La Relativité - Albert Einstein
Il a pour objectif de vous présenter la théorie de la relativité ... des expériences
sur ce sujet dans la Catoptrique d'Euclide et dans l'Optique de Ptolémée et de
Damianus. ..... encore les théories mécanistes de l'éther à la veille de la relativité
restreinte. ..... Son but est fixé : l'examen d'entrée à l'Ecole Polytechnique de
Zurich.
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d'entre eux a trait à la lumière.
La Lumière :
Que ce soit la foudre, les éclairs, les tornades ou les tremblements de Terre, lorsqu'un physicien s'interroge sur un phénomène, il cherche tout d'abord à en déterminer sa nature, puis la vitesse à laquelle ce phénomène se propage. La lumière n'allait pas échapper à cette règle.
Ainsi, de nombreux physiciens essayèrent de calculer sa vitesse ou plutôt sa célérité.
1°) Célérité de la lumière
Dès l'Antiquité on connaissait qualitativement les propriétés fondamentales des rayons lumineux : propagation rectiligne, réflexibilité, réfrangibilité
On a utilisé très tôt les propriétés des lentilles et des miroirs sphériques, les phénomènes de dispersion par le prisme ; des expériences sur ce sujet dans la Catoptrique d'Euclide et dans l'Optique de Ptolémée et de Damianus. Malheureusement, les notions malhabiles qui interviennent ne permettent d'obtenir aucune simplification des données expérimentales et, bien entendu, aucun résultat quantitatif.
En effet, depuis que Parménide (515-440 av. J.C.) a proclamé que la lumière se déplaçait - que celle que reçoit la Lune vient du Soleil - aucune tentative n'a été faite pour mesurer sa vitesse, ou même pour déterminer si celle-ci était finie ou infinie, c'est-à-dire comme on disait au XVIIème siècle, si son déplacement était "progressif" ou "instantané".
Cet insuccès se prolonge encore quand Alhazen (Ibn-Al-Haytham) propose, au début du XIème siècle, une explication mécaniste de la réflexion de la lumière sur les miroirs. Il amorce même une intéressante interprétation de la réfraction mais cependant, n'aboutit à aucune conclusion précise.
Néanmoins, il était convaincu que la vitesse de la lumière était grande mais finie.
Ensuite, il faudra attendre la fin du XVIème siècle pour que Galilée imagine une expérience analogue à celle qui permettra plus tard à Mersenne de mesurer la vitesse du son grâce à l'écho :
tenter d'évaluer le temps mis pour faire un aller-retour entre les sommets de deux collines voisines.
Galilée se place, une nuit, sur l'un de ces sommets, muni d'une lanterne à volet, dont la lumière peut-être découverte brusquement.
Sur l'autre colline, un assistant dispose d'une lanterne identique, qu'il doit découvrir dès qu'il apercevra la lumière de Galilée.
En évaluant le temps mis par la lumière pour faire l'aller-retour - plus le temps de réaction de l'assistant
Envisagée à l'origine entre deux endroits distants de 15 km, l'expérience fut finalement réalisée sur 200 m. En vain évidemment.
Des membres de l'Académia del Cimento essayèrent sur 2 km sans davantage de résultat. Galilée put seulement conclure, et cette conclusion modeste est un modèle de sérieux scientifique :
"
je n'ai pas pu décider si l'apparition de la lumière opposée est instantanée ; si elle ne l'est pas, elle est du moins extrêmement rapide, quasi-immédiate".
Par conséquent, on ne pourra espérer mesurer le vitesse de la lumière que de deux façons : en mesurant des temps extrêmement brefs, ou en utilisant des distances très grandes - c'est-à-dire astronomiques.
Le principe reste le même que celui exposé par Galilée.
On cherche toujours a évaluer le temps mis par la lumière pour parcourir une certaine distance, mais cette fois non plus entre les sommets de deux collines voisines mais entre deux planètes distantes de plusieurs millions de kilomètres.
En mesurant le temps mis pour parcourir cette distance, on peut calculer la vitesse ou plutôt la célérité de la lumière dans l'espace qui n'est alors pas encore vide mais empli d'éther.
Le seul problème est que pour y parvenir il faut connaître la distance entre deux planètes - Terre-Soleil - par exemple.
Malheureusement, à cette époque, si le système de Copernic commence peu à peu à s'imposer, il ne fournit que des distances relatives entre les planètes et le Soleil.
En effet, depuis Aristarque de Samos, on savait qu'il était très difficile de mesurer avec précision la distance Terre-Soleil.
Alors plutôt que de produire une estimation imprécise, Copernic avait choisi de se servir de la distance Terre-Soleil comme d'un étalon, que l'on nomma unité astronomique (UA).
Dans le système de Copernic, la distance Mars-Soleil est 1.5 UA.
C'est-à-dire que Mars se trouve à une distance égale à 1.5 fois la distance Terre-Soleil du Soleil.
La première estimation raisonnablement précise de l'unité astronomique fut obtenue par Jean Richer et Jean-Dominique Cassini en 1671.
Richer partit en expédition à Cayenne, en Guyane française (Amérique du Sud), et Cassini demeura à Paris.
À un moment convenu à l'avance, ils notèrent la position de Mars en prenant pour point de repère l'arrière-plan des constellations.
Au retour de Richer, ils comparèrent leurs observations et notèrent que la position de Mars différait légèrement vue de Paris et vue de Cayenne. La différence de l'angle formé par chacune des deux lignes de visée n'était que de quelques millièmes de degrés, mais la précision des mesures de Richer et de Cassini était suffisante pour que le résultat soit considéré comme significatif.
Connaissant la distance de Paris à Cayenne, Richer et Cassini purent déterminer la distance de la Terre à Mars (voir figure).
Une fois cette distance établie, il ne restait plus qu'un simple calcul à faire pour calibrer l'échelle du système de Copernic.
Richer et Cassini parvinrent au résultat suivant :
1 UA = 140 000 km.
(La valeur reconnue aujourd'hui est 1 UA = 149 500 km)
Restait alors à trouver un moyen de calculer le temps mis par la lumière pour nous parvenir d'une planète.
Or depuis la nuit de janvier 1610 où Galilée avait découvert les satellites de Jupiter, ces "planètes médicéennes" n'avaient cessé d'être étudié avec la plus grande précision, en particulier par Cassini qui avait établi des tables précises de ces satellites.
Cassini avait demander à un jeune astronome danois Olaüs Romer de vérifier ces tables. Celui-ci eut la surprise de trouver un retard ou une avance systématique entre des éclipses de ces satellites selon que Jupiter est en conjonction ou en opposition.
A Romer revient seul le mérite de l'interprétation correcte de cet écart avec les prévisions : l'écart total (22 minutes) représente le double du temps que met la lumière pour parcourir la distance du Soleil à la Terre. Ainsi, le 22 novembre 1675, une première estimation de la vitesse de la lumière était réalisée. Soit environ 226 869 km/s.
La valeur elle même ne présente pas un grand intérêt.
Le résultat de la mesure en revanche, démontre que cette vitesse est bien finie !
Cette estimation ne cessera d'être affinée au cours des siècles par les plus illustres scientifiques.
Ainsi, en 1727, James Bradley (1693-1762) calcule le temps mis par la lumière solaire pour parvenir sur la Terre : 493" (soit environ 8 minutes). Les estimations de l'unité astronomique ayant été améliorées, il lui est possible d'en déduire la vitesse de la lumière avec une meilleure précision : 303 000 km/s.
Environ un siècle plus tard, ce sont les physiciens "amateurs" comme ils aimaient à se qualifier eux-mêmes puisqu'ils n'avaient été ni à l'Ecole Polytechnique, ni à l'Ecole Normale : Hippolyte Fizeau (1819-1896) en 1849 avec le dispositifl; de la roue dentée, puis Léon Foucault (1818-1868) en 1850 grâce à la méthode des miroirs tournant qui précisent encore davantage la mesure avec une valeur égale à
312 146 km/s.
Si le débat sur la finitude de la célérité de la lumière semble clos,
un autre qui s'est ouvert concomitamment va perdurer jusqu'au début du XXème siècle. Il porte sur la nature de la lumière.
2°) Nature de la lumière
" Nous saurions beaucoup de choses, affirmait Louis de Broglie, si nous savions ce qu'est un rayon lumineux. "
De quoi la lumière est-elle faite ?
Isaac Newton, observant que les ombres des objets étaient nettes et non pas floues, avançait prudemment l'idée que la lumière est constituée de toutes petites billes, autrement dit de corpuscules.
Il expliquait par exemple le phénomène de réflexion sur un miroir par le fait que les corpuscules rebondissent sur la surface du miroir, un peu comme une balle rebondit sur un mur.
Il énonça l'ensemble de ses vues dans l'Optique, qu'il publia en 1703. Son contemporain, le physicien hollandais Christian Huyghens,
tenait au contraire que la lumière est une sorte d'onde.
Il s'en expliqua dans son Traité de la lumière, publié en 1691.
Si nous tendons une corde puis agitons l'une de ses extrémités, nous envoyons une onde qui se propage le long de la corde, sans que cette dernière quitte notre main pour courir après l'onde.
