la même disposition en filets et cuvettes est efficace pour contrôler l'érosion. Ce que nous avons tendance à voir cependant, ce sont d'assez grandes tranchées suivant les lignes de niveau, permettant mal l'absorption de l'eau par le sol, créant des bandes sèches sur les pentes, et exposant une grande quantité de sous-sol. De telles approches nécessitent un équipement lourd et n'ont que peu de résultats en ce qui concerne le contrôle de l'eau et l'amélioration du sol, si on les compare avec ceux que l'on obtient en planifiant le « ciselage » du terrain et la plantation, ce qui permet un changement permanent et stable au flanc des collines. CLÔTURE DES SITES SÉLECTIONNÉS Ceci s'applique aux zones où l'écoulement naturel des eaux est important, par exemple à la base de rochers en forme de dôme, à l'embouchure d'une vallée, aux endroits où l'eau suinte des rochers, et aux vieux enclos à moutons où des grandes quantités de crottes agissent comme une éponge souterraine. Andrew Prior et Kim Tijtaya sont en train de tester sur ces sites des oliviers, des pistachiers, de la vigne, des mûriers, des figuiers et des abricotiers, et d'adapter à des petits dômes de rocher des gouttières en béton moulées à la main (fig. 5.5-5.11). De tels sites compensent le coût des clôtures nécessaires pour repousser les grands herbivores redevenus sauvages. Des clôtures électriques solaires seraient utiles, et des barrières extérieures de cactus, de jujubier, d'armoises et de bambou pourraient se développer en haies. Evanari23 et Yeomans2 recommandent que les zones d'écoulement des eaux soient dans la proportion de 16 ou 20 pour 1, autrement dit que l'eau d'un dôme de 8 hectares serve à arroser un jardin d'environ 4 000 m2. 79
FIG. 5.7 : A KATJIKRTJIDAAR. PLANTATIONS SUR SITES SÉLECTIONNÉS LOCALEMENT POUR L'ÉCOULEMENT DES EAUX Les couches d'argiles, les cônes de déjection, le sol rocailleux et nu et les pentes des collines peuvent être aménagés pour amener toute l'eau d'écoulement vers de petits champs entaillés à la charrue à ciseau, où des cultures ou des jardins permanents pourront être établis. Les routes qui existent déjà permettent cet aménagement. Allen Jenkins, de Papunya, suggère que les nombreux drains des routes soient conduits à des réservoirs murés, ou directement au pied des arbres, et que de nouveaux drains soient aménagés. A présent, les drains eux-mêmes permettent aux arbres de mieux pousser. L'équipement pour aménager les routes et essayer ces techniques est disponible (pas couramment) et des eucalyptus et des tamaris ont été plantés à Ernabella, en utilisant l'idée d'Evanari. Un siphonage automatique pourrait être inclus dans ce système d'endiguement, quand les pluies sont irrégulières. Là aussi, de petits essais suffiraient à tester ces méthodes (voir fig. 5.12 et 5.13). 80
FIG. 5.8 : AU-DESSUS DE KATJIKRTJIDARA : DES RAVINEMENTS DANS LE ROCHER RECUEILLENT DE LA TERRE, DE L'EAU, DES FEUILLES ET DES FIENTES. CES ZONES PEUVENT ÊTRES SANS TERMITES. · ·/ FIG. 5.9 : A WILSONS CREEK : LES RIGOLES SABLONNEUSES ENTRE LES ROCHERS RESTENT HUMIDES LONGTEMPS APRÈS LA PLUIE. FIG. 5.10: PRÈS D'ERNABELLA. FIG. 5.11 : VIEIL ENCLOS A BETAIL. LES FIENTES AGISSENT COMME UNE EPONGE 81
SOUTERRAINE. FIG. 5.12: SECTION SELON A-B DE LA FIG. 5.13 MONTRANT LES SIPHONS ET LES CHAMPS. FIG. 5.13: ÉCOULEMENT DES EAUX AMENÉ PAR SIPHON AUX PETITS CHAMPS TRAVAILLÉS A LA SOUS-SOLEUSE. Les couches d'argile, les cônes de déjection ou les dômes dont l'eau est amenée à de petits réservoirs souterrains ou couverts, aident grandement à la survie d'animaux utiles comme les cailles, les pigeons et la volaille dans le désert. Les poissons peuvent être utilisés pour les garder propres (voir fig. 5.14). L'utilisation de feuilles de plastique sur les trous ou sur les monticules dans l'eau salée (voir Maggs27a,) sont des techniques qui peuvent servir à de petits jardins ou à des arbres individuels. Des pays très rocailleux (comme à Ullumparu) donnent l'occasion de créer des jardins à mulch de rocher sur une grande échelle, en utilisant des lignes de 60-90 cm de pierres ramassées comme mulch entre les rangées de plantes (fig. 5.17). Philip Gall (communication personnelle) dit que les aborigènes d'Australie occidentale utilisent une variante de ce système pour récupérer l'humidité de la nuit qui se condense en eau potable (voir fig. 5.19). 82
Tout ceci nécessite du temps, des machines et du travail pénible, mais le résultat final est un système ne demandant que peu d'entretien, et réparable à la main. FIG. 5.14: UN PETIT PUITS DANS UNE COUCHE D'ARGILE OU A LA BASE D'UN ROCHER RETIENT L'EAU POUR CAILLES, PIGEONS, LÉZARDS ET ABEILLES. POISSONS ET MOULES MAINTIENNENT L'EAU CLAIRE. LE BÉTAIL NE PEUT SALIR DE TELS PUITS. FIG. 5.15: DES « PUITS » FORMÉS DE FEUILLES DE PLASTIQUE DANS LES DUNES OU SOUS LES PLANCHES DE LÉGUMES, RETIENNENT L'EAU POUR LES RACINES. PHOTO 5.3 : « YUU » A L'AVANT-POSTE DE KAAPA-CITY. LA « WILTJA » EST TOUT JUSTE VISIBLE A DROITE. AUTOUR DES STRUCTURES, SUR LESQUELLES ON PEUT FAIRE POUSSER DES PLANTES, LE SOL EST BALAYÉ. 83
PHOTO 5.4 : KIM ET ANDREW A WOMIKUTTA, PLANTANT DES OLIVIERS ET DES PISTACHIERS AU PIED D'UNE GOUTTIÈRE NATURELLE FORMÉE PAR LE ROCHER AU PREMIER PLAN, QUI PLONGE PROFONDÉMENT DANS LE SABLE (VOIR FIG. 5.6 ET 5.7). FIG. 5.16: DES « PUITS » DE FUMIER DANS DES COUCHES D'ARGILE STOCKENT LES EAUX D'INONDATION POUR LES PLANTES SUR LES MONTICULES. FIG. 5.17: ULLUMPARA : PLAINES TRÈS ROCAILLEUSES. 84
FIG. 5.18: DÉTAIL D'UN TROU DE PLANTATION. FIG. 5.19: CONDENSATEUR LOCAL UTILISÉ EN AUSTRALIE OCCIDENTALE (DONNÉES DE PHILIP GALL). 85
FIG. 5.20: CE CONDENSATEUR EN PLASTIQUE UTILISE DES FEUILLES OU DE LA TERRE POUR CONDENSER L'EAU DU RÉSERVOIR DE LA PLANTE. FIG. 5.21 : SERRE EN PNEUS. LE PLASTIQUE CONDENSE L'HUMIDITÉ DE LA NUIT. LA FEUILLE DE PLASTIQUE EST RETIRÉE À LA FIN PRINTEMPS. AUTO-ARROSÉ ET RÉSISTANT AU GEL. 86
PHOTO 5.5 : ALLEN JENKINS SUR LE BARRAGE D'ULLUMPARA DANS UNE VALLÉE ROCHEUSE. LE BARRAGE FOURNIT DE L'EAU EN ABONDANCE POUR LES JARDINS. IL EXISTE DE NOMBREUX SITES DE CE TYPE DANS LES DÉSERTS. 87
2. Bétail HERBIVORES REDEVENUS SAUVAGES A Ernabella, le bétail et les lapins, et à Papunya, les chevaux et les chameaux (moins de lapins) rendent difficile l'établissement d'un jardin et dévorent les plantes sauvages dont se nourrissaient traditionnellement les aborigènes (60 % sont jugées disparues et le reste a fortement diminué). Les dommages causés aux jeunes arbres et les branches cassées sur les arbres adultes sont évidents. Le nombre d'herbivores est très important : on l'estime à 6 000 bovins et 20-30 000 chevaux sauvages sur les terrains des aborigènes, où vivent seulement 1 700 êtres humains ! Les animaux, qui sont actuellement un désastre pour l'environnement, pourraient représenter une ressource pécuniaire intéressante si l'on débloquait des crédits à cette fin, et qu'un groupe de personnes s'intéressait exclusivement à ce problème. La limitation du nombre des animaux par les stations de bétail, qui rassemblent les bêtes des terrains alloués aux aborigènes, a épargné de nombreux taureaux et vaches âgés. Beaucoup de ceux-ci ne peuvent être utilisés que pour faire des saucisses ou de la nourriture pour chiens. Après le mois de décembre, ou pendant les périodes sèches, les animaux redevenus sauvages sont facilement capturés aux points d'eau, en utilisant les techniques existantes des enclos-pièges et des portes pivotantes (fig. 5.22 et 5.23). D'autres produits potentiels sont la viande séchée, les peaux, le cuir, les cornes, le sang et les eaux, et des chameaux sélectionnés pour l'exportation vers l'Arabie Saoudite, ou des chevaux sélectionnés pour les marchés méridionaux. Des unités de transformation approuvées, montées sur remorques, peuvent fournir une solution, et il faut faire une étude de marché (je dois mentionner de plus que Kew Gardens enterre chaque année un cheval à la base d'une vieille vigne et récolte quelque 7 tonnes de raisins). Mais empoisonner ou détruire tous ces animaux est un gaspillage de ressources financières potentielles et d'emplois avantageux. Les taureaux et les chameaux mâles sont un danger pour les gens à pied, surtout la nuit. Ils salissent et abîment les trous d'eau et les lits de rivière, et ils empêchent les arbres de repousser sur d'immenses étendues de terrain. Dans les dunes, les foulées des animaux font partir le sable dénudé dans le vent. Il n'y a pas de doute que les espèces plus petites, plus « douces », comme les volatiles, les kangourous et les émeux sont préférables. Il n'y a pas besoin de les réfrigérer, car on peut les manger en un repas et ils causent peu de dommage à l'environnement. Le potentiel d'utilisation des espèces redevenues sauvages est évident, mais encore une fois, il faut du personnel et de l'argent pour réussir. Toute cette question requiert une équipe ad hoc pour la résoudre. Le piégeage automatique aux réservoirs et aux trous d'eau a été perfectionné. Les problèmes sont le transport et la transformation. Une alternative (répugnante) est d'enterrer les animaux en masse dans les zones à planter. 88
FIG. 5.22: ENCLOS-PIÈGE. L'ABREUVOIR ATTIRE LES HERBIVORES REDEVENUS SAUVAGES. FIG. 5.23: DÉTAIL DE LA PORTE DE L'ENCLOS-PIÈGE. LES POTEAUX INCLINÉS FONT QUE LA PORTE D'ACIER RETOMBE ET SE FERME APRÈS QUE LES BOVINS ET LES CHEVAUX L'ONT OUVERTE POUR ACCÉDER A L'EAU (L'INCLINAISON EST EXAGÉRÉE ICI). D'APRÈS LE PIÈGE DE WARRENS CREEK. PHOTO 5.6 : WILLY A ULLUMPARA, AU-DESSUS DU PETIT BARRAGE QU'IL A CONSTRUIT POUR SON JARDIN. 89
Les renards et les chats redevenus sauvages présentent un problème particulier. Les lapins (en dehors des clôtures) sont considérés comme une nourriture importante par les nomades. et remplacent largement la viande des petits marsupiaux chez les familles des avant-postes. Un judicieux empoisonnement régional lors de la phase d'établissement des forêts dans les déserts semble être la conduite à tenir avec les lapins. La destruction totale des espèces redevenues sauvage devrait être le but à long terme, comme le suggère Frith27b. Leur présence signifie une réduction sévère des espèces natives (animaux et plantes) et une dépendance pour l'approvisionnement en viandes domestiques jusqu'à ce que les émeux et les kangourous puissent à nouveau se développer et que repoussent les plantes natives, qui étaient autrefois la base de la vie des nomades. ESPÈCES DOMESTIQUES EXOTIQUES Les canards et les poules, leurs oeufs et le surplus des reproducteurs, sembleraient être la principale source potentielle de protéines domestiques. Dans les zones de culture d'arbres, ils sont également utiles pour contrôler les parasites (fourmis, termites, escargots) et pour lutter contre l'incendie (comme « rateaux »). Logés dans des abris isolés (en spinifex) sur la face nord des serres (fig. 8.3), leur chaleur animale évite les gels nocturnes dans ces serres en hiver. Les pintades et les pigeons devraient être considérés comme les premiers fournisseurs de nourriture dans les campements ; le second dans les pigeonniers traditionnels, le premier en troupeaux gardés. Tous deux fournissent des oeufs et de la viande. Dans les zones à « mulga », un grand nombre de graines tombent naturellement, et les pintades consomment aussi beaucoup d'insectes et de parasites. En liberté, les volailles peuvent avoir besoin de nids surélevés pour échapper aux renards et aux « goannas ». Dans leurs pigeonniers, les pigeons ne sont pas inquiétés par les renards (fig. 5.24). FIG. 5.24: PIGEONNIER. DÉTAIL DE L'INTÉRIEUR. IL FAUT DEUX NIDS PAR ENTRÉE. 90
FIG. 5.25: LES PIGEONNIERS PEUVENT ÊTRE FRITS DE MATÉRIAUX DIVERS : A TERRE, B BOIS, C BRIQUES. LES NIDS PEUVENT ÊTRE DES BOLS, DES CREUX, DES ANNEAUX OU DES DÉPRESSIONS D'ENVIRON 23 CM DE DIAMÈTRE. Les poissons ont de nombreux usages, ne serait-ce que, comme mentionné précédemment, la réduction des algues et des moustiques dans les réservoirs. Avec les yabbies et les moules dans les barrages, ils présentent aussi un potentiel pour fournir des protéines. Des espèces natives de poissons peuvent être recommandées par l'élevage de Narrandera (Nouvelles Galles du sud), mais il n'y a en tous cas aucun risque que les poissons s'échappent par le désert et les terrains couverts de sel qui séparent ces régions des cours d'eau permanents. Rien que pour cette raison, les déserts sont un site d'essai important pour la polyculture aquatique. Les abeilles présentent un intérêt, non seulement pour le miel, mais aussi pour le pollen. Des trappes à pollen (réf. 28) sont maintenant disponibles et procurent un aliment riche en protéines. Espèces animales natives L'étude réalisée par Frith27b est plutôt sombre, et il y a une pénurie évidente d'espèces natives propres à l'Australie dans les avant-postes. Quelques petits reptiles (Moloch horridus, geckos) peuvent être utilisés pour contrôler les fourmis et les autres parasites dans les serres, comme peuvent aussi l'être les grenouilles (si on leur donne des bassins). On peut tuer au fusil, particulièrement la nuit, de nombreux kangourous rejetés comme nourriture à cause de leur manque de graisse ou de leur graisse jaune. Les appâts ou les pièges sont bien préférables car les femelles, sans graisse, et les vieux mâles peuvent être relâchés pour la reproduction, et seuls les animaux immatures en bonne condition utilisés comme nourriture. Je crois qu'une plantation active de « baies d'émeu », de févier d'Amérique, de luzerne arborescente et de plantes similaires, dont se nourrissent les animaux natifs, peut permettre d'accroître leur nombre, mais seulement si l'on envisage un trappage très sélectif et non pas un tir systématique à grande échelle. La meilleure solution consiste à exterminer les ruminants redevenus sauvages, et en même temps qu'eux les mouches qui transmettent des maladies. Entre temps, les avant-postes ont besoin d'animaux domestiques exotiques. Les aborigènes connaissent de nombreux endroits où survivent des kangourous et des kangourous-rats. Ces lieux pourraient former des centres de dispersion d'espèces natives ne présentant pas d'inconvénient si les herbivores redevenus sauvages étaient contrôlés à proximité. 91
3. Techniques des aborigènes Pour ramasser les graines et les petits fruits, les aborigènes râtissent complètement les feuilles sous des arbres sélectionnés, étalent des peaux ou font un entonnoir dans du sable, puis gaulent les arbres pour en faire tomber les fruits ou les graines. En procédant ainsi, ils protègent en même temps l'arbre du feu, préparent un mulch là où l'arbre s'égoutte, et améliorent ainsi les chances de survie des arbres à haut rendement. Voici juste un autre exemple de la façon dont les aborigènes, au cours de leur longue histoire en Australie ont agi comme de vrais agriculteurs. Gollan30 raconte comment ils stockaient des graines dans des fosses à parois d'argile, dans des paniers, des creux dans des arbres ou des rochers, et transportaient les graines sur de longues distances, et essayaient des plantes comme le tabac natif (Mingkulpa) en des lieux sélectionnés. La viande était séchée, les moules stockées dans du sable mouillé, surmontés de calottes d'argile. Le mulch n'est rien de nouveau non plus. Les trous d'eau étaient recouverts de chaume pour éviter l'évaporation, et il ne fallut qu'une seule démonstration avec de vieilles couvertures, du carton, des vêtements, du « mulga » et du tamaris pour convaincre les jardiniers aborigènes que le mulch était une bonne chose pour conserver l'eau. Par le mulch, les cendres, les os et les ordures traînant autour des camps sont converties en un riche sol pour le jardin, aidé par l'eau des douches, des lavages et de la cuisine. L'action des champignons du sol, des termites et des bactéries dans la chaleur de l'Australie centrale transforme rapidement des déchets potentiellement nocifs en humus, donc en nourriture. PHOTO 5.7 : WOMNIKUTTR -- UN PETIT DÔME MUNI D'UNE GOUTTIÈRE EN CIMENT PAR ANDREW ET KIM MÈNE A UN ENCLOS PLANTÉ DE PISTACHIERS (VOIR FIG. 5.5). LA GOUTTIÈRE RESSEMBLE R UN SERPENT SUR LE ROCHER. I l é t a i t t r a d i t i o n n e l q u e l e s a b o r i g è n e s , e n f a n t s e t a d u l t e s , c a s s e n t d e s b r a n c h e s d e « mul g a » pou r ra mas s er des bai es de gui , d u mi el l at et d e s gal l es c omes ti bl es . Il faut f ai re u n c e r t a i n e f f o r t p o u r m o n t r e r l e s m é t h o d e s c o r r e c t e s p o u r r é c o l t e r l e s f r u i t s i n t r o d u i t s , comme les raisi ns, l es oranges et l es peti ts frui ts, à ceux qui o nt l' habitude de cueillir l'arbre plutôt que le fruit. D e s c o mp é te nc es s o p hi s ti q ué e s p o u r s ui v r e l es ani m a ux à l a t r ac e d e mê m e qu e pou r préparer l a nourri ture s ont év i dentes chez l es abori gènes . Un v ocabulai re très i mportant (et à p ei ne r ép e r to r i é ) ex i s t e p o u r d éc ri r e l e s pl a nt es 92
c o me s ti bl es , l es e f fe ts et l e c o nt r ôl e d u fe u , l e s l i e ns e ntr e l e s es p èc es et l es m od èl es éc ol og i q u es g é n é ra ux . L e t r a v ai l c om bi n é d e l inguis tes , de botanis tes , d' ast ronomes , d' éc onomis tes et de médeci ns général is tes est néc ess ai r e p o u r re c u ei l l i r l es c o n nai s s anc es p ré c i s es d es pe r s o n ne s â g é es v i v a nt d ans l e d és e r t, e t e n r e g i s t r e r l e s u s a g e s d e s p l a n t e s p o u r l ' a l i m e n t a t i o n e t l a m é d e c i n e . Ceci en vaut l a peine pour des raisons médic ales, m ais enc ore pl us pour la v aleur potent i e l l e d e s e s p è c e s d e p l a n t es n a t i v e s d a n s l e s p a y s a r i d e s e n g é n é r a l , o u p o u r r e m e t t r e e n v i g u e u r l e u r u s a g e d a n s l e s z o n e s o ù l a c o n n a i s s a n c e t r i b a l e s ' es t p e r d u e . 4. Production permanente de grains En dehor s du jar dinage et de l'ar boricult ure, de la réhabilitation des nourrit ur es tr aditionnelles, et de l'art des enclos, d'autres techniques sont applicables aux pays arides. Des champs de céréales permanents, sans labours, peuvent produire environ 11,75 t par hectare, plus des graines de légumineuses. Un tel système trouverait un emplacement idéal sous une vigne ou des Paulownia : de petits essais sur environ 400 m2 sont nécessaires. En utilisant le procédé de « ripple-flow » du C.S.I.R.O., toutes les céréales, les graines de tournesol et de légumineuses peuvent être débarrassées de leur enveloppe et moulues en farine avec une seule machine. Cette machine nécessite un moteur (tracteur) de 16 CV et décortique ou moud 4-5 t de grain par heure ; elle est donc adaptée à l'équipement de transformation commun de petits villages et de communautés. Son prix d'achat de 4 500 dollars australiens signifie que beaucoup de personnes doivent utiliser une machine, bien qu'un modèle semblable, mais plus petit, puisse être mis au point dans l'avenir. Il serait utile de faire des essais sur les graines natives comme le « mulga ». 5. Système alimentaire pour basse-cour Avec les nombreuses espèces utiles d'Acacias vrais présentes dans les zones arides, il est très probable qu'un système alimentaire efficace pourrait rapidement être mis au point. Quelques espèces sont suggérées ci-dessous: Le tournesol réussit bien partout. Les capitules peuvent être coupés et donnés tels quels aux volailles. Il résiste au feu, sert de support pour les doliques et les haricots à rames : c'est un bon brise-vent, de croissance rapide, et il fournit du mulch. Il pousse presque à l'état sauvage à Alice Springs, Papunya et Ernabella. Décortiqué, il fournit de l'huile, et fait un aliment agréable pour les humains. Il mérite des essais à grande échelle comme culture de « céréales ». Les capitules immatures peuvent être mangées comme légume. Les millets, sorgho, maïs doux et « sudax ». Comme ci-dessus. Le « sudax » pour le mulch et les bordures, le sorgho pour le sucre et les grains. Tous peuvent être utilisés dans l'alimentation humaine et comme fourrage. GRAINES ET BAIES NATIVES Panicum decompositum (millet natif ou Kalta kalta) Eragrostis eriopoda (Womgama) Portulaca oleracea (Pourpier potager) Themeda australia (herbe à kangourou) Owenia reticulata (« baie d'Emeu », Marloo, Gnarloopoo) Chenopodium rhadinostachyum Paspalidum jubiflorum 93
Acacia aneura (Mulga, Wata ou Kuraku) Acacia kempeama Acacia boloserica Acacia cowleana Acacia victoriae Acacia binervata Acacia longifolia Acacia peuce Acacia oswaldia (Toutes les plantes ci-dessus ont servi de nourriture à l'homme, à l'exception de la « baie d'Emeu » (Owenia), mangée par l'émeu et le pigeon à crête). Acacia sp. (mungona) : et de nombreuses espèces de plantes à fruits comestibles contenant de grosses graines, dont le gui de « mulga » (Ngantja) et un arbre à feuillage persistant portant des baies noires (Awaluru). La volaille utiliserait aussi l'» herbe-noix » (Yalga). Ajoutez à ces espèces les exotiques : Luzerne arborescente ou « Tagasaste » -- (Chaemocytisus proliferus) Robinier faux-acacia -- (Robinia pseudacacia) Févier d'Amérique -- (Gleditsia triacanthos) (aussi pour les perches) Fruit de la passion -- (Passiflora mollisima) (supporte le gel) Mesquites -- (Prosopis spp.) Consoude Olivier -- (aussi pour l'huile) Lespedeza Luzerne (aussi pour les graines germées et comme fourrage vert) Mûrier -- excellent pour nourrir la volaille, en particulier le mûrier blanc Chêne « Chinquapin » - (Quercus muhlenbergii) (glands doux) Chêne vert - (Q. ilex, feuillage persistant) Chêne liège - (Q. suber - aussi pour le liège) Chêne châtaignier - (Q. prinus) Plus tous les Casuarina qui poussent dans le désert. Tous les glands forment une bonne nourriture stockable ; certains sont doux. L'Acacia albida (voir réf. 17) pourrait aussi être intéressant. Le C.S.I.R.O., division de l'industrie végétale, à Canberra, possède des semences de seigle et de millet vivaces qui mériteraient des essais comme fourrage. Si un coin de « mulga » était clôturé et que l'on y essaye des volailles sélectionnées (avec des pintades et des pigeons), cette espèce fournirait la majorité, sinon la totalité, de la nourriture. La plupart des espèces pourraient être introduites avec le « mulga » comme culture de couverture, et les autres espèces moins utiles seraient graduellement éliminées. Une observation attentive permettrait de recueillir bien plus de données pour l'établissement d'un système d'élevage de volaille en liberté dans les pays arides. Il est surprenant que les canards réussissent bien à Ernabella, à condition de les protéger des chiens, des renards, etc. On pourrait leur donner des céréales au début, et essayer les doliques comme plantes vertes et pour couvrir le sol, en alternant les enclos. Dans les vergers mixtes, la volaille réduit graduellement le nombre de larves d'insectes nuisibles, en particulier de la mouche des fruits et des termites. 94
