Traduction-adaptation française de l'original en ... - Ulrich Matthias
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bibliographique ...... Une part d'autoévaluation par le groupe, prédéfinie dans le
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Teksto de 24.01.2005
Lespéranto
Un nouveau latin
pour lÉglise
et pour lhumanité
Traduction-adaptation française de l'original en espéranto
d'Ulrich Matthias
Travail collectif de Michèle Abada-Simon, Jean Amouroux, Philippe Cousson, Christian Lavarenne, Mireille Le Buhan, François Simonnet
Coordination : Michel Arlès
Relecture finale : Claude Piron
En couverture :
Quelques espérantistes sur la place St Pierre de Rome le jour de Pâques 2004
****
"La parole humaine est chargée d'unir"
(Curé d'Ars, patron des curés du monde)
( F K E A )
*
Note liminaire importante:
Souhaitant la plus grande lisibilité possible nous avons explicité tous les sigles et abréviations et traduit les très nombreuses expressions en langues étrangères, y compris, à leur première mention, les titres d'ouvrages, de revues et d'articles de ces revues. La première occurrence d'une abréviation ou expression étrangère, y compris en espéranto, dans le corps du texte, est, selon le cas, explicitée ou traduite aussitôt entre guillemets "
". Dans le cas d'une expression répétitive, un chiffre romain en petits caractères, en exposant et entre parenthèses apparaît également dès la première occurrence. C'est un renvoi aux notes de fin d'ouvrage, chapitre 10 "Abréviations lexique
". À titre de rappel quelques occurrences suivantes sont renvoyées aux mêmes notes au moyen de lettres minuscules présentes sous la même forme. 1. Avant-propos
1.1. Préface du Père György-Miklos Jakubinyi, Archevêque dAlba Iulia, Roumanie (ann. 2 b fiche 74)
Je ressens toujours de la nostalgie quand on parle du latin. Dans mon enfance, malgré les difficultés dues au régime communiste, jai été enfant de chur pendant dix ans. Nous apprenions les prières latines -- les réponses des enfants de chur, que je trouvais belles -- et nous les récitions par cur sans connaître la langue. Et pourtant nos formateurs veillaient à ce que nous ayons une idée de ce quelles signifiaient. Larrivée des langues nationales dans la liturgie du rite latin effaça ces difficultés.
Reste cependant la compréhension internationale. Déjà avant Vatican II, on me disait souvent quun catholique se sentait chez lui dans le monde entier, parce que la liturgie était partout dans la même langue... Allez en Chine et, là aussi, vous comprendrez la liturgie parce quelle est célébrée en latin, me disait-on. Doù lhistoire des deux Hongrois de Transylvanie qui, à létranger, vont le dimanche à léglise. Quand ils entendent la messe en latin, lun des deux chuchote à son voisin : Tiens ! Ici aussi on parle hongrois ! Bien entendu, on ne peut pas cacher le grave problème qui se dissimule derrière de telles anecdotes. Combien étaient-ils de catholiques qui pouvaient bénéficier de lunité de la liturgie latine ? Combien étaient-ils de catholiques qui pouvaient aller à létranger comme touristes ou travailleurs ? Cest pourquoi le Concile Vatican II décida dintroduire, pour ceux qui restent chez eux (ce sont les plus nombreux), la liturgie en langue maternelle.
Le concile nadmit les langues maternelles dans la liturgie que pour favoriser la compréhension:
j"L usage de la langue latine doit être conservé dans le rite latin si cela ne présente aucun inconvénient. Mais dans les cas fréquents où l usage de la langue maternelle est utile au peuple, quil sagisse de la messe, des sacrements et dautres domaines de la liturgie, il est permis de lui attribuer une plus grande place, notamment dans les lectures et les sermons, dans quelques paroles et chants selon les règles définies dans les chapitres suivants.k"
Dans la pratique il en alla tout autrement : les langues maternelles remplacèrent complètement le latin. Je suis moi-même un latiniste enthousiaste, pas seulement en raison de ma formation de prêtre romain, c est à dire de rite latin, mais aussi en ma qualité dhomme formé aux humanités qui a déjà enseigné le latin dans un petit séminaire. Ce serait très beau si tout le monde comprenait le latin ! On trouve parfois des guides de voyages ou des livres de conversation en latin avec de belles tournures de phrases : Apud tonsorem, "chez le coiffeur", etc. Mais où, dans quel pays un coiffeur comprend-il le latin ? Quand on ouvre l'annuaire allemand Fischer Weltalmanach 2000 "annuaire mondial Fischer 2000", on peut constater que, dans le monde entier, il nexiste quun seul État où le latin soit langue officielle, cest Status Civitatis Vaticanae ou Stato Città del Vaticano, "lÉtat de la Cité du Vatican". Daprès dautres sources, la Reppublica di San Marino ou Res Publica Sancti Marini, "République de Saint-Marin" a également le latin comme deuxième langue officielle. La différence entre les deux est quau Vatican, le latin est la première langue officielle et litalien, la deuxième, tandis quà Saint-Marin, cest linverse. Pourtant, il en va autrement dans la pratique, car il est vain de sadresser en latin au boucher du Vatican, cité où on ne parle quitalien. Le latin y a bien une place dhonneur, mais pas dans la vie quotidienne. Il en est de même pour lÉglise. Le latin était la langue officielle jusquau Concile Vatican II et il lest encore. Mais, en raison de lintroduction des langues maternelles dans la liturgie, le latin a été évincé. Pourquoi apprendre encore le latin sil régresse dans la réalité ecclésiale ? La liturgie était le principal domaine où il se pratiquait. En 1970, les universités pontificales de Rome ont introduit litalien partout. Bien entendu, elles ont laissé une place honorifique au latin, mais les élèves qui ont eu le choix ont généralement opté pour litalien. Quand, en 1970, je suis arrivé à Rome pour des études bibliques supérieures, les professeurs ont demandé aux élèves sils voulaient continuer à utiliser le latin. Ce fut un refus unanime. Quelques professeurs surtout non Italiens nen ont pas moins continué à utiliser le latin dans leur enseignement, car cétait possible. Si le nombre de leurs étudiants ne diminua pas, cest quils étaient renommés.
Les universités pontificales doivent accepter les travaux des étudiants en six langues : latin, italien, anglais, français, espagnol, et allemand. Dans les épreuves orales, lexaminateur doit accepter le latin et litalien, éventuellement dautres langues quil indique lui-même. Cest ainsi que j'ai pu passer un examen dans ma langue maternelle, le hongrois.
LÉglise catholique mit fin à lépoque latine par lintroduction des langues maternelles dans la liturgie. Le bon Pape Jean XXIII soutenait dun côté lusage de la langue maternelle, de lautre le maintien du latin. Bien entendu, cela ne fonctionna pas. Le futur Pape Paul VI, alors vice-secrétaire, créa la fondation pour le latin quil porta au rang dinstitution pontificale sous le nom dOpus fundatum Latinitas "Latinité, travail de base" par la lettre Romani sermonis "De la langue romaine" du 30 juin 1976. Selon les informations de lAnnuario Pontificio 2000 "Annuaire Pontifical 2000", p. 2029, la fondation a pour tâche de promouvoir létude du latin classique et du latin dÉglise, mais aussi du latin littéraire et du latin médiéval, ainsi que de soutenir lutilisation du latin principalement dans les sphères de la littérature ecclésiale. Le Pape décerne lui-même tous les ans un prix appelé Certamen Vaticanum "concours Vatican" pour le meilleur ouvrage en langue latine de nimporte quelle catégorie (littérature, science etc.). Le latiniste du Pape est le Père abbé augustin (CRSA) () du Sud-Tyrol, Carlo Egger, qui, dans ses manuels, utilise une nouvelle méthode, fondée sur lidée quil faut enseigner le latin comme une langue vivante, et non comme une langue morte. La fondation édite également une revue, Latinitas (), "Latinité" dans ce but. Voici une citation extraite de sa méthode dapprentissage et décrivant une situation actuelle :
j"Cum, die XIII mensis Decembris anno MDCCCCLXXXIII, in placida sede domestica mea, poculum cervisiae absorbans et fistulam nicotianam sugens, televisificum instrumentum aspicerem, rem, quam alii forsitan flocci faciant, me nonnihil commovit. (Alors que, le 13 décembre 1983, j étais assis devant la télévision dans ma maison tranquille, en buvant un verre de bière et en fumant un cigare, quelque chose, qui aurait semblé n être rien aux yeux des autres, me troubla sensiblement.)k"
Le Père Egger crée pour le Saint Siège et pour ses publications officielles par exemple les Acta Apostolicae Sedis "Actes du Siège Apostolique" de nouveaux mots et de nouvelles expressions en latin. Il a même publié un Lexicon recentis Latinitatis "dictionnaire du latin moderne".
Pourtant, ce nest pas satisfaisant. Au Vatican, on parle italien partout. Les vingt et un dicastères (cest à dire l'équivalent de ministères) du Vatican acceptent tous les documents dans les six langues précitées. Mais, si lon souhaite quun document soit traité rapidement, on a intérêt à le présenter en italien, parce que si tous les titulaires de fonctions du Vatican parlent italien, les autres langues y sont moins répandues.
En ma qualité dévêque, jai moi-même, plaidé à deux reprises en faveur de lespéranto à la place du latin lors de synodes romains. Cétait lors de deux synodes extraordinaires sur lEurope, le 29 novembre 1991 et le 4 octobre 1999, auxquels assistait le Saint-Père. Je constatai que les Pères du synode ne parlaient plus le latin, alors quau premier synode, en 1967, le latin était encore presque toujours la langue commune. Quand je parlai pour la première fois de lespéranto comme nouveau latin de l'Église, mes propos furent accueillis par des sourires et des objections. Je vécus la même expérience huit ans plus tard. On ne connaît pas du tout lespéranto. Je mentionnai, mais en vain, quun peu dantisémitisme se cachait peut-être sous cette attitude, car lespéranto est au départ luvre dun juif polonais. Cette phrase a le plus souvent été supprimée de mes propos quand on les a cités. Pendant la pause, quelques confrères mont demandé sil ne sagissait pas tout simplement dune plaisanterie. Ayant bien compris que leur intention nétait pas dépourvue de sous-entendu, je leur répondis sous la même forme : Jai constaté quau synode, on ne peut éveiller lattention que si lon dit quelque chose de sensationnel. Cest pourquoi jai parlé de lespéranto.
Par ces deux interventions à propos de lespéranto, jai, en fait, voulu combattre un certain impérialisme linguistique. Un théologien indien écrit : Si lon rédige dans la langue maternelle, on ne sera lu que par quelques experts. On narrivera pas à intéresser les étrangers. Si un théologien, même peu connu, écrit en anglais, tout le monde le lit, on le cite et il se fait une place dans la littérature spécialisée. Les grandes langues mondiales se battent pour lhégémonie ou au moins pour le règne simultané de plusieurs langues sur le monde. Les Nations Unies connaissent la même tragédie linguistique, avec leurs trop nombreuses langues officielles. Mais faire jouer à une langue nationale le rôle de langue mondiale, cest, quon le veuille ou non, imposer la mentalité et la culture dun peuple. Si langlais est aujourdhui la langue de la communication, ce nest pas en raison de la culture anglaise, mais du dollar américain. Un peu de marxisme explique aussi tout cela en linguistique.
Comme le latin n'est plus pratiqué dans lÉglise, je me suis dit : pourquoi ne pas choisir une langue internationale et neutre : l'espéranto ? Tout serait alors plus simple, et moins dispendieux dans les relations internationales de lÉglise. Bien entendu, je pense que lespéranto doit être utilisé comme langue auxiliaire, réservée aux relations internationales, chacun gardant chez soi sa langue maternelle. Si lÉglise acceptait cette solution, déjà proposée depuis longtemps, il ny aurait plus de problème linguistique dans lÉglise catholique au niveau international.
Certains signes attestent déjà que lÉglise est prête à accepter lespéranto. Je nen mentionnerai que quelques-uns : les émissions radiophoniques de Radio Vatican, lapprobation des textes liturgiques en espéranto, les salutations du Saint-Père dans cette langue à Pâques et à Noël, la reconnaissance de lInternacia Katolika Unuigxo Esperantista (IKUE) (), "Union Internationale des espérantistes catholiques" par le Conseil Pontifical pour les Laïcs
etc.
Le livre dUlrich Matthias que vous tenez entre les mains présente les avantages de lespéranto et les services quil pourrait rendre à lÉglise. Jespère que ses traductions dans les diverses langues nationales contribueront à faire découvrir à un nombre croissant dêtres humains la valeur et lutilité de lespéranto pour la compréhension internationale.
1.2. Introduction
Sebranice est un petit village de République tchèque situé à cent cinquante kilomètres environ à lest de Prague. Dans la vallée, sous sa petite église, se trouve un campement. Des jeunes de cinq à dix pays sy retrouvent tous les étés. Ils prient ensemble, ils discutent ensemble, ils chantent ensemble. Quelquun, qui, daventure, passerait par là, croirait quon y parle espagnol, italien ou latin. Erreur ! Ces jeunes parlent en espéranto.
"Patro nia, kiu estas en la cxielo sanktigata estu via nomo
" Cest ainsi quon y prie le Notre Père Il ressemble au latin : Pater noster, qui es in caelis, sanctificetur nomen tuum. Ces deux langues sont neutres. Et ces deux langues ont dautres avantages. Le latin est lancien espéranto de lÉglise. Il sappuie sur 2000 ans dhistoire. Il fut la langue des Pères de lÉglise et conserva longtemps son rôle central de moyen de communication entre érudits européens. En raison de labondance de textes originaux en latin, cette langue jouera toujours un rôle important dans la théologie. Le théologien allemand Karl Rahner soulignait en 1962 dans son traité sur le latin comme langue de lÉglise que :
j"L enseignement théologique nécessaire à un prêtre n est pas imaginable sans la connaissance du latin.k"
Cette exigence n était pas nouvelle. On sait que celui qui devait devenir le Saint Curé d Ars, le jeune Jean Marie Baptiste Vianney, faillit bien ne pas pouvoir accéder au sacerdoce parce quil éprouvait des difficultés, pour lui quasiment insurmontables, à sinitier à cette langue. Malgré son obstination héroïque, ses résultats ne furent jamais merveilleux. Mais cela ne lempêcha pas de devenir le saint patron de tous les curés de lÉglise catholique. Quel propos pourrait d'ailleurs mieux expliciter la raison dêtre de lespéranto que cette phrase prononcée par lui et affichée sur un modeste bout de bois verni dans la cure où il vécut : j"La parole humaine est chargée d unirk" ?
Pour autant, le but du présent opuscule n est pas de contredire la thèse de la nécessité du latin pour les ecclésiastiques, même si elle est déjà largement dépassée par les faits, puisque, le latin n étant plus qu une option facultative dans de nombreux séminaires, quelques jeunes prêtres, et même déjà quelques jeunes évêques, nont jamais étudié le latin.
Ce sont les problèmes linguistiques actuels qui sont au centre de nos préoccupations. Et nous estimons que, sous cet angle, les avantages de lespéranto méritent quelque attention. Le latin a perdu le rôle important quil a joué autrefois dans la communication internationale. La première raison de cette désaffection est sa difficulté. Lingua latina difficilis non est "le latin nest pas difficile, affirme la première leçon du Latin sans peine de lexcellente méthode Assimil. Pourtant ceux qui lont appris, et à plus forte raison enseigné, ont souvent fait l'expérience contraire. Il en va dailleurs de même pour langlais. Même au bout de quatre ou cinq ans détude, la plupart des étudiants ont de la peine à comprendre les uvres de César ou de Cicéron dans le texte original. Il est difficile dassimiler les nombreuses formes des diverses déclinaisons et conjugaisons et, dun point de vue pédagogique, ce nest pas forcément intéressant. Saisir la fonction dun mot dans une phrase latine nest pas chose simple étant donné qu'il existe plusieurs déclinaisons et qu'au sein d'une même déclinaison divers cas peuvent avoir des terminaisons identiques. La seule déclinaison ne suffit donc pas à déterminer la fonction d'un mot dans la phrase. Et le vocabulaire trop riche de cette langue en rend la maîtrise peu accessible à lindividu moyen.
Lespéranto se révèle supérieur au latin à tous ces points de vue, de par la rigueur de sa construction. Cest une langue où tout a été recherché pour obtenir la meilleure précision avec les moyens les plus simples et le moins grand nombre d'exigences possibles, ces exigences étant dès lors strictes et systématiques. Bien que le présent ouvrage n'ait aucune prétention à remplacer une grammaire, nous en évoquerons un peu plus en détail les avantages principaux à cet égard au paragraphe 6.4.
Revenons à notre campement en République tchèque. Quatre-vingts jeunes chrétiens de République tchèque, Slovaquie, Pologne, Hongrie, Allemagne et Lituanie passant une semaine ensemble ont bien des choses à se dire pour peu quils puissent se comprendre. Ils apportent leurs expériences de différents milieux et peuvent discuter de leur avenir commun dans un monde où les économies des divers pays tendent de plus en plus à sintégrer.
Certains viennent de familles profondément religieuses, ce qui leur a valu toutes sortes de difficultés pendant lépoque communiste. Dautres viennent de milieux athées, mais un jour dans leur vie ils ont senti un intérêt pour des questions religieuses, pour la personne de Jésus ou pour la manière chrétienne de vivre. Le camp les enrichit par des expériences d'un nouveau monde de foi et de confiance.
La plupart des jeunes dEurope centrale et orientale ont étudié lallemand ou langlais à lécole pendant cinq ans, parfois avec un certain succès, mais dans bien des cas le résultat de cet effort reste très modeste. Comment sont-ils venus à lespéranto ? Certains en ont entendu parler par des amis ou des parents ou par le prêtre de leur paroisse ; dautres ont lu dans une revue ou un journal chrétien un article sur cette langue et se sont inscrits à un cours par correspondance. Pour quelques-uns, six mois ont suffi pour que lespéranto devienne leur meilleure langue étrangère. La question se pose donc de savoir sil serait souhaitable denseigner lespéranto à lécole.
Miloslav `vá
ek, longtemps président de la section tchèque de l'IKUE (c) insiste sur le fait qu il vaut la peine d organiser tous les étés des camps dont la langue soit l espéranto :
j"Des jeunes de différents pays passent la semaine là-bas dans une atmosphère chrétienne ; ils prient ensemble et font connaissance. C est déjà très satisfaisant.k"
Mais il reste une vision fascinante : qu un jour les croyants du monde entier puissent se comprendre sans problème et se sentir vraiment comme une communauté en Jésus-Christ. Si lÉglise avançait dun pas décidé vers lespéranto, cela aurait aussi pour effet de montrer à lensemble de lhumanité quil ny a rien de difficile à assurer la communication entre personnes des pays les plus divers sur une base linguistiquement neutre.
Le présent opuscule vise à donner aux prêtres et aux laïcs les éléments dinformation nécessaires pour leur permettre de juger si ce pas est désirable.
2. Lidée de langue universelle
On recense depuis le Moyen-Âge plus de 1000 tentatives délaboration de langues. Les motivations et les méthodes des divers auteurs diffèrent largement. La palette sétend de la Lingua ignota, "langue secrète" de Sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179), au Klingon inventé par le linguiste nord-américain Marc Okrand pour la série Star Trek. Ici, nous nous intéresserons principalement aux projets de langues qui ont eu pour but de faciliter la communication internationale.
2.1. Les débuts
2.1.1. Langues formées à partir du classement de concepts
Quand, au XVIIe siècle, les langues nationales ont pris le rôle du latin, jusqu'alors langue des érudits européens, la théorie des langues universelles a eu son premier âge dor. De nombreux philosophes, mathématiciens et philologues se sont attelés à la création dune Lingua Universalis "langue universelle", quils voulaient à la fois dapprentissage aisé et apte à : j"faciliter considérablement la communication entre les peuplesk" , tout en aidant à penser. Komenský, Descartes, Newton et Leibniz ont chacun essayé de construire une telle langue.
Comme il est rappelé dans un ouvrage d'Umberto Eco d'abord publié en italien () les auteurs nont pas puisé leur vocabulaire dans les langues ethniques ; ils ont cru pouvoir créer un lexique fondé sur une classification des concepts. Cest ainsi que Newton a cherché à attribuer une lettre définie à chaque catégorie : s pour les instruments, t pour les animaux, b pour les états d'esprit. Leibniz exprima par exemple la notion dêtre humain par le produit a x r, où a signifie animal et r signifie rationalis "doué de raison". Mais amener ces projets philosophiques à se développer en langues réellement utilisables était loin dêtre simple, et leurs auteurs l'ont bien compris ; il n'est donc pas étonnant que le rêve de faciliter la pensée par une nouvelle langue de ce type soit restée à ce jour une utopie.
2.1.2. Langues formées à partir des langues existantes
Lidée de puiser dans les langues existantes était plus prometteuse. Ainsi sont nées des langues dont le vocabulaire se base sur une ou plusieurs langues ethniques. Le premier de ces projets semble être le latin simplifié, que Phillippe Labbé (1607-1667) publia sous le titre : Grammatica linguae universalis missionum et commerciorum "grammaire de la langue universelle des missions et du commerce". Au cours des siècles suivants apparurent plus de trente autres projets de latin modifié, parmi lesquels le Latino sine flexione "latin sans déclinaison" (g) créé en 1903 par le mathématicien italien Giuseppe Peano (1858-1932) est le plus connu. De nombreux essais de simplification de l'anglais ou du français furent également publiés. On considère le projet de A. Gerber de 1832 comme la première langue internationale construite a posteriori.
Le projet Universalglot "langue universelle" publié en 1868 par Jean Pirro (1831-1886), professeur de Saint-Dizier, dans lEst de la France, est déjà relativement agréable et proche des langues européennes : j" Ma senior ! I sende evos un gramatik en un verb bibel de un nuov glot nomed universal glot. In future I skripterai evos semper in dit glotk". 12 Mais ce projet, pourtant bien construit, ne donna jamais lieu à une utilisation pratique. La première langue, qui réussit à avoir quelque succès, fut le volapük, conçu par le Père Johann Martin Schleyer (1831-1912), prélat romain du sud de l'Allemagne.
Grâce au prosélytisme de son auteur, le volapük comptait déjà, peu après sa parution, plusieurs milliers de locuteurs dans le monde entier. Des dizaines de revues parurent dans cette nouvelle langue, et en 1889, on comptait 283 associations volapükistes. Mais, malgré sa régularité, le volapük était difficile ; les mots avaient un aspect déroutant, car très éloigné des langues traditionnelles, et, dans les premières années du XXe siècle, le mouvement volapükiste disparut presque aussi vite qu'il était apparu.
2.2. L'espéranto
En 1887, alors que le volapük culminait au faite de son rapide mais bref succès, l'année-même où, à Paris, en vue de l'Exposition Universelle, débutait la construction de la célèbre Tout Eiffel, un ophtalmologue, le Dr Lejzer Ludvik Zamenhof (1859-1917) publia à Varsovie, sous le pseudonyme de Doktoro Esperanto "Le Docteur qui espère", la première méthode d'apprentissage de son Internacia Lingvo "langue internationale" (). Il espérait ainsi contribuer à la paix et à la compréhension d'abord entre les populations diverses qui l'entouraient, puis, de proche en proche, entre tous les peuples du monde. Le pseudonyme simplifié du jeune auteur Esperanto = quelquun qui espère ne tarda pas à désigner la langue.
Ci-dessus, les pages de couverture des versions de ce document historique destinées aux Russes, aux Polonais, aux Français et aux Allemands :
De toutes les langues conventionnelles l'espéranto est la plus réussie. Les chapitres suivants, tout particulièrement 6.3 et 6.4 exposeront sur quoi repose cette affirmation.
2.3. Projets plus récents
Au début du XXe siècle, certains essayèrent de réformer le volapük ou l'espéranto, ce qui conduisit à de nouveaux projets de langue. En 1908, les Français Louis de Beaufront (1855-1935) et Louis Couturat (1868-1914) publièrent le projet espéranto réformé, Ido Idiomo di Omni "Idiome pour tous". Cest lespéranto réformé par quelques espérantistes, les Professeurs Louis Couturat (1868-1914) mathématicien et philosophe, Otto Jespersen philologue danois spécialiste de la langue anglaise, Richard Lorenz physicien et Wilhelm Ostwald, chimiste prix Nobel, sont les principaux réformateurs et de ce fait créateurs d'une nouvelle langue, proche de l'espéranto. Une délégation fut réunie pour la première fois en 1900 puis un comité fondé en 1907. Ces instances, considérèrent quil n'existait alors que deux projets dignes d'intérêt, l'Espéranto, et une langue appelée Idiom Neutral, initialement développée par l'ancienne Académie du Volapük. «La Délégation décida de choisir l'Esperanto, mais en appliquant des réformes définies par le projet "Ido", qui n'était alors connu que par le pseudonyme de l'auteur anonyme [en réalité M De Beaufront] d'un nouveau projet, qui résumait les projets précédant la Délégation. Cette réforme prenait également en compte les progrès linguistiques effectués par l'Idiom Neutral.» L'Ido fut publiée en 1908. En fait, il s'agissait d'une nouvelle langue. Pour les idistes, le docteur Zamenhof (l'initiateur de l'espéranto), a cependant le mérite d'avoir posé les bases de la langue internationale vers laquelle se dirigèrent à peu près 20 % des professeurs d'espéranto avant la première guerre mondiale et 3 à 4 % des simples usagers de lespéranto. L'Ido a subi ensuite diverses modifications donnant parfois lieu a un fractionnement qui a considérablement réduit son rayonnement ultérieur.
En 1951, l' International Auxiliary Language Association (IALA), ("Association internationale pour une langue auxiliaire" ou "Association pour une langue auxiliaire internationale", l'anglais a les deux sens), publia à New York le projet Interlingua () élaboré par Alexander Gode, qui poussait à lextrême la recherche de laspect ethnique originel des mots, au point dy sacrifier la régularité.
Il paraît désormais un ou plusieurs projets de langue chaque année. En utilisant un moteur de recherche Internet, on peut trouver de nombreuses informations sur la Lingua Franca Nova (1995) de C. George Boeree, professeur de psychologie à l'université de Pennsylvanie, États-Unis d'Amérique, sur l'europanto (1996) de Diego Marani, Italien, sur Ekspreso (1996) de Jay Bowks, également citoyen des États-Unis d'Amérique ou sur Ludlange (2000) de lAllemand Cyril Brosch. Souvent, les auteurs de ces projets les ont inventés simplement pour le plaisir. Sils espéraient tout de même que leurs uvres seraient acceptées du grand public, ils ne tardèrent pas à constater qu'il est difficile de trouver ne serait-ce qu'un seul autre locuteur de la nouvelle langue.
2.4. Comparaison
2.4.1. Apparence
A titre de comparaison de leur apparence, voici le début du Notre Père dans plusieurs langues "planifiées" ou "construites".
Volapük, Schleyer 1879
O fat obas kel binol in süls, paisaludomöz nem ola, kömomoed monargän ola, jenomöz vil olik, äs in sül i su tal.
Esperanto, Zamenhof 1887
Patro nia, kiu estas en la cxielo, sanktigata estu via nomo, venu via regno, farigxu via volo, kiel en la cxielo, tiel ankaux sur la tero.
Latino sine flexione, () Peano 1903
Patre nostro qui es in celos, que tuo nomine fi sanctificato, que tuo regno adveni, que tua voluntate es facta sicut in celo et in terra.
Ido, de Beaufront kaj Couturat 1908
Patro nia, qua esas en la cielo, tua nomo santigesez, tua regno advenez, tua volo facesez quale en la cielo, tale anke en la tero.
Interlingua, (f) 1951
Nostre Patre, qui es in le celos, que tu nomine sia sanctificate ; que tu regno veni ; que tu voluntate sia facite super le terra como etiam in le celo.
Klingon, Okrand 1985
Vavma' QI'tu'Daq, quvjaj ponglIj : ghoSjaj wo'lIj, qaSjaj Dochmey DaneHbogh, tera'Daq QI'tu'Daq je.
2.4.2. Succès à ce jour
Seule une petite part des nombreux projets de langue conventionnelle survécut à la mort de leur auteur. Aujourd'hui, l'espéranto est parlé par 1 à 3 millions de personnes dans 120 pays, l'Interlingua (f) (langue dorigine presque exclusivement latine et de laveu même de ses promoteurs, destinée essentiellement à lOccident européen) par à peu près 1.000 personnes dans 25 pays, et l'Ido par à peu près 200 personnes dans 10 pays.
A titre d'évaluation globale a posteriori une information telle que celle du Centre de documentation et d'étude sur la langue internationale (CDELI) de la Bibliothèque de la Chaux-de-Fonds peut être utile. Le but statutaire du CDELI est la recherche, la conservation, le classement et l'étude des livres, brochures, journaux et autres documents imprimés ou manuscrits se rapportant à toute langue internationale. En 2003 les ouvrages catalogués sont au nombre d'environ 20.000 unités bibliographiques. Il s'agit de 180 mètres linéaires de livres et brochures, et de 130 mètres linéaires de 2.500 périodiques différents. Parmi ces revues et circulaires, 1.900 concernent l'Espéranto, 190 l'Ido, 75 l'Occidental, 60 le Volapük, 50 l'Interlingua (f) de IALA et le reste diverses autres langues "construites" ou "planifiées". Les archives non cataloguées s'étendent sur 140 mètres linéaires
Plus récemment encore l'encyclopédie libre Internet Wikipedia, grâce au travail bienvenu de Miroslav Malovec, vient de dépasser le millionnième article. Par la quantité d'articles, l'espéranto se situe dans ce document entre deux des dix langues les plus parlées du monde : le portugais (191 millions de locuteurs) et le chinois (plus d'un milliard et 200 millions).
L'internet est devenu un média très répandu et qui ne peut que prendre de plus en plus d'extension et d'importance vu son universalité de moyens. Or le mot "esperanto" comparé au mot "English" sur le moteur de recherche "Google" obtient certes, en nombre de sites, des scores éminemment variables dans le temps. Mais il est des périodes où il dépasse désormais ceux de son "compétiteur de fait" au niveau international, l'anglais. Ce n'est évidemment pas un critère susceptible de définir à lui seul un nombre de locuteurs qui serait équivalent, mais un signe à la fois de l'influence décisive que ce média peut avoir sur la diffusion et l'enseignement de l'espéranto ainsi que de la nécessité qu'ont les humains d'utiliser une langue beaucoup plus facilement accessible que ne l'est l'anglais pour leur communication internationale sans autre limite que celles de la planète.
Un classement de ces sites essentiellement à destination des espérantistes existe sur :
http://esperanto-panorama.net/unikode/dissendo.htm
3. Lejzer Ludvik Zamenhof
3.1. La raison d'être de l'espéranto à son origine
j"L'idée à l'accomplissement de laquelle j'ai consacré toute ma vie m'est venue (...) dès ma plus tendre enfance et ne m'a jamais quitté depuis.k",
Voilà ce qu écrivait Ludvik Lejzer Zamenhof en 1895 au Russe Nikolaï Borovko dans une lettre reproduite dans l'Originala verkaro, "Recueil d'uvres originales", uvre posthume constituée de textes divers, tous de la main de Zamenhof , rassemblés et classés par Johannes Dietterle, éditeur.
Fils de Markus (1837-1907) et de Rosalia (Liba), Ludvik Lejzer naquit le 15 décembre 1859 à BiaBystok, ville située à l époque dans la Russie des tsars, aujourd hui chef-lieu de Voïvodie dans le nord-est de la Pologne, non loin de la frontière biélorusse. Markus, comme son père Fabian, était professeur de langues. Il enseignait le français et l'allemand au lycée, l'hébreu et l'araméen à la synagogue. Cette ville fut déterminante dans la naissance de l'espéranto, comme l expliquait Zamenhof dans la même lettre :
j"Ce lieu qui me vit naître et où je grandis donna leur sens à tous mes buts futurs. A BiaBystok, les habitants sont divisés selon leurs quatre origines : Russes, Polonais, Allemands et Juifs. Ils parlent tous une langue différente et sentendent mal. Dans cette ville, plus que partout ailleurs, je ressens le malheur pesant du multilinguisme et je suis convaincu, à chaque pas, que la divergence de langue est, sinon la seule, du moins la principale cause de séparation de la famille humaine, qu'elle partage en groupes ennemis. On m'éduquait en idéaliste, on m'enseignait que tous les hommes sont frères, et pendant ce temps, dans la rue et dans la cour, tout, à chaque pas, me faisait sentir que les Humains n'existent pas : n'existent que Russes, Polonais, Allemands, Juifs, etc. Tout ceci tourmenta fortement mon esprit d'enfant, même si cette douleur du monde peut prêter à rire chez un être aussi jeune. À cet âge, jattribuais aux grands une force omnipotente. Et je me répétais que, quand je serais grand à mon tour, jéliminerais ce mal coûte que coûte.k"
Devenu étudiant, Zamenhof commença à travailler à l élaboration concrète d une langue susceptible de relier les peuples. S'il considérait le russe comme sa langue usuelle, il parlait couramment, dès l enfance, le yiddish (probablement surtout avec sa mère), le polonais et l'allemand. Il apprit le français, le latin, le grec, l'hébreu et l'anglais, mais il s'intéressa également à l'italien, à l'espagnol et au lituanien.
Sa nouvelle langue devait être facile à apprendre et mettre tout le monde sur un pied d'égalité. Dès lâge de 18 ans, Zamenhof avait fini une première esquisse de langue internationale : en décembre 1878, il en fêta la naissance, avec quelques condisciples. Ils chantèrent en chur l'hymne de la Lingwe Uniwersala "Langue universelle", dont les premiers mots étaient :
j"Malamikete de las nacjes
Kadó, kadó, jam temp' está !
La tot homoze in familje
Konunigare so debá.k"
(Qu'elle tombe, la haine entre les nations ; oui, qu'elle tombe, il est grand temps ! L'humanité tout entière doit s'unir en une famille.)
Malgré l'opposition de son père qui, dit-on, détruisit le manuscrit de l'un de ses premiers projets, mais avec le soutien de sa mère, Zamenhof continua à travailler. On connaît une autre esquisse de sa langue datant de 1881. Il essaya alors de penser directement dans la nouvelle langue et remarqua que finalement :
j"& elle cesse déjà d'être l ombre sans caractère de telle ou telle autre langue, dont je viens de m occuper, la voilà qui acquiert son propre esprit, sa propre vie, une physionomie particulière, définie et bien affirmée, indépendante de toute influence extérieure. Les phrases coulent d'elles-mêmes, librement, avec grâce et souplesse, comme dans la langue maternelle.k"
Ainsi, dès 1885, l Internacia lingvo (e) avait trouvé sa forme. Zamenhof écrivit alors une petite méthode d'apprentissage de cette nouvelle langue, mais aucun éditeur n'accepta de la publier. Laissons Zamenhof raconter lui-même comment il résolut le problème :
j" (...) Fin 1886, j'ai commencé à pratiquer l ophtalmologie à Varsovie. C est alors que j'ai rencontré celle qui est aujourd hui ma femme, Klara Zilbernik, de Kaunas (...). J'avais expliqué à ma fiancée les grandes lignes de mon projet et le plan de mes actions futures. Le 9 août 1887, nous nous sommes mariés. Je lui avais demandé si elle voulait lier son avenir au mien. Elle ne se contenta pas d'accepter : elle alla jusquà mettre à ma disposition tout largent qu'elle possédait, ce qui me permit, après une longue et vaine recherche d'éditeur, de publier à mon compte [dans la marge : en juillet 1887] mes quatre premières brochures (manuel de langue internationale en russe, polonais, allemand et français.)k"
La brochure avait pour titre : Lingvo Internacia. Antauxparolo kaj plena lernolibro "Langue Internationale Préface et manuel complet". Dans la préface, Zamenhof détaillait les avantages considérables quapporterait pour le rapprochement des peuples, pour la science et pour le commerce une langue internationale adoptée de commun accord. Dans ce texte déjà, il soulignait que cette langue navait nullement pour but de simmiscer dans la vie quotidienne des peuples. On le voit : le jeune auteur n'est pour rien dans les préjugés qui apparaissent de temps en temps, aujourd'hui encore, et qui attribuent à l'espéranto le dessein de se substituer aux langues nationales. Le manuel lui-même présente les seize règles de base de grammaire de l' Internacia Lingvo" La langue Internationale" ainsi que quelques textes : le Patro nia, "Notre Père", les premiers versets de la Genèse, une traduction d'un poème de Heinrich Heine et de deux poèmes originaux. Une brochure supplémentaire contenait une liste de 917 racines. Sur la deuxième page de la brochure se trouvait une note très importante :
j"La Langue Internationale, comme toute langue, est une propriété collective ; l'auteur renonce pour toujours à tous les droits personnels qu'il possède sur sa création (droits d auteur).k"
A l'inverse du Père Johann Martin Schleyer, créateur du volapük, Zamenhof laissa aux usagers de la nouvelle langue la tâche de la faire évoluer :
j"Je sais très bien que l'Suvre d'un seul homme ne peut pas être sans erreurs (...). Tout ce qui peut être amélioré le sera par l usage. Je ne veux pas être le créateur de la langue, je ne veux en être que l'initiateur.k"
3.2. Les premières années de la nouvelle langue
Zamenhof envoya son Unua Libro, "Premier Livre", à des personnalités, des rédacteurs de revues et des institutions à travers le monde entier. Bientôt arrivèrent les premières réponses, avec des questions, des critiques et des conseils, mais aussi de nombreuses lettres de félicitation et d'approbation. Quelques-unes étaient déjà écrites dans la nouvelle langue. Zamenhof décida de répondre à toutes ces questions et remarques sous forme d'une brochure qu'il publia au début de 1888 sous le titre : Dua libro de l'lingvo internacia, "Deuxième livre de la langue internationale". Il écrivit cette brochure intégralement en espéranto et y raconta que sa profonde confiance en l'homme ne l'avait pas trompé car :
j"de partout viennent en masse des gens prêts à contribuer au travail (...) ; des jeunes et des moins jeunes, des hommes et des femmes. Tous s'empressent d'apporter leur pierre à l'utile construction de cette languek".
Quelques mois après la parution de ce deuxième livre, Zamenhof publia la première uvre littéraire en espéranto : la nouvelle La negxa blovado, "La tempête de neige", de Pouchkine dans une traduction non de Zamenhof lui-même, mais de l'ingénieur chimiste polonais Antoni Grabowski (1857-1921).
En décembre 1888, le club de volapük de Nuremberg décida dadhérer à la langue de Zamenhof. Ainsi naquit le premier groupe d'espéranto. Il édita, dès septembre 1889, le mensuel La Esperantisto (). A peu près simultanément parut un annuaire contenant les adresses d'un millier de personnes qui avaient appris l'espéranto. Zamenhof constata en janvier 1892 :
j"Au bout de quatre ans, notre littérature comprend déjà plus de cinquante Suvres! (...) Il existe maintenant 33 méthodes et dictionnaires de notre langue dans diverses langues nationales.k"
Mais dans les années suivantes, l'espéranto dut encore lutter contre de nombreuses difficultés. Zamenhof vivait dans la misère, car ni à Varsovie ni à Grodno (où il vécut de 1893 à 1897), ses honoraires d'ophtalmologue ne suffisaient à faire vivre dignement toute sa famille. Ses dettes allaient en augmentant et sa femme elle-même commença à avoir de sérieuses réserves quant à la passion de son mari. Vassiliï Nikolaïevitch Deviatnine, l'un des premiers espérantistes russes, rendit visite à Zamenhof en 1893 à Grodno. Voici comment il décrit ses impressions :
j"Il m'a présenté à son épouse, me confiant ensuite qu'elle n'était plus favorable à l'espéranto, car c'est à cause de cette langue qu'il avait perdu une bonne partie de sa clientèle. Il m'expliqua en souriant : j"Ils ont probablement peur de venir vers moi, car ils pensent que je suis un peu fou de m'occuper de telles futilités .k"
Quelques espérantistes firent pression sur Zamenhof pour qu'il réforme la langue. Les discussions que ces mécontentements engendrèrent firent perdre beaucoup d'énergie au mouvement, mais restèrent infructueuses : Zamenhof écrivit à propos de ces événements en 1894 :
j"Du fait de ces discussions, l'année qui vient de s'écouler est perdue pour notre causek".
Il exprima cependant la conviction que tout finirait bien. Et, effectivement, lors dun vote intervenu en été et automne 1894, la grande majorité des lecteurs de la revue La Esperantisto (h) se prononça contre toute réforme.
Juste après que Zamenhof eut vaincu cette difficulté, un autre coup atteignit la jeune langue. En février 1895, la revue La Esperantisto (h) fit paraître un article de Léon Tolstoï (ann. 1 b, fiche 99) dans une traduction en espéranto. Il s'intitulait : Prudento aux kredo "Bon sens ou foi" et amena la censure russe à interdire l'entrée de la revue en Russie. La Esperantisto (h) perdit ainsi près des trois quarts de ses lecteurs et dut bientôt cesser de paraître.
L'espéranto survécut également à ce coup du sort. Dès décembre 1895, le club d'espéranto dUppsala (Suède) (ann. 1 a fiche 80) fit paraître la revue Lingvo Internacia () qui succéda à La Esperantisto (h).
A partir des années 1900, l'espéranto commença à progresser considérablement. La situation économique de Zamenhof s'améliora. En France, de nombreux intellectuels apprirent l'espéranto. De 1901 à 1914, Hachette publia au moins cent cinquante titres. Dès 1903, le Suisse Jean Borel édita à Berlin des brochures en plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires, dont un manuel en 120.000 exemplaires.
Le premier Universala Kongreso, "Congrès Universel", (dont le sigle UK en espéranto se prononce "ou-ko") eut enfin lieu en août 1905 à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). Il réunit probablement plus de mille usagers de la langue venus de 20 pays, qui constatèrent avec enthousiasme que la nouvelle langue donnait pleinement satisfaction. Zamenhof insista dans son discours d'ouverture du congrès sur le fait que :
j"Ce ne sont pas des Français et des Anglais qui se rassemblent, ni des Russes et des Polonais, mais des humains avec des humains.k"
Theodor Fuchs, professeur d Université de Vienne rapporta avec encore plus d'émotion :
j"La grâce a touché l'humanité, le miracle de la Pentecôte s'est reproduit. Nous nous sentons tous frères, tous unis sous la bannière verte de l'espérance... Des larmes coulaient des yeux de vieillards et d hommes sérieux; un prêtre catholique embrassa un protestant ; et l initiateur de la nouvelle langue, Zamenhof, évoluait comme dans un rêve, frémissant de tout son corps et n arrivant plus à retrouver son calme.k"
3.3. La conception du monde de Zamenhof
Pour Zamenhof, l'idée de langue internationale sinscrivait dans un idéal plus important. Il avait la vision dun monde où toutes les barrières entre les peuples disparaîtraient, qu'elles soient linguistiques, religieuses, ethniques ou sociales.
Mais il ne plut pas à tous les espérantistes que Zamenhof expliquât ses conceptions. Le Français Louis Eugène Chevreux (plus connu sous son pseudonyme de "de Beaufront") s'opposa, vers 1900, à ce que l'espéranto soit lié à des visions idéalistes. Il insista sur l'intérêt pratique de la langue, voyant en elle un bon moyen de se comprendre dans les relations internationales. Il mit l'accent sur son utilité dans le commerce, la science et le tourisme. Officiellement pour des problèmes de santé, Louis "de Beaufront" ne participa pas au premier congrès. Selon certains, les aspects idéalistes, presque religieux selon lui, des débuts du mouvement espérantiste len dissuadaient ; il y voyait un grand danger pour le succès de l'espéranto. Selon d'autres, intervinrent plus vraisemblablement des questions d'intérêt au sujet desquelles un participant du congrès, M Carlo Bourlet, avait vivement et clairement fait apparaître dès 1903, que "de Beaufront" aurait tiré la couverture à lui au détriment de Zamenhof. Ravivé à quelques jours du Congrès, malgré l'intervention de Zamenhof, ce fort soupçon faisait perdre à "de Beaufront" une part importante de son autorité au sein du mouvement.
Zamenhof essaya de trouver aussi un compromis entre ses convictions pacifiques personnelles, qu'il partageait essentiellement avec les nombreux pionniers russes de l'espéranto, et les attitudes plus limitées et réalistes des autres, majoritairement français. Au premier U.K, il proposa une déclaration qui fut acceptée à l'unanimité. Ce texte définit l'espérantisme comme :
j"l'effort fait pour répandre dans le monde l'usage d'une langue neutre qui, ne s'immisçant pas dans la vie interne des peuples et ne visant aucunement à évincer les langues nationales existantes, donnerait aux hommes de diverses nations la possibilité de communiquer, pourrait être un facteur de paix pour les institutions publiques des pays où des communautés sont déchirées par des conflits linguistiques, et dans laquelle pourraient être publiés les ouvrages qui présentent un égal intérêt pour tous les peuples. Toute autre idée ou aspiration que telle ou telle personne associe à l'espéranto est une affaire tout à fait privée dont l'espérantisme n'a pas à répondre.k"
Tournons maintenant nos regards vers l'image du monde religieux de Zamenhof. Comme on le voit dans cette déclaration, l'espéranto est une langue neutre, des points de vue idéologique et religieux; apprécier l'espéranto ou appartenir à des groupes d usagers n'oblige en rien à adhérer à limage du monde de Zamenhof. Celui-ci n'était pas chrétien, mais appréciait la foi chrétienne et les autres religions qui étaient ouvertes au dialogue et au travail en commun. Sa mère était une juive pieuse et son père était athée. Zamenhof raconte à propos de son évolution religieuse :
j"Dans mon enfance, je croyais en Dieu et en l'immortalité de l'âme, dans la forme que me montrait la religion maternelle. Je ne me rappelle pas très précisément à quelle période de ma vie je perdis la foi ; mais je me rappelle que le plus haut degré de mon incroyance se situa pour moi vers l'âge de 15 -16 ans. Ce fut aussi la période la plus tourmentée de ma vie. A mes yeux, la vie dans son intégralité avait perdu tout sens et toute valeur.k"
A 17 ans, fait nouveau, il ressentit : j"que la mort n'était peut-être pas une disparition.k"
Se forma alors en lui la croyance en un j"mystère puissant et incorporelk" qui était en même temps une j"grande source d'amour et de vériték", comme il l'écrivit en 1905 dans son poème Prière sous la bannière verte . Il prit conscience de l'impact positif que peuvent avoir les croyances religieuses sur l être humain :
j"Un enfant élevé en dehors de toute religion ne peut ressentir dans son cSur le bonheur, la chaleur qu apportent aux autres enfants le lieu de culte, les traditions religieuses et la présence de Dieu dans le cur. Comme elle est cruelle, la souffrance d'un enfant d'incroyant lorsqu'il voit un autre enfant, pauvre peut-être, mais le cur heureux, se rendre à un office religieux, alors que lui n'a pour le conduire sur le chemin de la vie ni règles, ni fêtes, ni traditions ! k"
Et devant des jeunes chrétiens, il fit cette confidence :
j"Je ne suis qu un humain, descendant des Hébreux, libre de ma croyance ; mais... existe-t-il quelque chose de plus beau au monde que de suivre les enseignements de Jésus ? k"
C est une conviction de type religieux qui fit naître en Zamenhof laspiration vers un monde où règnerait l'amour, la vérité et la paix. Il exprime cela avec une clarté particulière dans sa Prière sous la bannière verte. Des expériences de l'enfance, mais aussi les pogroms perpétrés par les soldats russes dans sa ville natale, BiaBystok, confirmèrent en lui la décision de contribuer à la cohabitation pacifique des peuples. Dans son discours au deuxième UK (fff) à Genève, en 1906, il rapporta :
j"dans les rues de ma malheureuse ville natale, des sauvages se sont jetés avec des haches et des barres de fer comme les plus cruelles des bêtes contre des habitants tranquilles dont la seule faute était de parler une autre langue et d'avoir une autre religion que ces barbares. Cette différence servit de prétexte pour fracasser des crânes, crever les yeux dhommes, de femmes, de vieillards infirmes et d'enfants sans défense ! Je vous épargnerai les détails sordides de la boucherie bestiale de BiaBystok ; mais je tiens à vous dire, à vous qui pratiquez l'espéranto, que les murs contre lesquels nous nous battons sont encore terriblement hauts et épais.k"
Se basant sur cette expérience, il insista sur le fait qu'il ne veut avoir rien de commun avec un espéranto qui ne servirait qu'à des fins commerciales et utilitaires. Pour lui, ce qui importe, c'est la fraternité et la justice entre tous les peuples.
