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Le prince, protecteur des arts au XVIIe siècle, France-Italie CAPES ...

Livres ouverts et plans visibles et compas : illustration de la géométrie et la perspective. ... à tous les domaines de l'art, ce qui montre l'étendue du sujet posé au CAPES. ..... récit très circonstancié et publié [Le Journal de voyage du Cavalier Bernin en France]. ..... T.D. sur les jugements sur Richelieu) dans les rues de Paris.




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Le prince, protecteur des arts au XVIIe siècle, France-Italie
CAPES 2010 : Le Prince et les Arts



Introduction :

Deux tableaux en vis-à-vis :

( Louis XIV protecteur des arts, peint par Henri Testelin, 1667, musée national du château de Versailles.
[Biblio. : article de Sabatier, HES, 2000/4 ; Thierry Bajou, La peinture à Versailles, Paris, Buchet/Chastel et RMN, 1998, p. 110-111].
Historique du tableau : commandé par l’Académie de peinture en 1666 pour sa salle ; apporté par l’artiste en 1668.
Ici, figuration très classique du roi en majesté, qui est un des plus anciens canons de la représentation du roi, depuis le XIIIe siècle au moins. Une figuration qui est remise à l’honneur dès le règne d’Henri IV, probablement pour insister sur la filiation des Bourbons avec les grands Capétiens. Le règne de Louis XIV ne se distingua pas par rapport à ceux des deux premiers Bourbons, et dès 1660, on le voit commander des portraits en majesté dont le premier fut exécuté par Pierre Mignard (1612-1695) vers 1660.
Le tableau de Testelin s’inscrit dans cette lignée, figurant le roi en majesté sur son trône. Elément du roi en majesté : le manteau du sacre, le sceptre, ici celui dit de « Charlemagne », i.e. celui qui lui est remis à l’occasion du sacre, le collier du Saint-Esprit [évoquer ce qui manque]. La majesté du personnage est attestée par la position de la jambe droite, gainée de blanc, donc tranchant avec le manteau, en position avancée, signe même de la majesté [cf. les tableaux en pied, toujours une jambe dégagée et avancée]. L’histoire individuelle de l’homme qui incarne la monarchie, le corps mortel du roi, est quant à lui figuré par le visage, qui est celui d’un homme relativement jeune, ce qu’était Louis XIV à cette époque. Ainsi, si la position du corps et les attributs ne changeaient pas d’un tableau à l’autre, voire d’un roi à l’autre, en revanche l’artiste se devait de respecter scrupuleusement un certain réalisme pour le visage du souverain, critère d’identification du souverain. Cette représentation mêle ainsi le corps mortel du roi et son corps éternel, la puissance souveraine, et se veut une parfaite figuration de la puissance royale. Là-dessus, c’est un code conventionnel que tout le monde savait lire.
Ici, ce portrait en majesté est associé à la protection des arts :
il pose sa main sur la tête du génie de l’Académie : ce dernier tient l’écu de l’Académie et la main de Louis XIV est posée de manière protectrice.
il est environné d’objets et de décors évoquant les activités des Académies de Peinture et de Sculpture, des Sciences et d’Architecture. Chaque élément a un sens que le public devait décrypter pour comprendre la toile.
Le globe céleste : astronomie et création de l’Observatoire toute fraîche, en 1667.
Le buste d’Alexandre : la sculpture et le modèle classique, et en même temps, un parallèle entre le conquérant grec et le roi de France.
Livres ouverts et plans visibles et compas : illustration de la géométrie et la perspective.
La toile : elle symbolise la peinture.
L’arrière plan : arcade et fontaine qui reprend le projet de Lebrun à cette époque pour la cour du Louvre, mais jamais réalisé, tout ceci pour figurer l’architecture.

Conclusions et problématique du cours :
Le prince naturellement protecteur des arts.
Cette protection s’étend à tous les domaines de l’art, ce qui montre l’étendue du sujet posé au CAPES. Une sorte de relation réciproque, l’art glorifiant le prince, le prince protégeant arts et artistes.
Le nœud traditionnel de cela, c’est le MECENAT, et notamment le mécénat princier qui est une tradition des différents souverains. Roi de France, princes et souverains italiens, mais aussi princes français ou élites patriciennes s’adonnent depuis plusieurs siècles, avec une revitalisation à la Renaissance sur le modèle du prince italien (Laurent le Magnifique). Définition : promotion de l’art par le biais de commandes, d’aides financières ou toute autre protection d’un artiste par une personne qui peut lui permettre de produire son art [origine du mot : HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9c%C3%A8ne" \o "Mécène"Caius Cilnius Mæcenas, patricien romain proche d’Auguste connu pour avoir consacré sa fortune à la protection des arts et des lettres].
L’originalité du XVIIe siècle, c’est la mise en place d’un système de protection qui s’institutionnalise. C’est essentiellement vrai pour la France, mais la prise de contrôle par l’Etat de la production artistique par le biais de la protection se fait sur des outils expérimentés en Italie comme les académies. Ce tableau de Testelin est très significatif de cette institutionnalisation des arts au service du prince : commande de l’Académie de peinture pour sa salle principale, elle figure le roi, les arts et la glorification de l’un par l’autre. Parfaite synthèse du rapport de Louis XIV à l’art dans le cadre d’une de ses institutions créée au début de son règne.


La tradition des artistes protégés par le prince

Dans cette partie, la problématique concerne l’usage que fait le prince non pas tant de l’art mais des artistes. Il peut être intéressant de s’intéresser ici aux rapports entre princes et artistes, dans une logique d’interdépendance : le premier a besoin des seconds pour mener à bien la mise en art de son règne, les seconds ont besoin du premier pour vivre et travailler.
Nous allons avoir pour commencer le contexte général de ce rapport artiste/prince à l’âge baroque, dans une forme traditionnelle de protection relativement souple.


Le temps d’Henri IV

L’exemple d’un roi qui attire les artistes dans un contexte d’institutionnalisation de l’art encore limité.

Contexte intellectuel de la France du premier XVIIe siècle :
Le renouveau spirituel lié à la reconquête catholique. Des personnalités de premier plan, présentes à la cour et influençant les élites : le cardinal de Bérule, Saint François de Sales, Saint Vincent de Paul. Auteurs et modèles de vie qui donnèrent le ton à la pensée religieuse française dans la première moitié du XVIIe siècle. Pas de mysticisme extatique comme l’on en trouve en Espagne ou en Italie, pas d’excès dans la mortification. Mais une doctrine religieuse qui tente d’entrer en harmonie avec l’existence sociale, pour produire un épanouissement de la pensée religieuse dans l’ensemble de la communauté catholique.
Développement d’une morale purement laïque. Stoïcisme très en vogue, autour de Guillaume du Vair ou de Pierre Charron [auteur du Traité de la sagesse en 1601] devient un modèle de réflexion pour les sceptiques.
Deux tendances dans la littérature : Première tendance : le style fleuri et plein de fantaisie qui touche le milieu aristocratique. Incarné par l’Hôtel de Rambouillet, ou Madame reçoit auteurs et nobles dans son CERCLE DES PRECIEUX : public qui aime les longs romans pastoraux (L’Astrée, d’Honoré d’Urfé), poésie maniériste, épigramme, madrigaux, vers et anagramme, toujours alambiqués. Deuxième tendance : Malherbe et la fondation de la poésie classique (réforme de la langue).


Les goûts du roi :
Roi peu familier de la lecture et des arts, s’il aime les romans de chevalerie (Amadis), il n’a que peu de penchant naturel pour les lettres, ce qui le distingue des derniers Valois qui avaient sur mettre en place une des cours des plus brillantes d’Europe en termes de lettres, d’arts et de rapports individuels.
Conscience d’une nécessaire utilisation des arts, qui va se fonder sur des appels individuels plus qu’organisés, envers certains artistes.
En matière de goût, domine le style romanesque, où la référence est le roman de chevalerie, le poème épique, traduit en littérature aussi bien qu’en peinture ou en sculpture.

Lettres et histoire :
recours à François de MALHERBE [1555-1628 : auteur de cours attaché d’abord à un fils naturel d’Henri II, le duc d’Angoulême, il se mit au service au d’Henri IV et resta en faveur jusqu’à sa mort ; il ne parvint pas à retrouver son rayonnement sous Louis XII], chantre des prouesses du roi (exemple : Prière pour le roi Henri le Grand allant en Limousin, en 1605 ; intégralement saisi).
constitution d’une BIBLIOTHEQUE ROYALE qu’il installe à Paris et fait ouvrir aux érudits Localisation : Collège de Clermont en 1595, suite à l’expulsion des Jésuites ; puis à leur retour, au couvent des cordeliers en 1604. Direction : d’abord Jacques-Auguste DE THOU (1553-1617), puis le protestant Isaac CASAUBON (1559-1614).
Maintien des poètes de cours marqués par la préciosité : Nicolas Vauquelin des Yveteaux [1567-1649 : commence comme officier de justice, puis précepteurs de César de Vendôme, du jeune Louis XIII jusqu’en 1611 ; il quittera alors la cour ; œuvre poétique légère, à la cour puis parisienne] ; Antoine de Nervèze [vers 1570-1622 : auteur dont les premières œuvres sont édités vers 1598 ; protection initiale par le prince de Condé, cousin du roi, puis passe au service d’Henri IV en recevant la charge de « secrétaire de la chambre du roi ». Bien vu en cour, sort d’arbitre du bon langage]

Arts picturaux :
Apparition de ce que l’on appelle la SECONDE ECOLE DE FONTAINEBLEAU. Parmi les peintres, on trouve Ambroise DUBOIS (1543-1614), Toussaint DUBREUIL (1561-1602 ; principal peintre d’Henri IV), Martin FREMINET (1567-1619 ; remplace Dubrueil comme principal peintre du roi à la mort de ce dernier en 1602 ; jusque là avait été en Italie, notamment à Rome) : les trois plus importants. Tous des peintres marqués par le style maniériste qui dominait le goût à l’échelle internationale, fait d’influences flamandes et italiennes. Tous des peintres qui furent recrutés au service du roi dès le début de son règne, travaillant à embellir les principales résidences royales : Fontainebleau, le Louvre, Saint-Germain-en-Laye. Parmi les réalisations d’importance : la galerie de Diane de Fontainebleau (détruite au XIXe siècle) que l’on doit à Ambroise Dubois : modèle de tableau encore conservé (Louvre): le baptême de Clorinde (reproduction). Toussaint Dubreuil a également travaillé à Fontainebleau, mais aussi à la petite galerie du Louvre (détruite en 1661), mais dont il reste comme œuvre une figuration d’Henri IV : Henri IV en Hercule terrassant l’hydre de Lerne (allégorie de la Ligue), vers 1600 (reproduction : éléments très classique : le visage ressemblant ; le cadre antique ; l’arrière plan, une place de ville avec obélisque renvoyant à une réalisation parisienne ; vêtu en Hercule, peau de bête et massue ; la majesté par la jambe en avant et l’épée au côté ; le triomphe allégorique sur l’hydre qui symbolise la ligue).
Modèles artistiques : les auteurs de l’Antiquité tardive ou de la péninsule italienne qui ont écrit des grands poèmes épiques ou des romans d’amour : exemple Héliodore d’Emèse (auteur grec du IIIe siècle), Théagène et Chariclée, roman d’amour traduit par Jacques Amyot en 1547 ; également les œuvres du Tasse (Torquato Tasso, 1544-1595), poète italien, auteur de Jérusalem délivrée, soit un roman de la croisade. Parmi les thèmes préférés, Tancrède et Clorinde, qui devait décorer le cabinet de Marie de Médicis à Fontainebleau.