ESPÈCES AQUATIQUES A mesure qu'on installe des barrages, des réservoirs et des lagons, il faudra prêter davantage d'attention aux espèces aquatiques. Gollan29 mentionne un riz sauvage natif, ainsi que les usages multiples du nénuphar Nymphaea gigantea (tiges, tubercules, graines). Le « nardoo » (une fougère) est aussi une plante aquatique, de même que l'« arrowroot » natif. Le Trapa et l'Eleocharis, les châtaignes d'eau (« water chestnuts »), réussissent bien dans le climat du sud-ouest de l'Asie, de même que le lotus. La massette (présente, je crois à Ernabella), fournit des pousses et des rhizomes. Le Trapa devrait permettre de réduire l'évaporation estivale des réservoirs ouverts et des barrages. 6. Notes sur l'alimentation des aborigènes Le Dr Archie Kalikorinus du Centre médical des aborigènes à Sidney est d'avis que l'amélioration de l'alimentation et l'hygiène des camps et des avant-postes serait « préférable à tous les services médicaux » (communication personnelle). La forte teneur des fruits en vitamine C, en particulier chez les femmes avant et pendant la grossesse, est particulièrement importante. C'est une bonne raison pour inciter les femmes à prendre part directement à l'entretien des jardins. Les plantes qu'il recommande, qui peuvent pousser sur les pentes au-dessus de la ligne. de gelées, sont les papayes, les mangues, les tomates et les poivrons. De plus, i'Acerola, le persil et toute plante dont on consomme les feuilles sont également inté - cessantes. L'évaluation sur le terrain de la teneur en vitamine C des jus de fruit est bon marché et facile à réaliser en utilisant les bâtons « C » mis au point par Ames Company. C'est un simple indicateur que l'on trempe dans le lait maternel, l'urine, les jus de fruits pour en déterminer la teneur en vitamine C. Le lait et l'urine devraient tous deux présenter de hauts niveaux d'excrétion. Les fruits frais ne nécessitant que des soins minimaux (pas d'engrais artificiel, de pulvérisations ou de forçage) sont ce qu'il y a de mieux pour disposer de vitamine C. Les conseillers et les jardiniers des camps pourraient tester le succès de leurs cultures et vérifier l'urine des mères et des enfants, ou leur apprendre à le faire. Les mêmes tests pourraient être appliqués aux espèces natives, aux « aliments » stockés et aux jus de fruits fournis ou achetés aux avant-postes. On pourrait étudier (si cela n'a pas déjà été fait) les effets des vêtements sur la synthèse de la vitamine D, dont le manque provoque le rachitisme chez les enfants. La publication « Modern Urine Chemistry » (chimie moderne de l'urine) (Ames & Co, 1976) peut être obtenue aux « Miles Laboratories », 13 Spring St., Chatswood, NSW 2067, et peut être utile pour les analyses sanitaires dans les avant-postes. 7. Liste annotée de plantes vivaces utiles pour les pays arides (Voir aussi réf. 17, 25, 26, 28, 29, 30.) Et. = déjà connu pour être établi dans les régions arides de l'Australie. PLANTES EXOTIQUES MÛRIER (Morus spp.) Et. Seulement espèces à fruits rouges ou noirs + mûrier blanc. Nourriture de la volaille. Forte teneur en vit. C. Le fruit peut être moulu en farine. Rustique, résiste aux fourmis blanches et au feu. CAROUBIER (Ceratonia siliqua) Et. Attaqué par les termites. Le site de plantation doit être soigneusement choisi. Il faut 5 % d'arbres mâles. Grande valeur nutritive pour les animaux et les humains. AGRUMES (Citrus spp.) Et. Oranges, citrons. Il faudrait aussi des limettes, des pamplemousses et d'autres agrumes. Forte teneur en vit. C. Peut avoir besoin d'OEillets d'Inde (Tagetes spp.) en sous-étage contre les nématodes. ROBINIER FAUX-ACACIA (Robinia pseudacacia) 95
Bois très durable et graine utile pour la volaille, mais les feuilles sont toxiques pour le bétail en grande quantité. Écorce et feuilles ininflammables, rustique. La toxicité peut être avantageuse en de nombreux cas. FÉVIER D'AMÉRIQUE (Gleditsia triacanthos) Comme ci-dessus. Les feuilles ne sont pas toxiques. Gousses comestibles. OLIVIER (Olea europaea) Et. Utile pour l'huile et pour l'ombre. Facilement propagé par boutures. Bonne nourriture pour la volaille. PALMIERS Et. En divers endroits. Nombreuses espèces. Palmier à huile, Borassus, etc., peuvent être essayés. Rustiques et utiles le long des cours d'eau. Cocotier possible. FIGUIER (Ficus spp.) Il faudrait essayer différentes variétés, et tenter l'hybridation avec les figuiers natifs. MANGUIER (Mangifera indica) Et. à Mt. Isa. Pourrait être davantage cultivé dans de nombreux endroits. NOIX DE CAJOU (Anacardium occidentale) Et. Mais nécessite plus d'essais. « INDIA OIL NUT » (Calophyllum inophyllum) Et. Caractéristiques inconnues. CACTUS Plusieurs espèces fruitières sélectionnées nécessitent davantage d'essais. Haies utiles et cultures non irriguées sont possibles avec certaines espèces. PISTACHIER (Pistacia vera) Comme pour les autres espèces qui n'ont pas été essayées. Les jeunes plants survivent bien. CHÂTAIGNIER (Castanea sativa) Comme ci-dessus. Devrait réussir dans les zones où il gèle, le long des cours d'eau. AMANDIER (Prunus dulcis) Comme ci-dessus. PRUNIER (Prunus spp.) Comme ci-dessus. De nombreuses variétés sont établies, mais nécessitent davantage d'essais. JUJUBIER (Zizyphus jujuba) Et. Nécessite plus d'essais comme haie. GRENADIER (Punica granatum) Jeunes plants ét. Devrait être un fruit d'été important ; la var. pakistani se conserve bien - jusqu'en hiver. CERISIERS (Prunus spp.) Comme ci-dessus, près des cours d'eau. GUAVA (Psidium spp.) Guava vrai, feijoa, « guava-fraise » et « ugni » donneraient de bons résultats dans les endroits abrités. Le guava vrai est établi. FRUIT DE LA PASSION (Passiflora mollissima) Supporte le gel. Bonne nourriture pour la volaille. PINS PIGNONS ET ARAUCARIAS (Pinus coulteri, pinea, etc. -- Araucaria bidwilli) Plusieurs espèces. Également le pin pignon du Mexique (« piiion ») et d'autres pins du désert. Certains sont ét. « KARREEBOOM » (Rhus lancea) 96
Vient d'Afrique du Sud. Et. Résiste au gel et aux termites. Fourrage, petites haies comestibles pour la volaille. PAPAYE (Carica papaya) Mérite d'être essayé dans des zones sélectionnées. VIGNE (Vitis vinifera) Et. De nombreux cultivars réussissent. Il y a quelque 26 variétés. AUTRES PLANTES GRIMPANTES Kudzu, houblon, kiwi et d'autres plantes grimpantes aideraient à donner de l'ombre et de la nourriture pour les animaux. COQUERET DU PÉROU (Physalis edulis) Des essais vaudraient la peine, avec la « tomate native », la « pomme de kangourou », le « tamarillo », et diverses espèces de Solanum. Il faudrait essayer des hybrides et des greffes sur les Solanacées locales. Riche en vitamine C. Piments, poivrons et aubergines devraient être vivaces au-dessus de la ligne de gelées. Nombreuses espèces établies. Quelques espèces vivaces très intéressantes sont utilisées localement, mais nécessitent sélection et culture. L É G U M I N E U S ES P O U R P L A N T A T I O N S I N T E R C A L A I R E S : Centrosemia pubescens Et. Amène l'humidité en surface (Yeomans, communication personnelle). Paulownia spp. Comme ci-dessus. Aide à fournir de l'humidité en surface. Leucaena spp. Comme ci-dessus. Pour les régions où il ne gèle pas. LUZERNE ARBORESCENTE ou « Tagasaste » (Chaemocytisus prolif erus) Rési st e a u fe u et a u g el. A li me n t p o ur b ét a il et v o la i lle. « MULGA » (Acacia aneura) Et plusieurs acacias natifs, précédement cités. « KAD » (Acacia albida) Vient d'Afrique, perd ses feuilles lors de la saison des pluies. Rustique. Nourriture pour volaille. MESQUITES (Prosopis spp.) HAIES Coprosma repens Et d'autres espèces originaires de Nouvelle-Zélande. Résiste au feu. Aliment pour bétail et volaille. BAMBOUS Et. Nombreuses espèces. Grand bambou noir et bambou géant nécessaires. Très utiles pour construire des structures. CACTUS, ARMOISE, JUJUBIER, etc. Ombre et abri seulement. MARGOUSIER (Melia azedarach) Fruits toxiques pour porcs et volaille. A utiliser avec précautions dans les villages, comme pour le laurier rose. JACARANDA (J. mimosifolia) TAMARIN (Tamarindus indica) Usage alimentaire marginal. TAMARIS (Tamarix articulata) Aussi pour le mulch. E S P È C E S N A T I V E S U T I L E S ( l i s t e r e s t r e i n t e ) ( v o i r é g a l e m e n t l a s e c t i o n s u r l a basse-cour) : « KURRAJONG » (Brachychiton gregorii) Nectar, pollen, fourrage, fibres de l'écorce. 97
« ARBRE BOUTEILLE » (Apophyllum anomalum) Fourrage, éventuellement épice. « FAUSSE ÉBÈNE » (Bauhinia carronii) Feuilles et gousses pour nourrir le bétail. « LI ME BUSH » (Eremocitrus gl auca) Petit fruit pour marmelade ; greffes. « GROSEILLE NATIVE » (Canthium latifolium) Fruit et nourriture pour la volaille. « ORANGES SAUVAGES » (Capparis mitchelli, C. ambonata) (En fait des Câpriers) Fruits consommés par les aborigènes. BERRIGAN (Eremophila longifolia) Nourriture pour Émeu et pigeon FIGUIER (ILI) (Ficus platypoda) Fruit et porte-greffe pour variétés cultivées. « POMME D'ÉMEU » (Oivenia acidula) Fruit comestible. Nourriture pour émeu. Légumes A -- Vivaces Artichaut, asperge, patate douce (Dioscorea), manioc (Manihot), consoude, haricots. Plantes aromatiques -- Ciboulette, sauge, thym, marjolaine, menthes. Nombreux oignons vivaces pas encore essayés. B -- Bisannuels Persil, fenouil, Ombellifères voisines, dont quelques-unes établies, céleri. C -- Annuels Maïs doux, tomate, melon, bourrache, laitue, bettes, épinard, graines germées, chou, pois, haricots. D -- Tubercules et racines Pomme de terre, patate douce, navet, carotte, oignons, manioc, topinambour, oca. Également deux plantes natives : « wapiti » et « yala ». 8 . R e m e r c i e m e n t s e t e x c u s e s C'est vraiment très agréable d'être ici, dans la fraîche et verte Tasmanie, à soigner mes ulcères tropicaux et à faire de brillantes suggestions. Mon admiration pour des hommes comme Mike Last et Ken Hansen, qui passent des années à travailler dans d'affreuses conditions, ne connaît pas de limite. Le plus souvent, les gens qui se vouent à une tâche sont autant entravés par les blancs, qui ne cherchent qu'à exploiter, ou par les formalités administratives, que par le travail qui les attend. Les jeunes gens qui vont au fond des choses voient combien il est nécessaire de persévérer pendant des années avant que les résultats n'apparaissent. Mon admiration devant l'intelligence et l'endurance des aborigènes est également très grande. Ils connaissent beaucoup de choses qu'il nous faut apprendre à propos du but de la vie, et de l'écologie de leur pays. Ils réussiront de nouveau, en dépit du gâchis que nous avons mis dans leurs affaires. Je voudrais remercier Charlie McMahon et Mike Last pour avoir organisé cette expédition ; Charlie, Andrew Prior, Mike, Allan Jenkins, Kim Tjitaya, Ginger Wikilyiri, Willy et John Kantawara pour leurs informations sur les plantes, les techniques, les espèces natives, et pour le transport et l'assistance ; et Rosemary, Wendy, Jane et Jill pour leur hospitalité et les tasses de thé. Il me semble clair, même aujourd'hui, que ceux qui hériteront les régions arides seront (presque uniquement) des aborigènes ; que nous devrions avoir une vision à long terme, et que les aborigènes redeviendront lentement les maîtres de leurs territoires dans cette région d'Australie. Nous pouvons ralentir ou accélérer ce processus, mais pas le stopper. En tant que peuple, ils sont (quand ils se portent bien) actifs, intelligents, merveilleusement adaptés à leur environnement, prompts à apprendre et capables d'accomplir toutes sortes de travaux manuels et d'opérations techniques. Nous les bloquons en exigeant qu'ils sachent lire et écrire comme nous, en niant leur culture, et en faisant preuve d'un racisme continuel. Il est triste de constater que les adultes et les enfants sont souvent en mauvaise santé 98
PHOTO 5.8 : L'AUTEUR ADMIRE UN ROBUSTE FIGUIER NATIF (ILI) QUI SURVIT DANS LES SITES LES PLUS ARIDES ET ROOHEUX. IL PEUT ÊTRE UTILISÉ OOMME PORTE-GREFFE, COMME SUPPORT DE TREILLE OU POUR L'OMBRE. et que l'on n'y fait pas grand-chose. Nous persistons à créer des organismes publics pour tenter de résoudre des problèmes essentiellement privés. Nous manquons de « docteurs aux pieds nus » et de « jardiniers aux pieds nus », en particulier des derniers, qui traitent les causes plutôt que les effets. Des millions sont gaspillés à construire des immeubles sophistiqués qui n'ont pas d'utilité et n'apportent rien de vraiment neuf. Les employés blancs, choisis par le gouvernement, sont parfois franchement racistes, et ne travaillent que pour l'argent. Quelqu'un de cynique dirait que nous cherchons à perpétuer la misère d'un peuple pour entretenir l'« industrie des aborigènes ». Comme le Dr Duguid, je me sens irrité et trahi par ma propre race, du fait de son manque d'initiative, de bonne volonté et de participation, et par l'attitude de certains fonctionnaires. Le monde jugera les Blancs en Australie à la lumière des résultats, et non des intentions. Les bonnes intentions ne sont pas suffisantes. Nous devons écouter les aborigènes, et, ce faisant, nous y gagnerons beaucoup, ou alors, nous emboîterons le pas aux Rhodésiens et aux Africains du Sud. Le contraste entre les dépenses militaires improductives et la misère des gens autour est aveuglante. C'était la même chose en Iran et le désordre qui y règne reflète les effets de la répression stupide et de la distinction entre « ceux qui ont » et « ceux qui n'ont pas ». 5.2 TROPIQUES Poulsen" renforce grandement la thèse de Permaculture 1, où nous mettions l'accent sur le rôle de « pompes à nutriments » que jouent les arbres. Les feuilles et les racines piègent les minéraux de l'air et du sol, et les feuilles se recyclent sous forme d'humus. D'après lui, le Proposis cineraria pénètre jusqu'à 30 m de profondeur, et l'Acacia tortilis développe un 99
fouillis de racines sur 40-50 m : planter relativement peu de ces arbres assure le développement d'un « filet de sûreté » sous les jardins. Dans les régions sèches, le même auteur recommande l'Acacia albida, une espèce spéciale qui perd ses feuilles en saison humide et n'empêche donc pas la pluie de tomber sur les récoltes, mais les protège des cieux clairs et ensoleillés. Il valorise aussi l'« agriculture sans labour » sous les tropiques, et conseille d'utiliser un mulch de branches de Prosopis, d'Acacia et d'Ailanthus excelsa, utilisés comme haies, brise-vent et fourrage pour les moutons. Des fermiers au Rajahstan (Inde) « cultivent jusqu'à 40 Prosopis cineraria par hectare, dont les nutriments, par l'intermédiaire du bétail, sont un moyen idéal d'utiliser le mulch de branches ». Poulsen illustre la façon dont le coton pousse sous les « arbres à beurre » (karité), tandis que Van der Muelen recommande les doliques sous les palmiers du genre Borassus. Frank Martin et Ruth Roberte de l'Institut d'agriculture tropicale à Mayaguez (Porto Rico) ont publié un excellent guide pour la survie et la subsistance dans les régions tropicales. Ils ont mis au point le plan d'un petit jardin circulaire comportant les principales cultures, en faisant très attention à la nutrition. Leurs ouvrages sont des manuels de base de connaissances et de techniques, s'appliquant à presque tous les aspects de la survie sous les tropiques au moyen des plantes et des animaux. On y trouve l'excellent Guide Samaka de l'agriculture domestique des Philippines. C'est également en bordure de la zone des moussons que Fukuoka' a développé son remarquable système de culture sans labours, où il n'utilise que la volaille pour produire du fumier (les canards sont utiles pour contrôler les animaux indésirables et pour recycler les matériaux). Ce n'est donc pas parce que nous manquons de stratégies que nous n'avons pas réalisé un système tropical stable : c'est qu'il nous faut aussi des gens pour unifier ces stratégies et les mettre en pratique. Autant que les stratégies, les espèces et leur disposition, la planification de l'action du soleil et du vent et la prise en compte du confort humain sont essentielles. Dans les régions tropicales, la « maison d'ombre » des zones tempérées peut nécessiter un mulch sec pour absorber l'humidité de l'air pénétrant dans la maison. Il peut être nécessaire d'établir des protections des deux côtés de la maison lorsque le soleil passe de tropique à tropique. Tout ceci est compensé par la vaste gamme de fruits utiles et par la production étalée sur l'année entière. 100
FIG. 5.26: STRATÉGIES TROPICALES « EMPILANT » LES VÉGÉTAUX ET RECYCLANT LES NUTRIMENTS. LES CULTURES SONT ENTOURÉES D'UN MULCH PROVENANT DES FEUILLES ET DES BRANCHES DES ARBRES, QUI RETIENNENT LES NUTRIMENTS LESSIVÉS DANS L'ENCHEVÊTREMENT SOUTERRAIN DE LEURS RACINES. FIG. 5.27 : STRATÉGIES TROPICALES POUR RECYCLER LES NUTRIMENTS. BRANCHES ET FEUILLES DONNÉES AU BÉTAIL SONT RENDUES AUX CULTURES, PROTÉGÉES PAR DES HAIES ET DES PLANTES A GRAINES QUI SERVENT DE NOURRITURE A LA VOLAILLE ET AU BÉTAIL. LE FUMIER EST RENDU AUX CHAMPS, OÙ LES LÉGUMINEUSES COUVRENT LE SOL PARMI LES CULTURES DE RACINES ET DE CÉRÉALES. LES ARBRES EMPÊCHENT LES « HERBES INDÉSIRABLES » DE PÉNÉTRER ET LE SYSTÈME DE CULTURES SANS-LABOUR DE FUKUOKA3 EST EMPLOYÉ. 1. Tropiques humides Comme beaucoup d'Européens, je ne me sens pas à l'aise dans ce climat, et il est difficile de s'y retrouver dans le grand nombre d'espèces et de combinaisons. Ici, presque tous les nutriments sont mobiles et contenus dans le tissu de la vie. Le sol est fragile, facilement lessivé, souvent très profondément pourri, et si on le déboise, il se transforme rapidement en latérite et se couvre de rigoles d'érosion. S'il fallait jamais planter des arbres quelque part, ce serait ici. Les arbres poussent facilement à partir de graines, de boutures et de divisions de racines. Il faut constamment garder quelques arbres, même au-dessus des cultures. Poulsen" affirme que « plus de 75 % des nutriments végétaux solubles qui sont présents dans une zone donnée sont contenus dans la biomasse formée par les communautés végétales en croissance ». Ces nutriments, dit-il, ne sont pas absorbés par le sol comme sous les climats tempérés, mais sont retenus dans l'enchevêtrement des racines et des champignons mycéliens vivant en symbiose sous la surface du sol. La fertilité provenant du défrichage de la forêt n'est que « transitoire » : elle est suivie du lessivage des nutriments et de la stérilité des sols. Le petit livre de Poulsen est un manuel condensé de stratégies pour les tropiques humides. En considérant les diagrammes et les schémas, la leçon qu'il nous donne, ainsi que Van der Muelen, est claire. Il nous faut maintenir une importante biomasse dans les régions tropicales humides sous forme de cultures vivaces et d'arbres. Même sous ce climat, les vents qui soufflent en dehors des saisons des pluies ou des moussons sont très arides et destructeurs, apportant le souffle des déserts dans les jardins. Les stratégies concernant les brise-vent et le fourrage s'appliquent donc de la même manière que dans les zones tempérées ou arides. Le mulch est aussi important, ou même encore davantage, et 101
il a plus de valeur comme engrais ; les animaux de toutes tailles permettent à l'énergie de circuler et sont utiles pour récolter les nutriments éparpillés. 102
5.3 CÔTES MARINES Le bord de mer, où qu'il soit, présente des difficultés particulières. Venant de l'immense plaine d'eau, les vents arrivent avec force, transportant du sel et des grains de sables abrasifs. Les similitudes avec le désert et l'« altiplano », ou hauts plateaux, sautent aux yeux. Les oiseaux, les plantes et les autres espèces nous le démontrent par leur fréquence simultanée dans les déserts et les régions côtières ou montagneuses. Les échassiers, les craves, les « currajongs », les corbeaux, les étourneaux, certaines plantes à baies et certains insectes que transporent ces oiseaux présentent également la même répartition ; plusieurs espèces de grenouilles habitent à la fois les côtes et les hauts plateaux, ou bien les côtes et les déserts. Les défenses du permaculteur peuvent donc provenir de tous ces environnements : les agaves, les yuccas, les palmiers et les cactus seront aussi utiles à l'intérieur des terres que sur les côtes, de même que tous les arbres à feuilles coriaces, laineuses, épaisses, cireuses, brillantes ou en forme d'aiguilles. Toutes ont la même fonction : résister au vent, à la sécheresse, au sel, au sable. Les écorces liégeuses et les tiges fibreuses aident aussi à supporter les projections abrasives de sable, de même que l'« auto-mulching » des tamaris et des casuarinas. Les tiges fibreuses des palmiers et des yuccas sont connues pour être résistantes. Les réservoirs à eau végétale que sont les baobabs et les « arbres-bouteilles », les plantes charnues comme la glaciale, la figue des Hottentots et les arroches sont des espèces fort utiles, de même que les coprosmas de Nouvelle-Zélande et les « pins » côtiers de l'hémisphère sud (Araucaria, Callitris). D'autres espèces sont pleines de promesses ; le mieux est d'aller visiter les jardins du bord de mer exposés aux embruns. Les gros avantages des régions côtières sont que la neige et le gel y sont presque inconnus, que leur climat y est généralement plus tempéré et que les rosées et les brumes y sont plus fréquentes qu'à l'intérieur des terres, plus sec. Le plus gros problème vient des brûlures qu'occasionne le sel lorsque le vent souffle de la mer sans qu'il pleuve, déposant ainsi le sel sur les feuilles. Comme le fait remarquer Lilian Callow dans « Trees for the Sea Coast » (Arbres pour le bord de mer -- The Tree Society, 258 Mill Poind Rd., South Perth, West Australia), c'est parce que des feuilles sont tuées par le sel, plutôt qu'à cause de la force du vent, que les arbres du bord de mer présentent leur forme caractéristique. FIG. 5.28: SUCCESSION DE PLANTATIONS EN BORD DE MER. Les végétaux à placer en première ligne sont les grands et gracieux brise vent qui supporteront le premier choc. Par exemple : Cocotier (Cocos nucifera) Palmier de Californie (Washingtonia filifera) Palmier des Canaries (Phoenix canariensis) Palmier dattier (Phoenix dactylifera) Araucarias (Araucaria excelsa, A. heterophylla) « Macrocarpa » (Cupressus macrocarpa) Callitris (Callitris robusta, C. tamarria, C. tasmanica) Sous ces arbres, des espèces buissonnantes basses, qui peuvent être très résistantes, suppriment le vent au niveau du sol et forment des , bosquets ou des haies. Boobyalla et Acacias (Acacia sophorea, A. cyclops, A. myoporum) Banksia (Banksia marginata, B. serrata, B. attenuata, B. menziesi) Tamaris (Tamarix aphylla, T. parviflora) Caroubier (Ceratonia siliqua) Lyciet du Cap (Lycium ferocissimum) Albizzia (Albizzia lophantha) 103