De même, quand une rafale de vent s'abat sur un champ de blé, chaque épi se balance et oscille au grès du vent, mais aucun d'eux n'est arraché ni transporté d'un bout à l'autre du champ.
À la différence des corpuscules, les ondes ne transportent rien, elles ne font que transmettre de l'énergie et de l'information.
Parce qu'il y a une différence entre le jet d'une pierre et le mouvement d'une vague, les théories ondulatoire et corpusculaire semblent absolument irréconciliables. Entre les deux, la nature a dû choisir.
La lumière est-elle un corps ou bien le mouvement d'un corps ?
La théorie corpusculaire de Newton a d'abord supplanté la théorie ondulatoire, en particulier (mais pas seulement) grâce au prestige immense de l'homme qui avait percé les secrets de la gravitation. L'idée simple selon laquelle la lumière consiste en corpuscules qui, dans un milieu homogène, se propagent en ligne droite, connut un certain succès. À partir du concept de rayon lumineux, elle permettait d'expliquer de façon élégante la plupart des phénomènes qui relèvent de ce qu'on appelle aujourd'hui l'optique géométrique.
Mais la victoire de Newton ne fut pas définitive.
Dès 1800, le physicien anglais Thomas Young (qui fut aussi médecin et égyptologue) s'y opposa. Il avait observé que la lumière interprète d'une bien curieuse manière le signe plus de l'arithmétique.
De la lumière superposée à de la lumière peut donner de l'obscurité! Ce n'était là qu'un exemple d'un groupe de phénomènes qu'il baptisa interférences lumineuses. Young publia ses résultats en 1804.
La théorie corpusculaire ne semblait pas pouvoir les expliquer.
En effet, comment une particule pourrait-elle en annuler une autre ? La théorie ondulatoire, elle, permet de les comprendre :
lorsque deux ondes se rencontrent dans l'eau, il existe certains points où les ondes sont toujours en opposition de phase (l'une est à sa crête au moment où l'autre est à son creux, et vice versa).
Les deux ondes s'annulent donc toujours en ces points.
Si l'on considère non plus des vagues mais des ondes lumineuses, le
même effet entraîne que ces points seront obscurs.
La théorie ondulatoire contient donc la clé du mécanisme par lequel de la lumière ajoutée a de la lumière peut donner de l'obscurité.
Dans un premier temps, l'idée de Young fut tournée en ridicule.
Le monde scientifique se déchaîna contre sa thèse.
En Angleterre, on ne comprit pas qu'un Anglais put contredire le grand Newton. Un article dans l'Edinburgh Review couvrit Young d'insultes. Mais après maintes résistances, la théorie ondulatoire finit par l'emporter triomphalement.
Ce spectaculaire renversement d'opinion eut pour une large part la conséquence des études plus complètes qu'Augustin Fresnel entreprit a partir de 1815.
Pour départager la théorie corpusculaire de la théorie ondulatoire, il eut l'idée d'une expérience cruciale.
En effet, Newton tout comme Descartes affirmait en accord avec la théorie corpusculaire parfois appelée balistique corpusculaire que la vitesse de la lumière est d'autant plus grande dans un corps transparent que sa densité est plus élevée. Par exemple, selon cette théorie, la vitesse de la lumière doit être plus grande dans l'eau que dans l'air.
En revanche, la théorie ondulatoire aboutit à la conclusion inverse, c'est-à-dire d'une vitesse de la lumière plus grande dans l'air que dans l'eau.
L'expérience réalisée par Fizeau qui mesura la vitesse de la lumière dans un tube parcouru par un courant d'eau montra que celle-ci était plus faible dans l'eau que dans l'air. Ce résultat conforta les physiciens sur l'aspect ondulatoire de la lumière.
Cependant, au XVIIème siècle, des expériences sur le vide avaient conduit le bourgmestre de la ville de Magdeburg a découvrir un phénomène inattendu. Otto von Guericke (1602-1686) avait remarqué que lorsqu'on place une sonnette dans un récipient sous vide, on n'en perçoit plus le son. En remplaçant la sonnette par une lampe électrique des physiciens eurent la mauvaise surprise de constater que la lumière quant à elle se propageait bien dans le vide !
Le vide était-il absolument vide ?
Ne contenait-il pas une substance susceptible de permettre la propagation de la lumière ?
Les physiciens eurent alors l'idée de réintroduire une substance imaginée dans l'Antiquité : l'Ether.
C. L'Ether :
La notion déther est aussi vieille que la physique, mais sa signification a considérablement varié, suivant en cela lévolution des théories et les progrès de lexpérience.
Oscillant entre lidée de feu, de lumière et celle de représentation subtile de la matière, elle est rarement associée, dans lAntiquité, à celle de support daction cinématique et, par conséquent, à celle de milieu.
"Éther", qui vient du grec et signifie (brûler par le feu), laisse supposer que léther était considéré comme parent dune substance unique, susceptible dengendrer toutes les autres ou, tout au moins, quil sagissait du plus subtil des quatre éléments.
Pythagore pensait que le monde était animé et intelligent, que lâme de cette grosse machine était léther doù sont tirées les âmes particulières.
Toutefois, lusage du mot "éther" dans luvre de Platon laisse supposer que cette notion a déjà perdu quelques-uns de ses privilèges, conservant seulement du feu initial les caractères de finesse et de pureté. Léther devient ainsi une sorte de matière subtile qui semble intermédiaire entre le feu, dont elle reste une dégénérescence, et la terre, dont elle constitue la partie la plus pure :
"Ce qui vient hiérarchiquement après le feu, cest léther.
Il sert à lâme pour façonner des vivants qui ont pour propriété de contenir en majeure partie la substance même de ce corps"
(Platon, Epinomis).
Pourtant, en dépit de ce rôle éminent, léther paraît lié aussi aux sédiments terrestres qui en constituent, à leur tour, une dégradation. Ainsi, léther constitue une matière subtile dont la nature sapparente à celle du feu et à celle de la terre.
Par exemple, loptique dAristote rattache de façon assez indécise lintervention de léther à la constitution même du "diaphane", cest-à-dire des milieux transparents perméables à la lumière.
Aristote superpose un cinquième élément, qui sera plus tard la "quintessence" des scolastiques et quil appelle pour sa part "premier corps" ou "éther". Alors que la génération circulaire des éléments, rendue possible par le fait quils communiquent un à un par lune de leurs qualités (le froid pour la terre et leau, lhumide pour leau et lair, le chaud pour lair et le feu, le sec pour le feu et la terre), rend compte des changements au niveau du monde sublunaire, léther, substance constitutive des astres, est immuable, encore que cette immuabilité soit celle dun mouvement éternel.
L'espace est donc rempli d'éther !
Létude de la lumière, qui a toujours pour terrain délection une théorie des milieux, est aussi le départ de lidée intuitive déther.
Néanmoins, cest seulement au début du XVIIème siècle que saffirme, souvent maladroitement, lautonomie de la notion déther.
En effet, si la lumière est considérée comme un corps qui se propage, léther subtil doit se confondre avec elle ; lintroduction de cette notion ne peut mener quà une théorie de lémission.
Telles étaient les nombreuses conceptions qualifiées habituellement de "théories de léther".
Quil sagisse de "fluide universel", de "feu artiste", d"élément subtil spécifique", le mouvement de léther luminifère sidentifie à la propagation même du mobile lumineux.
Si la lumière est, au contraire, une action spécifique, léther devient un support autorisant une propagation de proche en proche tout en restant, en général, immobile.
Cest ce rôle de léther et non sa nature qui justifie lintervention de ce milieu subtil. Sa structure, continue ou corpusculaire, reste alors tout à fait accessoire. Ses propriétés doivent simplement permettre la propagation des phénomènes lumineux et expliquer leurs caractères.
Or, au début du XVIIème siècle, la multiplication des machines à faire le vide avait montré que la lumière se propage dans un milieu rebelle à tous les artifices qui pourraient léliminer.
Ainsi, lanalogie entre la lumière et le son analogie quavait soupçonnée Léonard de Vinci se révèlait limitée dans son principe même.
La physique de Descartes suppose que lUnivers plein est constitué par des milieux plus ou moins grossiers. Pour ne laisser aucun vide, des mouvements tourbillonnaires prennent naissance.
Quant à la lumière, cest une pression, une "tendance au mouvement" que transmet le milieu le plus subtil.
Celui-ci fait fonction dun éther immobile et rigide, support dactions lumineuses instantanées.
Léther de Descartes est donc bien matériel et corpusculaire. Toutefois, la lumière reste une action, une pression qui se propage à une vitesse infinie par lintermédiaire de ce milieu.
Loptique de Newton, comme sa mécanique, est cependant loin déliminer lidée déther.
Newton se demande même si léther qui baigne les corps célestes est identique à celui qui permet la propagation des phénomènes lumineux.
Une renaissance des théories de léther samorce au XIXème siècle avec les travaux de Thomas Young et, surtout, dAugustin Fresnel.
L'expérience cruciale permit de trancher en faveur de la théorie ondulatoire confirmait lhypothèse des ondulations de léther.