Aussi fermement, mais pas aussi ouvertement que pour la destruction des barrières linguistiques, Zamenhof s'engagea pour le rapprochement mutuel des religions. La sixième et dernière strophe de son poème Prière sous la bannière verte contient les vers : chrétiens, juifs et musulmans, nous sommes tous fils de Dieu. Mais cette strophe fut omise dans la version de cette prière conservée à la bibliothèque de St-Omer et quil déclama au premier UK (fff), à lissue de son discours inaugural. Elle ne figure pas davantage dans le texte quil publia dans la Fundamenta Krestomatio "Anthologie fondamentale" (). Marjorie Boulton, auteur d'une biographie de Zamenhof en anglais, écrit à ce propos :
j"Pendant de longues années, les amis de Zamenhof l'obligèrent à enlever la sixième strophe du poème. Ses amis chrétiens de France avaient peur qu'en pleine affaire Dreyfus, ce concept compromette l'espéranto aux yeux de beaucoup.k"
Zamenhof se conduisit aussi prudemment avec ses uvres sur l'hilelismo () ou l'homaranismo et (l). Il s'agissait d'instructions pour promouvoir la fraternité entre les êtres humains. Le mot "hilelismo" vient de Hillel l'Ancien, érudit juif qui fut très actif à Jérusalem entre 30 avant JC et 10 après JC et : j"a infléchi l'évolution du judaïsme dans un sens libéralk". Mais la thèse de Zamenhof n était pas dirigée uniquement contre la discrimination envers les juifs, et c'est pourquoi il lui préféra ensuite le nom d homaranismo" () ce qui concerne tout membre de l humanité, tout être humain". Dès 1901, Zamenhof prépara un essai intitulé, en russe, 8;;5;87> (
)
On apprend aussi que :
j"la difficulté des envois d'argent a causé une diminution dans la rentrée des cotisations dont, cette année, le nombre n'a guère dépassé les 2.000, pour 39 pays.k"
Et il est décidé que l'IKUE (c) organisera une section spéciale pour les aveugles catholiques espérantistes.
Après une pause de plusieurs années, la revue Dia Regno (r) fut éditée à nouveau en cette même année 1932 avec pour rédacteur Paul Hübner (ann. 1 b, fiche 73) qui avait dû réduire son action au sein de la KELI (t) dans les années vingt, pour des raisons personnelles, professionnelles et financières. L'espéranto prospéra surtout aux Pays-Bas dans les années trente, ce dont les deux associations, la catholique IKUE et la protestante KELI, bénéficièrent dans une certaine mesure.
La situation en Allemagne se révéla bien plus complexe. Hitler arriva au pouvoir en 1933. Beaucoup de chrétiens allemands eurent au début une opinion favorable au nazisme, et il n'est pas étonnant que Paul Hübner lui-même informât les membres non Allemands de la KELI dans le numéro davril 1933 de Dia Regno, que j"la vague athéek" était stoppée et que j"le christianisme était sauvék".
En 1936, Hübner affirma qu :
j"au bout de quelques temps, les organisations officielles allemandes reconnaîtraient la valeur de l'espéranto et soutiendraient à nouveau le mouvementk"
Son optimisme était totalement injustifié. En février 1936, Martin Bormann, le chef d'état-major du lieutenant général d'Hitler signait le décret suivant :
j"La création d une langue internationale issue de plusieurs autres étant contraire aux concepts de base du national socialisme (nazisme) et ne pouvant répondre qu'à des intérêts internationaux, le lieutenant du Führer interdit à tout membre du parti ainsi quà tout membre dune organisation affiliée, dappartenir à une association soccupant dune quelconque langue artificielle.k"
Quelques mois plus tard, le 20 juin 1936, un décret de Heinrich Himmler, le chef de la Gestapo, ordonna aux associations espérantistes de se dissoudre si elles voulaient éviter d être liquidées de force. A partir de ce moment, toute action en faveur de la KELI (t) ou de lIKUE (c) fut interdite en Allemagne. Les activités internationales de la KELI furent reprises par des membres de Suède et des Pays-Bas, où se tint le XIXe Congrès de l'IKUE en 1937 (La Haye), avec pour thème : "Le catholique dans la vie politique", traité pour la première fois dans un congrès catholique international :
j"Quelques considérations d'ordre national, sur la nécessité ou la possibilité d'un parti politique catholique dans certains pays, [sont] présentées par les délégués de France, Yougoslavie et Tchécoslovaquie, les thèses sont approuvées.k"
De son côté Paul Hübner (ann. 1 b, fiche 73), alors que la plupart des espérantistes allemands perdaient courage et acceptaient l'interdiction, continuait à écrire dans Dia Regno (r) des articles qui tout de même, à partir de janvier 1938, ne furent plus signés que : N.N..
En 1938 se tint néanmoins, à Budapest, le Premier Congrès Eucharistique Espérantiste Mondial, avec la participation du P. Antonio Eltschkner, évêque auxiliaire de Prague, président de la Ligue des espérantistes catholiques en Tchécoslovaquie, et du P. Paul Yü-Pin (ann. 1 a, fiche 55), futur cardinal alors Vicaire Apostolique de Nankin dont il deviendra archevêque qui prononça en espéranto une conférence sur "Eucharistie et pacification sociale". Y fut fondé un Comité espérantiste permanent pour les Congrès eucharistiques, dont ils devinrent présidents d'honneur. Des espérantistes avaient d'ailleurs déjà j"participé, avec un drapeau vertk", à des Congrès eucharistiques précédents, le premier étant traditionnellement celui de Vienne en 1912, bien que Claudius Colas rapporte aussi, deux ans auparavant, sa :
j"participation au grand Congrès eucharistique de Montréal, où j'ai porté notre bel étendardk".
Vers la fin des années trente, Dia Regno (r) était édité aux Pays-Bas. Et c'est un Néerlandais également (Petrus Micheel Brouwer) qui était rédacteur-en-chef d'Espero Katolika (n), néanmoins édité et imprimé à Brno (Tchécoslovaquie) où s'était tenu le congrès de 1936. Ales Berka, alors élu secrétaire général et trésorier de l'IKUE (dont même le siège avait été transféré dans la capitale de la Moravie), y était directeur des éditions catholiques en espéranto ELM (Editions de Livres à Bon Marché), qui avait également un service de librairie. Il devait être aussi le directeur d'une "Maison d'Espéranto Catholique" qui n'aura pas le temps de voir le jour, bien qu'en un an ait été collecté suffisamment d'argent pour en lancer la réalisation concrète : l'annonce du grandiose projet (avec proposition d'un emprunt complémentaire auprès des lecteurs) s'étalait sur toute la dernière page du numéro de janvier 1939, mais en mars le pays était envahi. Une lettre anonyme informera que la Gestapo a saisi tout l'avoir de l'IKUE (c) : documents, livres, archives
A partir du début de la Seconde Guerre mondiale, qui empêcha très vraisemblablement la "deuxième réunion eucharistique (espérantophone) mondiale" à l'occasion d'un 35e Congrès eucharistique prévu à Nice en 1940, les deux revues ne purent plus atteindre une grande partie des abonnés. En ce qui concerne Espero Katolika (n), le numéro de janvier/février 1940, imprimé en Belgique, fut le dernier jusqu'à la fin de la guerre. Le 10 mai 1940, les troupes allemandes envahirent les Pays-Bas, et, en février 1941, parut le dernier Dia Regno (r) de cette période. A partir de mars, le mouvement espérantiste néerlandais fut totalement interdit : il était considéré comme affaire juive. Cependant, l'activité des espérantistes chrétiens ne s'arrêta pas complètement durant la Seconde Guerre mondiale : de 1941 à 1945, la section suédoise de la KELI (t) diffusa sept numéros de Provizora Dia Regno "[Version] provisoire [de la revue] Royaume de Dieu", qui ne furent reçus que par une petite partie de leurs destinataires.
Bien des usagers de lespéranto furent victimes de Hitler et Staline. En Allemagne, un certain nombre despérantistes furent arrêtés et envoyés en camps de concentration ou camps de la mort au seul motif de leurs actions en faveur de l'espéranto ; on en arrêta dautres pour leurs origines juives, ou pour leur engagement en faveur de la paix.
Dès les premiers jours de l'occupation de la Pologne, les nazis ont tout mis en uvre pour liquider la famille du Dr L. L. Zamenhof. Son fils Adam, ses filles Sofia, médecin, et Lydia, sa belle-fille Wanda et le beau-frère de celle-ci, le docteur Henryk Minc furent arrêtés le 4 octobre 1939. Adam et Henryk ont été fusillés quelques mois plus tard à Palmiry, lieu dexécutions sommaires. En 1942, Ida Zimmermann, la sur cadette de L.L. Zamenhof et les deux filles de ce dernier, Sofia et Lydia (ann. 1 b, fiche 103) furent conduites à la chambre à gaz au camp de la mort de Treblinka. Elles y moururent toutes les trois la même année, ses filles respectivement en août et octobre vraisemblablement. Wanda échappa de justesse au massacre.
Le petit-fils, Louis Christophe, alors âgé de 17 ans, faussa compagnie à ses gêoliers dans la gare de triage (Umschlagplatz) au cours de son transfert vers le même sinistre camp de Treblinka. Il vit actuellement en France. Ingénieur des Ponts, il rêve :
j"des ponts qui reliraient des hommes et des femmes de tout bord, hommes et femmes d'ethnies, de modes de vie, de cultures voire de religions diverses.k"
Tout en enseignant la théorie des structures aux élèves architectes, il aurait aimé :
j"leur faire apprendre à construire l'édifice d'un monde meilleur, l'édifice de paix et de fraternité des humains.k"
Bien qu'agnostique il voue une haute considération à tous les croyants ; il n'hésita pas, au nom de la Fondation Zamenhof dont il assume la présidence d'honneur, à décerner la médaille de la tolérance au pape Jean Paul II et à le décorer personnellement au cours de la Messe cuménique que celui-ci présida en l'an 2000 à Drohiczyn en Pologne. Le prêtre espérantiste qui avait fondé le mouvement Una-Sancta-Movado "Mouvement (Église) une et sainte" (titre associant le latin et l'espéranto), Max Josef Metzger, fut arrêté en 1943 et condamné à mort pour défaitisme. Il fut décapité le 17 avril 1944.
Staline considérait comme suspects tous ceux qui avaient des relations avec létranger, et les espérantistes en faisaient évidemment partie. La grande purge lancée en mars 1937 provoqua la mort de 20.000 à 30.000 espérantistes. De grands écrivains espérantistes et espérantologues comme Vladimir Varankine (1902-1938) et Ernest Drezen (1892-1937) figurent au nombre des victimes du régime stalinien.
4.4. L'après-guerre
La guerre terminée, les associations chrétiennes IKUE (c) et KELI (t) purent assez rapidement se rétablir dans les pays occidentaux. A partir de 1946 les revues Espero Katolika et Dia Regno reparurent et, peu de temps après, les espérantistes protestants réalisèrent un vieux projet : dans le courant de lété 1948 ils réunirent le premier congrès de la KELI à Tostarp en Suède. Auparavant avait eu lieu une rencontre préalable dans le cadre de l'UK (fff) lors dune réunion spécifique de la Ligue. Et ce premier congrès fut, de l avis de tous, un grand succès.
j"Dans une Europe qui souffre encore des blessures béantes causées par la guerre, cette simple rencontre de chrétiens provenant de sept pays, de frères se comprenant en une même langue (& .), laissa une impression inoubliablek",
rapporte Henk de Hoog (ann. 1 b, fiche 65) dans son histoire de la KELI (t). L idée de transformer cette initiative en tradition s imposa comme une évidence et, à partir de 1948, la Ligue organisa un congrès international presque chaque année.
Après une interruption de 11 ans, en 1950 les espérantistes catholiques organisèrent eux aussi un nouveau congrès. Ce fut le 22ème de lIKUE, et le 3ème tenu à Rome (après ceux de 1913 et 1935.)
LEurope de lEst ne connut pas cette reprise de la vie normale. Staline y imposa des régimes communistes qui détestaient autant lespérantisme que le christianisme et avaient donc un double prétexte pour entraver les activités de lIKUE (c) et de la KELI (t). Pendant la guerre froide tout fut fait pour décourager les contacts avec les pays occidentaux, où les deux associations avaient leur siège. Les gouvernements des États satellites de lUnion Soviétique voulaient orienter lintérêt de leurs citoyens vers la vraie langue mondiale : le russe. Par exemple en RDA (ancienne République Démocratique d'Allemagne) (), de 1949 à 1965 les espérantistes neurent le droit ni de sorganiser en associations ni de mener des activités dinformation du public. Plus tard lactivité espérantiste ne fut possible que dans le cadre de structures définies qui ne laissaient pas de place à une collaboration avec lIKUE ou la KELI.
La situation était un peu plus favorable en Pologne, où en 1957 le gouvernement permit au moins lentrée dEspero Katolika (n) (mais le règlement de labonnement resta difficile). Cela dit, un travail plus rapproché entre chrétiens de lOuest et de lEst fut impossible pendant longtemps. Et il nest donc pas étonnant que, dans les années 50 et 60, tous les congrès de lIKUE et de la KELI se soient tenus en Occident.
Après que, lors du Concile Vatican II (19621965), lÉglise catholique se fut montrée plus favorable à lcuménisme, lIKUE (c) décida, en juillet 1966, dinviter la KELI (t) à organiser avec elle un congrès commun aux deux associations. Lors de son 29ème congrès, en 1967 à Torre Pellice en Italie, la KELI accepta linvitation à lissue dune vive discussion. A la suite de quoi, en 1968, eut lieu à Limbourg en Allemagne le premier Congrès espérantiste oecuménique. Ce fut, en même temps, le 32ème congrès de lIKUE et le 21ème de la KELI.
La même année, le "Printemps de Prague" encouragea les membres tchèques de lIKUE et les membres de lÉglise hussite à mettre sur pied un congrès cuménique dans leur pays. Il devait avoir lieu en été 1970 à Brno. Mais larmée soviétique envahit le pays, qui dut subir le processus de normalisation. Les ministères de la Culture et de lIntérieur interdirent la tenue du congrès, six semaines avant son ouverture programmée. Il se transféra à Klagenfurt, mais peu de personnes dEurope orientale parvinrent à obtenir, à la dernière minute, le nécessaire visa autrichien.
Il restait encore une autre organisation de membres tchèques de lIKUE, ceux qui se rencontraient au camp de catholiques espérantistes fondé en 1969. Ils se nommèrent officiellement camp de vacances de lespéranto, pour masquer quelque peu leur caractère religieux. Pendant quelque temps, en plein été, de jeunes catholiques de Tchécoslovaquie et de quelques autres pays comme la Pologne, la Hongrie, la Hollande et l Italie se rencontrèrent là, fraternellement, jusqu au jour où, en juillet 1977, la police envahit le camp et arrêta les organisateurs, Miloslav `vá
ek et le P. Vojtech Srna. La dissolution de la section tchèque de l IKUE (c) intervint peu après.
La situation fut à nouveau plus réjouissante en Pologne, où, durant le même été, eut lieu le 37ème congrès de lIKUE. De tous les congrès de lIKUE réunis jusque-là, ce fut celui qui attira le plus de monde : 700 participants. Deux fois encore, avant la chute du rideau de fer, en 1978 à Varna et en 1987 à Czstochowa, des catholiques de l Est et de l Ouest se rencontrèrent dans un pays socialiste dans le cadre de l IKUE.
La disparition du système totalitaire donna aux espérantistes chrétiens d Europe de l Est la liberté à laquelle ils avaient si longtemps aspiré. Le 12 mai 1990, soit près de treize ans après sa mise hors la loi, la section tchèque de l IKUE (c) se reconstitua et devint rapidement, toujours sous la direction de Miloslav `vá
ek, l une des sections les plus actives. En Roumanie et en Lituanie aussi, des sections actives de lUnion furent remises sur pied.
Les deux organisations, la catholique et la protestante, se caractérisent pendant cette période par leur stabilité et leur continuité. De 1961 à 2000 le Pasteur Adolf Burkhardt (ann. 1 b, fiche 58), un Allemand, fut le président de la KELI (t) (avec une interruption de 1975 à 1981). Au cours de lété 2000, un Néerlandais, Jacques Tuinder (ann. 1 b, fiche 100) prit sa succession. Le Père Duilio Magnani, un prêtre italien de Rimini assuma de 1979 à 1995 la même responsabilité au sein de lIKUE, jusquà ce quil transmette le flambeau à Antonio de Salvo. En 1995 pour la première fois, il y eut dans la même année deux congrès de lIKUE, le 48ème congrès à Olomouc, République tchèque, et le 49ème dans le cadre du 11ème congrès cuménique de Kaunas en Lituanie. Cest également en 1995 que lIKUE (c) établit son siège à Rome, où elle assure à la fois le secrétariat de lassociation et la rédaction dEspero Katolika (n).
Le 10 août 1996 de jeunes catholiques de Belgique, République tchèque et Hongrie fondèrent, dans le cadre du 15ème Camp catholique espéranto de Sebranice, une organisation de jeunes de lIKUE sous le nom de Jeunesse IKUE et le sigle IKUEJ. Leurs objectifs sont, selon leurs statuts :
- aider les jeunes espérantistes à trouver la voie vers Dieu et la vie chrétienne,
- favoriser la compréhension internationale et la coopération entre jeunes catholiques du monde entier,
- confirmer les jeunes catholiques dans leur foi,
- diffuser lespéranto parmi les catholiques.
Les membres de lassociation ne se rencontrent pas seulement dans le cadre de camps despérantistes catholiques, des congrès de lIKUE et dautres rencontres de chrétiens, mais assurent une correspondance active et des contacts Internet avec des membres en Afrique et en République Populaire de Chine.
4.5. Lattitude des autorités religieuses ou des personnalités spirituelles face à lespéranto
Le chapitre précédent a essentiellement traité de lengagement des pasteurs et des laïcs en faveur de lespéranto. Portons maintenant notre attention sur lattitude des hauts dignitaires des Églises et de quelques personnalités marquantes de la société civile vis à vis du mouvement espérantiste.
4.5.1. Les papes
Dès 1931 la publication allemande Lexikon für Theologie und Kirche "Dictionnaire de théologie et decclésiologie" () terminait son article consacré à lespéranto par ces mots :
j"Les papes, depuis Pie X (et beaucoup de cardinaux et d évêques), soutiennent le mouvement espérantiste, qu ils ont accueilli avec faveurk".
De fait, au cours du 20ème siècle, si l'on excepte le trop court pontificat de Jean Paul 1er, les sept autres papes, Pie X, Benoît XV, Pie XI, Pie XII, Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II ont manifesté leur approbation pour lactivité des espérantistes catholiques. A partir du début des années 1930 la page de garde dEspero Katolika (n) a régulièrement porté la mention :
j"Publication honorée de la bénédiction apostolique du Pape Pie X, 27 juin 1906, du Pape Benoît XV, 20 août 1920 et du Pape Pie XI, 11 octobre 1924.k"
Ces bénédictions et les autres sont explicitées aussi par les numéros d'Espero Katolika de ces mêmes époques.
De 1906 jusquà sa mort, en 1914, le Pape Pie X accorda chaque année sa bénédiction à Espero Katolika et aux espérantistes catholiques. Par ailleurs, il sexprima au sujet de lespéranto lors de quelques audiences. Le 4 avril 1909 il dit au frère Isidore Clé, pionnier espérantiste et directeur de linstitut des aveugles de lÉglise de Belgique :
j"l espéranto a devant lui un grand avenirk"
Il existe aussi d autres citations, dont on ne trouva les références qu après la mort de ce Pape et qui ne révèlent rien ni de l époque ni des circonstances au cours desquelles elles furent prononcées, ce qui peut éventuellement remettre en cause leur authenticité. Ces citations, sous forme de variantes diverses, sont encore et toujours reprises dans les médias catholiques et plus souvent encore dans les publications des espérantistes non catholiques, cest le cas par exemple des propos suivants, attribués au même Pie X :
j"Je vois dans la langue espéranto un moyen valable pour entretenir un lien entre les catholiques du monde entier.k"
Vu la grande sympathie manifestée par Saint Pie X pour les espérantistes, on peut supposer que cette phrase reflète bien son opinion. Mais on ne peut avoir la même certitude pour la citation que l on prête à Pie XII :
j"Je prédis à l espéranto, dans l avenir de la civilisation, une place semblable à celle du latin au Moyen Âgek"
Le 19 mai 1964, le Pape Paul VI reçut en audience une partie de la direction de l IKUE. Selon le P. Alfons Beckers, prêtre belge, le Pape :
j"manifesta un vif intérêt pour le mouvement espérantiste catholique. Il reconnut l utilité et même la nécessité de l espéranto et il souligna qu il voulait soutenir une langue qui rend possible l intercompréhension entre les peuples, en favorisant l harmonie et la paix.k"
La première intervention d un Pape au sujet de l espéranto enregistrée dans la revue du Vatican L Osservatore Romano émane de Paul VI. Au cours de l année sainte 1975, le 36ème congrès de l IKUE se tint à Rome. Dans le cadre de l audience générale sur la place St-Pierre, le 13 août 1975, Paul VI présenta ainsi les groupes présents :
j"Un autre groupe international, que je vous présente plus particulièrement, est celui des participants du congrès international des espérantistes catholiques. Voyez, ils arborent la drapeau vert, qui est le symbole de l espérance, ce sont les espérantistes.k"
Et il s adressa aux congressistes en langue italienne dans les termes suivants :
j"Nous ne voulons pas terminer cette partie de l audience sans adresser nos salutations et nos souhaits aux participants du 36ème congrès des catholiques espérantistes. A vos objectifs culturels particuliers vous voulez ajouter une note religieuse d une grande délicatesse entrant dans lesprit du jubilé qui, sadressant à tous les hommes de bonne volonté, leur parle de renouveau, de conversion, de limportance de retrouver le contact avec le Dieu qui aime et qui pardonne. Que cet esprit vous guide dans lexhortation à la fraternité et à lintercompréhension entre les peuples et les différentes langues que vous voulez favoriser selon le programme qui vous est propre. Tel est notre vu sincère, que nous tenons à marquer plus spécialement en vous accordant notre bénédiction apostolique, en soutien aux dons du Seigneur.k"
Deux ans plus tard eut lieu le 37ème congrès, celui de Czstochowa déjà mentionné, sous la haute autorité protectrice du P. Karol WojtyBa, cardinal archevêque de ce diocèse et futur Pape Jean Paul II, qui dans son message d accueil aux congressistes, écrivit :
j"Comme Jésus-Christ pria pour l unité de ses disciples (Jean 17,11), je prie, moi aussi, au nom de Jésus-Christ, à votre intention. Qu une seule foi et un seul amour vous aident à réunir le monde désuni en un seul troupeau d un même Pasteur. Que la langue supranationale, l espéranto, serve efficacement ce noble but.k"
Le P. WojtyBa accepta la proposition de célébrer la messe en espéranto avec l approbation spéciale du Pape Paul VI, mais, au dernier moment, la sépulture de l archevêque de PoznaD, le P. Antoni Baraniak, l empêcha de venir.
Après son élection comme Pape en 1978, il se passa encore 13 ans avant que Jean Paul II n intervienne publiquement en espéranto. La fiche n° 40 de notre annexe 1a (relative au Père Opilio Rossi, Cardinal) en donne probablement une explication utile. Ce fut pendant la 6ème journée Mondiale de la Jeunesse à Czstochowa, lorsque, le 14 août 1991, il adressa ses salutations à plus d un million de jeunes, présents en ce lieu. C était la première fois qu un Pape s exprimait publiquement en espéranto. Il le fit en ces termes :
j"Je transmets aussi mon salut de bienvenue aux jeunes pèlerins du monde entier en ce jour de fraternité universelle, qui nous voit unis comme fils d un même Père au nom du Christ, vérité révélée à l Homme.k"
Le jour suivant, il adressa à nouveau ses salutations en plusieurs langues aux jeunes réunis à Czstochowa. En espéranto il leur dit :
j"Chers Jeunes ! Que l expérience de la foi revivifiée aux pieds de la Vierge Noire reste gravée de façon indélébile dans vos cSurs. Que la Très Sainte Vierge Marie vous accompagne ! k"
Près de deux ans plus tard, durant l été 1993, Jean Paul II fit transmettre sa bénédiction apostolique à l'UK (fff) qui tenait ses assises à Valence, en Espagne (il s agissait donc du Congrès du mouvement espérantiste général, neutre au point de vue religieux) :
j"Le Saint Père salue sincèrement les organisateurs et les participants du 78ème congrès d espéranto qui se tient à Valence et les encourage à continuer leur estimable entreprise de rapprochement dans le monde, pour qu y règne l intercompréhension et l unité. k"
En même temps le Saint Père incite les participants, qui, représentant toutes sortes de pays, cultures et croyances, se comprennent à cette occasion en une même langue, à démontrer par ce type de rencontre la fraternité qui, sans la moindre discrimination, devrait régner entre tous les êtres humains en tant que membres de la grande famille des enfants de Dieu, et affermir la prise de conscience individuelle et collective de la paix dans leurs foyers, leur milieu social, leur société.k"
Ayant formulé ce vSu et invoqué la protection de Dieu sur les travaux et les participants du congrès, le Saint-Père conclut en disant :
j"j ai le plaisir de vous accorder la Bénédiction Apostolique que vous avez souhaitée. k"
Le 3 avril 1994, pour la première fois, le Pape Jean Paul II ajouta l espéranto aux langues dans lesquelles il prononça la salutation pascale précédant sa bénédiction Urbi et Orbi :
j"Heureuses Pâques dans le Christ ressusciték".
La même année suivit le souhait de Noël :
j"Noël béni de Dieu et nouvelle année prospèrek".
Depuis lors, le Saint Père reprend chaque année ces vSux en espéranto.
Du 31 août au 7 septembre 1997 eut lieu à Rome et à Rimini le congrès jubilaire, le 50ème congrès de l IKUE (c), sur le thème : Allez et faites de tous les peuples du monde des disciples . Dans le cadre de l audience générale sur la place St-Pierre, le 3 septembre 1997, Jean Paul II salua comme suit les participants, dans un espéranto parfait:
j"Je me réjouis d accueillir les responsables de l Union internationale des espérantistes catholiques, engagés dans leur 50ème congrès. Mes très chers, le thème de votre rencontre reprend la tâche missionnaire confiée par le Christ à son Église. Acceptez-la généreusement avec cet esprit duniversalité qui est à la base de la langue que vous pratiquez.k"
Le mouvement catholique espérantiste ne bénéficia pas seulement, de la part du Vatican, de ce type de reconnaissance. Après que le Concile Vatican II eut décidé la réforme de la liturgie, l espéranto fit l objet d un reconnaissance partielle en avril 1966, et totale en juillet 1968, comme langue liturgique. Le 8 novembre 1990, la Congrégation Vaticane pour le culte de Dieu et la discipline des sacrements approuva les textes de la messe en espéranto. La commission prépara les textes sous la conduite de lévêque auxiliaire de Varsovie, le Père WBadysBaw MizioBek (1914-2000). On put se procurer, dès l été 1995, le Meslibro et le Legajxaro por dimancxoj kaj festoj ( Missel et Lectionnaire pour les dimanches et fêtes ) sous la forme de deux volumes de 904 pages au total, sous reliure de luxe.
Le 11 janvier 1992 l IKUE fut reconnue par décret du Conseil Pontifical pour les Laïcs comme association de fidèles de droit pontifical. Aux termes de ce décret,
j"le Conseil Pontifical pour les Laïcs marque son appréciation quant aux buts statutaires de l IKUE, ainsi qu aux diverses activités accomplies par l Union dans l application de ses programmes et dans ses prestations de services (formation chrétienne, publications et communication, bienfaisance et action Scuménique)k"
Une reconnaissance d une importance pratique considérable pour le mouvement espérantiste catholique est lusage fait de lespéranto par Radio Vatican. Au chapitre suivant nous donnerons un rapport plus détaillé sur ces émissions.
Il est intéressant dexaminer sil existe aussi des manifestations dopinions négatives des instances catholiques au sujet de lespéranto. Nous trouvons effectivement quelques indications sur ce point dans quelques articles de journaux. Par exemple lAgence de presse catholique allemande KNA () rapporte, le 2 février 1995 :
j"Mais il existe dans l Église catholique un début de défiance à l égard de l espéranto. Par exemple on a suspecté son initiateur, entre autres choses, d avoir été franc-maçon.k"
Et dans un petit article de la publication catholique allemande Christ in der Gegenwart, "Le Christ dans le temps présent", du 24 septembre 1995, nous lisons à propos de la parution du Missel en espéranto :
j"La Congrégation vaticane pour le Culte de Dieu eut d abord à examiner un certain nombre d'objections qui méritaient d'être prises en considération. Elle conclut en autorisant la traduction en espéranto du Missel Romain.k"
Le Missel précise lui-même de quelles objections il s agit. Son introduction reproduit le document Normes pour la célébration de la messe en espéranto du 20 mars 1990 en italien et en espéranto. Dans ce texte on trouve la référence à la circulaire Decem jam annos "Il ya déjà dix ans". du 5 juin 1976, qui signifiait un pas en arrière pour le mouvement espérantiste catholique. Selon cette lettre :
j"la langue espéranto ne présente pas en elle-même les caractéristiques requises pour pouvoir être considérée comme langue liturgique et être utilisée de façon habituelle dans les célébrations liturgiques, au motif quelle nest pas une langue parlée par un peuple.k"
En ce qui concerne les rumeurs attribuant à Zamenhof une appartenance à la franc-maçonnerie, on remarquera :
1) que, d après l enquête menée par l historien français André Cherpillod en 1997, elles ne sont j"vraisemblablement pas fondéesk"
2) que la franc-maçonnerie mérite certainement le respect dun point de vue catholique,
3) que lespéranto, étant au premier chef une langue, ne saurait avoir un lien exclusif avec une conception donnée du monde.
Outre plusieurs papes, diverses personnalités catholiques ont exprimé leur soutien à lespéranto. St Maximilien Kolbe (ann. 1 b, fiche 78) la fait à plusieurs reprises. En 1937 il a encouragé dans ce sens les étudiants du séminaire pastoral franciscain de Niepokalanow en leur disant :
j"Votre participation au mouvement espérantiste plaît à l Immaculée.k"
4.5.2. Les cardinaux
Il nous a semblé bon de constituer une liste de brèves fiches biographiques de 55 cardinaux qui, au cours du 20ème siècle et en ce début du 21ème, d'une façon ou d'une autre, plus ou moins engagée selon le cas, se sont prononcés en faveur de l'espéranto. Le lecteur pourra ainsi se faire une idée de l'ampleur et de la richesse des contacts intervenus à ce jour entre les catholiques espérantistes et les plus hauts dignitaires de leur Église. On la trouvera en annexe 1a en fin d'ouvrage. Et nous faisons le lien avec les mentions de certains d'entre eux dans le corps du texte.
Voici simplement quelles sont les hautes responsabilités qu'ont assumées ou qu'assument ces divers cardinaux dont nous rappelons les noms entre parenthèses. Plusieurs d'entre eux sont évidemment cités à divers titres et donc plusieurs fois :
- un secrétaire d'Etat (Sodano)
- six préfets de Congrégations (du Culte divin : Micara, Knox, Martinez y Somalo ; de l'Évangélisation des peuples : Gotti et Van Rossum ; des Evêques : Gotti ; des Religieux : Micara et Pironio)
- quatre présidents de Conseils pontificaux (pour les laïcs : Rossi, Pironio et Stafford ; "Cor unum" : Etchegaray)
- un président du Consilium "conseil" pour la réforme liturgique (Lercaro)
- deux présidents de Secrétariats (Non-croyants : König ; Unité des chrétiens : Willebrands)
- cinq nonces apostoliques (en France : Cerretti ; en Autriche : Rossi ; en Bavière : Frühwirth ; en Belgique : Micara ; en Colombie : Martinez y Somalo ; en Equateur et au Chili : Rossi ; en Tchécoslovaquie : Micara)
- douze présidents de conférences épiscopales (France : Liénart et Etchegaray ; Amérique Latine (CELAM) : Pironio ; Europe : Etchegaray, Martini et Vlk ; Allemagne : Frings ; Autriche : König ; Belgique : Suenens ; Brésil : Câmara ; Italie : Ruini ; Pays-Bas : Alfrink ; Slovaquie : Korec)
- neufs primats (des Gaules : Gerlier ; d'Autriche : Piffl, Innitzer et König ; de Belgique : Van Roey ; de Hongrie : Serédi et Lékai ; Pologne : Wyszynski ; Tchécoslovaquie : Tomásek)
- cinq archevêques de Paris (Amette, Baudrillart, Dubois, Feltin et Verdier)
- trois archevêques de Milan (Colombo, Ferrari et Martini)
- deux archevêques de Bologne (Biffi et Lercaro)
- deux archevêques de Prague (Tomásek et Vlk)
- deux archevêques dUtrecht (Alfrink et Willebrands)
- deux présidents de Pax Christi (Alfrink et König)
- deux des quatre modérateurs du concile Vatican II nommés par Paul VI : (Lercaro et Suenens)
- trois des cinq "membres les plus marquants" (Liénart, Lercaro et Suenens,) de la majorité à ce même concile, selon la Nouvelle encyclopédie catholique "Théo" (Paris, Droguet-Ardant/Fayard, 1989, p. 500) qui précise :
j"La majorité (& ) se veut proche de l'esprit d'ouverture manifesté par Jean XXIII : elle est attentive aux réalités du monde, aux besoins d'adaptation de l'Église pour faire parvenir l'Évangile à tous les hommes, aux exigences du témoignage d'unité des chrétiens& k"
4.5.3. Les évêques
Si nous étendons maintenant notre champ d'observation aux évêques (dont certains sont cardinaux), nous trouvons facilement des centaines de messages de salutations amicales à l occasion d évènements ponctuels faisant intervenir des espérantistes chrétiens. Quand lIKUE organise un congrès dans un pays doté dun fort mouvement espérantiste catholique comme par exemple en République tchèque, en Italie ou en Pologne, il arrive presque toujours qu'un ou plusieurs évêques tiennent à rendre une visite personnelle au congrès pour saluer les participants, les encourager dans leur action et célébrer la messe avec eux.
Dans quelques pays, par exemple en République tchèque en 1991 et en Slovaquie en 1993, la conférence épiscopale a officiellement reconnu la section nationale de lIKUE comme organisation ecclésiale de laïcs. Ailleurs, par exemple en Allemagne, cette reconnaissance a été accordée dans les diocèses où les membres de lUnion sont particulièrement actifs.
Quelques pays comptent des évêques qui parlent eux-mêmes espéranto et célèbrent souvent la messe dans cette langue. Cest par exemple le cas de lévêque dEisenstadt (Autriche), le P. Paul Iby, qui est, depuis de nombreuses années, membre de lIKUE.
Le Père Miloslav Vlk (ann. 1 a, fiche 51), cardinal archevêque de Prague, a appris lespéranto lorsquil était étudiant et a participé, comme jeune prêtre, à lorganisation des camps despérantistes catholiques. Au congrès catholique espérantiste dOlomouc (République tchèque) il célébra la messe en espéranto. Dans son prêche, il proclama :
j"J ai toujours ressenti, parmi les espérantistes, un avantage qui ne tient pas seulement à la langue elle-même : cette langue, dans mon expérience, donne plus que la simple intercompréhension : elle apporte un esprit de communauté, l unité, la communication. Et ce fait, au niveau de lÉvangile, au niveau de lÉglise, a une portée très importante, car il ne sagit pas seulement de communauté, mais de présence du Christ au milieu des hommes. Le Christ est venu pour apporter la présence de Dieu parmi les hommes, car tel était le plan de Dieu. Cest cela le Paradis. Et ce dont vous jouissez entre vous, cest précisément le reflet de cette réalité.k"
Plus souvent encore que le Père Vlk, l archevêque de Hradec Králové, le Père Karel Ot
enáaek, se rend aux manifestations espérantistes pour encourager les participants dans leur action en faveur d une meilleure intercompréhension.
Dans leurs témoignages au sujet de lespéranto les hautes autorités de lÉglise reconnaissent très souvent la contribution de cette langue à lintercompréhension des peuples et au rapprochement des fidèles. Quant à savoir sil serait souhaitable dopérer un changement concret dans la politique linguistique de lÉglise et du monde, elles restent plus prudentes.
Cest sur ce point précis que le Père György Jakubinyi (ann. 2 b fiche 74), a fait un pas de plus. Né dans une ville roumaine dont la population est composée de Roumains, de Hongrois, dUkrainiens et de Juifs, environnement multiculturel à certains égards comparable à celui de Bialystok un siècle plus tôt, le jeune Jakubinyi, étudia lespéranto dès ses 13 ans. Il eut ensuite à cur de l'enseigner à tous ses élèves lors de ses diverses missions pédagogiques.
En 1991 eut lieu au Vatican le premier Synode sur lEurope. Cest là que, le 29 novembre, le P. Jakubinyi plaida pour lespéranto en tant que nouvelle langue ecclésiale. Voici en quels termes l'agence de presse allemande KNA (aa) rendit compte de ce fait :
j"Cité du Vatican. Les bouleversements politiques en Europe ont aussi modifié la composition de l équipe d interprétation simultanée dans l amphithéâtre du synode spécial sur l Europe qui s est tenu jeudi, la semaine dernière, au Vatican. La langue maternelle de lÉglise, le latin, nest plus l'une des langues offertes, il est remplacé par le russe. Cest ainsi que le secrétaire du synode épiscopal sadapte au fait que, parmi les 200 participants de lassemblée on compte un certain nombre de représentants de la zone russophone. Lévêque auxiliaire roumain dAlba Iulia, Mgr Jakubinyi György a présenté au synode une contribution sur le thème de la langue. Il a proposé de remplacer le latin, que lon ne pratique plus actuellement autant que jadis, par la langue internationale espéranto. Le latin, a argumenté cet évêque auxiliaire, na été la langue liturgique que dans lÉglise dOccident. Contre limpérialisme linguistique par lequel des grandes nations veulent imposer aux petites leur langue et, du même coup, leur culture et leur vision du monde, il faut, selon lui, une langue internationale conventionnelle, qui ne serve en sous-main les projets daucune nation.k"
En 1994, le P. György Jakubinyi (ann. 2 b fiche 74) est devenu archevêque de ce même grand diocèse qui compte 95% de Hongrois. En octobre 1999 il parla, au cours du deuxième synode, de la Conférence des évêques de Roumanie, pays qui j"est un peu le reflet de l Europek" par la diversité de ses rites (latin, gréco-catholique et arménien) et de ses langues (roumain, hongrois, et allemand). j"Je ne veux pas idéaliser notre travail en commun, car il y a des problèmesk", souligna-t-il, et, à nouveau, il proposa l espéranto comme solution à la barrière des langues. Il répéta plusieurs fois son argumentation, par exemple lors des Forums de lÉglise catholique de Dresde (1994) et de Hambourg (2000).
Il convient de rappeler à ce titre là le nom d'un évêque surtout célèbre pour sa vigoureuse action sociale, Dom Helder Camara (ann. 1 b, fiche 59), qui manifesta aussi fortement sa sympathie pour l'espéranto alors qu'il était encore évêque auxiliaire de Rio de Janeiro.
Si on écoute vraiment et si on prend en compte sa proposition, les termes suivants, que le P. Stefan WyszyDski (ann. 1 a, fiche 54), cardinal polonais, prononça en 1974 à l adresse du président de l IKUE (c) de l époque, le P. Duilio Magnani, pourraient se révéler prophétiques :
j"Lors du Concile Vatican II le latin a souffert & lors du prochain Concile on parlera espéranto.k"
4.5.4. Autres personnalités spirituelles
Comme pour les cardinaux nous avons établi une liste de 48 personnalités de diverses confessions chrétiennes, évêques, pasteurs et laïcs ou non chrétiennes ainsi que de personnalités ayant exercé une influence importante au service de l'espérantisme ou connues dans le monde pour un autre motif et ayant clairement pris parti pour l'espéranto. C'est l'objet de la liste proposée en annexe 2 b en fin d'ouvrage.
5. Lutilisation de lespéranto entre chrétiens
Les espérantistes chrétiens utilisent leur langue de plusieurs manières. Ils prennent part à divers offices en espéranto, se rencontrent dans le cadre des congrès de lIKUE, et de la KELI, lisent les revues Espero Katolika (n) et Dia Regno (r). Une place importante dans ces utilisations revient à la correspondance, soit par la poste traditionnelle, soit par lInternet. Cest par ce dernier moyen quun nombre croissant de personnes découvrent lespéranto et le mouvement espérantiste chrétien. Cest donc par lui que nous commencerons.
5.1. LInternet
Selon le Pape Jean Paul II les nouveaux instruments de communication comme lInternet sont des dons du Saint Esprit pour lévangélisation du monde. Bon nombre d'espérantistes catholiques et protestants ont, eux aussi, accueilli avec enthousiasme les nouvelles possibilités de communication. Par leur correspondance sur l'Internet et en espéranto ils se facilitent doublement leurs contacts internationaux.
Depuis 1993 déjà, les rédactions dEspero Katolika et Dia Regno sont accessibles sur la "Toile". Des amitiés transfrontalières se sont nouées lors de rencontres d'espérantistes chrétiens et elles se sont souvent approfondies par l'échange de courriels. Ces contacts sont surtout abondants entre Tchèques, Slovaques, Hongrois, Allemands et Italiens.
En 1997, le représentant national de l'IKUE en Argentine, Daniel Cotarelo García, créa un forum Internet pour les catholiques qui pratiquent l'espéranto. Depuis, les espérantistes catholiques du monde entier échangent par ce biais leurs opinions sur les questions religieuses et d'actualité. Petit à petit des chrétiens dautres confessions se sont joints à eux, de sorte que ce forum s'est transformé en un lieu de dialogue cuménique. Ainsi, fin 2000, quand un chrétien de confession évangélique demanda aux membres de la liste de dire ce qu'ils pensaient de la déclaration Dominus Jesus du P. Ratzinger, cardinal allemand, il suscita un vigoureux échange de vues dans une ambiance qui resta fraternelle malgré toutes les divergences.
Dès 1996, quelques centaines de pages à contenu chrétien firent leur apparition sur l'Internet. Plusieurs dentre elles regroupaient cinq espérantistes chrétiens de cinq pays. Attila Szép (Hongrie) et Carlo Sarandrea (Italie) rédigèrent les pages Internet officielles de lIKUE. A partir de lan 2000 on les trouva sur ladresse facile à retenir de http://www.ikue.org. Philippe Cousson fit le même travail pour la KELI (t), tandis que le pasteur Bernhard Eichkom (Allemagne) affichait sur la "Toile" les renseignements concrets concernant les congrès cuméniques espérantistes, divers textes religieux et la revue en langue allemande Ökumenisches Esperanto-Forum. ().
Stephen Kalb (États Unis) est lauteur de lEnciklopedio Kalblanda "Encyclopédie du pays de [Stephen] Kalb), vaste encyclopédie Internet étendue et maintenue à jour en permanence, avec beaucoup dillustrations et de liens internes et externes. Catholique, il a aussi intégré dans son encyclopédie un grand nombre darticles sur les religions, Jésus, les diverses confessions chrétiennes, les saints, les prières, les fêtes, etc. Si, anglophone, c'est essentiellement en espéranto qu'il rédige ses pages Internet, c'est, dit-il, en application de la règle d or bien connue : j"Ce que vous souhaitez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux.k" (Mathieu 7, 12) j"Je souhaite» explique-t-il, j"que les autres écrivent des pages, non dans leurs langues maternelles, mais dans une langue que je puisse comprendre facilement. Or, l espéranto est plus facile qu aucune langue nationale.k"
A partir de http://www.ikue.org. ou d une autre adresse, on trouve déjà sur le réseau des réseaux une abondante littérature religieuse en espéranto. Citons par exemple le livre La fundamentoj de Kristanismo "Les fondements du Christiannisme" de Piero Ottaviano, la brochure Malgranda Ekumena Katekismo "Petit catéchisme cuménique" () de Heinz Schütte et, surtout, le texte intégral de la Bible.