Coprosma (Coprosma repens, C. retusa, C. Kirkii) Buddleia (Buddleia salvifolia, B. globosa) Metrosideros (Metrosideros excelsa) Et à l'intérieur du jardin, des haies basses de : Romarin (Rosmarinus of ficinalis) Armoises (Artemisia spp.) Fusain du japon (Euonynus japonica) Épine-vinette du Chili (Berberis darwinii) Herbe des pampas (Co rtaderia selloana) Dans les zones humides, des haies de Melaleuca, taillées ou non, fournissent des tuteurs et des perches utiles. Parmi les espèces possibles, citons les Melaleuca pubescens, M. hypericifolia, M. flavescens et Leptospermum laevigatum. Après la première rangée, qui réduit la force du vent et sa salimité, peuvent suivre de nombreuses espèces utiles : Olivier (Olea europaea) Caroubier (Ceratonia siliqua) « Prune caffre » (Harpephyllum ça f f rum) Bambous Cognassiers, et le mélange habituel de fruits à noyaux et d'agrumes. Les nectarines en particulier apprécient les hivers doux. Et enfin un complexe de légumineuses et d'arbres fruitiers dans des recoins abrités, à une centaine de mètres de la côte. Sur les collines et dans les zones moins exposées, la plupart des pins (Pinus pinea, P. pinaster, P. radiata) se développent bien et produisent le mulch acide qui contrebalance l'alcalinité des jardins dans les déserts et au bord de la mer ; ce mulch peut aussi être employé pour la culture des myrtilles. Aussi bien dans les déserts que sur les côtes, on a intérêt à abriter les jeunes plantations avec des treillis ou des barrières et à utiliser ces dernières comme support pour des plantes grimpantes basses, dont plusieurs sont aussi des espèces rampantes, utiles pour couvrir le sol. Ruth Geneff, de Perth, recommande la Kennedia prostrata, une légumineuse produisant un bon mulch, tandis que les Mesembryanthemum, Dolichos, Tecoma et Tetragonia, parmi d'autres, empêchent le sable de s'amonceler et le sol de s'assécher. De nombreuses plantes rampantes locales, charnues ou coriaces poussent sur les côtes. Les lupins s'y plaisent également, tant les espèces annuelles que les vivaces. Ils accroissent la fertilité du sol et, ce faisant, retiennent le sable. Sur les terrains exposés et rocheux, le chêne vert (Quercus ilex), le Casuarina equisetifolia et les Callitris brisent le vent et permettent de développer la végétation à l'intérieur des terres. 5.4 LA CRÉATI ON DE MI CROCLI MATS En planifiant un terrain pour l'autosuffisance, des structures et des terrassements en surnombre peuvent être utilisés pour atténuer les grands écarts de températures, pour abriter des plantes importantes ou particulièrement appréciées, et pour réduire les besoins en énergie active. C'est ainsi que l'aspect des pentes joue un rôle critique dans le choix à faire entre les espèces résistant à la sécheresse et tolérant l'humidité. Chaque bâtiment possède de tels « aspects », et en construisant des treilles leurs effets peuvent être accrus. Dans les jardins récents, ce qui manque le plus est la protection contre le vent. Des espèces commes les agrumes, les avocats et les Macadamia doivent lutter pour survivre. Dans ces cas, il est urgent de construire des treilles presque à angle droit des murs est, ouest et sud. Ces treilles ont de multiples effets : elles séparent l'espace fonctionnel des zones réservées aux divertissements, aux jardins ou aux services ; elles empêchent l'écoulement d'air froid le 104
long des murs, agissent comme un « piège à soleil », et présentent une structure idéale pour les cultures de plantes grimpantes. Les treilles construites sur des levées de terre, sur des murs de pneus ou de pierres, à la base de rochers, sont efficaces comme protection initiale. Elles peuvent s'incurver en partant des coins de la maison ou simplement s'intégrer à la façade d'une école ou d'une grande construction, permettant ainsi de disposer de plusieurs lieux où établir des bancs, des pelouses et des jardins. Il est fréquent avec les bâtiments officiels que leurs surfaces étendues convergent pour former des couloirs à vent. Les treilles sont souvent la seule réponse à ce problème, et des entrées en forme de flèche contribuent encore à briser le vent. De même, les routes de faible importance constituent la plupart du temps des couloirs où le vent s'engouffre. De gros rochers, des plantes et des treilles les convertissent en accès protégés et sinueux, en même temps qu'ils bloquent la poussière, le froid et le bruit. Ceci est vrai des entrées pour véhicules, des routes de service, des voies sans issue et des routes secondaires. Le treillis horizontal a plusieurs usages: · il protège les fenêtres du fort soleil de l'été ; · il permet de créer des treilles de plantes grimpantes qui protègent les cultures délicates dans les déserts ou les régions à climat estival très chaud ; · il augmente le rayonnement solaire sur les cultures. Il faut faire l'expérience de la fraîcheur d'une « maison d'ombre » dans l'été australien torride pour le croire. De petites vasques, quelques fougères et de l'eau qui s'écoule augmentent encore l'effet rafraîchissant, autant physiquement (par évaporation) que psychologiquement. En de tels lieux, l'air a une qualité différente, quelque chose de vivant qui manque habituellement à l'air languissant des zones calmes. Les treilles peuvent toujours être soutenues par un brise-vent permanent, et à mesure qu'il se développe, les arbres pourront croître sous la protection d'un abri qui poussera avec eux. Il faut ajouter à cela la réflexion des radiations provenant des murs et des étangs. Certaines sont figurées, mais on ne voit pourtant que rarement une serre construite face à la réflexion du soleil sur un étang situé au sud, ou une « mare solaire » servant au chauffage des bâtiments. Même si l'on ne fait qu'arrondir un coin, le micro climat change nettement : alors qu'il convenait aux herbes délicates comme le céleri, le persil, la ciboulette (et les fraisiers), il devient sec et chaud, parfait pour les plantes aromatiques qui produisent ainsi .davantage d'essences. 105
6. STRUCTURES Sous tous les climats, l'homme vit dans un environnement qu'il a construit. Ses abris sont au centre du système de zones en permaculture. Qu'il construise pour lui ou pour son bétail, il est essentiel que les nouveaux bâtiments soient construits de façon à fournir leur propre chaleur et au moins une partie de la nourriture. C'est dans ces constructions que la plus grande partie de l'énergie domestique est consommée, que nous survivons aux températures extrêmes, chaudes ou froides, et que nous pouvons superviser et planifier l'évolution des systèmes qui permettent notre vie. Il est évident qu'un jardin diversifié est la source d'une variété d'aliments qui n'ont pas besoin d'être cuits, réduisant ainsi les besoins en bois de feu. La traditionnelle prédilection pour les céréales et les légumineuses a créé une demande en combustible que des pays comme l'Inde ne peuvent plus se permettre. Les noix, les fruits, les légumes verts et de nombreuses racines n'ont pas besoin d'être cuits, et sont, à l'état cru, d'une valeur nutritionnelle égale ou supérieure. Les stratégies domestiques qui consistent à faire cuire dans un récipient des aliments qui n'ont ensuite besoin que d'être réchauffés, et de faire la cuisine pour un grand nombre de personnes à la fois, sont aussi importants pour économiser le combustible. La plus grande source de gaspillage provient des industries qui refusent leurs responsabilités comme celles qui produisent du carton, des journaux, etc., ainsi que des véhicules qui engloutissent de l'essence. Mais l'individu devrait essayer de dépenser le moins possible d'énergie, dans son intérêt personnel. Du même coup, il réduira le gaspillage d'énergie qui se pratique à l'échelle industrielle. 6.1 L'HABITATION CLIMATIQUE On ne peut faire mieux que de lire (ou de relire) Kern32 pour avoir des idées sur le contrôle passif du climat dans la maison, mais, comme il le fait remarquer, les systèmes mis au point localement pour convenir à des climats spécifiques se développent, et de nombreux architectes sont (ou devraient être) conscients des bénéfices, entre autres sur le plan financier, qu'apporte le contrôle du froid et de la chaleur par les structures (bien que je n'en voie pas encore de manifestation en Tasmanie). Les gens dépensent d'énormes sommes dans les matériaux de construction, dans le terrain et dans les plantes, souvent sans consulter les ouvrages (bon marché) qui leur permettraient d'économiser bien davantage de frais d'entretien par la suite. Et de nombreuses maisons sont déjà construites, ou en train d'être construites, sans que l'on ait pensé aux restrictions futures en pétrole et aux coûts croissants du combustible. C'est pour cette raison que j'ai inclus des informations sur les améliorations que l'on peut apporter aux constructions déjà réalisées, de même que des stratégies à employer pour les bâtiments futurs. Le résultat de la planification d'une maison climatique est de réduire ou d'éliminer le besoin d'un apport extérieur d'énergie pour contrôler le climat. Du fait que la chaleur du soleil est régulée et emmagasinée dans la masse des planchers, des murs et des réservoirs d'eau, et que les courants d'airs sont évités, la moindre production de chaleur par le corps, par la cuisson des aliments et éventuellement par un poêle est suffisante pour que l'ambiance soit confortable. On peut ajouter aux plans architecturaux des aides biologiques comme des toits de terre gazonnée, des plantes rampantes ou grimpantes pour isoler le toit ou les murs, des serres et des « maisons d'ombre » pour la production alimentaire et la modification du micro-climat. Tout ceci aide à intégrer la maison dans son environnement extérieur. Mais pour commencer, toutes les personnes qui construisent ou achètent une maison doivent connaître les principes de base d'une maison climatique (fig. 6.1). Un ouvrage essentiel pour tous les Australiens est celui de Deborah White8 et de l'équipe de Melbourne qui ont travaillé sur ce sujet et sur d'autres problèmes d'énergie. Pour d'autres plans, voyez le numéro de l'été 78 de CoEvolution Quarterly (22) et les numéros suivants. 22 Edition américaine. N.d.T. 106
1 SERRE LE LONG DU MUR DE DEVANT : CHAUFFAGE, PROPAGATION DES PLANTS, OULTURE DES LÉGUMES TOUTE L'ANNÉE, OULTURE DE VIVACES NON CULTIVABLES NORMALEMENT. 2 « MAISON D'OMBRE ' SERVANT A RAFRAÎCHIR - MARE ET SUINTEMENTS, FOUGÈRES, PLANTES D'OMBRE. VENTILATION, VOIR FIG. 6.2. 3 PLANCHERS ET MURS FORMANT UNE MASSE THERMIQUE IMPORTANTE (BÉTON, PIERRE, TERRE, ETC.). 4 PRS DE FENÊTRES SUR LES MURS EST ET OUEST. PEU DANS LE MUR NORD. 5 MUR DE VERRE POUVANT ÊTRE OUVERT SUR LA SERRE (PORTES VITRÉES OOULISSANTES), PLUS RIDEAUX ÉPAIS RUANT DU PLAFOND RU SOL. 6 BASSIN DE RÉCEPTION DES EAUX USÉES (DE LA CUISINE ET DE LA SALLE DE BRIN), LIBÉRANT LA CHALEUR RESTANTE DANS LA SERRE. L'ÉCOULEMENT SE FRIT VERS LE JARDIN DE PLANTES ANNUELLES OU LA MARE A POISSONS ET A CANARDS. 7 POÊLE A COMBUSTION LENTE. LA CHALEUR PROVENANT DU CONDUIT DE FUMÉE EST IRRADIÉE DANS LA SERRE. FIG. 6.1 : HABITATION ÉCONOMIQUE CONSERVANT L'ÉNERGIE (MODIFIÉE D'APRÈS COLDICUTT ET WHITE8) 107
Les fondements d'une maison climatique sont : · Protection contre les vents froids, d'où plantation de brise-vents (voir fig. 2.5). · Orientation suivant un axe est-ouest, face au soleil. De cette façon, il est possible d'y intégrer une serre. · Peu de fenêtres sur les murs est et ouest, ou seulement de très petites ouvertures fixes. Ces murs peuvent alors servir de support à des plantes grimpantes servant d'isolation. · Pas de fenêtres et de portes dans le mur nord, ce qui facilite l'intégration de la « maison d'ombre » (voir fig. 6.1 et 6.2). · Toute la maison et chaque ouverture en particulier est rendue étanche aux courants d'air. Seuls quelques orifices essentiels (très petits) dans les toilettes et dans la salle de bains doivent être gardés ouverts. · Dans les régions à étés chauds, la face sud est ombragée par des arbres à feuilles caduques ou par des plantes grimpantes. Ceux-ci sont omis dans les régions plus fraîches. · Tous les murs et les plafonds, ainsi que le périmètre (1, 5 m) sous les dalles du plancher sont isolés. La zostère (23) est l'isolation la plus sûre, mais on peut aussi utiliser efficacement les journaux usagés. · Les structures massives comme les cheminées, les dalles de plancher, les murs de brique, les réservoirs d'eau, etc. sont situés (quand c'est possible) à l'intérieur de la barrière que crée l'isolant et agissent ainsi comme accumulateurs de chaleur. La maison idéale comporte un « placage en briques à l'envers » : les briques sont montées à Pinté-rieur de l'isolation de la maison'. Ø 1-4 SONT DES PRISES D'ARÉATION. OUVRIR 2 ET 3 EN HIVER OUVRIR 1,3 ET 4 EN ÉTÉ PLANTES GRIMPANTES A FEUILLAGE PERSISTANT AU NORD (TECOMA, PASSIFLORE, ETC.) PLANTES GRIMPANTES A FEUILLAGE CADUC AU SUD (VIGNE, ETC.) FIG. 6.2 : MAISON MODIFIÉE PAR UNE « MAISON D'OMBRE » ET UNE SERRE, UNE TREILLE, DES PLANTES GRIMPANTES. VOIR AUSSI RÉF. 8 ET 34. · L'avancée du toit et la hauteur ou la profondeur des fenêtres sont calculées de façon à ce 23 Plante marine trop rare pour pouvoir être utilisée en Europe. 108
que le soleil d'hiver tombe sur la largeur totale des dalles du sol, et que le soleil d'été n'atteigne pas les murs (fig. 6.21). · Toutes les fenêtres donnant sur le nord et le sud sont munies de rideaux lourds et épais, bien ajustés, courant du sol au plafond. On peut aussi employer des stores. De telles maison reviennent moins cher à construire et à entretenir que celles qui nécessitent des chaudières à mazout et des cheminées. Mais surtout elles permettent de survivre dans la chaleur et le confort sans avoir à recourir aux combustibles dérivés du pétrole. Il n'est plus nécessaire, ni même sensé, de construire un autre type de maison que celui qui économise ou qui génère de l'énergie. 6.2 MODIFICATIONS DE LA MAISON Les changements à apporter aux structures déjà existantes sont basées sur les mêmes critères. Une serre intégrée au sud et une « maison d'ombre » au nord (fig. 6.2), plus des plantations « piègeant » le soleil, une treille et une bonne isolation transforment parfaitement une maison déjà bâtie. Le problème principal réside dans la disposition souvent perverse des chambres dans les maisons anciennes, qui sont souvent face à la route plutôt que face au soleil, et dans la manie d'implanter des fenêtres de verre dans tous les murs extérieurs. (Du moins le verre peut-il être utilisé à des fins plus judicieuses, ou pour garnir de double-vitrage de plus petites fenêtres.) Nous pouvons résumer ainsi les moyens de rendre les anciennes maisons plus efficaces. Il faut : · planter des arbres pour « pièger » le soleil, établir des treilles et des buissons au nord et à l'ouest ; · adjoindre une serre au sud si c'est possible ; · adjoindre une « maison d'ombre » au nord dans les régions à étés chauds (fig. 6.1 et 6.4) ; · soigneusement étanchéifier tous les joints et réduire la ventilation (bloquer tous les vieux ventilateurs) ; · isoler les plafonds ; mettre des treilles ou des plantes grimpantes le long des murs est et ouest ; et · ajouter une masse thermique sous forme de dalles de béton, de réservoirs d'eau, de briques ou de pierres dans la serre ou dans les pièces chaudes isolées. · Les références de base pour la conception des serres attenantes sont Fisher et Yanda34 et McCullagh35. Une serre attenante comporte les traits principaux suivants : · Elle peut être orientée jusqu'à 60° du sud (vers le milieu du ciel dégagé plutôt que vers le sud). · Les murs est et ouest doivent être isolés, et solidement construits. · La base doit être isolée, en particulier autour des fondations. · Il faut utiliser des cadres de bois pour éviter la déperdition de chaleur (les cadres de métal laissent échapper la chaleur trop rapidement). · Des panneaux de verre simples forment le vitrage le plus durable et le plus efficace. · Si l'on creuse un trou sous la pente de la base, moins de chaleur se perd dans le sol à l'extérieur. · Un orifice d'aération bien étanche doit être placé vers le sommet de la serre. · De l'eau dans de petits récipients est ce qu'il y a de mieux pour stocker la chaleur. De petites mares sont également utiles ; on peut les pratiquer sous les bancs. · Pour être le plus efficace possible, le verre doit être incliné à 45° ; et · Les murs du fond sont peints en blanc pour réfléchir efficacement la chaleur. S'il est nécessaire de laisser sortir la chaleur par des orifices en hiver, il faut que le stockage de la chaleur soit supérieur afin de capturer la chaleur en excès. Le plus simple dans ce but 109
consiste sans doute à utiliser des récipients remplis d'eau. Le diagramme de la fig. 6.2 montre comment le système fonctionne. En été quand la maison est trop chaude, ouvrez l'orifice 1 du sommet de la serre : l'air s'échappe, attirant à travers l'orifice 4 de l'air frais qui passe sur le mulch humide et dans la « maison d'ombre », couverte de plantes grimpantes et de fougères, où de l'eau vaporisée, ou coulant sur le mulch, rafraîchit l'air. En hiver, fermez les orifices 4 et 1 et ouvrez 2 et 3, de façon à ce que dans la journée l'air chaud de la serre circule dans les chambres isolées. Fermez le soir pour emprisonner l'air chaud. La « maison d'ombre » (petits fruits et crucifères) et la serre (épices et plantes tropicales) contribuent toutes deux à la production de nourriture de la famille, tout en diminuant les coûts de chauffage. De cette façon, nous mangeons mieux à meilleur marché et vivons plus confortablement grâce à ces systèmes d'énergie passive. Fisher et Yanda34 traitent d'au moins une partie de ce système -- la serre, mais tous ceux qui possèdent une « maison d'ombre » peuvent témoigner de son effet bénéfique au cours de l'été australien. Dans les bâtiments publics, telle cette école conçue avec Sweetnam et Godfrey (Victoria) par l'auteur, une zone d'ombre centrale permet à l'air d'être aspiré dans tous les bâtiments entourant la cour, où peuvent se réfugier les professeurs et les enfants en période de canicule. Même l'eau qui tombe goutte à goutte est une aide, comme l'est la vue de fougères dans un paysage desséché. Les réservoirs d'eau, que l'on considère souvent comme scandaleux et démodés -- à tel point qu'à Perth (Australie occidentale), les habitants d'une rue signèrent une pétition pour qu'un nouveau résident (un ancien fermier) enlève son réservoir jugé « inesthétique » --, peuvent servir à rafraîchir la « maison d'ombre », recouverts de plantes grimpantes. (Les résidents prétentieux n'ont pas gagné -- le fermier a toujours son réservoir, et ils ont des insuffisances d'eau et du sel sur leur sol.) Dans les climats vraiment frais, des treilles disposées à angle droit des murs diminuent les vents froids et forment des poches d'air chaud au sud. En arrangeant l'utilisation d'eau chaude dans la partie sud de la maison, on obtient un double bénéfice : 1. Les « mares solaires » peuvent être remplies aussi bien hors de la serre qu'à l'intérieur pour fournir de l'eau chaude ; et 2. l'eau chauffée des éviers, des douches et des bains peut être libérée dans un réservoir de refroidissement à l'intérieur de la serre (voir fig. 6.14). 110
6.3 LE SOLEIL ET LE VENT : AMIS OU ENNEMIS Les structures affrontant le vent devraient être comme un vaisseau affrontant la mer, qu'ils soient effilés comme l'avant d'un bateau ou perméables comme un radeau, ou les deux à la fois. Les fig. 4.5 et 4.6 suggèrent un « piège à soleil » en « U », dont le dos courbé est perméable reçoit les vents froids alors que sa face est orientée au sud. La figure présente des ailes égales de chaque côté du « U », et une orientation précise vers le sud. Ce n'est peut-être pas la meilleure forme ou le meilleure orientation pour tous les sites ; si par exemple un site local est dominé par des vents d'est salés et violents (comme ceux qui hurlent autour de ma maison pendant que j'écris ces lignes), le « U » devrait être plus haut et plus long à l'est qu'à l'ouest. Si les matins sont clairs et ensoleillés et les soirées nuageuses, ou si le soleil se couche tôt derrière une colline située à l'ouest, le « U » devrait être déplacé le sud-est pour récupérer le maximum de soleil. Le long des côtes hostiles, sèches et ventées, ou sur les sites froids, une série entière de « pièges à soleil » reliés les uns aux autres peut-être la seule solution judicieuse pour planter. FIG. 6.4 : « MAISON D'OMBRE » AU NORD DE LA CUISINE, DU BUREAU, DE LA BUANDERIE, DU COULOIR D'ENTRÉE. Notez que dans les « filets » de protection contre le vent (voir fig. 4.6), la jonction des coins (comme à gauche de la figure) donne des champs plus carré que le fait la jonction des centres (comme à droite). De même, les écrans à soleil peuvent être courbés et rétrécis aux extrémités pour laisser passer la lumière basse des premières heures de la journée en connaissant la course du soleil. 111
6.4 QUELQUES MAISONS NOUVELLES 1. Maisons de terre Lorsque je travaillais dans les plaines du haut pays de Tasmanie, glacées et battues par les vents, dans les années 60, je devais récolter les oeufs des truites dans la neige hivernale et transporter les poissons dans des eaux moins peuplées et donc plus productives. Par chance, des ouvriers travaillant à la réfection d'une route avaient élevé un mur de terre haut d'environ 1 m 80 derrière la cabane où nous vivions, ce qui avait changé le climat de façon remarquable. En nous isolant des vents du nord et en « piégeant » la chaleur du soleil du sud, notre cabane fut rendue bien confortable. Des buissons poussèrent sur la levée de terre, plus grands que dans la plaine, ce qui m'amena à concevoir l'idée d'une maison de terre pour les régions désertes, froides, battues par les vents et hostiles. En voici le schéma, et dans l'opinion de Ken Yeomans et d'autres expertes des maisons de terre, cette structure est à la fois commode à construire et bon marché ; elle peut constituer aussi un abri pour les animaux ou un hangar de stockage. Ce type de maison est isolé par la végétation et par la terre, le fossé qui l'entoure sert de réserve d'eau, et des puisards intérieurs permettent l'évacuation des déchets et l'approvisionnement en eau. Le toit en partie transparent la transforme en serre. Le tout coûterait moins de $ 1000 à construire, plus la dalle du plancher et les supports du toit (figs. 6.5 et 6.7). La laiterie des pionniers australiens (fig. 6.8) est, comme quiconque en a hérité une peut l'attester, un lieu de stockage très frais, situé sous le niveau du sol, et un refuge contre l'incencie. Les habitations du désert doivent avoir le même principe « souterrain » de construction. 2. Maisons végétales Maison et plantes peuvent être intégrées à des degrés divers -- de la maison complètement envahie de végétaux, aux structures conventionnelles couvertes de plantes grimpantes ou de gazon. Le « Sun Herald » du 18 juillet 1978 reproduit la photographie d'une « biostructure » conçue par Rudolf Doernach à Stuttgart en Allemagne. Elle possède une armature assez conventionnelle d'acier léger et de bois, recouverte de plantes grimpantes à feuilles persistantes et coriaces (plusieurs espèces de lierre, de géranium et de plantes grimpantes des côtes répondent à cette description). Le résultat est sensé être chaud, confortable, et résisterait aux hivers rigoureux de l'Europe. Les occupants bénéficient d'un environnement plus sain. Seules les portes et les fenêtres doivent être débarrassées des lianes, et si la structure est conçue pour accepter les plantes rampantes, il n'est pas nécessaire de tailler. La construction figurée a la forme d'un igloo. Le même article présente une maison dont la base est un dépôt corallin : on utilise un électrolyte comme l'eau de mer ou de l'eau douce pour déposer un résidu chimique sur un grillage métallique de n'importe quelle forme. Le résultat ressemble à une grotte de corail 112