"La conclusion de ce travail, écrit François Arago, consiste à déclarer le système de lémission incompatible avec la réalité des faits."
Lexistence de ce "fluide universel" dont la lumière est l"un des modes de vibration" repose alors sur des résultats si concluants quen 1852 Gabriel Lamé peut écrire :
"Lexistence du fluide éthéré est incontestablement démontrée par la propagation de la lumière dans les espaces planétaires et par lexplication si simple, si complète, des phénomènes, de diffraction dans la théorie des ondes."
Ainsi triomphent les théories de léther.
Cependant, pour expliquer les caractères des ondes transversales, il faut construire une théorie de léther, préciser sa structure et ses propriétés.
Or ces dernières se révèlent bientôt paradoxales : léther doit en effet présenter une rigidité infinie pour permettre la propagation des ondes transversales et, en même temps, une résistance au mouvement à peu près nulle pour ne pas gêner le mouvement des corps célestes.
Ces propriétés surprenantes éveillent la méfiance des physiciens et Arago lui-même refuse de suivre Fresnel dans ses "acrobaties". Néanmoins, celui-ci réussit à interpréter au moyen des vibrations éthérées lensemble des phénomènes de polarisation, y compris la polarisation chromatique découverte en 1811 par Arago.
Seules les propriétés de léther lui-même restaient à justifier.
La notion déther allait saffirmer avec la découverte des actions électromagnétiques.
On peut dire que celles-ci sont révélées le 21 juillet 1820 par la publication des résultats de lexpérience de Christian rsted (effet rsted) : un courant électrique peut exercer, à travers léther, une influence sur une aiguille aimantée.
La réciproque de leffet rsted, en admettant quelle existât, aurait consisté à créer un courant électrique à partir daimants.
Bien au contraire, Faraday parvint à montrer, en 1851, quune action électrique était produite non par lexistence, mais par la variation dune action magnétique.
Il faut donc que cette "induction" soit emmagasinée par léther lui-même qui devient réceptacle de forces et dénergie susceptible dinfluer sur la propagation des phénomènes.
Léther se confond plus ou moins avec un champ actif.
Pour Maxwell, l'éther n'est qu'un support indispensable à la propagation de ses ondes électromagnétiques puisqu'elles ont selon lui une vitesse qui n'est autre que celle de la lumière.
La difficulté commune à tous ces modèles est que léther possède à la fois des caractères non seulement arbitraires, mais contradictoires.
Il bénéficie, parfois simultanément, des propriétés qui définissent ce quon appelle un "fluide parfait" ou bien, au contraire, de celles qui caractérisent un solide rigide.
Ces paradoxes affectent encore les théories mécanistes de léther à la veille de la relativité restreinte. Un certain découragement apparaît :
"Là où je sens mon échec, avoue lord Kelvin, cest dans mes efforts persévérants de cinquante années pour comprendre quelque chose de plus à léther. Je nen sais pas plus."
"Léther, cet enfant de chagrin de la mécanique classique ..."
écrira Max Planck.
A l'aube du XXème siècle, après les travaux de Maxwell (1831-1879)
sur les ondes électromagnétiques et la démonstration de leur existence par les expériences de Hertz, les physiciens admettaient que la lumière était une forme d'interaction électrique et magnétique mais ils étaient persuadés qu'un milieu ou plutôt une substance était nécessaire pour porter les champs.
C'est précisément cette notion de champ qui reste difficile à admettre pour les physiciens de cette époque. L'idée qu'une force puisse agir à distance sans pour cela nécessiter la présence d'un milieu support de sa propagation leur paraissait impossible.
La lumière est donc devenu avec Maxwell et Hertz une onde électromagnétique dont le support de propagation est l'éther dont il faut désormais déterminer les caractéristiques.
Avant de préciser comment les physiciens tentèrent de prouver l'existence de l'éther, il est important de préciser une notion essentielle qui est a la base de la théorie d'Einstein mais qui a été découverte par Galilée.
D. Le Principe de Relativité
Le principe de relativité se trouve énoncé sous la forme d'une parabole dans l'ouvrage de Galilée intitulé : Discours concernant et démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles.
Pour illustrer ce principe, prenons l'exemple d'un train.
qui se déplace à une vitesse moyenne de 140 km/h.
Aux environs de midi, vous décider de vous rendre au wagon restaurant situé en tête de train. Votre vitesse est d'environ 3 km/h.
Par rapport au train votre vitesse est effectivement de 3 km/h et le sens de votre mouvement est le même que celui du train.
Examinons maintenant votre vitesse, par rapport au sol.
Par rapport au sol, votre vitesse est égal à celle à laquelle vous vous déplacez dans le train plus celle du train (plus en effet puisque le sens de votre déplacement est le même que celui du train). Soit 143 km/h
Ainsi votre vitesse s'ajoute à celle du train !
Lorsque vous revenez à votre place vous déplacez toujours à la même vitesse mais en sens contraire de celui du train de sorte que votre vitesse se soustrait cette fois à celle du train. Soit 137 km/h
La vitesse est définie par rapport à un référentiel.
On peut même aller plus loin en disant que sans référentiel,
il est impossible de définir une vitesse.
"Tout mouvement uniforme est relatif et ne peut
être détecté sans référence à un point extérieur."
Cet exemple volontairement naïf est à la base de la compréhension de la théorie de la Relativité et à l'origine de tous les maux des physiciens pour démontrer l'existence de l'éther.
E. Les expériences de Michelson & Morley
Léther baigne les corps opaques et pénètre les corps transparents dans lesquels se propage la lumière.
Si les milieux réfringents sont en mouvement, il peut rester immobile à lintérieur ou bien, au contraire, être totalement ou partiellement entraîné par leur mouvement.
De plus, toute vitesse étant définie par rapport à un référentiel, il paraît légitime de penser, devant l'omniprésence de l'éther, que la vitesse des ondes électromagnétiques dans le vide est donnée par rapport au référentiel de l'éther.
La mesure de la vitesse de la lumière dans les milieux réfringents, vitesse qui résulte de la composition de la vitesse de la lumière dans léther et de celle de léther éventuellement entraîné, peut renseigner sur ce déplacement local de léther par rapport à léther intersidéral absolument immobile.
Après l'abandon, depuis des siècles, de la représentation d'une Terre immobile au milieu de l'Univers, il faut désormais imaginer notre planète en mouvement dans l'éther : la Terre, en se déplaçant autour du Soleil, pourrait traverser l'éther sans le perturber.
C'est-à-dire que dans son mouvement annuel, la Terre se meut dans léther sans lentraîner dans son mouvement.
L'éther est donc dans un premier temps supposé immobile !
En effet, si la Terre se trouve à un instant donné en mouvement dans l'éther à une vitesse v, il souffle alors dans tout laboratoire ce que l'on pourrait appeler un "vent d'éther", qui a précisément cette vitesse v et le sens opposé. Ainsi, puisque la vitesse de la lumière est définie par rapport à l'éther - de même que celle du son par rapport au milieu dans lequel il se propage -, chaque détermination de la vitesse de la lumière faite sur Terre devrait être modifiée par ce "vent d'éther".
Comme dans l'exemple du train, si l'on désigne par c la vitesse de la lumière par rapport au référentiel de l'éther et par v celle du "vent d'éther", la vitesse de la lumière varierait entre c( v et c + v selon sa direction par rapport au "vent d'éther".
Puisque la Terre se déplace autour du Soleil à la vitesse de 30 km/s
Les expérimentateurs s'attendent à obtenir pour la lumière une vitesse variant ( 30 km/s selon la direction dans laquelle la Terre se déplace par rapport à la source lumineuse.
En effet, lorsque la Terre se déplace vers la source lumineuse on devrait mesurer une vitesse accrue de 30 km/s ; lorsque la Terre s'éloigne de la source, une vitesse diminuée de 30 km/s.
Des expériences doptique devraient donc manifester le mouvement de la Terre par rapport à léther, cest-à-dire détecter un "vent déther" soufflant dans le plan de lécliptique.
La vitesse de la Terre autour du Soleil (v = 30 km/s) comparée à celle de la lumière (300 000 km/s) sexprime par le rapport :
( ( 30/300 000 ( 10(4
Des termes, dits "du premier ordre en (", doivent pouvoir être mis en évidence au moyen dexpériences portant sur la propagation de la lumière.
Les expériences réalisées dans cet important domaine furent très nombreuses et obtinrent constamment des résultats négatifs.
A la même époque, Fresnel expliquait le résultat négatif de ces expériences par une hypothèse d'entraînement partiel de l'éther.
Le postulat d'entraînement partiel de l'éther de Fresnel ruine à l'avance tout espoir de constater un effet du premier ordre imputable au vent d'éther : l'entraînement est tel qu'il compense automatiquement cet effet.
Il semblait donc que l'éther pouvait se tirer d'une condamnation à l'inexistence tant qu'il s'agissait des seuls effets du premier ordre.
En 1878, Maxwell montra qu'un terme en (v/c)2, soit une terme du deuxième ordre, devait moduler la vitesse de la lumière en fonction de sa direction de propagation (il calcula le temps mis par la lumière pour faire un aller-retour dans la direction du vent d'éther).