L'espéranto ne se borne pas à favoriser le dialogue fraternel entre chrétiens du monde entier, il stimule aussi les échanges avec des personnes appartenant à des religions non-chrétiennes. Les sites internet en espéranto consacrés à des religions non-chrétiennes (par exemple, pour le boudhisme: HYPERLINK "http://www13.u-page.so-net.ne.jp/wa2/syam-z/budhismo.indekso.html" http://www13.u-page.so-net.ne.jp/wa2/syam-z/budhismo.indekso.html, et pour l'islam: http://www.geocities.com/islamajdemandoj/) contribuent largement à faciliter ces contacts.
5.2. Pratique religieuse
Il ressort denquêtes, réalisées en 1968 en Grande Bretagne et en 1992 en Allemagne, que les organisations espérantistes comptent proportionnellement plus de chrétiens pratiquants que la population dans son ensemble. Selon lenquête de 1992 parmi les membres de Germana Esperanto-Asocio () 33,5 % appartiennent à lÉglise luthérienne et 27 % à lÉglise catholique. Cest un peu plus que parmi le reste de la population : de plus, parmi eux, 69,1 % et 87,9 % pratiquent de telle façon quils : j"participent, au moins de temps en temps, aux assemblées religieuses (par exemple aux offices)k". Ces pourcentages sont remarquablement élevés, car, selon l enquête effectuée en 1987 dans l ensemble de la population de la RFA (République Fédérale d'Allemagne), avant la réunification, seuls 47 % des protestants et 73 % des catholiques se rendaient au moins une fois de temps à autre dans les lieux de culte.
49,3% des membres de la Germana-Esperanto-Asocio (dd) se disent eux-mêmes pratiquants. Il est donc normal que, lors des réunions générales tenues en espéranto, un certain nombre de participants souhaitent assister à un office religieux dans cette langue. Dans les congrès universels cuméniques despéranto, il va de soi que le programme prévoie un office religieux, même si ce congrès a lieu (comme par exemple en 1986 à Pékin ou en 1990 à la Havane) dans un pays dont le régime est défavorable au christianisme.
Des offices en espéranto sont également organisés lors de rassemblements espérantistes plus modestes. Le plus souvent, les organisateurs intègrent volontiers un office religieux dans le programme, mais il nest pas toujours possible de trouver un prêtre ou un pasteur ayant la connaissance nécessaire de la langue et la disponibilité pour le présider. En pareil cas, les jeunes espérantistes appliquent souvent la solution suivante : ils sentendent avec le curé ou le pasteur de la paroisse voisine pour un office bilingue, où, par exemple, on chantera en espéranto et où la prédication en langue nationale sera suivie de son interprétation dans la langue de Zamenhof.
Dans un certain nombre de villes, surtout en Pologne, Italie, Allemagne et Angleterre, des services religieux en espéranto ont lieu régulièrement, par exemple, à Londres, depuis 1912, une fois par mois. En Allemagne les ministres des cultes catholique et luthérien proposent ces offices dans la cathédrale de Speyer (messe catholique tous les deux mois depuis lautomne 1991), à Stuttgart (office cuménique, presque chaque mois depuis 1995) et parfois aussi en la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau (depuis novembre 1996). En outre, depuis 1990, des offices sont célébrés en espéranto lors du Katholikentag ou Kirchentag "Journée des catholiques", ou "Journée de lÉglise". Lors des forums catholiques de Dresde (1994), Mayence (1998) et Hambourg (2000) ce fut le P. Jakubinyi, archevêque roumain, (ann. 2 b fiche 74) auteur de lavant propos du présent ouvrage, qui célébra la messe en espéranto.
D'ordinaire, les offices en espéranto, comme à Speyer ou Stuttgart, sont suivis d'une rencontre dans un restaurant, dune réunion de groupe espérantiste ou dune visite de la ville. Ces services se justifient à plusieurs égards. Tout dabord, ils attirent souvent des espérantistes qui ne pratiquent pas régulièrement. Ensuite, les chrétiens dautres pays qui visitent la région sont heureux de pouvoir bénéficier de contacts sans problème de langue et de faire la connaissance de chrétiens allemands. Enfin, ces services sont en eux-mêmes un symbole fort de solidarité permanente avec les chrétiens qui vivent au-delà des frontières du pays, indépendamment de leur statut de congressistes.
5.3. Voyages
Lusager de l'espéranto découvre les pays étrangers bien mieux qu'un touriste typique, car il a des contacts en profondeur avec des représentants de la population locale. Lannuaire Pasporta Servo () contient plus de 1.000 adresses de familles ou personnes de 80 pays, qui aiment accueillir des espérantistes et sont prêts à leur offrir une nuitée gratuite. De plus, la correspondance et les réunions ou sessions en espéranto sont souvent l'occasion de nouer des contacts amicaux, qui incitent les intéressés à sinviter lun lautre.
Les espérantistes chrétiens se rendent facilement visite d'un pays à l'autre. Au printemps 2001, lauteur du présent ouvrage visita la Chine à linvitation dune espérantiste catholique qui lui permit de faire connaissance à la fois avec lÉglise patriote officielle et avec lÉglise catholique souterraine de ce pays. Sans relations personnelles avec des chrétiens chinois il nest pas facile aux étrangers de découvrir la localisation des églises chrétiennes en Chine ou l'horaire des offices. En partie faute de prêtres, en partie parce que les autorités font tout pour décourager l'activité religieuse, il n'y a souvent le dimanche qu'un seul office, soit catholique soit protestant, même dans les grandes villes.
Plutôt que de participer à une messe officielle, il est particulièrement émouvant d'assister à une eucharistie que préside clandestinement un prêtre étranger dans sa propre maison :
Il faut maintenant fermer les rideaux, et si tout à coup quelquun sonne, il faudra immédiatement tout cacher.
dit-il, avant de revêtir son étole. Officiellement il ne travaille en Chine que dans une tout autre profession :
j"Si l Etat vient à savoir que je suis prêtre je devrai à coup sûr quitter le paysk".
Que ce soit en espéranto ou dans une langue nationale, on peut avoir des conversations très ouvertes et amicales avec des chrétiens chinois qui relatent aussi de tristes aspects de leur vie:
j"L année dernière, ma sSur a du avorter, parce qu elle a déjà un enfant, et que son mari ne veut pas perdre son poste d officier.» -- «Il y a actuellement des campagnes contre le Vatican dans notre ville ; on dit que les 119 martyrs chinois que le Pape a canonisés ne sont pas des saints, mais des criminels.k"
5.4. Revues et livres
Il paraît en espéranto entre dix et vingt revues catholiques, selon que l on y adjoint ou non de très modestes bulletins. La revue Espero Katolika est publiée à Rome et informe au sujet de lÉglise catholique dans le monde entier. Elle relate les activités et les messages du Pape, traite des béatifications et canonisations, mais offre également des articles sur lhistoire et les activités contemporaines du mouvement espérantiste. Cest la plus ancienne des revues en espéranto à avoir paru de façon quasi continue, au moins tous les deux mois, pendant un siècle désormais, avec un riche contenu sur 30 ou 40 pages, et aussi lune des plus dynamiques.
Léquivalent protestant, Dia Regno, (S) lorgane de la KELI (t) paraît également tous les deux mois. La KELI regroupe des chrétiens de plusieurs confessions religieuses. Si la plupart appartiennent aux Églises issues de la Réforme, elle accueille tout de même un certain nombre d'orthodoxes et de catholiques. Aussi des débats cuméniques animés se déroulent-ils dans les pages de sa revue.
Les membres de lIKUE, et de la KELI peuvent sabonner en supplément à la revue de lautre association à moitié prix. Cette possibilité aide les chrétiens à percevoir les événements sous diverses perspectives. Quand, en 1995, le Pape Jean Paul II canonisa Jean Sarkander, les revues espérantistes catholiques répandirent avec joie la nouvelle : j"Notre Saint, Jean Sarkander, modèle de fidélité et de courage pour nousk". Mais Dia Regno (r) publia à cette occasion un article portant, à la consternation des catholiques, un titre préoccupant : Une pierre d'achoppement sur le chemin de l'Scuménisme . L article de Dia Regno citait les mots de Pavel Smetana, président du Conseil Scuménique tchèque, selon lequel Jean Sarkander,
j"dépourvu de sensibilité, d amour chrétien, s est opposé aux croyants des autres religionsk".
En dehors des revues de l'IKUE (c) et de la KELI (t) il existe de nombreux bulletins des sections nationales de ces associations, comme par exemple Franca Katolika Esperantisto "Lespérantiste catholique français" (), La ponteto "La passerelle" est le bulletin des membres français de la KELI, Kristana Alvoko "Lappel chrétien", celui de ses adhérents anglais; Frateco "Fraternité" est l'organe des catholiques polonais, Katolika Esperantisto "L'espérantiste catholique" celui des Espagnols. Mentionnons en outre quelques revues rédigées principalement en langue nationale, telle Katolika Sento, "Sensibilité catholique", en Italie, Kristliga Esperantoförbundets Medlensblad, "Bulletin d'information de la Ligue chrétienne pour l'espéranto", en Suède et Ökumenisches Esperanto-Forum (bb), en Allemagne.
Parmi les revues nationales, celle qui a la plus large diffusion est Dio Benu "Dieu bénisse" (), dont le riche contenu atteste la vigueur de la section tchèque de l'IKUE. Le lecteur de cette revue ne peut qu'être impressionné à la fois par l'intense activité que déploient en République tchèque de nombreux jeunes espérantistes et par les excellentes relations qu'ils entretiennent avec leurs évêques et cardinaux.
Abstraction faite de nombreuses petites circulaires, quelque 200 revues paraissant régulièrement en espéranto. Environ 10 % sont consacrées à des thèmes religieux. On peut présumer que la proportion est comparable dans les 40.000 livres et opuscules qui ont paru en espéranto jusquà ce jour. Outre la Bible, on trouve en espéranto le Coran, la Baghavad Gita et divers autres livres saints.
Plusieurs vies de saints ont également paru en espéranto (notamment les vies de St-François, St-Dominique et Edith Stein), de même que quelques encycliques des papes Jean XXIII Pacem in terris "Paix sur la terre", Paul VI (Ecclesiam Suam "Son Église", Populorum Progressio "Le progrès des peuples") et Jean-Paul II (Familiaris Consortio "Cellule familiale", Laborem Exercens "En exercant un travail", Centesimus Annus "Centième année".)
5.5. Radio Vatican
En Europe, on peut écouter sur ondes courtes ou moyennes des émissions radio en espéranto provenant de huit pays : Chine et Pologne (chaque jour), Estonie, Italie, Cuba, Lituanie et Vatican. Depuis janvier 1977, Radio Vatican émet régulièrement en espéranto, d'une fois par semaine au début, elle est passée à deux fois en 1981, à trois fois en 1998 et à quatre fois désormais. Tous les dimanches (même contenu répété par deux fois), ainsi que tous les mercredis et jeudis soir cette émission commence par les mots Estu lauxdata Jesuo Kristo "Loué soit Jésus-Christ". La rédaction donne des informations en espéranto sur les événements actuels dans lÉglise et dans le monde, elle présente les documents et discours pontificaux, et, une fois par semaine, passe en revue les activités des espérantistes catholiques.
Les émissions, qui peuvent être écoutées aussi par Internet et en dehors dEurope par satellite, rencontrent un intérêt considérable, y compris dans des pays où les émissions de Radio Vatican en langue nationale ne sont guère suivies. Chaque année la rédaction en espéranto reçoit environ mille lettres dauditeurs, du monde entier, ce qui est considérable pour une durée démission hebdomadaire d'environ 36 minutes. Désormais les émissions en espéranto de la semaine écoulée peuvent, entre autres, être écoutées "à la demande" c'est à dire à tout moment sur :
http://www.oecumene.radiovaticana.org/it1/on_demand2_esp.asp
5.6. Action de bienfaisance
À l'instar de la plupart des organisations chrétiennes, lIKUE (c) et la KELI (t) ont des engagements d'ordre caritatif. Parmi les projets daide dont l'initiative revient à des responsables de ces associations, et mis en uvre au cours des dernières décennies, on peut citer laide aux lépreux du Dr Jozsef Kondor, laide aux aveugles anciennement Agado E3 "Action E3" de Jacques Tuinder, (ann. 1 b, fiche 100) devenue depuis quelques années EvidEntE ("évidemment" en espéranto) ou Zienderogen en néerlandais, laide aux handicapés dHansjörg Kindler et luvre de Coopération Espérance en République démocratique du Congo.
Lancien sigle E3 (Esperantistoj Esperigas Esperantojn) signifiait "Des espérantistes renforcent l'espérance de ceux qui espèrent". Cest la plus étendue et la plus durable de toutes ces uvres. Dès 1970 Jacques Tuinder commença ses démarches pour porter la lumière aux aveugles vivant dans des conditions misérables en Afrique et en Amérique latine, mais aussi en Albanie, en Bulgarie, en Ukraine et au Sri Lanka.
Voici encore quelques précisions sur deux autres projets :
En 1993 Mme Spomenka timec, écrivain espérantophone, publia un livre intitulé Kroata Milita Noktolibro "Livre nocturne de la guerre de Croatie". Elle y expose comment la haine, la violence et la mort se sont déployées dans son pays. Et elle donne la parole à des personnes qui, bien qu'ayant perdu leurs plus proches parents, plaident pour la réconciliation. Un prêtre allemand vieux-catholique, Hansjörg Kindler, prit linitiative de faire traduire ce livre. Les produits de sa vente, plus de 10.000 euros en quelques mois, servirent à subvenir aux besoins des enfants handicapés de Croatie.
Active dans toutes les autres parties du monde, luvre Kooperativo Espero "Coopérative Espérance" fut fondée en 1993 à Bukavu, ville située au sud du lac Kivu, à l'est de ce qui était alors le Zaïre (aujourd'hui République démocratique du Congo). Avec laide de plus de 40.000 dollars dont disposa lIKUE, (c), en partie comme dons, en partie comme crédits, les catholiques dAfrique construisirent là une fabrique de briques. La production démarra fin 1994 et, peu après, le gérant de la coopérative, l'espérantiste Yogolelo Lutombo, écrivait avec joie dans Espero Katolika (n) :
j"Votre aide a créé 31 postes de travail, rendant possible la subsistance de 31 familles, dont la vie était très dure ! k"
L espéranto joue un double rôle dans ces activités : dune part les revues espérantistes lancent des appels à la générosité et tiennent les lecteurs au courant du déroulement du projet, et d'autre part la langue facilite les contacts internationaux sans lesquels il serait difficile de mener à bien les activités entreprises.
5.7. Occasions de rencontres
Lespéranto offre à ceux qui le pratiquent de nombreuses possibilités de rencontrer et de lier amitié avec des gens dautres pays et dautres cultures. Les espérantistes chrétiens se sentent liés entre eux de deux façons, par leur langue commune et par leur foi commune. Cette double option commune leur permet daller à la rencontre d'autrui avec un préjugé de sympathie et les aide à approfondir leurs amitiés.
Il existe toutes sortes d'occasions de rencontres pour les chrétiens : pèlerinages ou exercices spirituels en Pologne, assemblées de fin de semaine en République tchèque, Slovaquie, Roumanie ou Lituanie, rassemblements de catholiques italiens ou de protestants suédois, etc. Les congrès de la KELI (t) et de lIKUE (c) sont plus importants et plus internationaux. Un congrès de ce type se tient presque chaque année en été, souvent organisé de concert par les deux associations, la catholique et la protestante. De cent à trois cent chrétiens dune vingtaine de pays s'y rencontrent pendant une semaine pour prier, chanter, converser ou discuter ensemble, malgré les différences dorigine et de confession. Des offices quotidiens et des conférences sur le thème du congrès figurent généralement au programme, ainsi que divers ateliers. Une place est réservée à la détente sous forme dexcursions, de concerts, de sketches, de séquences théâtrales ou de danses populaires.
Il est probable que ces congrès de l'IKUE et de la KELI favorisent davantage le développement de lcuménisme que les traités théoriques de théologie ou les déclarations de hautes personnalités ecclésiastiques. Voici sur ce point lopinion d'un pasteur remontrant, espérantiste néerlandais, Gerrit Berveling :
j"Le véritable Scuménisme se vit et s épanouit à la base, dans des rencontres vivantes de personnes d Églises diverses et de diverses confessions, et même de diverses religions. Le véritable Scuménisme s épanouit toujours mieux dans des discussions communes, pourvu qu'elles soient sérieuses, évitent les disputes et, dans un esprit de respect, visent à la compréhension mutuelle. Le véritable cuménisme sépanouit et se vit dans les offices communs, où l'on se laisse inspirer et nourrir par Dieu lui-même, limperceptible, lindéfinissable source de tout. Là où l'on se reconnaît mutuellement comme êtres humains de traditions différentes, mais unis par la même recherche de Dieu lui-même. Notre seul Dieu.k"
Ces propos reflètent essentiellement l opinion de plusieurs membres de la KELI (t). Mais bien des membres de l IKUE (c) y souscrivent aussi. Alors que, pour quelques participants actifs de l IKUE, il serait suffisant d avoir des réunions Scuméniques, dautres préfèrent se rencontrer au moins une fois tous les deux ou trois ans en congrès séparé, entre catholiques. De ce fait, de temps en temps, l'IKUE et la KELI organisent en supplément des congrès distincts.
Le 50ème congrès de l'IKUE, qui s'est tenu lété 1997 à Rome et à Rimini, a été un événement important. Il réunit environ 300 fidèles de 24 pays. Le congrès débuta au maître-autel de la Basilique St-Pierre par une eucharistie en espéranto concélébrée par 17 prêtres et présidée par le Père évêque Giovanni Locatelli. Les points culminants furent le message daccueil en espéranto du Pape Jean-Paul II, mentionné ci-dessus, de même que, le 3 septembre 1997, laudience des congressistes auprès du Président de la République Italienne, Oscar Luigi Scalfaro. Ayant fait la connaissance de prêtres espérantistes de divers rites, le Président Scalfaro constata que lespéranto :
j"sert aussi le dialogue Scuménique. Il remercia les membres de l'IKUE pour leur travail au service de la fraternité et de l intercompréhension entre les peuples. k"
5.8. Camps Scuméniques de la jeunesse espérantophone.
Lors du congrès espérantiste Scuménique de lété 1996 à Szombathely (Hongrie), auquel participaient 25 congressistes de sept pays, il fut décidé dorganiser tous les ans, en espéranto, un Camp cuménique de la jeunesse Junulara Ekumena Esperanto-Tendaro, (JET) (). Le premier camp de ce type eut lieu du 11 au 18 août 1997 à Unterkirnach en Forêt Noire (Allemagne). Une soixantaine de jeunes venus de sept pays dEurope orientale, dAllemagne et du Ghana y discutèrent du retour à la paix et des moyens de faire advenir un monde sans guerre ; ils chantèrent et prièrent en espéranto et firent connaissance au cours de promenades et excursions à vélo dans l'une des plus belles régions dAllemagne.
Du fait de certaines difficultés dorganisation, mais aussi pour faire l'expérience d'une communication sans problème en un lieu où les barrières linguistiques entre jeunes chrétiens venant du monde entier sont ressenties avec force, il fut décidé de ne pas organiser, l'année suivante, de camp purement espérantiste, mais d'intégrer le deuxième JET à une rencontre de Taizé, où la communauté fondée par Frère Roger, protestant, invite chaque été des dizaines de milliers de jeunes de tous les continents pour les guider vers les sources de la foi.
Cest ainsi que du 9 au 16 août 1998 parmi les 6.000 jeunes venus de tous les coins de la planète une cinquantaine d'espérantistes se retrouvèrent dans le petit village de Taizé, devenu, pour les chrétiens, un lieu célèbre de rencontres et de méditation. Les organisateurs des rencontres de Taizé permirent volontiers lusage de lespéranto dans les échanges en petits groupes. Mais des difficultés se firent jour du fait de la subdivision stricte en trois catégories : "jeunes jusquà 29 ans", "adultes" et "familles". Il en résulta que certains espérantistes logèrent avec dautres jeunes qui ne purent leur dire, pendant toute la semaine, que des mots comme Romania ou Português.
Ils nen apprécièrent que davantage lefficacité de lespéranto dans les discussions de groupe. À partir de plusieurs textes en espéranto -- la lettre "Joie Inattendue" de Frère Roger, la Bible et les feuilles-programme de la communauté -- des jeunes de huit pays échangèrent sur des questions religieuses et des problèmes de leur vie personnelle. Ces débats, mais aussi le charme de léglise et la beauté des chants qui ont fait la réputation de Taizé, firent de ce camp une tranche de vie riche et inoubliable pour tous les participants. Plusieurs revinrent deux ans plus tard, et, en août 2000, ils se rencontrèrent à nouveau à Taizé pour le quatrième JET (hh).
Au cours de lété 1999 le 3ème JET se tint dans le cadre du congrès cuménique espérantiste de Gliwice (Pologne), mais avec un programme distinct. Avec ses 80 participants il a été jusqu'à ce jour le JET (hh) le plus nombreux.
Outre les camps cuméniques, il existe des camps catholiques qui ont particulièrement impressionné lauteur du présent exposé. C'est à eux qu'est consacré le chapitre suivant.
5.9. Les camps des jeunes espérantistes catholiques
j"Réveillez-vous, dormeurs, le coucou vous appelle& k" Tel est le chant, accompagné à la guitare, qui marque chaque matin un nouveau jour au camp de Sebranice. Une demi-heure plus tard a lieu la messe en espéranto et c est seulement après que débute le petit déjeuner. A 8 h 30 on se réunit pour l ordre du jour matinal : on y annonce le programme de la journée et on hisse le drapeau de l'IKUE. Un chant accompagne ce geste symbolique : j"Que flottent haut nos drapeaux et qu ils nous rassemblent dans la fraternité & Que Dieu bénisse l espéranto& k"
Suivent des cours d espéranto d'au moins quatre niveaux. Dans les cours de conversation on aborde en espéranto des thèmes tant religieux que profanes. Les participants se présentent et expliquent leur cheminement vers la foi religieuse. Ils parlent par exemple de la sainteté, du prénom qu'ils ont reçu au baptême ou de létat de christianisation de leur région. Les participants tchèques racontent comment se déroulait léducation religieuse à lépoque communiste ; on compare les fêtes chrétiennes des divers pays ; on parle d'autres sujets d'actualité, par exemple de lécologie, ce qui permet de confronter les systèmes de recyclage adoptés dans les divers pays.
Laprès-midi certains groupes répètent des cantiques en espéranto ; dautres jouent au volley-ball ou sébattent dans la piscine toute proche. Ils peuvent aussi, de temps à autre, écouter des exposés: par exemple un prêtre parle de la prière ou du mariage ; ce dernier thème suscite chez les jeunes un intérêt très vif.
Le soir on descend le drapeau, tandis que l'assemblée chante : j"Sun' subiras horizonton, angxeluso vokas jam. Turnu penson al cxielo, zorgas pri ni dia am'& Le soleil plonge sous l horizon, voici l'appel de l angélus. Tournons nos pensées vers le ciel, l amour de Dieu veille sur nous& k" Suivent des conversations, des jeux, et des chants autour du feu de camp.
A 22 heures c'est le couvre-feu. En fin de soirée les jeunes forment un grand cercle en se tenant par la main, les bras entrecroisés, en chantant la traduction d'un chant tchèque : j"Steloj, adiaux nun, dormas mi jam. Kore mi petas vin, tre mi petegas vin, zorgu pri la patrin', pri mia amk" .. Adieu, les étoiles, déjà je m'endors. De tout cSur je vous demande, je vous supplie avec force, veillez sur ma mère, veillez sur mon amour& . Puis on se serre la main., on échange un sourire, on se souhaite "bonne nuit" et on se disperse. Quelques-uns restent à discuter à la lumière d'une bougie. Mais le silence ne tarde pas à s'établir.
La première impression d'un Occidental visitant ce camp risque fort d'être faite de surprise, voire de consternation, devant la rigueur du programme quotidien et les conditions de vie rudimentaires, sauf sil a déjà l'expérience des camps scouts. On shabitue pourtant et apprécie peu à peu lavantage du lever matinal : il est sage de commencer la journée de bonne heure, ne fût-ce quà cause du manque d'éclairage électrique. De même, les tentes sont dépourvues de confort. Il faut se passer deau chaude courante. Les choses nécessaires, hormis leau pour la toilette, il faut les chercher dans les bois. Il est touchant de voir combien, dans ce contexte dépouillé, pour ne pas dire primitif, les jeunes des divers pays se trouvent à l'aise, et de constater le climat amical et chaleureux dans lequel se déroulent toutes les activités de la semaine.
Quelques mois seulement après la chute du régime communiste, la section tchèque de l'IKUE se reconstitua. En 1991 elle remit sur pied les camps despérantistes catholiques : le 10ème KET (Katolika Esperanto-Tendaro), "camp catholique en espéranto" () se tint ainsi au bout de 14 ans dinterruption forcée. Au début, les participants étaient peu nombreux ; la plupart étaient débutants en espéranto et parlaient surtout tchèque. Au bout de quelques années, la pratique de la langue s'était beaucoup améliorée et la participation accrue : l'enthousiasme des jeunes s'était propagé auprès de leurs camarades de classe ou de paroisse ; dautres avaient appris l'existence de ces camps par des magazines catholiques ou à la faveur d'un cours despéranto par correspondance. Depuis le 13ème camp (1994), un cercle amical de jeunes catholiques parlant couramment lespéranto forme le cur du KET. Les animateurs spirituels en sont les pères Savio Ri
íca de la République tchèque et le père Lajos Kóbor de Hongrie. Mais l archevêque de Hradec Králové, le Père Karel Ot
enáaek, s'est souvent rendu au camp pour exprimer la sympathie que lui inspire cette activité des espérantistes catholiques. En l an 2000, l évêque auxiliaire d'Olomouc, le Père Josef Hrdli
ka, célébra dans le camp une messe en espéranto.
Le camp peut avoir une influence positive sur notre vision du monde, dit Beata (19 ans). C'est au KET que cette Polonaise fit pour la première fois la connaissance d'un Allemand. Cette expérience modifia de fond en comble son opinion sur ses voisins de louest. Jusque-là elle ne connaissait guère les Allemands que par les films de guerre, où ils apparaissaient froids et cruels.
La route de Sebranice à Litomyl traverse un terrain hérissé dantennes. Les jeunes savent que le régime communiste les avait érigées pour brouiller les émissions radio de lOccident.
j"Dans ma famille nous avons toujours écouté Radio Europe Librek", raconte Anika (Slovaquie), j"même si souvent on ne captait les émissions que difficilement & Nous avons toujours espéré que tout changerait un jourk".
Elle a été élevée dans une famille chrétienne.
j"Pour mes parents il était important que je suive le catéchisme. Mais comme mon père était instituteur et ma mère jardinière d enfants, ils ont dû changer de métier. Dans mes livrets scolaires il était toujours inscrit que je recevais une instruction religieuse. Nous savions pourtant que ce serait un énorme handicap si je voulais faire des études supérieuresk".
Pour Anika l espéranto est maintenant :
j"une ressource en vue de l accomplissement de l idéal divin de l amour.k"
Tout autre avait été la situation de Marcela (18 ans) de Bratislava :
j"Mes parents étaient athées. Il n'y a que deux ans que j'ai commencé à m'intéresser aux religions. La vision matérialiste du monde dans laquelle on m'a élevée ne me satisfaisait pas. Maintenant je suis ici pour faire connaissance avec l Église catholique. Ma décision de participer à ce camp a fortement contrarié mes parents.k"
Marcela a reçu le baptême six mois après son séjour à Sebranice&
Le participant le plus âgé, Ladislav Mlejnek, raconte que lui aussi vient d une famille athée. Pour lui, la rencontre avec les idéaux de Zamenhof a été :
j"la première marche dans une montée menant directement à l Église.k"
Il avait 22 ans quand, dans un club d espéranto, un jeune l'invita à assister à un office dominical.
j"J y suis allé volontiers, les yeux et les oreilles grands ouverts, et j'y ai vécu quelque chose de totalement nouveau. Ces gens sestimaient et saimaient, il régnait une ambiance de fraternité, les gens priaient à voix haute, ils louaient Dieu par la parole et par le chant.k"
Avec un peu de talent linguistique et d application on arrive au bout de quelques mois à se faire comprendre en espéranto. Le débutant n'en a pas moins un certain nombre de difficultés à surmonter. Jindra (17 ans) a acquis ses premières notions dans un cours par correspondance, quelques mois à peine avant le camp. Elle se remémore :
j"Jusqu au début du camp je prenais l espéranto pour une langue morte. Je ne réussissais pas à l imaginer comme un véritable outil de communication. La première fois que je lai entendu parler, c'était dans la gare principale de Prague pendant le voyage à Sebranice ; c'étaient les frères Kalny et Mlejnek qui le parlaient. Je n'ai rien compris à la première phrase, mais j'ai ensuite saisi un mot par ci, un mot par là, puis j'ai remarqué que je comprenais à peu près tout. Je me suis dit : "Bon, je comprends lespéranto, mais comment ferai-je pour répondre quand on me posera des questions ?" Ce doute me turlupinait. Heureusement, mon cerveau s'est spontanément mis de la partie pour résoudre le problème : il suffisait de traduire à toute vitesse du tchèque en espéranto et de lespéranto en tchèque. Somme toute, cela donnait toujours quelque chose. Par la suite, les cours despéranto au camp surtout les cours de conversation m'ont aidé à mieux m'exprimer. Un jour j'ai constaté avec plaisir que, grâce aux cours et à un environnement où personne n'utilisait une autre langue, je pensais même en espéranto.k"
Pavel (28 ans) n'avait appris à l école que le russe, qu'il n'a pas tardé à oublier. Il essaya d'étudier l'anglais tout seul, mais sans véritable succès. Son curé l incita à apprendre l espéranto. Cela lui prit aussi un certain temps, mais finalement, à son troisième KET (ii), il le parlait couramment. L'acquisition de la langue fut plus rapide pour Andrea (18 ans) : au bout de six mois elle s'exprime mieux en espéranto qu'en allemand, quelle étudie depuis quatre ans au lycée.
Une deuxième langue commune, facile à apprendre, est la voie la plus courte pour faciliter les rapprochements. Il est manifeste que bien des amitiés nouées à Sebranice perdureront à vie. Les jeunes Tchèques et Slovaques se reverront souvent quelques mois après le camp, lors de réunions de fin de semaine. Quant aux participants des autres pays, il doivent souvent attendre lété suivant, sauf s'ils se retrouvent entre-temps, par exemple à la faveur d'une assemblée ou session tenue en espéranto hors du cadre religieux.
Comme les espérantistes chrétiens ne constituent qu'une petite minorité relative, ils forment une communauté mondiale, où chacun a un certain nombre de relations et d'amis étrangers. Lintercompréhension fonctionne généralement très bien. Chacun retrouve dans la communauté espérantiste chrétienne une sorte de chez-soi. Ceux qui lui restent fidèles savent qu'à l'occasion des camps, sessions et congrès futurs ils se feront de nouveaux amis. On peut être assuré que cette utilité pratique garantit un bel avenir au mouvement chrétien pour lespéranto.
Un succès plus général de l'espéranto aurait de profondes répercussions positives sur un monde empêtré dans les problèmes linguistiques. Il renforcerait les liens actuels entre les membres des minorités tout en ouvrant à un très grand nombre de personnes un univers de contacts internationaux. Examinons les faits et les arguments pour et contre :
6. Faits et arguments
6.1. La situation linguistique dans lÉglise
Au cours du Concile Vatican II, une vive discussion senflamma autour du latin. Certains sexprimèrent en sa faveur, comme, par exemple, le Père J. Mc Intryre, cardinal de Los Angeles :
j"Le latin s est montré un moyen adéquat pour l universalité de l Église (& ) il s est avéré être un instrument performant surpassant tout nationalisme et toute pression politique. Il est toujours une langue utile et universelle. k"
Mais bien d autres prêtres, évêques et cardinaux portèrent à son égard des jugements négatifs. C est ainsi que le Père F. Simons, évêque d Indore (Inde), déclara :
j"Il n est pas vrai que le clergé possède parfaitement le latin. Il arrive souvent, même durant les audiences pontificales, que celui qui ne parle pas italien ou français, doive recourir à un interprète et plusieurs évêques ici présents utilisent le latin pour la première fois. Le Concile devrait suivre le modèle des grandes manifestations internationales et assurer linterprétation simultanée dans les langues modernes les plus connues. Depuis longtemps déjà la correspondance avec la Curie romaine (il faut len féliciter!) se fait aussi dans les langues modernes, ce qui prouve que le latin nest pas absolument nécessaire. La plupart des membres du clergé ne lisent les textes fondamentaux et les Suvres des Pères de l Église que dans leur propre langue.k"
Le Père J. Maalouf, évêque de Baalbek (Liban), se plaignit que plusieurs Pères conciliaires ne maîtrisaient pas suffisamment le latin et mit le Concile en garde contre la tentation dapprouver à la hâte des textes importants. Il sexprima en français, tout en sen excusant : il connaissait mal le latin et sil parlait arabe, la très grande majorité ne le comprendrait certainement pas. Il est anecdotique de faire remarquer ici que si le latin est invoqué pour une fidélité à la tradition chrétienne, ce ne sont pas les prêtres célébrant en latin qui sont le plus près des origines du christianisme mais bien certains prêtres libanais, qui prononcent encore les paroles de la consécration dans la langue du Christ, l'araméen.
Le P. Cushing, alors cardinal archevêque de Boston (États-Unis d'Amérique), formula lui aussi ses regrets au sujet des barrières de la langue.
j"Je n oublierai jamais le Concile ! Je nai rien compris à rien, car je nai entendu que des discours en latin. Pour moi cétait du chinois ! Je me demande combien dautres Pères conciliaires ont été dans la même situation. Je siégeais entre deux cardinaux italiens âgés, certainement très méritants. Ils ne savaient pas langlais et moi pas litalien.k"
Le Concile autorisa l usage des langues maternelles dans la liturgie catholique. Cette autorisation ne visait nullement à évincer le latin, mais c est ce qui s est produit en fait. La décision du Concile n allait pas de soi. Voyez l Église orthodoxe russe : elle continue d'utiliser le slavon dans la liturgie. Dans lÉglise catholique, aujourdhui encore, quelques évêques et cardinaux nhésitent pas à se dire déçus des suites de cette décision.
Fin 1999 le P. Ratzinger, cardinal allemand, demanda aux évêques de j"redécouvrir la messe en latink". Selon lui la j"créativité sauvagek" qui suivit Vatican II a eu pour effet de j"détruire le caractère mystérieux du sacré.k" A l inverse, l ancienne liturgie en latin j"n est pas un traditionalisme effrayant, mais en fait le désir de prendre part à la Divinité». De façon plus tranchée que le P. Ratzinger, les adeptes de la confession religieuse fondée par Mgr Lefebvre estiment que la langue parlée dans la rue nest pas adaptée aux mystères de la messe. Selon eux lusage des langues maternelles prétend rendre la liturgie et leucharistie plus compréhensibles, mais il natteint pas cet objectif.
La "Fraternité Sacerdotale Saint Pierre", qui regroupe des prêtres catholiques à tendance traditionaliste, semploie à montrer lutilité de la langue et de la liturgie unitaires dans l Église en reprenant les termes prononcés par le Père Frings, cardinal allemand, (1887 1978) en 1957. Voici une citation de sa page d accueil :
j"Quand, il y a peu de temps, je revins de mon voyage au Japon et en Corée, lon me demanda ce qui mavait le plus impressionné, je pus et dus répondre : Létendue et la catholicité de notre Sainte Église. Car jai trouvé là-bas la même foi et la même fidélité au représentant du Christ, le Pape de Rome. Et quand, à Hiroshima et à Séoul, je célébrais une messe pontificale, quand je célébrais dans la chapelle du nonce à Tokyo ou ordonnais diacres des étudiants en théologie japonais, américains et européens, je fis là les mêmes gestes de la même manière que chez nous à Cologne. -- Josef cardinal Frings, 5 juillet 1957k"
La situation actuelle est bien différente, ne serait-ce que parce qu un cardinal allemand n utilise plus la même langue à Séoul et à Cologne. Le latin s est avéré trop difficile pour servir efficacement l unité de l Église. Même le latiniste principal du Vatican, le Père Abbé Carlo Egger déclare :
j"Le latin aujourd hui a à peine une chance de survivre dans l Église catholique. La vérité simple est que nombreux, trop nombreux, sont les évêques qui ne savent plus le parler.k"
Son observation rejoint ainsi les simples constats que nous avons pu faire en France et dont nous avons fait état au paragraphe 1.2 sans pour autant en être nécessairement aussi contrariés que lui. Il ne pourrait être que plus pessimiste encore sur ce point s'il savait que le latin n'est plus qu'une matière à option dans nos séminaires. À en juger par ses propos, il semble bien qu'il l'ignore!
LÉglise catholique actuelle est multilingue. Elle utilise essentiellement les six langues les plus répandues parmi ses fidèles: lespagnol (23 %), le portugais (12,8 %), le français (6,8 %), langlais (6,7 %), litalien (4,8 %), lallemand (3,6 %), le polonais (3,3 %), le tagalog, prinicpale langue des Philippines (3,1 %); les 36, 8 % restants se répartissent les autres diverses langues.
Cest dans ces langues que lon peut lire la page daccueil de http://www.vatican.va. LOsservatore Romano () paraît aussi chaque semaine dans ces six langues ; il existe en outre une parution mensuelle en polonais.
Radio Vatican émet ses informations en 47 langues, dont lespéranto, mais pas en latin. Cest dailleurs en un nombre plus important de langues, environ 60, que le Pape Jean-Paul II présente ses vux à Pâques et à Noël.
Les évêques et les cardinaux du monde entier se comprennent entre eux soit par le truchement dinterprètes, soit grâce à leurs connaissances linguistiques. Cependant cest loin de donner toujours satisfaction, comme latteste le témoignage suivant prononcé en 1999 par le P. Hermann Josef Spital, alors évêque de Trèves (Allemagne) :
j"L évêque de Trèves n est pas nécessairement un expert en italien, français, anglais, polonais ou espagnol. Mais ce sont ces langues qu on parle au Vatican. Le P. Spital se rend régulièrement aux réunions du Pontificium Consilium de Communicationibus Socialibus, le "Conseil pontifical pour les moyens de communication sociale". Il en est membre avec droit de vote, en sa qualité dévêque allemand. Mais au Vatican il dépend des germanophones et de la gentillesse de ceux qui, parmi les spécialistes pontificaux des moyens de communication, savent lallemand et lui servent de conseillers et dinterprètes. Quand les discussions informelles se font plus vives, c'est comme si on l'avait mis à la porte, linguistiquement parlant. Ce nest certes pas une expérience très agréable.k"
La barrière des langues divise aussi et davantage encore les simples fidèles, comme le montre la citation de la revue diocésaine allemande Tag des Herrn ("Le jour du Seigneur") dans son numéro 14 de 1997. Il s agit d un entretien avec Alfred Hoffmann, responsable du Conseil presbytéral du diocèse de Görlitz, ville allemande proche de la frontière polonaise.
Question : Depuis la fondation du diocèse il a été question détablir un pont entre catholiques allemands et polonais que devait prendre en charge Görlitz. Mais, jusquà présent, seuls quelques paroissiens ont des contacts suivis avec la Pologne. Entrevoyez-vous une chance pour que cela change ?
Hoffmann : Le problème essentiel ne réside pas dans un manque de confiance réciproque, mais bien dans la barrière des langues. Je porte mes voisins polonais dans mon cur, mais je me heurte toujours à ce problème qui rend difficile un véritable échange.
Parfois les chrétiens minimisent les problèmes linguistiques, cest ce que tend à montrer, par exemple, la page daccueil des missionnaires de Steyl :
j"Cependant les missionnaires de Steyl qui doivent se battre, dans 62 pays, contre toutes les difficultés imaginables, ne se heurtent à aucune difficulté d intercompréhension, ni linguistique, ni ethnique, ni culturelle. Leur langue maternelle est, comme le dit le nom de leur ordre, le verbe de Dieu . Grâce à lui ils s organisent en toutes régions linguistiques, pensent, agissent, rêvent, se comprennent et partagent entre eux la paix.k"
Lors des réunions de jeunes de la communauté de Taizé la compréhension internationale fonctionne parfois bien, parfois mal ou absolument pas. La partie la plus importante des rencontres dété est consacrée à lintroduction quotidienne à la Bible en grands groupes. Lintroduction destinée aux adultes (cest-à-dire pour les plus de 29 ans) a lieu habituellement, selon la connaissance linguistique du "frère animateur" en français avec traduction en anglais ou inversement. Mais seules 10 % environ des personnes présentes ont lune de ces langues comme langue maternelle, et lon peut estimer que si 10% du reste de lassistance réussit à comprendre sans problème un exposé théologique dans lune de ces langues, cest déjà beaucoup. Par conséquent on recherche des traducteurs bénévoles pour huit à dix autres langues. Les participants qui ne comprennent ni langlais ni le français prennent place devant les autres et entendent chaque phrase dans ces deux langues, puis dans la leur. Cest ce quil est convenu dappeler en langage professionnel linterprétation par "chuchotage".
En général, à Taizé, selon le souhait des organisateurs, les petits cercles déchange doivent être internationaux. Langlais est la langue de base et ceux qui en sont capables doivent aider à la traduction. Lors du Camp cuménique de la Jeunesse de lété 2000, trois espérantistes dAllemagne et de Pologne se trouvèrent mêlés à des personnes venues dAllemagne, dEspagne, dItalie et de Russie. Chacun réussit tant bien que mal à se présenter en anglais, mais quand on est passé à un échange plus approfondi sur le thème proposé, le livre de Jonas, ou sur des questions théologiques comme qui est Dieu ? les connaissances du plus grand nombre ne furent absolument pas suffisantes.
On essaya de résoudre le problème en tirant parti des compétences linguistiques de quelques participants. Il s'avéra que la seule voie, pour quune Espagnole puisse comprendre les propos dune Russe, était la suivante : Natacha (Russie) parlait sa langue maternelle, Stanislas (Pologne) traduisait ses propos en espéranto, Reinhardt (Allemagne) assurait le passage de lespéranto à langlais et, finalement, José (Espagne) traduisait en espagnol pour que Carmen, sa compatriote, comprenne ce que Natacha avait dit. Cette communication indirecte présente de graves inconvénients. Elle demande beaucoup de temps, entraîne un risque dimprécision sinon derreur, et, ce qui est sans doute plus grave, crée une distance entre les membres du groupe. Par ailleurs, il ne faut pas oublier quon ne peut exprimer dans une langue étrangère que ce que permet la connaissance de cette langue ; souvent cela ne suffit pas pour conduire une conversation intéressante.
Dautres présentations ou travaux de groupes à Taizé firent apparaître lutilité de langlais, mais aussi ses limites. Pendant les présentations personnelles, par exemple des Philippins ou des Sud-Africains, chacun fut heureux de faire connaissance avec les représentants de ces peuples, même sans comprendre chaque mot. Mais ce fut bien différent dans divers groupes de travail où une compréhension nuancée de ce qui était dit revêtait une importance capitale. Par exemple, le film Le Christ ressuscité, qui consiste pour lessentiel en une interview du Père Gustave Martelet, théologien SJ (x), fut projeté séparément en version anglaise et en version française. Les deux groupes se rassemblèrent ensuite en un cercle bilingue de discussion. On aurait pu sattendre à de vifs échanges en anglais. Erreur ! Le groupe fut peu animé et parla surtout français, car les francophones se trouvaient être les plus nombreux. Ceux qui avaient une autre langue maternelle préférèrent garder le silence. Peu dentre eux manifestèrent à la fois leur capacité et leur disposition à discuter de la résurrection du Christ dans une langue étrangère.
La communauté de Taizé organise aussi à chaque changement dannée une rencontre de jeunesse internationale attirant plus de 50.000 participants. Au passage de 1999 à 2000 cette rencontre eut lieu à Varsovie. La communauté diffusa par la suite une brochure reprenant dans leur langue les impressions des participants allemands. Parmi les 50 rapports les plus courts, dix mentionnent la barrière des langues, pour dire avec une belle unanimité que, souvent, même les conversations les plus simples furent impossibles.
Quelques participants, tel Stefanie de Ratisbonne, acceptèrent avec réalisme cette situation :
j"La famille qui nous avait invité ne parlait ni anglais ni allemand, pourtant nous avons pu fort bien comprendre et ils ont toujours trouvé le moyen de nous rendre heureux.k"
D autres furent déçus, comme Gregor, de Francfort :
j"J attendais surtout, avec un vif intérêt, léchange avec les gens et les populations dEurope centrale et orientale. Au cours de la rencontre je me suis rendu compte que la barrière des langues était toujours bel et bien là, de sorte que les gens de langue slave doivent rester entre eux. Très peu dOccidentaux parlent une langue slave. Les quelques mots polonais ou russes que nous connaissions ne suffisaient pas pour un véritable échange avec les autres ou avec les familles invitantes. Je le regrette.k"
Presque tout le monde s accorde aujourd hui à reconnaître qu il serait souhaitable de supprimer ces barrières. Mais rares sont ceux qui se rendent compte que la voie praticable, déjà expérimentée avec succès, consiste à utiliser une langue internationale neutre.
6.2. Union Européenne: Le grave problème des langues. Entre favoritisme, attentisme et fausses solutions.
6.2.1. La solution mondiale et globale de quelques dirigeants anglophones influents
Il s'agit de la solution du "tout-anglais" dans sa version officielle. Pour s'en faire une opinion fondée sur des écrits ne nécessitant aucun commentaire, il suffit de lire les quelques citations ci-dessous, dont en premier lieu les pages 166 à 168 de Linguistic Imperialism (Oxford University Press, 1992), l'ouvrage de Robert Phillipson (professeur, maître de conférences en anglais et en pédagogie des langues, enseignant à l'Université de Roskilde, au Danemark). Lon y trouve les termes du rapport confidentiel d'une Conférence anglo-américaine tenue en 1961 pour définir une stratégie de l'expansion de la langue anglaise. Celle-ci y est présentée comme une solution globale et définitive pas seulement pour une Église ou un pays, mais pour l'humanité dans son ensemble.
Robert Phillipson résume comme suit le projet développé par I. A. Richards:
j"L'anglais doit devenir la langue dominante remplaçant les autres langues et leurs visions du monde : chronologiquement la langue maternelle sera étudiée la première, mais l'anglais est la langue qui, du fait de son emploi et de ses fonctions, deviendra la langue fondamentale (ou prioritaire).k" (p. 168).
De même :
j"un Ministre de l Education ne peut pas être un bon juge des intérêts de son pays et il convient de lui rappeler que l anglais est le véhicule de tout ce qui a été pensé et senti au cours des siècles, comme il est la clé de lavenir prodigieux qui nous attend. Si les pays non-anglophones peuvent décider eux-mêmes de leur politique, ils ont néanmoins besoin dêtre guidés fermement afin de pouvoir apprécier ce qui est bon pour eux. Si les Ministres de lEducation, aveuglés par leur nationalisme, ferment les yeux devant cette réalité, cest le devoir des représentants du noyau des anglophones de passer outrek" (p.167).
Robert Phillipson ajoute que ce rapport fut "écrit à l'usage interne du British Council" ("Conseil Britannique" qui se définit pourtant lui-même comme j"Organisme destiné à promouvoir les relations culturelles du Royaume-Uni avec les autres pays.k") et, qu'en conséquence, son contenu diffère de celui des textes équivalents destinés à être accessibles au grand public.
En 1961 également, le président Kennedy admit implicitement la même thèse en parlant de l'aide étrangère :
j"L aide étrangère est un moyen par lequel les États-Unis maintiennent dans le monde une position d influence et de contrôle.k"
Le rapport du même British Council portant sur 1968-69 dit :
j"Si nous sommes en train de tirer un avantage politique, commercial et culturel de l usage mondial de l anglais, que faisons-nous pour maintenir cette position ? k"
Mme Madeleine Albright, qui en acceptant ses nouvelles fonctions de Ministre des affaires étrangères des États-Unis d'Amérique lors du deuxième mandat du président Clinton avait déjà déclaré que son rôle serait :
j"de s'assurer que les États-Unis contrôlent et dirigent les événements et non le contraire, les États-Unis sont incontournables,& k"
avait déjà affirmé en 1993, sans même faire le détour des langues :
j"L un des objectifs majeurs de notre gouvernement est de s assurer que les intérêts économiques des États-Unis d'Amérique pourront être étendus à l échelle planétaire.k"
En 1997, David Rothkopf, directeur général du Cabinet de consultants Kissinger Associates, déclara :
j"Il y va de l'intérêt économique et politique des États-Unis de veiller à ce que, si le monde adopte une langue commune, ce soit l'anglais ; que, s'il s'oriente vers des normes communes en matière de télécommunications, de sécurité et de qualité, ces normes soient américaines ; que, si ses différentes parties sont reliées par la télévision, la radio et la musique, les programmes soient américains ; et que, si s'élaborent des valeurs communes, ce soient des valeurs dans lesquelles les Américains se sentent à l'aise.k" ["In Praise of Cultural Imperialism" ("En éloge à l'impérialisme culturel") Foreign Policy, n° 107, Été 1997, pp. 38-53, cité par Le Monde Diplomatique, août 1998)].
Le 31 juillet 2000, le journal français Marianne cite l ancien Premier Ministre anglais, Margareth Thatcher, lors d une conférence qu elle tient aux États-Unis d'Amérique. Elle s en prend avec vigueur à ceux qui s opposent à ce qui est pour elle une évidence :
j"Au XXIème siècle, le pouvoir dominant est l Amérique, la langue dominante est l anglais, le modèle économique dominant est le capitalisme anglo-saxon.k"
Cette vue des choses est assez bien résumée par le propos que l'on prête à un directeur du British Council :
j"Le véritable or noir de la Grande-Bretagne n'est pas le pétrole de la Mer du Nord, mais la langue anglaise.k"
ou par cette formule à l'emporte-pièce adressée par un sénateur des États Unis à Hervé Lavenir de Buffon:
j"Il y a 6.000 langues parlées dans le monde, c'est 5.999 de trop, l'anglais suffirak" (Le "Figaro Magazine", 22 juin 2002).
Bien évidemment cette option n'a aucune chance de faire actuellement l'unanimité dans le monde. Les inconvénients en sont même de plus en plus évidents. Nous nous bornerons à citer la page de garde d'un ouvrage intitulé "La mise en place des monopoles du savoir" dont l'auteur, Charles Xavier Durand, est ingénieur spécialisé en informatique, enseignant-chercheur à l'Université de technologie de Belfort-Montbéliard, ayant longtemps travaillé aux États-Unis:
j"L'actuel quasi-monopole du savoir technico-scientifique moderne détenu par les Anglo-Américains qu'il soit réel ou imaginaire n'est pas lié aux seuls mérites de leurs chercheurs et de leurs ingénieurs. Dans une large part, il est la conséquence directe de l'adoption de la langue anglaise comme langue internationale en science et en technologie, démultipliant ainsi la visibilité du monde anglo-saxon dans ces secteurs au détriment des autres. A terme l'usage de plus en plus répandu de l'anglais dans les laboratoires de recherche, qu'il soit librement choisi ou imposé, aboutit à une véritable stérilisation du processus créatif, à un réalignement automatique sur les thèmes de recherche anglo-américains et à des contributions presque exclusivement techniques. La pensée scientifique est probablement condamnée à stagner tant que les langues autres que l'anglais n'auront pas reconquis leur statut d'outil d'investigation et de communication à part entière dans tous les secteurs de recherche.k"
Et en contre-point nous nous contenterons d'évoquer ici, parmi les milliers d'autres exemples "éloquents" de l'échec patent du "tout-anglais" mondial, le cas d'un malheureux ministre japonais qui, en octobre 2004, n'arriva pas à lire correctement un texte en anglais à tel point que son "interwiever" anglophone, visiblement pour éviter de prolonger le supplice d'une douloureuse et inefficace lecture hachée et hésitante tenta de l'interrompre. Courageusement il reprit et continua tout de même jusqu'à sa dernière phrase. Et cela fit l'objet d'une émission si pitoyable sur la forme qu'elle n'a aucune chance d'être un jour appréciée sur le fonds. Elle fut diffusée par Internet sur :
HYPERLINK "http://zazie.org.free.fr/coe/2004-10-06-PM-Mr_Kosuke_HORI.mp3" http://zazie.org.free.fr/coe/2004-10-06-PM-Mr_Kosuke_HORI.mp3
6.2.2. Le cas spécifique de la BCE
Fort heureusement, la position présentée dans le paragraphe précédent est loin de faire l'unanimité chez les anglophones. Certains d'entre eux défendent l'espéranto avec une grande conviction, il faut le reconnaître: nous leur devons cette justice élémentaire. Par ailleurs, le présent ouvrage ne saurait être vu comme une diatribe contre l'anglais, langue aussi noble que toutes les autres, mais seulement comme présentant une proposition qui, à l'usage, se révèle nettement supérieure au "tout-à-l'anglais".
Prises dans ce mouvement largement hégémonique du monde anglo-américain politique et économique, les diverses institutions européennes louvoient entre la position officielle d'un multilinguisme proclamé mais très mal appliqué et divers comportements qui, dans la pratique, équivalent à une soumission pure et simple à l'anglais, quitte à assurer son introduction progressive par des biais détournés. Le problème linguistique réel, profond et urgent de l'UE (kk) à 25 États membres ne saurait être dissimulé bien longtemps encore. C'est pourtant ce que tentent de faire la plupart des responsables, surtout s'ils n'ont pas de compte direct à rendre aux électeurs. Ceux qui tiennent un mandat direct du peuple préfèrent avancer à petits pas discrets. Le calme ne règne que parce que les populations ne sont pas encore suffisamment conscientes de la situation. Mais ce qui se pratique est probablement le meilleur moyen de laisser se constituer une "bombe à retardement" extrêmement dangereuse pour l'UE (kk).
Ce n'est plus un secret pour personne, la Banque Centrale Européenne (BCE) a résolument pris le parti de se vouer au "tout-à-l'anglais", sous la pression des États-Unis, puissance qui détient la monnaie internationale de référence, le dollar, et ce malgré la création de l'euro (le seul pays anglophone ayant adopté l'euro est l'Irlande). Un incident récent, révélateur du malaise, s'est produit au Conseil de l'Europe à Strasbourg le 21 juin 2004 lorsque le nouveau président de la BCE, le Français Claude Trichet, ancien gouverneur de la Banque de France, s'est lancé dans un discours en anglais devant un auditoire composé de députés nationaux. L'agence Reuters relata cet incident en ces termes :
j"Les élus français de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ont bruyamment quitté l'hémicycle, lundi à Strasbourg, quand leur compatriote Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, a entamé un discours en anglais.
"Parlez français, c'est la moindre des choses", s'est exclamé un parlementaire non identifié mais parfaitement audible.
"Je vous en prie, ne partez pas", a répliqué, en français cette fois, l'ancien gouverneur de la Banque de France, visiblement interloqué.
"Pardonnez-moi, Messieurs. Pour les parlementaires qui sont présents, j'indique en français que dans ma propre organisation la langue de travail est l'anglais", a-t-il ajouté.
Le président de l'assemblée parlementaire, l'Autrichien Peter Schieder a volé à son secours.
"Vous pouvez parler en anglais ou en français ou dans les deux langues et je vous demande pardon parce que ce n'est encore jamais arrivé qu'une délégation parte à cause d'une question linguistique", a-t-il dit en anglais.
Jean-Claude Trichet a repris dans la langue de Shakespeare le fil de son discours, sur le thème de "L'euro et la grande Europe", avant de basculer dans celle de Molière pour une seconde partie. Seul son accent, très "made in France", est resté inchangé d'un bout à l'autre. Dans un communiqué, la délégation française a dénoncé les "errements" linguistiques du président de la BCE, annonçant son intention d'en référer au Premier ministre et de réagir de la même façon si une telle chose devait se reproduire. Les parlementaires attendent des Français nommés dans des instances européennes "qu'ils s'expriment en français chaque fois que l'occasion leur en est donnée", poursuit la délégation dans son communiqué.k"
Un certain multilinguisme a donc finalement repris le dessus. Mais ce genre d'incident ne peut que se reproduire de plus en plus fréquemment si les mêmes causes subsistent.
Un cas peu susceptible de choquer les Français est celui de la Cour européenne de Justice, qui semble avoir opté pour le français de façon aussi résolue que la BCE pour l'anglais. Ce choix n'est pas plus justifié que celui de la BCE. C'est pour l'ensemble des Européens tout aussi injuste.
6.2.3. Relation institutionnelle entre l'Église catholique et l'Union européenne
On peut se demander pourquoi cet ouvrage aborde la question des langues dans l'UE (kk). En fait, les problèmes de langue ne pourront être efficacement résolus que s'ils le sont universellement et si possible simultanément, dans le cadre du plus grand nombre possible d'organisations internationales. Parmi d'autres confessions, chrétiennes ou non, l'Église catholique s'est préoccupée depuis fort longtemps du problème posé par la communication interlinguistique. Pour une grande partie de son clergé et de ses fidèles, le latin a longtemps offert une solution, mais ce n'est plus le cas. Pour l'UE le problème, plus récent, est probablement plus aigu et plus urgent encore.
Il existe une organisation européenne des évêques catholiques. Elle s'appelle Commissio Episcopatuum Communitatis Europensis (COMECE) "Commission des Episcopats de la Communauté européenne". Créée le 3 mars 1980 , cette commission est composée d'évêques délégués par les conférences épiscopales des Etats membres de l'Union européenne et possède un Secrétariat permanent à Bruxelles. Elle regroupe désormais 21 évêques délégués provenant de diverses Conférences épiscopales de l'Union: Allemagne, Angleterre et Pays de Galles, Autriche, Belgique, Écosse, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Scandinavie, Slovaquie et Slovénie. La Conférence épiscopale suisse a le statut de membre associé.
Ces évêques se réunissent deux fois par an en session plénière. Le Nonce apostolique auprès des Communautés européennes participe à ces réunions. Gage d'espoir, la Commission des épiscopats de la Communauté européenne se trouve actuellement présidée par un espérantiste, le Père Miloslav Vlk, (ann. 1 a, fiche 51) cardinal archevêque de Prague dont cet ouvrage a déjà fait plusieurs fois mention.
Les objectifs de cette institution sont :- accompagner et analyser le processus politique de l'Union européenne;- informer et conscientiser l'Eglise sur les développements de la législation et des politiques européennes; - encourager la réflexion, basée sur l'enseignement social de l'Eglise, au sujet des défis posés par la construction d'une Europe unie.
Dans le cadre cuménique il existe également une organisation appelée Conférence des Eglises Européennes (KEK) disposant d'un site Internet.
Par l'intermédiaire de ces organisations, la coopération est donc possible et certainement souhaitable. En effet le Conseil européen a approuvé en décembre 2000 la "Charte des droits fondamentaux" selon laquelle lUE () :
j"se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté et de solidariték" (préambule). j" L Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistiquek". (Article 22).
6.2.4. La Commission européenne
j"Toute personne peut s adresser aux institutions de l Union dans une des langues des traités et doit recevoir une réponse dans la même langue.k" (Article 41 n° 4).
Cette charte confirme les principes que l Union Européenne se donna pour règles depuis ses origines. Peu après l institution de la Communauté Économique Européenne, en 1957, son Conseil des Ministres décida par décret du 15 avril 1958 :
j"Les langues officielles et les langues de travail de la Communauté sont l allemand, le français, l italien et le néerlandais. k"
Ce décret fut mis à jour à chaque nouvelle admission. Cest ainsi quen raison de ladhésion de la Finlande et de la Suède, en 1995, le nombre de langues officielles et de langues de travail fut porté à onze. (Les langues finnoise et suédoise furent ajoutées aux langues du traité dont parle la charte des droits fondamentaux lors du traité dAmsterdam, le 9 février 1997)
Actuellement il ne fait aucun doute que lUE (kk), récemment passée à 25 Etats membres, continuera à sagrandir. La brochure intitulée : Europa spricht mit 100 Zungen / Euxropo parolas 100-lange "LEurope parle en 100 langues" (), énumèrait déjà, en fait au sein de l'Europe des 15 Etats membres, 87 langues européennes. Quelques-unes sont peu parlées, même très peu parlées, comme par exemple le wote (une dizaine de locuteurs), le livon et lingre (une centaine de locuteurs), si bien que les personnes qui les parlent pourraient déjà sestimer heureuses si lUE soutenait dune manière ou dune autre leur usage régional, ce qui leur donnerait une dernière chance déviter la disparition totale. Mais il y a aussi plusieurs langues dEurope centrale et orientale dont les locuteurs peuvent prétendre, comme ils lespèrent dailleurs, que par suite de leur adhésion à lUnion elles auront les mêmes droits que le danois, le grec et les autres langues officiellement reconnues.
Et effectivement lUE (kk) envisageait déjà la multiplication des langues de travail. Dans un article du journal Die Welt () du 15 mars 2001, le vice-président du Parlement Européen de l'époque, Ingo Friedrich, écrivait :
j"Une langue est l expression directe de l identité propre et n a donc pas à être soumise à des considérations d ordre économique. C est pourquoi il ne semble pas très réaliste d abandonner, dans le domaine de l écrit, le système qui a prévalu jusque là, celui selon lequel tout document de l UE est traduit dans toutes les langues. Cela subsistera quand l Union comptera 27 États membres.k"
Il ajoutait cependant que, dans les réunions, des réformes sont imaginables en ce qui concerne les modalités de l'interprétation. L'important est de savoir lesquelles et, dans ce domaine, il faut bien avouer que ni la démocratie ni la cohérence ni la clarté ne sont encore au rendez-vous. Malgré quelques signes encourageants la solution de la langue auxiliaire est encore loin d'avoir gagné la partie.
S'agissant de ce délicat sujet, d'autres prennent depuis longtemps déjà des précautions oratoires, sachant bien à quel point elles sont nécessaires, mais en reviennent à la même solution soit par leur attitude attentiste, soit par un chemin détourné. Rappelons simplement, pour ce qui touche de plus près la France, la formule échappatoire de lancien Commissaire européen Michel Barnier, actuel ministre des affaires étrangères, lorsquil répondit par Internet, le 5 juin 2000, à des questions de citoyens sur les problèmes linguistiques liés à lélargissement de lUnion.
Huit de ces questions concernaient le problème linguistique.
Question :
j"Comment, d après vous, la question linguistique doit-elle être traitée dans l Union avec un nombre d États pouvant aller jusqu à 30 ? Serait-il possible de réduire le nombre des langues de travail ? Qu en pensez-vous ? k"
M. Barnier :
j"Le principe de l égalité des langues dans l UE est très important, même après l élargissement. Cela concerne la diversité culturelle de l Europe. En ce qui concerne l organisation pratique, nous trouverons une voie pour la résoudre.k"
En réalité, le principe de l égalité linguistique était déjà souvent mal respecté, en général pour de simples raisons (ou prétextes) d'ordre pratique. En voici quelques exemples :
En parcourant les pages Internet de lUE (http://europa.eu.int/) on voit que les documents ne sont pas rédigés dans les 20 langues officielles. Plusieurs ne peuvent être obtenus là quen anglais, dautres en français et anglais, parfois aussi dans quelques autres langues. Il est typique paradoxe ! que la phrase précitée de Michel Barnier le principe de légalité des langues dans lUnion est très important... napparaisse sur lInternet quen anglais : The principle of language equality in the Union is very important
.
Dans le passé les entreprises allemandes se sont souvent plaintes de ce que lUE (kk) ne publiait ses appels d'offres en allemand quavec, le plus souvent, de grands retards, ce qui les désavantage.
Dans les réunions informelles des organes de lUE on est loin de toujours assurer linterprétation de et vers toutes les langues officielles. (Cest ce fait qui a provoqué un incident lorsque, en juillet 1999, sous la présidence finlandaise, la réunion des ministres nutilisa que trois langues : le finnois, langlais et le français. Les représentants de lAllemagne et de lAutriche boycottèrent la réunion en signe de protestation.)
Dans les concours pour jeunes scientifiques, toutes les langues de lUE sont théoriquement admises pour la soumission des travaux écrits. Mais un résumé dune page en anglais est exigé, et lattention des candidats est attirée sur le fait que la langue officielle du jury est langlais.
Quand les entreprises demandent à lUE (kk) une subvention, par exemple pour un avant-projet, elles doivent écrire au moins une partie de la demande (par exemple un résumé technique) en anglais.
Lors de la réunion dinformation sur les bourses détude de lUE, en octobre 1995 à Wiesbaden en Allemagne, on précisa aux participants :
j"En théorie vous pouvez rédiger votre demande dans n importe quelle langue de l UE. Mais nous vous demandons impérativement de le faire en anglais, car, sans cela, nous devrions tout traduire, et nous n avons absolument pas la capacité de le faire.k"
Trois semaines avant la première date-limite, le centre d information allemand de l UE (kk) diffusa les formulaires en anglais avec la mention :
j"Il n est pas encore possible de prévoir dans quel délai les formulaires pourront être obtenus en allemandk"
Selon ces formulaires le résumé de lavant-projet devait être preferably in English (de préférence en anglais).
LOffice européen des Brevets à Munich na que trois langues de travail : langlais, le français et lallemand. Autrefois on traduisait les textes des brevets dans toutes les langues officielles de l'Union. Mais cest surtout à cause de ces traductions que lobtention dun brevet coûtait beaucoup plus cher dans lUnion Européenne quaux États-Unis. On a calculé que traduire un texte de brevet en dix langues coûte 17.000 euros, alors quune traduction vers une seule autre langue (y compris la traduction de la demande de brevet dans les deux autres langues de travail) ne coûte que 2.200 euros. En conséquence, fin 2000, la Commission européenne a proposé que la documentation des brevets européens soit soumise dans lune seule des trois langues de travail de lOffice des brevets, sous-entendant que ce nest nécessaire que si loriginal nest pas en anglais. Une tentative de justification en est donnée sous la forme suivante :
j"Le système proposé est considéré comme satisfaisant, essentiellement parce que la langue universelle dans le domaine des brevets est, de fait, l anglais.k"
Ce dernier exemple montre excellemment que, contrairement aux affirmations du député européen allemand Ingo Friedrich sur la traduction dans toutes les langues, lUE (kk) a lhabitude de faire passer les principes déconomie bien avant son idéal dégalité et de diversité culturelle. On doit noter que, justement, lobligation de traduire la documentation des brevets dans les autres langues peut contribuer à éviter que la terminologie scientifique ne se développe qu'en anglais.
La voie proposée pour lOffice des brevets européens pourrait être aussi une solution réaliste au problème linguistique général de lEurope. Reste cependant à savoir si cette solution est souhaitable.
Le rôle joué par un personnage-clef, le commissaire anglais sortant Neil Kinnock, peut expliquer en partie cet état de fait au cours de la période récente. De par sa position particulièrement stratégique de vice président chargé de la direction générale
- du personnel et de l'administration
- de l'interprétation (DGI)
- de la traduction (DGT)
- du service d'audit interne
- de la réforme administrative
ce commissaire a pleinement utilisé tous les leviers que cette position privilégiée lui conférait.
Au moment où il quitte la commission il est permis de dire qu'il restera célèbre pour avoir incontestablement uvré pour les intérêts immédiats de son camp, celui de la Grande Bretagne, solution certes efficace mais inégalitaire. Entre autres signes forts et évidents, les listes d'annonces de recrutement limitant les candidatures acceptées aux "English native speakers",() aux personnes d'"English mother tongue"() ou aux textes rédigé "only in English" () n'ont jamais autant fleuri ni suscité autant de réactions, y compris la plainte de l'UEA (u) pour non-respect des règles de l'UE (kk).
Le bien-fondé de cette dernière est pris en compte dans le rapport annuel 2003 du médiateur européen :
j"La Commission a pris des mesures afin d'éviter la publication d'avis de recrutement qui étaient discriminatoires selon la langue. Cela faisait suite à une plainte introduite au nom de l'Universala Esperanto-Asocio [UEA] située en Italie (Association mondiale de l'Espéranto), qui dénonçait une discrimination linguistique de la part de plusieurs organisations européennes, financées partiellement ou totalement par la Commission. En publiant des vacances de postes comportant la mention "English mother tongue" [(nn)]ou "English native speaker" [(oo)], des milliers de personnes semblent être l'objet de discrimination, a déclaré le plaignant.k"(659/2002/IP)
Cette discrimination linguistique provoqua de très nombreuses protestations de la part de parlementaires nationaux se fondant à bon droit sur les textes institutionnels. Nous ne ferons allusion qu'à deux d'entre elles, celles des Français Jacques Myard et Gilles de Robien (actuellement ministre français).
Les fonctionnaires européens eux-mêmes ont dû manifester leur opposition à maintes reprises par des lettres de protestation. Voici celle, récente, du syndicat autonome de la fonction publique européenne « Action et Défense » Belgique:
j"M. Neil Kinnock, responsable des Services linguistiques, du Personnel, de l'Administration et de l'Informatique, au sein de la Commission, qui au cours de ses dix années passées dans cette institution ne nous a jamais fait l'honneur de nous parler une autre langue que la sienne, a été nommé grand patron du British Council, institut chargé de promouvoir la langue et la culture de son propre pays, à partir du 1er novembre 2004, au lendemain de son départ de la Commission.
Avec la complicité des services placés sous sa responsabilité, au cours de son mandat, M Kinnock a démantelé les services linguistiques de la Commission et en préconise la privatisation, causant ainsi un grave préjudice non seulement à l'institution mais aussi et surtout à l'ensemble des citoyens européens et au projet même d'intégration de l'Europe.
En privilégiant sa langue, M. Kinnock fait fi du rôle institutionnel de la Commission qui est responsable de la sauvegarde de l'intérêt général. Sous prétexte de rationalisation et de contraintes budgétaires, après avoir liquidé la Terminologie et les professeurs de langues, il s'attaque maintenant aux centres d'information et de documentation de la Direction générale de la Traduction, supports indispensables pour permettre aux traducteurs d'effectuer un travail de qualité.k"
Dans un autre texte, Anna Maria Campogrande, fonctionnaire de la Commission Européenne, explique comment ce processus, qui tend vers une pensée unique, peut entraîner la désaffection des citoyens à l égard de la Communauté Européenne et de ses institutions (kk) :
j"L environnement linguistique et culturel mondial et surtout celui de l Europe en marche souffre, depuis un certain temps, d une pollution de plus en plus inquiétante, celle de la langue unique qui véhicule la pensée unique de la globalisation. Or, si lhégémonie dune seule langue et dune seule culture constitue un problème pour les Pays du monde entier, pour lEurope, confrontée aux problématiques dun processus dintégration avancé, elle constitue une véritable catastrophe. Ce fait est, en réalité, de nature à placer dans le berceau de lEurope réunifiée le germe de la discorde et du conflit et den entraîner, à terme, la balkanisation.
Le succès du processus de colonisation en cours au sein des institutions européennes et au niveau de certains décideurs politiques et, même, médiatiques ne doit pas être considéré comme un acquis. Au stade où on en est, il sagit de quelque chose qui se passe à un niveau éloigné du citoyen européen et qui ne le touche pas, encore, directement. Un citoyen que, par ailleurs, le bien-être matériel rend conformiste et confiant et qui est loin dimaginer que, au sein de lEurope re-unie et réconciliée, sa langue, sa culture et son identité sont menacées. A ce stade, la seule conséquence immédiate consiste en une fracture entre le citoyen et lEurope, une indifférence, un éloignement qui peut se transformer en hostilité déclarée dès que le citoyen se trouvera confronté aux dégâts de lunilinguisme et de la pensée unique.
Dans ce contexte, lEurope en marche a besoin de mettre en place, durgence, une stratégie pour la sauvegarde de sa diversité linguistique et culturelle. Les éléments à retenir sont multiples mais peuvent se résumer en la nécessité davoir un projet de société européen, déviter le décollement entre les institutions européennes et le citoyen et de faire en sorte que cette stratégie prenne en compte tous les aspects qui soient en mesure d en assurer le succès. k"
Cette opinion, réitérée de façon plus détaillée encore mais tout aussi vigoureuse lors d'un exposé public résume bien, dans la phrase suivante, le désarroi que suffit à provoquer à elle seule cette question des langues (également aggravée tout de même par quelques autres) au sein des Institutions européennes:
j"Dans de telles conditions que l'on découvre par aventure et qui s'aggravent de jour en jour, il apparaît évident que l'Europe n'est plus celle de tous les Européens.k"
Anna Maria Campogrande, considère le multilinguisme comme une « conditio sine qua non » à l'existence de l'Europe. Dans la mesure où la « communication » nest que lune des nombreuses fonctions dune langue, faire le choix dune langue unique de « communication » qui servirait les besoins des institutions européennes est un jeu de dupes.
Daprès elle, lEurope en marche, qui doit être pensée, créée, conçue, chaque jour, pour devenir celle de tous les Européens, a besoin de se référer aux différentes cultures et formes de pensée que les différentes langues véhiculent. De ce fait, un multilinguisme généralisé et ancré dans les programmes dinstruction nationaux est indispensable à la construction dune Europe qui puisse, dune part, inspirer le citoyen européen à sy reconnaître, de lautre, tenir la route sans éclater au premier tournant de lhistoire :
j"l'Europe (& ) n'a pas besoin d'une "langue de communication" mais de multiples langues de conception et de communion.k"
Le hic est que les propositions des partisans d'une solution égalitaire et équitable autre que la langue-pont se heurtent inévitablement à un résultat mathématique totalement décevant. Cest le cas de la proposition classique de la majorité du personnel politique actuel: faire étudier deux langues complémentaires à tout citoyen de lUnion. N'est-ce pas en attendre trop de la grande majorité des citoyens de l'UE ? Que dire alors de ceux qui prétendent en exiger trois ou davantage?
En effet dans une UE (kk) à 20 langues, dans lhypothèse décole la plus favorable où chaque européen en parlerait trois, toutes les langues étant traitées sur un pied d'égalité, la probabilité qu'un Européen X puisse communiquer sans intermédiaire avec un Européen Y ne dépasserait pas 40 %, résultat, on en conviendra, bien disproportionné par rapport à l'effort demandé à tous les citoyens. En fait, la réalité sera pire, car jamais on nobtiendra de chaque Européen qu'il parle couramment trois langues selon une répartition égalitaire. Mais surtout, si lon fait le calcul pour une communication entre trois Européens, la probabilité qu'une des langues apprises soit commune aux trois est quasiment nulle.
Si l'on veut respecter le droit à légalité pour les diverses langues, il n'existe donc pas d'alternative réaliste à l'adoption d'une langue-pont telle que lespéranto. En France, il suffit de suivre les discussions entre citoyens sur un forum tel que "fenêtre sur l'Europe", de la fondation Robert Schumann, pour voir à quel point les préoccupations linguistiques du commun des mortels dépassent de loin ce que laissent apparaître les hommes politiques. Le sujet passionne le public des internautes et représentait à lui seul, début 2004 sur six ans déjà, aux environs de 75% des thèmes spontanément abordés par les intervenants. Bien évidemment les points de vue sont contradictoires, mais les défenseurs de diverses langues auxiliaires y sont peu ou prou représentés, et ceux qui soutiennent la solution "espéranto" sont parmi eux très largement majoritaires.
Le même type de préoccupation se retrouve dans un forum proposé par un site catholique, celui de la Maison d'Église à la Défense (Notre-Dame de Pentecôte, paroisse de Puteaux en région parisienne) :
j"Le problème des langues, est un problème très important, car il conditionne les échanges, en particulier au niveau du fonctionnement des instances européennes. Si chaque peuple voulait suivre les travaux dans sa propre langue (par exemple suivre un Lituanien en grec), le budget « traducteurs » serait phénoménal (avec plus de 400 postes de traduction)!. Faut-il alors accepter que quelques langues soient privilégiées (anglais, français, allemand, espagnol)? Ou quil ny ait quune seule langue officielle et donner un avantage phénoménal aux anglophones? Ou réfléchir sérieusement à lespéranto ? k"
Quelques hommes politiques craignent que l espéranto supplante les langues nationales. En 1987, Philipp Jenninger, qui présidait le parlement allemand, a formulé son rejet de l espéranto en disant :
j"Eine Blumenwiese ist mir lieber als ein Einheitsgrün.k" ("Je préfère une prairie fleurie à un gazon d'un vert uniforme ")
La citation suivante d'Helmut Kohl, moins métaphorique et donc plus explicite, est plus connue :
j"Nous ne voulons pas d'une Europe "Espéranto", mais d'une Europe dans laquelle chacun conservera son identiték"
Cela dit, le but des promoteurs de l'espéranto comme langue auxiliaire dans le monde n'a jamais été et ne sera jamais d'obtenir un j"gazon d'un vert uniforme k" mais un terrain fleuri des plus diverses nuances possibles des langues du monde.
En 1995, trois parlementaires de tendances politiques dissemblables, Marianne Thyssen (parti chrétien-démocrate), Eryl McNally (parti social-démocrate) et Marie-Paule Kestelijn-Sierens (parti libéral) déposèrent à la Commission Européenne une question écrite sur lespéranto. Toutes ces questions reçurent la même réponse dEdith Cresson. Voici la question écrite E-1113/95 posée par Marie-Paule Kestelijn-Sierens (ELDR) à la Commission (95/C 257/36), le 12 avril 1995 :
j"Objet : Projets-pilotes concernant l'espéranto.
Les personnes qui proposent l'espéranto en tant que langue internationale et première langue étrangère voient croître ses chances de devenir une langue de travail au sein de l'Union. En effet, avec l'extension de l'Union et la perspective de passer de quinze États membres à une trentaine, le problème des langues officielles et des langues de travail se complique.
L'espéranto est une langue que l'on peut apprendre assez rapidement.
Par ailleurs, la recherche a permis de constater que les enfants qui apprennent l'espéranto ont de l'avance par rapport à leur classe d'âge en matière de développement général, mais aussi et plus particulièrement en matière d'apprentissage des langues étrangères.
La Commission n'estimerait-elle pas opportun de mettre en uvre des projets-pilotes concernant l'espéranto [tels que le projet Funda-Pax, mené de concert avec l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) dans plusieurs écoles des États membres de l'Union] et de les soumettre ensuite à une évaluation approfondie et détaillée ? k"
C'est déjà dans la perspective de l'élargissement à 25 Etats membres qu'intervint, courant 2001, sur le forum officiel "Eurolang2001" le bref dialogue suivant entre une espérantophone et le commissaire européen Michel Barnier:
Question de Josette Ducloyer :
j"Comment comptez-vous résoudre le problème des langues quand l Union Européenne s élargira ? Le moment n'est-il pas venu d instaurer une Europe des citoyens et d enseigner dans toutes les écoles élémentaires de l Union européenne une langue internationale, neutre, facile et accessible à tous, telle que l espéranto ? k"
Réponse de Michel Barnier :
j"Comme je l'ai dit précédemment, nous essayons de rapprocher l'Europe du citoyen et je ne crois pas que le choix d'une langue non vivante serait un bon pas dans cette directionk"
Il est consternant de voir un commissaire européen ignorer, ou feindre d'ignorer, que l espéranto est une langue bien vivante, qui permet déjà aux citoyens d Europe et du monde entier de se comprendre et de tisser des relations fructueuses !
Mme Édith Cresson, pour sa part, répondit au nom de la Commission le 17 mai 1995 :
j"Les compétences de la Communauté dans le domaine de l'éducation sont déterminées par l'article 126 du traité de la Communauté Européenne. Cet article stipule expressément que la Communauté doit contribuer au développement d'une éducation de qualité "tout en respectant pleinement la responsabilité des États membres pour le contenu de l'enseignement et l'organisation du système éducatif, ainsi que la diversité culturelle et linguistique
."
La Commission soutient l'enseignement et l'étude des langues et des cultures des États membres. Socrates, le programme d'action pour l'éducation adopté le 14 mars 1994 (décision 819/95/CE JO n° L 87 du 20 avril 1995 du Conseil et du Parlement), envisage explicitement de soutenir des actions qui contribuent à la connaissance des langues de la Communauté.
La Communauté attache une grande importance à la richesse et à la diversité de son héritage culturel, qui se reflète dans ses langues. L'espéranto n'a pas la richesse culturelle et historique d'une langue naturelle et sa promotion ne fait pas partie des tâches de la Commission.k"
Pourtant au cours de ses cent ans d existence, l espéranto s est forgé une culture qui lui est propre, comme l attestent les quelque dix milles livres, films vidéo, cassettes et CD-roms produits dans cette langue, mais aussi et surtout le fait qu elle est parlée chaque jour dans le monde entier. Les annexes 2a et 2b de cet ouvrage répondent amplement aux assertions inexactes de Mme Cresson et de M. Barnier.
En mars 1999, après la démission de lensemble de la Commission, Mme Viviane Reding succéda à Mme Edith Cresson ; elle manifesta dabord plus de compréhension envers lespéranto.
En effet, le 11 novembre 1995 elle adressa une carte de visite à M Germain Pirlot portant le message manuscrit suivant :
j"Monsieur, Félicitations pour votre important travail concernant l'espéranto. Le plurilinguisme est une nécessité absolue en Europe. Incorporer dans cet apprentissage de plusieurs langues l'espéranto peut s'avérer être payant à long terme. Salutations distinguées. Viviane Reding, docteur en sciences humaines / Députék".
Lors du Forum Catholique Allemand d'Hambourg, en juin 2000, après avoir plaidé en faveur de l'apprentissage de la langue du pays voisin, elle accepta, avec des remerciements appuyés, la version allemande du présent ouvrage.
Mais en 2003, dans une déclaration à l'hebdomadaire belge Le Vif / L'Express, elle donna la prééminence à l'anglais par rapport à toutes les autres langues européennes en affirmant :
j"Les citoyens européens doivent apprendre au moins deux langues étrangères, l'anglais et la langue d'un pays limitrophek".
Si tel est le cas, à quoi servira la deuxième langue étrangère (pour ne rien dire de la troisième), puisque l'anglais sera devenu le seul moyen d'intercommunication? Et que recommander aux jeunes Britanniques? D'étudier diverses matières pendant que les autres jeunes Européens consacrent ces heures à étudier l'anglais ? Il s'agit de nouveau d'un favoritisme pour le monde anglo-saxon qui n'ose pas dire son nom.
Le 13 janvier 2004, devant le Parlement européen, Mme Reding déclara encore :
j"(...) Nous avons élaboré notre plan d'action relatif aux langues, sur la base de ce multilinguisme, justement, et permettez-moi de vous dire que le multilinguisme inclut nos langues qui ne sont pas officielles, mais sûrement pas l'espéranto, parce que nous avons assez de langues vivantes qui sont en difficulté pour créer, à côté de cela, des langues artificielles.k"
Ce revirement est donc plus explicite que celui du Président Chirac. Est-ce dû au fait que l'un doit en référer de temps à autre à des électeurs et pas l'autre ? La nouvelle commission désignée en 2004 modifie les attributions de Mme Reding, mais elle reste chargée de la société de l'information et des médias.
La Commissaire suédoise Margot Walström, précédemment chargée des questions d'environnement, devient désormais vice-présidente chargée des relations institutionnelles et de la stratégie de la communication. Si son site laisse apparaître une grande sympathie pour la langue anglaise, ainsi que pour le site de M Kinnock, rien n'indique à ce jour qu'elle se dirige elle aussi vers la solution du "tout-à-l'anglais".
Le poste "Éducation, formation, culture et multilinguisme" reviendra au Slovaque Jan Figel. Cela apportera-t-il un peu plus de clarté et de réalisme ? Il est évidemment trop tôt pour en présager. Pour en augurer cependant un tant soit peu nous disposons dans sa fiche biographique officielle du commentaire suivant portant sur son audition par le Parlement le 14 avril 2004. Il est plutôt positif et encourageant :
j"À plusieurs reprises, M. Figel a plaidé pour que l'Union agisse de manière plus cohérente ou, pour reprendre, ses termes, "moins de rhétorique et plus d'action"& ..M. Figel a également mis en garde contre les comparaisons constantes entre l'UE et les États-Unis, estimant que l'UE ferait mieux de se concentrer sur ses propres difficultés pour les surmonter.k"
Et le message final de M. Figel a été que l'Union devrait se concentrer :
"davantage sur l'action que sur les mots, légiférer où il y a accord, et faire en sorte que les États membres actuels et futurs mettent mieux en uvre la législation européenne existante".
Osons espérer que dans cette législation existante il y aura le respect du multilinguisme dont M. Figel est chargé. Ses premiers contacts avec Josef Reinvart, espérantophone slovaque, ont manifesté une ouverture d'esprit qui porte à un certain optimisme.
6.2.5. Recrutement des traducteurs et interprètes. L'impasse ?
Depuis mai 2004, l'UE (kk) est passée de onze à vingt langues officielles. Comme c'était largement prévisible, du point de vue linguistique les engagements envers les nouveaux États membres concernant l'égalité linguistique avec les anciens n'ont été que très partiellement tenus. Pourront-ils vraiment entrer totalement en application ? Au vu de la réalité actuelle on peut sérieusement en douter.
En effet, nous pouvons lire, sous le titre : "Les mauvaises langues de Bruxelles" du Courrier international.
j"En dépit de leurs promesses, les institutions communautaires ne maîtrisent pas encore les langues des nouveaux pays membres car elles n'ont pas réussi à recruter des traducteurs et interprètes qualifiés en nombre suffisant.k",
et plus loin :
j"Jaromir Kohlicek, l'un des députés tchèques au Parlement européen, n'aime pas faire de vacheries. Il y en a quand même une qui le démange. Il songe à s'adresser à la Commission des transports et du tourisme, dont il est membre, en... tchèque ! Il ne sera compris que par ses compatriotes. Les autres n'entendront que le silence dans leurs casques ; il n'y aura personne pour traduire ses propos. Avant l'élargissement, Bruxelles avait promis que les langues des nouveaux pays deviendraient, dès le 1er mai, langues officielles des institutions européennes. Force est de constater que cette décision est restée lettre morte. La plupart des réunions doivent toujours se passer d'interprètes tchèques, lituaniens ou slovènes, et la majorité des documents de travail ne sont disponibles que dans les langues des anciens membres. "Les documents que l'on nous remet avant la réunion de la Commission ne contiennent le plus souvent qu'une seule page en tchèque : l'ordre du jour", explique Kohlicek.k"
Les sujets à traiter, quant à eux, sont développés en anglais ou en allemand.
Le grand quotidien économique pragois HospodáYské Noviny ("Nouvelles économiques"), souligne que le casse-tête linguistique retarde l'approbation de nouvelles lois. Ainsi, la nouvelle législation sur les brevets, qui devait permettre d'exporter des médicaments pour le traitement du sida ou du paludisme à des prix abordables dans les pays du tiers-monde, a perdu du temps, au détriment des malades.
Dans ce même journal, sous le titre "On n'élit pas un député sur ses compétences linguistiques" Simona Holecová et Zuzana Kleknerová écrivent :
j"Les interprètes sont indispensables au Parlement européen. "Personne ne peut demander aux députés de maîtriser des langues étrangères ; ils n'ont pas été élus pour leurs compétences linguistiques !" précise Patrick Twidle, responsable du recrutement des interprètes à Strasbourg. Quatre cents interprètes des nouveaux pays devaient rejoindre le Parlement. A l'heure actuelle, moins de la moitié des postes sont pourvus. La Commission et le Conseil européens ne s'en sortent pas mieux. Les besoins en traducteurs de ces deux institutions s'élèvent - rien que pour le tchèque - à 135 personnes, mais celles-ci sont difficiles à trouver. Si les candidats ont été 410 à se présenter au concours, seuls 80 ont réussi à franchir le barrage de l'écrit et à se présenter aux oraux. Le taux de réussite a été encore plus faible chez les interprètes : des 1.147 candidats, 45 seulement ont été admis à l'oral. Quant aux autres langues de l'Europe centrale et orientale, les résultats ont été sensiblement similaires, et Bruxelles prend de plus en plus de retard dans la traduction des directives. Bien que près d'un million et demi de pages aient pu être traduites rien que pour la Commission, on est loin du compte. j"Actuellement, nous avons un retard de 60 000 pagesk", reconnaît Erik Mamer, porte-parole de la Commission européenne. j"Si rien n'est fait, le retard atteindra 300 000 pages dans trois ans, et cela risquera de devenir ingérable.k" La pénurie de traducteurs est aussi à l'origine du retard de l'administration tchèque et de celle des nouveaux pays d'Europe dans l'adoption des nouvelles directives : j"Lorsque l'UE prépare une nouvelle législation, nous recevons le plus souvent tous les documents en anglaisk", explique Dusan Uher, directeur de la Commission gouvernementale pour l'harmonisation de la législation. j"Nous devons les faire traduire par les traducteurs assermentés nationaux, et cela prend du temps. Si la plupart des novices européens sont plutôt indulgents envers l'administration de Bruxelles, l'Europe elle-même considère la situation comme grave. C'est pour cela qu'au mois de mai dernier [2004], Romano Prodi, président sortant de la Commission, a sommé les députés d'être brefs dans leurs communications écrites. Leurs rapports ne devraient pas dépasser quinze pages, alors qu'aujourd'hui ils en comportent en moyenne cinquante. Espérons que les bonnes intentions du président ont déjà pu être traduites.k"
Ce même site, à la date du 15 septembre 2004 (14 h 44), sous le titre : j"L'incompétence est peut-être du côté de l'institutionk" relate la mésaventure d'une candidate polonaise malheureuse à l'examen de traductrice qui nous explique (nous ne donnerons pas son nom ici, mais il figure sur le site) :
j"Je suis traductrice avec plusieurs années d'expérience (je traduis entre autres des constitutions pour les Éditions du Parlement polonais). J'ai tenté ma chance dans le concours organisé par l'EPSO (Office européen de sélection du personnel) pour le poste de traducteur polonais. Je n'ai pas obtenu le minimum requis à la deuxième épreuve de traduction (j'avais réussi les tests de présélection et la première traduction). L'EPSO m'a rendu la copie avec le commentaire suivant : "inadequate command of target language" ["maîtrise insuffisante de la langue cible"]. Impossible cependant d'obtenir le barème de correction et la copie corrigée. L'institution refuse sous prétexte que les délibérations du jury sont secrètes, bien que le Médiateur européen ait déjà émis des décisions en faveur des candidats.k"
Et la candidate ajoute ce précieux détail :j"aucun membre de mon jury ne parlait polonais ! k"
Dès lors, la pénurie de traducteurs et d'interprètes viendrait-elle d'une mauvaise procédure, d'un barème de correction mal élaboré, de l'incompétence des candidats ou de la pénurie de traducteurs et interprètes parmi les recruteurs qui s'entretiendrait d'elle-même?
6.2.6. L'évolution progressivement plus favorable de la position des parlementaires européens
Les requêtes de parlementaires européens en faveur de l'usage d'une langue-pont telle que l'espéranto ont toujours essuyé un refus poli mais ferme de la part des divers présidents (ou présidente) successifs. Ce fut par exemple le cas lors de l'échange de courriers des 14 janvier et 12 mars 2002 avec le député italien Maurizio Turco.
Pourtant M Germain Pirlot, espérantophone belge, a eu et conserve de nombreux contacts avec des parlementaires européens et avait dès décembre 1998 déjà sondé leur opinion. A en juger par les réponses quil obtint des 626 membres que comptait alors le Parlement Européen, et quil publia nominativement avec leur accord en 1999, il savéra que 131 dentre eux, soit 20,92 % estimaient, à des degrés divers, que lespéranto pourrait être une solution au problème des langues dans lUE.
Le Parlement Européen a été renouvelé entre-temps par deux fois et un certain nombre de ses membres croient toujours à lutilité de lespéranto et défendent cette cause chaque fois que l'occasion leur en est offerte. Au terme de la présidence de la Française Nicole Fontaine, résolument hostile à l'idée même d'une langue-pont, le président désormais sortant, l'Irlandais Pat Cox n'avait pas caché la sympathie pour l'espéranto qu'avaient maniferstée 80 % de ses compatriotes députés européens. Au cours de ce même mandat, expirant courant 2004, l'Irlande avait en effet 12 députés sur 15 favorables à l'espéranto, son pourcentage la situant ainsi au premier rang. Le deuxième rang revenait à la Belgique avec 60 %. Le Danemark était au 3ème rang avec 25 % et la France était au 4ème rang avec 17,24 %., le dernier rang avec 3,22 % revenant curieusement aux Pays Bas, où l'espéranto a cependant un niveau relativement élevé d'utilisation. Lors du renouvellement suivant du parlement, le pourcentage global des députés favorables avait baissé à 14,54 %.
