MÉTHODE
Exemple de corrigé de dissertation d'histoire des institutions ? ...... votre
correspondant par une attitude qu'il pourra trouver cavalière, voire incorrecte ou
.... arrêts et jugements qui vous sont proposés en TD : cela deviendra un
automatisme ...... de mettre en perspective cette décision, au regard des données
de droit positif, ...
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© Université Paris X - Nanterre, décembre 2006
SOMMAIRE
Avant-Propos
. 4
(
Lexpression
Les erreurs de langage
5
Lusage des majuscules
8
Les locutions latines
13
Les usages de la correspondance
18
Les principaux exercices
Le commentaire de texte
20
Le commentaire daffirmation
22
La fiche darrêt (ou de jurisprudence)
24
Exemple de fiche de jurisprudence en droit privé
27
Le commentaire dune décision de justice
34
Exemple de commentaire de décision de justice en droit privé
37
Le cas pratique (en droit international public)
42
La dissertation
44
Exemple de corrigé de dissertation dhistoire des institutions
47
AVANT-PROPOS
par Sandra Szurek
Accessible à tous les bacheliers, largement ouverte aux échanges, parfois dès la deuxième année, lieu dun brassage grandissant des cultures juridiques avec, notamment, le succès des programmes Erasmus, la licence en droit rassemble aujourdhui non seulement des étudiants de tous niveaux et de toutes cultures mais encore de diverses nationalités.
Ces changements, signes de vitalité et de richesse, appellent de la part des enseignants un regain dattention aux difficultés que soulève lobtention du diplôme. Parmi celles-ci, une maîtrise incomplète ou imparfaite de la méthodologie figure souvent parmi les principales causes déchec, en raison de lincapacité des étudiants dexprimer leurs connaissances dans le cadre formel requis, cas pratique, commentaire de texte, etc
sans parler de ce fameux plan français de la dissertation en deux parties, si déroutant pour les étudiants étrangers !
Le document de méthodologie élaboré par léquipe de licence sadresse donc à tous les étudiants de licence, de la première à la troisième année. Son élaboration répond à plusieurs objectifs.
Le premier objectif est de permettre à ceux qui le souhaitent davoir une vue densemble des différents types dexercices juridiques dont la maîtrise est un gage incontestable de réussite des études supérieures. Rassemblés dans un document unique, consultable autant que de besoin, ces exercices sont assortis de conseils pratiques et parfois dexemples. Il ne sagit pas, bien entendu, de remplacer les conseils méthodologiques dispensés dans le cadre de chaque enseignement et en particulier dans le cadre des travaux dirigés. Il ne sagit pas davantage de remplacer les conseils individualisés dispensés dans le cadre du tutorat. Mais il sagit de compléter ceux-ci en offrant à chaque étudiant, avec cet outil de travail supplémentaire, une vue interdisciplinaire de la méthode.
Le caractère novateur de ce document ne sarrête pas là. Léquipe de formation de licence exprime le souhait que celui-ci serve de lien entre léquipe de formation de licence, les étudiants et les équipes pédagogiques des différentes matières. En effet, destiné à être régulièrement actualisé, ce document pourra éventuellement répondre à des besoins méthodologiques spécifiques dont les étudiants de licence ou les équipes pédagogiques voudraient saisir léquipe de formation (par courrier, casier 20, salle des enseignants).
Dores et déjà, chacun pourra y trouver, par exemple, des conseils précieux sur « lart et la manière de sexprimer », en attendant louverture dautres rubriques.
En espérant que ce document saura être utile à chacun, il ne reste plus à léquipe de formation de licence quà souhaiter de brillants succès aux étudiants en Droit de Paris-X.
LES ERREURS DE LANGAGE
par Jean-Luc Chassel
ON NE DIT PAS :
- « Le justiciable se demande devant quelle juridiction doit-il faire appel », « Le citoyen ne comprend pas quest-ce quune consti-tution. »
Ces phrases ne tiennent pas compte du style indirect, qui impose de dire : Le justiciable se demande devant quelle juridiction il doit faire appel ; le citoyen ne comprend pas ce quest une constitution.
(
- « Le Code civil et la jurisprudence stipulent que
»
Seuls les contrats stipulent. On doit dire : Le Code civil (ou encore une constitution, une loi, un traité international, etc.) dispose que
. ; et la jurisprudence (ou un jugement, un arrêt, etc.) décide que
(
- « À force dêtre pris en otages, la grogne des usagers ne fait que saccentuer. »
Cette phrase entendue dans un journal télévisé signifie que cest la grogne des usagers qui est prise en otage ! Il faut dire : À force dêtre pris en otages, les usagers manifestent davantage leur grogne.
(
- « Il savère exact que léconomie de la France est rien moins que dégradée. »
Cette phrase est doublement fautive. Dabord, savérer veut dire : se révéler exact ; lexpression savérer exact est un pléonasme. Dautre part rien moins veut dire à lorigine : tout sauf, absolument pas ; mais comme personne ne le sait plus, il vaut mieux éviter cette formule ! On dira donc : Il savère que léconomie de la France est tout sauf florissante (ou est vraiment dégradée).
(
- « Les décisions juridiques visent, sur ce point, à pallier aux imprécisions de la législation. »
On dit : Les décisions judiciaires visent, sur ce point, à pallier les imprécisions de la législation. Si on pallie quelque chose (transitif direct), en revanche on supplée à quelque chose.
(
- « Car en effet ce litige ressort de la compétence du juge judiciaire. »
Car en effet est un pléonasme. Dautre part, il ne faut pas confondre le verbe ressortir (terme juridique dérivé de ressort, qui désigne le domaine de compétence dune juridiction ou dun organe administratif) et le verbe ressortir (terme du langage courant dérivé de sortir). Ces deux verbes ne se conjuguent pas et ne se construisent pas de la même manière. Il faut dire : En effet ce litige ressortit à la compétence du juge judiciaire.
(
- « Malgré ce quil argue, le défenseur est condamné aux dépends. »
Malgré que nest pas correct. Il ne faut pas confondre un défenseur et un défendeur. Quant aux dépens dune instance, il se rattachent à lidée de dépense et non de celle de dépendre. On doit donc dire : En dépit de ce quil arguait, le défendeur est condamné aux dépens.
La prononciation du verbe arguer pose également un petit problème : le u doit être prononcé et cest le e qui est muet (comme dans langlais to argue, dailleurs issu du français).
(
- « Quelque soit lépoque, comme lécrit Monsieur le professeur X dans son manuel, ladministration saccapare petit à petit des compétences qui font naître une foultitude de problèmes voir de conflits dans ses rapports avec lautorité législative. Celle-ci finit par donner limpression de tenir les reines du pouvoir au détriment de celle-là. »
1/ Ne pas confondre quelque et quelle que. Il fallait écrire ici : quelle que soit.
2/ Monsieur ne semploie que si lon sadresse à la personne et non lorsquon parle delle (voir ci-dessous : les usages de la correspondance).
3/ Le professeur X a peut-être écrit plusieurs ouvrages ! Il faut donc préciser le titre de celui auquel on fait référence.
4/ Accaparer implique déjà le fait de sattribuer, de semparer de quelque chose : la forme pronominale est donc superflue.
5/ Préférer peu à peu à petit à petit.
6/ Foultitude nexiste pas. Dire multitude
7/ Ne pas confondre le verbe voir et ladverbe voire !
8/ Celui-ci ou celle-ci se réfèrent toujours à lélément le plus proche dans la phrase, celui-là ou celle-là à lélément le plus éloigné. Dans lincertitude, il vaut mieux dire le premier,
le second
9/ Le pouvoir na de reines que dans une royauté ! Il faut donc orthographier les rênes du pouvoir (un mot dérivé du latin retinere, retenir). Par ailleurs, lexpression rênes du pouvoir constitue ce quon appelle une « métaphore » : en effet, le pouvoir nest pas un cheval, et cest seulement par une « image » que lon peut se le figurer guidé par des rênes. Labus des métaphores peut engendrer lobscurité ou le ridicule.
(
- « Consommation de drogue et délinquance vont de paire : il y a entre elles une solution de continuité. »
Confusion comique entre paire et pair : on écrit aller de pair. Quant à lexpression solution de continuité, sa signification originelle (« rupture de continuité », daprès le sens du mot latin solutio) paraît aujourdhui pratiquement oubliée et un grand nombre dauteurs lemploient à contre-sens
Il est donc préférable de sen abstenir !
(
- « À la suite de ce différent entre les partis, le sieur X a perpétué une vengeance au détriment de mon client. »
Confusion grossière entre partis et parties, différend et différent, perpétré et perpétué.
- « Plusieurs responsables se sont succédés et se sont contraints à multiplier les gestes citoyens ».
Laccord des participes passés de verbes pronominaux est plein de pièges ! Laccord se fait avec le pronom seulement si celui-ci est complément dobjet direct. Dans se succéder, se nest pas complément dobjet direct et succédé reste invariable : il faut écrire se sont succédé. En revanche, à la question « contraindre qui », la réponse est « se », cest-à-dire « plusieurs responsables » : se, pronom masculin pluriel, est donc bien complément dobjet direct dun verbe transitif, et laccord doit donc bien se faire.
Lexpression geste citoyen ne vaut guère mieux que les « menus minceur », « instants plaisir » et « cadeaux passion ». Laissez ce jargon aux publicitaires et aux concepteurs de communication !
LUSAGE DES MAJUSCULES
par Jean-Luc Chassel
En dehors des quelques évidences que rappellent tous les grammairiens (nécessité des majuscules au début des phrases, dans la graphie des noms propres, etc.), lusage des majuscules en français na jamais fait lobjet de règles parfaitement rigoureuses. LAcadémie française, lImprimerie nationale, les dictionnaires Larousse, considérés comme des autorités en la matière, ont cherché à codifier les usages, sans réussir toutefois à dégager des principes simples et cohérents
Que dire aujourdhui de lanarchie qui sest imposée un peu partout, notamment sur linternet ? Les majuscules se multiplient où elles sont inutiles et font souvent défaut quand elles sont indispensables au regard du sens des mots. Ce phénomène dommageable pour la clarté de lexpression sexplique par divers facteurs :
- linfluence de certaines langues étrangères, comme langlais ou lallemand, qui recourent aux majuscules de façon moins parcimonieuse que le français ;
- la généralisation de lusage des sigles dans toutes les administrations et entreprises (ex. : UFR SJAP pour unité de formation et de recherche de Sciences juridiques, administratives et politiques !) et des acronymes (ex. : Paribas pour Banque de Paris et des Pays-Bas), qui a tendance à brouiller notre regard sur la graphie des mots ;
- leffroyable manque de qualification sur les règles et usages de lécrit dont font preuve aujourdhui les rédacteurs de sites internet et les professionnels de la communication.
- la disparition des métiers traditionnels de limprimerie et de lédition, typographes, correcteurs et relecteurs, dont la compétence faisait lhonneur de leur profession. Il est déplorable, à ce propos, que certains éditeurs bien connus douvrages universitaires achetés chaque année par des milliers détudiants et réalisant grâce à cela de confortables bénéfices naient plus la déontologie élémentaire de confier leurs textes à un correcteur avant de les mettre sous presse.
En dépit de toutes ces dérives, nous avons jugé utile de vous rappeler ici un choix de règles et vous recommandons instamment de les suivre.
Noms de personnes physiques
Les noms de personnes sont des noms propres et prennent bien sûr une majuscule. Lorsque ces noms commencent par un article détaché, celui-ci prend aussi la capitale sauf lorsquil sagit dune particule (exemple : le marquis de La Fayette, Jean de La Fontaine).
Toutefois, on écrit Du Guesclin, et larticle flamand « van » prend la capitale dans un nom propre (exemple : Vincent Van Gogh), alors que son équivalent allemand « von » nen prend pas (ex. : Otto von Bismarck).
Ces usages sont importants lorsquil faut classer ou chercher des noms dans une liste alphabétique, comme dans une bibliographie : Bismarck doit être à la lettre B, Du Guesclin à D, La Fontaine à L, et Van Gogh à V !