Sur la base d'hypothèses plausibles relatives au vent d'éther produit par le mouvement de la Terre, cet effet fut estimé à
(2 ( (30/300 000)2 ( 10(8
Trois ans plus tard, le physicien Albert Michelson montra que l'on pouvait mesurer cet effet en dépit de sa petitesse :
Il comparait, par interférométrie, les valeurs de la vitesse de la lumière le long de deux trajets.
Cet expérience consiste à étudier la propagation de deux rayons lumineux issus d'un même faisceau divisé en M par une lame semi-réfléchissante.
Le premier de ces rayons parcourt le bras L1 de l'appareil orienté suivant le mouvement de la Terre par rapport à l'éther.
Le second rayon se meut suivant le bras L2 perpendiculaire au premier. Une différence de temps de parcours sera décelée par un déplacement du système de franges d'interférences.
Or, une différence de marche quelconque entre les rayons serait
évidemment produite par l'entraînement de l'éther dû au mouvement de la Terre sur son orbite.
La Terre parcourt ainsi 30 km par seconde et son mouvement est sensiblement rectiligne et uniforme pendant un temps court.
Ce mouvement ferait donc intervenir des termes tels que :
(2 ( (30/300 000)2 ( 10(8
La précision des mesures était largement suffisante pour permettre de mettre en évidence un tel effet. Cependant les résultats de cette expérience et de toutes celles qui furent conduites par la suite jusqu'en 1927 demeurèrent négatifs.
L'éther résistait et les physiciens s'acharnaient.
Pour sauver l'hypothèse de l'existence d'un éther compatible avec ces étonnants résultats cinématiques.
Lentraînement partiel de Fresnel, s'il pouvait compenser les effets du premier ordre ne pouvait pas en revanche compenser les effets des termes du deuxième ordre.
On devait donc penser à lexistence dun autre effet parasite.
C'est a ce moment qu'intervient un personnage étonnant et peu connu.
George Francis FitzGerald qui indépendamment d'Hendrik Antoon Lorentz postula alors que tous les corps matériels subissaient une contraction de longueur dans le sens du mouvement par rapport à léther, dans le rapport (1((2
En particulier, le bras L1 de l'interféromètre devrait subir une
contraction de sa longueur L'1 = L1 (1((2
Sil explique le résultat négatif de lexpérience de Michelson et Morley, cet effet de contraction constitue, à son tour, un authentique phénomène dont on devrait pouvoir détecter les incidences expérimentales. De nouveau, on tente des expériences ; de nouveau celles-ci demeurent négatives.
Pour les interpréter, on est amené à imaginer un nouveau phénomène parasite susceptible de dissimuler, à son tour, les conséquences du premier. Lorentz et Henri Poincaré postulent ainsi une augmentation de la masse avec la vitesse.
Les modifications associées des longueurs et des masses :
M' = M / (1((2
interviennent très exactement pour compenser et pour expliquer les résultats négatifs de lexpérience.
Enfin, Poincaré devait montrer que, si lon adjoignait à ces hypothèses celle dun "temps local" fictif :
t = t0 / (1((2 ( t0
plus "dilaté" que le temps absolu t0 de léther, on parvenait à éliminer totalement de la physique les effets dun vent déther.
Ce milieu immobile support du champ ne pouvait manifester sa présence par aucune expérience ni constituer un véritable système de référence, quelle que soit la précision des mesures.
Dautre part, les contradictions qui pèsent sur les propriétés de léther atteignent un caractère fondamental : tout milieu matériel immobile devrait se manifester en tant que système de référence, révélant un mouvement relatif par rapport à lui. Or une série deffets parasites viennent très exactement sinterposer pour empêcher toute vérification expérimentale de lexistence de léther.
Ce milieu est ainsi muré, non pas seulement en fait, mais en droit, cest-à-dire daprès les lois de la physique elle-même, et devient inexistant.
En même temps quune physique du champ acquiert la prépondérance, léther, substrat matériel de ce champ, est condamné à ne pouvoir se manifester par aucune expérience de physique ni de mécanique.
Avant de faire entrer en scène le personnage principal, il est peut être temps de dresser un bilan des connaissances établies.
Tout d'abord se posait la question de la finitude de la lumière.
Les travaux d'Olaüs Romer ont permis d'établir que cette vitesse est bien finie. Les expériences successives ont affiné le résultat pour aboutir à une vitesse de l'ordre de 300 000 km/s
La seconde interrogation portait sur la nature même de la lumière.
Les expériences de Fresnel ont permis de montrer que puisque la vitesse de la lumière est plus faible dans l'eau que dans l'air sa nature est donc ondulatoire et non corpusculaire.
Les expériences menées dans le vide ont amené une troisième
question portant sur le milieu de propagation.
En effet, si le son ne se propage pas dans le vide alors que la lumière qui est une onde électromagnétique s'y propage, le vide n'est peut-être pas vide ?
Mais peut être contient-il une substance permettant la propagation ?
Pour permettre la propagation de la lumière, l'éther doit posséder
certaines propriétés qu'il doit être possible de déterminer afin de
mettre en évidence son existence.
Afin de rendre compte de l'impossibilité de prouver l'existence de
l'éther, les physiciens vont être amenés à faire un certain nombre
d'hypothèses : contraction des longueurs, dilatation des temps et
des masses.
F. Genèse d'une théorie
En 1879 disparaissait, James Clerk Maxwell et naissait Albert Einstein
Seize ans plus tard, le jeune Albert s'apprête à une rentrée d'automne qui sera cruciale pour lui. La situation financière de la famille est mauvaise. Son père s'engage dans des affaires qu'il estime vouées à l'échec. Albert a décidé de brûler les étapes scolaires, pour au plus vite soulager ses parents, voire les aider.
Son but est fixé : l'examen d'entrée à l'Ecole Polytechnique de Zurich. Certes, il lui faudra obtenir une dispense (par rapport aux statuts de la grande école suisse, il est deux ans trop jeune), mais il est confiant.
Rétif à l'enseignement dispensé "à l'allemande", où rigueur du raisonnement se conjugue trop souvent avec discipline de fer, voici plusieurs mois qu'il s'est échappé d'un lycée munichois, le Luitpold Gymnasium, pour rejoindre sa famille établie récemment en Italie.
Ce faisant, il a de facto abandonné la nationalité allemande, et échappé au service militaire. Il a mis cette période à profit pour, en "autodidacte", se plonger avec délectation dans de nombreux livres de mathématiques et, surtout, de physique.
Les phénomènes électriques et magnétiques constituent son sujet de prédilection. Une histoire de famille ? Peut-être ...
Les affaires montées par son père et son oncle paternel sont certes des entreprises d'électricité : mais ces sujets qui passionnent plus d'un homme à cette époque - nous sommes aux débuts de l'électrification - sont aussi au programme du concours d'entrée au Polytechnikum.
Notre jeune Albert vient ainsi de terminer un court essai, dont il n'est pas mécontent, sur le Statut de l'éther dans un champ magnétique.
Cette "dissertation" sur l'éther constitue le premier écrit scientifique authentifié d'Albert Einstein. Son coup d'essai n'est pas un coup de maître : les concepts utilisés, les questions posées, n'apportent aucune révélation, ni vision nouvelle de l'éther. Un spécialiste de l'époque les aurait même trouvés légèrement datés. Qu'importe ...
Le sujet d'intérêt manifesté par Einstein, "l'éther" ainsi que la démarche qu'il adopte dans son texte sont autant d'indices précurseurs. Les germes sont en place.
Leur développement prendra dix ans à peine : les fruits mûriront dans la prestigieuse revue allemande Annalen der Physik en 1905 ...
Ce timide essai d'Einstein de 1895 évoque cette interrogation :
révélant une vision naïvement mécaniste de l'éther, que Maxwell lui-même aurait déplorée, il dresse l'esquisse d'une "étude expérimentale d'ensemble, ... [en vue de] mesurer les déformations élastiques et les forces à l'origine de ces déformations."
Avant de conclure, Einstein pointe notamment ceci :
"Plus intéressant, mais aussi plus délicat, serait le cas de l'étude expérimentale directe du champ magnétique apparaissant au voisinage d'un courant électrique ; en effet, l'étude approfondie de l'état élastique de l'éther dans ce cas nous permettrait d'entrevoir la nature
mystérieuse du courant électrique.
L'analogie [entre le champ magnétique créé par un aimant et celui créé par un courant] nous permettrait aussi d'émettre des conclusions certaines sur l'état de l'éther dans un champ magnétique qui environne le courant électrique, à condition que les recherches citées précédemment aboutissent."
Sur cette même question de l'interaction champ magnétique / courant électrique, s'ouvrira l'article de 1905 sur la relativité restreinte.
14 octobre 1895. Les vacances sont terminées, le concours d'entrée à l'ETH (Eidgenössische Polytechnische Schule) de Zurich a eu lieu la semaine dernière. Les résultats sont affichés : Albert Einstein est sur la liste des recalés. D'excellentes notes en mathématiques et en physique n'ont pu compenser ses déficiences dans d'autres matières.