FIG. 6.5: STADES DE OONSTRUCTION D'UNE MAISON EN TERRE. FIG. 6.6 : SECTION D'UNE MAISON EN TERRE -- DES DIVISIONS LÉGÈRES PEUVENT ÊTRE ÉTABLIES A L'INTÉRIEUR. LE MUR SUD EST EN VERRE, LE MUR NORD EST EN TERRE, SANS OUVERTURE. 113
FIG. 6.7: PLAN D'UNE MAISON DE TERRE CONÇUE POUR LA TOUNDRA OU DES PLAINES VENTÉES. (réf. : Prof. Wolf Hilbertz, directeur de l'Institut américain d'architecture expérimentale, Faculté d'architecture, Université du Texas, U.S.A.). Ici, les plantes font partie intégrante de la structure de la maison. La construction de la fig. 6.9 a été conçue comme un abri pour les animaux domestiques, mais ce pourrait être aussi une maison en région tropicale. La structure en est très légère. La construction de la fig. 6.12 (d'après Doernach) est plus sophistiquée, en ceci qu'une caisse ventilée servant au compostage y produit de la chaleur. Les matières compostables, stockées à sec en automne puis « chargées » à intervalles de 3 semaines dans une boîte de ce type « brûleraient » à 66-82°C jusqu'à ce que le compostage soit achevé, un peu à la manière d'un feu couvant. Là 114
aussi, ce système peut être utilisé dans une serre ou dans un abri pour animaux. Les vents qui soufflent le long des murs sont les principaux responsables de la perte de chaleur ou d'air frais. L'air immobile, ou l'eau, constituent la meilleure isolation ; chez les plantes, il s'agit de l'air retenu dans un enchevêtrement de tiges et de racines, ou de l'abri que procurent les écrans végétaux et les buissons. Les plantes grimpantes, les écrans, les buissons denses et les brise-vents devraient avoir pour but de réduire l'écoulement de l'air autour des constructions, ce qui accroît l'efficacité de l'isolation. Holgar Wishart (Institut de technologie des Nouvelles Galles du Sud -- communication personnelle) note que le vent passant au-dessus et autour des éléments de chauffage solaire est la cause principale de leur inefficacité. Pour éviter cela, il faudrait les encastrer dans le toit du bâtiment, en posant une épaisse couche d'isolant sur le toit et en protégeant chaque élément par une verrière située à 50 mm environ au-dessus, plutôt que de le laisser exposé aux vents. Stephen Lesiuk (communication personnelle, mai 78) a mesuré au printemps les gains et les pertes de chaleur sur un mur de brique nu ou recouvert de plantes pour obtenir des données concrètes sur les effets isolants des plantes grimpantes. Ses résultats n'ont pas encore été publiés, mais en voici quelques-uns : le lierre couvrant un mur de briques supprime la pénétration d'environ 70 % de chaleur excédentaire estivale tout en évitant la perte d'environ 30 % de chaleur provenant de la maison la nuit. Des douzaines de bâtiments construits en briques pourraient bénéficier de cette simple isolation biologique. FIG. 6.8 : LAITERIE DE CAMPAGNE TRADITIONNELLE, TAILLÉE DANS LA TERRE ; LES MUAS SONT MAÇONNÉS ET LE TOIT AECOUVERT DE GAZON, LE PLANCHER EST FAIT DE TERRE BATTUE, OU BÉTONNÉ. LES AVANT-TOITS SE TERMINENT AU-DESSUS D'UN DRAIN. LA FRAÎCHEUR EST GARANTIE QUEL QUE SOIT LE TEMPS. 115
FIG. 6.9 : « MAISON DE PLANTES » 1 (PLAN) DALLE DE BÉTON AU SOL, SPIRALE DE BAMBOU OU DE PEUPLIER, PILIER CENTRAL CONSTITUE PAR UN ARBRE EXISTANT. LES MURS SONT TISSÉS ET COUVEATS DE LIERRE JUSQU'AU TOIT. O'EST UN ABRI BON MAROHÉ POUR LE BÉTAIL. F I G . : 6 . 1 0 : MAISON DE PLANTES » 1 (SECTION). 116
FIG. 6.11: « MAISON DE PLANTES H 2 (SECTION). LE TOIT EST GAZONNÉ ; SERRE A L'AVANT, FOUGÈRES ET CAVE À L'ARRIÈRE. FIG. 6.12: « MAISON DE PLANTES » 3 (SECTION). LE DÔME EST FRIT DE MÉTAL, DE BÉTON, DE PLASTIQUE OU DE BOIS, RECOUVERT DE LIERRE OU DE GAZON. DES PLANTES ABRITENT LES MURS (D'APRÈS DOERNACH). (*) ILS POURRAIENT ÊTRE RÉCUPÉRÉS COMME COMBUSTIBLE (MÉTHANE). N. DU T. FIG. 6.13: SERRE-SALLE DE BAINS. LA DOUCHE SITUÉE AU-DESSUS D'UN LIT DE GAAVIERS FOURNIT DE L'HUMIDITÉ AUX PLANTES. CETTE STRUCTURE PEUT ÊTRE ATTACHÉE A UNE SALLE DE BAINS EXISTANTE POUA FORMER UNE SERRE CHAUDE OU FROIDE. 117
F I G . 6 . 1 4 : S E R R E - S A L L E D E BAINS. BRIN DE STYLE JAPONAIS D ANS LA SERRE. LA CHALEUR EXCÉDENTAIRE PROVENANT DES DIFFÉRENTES SOURCES ABOUTIT D ANS LA SERRE (POÊLE, EAUX USÉES DE LA BAIGNOIRE, DU DRAIN, DE LA BUANDERIE ET DE L A CUISINE). UNE MASSE THERMIQUE IMPORTANTE STOOKE LA CHALEUR : EAU ( BAIGNOIRE, MARE, MUR DE BOUTEILLES), PIERRES ET BÉTON REVÊTU (BAIGNOIRE, S OL, MURS). LA SERRE EST RECOUVERTE D'UNE TREILLE ET PLANTÉE POUR CONSERVER L' INTIMITÉ. (MANIÈRE JAPONAISE DE SE BAIGNER : SE MOUILLER, SE SAVONNER, SE RINCER AVANT D' ENTRER DANS LA BAIGNOIRE, CE QUI GARDE L'EAU PROPRE ET L ' É C O N O M I S E ) L A B AIGNOIRE EST COUVERTE P O U R C O N S E R V E R L A C H A L E U R P R O V E N A N T D 'U N P A N N E A U S O L A I R E E T D'UNE MARE SOLAIRE (F IG. 7.15). ON UTILISE UN P OÊLE A COMB U S T I O N L E N T E , L E R A Y O N N E MENT I NCIDENT ET ÉVENTUELLEMENT U N CHAUFFAGE D'APPOINT ÉLECTRIQUE. 118
FIG. 6.15: TREILLE MURALE POUR ISOLATION DU VENT ET DE LA CHALEUR. (*) EN FRANÇAIS DANS LE TEXTE. N. DU T. 119
6.5 PLANS ET TECHNIQUES DE MOINDRE IMPORTANCE 1. Murs anti-bruits L'une des conséquences les plus ennuyeuses (et les plus destructrices) de notre civilisation industrielle, des routes en particulier, est le bruit. Même s'il faut une forêt pour étouffer le bruit, le dispositif utilisé pour isoler thermiquement les murs joue également un rôle important dans l'isolation sonore, de même que les murs massifs de pierre ou de brique. Je me suis intéressé au problème, en rapport avec les hôpitaux et les maisons de retraite pour personnes âgées, pour qui la tranquillité est primordiale. Dans les constructions à un seul étage, la conception du paysage peut certainement aider, surtout si l'on en tient compte lors de l'établissement des plans, et que l'on réserve l'espace nécessaire à l'isolation sonore. (Il faut 100 m de forêt pour supprimer 6-7 décibels.) Le son circule sur de nombreuses longueurs d'onde, et les sons bas ou aigus (longues ou courtes longueurs d'onde) doivent être traités différemment. L'isolation, les surfaces perforées, le double-vitrage, l'élimination des courants d'air par étanchéification (tout ce qui empêche le froid d'entrer ou de sortir) gênent la propagation des bruits aigus à haute fréquence. Les sons à basse fréquence se comportent comme l'eau ou comme les vagues, et ils. peuvent « se déverser » par-dessus les barrières. Tous deux peuvent être déviés par des systèmes de déflecteurs ou de chicanes, ou absorbés par des matériaux isolants (ce qui élève très légèrement la température). Les terrassements, la végétation ou l'isolation concourent tous à ce but. Il faudrait en tenir compte lors de la conception des routes, où les déblais sont trop souvent nivelés, ce qui permet au bruit de s'écouler sans entrave. Des talus de pneus recouverts de terre, judicieusement situés, plus une bonne isolation de la maison, comme décrit dans la section 6.1, est la solution à adopter contre les niveaux sonores intolérables. 2. Le toit gazonné Les toits gazonnés peuvent être construits à neuf, ou placés sur des structures déjà existantes, à condition qu'elles soient suffisamment solides. On dispose en dessous un film de plastique agraffé, qui sert de barrière contre l'humidité. Les cheminées, etc. sortent du toit comme à l'habitude. Un rouleau de métal placé au bord du toit permet à l'eau de s'écouler dans la gouttière, cependant que les feuilles tombent. Le rebord mortaisé du toit, ou une bûche empêche les mottes de gazon de glisser (indispensable pour les toits pentus). Il est préférable de faire des essais sur les toits plus petits des hangars et des abris pour animaux, afin d'acquérir la technique et de déterminer les meilleures espèces végétales. Le poids d'un toit gazonné est important en hiver : il faut donc soigneusement calculer les charges. J'arrive toujours à faire ricaner le public australien en suggérant qu'ils transfèrent leur sacro-saint gazon sur leur toit. Mais en fait je suis sérieux car les toits gazonnés sont d'excellents isolants et un toit solide (ou renforcé) supporterait du gazon -- qu'il soit sous forme de rouleaux à mettre en place dans les régions humides, qu'il soit constitué de plantes succulentes dans les régions sèches, ou qu'il soit agrémenté ailleurs de marguerites, de plantes bulbeuses, et de tout le tralala. La masse des racines dans la terre isole efficacement ; le toit n'a jamais besoin d'être repeint et peut être facilement réparé si c'est nécessaire en ajoutant un peu de terre où l'on sème des graines. Si l'on peut se fier aux modèles norvégiens, un tel toit devrait durer 200 ans ou plus, probablement plus longtemps que la maison elle-même (Williams9). Pour les toits peu solides déjà installés, en particulier ceux qui sont recouverts de plaques de zinc ou d'aluminium, le lierre peut être employé aux mêmes fins, à condition que les gouttières soient adaptées comme indiqué sur la fig. 6.16. L'évapo-transpiration, combinée à des arrosages judicieux, empêche la chaleur estivale de pénétrer, alors que l'air et le feuillage la gardent à l'intérieur en hiver. Un toit de gazon agit en fait comme le lierre sur les murs. Aucun des deux n'accroît le risque d'incendie. 120
FIG. 6.16: COUPE D'UN TOIT GAZONNÉ. 3. Mandalas de feu (fig. 6.17 -- 6.19) Le feu peut essayer d'entrer (dans une maison ou un village) ou de sortir (d'une cheminée). L'orientation n'a que peu d'importance : ce qui compte, c'est que les structures et la végétation soient intégrées et conçues de façon à stopper le feu. Une disposition de plantes allant dans ce sens est représentée ci-dessous. Toutes sont vivaces, pleines de sève, et ne brûlent pas -- à moins que les graminées ne les envahissent. Toutes restent vertes en plein été. Les tournesols, bien qu'annuels, ont également été inclus. La plupart des jardins annuels résistent au feu, de même que le mulch humide. Si de tels systèmes sont clôturés et que la volaille y est lâchée après le milieu de l'été, le fait qu'elle gratte et fouille le sol diminue grandement le risque d'incendie que représentent les graminées. Ou si le système est densément planté et régulièrement entretenu, les possibilités sont faibles pour que le feu endommage des végétaux ou des structures au-delà d'une telle barrière. 4. Fenêtres Colin James (communication personnelle, octobre 78) m'a fait remarquer que les meilleures verrières étaient en fait de petites piscines en fibre de verre transparente, ou des aquariums peu profonds, car l'eau est un bon isolant, qui concentre la lumière de l'horizon. Il peut être bon d'ajouter 4 % de formol dans l'eau pour qu'elle reste claire, sinon il faudra nettoyer régulièrement les récipients pour éliminer les excréments des poissons et les résidus des plantes. Ces dépôts désagréables ne se forment pas dans les aquariums muraux, et l'on peut remplir ces « fenêtres » de plantes et de poissons. Il faut les garder à l'ombre pour éviter la croissance des algues. Les réservoirs en fibre de verre des « New Alchemists » pourraient servir de fenêtres dans des chambres normales. En même temps qu'ils évitent une déperdition de chaleur, ils produisent de la nourriture, recyclent les nutriments et sont très intéressants pour les habitants : quelle vue plus agréable que l'intérieur d'un aquarium ! 121
FIG. 6.17 : MANDALA DE FEU (PLAN) FIG. 6.18 : MANDALA DE FEU (SECTION) 122
FIG. 6.19: PLANTATION SERVANT DE DÉFENSE CONTRE LE FEU (AVEC ANIMAUX). POUR PETITS VILLAGES OU RÉSIDENCES. Kern montre comment les fenêtres peuvent être utilisées avantageusement comme orifices de ventilation et de récupération d'air. Il note aussi que les orifices d'aération peuvent être construits sans avoir à ouvrir les fenêtres, de façon à ce que les longs orifices horizontaux, placés dans le toit, le plancher et les murs, soient solides et fonctionnels, tandis que les vitres des fenêtres restent fixes et sont donc plus facilement rendues étanches aux courants d'air. 5. 5. Retour aux grottes La fraîcheur permanente, sans variation de température, des grottes, des réservoirs de brique, des murs, des refuges contre les incendies et des caves, offrent de grands avantages pour le stockage et la conservation de nombreuses denrées. Allis Chalmers (W.T. 1978) utilise des grottes pour stocker des pièces détachées pour tracteur à cause de leur atmosphère sèche et du fait qu'il n'y a pas de poussière. Des grottes fraîches prolongent grandement la durée de conservation des agrumes, des racines et des légumes-feuilles, et elles jouent en été le rôle de sources d'air frais. Les vieilles mines, les puits et les cryptes construites sous les planchers possèdent tous ces usages. Une grotte située près d'une habitation a également une valeur certaine comme refuge familial en cas de tempête, d'incendie, de guerre ou de vague de chaleur. Ces structures peuvent être creusées dans des talus de terre. On peut pénétrer dans les caves au moyen de trappes ménagées dans le plancher ou de portes extérieures. Des armatures d'acier peuvent être érigées au-dessus de la surface du sol, puis recouvertes de terre comme protection. Le rayonnement du feu est évité par la forme en « T » ou en « jambe de chien » de l'entrée de l'abri. Les caves situées sous les planchers font partie du système de contrôle climatique en maintenant une température basse mais constante (comme chez Ker32), ou en formant un réservoir pour drainer l'air froid des fenêtres la nuit. Les grottes ou les abris de terre hors de la maison forment le refuge principal contre le feu pour ceux qui vivent dans des zones de danger d'incendie. 123
FIG. 6.20: RÉCUPÉRATION DES EAUX USÉES PAOVENANT DE LA FOSSE SEPTIQUE AU MOYEN DE PLANTATIONS DANS DES PNEUS. FIG. 6.21 : RELATIONS ENTRE SOLEIL, FENÊTRE ET AVANT-TOIT. 124
6. Égouts et autres sujets dégoûtants « N'ayez pas de scrupule à enrichir d'excréments le sol asséché, et répandez les cendres des déchets sur les champs épuisés. » VIRGILE10 C'est dans la production d'excréments et de cendres que les nutriments du sol se perdent. Ils sont donc sacrés pour l'agriculture dans la philosophie chinoise. Il y a un équilibre raisonnable entre un environnement à ce point aseptisé que rien n'est possible et l'hygiène commune. Mais si la plupart des inspecteurs du service de santé se sentent terriblement concernés par les microbes, ils ne s'intéressent pas le moins du monde aux pesticides et aux résidus industriels. C'est la vie ! Il n'y a pas de solution technologique saine au problème que posent les effluents : nous sommes dans le domaine des biologistes. Camberra est en train de payer cher pour cette leçon : en essayant de stériliser les eaux d'égout par l'utilisation d'une technologie complexe, les habitants se retrouvent avec un produit cher et dangereux -- de l'eau chimique. Maryborough (Victoria) a pris des mesures en vue d'un système sanitaire sain, en employant l'eau et la terre pour traiter les eaux usées de quelque 8 000 personnes (environ 1.300.000 1/jour). L'auteur a coopéré à ce projet avec P.A. Yeomans pour concevoir les lagons « naturels », à fonctionnement biologique, qui nourrissent des centaines d'oiseaux sauvages puis se déversent dans des champs en « lignes-clés » profondément entaillés pour servir de filtres d'absorption, éliminant de l'écoulement les souillures dues aux résidus des eaux usées et les nitrates en excès. Dans les villes et les villages, tout traitement raisonnable des eaux d'égout provenant des toilettes devrait s'inspirer du même procédé : tout d'abord une décomposition mécanique et une récupération des déchets solides, puis du méthane ; un passage sur un filtre goutte à goutte ; puis jusqu'à un lagon, le dernier stade étant l'absorption par le sol avant que l'eau soit renvoyée à la rivière. 125
7. EAU, HYDRAULIQUE, AGRICULTURE, MARICULTURE 7.1 POLYCULTURE AQUATIQUE Plutôt que de donner ici une liste d'espèces pour l'aquaculture, j'ai préféré me concentrer sur des conceptions de constructions, globales et détaillées, afin que les lecteurs puissent les appliquer sur leur propre site, et (j'espère) que les services publics puissent revoir leur approche trop simpliste des endiguements et captages au vu des modifications suggérées dans les fig. 7.7, 7.8, et 7.9. J'aurais tendance à laisser se développer naturellement une polyculture aquatique et à observer le résultat. Les éléments essentiels (sélectionnés pour le climat local) sont les suivants : · Moules dans la boue du fond de la mare. · Anguilles (si elles sont naturellement présentes) dans un abri formé de pneus. · Poissons mangeurs d'algues. · Poissons prédateurs, engrillagés (comme sur la fig. 7.12). · Crustacés: crevettes, crabes, écrevisses ou autres espèces utiles dans des abris de branchages. · Plantes à fleurs au bord de l'eau, attirant les insectes (Buddleia, Melaleuca, herbes), lumières au-dessus de la mare la nuit et appâts de peau ou de viande pour les mouches au-dessus de l'eau. · Petits poissons locaux (perche pygmée, galaxides, vairons) pour le contrôle des moustiques. · Plantes d'eau peu profonde en bordure, comme roseaux, massettes ou riz sauvage, servant d'abri aux grenouilles et aux oiseaux. · Bordures de gazon pour les « oiseaux-brouteurs » comme les oies et les cygnes. · Îles pour la reproduction des oiseaux aquatiques et la protection contre les renards. · Nids pour les oiseaux aquatiques. · Culture de plantes sur radeaux. · Plantes aquatiques flottantes comme la mâcre (Trapa). · Espèces à racines comestibles comme nénuphars, lotus ou châtaignes d'eau (Eleocharis) à planter dans des pneus sur le fond de la mare. · Stabilisation des rives au moyen de rondins, de pneus ou de rebords plantés de bambous, d'herbe des pampas et d'autres espèces à racines superficielles et enchevêtrées. · Plantation d'arbres fruitiers ou à noix (cerisier, noyer) dans les zones de suintements. · Plantations locales de cresson, menthe. · Essais de matériaux favorisant le frai au fond de l'eau. L'observation de ce type de polyculture révélera des problèmes de gestion, et dégagera leurs solutions, ce qui permettra au propriétaire de développer les techniques et les espèces les mieux adaptées. Cette section comporte donc davantage d'illustrations que de texte. Le domaine de l'aquaculture complexe, dont la mariculture, demande des essais locaux, que nous espérons réaliser prochainement à Tagari. Les processus à employer pour nettoyer naturellement l'eau sont suggérés sur la fig. 7.11, où divers systèmes de filtres biologiques sont employés pour recycler l'eau stagnante des mares ou purifier l'eau polluée. 7.2 CONSTRUCTION DES OUVRAGES HYDRAULIQUES 126
Pour construire des barrages et des canaux, le mieux est de lire Yeomans2, qui explique au moyen de diagrammes la construction de grands barrages de ferme et de digues de stockage. Mais ces conceptions ne s'appliquent qu'au stockage de l'eau et à la réticulation dans le système de « ligne-clé », et il faudra les modifier pour les appliquer à la polyculture. La combinaison ligne-clé -- permaculture permet une intégration consciente exceptionnelle dans les soins à apporter au sol et à l'eau, plus une planification biologique intégrée. De telles combinaisons sont attrayantes sur de petites surfaces de 0,5 à 6 hectares, mais elles procureraient la stabilité à un pays qui les appliquerait à l'échelle nationale. En Australie, la plus humble construction doit être « approuvée », mais les hommes peuvent utiliser des milliers d'acres de façon stupide, sans être soumis à d'autre autorité que leur intellect défaillant, ou d'autre impératif que la recherche du profit à court terme. Des modifications en vue de stockages importants sont données ici (fig. 7.3), mais les modifications principales à apporter aux barrages de ferme sont les suivantes : · îles-refuges pour la reproduction des oiseaux aquatiques. · Banquettes étroites pour plantes servant de nourriture aux oiseaux aquatiques, au fond et sur les côtés des grands barrages. · Profonds refuges creusés pour les poissons, là où le barrage a moins de 3 m de profondeur et où les températures estivales sont élevées. · Structures élevées sur des péninsules, avec ou sans fossé, pour protéger la maison contre les incendies dans les régions où un danger existe. · Établissement des plantes, maisons, serres sur la rive nord (pour bénéficier au mieux de la réflexion du soleil en hiver lorsqu'il est bas). Certaines de ces modifications sont illustrées sur les figs. 7.3 et 7.13. · 1. Nomenclature des mares et des lacs Il est nécessaire de donner la nomenclature des ouvrages hydrauliques créés par l'homme pour comprendre les figures et les systèmes exposés. Je me suis partiellement inspiré ici de Chakroff'6 et Yeomans2. En bref, les noms des plus grandes constructions sont : · Lacs de barrage : sur le cours de la rivière, qui les remplit directement, ou en travers d'une vallée dont les écoulements les remplissent (fig. 7.1 et 7.2). · Lacs de dérivation : remplis par un canal de dérivation qui amène l'eau de la rivière ou d'une zone d'écoulement telle une pente rocheuse nue (l'eau est détournée de son cours normal). · Barrages annulaires (ou « nids de dindons » en Australie) : stockage de l'eau en zone plate au-dessus d'une pente. Il faut y pomper l'eau et ils font partie des structures suivantes. · Lacs de stockage : réserves d'eau à niveau constant formées par des barrages, qui prennent l'eau de barrages situés en amont et l'amènent dans des canaux suivant les courbes de niveaux ou dans des rigoles d'irrigation. · Barrages en courbes de niveau : murs édifiés le long des courbes, avec des ailes remontant le long de la pente pour endiguer l'eau. La courbe peut être convexe ou concave (fig. 7.4). Toutes les structures ci-dessus (à l'exception des lacs de stockage) sont généralement à niveaux variables lorsque l'eau est utilisée en contrebas. Les structures destinées à l'élevage du poisson et à la culture des plantes sont dans le principe conçues de façon très différente que celles (très nombreuses à l'heure actuelle) que l'on destine uniquement à l'arrosage et à l'irrigation. Par exemple, nombre de petites mares de 100 à 500 m2 sont mieux adaptées à l'élevage du poisson que de grands bassins de stockage de 4 000 m2 ou plus. Des fonds en pente douce de 75 cm à 2 m de profondeur conviennent à de nombreux poissons, alors que les lacs de stockage pour l'eau doivent avoir de 3 à 6 m de profondeur pour présenter de l'intérêt sur de larges surfaces. Dans les déserts, même de petits trous dans les rochers peuvent être indispensables à la survie des jeunes cailles et des animaux du désert (voir fig. 5.14), alors qu'il faut de relativement vastes étendues peu profondes pour les compagnies de cygnes dans les estuaires, etc. Les 127