Sculpture
Domination de Pierre de Franqueville (1553-1615) ; a étudié à Florence auprès de Jean de Bologne (Giambologna, 1529-1608), puis revient en France à la demande d’Henri IV : décoration du jardin de Saint-Germain-en-Laye, participation à la statue équestre du Pont-Neuf de Paris.
A côté de lui, toujours dans la même veine, Pierre Biard (1559-1609) et Mathieu Jacquet (mort en 1610) : œuvre de Jacquet la plus célèbre, la Belle Cheminée de Fontainebleau, représentant Henri IV à cheval (reproduction).

Médailles :
Période de travail de Guillaume Dupré (1576-1643), élève de Germain Pilon (1540-1590). Protection d’Henri IV et de Louis XIII notamment en raison des frappes mettant en scène le roi en Hercule, ainsi que sa famille. Vif intérêt d’Henri IV qui rassemble les collections royales, anciennes et nouvelles, à Fontainebleau – Cabinet des armes sous la direction de Pierre-Antoine de Rascas de Bagarris (1562-1620, originaire de Provence). Projet d’une histoire du règne sous forme de médaille, présenté par Rascas de Bagarris en 1608.


Productions artistiques et événements

Tradition d’utiliser des artistes venus d’ailleurs pour célébrer un événement lié à la vie de tel ou tel prince.

Le cas de Florence au milieu du XVIIe siècle ou la célébration d’un mariage pour glorifier la dynastie.
Florence se situe dans un contexte politique de construction dynastique : les Médicis ont acquis le titre de duc de Florence puis Grand Duc de Toscane au milieu du XVIe siècle et sont en quête d’une légitimation dynastique censée faire oublier leurs origines roturières et financières. C’est un aspect important que nous traiterons dans le deuxième chapitre, L’art au service du prince, car le travail sur l’image et sur l’histoire fut fondamental dans cet usage politique de la production artistique.
Cependant, comme l’ensemble des princes d’Europe, la stratégie princière vis-à-vis de l’art s’inscrit également dans une débauche de moyens et par le recours à des individus venus d’un peu partout, essentiellement de l’Italie, pour un palais, pour un événement, dans une relation de prince protecteur et généreux donateur en faveur des arts.

Autour du mariage de Ferdinand II de Médicis avec l’héritière des ducs de La Rovere, duc d’Urbin, prénommée Vittoria [préoccupation diplomatique qui commence dès 1621, dans la logique d’expansion des Médicis vers les marches d’Urbino, avec un engagement arrêté dès la naissance de Vittoria ; mariage officieux le 2 août 1634, et cérémonie publique le 16 avril 1637 ; mais intérêt de ce mariage qui a disparu, car dès 1631, le pape Urbain VIII envoyait son neveu prendre le duché d’Urbin qui intégrait de fait les territoires pontificaux. Malgré cet échec, dans sa logique d’affirmation dynastique et pour valoriser ce mariage qui de fait a perdu tout intérêt, engagement du pouvoir florentin dans de vastes travaux d’embellissement de la ville].
Le Palais Pitti : 5 chantiers entre 1635 et 1642. Giovanni da San Giovanni commence à peindre le plafond et les murs de la salle d’audience du RDC : c’est le lieu théorique du banquet nuptial (travail achevé à partir de 1636 par Cecco Bravo et Ottavio Vanini). Thème : l’âge d’or de Florence sous Laurent le Médicis (donc au temps de la République). Pierre de Cortone se concentre sur le premier étage, l’étage noble, et à partir de 1641 il commence à peindre les 5 salles des planètes : Vénus, Apollon, Mars, Jupiter, Saturne, 5 salles qui ouvrent sur les appartements privés du Grand Duc. Il s’agit d’une narration de l’existence du prince sous le mode mythologique : naissance (Vénus/Apollon) ; maturité (Mars/Jupiter), vieillesse (Saturne), la vie comme la cour étant un cosmos, assimilé à la marche des planètes. Ceci aura une influence importante sur Le Brun lorsqu’il visite le palais en 1645, et quand il devra travailler sur les décors de Versailles.
Le jardin attenant à ce palais, le jardin de Boboli : réalisation de la grotte du cortile, de la fontaine de l’artichaut, de la statue de Dovizia ( nombreux aménagements.
Evolution : du point de vue de l’utilisation politique de l’image, les réalisations pourtant contemporaines à l’intérieur du palais dénote de deux approches différentes, et de fait d’une évolution. Cortone utilise la mythologie comme analogie à l’histoire des Médicis sans faire intervenir un seul élément concret : ce qui est peint à l’étage du palais Pitti pourrait s’appliquer à n’importe quelle famille, c’est un rapport des Médicis aux dieux antiques qui passe par une analogie des plus abstraites. En revanche, San Giovanni introduit lui le récit historique original à la famille de manière à la glorifier, ici l’histoire de Laurent le Magnifique. C’est quelque chose de nouveau, qui prend ses distances avec la seule mythologie, et dans le cas de Florence au XVIIe siècle, c’est un des deux seuls cas avérés.
Les décors de San Giovanni accordent une place de choix au prince protecteur des arts :
Usage de la salle non précis : de fait, une salle pour le prince, pour qu’il si mire.
Au plafond, l’allégorie des noces de Ferdinand et de Vittoria (central) et diverses allégories autour du mariage et de Florence.
Les murs sont consacrés à Laurent, avec une lecture de gauche à droite : le temps détruit la mémoire des choses passées, les satires chassent les artistes du Parnasse, les poètes exilés parviennent en Toscane, Laurent le Magnifique reçoit le cortège des muses et des artistes, Laurent conseillé par la Prudence porte la paix en Italie, Laurent au milieu des artistes, Laurent et la foi, Laurent à la villa de Careggi, L’apothéose de Laurent.


Les arts funéraires ou le tombeau comme mémoire du prince.
Tradition du tombeau princier, qui correspond à la conservation de la mémoire d’un représentant d’une illustre famille. Ce n’est pas propre au prince, c’est une caractéristique des élites depuis le Moyen Age. Le modèle français est le plus connu, depuis que la monarchie française a fait de l’abbaye de Saint-Denis la nécropole de la famille régnant, en enterrant les rois exclusivement dans la basilique à partir de la dynastie des Capétiens. Mais là aussi, la possession de chapelles familiales n’est pas propre au roi de France et on en trouve ailleurs, y compris dans des églises où telle ou telle famille enterre traditionnellement ses défunts.
Evolution au XVIe siècle : c’est très net à Saint-Denis, les tombeaux des souverains commencent à devenir de véritables œuvres d’art : tombeau de François Ier, tombeau d’Henri II et Catherine de Médicis. Ce dernier notamment est réalisé suite à une commande de Catherine de Médicis à Germain Pilon (1528-1590) qui s’illustre par des figurations du roi et de la reine en prière (à genoux) associées à la sculpture de leurs gisants.
Avec la diffusion de l’art baroque, les tombeaux vont prendre une nouvelle ampleur, notamment en Italie (ceci va de pair avec l’accroissement des magnificences des services funèbres). C’est une suite logique avec ce qui a été observé en France, mais qui va atteindre un développement bien supérieur encore, notamment à Rome autour de la figure pontificale.