L'année suivante, Albert intégrera cette école sans difficultés.
Cependant, Albert jugeait les Mathématiques pour être intéressantes. Elles étaient néanmoins dispensées par le prestigieux Hermann Minkowski. Albert passait alors son temps à faire des expériences dans le splendide laboratoire de physique.
Il se montrait très cavalier envers l'enseignement formel et naturellement il est très vite entré en conflit avec certains enseignants comme le responsable du département de physique : Heinrich Weber.
Résultat, le professeur Weber attribue une note tout juste satisfaisante au Diplomarbeit (mémoire de fin d'études) d'Einstein sur la conduction thermique (4.5 sur 6 soit 15/20). De plus, de tous les étudiants sortis en même temps que lui, il est le seul à ne pas se voir offrir le poste à l'E.T.H.
et ailleurs.
C'est ainsi qu'il obtînt un poste de stagiaire au Bureau des Brevets de Berne. Mais Einstein lui-même a toujours soutenu que s'il avait trouvé un poste à l'université il aurait été beaucoup moins libre, préoccupé parla préparation des cours et la course aux promotions.
Travailler au Bureau des brevets lui convenait tout à fait car ce travail lui laissait suffisamment de temps pour ses recherches.
Quel était véritablement le problème ?
La remarquable synthèse de lélectromagnétisme opérée à la fin du XIXème siècle, en particulier par Michael Faraday et James Clerk Maxwell, semblait imposer que les effets électriques et magnétiques ne pouvait se propager que sous la forme d'actions de proche en proche dans un milieu particulier, l'éther.
Conçue pour détecter le mouvement de la Terre par rapport à cet éther, lexpérience (1887) des deux physiciens américains Albert Abraham Michelson et Edward Williams Morley avait montré que la règle de composition des vitesses, c'est-à-dire, le principe de relativité de Galilée était violée dans le cas où lon considère la vitesse de la lumière et celle de la Terre.
Revenons un instant sur l'exemple du voyageur dans le train.
Imaginez maintenant que ce voyageur immobile dans son wagon décide de photographier la charmante personne qui est assise en face de lui. Pour plus de sécurité notre voyageur utilise un flash.
D'après le principe de relativité de Galilée, quelle doit être la vitesse de l'onde lumineuse produite par le flash par rapport à un observateur se trouvant sur la voie ?
Pour un observateur se trouvant sur la voie, la vitesse de l'onde lumineuse doit être égale à la vitesse de la lumière plus celle du train, c'est-à-dire une vitesse supérieure à celle de la lumière.
Or d'après Michelson et Morley ce n'est pas le cas.
La vitesse de la lumière ne respecte pas le principe de relativité de Galilée.
Bien sur, pour rendre compte de ce phénomène, une solution ingénieuse avait été proposée dès les années 1889-1892 par lIrlandais George Francis Fitzgerald et le Néerlandais Hendrik Antoon Lorentz : tout corps se mouvant dans léther serait raccourci par un facteur qui augmenterait avec sa vitesse ; si la vitesse devenait égale à celle de la lumière, il serait complètement aplati.
Le mathématicien français Henri Poincaré de son côté proposait quau contraire léther en mouvement relatif se modifiait et ne transmettait pas les perturbations auxquelles il était soumis cest-à-dire les ondes lumineuses de la même façon dans toutes les directions.
Mais Albert ne se satisfaisait pas de ces explications.
Il voulait comprendre ce qui se passe quand la lumière se propage d'un point à un autre. Et le physicien génial qu'il était avait su garder une âme d'enfant.
C'est justement ce côté puéril qui lui a permis de concevoir un nombre impressionnant de Gedankenexperiment (expériences de la pensée).
Ainsi Albert a essayé de donner une image simple du fonctionnement de la lumière.
"Je me demande ce qu'il arriverait à la lumière si je me déplaçait à la vitesse de la lumière."
"Si de plus, je tenais un miroir en me déplaçant à la vitesse de la lumière."
"Si je me déplaçais à la vitesse de la lumière en tenant un miroir dans ma main, la lumière de mon visage ne pourrait pas rattraper le miroir.
Mon image disparaîtrait dans le miroir."
Albert se plonge alors dans la lecture d'Ernst Mach, un grand physicien contemporain qui contrairement à Newton rejette complètement l'idée d'espace absolu et de mouvement absolu.
Les idées de Mach contribuèrent à inciter Einstein à rejeter la notion d'éther.
Albert pensait : "quelle que soit la façon dont la lumière se déplace (éther ou pas) mon image ne devrait pas disparaître."
Mais alors un observateur au sol verrait la lumière quitter le visage d'Albert à une vitesse double de la normale !
Si je me déplace à 300 000 km/s et si la lumière de mon visage qui mon visage à 300 000 km/s, alors la lumière, par rapport à un observateur au sol devrait se déplacer à 300 000 + 300 000 = 600 000 km/s !
L'observateur au sol devrait toujours voir la lumière quitter le visage d'Albert à la même vitesse, quelle que soit la vitesse de déplacement d'Albert.
Mais si l'observateur au sol voit la lumière quitter le visage d'Albert à la une vitesse constante, quelle que soit la vitesse de déplacement d'Albert, alors Albert devrait pouvoir rattraper son image et son image devrait disparaître.
Mais si son image ne disparaît pas, alors la lumière qui quitte son visage devrait voyager vers le miroir normalement.
Mais alors l'observateur au sol devrait voir la lumière voyager vers le miroir à une vitesse double de sa vitesse normale.
Albert se mit à chercher si la vitesse de la lumière pouvait être la même pour l'observateur mobile et pour l'observateur au sol !
Pour pouvoir progresser Albert avait besoin de se convaincre que se son image devait être normale même s'il se déplaçait à la vitesse de lumière. Albert avait besoin d'un principe général qui l'encourage à continuer. Il le trouva dans le vieux
principe de relativité.
Le principe de relativité, dont une conséquence est la règle de composition des vitesses, a été imaginé par Galilée dans son ouvrage Dialogue sur les deux grands systèmes du monde.
Ouvrage dans lequel il expose la métaphore du bateau.
L'équivalent actuel de cette expérience est celle du train en gare stationné à côtés d'un train qui démarre.
L'observateur ne sait pas si c'est son train qui est en mouvement ou celui situé sur l'autre voie.
Dans un véhicule se déplaçant à vitesse constante et totalement isolé de l'extérieur, il est impossible de déceler si ce véhicule est immobile ou en mouvement.
On ne sait pas qu'on avance si on ne regarde pas au dehors !
Pour illustrer ceci, il y a de nombreux exemples plus amusants les uns que les autres, en particulier celui de l'ascenseur cher à Albert.
Vous entrez dans un ascenseur à un certain étage, la personne qui s'y trouve déjà appuie sur un bouton sans vous consulter, en supposant que l'accélération de l'ascenseur soit relativement imperceptible, c'est le cas aujourd'hui, il vous est impossible de dire, si l'ascenseur, monte, descend, ou s'il est arrêté.
Le principe de relativité paraît assez inoffensif.
Nier la notion de repos absolu n'avait rien de fracassant.
Mais le principe appliqué au problème de l'éther ouvrit la voie à des arguments de poids qui devinrent la théorie de la relativité.
En partant du principe de la relativité Albert affirmait qu'il devait pouvoir voir son image normalement même s'il se déplaçait à la vitesse de la lumière. Parce que si son image disparaissait lorsqu'il se déplaçait à la vitesse de la lumière, il saurait qu'il se déplace à la vitesse de la lumière rien qu'en regardant dans le miroir. Il n'aurait donc pas besoin de regarder au dehors. Or ce serait contraire au principe de relativité.
La moitié du problème était résolue. L'image d'Albert devait être normale. Mais est-ce qu'Albert pourrait voir la lumière quitter son visage à la vitesse de la lumière par rapport à lui tandis qu'au même moment des observateurs au sol verraient la lumière quitter le visage d'Albert à la même vitesse de la lumière par rapport à eux ?
Comment était-ce possible ?
Une autre métaphore abondamment citée par Einstein permet de mieux comprendre.
Si la foudre tombe sur deux points dune voie ferrée rectiligne, un observateur immobile situé à égale distance de ces deux points pourra par un système de miroir vérifier quil observe les deux éclairs au même moment. Il dira donc que les deux impacts sont simultanés. Mais sil se déplace vers un des points dimpact de la foudre au moment où tombe celle-ci, un simple calcul montre quil percevra léclair venant de ce côté avant lautre et quil aura donc tendance à le considérer comme antérieur. On ne peut donc attribuer une même date à un événement dans tous les référentiels. La simultanéité de deux faits nest donc plus un concept fertile dans la physique des grandes vitesses.
La vitesse est définie par le rapport de la distance parcourue sur le temps écoulé. Albert a compris que si la vitesse était la même, la distance et le temps devaient être différents.
L'observateur en mouvement et l'observateur immobile observaient peut-être des temps différents si tous deux observaient la même vitesse de la lumière. Comme Albert était parti du principe de relativité il devait repenser les notions d'espace et de temps afin que tout concorde.