Pour les surnoms de personnages historiques, fictifs ou autres, on doit mettre une capitale, sauf à larticle qui peut les précéder (exemple : Philippe le Bel, Jacquou le Croquant).
Noms dentités
Ils prennent une capitale pour les distinguer du nom commun équivalent ou pour induire un sens particulier. Ainsi écrit-on lÉtat pour distinguer cette notion du sens commun (condition, situation) que lon trouve dans des expressions comme : état des personnes, état civil, état durgence, etc. Par le même usage, on distingue également le Droit au sens générique et un droit comme espèce(ex : le droit de vie et de mort, les droits de lHomme). Lexpression État de Droit est donc différente de létat de Droit
mais la plupart des auteurs oublient ici de D de Droit !
On écrit aussi le Parlement, le Gouvernement, la Bourse pour marquer que lon parle dune entité, mais la majuscule disparaît lorsque certaines mentions précisent lespèce : le parlement de la République française, le gouvernement allemand, la bourse du travail dAubervilliers (voir également ci-dessous : noms de personnes et dorganes).
Les titres douvrages, duvres artistiques et autres, les grands événements ou périodes historiques prennent aussi la majuscule (exemples : lAntiquité, le Contrat social, le Penseur de Rodin, le Code civil, les Aztèques).
Les noms de peuples prennent la majuscule (les Français, un Anglais, les Bretons) mais ceux de leur langue nen prennent pas (le français, lallemand, le breton). Enfin on écrit sans majuscule les noms désignant lappartenance religieuse (les juifs, un chrétien, les musulmans, un bouddhiste).
Noms de personnes morales et dorganes
Le premier mot dun nom de personne morale prend une capitale comme un nom propre (ex. : la Société générale). Celui dun organe (privé ou public) prend une majuscule lorsquil est unique.
En revanche, les organes multiples sont considérés comme des noms communs et seul le nom de lieu qui les suit ou le mot indiquant la spécialisation prend la capitale. Le raisonnement est le même que dans la distinction ci-dessus entre entité et espèce.
Ainsi écrit-on :
Agence
- lAgence internationale de lénergie atomique (il nexiste pas deux organes de ce nom) ;
- lagence du Crédit Lyonnais à Gennevilliers (la banque en question possède une quantité dagences).
Assemblée :
- lAssemblée nationale ;
- lassemblée générale des actionnaires dEurotunnel.
Banque :
- la Banque de France, la Banque nationale de Paris (ce sont des noms propres) ;
- la banque Scalbert-Dupont, la banque CIC (le mot banque ne fait pas partie du nom propre).
Bourse :
- la Bourse (la majuscule simpose lorsquon désigne lentité, ici par sous-entendu, la bourse des valeurs de Paris).
- la bourse de commerce de Paris(la précision despèce et la localisation dispensent de la majuscule).
Bureau :
- le Bureau international du travail ;
- le bureau de lAssemblée nationale.
Caisse :
- la Caisse des dépôts et consignations, la Caisse nationale dépargne ;
- la caisse dépargne de Boulogne (lagence locale).
Centre :
- le Centre national de recherche scientifique ;
- le centre des Impôts de Gennevilliers.
Chambre :
- la Chambre des députés ;
- la chambre de Commerce et dIndustrie du Val-dOise, la chambre des notaires des Hauts-de-Seine, la 3e chambre civile de la Cour de cassation.
Commissariat :
- le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ;
- le commissariat de police de Courbevoie.
Commission :
- la Commission européenne ;
- la commission des Lois du Sénat (il y a plusieurs commissions au Sénat ; Loi est une entité).
Compagnie :
- la Compagnie générale transatlantique ;
- la compagnie Air France, la compagnie dassurances AXA.
Conseil :
- le Conseil constitutionnel, le Conseil des ministres, le Conseil économique et social, le Conseil dÉtat, le Conseil supérieur de la magistrature ;
- le conseil dadministration de luniversité Paris X Nanterre, le conseil des prudhommes de Paris, le conseil général des Yvelines, le conseil municipal de Nanterre.
Cour :
- la Cour européenne de Justice, la Cour de cassation, la Cour des comptes ;
- la cour dappel de Riom, la cour dassises de Bobigny, la cour administrative dappel de Bordeaux.
Département :
- le Département dÉtat (aux USA) ;
- le département des Hauts-de-Seine, le département dHistoire de luniversité de Nanterre
Direction :
- la direction des Affaires civiles et du Sceau (au ministère de la Justice) ;
Institut :
- lInstitut de France, lInstitut national de la propriété industrielle.
Mairie :
- la mairie de Paris.
Ministère :
- le ministère des Affaires étrangères (mais le Quai dOrsay, avec Q pour le distinguer de la voie dont ce ministère prend parfois le nom), le ministère de la Culture et de la Communication, le ministère de la Justice appelé aussi la Chancellerie).
Office :
- lOffice interprofessionnel des céréales ;
- un office ministériel.
Préfecture :
- la préfecture du Val-dOise.
Rectorat :
- le rectorat de Versailles.
Secrétariat :
- le secrétaire dÉtat aux Anciens Combattants, le secrétariat général de lElysée.
Service
- le service de létat civil de la mairie de Saint-Cloud, le service juridique du Conseil constitutionnel.
Société :
- la Société nationale des chemins de fer français, la Société générale ;
- la société anonyme Martin.
Tribunal :
- le Tribunal des conflits ;
- le tribunal de commerce de Marseille, le tribunal correctionnel de Paris, le tribunal de grande instance dAuxerre, le tribunal dinstance du XVIe arrondissement.
Les titres et fonctions
Sauf lorsquon sadresse à la personne (voir ci-dessous : les usages de la correspondance), il ny a pas lieu de mettre de majuscule à un titre ou une fonction.
On écrit ainsi : larchevêque de Paris, le commandant de la 3e brigade des sapeurs-pompiers, le directeur général de la société Martin, le doyen du Sacré Collège, le grand rabbin de Paris, le médecin chef du service médico-psychologique régional de la prison de Fresnes, le ministre de la Jeunesse et des Sports, le pape, le président de la République italienne, le grand rabbin de France, le recteur de lacadémie de Versailles, le recteur de la mosquée de Paris, la reine dAngleterre, le substitut du procureur de la République, le vice-président de lAssociation nationale des moniteurs de plongée, etc.
Les adjectifs
Les adjectifs prennent la majuscule quant ils précèdent le nom de personne, dentité ou dorgane quils qualifient, non quant ils le suivent (ex. : la Première Guerre mondiale, le Moyen Âge, les Temps modernes, la Bibliothèque nationale de France).
Toutefois les surnoms attachés à un nom de personne physique sincorporent au nom propre et prennent toujours la majuscule (ex. : Philippe Auguste, Guillaume le Conquérant, le Grand Charles).
LES LOCUTIONS LATINES
par Jean-Luc Chassel
La liste ci-dessous ne retient que les expressions latines les plus courantes. Pour la compléter, létudiant aura recours, par exemple, aux fameuses « pages roses » des dictionnaires Larousse.
Le Vocabulaire juridique, publié sous les auspices de lAssociation Henri Capitant sous la direction de Gérard CORNU (Paris, Presses universitaires de France, nombreuses rééditions), consacre une rubrique à diverses expressions et adages latins.
Des ouvrages spécialisés existent, très précieux pour élucider notamment le sens des adages latins :
- Yves MERMINOD, Expressions et proverbes latins. Adages juridiques, Neuchâtel, éditions Ides Et Calendes, 1993, 159 p.
- Henri ROLAND et Laurent BOYER, Locutions latines du droit français, Paris , LITEC, 1998, 556 p.
Un tout petit recueil à moindre prix :
- Serge GUINCHARD et Gabriel MONTANIER, Locutions latines juridiques, Paris, 2004, Armand Colin.
(
a contrario : « de manière contraire ».
a fortiori : « plus encore, à plus forte raison ».
a novo : « de nouveau ».
a silentio : littéralement, « par le silence ». Lexpression semploie par exemple à propos dun argument, dune interprétation tirée du silence dun texte.
ab initio : « depuis le début ».
ab intestat : « sans testament ».
ad hoc : « pour cela, pour les besoins de
, spécialement ».
ad libitum : « comme on veut ».
ad litem : « pour les besoins du procès ».
ad vitam eternam : « pour la vie éternelle, éternellement »
alias : « autrement ».
alter ego : « un autre soi-même ».
animus societatis : « la volonté de sassocier ». On dit aussi affectio societatis.
anno Domini : année comptée à partir de la naissance du Christ.
bis : « la deuxième fois ».
bis repetita : abréviation de bis repetita placent, littéralement « les choses répétées plaisent », autrement dit « mieux vaut répéter les choses que ne les énoncer quune seule fois ».
bona fide : « de bonne foi ». Bona fides : « la bonne foi ».
casus belli : « cause de déclaration de guerre ».
confer, confere ou en abrégé cf (comme souvent en note de bas de pages) : « voir, se reporter à
».
contra : « contrairement ».
contra legem : « contre la loi ».
coram populo : « devant le peuple, publiquement ».
corpus delicti : littéralement, « le corps du délit ». Désigne les éléments évidents, tangibles de la commission dune infraction.
damnum emergens : « le préjudice susceptible de naître ».
de auditu : « par ce quon a entendu, de ses oreilles, par ouï-dire ».
de cujus : littéralement « de qui, celui ou celle de qui
». En droit successoral, le de cujus est la personne dont la succession est ouverte.
de facto : « de fait », par opposition à de jure.
de jure : « de droit », par opposition à de facto.
de lege ferenda : « en interprétant la loi, en inférant de la loi », plus largement « selon le droit à venir, tel quon souhaiterait quil soit (mais qui nexiste pas encore) ».
de lege lata : « selon la loi, telle quelle est, selon le droit existant ».
de plano : « aisément ».
de visu : « par ce quon a vu, de ses yeux, visuel ».
distinguo : « je distingue, une distinction ».
erga omnes : « envers tous, à légard de tous ».
ex æquo : « de manière égale, à égalité ».
ex nihilo : « à partir de rien ».
exequatur : acte donnant la valeur exécutoire.
fama : « la réputation ».
grosso modo : « grossièrement, en gros, sans entrer dans le détail ».
hic et nunc : « ici et maintenant ».
homo homini lupus : « lhomme est un loup pour lhomme ».
honoris causa : « pour lhonneur, à titre honorifique »
ibidem, ou en abrégé ibid. : « au même lieu ». Semploie principalement pour éviter de développer à nouveau une référence bibliographique déjà indiquée.
idem, ou en abrégé id. : « le même, la même, de la même façon ».
in ambiguo : « dans le doute ».
in extenso : « entièrement, intégralement, en totalité ».
in extremis : « au dernier moment ».
in fine : « à la fin ».
in memoriam : « en mémoire, à la mémoire de
».
in situ : « sur place, sur les lieux ».
in solidum : « solidairement ».
in vivo : « dans le vif ».
infra : « plus bas ».
intuitu personae : « en considération de la personne ».
ipso facto : « de ce fait, en conséquence de quoi ».
ius ou le plus souvent jus : « le droit ».
jure et facto : « en droit et en fait ».
jus gentium : « le droit des gens ».
jus sanguinis : « droit du sang ». Désigne la condition de filiation nécessaire à la possession dun droit.
jus soli : « droit du sol ». Désigne la condition de territorialité nécessaire à la possession dun droit.
lapsus (linguae, calami) : « erreur involontaire (de parole, décriture) ».
lato sensu : « au sens large ».
mortis causa : « pour cause de mort »
manu militari : « en recourant à la force armée ».
mutatis mutandis : « en tenant compte de lévolution des choses, du changement dépoque, de contexte ».
ne varietur : « pour que rien ne change, à titre définitif ».
nec plus ultra : « ce que rien ne surpasse ».
ne varietur : « sans changement ».
non bis in idem : « non pas deux fois dans la même affaire ».
nota bene : « notez bien, prenez bonne note ».
obiter dictum : « soit dit en passant » ».