planificateurs oublient fréquemment l'importance biologique des petites structures, dont certaines sont figurées ici, comme canaux filtrants, mares à cailles ou étangs solaires, et les ingénieurs semblent peu concernés par les barrages de petites surfaces et les endiguements perchés indispensables à la survie des poissons. En conséquence, nous avons de vastes lacs très coûteux, destinés à produire de l'électricité, biologiquement improductifs. · Trop-pleins : Grillages fixés sur un tuyau ou sur une boîte pour que les étangs à poisson gardent un niveau constant (fig. 7.15). · Déversoir: Canaux menant l'eau d'inondation hors des barrages vers le cours d'eau ou les rigoles d'irrigation (fig. 7.1). · Canaux d'irrigation: Drains entre deux talus, avec peu de pente ou pas du tout, munis de vannes, ou bien siphonés ou pompés dans les champs. Ils sont situés en contrebas de tous les types de réserves d'eau, ou l'amènent directement depuis la rivière, jouant le rôle de canaux de dérivation. · Talus de direction: Talus de terre très bas, quelquefois de 5-10 cm de hauteur, tracés directement sous les canaux d'irrigation, ou en bordure de champ, de façon à ce que l'eau d'irrigation forme une nappe sur le terrain (fig. 7.14). · Diguettes : Levées de terre nivelées sur terrain plat, pentu ou muré, comme les champs de riz, conservant temporairement l'eau pour les cultures ayant besoin de sols saturés ou très humides. · « Mares perchées » : Petites mares servant à la sédimentation, au filtrage, ou pour les grenouilles, perchées au-dessus de grands réservoirs de stockage (fig. 7.7). · Mares subaquatiques : Murs totalement submergés au plus haut niveau, qui retiennent l'eau du rivage ou des estuaires lorsque le niveau baisse dans des installations importantes (fig. 7.8 et 7.9). · Réservoirs de terre pour stocker l'eau : ils sont creusés sous le niveau du sol (fig. 7.6). En termes biologiques, nous pouvons également ajouter les étangs à poisson : · Étangs de reproduction (pour reproducteurs adultes) ; étangs de frai et étangs d'élevage. · Mares solaires: spécifiquement utilisées pour produire de la chaleur (fig. 7.10). · Mares à rosée: construites pour récupérer l'humidité de la nuit. Un problème particulier dans de nombreux sites granitiques, sableux ou schisteux, est celui des barrages « secs », qui fuient par la base et les levées. Dans le temps, on remédiait à cette situation par divers moyens, entre autres : « tasser » les levées de terre avec 1-3 bâtons de gélignite (24) quand le barrage était rempli à la suite de pluies violentes, utiliser de la chaux et du gypse pour boucher les fuites, ou donner des balles de foin aux vaches ou aux moutons sur le fond asséché de l'étang. Cette dernière démarche est très proche de l'actuel développement du « gley » (prononcera gli ») en Russie. Le « gley » est employé dans les sols sableux, graveleux, rocheux ou fissurés, qui laissent passer l'eau. Pour étanchéifier un étang (d'après Chakroff 16) : 1. Enlevez tous les débris et les pierres du fond de l'étang. 2. Étalez du fumier frais de vache ou de porc et des tontes d'herbe ou de luzerne sur 75-100 mm de profondeur. 3. Couvrez complètement de papier, de carton, de plastique, de vieux tapis, de foin, de feuilles, d'herbe, etc. 4. Placez par-derssus une couche de sable, de terre ou d'argile servant de poids. 5. Attendez 2-3 semaines pour que les couches inférieures aient fermenté, puis remplissez l'étang. 24 Un explosif (N. du T.). 128
PHOTO 7.1 : A KIEWA (FERME DE WALLACE). CANAL D'IRRIGATION, BLOQUÉ PAR UN « DRAPEAU » DE TOILE. L'EAU SE DÉVERSE DANS UN CHAMP LABOURÉ AU COUTEAU. 129
FIG. 7.1 : UN BARRAGE CLASSIQUE (D'APRES YEOMANS2) FIG. 7.2 : UN BARRAGE CLASSIQUE (D'APRES YEOMANS2) SECTION 130
FIG. 7.3 : « COMPLICATIONS » POSSIBLES A PARTIR D'UN BARRAGE CLASSIQUE POUR ETABLIR UNE PERMACULTURE 131
FIG. 7.4 : BARRAGES EN COURBES DE NIVEAU 132
FIG. 7.5 : LEVÉES DE TERRE TYPIQUES DES RÉGIONS PLATES. HABITUELLEMENT SANS PLANTATIONS, PROIE DU VENT ET DE L'ÉVAPORATION. SOUVENT LE SOUS-SOL EST ENTASSÉ SUR LE VERSANT ENSOLEILLÉ ET LE BÉTAIL PEUT APPROCHER DE TOUS LES CÔTÉS, CE QUI POLLUE L'EAU. FIG. 7.6 : PLAN D'UN RÉSERVOIR DE TERRE REVU ET CORRIGÉ. SI ON L'ORIENTE VERS LE SUD, LA MARE AGIT COMME UN RÉFLECTEUR DE SOLEIL ET DE CHALEUR POUR CRÉER UN MICROCLIMAT OÙ DES ESPÈCES QUI NORMALEMENT NE POUSSENT PAS DANS LA RÉGION PEUVENT ÊTRE CULTIVÉES. PAR EXEMPLE LES AVOCATIERS DANS UNE ZONE FRAÎCHE TEMPÉRÉE. 133
FIG. 7.7 : BARRAGES « PERCHÉS » EN BORDURE DES OUVRAGES PRINCIPAUX. LORSQUE LES EAUX SONT BASSES, ILS RETIENNENT LES ESPÈCES VIVANT PRÈS DU RIVAGE ET FORMENT DES RÉSERVOIAS ESCARPÉS POUR LES POISSONS SERVANT DE NOURRITURE AUX ANIMAUX OU POUR LES ALEVINS. FIG. 7.8 : MODIFICATIONS DU CAPTAGE PRINCIPAL (SECTION). A. BARRAGE SUBAQUATIQUE POUR PROTÉGER LE RIVAGE. B. BARRAGE PERCHÉ POUR ÉLEVER DE PETITES ESPÈCES SERVANT DE NOURRITURE AUX ANIMAUX. 134
FIG. 7.9 : SECTIONS D'UN ESTUAIRE. LA ZONE ENTRE LES MARÉES NE PRÉSENTE PAS DE NICHE POUR LES POISSONS D'ESTUAIRE. APRÈS LES MODIFICATIONS APPORTÉES (EN BAS) PLUS DE RESSOUROES SONT POSSIBLES. PHOTO 7.2 : VUE PRISE DANS LA DIRECTION DU « DRAPEAU" DE TOILE (VOIR PHOTO 7.1). 135
FIG. 7.10: « MARE SOLAIRE «. LA SURFACE COLLECTE LA LUMIÈRE SOLAIRE ET LA COURBE POUR L'AMENER SUR LA SPIRALE ÉTROITE DU TUYAU DE PLASTIQUE (NOIR DE PAÉFÉRENCE). LE SEL DANS L'EAU STOCKE LA CHALEUR. UNE MEMBRANE OONSERVE LA TRANSPARENOE DE LA SURFACE (OU AJOUTEZ A l'EAU UN PEU DE FORMOL). CE SYSTÈME CHAUFFE LA SERRE, LE RÉSERVOIR D'EAU, LA DALLE DE BÉTON DES MAISONS, LE BAIN JAPONAIS, ETC. CES MARES SE RENOONTRENT NATURELLEMENT SUR LES CÔTES MARINES DE BASALTE. 136
FIG. 7.11: FILTRAGE DE L'EAU. L'EAU VENANT D'UN BARRAGE INFÉRIEUR PASSE A TRAVERS UN CANAL DE FILTRAGE VERS UN RÉSERVOIR DE TERRE (FILTRE BIOLOGIQUE). 137
FIG. 7.12: « DOUBLE » BARRAGE DANS UNE DÉPRESSION. LES DEUX PARTIES SONT OONNECTÉES PAR UN ÉCRAN A POISSONS. LES PRÉDATEURS (TRUITES) CONTRÔLENT LE NOMBRE DES HERBIVOAES (PEAOHES) AU MOYEN DE L'ECRAN A POISSONS (YANDOIT, VIOTOAIA). PHOTO 7.3 : UN BARRAGE « PEROHÉ » AU-DESSUS DU RÉSERVOIR PRINOIPAL SE REMPLIT EN HI V ER 138
ET SERT D E REF UG E POUR LES ESP ÈO ES D E RIVAG E ( F ERM E M c (AB E, KI EWA VA LLEY). NOTE : LA TAILLE EST INDIQUÉE PAR LES PERSONNAGES SUR LA DIGUE. FIG. 7.13: PLAN D'UN TERRAIN DE 2 HEOTARES A DIGGER'S REST, VICTORIA. LA MAISON EST PROTÉGÉE DU FEU ET L'EAU EST CONTRÔLÉE SUR TOUTE LA SURFACE DU TERRAIN. CONCEPTION DE YEOMANS, GALL ET MOLLISON (VOIR DÉTAIL FIG. 7.14). 139
FIG. 7.14: LA RETENUE SUPÉRIEURE RECUEILLE L'EAU VENANT DE A PAR UN CANAL (DE DÉRIVATION) COUPANT LA PENTE. EN CAS D'INONDATION, L'EAU EN EXCÈS SE DÉVERSE EN B DANS LE CANAL DE SORTIE C OU PEUT ÊTRE RELÂCHÉE A TOUT MOMENT PAR LA VANNE D. LE TALUS EN COURBE DE NIVEAU E RETIENT L'EAU LIBÉRÉE QUI PASSE DANS LES CHAMPS H SOUS LE CONTRÔLE DES VANNES F. L'EAU EST ENSUITE DIRIGÉE AU MOYEN DE LEVÉES DE TERRE TRÈS BASSES G ET S'INFILTRE DANS LES CHAMPS SOUS-SOLÉS. LA DIRECTION DU TRAVAIL DU SOL EST INDIQUÉE PAR LES LIGNES ESPACÉES (D'APRÈS LE BARRAGE CONÇU A DIGGER'S REST PAR KEN YEOMANS). 140
FIG. 7.15: L'ÉCRAN A POISSONS OLASSIQUE « HERGUTH MONK », AVEO TROP-PLEIN POUR ÉCOULEMENT CONSTANT. UNE PENTE DE SOIES RAIDES EN NYLON, OU EN GAZON, OU EN PIERRE RUGUEUSE SERT POUR LES POISSONS FRÉTILLEURS OU GRIMPEURS COMME LES CIVELLES, LES CREVETTES, ETC. (D'APRÈS UN MODÈLE A LIMERICK, IRLANDE). 141
142
FIG. 7.16: DEUX AIDES AUX MIGAATIONS VERS L'AMONT, POUR LES ESPÈOES DE RIVIÈRES. 143
FIG. 7.17 : ARRIVEES D'EAU DANS LES ETANGS (D'APRES CHAKROFF 16) 144
FIG. 7.18 : STRUCTURES DES SORTIES D'EAU DES ETANGS (D'APRES CHAKROFF 16) 145
7.3 CULTURES EN ÉTANGS Dans Radical Technology (G. Boyle et P. Harper, Penguin, 1976), John Wood donne d'intéressants renseignements sur la culture en étangs, que la plupart d'entre nous en Australie ont tendance à négliger. Du fait de l'efficacité du phytoplancton de surface et d'eaux peu profondes, y compris les diatomées, le soleil et les nutriments assurent une production animale importante. La profondeur peut être de 4-5 m en eau claire, moins si l'eau est trouble. Wood estime que 1 ha d'étang peut produire 3 tonnes de poisson, 1 tonne d'écrevisses, 400 kg de « moules » et les oeufs et la progéniture de 200 canards. Les moules et les déjections des canards sont suffisants comme nutriments. Les poissons pêchés sont compensés par la mise d'alevins dans l'étang. Là où ils sont réalisés, les résultats sont supérieurs au rendement de la plupart des terrains en protéines animales, mais Wood passe rapidement sur les végétaux -- la châtaigne d'eau comme culture de surface, avec des racines flottantes, et l'acore ou le riz sauvage (Zizania) au bord du rivage. Il ne faudrait pas non plus sous-estimer l'effet bénéfique des étangs sur les noyers, les pacaniers (25) et les autres arbres poussant dans les fonds de vallées, ni les zones d'infiltration, où le céleri, le cresson et d'autres espèces comestibles comme les menthes produiront en abondance. Les eaux usées accroissent grandement le nombre des insectes et donc la productivité des poissons et des oiseaux aquatiques. La production dépend en fait de la rapidité avec laquelle la fumure est utilisée dans le système. Les étangs de décantation des eaux usées sont des lieux idéaux pour la reproduction d'animaux destinés à être transférés dans des étangs d'eau claire avant d'être récoltés. Lorsqu'un étang vient d'être établi, la première des choses est d'en chauler le fond avant de le remplir. Chakroff 16 recommande : calcaire moulu 1 140 kg/ha calcaire agricole 2 270 kg/ha calcaire hydraté 114 kg/ha ou chaux vive 200 kg/ha Laissez reposer 15 jours avant de remplir lentement l'étang. Le meilleur pH pour les jardins est de 5,5 à 6, mais pour les étangs, l'idéal est entre 6,5 et 9, d'où l'addition habituelle de chaux. Contrairement aux réserves d'eau potable, il est préférable que les étangs à poisson ressemblent à une soupe verte au point qu'un disque blanc disparaisse à 20-40 cm sous la surface. Pour obtenir ce résultat, on ajoute des eaux usées humaines ou du fumier de porc, ou bien on installe dans l'étang un grand nombre de canards. Les lagons côtiers présentent fréquemment un pH de 9 à 11, car le sable contient du calcaire, et il faudra effectuer un test avant d'ajouter de la chaux. Les plantes vertes, le compost, la terre argileuse, un engrais vert incorporé, des céréales écrasées données aux poissons, etc. -- tout ceci concourt à accroître la productivité de l'étang. Les vieux étangs sont les meilleurs, et ils ont souvent une épaisse couche de mulch sur le fond, mais les enclos à bétail -- vaches ou porcs -- près des étangs à poisson apportent aussi du fumier. L'agencement idéal d'un étang est représenté sur le diagramme de la fig. 7.22, mais, en pratique, l'amateur peut développer son élevage à partir d'alevins achetés, ou mieux gérer (par une récolte continuelle) les eaux où le poisson se reproduit à faible profondeur et dans les tas de branches. Les carpes, les tilapias, les perches et les brêmes se reproduisent en étangs (il est préférable de se renseigner localement) et si on les récolte régulièrement pour éviter la surpopulation, ils atteindront une taille respectable. D'autres poissons peuvent être utilisés pour en réduire le nombre. En gardant à l'esprit tout ce qui vient d'être dit, des systèmes soigneusement régulés, non 25 Carya illinoensis (N. du T.). 146
surpeuplés, bien aérés et de température idéale, où la lumière pénètre facilement, bien nourris par l'environnement, et contenant de nombreuses espèces utiles à l'homme de diverses manières, permettent une production supérieure s'ils sont bien gérés et intensivement « cultivés ». Les systèmes les plus efficaces exigent des connaissances techniques, du savoir-faire et du temps, mais la plupart des systèmes aquatiques peuvent produire une excellente nourriture occasionnelle. La production peut être augmentée en modifiant les conditions. Le drainage, le chaulage et la non-exploitation temporaire peuvent y contribuer. Les espèces à la base de la pyramide alimentaire sont capables de mieux utiliser les productions naturelles ou les zones fertilisées que les espèces prédatrices. L'agriculture en terrain sec intégrée au cycle d'élevage du poisson est couramment utilisée pour accroître la production totale et éviter la transmission des maladies. L'eau est un système à trois dimensions -- ou quatre si l'écoulement (la durée) est pris en compte. Utiliser toutes les dimensions profite à l'aquaculture, de sorte que de nombreuses espèces, ou des structures spéciales (îles, radeaux, herbes hautes), sont requises pour mettre à profit toutes les ressources. Là où l'on peut investir dans des réservoirs, des étangs, des barrages ou des cours d'eau bien gérés, la production peut être accrue par des moyens techniques jusqu'à atteindre des niveaux assez phénoménaux, même s'il est nécessaire de recycler l'eau pour créer un courant. Les technologies alternatives (éoliennes, chauffe-eau solaires) peuvent être mises à contribution pour que la culture en étang soit moins onéreuse, et si l'on respecte de sains principes écologiques, les coûts peuvent être réduits par une gestion réfléchie. Une forte densité de poisson dans l'étang nécessite des pompes à pales pour l'oxygénation. Dans une région comme la Tasmanie, où la moyenne annuelle des précipitations est d'1 m, l'écoulement du toit d'une modeste grange (20 m x 8 m) peut apporter 1 600 000 litres d'eau par an, et la chaleur « excédentaire », ou la production de fumier, peut être utilisée avec grand profit dans ces étangs. Des systèmes très intensifs demandent à être enclos dans une serre en climat frais. Les animaux et les plantes de bordures et de surface (canards, riz sauvage) peuvent augmenter la production de l'étang (de même que les haies peuvent accroître la production d'un champ). De même, lorsque les étangs sont drainés, ils peuvent fournir un riche engrais pour les jardins, en particulier si des moules d'eau douce et des plantes à croissance rapide ont été utilisées pour fixer l'azote dans l'étang. FIG. 7.19: PANIER A FRAI POUR ORUSTACÉS D'EAU DOUOE PORTANT LEUR OEUFS ET LEURS JEUNES SOUS LA QUEUE (ÉOREVISSES, HOMARDS). 147
FIG. 7.20: ÎLE DE PNEUS. PHOTO 7.4 : VUE DU HAUT DU MUR DU BARRAGE DE LA PHOTO 7.3. LA VANNE EST OUVERTE POUR INONDER LE CANAL D'IRRIGATION. 148
FIG. 7.21: FRAI SUR GRAVIERS POUR ESPÈOES OOMME LES TRUITES EN ÉTANG D'EAU STAGNANTE. FIG. 7.22: SYSTÈME D'ÉTANG SCHÉMATISÉ (TRUITE). 149
FIG. 7.23: SORTIE COMPLEXE POUR LA CAPTURE EN AMONT DE FRETIN ET DE CIVELLES, EN AVAL D'ADULTES (ANGUILLES ET AUTRES POISSONS). L'ÉTANG RETIENT LES ADULTES DESOENDANT VERS LA MER. 150
Les interactions entre la terre ferme et les étangs font partie du système de polyculture en Asie, mais elles sont peu explorées dans les régions tempérées, où les poissons de mer étaient autrefois bon marché, abondants et non pollués. Ce n'est plus le cas maintenant, et les cultures-élevages en eau douce ont un brillant avenir là où les mers, polluées et moins poissonneuses, ne fournissent plus à l'homme ce qu'elles lui donnaient. Pour résumer brièvement les conditions nécessaires à une culture en étang efficace, progressant vers une production plus intensive: · Petites retenues de 500 à 1 000 m2. · Profondeur de 2 à 5 m. · Fond en pente vers la sortie de l'eau. · Mélange de poissons, écrevisses, plantes, mollusques, oiseaux aquatiques, plantes de bordure et animaux terrestres mis en enclos à proximité. · Insectes servant de nourriture, attirés par des plantes, des lumières, des appâts, des couleurs ou des odeurs. · Refuges adéquats sous forme de hauts fonds, de tuyaux, de tas de branchages, de troncs, de bûches, de zones d'eau profonde. · Protection contre les prédateurs sous forme de filets ou de barrières. · Chaulage et fumage selon besoin, jusqu'à un pH de 6,5 ou plus. · Fumier ou nourriture en excès jeté dans l'eau quand c'est possible. · Eau aérée par brassage ou filtrée et recyclée pour la nourriture et l'accroissement du potentiel d'animaux (pour relever le niveau d'oxygène). · A proximité, mares spéciales à invertébrés (où l'on élève des vers, des larves d'insectes, des grenouilles), etc. pour servir de nourriture aux poissons). · Intégration de l'étang à une serre pour une productivité encore plus élevée (voir le travail des « New Alchemists » dans « Radical Technology », Boyle et Harper, Penguin, Hammondsworth, 1976). 151
7.4 INTÉRÊT PUBLIC - LA PÊCHE SPORTIVE Tous les auteurs arrivent à la conclusion que la polyculture entraîne moins de maladies et une productivité globale supérieure, et que la monoculture en étang est, comme sur la terre, moins stable et exige davantage d'énergie. C'est ainsi que le zèle avec lequel des dilletantes se sont mis à la pêche sportive à la truite et au saumon en Tasmanie a débouché sur des problèmes coûteux en énergie, qui pouvaient être prévus: · Lacs et rivières importants trop remplis de poisson et trop peu pêchés, avec des poissons nanifiés ou chétifs qui se renouvellent peu ; certains devraient être ouverts à la pêche commerciale. · Pas d'assistance réelle à la culture en étangs dans les fermes. Pas de données sur les espèces utilisables. · Règlements très lourds à propos des élevages de poissons et de la pêche en rivière, ce qui fait que nous employons beaucoup plus de « policiers » que de biologistes (le public est l'ennemi, comme d'habitude). · Pas d'aide véritable à l'amélioration de l'habitat des poissons, sauf pour les truites. · Restrictions à l'importation d'espèces utiles, non sportives. · Pas de pêche commerciale à l'intérieur des terres, sauf en ce qui concerne les anguilles (qui sont des prédateurs des truites !). · Introduction de la truite dans les parcs nationaux et les eaux isolées (les cochons seraient-ils autorisés à se promener dans les jardins botaniques, ou aurait-on le droit de les saigner dans les parcs publics ?). L'habitat des poissons natifs n'est donc même pas protégé. · Aucune recherche concernant les espèces végétales utiles, les poissons d'étangs, ou la gestion des estuaires pour utiliser au mieux les poissons qui y vivent. · Le concept d'une taille minimale limite considéré comme un dogme, d'où des populations affaiblies, etc. Tout ceci (comme dans la monoculture du coton) est la cause de tous les maux biologiques et sociaux, de la dénomination de « nuisible » pour tous les animaux qui se nourrissent de truites, et de la création d'un groupe privilégié de sportifs, alors que l'on empêche chacun d'utiliser des tonnes d'eau et de protéines et que des millions de poissons meurent de vieillesse. Des gens comme le professeur Bloom de l'Université de Tasmanie proposent sérieusement que l'on barre certains estuaires peu profonds pour la production des protéines, juste au-dessus de la limite des marées pour éviter la pollution par l'eau de mer. Du fait des industries métallurgiques et des usines de pâte à papier, les eaux de la Tasmanie contiennent du zinc, du cadmium, du mercure et d'autres métaux lourds toxiques. Il y en a autant que partout ailleurs dans le monde, mais les côtes de toutes les nations industrielles sont soit appauvries par une pêche excessive, soit polluées, ce qui empêche l'utilisation d'une source naturelle de protéines délibérément tarie. Malgré tous ces inconvénients, les pêcheurs amateurs prennent au total à peu près autant de poisson à écaille que les bateaux de pêche commerciaux. Il ne reste aux gouvernements qu'à changer leur façon de procéder, et à nous-mêmes qu'à creuser des étangs au cas où les changements ne viendraient pas assez vite. 152
7.5 VASES A SALICORNES Les estuaires sont souvent bordés d'étendues de vases à Salicornes, faiblement inondées par les marées deux fois par jour. Les cygnes, lorsqu'il y en a, broutent ces plantes à marée haute, et les oies domestiques apprécient aussi les végétaux succulents des vases salées. Comme il y a peu de poissons en ces lieux, les moustiques y trouvent des conditions de reproduction idéales, et il vaut mieux varier le système au moyen d'étangs et de levées de terre, comme sur la fig. 7.24, ce qui le rend plus productif, que d'essayer de gérer le système original. Colin Sumner (Pêcheries de Tasmanie, communication personnelle) suggère que des étangs d'environ 1,8 m de profondeur avec des rives en perte très progressive (environ 30 %), permettant à la marée de monter et de descendre de 30 cm, et où vivent des bigorneaux, des coquillages du genre Salinator, des crevettes et des mulets pour maintenir les algues à un niveau tolérable, présenteraient d'excellentes conditions pour l'ostréiculture. Les reproducteurs seraient situés à mi-hauteur de rive et le naissain, capté sur des coquilles brisées dans des plateaux, transféré vers les estuaires les plus proches (exposés à l'air à 40 %, submergés à 60 %). Des oies sur l'étang, et des Melaleuca ou des arbrisseaux côtiers sur les rives en varieraient l'écologie, avec un apport de fumier aux étangs. Les mulets s'adaptent aux étangs si on les nourrit, ou s'ils peuvent s'y procurer de la nourriture. Les crabes, les pieuvres, les algues et les crevettes peuvent aussi être élevés ou cultivés. FIG. 7.24: PLAN ET SECTION D'ÉTANGS A MARÉE. 153
7.6 MARICULTURE « Les écosystèmes basés sur l'eau sont tout aussi complexes que ceux qui existent sur terre. L'approche de l'écosystème doit ici être la même que celle de la production de nourriture sur terre. Conseil des sciences du Canada, 1979. Comme dans toute analyse d'une politique calorique opposée à une politique économique, il est clair que les pêcheries intensives en haute mer telles que les exploitent le Japon, la Russie et les pays occidentaux sont condamnées en termes d'énergie. Des pêcheries sédentaires, basées sur la côte, sur un estuaire ou même à l'intérieur des terres, négligées à l'heure actuelle, rapportent davantage que les pêcheries de haute mer et peuvent permettre de réduire ou d'éliminer les coûts importants du transport, du conditionnement et du stockage des produits. La plupart des coquillages et des espèces côtières, comme les huîtres, les écrevisses, les anguilles, les poulpes, les zostères, les algues, les crevettes, les bivalves et les poissons sont susceptibles d'être élevés ou cultivés dans des étangs ou des barrages, ou sur des radeaux, dans des enclos soumis à la marée. Et pourtant la recherche, les appuis bureaucratiques, l'apport en capitaux et les efforts humains sont tournés vers les pêcheries de haute mer multinationales, sans avenir à long terme. Ces pêcheries industrielles emploient peu de monde, ne permettent guère le développement d'une industrie locale et gaspillent d'énormes tonnages de poissons et de produits dérivés. La réorientation des ressources vers des systèmes basés sur les côtes, les estuaires et l'intérieur des terres doit devenir politiquement prioritaire si l'on veut conserver cette source bon marché de protéines. Les implications sur le contrôle des industries polluantes sont évidentes. En termes pratiques, des récifs artificiels fabriqués avec des pneus, des poteries cassées ou défectueuses et des pierres locales fournissent un abri pour les animaux aquatiques de grande taille (anguilles, poulpes, écrevisses). Des « champs » ou des lignes de pierres (en usage depuis longtemps dans l'ouest de l'Irlande), disposés en eau peu profonde, « attrapent » les algues dans les étangs qu'ils forment, de la même façon que des barrières tressées. Un apport de fumier stimule la croissance des algues, d'où la production d'oiseaux aquatiques, et crée une écologie variable de la plus haute productivité. Les structures essentielles qui transforment les millions d'hectares disponibles de vase et de sables sont : · Des récifs de pneus, tuyaux, pierres. · Des barrières pour attraper les zostères et le poisson. · Des radeaux pour y accrocher des cordes où l'on suspend du naissain de mollusques et des algues ; des radeaux annulaires pour élever le poisson dans le lit de la marée (comme en Irlande, où le saumon est élevé en mer jusqu'à l'âge adulte). · Des étangs à marée soumis au courant permettant les conditions adéquates à l'élevage des huîtres. · Des trappes à fretin fournissant l'approvisionnement des étangs à Salicornes (fig. 7.24). · Des systèmes mécaniques ou électriques mus par des pales, établis en des points où le courant de la marée est faible. · Des marais salants, pour la production de sel et de produits chimiques, et pour l'élevage de certaines crevettes (qui servent à la nourriture du fretin). · Des îles servant de refuge aux oiseaux marins, et pour la récupération des phosphates. · Des zones profondes servant de refuge aux poissons, couverts de filets comme protection contre les cormorans. · Des champs de zostère fumés, protégés des vagues par de petites digues, produisant des herbes marines, et les poissons qui s'en nourrissent. · · Des murs perméables sous la surface de l'eau pour ralentir le courant de la marée dans les estuaires affouillés. 154
· Des essais de matériaux de substrat pour attraper d'autres espèces de fretin et d'algues. Les étangs d'eau de mer ou d'eau saumâtre présentent les mêmes avantages que les systèmes d'eau douce décrits ailleurs en ce qui concerne la pente, la réflexion du soleil sur la surface de l'eau et la diversité écologique, avec gibier d'eau, oies, poissons, mollusques et algues. Le plus grand avantage est une amplitude de marée de 1 à 9 m, que l'on rencontre sur la plupart des côtes, qui permet aux étangs de se vider librement lorsqu'on le désire, de remplir des retenues situées plus haut, que l'on peut lâcher plus tard dans les mares inférieures, et de récupérer du fretin et des algues venant de la mer et servant de nourriture. Les cygnes, les oies et certaines espèces de canards préfèrent les eaux salées ou les champs de salicornes et de zostères, tandis que les mulets, les anguilles et les brêmes sont des poissons faciles à gérer, avec des besoins en nourriture différents, ce qui permet d'utiliser des espèces variées. Les moules et les huîtres attachées aux pierres ou aux zostères retiennent les rivages de sable avec leurs « racines » et fournissent de la nourriture aux brêmes et aux humains. Tagari s'est inscrit pour la location d'étangs soumis à la marée, et de vases à Salicornes, afin de tester quelques-unes de ces stratégies, et a l'intention de développer une série de recherches sur les structures et les retenues, si on lui en fournit les moyens financiers. C'est dans la modification, ou la complexification des zones naturellement « invariantes », réduites depuis longtemps à l'état de plaines désolées par l'action de la mer que résident les possibilités les plus intéressantes d'accroître le rendement des pêcheries côtières. Plus important encore, le guano des oiseaux de mer, facilement récupéré sous forme liquide sur des radeaux ou des îles rocheuses, fournit les phosphates et les engrais naturels indispensables aux cultures locales. De larges plates-formes artificielles se sont montrées commercialement rentables au large des côtes du Sud-Ouest africain, où les pélicans et les cormorans utilisent ces « îles » pour nicher et déposer des tonnes de guano utilisable comme engrais. Sous des climats plus humides, la pluie dissout le guano, ce qui oblige à prévoir des réservoirs de stockage ou des structures d'évaporation fonctionnant grâce au soleil. Le mulch d'herbes marines et le guano referment le cycle de nutriments entre terre et mer et rendent très intéressantes les cultures près des côtes et des voies d'eau. Et pourtant les oiseaux aquatiques (en particulier les colonies de mouettes près des villes) sont rarement, s'ils le sont jamais, utilisés comme réserves de guano, et dans notre société de gaspillage, les richesses qu'ils nous offrent sont perdues dans la mer, tandis que l'on récolte ailleurs le guano. Dans les deux hémisphères, les oiseaux de mer, qu'ils nichent dans des galeries ou à la surface du sol, peuvent aussi être « gérés » pour la production d'oeufs et de viande, de duvet et d'engrais. L'industrie du puffin, en Tasmanie, fournit chaque année des millions d'oiseaux ; mais bien gérées, les colonies s'accroissent rapidement. Le duvet obtenu comme produit secondaire est le meilleur isolant qui soit pour les « doonas » (vestes de duvets), les lits et mêmes les pièces. Comme tous les gibiers ailés, les puffins peuvent être élevés et l'on peut en établir des colonies dans de nouveaux endroits. Les adultes survivent bien en captivité et leur progéniture va aux nouveaux élevages. C'est ainsi que chaque propriété côtière peut avoir un élevage de ces oiseaux si elle est située sur le territoire de l'espèce en question. De même, des colonies de phoques peuvent être créées (comme sur les îles Pribiloff) pour produire facilement des peaux, du guano et des protéines. Tous les pêcheurs au filet savent que l'eau peu profonde autour de ces colonies produit de grandes quantités d'herbes marines et d'algues, et donc des poissons comme le brochet, le garfish et le merlan. Le guano des phoques et des oiseaux de mer, provenant lui-même des seiches, du poisson et du plancton, est la base de la haute production d'engrais des pâtures marines bordant les côtes. Lorsqu'on les force à partir, il est fréquent que les phoques ne reviennent pas, ou bien ils sont stupidement tirés comme « parasites » par les pêcheurs au filet, ce qui diminue la productivité totale de la mer. Sous les tropiques, les dugongs (vaches marines), et les lamantins, les tortues et les crocodiles occupent des niches similaires, et peuvent se gérer de la même façon. 1. Pièges à marée en pierres Là où les marées atteignent 1 m 20 ou plus sur les côtes rocheuses, comme dans le Nord-Ouest de la Tasmanie, des pièges à marée peuvent être érigés avec des pierres posées les unes sur les autres, de façon à ce que les avancées rocheuses ou les zones recouvertes par la marée soient entourées d'un mur de 90 cm de hauteur. A marée haute, les petits poissons vivant en troupes (garfish, seiches, mulets, perches) entrent, par-dessus le mur, restent sur place pour se nourrir des algues de la zone enclose, ou sont appâtés par des moules brisées, et sont capturés quand la marée descend. Une mare, ou mieux un réservoir protégé des oiseaux prédateurs, retient les prises à marée basse. Les marées de fin de nuit donnent les meilleures prises, et nous visitions fréquemment ces pièges quand nous étions jeunes. Une porte ou une fenêtre désaffectée permet à l'ensemble du système de rester ouvert quand il n'est pas en service. De tels pièges fournissent de petits poissons à stocker dans des étangs fertilisés, et constituent eux-mêmes des supports pour des moules et des huîtres. 1. Pièges-entonnoirs pour eaux tranquilles Quand la marée est trop faible, ou dans les lacs et les lagons, une barrière de conduite aboutissant à une série d'entonnoirs guide les poissons (anguilles, truites, perches) vers les enclos. Sur les barrages, l'enclos terminal peut être situé sous la véranda de la maison, ce qui permet de toujours avoir du poisson à sa disposition. Ce système est largement utilisé 155
dans les zones côtières aussi bien en Grande-Bretagne (Écosse) qu'en Malaisie, et dans les eaux plus profondes pour les bancs de thon (Italie). Ces pièges peuvent être faits de broussailles, de fil de fer ou de filets de toile. Les enclos terminaux sont couverts ou complètement fermés pour déjouer à la fois les prédateurs et les poissons sauteurs. 2. Plantes marines -- Zostères, Hétérozostères et Posidonies (26) Diverses plantes marines, ou herbes des cygnes (swan weeds), poussent dans certains estuaires d'Australie. Les unes, sur la plupart des côtes exposées, ont des feuilles courtes et larges, d'autres les ont drues et robustes, certaines comme du foin, d'autres encore comme de la tourbe, mélangées avec une algue duveteuse. Toutes sont accessibles au cueilleur. Elles sont d'excellents isolants, et sont très résistantes au feu. L'utilisation intelligente de ces ressources est un procédé sain pour isoler des maisons, alors que les fibres minérales induisent des cancers du poumon. A Victoria, en tous cas, ce matériau est vendu comme isolant pour les toitures et les plafonds, mais il est disponible dans la nature pour tous ceux qui se donnent la peine d'aller en chercher. A Adélaïde, et dans bien d'autres endroits, les Zostères sont indésirables sur les plages et près des rampes de mise à l'eau des embarcations. Encore une fois, une utilisation judicieuse transforme ces « nuisibles » en une ressource écologique saine et durable. Les parties dures de ces plantes ne pourrissent pratiquement pas, et, même sous des dalles, ces plantes isoleraient du sol si elles étaient fumées avec de la créosote, ou trempées dans une solution faible d'un conservateur, ou bien enfermées dans une enveloppe en plastique. Ainsi on peut isoler les bâtiments de la froidure du sol, empêcher les pertes de chaleur vers le sol, et transformer des dalles de béton en un système propre à emmagasiner de la chaleur. Au printemps, les jeunes pousses sont pâturées par la volaille aquatique. Il y a une grosse production de graines en été, utilisables comme fourrage ou pour faire de la farine. 26 Dans nos régions, les Posidonies sont protégées. Elles se sont raréfiées à cause de la pollution du littoral et de la destruction de leur environnement. Il n'est pas non plus souhaitable de ramasser les Zostères à grande échelle. Quant aux Hétérozostères, elles n'existent pas chez nous. N. du T. 156
8. POULAILLERS EN LIBRE-SERVICE Il est possible de faire l'inventaire des aliments disponibles (en utilisant des listes d'espèces de plantes) et de concevoir des plans de libre-service alimentaire pour n'importe quelle espèce animale. J'ai choisi de traiter ici des volailles comme on le fait des animaux d'élevage. « Volailles » est entendu ici au sens large, et inclut la volaille d'eau, de terre, les pigeons, et même les émeus. Des lecteurs perspicaces, en consultant la liste de plantes (8.4), y trouveront aussi des solutions pour les abeilles, et, avec le temps, mettront au point un système d'affourragement pour le bétail. Beaucoup de ces espèces sont résistantes aux vents marins, aux sols salés et au gel, et donc adaptées aux sites côtiers ou désertiques. Il est certain (en tous cas en Australie) que les côtes et les déserts permettent la vie, dans des conditions naturelles, d'une grande variété d'oiseaux granivores et frugivores, des cailles aux émeus, ainsi que de grandes populations d'oiseaux insectivores, comme les pintades, les faisans, les canards, surtout là où les inondations locales apportent l'essentiel de l'eau. Dans le cas de l'élevage de volailles, les systèmes végétaux évoluent rapidement. Pour les faisans et les cailles, une diminution ou une élimination des herbivores (lapins ou vaches), permet aux plantes de produire des graines, pour la reproduction et pour la nourriture du bétail, en un seul été. Une provision de gravillons et de broyats de coquillages, pour le calcium des oeufs, là où les escargots indigènes sont peu nombreux, permet aux volailles de se nourrir des graines plus dures de beaucoup d'espèces de plantes. Dans la liste de plantes, les espèces mentionnées sont adaptées au rôle de coupe-vent, haies, sous-bois, et couche herbacée, afin que la planification s'applique aussi à un système de volailles en pâture libre. Bien qu'un regain d'intérêt se manifeste pour les systèmes de pâture libre, ils sont rarement ou jamais spécifiés, et je n'en connais aucun qui fonctionne de cette façon. Turner s'en approcherait le plus avec ses pâtures pour le bétail, mais il oublie de tirer avantage d'un emplacement correct des cultures de céréales, et des abris. En plantant et en observant l'évolution des variétés d'espèces fourragères, nous réduisons énormément (peut-être arrivons-nous même à supprimer) la nécessité de stocker des graines décortiquées, ce qui nous permet d'être gagnants en termes d'économies d'énergie. Dans la fig. 8.1, j'ai indiqué la disposition spatiale d'un tel système d'affourragement, centré autour d'une ferme, et les fig. 8.2 et 8.3 illustrent mieux encore cette idée. Il faudrait beaucoup plus d'observations sur les associations entre les oiseaux et les plantes pour faire des schémas plus détaillés, mais les espèces énumérées donnent une base équilibrée pour commencer avec des cours mulchées avec de la paille, à « sûreté intégrée » (fail-safe). Ce sont des enclos profondément mulchés et compostés, produisant une nourriture de secours à partir de céréales et de légumineuses. Il faut considérer les systèmes intégrés suivants à une large échelle : 2 000 m2 (1/2 acre) et plus : · le système de pâture libre très vigoureux de la zone II, plus les espèces normales du verger -- des aliments pouvant être récoltés pour le stockage; · des cours à paille pour le fourrage saisonnier, des récoltes occasionnelles, et la production de graines stockables ; · des enclos compostés en surface pour produire des pousses tendres et des espèces hautement sélectionnées telles que des blettes, et · des récipients de stockage ou des greniers pour stocker les aliments durs, afin de combler le vide alimentaire du printemps, lorsque les graines et les baies sont peu nombreuses. Il est certainement possible d'élaborer des systèmes d'affourragement pour les volailles à une très grande échelle, en élevant, dans des abris forestiers, des pigeons, des cailles et des faisans qui récoltent eux-mêmes leur nourriture. L'espacement des abris forestiers sera déterminé par des facteurs tels que la nécessité de garder des troupes de race pure bien séparées, le respect du comportement des oiseaux, ainsi que l'échelle de l'opération (tenir compte du temps nécessaire pour collecter les oeufs ou transformer la volaille en viande). 157
FIG. 8.1 : SYSTÈMES DE FOURRAGE POUR LES VOLAILLES. 158
FIG.8.2 : STRUCTURE EN HAUTEUR D'UNE FORÊT A VOLAILLE DÉVELOPPÉE FIG. 8.3 : SERRE CHAUFFEE PAR LES POULES. 159
Nous connaissons peu de choses sur l'équilibre optimal entre les espèces végétales et animales. Dans tous les cas, cet équilibre peut dépendre davantage du niveau de la population d'escargots et d'insectes de la région que de la planification. Une hygiène normale, la prévention des infections entre les espèces, sont également des facteurs importants, ainsi que la sélection des espèces pour la production d'oeufs et de carcasses. Les systèmes aquatiques ou semi-aquatiques demandent plus de travail, de même que les essais du système de pâture libre. Dans le contexte plus large de la planification en permaculture, un système d'affourragement pour les volailles pourra être combiné avec : · le contrôle du feu par le grattage et le pâturage des volatiles; · le chauffage des serres utilisant la chaleur du corps des oiseaux ; · la production de miel, grâce aux fleurs des espèces fourragères; · le stockage de nourriture pour de plus grands animaux, par exemple des chèvres; · la production de vergers familiaux ; · la production de graines pour stocker ou pour vendre ; · la récupération de fumier, d'où la possibilité de jardinage et de compostage annuels ; · le contrôle des nuisibles dans le pâturage libre, ce qui transformerait le potager familial en barrière à nuisibles (contre les sauterelles et les escargots par exemple) ; · en général, la diversification des produits, les ventes au bord de la route, etc. ; et · le développement d'un système fourrager pour grands animaux, tels que vaches et daims. 8.1 INSTALLATION Elle se fera comme pour les vergers, et en accord avec les pratiques de conditionnement du sol et de mulching déjà présentées. L'accès de la zone doit être interdit aux herbivores, et semé en prairie temporaire. Il faut établir des légumineuses ou d'autres plantes fixatrices d'azote comme fumures pour les arbres, arbrisseaux, plantes herbacées ou plantes-racines à croissance lente. Les premiers frais d'investissement concernent les clôtures, les premiers mulchs des cours à paille, les bâtiments la réserve d'eau et l'acquisition des espèces végétales et animales. Comme dans la plupart des systèmes complexes et en permaculture, des espèces telles que des champignons et des insectes ont vite fait de compliquer le système, et peuvent constituer des ressources non prévues initialement. Grâce à la manipulation importante du fumier et d'autres substances dans les cours à paille et dans les enclos, des matières dures comme les fougères, les tiges de maïs, les tailles de haies et les résidus de paille sont rapidement déchiquetés et se décomposent pour produire du mulch, tout comme ils font sous abri. On peut également contrôler les mauvaises herbes en régulant le temps de pacage, la densité du troupeau et la nature des espèces d'animaux mises à pâturer. De petites espèces comme les canards, les poules et les pintades, peuvent être installées dès le départ, et des oies peuvent être ajoutées après un an. 8.2 STOCKAGE DU FOURRAGE La nourriture stockée vient de deux sources différentes : · des gousses dures et des graines mûres et des cours à paille, et · des fruits abattus par le vent, tombés des noyers, chênes, caroubiers et autres arbres, ramassés ou râtissés. Pour le stockage du fourrage, il faut des râteliers, des étagères au sec, des récipients, des mangeoires à maïs, des sols secs ou des fosses pour les glands et les châtaignes, et des crochets ou des râteliers pour les capitules de tournesols. Il est essentiel de se protéger du pillage des rats et des moineaux, et un petit moulin à marteaux est très utile. 160
8.3 RÉGULATION DE LA PRODUCTION La production doit être régulée de deux manières : · de manière que l'apport fourrager soit régulier (afin de réduire les besoins de stockage); · de manière à régulariser la production des oeufs ou des carcasses. La diminution saisonnière du fourrage disponible pose quelques problèmes. Par exemple, les graines dures (Acacia, Robinier, Caragana) tombent surtout à partir du début de l'été, mais sont présentes un peu pendant toute l'année. Les baies suivent, en fin d'été et pendant l'automne, et jusqu'à la fin de l'hiver. Les grosses graines (noix, glands), persistent de l'automne jusqu'au printemps, et même toute l'année si elles sont ramassées et séchées. Les plantes vertes et les plantes vivaces couvrent le printemps et le début de l'été. Une production régulière d'oeufs peut nécessiter une sélection des variétés de volailles (Dorkings pour l'hiver, avec quelques canards, des races lourdes pour le printemps, des Leghorns pour la ponte de l'été). Les pigeons et les cailles, dont on s'occupera de plus près, produiront pendant presque toute l'année, si les classes d'âge sont mélangées. Les éleveurs professionnels, qui désirent éviter l'utilisation des couveuses artificielles, choisissent des Wyandottes et/ou des Silky bantams pour couver les oeufs des autres espèces. Dans une gestion plus sophistiquée, nous exprimerons la valeur alimentaire de certains arbres et de certaines plantes en termes de J.P.V. ou « jours de pâturage de volaille ». Par exemple, la valeur d'une luzerne arborescente peut représenter 2,5 kg de graines, ce qui nourrirait une poule en pâture libre pendant une trentaine de jours. Déjà, Smith a constaté qu'un noyer noir à maturité peut nourrir 8 poules pendant toute l'année, donc un seul arbre de cette espèce a une valeur de 365 X 8 = 2 920 J.P.V. Sur la base de ces équivalences, nous pouvons être amenés à planter préférenciellement des plantes de grande valeur, même si elles poussent plus lentement. La figure 4.2 a été effectivement établie sur une base de « jours-vache » par le département de l'agriculture de Victoria, et c'est aussi la manière dont Turner estime la valeur de ses pâtures permanentes ou temporaires. J'ai un ami à Perth (Australie occidentale) qui signale que son caroubier de 17 ans produit un supplément alimentaire journalier de 3 à 6 fèves pour 3 chèvres tout au long de l'année, en ramassant seulement une partie des fèves, et ceci représente suffisamment de sucre et de « concentré » pour que les chèvres puissent survivre en pâture libre et grossière, de sorte que ce caroubier représente une valeur d'au moins 1 000 jours de pâturage de chèvre. En ce qui concerne les merles, les étourneaux et les pigeons des bois, ils peuvent également participer, une fois capturés par des pièges ou des filets, à la production de protéines d'un 27système fourrager (). Comme me l'a indiqué Neil Douglas au cours d'une conversation, les volailles en pâture libre peuvent constituer des instruments de désherbage très efficaces, et si nous choisissons des espèces de plantes qui nous soient utiles tout en étant peu endommageables par la volaille, nous pouvons finalement disposer d'un jardin ne réclamant pas de travail ! Par exemple les poules sont friandes des Oxalis, qui sont par ailleurs nuisibles pour les producteurs de petits fruits. Ni les petits fruits, ni les asperges ne sont guère affectés par les poules -- les oies étant, cependant, de grands consommateurs de groseilles et de petits fruits. Avec le temps, les volailles tueront les herbes persistantes (mais une réinvasion progressive peut intervenir). D'où l'intérêt de la présence permanente de ces animaux dans les vergers, intérêt qui s'ajoute à celui du fumier qu'ils produisent. Contrôle des prédateurs : Les oiseaux qui s'attaquent à la volaille sont largement neutralisés par un affourragement basé sur les arbres, qui permet aux canards, pigeons, pintades et poules de se réfugier sous les arbustes ou dans les arbres. Les prédateurs terrestres, comme les renards, sont un vrai problème, mais il existe des moyens de s'en protéger, indiqués sur les fig. 8.4 et 8.5. D'autre part, des poules sur des perchoirs peuvent être utilisées comme appât contre les prédateurs terrestres, leurs abris étant équipés d'un piège au niveau du sol pour capturer les renards. 27 Mais attention aux espèces protégées ou simplement peu fréquentes, et aux lois en vigueur! N. du T. 161
FIG. 8.4 : PROTECTION DES VOLAILLES D'EAU CONTRE LES RENARDS. 1. CAGE OUVERTE SUR L'EAU. P. ÎLE A HERBES DES PAMPAS, BAMBOUS, BÛCHES CREUSES. 3. COIN MARÉCAGEUX, PEU PROFOND, AVEC UNE BORDURE D'HERBE DES PAMPAS. FIG. 8.5 : DÉFENSE TERRESTRE CONTRE LES RENARDS. 1. ARBRE-PERCHOIR POUR PINTADES. 2. MAISON GRILLAGÉE AVEC UN ESSUIE-PIEDS EN FER DISPOSÉ HORIZONTALEMENT ET SUSPENDU PAR DE COURTES CHAÎNES. 3. PASSAGE POUR L'ENTRÉE DU RENARD DANS L'ABRI-PIÈGE. 4. PETIT CHIEN ATTACHÉ A SA NICHE. De grandes colonies de pigeons, abrités dans des pigeonniers élevés, sont bien protégés des prédateurs, et peuvent constituer l'élevage de volaille le mieux adapté aux sites sauvages. 162
8.4 INVENTAIRE DE PLANTES UTILES On trouvera ci-dessous une liste annotée des espèces de plantes connues comme utiles pour l'alimentation des volailles. Cette liste (bien qu'unique en son genre), n'est certainement pas exhaustive, et tous compléments intéressants seront les bienvenus. 1. Espèces avec des graines et des gousses en été Arbustes et arbres LUZERNE ARBORESCENTE ou Chute des graines du début au milieu de l'été. Feuilles également comestibles. « TAGASASTE » (Chaemocytisus Résistant. Les fausses luzernes arborescentes (Cytisus pallidus, C. pullilans) sont proliferus) également utiles. LESPEDEZA (L. bicolor, L. Comme ci-dessus. cytobotrya, L. sericea, L. striata) ARROCHES (Atriplex halimus et Arbrisseaux résistants au vent, au sel et aux nuisibles. beaucoup d'autres espèces) ARBRE A POIS (Caragana Utilisé surtout comme fourrage à volailles, mais la graine est comestible arborescens, C. siberica) CAROUBIER (Ceratonia siliqua) Graines et gousses peuvent être stockées et moulues. FEVIER D'AMÉRIQUE (Gleditsia Comme ci-dessus. triacanthos) ROBINIER FAUX ACACIA Graines. Attention : les feuilles peuvent empoisonner le bétail. (Robinia pseudacacia) MESQUITES(Prosopis et Comme pour le caroubier. Résistants au sel et à la sécheresse. Strombocarpa) A C A C I A S D a n s c e g e n r e , n o u s t r o u v o n s b e a u c o u p d ' e s p è c e s à g r a i n e s d u r e s consommables par l'homme ou par les animaux domestiques, ainsi que par les oiseaux sauvages. Quelques exemples : Acacia giraffae (Afrique) Gousses pilées données au bétail. A. albida (Afrique) Excellent comme arbre protecteur des cultures. A. aneura, A. kempeana, A. Tous d'Australie, tous comestibles pour l'homme en cas de besoin, et tous boloserica, A. cowleana, A. résistants à la sécheresse, au sel et au gel. victoriae, A. binervata, A. longifolia, A. peuce, A. oswaldia Albizzia Semble avoir les mêmes caractéristiques que l'acacia. 2. Arbres et arbustes produisant des noix ou des glands pour la conservation (de l'automne au printemps) NOYER D'AMÉRIQUE (Juglans Se conserve pendant 12 mois nigra) NOYER COMMUN (Juglans regia) Comme ci-dessus. CHATAIGNIER (Castanea sativa) Se conserve 6 mois seulement, sauf sous régime de froid, ou après séchage au soleil. CHÊNES ( Qu er cu s spp .) Presque tous les glands sont consommables par les volailles. Les gla nds sont fa ci le s à ra mas se r e t à s tocke r e n so l hu mide ou ma ré cageux, à l'état sec, ou à l'état frais pendant de courtes périodes de l'année. Ils ont été recommandés en Grande-Bretagne, pendant la guerre, pour nourrir les volailles. Balanites spp. Les graines des fruits peuvent être stockées pour nourrir le bétail. HÊTRE (Fagus spp.) Produit des graines oléagineuses de façon irrégulière. 163
3. Baies et fruits produisant de la pulpe et des graines (de la fin de l'été au milieu de l'hiver) Lycium ferocissimum L. chinensis Haies piquantes, avec des baies et des graines, de la fin de l'été à la fin de l'hiver. Tolèrent le sel et le vent. Très recherchés par les volailles. Coprosma spp (C. lucida, C. Ensemble de plantes utiles et rustiques de la Nouvelle-Zélande, adaptées aux côtes, australis, C. parviflora, C. repens, marécages, sous-bois, plantes-abris. (Voyez Metcalf, L.J. La culture des arbres et C. kirkii, C. robusta) des arbustes en Nouvelle-Zélande, Reed, Wellington, 1972). La plupart sont dioïques et ne demandent qu'environ 5 % de plants mâles, et proviennent de boutures, ou poussent comme haies vives. Le catalogue Whole Earth de Nouvelle-Zélande (1975) signale que les volailles peuvent vivre toute l'année avec trois de ces espèces. Le bétail en apprécie les feuilles, qui sont intéressantes aussi comme amendements. Les arbres sont facilement taillés en haies. MÛRIERS (Morus alba, M. nigra) Aliment de choix pour les volailles, d'une grande valeur protéique. SUREAU (Sambucus spp.) Comme le précédent. BAIE D'ÉMEU(Owenia reticulata, Un aliment tout indiqué pour l'émeu et pour les pigeons. O. acidula) PALMIERS Une grande variété d'espèces produit des fruits aptes à la conservation, dans les régions subtropicales et tropicales. KARREBOOM (Rhus lancea) Arbuste rustique à baies, convenant aux volailles. Canthium latifolium(Australie) Un arbuste du désert, avec des baies comestibles, comme le Berrigan (Eremophila longi folia). AUBÉPINE (Crataegus spp.) et Amélanchier produisent une grande variété d'aliments pour animaux CHANAL, CHILE(Gourlila Également utilisé comme fourrage. decorticans) 4. Lianes pour clôtures et espaliers D o l i c h o s s p p . H a r i c o t s a n n u e l s o u v i v a c e s , c o n v e n a n t p a r t i c u l i è r e m e n t a u x pigeons. Espèces provenant de régions à climat tempéré à tropical, comprenant des espèces vivaces, toujours vertes, et des espèces annuelles. P a s s if lo r a s p p . C o m m e p o u r l e s D o l i c ho s . Le s p o u l e s s o n t fr i a nd e s d e s f ru i ts d e la passion-banane et noirs. Les fruits de la passion-banane sont résistants au gel, et formeront un espalier sur la plupart des arbres (y compris l'eucalyptus) s'ils sont plantés sur la ligne d'égouttement. KUDZU C'est une liane grimpante qui donne beaucoup de graines -- aliment recommandé pour les volailles. (Pueraria) CHAYOTE Également utile sur les tas de déchets ou en espalier bas. (Sechium edule) GABIZURA Liane grimpante donnant des graines oléagineuses. (Actinostemma lobatum) Racines L'« herbe aux noix » ou châtaigne d'eau chinoise (Eleocharis) et l'oseille (Oxalis spp.) produisent des tubercules peu profonds, consommés par les oiseaux, bien qu'elles soient considérées comme vénéneuses dans d'autres régions. L'Oca est une Oxalis cultivée. Les volailles mangent les feuilles et les tiges de l'Oxalis. Les topinambours (Helianthus) peuvent être déterrés suivant les besoins, surtout pendant les périodes creuses. Ils prospèrent dans les forêts de chênes et en sols pauvres. 164
Verdures et graines pour la couche herbeuse En pâtures libres étendues, la couche herbeuse ne devrait pas être négligée, et les trèfles, luzernes, chicorées, asperges, plantains, fenouils, et les herbes recommandées par Turner (33) peuvent être semées, avec un mélange de graminées. Les canards et les oies apprécient beaucoup les capitules de trèfle et les épis de seigle. La phytolaque (Phytolacca americana) est consommée par les oiseaux, surtout les pigeons. Le millet des bois (Milium effusum), des espèces de lupin, le sarrasin vivace (Fagopyrum cyanosum), la baie de perdrix (Mitchella repens), sous les pins et en sols acides ; le salal (Gaulthe ria procumbens), le soulkir (Agriophyllum gobicum), peuvent être utilisés comme plantes vertes, ou pour leurs graines, de même que les micocouliers (Celtis australis et C. occidentalis). Le seigle sauvage (Elymus condensatus) tolère une salinité modérée, et le riz sauvage (Zizania aquatica) a un fort rendement dans les étangs, où il nourrira les canards, tout comme les Lotus spp., le troscart (Triglochin), et aussi les herbes et les algues des étangs. 5. Espèces à semer à la volée. Semis dans les cours à paille TOURNESOL Helianthus spp. Les têtes sont mises en réserve en automne. MILLET Panicum spp. MAIS Zea SARRASIN Fagopyrum Ainsi que les grains, plus connus : blé, seigle, orge, avoine, « teff », etc. C h e n o p o d i u m D e n o m b r e u s e s e s p è c e s s o n t a p p r é c i é e s p a r l e s v o l a i l l e s . L a p l u part des graines, à semer à la volée, sont faciles à conserver, de même que celles des légumineuses présentées ci-dessous, comme nourriture pour les pigeons et les volailles. POIS CHICHES Tolèrent une assez grande diversité de sols et de climats. LENTILLES Comme ci-dessus. LAB-LAB (ou petits Doliques) Pour couvrir le sol.) POIS DES CHAMPS Il en existe une grande variété. Centrosemia Utile sous les tropiques. Non connues de l'auteur comme aliment pour les volailles, les Amaranthes d'Amérique du Sud, dont on cultive près d'un millier d'espèces et de variétés, pourraient probablement être utilisées dans ce but. Les grains d'Eragrostis et de Pourpier sont également utilisés en Australie pour l'alimentation humaine. Les graines de Lin peuvent être utilisées judicieusement, ainsi que celles de chanvre (Cannabis) : elles étaient autrefois une importante source de nourriture pour les oiseaux. 6. Herbes et adventices BO URSE A PASTEUR Tu rne r (33) re com ma nde ce tte he rbe pou r le s vo la ille s e t as su re ( Capse l la bu rsa-p as to ris ) qu 'e lle s timu le la p roduc ti on de s ve u fs . Com me e l le e s t co ns idé rée comme une « mauv ai se he rbe » da ns ce rta ine s ré gions , le s vo lai l le s se raie nt u n mo ye n de contrô le e ffi cace . GAI LLET G RA TTERON Enc o re u ne p la nte do nt le s gra i ne s sont bo nne s pou r le s vol ai l le s, m ai s pa rfo is co ns idé ré e com me u ne « mau va ise he rbe » ( Tu rne r, op . ( G aliu m ap ar in e ) c i t.) . El le s ai me nt le s gra ine s , e t co nsom me nt fac ileme nt tou te l a p la nte lo rsque sa te ne u r e n iode e t e n fe r e st importa nte , ce ci é tant v rai su rtou t pou r le s o iseaux ga rdé s e n ba sse -cou r ou su r u ne l i tiè re é pai sse . Il e s t inté re ssa nt de rama sse r du ga i lle t gra tte ron, u ni que me nt d ans le bu t de nou rri r de s vol ai l le s e n é le va ge inte nsi f. Pou r le s vol ai l le s e n p â ture l ib re , le ga il le t gra tte ron pe ut ré cl ame r u ne p ro te c tio n pa r de s b rous sa il le s ou de s clô tu re s. Enc o re u ne fo is , le s vol ai l le s pe uve nt u tile me nt se rv i r à contrô le r cette e spè ce . 165
P LAN TAIN Re co mma ndé p a r Lawre nce H i ll e t d'au tre s , co mme u ne cu l tu re , qui ab so rbe fa ci le me nt le fumie r de pou le , e t qu i p rodui t be aucoup de ( P lan tag o m a jo r P . fou rra ge ve rt. Trè s re che rc hé p a r le s c ana rds , se lon de s e xpé rie nce s lan c e o la ta) l oca le s . B LETTE ou B ETTE Le p re mie r c hoix e n ma tière de ve rdu re , ma is le l ib re accè s ne peut pas être permis aux volailles. Semé en succession, assurent du feuillage pendant toute l'année pour l'affourragement en vert. 7. Planification Le propriétaire soucieux d'écologie n'a plus qu'à combiner la « chaîne » de plantes et la « trame » d'animaux pour en faire un tissage logique. Certaines formules ont été figurées et suggérées ici, d'autres peuvent évoluer selon les observations de chacun, ou être adaptées aux conditions locales. Par exemple, pour l'équilibre des espèces, des marais salants peuvent suggérer davantage d'oies, un marais d'eau douce plus de canards, une zone désertique plus de cailles ou de pigeons. Les plantes devraient être arrangées en haies pour protéger les bâtiments, pour permettre l'observation et pour réduire les pertes dues à l'exposition au soleil, au vent, à la pluie et aux prédateurs. 166
9. PERMACULTURE ET COMMUNAUTÉ Au sujet de Ludo Chardenon, un herboriste traditionnel en Provence, Lawrence Durrel a pu dire : « Je l'ai perçu comme un de ces hommes obstinés, créatifs, disant toujours « oui », maintenant obstinément le cap jusqu'à ce que, nous autres, nous nous réveillions et décidions ce pour quoi, avec quoi et comment nous voulons vivre. Oui, c'est à nous de décider. » (The plant magie man; Yes ! 1975). Répandre la bonne parole du jardinage tranquille et responsable, c'est certainement faire cette « révolution d'un seul brin de paille », celle que recherchent les hommes qui disent «Oui ! ». Tous ceux que j'ai mentionnés se soucient davantage de la santé des autres, du pays et de l'humanité que d'eux-mêmes, et ce sont tous des gens très occupés, sur de nombreux plans ; tous ont des réflexions « latérales » ou multidisciplinaires dans le meilleur sens du terme. Le mouvement d'agriculture biologique fait partie de la nouvelle révolution de l'autosuffisance, à la campagne et en ville, comme par exemple le Mouvement du retour à la terre lancé par Jim Cairus et Juni Morosi, nouvelle synthèse des modes de vie alternatifs. Puissent-ils tous prospérer. La « communauté du village planétaire » connaît encore les difficultés de l'enfantement, et devrait produire, dans la décennie à venir, une révolution tout à fait remarquable, jamais engagée jusqu'à présent, sur les plans de la pensée, des valeurs et de la technologie. Son but n'est pas d'augmenter encore le rôle de la charrue, mais de fournir la philosophie d'une nouvelle et différente approche de la terre et de la vie -- aboutissant ainsi à rendre obsolète la charrue. Pour moi, je ne vois pas d'autre solution, sur les plans politique et économique, aux problèmes de l'homme, que la formation de petites communautés responsables, impliquées dans la permacuture et dans les technologies appropriées, puisque l'entreprise individuelle et compétitive ainsi que l'énergie surabondante n'ont pas répondu à nos espérances. La société est dans un drôle d'état : obésité dans le Nord, famine dans le Sud ; le pétrole s'épuise, et l'on continue à construire des autoroutes. Face à cette universelle insanité, la seule réponse est de se rassembler entre amis, et de commencer à bâtir une alternative, à partir d'une philosophie de responsabilité individuelle, pour la survie de la communauté. En écoutant Jacques Cousteau (A.B.C., 29 août 1977), j'ai été sensible à son appel aux scientifiques, leur demandant d'employer un langage simple, et de mettre leur énergie au service de techniques de vie, au bénéfice de l'homme ordinaire. Sir Mac Farlane Burnett, en Australie, fait un appel similaire, pas encore pris en compte par les établissements d'enseignement dans un pays où même les forestiers et les agriculteurs employés par l'État mettent tous leurs efforts de recherche au service des grandes propriétés ou des grandes firmes, plutôt qu'à celui des individus et des petits groupes, et où l'industrie et le gouvernement proposent des systèmes d'énergie centralisée, chers et souvent dangereux. Je crois que les jours de l'énergie centralisée sont comptés, et que la « re-tribalisation » de la société est une évolution inévitable, même si elle ne doit pas se faire sans peine. L'application des idées dominantes -- dans la politique, l'économie et l'industrie -- ont rendu la société malade ; le temps d'approches nouvelles est venu. Nous vivons dans le monde postindustriel, et nous disposons d'une grande quantité d'informations et de techniques sophistiquées, ce qui nous permet d'échanger des informations tout en vivant en milieu rural. La permaculture est une technique de base qui favorise une telle évolution, et qui est, comme tous les systèmes biologiques et holistiques, à la portée de tout le monde. La permaculture conserve et génère à la fois l'énergie nécessaire aux moyens de transports, et pourrait permettre à n'importe quelle communauté de vivre confortablement sur des superficies limitées. Complétée par des techniques appropriées disponibles (telles que celles qui fournissent le méthane et l'alcool), les procédés de distillation à sec, et les énergies éolienne, marine, hydraulique ou solaire, la permaculture pourrait être la base de la pérennité d'une région décentralisée. Combinée avec la coopération communautaire, la permaculture pourrait nous libérer de beaucoup des maux qui nous affligent, et ferait son affaire de tous les déchets organiques de la communauté qu'elle ferait vivre. Ainsi, un système de permaculture adapté à des peuplements humains constituerait un inépuisable système énergétique approvisionné par le soleil et développé par la communauté. En nous dirigeant vers une telle société, plus sûre et plus autonome, tout ce que nous pouvons craindre, c'est la peur d'agir, parce qu'en fin de compte la véritable sécurité réside en nous-mêmes, la meilleure assurance est celle constituée par la présence de bons amis et de bons voisins, et dans la possibilité de vivre dans une société qui ait un sens. 167
ACTION CIVIQUE Une société qui dépense en une heure, dans la course aux armements, autant que dans la lutte contre la famine en une année, doit inévitablement finir par périr de la guerre et de la famine. Pourquoi devrions-nous continuer d'accepter de gaspiller l'énergie dans la construction de maisons, d'autos, d'autoroutes et d'armements, alors que nous sommes en danger de mourir de notre passivité ? Bien que certains d'entre nous ne soient guère volontaires pour le faire, il faut que nous trouvions les moyens d'agir pour notre propre survie. Nous ne sommes pas tous capables, ni obligés, d'être fermiers ou jardiniers. Cependant, tout le monde a assez de compétence et de force pour constituer ou rejoindre un mouvement écologique ou un groupe d'action local, afin d'influer sur la politique des autorités régionales ou centrales, pour demander que les terres publiques soient mises à la disposition de ceux qui n'en ont pas, et aussi pour s'unir, sur le plan international, pour obtenir la réorientation, vers la conservation et la construction, de ressources aujourd'hui vouées au gaspillage et à la destruction. Permaculture 1 a souvent été considéré comme un livre politique. A la réflexion, c'est peut-être vrai, mais sans avoir rien de commun avec le discours politique existant, en ce sens qu'il suggère que l'homme n'a que faire d'une société de gaspillage et de pouvoir centralisé, mais qu'il lui faut une autosuffisance régionale, avec les moyens de communiquer avec toute la planète. Le manque d'humour et de clairvoyance, d'humanité et de sens pratique, qui caractérise tous les systèmes politico-économiques actuels, est effarant. Le monde entier est dépossédé de lui-même avec des satellites qui nous épient depuis le ciel, et de multiples Idi Amin Dada au niveau du sol ; avec aussi des fugitifs sur les eaux et sur les routes, avec la famine et l'obésité faisant autant de victimes l'une que l'autre. On nous dit que nous subissons une crise de l'énergie. C'est un mensonge puisque nous continuons à construire des autoroutes et des bombardiers. On nous dit que nous ne pouvons pas accepter de réfugiés : c'est un mensonge, puisque nous détruisons des surplus de grains. On nous dit que nous avons besoin d'égouts, de maisons de taille réglementaire, et d'un emploi. C'est encore un mensonge, comme ce livre peut aider à le montrer. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un groupe actif de gens sympathiques et dévoués à la citoyenneté du monde, ayant confiance en eux-mêmes, avec une éthique de responsabilité sociale et personnelle. Chaque maison a besoin d'un réservoir d'eau, d'une toilette sèche, d'une petite serre, d'un espace protégé des intempéries et d'un jardin. Personne n'a besoin d'une toilette à chasse d'eau, ni d'un monopole sur le pouvoir politique et économique. Il n'y a pas d'utopies à l'horizon, ni de plans pour en construire, mais l'homme pourrait créer un monde plus sain, plus heureux, moins aliéné et plus humain. La société humaine est complexe, et je ne prétends pas apporter toutes les réponses, mais il me semble que nous aurons fait quelques pas utiles si nous nous engageons dans les directions suivantes: · citoyenneté mondiale, adhésion à l'idée que la terre est un vaisseau spatial ; · globalité de la communication et de l'éducation ; · aide au développement de la confiance en soi chez les autres, sans créer de dépendance; · confiance en nous-même et en notre groupe (village, tribu, communauté) ; · conservation de la terre ; · pas de production de déchets, pas de chômeurs ; · adoption de principes environnementaux aussi élaborés que possible ; · moratoire sur les autoroutes, les armements, l'énergie centralisée, et sur l'exportation de toutes sources d'énergie en violation de ces principes; · suppression progressive de tous droits de douane, passeports, visas et obstacles aux voyages (pour une citoyenneté vraiment mondiale) ; · moyens d'information consacrés à faire connaître ces principes (avec une préférence pour les moyens de diffusion électroniques, qui ont le mérite de sauvegarder les forêts). Pour les projets communautaires : · tous groupes/voisinages limités en taille -- de 300 à 3 000 (ni plus ni moins) et au moins 5 emplacements pour chaque groupe, dont l'un « à l'étranger » (les groupes ne devraient pas se fixer 168
de frontières définitives) ; · propriété communautaire de la terre et des ressources publiques (loyers à vie sur les maisons et les jardins, bien sûr) ; le mythe cruel de la propriété des ressources et des gens nous a fait perdre le contact avec la réalité, et le droit de définir nous-même notre rôle et notre mérite, en favorisant l'émergence du paternalisme ; · les groupes régionaux doivent pouvoir déterminer les types de productions destinées aux échanges économiques, qui soient adaptés aux ressources locales, aux compétences, aux préférences et aux marchés ; il faut enfin : · un programme pour rendre chaque foyer et chaque ville autosuffisants, grâce à des équipes appartenant à des régions en équilibre, aptes à intervenir dans les régions en difficulté et dans le Tiers-Monde (qui se rencontre aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des nations riches) ; · des fédérations de groupes spécialisés dans les voyages et l'échange de compétences, avec des groupes mobiles basés sur le système de transport. Pour atteindre ce but, il suffit de commencer. 1 000 personnes seulement représentent un énorme potentiel en ressources, en terrains, en bâtiments, en revenus et en compétence. En partageant tout ceci, chacun aurait plus qu'assez. Assez, c'est un coin au chaud, une bonne alimentation (donc la santé), beaucoup d'informations, beaucoup d'amis, des occupations intéressantes dans le groupe, d'où une sécurité totale. Qui a besoin d'assurances, de satellites-espions, ou de tous ces coûteux sous-produits engendrés par l'insécurité et la peur ? Les sociétés multinationales, comme l'orgueil national, sont le fruit de l'avarice et de l'instinct de propriété. La plus grande vérité est peut-être que nous ne gardons vraiment que ce que nous donnons aux autres. Comme Titmuss (La société du don (The Gift Relationship) George Allen et Unwin, 1970) l'a clairement exprimé, un monde fondé exclusivement sur l'idée de marché finit par priver la personne humaine de sa liberté de donner, du droit à l'altruisme. Nous nous approchons rapidement d'une telle situation, et les conséquences pour notre société seront certainement désastreuses. Pensez-y, et rejoignez les volontaires de l'autogestion mondiale. Il y a beaucoup de combats et d'aventures devant nous : la lutte contre le froid, la faim, la pauvreté, l'ignorance, la surpopulation et l'avarice ; et les aventures à tenter s'appellent : voyages, relations humaines, écologie appliquée, projets complexes -- c'est-à-dire une vie bien plus intéressante que celle de la plupart des gens, et digne d'être proposée à nos enfants. 169
10. AUTRES RESSOURCES Pour ne pas augmenter le volume et le prix de ce livre, nous n'y avons pas ajouté une liste des espèces, comme dans Permaculture 1. Plusieurs schémas pratiques ont aussi été omis, parce qu'ils étaient spécifiques à des sites particuliers. Cependant, nous sommes en train de rassembler une grande quantité de données supplémentaires, et continuerons cette recherche, dont les principaux axes sont présentés ci-dessous. Bureau d'études A Tagari nous subvenons à nos besoins grâce à nos jardins, et aussi par nos publications et nos consultations sur la pratique de la permaculture. Une équipe de planification est déjà opérationnelle (Ted Lament, Bill Mollison, Andrew Jeeves, Simon Fell, Peter Moore), et d'autres sont en cours de formation pratique. Les membres de l'équipe de consultation voyagent pour donner des conférences, organiser des séminaires et des sessions de planification, les frais étant payés d'avance. Des spécialistes planifient pour des groupes désavantagés et des chômeurs. Nous avons plaisir aussi à travailler pour d'autres communautés. Des plans ont été prévus pour une grande variété de situations et de climats, pour l'intérieur des usines, et pour les autorités et les lieux publics. Les conseillers associés sont des spécialistes en architecture, en maisons passives, en agronomie, en « ligne-clé », en horticulture et en aquaculture. Tout ceci peut faire l'objet de travaux spécifiques. Les rémunérations demandées sont actuellement du même ordre que celles d'architectes-paysagistes ou d'architectes, mais nous pensons qu'elles sont justifiées. Pour de petites planifications locales, un minimum de 300 dollars couvre les frais matériels, ainsi que l'étude, les plans de base et la documentation sur les espèces ; pour les grandes propriétés, pour des problèmes d'architecture ou de travaux publics, nous chiffrons un projet ou une étude en fonction d'un tarif horaire raisonnable. Un déplacement de plus de 600 à 800 km doit être organisé par le client, et peut souvent être compensé par des conférences ou des ateliers dans les environs. Quand c'est possible, nous donnons des consultations à prix coûtant aux Aborigènes ou aux groupes défavorisés. Tous les projets sont en harmonie avec la philosophie des énergies douces et de la non-violence ; pour ceux qui ne peuvent pas payer 300 dollars, nous avons aussi un jeu de planification standard (voir la liste ci-dessous), et nous en ajouterons de nouveaux suivant les demandes qui se manifesteront, à condition qu'il s'agisse de sujets bien définis et limités. Plans types Ils sont fournis sous forme de feuillets libres régulièrement mis à jour. Quelques exemples : PAYSAGES (série L) L1 Plantations sur dômes de roche (pour terrains granitiques et endroits où la roche affleure). L2 Étangs de marée. L3 Barrage de plaine, localisation d'une maison. NUISIBLES (série P) P1 Contrôle des moustiques. P2 Contrôle des ronces. P3 Protection contre les renards. P4 Plantations en présence de lapins. JARDINAGE ANNUEL (série A) Al Culture associée tomates-asperges. A2 Spirale d'herbes culinaires. 170
A3 Production familiale de pommes de terre. MARKETING ET GESTION (série M) MI Lien-ville-ferme : quand la campagne et la ville se rejoignent. M2 Ventes au bord de la route. M3 Ventes par autocueillette. TECHNIQUES (série T) T1 Taille en permaculture. T2 Traitement des eaux usées d'une maison. T3 Traitement des eaux usées d'une communauté. T4 Plantations à grande échelle. T5 Utilisations des pneus. T6 Combustibles tirés des plantes. STRUCTURES (série S) S1 Structure et plantation des treilles. Pièges à soleil. S2 Collecte de l'eau suintant des dômes rocheux. S3 Abris ombragés -- bibliographie. S4 Serres attenantes -- bibliographie (Donner la latitude). LISTES D'ESPÈCES SPÉCIFIQUES (série D) Dl Liste complète d'espèces fourragères à volailles. D2 Espèces pour les haies -- clôtures/barrières. D3 Espèces fourragères pour le bétail. D4 Espèces fourragères pour les porcs. D5 Espèces pour zones maritimes, résistantes au vent et au sel. STRATÉGIES URBAINES (série U) U1 Contrats de culture avec les voisins. U2 Plantations d'arbres à faible densité, contrats de vente. U3 Élevage extensif, contrats de vente. U4 Subventions publiques. (Dans cette série U la préoccupation principale est la création, d'emplois socialement utiles et intéressants.) N'hésitez pas à demander tout plan spécial ou toute documentation dont vous auriez besoin. Tous nos plans sont couverts par des copyrights. Les prix varient de 4 à 15 dollars à ce jour. Revue trimestrielle de l'association Le remarquable Terry White (37, Gold smith Street, Maryborough) publie notre journal trimestriel (Permaculture Quaterly) pour le bas prix annuel de 8 dollars (qui couvre tout juste les frais d'impression et d'expédition). Dans ce substantiel journal, nous avons des rubriques de demandes, de produits offerts, de nouvelles, d'opinions, et nous étendons notre réseau pour couvrir la pennaculture, la technologie appropriée et la vie communautaire. Tout groupe étranger qui souhaiterait publier un bulletin local a seulement à en faire la demande. Les dons sont toujours les bienvenus : en tant qu'association, nous manquons souvent de moyens financiers. Les fournisseurs locaux peuvent obtenir gratuitement une liste d'espèces utiles, s'ils proposent eux-mêmes leur liste en échange. Les membres de l'association sont invités à rassembler, vendre ou échanger des graines locales sélectionnées. Les groupes qui ont besoin d'aide peuvent nous en demander, et la plupart des lettres qui concernent la permaculture doivent être adressées à la Revue. 171
L'institut de permaculture L'association Tagari a acheté une trentaine d'hectares de terres et de marais côtiers de Stanley, en Tasmanie et, en plus des jardins locaux, a mis en application des plans et des projets depuis 1979. La partie intérieure sera consacrée à la démonstration de techniques de culture et d'aménagement, et l'exploitation d'étangs immobiles en sera la dominante. Nous rassemblons des espèces correspondant à un éventail de climats allant du subtropical au tempéré (nous n'avons pas de gelées), et nous sommes intéressés par des graines ou des boutures d'espèces rares et des plantes aquatiques utiles. L'institut cherche à devenir une réserve d'espèces convenant à l'Australie du Sud -- une sorte d'arboretum pour la permaculture. Nous cherchons à devenir autosuffisants, en percevant des droits d'entrée pour les écoles et les visiteurs, et en vendant des graines et des plantes. Nous vendons aussi sur le site des oléagineux, quelques fruits, des plantes et des volailles aquatiques. La culture progresse, mais nous avons encore à faire des aménagements du terrain, et nous manquons d'espèces. L'organisation formelle sera exposée dans la revue. Index des espèces utiles en permaculture Nous préparons un index sur feuillets mobiles, consacré aux espèces de plantes et d'animaux les plus utiles. La première livraison comprendra 1 000 espèces et sera disponible en janvier 1980. Prière de nous la demander. Tout en accomplissant ce travail ; nous en ferons des résumés ; une attention particulière sera accordée au potentiel de planification, à l'emplacement aux utilisations et au processus de transformation. Tagari Il est possible de devenir membre de Tagari, à la condition d'être travailleur et facile à vivre, de préférence avec quelques moyens pécuniaires pour pouvoir se loger, ne serait-ce que partiellement. Faire une demande par écrit. Il faut prévoir une période d'« essai réciproque » d'au moins trois mois. Les possibilités d'hébergement sont limitées. Tagari est une communauté de plein engagement, où un contrat de confiance prévoit qu'il n'y a de propriété que commune, où ce sont des partenaires qui s'occupent des affaires et où tous revenus et ressources sont partagés. Les membres de la communauté vivent dans des maisons familiales. L'association n'a pas déposé de statuts, et prend elle-même, seule, toutes ses décisions. Un hangar et de la terre, c'est tout ce dont elle a besoin pour le moment. L'habitat restera au second plan, jusqu'au jour où nous aurons plus de capital, ou de possibilités pour construire nous-mêmes. A l'exception de ce qui concerne la revue, les demandes de renseignements de toutes sortes sont à adresser à: Tagari P.O. Box 1 Tyalgum NSW 2484 - Australie T. (066) 79-3442 172
11. BIBLIOGRAPHIE Principales références 1. Mollison B. et Holmgren D., Permaculture 1. Une agriculture pérenne pour l'autosuffisance et les exploitations de toutes tailles. Transworld (Corgi, Bantam) 1978, Melbourne. Debard, Paris, 1986. Le premier livre dans cette série, qui traite d'une façon nouvelle de l'agriculture pérenne, et des problèmes de planification. 2. Yeomans, P.A. Water for every Farm Murray, Sydney, non daté. P.A. et Ken Yeomans ont grandement aidé l'auteur, et bien d'autres, par le clair exposé de leurs méthodes d'analyse du paysage et de traitement du sol. 3. Fukuoka, M. La révolution d'un seul brin de paille Guy Trédaniel, Paris 1983 Peut-être le livre le plus substantiel sur l'agriculture permanente. Devrait être traduit en toutes langues, et distribué par tous les gouvernements. 4. Phillips, S.H. et Young, H.M. Jr. No-Tillage Farming Reiman Associates, Wisconsin, 1973 Un travail technique de pionnier, sur l'agriculture sans labour, mais avec utilisation de pesticides, et conçue pour de grandes surfaces. 5. King, F.H. Farmers of Forty Centuries Rodale Press, Emmaus, Pa. Un classique sur les méthodes agricoles de l'est, l'accent étant mis sur un système permanent de plantes annuelles. 6. Papanek, V. Design for the Real World Paladin Books, 1974. Un livre puissant pour le technicien méta-industriel. 7. Stout, Ruth, et Clemence, R. The Ruth Stout No-Work Garden Book Rodale Press, Emmaus, Pa. 8. White, Deborah, et al. Seeds for Change. Creatively confronting the energy crisis Patchwork Press, Melbourne, 1978. Le livre essentiel sur la crise de l'énergie en Australie. Politiciens, prenez note ! 9. Williams, C. Craftsmen of Necessity Vintage Bocks, N.Y. 1974. D'une lecture très agréable. Montre une grande compréhension des systèmes passifs dans la construction et en agriculture. 10. Day Lewis, C. (Traduction) 173
The Ecologues, Georgics and Aeneid of Virgil Oxford Univ. Press, 1977 Ancien, quelque peu fragmentaire, sur l'élevage et la culture. 11. Lovelock, Y. Vegetables, An Unnatural History Curieux, littéraire, avec des informations pratiques sur une grande variété de plantes comestibles. 12. Logsden, G. Small-scale Grain Growing Rodale Press, 1977 Pratique et utile, comme tous les livres du même auteur. En complétant avec les références 3 et 13, on peut se lancer dans la culture des grains. 13. F.A.O., Rome, 1961 Agricultural and Horticultural Seeds Une compilation utile pour le cultivateur. 14. Watt, K. Principles of Environmental Science Un guide pratique donnant les règles d'une bonne gestion et d'une bonne analyse de l'environnement. 15. Hickling, G.F. Fish Culture Faber and Faber, Londres, 1962. Un livre « standard » sur le sujet. 16. « Chakroff, Marylin Freshwater Fish Pond Culture and Management V.I.T.A. Manual, Series 36E, 1976 Disponible chez : Fish pond culture, 3706 Rhode Island, Mt. Rainier, MD 20822. 17. Poulsen, G. Man and Tree in Tropical Africa I.D.C.R. 101e, 1978 Disponible chez : I.D.C.R., Box 8500, Ottawa, Canada, K.I.G. 3H9. Excellents essais sur l'agriculture tropicale. 18. Andersen, E. Landscape papers Turtle Island Foundation, Berkeley, 1976. 19. Odum, Howard T. Environment, Power and Society John Wiley, NI.Y., 1971. 20. Mollison, B. Arid Land Permaculture Tagari Pub. 1978 Forme la section 5.1 du présent livre. 21. Howard, Sir A. An Agricultural Testament Oxford Univ. Press. 1943 174
22. Van der Muelen, G.F. The Ecological Methods for Permanent Land Use in the Tropics Ranonkelstaat 119, The Hague, Netherlands. Non daté. Complète les ouvrages de Poulsen sur l'écologie tropicale. 23. Evenari, M., et al. Agronomy Journal, 60, 62, 63. Une série d'articles sur le « run-off farming » dans les régions arides. 24. Hall, H. et al. The Use of Trees and Shrubs in the Dry Country of Australia Aust. Govt. Pubs. (A.G.P.S.), Canberra, 1972. 25. Brokenshaw, P. The Pitjantjatjara and their crafts Aboriginal Arts Board, 1975. 26. Cleland, J.B. dans : Aboriginal Man in South and Central Australia Govt. Printer, Adelaïde, 1966. Espèces natives 27. Latz, P.K. dans : The nutrition of Aborigines in Relation to the Ecosystem of Central Australia. CSIRO, 1978. 27a Maggs, D.H. Comme ci-dessus. 27b Frith, H.J. Comme ci-dessus. 28. Permaculture Quaterly, Terry White (Ed.) 37, Goldsmith St. Maryborough, Vic. 29. Gollan, Anne The Tradition of Australian Cookery A.N.U. Press, Canberra, 1978. 30. Pitjantjatjara Homelands Health Service P.M.B. 65, Alice Springs, N.T. 5750 Bulletin et Feuille d'informations. 31. Smith, R. Tree Crops : a permanent agriculture Devine-Adair, Old Greenwich, 1977. 32. Kern, Ken. The Owner-Built Homestead Owner Built Publications, Calif., 1974. 33. Turner, N. Fertility Pastures Barggler Rateaver, 1974. 34. Fisher et Yanda The Food and Heat Producing Solar Greenhouse John Muir Pubs, New Mexico, 1976. 35. McCullagh, James C. The Solar Greenhouse Book Rodale Press, Emmaus, Pa., 1978. Compléments bibliographiques (en français) par Philippe Weissbrodt 36. Altieri, Miguel A. L'agroécologie, bases scientifiques d'une agriculture alternative Debard, Paris, 1986. 37. Birre, André 175
L'humus, richesse et santé de la terre La Maison Rustique, Paris, 1979. 38. Bircher, Ralph Les Hounzas Éditions V. Attinger, Neuchâtel, 1949. 39. Bonfils, Marc Agriculture synergétique (plusieurs volumes) Las Encantadas, Bouriège (adresse dans la section suivante) Recherches sur les céréales, les blés d'hiver, le sol et l'érosion, l'apiculture, les arbres fruitiers, etc. 40. Bourguignon, Claude Le sol, la terre et les champs Sang de la Terre, Paris. 41. Chaboussou, Francis Santé des cultures, une révolution agronomique La Maison Rustique, Paris, 1985. 42. Couplan, François Encyclopédie des Plantes Comestibles de l'Europe -- Vol. 1: Le Régal Végétal Debard, Paris 1984 - Équilibres Aujourd'hui, Flers, 1991. 43. Couplan, François Guide des Plantes Sauvages Comestibles Hatier, Paris, 1985. (épuisé -- disponible auprès de : IRPF, Haut Ourgeas, 04330 Barrême). 44. Desbrosses, Philippe Le krach alimentaire, nous redeviendrons tous paysans Éditions du Rocher, Paris, 1990. 45. Franck, Gertrud Cultures associées au jardin La Maison Rustique, Paris, 1983. 46. Fukuoka, Masanobu L'agriculture naturelle, théorie et pratique pour une philosophie verte Guy Trédaniel, Paris, 1989. Un livre indispensable. 47. Groupe de Beaulieu Construire l'espérance, manifeste pour une civilisation éco-spirituelle Éditions de l'Aire, Lausanne, 1990. 48. Hainard, Robert Le miracle d'être, science et nature Sang de la Terre, Paris, 1986. 49. Laflèche, Benoît Les abeilles, Guide pratique de l'apiculteur amateur Solar, Paris, 1990. 50. Lange, Siegfried Culture du seigle Revue des Quatre Saisons du Jardinage, n° 69 juillet-août 1991, p. 53-58, Paris. 51. Moray, Paul Écoverger Éditions du CIEPAD, 1990 176
Pour un verger plus résistant à la sécheresse et aux maladies. 52. Oppikofer, Mireille Identité naturelle et sociale : les propositions de l'agriculture biologique Mémoire de Licence, Département de Géographie, Université de Genève, 1986. 53. Permaculture (plusieurs volumes : textes et interviews de Bill Mollison, sujets divers) Las Encantadas, Bouriège (adresse dans la section suivante). 54. Revue de Nature et Progrès, Oullins Publie régulièrement des articles sur la Permaculture. 55. Rusch, Dr Hans Peter La fécondité du sol Le Courrier du Livre, Paris, 1972. 56. Société Suisse de Pédologie Sol, bien vital menacé Sauerlànder AG, Aarau, 1985. 57. Tanguay, François Petit manuel de l'autoconstruction Editions de Mortagnes, Ottawa, 1983. 58. Tanguay, François Petit manuel de l'habitat bioclimatique Edition de Mortagnes, Ottawa, 1988. 59. Institut de Recherches sur les Propriétés de la Flore L'Agriculture adaptée IRPF, Haut Ourgeas -- 04330 Barrême, 1987. Ouvrages récents de Bill Mollison (en anglais) 60. Permaculture designers' manual Tagari, Tyalgum NSW, 1988. 61. With Reny Sley Introduction to Permaculture Tagari, Tyalgum NSW, 1990. 177
12. LA PERMACULTURE EN EUROPE FRANCOPHONE Par Philippe Guichard Depuis le début des années 80, les mouvements français, belge et suisse romand de permaculture se sont organisés autour d'individus et d'associations mettant en oeuvre des réalisations concrètes (environ une trentaine à ce jour) ainsi que des stages et des sessions de formation. Aux références usuelles en permaculture s'ajoutent les travaux menés parallèlement par Marc Bonfils. Après plusieurs années d'un patient travail de diffusion de l'information, amorcé à l'initiative d'Emilia Hazelip, 6 associations (4 françaises et 2 belges) ont constitué en 1992 le Bureau commun de Diffusion de la Permaculture et de l'agriculture naturelle (B.D.P.) qui, entre autres activités, publie un bulletin de liaison disponible par abonnement et tient à jour un répertoire des sites gérés en permaculture. Adresses de contacts France : B.D.P. c/o Dominique Erbland 5 bis, avenue Rembrandt 78500 Sartrouville (bulletin de liaison en langue française entre les associations adhérant à l'éthique de la permaculture) Institut d'Agronomie Alternative Ferme de Cinquante 31520 Ramonville (documentation et expérimentation sur les méthodes de production allant dans le sens de la bonification des terres, collection de céréales rustiques et conservation des blés locaux, expérimentation de la méthode Marc Bonfils pour le blé, projets de formation autour de la filière blé-farine-pain, lagunage à macrophytes, publications) Oïkos do Jean-Louis Rémy et Sylvie Bourget Les Baraques 39130 Blye (promotion d'un habitat et d'un environnement écologiques selon la démarche de la permaculture : informations et stages) Las Encantadas Permacul ture-Pyrénées 11300 Bouriège (stages en France, en Belgique et en Espagne, diffusion d'ouvrages sur la permaculture et sur les travaux de Marc Bonfils, expérimentation maraîchère sans travail du sol, banque de semences de céréales d'hiver) L'Escampe c/o Anne Duchesne La Hurèlerie 72500 Jupilles 178
(agriculture, habitat, pédagogie scolaire et extra-scolaire, stages, conférences, rencontres et communication entre personnes intéressées, accueil à la ferme, publication d'un bulletin annuel) Belgique : Cercle des Amis de l'Arbre -- Permaculture a.s.b.l. c/o Kali De Keyser Avenue Dolez 592 B-1180 Bruxelles (stages et conférences, réseau de personnes intéressées, bulletin de liaison trimestriel, projet de jardin de démonstration en permaculture) Permaculture Belgique c/o Guy Basyn Ferme du Boissonnet 33, rue Saint-Roch B-1325 Chaumont-Gistoux (épuration des eaux usées par macrophvtes) Suisse : Philippe Weissbrodt La ferme CH-2202 Chambrelien (expérimentations, liaison entre personnes intéressées) A noter également : Institut de Recherches sur les Propriétés de la Flore Haut Ourgeas et : CH-1692 Massonnens 04330 Barrême Suisse Tél. 92.34.25.29 Tél. 037/53.19.78 (utilisations alimentaires et médicinales des plantes sauvages, « agriculture adaptée » basée sur la semi-culture de la végétation subspontanée et l'emploi des adventices) Des associations de permaculture existent dans la plupart des pays européens, en particulier en Allemagne, où la permaculture connaît un succès important depuis la fin des années 70. En Australie, c'est maintenant devenu une véritable institution, et aux États-Unis, le mouvement est actuellement très développé. Pour tous renseignements sur les contacts à travers le monde et sur le bulletin de liaison international (en anglais), écrire à : PC International News P.O. Box 424 Byron Bay, NSW 2481 Australie 179