G. Sur l'électrodynamique des corps en mouvement
Dès 1901, le grand mathématicien français Henri Poincaré, écrivait :
"Peu nous importe que l'éther existe réellement, c'est l'affaire des métaphysiciens. L'essentiel pour nous c'est que tout se passe comme s'il existait et que cette hypothèse est commode pour l'explication des phénomènes. Ce n'est là aussi qu'une hypothèse très commode ; seulement elle ne cessera jamais de l'être, tandis qu'un jour viendra sans doute où l'éther sera rejeté comme inutile.
Peut-être aussi devrons-nous construire toute une mécanique nouvelle que nous ne faisons qu'entrevoir, où, l'inertie croissant avec la vitesse, la vitesse de la lumière deviendra une limite infranchissable."
En 1905, Poincaré donnait sa forme définitive aux formules de raccourcissement des longueurs et révélait la structure de groupe mathématique des changements de repère quil baptisait transformations de Lorentz. Il présente ses résultats tout d'abord dans une brève note intitulée Sur la dynamique de l'électron (5 juin 1905)
Une polémique est lancé depuis quelque temps sur la paternité de la découverte de la théorie de la relativité. Dans son ouvrage, intitulé La relativité en question, Laurent Nottale semble attribuer une antériorité aux travaux de Poincaré. Une chose apparaît néanmoins clairement Eisntein ignorait tout de ces travaux. Il y a peut-être eu, comme cela souvent été le cas en sciences, découverte concomitante mais sûrement pas plagia.
Le 30 juin 1905, la revue Annalen der Physik, recevait un article intitulé Sur l'électrodynamique des corps en mouvement.
Il faut souligner le courage voire l'audace des éditeurs de ce journal qui prirent le risque - qu'aucun journal scientifique actuel ne prendrait - de publier deux articles révolutionnaires, écrits par un inconnu, employé au Bureau des brevets de Berne.
Que dit cet article ?
"
les tentatives infructueuses pour découvrir le moindre mouvement de la Terre relativement à la lumière suggèrent que les phénomènes électrodynamiques tout comme ceux de la mécanique ne possèdent pas de propriétés correspondant à la notion de repos absolu.
Nous élèverons cette hypothèse (dont le contenu sera désormais désigné sous le nom de "principe de relativité") au rang de postulat, et nous introduirons aussi un autre postulat, qui n'est incompatible qu'en apparence avec le premier, c'est-à-dire que la lumière se propage dans le vide à une vitesse constante c qui est indépendante de l'état de mouvement du corps émetteur."
Dans le premier postulat, Albert affirme que le principe de relativité de Galilée devrait être valable pour la lumière aussi bien que pour le mouvement ordinaire.
Dans le second, il sous-entend que si tout effet a une cause, la cause doit précéder l'effet. La vitesse de l'information de la cause vers l'effet ne peut être infinie, auquel cas l'effet et la cause seraient simultanés et indistinguables. Donc il existe une vitesse finie maximale pour la transmission d'information. Einstein suppose que cette vitesse maximale est la vitesse de la lumière.
Illustrons cela par des exemples :
- les rayons du Soleil mettent 8'13" pour nous parvenir
- les ondes radio prennent du temps pour aller d'un point à un autre,
on le vérifie assez bien lors d'émission télévisée en duplex.
Le commentateur met un certain temps avant d'entendre le son et sa réponse prend elle aussi un certain temps.
La signification physique simple de ce deuxième postulat tient en une phrase d'Albert Einstein :
"Il n'existe pas dans la nature d'interaction instantanée."
Par conséquent s'il n'y a pas d'interaction instantanée dans la nature, c'est qu'il doit y avoir une vitesse maximale possible d'interaction.
Cette vitesse est celle de la lumière.
Et selon le principe de relativité, la vitesse maximum d'interaction doit être la même pour tout observateur immobile ou en mouvement.
Autrement, on pourrait montrer que la Terre se déplace autour du Soleil simplement en calculant la vitesse de la lumière.
La vitesse de la lumière devient ainsi une constante universelle.
Albert conclut :
"Ces deux postulats permettent d'élaborer une théorie simple et cohérente."
Mais l'idée révolutionnaire, l'idée géniale pressentie on l'a vu par Poincaré est d'avoir simplifié ce que tout le monde se refusait à simplifier.
"On verra que l'introduction d'un "éther luminifère" devient superflue par le fait que notre conception ne fait aucun usage d'un "espace absolu au repos" doué de propriétés particulières."
Albert ne se pose même pas la question de l'existence ou non de l'éther puisqu'il ne s'en sert pas.
Albert doit montrer :
Que chacun peut observer la même vitesse de la lumière c
Ce qui se passe quand on tente de faire avancer un objet plus vite que c.
Pour cela, Albert va montrer :
qu'il faut changer la notion de temps
qu'il faut changer la notion de distance
qu'il faut changer la notion de masse
La grande difficulté était de montrer comment chacun observe la même vitesse de la lumière.
Voyons comment Albert y est parvenu.
Soudain Albert a réalisé que c'était le temps qui compliquait tout.
Le temps écoulé entre les événements n'était pas nécessairement le même pour tous les observateurs.
Ainsi l'observateur en mouvement pouvait observer la lumière parcourant une certaine distance d dans un certain temps t pour donner la vitesse de la lumière c.
Tandis qu'un observateur immobile pouvait observer la lumière parcourant une distance différente d' dans un temps différent t' de telle manière qu'il pouvait mesurer exactement la même vitesse c.
Albert rappelle alors que toute mesure de temps repose sur l'idée d' événements simultanés. De plus il a pensé que des événements simultanés dans un cadre de référence comme celui de la mécanique de Newton quine fait intervenir que des vitesses assez éloignées de celle de la lumière n'étaient pas nécessairement simultanés pour un autre cadre comme celui de sa théorie dans laquelle les vitesse mises en jeu sont précisément égales à celle de la lumière.
Ainsi il a appelé cela Principe de Relativité de la Simultanéité.
Reprenons l'exemple du train et imaginons qu'au centre du wagon se trouve quelqu'un muni d'une source lumineuse qui envoie en même un rayon de lumière vers l'avant et un rayon de lumière vers l'arrière.
Imaginons maintenant que la porte avant et la porte arrière s'ouvrent sous l'effet des rayons lumineux.
Pour la personne qui tient la source lumineuse, les portes s'ouvriront simultanément. Mais pour une personne se trouvant sur la voie, Albert affirme que la porte arrière s'ouvrira avant la porte avant !
Parce que pour la personne immobile sur la voie la porte arrière avance à la rencontre du rayon lumineux tandis que la porte avant s'éloigne du rayon lumineux.
Albert en conclut que :
"Des événements qui sont simultanés par rapport au train ne sont pas simultanés par rapport à la voie et inversement."
Considérons maintenant le cas où la personne au centre du wagon se lève et va vers l'avant.
Quelle distance parcourt la personne ?
Par rapport au train, elle a parcourue la moitié du wagon.
Mais par rapport à la voie elle est allée beaucoup plus loin.
La distance parcourue est une mesure relative.
Le temps est aussi une mesure relative.
Pour celui qui est dans le wagon l'ouverture des portes est simultanée, i.e., le temps écoulé entre l'ouverture de la porte avant et l'ouverture de la porte arrière est égal à zéro.
Mais pour la personne sur la voie le temps écoulé entre l'ouverture des portes n'est pas égal à zéro, il dépend de la vitesse du train.
Intéressons-nous maintenant à la longueur du wagon.
Un observateur dans le train mesure l'intervalle avec un mètre en ligne droite. (C'est la longueur mesurée par l'observateur mobile.)
Mais c'est bien différent quand la distance doit être jugée de la voie.
En effet, pour mesurer la longueur du wagon à partir de la voie, il faut repérer sur la voie les positions où passent la porte avant et la porte arrière au même moment t relativement à la voie.
La distance entre ces repères est alors mesurée avec un mètre.
(C'est la longueur mesurée par l'observateur immobile.)
Albert affirme qu'il n'est absolument pas évident que cette dernière mesure nous donne le même résultat que la première.
Ainsi la longueur du wagon mesurée à partir de la voie peut être différente de celle obtenue en faisant la mesure dans le train même.
Il faut donc envisager une révision de l'analyse de l'espace, du temps et du mouvement de Newton.
La mécanique classique considère que :
L'intervalle de temps entre des événements est indépendant du mouvement de l'observateur.
L'intervalle d'espace (la longueur) d'un corps est indépendant du mouvement de l'observateur
Newton affirmait :
"Les intervalles d'espaces et de temps sont absolus et la vitesse de la lumière est relative."
Einstein affirme :
"La vitesse de la lumière est absolue et les intervalles d'espace et de temps sont relatifs et dépendent du mouvement de l'observateur."
Comment faire alors pour trouver le lieu et le temps d'un événement par rapport à la voie en connaissant le lieu et le temps d'un événement par rapport au train, c'est-à-dire, modifier les intervalles d'espaces et de temps afin de faire en sorte que chaque rayon lumineux possède la même vitesse de la lumière c, à la fois par rapport à la voie et par rapport au train ?