onus probandi : « la charge de la preuve ».
op. cit. (abrégé de opus citatum) : dans une référence bibliographique, cette mention veut dire que louvrage a été déjà cité.
opinio juris : « lidée que lon se fait du sens dune règle ».
passim : « ça et là, en différents endroits ».
pater familias : « père de famille ».
persona grata : « personne bienvenue, accréditée ».
post mortem : « après la mort ».
post obitum : « après la mort ».
praeter legem : « dans le silence de la loi ».
pretium doloris : « le prix de la souffrance ».
primo : « premièrement ».
primus inter pares : « premier parmi les égaux ».
pro domo : littéralement, « pour la maison ». Se dit dun argument développé pour défendre ses propres intérêts.
pro et contra : « pour et contre ».
pro forma : « pour la forme, par nécessité de formalisme ».
quarto : « quatrièmement ».
quid : « quest-ce que, quen est-il ? ».
quinto : « cinquièmement ».
ratione loci : « sur le critère du lieu ».
ratione materiae : « sur le critère matériel (du fond) ».
ratione personnae : « sur le critère de la personne».
ratione temporis : « sur le critère du temps, de la date ».
regalia : « les droits propres à la souveraineté ».
res : « la chose, le bien ».
res nullius : « chose sans propriétaire ».
secundo : « deuxièmement ».
sic : « ainsi, assurément, de cette façon ».
sic et non : « oui et non ». Renvoie à la méthode dialectique, à la discussion dun argument et de son inverse.
sine die : « sans fixer de date ».
sine qua non : « sans quoi rien, indispensable ».
si vis pacem, para bellum : « Si tu veux la paix, prépare la guerre ».
sponte sua : « spontanément, de sa propre initiative ».
statu quo : « dans létat, les choses telle quelles sont, sans rien changer ».
stricto sensu : « au sens restreint ».
sui generis : « dun genre propre, dun genre spécial ».
summum jus, summa injuria : « lexcès de droit, cest lexcès dinjustice », autrement dit « lexcès de rigueur dans lapplication des règles peut mener à linjustice ».
supra : « ci-dessus, plus haut ».
ter : « la troisième fois ».
terminus a quo : « le point à partir de quoi, le point de départ ».
terminus ad quem, ante quem : « le point jusquoù, le terme final ».
tertio : « troisièmement ».
testis unus, testis nullus : littéralement « un témoignage, pas de témoignage », pour dire qun témoignage isolé ne vaut rien si lon ne peut le confirmer par dautres preuves.
urbi et orbi : « pour la ville [de Rome] et pour la terre entière » (reprise dune formule de bénédiction pontificale), autrement dit « ici même et partout au monde ».
ut supra : « comme ci-dessus »
varia : « choses ou questions variées ».
verba volent : « les paroles sont en lair ». Première partie dune maxime (verba volent, scripta manent) insistant sur la valeur permanente de lécrit (scripta manent, « les écrits restent ») et la fragilité des paroles.
vide : « voir, se reporter à ».
volens, nolens : « bon gré, mal gré ».
vox populi : « la voix du peuple, la volonté collective».
LES USAGES
dE LA CORRESPONDANCE
par Sandra Szurek
Voici quelques conseils sur la façon de rédiger les courriers que, à un moment ou à un autre de vos études, vous pouvez être conduits à adresser à vos enseignants, à la direction de lUFR, à la présidence où différents responsables de Paris X Nanterre, ainsi quà des personnalités extérieures à luniversité.
Même si lon nécrit plus aujourdhui comme il y a cinquante ans et même si certaines règles sont maintenant désuètes, la correspondance ne peut saffranchir dun minimum de formalisme qui nest que la marque des égards que vous devez à toute personne à laquelle vous vous adressez, en général pour solliciter delle un renseignement, un service ou pour tout autre raison.
Ainsi, tout courrier doit être rédigé sur du papier à lettre blanc : nutilisez jamais du papier à notes, quadrillé, perforé, ni du papier fantaisie. Le courrier doit être transmis sous enveloppe portant le nom du destinataire, même lorsquil lui est remis directement ou déposé dans un casier, par exemple.
Vous devez toujours commencer votre lettre par une « formule dadresse ». Cette formule est « Madame » ou « Monsieur » si vous écrivez à un particulier ou à un service administratif (et si vous ne connaissez par le sexe de la personne, écrivez : « Madame, Monsieur »). Si votre correspondant possède un titre ou exerce une fonction, vous devez lexprimer : « Madame (ou Monsieur) le Professeur » ; « Madame (ou Monsieur) le Directeur », « Madame (ou Monsieur) le Président », « Maître » (pour un avocat ou un notaire), etc. La formule « Chère Madame » ou « Cher Monsieur » nest employée que si vous entretenez déjà des rapports familiers avec la personne. Il ne faut jamais accompagner cette formule du nom de la personne, même si cet usage sest répandu dans les correspondances commerciales et publicitaires
Pire encore, cette formule que le courrier électronique a diffusé : « Bonjour Monsieur Martin » !
Tout courrier doit sachever par une « formule de salutation (ou de politesse) », qui est lexpression dune certaine courtoisie des rapports sociaux et non dune particulière soumission aux autorités
La formule la plus courante est : « Veuillez agréer, Madame (ou Monsieur ou autre : vous reprenez alors votre formule dadresse) lexpression de mes salutations distinguées ». Il sagit cependant dune formule minimale et, si la circonstance lexige, nhésitez pas à adresser vos salutations respectueuses, voire très respectueuses selon la position de votre correspondant. En revanche, contrairement à une idée malheureusement très répandue, vous ne devez jamais adresser vos salutations cordiales ou conclure par lexpression « Très cordialement » : ces formules sont inadaptées car elles supposent une familiarité et votre correspondant risque de les interpréter comme une marque de condescendance à son égard.
Ces conseils valent également sil sagit dun courrier électronique. Pour des raisons de commodité, voire de rapidité, ladministration simplifie de plus en plus ses formules. Vous navez pas les mêmes contraintes ni les mêmes excuses pour en faire autant.
Le respect de ce formalisme na rien de gratuit. Il est, pour vous, la meilleure assurance que vous ne risquerez pas dindisposer votre correspondant par une attitude quil pourra trouver cavalière, voire incorrecte ou grossière au point de le disposer défavorablement à votre égard, ce qui, vous en conviendrez, serait particulièrement contreproductif.
LE COMMENTAIRe dE TEXTE
par Jean-Marie Denquin
Le commentaire de texte fait partie des épreuves traditionnellement proposées aux étudiants et aux candidats à des concours. Il peut être pratiqué dans toutes les disciplines, mais il intéresse plus particulièrement les juristes car une partie importante de lactivité de ceux-ci consiste précisément à déterminer le sens et la portée de textes.
Cette épreuve est faussement facile. Obligés de choisir entre un commentaire et une dissertation, beaucoup détudiants préfèrent le premier parce que la seconde exige des connaissances détaillées et lélaboration dun plan. Le commentaire semble en revanche apporter les réponses avec les questions : ne peut-on pas deviner, en lisant le texte, ce quattend le correcteur ? Cest une illusion : par ce moyen, on ne peut produire quune paraphrase, autrement dit répéter ce que lauteur du texte a dit et que le lecteur comprend à simple lecture. Dans la meilleure hypothèse on montre ainsi quon sait lire, nullement quon sait commenter. Il est naïf de croire que le correcteur va sy tromper : il a été étudiant, il a connu lui aussi des pannes dinspiration et sait reconnaître au premier coup doeil une tentative désespérée de camouflage, quil a lui-même employée parfois, sans succès
Le commentaire est en fait le contraire même dune paraphrase. Il part du texte, mais son intérêt tient à la valeur quil ajoute à celui-ci : il permet den préciser le sens, den approfondir la compréhension, den percevoir les mérites, ou les insuffisances, donc den apprécier la pertinence. On ne peut y parvenir si lon ne possède pas des connaissances préalables, que le texte ne contient pas mais qui sont nécessaires à sa compréhension. Le choix du commentaire ne saurait donc permettre de compenser une absence de connaissances. La réussite de lexercice suppose au contraire une maîtrise suffisante des questions abordées.
En revanche le commentaire se distingue de la dissertation en ce que les considérations de forme y tiennent une place moins grande. On ne peut donner de règles universellement valables parce que les textes proposés sont très divers : par leur longueur (dune ligne à plusieurs pages), leurs sujets, leur nature (articles de loi, page de doctrine, arrêt
), leur densité, leur qualité. Quelques points de repère peuvent cependant être fixés. Si lon connaît lauteur, ou louvrage, il est bon de dire brièvement ce que lon sait, en insistant sur les éléments susceptibles déclairer le texte. Si lon en ignore tout, la chose nest pas forcément inquiétante : lauteur peut être un illustre inconnu. Il ne faut surtout pas essayer de deviner : lignorance nest pas toujours rédhibitoire, une erreur grossière le serait
Le plan du commentaire doit tenir compte de la structure du texte. Si celui-ci comporte des parties fortement marquées, il convient de respecter son articulation. Sil passe dune idée à lautre, on peut suivre sa progression ou regrouper les développements autour de deux ou trois thèmes. Plusieurs solutions sont donc possibles.
Mais limportant est évidemment le fond. Tout commentaire doit répondre à trois impératifs : expliciter, exemplifier, discuter. La nature du texte peut conduire à privilégier un ou deux dentre eux, mais aucun ne doit être complètement absent.
Expliciter, cest préciser le sens du texte en rendant clairs les passages difficiles ou ambigus et préciser la signification des allusions quil contient. Aucun texte nest transparent. Les mots peuvent avoir plusieurs sens. Lauteur peut utiliser des synonymes pour désigner les mêmes choses, ou les mêmes mots pour désigner des choses différentes. Il faut éclairer tout cela pour faciliter la lecture. Cela montrera en outre que vous lavez vous-même compris.
Il faut exemplifier, cest-à-dire illustrer le texte. Souvent les auteurs sexpriment par des généralités. Commenter le texte suppose dapporter des exemples, ou de nouveaux exemples, qui prolongent la réflexion de lauteur.
Mais on peut aussi apporter des contre-exemples. On passe ici au troisième impératif, discuter. Car rien nimplique que vous soyez entièrement daccord avec les opinions de lauteur. Vous pouvez avoir un avis différent et même contraire. Vous pouvez aussi pointer les lacunes de sa réflexion. Évidemment il convient de mesurer vos termes et de rester au niveau dune discussion rationnelle. Les arguments de lauteur doivent être pesés, et on doit y répondre par des arguments, non par des affirmations. La distance critique est toujours appréciée mais lanalyse doit demeurer équilibrée : il faut mettre en lumière les divers aspects des problèmes et la relativité des points de vue.
Lexercice du commentaire ne comporte pas à proprement parler de conclusion. Le but nest pas dimposer une thèse, la vôtre ou celle de lauteur, mais de faire progresser la compréhension du texte et des questions quil soulève. Si cet objectif est atteint, lexercice est réussi.
Le commentaire daffirmation
par Jean-Sylvestre Bergé
Il sagit là dun exercice original que nous avons mis au point et dont la finalité est double :
- développer votre esprit critique. En effet, dans sa pratique professionnelle, le juriste est rarement saisi des bonnes questions. Il est le plus souvent confronté à des affirmations dont il doit en permanence apprécier la pertinence ;
- vous obliger à une synthèse.
Une fois que vous aurez pris connaissance de laffirmation proposée, vous devez :
- définir les termes de laffirmation
- formuler la ou les questions à lorigine de laffirmation
- analyser de façon critique (positive ou négative) laffirmation, ce qui conduit à élaborer un argumentaire PRO et CONTRA
- conclure en avançant un point de vue.
Lensemble ne doit pas dépasser une page manuscrite.
Exemple de commentaire daffirmation
« Au regard de la hiérarchie des normes, la jurisprudence nest jamais légale de la loi ».
1. Définition des termes et expressions de laffirmation (recherche dans un dictionnaire juridique ou dans les manuels).
- « hiérarchie des normes » ,
- « jurisprudence »,
- « loi ».
2. Formulation de la ou les questions à lorigine de laffirmation.
Quelles places respectives loi et jurisprudence occupent-elles au regard de la hiérarchie des normes ?
3. Analyse critique (positive ou négative)
Critique positive :
- le Code civil interdit les arrêts de règlement (art. 5) : il est donc vrai que la jurisprudence na pas vocation à sappliquer de manière générale et impersonnelle, comme le fait la loi ;
- le législateur peut toujours mettre un frein à une jurisprudence quil désapprouve.
Critique négative :
- le juge ne peut refuser de statuer (déni de justice), au prétexte que la loi serait obscure, insuffisante ou silencieuse (art. 4 Code civil) ; la jurisprudence a donc, dans ces hypothèses, une valeur interprétative ou créatrice qui lui permet de se hausser au niveau de la loi ; cest encore plus vrai aujourdhui où dans de nombreuses matières techniques et évolutives, le juge est amené à trancher des questions que le législateur na pas envisagées ;
- la réflexion menée autour des effets néfastes de la rétroactivité de la jurisprudence montre bien limportance qua acquise cette source du droit.
Remarques : bien dautres arguments PRO et CONTRA peuvent être avancés et développés. Cest à vous didentifier les principaux et de les hiérarchiser.
Conclusion
Si, formellement, dans la hiérarchie des normes, la jurisprudence nest pas légale de la loi, dans la pratique effective du droit, son autorité de fait lérige en source aussi essentielle que la loi.
La fiche darrÊt
(ou fiche de jurisprudence)
par Florence Bellivier et Emmanuelle Claudel
Voici le schéma que nous vous conseillons de suivre pour établir une fiche de chacun des arrêts ou jugements que vous aurez à étudier. Prenez lhabitude de faire systématiquement les fiches des arrêts et jugements qui vous sont proposés en TD : cela deviendra un automatisme qui vous permettra, dune part, de mieux mémoriser la jurisprudence, dautre part, de commencer à vous familiariser avec la technique du commentaire de décision (jugement ou arrêt) (ce quil faut commenter, cest la motivation développée par la cour ou le tribunal pour justifier la solution). Le but de la fiche consiste donc à analyser les différents paragraphes de la décision (phase de réflexion, voir infra, illustration) et à les classer selon un plan préétabli, toujours le même, quil vous faudra apprendre (la « fiche de jurisprudence »).
Remarques :
- le contenu et les rubriques qui figurent ci-dessous peuvent varier dun enseignant à lautre (par exemple, certains classeront la motivation des juges du fond dans la même rubrique que les prétentions des parties devant les juges du fond ou encore certains analyseront les prétentions des parties en même temps que la procédure) : cela na pas la moindre importance car ce qui compte, cest quau bout du compte la matière de larrêt ou du jugement se retrouve intégralement dans votre fiche, selon une clé de répartition cohérente.
- la fiche doit être relativement courte (en tout cas plus courte que larrêt analysé !), ne comporter aucune part danalyse ou de critique de votre part, être présentée de façon claire et aérée.
Ces précisions apportées, nous suggérons les rubriques suivantes :
1. Les faits
Racontez, de façon synthétique et chronologique, les faits à lorigine du litige, sans y introduire délément de droit. Prenez lhabitude didentifier les parties par leur rôle juridique plutôt que par leur nom (« le vendeur », plutôt que « Mme X »). Vos chargés de TD vous apprendront à dégager les faits pertinents et à les rechercher dans lensemble du texte de larrêt ou jugement (pas seulement au début).
2. La procédure (à partir de lassignation en justice)
Vous devez très simplement dire quel a été le cheminement de laffaire dans la hiérarchie judiciaire, en najoutant ni nomettant aucun élément (vos chargés de TD vous apprendront comment on peut éventuellement déduire la solution du tribunal de première instance à partir de ce que dit la cour dappel).
Précisez :
- en première instance, qui est demandeur, qui est défendeur, qui a gagné
- qui a interjeté appel, qui est intimé, qui a gagné (larrêt est-il confirmatif ou infirmatif ?)
- qui sest pourvu en cassation, qui est défendeur, quel est le sens de cette décision (cassation ou rejet).
Noubliez pas à chaque fois de préciser quelle juridiction a rendu le jugement ou larrêt et à quelle date.
Avec un peu dexpérience, il vous suffira dune ou deux phrases pour exposer la procédure.
3. Thèse du demandeur à laction
Vous devez ici préciser quel est lobjet de sa demande, ce qui permettra de faire ressortir lenjeu pratique du débat. Vous devez expliciter le fondement juridique de la demande. Le mieux est dessayer de présenter la thèse du demandeur à laide dun syllogisme.
NB 1 : Il peut arriver que la position de demandeur change au cours du procès. Par exemple, le demandeur en première instance peut être défendeur en appel (« intimé ») puis demandeur devant la Cour de cassation (ou défendeur). Vous comprendrez très vite pourquoi les positions des plaideurs changent. Tirez-en les conséquences : quand vous dites « demandeur », précisez demblée si vous parlez du demandeur en première instance ou au pourvoi (dans lhypothèse où cest un arrêt de la Cour de cassation que vous avez à commenter, ce qui ne sera pas toujours le cas !).
NB 2 : Dans les arrêts rendus par la Cour de cassation, les prétentions des parties sont rarement reproduites : inutile alors de les inventer !
4. Thèse du défendeur (idem)
5. Solutions des juridictions
Vous donnez ici la solution de chacune des juridictions ayant eu à connaître de laffaire. Cette solution est présentée sous une forme concrète (par exemple, « un tel est débouté de sa demande ») mais le fondement juridique de la demande doit toujours être explicité.
Ninventez pas la solution des juges de première instance si vous ne pouvez pas la connaître à la lecture de la décision ! En pratique, dans un arrêt rendu par la Cour de cassation, vous ne connaîtrez la décision des premiers juges saisis que sil est précisé que la cour dappel a rendu un arrêt infirmatif ou confirmatif (et encore, dans ce dernier cas, la cour dappel peut reprendre la solution des premiers juges mais adopter une motivation différente).
En présence dun arrêt rendu par la Cour de cassation, cette rubrique est essentiellement centrée sur la motivation de cette dernière. Dans les arrêts de cassation, cette motivation apparaît toujours en deux paragraphes ; ensuite, dans lattendu contenant le motif de cassation et qui commence par « Mais attendu que
»). Dans les arrêts de rejet, cette séparation nexiste pas toujours et, quand elle existe, elle est beaucoup moins nette : il faut cependant essayer de la rechercher (ces arrêts peuvent en effet comporter des attendus de principe et, inversement, ne pas comporter dattendus décisoires).
6. Le problème de droit (sous entendu : « posé à la cour ou au tribunal »)
Cest là le point le plus délicat de la fiche darrêt. Vous devez vous demander quelle a été la question qui sest posée aux juges (quid juris ? disaient les juristes romains). La question de droit doit être formulée sous une forme ni trop concrète (il ne sagit plus de M. X. ou de Mme Y) ni trop générale (ne pas confondre la question de droit avec les rubriques dun cours ou dun manuel, par exemple « la responsabilité du fait dautrui »). La question de droit est à la fois singulière (elle concerne une espèce donnée) et abstraite (on prend du champ par rapport aux faits). Il vous est conseillé de formuler le problème de droit de façon interrogative (directe ou indirecte). Un arrêt peut répondre à un ou plusieurs problèmes de droit.
Dans les arrêts de la Cour de cassation, il est possible, pour formuler le problème de droit, de se référer au moyen du pourvoi ou encore à la réponse que la Cour lui apporte, surtout si elle formule un attendu de principe.
7. Portée de larrêt (facultatif)
Dans cette rubrique, qui vous servira plus tard à bâtir votre commentaire, vous vous interrogez sur la signification de larrêt et vous commencez à recueillir les éléments permettant de situer la solution dans son contexte jurisprudentiel, législatif et doctrinal.
Exemple de fiche de jurisprudence
en droit privé
(jugement dune juridiction de première instance)
par Jean-Pierre Couturier
Dans un premier temps, sur la base dune décision rendue par le tribunal de grande instance de Paris en date du 13 février 2001 (reproduite ci-après), vous sera proposée une illustration du travail de réflexion puis, dans un second temps, une proposition de confection de la fiche de jurisprudence proprement dite.
Tribunal de grande instance de Paris, 13 février 2001 (extraits)
1 Attendu que larticle 180 du Code civil dispose en son alinéa 2 que « sil y a erreur dans la personne, ou sur les qualités essentielles de la personne, lautre époux peut demander la nullité du mariage » ;
2 Que la preuve de lexistence de cette erreur, et du fait que sil avait connu la réalité, il naurait pas contracté incombe au demandeur, sous lappréciation souveraine du juge du fond ;
3 Attendu que cette «notion derreur sur la personne », si elle concerne, dans une conception purement objective ce qui est in abstracto, de lessence du mariage, tant du point de vue moral (nécessité dun minimum dintégrité mentale et de moralité) que dun point de vue strictement physiologique (nullité pour impuissance notamment) permet également, selon lespèce et sous certaines conditions, de prendre en compte telle qualité particulière dont lexistence a été jugée essentielle par lépoux demandeur à la nullité ;
4 Quil lui appartient alors de faire la preuve plus spécifiquement de limportance que revêtait pour lui cette qualité, qui est telle quil ne serait pas marié sil avait connu son absence ;
5 Attendu quen lespèce Sébastien G invoque le défaut de moralité de celle quil a épousée en connaissance de cause ;
6 Quil conteste formellement en avoir été informé et lavoir épousée en connaissance de cause ;
7 Attendu quil résulte des éléments produits que Mme Leila M épouse G sest effectivement vu refuser un visa par le consulat de France à Djibouti, par LRAR en date du 23 novembre 1998 ;
8 Quil est expressément fait état, dans cette lettre, du fait quelle se livre à la prostitution ;
9 Que ce même courrier précise que ce comportement ne sest pas modifié depuis son mariage et «risque de se poursuivre en France » ce qui justifie, pour des motifs dintérêt général le refus qui lui est opposé ;
10 Attendu que la défenderesse, qui na engagé aucun recours contre cette décision, et na pas constitué avocat, ni manifesté son opposition, suite à lassignation et aux conclusions dûment signifiées, et qui faisait expressément référence, na apporté aucun élément de nature à permettre de douter de la véracité des motifs ci-dessus ;
11 Quil est constant quils sont les moins incompatibles tant avec la conception normale de la moralité de sa future épouse que peut se faire un candidat au mariage, quavec les obligations légales, et notamment celle de fidélité, prévue par larticle 212 du Code civil ;
12 Attendu en conséquence que le mariage en cause doit être tenu pour nul ;
13 Par ces motifs :
Le tribunal statuant publiquement par jugement réputé contradictoire en premier ressort,
Vu larticle 180 du Code civil,
Déclare nul
le mariage contracté le 26 avril 1998
Phase 1 : travail de réflexion
La méthode suivie consistera à analyser, paragraphe par paragraphe, la décision après, répétons-le, lavoir lue plusieurs fois. Cette analyse permettra dabord de vérifier que toute décision de justice est construite sur la base du « syllogisme judiciaire ». Elle permettra ensuite de comprendre la manière dont la juridiction a raisonné pour trancher le litige.
Il faut toutefois avoir présent à lesprit que lanalyse dune décision de justice nobéit pas à des raisonnements du type « vraifaux ». En conséquence, les observations qui vont suivre ne constituent pas un « modèle » destiné à être reproduit ; ce nest quune des manières danalyser la présente décision.
Les quatre premiers paragraphes de la décision correspondent ici à la « majeure » du raisonnement syllogistique. Chaque règle posée par le tribunal, chaque « majeure » énoncée, le sera du plus général au plus particulier (cf. idée de chaîne de syllogismes dans toute décision judiciaire).
Dans le § 1, le tribunal ne fait que reprendre la règle posée par lart 180 al 2 du Code civil qui permet dannuler un mariage (comme tout acte juridique, le mariage est soumis à des conditions de validité) pour lequel lun des époux a commis une « erreur dans la personne » (cest une erreur assez rare dont on admet communément quelle porte sur lidentité de la personne, son état civil) ou « sur les qualités essentielles de la personne » de lautre époux.
Dans le § 2, le tribunal indique la manière de procéder en cas de demande en nullité dun mariage fondée sur lerreur : la preuve de cette erreur incombe au demandeur en nullité (là encore ce nest que le rappel dune autre règle de droit quil ne mentionne pas : lart 1315 al 1 du Code civil) et ladmission de cette erreur relève, selon le tribunal, de « lappréciation souveraine du juge du fond ». Cela signifie que lerreur étant une notion de « fait » (par opposition à une notion de « droit ») la réalité ou non de cette erreur ne sera pas contrôlée par les juges du droit (cest-à-dire par la Cour de cassation en cas de pourvoi) et que le tribunal est donc « souverain » pour admettre ou non lexistence dune erreur (comme le serait une Cour dappel qui aurait à rejuger laffaire).
Dans les § 3 et 4, le tribunal, plus précisément, va sintéresser non pas à lerreur « dans la personne » mais à celle portant sur « les qualités essentielles de la personne », même sil utilise la formule « erreur sur la personne », formule quelque peu différente de celle employée par le législateur (la loi).
De manière générale et abstraite (le litige à trancher na pas encore été examiné), le tribunal pose une autre règle qui ne figure pas dans la loi : il envisage deux types derreurs sur la personne qui doivent, selon lui, sapprécier différemment.
Le premier type derreur envisagé par le tribunal, doit être interprété de manière objective : toute personne qui se marie, est en attente dun minimum de qualités concernant la personne de son conjoint, tant dun point de vue moral (intégrité mentale, moralité
) que dun point de vue physique (aptitude sexuelle
). La conception objective, lappréciation in abstracto (qui soppose à une appréciation in concreto, au cas par cas) signifie que la qualité (morale ou physique) qui fait défaut au conjoint défendeur suffit, si elle est démontrée par lautre époux, pour attester de lerreur sur la personne et admettre laction en nullité du mariage exercée par celui qui en a été victime. En dautres termes, nimporte quel époux, sil fait la preuve dune telle erreur sur de telles qualités de son conjoint aura démontré avoir commis au sens de lart 180 al 2 une « erreur sur les qualités essentielles de la personne ». En dautres termes encore, pour le tribunal certaines qualités sont objectivement essentielles.
Le second type derreur envisagé par le tribunal concerne des qualités plus particulières de la personne qui, si elles faisaient défaut, nentraîneraient la nullité du mariage quà la condition que lépoux demandeur en nullité démontre quil avait fait de cette qualité une condition essentielle de son consentement au mariage (le tribunal ne donne pas dexemple mais on pourrait envisager le cas dun époux qui serait de telle religion et qui aurait cru, à tort, que son conjoint partageait la même croyance : dans ce cas, il devra faire la preuve que cette attente était déterminante de son consentement, en dautres termes, que cette qualité était pour lui dune telle importance que sil avait su quelle ferait défaut à son futur conjoint, il ne se serait pas marié).
Ainsi, dans ces quatre premiers paragraphes, le tribunal a fixé les règles qui, nécessairement, vont concerner le litige qui lui est soumis. Lobjet des paragraphes suivants sera de confronter le cas despèce, les faits du litige (« mineure » du syllogisme), aux règles de droit ainsi posées et den tirer la « conclusion » (admettre ou non la nullité du mariage).
Dans le § 5, le tribunal nous précise les faits et lobjet de la demande : Sébastien G demande la nullité de son mariage pour défaut de moralité de son épouse. Par une maladresse de rédaction, le tribunal ajoute, à tort, « quil (Sébastien) la épousée en connaissance de cause ». En effet, si on veut que la suite de la décision ait un sens, il faut nécessairement et bien au contraire admettre que Sébastien sest marié sans connaître les défauts de moralité de son épouse (sinon il naurait pas commis la moindre erreur !).
Dailleurs, dans le § 6 le tribunal rectifie sa maladresse car cette fois il énonce que Sébastien G conteste avoir été informé des défauts de moralité de son épouse, cest-à-dire conteste lavoir épousée en connaissance de cause (il prétend quau moment de son mariage il ne savait pas quelle présentait de tels défauts).
Dans les § 7, 8 et 9 les faits se précisent encore : Leila M qui est lépouse et dont on comprend quelle nest pas de nationalité française (sinon pas de visa) et réside à Djibouti (ce qui na dailleurs aucune importance) sest vu refuser un visa pour rentrer en France. Les raisons de ce refus sont indiquées dans une lettre du Consulat : Leila M se livre à la prostitution. Bien que cette lettre soit datée du 23 novembre 1998, soit postérieurement au mariage (voir dernier § du jugement), elle précise que le comportement de lépouse ne sest pas modifié depuis son mariage doù lon peut en déduire, ce que fait implicitement le tribunal, que lépouse pratiquait la prostitution avant son mariage. En effet, ce qui importe cest que les faits se soient produits avant le mariage car sils ne sétaient produits quaprès, cela ne concernerait pas la question de la formation du mariage et donc sa validité, mais celle de linexécution des devoirs du mariage sanctionnée par la dissolution du mariage (différence entre divorce et nullité).
Dans le § 10, le tribunal sintéresse à la position de la défenderesse à laction, Leila M : elle na exercé aucun recours contre le refus de visa, pas plus quelle ne soppose ou conteste les faits qui lui sont reprochés. Le tribunal en conclut que les faits de prostitution sont avérés.
Dans le § 11, le tribunal va procéder à une opération de qualification. Il va sagir de confronter les faits (lépouse présente un défaut de moralité déduit du fait quelle se livrait à la prostitution) avec les règles de droit exposées préalablement. Plus précisément, il sagit pour le tribunal de choisir le type derreur sur la personne auquel se rapporte un tel défaut [le type derreur quon apprécie objectivement ou bien celui quon apprécie subjectivement et qui, seul, nécessite que le demandeur rapporte la preuve du caractère pour lui essentiel de la qualité manquante, (cf analyse des § 3 et 4 ci-dessus)].
Le fait que Mme Leila M se soit livrée à la prostitution est considéré par le tribunal comme entrant dans le premier type derreur sur la personne, même si le tribunal commet un contresens rédactionnel lorsquil affirme « quils [les motifs doù il ressort que la femme se livrait à la prostitution] sont les moins incompatibles
». Le tribunal voulait en réalité dire « les plus incompatibles » ou « les moins compatibles »
Les raisons qui permettent daffirmer que le tribunal se situe, en lespèce, dans le cadre dune erreur de type objectif peuvent être déduites des formulations suivantes : « tant avec la conception NORMALE [cf objective] de la moralité
que peut se faire UN candidat au mariage [tout candidat au mariage et pas seulement Sébastien G]
quavec les obligations légales, et notamment celle de fidélité, prévue par lart 212 du code civil ». On ne développera pas cette 2e partie de la phrase mais elle pourrait être critiquée car lart 212 concerne les effets du mariage et non les conditions de validité dun mariage ; avant le mariage, les époux ne sont pas soumis à une obligation de fidélité, pendant le mariage, linfidélité dun époux peut être sanctionnée par une demande en divorce de lautre et non par une action en nullité du mariage.
Dans le § 12, le tribunal tire les conséquences de ses propres constatations : le mariage en cause doit être tenu pour nul.
Dans le dernier §(13), « conclusion » du syllogisme et « dispositif » du jugement, le mariage de Sébastien G et de Leila M est déclaré nul.
Pour en revenir au syllogisme judiciaire, on pourrait, si la règle légale était plus précise quelle ne lest, identifier strictement la « majeure » et la règle légale et le récrire de la manière suivante :
Majeure : en matière de mariage, si un époux se trompe sur les qualités essentielles de la personne de son conjoint il peut en demander la nullité. Tel est le cas, notamment, sil ne sait pas que ce dernier se livre à la prostitution ;
Mineure : Sébastien sest marié avec Leila sans savoir que cette dernière se livrait avant son mariage à la prostitution ;
Conclusion : le mariage est annulé.
Mais la règle légale nest pas aussi précise. Elle est ici, comme cest toujours le cas, formulée de manière abstraite et générale et ne prévoit pas dans le détail toutes les situations pouvant y correspondre. Doù la nécessité pour une juridiction de devoir interpréter la formule générale employée par la loi (ici « qualités essentielles »), de lui donner un contenu et dindiquer comment apprécier le terme « essentielle». La majeure, on le voit, est donc finalement constituée de la règle légale, telle que précisée et enrichie par le tribunal afin de correspondre à la situation de lespèce.
Phase 2 : fiche de jurisprudence
Une fois achevée la lecture dune décision, on peut passer à la fiche de jurisprudence. Ce nest ni plus, ni moins que la mise en forme de la phase précédente. En conséquence, il ne saurait être question encore une fois, quant au fond, de vous donner un « corrigé type ». Toutefois, quant à la forme, nous vous conseillons dadopter le schéma suivant :
TGI Paris, 13 fév. 2001
Présentation
Le jugement rendu par le TGI de Paris en date du 13 février 2001 traite de la question de la nullité du mariage, plus précisément il concerne la notion « derreur sur les qualités essentielles de la personne » telle que lenvisage lart 180 al. 2 du Code civil.
Faits
Leila M et Sébastien G se sont mariés à Djibouti le 26 avril 1998 (par la suite, on emploiera les termes mari ou femme pour désigner les parties). Le mari ayant pris connaissance de lactivité de prostitution à laquelle se livrait son épouse, il intente une action en nullité de son mariage.
Procédure
Dès lors quon se situe devant une juridiction du 1er degré, elle est ici réduite (pas de décisions antérieures) à laction en nullité de son mariage introduite par le mari devant le tribunal de grande instance de Paris (en matière détat des personnes, compétence exclusive du TGI).
Le mari fonde sa demande en nullité sur lart 180 al. 2 du code civil. Il soutient avoir été victime dune erreur sur les qualités essentielles de sa femme : selon lui, elle se livrait, avant leur mariage et sans quil lait su, à la prostitution.
De son côté, la femme ne fait valoir aucun argument, elle na même pas constitué avocat pour la représenter.
Problème de droit
Le fait, pour un mari, davoir épousé sa femme sans savoir que celle-ci se livrait à la prostitution peut-il justifier une demande en nullité du mariage sur le fondement de larticle 180 al. 2 du Code civil ?
Solution (ici très développée)
Le tribunal fait droit à la demande du mari : il annule le mariage en estimant que le mari a été victime dune erreur sur la personne de sa femme.
Pour y parvenir, le tribunal pose au départ la règle de droit indiquant, selon lui, la marche à suivre : il distingue, en matière de mariage, deux types derreurs « sur la personne » (termes quil utilise alors que la loi emploie les termes derreur « sur les qualités essentielles de la personne ») qui doivent sapprécier différemment.
Le premier type derreur envisagé par le tribunal, doit être interprété selon lui de manière objective : toute personne qui se marie est en attente dun minimum de qualités concernant la personne de son conjoint, tant dun point de vue moral (intégrité mentale, moralité
) que dun point de vue physique (aptitude sexuelle
). La conception objective, lappréciation in abstracto (qui soppose à une appréciation in concreto, au cas par cas) signifie que la qualité (morale ou physique) qui fait défaut au conjoint défendeur suffit, si elle est démontrée par lautre époux, pour attester de lerreur sur la personne et admettre laction en nullité du mariage exercée par celui qui en a été victime. En dautres termes, nimporte quel époux, sil fait la preuve dune telle erreur sur de telles qualités de son conjoint aura démontré avoir commis au sens de lart. 180 al. 2 une « erreur sur les qualités essentielles de la personne ». En dautres termes encore, certaines qualités sont considérées par le tribunal comme objectivement essentielles.
Le second type derreur envisagé par le tribunal concerne des qualités plus particulières de la personne qui, si elles faisaient défaut, nentraîneraient la nullité du mariage quà la condition que lépoux demandeur en nullité démontre quil avait fait de cette qualité une condition essentielle de son consentement au mariage (le tribunal ne donne pas dexemple mais on pourrait envisager le cas dun époux qui serait de telle religion et qui aurait cru, à tort, que son conjoint partageait la même croyance : dans ce cas, il devra faire la preuve que cette attente était déterminante de son consentement, en dautres termes, que cette qualité était pour lui dune telle importance que sil avait su quelle ferait défaut à son futur conjoint, il ne se serait pas marié).
Le tribunal va ensuite confronter le cas despèce aux principes sus-énoncés.
Il sexplique dabord sur les raisons pour lesquelles il admet la réalité du défaut de moralité de lépouse tel quil a été avancé par le mari (lettre du consulat de France faisant état que lépouse se livre à la prostitution, non-contestation de lépouse elle-même).
Ensuite, en application du « mode demploi » que le tribunal avait lui-même fixé, il se prononce sur la manière dapprécier lerreur invoquée :
- il considère que le défaut de moralité de lépouse constitue bien pour le mari une erreur qui doit faire lobjet dune appréciation in abstracto. Le défaut de moralité doit donc être envisagé, en lui-même, comme une qualité essentielle de la personne. Cela peut être déduit des formules employées par le tribunal qui affirme : «quils [les défauts de moralité] sont les moins [in]compatibles tant avec la conception normale de la moralité
que peut se faire un candidat au mariage » (cf tout candidat au mariage et pas spécialement Sébastien G) ;
- puis, dans la même phrase, on peut, accessoirement, remarquer que le tribunal se réfère aux obligations du mariage (art 212 et devoir de fidélité). Pourtant, il sagit dapprécier la validité du mariage et non de sintéresser à la bonne ou mauvaise exécution par lépouse de ses obligations et devoirs résultant du mariage (différence entre une action en nullité et une action en divorce). Mais ce glissement est compréhensible : pour apprécier limportance de la qualité sur laquelle on sinterroge, on peut effectivement se référer à ce qui est de lessence du mariage et donc aux devoirs et obligations quil prévoit.
Dans le dispositif de la décision, le tribunal déclare nul le mariage (on ne développera pas plus la décision car cela nous conduirait à approfondir la question de fond que constitue lerreur sur les qualités essentielles en matière de mariage).
Le commentaire
dune dÉcision de justice
par Florence Bellivier et Emmanuelle Claudel
Cet exercice est une discussion juridique à propos dun arrêt ou dun jugement. Lexercice sapparente davantage au commentaire de texte (voir ci-dessus) quà une dissertation. Vous devez procéder en deux grandes étapes : lanalyse puis la construction.
A. Analyse
1. Commencez par faire la fiche de jurisprudence selon la méthode enseignée (voir supra, p.
2. Puis faites linventaire des connaissances que vous avez concernant la solution de larrêt. A cette fin reportez-vous au cours et aux manuels pour répertorier textes de lois, jugements et arrêts ou toutes autres sources pouvant être utiles à lélucidation de la solution.
3. Puis revenez à larrêt en létudiant mot à mot et en vous demandant à propos de chacune des notions utilisées quels en sont les tenants et les aboutissants. Vous pouvez à ce stade commencer à examiner la façon dont larrêt se situe par rapport au droit positif existant, en continuité ou en rupture (contexte juridique). Un arrêt peut se borner à suivre une jurisprudence bien établie : il faudra étudier et discuter le droit positif en évitant la paraphrase de larrêt. Il peut encore trancher un point sur lequel il ny a pas de jurisprudence ou encore modifier, éventuellement renverser (revirement), la jurisprudence antérieure.
- Vous êtes alors en mesure de porter un jugement sur la solution, cest-à-dire de lapprécier de lege lata et de lege ferenda, en adoptant divers points de vue (intérêts particuliers ; intérêt général ; considérations dopportunité ; considérations économiques, etc.). A ce stade du raisonnement, il vous faut apprendre à lire entre les lignes du texte et à évoquer les problèmes généraux soulevés par laffaire sans toutefois verser dans le genre de la dissertation. Cette évocation doit servir à apprécier le caractère satisfaisant ou insatisfaisant de la réponse apportée par larrêt à ces problèmes généraux.
B. Construction
1. Cest le moment dorganiser votre commentaire selon une structure qui variera selon la décision proposée. Il ny a pas de plan-type, le plan se dégage du problème de droit et de largumentation des juges. La meilleure façon de trouver le plan est encore danalyser lattendu de principe. Mais lunique façon de maîtriser la technique du commentaire et de shabituer à lexercice du plan, cest de le pratiquer le plus souvent possible. Le commentaire est essentiellement un travail danalyse du sens et de la portée dune décision, lhabillage que vous choisirez pour présenter vos idées na quune fonction de persuasion (ce qui ne signifie pas que ce ne soit pas important).
On peut toutefois donner les indications générales suivantes :
- parfois la décision tranche deux ou plusieurs difficultés juridiques distinctes : elles peuvent alors être examinées séparément dans deux ou plusieurs parties différentes ;
-parfois, la décision ne résout quun seul problème mais dont la solution dépend dune qualification ou dun raisonnement préalables. Il faut alors, dans une première partie, analyser la difficulté préalable pour en déduire, dans la seconde, la solution de lespèce ;
- très fréquemment, la décision, soit énonce un principe et en limite la portée (lattendu sera alors souvent exprimée sous la forme « si
., en revanche
»), soit analyse une notion pour en préciser le régime, soit encore rappelle le domaine et le fondement dune règle. Le commentateur est alors conduit à utiliser des plans analogues à ceux de la dissertation mais en les dégageant toujours de lespèce.
Quel que soit le plan que vous adopterez, lidée qui doit toujours vous guider est la suivante : le commentaire nest ni une paraphrase de larrêt ni une dissertation prenant larrêt pour prétexte. Deux écueils doivent donc absolument être évités : plaquer des développements théoriques sans rapport avec le cas concret ; recopier en le délayant le texte même de larrêt.
A défaut de plan dégagé par lespèce, vous pouvez procéder de la façon suivante :
- vous réduisez lintroduction à lénoncé du domaine général, à lexposé rapide des faits puis à lannonce du plan ;
- vous consacrez la première partie à une analyse de larrêt (eu égard au problème posé, quelles étaient les prétentions des parties ? Compte tenu de ces prétentions, que décide le jugement ou larrêt attaqué ? pourquoi les juges se sont-ils prononcés dans tel sens ?) et la seconde à une étude objective critique de la solution, de ses motifs et de sa portée. Vous pouvez terminer cette étude critique de la décision par une appréciation personnelle, à la condition de la justifier juridiquement (il ne sagit pas de tenir des propos « café du commerce »).
2. Le devoir doit comporter une introduction (voir infra), des parties elles-mêmes subdivisées, le tout avec des titres et des sous-titres visibles. Pour le reste, écrivez en pensant que vous avez un lecteur qui attend de vous autant de clarté de pensée, de correction de langage, de progression logique et dillustrations par des exemples, que vous en attendez vous-même des textes que vous lisez ou des cours auxquels vous assistez.
Lintroduction à un commentaire darrêt, qui sera souvent longue, peut obéir à la structure suivante (en réalité, cest la fiche de jurisprudence mais sous une forme rédigée) :
- une phrase daccroche permettant didentifier la décision et le domaine dont elle relève
- les faits
- la procédure
- la solution de chacune des juridictions saisies
- le problème de droit
- lintérêt pratique du problème
- lenjeu théorique du problème (le cas échéant)
- la problématique (le fil conducteur du commentaire)
- lannonce du plan
Exemple de commentaire de décision de justice
en droit privé
(arrêt de cassation)
par Laurent Soubelet
Cour de cassation, civ. 2e, 18 septembre 2003
Introduction
Létablissement du rôle causal de la chose constitue, dun point de vue historique, lune des questions les plus cruciales de la responsabilité civile délictuelle pesant sur le gardien de la chose (article 1384 alinéa 1er du Code civil). Larrêt rendu le 18 septembre 2003 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation contribue, à propos de la chose inerte, au mouvement de cette matière et, parallèlement, à son obscurcissement
Une personne a heurté un plot en ciment situé sur le côté dun passage pour piétons alors quelle sortait dune grande surface. Blessée, elle a assigné la société exploitante du magasin, ainsi quun courtier en assurances, en responsabilité et indemnisation de ses divers préjudices.
La cour dappel de Pau, par un arrêt en date du 14 février 2001, a débouté la victime de sa demande au motif quil nétait pas démontré, en labsence danormalité et de dangerosité de la chose, que le plot heurté avait joué un rôle déterminant et causal de la survenance du dommage corporel.
Saisie dun pourvoi, la Cour de cassation était interrogée sur le caractère suffisant du heurt dune chose inerte à létablissement du caractère causal de lintervention de cette chose dans la production du dommage.
Apportant une réponse positive à cette interrogation, la cour suprême casse et annule, au visa de larticle 1384 alinéa 1er du Code civil, la décision rendue par les juges du second degré aux motifs quil ressortait de leurs propres constatations « que lun des plots en ciment délimitant le passage pour piétons avait été linstrument du dommage ».
De ces faits simples et de cette solution à la motivation lapidaire, sévincent lassimilation du rôle actif de la chose inerte à son intervention matérielle (I) ainsi que lobjectivation de la responsabilité du gardien de la chose inerte qui en découle (II).
Remarque : le plan proposé suit une méthode de lecture dune décision de la Cour de cassation extrêmement classique : il sagit de rendre compte, dans une perspective analytique, de la décision elle-même (première partie) puis de mettre en perspective cette décision, au regard des données de droit positif, non seulement de lege lata mais aussi de lege ferenda.
I. Lassimilation du rôle actif de la chose inerte à son intervention matérielle
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, pour admettre le caractère causal de lintervention matérielle de la chose inerte (A), marque son indifférence à la condition classique danormalité ou de dangerosité de cette chose (B).
Remarque : vous noterez que ces deux subdivisons internes ne font que refléter lopposition entre le raisonnement retenu par la Cour de cassation et celui, plus classique au regard de la jurisprudence dominante, adopté par la cour dappel).
A. Ladmission du caractère causal de lintervention matérielle de la chose inerte
La cassation prononcée par cet arrêt de la deuxième chambre civile intervient sur le fondement dune violation de larticle 1384 alinéa 1er du Code civil.
On sait que ce texte porte le principe dune responsabilité de plein droit du gardien de la chose à lorigine dun dommage (et ce depuis lillustre arrêt Cass. ch. réunies, 13 février 1930, Jandheur, qui visait alors une « présomption de responsabilité »). Il aurait été méconnu par une cour dappel qui a refusé, en lespèce, de juger que le plot en ciment heurté par la victime se trouvait à lorigine du dommage subi.
La cour dappel avait en effet considéré que ce bloc, qui ne constituait ni un obstacle ni un danger particulier pour les usagers et dont la présence ne pouvait être considérée comme anormale, navait pas joué de rôle causal. Prenant manifestement acte du caractère immobile, et donc passif, de la chose heurtée, la Cour dappel avait imposé la démonstration de ce que le plot en ciment constituait, en dépit de sa passivité apparente, la cause adéquate du préjudice dont réparation était demandée.
La Cour de cassation juge, pour sa part, cette exigence soit superflue soit satisfaite, cette alternative quant à linterprétation de larrêt apparaissant, à vrai dire, difficile à trancher tant la motivation de la censure reste laconique. Ce que lon sait de manière incontestable est que de la simple constatation de la « présence des deux blocs de ciment peints en rouge » « délimitant un passage pour piétons peint en blanc » découlait juridiquement que « lun des plots en ciment délimitant le passage pour piétons avait été linstrument du dommage ».
À sen tenir à la lettre même de larrêt, lon arrive à la conclusion que la simple intervention matérielle, voire la simple présence dommageable, de la chose immobile suffit à établir que la chose avait été linstrument du dommage, cest-à-dire quelle en était la cause.
II sagit là, bien évidemment, dune cause, non pas étrangère mais bien étrange, dont lappréciation marque une indifférence certaine aux critères classiques dappréciation du rôle actif de la chose inerte sagement appliqués par la cour dappel.
B Lindifférence à lanormalité et la dangerosité de la chose inerte
II apparaît évident que la Cour de cassation fait ici grief à la cour dappel davoir appliqué les conditions classiques détablissement du rôle actif de la chose immobile dont linertie paralyse lapplication de la présomption de rôle actif.
On rappellera, en effet, que la chose en mouvement entrée en contact avec le siège du dommage (personne lésée ou bien endommagé) est présumée être la cause du dommage : la victime, en pareille hypothèse, doit seulement prouver lintervention de la chose pour que soit établi le fait actif de la chose contre son gardien (à savoir le titulaire des pouvoirs dusage, de direction et de contrôle depuis le célèbre arrêt Franck en date du 2 décembre 1941). En revanche, lorsque la chose est entrée en contact avec le siège du dommage, mais était inerte lors de laccident (ex : Cass. civ. 2e, 8 juillet 1992) ou encore lorsque, étant en mouvement, elle na pas heurté le siège du dommage (ex : Cass. civ. 2e, 3 avril 1978), il appartient à la victime détablir quelle a été linstrument du dommage en démontrant son caractère ou son comportement anormal ou dangereux.
La violation de la loi reprochée à la cour dappel paraît alors surprenante, dans la mesure où les juges du fond ont précisément pris le soin, en premier lieu, de démontrer que le plot litigieux ne constituait « ni un obstacle, ni un danger particulier » et dajouter, en second lieu, que son enlèvement ultérieur ne contredisait nullement cette conclusion. La surprise est atténuée si lon veut bien prendre en considération un certain nombre de décisions qui ont récemment ignoré les critères de normalité ou de non-dangerosité pour se limiter au constat que la chose inerte, par sa seule position ou présence, avait été linstrument du dommage (à propos de portes vitrées qui se sont brisées au contact de la victime : Cass. civ. 2e, 29 avril 1998 et Cass. civ. 2e, 15 juin 2000 ; à propos dune boîte aux lettres qui occupait une position normale : Cass. civ. 2e, 25 octobre 2001).
Ce mouvement jurisprudentiel, contredit par dautres décisions récentes portant application de la condition danormalité et/ou de dangerosité (v. Cass. civ. 2e, 7 mai 2002 et Cass. civ. 2e, 14 décembre 2002) pourrait être interprété de prime abord comme étendant la présomption de rôle actif à la chose inerte entrée en contact avec le siège du dommage. Il semble cependant, à la réflexion, que cette interprétation ne reflète pas exactement la motivation de décisions qui ne présument aucunement le rôle actif mais établissent sèchement, en référence à lintervention de la chose, sa qualité dinstrument du dommage.
Lassimilation ainsi opérée entre intervention matérielle et rôle actif de la chose inerte contribue à objectiver encore, peut-être au-delà des limites du raisonnable, la responsabilité du gardien de cette chose.
II. Lobjectivation accrue de la responsabilité du gardien de la chose inerte
La prise en considération de la simple intervention matérielle de la chose inerte consacre, de manière évidente, le refoulement de la considération du rôle passif de la chose inerte (A) . Privé du bénéfice de cette cause dexemption de sa responsabilité, le gardien de la chose inerte se voit aujourdhui imposer une responsabilité dont lautomaticité aveugle conduit à une appréciation critique (B).
A. Le refoulement du rôle passif de la chose inerte
La solution consacrée par la deuxième chambre civile dans son arrêt du 18 septembre 2003 sonne le glas de toute référence au rôle passif de la chose inerte.
Dans lhypothèse où est consacrée une présomption de rôle actif de la chose (chose en mouvement entrée en contact avec le siège du dommage), la démonstration du rôle passif permet, en théorie, de combattre cette présomption (peu nombreux sont les arrêts qui admettent un tel renversement de la présomption
). Dans lhypothèse inverse qui est la nôtre, le rôle passif naturellement attribué à la chose inerte impose, en principe, que soient démontrés par le demandeur les caractères spécifiques de la chose justifiant que lon retienne exceptionnellement son rôle actif (anormalité ou dangerosité). Au terme de ce raisonnement sommaire, lon comprend aisément que la référence à la seule intervention matérielle écarte le rôle simplement passif de la chose inerte, et ce quelles que soient ses caractéristiques.
Or on saccorde à penser que la notion de « rôle passif », consacrée depuis un célèbre arrêt du 19 février 1941, avait le grand mérite de réintroduire dans la responsabilité du fait des choses une dose de responsabilité personnelle du gardien qui lui était nécessaire pour conserver son « âme » de
responsabilité (R. Libchaber, Defrénois, 15 juillet 2004, p. 1002).
De loccultation du rôle naturellement passif de la chose inerte sinfère ainsi lobjectivation dune responsabilité que lon savait dores et déjà objective. Cette objectivation accrue conduit à lautomatisation, aveugle et contestable, de la réparation sur le fondement de larticle 1384 alinéa 1er du Code civil.
B. Lautomatisation contestable de la réparation sur le fondement de larticle 1384 alinéa 1er du Code civil
On pourrait être tenté de louer la solution posée par larrêt en ce quelle porte, considération prise de la facilitation de la preuve qui en résulte, une amélioration du sort de la victime. Il convient de constater à ce stade que létablissement du rôle causal de la chose inerte sapparente, selon cet arrêt et ceux qui peuvent lui être apparentés, à la démonstration de l« implication » du véhicule terrestre à moteur dans le cadre de lapplication de larticle 1er de la loi du 5 juillet 1985 : limplication y est appréhendée comme la simple intervention matérielle de la chose à quelque titre que ce soit.
Mais lon constate aussitôt que ce rapprochement témoigne dune dérive indemnitaire inquiétante dans lapplication du principe général de responsabilité civile délictuelle du fait des choses. Si la Cour de cassation devait persister dans cette voie et développer ce courant jurisprudentiel, « cette orientation devrait être condamnée » (P. JOURDAIN, observations sous cet arrêt, RTDciv. 2004, p. 109). La responsabilité française du fait des choses se présente en effet comme un régime dune extrême sévérité « qui na pas déquivalent à létranger » (G. VlNEY, observations sous cet arrêt, J.C.P. éd. G., 2004, I, 101, n° 18) : aggraver cette responsabilité napparaît, en conséquence, ni nécessaire ni opportun.
Cette première remarque pourrait suffire à justifier la critique à légard de solutions étranges que la Cour de cassation na, en tout état de cause, pas motivées : si elle entendait établir un régime de faveur au profit des victimes de certains types de choses inertes (par exemple les choses potentiellement dangereuses du fait de leur conformation), il lui appartiendrait de le préciser clairement de façon à rendre intelligibles les divergences de raisonnement et de solution que lon peut aujourdhui constater dans la jurisprudence de sa deuxième chambre civile.
Un arrêt récent rendu en la matière, à propos dune porte vitrée (Cass. civ. 2e, 24 février 2005), a sans doute amorcé le retour de la condition classique danormalité. Mais son caractère darrêt de cassation (dune décision qui avait rejeté le rôle actif) ainsi que la référence ambiguë à cette anormalité appellent encore confirmation dune véritable volonté de clarification du droit applicable.
LE Cas pratique
(en droit international public)
par Anne Laure Chaumette
Lexercice du cas pratique vous soumet une situation de fait et vous demande dapporter à la question qui en résulte une réponse juridique motivée. À cette occasion seront appréciées vos capacités de mener un raisonnement et démettre une opinion justifiée. Vous ne pourrez vous contenter dexposer les solutions possibles sans prendre position.
Cest la qualité de votre recherche qui conditionne le succès de lexercice. Sa présentation est donc soumise à peu dexigences et le plan doit être avant tout simple, et correspondre à votre démarche intellectuelle.
A. Comment mener à bien un cas pratique ?
Présenter et analyser les faits
Un contresens, une inexactitude ou une présentation lacunaire à ce stade peuvent être préjudiciables pour la suite de lexercice. Vous devez donc avec tout le soin nécessaire reconstituer la chronologie des événements, restituer les faits fidèlement.
Vous devez donc sélectionner les faits pertinents pour apporter une réponse juridique à la question posée.
Qualifier juridiquement les situations de fait
Par exemple : un Etat existant éclate en plusieurs Etats nouveaux = dissolution dEtat ; un Etat atteste lexistence à son égard dun autre Etat = reconnaissance, etc.
Qualifier juridiquement les prétentions des personnes impliquées
Par exemple : un Etat A, partie à un traité darmistice, prétend être dispensé de son exécution soutenant que lEtat B a commis une violation grave de ce traité.
Formuler de manière précise et juridique les questions posées :
Pour continuer lexemple retenu dans les lignes précédentes : la situation invoquée constitue-t-elle une circonstance dextinction ou de suspension du traité ?
Apporter la réponse adéquate et juridiquement motivée
Vous devez être à même dutiliser à bon escient la somme des connaissances disponibles dans votre esprit pour choisir celle qui apporte la solution demandée. Il est fréquent en effet que la question posée à travers le cas pratique ait déjà trouvé sa solution en droit positif. Il convient donc de reprendre une telle réponse dans un texte ou une jurisprudence que vous connaissez.
Procédez dans cet ordre :
1. Posez les fondements juridiques
- Citez expressément les règles conventionnelles ou coutumières.
- Citez la jurisprudence si elle a déjà tranché sur ce point, évidemment !
- Évoquez la doctrine si la question na pas trouvé sa solution en droit positif.
2. Appliquez à lespèce.
De manière générale, ne pas vous contenter dexposer les seuls éléments juridiques en faveur dune solution. Essayez dimaginer quune autre partie peut opposer au raisonnement que vous venez dexposer une règle de droit, une décision, un argument visant à remettre en cause ce premier raisonnement. Il convient alors de le reprendre à votre compte, de lexposer et dy répondre de la même façon.
Lorsque vous trouverez une réponse à laquelle on en peut plus rien opposer, vous pourrez la formuler en réponse définitive, comme laurait fait un juge.
B. Spécificités selon le type de cas pratiques
Cas pratique mentionnant expressément les questions
Le plus souvent, le cas pratique qui vous sera soumis contient expressément les questions quil vous est demandé de résoudre juridiquement. Il est fréquent quun cas pratique contienne plusieurs questions :
- Dans les cas les plus simples, les questions juridiques seront autonomes les unes par rapport aux autres.
- Il arrive aussi que la résolution des questions dépende des solutions apportées à des questions préalables. Cette complexité réelle des questions dépendant les unes des autres correspond à ce que sont souvent les problèmes juridiques dans la vie pratique mais rend beaucoup plus difficile lexercice. En effet, une erreur danalyse dune question entache dinexactitude la résolution des autres.
Cas pratique ne mentionnant pas expressément de questions
Le cas pratique vous demande dune façon très générale de résoudre les difficultés que soulève lexposé des faits. Par ex.: « Développez une argumentation juridique en demande et en défense ».
La formulation précise des questions de droit est alors une difficulté et un enjeu majeurs de lexercice.
LA DISSERTATION
par Jean-Luc Chassel et Sandra Szurek
Que lon vous pose un sujet de cours ou de réflexion, formulé ou non sous forme de question, quil sagisse dune phrase ou dun court texte, la technique de la dissertation est la même. Elle commence par une étape fondamentale : comprendre le sujet qui vous est posé, ce qui veut dire apporter la plus grande attention à la façon dont il est rédigé.
Pour une large part, les mauvais résultats aux examens écrits, en particulier, sont dus à une lecture trop rapide du sujet et à un défaut de compréhension de ce dernier.
Ne parlons pas bien sûr des étudiants qui pensent tromper leur correcteur en adaptant le sujet à leurs propres connaissances, tout en étant convaincus quils répondent ainsi aux exigences requises
Cette pratique naboutit quà des résultats négatifs.
Les connaissances sont considérées comme un acquis. Cest votre capacité dutiliser intelligemment ces connaissances qui sera évaluée : 1. capacité de compréhension du sujet ; 2. facultés danalyse et de synthèse ; 3. rigueur juridique ; 4. aptitude à raisonner ; 5. clarté, intelligence, aisance voire élégance de lexpression ; 6. sûreté de lorthographe : tout enseignant est libre de fixer le seuil de fautes dorthographe à partir duquel il jugera une copie inadmissible. Il est donc impératif, au moment des examens en particulier, de garder du temps pour se relire et corriger les fautes dorthographe.
Lintroduction
Lintroduction a une importance capitale : elle manifeste votre compréhension du sujet et définit tous les problèmes quil soulève et que les développements vous permettront dargumenter. Elle est plus longue en sciences juridiques que dans les autres disciplines universitaires : près dun quart du devoir ! Les cinq étapes décrites ci-dessous peuvent revêtir une importance variable en fonction du sujet. Mais elles vous donnent larchitecture générale dune bonne introduction
1. Laccroche
Phrase dattaque qui permet dattirer lattention du lecteur. Elle peut prendre la forme interrogative ou bien comporter une citation en relation avec le sujet
. Elle doit cependant éviter de paraître pédante ou de pur artifice.
2. Le contexte et les définitions
Étape qui permet de cerner le sujet :
- le contexte historique, géographique, culturel : À quelle époque puis-je rattacher le sujet ? Dans quel pays ou zone géographique puis-je situer le thème à analyser ?
- définition des termes du sujet à partir de mes connaissances juridiques, historiques, philosophiques.
3. Intérêt du sujet
Pourquoi me pose-t-on cette question ? Sagit-il dun problème juridique lié à lactualité ? ou dune notion fondamentale ?
4. Problématique
Quel est lensemble des problèmes soulevés par le sujet : une contradiction ? une innovation ? une complémentarité ? une rupture ? Il est important, à ce stade, de montrer que lon a bien perçu les enjeux du sujet, quon sait les exposer et donc les maîtriser.
5. Annonce du plan
Il sagit de la thèse que vous voulez démontrer, de la réponse que vous entendez apporter au sujet qui vous est posé. Cest une phrase affirmative qui annonce les deux (exceptionnellement trois) parties du plan. Bien sûr, lannonce du plan est dautant plus réussie quelle semble découler naturellement de lensemble de lintroduction et quelle napparaît pas comme artificiellement plaquée sur des développements sans grands rapports avec elle. Autrement dit, le plan ne doit pas venir comme « un cheveu sur la soupe » mais constituer laboutissement logique de ce qui précède.
Développements
Chaque partie (I et II) doit comporter lannonce des sous-parties, objets du développement. En général, deux sous-parties suffisent largement. Au-delà, et sauf exception, les développements risquent de paraître trop morcelés ou inconsistants. Chaque sous-partie (A et B) peut être construite de la façon suivante :
- Dune part,
(1e argument).
- Dautre part,
(2e argument).
- Enfin/pour conclure
(3e argument/conclusion).
Elle peut comprendre encore elle-même deux subdivisions, aux intitulés courts, si possible percutants, qui devront être alors annoncées par un court chapeau introductif
Il convient enfin de veiller à faire des transitions (lier notamment lidée développée dans la 1e partie avec celle à développer dans la 2e partie).
Conclusion
Une conclusion est nécessaire, quoi quen disent certains de vos enseignants. Brièvement, elle sefforce douvrir le propos sur une perspective plus large. Puisque tout doit être dit entre lintroduction et les développements, elle ne consiste surement pas à exploiter un argument que vous auriez gardé pour la fin : on vous reprocherait légitimement de ne pas lavoir traité dans le corps de la dissertation ! Elle ne consiste pas non plus en une reprise des arguments développés : cette réexposition naurait aucune utilité.
Quelques impératifs de rédaction
Un argument juridique est toujours accompagné de sa source : article dun code, dune convention, dune constitution ; jurisprudence ; doctrine.
Pour construire son argumentation, utiliser des liens logiques :
- Subdivision : dune part, dautre part ; en premier lieu, en second lieu ; dans un premier temps, dans un second temps ; premièrement, deuxièmement, troisièmement
- Addition : de plus ; en outre ; de surcroît ; par ailleurs
- Opposition : au contraire ; or ; mais ; tandis que ; alors que
- Concession : bien que ; certes
- Conclusion : donc ; par conséquent ; en conséquence ; il sensuit que ; il résulte
Si une citation vient appuyer un argument juridique, il faut toujours la commenter pour expliquer dans quelle mesure elle soutient le raisonnement.
À bannir : les fautes dorthographe ; les phrases trop longues ; le ton humoristique ; les généralités ou banalités (de tout temps, les hommes
, la société, le monde etc
.).
Aller à la ligne à chaque argument : un premier argument est développé dans un paragraphe ; puis un nouveau paragraphe est consacré au second argument. Ceci ne veut cependant pas dire que les paragraphes doivent être courts et que la rédaction trop morcelée.
Aérer la copie en sautant des lignes avant et après les titres. Ce nest pas le lieu ni le moment de faire des économies de papier. Pensez à votre lecteur qui sera dautant mieux disposé quil aura devant les yeux une copie soignée.
Faire ressortir les titres : il est préférable de faire des titres apparents, mais cela ne dispense pas de rédiger les annonces et les transitions.
Exemple de dissertation
en histoire du Droit
par Jean-Luc Chassel
Sujet : « La démocratie athénienne peut-elle passer à nos yeux pour un modèle »
Remarque : La rédaction est volontairement donnée ici de manière concise pour rendre apparente larticulation du devoir. Plusieurs notions demanderaient normalement des définitions ou des précisions.
Introduction
Le régime démocratique mis en place à Athènes à partir des réformes de Clisthène (fin du VIe siècle avant notre ère) nest peut-être quune parenthèse dans lHistoire. Malgré les efforts des Athéniens, sa diffusion est restée limitée au sein du monde grec. En outre, lindépendance dAthènes prenant fin avec lavènement de lempire macédonien (fin du IVe siècle), il na duré quà peine deux siècles ; encore a-t-il connu des traumatisme (guères médiques, révolutions oligarchiques) qui ont porté atteinte à sa continuité.
Néanmoins ce régime a une importance capitale à nos yeux. Il est le premier à conférer la souveraineté au peuple, conçu comme lensemble des citoyens égaux en droits
et cest bien le principe dont se réclament aujourdhui la plupart des États. Même après des siècles doubli, la constitution dAthènes continue à servir de référence aux idéaux contemporains et à nourrir notre réflexion sur notre propre expérience politique (première partie).
Les institutions athéniennes nen demeurent pas moins celles dune cité antique. Elles ignorent la notion de représentation et limitent la qualité de citoyen à une minorité de la population, tandis que ses détracteurs, à lépoque même, lui ont reproché dêtre le théâtre des médiocres et des démagogues. Par là ces institutions se heurtent à la réalité et aux aspirations modernes, bien que certains de ses défauts soient peut-être inhérents à toute pratique démocratique (deuxième partie).
I. Un modèle fondateur
Les Athéniens ont posé les fondements de toute démocratie : souveraineté du peuple et égalité des citoyens. Ils ont poussé très loin lapplications de ces principes. La référence à leur pratique continue de nourrir les débats actuels sur la nécessité dimpliquer davantage les citoyens dans la vie politique, dintroduire plus de démocratie dans les institutions.
A. La souveraineté du peuple : un principe absolu
1. Si toute démocratie doit se fonder ce principe, le régime athénien le consacre sans limite. Les citoyens exercent directement cette souveraineté dans lassemblée du peuple (Ecclesia). Celle-ci fixe elle-même son ordre du jour et vote sur toute matière (législative, administrative voire judiciaire) sans quaucune séparation des pouvoirs ne vienne entraver sa compétence.
2. Tous les autres organes de lÉtat émanent de lassemblée. Ainsi la Boulè est un conseil issu de lassemblée par tirage au sort dont la principale fonction est le travail préparatoire sur les lois et décrets sur lesquels les citoyens doivent statuer. LHéliée, cour de justice populaire, est composée de citoyens tirés au sort dans les mêmes conditions. Les magistrats enfin sont désignés par lassemblée et sont responsables devant elle.
B. Légalité des citoyens
1. Le modèle athénien nous a légué deux concepts qui traduisent deux aspects indissociables de cette égalité : lisonomie (la loi sapplique également à tous) et liségorie traduisent (tous concourent à sa formation). La mise en uvre de ces sobserve dans le tirage au sort de la plupart des citoyens chargés dune fonction publique (7000 citoyens sont ainsi désignés tous les ans pour la Boulè, lHéliée et un grand nombre de magistrature). Par là, chacun ou presque est amené à remplir une de ces fonctions au moins une fois dans sa vie.
2. Le misthos (créé par Périclès pour rémunérer lexercice des fonctions publiques, puis étendu au IVe siècle à tous les citoyens présents aux réunions de lassemblée) permet aux plus pauvres dassumer leur « métier » de citoyen : linégalité sociale est ainsi corrigée sur le plan civique.
3. Athènes donne ainsi naissance à la « politique », comme savoir spécifique (efflorescence de la réflexion philosophique et morale sur le gouvernement de la cité, sur lhomme en tant que zoon politikon) : ce nest pas là le moindre aspect du modèle quelle a instauré.
II. Démocratie antique, démocratie moderne
Lopposition entre démocratie antique et démocratie moderne rend relatif la portée du modèle athénien : des différences essentielles séparent nos mentalités et nos idéologies de celles qui prévalaient dans les civilisations de lAntiquité. Cependant, parmi les traits de la pratique athénienne qui nous paraissent aujourdhui étranges voire choquant, il existe sans doute des vices inhérents à tout régime démocratique et nous ne saurions donc en faire peser le reproche seulement sur Athènes.
A. Athènes : une démocratie antique
Le régime athénien nest guère transposable au monde actuel pour une infinité de raisons qui tiennent au cadres matériel et mentaux de civilisations séparées de quelque vingt-cinq siècle.
1. Le problème de la démocratie directe : La constitution dAthènes ignore la représentation et la démocratie directe nest concevable que dans une communauté politique étroite, démographiquement limitée. Elle est difficile à mettre en place dans le cadre des nations modernes.
2. Dans toutes les cités antiques, le nombre des citoyens est même réduit par lexclusion dune grande partie de la population (femmes, métèques, esclaves) : à Athènes, ils nont jamais été plus de 40 0 0 sur près de 400 000 habitants. Néanmoins, à certains moments de son histoire, Athènes a accordé la citoyenneté à des contingents desclaves et à des métèques et certains témoignages montrent que laspiration à louverture du corps civique a pu exister.
B. Des défauts inhérents à la démocratie ?
1. Churchill ne disait-il pas que si aucun régime politique nétait bon, la démocratie était seulement le moins mauvais
On a accusé le système athénien dêtre vicié par lapathie et labsentéisme, de faire la part belle aux démagogues, de favoriser les médiocres (le tirage au sort confiant les fonctions à des gens sans valeur et lostracisme écartant comme dangereux les citoyens les meilleurs). Il faut remarquer que ces critiques ont émané dabord dauteurs appartenant à la noblesse athénienne, souvent hostiles au régime. Mais il faut aussi souligner que ces critiques sont encore présentes dans le débat politique contemporain.
2. La démocratie est-elle un luxe pour les états riches ? Les citoyens athéniens ont pu dautant mieux se consacrer à la chose publique que leur cité a développé le nombre des esclaves et que le misthos a vraisemblablement été financé par limpérialisme dAthènes sur ses alliés de la Ligue de Délos. De nos jours, se pose toujours la même angoissante question de géopolitique : les pays développés sont-ils les bastions de la démocratie ? Comment aider les pays en voie de développement à assurer la souveraineté du peuple et légalité des citoyens ?
Conclusion
Contrairement à lidée reçue, lHistoire nest pas un perpétuel recommencement. Si la démocratie athénienne est un modèle fondateur mais non totalement transposable au monde daujourdhui, cest quil en va ainsi de tout modèle en Histoire.
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