Le 17 mars 2004 était présenté devant la Commission des affaires constitutionnelles le projet de rapport n° 2003-2227 REG du 5 février 2004, établi par son rappoteur, le député italien Gianfranco Dell'Alba sur la modification à apporter au Règlement du Parlement Européen concernant les mesures de précaution relatives à l'application des règles générales du multilinguisme prévues en ses articles 117 et 139. Sous le titre "perspectives d'avenir" de son paragraphe 4, ce rapport, n° A5-0153/2004, concluait :
j"Dans le contexte de la réflexion sur la problématique du multilinguisme, sous-tendue par la volonté de préserver la diversité culturelle et linguistique que connaît l'Union européenne, le rapporteur souhaiterait en conclusion relancer la réflexion sur la promotion d'une langue-pivot neutre comme l'espéranto. Une telle langue pourrait favoriser la communication transculturelle en offrant une alternative au risque de prépondérance de plus en plus marquée de certaines des langues actuelles, sans mettre pour autant en péril le patrimoine linguistique qui fait la richesse de l'Europe.k"
Malheureusement, à l'initiative de trois députés, les Allemands Michael Gahler et Ingo Friedrich (ce dernier déjà plusieurs fois évoqué dans cet ouvrage) et le Français Georges Berthu, la mention de l'espéranto fut rejetée de ce texte par 14 voix contre 11.
Revenant à la charge, M. Dell'Alba présenta l'amendement n° 7 à la séance plénière du 1er avril 2004 : il s'agissait de rétablir le texte initial rejeté par la commission. Pour être présenté cet amendement devait réunir 32 signatures. Il en obtint 38. On procéda alors, en séance plénière, au vote à main levée. L'amendement fut à nouveau rejeté, par 180 voix contre 120. Cet épisode n'en constitue pas moins une étape très importante dans la marche en avant vers la solution de la langue-pivot pour laquelle l'espéranto était nommément proposé: 40% de voix favorables, c'est certes une minorité, mais une minorité non négligeable.
Le 13 juin 2004, malgré les avis très partagés de diverses organisations espérantistes, les sept régions métropolitaines de France présentaient des listes complètes de candidats aux élections du Parlement Européen, sous une étiquette "Europe Démocratie Espéranto" qui mettait clairement en avant l'ambition, à défaut de conquérir des postes de députés tout au moins de faire connaître le mot espéranto et de poser clairement devant les électeurs et les élus ce grave problème de la langue commune ainsi que l'existence d'une solution à notre portée.
Ce jour là, deux Polonais connaissant l'espéranto, Margareta Handzlik et Bronislaw Geremek, ont été élus au Parlement européen. Mme Handzlik est une femme de 39 ans, épouse d'un artiste et directrice de la maison d'édition KLEKS, qui publie en polonais et en espéranto. Elle est profondément convaincue de l'utilité de "la langue internationale du Dr Zamenhof" pour avoir accompagné son mari lors de ses pérégrinations à travers le monde, et elle s'est clairement engagée à jouer un rôle actif dans la défense de cette solution à l'imbroglio de Babel. Traditionnellement, ce sont surtout les partis dits "de gauche" qui ont promu la solution "espéranto", mais Mme Handzlik appartient à une formation "de droite" Platforma Obywatelska ("Plateforme des citoyens"), ce qui confirme que l'adhésion à l'espéranto transcende les clivages politiques. Quant au professeur Geremek, juif jadis sauvé du ghetto par une famille catholique, ministre des Affaires étrangères de Pologne de 1997 à 2001, hautement renommé dans les milieux universitaires et académiques, il a été élu sous une autre étiquette, "L'union de la liberté". Il a déclaré:
j"Je préférerais vraiment moi aussi qu on parle non point l anglais en premier lieu dans l Union européenne, mais l espéranto. Je suis un peu âgé mais, il y a un demi-siècle, j avais appris cette langue, cette langue admirable créée par un Polonais. Si on l utilisait, alors le principe d égalité existerait parce que je dois apprendre la langue anglaise alors que les Anglais ne doivent pas apprendre le polonais.k" .
Il a également témoigné de sa grande sympathie pour son compatriote le pape Jean Paul II et de sa communauté de vue avec lui sur bien des questions concernant l'Europe et les religions, lors d'un entretien avec Philippe Demenet, envoyé spécial à Varsovie de la revue française Le Pèlerin :
Ph. Demenet : j"De confession juive, vous vous êtes échappé du ghetto de Varsovie grâce à laide dune famille catholique. Les repentirs publics du pape pour la « passivité » de lEglise face à lHolocauste, sa visite à la synagogue de Rome, en 1986, sa reconnaissance de lEtat dIsraël, en 1994, vous semblent-ils des pas suffisants en direction de la communauté juive ? k"
Prof. B. Geremek : j"Les gestes et les paroles ne sont jamais suffisants par rapport à l expérience personnelle de la cruauté de l Histoire. Mais je ne vois pas de gestes plus significatifs que la visite du pape à la synagogue de Rome, ou que celle qu il a accomplie au Mur des lamentations, à Jérusalem. Là, il ne se pose pas en politique. Il ne défend pas les droits du christianisme sur les Lieux saints. Non. Il va à la synagogue parler avec ses « frères aînés », les juifs. Il se rend au mur des Lamentations pour pleurer avec eux. Il ne pouvait pas faire plus. Ni faire mieux.k"
Faut-il voir autre chose qu'une heureuse coïncidence dans le fait que ces deux députés soient des compatriotes de Zamenhof, tout autant que notre pape Jean Paul II ?
Le cas du parti radical italien auquel appartient le député Dell'Alba, et qui soutient également très vigoureusement la cause de l'espéranto est à bien des égards différent. En son sein le secrétaire de l'association radicale, Giorgio Pagano, mit en uvre les grands moyens pour obtenir de la ministre de l'Education Nationale, Mme Letizia Morati, qu'elle tienne ses promesses de réunir une conférence européenne au sujet des langues. Étant donné qu'à mi-parcours de la présidence italienne de l'Europe cette promesse n'avait pas connu le moindre début de réalisation, il entreprit une grève de la faim le 26 septembre 2003 à minuit. Cette action, pour le moins spectaculaire, et le soutien qu'il obtint à cette occasion par divers messages adressés à la ministre en cause aboutit à la création escomptée.
Lors de la réunion de divers partis radicaux et autres partis ayant une section créée dans ce même but, tel celui des Verts (section AVE, association des Verts pour l'espéranto), qui se tint les 7 et 8 décembre 2003 en vue d'accélérer la sensibilisation à l'espéranto à l'intérieur et à l'extérieur du "monde radical" fut créé le KEILEU (Comité pour l'expérimentation de la langue internationale au sein de l'Union Européenne)
Venant du parti radical italien tout aussi surprenante fut la déclaration de Giorgio Pagano en fin de réunion lorsqu'il souhaita :
j"une "Grande Marche" de la Pentecôte en faveur de la langue internationale espéranto que le Saint Père utilise depuis déjà dix ans pour ses bénédictions "Urbi et Orbi" (bénédictions à l'adresse du monde entier)k"
Cette expérimentation financée en partie par l'UE est désormais entrée en fonction en vue d'établir, par tous moyens qu'elle jugera utiles, la crédibilité de l'espéranto au sein des institutions européennes. Elle rassemblera à cet effet périodiquement cent délégués espérantophones volontaires provenant à part égale des 25 pays membres.
6.2.7. Une autre lueur d'espoir : un nouveau président national
Plus récemment encore, en juillet 2004, Heinz Fischer, dont les parents étaient espérantophones et qui ne cache pas son opinion très favorable à l'espéranto, a accédé à la présidence de l'Autriche, rejoignant en cela l'ancien président Franz Jonas, qui parlait couramment cette langue, et qui avait inauguré le 55ème UK (fff), tenu à Vienne en 1987, dans un espéranto particulièrement élégant. Heinz Fischer a dit notamment:
j"C'est pourquoi je vois avec bienveillance un renforcement dans l'avancée de l'espéranto en Autriche afin de donner une vraie chance à cette langue dans une Europe unifiée.k"
6.2.8. Du rêve à la réalité
En août 1849, alors que rien ne permettait de rêver à une telle utopie, le poète et homme politique français Victor Hugo écrivit :
j"Un jour viendra où la guerre vous paraîtra aussi absurde et aussi impossible entre Paris et Londres, entre Petersbourg et Berlin qu entre Rouen et Amiens, entre Boston et Philadelphie. Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, [& ] vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne.k"
Un siècle plus tard, un groupe espérantiste de Roumanie à vocation européenne (USxE-EHxO, de Timi_oara), adressa d Espagne à un espérantiste français, René de Lafarte, à Fontenay sous Bois, une carte dont le cachet postal porte la date du 13 septembre 1934. Voici la traduction française de ce très surprenant texte en espéranto :
j"Européens !
Envers et contre tout, ayez foi en l Union Européenne.
Lors d élections nationales, ne votez que pour un parti qui milite en faveur de la création d une zone économique européenne unifée.
Propagez l idée de la création dun Parlement commun aux parlements nationaux européens.
Exigez la constitution dune armée commune européenne, ainsi que lintroduction dune monnaie unique.
Exigez un statut dautonomie pour les États, les provinces et les villes dans le cadre des États Unis dEurope.
Étudiez dans un esprit européen.
Respectez la nationalité dautrui.
Luttez pour la débureaucratisation de léconomie (sa dénationalisation et sa démonopolisation).
Luttez pour des lois et des institutions qui permettent le libre développement social, et donc le passage naturel dune classe à lautre.
Qui se bat pour lUnion Européenne, favorise la paix mondiale. »
On sait comment cette vision fut battue en brèche dans le pays doù provenait cette carte, et dans celui de ses auteurs, nul n'ignore les conflits internes ou externes sur lesquels a débouché l'installation des féroces dictatures du 20ème siècle. Pourtant, que de chemin parcouru depuis dans le sens, si incroyablement prophétique, de ces quelques mots!
L'UE (kk) est actuellement à nouveau à un tournant décisif d'un autre type. Saura-t-elle le négocier librement ou restera-t-elle inféodée à l'hégémonie financière et militaire des États-Unis d'Amérique? L'Europe, à cause de ses nationalismes internes et d'une extension géographique probablement un peu trop rapide et mal maîtrisée, peine à émerger comme entité politique. Les pressions qu'exerceraient les États Unis sur la nouvelle Commission européenne constituent, si elles sont avérées, un grave sujet de préoccupations pour les citoyens européens désireux de faire avancer leur union politique autonome.
6.3. Lespéranto et la diversité culturelle
Le Mahatma Gandhi voyait dans langlais un instrument de limpérialisme et du maintien des peuples en esclavage. Au congrès Éducation en Europe dHeidelberg, en 1992, le professeur de philologie Otto Back nous a mis en garde : j"L anglais est le cheval de Troie des États-Unis en Europe.k" Il facilite l introduction de la culture Coca Cola ou de l American way of life () dans la vie des autres peuples. La plupart des gens en sont à peine conscients. La plupart du temps les jeunes, qui sont encore ouverts à tout ce qui est nouveau, nen perçoivent pas le côté négatif. Mais dautres ressentent que langlais présente un danger pour la diversité culturelle. Ils souhaitent que la "mondialisation" soit autre chose que laméricanisation du monde.
Le paragraphe 6.2.1. ci-dessus suffit à nous démontrer que rien de tout cela n'intervient par hasard. C'était au contraire pleinement planifié depuis longtemps. Cela dit, des chercheurs en sociologie soulignent que laméricanisation ne se ramène pas à un simple impérialisme culturel. Un article paru dans le journal Die Zeit () propose de traiter la question de manière plus approfondie :
j"Aucun pays n importe des produits provenant des États-Unis sans les adapter à son propre contexte. C'est se fourvoyer que de réduire l américanisation à un simple nivellement culturel. En réalité il s agit d un processus de constante différenciation des données culturelles, qui se déploie, en fait, à partir d une standardisation universelle.k"
Cet article, intitulé Objectif final : consommation, conclut que les États-Unis ont déjà greffé sur l'Europe occidentale un nouvel idéal de vie qui fait table rase des nations, la démocratie égalitaire de la consommation, qui favorise aussi la compréhension entre les peuples :
j"Par le biais de la consommation on attaque le racisme et les tensions religioso-culturelles . En effet, chaque individu, quelles que soient sa couleur de peau, sa religion et sa culture d origine, est un consommateur potentiel et, à ce titre, ne peut être exclu de la démocratie de la consommation.k"
L anglais ne se borne pas à exercer une influence culturelle, il met en outre en danger les langues nationales :
j"Du fait de la mondialisation, les langues sont menacées de disparition au même titre que de nombreuses espèces animales [...] La vague de l anglo-américain se referme sur nous et menace de couler le navire linguistique allemandk"
pouvait-on lire dans le magazine allemand Der Spiegel () en octobre 2000. Suit tout un développement expliquant que l anglais pénètre dès à présent, profondément, dans la structure de la langue allemande :
j"La grammaire de l anglais s enracine dans l allemand, l ossature de la langue est soumise à des changements morphologiques, des expressions étrangères à la langue entament son âme. Faire de l argent to make money et en gagner , ce n'est pas la même chose.
Les opposants à l anglicisation apportent encore un argument de plus : le manque d esthétique linguistique, qui va de la prononciation à l orthographek" .
Dans de nombreux pays des mouvements pour le maintien de la langue nationale ont vu le jour. En Allemagne, le Verein Deutsche Sprache - Bürger für die Erhaltung der kulturellen Vielfalt in Europa ("Association pour la langue allemande Citoyens pour le maintien de la diversité culturelle en Europe") comptait plus de 10.000 membres au bout de quelques années seulement. Une association du même ordre sest constituée en Hollande : Taalverdediging - Bond tegen onnodig Engels "Défense de la langue Union contre le recours superflu à l'anglais .
En France plusieurs associations ont des objectifs similaires. M Marceau Déchamps vice-président de lune delles, Défense de la langue française, signalait par Internet, en date du 26 Septembre 2003, journée européenne des langues, quun collectif international de treize associations dont le Verein Deutsche Sprache, avait rédigé un appel pour dénoncer l'hégémonie de la langue anglaise dans l'UE (kk) et demander que la question linguistique soit prise en compte rapidement par les responsables politiques avant qu'elle ne devienne une source de conflits et un motif d'éclatement de la communauté. Cet appel intitulé : "LEurope sera multilingue ou ne sera pas" fut également envoyé, en France, à tous les députés et à la grande presse.
Les trois autres organisations, également membres de ce collectif, ayant pour vocation de défendre et/ou de promouvoir le français, sont : Avenir de la Langue Française, Droit de comprendre, LObservatoire International de la Langue Française. Y figure également Linguarum democratia, "démocratie des langues" qui, comme son nom lindique, ne sattache pas seulement à la défense du français.
La question se pose maintenant de savoir si lintroduction de lespéranto peut contribuer à protéger la diversité culturelle. Au début, les espérantistes accordaient peu dintérêt à la protection des langues nationales. Dans les années 20, un certain nombre despérantistes, encore sous le choc des effets destructeurs des sentiments nationaux ayant conduit à la première guerre mondiale, voyaient dans lespéranto un moyen de combattre tout ce qui pouvait avoir un relent de nationalisme, y compris les langues.
De nos jours la quasi-totalité des espérantistes tiennent au maintien de la diversité linguistique, et la plupart pensent que lespéranto peut apporter à cette cause une importante contribution.
Dafydd ap Fergus, Gallois qui parle lespéranto, nous explique quil a appris cette langue, entre autres, parce que :
j"l espéranto est la seule et la dernière chance pour le gallois.k"
Et dans le "Manifeste de Prague" élaboré pendant l'UK (fff) de 1996, on peut lire :
j"Nous sommes un mouvement en faveur de la diversité linguistiquek" .
D où vient cette idée des espérantistes que leur langue peut contribuer à la protection des autres langues et cultures ? Pour certains cest simplement parce que lespéranto na pas pour but de remplacer les langues maternelles. Dautres ont étudié la question de manière plus approfondie.
Lorsquau printemps 2001 sest ouvert sur Internet le forum officiel "eurolang2001" de «lannée européenne des langues 2001» lespéranto sest avéré le sujet de plus discuté. Une certaine Jette Milberg Petersen a manifesté en anglais son opposition à lintroduction de l espéranto en écrivant :
j"Je crains que les autres langues ne disparaissent petit à petitk"
Voici la réponse que lui fit Claude Piron, psychologue suisse, ancien traducteur à l'ONU :
j"Oui, ce serait une très grande perte pour l humanité. Mais je pense que le risque est beaucoup plus grand avec le système actuel de communication internationale. Faute d'une langue commune utilisée par des personnes dorigines linguistiques diverses, chacun apprend et essaie dutiliser langlais. Langlais contribue beaucoup à la disparition des langues. Par exemple, à Singapour, de nombreuses familles optent pour langlais et abandonnent leur propre langue, le mandarin, le hakka, le foukiénois, le malayalam, le tamoul..., si bien que les jeunes sont coupés de leurs racines culturelles. Cette évolution sexplique par les grands avantages de carrière dont bénéficient les personnes qui parlent langlais depuis leur plus jeune âge.
Les offres demploi explicitement réservées aux personnes parlant langlais depuis la petite enfance abondent depuis quelque temps dans la presse israélienne. La raison en est que l'anglais est une langue très difficile à manier correctement, aussi la confiance se porte-t-elle uniquement sur ceux dont c'est la langue maternelle. Comme lespéranto est beaucoup plus facile à apprendre et à utiliser, et qu'il est et restera sans doute une langue étrangère pour tous ceux qui l'emploient, on peut en faire usage à un niveau professionnel sans lavoir entendu dans sa famille depuis sa plus tendre enfance.k"
Dans bien des pays européens, les parents font apprendre l anglais à leurs enfants à un âge de plus en plus précoce. Beaucoup estiment qu il faut l apprendre comme une langue maternelle, car c est la seule façon d arriver à le maîtriser vraiment. On peut craindre que si cette tendance se maintient, langlais finisse par évincer les langues nationales, comme on le voit à Singapour.
Les partisans de lespéranto pensent que la langue de Zamenhof ne peut pas menacer les autres idiomes. Les langues, disent-ils, subissent un préjudice quand des éléments linguistiques dune nation se substituent aux éléments linguistiques dune autre. Lespéranto nétant la langue daucune nation, le risque dun tel dommage ne se présente pas.
Notre intention nest pas ici de contribuer à la polémique, parfois très passionnée, dont le sujet est : dans quelle mesure est-il important de protéger une langue contre linfluence dune autre. Mais il nest pas inutile danalyser en toute sérénité la question de savoir sil est vrai quune langue nationale comme langlais, ou internationale comme l'espéranto, peut causer de sérieux dommages.
Pour y voir plus clair dans cette problématique, point nest besoin dimaginer une époque future où toutes les communications internationales se feraient dans la langue de Zamenhof. Il existe déjà des personnes qui, tous les jours, utilisent lespéranto, pensent directement dans cette langue et se sentent très à laise dans cette vigoureuse communauté linguistique. Voyez par exemple les nombreux membres européens de la Tutmonda Esperantista Junulara Organizo (TEJO) "Organisation mondiale de la jeunesse espérantiste", qui utilisent lespéranto, aussi bien par Internet que par téléphone ou à loccasion des séminaires, sessions et congrès internationaux ou encore au cours de leurs voyages, notamment sils tirent parti des possibilités dhébergement gratuit offert par le Pasporta Servo (ee). La section allemande de la TEJO édite une revue bilingue allemand-espéranto. Fin 1992 on y trouvait un article intitulé : Kotizo für memzorgantoj gesenkt, "Cotisation réduite pour membres subvenant eux-mêmes à leurs besoins.
Cette phrase (alternant des mots dallemand et despéranto) met en évidence un fait qui apparaît plus souvent encore dans le langage parlé : entre jeunes Européens qui utilisent régulièrement lespéranto, des fragments de cette langue pénètrent les langues maternelles. Cela se produit surtout quand il sagit de notions ayant un rapport direct avec les activités de groupes espérantistes, cest-à-dire avec la culture actuelle de lespéranto. Lauteur de larticle en question, alors engagé dans le service civil et âgé de 19 ans, na sans doute pas pris conscience du mélange des langues.
Cela dit, linfluence de lespéranto sur les autres langues est plus faible que lactuelle influence de langlais et quand elle se présente, elle crée moins de dégâts. On le comprendra mieux en considérant les faits suivants.
En espéranto, les mots sont généralement plus longs ont un plus grand nombre de syllabes que leurs équivalents anglais ; les autres langues ne sont donc pas portées à les utiliser.
Lespéranto est plus souple et autorise plusieurs manières dexprimer un même concept. Ainsi, par exemple, un Anglais s'exprimant en espéranto pourra dire, selon la structure de sa langue : mi estas 20-jaragxa, je suis 20 ans âgé, et un Français mi havas 20 jarojn, jai 20 ans, selon celle de la langue de Molière. Il y a donc de fortes chances pour que les éléments linguistiques de lespéranto ne pénètrent pas aussi profondément dans le tissu des autres langues.
Quant à la prononciation et lorthographe, lespéranto est plus proche que langlais de la majorité des langues européennes. Par exemple, dans lexpression la sua love story (dans un magazine à potins italien) lexpression en espéranto amafero sinsérerait plus harmonieusement que langlais love story. Et la phrase déjà citée : Kotizo für memzorgantoj gesenkt est perçue plus agréablement que Fee für self-providers gesenkt.
Enfin, remarquons que lespéranto nétant lié à aucune nation, son influence culturelle est nécessairement moins unidirectionnelle que celle de langlais.
6.4. Les avantages de lespéranto
Selon une évaluation du professeur Michael Scherm, réalisée en 2001, seuls 5 à 7 % de la population allemande savent sexprimer convenablement en anglais. Une enquête effectuée pour une agence internationale de publicité en 1989 a donné des résultats semblables : des personnes constituant un échantillon représentatif de la population des pays de lUnion Européenne ont été invitées à traduire dans leur langue maternelle trois brefs textes danglais courant. Le rapport de recherche conclut :
j"Une compréhension vraiment correcte de l anglais [en Europe occidentale]& est nettement en dessous de nos estimations les plus pessimistes : elle se situe aux environs de 6 % de la population sondéek".
Quand on se borne à demander aux gens quelles langues ils savent, sans vérifier leur niveau, les résultats sont généralement surestimés, mais sans être encourageants pour autant. La Commission européenne a diffusé, par voie de presse, le 20 février 2001, la surprenante information suivante : selon une enquête portant sur 16.000 européens, plus de la moitié dentre eux (53 %) : j"savent une deuxième languek". Ce résultat cependant n est pas très satisfaisant, comme le montre l article, publié le même jour par l agence de presse allemande DPA, qui diffusait un constat bien différent :
j"Déficit de connaissances linguistiques
La moitié des citoyens européens ne maîtrisent aucune langue étrangère.
Près de la moitié des citoyens de lUnion Européenne ne maîtrisent aucune langue étrangère. Lundi, à louverture de lAnnée européenne des langues (2001), à Lund (Suède), Mme Viviane Reding, commissaire de lUE chargée de léducation et de la culture, a communiqué les résultats dune nouvelle enquête portant sur 16.000 personnes des 15 pays de lUnion. Il ressort de ce sondage que 47,3 % ne parlent que leur langue maternelle.k"
Dans les années 1996/97, une enquête sur les connaissances linguistiques des étudiants allemands a été menée à bien sous les auspices du Ministère fédéral de l éducation, de la science, de la recherche et de la technologie. Les résultats ont été affichés sur Internet sous forme d étude détaillée. En voici un extrait :
j"Nous avons montré au chapitre 5 que le niveau d anglais chez les étudiants n était pas très élevé. Seuls 10% des étudiants ont de bonnes connaissances de plus d une langue étrangère, et la situation n est pas près de changer : il n'y a que 5% des sondés à se dire intéressés par l étude d une langue européenne relativement peu répandue.k"
On peut aussi remarquer qu à l occasion de l Année européenne des langues (2001) , en Allemagne, l intérêt porté aux langues étrangères sest concentré sur langlais. Une personnalité sexprimant sur les ondes de la radio ouest-allemande WDR a formulé le vu que lintérêt se porte aussi sur les "petites" langues, qui, écrasées par les grandes langues mondiales, peuvent à peine attirer lattention. Le Ministre de la culture de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a publié une liste doffres linguistiques faites à loccasion de l'Année des langues. Cette liste contient 256 offres en rapport avec langlais, mais pas une qui mentionne explicitement le finnois ou le suédois. Le danois brille lui aussi par son absence. La liste offrait bien un : j"stage d entreprise au Danemark, avec vie dans une famille danoisek", mais il était précisé que : j"la langue utilisée sera l anglaisk".
Revenons à la conclusion de l étude précitée sur les connaissances linguistiques des étudiants :
j"Par ailleurs, la nécessité de combler les lacunes dans la connaissance élémentaire de la langue commune de communication, l anglais, met en évidence la distance qui nous sépare encore de limage idéale de leuropéen polyglotte. Lobjectif de la politique européenne en matière denseignement, qui vise la maîtrise d un nombre croissant de langues de la communauté, nest pas seulement reportée à un avenir lointain, elle se révèle en fin de compte irréaliste, compte tenu, notamment, du rôle de langlais dans lévolution tumultueuse dInternet.k"
Tout ceci montre que l'idée de recourir à une langue facile et neutre n'a rien perdu de son actualité. Voyons maintenant de plus près les avantages de l espéranto.
À en juger par diverses expériences pédagogiques, mais aussi par le vécu de la majeure partie de ceux qui parlent lespéranto, cette langue est trois à dix fois plus facile à assimiler que des langues nationales comme langlais ou le français. Le professeur Helmar Frank, de lUniversité de Paderborn, a constaté dans les recherches qu'il conduit depuis 1970 que les Allemands qui apprenaient lespéranto avaient au bout de 200 heures de cours une capacité de communication équivalant au niveau qui, dans le cas de langlais, exigeait 1500 heures détude.
La facilité dapprentissage de lespéranto tient à toute une série de facteurs, dont :
La régularité.
En espéranto on écrit comme on prononce et on prononce comme on écrit. Il nexiste pas de verbes irréguliers ou de déclinaisons compliquées. La grammaire de base ne compte que 16 règles. Elles s'appliquent sans la moindre exception, permettent d'éviter les efforts trop importants de mémoire et la plupart des confusions.
La facilité d'identification des mots d'après leurs dernières lettres.
En effet la terminaison o indique que le concept est exprimé sous forme de nom, de substantif, a sous forme d'adjectif, e sous forme adverbiale. Les verbes se terminent en i à l'infinitif, en as au présent, en os au futur, en is pour tout ce qui correspond à un passé de l'indicatif. Ils se terminent en u pour ce qui correspond à nos modes impératif et subjonctif, en us au conditionnel.
La parfaite cohérence de la formation des mots.
Il suffit dapprendre un nombre relativement restreint de racines, car les familles de mots se construisent comme un jeu de Lego à l'aide d'un petit nombre de terminaisons et d'affixes, que l'on peut utiliser sans aucune restriction. Ainsi, par exemple, de sana, "bien portant", on peut dériver sano, "santé", sane, "sainement", sani, "être bien portant", "rayonner de santé", malsana, "malade", sanigxi, "se rétablir", sanigi "guérir (quelquun)", malsanulo, "un malade", malsanulejo, "hôpital", etc. Ce système permet, avec très peu de vocabulaire de base, d'atteindre un très grand nombre de mots, une grande précision et des nuances très diverses grâce au choix des éléments constitutifs qu'effectue en toute liberté le locuteur.
Le caractère international du vocabulaire de base.
En espéranto on trouve un grand nombre de mots immédiatement compréhensibles pour une large proportion des habitants de notre planète, par exemple telefono, muziko, familio, religio, danci, promeni, diskuti, interesa, eleganta, simpla...
La facilité dapprentissage a un effet positif sur le plaisir dapprendre. Quant à la clarté de lespéranto, elle contribue souvent à éviter les problèmes dus, par exemple, à la difficulté de la prononciation de l anglais et à son flou grammatical. Ces difficultés peuvent avoir des conséquences dramatiques pour l aviation. Fin 1999, le journal allemand Südkurier rapportait :
j"parmi les 37 plus grandes catastrophes aériennes depuis 1996, 13 au moins sont dues à des problèmes de communication linguistique.k"
et les spécialistes confirment qu'il ne s'agit pas d'un problème négligeable :
j"Il ressort d'une étude sur les moyens de prévenir les accidents d'avion effectuée par Boeing qu'au cours de la décennie 1982-1991, une mauvaise communication entre pilote et tour de contrôle est responsable d'au moins 11% des accidents ayant entraîné la mort des occupants de l'appareilk".
De plus, lespéranto est un excellent tremplin pour acquérir dautres langues. On prétend souvent quil en est de même du latin, qui permettrait dapprendre plus vite dautres idiomes. Ce nest pas faux, mais il y a tout de même une différence : celui qui étudie le latin doit apprendre par cur toutes sortes d'éléments qui napportent rien à la communication, comme des conjugaisons et des déclinaisons compliquées. Cet effort de mémorisation demande un grand investissement en temps et nest daucune utilité si l'on veut apprendre dautres langues. Au contraire, avec lespéranto il ny a pas grand-chose à apprendre par cur. Celui qui létudie exerce essentiellement sa capacité à reconnaître la nature des mots (substantifs, verbes, adjectifs etc.) et la fonction des éléments dans la phrase (sujet, attribut, objet etc.). Cest exactement ce quil faut pour se faciliter lapprentissage des autres langues.
Une expérience pédagogique menée en Hongrie dans les années 60 a montré que 200 heures despéranto permettaient déconomiser ensuite 250, 300, 400, voire 500 heures pour lapprentissage ultérieur dune autre langue, la durée nécessaire variant suivant la langue (russe, allemand, anglais ou français). Le professeur Helmar Frank dont nous avons déjà relaté d'autres travaux a également obtenu un résultat analogue dans les recherches pédagogiques quil mène à bien depuis 1975 à Paderborn (Allemagne). Il a observé que 160 heures despéranto données dans le cadre dun enseignement conçu pour préparer à lacquisition dautres langues représentent un gain de temps de 26% pour un apprentissage ultérieur de langlais. Il souligne que lenseignement de lespéranto, organisé dans cet esprit, économise plus de temps quil nen exige. Le gain de temps est particulièrement remarquable chez les élèves les moins doués.
La politique linguistique actuelle désavantage principalement les élèves qui ont des difficultés dans le domaine linguistique. Souvent ils ne parviennent pas, sans des efforts pénibles et décourageants, à lire ou à parler ne serait ce quune seule langue étrangère. Les écoles allemandes proposent surtout langlais et le français, deux langues difficiles, tandis que les cours despéranto sont offerts dans les Volkshochschule (Hautes écoles populaires, système associatif de formation continue, de stages et de cours du soir en Allemagne et en Suède). Créés aussi quelquefois à linitiative des municipalités et des groupes locaux despéranto, ils ne comptent le plus souvent quune dizaine ou une douzaine dheures.
Enseigner lespéranto en classe à des élèves en difficulté serait un pas appréciable vers légalité des chances ; cela pourrait leur permettre de se faire comprendre de manière satisfaisante dans au moins une langue étrangère tout en leur fournissant une bonne base pour apprendre dautres langues. Cet argument social en faveur de lespéranto nest pas souvent présenté, même par les espérantistes.
Le fait que lapprentissage de lespéranto demande nettement moins de temps que celui de langlais permet de consacrer plus dheures de cours à dautres branches : autres langues, cultures étrangères, sciences sociales, etc.
En ce qui concerne les langues dans les instances internationales, largument des économies financières que pourrait apporter l'espéranto paraît au premier abord superficiel. Les diverses institutions de lUnion Européenne dépensent chaque année environ 1,5 milliards deuros en interprétation et traduction. Lidée de réduire ces dépenses mérite de retenir lattention, en particulier si lon considère que dans les pays en développement de nombreux projets bien conçus, dans le domaine médical, éducatif, de laide humanitaire ou dautres secteurs importants, ne sont pas mis en oeuvre parce que les pays riches refusent de les soutenir financièrement. Souvent quelques dizaines de milliers deuros suffiraient pour alléger la souffrance de très nombreuses personnes.
Enfin, la facilité et la neutralité de lespéranto pourraient aussi contribuer à augmenter légalité des chances, non seulement entre les peuples, mais aussi entre riches et pauvres. Dans les pays en développement (mais dans bien des pays développés aussi) les parents qui en ont les moyens envoient leurs enfants dans les écoles et les universités de Grande-Bretagne ou des États-Unis, pour entre autres buts leur assurer un excellent niveau en anglais, car ils savent que cela peut être déterminant pour leur carrière professionnelle. Ladoption dune langue facilement accessible aux Africains et aux Asiatiques serait un pas vers légalité des chances.
6.5. Réflexions plus approfondies
j"Si vous voulez établir la paix, créez d abord la justicek" dit un proverbe fondé sur une phrase du prophète Isaïe: j"Le fruit de la justice sera la paix; la justice produira le calme et la sécurité pour toujoursk" (Is. 32, 17) . Nombreuses sont les formes dinjustice qui peuvent être à lorigine de conflits, et parmi elles figure le non-respect du droit à légalité des langues. Lhistoire nous a appris quon ne peut gouverner durablement un peuple par le biais dune langue qui nest pas la sienne : lÉtat finit par seffriter. On l'a vu dans le cas de l'Empire austro-hongrois, de lURSS, de la Yougoslavie. Quand le peuple soumis est relativement faible, lévolution peut être différente, mais alors la langue dominée meurt petit à petit. Tel est le sort du gaélique en Écosse, du sorabe en Allemagne, du cachoube en Pologne, du same (ou sami) dans le nord de la Scandinavie et de beaucoup dautres langues.
Dans sa "Prière sacerdotale" (Jean, 17, 1-26), Jésus demande à son Père plus dunité pour les fidèles :
j"Je ne suis plus dans le monde, mais eux sont dans le monde. Moi je viens à Toi, Père saint, garde en ton nom ceux que tu m'as donnés, pour qu'ils soient un comme nous.k" (Jn 17, 11)
L espéranto permettrait de se rapprocher de cet idéal d unité. Une langue commune facilite le contact entre les personnes, surtout sil sagit dune langue née d'une aspiration à la compréhension et à la paix entre les peuples. Lespéranto suscite un sentiment dunion, de solidarité et dentraide transcendant les frontières. Dans ses statuts, lIKUE (c), souligne quelle est organisée en vue de cette unité :
j"Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et comme je suis en toi, qu'ils soient en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m'as envoyék" (Jn, 17, 21).
Et Jésus a toujours encouragé ses disciples à Suvrer pour la paix :
j"Heureux ceux qui font Suvre de paix : ils seront appelés fils de Dieuk" (Mt, 5, 9)
ou encore :
j"C'est une bonne chose que le sel ; mais si le sel perd son goût, avec quoi le lui rendrez-vous ? Ayez du sel en vous-mêmes et vivez en paix les uns avec les autresk" (Mc, 9, 50)
Sept ans après l'apparition de l espéranto sur la scène publique, l écrivain Léon Tolstoï (ann. 1 b, fiche 99), soulignait sa valeur en ces termes :
j"Très souvent j ai observé que les gens s entendaient mal simplement à cause d une barrière rigide bloquant la compréhension mutuelle. Apprendre l espéranto et le propager, c est sans nul doute agir dans un esprit chrétien, en favorisant la venue du Royaume de Dieu, ce qui est la mission principale, sinon la seule, de tout être humain.k"
Aujourd hui, dans les rencontres entre espérantistes, par exemple entre jeunes Allemands et Polonais, la langue commune permet de se connaître et de nouer des liens damitié. Les participants dépassent les ressentiments, la défiance, les préjugés. Les injustices des temps passés ne troublent pas leurs relations.
Un réseau dense damitiés ignorant les frontières sest tissé et continue à se tisser entre les usagers de lespéranto. Cela détourne de la xénophobie et porte à la paix. Lorsquon a beaucoup damis dans divers pays, lhorizon sélargit et on porte sur les conflits ou les différences de systèmes politiques un regard qui atteint lautre versant. En voici trois exemples :
Durant le séminaire international des jeunes espérantistes allemands, à Traben-Trarbach, ville allemande proche du Luxembourg, à loccasion du nouvel an 1988/89, la jeune Russe Inna Vozlinskaïa fit un exposé sur la perestroïka. Un auditeur lui demandant ce quelle pensait de laspiration à lindépendance des pays baltes, elle répondit, répétant sans doute ce quelle avait appris à l école :
j"Nous les Russes, nous avons beaucoup aidé ces pays, et maintenant ils veulent se séparer de nous. C est injuste. Si vous avez un ami, que vous l aidez, et qu ensuite il vous abandonne, vous aussi le prendrez malk"
Un Hongrois, qui désormais pouvait jouir d une vraie liberté d opinion dans son pays, lui répondit :
j"A mon avis, les pays baltes n ont pas spécialement sollicité cette aide.k"
Un peu plus de 10 ans plus tard, au printemps 1999, pendant le conflit du Kosovo, de jeunes Serbes envoyaient des messages électroniques à leurs amis espérantistes à travers le monde, pour solliciter leur solidarité envers les habitants de la Yougoslavie. Ils sefforçaient dattirer lattention de leurs correspondants étrangers sur les motifs qui poussaient la Yougoslavie à persécuter les criminels albanais et à refuser le traité de Rambouillet. Mais en même temps ils cherchaient aussi à connaître leurs opinions. En raison des relations personnelles et amicales chacun considérait lopinion de l autre avec respect, tant et si bien qu un jeune Serbe écrivit dans un message :
j"j ai honte pour les crimes de mes compatriotesk".
En août 2000, le 56ème Internacia Junulara Kongreso (IJK) "Congrès international des Jeunes (espérantophones)" (tt) s est tenu à Hong-kong. Discutant de la vie religieuse en Chine, un Allemand demanda à une Chinoise si, pour elle, le Dalaï-Lama (ann. 1 b, fiche 62), était un homme juste ou non. j"Il est détestablek", répondit-elle sans une seconde d hésitation, puis elle le traita d j"ennemi de la Chinek" et se mit à critiquer le séparatisme des Tibétains. Mais l échange qui se poursuivit sur un ton amical lui en apprit beaucoup sur l action pacifique menée par cet homme en faveur de la liberté de religion et des droits des minorités. Elle se rendit compte que les espérantistes des autres pays, eux aussi, désiraient la paix et plus dhumanité. Elle prit en considération ces nouvelles données dans un meilleur état desprit.
Plus les échanges didées entre personnes dorigines différentes sont fréquents, plus les points de vue purement nationaux deviennent exceptionnels, de même que la tendance à aborder les conflits dans un esprit subjectif et borné.
Un article de Kimura Goro, de l'Université de Keio (Japon), illustre ce fait de façon intéressante. On sait que les Coréens ont beaucoup souffert de l'occupation japonaise pendant la deuxième guerre mondiale et qu'on avait inculqué aux Japonais l'idée que les Coréens étaient des êtres inférieurs. L'auteur a entrepris une recherche scientifique pour déterminer l'effet de l'usage de l'espéranto sur des représentants de ces deux peuples en étudiant les sessions communes que Coréens et Japonais tiennent en espéranto. Il a constaté une diminution des idées préconçues et des attitudes négatives envers l'autre peuple parmi les participants, qui sont, il le souligne, des "personnes ordinaires". Il note que :
j"La "passion du dialogue", qui amène à présenter son point de vue et à écouter celui des autres, est prépondérante tout au long des sessions. [Un Coréen particulièrement convaincu de la supériorité de la culture coréenne] a expliqué que son but était de faire découvrir aux participants japonais comment les Coréens ressentent le Japon. Mais il a conclu son intervention en disant : "J'ai la volonté sincère de rectifier mes préjugés, si préjugés il y a, en écoutant les commentaires des participants japonais."k"
Soulignons enfin que la recherche de la paix est un trait qui caractérise la culture associée à l espéranto. Les espérantistes ont des conceptions du monde et des convictions politiques ou religieuses très diverses. D une manière générale, toutefois, ils préfèrent mettre de côté les obstacles à la compréhension mutuelle plutôt que de se laisser aller à la violence pour régler les conflits. Ceux qui apprennent la langue et lapprofondissent peuvent aussi découvrir l homaranismo (l) de Zamenhof, et qui dira que, pour faire progresser le genre humain vers un avenir pacifique il ny a pas là un moyen plus efficace que la lecture du De bello gallico ("La guerre des Gaules") de César dans les cours de latin ?
Si lÉglise décidait de préférer lespéranto à langlais, elle montrerait par là que lobjectif de base de lhumanité ne doit pas être la consommation, mais la paix et le développement de lhumanisme.
6.6. Faux espoirs, objections, critiques et réponses
6.6.1. Lespéranto, "facteur puissant dharmonie et de compréhension entre les peuples" selon M. Chirac ?
Il arrive que des hommes politiques, surtout en période préélectorale, se prononcent en faveur de lespéranto. Cest ainsi que le Candidat-Président de la Rébublique française, Jacques Chirac, dans une lettre signée de sa main et adressée à Espéranto-France (à l attention de M. Vincent Charlot), écrivit le 15 avril 2002 :
j"Cher Monsieur,
Vous avez bien voulu attirer mon attention sur le problème de l Espéranto et je vous en remercie car, comme vous le savez déjà, il sagit dune cause à laquelle je suis sincèrement favorable.
Même si pour des raisons que vous comprendrez aisément, je souhaite avant tout me consacrer à la défense de la francophonie, jéprouve une sympathie profonde pour lespéranto et le projet humaniste qui a présidé à sa création et qui anime plus que jamais ses défenseurs aujourdhui.
Jestime pour ma part que la progression de lespéranto, dans le respect de la diversité culturelle qui lui est consubstantiel, serait un facteur puissant dharmonie et de compréhension entre les peuples.
Il ne fait aucun doute que, si le sort des urnes mest favorable, je soumettrai au prochain gouvernement, et au Ministre de lEducation Nationale en particulier, la question de son inclusion comme option au baccalauréat, notamment au regard des souhaits exprimés par les élèves et parents, et de la possibilité de recruter suffisamment dexaminateurs compétents.
Je vous prie de croire, Cher Monsieur, à lexpression de mes sentiments les meilleurs,
Bien cordialement, Jacques Chirack"
Le lendemain, ce message fut d ailleurs renforcé par les mots du coordinateur de sa campagne sur Internet :
j"Soyez assurés que nous mettrons tout en Suvre pour que le programme soit au baccalauréat le plus rapidement possible.k"
Pourtant, six mois plus tard, alors que le Président Chirac avait été réélu avec une majorité jamais atteinte en France, M Xavier Darcos reprenant à son compte le préjugé qui considère l espéranto comme un projet de langue unique répondait aux questions de deux députés, M. Alain Bocquet et M. Marc Dolez , en totale opposition avec la promesse précitée. Ce ne fut que le début d'une série de réponses identiques réitérées peu après par M Luc Ferry à M. le Député François Calvet , à M Pierre Forgue et à M Serge Grouard . Ni la tendance politique différente des députés ayant posé les questions, ni le numéro d'ordre des équipes gouvernementales qui s'étaient recomposées par deux fois entre-temps n'ont modifié en quoi que ce soit la teneur des réponses.
Les ministres de droite reprenaient ainsi, à quelques mots près, les termes utilisés par lun de leurs prédécesseurs de la majorité de gauche, les 16 octobre 1997 et le 16 avril 1998. Les seuls arguments invoqués pour justifier le refus dinclure lespéranto étaient et restent invariablement le grand nombre de langues déjà proposées et le fait que lespéranto serait une langue sans culture, ce qui rejoint dailleurs en substance la réponse antérieure, déjà évoquée, faite par Mme Edith Cresson, Commissaire européenne française, le 17 mai 1995 au Parlement européen (voir ci-dessous, paragraphe 6.6.6).
La position de la France en cette matière a toujours été et reste extrêmement ambiguë, pour ne pas dire contradictoire. Alors qu'elle prône l'avancée de la francophonie en Europe et dans le monde au risque de paraître vouloir prendre le rôle hégémonique actuel de la langue anglaise, elle tend à lui mettre des bâtons dans les roues sur son propre territoire au profit du même anglais. Cela chagrine, entre autres, les Canadiens francophones, mais c'est un constat qu'amène à faire le comportement des ministres successifs de l'Éducation Nationale. Après une consultation nationale de grande ampleur, fin 2003 et début 2004, le rapport présenté en octobre 2004 par la commission Thélot préconisait avec plus de force encore que par le passé l'enseignement prioritaire et obligatoire de l'anglais dit "de communication internationale" dès l'école maternelle. Malgré la précaution oratoire, habituelle et de pure forme, de ne pas donner à l'anglais l'exclusivité il le situait pourtant comme indispensable j"pour le citoyen du XXIème sièclek" :
j" La commission attire l'attention sur deux savoir-faire proposés comme pouvant faire partie du socle commun des indispensables :
j" Le premier est l'anglais de communication internationale, qui n'est plus une langue parmi d'autres, ni simplement la langue de nations particulièrement influentes. Il est devenu la langue des échanges internationaux, que ce soit sur le plan des contacts scientifiques ou techniques, commerciaux ou touristiques. Il ne s'agit pas d'imposer l'anglais comme langue étrangère exclusive mais de considérer comme une compétence essentielle la maîtrise de l'anglais nécessaire à la communication internationale : compréhension des diverses variétés d'anglais parlées par les anglophones et les non-anglophones, expression intelligible par tous. Ne pas être capable de s'exprimer et d'échanger en anglais de communication internationale constitue désormais un handicap majeur, en particulier dans le cadre de la construction européenne.k"
Quelle que soit la part de vérité et de réalisme que contient cette dernière phrase, on peut regretter que les privilèges de la langue anglaise soient présentés comme un fait accompli, définitif, acceptable par définition et ne se prêtant à aucune alternative. L'apprentissage de l'anglais, en France, aurait ainsi reçu le même niveau de priorité que de savoir lire, écrire et compter :
j"À titre d'illustration, cependant, et pour éclairer des orientations possibles, le socle commun des indispensables pourrait comprendre les fonctions primordiales suivantes : lire, écrire, maîtriser la langue et les discours, compter, connaître les principales opérations mathématiques, s'exprimer (y compris en anglais de communication internationale), se servir de l'ordinateur, vivre ensemble dans notre République.k"
Cette politique risquerait de rendre l'étude de toute autre langue européenne inutile de fait. Adoptant dans son projet une attitude plus conforme aux intérêts nationaux et aux engagements européens, le Minsitre de l'Éducation nationale, M. François Fillon, s'est heureusement opposé à ce texte.
6.6.2. Lespéranto, langue morte ?
Laffirmation selon laquelle lespéranto serait une langue morte ne résiste pas à la vérification : elle est démentie sans appel par les milliers de lettres et de messages quotidiens sur Internet qui, contrairement aux conversations de vive voix, laissent des traces écrites, ainsi que par les milliers de sites affichés sur la Toile en espéranto. Restent pourtant quelques autres objections, qui méritent dêtre examinées de plus près.
6.6.3. Lespéranto, une menace pour la diversité culturelle ?
Nous avons déjà indiqué comment on peut réfuter largument selon lequel lespéranto mettrait en danger la diversité culturelle (chapitre 6.3). Mais relevons demblée quil est diamétralement opposé à une autre objection, beaucoup plus fréquente, au point de devenir lancinante, et que nous évoquons ci-dessous (paragraphe 6.6.6) : lidée que lespéranto est une langue sans culture.
6.6.4. L'espéranto langue crée par un juif pour servir la cause des juifs ?
Incontestablement l'espéranto est né de l'initiative d'un juif. Celui qui disait lui-même qu'il n'en était que l'initiateur sentait bien que ses origines personnelles pouvaient conférer au groupe encore restreint des locuteurs de sa nouvelle langue une image collective qu'il ne voulait pas lui voir attribuer. Les divers nationalismes et particularismes exacerbés qui avaient assombri sa jeunesse lui faisaient même craindre les effets d'un quelconque nationalisme et pas seulement celui des juifs. Il ne voulait transmettre rien d'autre qu'une langue porteuse d'amitié entre les peuples, à tel point qu'il déclina en ces termes, le 30 juin 1914, l'invitation à participer à la réunion de fondation de la Ligue Mondiale des Espérantistes juifs, qui devait se tenir à Paris :
Je ne peux malheureusement pas vous donner mon adhésion. Suivant mes convictions, je suis "homarano" [= membre de l'humanité] et ne peux adhérer aux objectifs et aux idéaux de quelque groupe ou religion que ce soit
Je suis profondément convaincu que tout nationalisme ne peut apporter à lhumanité que de plus grands malheurs et que le but de tous les hommes devrait être de créer une humanité fraternelle. Il est vrai que le nationalisme des peuples opprimés en tant que réaction naturelle de défense est bien plus pardonnable que celui des oppresseurs ; mais si le nationalisme des forts est ignoble, celui des faibles est imprudent
Lun engendre lautre et le renforce, et tous deux finissent par créer un cercle vicieux de malheurs dont lhumanité ne sortira jamais à moins que chacun de nous ne sacrifie son propre égoïsme de groupe et ne sefforce de se placer sur un terrain tout à fait neutre
Cest pourquoi bien que je sois déchiré par les souffrances de mon peuple je ne souhaite pas avoir de rapports avec le nationalisme juif et désire nuvrer quen faveur dune justice absolue entre les êtres humains. Je suis profondément convaincu que, ce faisant, je contribuerai bien mieux au bonheur de mon peuple que par une activité nationaliste."
La stricte neutralité qui lui tenait à cur avait été soulignée dès 1905 dans la "Déclaration sur l'espérantisme" adoptée au premier Congrès universel, (fff) à Boulogne-sur-Mer, et reproduite au paragraphe 3.3 ci-dessus.
6.6.5. Lespéranto, langue strictement européenne ?
Largument qui présente lespéranto comme une langue exclusivement issue de l'Europe et destinée à lEurope centrale donc dépourvue d'intérêt pour le reste du monde mérite toute notre attention. Certes, les Asiatiques, par exemple, apprennent généralement la langue moins vite que les Européens. Mais si l'on considère, d'une part, que rares sont les Européens et les Américains qui envisagent dapprendre une langue asiatique, et que, d'autre part, il nexiste pas de langue internationale fonctionnant bien qui intègre équitablement des éléments puisés dans les différentes cultures de ce monde, on conclura que, dans un premier temps tout au moins, lespéranto peut être pour l'Asie une alternative à langlais et au français, qui sont des langues nettement plus difficiles à assimiler pour les habitants de cette partie du monde. Que lon pense, par exemple, aux difficultés de lorthographe et de la prononciation de langlais et aux difficultés des verbes irréguliers du français. Lespéranto na que douze terminaisons pour les verbes, contre 2450 en français. On a vu que la facilité de l'espéranto tenait à trois principes : la régularité de sa grammaire, le système de formation des mots et le caractère international du lexique fondamental. Il va de soi que les deux premiers principes présentent des avantages pour tous, y compris pour ceux dont la langue maternelle nest pas indo-européenne. Par ailleurs, n'oublions pas que la plupart des langues non-indoeuropéennes, à l'exception du chinois, utilisent un nombre considérable de mots empruntés à l'Occident : "hôtel" se dit otel en turc, hotel en indonésien, hoteru en japonais, hoteli en swahili. Des mots comme "aluminium", "atome", "télévision", "démocratie", etc., n'imposent pratiquement aucun effort de mémorisation à la majorité des habitants de la planète. À ce sujet, voir Claude Piron, "Langue occidentale, l'espéranto ? " (http : //www.geocities.com/c_piron).
Le fait que lespéranto soit plus facile à apprendre que les autres langues pour les Asiatiques avait dailleurs été mentionné dans un rapport présenté à lAssemblée générale de la Société des Nations, à Genève, en septembre 1922 :
j"Les délégués orientaus ont fait observer que l'espéranto constituait pour les élèves de leur pays un type simplifié des langues européennes qui leur servait ensuite de clef pour comprendre les autres. En deux ans un jeune Chinois apprend l'espéranto, tandis qu'il lui en faut six pour apprendre l'anglais, et plus encore pour étudier le français..k"
Ces données émanent de personnes qui ont enseigné l espéranto et qui pourraient être soupçonnées de manquer d objectivité. L expérience générale montre cependant que la langue de Zamenhof facilite la compréhension mutuelle bien au-delà des frontières de lEurope. On en a vu un exemple ci-dessus dans l'article de Kimura Goro.
Beaucoup dEuropéens ont pris conscience de cette réalité lors de divers congrès utilisant lespéranto tenus en Asie et en Afrique, comme par exemple le 56ème IJK () de Hong-kong en août 2000. Bien que le niveau moyen de maîtrise de la langue fût inférieur à celui des réunions européennes, on y rencontrait cependant un nombre considérable de Japonais, de Chinois, de Coréens, etc., qui possédaient parfaitement l'espéranto et qui expliquaient que ce dernier nétait pas seulement bien plus facile que langlais, mais quil sassimilait plus vite que les autres langues asiatiques. Lenthousiasme que manifestent de nombreux jeunes Asiatiques pour lespéranto donne à penser quen Asie, autant quen Europe, on laccepterait volontiers comme solution aux problèmes linguistiques.
Les deux principales objections opposées de nos jours à lespéranto sont les suivantes :
- Il ny a pas de culture associée à la langue.
- Les chances quelle a dobtenir ladhésion générale des populations sont faibles.
6.6.6. Lespéranto, langue sans culture ?
Cette objection est d'autant plus surprenante que les partisans de lespéranto font très attention à ne jamais le présenter comme se situant sur le même pied que les langues nationales officielles, encore moins comme une langue unique qui remplacerait les autres, mais ne le proposent jamais que comme langue auxiliaire, langue-pont, cest-à-dire comme un moyen précis, simple et efficace, facile à maîtriser, dassurer une communication de qualité entre personnes de langues différentes.
On pourrait demander quel besoin lUnion Européenne aurait dune culture supplémentaire, elle qui, avec ses 20 langues officielles et de nombreuses autres non officielles, associées chacune à une culture propre, pourrait se plaindre dun trop-plein et non dun manque. Mais lobjection revient de plus en plus souvent dans la bouche des hommes politiques. C'est pourquoi, qu'elle soit ou non pertinente, il importe de souligner quelle nest pas fondée et de le démontrer.
Notons en passant que cet argument a un relent de mauvaise foi: létude généralisée de langlais doit plus au dollar quà Shakespeare, et le marché, comme lembauche, sembarrassent fort peu de culture, sinon de celle du profit.
Il est vrai que la culture associée à lespéranto ne présente pas la même richesse que celle des grandes langues nationales. Mais cest une langue très jeune, elle a à peine plus dun siècle. Or, en un laps de temps aussi bref, elle a réussi à produire des dizaines de milliers de livres et dopuscules, de la prose, de la poésie, en version originale ou en traduction. Et cette culture-là pourrait rapidement senrichir si lespéranto était mieux connu et était soutenu par les États et les organisations internationales.
Ce nest pas toujours laspect quantitatif du manque de culture qui est mis en cause mais aussi, et au premier chef, laspect qualitatif. On prétend que
j"la culture de l espéranto est sans âmek"
À cette critique on peut répondre que l espéranto a grandi dans le terreau culturel de l Europe et son âme est avant tout celle des cultures européennes . Et de citer des écrivains qui ont marqué la langue de leur personnalité, tel Kálmán Kalocsay, qui, faisant l éloge du Polonais Kazimierz Bein (Kabe), auteur de traductions tout à fait remarquables et du premier dictionnaire entièrement en espéranto, dit :
j"L âme de la langue vit dans son style irréprochable et débordant d inspirationk"
Le philosophe Rudolf Carnap (1891-1970) a appris l espéranto vers l âge de 14 ans. Voici son témoignage :
j"Participant à un congrès international en espéranto, quelques années plus tard, j ai cru à un miracle, quand jai vu avec quelle facilité je pouvais suivre les débats et les discussions dans les grandes assemblées publiques et aussi engager des conversations personnelles avec des étrangers de tous horizons, ce qui métait irréalisable dans les langues étudiées à lécole pendant de nombreuses années. Un point culminant du congrès fut la présentation, en espéranto, de lIphigénie de Goethe. Écouter ce drame, dans un environnement inhabituel dans lequel des milliers de spectateurs, venus des quatre coins du monde, communiaient au spectacle, fut pour moi une expérience humaine riche en émotion. [...]
De telles expériences vécues ne contredisent-elles pas ceux qui affirment quune langue-pont internationale pourrait à la rigueur convenir pour des échanges commerciaux, voire scientifiques, mais pas pour des expressions personnelles, des discussions dans le domaine des sciences sociales et de la culture, et encore moins des romans et des drames ? Jai observé que la plupart des personnes qui tiennent de tels propos navaient aucune expérience concrète de la langue.k"
Le 10 septembre 1993, le PEN-Club international acceptait en son sein une section d auteurs publiant en espéranto à titre de membre de plein droit : cette association mondiale d écrivains reconnaissait ainsi la valeur de la littérature produite dans cette langue.
LÉcossais William Auld est un écrivain espérantophone réputé. Depuis 1998 il a été proposé à plusieurs reprises pour le Prix Nobel de littérature, à linitiative de la section "espéranto" du PEN-Club. Voici ce quil pense de lespéranto comme langue littéraire :
j"Bien des gens sont capables de traduire dans notre langue. Plus contestable est notre prétention d en faire la langue du monde la mieux adaptée à la traduction . Nombreux sont ceux qui ne veulent pas croire qu il est tout à fait possible d écrire des livres en version originale directement en espéranto, et plus particulièrement de la poésie.
Ces personnes disent et elles ont parfaitement raison - que pour écrire un poème il faut le vivre et le sentir directement dans la langue dans laquelle on le compose. Mais elles ne parviennent pas à imaginer que beaucoup de poètes, dans toutes sortes de pays, vivent justement les choses comme cela. Les personnes qui ont trouvé dans lespéranto un moyen particulièrement satisfaisant dexprimer leur sensibilité sont en fait nombreuses. Lamour que beaucoup portent à leur langue maternelle, les espérantistes, en grand nombre, le vouent aussi à lespéranto, pour diverses raisons. Ceci est un fait, nen déplaise à certains nationalistes, et ce fait est à la base de la littérature originale écrite en espéranto.k"
Les ministres français de l'éducation ont à maintes reprises refusé d'admettre l'espéranto dans l'enseignement en prétextant qu'il était dépourvu de bases culturelles, historiques et littéraires. Cette position, répétée au fil des ans dans le Journal officiel en réponse à des questions parlementaires leur a valu des répliques particulièrement pertinentes et documentées de la part de personnes dont la compétence ne fait aucun doute. Deux de ces réponses sont reproduites à l'annexe 2. Le lecteur y verra que l'affirmation selon laquelle l'espéranto serait sans culture ne résiste pas à l'analyse des faits.
Terminons enfin ce paragraphe sur deux réflexions d'espérantophones captées sur le forum "Fenêtre sur l'Europe" les 27 et 28 juillet 2004 et qui nous paraissent frappées au coin du bon sens :
"
.je ne connais aucune langue qui ait de la culture ; c'est seulement un véhicule de la culture de la personne qui la parle" (Germain Pirlot)
et :
"Comme en agriculture, une culture sans récolte est vaine. L'espéranto rend possible la récolte de chaque culture du monde." (Grégoire Colbert).
Passons maintenant à une dernière objection :
6.6.7. Lespéranto langue sans avenir ? Simple utopie ?
Lespéranto naurait aucune chance, essentiellement par comparaison avec langlais.
Voilà un point de vue bien pessimiste. Les barrières linguistiques sont encore très solides et l idée de les abattre grâce à l espéranto est tout à fait actuelle.
j"Si les pessimistes faisaient notre monde, nous en serions encore à l époque des cavernesk"
écrivait l'espérantiste Brésilien Walter Francini dans son livre, publié en 1978, Esperanto sen antauxjugxoj, "L'espéranto sans préjugés" () . Dans la préface il disait:
j"Il est plus facile de faire tomber le mur de Berlin que d ôter un petit préjugé ancré dans la tête d un homme.k"
Onze ans plus tard le mur de Berlin tombait, mais les préjugés sur l espéranto subsistent. Francini pense que si un nombre suffisant de personnes s'emploient sans relâche et avec optimisme à populariser l espéranto, la force des faits finira par donner toutes ses chances à la langue.
Il attire notre attention sur lintroduction du système métrique, inventé en 1664, proposé dès 1791, qui sest très lentement imposé au fil des siècles, sans être encore adopté partout : les États-Unis et la Grande Bretagne ne lont adopté que partiellement. De même, en 2000 ans, le christianisme ne sest établi que lentement et seulement jusquà un certain niveau.
Comparant l'espéranto aux autres systèmes de communication internationale en vigueur (anglais, interprétation simultanée, etc.), dont il a eu une longue pratique professionnelle, Claude Piron écrit :
j"Peut-être l'homme est-il plus masochiste que je ne l'imagine. Peut-être l'idée de faire facilement, à peu de frais, quelque chose d'efficace selon un processus agréable n'a-t-elle aucune chance quand l'autre solution possible consiste à faire d'immenses efforts pour aboutir à une solution boiteuse, terriblement coûteuse et inefficace, en diffusant partout injustices et frustrations.k"
Un peu plus loin, le même auteur prend dans le passé récent plusieurs exemples qui devraient mettre le public en garde contre une fâcheuse propension, répandue chez bien des spécialistes, à croire l'avenir plus connaissable que ne le permet le nombre immense de combinaisons possibles de facteurs:
j"Les personnes qui classent l'espéranto parmi les utopies parlent comme si elles connaissaient l'avenir. Elles assument une position de prophète. C'est leur droit. Mais ont-elles prévu la crise pétrolière des années 70 ? Non ? Pourtant toutes les données étaient là, visibles pour tous. Ont-elles prédit l'élection d'un pape polonais ? Si oui, elles ont été plus fortes que tous les journalistes spécialisés dans les affaires vaticanes, qui ont écrit moult articles sur les papables, sans jamais deviner qui serait élu. Ont-elles dit, début novembre 1989, que le mur de Berlin allait s'écrouler, que l'Europe de l'Est abandonnerait le communisme, que l'URSS passerait à l'économie de marché et cesserait d'exister en tant qu'entité politique ? Si elles n'ont pas prévu ces événements, elles feraient bien d'y regarder à deux fois avant de se mettre à prédire ce qui sera possible ou non demain.k"
Pourtant aujourd hui, bien des locuteurs de langues européennes importantes accordent avec soumission la suprématie à langlais. C'est ainsi que le Ministre allemand des affaires étrangères, M. Joschka Fischer, déclarait en juillet 2000, dans Die Zukunft der auswärtigen Kulturpolitik "L'avenir de la politique culturelle étrangère" ()
j"Au lieu de faire vainement concurrence à l anglais lingua franca, (selon l expression désormais consacrée), utilisons plutôt notre énergie pour renforcer l allemand dans son rôle de deuxième langue étrangère.k"
La responsable de l Alliance Française à Bruxelles s est montrée encore plus défaitiste :
j"Vu l importance que prend l anglais, il devient absurde de s employer à faire connaître la culture françaisek" !
Le rapport Thélot, déjà cité, sur le sort réservé à l'école du XXIème siècle en France rejoint piteusement ce propos :
j"Vouloir contrarier cette dynamique est sans doute un exercice vain et illusoire ; vouloir retarder l'apprentissage universel de l' « anglais de communication internationale » conduit à exclure les plus défavorisés des citoyens européens de la communauté de communication européenne, et donc de la mobilité.k"
Malgré cette influence de l anglais, apprendre l allemand ou le français peut s avérer très profitable. De même, les défenseurs de l espéranto, ici et là, insistent sur l utilité de leur langue, même comme simple outil de communication pour une minorité. Après un apprentissage peu stressant, qui peut aussi être valorisant, on voit souvrir un monde nouveau : des contacts amicaux se créent et, tout doucement, une meilleure compréhension sétablit entre les peuples.
Alors que certains soulignent aujourdhui que lespéranto nentend nullement concurrencer langlais, dautres font remarquer que son avenir dépend de décisions politiques. Umberto Eco raconte que bon nombre dAlbanais et de Tunisiens ont appris facilement litalien, tout simplement en regardant la télévision dans cette langue. Selon lui, il serait encore beaucoup plus facile dhabituer les diverses populations à lespéranto. Une décision politique, accompagnée dune campagne internationale dinformation sur lespéranto, par les moyens habituels de communication, pourrait conduire à une rapide expansion de cette langue. Il ajoute :
j"Si cette décision politique n a pas encore eu lieu et qu elle est apparue comme étant très difficile à solliciter, cela ne veut pas dire qu elle ne puisse pas être prise dans l avenir.k" .
C est vrai, l espéranto serait beaucoup plus populaire s il recevait une aide financière des pouvoirs publics et bénéficiait du soutien moral des instances politiques et religieuses. En Allemagne, lÉtat, les États fédéraux, les villes et les communes ont dépensé en 1998 environ 170 milliards deuros pour léducation, la recherche et la science. On peut supposer que, sur cette somme, 10 milliards deuros ont étés consacrés directement ou indirectement à la promotion et à lenseignement de langlais. Comparons avec le budget des organisations pour lespéranto : en 2000, la Germana Esperanto-Junularo (GEJ), "Jeunesse espérantophonee allemande", la Germana Esperanto-Asocio (GEA) (dd), "Association allemande pour l'espéranto" et dautres organisations allemandes soccupant despéranto nont pu dépenser, en tout, que 150.000 euros. Il est clair quen Allemagne, en tenant compte des apports venant des entreprises privées, langlais a bénéficié de près de 100.000 fois plus de moyens. Que cette proportion change et lespéranto pourrait connaître des jours meilleurs.
A la question de savoir si un jour lespéranto pourrait être la langue internationale la plus utilisée, la meilleure réponse est peut-être : Comment savoir si lespéranto aura un jour la faveur générale ? Je ne sais pas, lavenir nous le dira, mais pourquoi pas ? En tout cas, cela vaut la peine, c'est mon désir et cest pourquoi juvre dans ce sens.
Espérons que beaucoup de personnes, ne se contenteront pas dapprouver lopinion suivante, malheureusement un peu pessimiste, dUmberto Eco, mais y verront aussi un encouragement à l action :
j"Si la tendance à l unification européenne va de pair avec la tendance à la multiplication des langues, l unique solution possible réside dans l adoption complète d une langue européenne véhiculaire.
j"Parmi toutes les objections, celle quavait formulée Fontenelle, à laquelle fait écho le discours dintroduction de DAlembert à lEncyclopédie sur légoïsme des gouvernements qui ne se sont jamais distingués dans la détermination de ce qui était bon pour lensemble de la société humaine, est encore valable. Même si une LIA [Langue Interanationale Auxiliaire] était une exigence incontournable, une assemblée mondiale qui na pas encore réussi à se mettre daccord sur les moyens pour sauver durgence la planète de la catastrophe écologique ne semble pas disposée à soigner de manière indolore la blessure que Babel a laissée ouverte.k"
7. Perspectives
Selon le P. Josef Grabmaier, prêtre à Munich, l espéranto est : j"le plus beau cadeau que l Église catholique pourrait faire au monde.k" Au premier abord, cette opinion peut paraître exagérée, vu quil existe au monde beaucoup de problèmes autrement plus importants que celui de la langue.
Le Pape, les évêques et les prêtres font souvent aux fidèles (et aussi parfois aux non croyants) des propositions qui méritent dêtre respectées. Sans lombre dun doute, ils stimulent les hommes à se tourner vers Jésus-Christ, à aimer Dieu et leur prochain.
Sil est certain que lespéranto na pas à prendre place au cur de ces idéaux, il peut cependant aider à les vivre. Ne vaut-il pas la peine dencourager les gens à apprendre et à pratiquer une langue comme celle-là, qui met en jeu autre chose que de simples efforts de mémorisation ? Proposer dapprendre lespéranto nest pas seulement quelque chose de très concret, cest aussi quelque chose de totalement novateur. Comme on la vu dans les chapitres précédents, lespéranto peut réduire les obstacles sur le chemin de la compréhension et de la paix. Les Églises chrétiennes ont souvent été amenées à réconcilier des peuples ennemis. Au printemps 1999, avant et pendant la guerre du Kosovo, de même début 2003 avant la guerre d'Irak, le Pape Jean-Paul II usa de toute sa diplomatie et appela à la paix, à chaque cérémonie, au cours daudiences ou à travers ses messages, pour que, de part et dautre, les belligérants retrouvent la voie de lamour et de la paix. Hélas, ce sont les armes qui ont eu le dernier mot dans ces conflits.
Il paraît assez clair désormais que les Églises chrétiennes en général et l'Église catholique en particulier ont pris une longueur d'avance sur la société civile dans leur perception de l'utilité d'une langue telle que l'espéranto.
Quant à lélargissement de lUE vers l'Europe centrale, il est intéressant de constater que les pays nouvellement admis ont des groupes espérantistes plus nombreux et plus actifs que les États membres plus anciens. Il y a là une nouvelle raison d'espérer.
Les espérantistes espèrent une telle occasion depuis longtemps. Par exemple, ils rêvent du jour où lUnion Européenne envisagerait sérieusement dy recourir, où lUEA (u) recevrait le prix Nobel de la paix, où lécrivain William Auld remporterait le prix Nobel de littérature, où un homme politique réputé, se prononcerait résolument en sa faveur (et ce, pas seulement par des écrits de circonstance comme on en voit surtout en périodes électorales). L'édition originale du présent ouvrage, en espéranto, comportait à la suite des mots "homme politique réputé", dans la phrase précédente, les mots "voire un chef d'État". Nous venons de supprimer ce deuxième souhait, avec un plaisir non dissimulé, puisque c'est une réalité depuis l'accession du nouveau président autrichien à la présidence de son pays (voir le paragraphe 6.2.6.). L'entrée au Parlement européen d'une jeune députée polonaise espérantophone au cours de cette même année 2004 (voir paragraphe 6.2.5.) en compagnie d'un deuxième député, polonais lui aussi, éminent universitaire et homme politique confirmé, qui a appris cette langue dans sa jeunesse et en souhaite l'usage au sein du parlement européen, ajoute à notre satisfaction et à nos espoirs. En effet les défenseurs de l'espéranto au sein de cette assemblée étaient jusqu'ici essentiellement des personnes qui n'avaient pas une expérience de la langue et qui ne pouvaient argumenter qu'en fonction de la conviction de leurs amis, et non de leur vécu personnel.
L'initiative pourrait aussi venir de lÉglise catholique si elle acceptait lespéranto en remplacement du latin, évidemment pas dans ses archives "multiséculaires", mais dans sa fonction de communication internationale. Il ne serait pas nécessaire (et sans doute pas possible) dappliquer du jour au lendemain lespéranto dans les synodes épiscopaux et les rencontres de ce type, mais lenvisager comme un objectif pour un proche avenir pourrait être une première étape significative. Si, dès à présent, le Pape, les évêques et les institutions religieuses encourageaient publiquement les chrétiens à apprendre lespéranto, leur prise de position ferait beaucoup pour mieux faire connaître la langue et accroître sa popularité. Comme on la vu dans le cas dautres inventions, par exemple le fax et lInternet, ce sont les utilisateurs qui font progresser lusage. Et si le nombre dusagers de lespéranto atteignait un certain seuil, une certaine masse critique, lidée même de cette langue cesserait de faire sourire.
Bien sûr, si lÉglise catholique faisait publiquement un nouveau pas en faveur de lespéranto, elle rencontrerait une certaine résistance. Les contributions que propose lÉglise ne sont pas toutes acceptées de bon cur. On peut tout de même espérer que son exemple porterait. Si nous avons foi en cela, nous pouvons approuver lexpression du P. Grabmaier. Pourquoi, de nos jours, y a-t-il tant de personnes qui ne parlent pas lespéranto ? Tout simplement parce quelles nen ont jamais entendu parler, ou, si elles savent vaguement de quoi il sagit, parce quelles ignorent que cest une langue bien vivante. Dautres aimeraient lapprendre mais ne trouvent pas de cours à portée de leur domicile. Pourtant, dans bon nombre de villes, il y a des personnes capables de lenseigner. Il reste que ce nest pas un enseignement proposé dans les écoles et souvent les groupes despéranto n'en organisent pas faute dune demande suffisante. Les internautes ayant un tant soit peu de volonté disposent cependant avec ce média d'un moyen efficace, tout au moins pour ce qui est de l'écrit. Il leur reste à acquérir ensuite la rapidité nécessaire à la conversation. La situation pourrait changer du tout au tout, si, moyennant une occasion favorable, lintérêt pour la langue se réveillait.
Aujourdhui la plupart des gens, ou nont aucune idée de ce quest lespéranto, ou en ont une idée fausse. Cest vraisemblablement pour cela, plus que pour des raisons objectivement justifiables, que lespéranto na pas encore recueilli lagrément général. Lécrivain Umberto Eco a avoué que pendant des dizaines dannées il navait pas pris cette langue au sérieux. Ce nest que lorsquil sest documenté pour préparer son étude sur La recherche de la langue parfaite dans la culture européenne quil a été amené à en faire une analyse plus approfondie. Et on la vu ci-dessus il a donné dans cet ouvrage une présentation globalement positive de lespéranto, réfutant presque toutes les objections quil est possible dimaginer.
LÉglise catholique et les autres Églises chrétiennes se trouvent devant un choix : ou bien laisser aux laïcs la question de la politique linguistique, ou bien intervenir par des propositions, idées ou recommandations. Si lÉglise laisse totalement aux chefs dÉtat, ministres de la culture et parlementaires le soin de gérer la question linguistique, elle laissera en fait le champ libre aux grands trusts et aux multinationales. On voit aisément que le droit à légalité linguistique na rien dune priorité pour ces entreprises ; la diversité culturelle est plutôt une entrave à leurs profits. Cest pourquoi, il serait souhaitable que lÉglise intervienne aussi dans les débats consacrés à la politique linguistique. Avec la présidence de la COMECE assurée par le P. Miloslav Vlk, cardinal archevêque de Prague (ann. 1 a, fiche 51), comme on l'a vu au paragr. 6.2.3, cela peut très bien se produire.
L'espéranto pourrait fort bien aider à répondre aux besoins et exigences dont le concile Vatican II a pris conscience, en participant à l'effort de diffusion mondiale de la "Bonne Nouvelle", dans une unité linguistique reflétant l'unité de la Foi tout en préservant les diversités que le P. Jakubinyi, (ann. 2 b fiche 74), a plusieurs fois soulignées auprès de ses frères dans l'épiscopat.
Martin Luther aurait, paraît-il, affirmé :
j"Si j apprenais que la fin du monde est pour demain, je planterais encore aujourd hui mon pommierk".
Il est paradoxal de constater que bien des personnes qui ont le plus grand respect pour cette phrase continuent néanmoins à se dire :
j"j apprendrais l espéranto aujourd hui si je savais avec certitude que cette langue, demain, sera adoptée partoutk".
En fait, il est très réjouissant qu il y ait, malgré tout, des gens qui apprennent, outre les langues qui peuvent leur apporter les plus grands avantages personnels, une langue dont lunique attrait est quelle peut être, un jour, dune grande utilité pour lhumanité. En faisant quelque chose dutile au bien de tous, on saperçoit souvent, que, somme toute, on sest rendu service à soi-même. Cest souvent lexpérience que font ceux qui apprennent lespéranto : comme il semble ne devoir avoir aucun impact sur leur vie de tous les jours et leur vie professionnelle, ils ne lapprennent que par idéalisme. Mais après lavoir étudié, ils saperçoivent quil leur apporte un enrichissement personnel considérable et quil est une source intarissable de contacts profonds et agréables avec le monde entier, surtout s'ils sont également internautes.
Les espérantophones chrétiens demeurent fidèles à une vision quils appellent de tous leurs vux, celle dun monde où les humains, quelle que soit leur origine, pourraient dialoguer sans problème de langue, vision que l Église peut contribuer à réaliser par ses encouragements et ses prises de position.
Claude Piron a écrit à ce sujet :
j"Il y a dans les phénomènes sociaux une masse critique qui fait basculer d'une tendance à une autre. L'espéranto présente tous les signes d'une évolution vers cette masse critique. Sa progression sur tous les fronts est telle qu'il est tout à fait vraisemblable qu'il s'approche du seuil où tout basculera.k"
Parmi les indices qui donnent à penser que cette vision est réaliste, on peut citer la croissance constante de l'utilisation de l'espéranto sur l'Internet (paragraphe 2.4.2), ainsi que le score inattendu obtenu par l'amendement Dell'Alba en séance pleinière du Parlement européen en avril 2004 (paragraphe 6.2.6).
Cela dit, les chrétiens qui se méfient des conceptions visionnaires et entendent se fonder uniquement sur du solide et du vérifiable peuvent découvrir dès aujourdhui une réalité tout aussi belle: une communication internationale aisée dans le respect de chacun et dans un esprit de fraternité, agrémentée de nombreuses occasions de suivre Jésus-Christ.
Laissons au P. Karel Ot
enáaek, archevêque de Hradec Králové, le soin de conclure :
j"Une des plus importantes intentions et réalisations du concile Vatican II est l idée nouvelle dune évangélisation adaptée aux temps modernes, dans lesprit de laggiornamento ["mise à jour"], dun dialogue avec le monde. Pour ce dialogue nous disposons dun outil dexception, la langue supranationale, lespéranto, qui ne confère à personne de supériorité et nécrase personne. Nayons pas peur dadopter cet outil pour déployer lamour de Dieu parmi les hommes.k"
8. Annexes
Annexe 1 a : 55 cardinaux ayant approuvé l'espéranto
Bernard-Jean Alfrink (1900-1987, 1960). Archevêque d'Utrecht, président de la Conférence épiscopale des Pays-Bas et président international du mouvement Pax Christi ("Paix du Christ"). Au P. Jerzy Korytkowski, qui avait consacré un long mémoire de licence (Université Antonianum, Rome), publié en 1973, à l'cuménisme et au problème de la langue internationale (bilingue espéranto-anglais), le cardinal Alfrink a envoyé une lettre de félicitations, qu'il a rédigée en espéranto.
Léon-Adolphe Amette (1850-1920, 1911). Archevêque de Paris. Il reçut Claudius Colas le 21 août 1909. Après avoir feuilleté un numéro d'Espero Katolika (n) et posé quelques questions, il dit : "Puisse votre langue seconde être très utile pour l'union des catholiques et pour la diffusion de la Vérité ! Il est évident que si nous avions eu au dernier congrès catholique de Cologne une langue commune, la compréhension mutuelle aurait été beaucoup plus facile." En 1914 il mit une salle de l'Hôtel des uvres diocésaines (76 rue des Saints Pères) à la disposition du groupe "Notre-Dame de l'Espérance", qui y tenait, le 4e dimanche du mois, une réunion animée par le Père Comptour. Et il approuva le programme prévu pour les catholiques à l'occasion du 10e Congrès universel d'espéranto qui devait avoir lieu à Paris en août 1914, avec messes à Notre-Dame (le dimanche) et au Sacré-Cur (le mercredi, qui aurait été célébrée par Mgr Foucauld, évêque de Saint-Dié). (Pour son indulgence plénière aux congressistes de 1910 à l'Institut Catholique, voir au chapitre 4.1)
Antonio Maria Barbieri (1892-1979, 1958), OFM Cap. (Ordre des Fréres Mineurs Capucins). Archevêque de Montevideo, a signé la pétition à l'ONU et a écrit: j"(...) Nous considérons l'espéranto avec le plus grand plaisir, car il réunit toutes les conditions exigées d'une langue internationale et ne touche d'aucune manière aux langues existantes, chargées de beauté et de gloire. Pour ces motifs nous souhaitons formellement que l'effort fait en faveur de l'espéranto aboutisse à un plein succès et trouve un appui auprès des organisations qui exercent une influence sur la culture mondiale ; c'est ce que nous espérons, avec l'aide de Dieu.k"
Alfred-Henri-Marie Baudrillart (1859-1942, 1935), OSFN (Oratoire de Saint Philippe de Néri). Archevêque de Paris, alors qu'il n'en était encore que le Recteur de l'Institut Catholique, accepta en 1910 la présidence d'honneur du premier Congrès International des Catholiques Espérantistes, ce qui lui valut de nombreuses attaques, en particulier par deux journalistes du Gil Blas (dans quatorze numéros !). Candidat à l'Académie française, à laquelle il finira en effet par être élu en mai 1918, il se crut même obligé de préciser : j"Ni Mgr l'Archevêque de Paris [le Père Amette, cardinal (fiche 2)] ni moi ne sommes espérantistes : je ne sais pas un mot d'espéranto. (& ) En agissant comme je l'ai fait, je crois n'avoir fait acte ni de mauvais catholique ni de mauvais français. Cela m'a suffi, dussé-je en souffrir quelque peu.k"
Giacomo Biffi (né en 1928, 1985). Archevêque de Bologne. Il a reçu en audience le président de l'IKUE (C) et le président de sa section italienne (les Pères Magnani et Ciccanti respectivement) le 21 janvier 1986, les accueillant par : j"Esperanto estas internacia lingvok" "L'espéranto est une langue internationale." Il expliqua qu'il se souvenait de cette phrase depuis le temps où il était écolier, car il avait alors eu l'occasion de s'intéresser à l'espéranto. Le 31 août de la même année il lut aux participants catholiques du 57e congrès italien d'espéranto un télégramme de Jean-Paul II et ajouta : j"Vous vous efforcez, au moyen de la langue internationale espéranto, d'enlever les barrières linguistiques qui, en particulier dans les temps actuels, divisent les habitants de la terre. C'est un noble but, que l'Église bénit de tout cSur.k" A noter qu'il avait été ordonné évêque par le cardinal Colombo (fiche 9), qui connaissait suffisamment d'espéranto pour dire le Notre Père en cette langue.
Jaime de Barros Câmara (1894-1971, 1946). Archevêque de Rio de Janeiro, président de la conférence épiscopale du Brésil. Il a écrit la préface d'une brochure de 31 pages en espéranto, "Pour un monde meilleur" (publié par l'Institut Brésilien de Géographie et de Statistique à l'occasion du congrès mondial des Catholiques espérantophones, qui se tint à Rome pour l'Année Sainte 1950). Ayant ensuite reçu en audience privée les responsables de la Ligue Brésilienne d'Espéranto, il a déclaré : j"J'accorde mon entier soutien à une entreprise comme la vôtre, car elle est vouée au bien de l'humaniték". Organisateur du 36e Congrès eucharistique international, il a lui-même autorisé la publication, en espéranto, des actes du 3e Rassemblement eucharistique espérantophone mondial qui avait eu lieu dans le cadre du congrès. Et il a accepté d'être membre du Comité de patronage international pour l'année Zamenhof (1959).
Bonaventura Cerretti (1872-1933, 1925). Secrétaire de la "Congrégation des Affaires extraordinaires" (devenue le Conseil pour les Affaires publiques de l'Église), envoyé spécial à la Conférence de la Paix de Paris (1919), puis nonce apostolique en France. Quelques mois seulement avant d'être créé cardinal par le pape, il accepta d'être le haut protecteur du 10e congrès de l'IKUE (C), qui se tint à Paris du 13 au 16 août 1925. : j"C'est de tout cSur que j'envoie dès à présent ma bénédiction à une Suvre qui veut profiter de l'extension toujours croissante de la langue espéranto afin de propager d'avantage l'Evangile et mieux défendre la cause de l'Église.k"
Alexis-Armand Charost (1860-1930, 1922). Recteur de l'Institut catholique de Lille puis archevêque de Rennes, et légat du pape à plusieurs occasions. j"De tout cSur Son Eminence bénit les travaux du Xe Congrès international des Espérantistes Catholiques et accepte de faire partie du Comité de Patronage& k"
Giovanni Colombo (1902-1992, 1965). Archevêque de Milan. Recevant, le 17 juillet 1972, une délégation du 34e congrès d'IKUE (C), il dit : j"Je vous demande pardon de devoir répondre en italien ; dans mes paroles je mets cependant tout mon cSur. (& ) Votre idéal m'est très cher car cette langue traduit le désir de l'Église, que dans le monde existe une unique langue [commune] pour l'unique famille [humaine], cette langue traduit l'intérêt de l'Église pour le mouvement cuménique et son désir que dans le monde se forme une unique Église et une foi unique. Après votre entrée officielle dans la liturgie, c'est aussi comme espérantistes que vous êtes de plein droit citoyens de l'Église. L'espéranto aplanira les chemins, neutralisera les épineuses difficultés qu'on y rencontre, vers l'unité et la compréhension mutuelle. A vous vont donc mes meilleurs vux. Le Très-Haut a ordonné à l'homme de se soumettre la terre et les animaux, et je pense donc aussi les langues : pour faire tomber de nombreuses barrières. Je suis certain que votre but ne sera atteint que lorsque votre action ne restera pas dans le domaine des questions de langues, mais se déploiera dans la vie pratique par le témoignage, l'action caritative et la fraternité chrétiennes. Toute langue n'a pas le droit de devenir internationale comme l'a la vôtre, qui est neutre et ne comporte pas d'intérêts nationaux. (
) La tour de Babel aussi était le fait de l'orgueil humain. Vous pouvez guérir les maladies qui en résultent, par votre inlassable action pour la fraternité et pour la compréhension mutuelle entre les hommes.k" Le cardinal pria ensuite avec les congressistes, en disant le "Notre Père" en espéranto, avant de leur donner sa bénédiction.
Andrzej Maria Deskur (né en 1924, 1985). Président de l'Académie Pontificale de l'Immaculée Conception. Président de la Commission pontificale pour les Communications sociales, il a reçu en audience, le 25 juin 1976, une délégation de l'IKUE (C), qui a j"pu constater qu'il était complètement favorable à l'espérantok", j"devenant tout de suite concret et regardant les possibilités de l'espéranto dans le domaine religieuxk" ; y compris j"la proposition d'une édition hebdomadaire [en espéranto] de L'Osservatore Romanok"(jj) (ce projet n'aboutit pas, faute d'avoir trouvé 5.000 abonnés pour le lancement).
Louis-Ernest Dubois (1856-1929, 1916). Archevêque de Paris. Bien que ce ne soit presque certainement pas lui mais son évêque auxiliaire, le Père Chaptal, qui ait accepté le patronage du congrès espérantiste catholique d'août 1925, il est peu probable que sans son accord une messe aurait pu être célébrée à Notre-Dame à l'intention des congressistes, j"tandis qu'ils faisaient retentir les antiques voûtes de la cathédrale de cantiques en leur langue chantantek" ; ou que j"les espérantistes, précédés de leurs drapeaux étoilésk" auraient pu se rendre à la cérémonie de clôture du congrès j"dans la Basilique du Sacré-CSur de Montmartre, remplie d'une foule compactek", avec j"les chants du salut du Très Saint-Sacrement (& ) pour la plupart, en espérantok". Et c'est en tout cas à lui qu'a été adressée la réponse télégraphique du Vatican (envoyée au nom du pape par le Père Gasparri cardinal de la Curie romaine) accordant, aux j"espérantistes catholiques réunis Paris pour Xe Congrès internationalk", la j"Bénédiction Apostolique imploréek" ; que le Saint-Père, est-il précisé, j"leur envoie de cSur, par votre intermédiaire.k"
Roger Etchegaray (né en 1922, 1979). Archevêque de Marseille, président de la Conférence épiscopale française, premier président de la Conférence épiscopale européenne et président de la Commission pontificale "Justice et paix" et du Conseil pontifical "Cor unum" (humanitaire). Il a écrit le 2 mai 1989 au président de l'IKUE (C) : j"Révérend Père Magnani, (& ) vous m'avez amplement présenté les idéaux qui animent les espérantistes catholiques. Il s'agit d'idéaux que partage le Conseil pontifical "Justice et Paix", et qu'il s'efforce quotidiennement de promouvoir : c'est donc avec bienveillance qu'il considère le travail de tous ceux qui Suvrent pour la paix, la fraternité, la compréhension internationale et la communication entre les peuples.k"
Maurice Feltin (1883-1975, 1953). Archevêque de Paris. A la demande du Père Camille Duvaux, (Curé de Saint-Jean-l'évangéliste à Monmartre, Chanoine honoraire de Paris, Blois et Albi, et Président d'honneur de la Ligue française des espérantistes catholiques), il accepta d'être l'un des Présidents d'honneur du 35e Congrès universel d'espéranto (1950) ; et de patronner trois ans plus tard le congrès de l'IKUE (C), comme en témoigne cette lettre inédite, de l'Archevêché de Paris qui lui fut adressée : j"Paris, le 22 mai 1953, Cher Monsieur le Curé, Je suis heureux de vous informer que Son Éminence accepte volontiers de faire partie du Comité d'Honneur du prochain Congrès International catholique des Espérantistes, qui doit se tenir, dans le courant de l'été, à Paris et Lourdes. Je vous prie d'agréer, cher Monsieur le Curé, l'assurance de mes sentiments les plus confraternels et les plus dévoués. [signé :] Mgr Raymond Touvet.k"
Le Bienheureux Andrea Carlo Ferrari (1850-1921, 1894). Archevêque de Milan, béatifié par Jean-Paul II en 1987 (l'année du centenaire de l'espéranto). Il aurait écrit : j"Vu les succès remportés par l'espéranto, il faut que cette langue contribue à la gloire et à la diffusion de la religion catholique.k"
Joseph Frings (1887-1978, 1946). Archevêque de Cologne, président de la Conférence épiscopale allemande. Il envoya en août 1951 un télégramme saluant le 23e Congrès international des espérantistes catholiques, qui s'étaient réunis à Munich dans le cadre du 36e UK (fff) et qui reçurent aussi un télégramme de Pie XII et des lettres de quatre archevêques et huit évêques.
Andreas Frühwirth OP (Ordre des prêcheurs = Dominicain) (1845-1933, 1915), Maître général des Dominicains (ainsi que les Supérieurs majeurs des Capucins, le Père Michele Milwaucher, et des Franciscains, les Pères Pacifico Perantoni puis Costantino Koser), Nonce apostolique en Bavière, Grand Pénitenciaire puis Chancelier de la Sainte Église Romaine. En 1910, j"le Nonce de Bavière a eu la bonté d'attirer l'attention des évêques allemands [sur l'espéranto] et fera un rapport à Sa Sainteté le pape Pie X.k"
Pierre-Marie Gerlier (1880-1965, 1937), d'abord évêque de Tarbes et Lourdes, ordonné par le cardinal Dubois (fiche 11), puis archevêque de Lyon et primat des Gaules : j"Monsieur le Président, Je n'ai pas oublié les souvenirs que vous voulez bien rappeler, ni les circonstances où, à PARIS, puis à LOURDES, j'ai eu l'occasion de donner aux Espérantistes Catholiques un témoignage de sympathie. C'est donc bien volontiers que je renouvelle ce témoignage à l'occasion du Congrès que l'Union Internationale des Espérantistes Catholiques tiendra à Paris au mois d'Août, et qui sera suivi, cette fois encore, d'un Pèlerinage à Lourdes. Bien volontiers également, j'accepte de faire partie du Comité de Patronage, sous la seule réserve que S. E. le Cardinal FELTIN (fiche 13) et S. Exc. Monseigneur THEAS y figurent les premiers. Mais j'imagine facilement que cette condition est déjà réalisée. Veuillez croire, je vous prie, Monsieur le Président, à mon cordial et religieux dévouement. + Pierre-Marie Cardinal Gerlier, archev. de Lyon.k"
Girolamo Maria Gotti (1834-1916, 1895), OCD (Ordre des Carmes Déchaussés). Préfet de la Congrégation pour les Évêques et de celle pour la Propagation de la Foi (actuellement: pour l'évangélisation des peuples), j"conservateur au point de vue doctrinal mais réputé large d'esprit dans les questions politico-ecclésiastiquesk" (et qui avait été considéré comme l'un des trois candidats sérieux à la succession de Léon XIII). Il était certainement favorable puisque à l'occasion de la célébration à Rome de son jubilé sacerdotal, le 10 janvier 1907, en plus de poèmes en 31 langues, fut déclamée en espéranto une poésie originale, très applaudie. j"Dans la noble assistance se trouvaient de nombreux diplomates étrangers.k"
Henryk Roman Gulbinowicz (né en 1928, 1985). Archevêque de Wroclaw ordonné par le Père Wyszynski cardinal, (fiche 54). Il reçut de la section italienne de l'IKUE (C), le 10 mai 1986, quatre camions de denrées et produits variés. Il se montra très intéressé par les informations détaillées que lui donna alors le président de l'IKUE (C) sur les diverses actions des espérantophones catholiques, et promit son soutien à diverses initiatives, dont le congrès de l'IKUE prévu l'année suivante en Pologne.
Theodor Innitzer (1875-1955, 1933). Archevêque de Vienne et primat d'Autriche. Il célébra des messes solennelles pour le 18e congrès d'IKUE qui eut lieu en 1936 à Brno (Moravie) et pour le 28e Congrès universel, à Vienne, la même année (voir par. 4.3.). Il dit en 1950, sans doute lorsqu'il accepta de faire partie du Comité d'honneur du XXIIe Congrès international des espérantistes catholiques à Rome : j"Ce que tout catholique sincère désire du fond du cSur, c'est que dans le royaume du Christ, dans la sainte Église catholique et dans le monde règne la paix du Christ. Vous, catholiques [espérantophones], vous vous êtes mis concrètement au travail, par le lien unificateur de la langue commune. Soyez donc pionniers et protecteurs de la paix.k" Et il montre là une double fidélité, à la tradition de l'Église bien sûr, mais aussi à celui dont il a hérité le siège : j"Mon vénérable prédécesseur le cardinal-primat (...) Friedrich Gustav Piffl [fiche 37] (...), qualifiait en 1924 l'espéranto de "moyen valable pour la défense de la foi catholique". Je veux le répéter et le souligner et exprimer en même temps mon grand désir que l'espéranto, maintenant plus que jamais, serve comme outil et instrument spécialement pour l'uvre de paix catholique, si nécessaire et si urgente (...) Nous connaissons l'effet bénéfique du latin pour l'unité de notre Église catholique. Mais que l'espéranto soit utilisé comme moyen pratique de compréhension mutuelle : comme pont de peuple à peuple, de personne à personne, en particulier au service de l'apostolat, au service du véritable apaisement du monde.k" Deux ans et demi avant sa mort, celui qui avait déclaré que l'espéranto j"est bien sûr une affaire culturellek" acceptait encore de copatronner, avec les cardinaux Feltin (fiche 13) et Gerlier (fiche 17), un congrès et le pèlerinage à Lourdes qui lui faisait suite. Les espérantophones catholiques conserveront pieusement sa mémoire, se recueillant par exemple sur sa tombe dans la crypte de la cathédrale Saint-Étienne à l'occasion de leur 27e congrès (Vienne, 1958).
Jan de Jong (1885-1955, 1946). Archevêque, qui a été l'âme de l'opposition à l'occupation allemande des Pays-Bas. Il a accepté de faire partie du Comité d'honneur du XXIIe Congrès international des espérantistes catholiques (à Rome, du 10 au 17 août 1950).
James Robert Knox (1914-1983, 1973). Archevêque de Melbourne, préfet de la Congrégation pour les Sacrements et le Culte divin. Il répondit au Père Magnani, président de l'IKUE (C), que j"le Saint-Père, accueillant la demande, a par faveur consenti le droit de célébrer la Sainte Messe en espérantok" durant les congrès espérantistes à caractère international ou plurinational.
Mikel Koliqi (1902-1997, 1994), à en juger par le texte d'une conférence de mai 2003 (dont nous n'avons pu contrôler par ailleurs l'exactitude, bien que nous ayons peu de raison d'en douter) dont voici un extrait: j"Les premières traces de l'espéranto en Albanie datent vraisemblablement de 1907. Il y avait des étudiants albanais à l'étranger, qui y ont eu connaissance de l'espéranto dans des universités ou des écoles secondaires ; par exemple (
) l'ingénieur Cefo Fico, maintenant décédé. Il participa à un concours d'espéranto à l'université de Turin et remporta un prix : voyage gratuit à travers toute l'Italie. Cela l'encouragea énormément à perfectionner sa connaissance de l'espéranto, et rentré chez lui il le diffusa parmi la jeunesse albanaise. Ainsi firent la connaissance de l'espéranto plusieurs autres étudiants albanais, comme Lazër Shantoja, Mark Kakariqi, Cuk Simoni et les frères Wilhelm et Simon Koliqi, de l'antique ville du nord, Shkodër. Wilhelm entretint une vaste correspondance avec le monde entier, alors que son frère Simon [en fait, probablement Mikel] devint cardinal.k" Lorsqu'il put renouer des contacts avec l'Église, Mikel Koliqi, ex-vicaire général du diocèse de Shkodër, avait 88 ans dont (au moins) 45 passés en prison. Il déclina l'ordination épiscopale en raison de son âge, ce qui en fait un des rares cardinaux contemporains à n'avoir pas été évêque.
Franz König (1905-2004, 1958). Archevêque de Vienne, président de la Conférence épiscopale autrichienne, du Secrétariat pour les non-croyants, et de Pax Christi ("Paix du Christ" Organisation Internationale Catholique pour la paix, le désarmement, la non-violence et les droits de l'homme) : en 1980, lors d'une cérémonie cuménique pour la paix dans sa cathédrale à l'occasion de la visite d'Adolfo Pérez Esquivel, qui venait de recevoir le prix Nobel de la paix, il a exigé que soit brisée la spirale infernale de la course aux armements. Il a envoyé sa bénédiction au 27e congrès de l'IKUE, qui s'est tenu à Vienne du 25 au 31 juillet 1958, dans l'abbaye bénédictine de Schottenstift : j"Le prélat Hermann Peichl (Abbé du monastère) a souhaité très cordialement la bienvenue au congrès au nom de l'Ordinaire de l'archidiocèse, mettant l'accent sur le fait que le travail des espérantistes catholiques est considéré comme un service significatif en vue du Royaume de Dieu, qui est un royaume de paix et de justice ; il a aussi accueilli les congressistes en tant que maître des lieux, et a terminé son allocution en insistant pour qu'ils soient bien assurés que leur uvre n'est pas vaine.k"
Ján Chryzostom Korec SJ (x) (né en 1924, 1991). Évêque de Nitra et président de la Conférence épiscopale de Slovaquie. C'est lui qui signa, en date du 8 février 1993, le décret de la Conférence reconnaissant la section slovaque de l'IKUE (C) comme une association de pieux laïcs. Cela faisait suite au décret du Conseil pontifical pour les laïcs concernant l'IKUE, signé par le cardinal Pironio (fiche 38).
Pietro La Fontaine (1869-1935, 1916). Patriarche de Venise. Il j"a daigné bénir la revue nouvellement créée Nova Sento ["nouvelle sensibilité"] et les statutsk" du groupe Modesto Carolfi, qui venait de se créer en 1922 et devait adhérer à l'Internationale catholique. (Le nom ainsi choisi pour le groupe était celui d'un prêtre franciscain (1884-1958) qui fut président de l'Union italienne des espérantistes catholiques et qui, en plus d'une abondante uvre en espéranto, ne donna pas moins de mille dix cours de cette langue durant sa vie.)
Benoit-Marie Langénieux (1824-1905, 1887). Archevêque de Reims : le premier cardinal à avoir approuvé l'espéranto. En 1892 il j"demanda un manuel à Monsieur de Beaufront [alias Louis Chevreux] et recommanda à son secrétaire d'examiner à fond la question.k" Et l'année suivante, la première brochure catholique, Prières usuelles du matin et du soir et Fragments Bibliques généralement connus, traduits en Espéranto, portait la mention : j"Avec Imprimatur ["autorisation de publier" (zz)] de l'autorité ecclésiastique - Remis, die 12a Augustii 1893 F.H. Compant, vic. gén. "Reims 12 août 1893 F.H. Compant vicaire général". Il est presque certain que le vicaire général n'aurait pas pris la décision sans en parler à son archevêque. La deuxième édition, de 1902, intitulée cette fois Pregxareto por Katolikoj (p), recevra en tout cas l'approbation explicite du Père Langénieux lui-même.
László Lékai (1910-1986, 1976). Primat de Hongrie. A l'occasion du 37e congrès de l'IKUE (C), réunissant en 1977 à Czstochowa sept cents pélerins de vingt-trois pays, il avait écrit : j"Au congrès international des espérantistes catholiques sur le thème 'Le rôle de l'espéranto dans l'évangélisation et le progrès humain', se tenant sous la haute protection du cardinal Wojtyla, je souhaite un plein succès et promets de ferventes prières.k" Cinq ans plus tard il écrivait à Joseph Kondor, membre du Bureau de l'IKUE : j"Que le bon Dieu vous donne beaucoup de forces physiques et spirituelles. En particulier pour votre action profondément humaine et chrétienne d'aide en faveur des lépreux. C'est avec admiration que j'en ai lu les résultats très significatifs. Il s'agit d'une activité vraiment espérantiste : 'avec espoir au sein du désespoir'.k"
Giacomo Lercaro (1891-1976, 1953). Archevêque de Bologne, président du Consilium pour la réforme liturgique et, avec le cardinal Suenens (fiche 48), l'un des quatre modérateurs du concile Vatican II nommés par Paul VI. En 1954 il écrivait : j"Et j'accepte avec ferveur et lance avec enthousiasme la proposition que les espérantistes catholiques du monde entier prennent l'initiative d'élever un temple à leur protecteur, le saint pape Pie X". Sa lettre, lue au congrès national de Sassari, provoqua les applaudissements et l'enthousiasme général, et l'évêque du lieu lança une collecte dans ce but. L'année suivante, à l'occasion du congrès universel à Bologne, une messe eut lieu dans l'église provisoire (et une plaque en espéranto y fut inaugurée) et le cardinal prit part à une fête en son honneur, où il accepta de devenir le "Protecteur des espérantistes catholiques italiens" et dit que leur idéal "est rempli d'un profond amour de l'homme, et fondamentalement chrétien.k"
Achille Liénart (1884-1973, 1930). Archevêque de Lille, "prélat de la Mission de France" (prêtres-ouvriers), président de la Conférence épiscopale française et (avec les cardinaux Lercaro et Suenens) l'un des cinq "membres les plus marquants" de la majorité du concile Vatican II. Pendant le concile, en 1965, il envoya "une réponse favorable" à René-Claude Colas, président de la Ligue française catholique espérantiste (devenue l'Association catholique française pour l'espéranto), qui lui avait adressé une lettre accompagnée d'une feuille volante présentant les éléments de la grammaire, et des exemplaires des revues Espero Katolika (n), Nova Civito() et Vojo, Vero, Vivo ().
Louis-Henri-Joseph Luçon (1842-1930, 1907). Archevêque de Reims, légat du pape à la célébration du 50e anniversaire de l'Institut catholique de Paris en 1925. Il j"daigna permettre d'afficher l'annonce de notre [premier] Congrès [international des catholiques espérantistes, 1910] dans les églises de son archidiocèsek", et envoya sa bénédiction aux congressistes.
Franciszek Macharsky (né en 1927, 1979). Archevêque de Cracovie, où il succédait au cardinal Wojtyla devenu pape. Le 4 mars 1985 il a reçu en audience le Père Magnani, président de l'IKUE (C), et le 10 mars il a lui-même rendu visite aux catholiques espérantophones Krakova Esperanta Anim-zorganta Grupo "Groupe d'aumônerie espérantiste de Cracovie" avant leur messe coutumière en espéranto à la chapelle de l'église Saint-Étienne (tous les deuxièmes dimanches du mois depuis octobre 1981).
Eduardo Martinez Somalo (né en 1927, 1988). Nonce en Colombie puis préfet de la Congrégation pour le Culte divin et la discipline des sacrements. À peine un mois après sa nomination, le 1er juillet 1988, à la tête de la Congrégation pour le Culte divin, et très vraisemblablement dans la ligne de son prédécesseur immédiat, le cardinal Meyer, il a d'abord adressé au président de l'IKUE une réponse assez négative (datée du 9 août 1988). Mais guère plus d'un an et demi plus tard il signait, le 20 mars 1990, des "Normes pour la célébration de la Messe en espéranto" (Prot. CD 149/90) ; puis, le 8 novembre de la même année, l'approbation du Missel romain et la confirmation du Rituel de la Messe, traduits en espéranto (Prot. CD 181/89).
Carlo Maria Martini SJ (x) (né en 1927, 1983). Archevêque de Milan et président du Conseil des conférences épiscopales d'Europe. Il a approuvé en 1989 la nomination pour trois ans d'un prêtre de son diocèse, le Père Lorenzo Longoni, prélat, comme "assistant spirituel" de l'UECI, la section italienne de l'IKUE (C). Pour le remplacer il a ensuite nommé, par un décret du 12 décembre 1996, Le père Giovanni Battista Balconi, également prélat, comme "assistant ecclésiastique."
Désiré (-Félicien-François-) Joseph Mercier (1851-1926, 1907). Archevêque de Malines-Bruxelles, promoteur de l'cuménisme. Il vint lui-même assister, le 10-12-1908 au petit-séminaire de Malines, à la conférence sur l'espéranto prononcée devant 400 personnes par le Père Richardson, Professeur à l'Institut Saint-Louis (Bruxelles) et futur président-fondateur de l'IKUE. (Leur amitié remontait à leurs années d'études communes au Séminaire de Malines.)
Clemente Micara (1879-1965, 1946). Nonce apostolique en Belgique de 1923 à 1946 (sauf durant l'occupation), préfet de la Congrégation pour les sacrements, et de celle pour les religieux et les instituts séculiers. Il accepta d'être le haut protecteur du 11e congrès de l'IKUE (C) à Spa en 1926 ; puis, avec le cardinal Van Roey (fiche 39) et tous les évêques de Belgique, d'être membre du Comité d'honneur du 21e, à Anvers en août 1939; puis, onze ans plus tard, de faire partie du Comité d'honneur du 22e (Rome, du 10 au 17 août 1950).
Friedrich Gustav Piffl (1864-1932, 1914), CCRSA (a). Archevêque de Vienne, primat d'Autriche. Il qualifiait en 1924 l'espéranto de j"moyen valable pour la défense de la foi catholiquek". Il a déclaré aussi : j"Je reconnais et estime hautement la valeur de l'espéranto (...) Les temps modernes ont besoin d'un moyen d'intercompréhension et de rapprochement, l'espéranto le sera.k" Et, à une autre occasion : j"Permettez à nos enfants d'apprendre l'espéranto. C'est la langue mondiale de l'avenir.k"
Eduardo Francisco Pironio (1920-1998, 1976). Président du Conseil épiscopal latino-américain, préfet de la Congrégation pour les religieux et les instituts séculiers, et président du Conseil pontifical pour les laïcs. C'est lui qui a signé le décret "196/92/S-61/B-25" du 11-2-1992 (en la "fête de la Bienheureuse Vierge Marie de Lourdes"), où le Conseil reconnaît l'IKUE (C) j"comme une association internationale privée de fidèles, de droit pontifical avec personnalité juridiquek", et en approuve les statuts. A l'occasion de la remise officielle de ce document il a j"même promis d'apprendre l'espéranto et de le faire apprendre à ses collaborateurs.k" Et il semble avoir tenu promesse, car il a signé, le 1er juillet 1995, la j"première lettre officielle (d'une instance vaticane) rédigée entièrement en espérantok"
Jozef-Ernest van Roey (1874-1961, 1925). Primat de Belgique. j"plus soucieux de prudence que d'audace mais capable d'encourager les initiatives nouvelles dont il perçoit l'efficaciték". Il avait accepté de participer à l'ouverture officielle du 21e congrès de l'IKUE à Anvers, le 5 août 1939. Le nonce apostolique, le futur cardinal Micara (fiche 36), qui l'avait consacré archevêque, était aussi membre du comité d'honneur de ce congrès, ainsi que tous les évêques de Belgique.
Opilio Rossi (1910-2004, 1976). Nonce en Équateur, au Chili, puis en Autriche, et président du Conseil pontifical pour les laïcs. Il a accordé une audience de près d'une heure, le 24 avril 1980, aux président et secrétaire de l'IKUE (C), surpris par un dialogue aussi affable et ouvert. Le cardinal n'était pas ignorant au sujet de l'espéranto car il en avait déjà parlé, quand il était nonce apostolique à Vienne, avec le président autrichien Franz Jonas, lui-même espérantophone. Il conclut en demandant à l'IKUE de présenter une demande de reconnaissance en bonne et due forme, qui fut livrée au secrétariat du Conseil en novembre. Mais dans le troisième numéro de 1980 de la revue Latinitas (b), éditée au Vatican, parut un article farouchement polémique de cinq pages, Adversus Esperantistas "Contre les espérantistes", d'un certain Henricus Reinhardt. Et en avril 1981, lors d'une seconde audience, le cardinal ne put donc guère qu'inviter à la patience : une longue patience qui devait durer jusqu'en
1992. (Entre temps, en 1984, il avait démissionné du Conseil, certainement sans rapport avec l'espéranto, mais c'est cette année-là qu'il fut officieusement suggéré à l'IKUE d'essayer de plutôt s'adresser à la Conférence épiscopale italienne, alors sans plus de succès.)
Wilhelmus Marinus van Rossum (1854-1932, 1911), CSSR (Congrégation du Très Saint Rédempteur = Rédemptoriste, Pays-Bas), Président de la Commission biblique pontificale et Préfet de la congrégation pour la Propagation de la Foi. Il a été membre de la Ligue espérantiste catholique belge et, sans doute début 1912, a écrit au Père Decoene, missionnaire rédemptoriste au Canada : j"L'Espéranto du Dr Zamenhof rendra de grands services à l'Église.k" Il reçut Claudius Colas en audience à Rome début octobre 1912 (et lui avait alors obtenu une audience privée avec le pape pour le 8 octobre, mais elle dut être annulée en raison de la maladie de Pie X.).
Ernesto Ruffini (1888-1967, 1946), Archevêque de Palerme. Avec neuf autres évêques, dont le futur cardinal Yü-Pin (fiche 55), et deux cent soixante-dix prêtres de vingt-sept pays, il était membre du Sacerdota Rondo Pio X "Cercle sacerdotal Pie X" (), espérantophone.
Camillo Ruini (né en 1931, 1991), Archevêque président de la Conférence épiscopale italienne et vicaire général de Rome. Il envoya en 1997 un message au 50e congrès de l'IKUE (C), d'ailleurs reçu en audience par le pape (qui les salua en espéranto), et par le président de la République italienne.
Jusztinian Györg Serédi (1884-1945, 1927), OSB (Ordre de Saint Benoît = Bénédictin). Archevêque d'Esztergom et primat de Hongrie. Il avait accepté d'être président d'honneur du XXe congrès de l'IKUE, que l'Association catholique hongroise d'espéranto invitait à Budapest en 1938. Le Bureau de l'IKUE n'ayant pas accepté l'invitation, le congrès prévu fut transformé, dans le cadre du 34e Congrès eucharistique international, en un "Premier rassemblement eucharistique mondial en espéranto" (paragraphe 4.3.), qui reçut du pape la Bénédiction apostolique par télégramme.
Vincentas Sladkevicius (1920-2000, 1988), MIC (Clercs Maristes de l'Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie). Archevêque de Kaunas, président de la Conférence épiscopale de Lituanie. Vers la fin des années 1970 (alors même qu'il avait été envoyé en résidence surveillée à Neumunelio Radviliskis), il mit son adresse à la disposition de membres lituaniens de l'IKUE (C) pour leur permettre de recevoir la revue Espero Katolika (n).
Angelo Sodano (né en 1927, 1991). Nonce au Chili puis président de la Commission pontificale pour la Russie. En tant que secrétaire d'Etat, il a écrit en 1997 au président de l'IKUE (C) : j"(& ) Je désire cependant manifester mon adhésion au Congrès [de l'IKUE] qui, parce qu'il est le 50e, rappelle et représente la vigueur de l'Association, ainsi que sa fidélité aux valeurs chrétiennes. Je vous prie donc d'agréer l'expression de mes souhaits les plus cordiaux pour les meilleurs succès du Congrès.k"
James Francis Stafford (né en 1932, 1998). Archevêque de Denver (États-Unis d'Amérique), président du Conseil pontifical pour les laïcs (v. préd.38 et succ. 40). Il envoya en 1997 un message au 50e congrès de l'IKUE (C), d'ailleurs reçu en audience par le pape (qui les salua en espéranto).
Leo-Jozef Suenens (1904-1996, 1962). Archevêque de Malines-Bruxelles, président de la Conférence épiscopale de Belgique et, avec le cardinal Lercaro (fiche 29), l'un des quatre modérateurs du concile Vatican II nommés par Paul VI. Il a non seulement donné l'autorisation [imprimatur ()] pour la publication de traductions en espéranto de vies de saints (dont Saint Maximilien Kolbe : voir plus haut paragraphe 4.5.1. et fiche 78 ci-dessous, pour l'opinion de celui-ci sur l'espéranto), mais il en a profité pour féliciter cordialement l'un des traducteurs (Arni Decorte, Frère de la Charité) dont c'était le jubilé, j"pour son apostolat de grande valeur par l'espéranto." On peut noter une remarquable filiation : il avait été ordonné évêque par le cardinal Van Roey (fiche 39), lui même ordonné par le cardinal Micara (fiche 36), alors nonce apostolique de Belgique, lui-même ordonné par le Cardinal Pietro Gasparri, qui avait signé le télégramme du pape accordant sa Bénédiction apostolique aux espérantistes réunis à Paris en 1925, bénédiction demandée par le cardinal Dubois (fiche 11). Mais rien ne permet néanmoins de supposer que tous ces cardinaux se soient transmis cet état d'esprit favorable à l'espéranto.
Frantisek Tomásek (1899-1992, 1976). Archevêque de Prague et primat de Tchécoslovaquie (après avoir passé près de quatre ans dans un camp de travaux forcés). Il reçut le 21 mai 1981 à Rome une délégation de l'IKUE (C) et accepta d'être photographié au milieu de ses membres, avec un numéro d'Espero Katolika (n) à la main, dont il était en effet un fidèle lecteur. Dès 1967 il remerciait pour l'envoi de tous les numéros d'Espero Katolika, ajoutant : "Soyez assurés que je suis votre uvre en la bénissant, priant Dieu que le travail pour la réunification de l'humanité, et une juste organisation des relations entre les hommes, porte bientôt les fruits souhaités." Il accepta aussi d'être membre d'honneur de l'IKUE , et écrivit le 10-7-1990, en réponse à son président : j"Chers ami(e)s de l'Union Catholique Espérantiste, (
) Je me réjouis d'apprendre que, selon votre lettre, deux membres de notre épiscopat sont membres de la section tchèque de l'IKUE. Pour votre travail au plan international, nourri de la Foi catholique, je vous souhaite un bon succès et j'envoie à tous et à chacun des membres de votre mouvement ma bénédiction.k"
Jean Verdier (1864-1940, 1929), PSS (Prêtre de Saint Sulpice). Archevêque de Paris. Avec deux autres évêques les Pères Chaptal, auxiliaire de Paris et Gerlier, titulaire de Tarbes et Lourdes, il accorda en 1932 sa "bénédiction spéciale" à la "nombreuse assistance" de la "messe célébrée à Notre-Dame, avec chants et sermon en espéranto" (voir ch. 4.3). Quelques jours plus tard, à l'ouverture du congrès-pèlerinage de Lourdes-Bétharram de l'IKUE (C) le 8 août 1932, son président le P. Font y Giralt pouvait annoncer "que notre Union vient de recevoir le haut patronage de S. Em. le Cardinal Verdier".
Miloslav Vlk (né en 1932, 1994). Archevêque de Prague et président de la Commissio Episcopatuum Communitatis Europensis (COMECE) "Commission des Episcopats d'Europe" et actuel "haut protecteur" de l'IKUE (C). Il comprend et parle (bien qu'avec difficulté) l'espéranto et a visité son congrès en 1995, y concélébrant la messe en espéranto. L'année précédente il avait adressé un message aux participants du Séminaire Interreligieux en espéranto organisé par ASISTI (association internationale, principalement espérantophone, d'Etude des enseignements spirituels et théologiques, non-confessionnelle) à Tábor : j"Chers Samideanoj, je salue de tout cSur votre séminaire international, qui a malheureusement lieu en des jours [Pâques] où il m'est difficile de pouvoir vous saluer de vive voix. Aussi, de cette manière au moins, je souhaite le plus grand succès à votre session et à toute votre activité orientée vers l'unité et la compréhension, en un temps où dans le monde l'humanité entière est divisée par tant d'incompréhension. Avec ma bénédiction apostolique.k"
Josef Wendel (1901-1960, 1953). Archevêque de Munich. Vicaire aux Armées allemandes, il n'en écrivit pas moins au Groupe d'espéranto de Pax Christi Munich (en 1958 et/ou 1960) : j"L'espéranto devrait être enseigné dans toutes les écoles du monde. C'est un moyen de promouvoir la paix mondiale et il mérite le plus grand soutien possible.k"
Jan Willebrands (né en 1909, 1969). Archevêque d'Utrecht, président du Secrétariat pour l'unité des chrétiens, et délégué président du Synode mondial des évêques. Il a écrit, dans une lettre officielle au P. Jerzy Korytkowski (qui préparait alors à l'Antonianum une thèse de doctorat, La Chiesa e il problema della Lingua ausiliare internazionale "L Église et le problème de la langue auxiliaire internationale" : j"J'apprécie beaucoup l'intérêt que prennent les espérantistes chrétiens à mettre le nouvel outil linguistique au service de la Religion et plus précisément du but cuménique. L'espéranto, en tant que nouvel instrument de communication, a pour idéal l'aide à la compréhension, à l'unité et à la paix entre les hommes. Pour les chrétiens je voudrais exprimer l'espoir que la nouvelle langue pourra aussi présenter une contribution propre au service du rétablissement de la pleine communion ecclésiale.k"
Stefan WyszyDski (1901-1981, 1953). Archevêque de Varsovie et primat de Pologne : «Lors du Concile Vatican II le latin a souffert & lors du prochain Concile on parlera espéranto.» (Voir le dernier paragraphe du ch. 4.5.)
Paul Yü-Pin (1901-1978, 1969). Archevêque de Nankin. Alors "évêque de Sozuka" (et Vicaire Apostolique de Nankin), il accepta d'être président d'honneur du Comité permanent espérantiste pour les Congrès Eucharistiques, fondé lors du 35e Congrès Eucharistique où il fit une conférence en espéranto. Il est aussi l'auteur d'un manifeste traduit en espéranto : La milito en Ekstrem-Oriento "La guerre en Extrême-Orient". Il était membre du Sacerdota Rondo Pio X (yy) . En 1978, en tant que Recteur de l'Université catholique Fu-Jen, il a apporté un précieux appui au Professeur Jean-Baptiste Kao, espérantiste franciscain, Doyen de la faculté de philosophie, pour l'organisation d'une exposition d'espéranto à la Bibliothèque Nationale de Taipei.
Annexe 1 b : Personnalités marquantes ayant pratiqué l'espéranto ou en ayant recommandé l'adoption (notamment prêtres, pasteurs et autres personnalités connues pour leur rayonnement spirituel). (Note importante)
'Abdu'l-Bahá (1844-1921), fils aîné et successeur de Bahá'u'lláh, le prophète et fondateur de la Foi bahá'íe. Parmi d'autres déclarations, il dit en 1913 : j"Sa Sainteté Bahá'u'lláh prévoyait une langue universelle, au siècle passé (...) Louons Dieu pour cette invention du Dr Zamenhof : l'espéranto (...) Nous devons tous être reconnaissants à Zamenhof pour son noble effort ; il a bien servi l'humanité. Par la persévérance infatigable, le dévouement et l'abnégation des fervents de l'espéranto, cette langue pourra devenir universelle. Aussi devons-nous tous apprendre cette langue et la répandre autant que possible afin que, graduellement, elle soit reconnue (...) Alors l'union parfaite entre les peuples du monde sera établie.k"
Vénérable T. T. Anuruddha (Rudolf Petri, + 1980), religieux bouddhiste allemand (tradition Theravâda). Il résida successivement en Suède, en Inde puis au Vietnam, où il connut la prison durant neuf mois. Il était directeur de l'"Institut Bó-Tát-Csoma de Bouddhologie" (à Vúng-Tàu), qui publia son Ainsi parlait le Bouddha et ses disciples (en espéranto) et sa traduction, dans la même langue, du Dhammapada. Il était président de la Budhana Ligo Esperantista, "Ligue bouddhiste espérantiste", dont il fut le représentant au 4e congrès mondial de la World Fellowship of Buddhists, "Amicale mondiale des bouddhistes", en novembre 1956 à Katmandou. Il y fit un rapport en espéranto à la première assemblée générale et, en comité, une proposition sur l'utilisation de l'espéranto dans la propagation du bouddhisme. (Il était rédacteur de l'organe de la Ligue, La Dharmo, de 1951 à 1961). Le mois suivant il rencontrait le Dalaï-Lama (fiche 62) et le Panchen-Lama (fiche 90), qui acceptèrent le Haut Patronage de la Ligue bouddhiste espérantophone.
Adolf Burkhardt, (1929-2004) pasteur luthérien allemand, président de la KELI (t) de 1961 à 1975 et à nouveau de 1981 à 2000. Formé à lespéranto en 1947 par correspondance, il participa dabord au Congrès universel de 1954. Il fut très actif au sein de lAssociation allemande despéranto (GEA) et dirigea la bibliothèque allemande despéranto (GEB) à Aalen. En 1992 il reçut la Croix du mérite de lÉtat fédéral allemand pour son travail cuménique pour et par lespéranto. Il était président de la Commission cuménique de la KELI et de lIKUE et membre honoraire de lUEA (u). On lui doit Wenn die Ökumene Esperanto spricht : Die Zwölf Kongresse von IKUE und KELI, "Lorsque l'cuménisme parle espéranto : le douzième congrès de lIKUE". Il fut coauteur dAdoru Kantante, "Adorez en chantant", et auteur de Tero kaj Cxielo kantu, "Terre et ciel chantez". Le couronnement de son travail se trouve dans Adoru, "Adorons", quil a enrichi de ses traductions et d'autres travaux divers réalisés en collaboration avec les prêtres catholiques Eichkorn et Kronenberger, ce qui leur valut le prix culturel de la fondation FAME. Seize congrès cuméniques à compter de 1968 furent marqués de son labeur infatigable « pour que tous soient un ». Cest lors de sa dernière apparition publique qui eut lieu le 17 janvier 2004, lors d'une cérémonie à Weilheim/Teck (sud de lAllemagne) que lui fut lui remis le «livre d'hommage» intitulé Esperante kaj Ekumene, "En cuménisme et en espéranto".
Dom Hélder Câmara (1909-1999). Archevêque de Recife. Alors évêque auxiliaire de Rio de Janeiro et secrétaire général du Comité d'organisation du 36e "Congrès Eucharistique International" (1954). Non seulement il accepta et approuva qu'en soit formée une Section espérantiste, promettant son entier soutien pour son organisation, mais il voulut même que, pour les dépliants et brochures, l'espéranto soit utilisé comme langue principale du Congrès, au même titre que le portugais, l'italien, l'espagnol, l'anglais, le français et l'allemand. (Dans le programme, diffusé à plusieurs millions d'exemplaires, l'espéranto est mentionné vingt-deux fois.) C'est d'ailleurs en y remarquant les "capacités d'organisateur exceptionnelles" dont il fit preuve, que le Père Gerlier (fiche 17), cardinal archevêque de Lyon, l'exhorta à les "mettre au service de la solution du problème des favelas"; ce qui l'amènera à recevoir en 1974 à Oslo un prix Nobel "sauvage" de la Paix.
Eric Carlén, (1906-1986) Industriel suédois, pentecôtiste, 4e président de la KELI (t) (1948-1955), rédacteur de Dia Regno (r) (1947-1955), fut à l'origine d'une série d'émissions chrétiennes sur la chaîne IBRA (radio pentecôtiste suédoise). Il fut aussi durant plusieurs années vice-président de l'Association Universelle d'Espéranto.
Italo Chiussi (1919-1973), Professeur islamologue et musulman, traducteur du Coran en espéranto. Il est aussi l'auteur, en espéranto, d'une introduction à l'Islam avec biographie de Mahomet (ouvrage posthume de 362 pages, dans la collection Oriento-Okcidento), et de plusieurs articles publiés dans Biblia Revuo : "Islam, religion d'amour, de tolérance, de liberté" ; "Le naturel et le surnaturel dans l'exégèse musulmane"; "Conceptions erronées sur l'Islam en Occident et en Orient" (posthume). En plus de sa méthodologie rigoureusement scientifique, "ce qui caractérise son travail, c'est l'amour, et c'est l'amour qui donne accès à la connaissance la plus vraie et la plus intime."
Le XIVe Dalaï-Lama (né en 1935 sous le nom de Tenzin Gyatso), chef spirituel de la branche réformée du bouddhisme tibétain (Gelug), prix Nobel de la Paix, (alors) vice-président de l'Assemblée nationale populaire de Chine et président de la "Commission préparatoire de la Région autonome du Tibet". Le 9 décembre 1956, à l'occasion d'une visite du temple de l'Ânand Vihâra à Bombay, le Panchen-Lama (fiche 90) et lui ont accepté, sur proposition du Bhikkhu Anuruddha (fiche 57) (président de la Budhana Ligo Esperantista, fondée en juillet 1926), le Haut Patronage de la "Ligue bouddhiste espérantophone".
Alexandras Dambrauskas (18601938), (dont le nom est parfois orthographié Dombrovski), Lituanien, probablement le premier prêtre catholique espérantiste, prélat de sa sainteté (Monseigneur), précurseur du mouvement oecuménique (à l'exemple du philosophe orthodoxe Soloviev), professeur d'université, docteur en théologie, en philosophie, en sciences et en mathématiques, président de l'Académie catholique des sciences de Lituanie et de l'Association lituanienne d'espéranto, membre de l'Académie d'Espéranto. L'un de ses poèmes en espéranto, publié dans Espero Katolika, a été lu (et compris), en juin 1906, par le pape saint Pie X, qui a alors donné sa première Bénédiction Apostolique à un groupe espérantiste. Il est l'auteur de nombreux ouvrages et articles en espéranto, rassemblés entre autres dans Petites pensées sur de grandes questions, (Kaunas, 1908), 215 p., où il dialogue avec "Homarano" (pseudonyme quil donne à Zamenhof) à propos de son hilelismo (k), "pont entre toutes les religions". Le président de l'Etat lituanien, Smetona, vint en personne rendre un dernier hommage à la dépouille mortelle de ce poète et patriote, que certains n'ont pas hésité à nommer le "Flambeau de la Lituanie".
Maître Onisaburo Deguchi, co-fondateur d'Oomoto. Il a introduit l'espéranto en 1923 dans cette branche du shintoïsme (apparue à la fin du XIXe siècle), avant d'inaugurer en 1925 à Pékin une Ligue Universelle des Religions, qui ne devait pas survivre à la guerre. La devise d'Oomoto, "Unu Dio, unu mondo, unu interlingvo" ("Un seul Dieu, un seul monde, une seule langue intermédiaire" a été gravée en 1963 sur un rocher du Centre mondial d'Oomoto à Ayabe (Japon). A noter que l'une des familles y résidant en est à sa quatrième génération d'espérantophones, depuis la naissance en 1991 de Nagai Naotaro, de père japonais et de mère chinoise, espérantiste également.
Henk (Hendrikus) De Hoog, (1909-2001) Néerlandais, enseignant, cinquième président de la KELI (t) (1955-1961), fut l'auteur de l'ouvrage Nia Historio "Notre Histoire" (1964), qui relate l'histoire de la KELI de 1911 à 1961, et collabora au recueil de cantiques Adoru Kantante, "Adorez en Chantant".
William John Downes, (1892-1987) Britannique, pasteur congrégationaliste, puis enseignant de théologie au Western College de l'Université de Bristol, a participé au recueil de cantiques Adoru Kantante "Adorez en chantant". Il a aussi publié dans Dia Regno (r) une série de traductions des livres deutérocanoniques et apocryphes.
Éva Farkas (1924), Hongroise, épouse du pasteur József Farkas, a enseigné l'espéranto à Budapest et a conduit des réunions chrétiennes hebdomadaires dans cette ville.
József Farkas (1914-2000), Pasteur réformé hongrois, qui a laissé son empeinte sur la théologie de son pays. Parmi les nombreuses langues qu'il parlait figurait l'espéranto.
David Featherstone (1923-2002), Britannique, administrateur de la Société Biblique Britannique aux Indes puis enseignant, il fut pendant de nombreuses années le contact de la KELI avec la Société Biblique pour les rééditions successives de la Bible en espéranto.
Alfred Hermann Fried (1864-1921), Autrichien, prix Nobel de la paix 1911. Il était l'auteur dun manuel despéranto, Lehrbuch der Internationalen Hilfssprache Esperanto mit Wörterbuch Esperanto-Deutsch. & Deutsch.-Esperanto. "Manuel de la langue auxiliaire espéranto avec lexique espéranto-allemand et allemand-espéranto" (qui avait déjà atteint sa troisième édition en 1905), et aurait collaboré à la revue mensuelle L'Espérantiste.
Mohandâs Karamchand Gândhî (1869-1948) aurait dit en 1931 : j"Je plaide pour une monnaie unique pour tous les pays et une langue auxiliaire mondiale telle que l'espéranto pour tous les peuples.k" Et son principal disciple et successeur, Vinoba Bhâvé, apprendra l'espéranto.
Neri Giampiccoli, Pasteur de Rome, modérateur du Synode de l'Eglise évangélique vaudoise (c'est-à-dire son plus haut représentant). Il est venu saluer en personne le 20e congrès de la KELI (t) qui s'est tenu en juillet 1967 dans le grand hall de la Foresteria Valdese à Torre Pellice (Piémont), "capitale" des Vaudois. Et un soir il y a fait un exposé sur l'histoire et la situation actuelle de cette communauté des Pauperes spiritu (ou Christi), "Pauvres en esprit (ou du Christ)" née à Lyon au XIIe siècle, et dont la vocation première est la prédication.
Paul Hübner, (1881-1970) ingénieur allemand (de Mülheim sur le Rhin), premier président de la KELI (1911-1926 et 1928-1938), fondateur de la revue Dia Regno (r) (1909). Il voulut d'abord appuyer le développement de l'espéranto parmi les chrétiens dans le cadre des UCJG (Unions Chrétiennes de Jeunes Gens), le correspondant français de YMCA(q).
György-Miklos Jakubinyi, (1946) né à Sighetul Marmatiei, Roumanie. Étudie l'espéranto dès 1959, l'enseigne ensuite régulièrement à ses élèves avec le latin, quand il est enseignant de cette dernière langue dans un petit séminaire, puis de 1972 à 1992, à lInstitut de hautes études théologiques dAlba Iulia, diocèse dont il devient évêque auxiliaire. C'est à ce titre qu'il prend part en 1991, au Vatican, au premier Synode sur lEurope. Le 29 novembre il y plaide pour lespéranto en tant que nouvelle langue ecclésiale. En 1994, il devient archevêque de ce même diocèse, qui réunit 480.000 catholiques. Le 4 octobre 1999, il parle à nouveau de l'espéranto, au cours du deuxième synode sur lEurope de même qu'au cours de la Conférence des évêques de Roumanie, pays de diversité avec ses trois rites, romano-catholique (latin), gréco-catholique et byzantin (arménien) et ses trois langues (roumain, hongrois, et allemand). Assisté d'un évêque auxiliaire le P. Jozsef Tamas, il est donc à la tête à la fois de celui des deux archevêchés romano-catholiques, et diocèse de Roumanie, qui regroupent de loin le plus grand nombre de fidèles ainsi que de lOrdinariat arménien-catholique qui lui a été adjoint en 1991 au moment où il était élevé au rang d'archevêque. Sa langue maternelle est le hongrois, langue de 95 % de ses diocésains. Nous lui devons la préface de cet ouvrage et lui en exprimons notre grande reconnaissance.
Ivar Em. Karlsson (1905-1975), Suédois, 3e président de la KELI (t) pendant la 2e Guerre Mondiale (1938-1948), il a permis à la ligue des espérantistes protestants de se maintenir durant cette période difficile.
Jelly Koopmans-Schotanus (1919-1998), Néerlandaise, prédicatrice laïque de l'Eglise Réformée et dans de nombreuses rencontres espérantistes, a publié un recueil de prières Preo por iu tago "Prière pour chaque jour" traduit en allemand. Elle fut longtemps membre du Comité Rcuménique commun à la KELI et à l'IKUE.
Sa Béatitude Kiril, Patriarche de Sofia (Église orthodoxe autocéphale de Bulgarie). En 1966 il a signé la proposition à l'ONU : "(...) que les Nations Unies résolvent le problème des langues en apportant une aide réelle et efficace à la diffusion de la langue internationale neutre espéranto, et recommandent aux États Membres de faire progresser l'enseignement de cette langue et de stimuler son emploi dans les relations entre les peuples".
St Maximilien Kolbe, (1894-1941), franciscain polonais mort martyr à Auschwitz. Fondateur de la "Milice de l'Immaculée" et de deux "Cités de l'Immaculée", près de Varsovie et de Nagasaki, il voulut, dit-on, utiliser l'espéranto comme moyen de communication entre ses différentes communautés franciscaines (il rêvait d'en implanter en Indochine, à Singapour et au Moyen-Orient, et avait déjà obtenu en 1932 un terrain en Inde pour sa troisième "Cité de l'Immaculée". En 1931 il écrivit au Père Justin Nazim, rédacteur en chef de son mensuel polonais Le Chevalier de l'Immaculée (qui atteindra un tirage d'un million d'exemplaires en 1938) : "En espéranto aussi Le Chevalier trouverait un certain succès même ici au Japon". Et en 1937 il écrivait à l'un de ses frères : "Votre participation au mouvement espérantiste mondial plaît à l'Immaculée." A noter que la ville de Savigliano (Italie) organise chaque année un concours international de poésie comprenant une section en espéranto intitulée : Poezia konkurso "M. Kolbe."
Jean-Marie Kowalski, (Mgr) cofondateur et ministre général élu, puis archevêque, de l'Église Mariavite, dont les 32 prêtres catholiques polonais (créant ainsi une confession religieuse distincte) décidèrent en 1907 de célébrer la messe en langue nationale. Il fit adopter l'espéranto à son clergé et, au moins jusqu'à la seconde guerre mondiale, les évêques et tous les prêtres de cette Église polonaise aux 120.000 fidèles étaient effectivement espérantistes.
Valdemar Langlet (1872-1960). Lecteur de suédois à l'Université de Budapest depuis 1932, il y fut délégué de la Croix-Rouge en 1944-1945 et sauva, au péril de sa vie, des milliers de juifs de la déportation. Cofondateur du Groupe d'Espéranto d'Uppsala en 1891, et de la revue Lingvo Internacia (ix) en 1895, il se maria en 1899 avec une finlandaise espérantophone. Il fut le premier président (1906-1909) de la Fédération suédoise d'espéranto.
Vénérable LEE Kwangjeong, Grand-Maître du Bouddhisme Won (600 temples en Corée et une trentaine dans d'autres pays, dont l'Allemagne, le Canada, le Japon et les États-Unis d'Amérique). Dans un discours au siège de l'ONU il a mis au nombre des "tâches urgentes à accomplir, en collaboration avec les Nations Unies", la fondation d'une "Organisation des Religions Unies", et l'espéranto : j"Il nous faut prendre comme langue commune une langue qui n'appartient à aucune nation et est donc acceptable pour chacun d'entre nous.k" (Conférence du 22-9-1995.)
Makarios III, (Mgr) archevêque de l'Église orthodoxe de Chypre et président de la République cypriote. Il a apporté son "soutien à l'espéranto", et le président du parlement cypriote, G. Klerides, a signé en 1966 la "Proposition à l'ONU."
Gunapala Piyasena Malalasekera OBE (1899-1973), doyen de la Faculté d'Études orientales à l'université de Ceylan, président-fondateur de la World Fellowship of Buddhists (WFB) "Amicale Mondiale des Bouddhistes" et premier ambassadeur de Ceylan à Moscou. En 1956, en tant que directeur de l'Encyclopedia of Buddhism (Colombo), il a chargé le Vénérable C. Nyanasatta de rédiger les articles sur le bouddhisme en Occident, et celui-ci y a inclus des rapports intitulés Esperanto and Buddhism "Espéranto et Bouddhisme", Esperanto literature on Buddhism "Littérature en espéranto sur le Bouddhisme" etc. Le Professeur a soutenu, au 4e congrès mondial de la WFB à Katmandou en novembre de la même année, une proposition sur l'utilisation de l'espéranto dans la propagation du bouddhisme. Il a accepté d'être membre du Comité international de patronage pour l'Année Zamenhof (1959). Il a étudié l'espéranto et avait l'intention de participer au 44e UK (fff) à Varsovie, et même d'y prononcer une conférence en espéranto, qui devait s'intituler "Littérature et Bouddhisme dans le monde moderne".
Alain Martin, (n. 1933), Pasteur réformé français, docteur en théologie, fut professeur dans les facultés de théologie protestantes d'Aix-en-Provence et de Montpellier, président de la section française de la KELI (t) depuis de nombreuses années.
Maxime (Sa Béatitude), Patriarche de Sofia, Église orthodoxe autocéphale de Bulgarie, a daigné accepter de patronner un séminaire international en espéranto sur le thème "La religion et l'humanité" (à Karlovo, en 1998).
Ezra Zion Melamed (1903-1994), Professeur, rabbin, membre de l'Académie Hébraïque. Il étudia la Bible et le grec à l'Université Hébraïque de Jérusalem, et apprit l'espéranto chez Nathan Ben-Cion Havkin, fondateur de l'association "Paix et fraternité". Il publia en 1927 le premier dictionnaire Espéranto-Hébreu, mais quitta le mouvement après le congrès de Cologne (1933), à cause de compromissions des organisateurs avec les nazis. Il reçut en 1987 le Prix israélien "Parshanut" pour ses commentaires de la Torah.
Max-Josef Metzger (1887-1944), prêtre, docteur en théologie, fondateur de l'Institut séculier du Christ-Roi (sous le nom de frère Paul), et martyr allemand du nazisme. En 1917 le pape Benoît XV le remercia chaleureusement pour son programme de paix en douze points. Le P. Metzger participa, en 1920 à Berne, à la conférence préparatoire pour la création de la SDN (ancêtre de l'ONU) ; et, en 1927 à Lausanne, à la première réunion de "Foi et Constitution", la commission théologique du Conseil cuménique des Églises. Cofondateur en 1920 de la Ligue Internationale Catholique, il fut élu directeur de son Bureau central international, à Graz, dont la langue principale était l'espéranto, et il était également le rédacteur de son organe, Katolika Mondo (v). Il écrivit à Pie XII pour lui demander de convoquer un Concile Général, à Assise, auquel participeraient catholiques et protestants. Il demandait aussi déjà, 25 ans avant Vatican II, que les lectures de la messe soient dites dans la "langue du peuple" (Congrès international du Christ-Roi en août 1939 à Ljubljana, Slovénie).
Miroslav Novák, Évêque-Patriarche de l'Église Tchécoslovaque (hussite), a signé la Proposition de 1966 à l'ONU, et a adhéré à la KELI (t).
C. Nyânasatta Mahâthera (Le Vénérable) (né en 1908 à Vizovice, Moravie, et ayant reçu la nationalité cingalaise), directeur de l'Institut bouddhique d'espéranto. Il se fit moine à Ceylan, le 19 mars 1939, et durant de longues années, à l'Ermitage Vert (près de Bandaravela), "il prêcha, enseigna, en cingalais, anglais et espéranto, le bouddhisme, la philosophie, l'éthique et la morale religieuse bouddhiques à des étudiants birmans, cingalais et autres". En novembre 1956, à Katmandou, il représenta la Tchécoslovaquie au 4e congrès mondial, patronné par les souverains du Népal, de la WFB (Amicale mondiale des bouddhistes) Il était membre de son Publicity and Publications Committee "Comité de l'information et des publications", présidé par Christmas Humphreys. Il publia un "Cours systématique de bouddhisme" en espéranto, sous le titre "Le cur du bouddhisme," et fut un collaborateur du Professeur Malalasekera (fiche 83).
Panchen-Lama (le Xe) (1938-1989), abbé du monastère de Tashi-lhunpo (traditionnellement aussi le chef temporel de la province de Tsang), alternativement disciple du Dalaï-Lama et précepteur de sa réincarnation suivante ; vice-président du Comité permanent de l'Assemblée nationale populaire de Chine et de la "Commission préparatoire de la Région autonome du Tibet". Le 9 décembre 1956, à l'occasion d'une visite du temple de l'Ânand Vihâra à Bombay, le Dalaï-Lama (fiche 62) et lui ont accepté, sur proposition du Bhikkhu Anuruddha (fiche 57), le Haut Patronage de la "Ligue bouddhiste espérantophone".
Algerina (1841-1927) et Priscilla (1833-1931) Peckover, Britanniques, quakeresses. Ce sont les surs Peckover qui ont permis la parution de la Bible en espéranto, en en finançant la publication, par la Société Biblique Britannique et Etrangère avec la Société Biblique Nationale Écossaise (1926).
Edmond Privat (1889-1962), quaker suisse, "ambassadeur de l'espéranto" et enseignant à l'université de Neuchâtel. S'étant mis à l'espéranto à 14 ans, il fonda avec H. Hodler la revue Juna Esperantisto, "Jeune espérantiste", participa à 16 ans au premier Congrès universel d'espéranto à Boulogne-sur-mer (1905), rencontra à 18 ans le président Roosevelt aux États-Unis d'Amérique, présenta l'espéranto à la Société des Nations. Ayant présidé des comités et conférences internationales pour la libération de peuples opprimés, il servit de traducteur à Gândhî en Suisse et en Italie, puis le suivit en Inde (jusqu'à l'arrestation de 1932). Il en écrira la biographie (en français et en espéranto, traduite en anglais) comme il l'avait fait pour celle de Zamenhof. Il présida également la Kvakera Esperantista Societo, "Société des quakers espérantistes" (1948-1957). Il était membre du Service Civil International et l'ami de son fondateur, le quaker suisse Pierre Cérésole, ainsi que de Romain Rolland et du poète Rabîndranâth Tagore (fiche 97)
Il fut aussi pendant quinze ans rédacteur de la revue Esperanto et président de l'UEA (u).
Joseph Franklin Rutherford (1869-1942), deuxième président de l'Association internationale des Étudiants de la Bible (dont les membres prirent le nom de "Témoins de Jéhovah" en 1931). j"J. F. Rutherford (...), et d'autres dirigeants de l'Association, voient maintenant dans l'espéranto la base possible de la nécessaire langue commune de l'Âge d'Ork" (...qui devait commencer en 1925 et durer 1.000 ans.) Au moins deux de ses nombreux opuscules ont été traduits en espéranto, en plus des traductions parues dans Ora Epoko Esperantista "L'âge d'or espérantiste" (à partir de 1928) puis La Ora Epoko "L'âge d'or".
Anna Alamo-Sandgren (1907-1998) Protestante, Suédoise, fut pendant quelques années secrétaire itinérante de la section suédoise de la KELI (t) et donna des séries de conférences à travers la Suéde, mais aussi à l'étranger, enseigna l'espéranto. Avec son second mari Karl-Olof Sandgren (elle était veuve de Fritz Alamo) elle fonda Esperanto-Misio "Mission-Espéranto", organisme qui permit d'envoyer de la littérature chrétienne dans plus de 130 pays.
Karl-Olof Sandgren (1925-1990) Protestant, Suédois, il fonda avec son épouse Anna Alamo-Sandgren Esperanto-Misio qui distribuait de la littérature évangélique et assurait des séries d'études bibliques par correspondance. Il a pris une grande part à la traduction de cantiques suédois que l'on retrouve par exemple dans Adoru Kantante "Adorez en chantant" et dans Adoru "Adorez". Il a aussi rassemblé et préparé une bibliographie presque exhaustive, dont la deuxième édition "complète" a été publiée en 1994 par le pasteur Leif Nordenstorm : Religia literaturo en Esperanto, "Littérature religieuse en espéranto".
Marc Sangnier (1873-1950), fondateur du Sillon et de la Ligue française pour les Auberges de la Jeunesse. Ami personnel du silloniste Claudius Colas (successeur du P. Émile Peltier à la rédaction d'Espero Katolika (n), il viendra accueillir en personne la délégation de 200 espérantistes, drapeau en tête, venus saluer le 8e congrès du Sillon et visiter la "Cité Silloniste", le 18 avril 1909 à Paris.
(Zen-)Kei Shibayama, "responsable principal" (rang égal à celui d'un archevêque) de la branche Nanzen-ji de l'Ecole zen Rinzai. Il a été membre du groupe espérantiste de l'Université bouddhiste Ootani (à Kyoto) dans les années 1920 ; cofondateur (avec J. Nakanishi, directeur général de l'Armée du Salut Bouddhiste, qui y avait fondé en 1926 une section espérantiste) de la Ligue Bouddhiste Espérantophone Japonaise (JBLE) en 1931 ; et rédacteur de ses organes Orienta Lumo, "Lumière de l'Orient", et Informilo, "Bulletin d'information". Son "Histoire du temple Nanzen-ji" a été traduite en espéranto en 1929.
Rabîndranâth Tagore (Thakur, 1861-1941), le plus mystique des poètes, premier prix Nobel de littérature non-européen, fils et petit-fils des dirigeants du Brahmo Samâj, "Assemblée du Brahman". Il dit en octobre 1926 à la radio de Zagreb : "La langue [espéranto] m'est connue dans une certaine mesure, mais je n'ai pas encore eu l'occasion de l'étudier en détail. Je pense cependant que cette langue jouera un grand rôle, à l'avenir, dans les relations de l'humanité cultivée. (
) Je sympathise de tout cur avec votre mouvement." Un mois plus tard, passant dix jours à l'Erzsébet Szanatorium, près du lac Balaton où "son interlocuteur préféré était le Dr Horvath : ils se comprenaient bien en anglais et en espéranto il écrivit : "C'est une grande invention offrant d'énormes possibilités qui, je l'espère, acquerront peu à peu la fécondité nécessaire à la production d'une littérature vivante" (qui commençait déjà à voir le jour même si, par exemple, il n'existait alors guère plus d'une quinzaine de romans orignaux).
Léon Tolstoï, romancier (1829-1910) : "Le sacrifice que chacun fera dans notre monde européen en consacrant un peu de son temps à apprendre l'espéranto est si insignifiant, et les avantages qui peuvent en résulter si tous, au moins les européens et les américains tous Chrétiens , s'approprient cette langue-ci, sont tellement immenses, qu'on ne peut pas ne pas faire l'essai. J'ai toujours pensé qu'il n'existe aucune science plus chrétienne que la connaissance des langues, qui permet la communication et l'union avec le plus grand nombre de gens. J'ai constaté bien des fois que des gens sont devenus ennemis à cause du seul empêchement technique à une compréhension mutuelle; aussi l'étude de l'espéranto et sa diffusion sont vraiment une affaire chrétienne qui aide à la venue du Royaume de Dieu, ce qui est le premier et unique but de la vie humaine."
Jacques Tuinder (1933), Néerlandais, travailleur social, théologien, membre des Communautés de Base, devint président de l'IKUE en 1966 et a participé à ce titre à l'organisation du premier Congrès cuménique Espérantiste (Limbourg, 1968), puis se rapprocha de la KELI (t) dont il a été le 8e président de 2000 à 2004. Il fut l'initiateur et l'animateur de Agado E3 devenu EvidEntE, action humanitaire dont l'objectif est l'aide aux aveugles et la lutte contre la cécité évitable (par exemple par carence vitaminique).
Âchârya Vinoba Bhâvé (1895-1982), guide religieux hindou et réformateur social : le principal disciple de Gandhi. Il a appris l'espéranto en trois semaines, en 1960, avec l'explorateur yougoslave Tibor Sekelj, au cours de sa campagne de bhudan durant laquelle il a fait redistribuer spontanément plusieurs millions d'hectares à des paysans sans terre. Vinoba était convaincu que serait acceptée comme langue internationale la langue du peuple qui se déclarerait prêt à résoudre les problèmes internationaux par la non-violence. Il a déclaré : "Considérez-moi comme un "co-militant" dans l'action en faveur de la langue internationale", et a dit que Zamenhof était un véritable Mahâtmâ.
Muhammad Zafrulla Khan (Sir), exégète musulman, ancien Vice-président de la Cour internationale de justice de La Haye et ministre des Affaires étrangères du Pakistan, qui présida la 16e session des Nations Unies (et participa à la prière des espérantistes musulmans durant le Congrès universel de Londres en 1971) : "La langue Espéranto (...) devrait devenir une seconde langue commune dans des régions toujours plus vastes..." (La Haye, 1968, en préface à l'édition bilingue, arabe et espéranto, de La Nobla Korano "Le noble Coran".)
Lydia Zamenhof (1904-1942), fille de l'initiateur de l'espéranto. A la mort du Dr Zamenhof la jeune Lydia, qui n'avait que 13 ans, maîtrisait bien l'espéranto et elle était convaincue qu'elle avait à poursuivre l'uvre de son père : la diffusion de la Langue Internationale. Elle se convertit à la foi baha'ie, au scandale de certains membres de sa famille lorsqu'elle écrivit un article sur sa nouvelle religion dans un journal juif polonais. Elle a traduit en espéranto Baha' u'llah et l'époque nouvelle (le "manuel de la Foi" et les Causeries d'Abdu'l-Bahá (fiche 56) à Paris en 1911. Après avoir enseigné l'espéranto en Suède, j"a obtenu le plus grand succès dans les cours qu'elle a faits en diverses villes, notamment à Lyonk" C'est dans cette dernière ville qu'elle avait établi son lieu de séjour principal auprès de la famille Borel. Elle parla à Radio-Lyon 2, le 30 décembre 1933. Elle y enseigna la langue, parfois devant des classes de plus de cent personnes. Étant probablement la première baha'ie de passage dans cette ville, elle contribua avec la même énergie à la création à Lyon d'un groupe baha'i, qui existe toujours. Au cours de multiples séjours en France, de 1932 à 1937, elle rayonna dans de nombreuses villes telles que Bordeaux, Cannes, Chateaurenard, Chateauroux, Grasse, Hagenau, Le Havre, Hyères, Marseille, Moulins, Nancy, Nantes, Orléans, Oullins, Perpignan, Romans, Saint-Étienne, Saint-Raphaël, Thiers, Toulon, Valauris, Vance, Versailles, Villefranche-sur-Saône, Villeurbanne, inaugurant même des places Zamenhof, notamment à Romans et Thiers. À Nancy 300 personnes se présentèrent pour suivre ses cours et 182 s'y inscrivirent effectivement. Dans la même période elle se rendit aussi aux Pays-Bas et en Lituanie. Elle quitta définitivement la France le 21 septembre 1937 pour les États-Unis d'Amérique d'où elle rentra le 29 Novembre 1938 à Varsovie. Elle dut bientôt y vivre dans le ghetto. j"Un espérantiste polonais, encore dans les derniers jours avant le bouclage du ghetto par un mur, lui [aurait] rendu visite et proposé de la cacher dans sa famille. Mais la noble femme a refusé, pour ne pas mettre en danger la famille de la personnek" ; disant : j"je sais que je dois mourir, mais je sens que mon devoir est de rester avec mon peuplek" ; de même, elle aurait par la suite refusé l'aide d'un soldat allemand espérantiste qui lui offrait un moyen de s'échapper. Elle mourut dans une chambre à gaz du camp de Treblinka, comme le confirment les informations de son neveu M. L.-C. Zaleski-Zamenhof et le cheminot polonais espérantiste auteur de la citation ci-dessus, partageant ainsi la même fin que, dans ce seul camp, plus d'un million de ses frères et surs d'origine juive. Elle a fait l'objet de deux biographies, et d'une pièce de théâtre en espéranto.
Annexe 2 : Réponses à M. Luc Ferry, ministre de l'éducation
En février 2003, Luc Ferry a répondu comme suit, devant le Parlement, à François Calvet, député, qui lui avait posé une question sur l'espéranto :
"A la différence des langues vivantes étrangères ou régionales (...) dont l'identité repose sur l'existence de supports littéraires, historiques ou géographiques, l'espéranto (...) n'inclut pas cette dimension d'ordre culturel." [Journal Officiel, 24 février 2003, p. 1447, réponse de M. le Ministre à la question écrite n° 9696]
a) Réaction de Claude Piron, auteur de l'ouvrage Le défi des langues
Objet: Politique linguistique
Monsieur le Ministre,
Dans votre réponse à la question de M. François Calvet sur l'espéranto, vous dites que "le choix des langues vivantes étrangères susceptibles d'être proposées aux élèves, (...) donne toute leur place à des langues qui, à l'exemple de l'anglais, de l'allemand, de l'espagnol, de l'italien, du portugais, du néerlandais, du danois, du grec moderne, du norvégien, du suédois et du finnois, sont langues d'États membres de l'UE.". Telle est en effet la réalité juridique. Mais est-il admissible de défendre une position en se retranchant derrière une réalité juridique quand celle-ci n'a aucun rapport avec la réalité effective ? Quel est le pourcentage d'élèves qui choisissent le danois, le grec moderne, le finnois ? Quel est le pourcentage d'établissements scolaires où l'élève peut opter pour le néerlandais, le portugais, le norvégien? Quel est le pourcentage d'élèves qui préfèrent l'une de ces langues à l'anglais? Je vous serais très reconnaissant de demander à vos services de bien vouloir me fournir ces statistiques. Elles sont nécessaires pour replacer votre réponse dans une juste perspective.
Vous justifiez également votre refus de l'espéranto en disant : "à la différence des langues vivantes étrangères ou régionales susceptibles d'être présentées au baccalauréat et dont l'identité repose sur l'existence de supports littéraires, historiques ou géographiques, l'espéranto, du fait de sa caractéristique même de langue neutre, n'inclut pas cette dimension d'ordre culturel." Permettez-moi de contester cette affirmation. D'une part, une langue peut très bien être politiquement et économiquement "neutre" et inclure une dimension d'ordre culturel. D'autre part, au même titre que les langues que vous citez, l'espéranto a une identité qui "repose sur l'existence de supports littéraires, historiques et géographiques". Je vous mets au défi de démontrer le contraire en étayant votre démonstration sur des arguments factuels.
Mon assurance vous étonne sans doute, mais il s'agit de réalités faciles à vérifier. Votre formule était certes applicable à la "langue internationale" de 1887 (elle n'avait pas de nom à l'époque). Elle ne l'est plus à l'espéranto de 2003. De même que les années patinent les objets et transforment le visage des villes, l'histoire impose son empreinte aux phénomènes sociaux, et donc aux langues. L'espéranto était un projet à la fin du dix-neuvième siècle. C'est aujourd'hui une langue vivante qui inclut la dimension culturelle que vous lui déniez. Cent seize ans d'extension géographique, de rencontres internationales, d'activité littéraire, de publications de tous ordres, de constitution de réseaux de solidarité, d'usage dans les circonstances les plus diverses, notamment au sein de familles binationales, ainsi que de résistance aux persécutions, aux calomnies et aux tracasseries administratives lui ont donné ce support littéraire, historique et géographique que vous refusez de lui reconnaître, faute d'avoir étudié la question.
Il est normal que, comme l'immense majorité du public cultivé, vous doutiez de la valeur culturelle de l'espéranto. Mais peut-on fonder une politique sur un doute subjectif ? N'est-il pas préférable de procéder à la vérification, d'opter pour l'objectivité ? Si l'on ne peut rien reprocher à celui qui se trompe de bonne foi, on ne saurait admettre qu'il continue dans la même voie une fois l'erreur portée à son attention. Vous vous devez donc de contrôler les faits. Refuser de le faire serait trahir la confiance de la population et faillir à votre mandat.
L'article intitulé Culture et espéranto, auquel je me permets de vous renvoyer (http : //www.lve-esperanto.com/bibliotheque), contient toutes les références qui vous permettront de vérifier ce qu'il en est. Vous verrez ainsi que l'espéranto a bel et bien un support littéraire et historique. Cent ans suffisent parfois pour donner naissance à une culture : il y avait une culture chrétienne, bien différente de la culture gréco-romaine, un siècle à peine après l'apparition du christianisme. La culture fondée sur l'espéranto est du même ordre. Lorsque des gens des pays les plus divers se sont emparés du projet de Zamenhof pour étancher leur soif de communication d'un bout à l'autre de la planète, ils ont déclenché, sans forcément s'en rendre compte, un processus de création culturelle. Un peu lourde au début, la langue n'a pas tardé à s'affiner sous l'effet de l'usage quotidien. Des poètes se sont mis à écrire dans cette jeune langue, que bien des traits rendent particulièrement apte à l'expression poétique, des romanciers sont apparus et des chansons sont nées, souvent connues d'une extrémité à l'autre de la "diaspora" espérantiste, qui couvre actuellement la quasi-totalité du globe (la revue Esperanto a des lecteurs dans 115 pays). On a même vu apparaître des mots d'argot, sans que l'on sache où ils ont vu le jour ni pourquoi il se sont propagés si rapidement. C'est le cas par exemple du mot krokodili, littéralement "faire le crocodile", "agir comme un crocodile", qui signifie "utiliser une langue nationale dans un groupe qui parle espéranto ( et donc exclure de l'échange l'hôte étranger)". J'ai moi-même entendu ce mot dans ce sens en Chine, en Ouzbékistan, au Congo, au Brésil, au Japon et dans un certain nombre d'autres pays.
Quant au support géographique, si l'article précité n'en parle pas, c'est que cet argument-là ne figurait pas parmi ceux auxquels il répondait. Mais ce support existe lui aussi, comme le prouve par exemple le fait que les spécialistes de la littérature espérantiste distinguent la période marquée par l' "école de Budapest" de la période dite "écossaise".
Vous le verrez, les faits présentés dans l'article attestent l'existence d'une culture, qui s'intègre dans les autres cultures tout en s'en différenciant, un peu comme peut le faire le sentiment d'identité : on peut être Alsacien, se sentir Alsacien et parler alsacien sans que cela empêche de se sentir français et d'avoir une parfaite maîtrise de notre langue. L'Alsacien qui pratique l'espéranto se sent en outre membre de la collectivité espérantiste : les trois identités s'intègrent parfaitement, comme les trois cultures.
Peut-être ma lettre aura-t-elle plus de poids si je précise que je suis connu, du moins dans certains milieux, comme spécialiste de la communication linguistique internationale (voir par exemple mon article "Communication linguistique - Etude comparative faite sur le terrain", Language Problems & Language Planning, [ISSN 0272-2690] 26, 1, printemps 2002, pp. 23-50, que vous pouvez aussi lire sur : après avoir cliqué sur "Documents". Les hasards de la vie ont fait que je parle l'espéranto depuis l'âge de douze ans et que j'aie moi-même contribué à sa vie culturelle : un ami américain a fait dresser par le catalogue informatique WorldCat une liste des livres dont je suis l'auteur que l'on peut emprunter aux bibliothèques des États-Unis : elle comprend 26 titres, dont beaucoup en espéranto. Je ne prétends pas que mes uvres aient la moindre valeur on ne peut se juger soi-même mais le fait qu'un recueil de mes poèmes vient de connaître une deuxième édition est un signe encourageant : il signifie que le marché de la poésie en espéranto est suffisamment intéressant pour qu'un éditeur juge rentable d'y investir. Si vous m'objectez que cette réédition n'a aucune signification étant donné que le monde compte assez de farfelus et de masochistes pour s'adonner à la lecture d'uvres sans valeur, je serai le premier à en rire de bon cur avec vous. Mais, une fois le rire éteint, vous me permettrez de vous faire observer que mépriser l'uvre d'un auteur sans l'avoir lue dans l'original, c'est pécher contre l'honnêteté intellectuelle. De même, dans notre société, conditionnée, en la matière, par une désinformation qui s'entretient d'elle-même depuis des décennies, il est normal de croire que l'espéranto est dépourvu de culture, mais ce n'est pas juste. Ceci n'est pas une affirmation gratuite : elle est vérifiable (voir l'article susmentionné).
J'espère que ce message parviendra jusqu'à vous, ou tout au moins assez haut dans la hiérarchie de votre ministère, et que vous sentirez qu'il s'agit de quelque chose de sérieux dans le monde inféodé à l'anglais dans lequel nous vivons. De tous les moyens permettant de communiquer par dessus les barrières linguistiques, l'espéranto est celui qui, à l'examen, se révèle avoir le rapport efficacité/coût le plus favorable à l'ensemble des citoyens. Il donne accès à une culture originale et, mieux que les autres langues, à un large éventail de cultures généralement négligées. Maintenir la population dans l'ignorance de ces faits est injustifiable à la veille de l'élargissement de l'Union Européenne. Pourquoi ne pas vous attaquer aux préjugés qui empêchent d'adopter une politique linguistique conforme aux intérêts de tous ? Si vous avez le courage de contrecarrer la tendance au monopole de l'anglais, que favorise la politique linguistique de la France, et de persuader vos collègues des autres pays de l'Union de mener à bien une étude comparative de la rentabilité respective de l'anglais et de l'espéranto, vous aurez rendu aux citoyens de toute l'Europe, voire du monde entier, un service d'une portée qu'il est impossible de mesurer, tant les retombées seront immenses.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre,
Claude Piron
Psychologue-psychothérapeute, ancien traducteur à l'ONU et à l'OMS, l'auteur de cette lettre a enseigné à la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l'Université de Genève de 1973 à 1994.
b) Réaction de Christian Lavarenne, docteur ès lettres
I - Existence de "supports littéraires"
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Voici (
) quelques informations de base ainsi que quelques pistes pour "élargir la recherche".
1. Prose
Il existe plus de cent cinquante romans originaux en espéranto (voir: http://esperanto.net/literaturo/; ou http://www.rano.org/romanoj.html), dont une bonne partie peut être acquise auprès du service de librairie de l'association mondiale d'espéranto UEA. Sous la rubrique Romans, nouvelles, récits (originaux) de son catalogue 2001, sont proposés plus de 300 titres. (Libroservo de UEA : Esperanto-katalogo ("Service librairie de l'UEA : Catalogue Espéranto", Rotterdam : UEA, 2001), p. 80-91 ; consultable sur http://www.uea.org/katalogo).
Dès 1903 paraissait chez Hachette une Fundamenta Krestomatio (j), de 460 pages (dont, il est vrai, 16 pages d'exercices et un certain nombre de textes traduits). J'en possède la 17e édition, de 1954, au texte inchangé (depuis la 5e éd. révisée par Lejzer Ludvik Zamenhof), mais annoté par un membre de l'Académie d'espéranto, W. J. Downes (Rickmansworth : The Esperanto Publishing Company Ltd, xv + 442 pp., voir : http://www.abebooks-livre.fr/Author/535042/Zamenhof+L+L.html).
Quatre autres anthologies ont été publiées depuis :
33 rakontoj : La esperanta novel-arto, "33 récits: Lart de la nouvelle en espéranto", La Laguna : Stafeto, 1964, xvii + 328 pp. Traduction littérale hâtive d'un extrait de la seconde introduction :
"Les auteurs des 33 nouvelles représentent des époques, des tendances artistiques et des aspects de la société très divers et, commençant (...) en 1898, nous voulons donner de brefs coups de projecteurs sur l'art de la nouvelle, digne d'attention et plein de vigueur, de notre mouvement culturel, auquel prennent part de nombreux peuples, sur les efforts desquels se construit peu à peu quelque chose de nouveau : une littérature supranationale spécifique, différente de toutes les autres, jaillie cependant du terroir, jeune, mais non infantile, ni faible." (Prof. F. Szilagyi, p. 2.)
Krestomatio de Esperanta literaturo, "Anthologie de la littérature en espéranto", compilée par István Szerdahély, Budapest : Tankönyrkiadó, 1979-1982, 3 vol., 466, 326 et 476 pp. (avec bibliographie).
Trezoro : Esperanta novel-arto, "Trésor : lart de la nouvelle en espéranto" (1887-1986), (Budapest : Hungara Esperanto-Asocio, 1989, 2 vol., 948 pp.) (cet ouvrage présente des nouvelles de 103 auteurs).
2. Poésie
Esperanta antologio: poemoj 1887-1981, "Anthologie de poèmes en espéranto,1887 1981" (Rotterdam : UEA, 1984, 2e éd.), 887 pp. ; cette collection présente 706 poèmes de 163 poètes de 35 pays. Soulignons quil sagit, comme son titre lindique, dune anthologie, et donc que la plupart de ces 706 poèmes sont tirés de recueils différents.
Le plus grand poète espérantiste est sans doute le Hongrois Kálmán Kalocsay, qui est d'ailleurs l'auteur, avec le Français Gaston Waringhien, agrégé de grammaire, d'un guide de poésie classique : le Parnasa gvid-libro ["Livre Guide du Parnasse"] (Pise : Edistudio, 1984, 3e éd., 208 pp.).
3. Théâtre
Lart dramatique a fêté son centenaire il y a déjà quelques années puisque la première représentation théâtrale en espéranto a eu lieu le 27 septembre 1896 à Smolensk. Il s'agissait, il est vrai, d'une traduction (d'une pièce de Tolstoï) [ann. 1 b, fiche 99], et le public était sans doute local, tout comme la "troupe".
La première représentation internationale attendra 1905 : le Mariage forcé, de Molière, joué à Boulogne-sur-Mer par des acteurs de 7 nationalités devant un public appartenant à 28 pays.
Une des premières comédies originales en espéranto a été écrite par une Française : Duonsurda, "A moitié sourde", 1907, de Jeanne Flourens (1871-1928, plus connue sous le pseudonyme de "Roksano").
Valeur ?
Je ne me hasarderai pas à juger en quelques lignes de la valeur de cette littérature : je préfère laisser chacun se rendre compte par lui-même, par exemple à travers la première approche que permettent les traductions présentées sous la rubrique "Bilingue" dans chaque numéro du Monde de lespéranto.
Mais Maurice Genevoix, secrétaire perpétuel de l'Académie française, disait en 1954 : "L'espéranto est en mesure d'exprimer les nuances les plus subtiles de la pensée et du sentiment. Il est propre à permettre, par conséquent, l'expression, la plus juste, la plus littéraire, la plus esthétique..."
Et l'écrivain Georges Duhamel, autre membre de la même Académie, allait plus loin encore : "Je crois que l'espéranto pourrait donner un jour lieu à des uvres exceptionnelles et qui seraient destinées à un grand public divers..."
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.Il paraît en tout cas difficile de nier l'existence d'une littérature en espéranto alors que le PEN-Club a accepté une section d'écrivains publiant dans cette langue: ses membres pourraient-ils n'avoir rien produit durant toute leur carrière de professionnels ?
L'éventuelle élaboration de la partie du programme scolaire concernant les "supports littéraires" de l'espéranto sera d'ailleurs grandement facilitée par l'existence d'une "Liste de lectures de base de la Littérature espérantiste originale", compilée par William Auld. Elle consiste en 22 recueils de poésie et 29 oeuvres en prose. Son but est justement de définir l'équivalent de cette "partie de la littérature dont, dans sa culture nationale, on acquiert une connaissance plus ou moins approfondie et intime durant ses études, disons jusqu'au baccalauréat". (Esperantaj Klasikajxoj, "Les uvres classiques en espéranto", Trezoro), p. 949.
Il existe par ailleurs une Bibliographie des thèses et dissertations universitaires ou d'instituts supérieurs sur l'espéranto et l'interlinguistique, compilée par Edward Symoens, principal de collège (Rotterdam : UEA, tome I, 1989), 159 p. ; (t. II : Supplément, 1995), 62 pp., qui recense 7 + 4 ouvrages sur la littérature, dont une thèse française : Les jeux de mots dans l'uvre de Raymond Schwartz, par Madame Marie-Thérèse Lloancy (Paris : Sorbonne, 1985), 1176 p.
II - Existence de supports historiques
Il serait pour le moins paradoxal, si l'espéranto n'avait pas d'histoire, que M. Jean-Claude Lescure, actuellement professeur d'histoire à l'université de Grenoble, ait réussi à présenter un travail de 886 pp. (dont 120 de bibliographie !) sur quelque chose qui n'existerait pas.
(Il s'agissait de son "Dossier de candidature à l'habilitation à diriger des recherches", réalisé sous la direction du professeur Pierre Milza et présenté à l'Institut d'Études Politiques de Paris en 1999).
Son étude se limitait principalement à la France et à une période s'achevant au début de la seconde guerre mondiale. Une sorte de suite, bien que plus spécialisée, est donc en cours avec la thèse préparée à l'université de Versailles / St-Quentin-en-Yvelines par Mme Anne-Sophie Markov (sous la direction du prof. Jean-Yves Mollier). Son mémoire de DEA s'intitule en effet : Le mouvement international des travailleurs espérantistes des origines à nos jours (2001), 226 pp.
E. Symoens (op. cit.) recense 11 + 10 autres ouvrages, dont un mémoire en allemand sur la France : Esperanto und Esperantismus in Frankreich ["Espéranto et Espérantisme en France"], de Marianne Leurs (Germersheim : Johannes-Gutenberg-Universität, 1992, 97 pp.). On peut encore mentionner, concernant l'histoire, non du mouvement, mais de la langue elle-même, la thèse de François Lo Jacomo, dirigée par André Martinet : Liberté ou autorité dans l'évolution de l'espéranto (Paris : Sorbonne, 1981), 384 pp.
En dehors des travaux universitaires, les études sont innombrables et le plus souvent en espéranto.
Je n'en mentionnerai que cinq, car ce sont des ouvrages de référence :
Enciklopedio de Esperanto (), (Budapest : Literatura Mondo, 1933; 2e éd. Budapest : Hungara Esperanto-Asocio 1979 2), 599 + 5 p.
Prof. Ivo Lapenna, Esperanto en perspektivo : Faktoj kaj analizoj pri la Internacia Lingvo, "Lespéranto en perspective : faits et analyses à propos de la langue internationale" (Londres-Rotterdam : CED et UEA, 1974), 844 pp. (dont 135 pp. consacrées à la littérature).
Ulrich Lins, La dangxera lingvo "La langue dangereuse" (ww), (Moscou : Progreso, 1990, 2e éd., 568 pp.; il existe de ce livre une version allemande abrégée : Die gefährliche Sprache (), (Gerlingen : Bleicher, 1988), 326 pp.
Ludovikito (ps. dITO Kanzi), Historieto de esperanto, "Petite histoire de lespéranto", Tokyo : (Libroteko, 1998), 467 pp. Cette "petite histoire" se concentre sur la seule période 1887-1903. Son auteur est par ailleurs léditeur des uvres complètes de Lejzer Ludvik Zamenhof (50 volumes si lon inclut la série des Kromkajero, "Cahiers complémentaires", les 26 tomes de la Ludovikologia dokumentaro, "Recueil de documents sur Ludvik (Zamenhof)", et le 50e volume sur lhistoire de cette gigantesque entreprise éditoriale et sur les six années de collaboration, en particulier avec Gaston Waringhien (1992), 321 pp. 138 lettres.
1898-1998 : Centjara asocia Esperanto-movado en Francio, "Mouvement associatif centenaire de lespéranto en France" d'H. Gonin et J. Amouroux, (Paris : Espéranto-France, 1998), 215 pp. (en 3 numéros spéciaux (498-500) de la revue Franca Esperantisto (). Plus la dernière biographie française de celui qui est à l'origine de la langue (Lejzer Ludvik Zamenhof) :
L'homme qui a défié Babel, d'Henri Masson et René Centassi (rédacteur de l'AFP, décédé), (Paris : L'Harmattan, 20012), 339 pp. Une version en espéranto a paru la même année, chez le même éditeur.
III - "Dimension d'ordre culturel"
La seule objection que nous acceptions est l'inexistence de supports géographiques, absence qui n'empêche nullement une langue le cas du yiddish le prouve de véhiculer indéniablement une culture. Et il existe plusieurs centaines de personnes ayant l'espéranto comme langue maternelle "denaskaj esperantistoj". La plupart, il est vrai, sont bilingues ou trilingues : les parents forment en général un couple "mixte" (de deux langues différentes) dont celui (ou celle) qui est dans son pays parle exclusivement en espéranto à leur(s) enfant(s) ; l'autre, qui n'est pas originaire du pays, parle exclusivement sa propre langue ; les parents parlent entre eux en espéranto, qui est donc perçu comme la langue de la famille ; et la langue du pays est apprise par les contacts avec les enfants des voisins, les amis non-espérantistes, les grands-parents, oncles et tantes, cousin(e)s... puis à l'école. Cette "compartimentation" fournit à l'enfant des repères clairs permettant un développement psychologique harmonieux.
Cela reste bien sûr le cas dune infime minorité des locuteurs espérantistes.
1. Musique
A elles seules, la littérature et l'histoire ne suffiraient pas à former une culture vivante et dynamique. Mais il existe une longue tradition de chanson espérantiste puisque c'est même dans les chants qu'a été célébrée la naissance officielle du ...pré-espéranto ! Je ne peux que renvoyer au dossier de 5 pages : "Quand deux langues universelles se marient : musique et espéranto" paru dans Le monde de l'espéranto n° 535 (juillet-août 2002), incluant une conférence présentée par Floréal Martorell (directeur de la maison de disques française "Vinilkosmo") au colloque "Cent ans d'éducation populaire" (Marly-le-Roi, 1999, subventionné par le ministère de la Jeunesse et des sports). Le catalogue de l'UEA [(u)] propose 140 cassettes et CD, mais il y a tout un marché parallèle en espéranto qui lui échappe en grande partie : celui des musiques les plus actuelles (dites "underground", et aux noms barbares : punk, hardcore, grincore, death-metal, techno, industrielle, hip hop, trance, jungle...)
2. Radio
Radio-Pékin émet plusieurs heures par jour dans la "Langue mondiale" (www.cri.com.cn). Lespéranto est lune des trois langues étrangères "privilégiées" de Radio-Varsovie (avec lallemand et langlais) : www.wrn.org/ondemand/poland.html ( et archives à : http://start.at/retradio). Radio Vatican, qui émet quatre fois par semaine dans ce que certains ont commencé à nommer "le nouveau latin de lÉglise", a fêté en 2002 les 25 ans de sa rédaction espérantiste. Pour les horaires, et les informations techniques sur une bonne quinzaine de radios : HYPERLINK "http://esperanto-panorama.net/franca/radio.htm" http://esperanto-panorama.net/franca/radio.htm et HYPERLINK "http://osiek.org/aera" http://osiek.org/aera.
3. Cinéma
C'était le parent pauvre, en raison des budgets exorbitants qu'exigeait cet art jusqu'à l'arrivée de la vidéo, et le retard n'a pas encore été comblé.
Le catalogue déjà cité ne propose encore qu'une bonne quarantaine de courts-métrages en vidéo, dont un certain nombre de documentaires.
Signalons du moins que, même s'il n'est pas en espéranto, le scénario d'un court-métrage candidat aux Oscars, du polonais Adam Gruzinski, est tiré d'une nouvelle en espéranto d'Endre Toth, La Antikristo. Il a déjà reçu le premier prix du Festival international du documentaire et du court-métrage (en décembre dernier à Bilbao).
4. Périodiques
Les recherches du Labor-rondo Takacs, "Cercle de travail Takacs", un "cercle de travail" international fondé l'année du centenaire de la Langue internationale "pour poursuivre l'étude bibliographique de cet espérantiste éminent", ont abouti à cet étonnant résultat qu'au cours de l'histoire plus que centenaire de l'espéranto il y a eu au moins 10.638 titres de périodiques, pour lesquels sont recensées 42.490 collections annuelles. (Ce qui ne donne qu'une durée de vie moyenne de 4 ans : seraient lancés, et disparaîtraient, en moyenne, deux titres de périodiques par semaine.) (Dr Arpad Mathé, Bibliografio de la Esperanto-periodajxoj "Bibliographie des périodiques en espéranto", dans Memorlibro,"Livre commémoratif" (Miscellanées et Actes de la Conférence internationale tenue à l'occasion du 30e anniversaire de la Section d'espérantologie de l'Université de Budapest, Budapest : Université Eötvös Lorand, 1998, pp. 432-435 + 2 graphiques en annexes.)
Les deux périodiques les plus anciens qui continuent encore à paraître sont apparemment Espero Katolika (n), 1903 (qui a atteint son n° 950 en 2000) ; et Esperanto, 1905 (n° 1156 en février 2003), lu dans 115 pays. Franca Esperantisto "L'espérantiste français" (ccc), fondé en 1908, vient d'atteindre le n° 538 sous son nouveau titre : Le Monde de l'espéranto. De son côté, Heroldo de Esperanto (), bien que fondé seulement en avril 1920, a déjà dépassé les 2000 numéros (n° 2031 en janvier 2003).
Il y avait, dans les années 1990, plus de 800 titres courants de périodiques en espéranto dans le monde.
Conclusion
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Krika
ionybé ir Esperanto "Christianisme et espéranto" Traduction / adaptation en lituanien à partir de la version russe par Irena Miakinien (Vilnius : Alma litera, 2004) 136 pp. ISBN 995-08487-1
L espéranto, un nouveau latin pour lÉglise et pour lhumanité
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10. Abréviations, sigles et titres en langue étrangère
Apparaissent ci-dessous dans l'ordre :
la ou les lettres majuscules, en exposant et entre parenthèses dans le texte, qui ont servi de renvoi pour les occurrences successives d'abréviations, sigles et expressions étrangères répétitifs.
le nombre romain entre parenthèses exprimé en minuscules servant dans le texte au renvoi de la 1ère occurence.
le sigle éventuel utilisé dans le texte,
lexpression en langue étrangère traduite en français.
Parfois quelques explications complémentaires
i CRSA Ordo Canonicorum Regularium Sancti Augustini (Ordre des Chanoines Réguliers de Saint Augustin) Ordre religieux qui sinspire de la doctrine théologique de Saint Augustin, évêque dHippone (actuelle Annaba, Algérie) à la transition du 4ème au 5ème siècle et Père de lÉglise.
ii Latinitas "Latinité" revue de la langue latine dotée de termes modernes et ainsi conçue comme une langue vivante, publiée au Vatican sous la responsabilité du Père Abbé augustin, sud-tyrolien, Carlo Egger, latiniste officiel du Vatican.
iii IKUE Internacia Katolika Unuigxo Esperantista "Union internationale des catholiques espérantophones".
iv La ricerca della lingua perfetta nella cultura europa, (Rome-Bari : Laterza, 1994), ouvrage d'Umberto Eco paru simultanément en cinq langues dans la collection "Faire l'Europe", dont la version française s'intitule : La recherche de la langue parfaite dans la culture européenne (Paris : Seuil, 1994, ISBN 2-02-012596-X puis 2-02-031468-1), comme son cours au Collège de France en 1992, la version espagnole : La búsqueda de la lengua perfecta en la cultura europea (Barcelone : Crítica "Grupo Grijalbo-Mondadori" 1994, ISBN 84-7423-652-5, la version allemande : Die Suche nach der vollkommenen Sprache (Munich : C.H. Beck, 1994), la version anglaise The search for the perfect language in the making of Europe (Oxford : Basil Blackwell, 1994).
v Internacia Lingvo "Langue internationale" Nom dorigine de lespéranto, parfois abrégé en Ilo, abréviation qu'utilise lAcadémie Internationale des Sciences, dont le siège est à Saint-Marin.
Interlingua : langue créée en 1951 à New York par Alexander Gode, dans le cadre de l'International Auxiliary Language Association (IALA) "Association internationale pour une langue auxiliaire" ou "Association pour une langue auxiliaire internationale" (l'anglais a les deux sens).
Latino sine flexione "Latin sans flexions" langue créée par le mathématicien italien Giuseppe Peano.
La Esperantisto : Mensuel publié en décembre 1888 par l'ancien club de volapük de Nuremberg qui avait décidé d'adhérer à la langue de Zamenhof. C'était le premier groupe d'espéranto.
Lingvo Internacia "Langue internationale" revue créée en décembre 1895 par le club d'espéranto dUppsala (Suède) et qui succéda à l'Esperantisto
Fundamenta Krestomatio"Anthologie fondamentale"
Hilelismo exprimé parfois en français par le mot "Hillélisme". Vient de Hillel l'Ancien, érudit juif qui fut très actif à Jérusalem vers l'an 30 avant Jésus-Christ. Il s'agissait d'instructions pour promouvoir la fraternité entre les êtres humains.
Homaranismo (les espérantistes francophones emploient volontiers le mot : "homaranisme" ) Cela reste pourtant un mot espéranto dacception générale composé progressivement, selon les règles de lespéranto à partir de hom- "être humain" ; -ar-, "collection, ensemble" ; doù : homar-, "genre humain, humanité" ; -an- "membre, personne appartenant à un groupe, citoyen" ; doù homaran- "individu, membre du genre humain" ; -ismo "doctrine, thèse, théorie, action en faveur de
" ; doù finalement: «doctrine considérant les personnes avant tout sous l'angle de leur appartenance au genre humain (indépendamment de tout autre critère)».
Ruslanda Esperantisto "Espérantiste de Russie"
Espero Katolika "Espérance catholique" revue de lIKUE (Union Internationale des catholiques espérantophones) créée en 1903.
Societo Espero Katolika (SEK) "Société Espérance catholique" Nom éphémère de la Société gérant la revue catholique en espéranto appelée ensuite Espero Katolika (Espérance catholique) mais créée seulement après la parution de la revue.
Pregxareto por Katolikoj "petit recueil de prières pour catholiques" de Louis "de Beaufront"
YMCA Young Mens' Christian Association "Association des jeunes hommes chrétiens" en Angleterre, à lorigine du mouvement des espérantistes protestants.
Dia Regno "le Royaume de Dieu" revue de l'Église réformée, dirigée par Bengt-Olof Åradsson de la KELI (Ligue Internationale Chrétienne Espérantiste).
KEL Kristana Esperanta Ligo 'Ligue chrétienne espérantiste" premier nom de l'association protestante espérantiste.
KELI Kristana Esperantista Ligo Internacia "Ligue Internationale Chrétienne Espérantiste" appellation actuelle de la ligue espérantiste de lÉglise Réformée.
UEA Universala Esperanta Asocio "Association universelle d'espéranto".
Katolika Mondo "le Monde catholique".
Biblia Komitato "Comité biblique". Il compléta à Londres, le travail de traduction de lancien Testament effectué par Lejzer Ludvik Zamenhof à partir de lhébreu et y ajouta le Nouveau Testament.
SJ (Société de Jésus) Ordre sacerdotal fondé par Saint Ignace de Loyola. Ces prêtres (ou évêques) religieux sont communément désignés par le mot «jésuite».
RDA (République Démocratique dAllemagne), sigle en langue française (en allemand : DDR, en espéranto : GDR) de l'ancienne Allemagne de lEst, entité fondée le 7 octobre 1949 et disparue lors de la réunification allemande le 3 octobre 1990 au profit de l'agrandissement de la République Fédérale d'Allemagne.
Lexikon für Theologie und Kirche "Lexique pour la théologie et lÉglise", publication allemande parue à Fribourg-en-Brisgau en 1931.
KNA Katholische Nachrichten-Agentur "Agence de Presse catholique" allemande..
Ökumenisches Esperanto-Forum "Forum cuménique en espéranto ". Lcuménisme est le souci de la recherche de lunité entre chrétiens dabord, entre autres religions ensuite.
Malgranda Ekumena Katekismo "Petit cathéchisme cuménique" de Heinz Schütte.
Germana Esperanto-Asocio "Association allemande d'espéranto".
Pasporta Servo "Service Passeport" Recueil d'adresses d'espérantophones disposés à héberger gratuitement chez eux d'autres personnes qui pratiquent l'espéranto (quelque 80 pays).
Franca Katolika Esperantisto "Lespérantiste catholique français " Actuelle Présidente : Mme Michèle Abada Simon
Dio Benu "Dieu bénisse" Revue de la section Tchèque de lIKUE
JET Junulara Ekumena Esperanto-Tendaro Camp Espérantiste cuménique de la Jeunesse
KET Katolika Esperanta Tendaro "Camp Catholique Espérantiste"
Osservatore Romano "Lobservateur romain", Revue officielle du Vatican
UE "Union Européenne" La plus récente appellation de lunion politique (et partiellement monétaire) de 25 pays membres depuis le 1er mai 2004 qui tend à devenir progressivement une union plus étroite.
Europa spricht mit 100 Zungen / Euxropo parolas 100-lange "LEurope parle en 100 langues" (À noter que le mot allemand Zunge, espéranto lango, désigne, non la langue en tant qu'idiome, mais l'organe qui se trouve dans la bouche, employé ici métaphoriquement, comme quelquefois l'anglais tongue).
Die Welt "Le Monde" Journal allemand.
Native English speakers only "(Emploi) réservé aux personnes de langue maternelle anglaise", "Condition pour que la candidature soit recevable: être de langue maternelle anglaise"..
English mother tongue 'Langue maternelle anglaise"
xlii Only en English "seulement en anglais"
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