La réponse était simple et déjà connue des physiciens.
Rappelez-vous, pour expliquer le résultat négatif de l'expérience de Michelson & Morley, Georg Fitzgerald et Antoon Lorentz avaient été amené à supposer une contraction des longueur dans le rapport :
L'1 = L1 (1((2
C'est précisément cette formule qui va transcrire l'effet relativiste de contraction des longueurs. Elle signifie que plus on va vite, i.e., plus on se rapproche de la vitesse de la lumière plus les espaces sont courts.
D'autre part, Henri Poincaré avait montré que, si lon adjoignait à ces hypothèses celle dun "temps local" fictif :
t = t0 / (1((2 ( t0
plus "dilaté" que le temps absolu t0 de léther, on parvenait à éliminer totalement de la physique les effets dun vent déther.
Là encore c'est précisément cette formule qui va transcrire l'effet relativiste de dilatation des temps. Elle signifie que plus on va vite, i.e., plus on se rapproche de la vitesse de la lumière plus le temps s'écoule lentement.
Bien évidemment il fallut attendre d'être capable de mesurer des temps infiniment petits, à l'aide d'horloges atomiques, et d'accéder à des vitesses relativement grandes, avec des avion supersoniques, pour pouvoir espérer vérifier expérimentalement cette merveilleuse théorie.
Le principe est le suivant : on synchronise deux horloges atomiques dont la précision est de l'ordre de 10(14 seconde, i.e., une seconde par plusieurs millions d'années. On place l'une d'entre elles à bord d'un avion supersonique qu'on fait voler autour de la Terre.
A son retour, on compare l'heure qu'elle indique à celle de son horloge "jumelle" restée sur Terre.
La première vérification expérimentale de la relativité restreinte eut lieu le 22 novembre 1975 - soit soixante-dix ans après la naissance de la théorie d'Einstein.
Ce jour-là un avion américain décolla de la base Chesapeake Bay pour un long vol en cercles. Sa vitesse, cent quarante mètres par seconde en moyenne soit cinq cent quatre kilomètre par heure, était extrêmement faible devant celle de la lumière. Malgré cet énorme désavantage, le décalage entre l'horloge embarquée et celle stationnée au sol put être mesuré : après quinze heures de vol, il était de 5,6 nanosecondes, alors que la théorie 5,7 nanonsecondes. Pour une expérience aussi délicate, l'accord théorie-mesure était remarquable de précision.
L'anecdote la plus célèbre à ce propos est celle des astronautes américains des missions Apollo qui étaient payés à la minute passée dans l'espace. Ainsi, ayant voyagé entre la Terre et la Lune, ils avaient subi un ralentissement du temps de l'ordre de un pour un milliard et avaient présenté à la N.A.S.A. une demande d'heures supplémentaires spatiales.
La meilleur façon d'illustrer cette dilatation des temps reste encore le célèbre paradoxe imaginé par Paul Langevin en 1911.
Le paradoxe de Langevin ou paradoxe des jumeaux se présente de la manière suivante. Imaginez deux frères jumeaux âgés de vingt ans.
Le premier, passionné d'aventure spatiale, décide de partir à bord d'une fusée explorer une portion du cosmos. Sa fusée qui est plus rapide que toutes celles qui ont volé jusqu'à aujourd'hui le propulse à la vitesse de 240 000 km/s soit 80% de la vitesse de la lumière.
Il passe 30 ans dans sa fusée avant de revenir.
Quelle n'est pas sa surprise de constater qu'à son retour son frère est devenu son aîné. En effet, en appliquant la formule d'Albert à ce problème on obtient une durée égale à 50 ans sur la Terre contre 30 ans dans l'espace. En réalité, le jumeau cosmonaute est âgé de 50 ans, son frère de 70 ans !
Cela ne signifie pas quun voyageur dans une fusée se sent vieillir moins vite lorsque son véhicule a une vitesse élevée par rapport à la Terre, ni que des horloges en mouvement retardent comme si leur mécanisme était grippé par un effet dû à la vitesse. Le premier postulat affirme même exactement le contraire, pourvu que la vitesse de la fusée ou celle des horloges soit constante. La signification de cette dilatation des temps apparaît lorsquun observateur lié à la Terre regarde vieillir le spationaute.
Notre spationaute mesurant sa capsule spatiale ne la verrait aucunement rétrécir lorsque sa vitesse est élevée.
En revanche, un observateur terrestre qui disposerait de moyens très précis pour mesurer à distance les dimensions du vaisseau pourrait observer cette contraction ; en un sens cet effet est moins surprenant que la dilatation du temps, mais il lui est pourtant étroitement lié
Il nen reste pas moins que ses concepts continuent détonner.
Albert Einstein disait lui-même que :
"quiconque aura vraiment compris la théorie de la relativité pourra difficilement éviter dêtre captivé par sa magie".
Revenons à l'exemple du train une dernière fois.
Imaginons une personne qui marche dans le train en direction de la locomotive à une vitesse W = 3 km/h.
Supposons que le train possède une vitesse V = 20 km/h.
Quelle est la vitesse de cette personne par rapport à la voie ?
D'après le principe de relativité de Galilée, les vitesses s'ajoutent donc
U = V + W = 20 + 3 = 23 km/h
En réalité, ce résultat est quelque peu différent.
En effet, Albert affirme que les distances et les temps mesurés dans le train ne sont pas les mêmes que les distances et les temps mesurés sur la voie. Il les a modifié en utilisant la contraction des longueurs et la dilatation des temps qu'on appelle désormais transformation de Lorentz. En fait lorsque l'on dit que quelqu'un marche à 3 km/h par rapport au train, nous voulons dire qu'il parcourt une distance d, pendant un temps t. Cette distance d et ce temps t étant mesurés dans le train. Mais nous savons que les distances et les temps mesurés dans le train ne sont pas les mêmes que ceux mesurés sur la voie.
Il suffit donc d'utiliser la transformation de Lorentz pour convertir la
distance et le temps mesurés dans le train en distance et en temps mesurés sur la voie.
Albert montre ainsi que la vitesse U de la personne vu de la voie est donnée par la formule :
U = (V + W) / (1 + VW/c2)
On voit donc ainsi que la vitesse de la personne par rapport au sol est un peu différente de 20 + 3 = 23 km/h.
U = (20 + 3) / (1 + 20(3/(vitesse de la lumière)2)
Mais comme la vitesse de la lumière est très grande devant celles de la personne et du train, la correction est généralement très faible de sorte qu'on la néglige.
Ce qu'il importe de constater ici, c'est que le principe de relativité des vitesses de Galilée n'était en fait qu'une approximation valable pour des vitesses faibles devant celle de la lumière.
Mais alors, que se passe-t-il pour des vitesses voisines de celle de la lumière ?
Plaçons nous maintenant dans la situation extrême de la personne qui photographie au flash une demoiselle dans un train se déplaçant à la vitesse de la lumière.
En appliquant la formule d'Albert à ce problème, on obtient :
U = (V + W) / (1 + VW/c2)
U = (c + c) / (1 + cc/c2) = 2c / 2 = c !
Il n'existe pas d'interaction instantanée dans la nature, rein n'est plus rapide que la vitesse de la lumière.
Si tout cela vous paraît un peu difficile à concevoir il faut vous rappeler de ce disent souvent les physiciens :
"On ne comprend jamais vraiment une nouvelle théorie.
On s'y habitue, c'est tout."
Albert s'inquiète d'une difficulté plus profonde.
Que se passe-t-il exactement quand un objet commence à approcher la vitesse de la lumière ?
Pour mettre un objet en mouvement, il faut lui appliquer une force.
L'objet prend alors de la vitesse, on dit qu'il accélère.
Plus la force appliquée est grande, plus l'objet accélère.
Bien sûr, il est plus facile de pousser une 2CV en panne qu'un trente-huit tonnes. C'est pourquoi, plus la masse ou l'inertie est grande, plus il est difficile de lui communiquer une accélération.
Imaginons que l'on applique une force constante à une particule, un électron par exemple.
Si cet électron est initialement au repos, la force va évidemment le mettre en mouvement. S'il est déjà en mouvement cette force va le faire aller encore plus vite. Mais jusqu'à quelle vitesse ?
L'électron ne peut certes pas dépasser la vitesse de la lumière.
Ce serait contraire au postulat de la relativité.
Alors que se passe-t-il ?
A mesure que la vitesse de l'électron s'approche de celle de la lumière, il apparaît de plus en plus lourd parce qu'il devient de plus en plus difficile d'accroître sa vitesse.
Ainsi Albert démontre que lorsque la vitesse atteint celle de la lumière l'accélération devient nulle. Même si on continue à appliquer une force sur cet électron, il n'accélère plus.
H. L'inertie d'un corps dépend-elle de son contenu d'énergie ?
Vous étonnez sans doute de ne pas avoir encore entendu la célèbre formule d'Albert Einstein qui est censée résumer en une ligne la relativité. En réalité cette formule ne fut pas énoncée dans l'article original de juin 1905. C'est seulement quatre mois après sa parution qu'Einstein faisait parvenir aux éditeurs un post-scriptum sous la forme d'un article de trois pages, intitulé :
L'inertie d'un corps dépend-elle de son contenu d'énergie ?
envoyé le 27 septembre 1905 et dans lequel il démontre la formule la plus célèbre de toute la physique :
E = M c2
présentée comme une conséquence intéressante de sa théorie.