La papauté mise au tombeau
Tradition d’enterrer les papes dans de somptueux tombeaux au cœur de leur territoire, dans une église de Rome. Les papes du XVIe siècle ont bénéficié comme les princes français d’une véritable mise en image éternelle de leur individualité.
La première évolution d’importance se situe sous Sixte Quint (1520-1585-1590). Il fait ériger son monument dans la chapelle Sixtine (basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome Attention : à ne pas confondre avec celle décorée par Michel Ange, commandée par Sixte IV) et tous les murs de la chapelle sont destinés à ce tombeau. Les murs latéraux sont remplis d’arcs de triomphe centré sur l’histoire de la vierge (objet de polémique anti-protestante) ; au centre le pape figure agenouillé, en train de prier (« orant »), dans une sorte d’adoration perpétuelle. Il fait face à une statue de son prédécesseur, Pie V (1504-1566-1572), qui elle est une figuration trônante, Sixte Quint ayant tenu à associer son protecteur initial (il le fit cardinal) à son propre tombeau. La réalisation de l’ouvrage fut confiée à Domenico Fontana (1543-1607), architecte alors très important à Rome, dans son aménagement urbain, et protégé de Sixte Quint, depuis le temps où ce dernier n’était que cardinal. Concernant les deux statues, l’une et l’autre s’inscrivent dans deux traditions différentes mais complémentaires : Pie V en figure de majesté ; Sixte Quint en figure orante à l’image des saints patrons figurés dans les chapelles. On voit ici comment les traditions se maintiennent, tout en modifiant la nature même du tombeau en le faisant occuper un espace bien plus grand, en devenant l’objet même d’une chapelle. Un des successeurs de Sixte Quint, Paul V (1550-1605-1621), fit la même chose en édifiant en face de la chapelle Sixtine, la chapelle Pauline, pour abriter son tombeau et celui de Clément VIII (1536-1592-1605).
Une des réalisations majeures du XVIIe siècle demeure le tombeau du pape Urbain VIII (1568-1623-1644). Comme le veut l’usage, le pape a commandé son tombeau dès le début de son pontificat, et il engagea son sculpteur protégé, à savoir Le Bernin (j’y reviendrai dans la partie suivante). Le tombeau doit se situer dans la basilique Saint-Pierre, et pour le réaliser, on déplace le tombeau de Paul III (1468-1534-1549) au fond du chœur pour permettre de faire un pendant au nouveau tombeau d’Urbain VIII. Les travaux commencent dès 1628. Une statue du pape surmonte une plinthe en marbre ; la Charité et la Justice s’appuient sur le sarcophage, où sont figurés au centre un crâne et des ossements ; la Mort est figurée par un squelette ailé partiellement drapé inscrivant le nom d’Urbain dans le livre de l’Histoire  en composant son épitaphe. fronton supérieur avec les armoiries pontificales et les allégories de vertus. Plan pyramidal, verticalité appuyée de manière à ce que le pape et ses allégories puissent être vue de loin où que l’on se trouve dans le chœur.
L’autre grande réalisation du Bernin est le tombeau du pape Alexandre VII (1599-1655-1667). Le tombeau est réalisé après la mort du pape, entre 1671 et 1678, dans une partie de la basilique Saint-Pierre, contre un pilier où est fichée une porte. Cette porte devient l’élément central du monument, ordonné selon un arc de cercle : à la base, 4 vertus ; au dessus, pas de sarcophage, mais seulement une plinthe portant le nom du pape ; figuration du bras menaçant de la mort portant un sablier sous un dais semblable à un linceul, mais pas de figuration de la Renommée ou autres allégories habituelles ( ici, le tombeau est épurée en valorisant l’image de la mort face au pape, relégué au rang d’être mortel, fortifié seulement par ses vertus (les deux principales, Vérité et Charité, qui s’élancent vers le pape).

A côté des papes : d’autres exemples dans le même esprit.
A Venise pour commencer, les doges n’hésitèrent pas à faire ériger des monuments considérables à leur honneur et surtout à celui de leur famille alors qu’ils étaient en poste. Exemple : le doge Giovanni Pesaro (doge de 1658 à 1659) : chantier mené dans l’église Sainta Maria dei Frari à Venise même par l’architecte Baldassare Longhena (1598-1682) et le sculpteur allemand Melchior Barthel (1625-1672) : tombeau réalisé après la mort du doge, selon des instructions testamentaires très précises et une belle somme allouée pour cela. Les travaux furent réalisés entre 1659 et 1669 [image : 4 maures sous forme de colosses soutiennent le linteau au dessus de la porte et cette dernière divise la figuration en deux. Entre les maures, deux bas-reliefs de squelette figurant la mort qui portent des inscriptions relatives aux mérites du défunt ; dans le registre supérieur, 4 vertus entourent le doge (2 par niche) ; ce dernier est dans la niche centrale, sur un sarcophage factice qui écrase les ennemis de Venise. Commentaire : tombeau lourd et imposant, malgré une période courte passé à la tête de la ville ; ce qui veut dire que ce qui compte, c’est la fonction qui elle est éternelle dans ses vertus et ses réalisations.
A Paris : une étude a tenté d’analyse les monuments funéraires parisiens au XVIIe siècle : Claire Mazel, La mort et l’éclat. Monuments funéraires parisiens du Grand Siècle, Rennes, P.U.R., 2009. Elle a fait l’inventaire de 121 monuments d’importance érigés à cette époque : très inégal : chapelle familiale où chaque génération vient apporter un petit monument (exemple de celle des Briçonnet au couvent des Cordeliers à Paris), des priants ajoutés dans des églises, des monuments muraux, mais aussi de grandes compositions comme la pyramide de la famille des Longueville aux Célestins, le monument de Turenne à Saint-Denis ou celui de Colbert à Saint-Eustache.
Paradoxalement, en France, les premiers Bourbon n’ont pas continué dans la veine des derniers Valois : il n’y a pas de somptueux tombeaux pour les trois premiers rois de la dynastie. De fait, s’il n’y a pas d’érection de nouveaux tombeaux à Saint-Denis, en revanche, il y a un recours au monument pour certaines partie du corps royal qui elles ne sont pas ensevelies dans la nécropole [expliquer la tripartition]. Mais ceci est d’abord le fait de la conjoncture : Louis XIII en 1618 se préoccupa de faire élever un monument à Saint-Denis en faveur de son père ; en 1627, l’assemblée des notables le rappelle à son devoir, et le roi répond que les plans sont toujours à l’étude. Louis XIV ensuite projette l’édification d’une chapelle qui serait dévolue aux Bourbons, pour laquelle on demande des plans au Bernin et à François Mansart ; mais les travaux ne sont pas entrepris et ils sont abandonnés en 1683. Raison : lenteur, coût excessif, priorité vers d’autres réalisations. En revanche, Saint-Denis demeure la nécropole royale puisque les Bourbon continuent d’y faire enterrer les souverains. On peut remarquer aussi que la fin des constructions monumentales des tombeaux accompagnent la fin de l’usage de l’effigie de cire lors des funérailles royales (dernier usage sous Henri IV, mais le lit de justice de Louis XIII le lendemain de la mort annule le principe du roi caché jusqu’à l’inhumation). En revanche, monument pour les cœurs des souverains : Henri IV dans l’église jésuite de La Flèche ; Louis XIII à Saint-Louis des Jésuites à Paris, sur commande d’Anne d’Autriche ; Louis XIV, même église, en face, en regard du précédent. Ainsi, indéniable valorisation du cœur par rapport au corps, soit valorisation du siège du sentiment de Dieu. Idem pour les entrailles conservées à N.D. de Paris.


Quelques protégés des princes entre France et Italie

Le Bernin [Gian Lorenzo Bernini, 1598-1680]
Un des artistes majeurs de l’art baroque italien qui s’inscrit encore dans la continuité des artistes de la Renaissance : sculpteur, architecte, dessinateur et peintre, le tout dans une carrière particulièrement longue, très riche en nombre de production. Une sorte d’artiste universel de son temps et reconnu comme tel.
Un artiste reconnu en Europe, au service de différents princes européens, mais cependant contrôlé jalousement par le pape. Mazarin tenta de l’attirer en France, nombreuses commandes passées par la cour anglaise, grande influence en pays germaniques.
Son père : [Pietro Bernini, 1562-1629]
Né à Florence, marié à une Napolitaine
Installation à Rome avec sa famille vers 1605. Déjà reconnu, il se vit confier la fontaine de Barcaccia sur la piazza di Spagna et surtout il fut l’un des maîtres pour la construction de la chapelle Pauline commandée par Paul V Borghèse [1550-1605-1621], à Santa Maria Maggiore
Carrière :
Commence en accompagnant son père sur ses chantiers romains. Il bénéficie alors de la protection du Cardinal Borghèse, qui lui permet de travail dans sa villa romaine.
L’ascension s’accélère avec l’arrivée sur le trône de Saint Pierre d’Urbain VIII Barberini [1568-1623-1644]. Il devient l’architecte de Saint-Pierre après la mort de son architecte officiel en 1629. C’est lui qui a donné à la basilique son identité symbolique du catholicisme baroque. L’ensemble des statues et décors tend vers un seul discours : l’affirmation de la primauté de Saint-Pierre et donc du pape sur son Eglise. Il y a ici un projet politique dans le discours artistique qui correspond parfaitement aux aspirations de l’Eglise catholique du XVIIe siècle et que porte l’art baroque.
1624 : fabrique le baldaquin au-dessus de l’autel de la confession du premier pape.
1627-1641 : rénovation de la croisée du transept, constituant plusieurs niches abritant une série de statues monumentales (Saint Longin par Bernin lui-même).
1657 : restauration de la tribune qui contient la chaire de Saint-Pierre, i.e. un trône carolingien du IXe siècle, soutenu symboliquement par 4 docteurs de l’Eglise (Augustin, Ambroise, Athanas, Jean Chrysostome) et soulevé par une tempête spirituelle.
1656-1665 : la colonnade devant la basilique et l’espace du parvis, ordonné selon une ellipse.
Aménagement des logis pontificaux : l’escalier monumental de la demeure papale (Scala regia) construit entre 1663 et 1666 ; le palais Barberini sur le chantier duquel il intervient dès 1629 ; travaille sur divers projets de palais de neveux et cousins du pape.
Toujours sur commande pontificale, il s’attache à la restauration/construction de plusieurs églises : San Tommaso de Villanova (1658-1661) à Castelgandolfo (résidence d’été des papes) ; la réalisation la plus éblouissante, après Saint-Pierre, c’est Sant’Andrea al Quirinale, commande du cardinal Camillo Pamphili, pour le noviciat des jésuites, débutée en 1658. La voûte est un chef d’œuvre.
Pour l’essentiel donc, il demeura à Rome, sous la protection du pape, à une seule exception près : le voyage en France en 1665.
On se situe alors au début du règne personnel de Louis XIV ; la surintendance des bâtiments royaux est assurée par Colbert. La grande affaire architecturale du roi à ce moment là est l’achèvement du Louvre, soit sa façade est et une entrée monumentale. Le projet avait été commence par Louis Le Vau, mais Colbert l’interrompit et demanda des plans à des architectes français (François Mansart, François Le Vau (frère du précédent Le Vau), Jean Marot et Pierre Cottard). Il refusa toutes les propositions et fit appel aux artistes italiens alors en vogue dont Cortone et Bernin.
Bernin, qui avait eu des contacts et des offres de travail par Mazarin depuis 1644, répondit de Rome : envoi d’un premier plan, refusé, mais fit un second projet et prit le chemin de Paris. Cependant, bien noter qu’à chaque fois, le projet avait été exposé au pape (Alexandre VII) et que c’est sous la protection de ce dernier que Le Bernin agissait. L’échange d’artiste se fait ici au niveau international par l’accord des princes entre eux. Surtout que le contexte était tendu entre le roi de France et le pape, et qu’il s’agissait pour ce dernier d’arriver à renouer un dialogue. Le pape accorda donc à son architecte un congé de 3 mois pour aller en France.
Réside à Paris du 2 juin 1665 au 20 octobre 1665, où il est accueilli avec le plus grand honneur.
Il propose alors un troisième projet, toujours aussi colossal. La première pierre est posée le 17 octobre, juste avant son départ. Il laisse les travaux sous la direction de son aide Mattia Rossi, mais ces derniers sont rapidement abandonnés.
La Colonnade du Louvre, symbole du classicisme français, fut élevée entre 1667 et 1670 (Le Brun, Perrault, Louis Le Vau).
Autour du voyage en France : un grand classique à bien connaître pour ce sujet, car c’est à la fois un exemple d’échange franco-italien autour de l’art au service du prince, c’est la confrontation du premier classicisme français avec le baroque italien et c’est le récit d’un échec.
Sur l’échec proprement dit, inutile de broder : pas de cabale de cour, mais probablement un projet qui débute à Paris, alors que le roi se tourne déjà vers Versailles.
Par ailleurs, Bernin ne connaissait que mal l’architecture française : il partait donc de modèles découlant de l’architecture italienne. Il n’avait pas intégré les impératifs du cérémonial de cour français et en ce sens ses projets ne pouvaient qu’entrer en contradiction avec les choix politiques de Louis XIV.
Les historiens en parlent beaucoup aussi, parce que c’est un voyage bien documenté, puisque l’homme chargé de l’escorter à Paris, Paul de Chantelou (1609-1694), en a laissé un récit très circonstancié et publié [Le Journal de voyage du Cavalier Bernin en France].
Il a laissé une œuvre majeure, déposée à Versailles, un buste de Louis XIV qui est la seule trace matérielle de son passage à Paris, mais qui est considéré comme une expression artistique originale du règne de Louis XIV, en dehors de ce qu’il allait faire par la suite.

Pierre de Cortone [1596-1669]
Toscan né à Cortone ; fils de maçon.
Arrive à Rome vers 1612. Il y étudie les grands maîtres de la Renaissance, se fait remarquer par un patricien, Marcello Sacchetti, pour lequel il participe au chantier de sa villa du Pigneto près de Rome. C’est à cette occasion qu’il rencontre le cardinal Francesco Barberini (1597-1679), neveu du futur Urbain VIII, qui le prend sous sa protection.
Il reçoit alors des commandes des élites romaines et florentines, et se partage entre les chantiers dans ces deux villes.
A Florence, on la vu : décoration intérieure du palais Pitti (1640-1647), selon la commande des Grands Ducs.
A Rome, il fut, de 1665 à 1669, prince de l’Académie de Saint-Luc (nous y reviendrons dans la 3e partie).
Plusieurs réalisations de façades d’églises à Rome : Santi Luca et Martina (1635-1650) ; Santa Maria della Pace (1656-1657) ; Santa Maria in via Lata (1658-1662) ; San Carlo in Corso (coupole, commencée en 1668).
Au niveau du style, il fait évoluer le maniérisme caractéristique de Florence vers le baroque romain.

Diego Velasquez [1599-1660].
Origine sévillane ; étudie les humanités, puis entre comme apprenti dans l’atelier d’un peintre espagnol alors connu, Francisco Pacheco (1564-1644). Il épouse sa fille et demeure à Séville jusqu’en 1623.
Il s’installe ensuite à la cour de Madrid, où il resta jusqu’à sa mort. Protection fidèle de Philippe IV qui lui permit de dominer la cour espagnole. Véritable réussite sociale grâce aux fonctions curiales qu’il réussit à occuper et grâce à la faveur du roi.
Deux séjours en Italie interrompent cette fidélité madrilène : 1629-1631 et 1649-1651. But, collecter des œuvres pour son maître, et s’imprégner du baroque italien.

Charles Le Brun [1619-1690]
Né à Paris, fils d’un sculpteur.
Apprentissage de la peinture qui lui permet de travailler avec Simon Vouet [1590-1649 : peintre qui a initialement beaucoup voyager – Istanbul, Angleterre, Italie où il séjourne 15 ans et travailla pour le cardinal Barberini, futur Urbain VIII – puis reçut la protection de Louis XIII par l’entremise de Richelieu qui cherchait à faire revenir en France cet artiste à la réputation internationale. Il connut un immense succès à Paris et participa à la formation de toute la génération des peintres du temps de Louis XIV. Il travailla pour la haute aristocratie, pour Richelieu – palais de Rueil et de Richelieu – il travailla aussi pour le roi, notamment au château de Saint-Germain et à celui de Fontainebleau].
Séjour à Rome de 1642 à 1646 pour sa formation.
De retour en France, reçoit de nombreuses commandes, devient le protégé de Nicolas Fouquet, notamment dans la décoration de Vaux-le-Vicomte ; la disgrâce de ce dernier ne brise pas sa carrière, au contraire, il entre sous la protection de Colbert dès 1661 puis directement sous celle du roi. Il devient alors le peintre qui a l’oreille du roi et qui domine le milieu artistique jusqu’à la mort de Colbert en 1683. Après la disparition de ce dernier, et alors que Louvois qui le ne protégeait pas prenait un ascendant décisif en devenant surintendant des Bâtiments, il fut écarté des Gobelins et de Versailles et participa à ruiner sa faveur auprès du roi. Sans être totalement en disgrâce, il finit sa vie relativement en marge de la vie de cour.
Contrôle l’Académie de peinture [on verra dans le III], 1er peintre du roi à partir de 1662, placé à la tête de la Manufacture des Gobelins pour laquelle il exécute des cartons racontant l’histoire de France afin de tisser tout un programme de tapisseries.
Contrôle la décoration des châteaux royaux de Marly et surtout de Versailles.


Le mécénat princier

Les cas français car le mécénat royal fait oublier que jusqu’à Louis XIV, la logique de protection des artistes passaient aussi par un certain nombre de grands personnages qui possédaient un statut de prince.


Les cardinaux ministres

Un cardinal est-il encore un prince ? Dans la hiérarchie ecclésiastique c’est le cas, dans leur comportement également, ce qui permet de conclure par l’affirmative, même si la naissance fait ici défaut.

( Richelieu
Principal ministre de Louis XIII de 1624 à 1642, dans le domaine des arts, exerce un véritable mécénat princier.
Protection principale en termes de peinture : Philippe de Champaigne [1602-1674]. Natif de Bruxelles, c’est là qu’il reçoit sa première formation à la peinture. Travaille dans divers ateliers entre Bruxelles et Mons, puis en 1621, il part pour l’Italie mais s’arrête à Paris où il s’installe. A cette occasion, il va se lier avec Nicolas Poussin et commence à se faire connaître par quelques œuvres notamment religieuses. Il bénéficie dès 1625 de la protection de Marie de Médicis pour laquelle il travaille à la décoration du palais du Luxembourg. Il devient peintre de la reine en 1627 et valet de chambre du Roi (office de cour) avec un appointement important. Naturalisé français en 1629. Travaille alors pour le roi, pour Richelieu en exécutant bon nombre de portraits du cardinal : image : 6 portraits de Richelieu par Champaigne. En plus de portrait pour le cardinal-ministre, il participe à la décoration du Palais Cardinal (aujourd’hui Palais Royal). De 1641 à 1644, il décore la coupole de la chapelle de la Sorbonne dont Richelieu est alors le recteur.
Richelieu se tient au courant des courants artistiques internationaux et s’intéresse à Nicolas Poussin [1594-1665] qu’il tente de faire venir à Paris. Français né dans les environs de Paris, il se forme au dessin sur le tas, commence à fréquenter des ateliers parisiens en subsistant par ses propres moyens. Veut aller en Italie, mais s’arrête à Lyon faute d’argent. Revient à Paris vers 1621, commence à se faire remarquer grâce à sa rencontre avec Champaigne et obtient quelques protections, d’où quelques commandes de la haute société parisienne. Grâce à ces appuis, il parvient à s’installer à Rome en 1624. Ses débuts sont difficiles, il travaille sur Le Titien et Raphaël, préférant à leur image les thèmes mythologiques et historiques. Il finit par se faire connaître et sa renommée atteint la France : Richelieu lui commandes la séries des Bacchanales et Louis XIII réclame son retour. Il revient en 1640, reçoit la charge de premier peintre du roi et se voit confier les travaux du Louvre (L’histoire d’Hercule dans la Grande Galerie). Mais il se heurte aux artistes en place, comme notamment Simon Vouet. Il repartit à Rome en 1642 pour ne plus revenir en France.
On pourrait continuer sur bon nombre d’autres peintres, de renommée européenne, et qui furent attirés ou maintenus en France par ordre et par les commandes de Richelieu : Jacques Stella [1596-1657 : natif de Lyon, fils d’un peintre, il commence sa carrière à Florence sous la protection des Médicis. A partir de 1621, il se rend à Rome, jusqu’en 1631, et se taille un bonne renommée, travaillant notamment pour Urbain VIII. Il revient à Lyon en 1634, se voit proposer une charge à la cour d’Espagne, mais, par l’entremise de Richelieu, il est présenté à Louis XIII en 1635, qui le nomme alors peintre du roi et lui accorde une pension. Il travaille lui aussi au Palais Cardinal.] Jean Le Maire [1598-1659 : après un séjour à Rome, à partir de 1638, il est nommé gardien des tableaux du roi au Louvre et aux Tuileries, par l’entremise d’une créature de Richelieu, François Sublet de Noyers, secrétaire d’Etat à la guerre te surintendant des Bâtiments du Roi]

( Mazarin [1602-1661]
Pour Mazarin, le mécénat procède d’abord d’une logique politique. Diplomate au service du pape, il commence à intriguer dès les années 1630 pour se mettre au service de la France et pour cela, il ne cesse de gratifier les élites curiales françaises de cadeaux venus d’Italie, tableaux, sculptures, meubles, et d’entretenir des bonnes relations par l’entremise d’une forme de mécénat local. Notamment, il est en relation avec Richelieu et c’est lui qui le pourvoie en œuvre pour la galerie du Palais Cardinal. Ceci sera payant, puisqu’il s’échappe de Rome en 1640 et se met au service de Richelieu et Louis XIII, service qu’il continuera sous le jeune Louis XIV. Une fois à Paris, il ne cessa de maintenir des liens avec l’Italie, faisant venir des artistes et des pièces de la péninsule, entretenant donc un mécénat avec sa terre d’origine [Pierre Goubert dans une annexe de la biographie de Mazarin, donne l’inventaire du trésor du Palais Mazarin, i.e. tout les objets en métaux et pierres précieuses, et on mesure ici l’importance de la richesse accumulée par le ministre].
Sur les liens entre Mazarin et le monde artistique, voir le chapitre XVIII de la biographie de Pierre Goubert : « L’air de Rome ». Il montre comment le baroque, né à Rome dans la première moitié du XVIIe siècle, a atteint son plus éclat au temps de Mazarin, qui fut pour la France une véritable courroie de transmission.
Notamment, il fit travailler à son hôtel Romanelli, mais aussi Grimaldi qui travaillèrent à Paris entre 1646 et 1651. Sur l’inventaire de 1661, on dénombre dans son palais : 63 statues, 86 bustes, 471 tableaux. Et domine surtout la peinture italienne, y compris les grands maîtres.
Il fit de même sur le plan musical en faisant venir de Rome bon nombre d’artistes, tentant d’introduire l’opéra italien à Paris, ce pour quoi il eut bien du mal. Venue de la Baroni qui chanta à la cour, mais ne connut pas de succès à Paris ; venue d’un jeune castra, Atto Melani et autres musiciens. Il parvint à constituer une petite troupe italienne qu’il fit se produire à Paris, sans grand succès, car différent du goût français. Avec Lulli qu’il fit venir, il lance de fait les goût du règne de Louis XIV.


Marie de Médicis et Rubens

Le mécénat de Marie de Médicis est l’un des plus spectaculaires pour notre période.

( La commande

Tout commence avec la construction neuve d’un palais voulue par la reine mère alors régente. A partir de 1612, elle charge Salomon de Brosse [1565-1626 : d’origine française et protestante, peut travailler en France grâce à l’Edit de Nantes] de lui construire un palais à l’imitation du Palais Pitti de Florence. Il ne respecta pas complètement le cahier des charges, mais construisit l’actuel palais du Luxembourg (Sénat).
A l’intérieur de ce palais, la reine désire surtout que sa vie soit mise en histoire en tant que princesse florentine avant d'être reine puis régente de France. Je vous rappelle rapidement, que Marie de Médicis était la fille du grand duc de Toscane, François Ier, et de l'archiduchesse d'Autriche, Jeanne. Ce qu'il est intéressant de retenir surtout pour comprendre la commande de ce cycle, c'est qu'elle fut élevée au Palais Pitti de Florence et par conséquent sensibilisée aux grandes fresques iconographiques dont étaient décorés les palais italiens. Mais elle fut surtout élevée à la tradition du mécénat qu'elle chercha à perpétuer une fois installée en France, prenant sous sa protection des artistes qu'elle pensionnait et qui en retour travaillaient à sa gloire.
Marie de Médicis, à un moment où les relations avec son fils commençaient à se crisper, souhaita se construire une demeure particulière mêlant à la fois la tradition des palais italiens avec de vastes jardins, et des grandes galeries à la française dont celle de François Ier réalisée par Rosso et la Primatice à Fontainebleau avait ouvert cette longue tradition.
A cette époque la peinture française traversait une médiocre passe, les jeunes peintres tels Vouet, Vignon, Poussin ou Champaigne sont encore inconnus. Elle se tourne d’abord vers le peintre Quentin Varin (1570-1626), mais il ne donne pas satisfaction et c'est finalement vers Rubens dont la renommée gagne toutes les cours européenne que Marie de Médicis tourne son regard. Après de longues négociations du programme entre le peintre, la reine-mère, monsieur de Saint-Ambroise et Richelieu, le contrat fut signé le 26 janvier 1622, engageant Rubens à réaliser pour la somme considérable de 60 000 livres, 19 peintures retraçant l'histoire de la vie de Marie de Médicis et illustrant les grands thèmes politiques de sa régence.
Pour finir de comprendre ce qui entra en considération dans l'élaboration du programme iconographique et sa réalisation par Rubens, il faut rappeler qu'à la même période, ce dernier avait reçu une commande de Louis XIII pour illustrer l'Histoire de Constantin. Or ce cycle commandé par le roi se voulait être une transposition dans l'histoire Antique de l'actualité dont venait de s'illustrer Louis XIII à savoir le triomphe du catholicisme et l'unification de France après les déboires de la Régence. (restauration du catholicisme en Navarre et débandade du Pont-de-Cé après l'évasion de la reine de Blois 1619). Ainsi donc, Rubens à cette date se trouve chargé simultanément d'une suite de tapisseries dénonçant implicitement les fautes de la Régence et d'une série de tableaux glorifiant la Régente. La réalisation de ce cycle tant sur le programme iconographique que sur le langage allégorique qu'il contient doit donc se comprendre dans une compétition symbolique et politique entre Louis XIII d'une part et sa mère de l'autre.
Par ailleurs, à partir de 1625 et le début des hostilités couvertes entre la France et l’Espagne, alors que Rubens est peintre espagnol (Pays-Bas Espagnols), sa présence devient plus difficile.
Inauguration de la galerie le 16 mai 1625, en présence du peintre.
La série biographique compte 19 toiles, 9 sur chaque côté de la galerie, avec au fond L’apothéose d’Henri IV qui sépare les événements avant/après la mort du roi.

( Pierre-Paul Rubens [1577-1640]
Issu de la bourgeoisie Anversoise et c'est dans cette cité qu'il reçoit son premier apprentissage.
Le deuxième temps fort de sa formation vient de son long séjour en Italie comme peintre de la cour de François de Gonzague, duc de Mantoue. A cette occasion il réalisera de nombreuses copies des chefs d'œuvres de Raphaël, Michel-Ange, de Vinci, du Titien et du Tintoret…
Le reste de sa vie, il la passe à Anvers où il constitue un véritable atelier qu'il quitte ponctuellement pour répondre aux commandes venues de toute l'Europe. Il travaillera ainsi aussi bien pour Marie de Médicis et Louis XIII que pour Philippe IV ou Charles Ier, dont il réalise la décoration de la salle des Banquets.
Rubens fait aussi partie de ces hommes qui sous couvert de leur talent d'artistes réaliseront plusieurs missions diplomatiques conquérant tour à tour les faveurs de Philippe IV à travers le duc de Llerma, ou celles de Charles Ier.
Ce talent diplomatique de Rubens se lit dans la composition de ce cycle même. Pour concilier les missions opposées, Rubens va recourir à l'histoire religieuse pour évoquer l'Histoire de Constantin, et à la mythologie pour évoquer la gloire de Marie de Médicis. Le langage allégorique lui fournit en effet les ressources nécessaires pour contourner un sujet en soi peu exaltant. En effet, illustrer l'héroïsme d'une aventure entre un roi impétueux et volage d'une part et une princesse corpulente, frôlant la cinquantaine et d'un embonpoint qui ne la prédisposait pas à servir de modèle aux déesses grecques, pouvait relever du défi insurmontable. La tâche de Rubens n'était donc pas facile mais son imagination et son talent lui permit de transformer une réalité héroï-comique en véritable épopée lyrique.
Le cycle de la vie de Marie de Médicis est probablement la plus grande réussite de Rubens en tant que décorateur car il devait faire avec des galeries étroites qui ne permettaient pas d'embrasser d'un seul œil plus de trois toiles à la fois, il devait composer également avec un sujet peu exaltant et un commanditaire exigent, irascible et incommode. L'œuvre de Rubens doit donc ici se décrypter comme un rébus, c'est ainsi qu'aimaient à peindre les artistes flamands et c'est ainsi que Rubens a conçu ce cycle. Grâce à la conservation du projet proposé par Rubens ainsi que l'existence de nombreuses lettres de ce dernier, il est presque toujours possible de connaître les intentions de Rubens et la signification de ses allégories.

( Le cycle
Originalité : ce n’est ni un exposé des principes de la monarchie comme à Fontainebleau (Galerie François Ier), ni un récit des grandes actions du règne, comme ce sera le cas dans la Galerie des Glaces. C’est un récit biographique : la personne même de la Reine dans les grands moments de sa vie. Mais attention, un récit qui est surtout une hagiographie.
Le principe narratif : la femme comme reine de France, au service de son mari et de son fils, épouse et mère modèle, régente parfaite, le tout pour le service du royaume de France.
Deux exemples de tableau

Apothéose d'Henri IV et Régence de Marie de Médicis


La scène représente deux événements concomitants qui lient la paroi de gauche relatant la vie de Marie de Médicis jusqu'à la mort d'Henri IV et la paroi de droite qui vante les actions de la Régente.

Il s'agit ici de la représentation de la mort d'Henri IV assassiné le 14 mai 1610 par Ravaillac alors qu'il avait fait couronner la veille sa femme reine de France, dans la perspective de l'expédition qu'il s'apprêtait à mener en Allemagne, pour la succession Clèves-Juliers (duc meurt sans héritiers, deux candidats à la succession, deux princes protestants, mais pb est que l'Empereur refuse de voir arriver princes protestants, il met le duché sous séquestre et empêche toutes les troupes d'entrer dans le duché. Déclenchement de l'agitation de la Ligue Evangélique, et Henri IV prend fait et cause pour les princes protestants. Il lève une armée prête à partir en mai, corps expéditionnaire de 40000 hommes soit la première grande armée depuis les guerres d'Italie, crainte d'une France puissante reprenant la guerre contre les Habsbourg, opération pas annulée par la mort d'Henri IV mais négociations diplomatiques et succession dans le calme). La coïncidence de ces deux événements, et le retournement des alliances qui s'ensuivit immédiatement rendit cet épisode tragique et suspect. Mais avec une habile prudence, Rubens a su tirer parti d'une situation très ambiguë : par le recours à la mythologie, il élude la difficulté du sujet tout en assurant une certaine cohésion.
Conformément à la technique baroque, le tableau est construit sur une oblique qui va de l'angle inférieur gauche au milieu de la composition. A gauche, et dans la partie haute se trouve la glorification d'Henri IV emporté dans le ciel, à droite, c'est la prise de pouvoir de Marie de Médicis qui est présentée ici comme un événement essentiellement terrestre.
La mise en scène de l'apothéose d’Henri IV est ici lisible par le monarque couronné des lauriers de la gloire emporté vers l'Empyrée (la partie la plus haute du ciel considérée comme le séjour des Dieu et des bienheureux) par Jupiter d'une part et le Dieu Chronos de l'autre. La présence de Chronos ici symbolise la mémoire de ce prince, et l'immortalité du souvenir de ses hauts-faits. Au ciel, les dieux s'apprêtent à accueillir ce nouvel immortel. A gauche on reconnaît Hercule qu'on a longtemps cru comme l'ancêtre reconnu des Bourbons dans leur généalogie mythique. En réalité, Rubens qui maniait avec brio la mythologie et savait que Junon adoptée par Marie de Médicis comme personnification mythologique avait sans cesse persécuté Hercule ; il ne pouvait donc pas décemment en faire un ancêtre postiche des Bourbon et il avait préféré choisir Jupiter comme "alter ego" du Vert Galant. Hercule ici doit davantage être compris comme symbolisant l'immortalité acquise par sa valeur et les vertus de ses actions, statut auquel Rubens veut faire prétendre Henri IV ici.
Derrière Hercule on reconnaît Mercure qui était chargé de conduire les âmes vertueuses au "séjour fortuné".
Derrière encore il s'agit de Vénus et Cupidon tournée vers le tableau suivant où elle joue un rôle important. Enfin, tout en haut Junon qui regarde Marie de Médicis sur la terre et fait le lien entre les deux temps de la composition.
Dans le ciel, apparaît une partie du Zodiaque qui marque probablement que le cycle inexorable du temps n'effacera pas le souvenir de ce roi exceptionnel.
Sous cette scène, Rubens a représenté un serpent blessé d'une flèche relevant une tête menaçante. Il symbolise ici la rébellion, celle du geste de Ravaillac mais probablement aussi l'ensemble des rébellions terrassées par Henri IV au cours de son règne.
La douleur de l'évènement est cependant très sensible et Rubens a eu soin de la représenter sous deux formes au centre du tableau avec à droite une victoire debout s'arrachant les cheveux et qui accuse le ciel d'avoir ravi à la France ce si grand roi dont elle brandit l'armure et le casque désormais inutiles. La seconde victoire est celle de l'affliction, elle est assise sur un amas d'armes et serre sur son cœur la palme qu'elle était certaine de remettre au roi après son triomphe dans son expédition en Allemagne.
A cette apothéose d'Henri IV représentée dans des couleurs claires et chaudes, s'oppose la seconde partie du tableau baignée dans des teintes plus sombres réservées au deuil. On y observe Marie de Médicis en tenue de deuil assise sur le trône de France. Derrière elle se trouve Minerve chargée de veiller sur son règne. A ses pieds, la France, un genou à terre remet à la Prudence (reconnaissable au serpent qui entoure son bras) un globe fleurdelisé. La Prudence transmet quant à elle le gouvernail de l'Etat à la Régente. Autour du trône probablement les pairs du royaume dans une position ambiguë : déférence à la reine, supplique d'accepter la régence du royaume, ou supplique de leur conserver leur rôle politique à jouer dans le cas d'une régence?

Rubens apparaît ici comme particulièrement habile pour apaiser un événement très délicat autant pour la Monarchie que pour la Régente qui dut faire face à de nombreuses contestation de son pouvoir par les grands du royaume mécontents d'être exclus du gouvernement du royaume.


( A côté de Rubens, l’iconographie du palais du Luxembourg
Les décors intérieurs du palais bénéficièrent eux aussi d’un programme, à l’image du Palais Pitti vu plus haut. Une équipe de peintre fut montée dès 1615 sous la direction de Nicolas Duchesne, remplacé par Philippe de Champaigne (cf. supra). On voit y travailler Nicolas Poussin, Simon Vouet et des artistes italiens appelés par la régente.
Thèmes historiques (histoire des Médicis) et allégories se concentrent et je ne peux y revenir sur tous.
Le cabinet doré : nous pouvons nous arrêter sur cette pièce, dont les plafonds ont été conservés. Ils sont le fruit du travail de Jean Mosnier et Philippe de Champaigne.
Figure centrale : Marie de Médicis couronnée, munie d’un sceptre fleudelysé, est installée sur des nuées, dans une apparence quasi-divine.
Une jeune femme vêtue d’une robe couleur or agenouillée devant elle lui présente un faisceau de licteur : il s’agit de la figure féminine de la concorde.
C’est Marie de Médicis qui lie les verges du faisceau et c’est là que l’allégorie devient subtile : l’allégorie n’est pas tant la jeune fille que la reine elle-même qui lit les verges, symbole de désordre, en un tout ordonné. C’est donc elle la reine pacificatrice qui parvient à maintenir l’unité d’un royaume fragile, comme toutes les révoltes auxquelles elle a dû faire face l’on montré.
C’est un discours sur la préservation de l’autorité de l’Etat par la régente.


Les princes de Condé

Troisième figure du mécénat français, troisième famille princière, les Condé, occupent une place originale dans ce tableau artistique généralement centré sur le roi de France.

Les Condé :
Premiers princes du sang, i.e. susceptibles de monter sur le trône après l’extinction de la famille royale directe [cousinage assez proche, même s’il s’éloigne : le père d’Henri de Navarre, Antoine de Bourbon, et Louis de Condé, étaient frères.
Pour le XVIIe siècle, 3 individus à retenir : Henri II de Bourbon, prince de Condé (1588-1646) ; Louis II (1621-1686) aussi appelé le Grand Condé : chef de guerre (Rocroi), ligueur, traître et réconcilié à Louis XIV ; Henri-Jules (1643-1709). Tous pères et fils.
Livre de Katia Béguin sur leur clientèle et dans cette logique de patronage, la protection d’artistes qui animèrent leur cour. Problématique initiale, celle de la « noblesse domestiquée », comme on considère la haute noblesse sous Louis XIV, dans un processus de réduction à l’obéissance entamé sous Louis XIII. Or, une des raisons de l’affaiblissement de cette noblesse est le tarissement de sa capacité protectrice, une réduction de ses clientèles, en raison d’un pouvoir monarchique parfaitement conscient de porter atteinte à un contre-pouvoir. Et l’organisation simultanée d’un mécénat d’Etat tout puissant couronna cette mainmise, c’est ce que nous verrons en troisième partie. Et de là, disparition du foyer artistique qu’avaient pu être les cours princières.
Seule résistance, la cour des Condé à Chantilly. Tout l’objet du livre de K.B., reconstituer la nébuleuse des « serviteurs », d’artistes,…, avec comme ambition d’éclairer la fonction du patronage aristocratique au XVIIe siècle.

Chantilly : un pôle artistique indépendant
Rayonnement sous le Grand Condé, 2e moitié du XVIIe siècle [retour en grâce en 1659].
Programme d’embellissement du château à partir de 1660 : réaménagement du jardins et percement des bassins ; construction d’une Orangerie à partir de 1683 (luxe indispensable pour tout château) ; adjonction d’une ménagerie, là aussi dans le parfait goût du temps ; puis afin, à partir des années 1690 et suivante, transformation extérieure et intérieure du château.
Recours aux artistes officiels du roi, donc véritable concurrence : Le Nôtre pour les jardins ; Jules Hardouin-Mansart pour l’orangerie.
Fonction d’éblouissement : lieu de réceptions et de fêtes, dès les années 1670. Banquets, comédie, accueil d’hôtes de marque. Et à chaque fois, cadre du château qui est lui-même une œuvre d’art et mobilisation d’artistes (musique et littérature).
But de la protection des artistes : chanter la gloire des propriétaires des lieux. Auteurs littéraires pour rédiger des poèmes glorieux ou des histoires, hommes d’Eglise pour les éloges funèbres ; collection de portraits pour mettre en valeur le chef de famille et les siens (peintres de Louis II, Henri et Charles Beaubrun, embauchés dès 1669, et déjà connus comme principaux portraitistes de la place parisienne). Henri-Jules, sur le modèle de Versailles, décida en ce sens d’un programme iconographique complet sur les triomphes militaires de son père pour la décoration de la Grande Galerie de Chantilly [peintre : Sauveur Le Comte, élève de Van der Meulen, qui peignit les 11 tableaux commandés à cette fin entre 1686 et 1694]. Ou dans le même esprit, la statue d’Antoine Coysevox, en marbre blanc, du prince Louis II, installée en 1690 au milieu des parterres de Le Nôtre.
Enfin, dernière grande protection : le théâtre et la protection des auteurs dramatiques. Soutien à Molière lors de la querelle de Tartuffe. Entretien d’une troupe de comédiens à partir de 1677, alors que dans Paris, le pouvoir royal conduisait une réduction du nombre de troupes, réduites à 4 en 1673.
Pour conclure : Chantilly fut plus toutefois qu’une simple copie de la mise en valeur de l’image du prince proposée par le roi. Le goût du prince, la sélection des artistes, les choix esthétiques en ont fait plus qu’un lieu du discours princier, mais bien un lieu de référence pour le bon goût et les choix esthétiques. Mise en place du prince lettrés qui accompagne le prince guerrier (les 2 caractéristiques du Louis II), dans un héritage assumé du condottière italien de la Renaissance (Montefeltre et Este par exemple).




L’étatisation de la protection princière

Il s'agit donc d'un dispositif tripartite (décision, exécution, diffusion) qui Gérard Sabatier qualifie d'institution iconique du prince. La France en est le principal modèle, mais nous verrons qu’il n’est pas le seul.

La décision de la mise en image du prince

Tout d'abord il y a le NIVEAU DECISIONNEL, là où naissent les projets.

Une nébuleuse artistique autour du Prince : le cas de Louis XIV.

Louis XIV

Colbert Lully


Jean Chapelain Charles Le Brun Charles Perrault


Colbert
Charge des bâtiments du roi qui lui donne pouvoir sur la politique artistique.

Jean Chapelain [1595-1674]
Fils d’un notaire du Châtelet : notabilité, mais sans appartenir à une véritable élite.
Commence une carrière de précepteur.
Se fait connaître pour ses traductions puis par ses critiques.
Bénéfice de protection : par le duc de Longueville pour lequel il écrit un très long poème épique, Le Pucelle, dans lequel il retrace la vie de Jeanne d’Arc et ses compagnons. Autre protection : Richelieu : se place au service du cardinal en 1633 en publiant une Ode à Monseigneur le cardinal de Richelieu. Ceci lui vaut d’être parmi les membres fondateurs de l’Académie française.
Intervient comme un modérateur dans la querelle du Cid, se présentant comme un défenseur des normes (Lettre sur la règle des vingt quatre heures, 1630). Relativement moqué pour son classicisme normatif.
A partir de 1660, conseiller de Colbert et de Louis XIV pour la protection des auteurs littéraires.

Charles Perrault [1628-1703]
Avocat en 1651, puis commis aux finances. Dans ce contexte, se met à écrire.
Se fait remarquer par Mazarin en 1660 pour un poème en l’honneur du mariage du roi.
1663 : fait partie des membres fondateurs de la Petite Académie, car recommandé par Chapelain.
1668 : il devient premier commis aux Bâtiments, et devient le bras droit de Colbert dans sa politique artistique. S’occupe beaucoup des questions architecturales.
Après 1683, congédié par Louvois. Se consacre alors à écrire, et est un des acteurs centraux de la querelles des Anciens et des Modernes (cf. chapitre suivant).

Lully
Nous y reviendrons dans le 2e chapitre, en évoquant les fêtes de cour.


Le système des pensions

Sur ce plan, rôle de Jean Chapelain, véritable « courtier » de Colbert dans le domaine littéraire, interface entre le monde artistique et celui du gouvernement. Christian Jouhaud, Les pouvoirs de la littérature, Paris, Gallimard, montre l’importante de Chapelain grâce aux réseaux qu’il tisse dans le milieu parisien : contacts avec l’élite et avec les auteurs.
En 1662, à la demande Colbert, il va rédiger un Mémoire sur quelques gens de lettre vivant en 1662 dressé par ordre de M. de Colbert. Il détaille 90 notices individuelles dans lesquelles il donne son avis sur l’octroi ou non d’une pension. Naturellement, ceci ne lui a pas valu que des amis.
Ceci va déboucher sur une première forme institutionnelle de protection du prince : les pensions.


Le rôle des Académies

Le mot « Académie » : Le mot académie : héros mythique, Akademos ou Hekademos ; ainsi qu'un bois d'oliviers qui portait le nom d'Akademia à côté d'Athènes, que Platon acheta (387 av. JC.) pour y installer son école : un mot commun à toutes les langues européennes désignant un lieu d'enseignement et de dialogue érudit. A partir du XVIe siècle, ce mot se met à désigner une société savante [France : 1ère apparition en 1570 avec l'académie de Poésie et de Musique de Du Baïf approuvée par Charles IX ; Italie : multiplication : toute assemblée s'occupant de domaines artistiques et scientifiques]. Au même moment, ce mot continue de désigner des lieux de formation [Académies protestantes]. Au XVIIe siècle, en France, les savants qui se réunissent de manière spontanée entre eux ou chez un protecteur commencent à appeler leurs réunions Académie.


Le modèle italien :
La première académie artistique est apparue à Florence en 1563 : l’Académie du dessin de Florence, créée le 31 janvier 1563. Patronage du Grand Duc de Toscane, Cosme Ier, et direction de Giorgio Vasari. Fait suite à une première organisation de peintre, la Compagnie de Saint Luc.
Les académies désignent de fait tout assemblée s’occupant des domaines scientifiques et artistiques les plus divers. Peu de patronage princier. Deviennent surtout des lieux de divertissement.


L’Académie de Poésie et de Musique sous Charles IX autour d’Antoine Du Baïf.
Première académie royale fondée en France, en 1570.

Premier modèle français au XVIIe siècle : l’Académie Française (1635)
Contexte : D'un point de vue culturel : depuis les guerres de Religion, émergence d'une opinion publique (cf. T.D. sur les jugements sur Richelieu) dans les rues de Paris. Au cœur du processus, la diffusion de l'écrit, et plus précisément de l'écrit politique qui implique la maîtrise de pamphlétaires. La littérature devient un élément du pouvoir politique par la réputation qu'elle peut générer (livre de Christian Jouhaud : Les pouvoirs de la Littérature, Paris, Gallimard). Dans ce contexte, l'Etat en voie de renforcement autour de la personne du roi ne peut laisser ce pan de l'univers politique sans contrôle. Et Richelieu fait partie des conseillers du roi qui ont œuvré à cette mise sous contrôle. L'Académie française fut un des moyens mis en œuvre par le cardinal.
Tradition humaniste héritée du XVIe siècle dans les milieux lettrés : l'érudition, la découverte scientifique, l'invention technique. La langue était alors un vecteur de l'information érudite, un moyen d'expression qu'il fallait soigner car donnant l'information essentielle, mais n'étant pas un but en soit. On essayait de bien parler pour transmettre une idée, on n'essayait pas nécessairement de parler de belle manière, mise à part évidemment le milieu des poètes qui eux se sont toujours attachés à ce caractère. Une génération du début du XVIIe siècle (académies de Marolles – 1619, d'Antoine Brun – 1620, de Nicolas Frénicle et ses "Illustres Bergers" – 1625) : formé chez les Jésuites à l'art oratoire, à la poétique et au respect des vers, adeptes des théories de Malherbe. Fin principale : illustrer la langue française en perfectionnant l'élocution. Choix des mots, euphonie des phrases, correction du style : effort d'introduire une recherche de purisme dans la langue française ( c'est ce qui a donné naissance au mouvement des PRECIEUX et PRECIEUSES [cf. Molière ou Cyrano de Bergerac]. La priorité de ces gens qui font la culture parisienne, donc la culture du royaume à cette époque, c'est le beau parler.
Un cercle littéraire particulier : Vers 1633, ou en janvier 1634, Richelieu fut averti par un de ses conseillers pour tout ce qui touchait la littérature, que depuis 1629, un groupe de gens de lettres, une académie, se réunissait chez Valentin Conrart, pour s'entretenir de belles lettres française autour du débat entre Malherbe et Guez de Balzac. Des gens qui occupaient des postes politiques à la cour ou auprès de grands seigneurs, et qui se fréquentaient dans cette académie que dans le cadre de leurs occupations privées : rien d'institutionnel ni de capable de faire vivre quelqu'un. Cette réunion de lettrés se met à intéresser Richelieu par le profil des individus concernés, qui sont des hommes intégrés aux réseaux intellectuels parisiens, déjà pour plusieurs à la solde du cardinal pour la rédaction de quelques pamphlets ou textes polémiques [exemple de l'un d'eux, Gombeaud, qui avait publié en 1633, Panégyrique de Monseigneur le cardinal de Richelieu] : il leur fait savoir qu'il est très content d'eux et il les invite à continuer à s'assembler, mais sous la protection d'une autorité publique. D'une certaine manière, il les félicitait pour leur travail, mais ne les autorisait à le continuer qu'à condition de prendre une tournure institutionnelle au service du roi, sous les ordres de Richelieu. Pour les membres de cette académie informelle, ce fut un choc car ils perdaient leur liberté et le caractère informel de leur réunion pour entrer dans le rouage de l'Etat.
Vocation de l’académie : faire vivre et rayonner la langue française ; produire un dictionnaire ; surveiller la production littéraire et trancher les querelles de nature esthétique.
Encadrement : d’abord dirigée par Richelieu, puis par le chancelier Séguier, et enfin directement sous l’autorité du roi à partir de 1672.

La multiplication des Académies au temps de Louis XIV :
Le rôle central de la Petite Académie, créée autour de Colbert en 1663. Au départ 5 membres, tous issus de l'Académie Française avec le projet de pourvoir à la diffusion de l'image du roi en des termes choisis. Cela voulait dire choix des thèmes à glorifier, modalité de représentation du roi (canons esthétiques, à cheval, buste, …) : mise en place d'un arsenal réglementaire dans lequel devait se fondre les artistes du temps, et lancement de grands projets. Colbert dirigera l’Académie jusqu’à sa mort, le flambeau étant repris par Louvois en 1683, mais à cette occasion perdant de son influence. Le rôle dominant de la Petite Académie revient à partir de 1701, quand Pontchartrain, secrétaire d’Etat à la Maison du roi reprend les choses en main, et transforme cette assemblée informelle en Académie des inscriptions et médailles, sous la direction de l’abbé Bignon.

Lors de la fondation de la Petite Académie en 1663, Louis XIV aurait prononcé cette phrase : Vous pouvez, messieurs, juger de l'estime que je fais de vous, puisque je vous confie la chose au monde qui m'est la plus précieuse qui est ma gloire. Je suis sûr que vous ferez des merveilles. Je tâcherai de ma part de vous fournir la matière qui mérite d'être mise en œuvre par des gens aussi habile que vous êtes. Cette phrase est fondamentale pour comprendre toute la production artistique du Grand Siècle.

Parmi ces projets, retenons : organisation des premières fêtes à Versailles ; surveillance et orientation des livrets d’opéra ; un grand programme de statues équestres, d'abord pour Paris, puis pour les principales villes du royaume dans lesquelles des places royales étaient reconstruites (projet de la décennie 1660, mais réalisé dans la décennie 1680). Retenons aussi les nombreuses frappes de médailles, projet d’histoire métallique du règne, présenté au roi dans une première version en 1702 : Médailles sur les principaux événements du règne de Louis Le Grand avec des explications historiques, en tout 286 épisodes du règne de Louis XIV [il fera reprendre le projet qui ne le satisfait pas totalement].

Académie de peinture et de sculpture : établie en 1648, suite à un conflit entre artistes protégés des princes et la maîtrise parisienne des peintres. Un moyen pour les artistes pensionnés de se regrouper pour afficher leurs privilèges et s’affranchir du contrôle de la corporation. Colbert à partir de 1661 récupère cette académie, l’installe chez lui et fait entrer d’autorité tous les artistes qui travaillent sur les chantiers royaux. Académie dominée par Le Brun jusqu’en 1683, puis remplacé par Pierre Mignard, peintre protégé de Louvois. Son but est d’établir une doctrine artistique et également d’enseigner ces canons. Une annexe est créée à Rome en 1666, l’Académie de France à Rome, de manière à favoriser le voyage romain des artistes français (un concours qui donne droit à aller à Rome pendant 3 ans).

Critiques sur l’académie de peinture :
Institution liée à Le Brun et à son caractère tyrannique cherchant à tout contrôler et à éviter la concurrence.
Institution née d’un conflit entre les corporations de peintres et les peintres brevetés, i.e. ceux au service des Grands.
Détournement par Le Brun de l’Académie pour un faire « un système de formation rigide de l’art » [Pierre Francastel]. Principe : copie du modèle vivant, copie des œuvres considérées comme des normes immuables de la beauté, protection de l’académie par un privilège rigoureux qui prive de public et d’expression tout artiste ne passant pas par elle, monopole des expositions, contrôle du voyage à Rome en ayant à Rome une succursale pour l’accueil des artistes français en apprentissage, contrôle des commandes. « L’Académie devint vite un terrible instrument de dictature intellectuelle » qui a marqué l’école française jusqu’en 1789.

Académie d’architecture : créée en 1671. Même objectif que l’académie de peinture, i.e. créer une doctrine officielle et l’enseigner, ainsi que rassembler une l’élite de la profession pour créer un comité capable de surveiller l’ensemble des productions architecturales et surtout tout ce qui touchait à l’image du roi.

Académie royale de Musique : fondation en 1669, confiée à Pierre Perrin, poète et auteur de poésie lyrique pour réaliser une académie d’opéra ou représentations en musique et en langue française. Exclusivité de 12 ans. Perrin cède son privilège à Lully en 1672, et installation au Palais Royal en 1673. Un répertoire qui s’organise autour des œuvres de Lully. A la mort de Lully en 1687, le privilège passe à son gendre, Jean-Nicolas de Francine. Difficultés financières, mais seul théâtre autorisé à développer de l’art lyrique.

Académie royale de danse : fondation en 1662 pour sauvegarder un art en pleine évolution et former de véritables danseurs professionnels. 13 académiciens pensionnés, le roi qui alors est un danseur, expose ses projets. Maîtres les plus célèbres : Pierre Beauchamps et Hilaire d’Olivet. Travail : codification de la technique, et la danse devient le monopole de professionnels.


Les outils permettant de réaliser l’image du prince : les manufactures royales

Ensuite il y a le NIVEAU DE LA REALISATION : il fut confié à des institutions spécialisées.

Les Gobelins :
L'exemple par excellence de ces institutions fut la manufacture royale des Gobelins.
Modèle de l’art de la tapisserie : les Habsbourg. Tradition de la tapisserie chez les souverains Habsbourg, liée à leur enracinement flamand. Des réalisations majeures au XVIe siècle qui vont servir de modèle aux souverains français : cycle autour de Charles Quint (La vie de Charles Quint), et surtout les Chasses de Maximilien, série commandée par Charles Quint en 1540 pour être offerte à François Ier, tissée à Bruxelles après la mort du roi, donnée à Maximilien II, puis au cardinal de Lorraine lors du mariage de Charles IX. Ces œuvres seront de véritables modèles pour les artistes et les ateliers français.
Origine : création sous Henri IV en 1599 d’un atelier de lissiers à Paris, sous l’autorité de Jean de Fourcy, intendant de la manufacture des tapisseries. Installation dans la galerie du Louvre. Attire à Paris, depuis les Flandres, deux tapissiers de renom, Marc de Comans et François de La Planche pour monter une manufacture de tapisserie façon flamande, avec un monopole total sur la production française. Installation dans l’hôtel des Gobelins en 1607, fbg St.Marcel de Paris. Henri IV parvient à réunir 60 métiers dans ce même lieu. Production : cartons de Toussaint Dubreuil, scènes de chasse (Chasses de François Ier), et avec la commande de la tenture d’Artémise, introduction de thèmes explicitement monarchiques dans les tapisseries, ce qui pour la France est une nouveauté. Réalisé sous la régence de MdeM, allusions non voilées entre l’histoire d’Artémise et le sort de la régente.
Le 6 juin 1662, Colbert acheta l'hôtel des Gobelins pour y établir une manufacture de tapisserie : concentration de 250 manufacturiers, principalement Flamand (leader européen dans ce domaine, et au service des Habsbourg, au grand malheur des Français), mais aussi quelques Italiens et Français. Des ateliers de haute et basse lisse existaient un peu partout dans Paris, et Colbert avait voulu les rassembler pour s’assurer d’un contrôle sur leur production et pourvoir à l’alimentation du mobiliser royal.
Le Brun en reçoit la direction en 1663, et en 1667 elle est transformée en manufacture royale des meubles de la couronne. Elle fabriquait donc bien plus que des tapisseries : peinture, sculpture, luminaires, orfèvreries diverses, broderies, … Tout ce qui devait servir à embellir les palais du roi.
Principe : non pas travail à la chaîne, mais concentration de métiers et d’artisans, chacun produisant son œuvre à côté de son voisin. Intérêt, concentrer et contrôler la production.
Production autour de la mise en valeur du monarque : notamment entre 1660 et 1670 par exemple, sur des cartons de Le Brun, tout un cycle sur Alexandre dans lequel le conquérant macédonien avait les traits de Louis XIV [exemple : la reine des Perses]. Pièces mises à tisser à partir de 1664, la première livraison effectuée en 1673. D’autres cycles : les Eléments et les Saisons ; mais aussi les Mois et les Maisons royales. Les encadrements des motifs centraux renvoient toujours à la valorisation du souverain, mais la compréhension n’est pas toujours facile. Enfin, le dernier grand projet est celui de L’Histoire du Roy, auquel Le Brun travaille dès 1662. Seule une première série fut réalisée, tissée entre 1669 et 1683, soit 14 pièces : la série s’ouvre sur Le Sacre (titre impropre, car c’est en fait le couronnement : Louis XIV montré de dos, identifiable non comme personne mais comme roi, la couronne au centre du dispositif, la colombe dans la tenture de l’ordre du Saint-Esprit, qui unit de manière traditionnelle le sacre du roi avec le baptême de Clovis) ; Entrevue des deux rois ; le Mariage ; Renouvellement d’alliance entre la France et la Suisse, etc.

La manufacture de la Savonnerie
Contrairement à ce que laisserait penser ce nom, il ne s’agit pas d’une manufacture qui fabriquerait des savons, mais des tapis.
Manufacture de tapis placée dès sa création sous Henri IV, sous protection royale. But : limiter les importations de tapis de Turquie et d’Inde, qui étaient très honéreuses. Le 4 janvier 1608, l’encadrement de la manufacture est confié à Pierre Dupont, tapissier ordinaire en tapis de Turquie. Installation sous la Grande Galerie du Louvre. Le nom de la Savonnerie vient de la construction à partir de 1607, en bord de Seine, à Chaillot, d’un manufacture de savon, projet abandonné dès 1609. En 1610, M.deM. y installe un orphelinat pour enfant, et l’un des apprentis de Pierre Dupont issu de cet orphelinat, Simon Lourdet, obtient de la reine mère le droit de s’installer comme tapissier dans les bâtiments mêmes de la manufacture de Chaillot, où il fait travailler à partir de 1624 des orphelins. Associé à Pierre Dupont en 1626, leurs rapports ne cesseront de se teinter de rivalités. En 1663, elle passe sous la direction de Le Brun, comme les Gobelins. Réunion des deux fabriques à la Savonnerie en 1671, et elle devient manufacture royale en 1673.
Un style original de tapis se manifeste à partir du règne personnel de Louis XIV. La commande principale qui insuffle le mouvement vient du roi qui, à l’instigation de Colbert, décide de réaménager le Louvre et voudrait couvrir le sol de la Grande Galerie sur toute sa longueur (445x10m.). Ceci exige un nombre conséquent de grands tapis, et si Colbert envisage d’abord de les commander au Caire via Marseille, Simon Lourdet obtient le contrat en s’engageant à les produire. Début de la construction des métiers à tisser de taille suffisante et constitution des cartons en 1665, sous l’œil de Le Brun. Première livraison en 1667, soit 13 tapis destinés aux salons d’Apollon au Louvre ; puis le projet de la Grande Galerie qui en prévoyait 93. Tous ont fini par être réalisés, le dernier tapis étant livré en 1685. Seulement, ils sont partis pour Versailles et non pour le Louvre. Image : on voit ici un de ces tapis réalisés pour le Louvre, long de 9 mètres, sans discours précis, mais avec la présence des emblèmes royaux : fleur de lis, L. entrelacés, couronnes ou sceptres, trophées militaires.

Manufacture des glaces
Dès Vaux-le-Vicomte, Le Brun avait introduit l’art du miroir dans l’architecture intérieure, mais avec la Galerie de Glaces, ceci devient une référence de la réussite de Le Brun et va rayonner sur l’Europe entière.
Fondation d’une manufacture de glace au faubourg Saint-Antoine en 1679.
Fondation en 1700 de la Manufacture royale de Saint-Gobain pour la fabrication des glaces coulées.




Les vecteurs institutionnels de diffusion

Enfin, reste le NIVEAU DE LA DIFFUSION. Il y a un certain nombre de grands projets qui permettent la diffusion de cette image du roi. Ce sont d'abord les gravures réalisées à partir des peintures réalisés à Paris ou Versailles. Une technique nouvelle d'impression permit leur diffusion sur une vaste échelle, sous la forme d'almanach, sorte de calendrier reprenant les principaux événements de l'année, ou sous la forme de planches illustrées avec une légende assez fournie sur les exploits du roi. Les médailles frappées au long règne, les statues équestres sont dans cette même logique.

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