Le raisonnement d'Albert dans cet article n'est pas une preuve.
On ne prouve pas une définition. On ne peut que montrer qu'elle est valide.
Considérant un corps qui émet sous forme de lumière une certaine énergie L, Einstein démontre, calculs à l'appui, que la masse du corps émetteur a été diminuée d'un quantité L/c2 où c représente la vitesse de la lumière. Il en conclut que la masse d'un corps est liée à son contenu en énergie : si le corps absorbe de l'énergie, sa masse augmente ;
s'il en perd, sa masse diminue. Masse (M) et énergie (E) sont donc équivalentes ; il n'y a entre les deux qu'un simple facteur de conversion, lequel vaut c2 : E = M c2
Cela signifie que l'inertie doit contenir de l'énergie, c'est-à-dire qu'un corps de masse M soumis à aucune force, ne recevant donc aucune forme possible de travail possède une énergie qui est proportionnelle à son inertie.
I. La relativité générale
La théorie de la relativité ne pouvait satisfaire Einstein car elle était incomplète, ou comme l'on dit aujourd'hui "restreinte".
Revenons un instant à Galilée et au principe de relativité selon lequel le mouvement du bateau qui vogue à vitesse constante est "comme nul". L'adjectif important ici est "constant" ; car le seul mouvement qui est comme nul est le mouvement en ligne droite à vitesse constante, "uniforme".
Or, dit Albert, pourquoi le mouvement uniforme aurait-il un statut privilégié ?
Ne serait-il pas plus satisfaisant pour l'esprit d'exiger que tous les points de vue soient équivalents sans que cela ait à voir avec le mouvement ?
N'y a-t-il pas là ajoutait-il en plaisantant, un manquement à la démocratie ?
Pour répondre à cette exigence démocratique, il érige "principe de relativité générale" dans lequel :
les lois de la mécanique doivent pouvoir s'exprimer de manière indépendante de tout choix de repère de coordonnées d'espace-temps.
Enoncer un principe aussi large n'a de sens que si celui-ci donne la clés de phénomènes jusqu'alors inexpliqués.
Tel est précisément le cas : le principe de relativité générale permet de comprendre pourquoi tous les corps tombent sur la Terre avec la même accélération.
Galilée avait constaté ce fait en lâchant depuis le haut de la tour de Pise des balles faites de plomb, de pierre, de bois, ou de papier.
Newton n'avait pu fournir d'explication satisfaisante, lui qui avait interprété la chute des corps à la surface de la Terre comme un cas particulier d'un phénomène plus général : l'attraction qui s'exerce entre deux blocs de matière - ici la Terre et le corps qui tombe.
IL était mort en laissant à ses successeurs le soin de dire en vertu de quel principe, dans leur attraction par la masse de la Terre, tous les corps, quelle que soit leur masse, sont animés du même mouvement , caractérisé par l'accélération de la pesanteur.
Cette énigme disparaît lorsqu'on adopte le principe de relativité générale.
Albert commence à réfléchir sur une théorie relativiste de la gravitation en 1907. Lors d'un congrès à Kyoto, au Japon en 1922, il rapportera :
"J'étais assis sur une chaise dans le Bureau des brevets à Berne quand, soudain, il me vint une idée : lorsqu'un homme est en chute libre, il ne ressent pas son propre poids. J'étais épaté. Cette expérience de pensée toute simple me fit grande impression et me conduisit à la théorie de la gravitation."
Une "expérience de pensée" (un concept qui était cher à Einstein) permet de faire comprendre cette interprétation géométrique de la gravitation.
On imagine un laboratoire en chute libre (un ascenseur dont on a coupé le câble) - on y effectue l'expérience consistant à faire se propager, à l'horizontale, un faisceau laser.
Dans un référentiel lié au laboratoire, tous les appareils à l'intérieur du laboratoire sont en "apesanteur" (l'accélération de la pesanteur compense exactement l'accélération de l'inertie) :
le faisceau laser se propage à l'horizontale. Mais ce n'est plus vrai dans un référentiel fixe, extérieur au laboratoire : entre le moment où les photons du faisceau laser sont partis et celui où ils sont arrivés, il s'est écoulé un certain temps (n'oublions pas que la vitesse de la lumière n'est pas infinie!) pendant lequel le laboratoire est tombé. Dans ce référentiel fixe, la trajectoire de la lumière est courbe. La lumière tombe ! Elle subit l'action de la gravitation.
Mais cette action est une accélération.
Donc la lumière est accélérée par la gravitation...
Devons-nous renoncer, à ce que la lumière se propage toujours à la même vitesse ?
Non, dit Einstein ! Ce que la gravitation modifie, ce n'est pas la vitesse de la lumière, c'est la métrique de l'espace-temps, c'est-à-dire la marche des horloges et la longueur des règles.
Cette modification maintient constante la vitesse de la lumière.
La lumière se propage toujours le long de géodésiques de l'espace-temps. Une géodésique est le plus court chemin entre deux points.
En l'absence de gravitation, l'espace-temps est "plat", les géodésiques sont des lignes droites.
La gravitation "courbe l'espace-temps" :
dans un espace-temps courbe, les géodésiques sont courbes.
La beauté extraordinaire de cette théorie réside dans l'interprétation géométrique qu'il devient possible de donner à l'interaction gravitationnelle : la gravitation, c'est la courbure de l'espace-temps. On peut remplacer la matière et le champ gravitationnel qu'elle induit dans l'espace-temps plat par un espace-temps de courbure variable.
Si la trajectoire de la lumière est courbée par la gravitation, c'est que l'espace-temps lui-même est courbe.
L'effet de courbure de l'espace-temps est extrêmement faible dans le champ de pesanteur terrestre : il faut aller à la quinzième décimale dans la mesure du temps pour le percevoir.
Il faut attendre 1915 pour que la théorie de la relativité générale soit clairement formulée. On a pu dire à une certaine époque que seules trois personnes étaient capables d'en comprendre le détail mathématique. C'est probablement exagéré.
J. La vérification expérimentale
Einstein avait prévu dès 1911, bien avant l'achèvement de la théorie de la relativité générale, que celle-ci devrait avoir pour conséquence
que les rayons de lumière, au lieu de traverser l'espace en ligne droite comme on l'apprend à l'école - et comme c'est vrai dans la plupart des cas d'observation courante -, devaient eux aussi ressentir la modification de l'espace - ou plus exactement de l'espace-temps - produite par les masses qui s'y trouvent et suivre une trajectoire incurvée. Il avait même calculé quelle devait être la courbure des rayons issus d'une certaine étoile, située à ce moment-là,
derrière le Soleil, à leur passage au voisinage de celui-ci lors de leur propagation jusqu'à la Terre ; il en avait déduit que l'étoile en question devrait apparaître à un autre endroit que là où on l'attendait.
Mais pour voir une étoile située derrière le Soleil, il faut que celui-ci soit totalement éclipsé, sinon la lumière éblouissante du Soleil
empêche de rien voir d'autre ; aussi la courbure des rayons lumineux prévue par Einstein ne peut-elle être vérifiée que de temps en temps, lors des éclipses totales de Soleil.
Une équipe d'astronomes allemands avait été chargée d'effectuer des observations lors de l'éclipse totale, qui devait se produire en Sibérie, en août 1914. Mais la Première Guerre mondiale éclata quelques jours avant la date de l'éclipse ; les astronomes allemands furent faits prisonniers par les Russes et la prédiction d'Einstein resta sans
confirmation ...
Jusqu'à ce que les Anglais, en la personne d'Eddington, reprennent le flambeau une fois la guerre terminée.
C'est ainsi que le 29 mai 1919, entre deux nuages, Eddington et ses assistants purent prendre quelques photos de la fameuse étoile au moment où le Soleil était totalement occulté.
De retour en Angleterre, les clichés furent analysés.
L'étoile se trouvait bien là où Einstein l'avait prédit.
Ce dernier prévenu par télégramme aurait dit :
"Cela ne m'étonne pas ; le contraire aurait
été dommage pour le Bon Dieu."
Ainsi voyons-nous que la prise en compte de la vitesse de la lumière, comme la constante universelle traduisant l'absence d'action instantanée à distance, a abouti, à travers la théorie de la relativité restreinte et générale, à élargir considérablement les horizons de la pensée humaine : "L'idée que notre connaissance est illimitée est une idée bornée, l'idée que notre connais"sance est bornée a des conséquences illimitées" - (Edgar Morin). M
Bibliographie :
Albert Einstein :
Sur l'électrodynamique des corps en mouvement, Gauthier
-Villars, Paris, 1925 (réédition Jacques Gabay, Paris)
uvres choisies, Seuil / C.N.R.S., Paris, 1989-1993 :
Quanta
Relativité I
Relativité II
Galiléo Galiléi
Discours concernant et démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles,