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memoires d'un pilote d'essai amateur - Claude Tisserand

La réparation fut rapide et le défaut corrigé en avançant le point ...... 175 kg maxi à vide , et 10 kg/m2 de charge alaire, soit 17 ,5 m2 de surface, empennage compris. ... Concernant la masse à vide, pas d'autre solution que de serrer le devis de poids ... Sans doute la boule mobile de l'attelage Peugeot de série était- elle mal ...




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Mémoire d’un pilote d’essai amateur

Claude Tisserand








Mars 2001


Table des matières

 TOC \o "1-3" \h \z \u  HYPERLINK \l "_Toc110254830" 1. La découverte  PAGEREF _Toc110254830 \h 5
 HYPERLINK \l "_Toc110254831" 2. Les sauts de puce  PAGEREF _Toc110254831 \h 11
 HYPERLINK \l "_Toc110254832" 3. Les premiers vols  PAGEREF _Toc110254832 \h 12
 HYPERLINK \l "_Toc110254833" 4. La puce du ciel I  PAGEREF _Toc110254833 \h 14
 HYPERLINK \l "_Toc110254834" L’accident  PAGEREF _Toc110254834 \h 16
 HYPERLINK \l "_Toc110254835" 5. L’Hydroplum  PAGEREF _Toc110254835 \h 19
 HYPERLINK \l "_Toc110254836" Quelques mésaventures  PAGEREF _Toc110254836 \h 23
 HYPERLINK \l "_Toc110254837" Le contact :  PAGEREF _Toc110254837 \h 23
 HYPERLINK \l "_Toc110254838" Le siège :  PAGEREF _Toc110254838 \h 24
 HYPERLINK \l "_Toc110254839" Le miroir :  PAGEREF _Toc110254839 \h 24
 HYPERLINK \l "_Toc110254840" Je suis paumé :  PAGEREF _Toc110254840 \h 25
 HYPERLINK \l "_Toc110254841" La grande Aventure : mai et Juin 85  PAGEREF _Toc110254841 \h 25
 HYPERLINK \l "_Toc110254842" Le salon de l’aviation du BOURGET (du 29 mai au 6 juin 1985) :  PAGEREF _Toc110254842 \h 27
 HYPERLINK \l "_Toc110254843" 6. L’Hydroplum II  PAGEREF _Toc110254843 \h 30
 HYPERLINK \l "_Toc110254844" 7. Le Petrel  PAGEREF _Toc110254844 \h 36
 HYPERLINK \l "_Toc110254845" Le Petrel de Pierre  PAGEREF _Toc110254845 \h 41
 HYPERLINK \l "_Toc110254846" Le Petrel de Frédéric  PAGEREF _Toc110254846 \h 42
 HYPERLINK \l "_Toc110254847" La fin du Petrel  PAGEREF _Toc110254847 \h 42
 HYPERLINK \l "_Toc110254848" 8. La puce du ciel II  PAGEREF _Toc110254848 \h 44
 HYPERLINK \l "_Toc110254849" 9. L’Hydroplum I bis  PAGEREF _Toc110254849 \h 46
 HYPERLINK \l "_Toc110254850" 10. L’Amphiplane  PAGEREF _Toc110254850 \h 48
 HYPERLINK \l "_Toc110254851" CONCLUSION :  PAGEREF _Toc110254851 \h 51
 HYPERLINK \l "_Toc110254852" 11. L’Amphiplane motorisé  PAGEREF _Toc110254852 \h 52
 HYPERLINK \l "_Toc110254853" La bourde :  PAGEREF _Toc110254853 \h 56
 HYPERLINK \l "_Toc110254854" 12. l’Electroplane :  PAGEREF _Toc110254854 \h 58
 HYPERLINK \l "_Toc110254855" 13. La Puce du ciel III  PAGEREF _Toc110254855 \h 64
 HYPERLINK \l "_Toc110254856" 14. Table des Légendes  PAGEREF _Toc110254856 \h 67

















à Claude,
La découverte
Depuis quelques années déjà, je voyais quelques sportifs téméraires s’élancer sur des pentes plus ou moins abruptes , accrochés sous des ailes rudimentaires faites de toile (que les sceptiques qualifiaient de « chiffons « !) et de tubes grossièrement assemblés . A priori, l’exercice ne me parut pas très emballant , un peu trop sportif pour moi , et franchement dangereux …

C’était l’époque fort redoutable des premiers DELTAPLANES, dits « rogallo standard », du nom de leur inventeur Francis ROGALLO , ingénieur à la NASA , qui avait inventé ce système dans les années cinquante pour tenter de faire redescendre en plané des morceaux de fusées et autres engins divers. Ces appareils, certes simples et peu coûteux, etaient malheureusement très instables en tangage et manifestaient une forte tendance à la mise en piqué jusqu’au sol… de quoi décourager les plus hardis, dont je ne faisais même pas partie !

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 1 : Moto Delta
Mais en 1980, ayant depuis quelques années épuisé les joies (et les déboires) de la conception, réalisation et mise au point des premiers voiliers à hydrofoils de France, lassé également des modèles réduits divers, pourtant source de tous les enseignements, je commençais à m’intéresser sérieusement à ces engins volants, qui avaient notablement progressé en sécurité, et qui commençaient à être motorisés, ce qui convenait mieux à ma conception un peu « indolente « de la pratique sportive.

La véritable révélation fut pour moi le MOTO DELTA, très jolie machine créée par J.M. Geiser et que je découvris dans PILOTE PRIVE de ……. : il s’agissait en fait d’un des premiers U.L.M. pendulaires français (le nom
n’existait pas encore !), constitué d’une voilure «  Rogallo standard «   portée par un très joli chariot tricycle en plastique moulé et motorisé par un petit moteur 2 temps. Cette fois, le vol dont je rêvais depuis longtemps était enfin à ma portée : machine bon marché, repliable, transportable, lente et destinée à ne voler que dans les champs…tout à fait à l’opposé de l’aviation traditionnelle qui ne m’a jamais vraiment attiré, et encore moins la mentalité « Aéro-club »qui allait avec : le genre « j’arrive avec des gants blancs, je monte dans l’avion et je vais faire ma ballade en manipulant un maximum de boutons ».

C’est ainsi que fin Décembre 1980, de passage à Paris, je résolus de rendre visite à l’un des premiers constructeurs d’engins ultralégers dont j’avais déniché l’adresse : il s’agissait de Bernard DANIS, qui exerçait son activité à Maisons-Alfort, banlieue Parisienne, accessible en métro . Je parvins donc en fin de matinée , par un froid polaire, à l’adresse indiquée….où je ne trouvais personne. Une brave dame, cependant, me fit savoir que M. DANIS était allé déjeuner au restau du coin, ce qui me parut une activité tout à fait logique vu l’heure tardive, et elle m’en indiqua l’adresse. J’y découvris donc une fort joyeuse tablée de 5 ou 6 personnes que présidait le susdit DANIS, déjà franchement éméché mais qui m’accueillit aimablement et m’invita à sa table, en attendant d’assister dans l’après-midi à une démonstration en vol de son appareil…là, je commençais vraiment à me demander si je n’étais pas tombé chez les fous ! : quoi, une démonstration en vol, dans la banlieue Parisienne, et par un pilote carrément paf … (c’est que le repas fut long, gai et abondement arrosé, et terminé par moult pousse-café !)… mais peu importe, j’avais vraiment trouvé une ambiance à mon goût , à mille lieues des Aéro-club guindés qui m’avaient toujours rebuté…et je n’étais pas au bout de mes surprises, loin s’en faut !

En effet, devant le restau stationnait un gros break portant sur la galerie une longue housse de forme biscornue, revêtue de toile bleue, ainsi qu’un étrange amas de tubes d’où émergeaient deux objets connus : des roues et une hélice !…le doute n’etait plus permis, c’etait bien là l’engin volant (ou prétendu tel !) . Très franchement, je n’aurais jamais imaginé auparavant qu’un avion puisse se ramener ainsi à un tel dépouillement .

Bon, voilà pour « l’avion « , si l’on peut dire ! mais quid du terrain ? pas de problème me dit mon hôte , montez avec moi, il y a un terrain de foot pas loin, c’est là qu’on va !
De fait, en quelques minutes, nous arrivions effectivement au terrain de foot, plus ou moins entouré de maisons, comme on l’imagine dans une banlieue Parisienne, incontestablement très bien adapté pour son utilisation nominale, mais à mon sens beaucoup moins pour l’usage aéronautique que nous comptions lui donner. Mais comme c’etait la journée des surprises, plus rien ne pouvait m’ébranler , d’autant qu’après dépliage et montage du tricycle pendulaire et de son aile, il devint évidant qu’il s’agissait bien d’un monoplace :cela me rassura pleinement quant à mon avenir immédiat car je ne risquais pas d’être invité à aller faire un tour en l’air , ce qui compte tenu de tout ce qui précède commençait à bloquer gravement ma digestion !

Restait à régler le problème du pilote…mais là ce fut une bonne surprise : Bernard DANIS renonçait à monter sur son engin et mit à sa place son fils Jean-Pierre, jeune homme calme et notoirement moins alcoolisé que son géniteur ! Le moteur (un SOLO 210 sans réducteur et au silencieux quasi inexistant) fut lancé à la main sans problème, sinon un bruit d’enfer qui ravit mes oreilles complaisantes (en fut-il ainsi des riverains ?…
j’en doute, mais à cette époque bénie, tout le monde regardait ces « fous volants » avec sympathie ! comme c’est loin tout ça…).

Le vol de démonstration fut sans problème : quelques petits tours au dessus du terrain (de foot !), puis retour au bercail et démontage (il est vrai que la température ne se prêtait pas aux grands raids !). Quant à moi, j’étais médusé, transporté, emballé, au moins autant qu’un spectateur venant d’assister en 1906 au premier vol de SANTOS DUMONT à Bagatelle !
Merci DANIS pour cette grande émotion !

De retour en mes pénates Corses et après avoir laissé passer les fêtes, ma décision était prise : je volerai sur un de ces engins (ou quelque chose d’approchant !), et sur rien d’autre ! la liberté offerte par la formule, l’absence totale de réglementation à l’époque, l’absence même d’école de pilotage, tout ça convenait parfaitement à l’anarchiste larvé que j’ai toujours été !…et oui, j’ai bien dit absence d’école de pilotage ! et comment y en aurait-il eu, en l’absence quasi totale de biplace ! (en fait, il commençait à y en avoir quelques uns, mais fort mauvais…voir plus loin). Alors comment apprendre ? dis-je à DANIS. Facile, tu vas sur un grand terrain (un vrai, pas de foot !) tu grimpes sur ta machine et tu mets progressivement les gaz , en ayant soin de ne pas décoller tout de suite…tu roules, tu roules de plus en plus vite en tâtant les commandes (ici, la barre de contrôle). Au bout de quelque temps (combien ? ça dépend !), tu tentes un premier saut de puce , au raz du sol (si tu peux !), puis tu recommences un peu plus haut et plus loin , etc…voilà pour la première leçon de pilotage…il y en eut d’autres, mais guère plus détaillées ! de toutes façons, les vrais pionniers, ceux du début du siècle, n’ont pas fait autrement, et sur des appareils infiniment plus fantaisistes que ceux-là.

De plus, j’avais bien quelques notions de pilotage puisque j’avais vaguement piloté quelques modèles réduits télécommandés (en fait, c’est bien plus difficile à piloter qu’un avion où on est dedans). Conclusion : faudra faire avec !

Mais le plus important, c’est de ne pas rester seul dans ces exercices . Me voilà donc, début Janvier 1981, à la recherche d’éventuels amateurs locaux tentés par l’aventure. Je suis incapable de me rappeler par l’entremise de qui j’ai été mis en rapport avec Jojo , mais ça n’a pas été long . Le dénommé Jojo, autre fêlé d’aviation, au moins aussi enthousiaste que moi , me reçut donc dans son somptueux bureau, et le « courant « passa immédiatement entre nous. Lui aussi cherchait des partenaires pour tâter de ces nouveaux engins, qu’il avait été voir, lui aussi, mais sur un terrain de la côte d’azur . Mais par contre, il avait une notable avance sur moi dans la recherche de partenaires, car il en connaissait déjà deux autres, Lucien et Francis…(comment les avait-il dénichés ?). la fois suivante, nous nous retrouvâmes donc quatre passionnés et les discussions prirent vite de l’ampleur et de l’animation !
Restait à trouver un appareil, et heureusement le choix n’était pas énorme à l’époque :


en France, il existait bien déjà trois ou quatre constructeurs , plus quelques produits d’importation. Quelques coups de fil et deux vendeurs se proposaient de venir nous faire une démonstration chez nous, en Corse (c’est dire que malgré tout, les clients ne se bousculaient pas, alors !).

Fin Janvier, nous vîmes donc arriver Chayroux, muni de son appareil, un QUICKSILVER (Américain) tout neuf . Nous avions bien entendu déjà repéré quelques terrains soit disant « propices « , tout au moins à nos yeux (en fait, des champs un peu dégagés et dépourvus de bestiaux) , et notre « spécialiste « en sélectionna un, qui s’avéra très correct puisqu’il devint notre terrain principal pendant longtemps et qu’il sert toujours. L’avion fut monté, non sans peine, en une bonne heure…mais qu’importe le temps, quand on a la foi et la passion ? (le Quicksilver a la configuration d’un avion classique, avec un empennage et une gouverne de direction, mais son pilotage est essentiellement pendulaire, le pilote étant assis sur une sellette suspendue sous l’aile au centre de gravité, le gouvernail étant actionné par des câbles rattachés à cette sellette ; en tout cas, pas facile à monter, vu le nombre de « ficelles » et autres boulons !). Nous, les élèves pilotes, nous regardions tout cela, bouche bée (mais pas fermée pour autant !).

Vint le premier décollage… magnifique, facile, suivi d’un vrai vol de démonstration grandiose : à l’atterrissage, l’affaire était faite, nous gardions l’avion ! Mais quand même, pour le principe, notre vendeur décidait de nous épater encore un peu plus en faisant un autre vol : décollage très court, montée très, très courte, décrochage vers 10 m de hauteur et crash impressionnant ! il ne restait plus de notre bel appareil qu’un gros tas de tubes tordus, et heureusement un pilote indemne mais fort dépité ! Il ne nous restait plus qu’à aider notre pauvre ami à remballer son matériel…mais ce n’était pas encore fini avec lui, car il avait encore dans sa camionnette un autre appareil !

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 2 : Roland Magalon sur le premier tricycle
Le lendemain donc (car les jours d’hiver sont courts) et sur un autre terrain, notre ami nous sortait son « Joker » : un appareil pendulaire de marque VELIPLANE, du genre de celui de DANIS, mais biplace cote à cote et bimoteur !. (deux SOLO 210 dans le dos, ça fait du bruit !) Là, ça devenait plus sérieux, si j’ose dire : en effet, plus question de rester bien tranquille, les mains dans les poches, à admirer les « exploits « en tous genre de notre démonstrateur ; il fallait monter avec lui, ce qui, avouons le, changeait tout ! Nous n’étions pas loin de tirer au sort, lorsque notre pilote désigna lui même la première « victime « comme étant le plus léger : ce fut donc notre ami Lucien à qui revint l’honneur du premier essai de décollage…1ere tentative : roulage plein gaz jusqu’au bout du champ … et freinage énergique au raz des barbelés. 2eme, puis 3eme tentatives tout aussi infructueuses…Lucien pâlissant chaque fois un peu plus sous son casque ! et ce fut donc sur ce nouvel échec que notre pauvre ami Chayroux dût remballer son matériel et repartir bredouille.


Figure  SEQ Figure \* ARABIC 3 : Quick Silver
Exit donc le seul biplace du moment : il nous restait donc à nous dépatouiller tous seuls avec un monoplace!
Le Dimanche suivant (on ne s’embêtait pas, à l’époque !), nous voyons débarquer François GOETALS et Mike de GLANVILLE, champions reconnus de deltaplane et qui créèrent par la suite la société AVIASUD, accompagnés de Mme de GLANVILLE, pilote également. Changement de terrain : nous avions repéré à Ghisonaccia un ancien terrain d’aviation, un vrai, mais de la dernière guerre et désaffecté depuis !

L’équipe nous déballe deux appareils : un FLEDGE PTERODACTYLE (aile volante Américaine à moteur Cuyuna , appareil performant mais pas pour les débutants) et un HIWAY (pendulaire Anglais à moteur Valmet , appareil d’école idéal , monoplace bien sûr !)
Mme de GLANVILLE nous fait une très belle démonstration du FLEDGE…et tombe en panne de moteur juste en bout de piste :atterrissage brillant entre 2 rangs de vigne, pratiquement sans aucune casse : Bravo Madame !
La démonstration du HIWAY fut sans histoire : un bon appareil, simple, motorisé par un petit moteur de 10 CV seulement, mais réducté, ce qui n’était pas le cas des 2 moteurs SOLO de 14 CV du biplace évoqué plus haut, d’où le manque manifeste de poussée.

Donc nous gardons le HIWAY mark1, après une sérieuse (mais théorique) séance d’initiation au pilotage pendulaire assurée par François (1), à l’issue d’un bon et cordial repas (ou peut être avant, c’est préférable !). Le total, tous frais compris et avec un lot de pièces détachées indispensables, nous est facturé 16.000 F …même à l’époque, ça ne faisait pas bien cher, surtout divisé en 4 ; que nous sommes loin, maintenant, de ces tarifs !




Figure  SEQ Figure \* ARABIC 4 : Mike de Glanville et le chariot Buggy de Hiway

Ce pauvre François, charmant garçon et pilote émérite, devait se tuer quelques années plus tard en essayant une aile volante de sa conception, qui avait déjà tué son frère . Que Dieu ait son âme et celle de ses parents .
Les sauts de puce
Nous voilà donc (co)propriétaires d’un véritable avion, au sens étymologique du mot, c’est à dire un engin capable de nous promener dans les airs, en principe là où nous voulions, quand nous voulions, soit à peu prés le contraire de l’avion d’aéro-club !… restait à apprendre à le piloter !

Nous prîmes donc nos habitudes sur ce terrain d’aviation désaffecté (réhabilité et goudronné depuis), où le maquis commençait à repousser en de nombreux endroits, ce qui fait que nous devions plus ou moins slalomer entre les buissons…mais c’était déjà assez dur de tenir la ligne droite, alors pour le slalom !…De surcroît, ce terrain a la particularité d’être en travers du vent dominant (la brise de mer), ce qui compliquait sérieusement notre tâche…aussi nous fallait-il être en piste très tôt le matin, pour profiter au maximum du temps calme . C’est ainsi que, petit à petit, au cours des deux ou trois dimanches qui suivirent, nos trajectoires se firent de plus en plus contrôlées, ce qui n’a rien d’évident car en pendulaire la direction est assurée à la fois avec les pieds, posés sur un palonnier, et avec la barre de contrôle balancée de droite à gauche. Après avoir dominé la trajectoire, nous pouvions accélérer un peu et commencer à pousser sur la barre, ce qui a pour effet de faire lever la roue avant (qui donc perd toute efficacité) : le contrôle de l’appareil ne se fait plus que par la barre, ce qui est finalement bien pratique ! Arrivés à ce stade, il ne reste plus grand chose à faire pour se retrouver en l’air…un tout petit peu plus de gaz et ça y est , c’est parti pour le premier saut de puce !

Ce premier saut de puce, le premier instant où l’on se retrouve seul en l’air, totalement maître de la suite des événements dans les trois dimensions, même à 1 m de haut, est un grand moment ! Pour ma part, j’avoue que j’étais si crispé sur la barre que je me suis senti soudain incapable de tout mouvement, alors que je m’étais jusqu’alors plutôt bien débrouillé : seul le réflexe de l’automobiliste a joué : j’ai levé le pied (en Pendulaire, l’accélérateur est au pied puisque les mains sont sur la barre), et l’appareil, docile, s’est posé tout seul droit devant lui, après être monté à 1 ou 2 m seulement . Par la suite et avec la décontraction progressive du pilote, les choses allèrent de mieux en mieux, les vols de plus en plus longs et hauts ; je commençais également à tâter le contrôle en latéral, avec de petits virages timides, jusqu’au moment où, le bout de piste approchant (8OO m quand même car nous avions entre-temps enlevé les buissons), vint la décision importante…de faire le tour de piste, ce qui sous entend au moins deux virages à 180°…

Ce fut fait, pour moi, au bout de deux ou trois heures de ces exercices que je persiste à considérer comme relativement peu dangereux et remarquablement formateurs. En effet, combien d’heures aurais-je passé, en double commande dans un aéro-club, avant d’en arriver là ? D’ailleurs, nous étions quatre à nous relayer et à nous soutenir réciproquement et nous sommes tous parvenus à dominer notre engin, certes dans des temps différents car notre culture aéronautique était très inégale, mais en tous cas sans aucune égratignure !(il n’en fut pas de même pour l’avion , sur lequel nous passions la semaine à bricoler afin de pouvoir voler sans faute le week-end suivant : mais les dégâts se sont toujours limités au train d’atterrissage, moteur et autres broutilles, jamais aux éléments vitaux de l’appareil (sur un pendulaire, seule l’aile est un élément vital) . De plus, nos essais furent grandement contrariés par ce problème de vent de travers : faire de l’école en solo n’est pas toujours évident, mais par vent de travers, c’est franchement scabreux et ce fut la cause de bien des ruptures de train et de roues !
Mais cette période fut une des plus exaltantes de mon existence, et je pense qu’il en fut de même pour mes camarades. Elle s’apparente en tous points à l’époque d’avant guerre , où l’école de pilotage planeur se faisait également sur des planeur monoplaces lancés au sandow !
Les premiers vols
Tout fiers de notre compétence fraîchement acquise , nous commencions à nous promener à droite et à gauche, à nous écarter du terrain de plus en plus, voire même à en essayer d’autres, beaucoup plus petits et folkloriques, au milieu des champs, ainsi qu’il convient à un vrai pilote d’U.L.M. (le terme, sans doute, est apparu vers cette époque).
C’est alors que commencèrent les problèmes mécaniques : notre petit moteur Valmet (pourtant une grande marque Suédoise !), censé nous délivrer ses 10 chevaux toute sa vie durant, commençait à ne nous fournir, la plupart du temps, que 5 ou 6 chevaux et autant de bourricots ! Notre malheureux appareil se traînait de plus en plus prés du sol et ne voulait pratiquement plus quitter la planète. Je me souviens même qu’un jour, revenant au terrain en urgence, moteur à bout de souffle, un petit pin de 2 m de haut me barrait le passage…n’osant pas virer pour l’éviter, je tentais de passer au dessus ! mal m’en a pris car j’en accrochais la cime …et me retrouvais le nez (de l’avion, pas le mien) planté en terre et la fourche tordue (ce fut d’ailleurs, si mes souvenirs sont bons, la seule casse que j’ai eue avec cet appareil).
Bien d’autres incidents ou mésaventures sont à porter au crédit de cette période et de celle qui suivit, et ils ne me furent évidemment pas réservés ! La vraie valeur de cette période merveilleuse, outre la grande liberté dont nous jouissions, réside dans la relative sécurité du vol ultra lent, et aussi, ce n’est pas négligeable, dans le coût modique de nos appareils. Je crains fort qu’on ait beaucoup perdu en s’éloignant de cet idéal, et j’avoue y avoir un peu participé par mes réalisations ultérieures .

Pour situer un peu l’ambiance de l’époque (on dirait que je parle de l’Antiquité !), il faut également évoquer le contexte administratif : par une chance inouïe , l’Administration n’a pas vu venir le coup et s’est laissée piégée (elle essaye d’ailleurs toujours aujourd’hui de se rattraper et de couler le mouvement par tous les moyens … faites lui confiance, elle y parviendra un jour , avec l’aide de certains !). Tout vient de ce qu’à l’origine, il y eut quelques téméraires pour se lancer dans les airs accrochés sous des voilures rudimentaires et généralement « home made ». Comme on ne pouvait raisonnablement les qualifier de Planeur, l’Administration résolut de ne pas s’en occuper…Bien lui en a pris car elle n’aurait jamais pu supporter qu’on puisse vraiment voler avec ces engins là ! Et puis, toujours les mêmes originaux ont entrepris d’y monter de petits moteurs, transformant leur engin en véritable Avion, mais sans le dire et c’est là que nos « empêcheurs de voler en rond » (notre chère Administration !) auraient pu stopper net le mouvement en lui appliquant toutes les contraintes absurdes qui avaient déjà tué plusieurs fois l’Aviation Légère par le passé (mouvement Pou-du-Ciel notamment). Mais si, mais si, on peut tuer quelqu’un plusieurs fois, s’il a le bon esprit de renaître !

Mais faut quand même pas charrier, au bout de quelques jours de ces activités hautement délictueuses qui consistent à vouloir à tout prix (bas) s’envoyer en l’air avec un engin non conforme au Règlement, les pandores ont quand même débarqué !

« PAPIERS S’IL VOUS PLAIT » (car les pandores sont polis, en général !)…évidemment, nous n’en avions aucun, bien sur ! c’est que pendant tout ce temps où nous faisions les imbéciles à vouloir voler, l’Administration, elle, avait travaillé ferme à vouloir nous en empêcher ! une circulaire était sortie depuis peu, requerrant notamment des papiers pour l’avion et un brevet pour le pilote…(seul l’ami Jojo était en règle de ce coté là, ayant passé son brevet de pilote il y a fort longtemps, brevet considéré comme toujours valable, quelque soit l’U.L.M. !), toute chose que nous ignorions (ou feignions d’ignorer, il faut le reconnaître).
Avec les pandores, la chose put être arrangée assez facilement, mais contre la promesse formelle (promis, juré) de nous mettre en règle…ce qui fut fait sans peine pour les papiers de l’avion (Ah, la belle époque !), et un peu plus difficilement pour le brevet de pilote : comme il n’y avait pas d’école, ni de double commande, il ne pouvait y avoir d’épreuve pratique ! l’Administration se contenta donc de me faire passer une épreuve théorique (en fait le théorique Planeur, car ils n’avaient pas eu le temps de préparer une épreuve U.L.M. –ils se sont bien rattrapés depuis !). Bien sûr, ce brevet n’était valable qu’en monoplace, et c’est bien normal : chacun est en droit de risquer sa vie, mais pas celle des autres de façon inconsidérée ; d’ailleurs, par la suite, je n’ai jamais aimé emporter un passager, bien que j’aie été amené à le faire souvent.
Figure  SEQ Figure \* ARABIC 5 : Jojo sur son HIWAY mark II moteur FUJI-ROBIN
La puce du ciel I








Figure  SEQ Figure \* ARABIC 6 : Puce du ciel I












Figure  SEQ Figure \* ARABIC 7 : Puce du ciel I
Décidément, les médiocres performances de notre chariot HIWAY, et plus particulièrement le « coup du petit pin « (à ne pas confondre avec le « coup du lapin «) commençaient à me décevoir outre mesure. Et nos compétences nouvelles nous amenèrent rapidement à souhaiter plus d’indépendance, donc à posséder chacun notre appareil.

L’ami Jojo, de loin le plus à l’aise, fit l’acquisition d’un très beau pendulaire HIWAY mark2, à moteur FUJI-ROBIN 18 CV réducté, muni d’une aile D.S.T.I (Double Surface à Transversale Intégrée, aile rapide et maniable), Lucien et Francis se partagèrent un chariot VELIPLANE à moteur SACHS 340, 23 CV non réducté et aile classique, quant à moi, le virus de la bricole me reprenant, je décidai de construire moi même un chariot pendulaire, tout en achetant bien entendu mon aile chez un bon fabriquant .
Commencé en avril 1981, mon chariot pendulaire tout en contreplaqué fut achevé 5 mois après, courant août . C’est, à ma connaissance, le seul avion au monde à avoir été construit dans une cave de 2 m x 3 m ! Il était motorisé par un SACHS monocylindrique de 340 Cm3, développant 23 CV et poussant 67 kg sans réducteur avec une hélice d’1 m de diamètre (mais avec beaucoup de bruit …mes voisins étaient quand même de bonne composition !). Je l’ai équipé d’une aile Atlas de 18 m2, puis d’une D.S.T.I. de 16 m2 (une X RAY de vol libre achetée d’occasion). Le total, aile d’occasion et moteur compris, m’avait coûté 13.500 F, ce qui, même à l’époque, ne faisait pas cher !
J’ai baptisé plus tard cet engin la Puce du Ciel un peu par dérision et par référence au Pou du Ciel, engin mythique pour moi car, comme Obélix qui est tombé dans la Potion Magique quand il était petit, moi c’est dans un Pou du Ciel et par extension, dans l’aviation en général .
Vint en septembre le moment des premiers essais, et le début de ma longue carrière de pilote d’essai amateur . Les lignes qui précèdent permettent de se rendre compte que ce n’est pas une galéjade : je devais avoir en tout et pour tout 4 ou 5 heures de vol sur notre engin collectif quand j’ai du prendre en mains mon nouveau chariot, beaucoup plus puissant et performant que le précédant . Il se trouvait par hasard que mon père était de passage en Corse ce jour là, et je ne pouvais faire autrement que de l’inviter à assister à ces premiers essais, ainsi qu’un copain qui passait également par là . En principe, j’ai toujours préféré limiter au strict minimum les spectateurs pour des essais, mais j’y suis rarement arrivé, pour des raisons diverses. En tous cas, il ne me viendrait jamais à l’esprit de choisir, par exemple, une manifestation publique ou un rassemblement pour essayer un nouvel engin, ce que j’ai vu faire une fois, avec un résultat désastreux bien entendu !

Me voici donc de nouveau sur la grande piste de Ghisonaccia, à tâter les premières réactions de mon nouvel appareil , puis m’enhardissant progressivement, il fallut bien mettre de plus en plus de gaz : les avions ont en effet ceci de particulier qu’on y apprend pas grand chose tant qu’ils sont au sol ! Le premier saut de puce se passa relativement bien, quoique l’appareil manifesta un centrage arrière manifeste, que je parvins à contenir en mettant la « barre au ventre » (en avion classique, on met le « manche au tableau » , mais ici c’est le contraire). Les choses auraient dû en rester là, pour la journée, et une rapide rectification du centrage s’imposait ; au lieu de ça, j’ai voulu en avoir le cœur net (et peut être aussi mon amour propre en présence des spectateurs dont un qui m’était particulièrement cher) et j’ai tenté un second saut de puce, un peu plus long et plus haut bien sûr…cette fois, la barre au ventre n’a pas suffit, l’appareil a commencé à monter, j’ai réduit les gaz et le décrochage, heureusement doux sur ces appareils, n’a pas traîné : je ne suis retrouvé au tapis un peu brutalement, la roue avant tordue mais les câbles arrière de l’aile enroulés autour de l’hélice, avec pour conséquence une aile en piteux état . Je ne tardais pas à voir arriver mon père, livide et essoufflé, qui croyait ma dernière heure arrivée ! Je m’en voudrai toujours pour la peur que je lui ai faite ce jour là.

Cette fois, il fallut bien rentrer, la queue basse (la mienne, pas celle de l’avion, qui d’ailleurs n’en avait pas !). La réparation fut rapide et le défaut corrigé en avançant le point d’accrochage du chariot sur l’aile de 13 cm (ce qui est beaucoup, j’en conviens). Par la suite, la Puce du Ciel s’avéra un merveilleux engin, parfaitement réglé et sûr, avec lequel j’eus infiniment de plaisir à voler, je pense plus qu’avec tout autre appareil, peut être à cause de sa simplicité et de la grande sécurité qui s’en dégageait.

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 8 : Frédéric sous son Quicksilver à moteur
Pendant ce temps, mes petits camarades ne perdaient pas le leur, et s’exerçaient aussi sur leurs machines respectives, tandis que le mouvement U.L.M. se développait rapidement : au petit groupe de quatre qui formait le noyau d’origine, s’étaient joints des nouveaux venus, en particulier Claude , Frédéric et Charlie . Ces deux là méritent ici une petite mention spéciale : Frédéric (le plus jeune de la bande), possédait un QUICKSILVER identique à celui que j’évoquais au début du présent mémoire.

C’était, déjà à l’époque, une espèce de relique (en ce temps là, les modèles vieillissaient vite !) qui cependant marchait très bien . Il avait la particularité, entre autres, de voler très lentement et de décoller très court, de n’importe quel champ, plage ou autre : en fait, c’était le descendant direct des modèles à décollage à pied, mais pourvu de roues (en effet, le décollage à pied, qui caractérise encore le Vol Libre au sens Administratif, nécessite avec un moteur des qualités sportives hors du commun).
Charlie quant à lui, possédait je crois, un des premiers biplaces pendulaires.

L’accident
Donc un jour, revenant avec ma Puce d’une longue ballade, m’approchant du terrain, j’aperçois en bout de piste un bien étrange appareil, avec plusieurs ailes un peu dans tous les sens ; me rapprochant encore, je réalisais avec horreur qu’il s’agissait de deux appareils enchevêtrés …Me posant affolé, je me précipite en craignant le pire , mais je découvre bien vite que tout le monde se porte comme un charme et qu’il n’y a finalement, que de la tôle, pardon, des tubes froissés ! Ce pauvre Frédéric, qui s’apprêtait à décoller en bout de champ, venait de recevoir sur le dos le dénommé Charlie… un coup vraiment très, très dangereux, même aux vitesses de l’époque ! C’aurait pu être, en tous cas, le premier accident grave d’ U.L.M. en Corse. Les deux appareils purent d’ailleurs être réparés…il n’en fut pas de même, hélas, des relations entre les protagonistes !

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 9 : Accident entre 2 ULM
Une autre fois, nous avons étés très inquiets de ne pas voir revenir l’ami Jojo…il était tombé en panne de moteur et s’était posé…sur un olivier ! (là encore avec seulement quelques dégâts matériels, notamment à l’olivier !).

Tout ceci pour montrer, une fois de plus, combien les faibles vitesses de l’époque étaient facteur de relative sécurité, ce dont nous sommes bien loin maintenant que le mouvement U.L.M. reste le regard rivé sur les performances des avions de course .
Cependant, au bout de quelques mois de bons et loyaux services, je commençais à rêver « d’autre chose », et le virus de la construction me reprit.

Je cédais la Puce à mon père qui, à 71 ans, avait retrouvé le goût du vol et venait de passer (en biplace) sa qualif de pilote pendulaire (bien que son brevet de pilote avion ,de 1935, soit resté valable pour l’U.L.M. ; une fleur de l’administration, pour une fois !). Ainsi, la Puce-du-Ciel continua sa carrière sur un terrain Lyonnais, hélas pas très longtemps car mon pauvre père, se sentant fatigué , revendit la Puce au club U.L.M. de Blois, où il finit sa carrière (l’avion, pas mon père !) sur rupture de vilebrequin .

Mais cet excellent appareil ne resta pas en exemplaire unique car j’en réalisais un plan, tenant sur un demi m2, avec une notice d’une dizaine de pages, que je vendais pour 4 sous. Il s’en est suivi une petite dizaine de réalisations, ce qui, compte tenu de mon isolement géographique, n’est pas si mal que cela. De plus, vu son prix de revient , il fut essentiellement réalisé par des jeunes . Je regrette bien, maintenant, de ne pas être resté plus longtemps sur ce créneau bien sympathique …Mais j’ai toujours été trop attiré par la nouveauté, et je me lasse trop vite de ce qui est bien au point…

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 10 : Trois PUCE DU CIEL très réussies
L’Hydroplum
Figure  SEQ Figure \* ARABIC 11: L’Hydroplum I dans la baie de St Florent
C’est vrai qu’habitant en Corse (une île entourée d’eau et de monopoles, comme on dit ici !), vivant dans un appartement « les pieds dans l’eau » de surcroît, il était bien tentant de réaliser un hydravion ! D’autres arguments plaidaient en faveur de cette formule : la sécurité tout d’abord, car mon chariot pendulaire n’aurait pas supporté le moindre amerrissage (et encore moins les autres, faits de tubes) , ensuite la possibilité de voler un peu partout en partant de n’importe quelle plage, ce qui fut relativement possible, surtout à l’époque ; il y avait aussi et surtout en moi une très ancienne relation entre l’eau et l’air, une sorte de besoin irrésistible de me trouver dans cet interface à la fois physique et mental . C’est ainsi que, arrivé à maturité, ayant déjà une assez grande expérience en aéronautique, essentiellement héritée de mon père, et également une bonne expérience de la navigation à voile, essentiellement acquise tout seul, je me suis lancé à corps perdu dans l’invention et la mise au point d’engins inconnus alors : les voiliers à hydrofoils. Cette période d’inventions et d’expérimentations, longue et difficile, s’étend de 1963 à 1978, et a donné lieu à un autre ouvrage, purement technique celui-là, qui n’a d’ailleurs pas été publié : il faut dire qu’à l’époque de ma cessation d’activité dans ce domaine, je ne croyais plus guère à la formule, qui a pourtant continué lentement à progresser, mais sans moi .

Or qu’es-ce qu’un voilier à hydrofoils, également appelé « bateau volant « , sinon l’expression parfaite de l’engin naviguant à l’interface eau-air (quoique toujours en contact avec l’eau, à la différence des EKRANOPLANES, ou avions à effet de surface , qui eux ne touchent pas l’eau du tout mais restent toujours au raz de l’eau). L’hydravion donc s’imposait tout naturellement comme le prolongement quasi en continu du voilier à hydrofoils, simplement en volant un peu plus haut ! Les techniques de construction, la bases aérodynamiques et hydrodynamiques étant évidemment les mêmes , il m’était donc relativement facile de passer de l’un à l’autre. Une seule différence fondamentale subsiste : l’un volant beaucoup plus haut que l’autre, les chutes n’ont pas les mêmes conséquences …un soin beaucoup plus grand devait donc être apporté, tant aux calculs qu’à la réalisation . Heureusement pour moi, le domaine de l’aéronautique était infiniment mieux connu à l’époque (et encore maintenant !) que celui des hydrofoils . En fait, par certains cotés, c’était nettement plus simple :les voiliers à hydrofoils posent des problèmes énormes de stabilité, de manque de puissance, de tenue à la mer, e t c…, bien pires que les hydravions, croyez en mon expérience ! D’ailleurs, si l’hydravion était aussi dur à faire voler que les voiliers à hydrofoils, je n’aurais sûrement pas survécu pour rédiger ces lignes !

Ainsi donc, lassé je ne sais pourquoi de mes ballades en Puce du Ciel, je mis en chantier le 15 octobre 1982 un hydravion en contreplaqué (toujours cette expérience du voilier !), de configuration dite 3 axes, c’est à dire pourvu d’une queue et de gouvernes classiques . L’étude fut sans doute lancée quelques mois auparavant, mais je n’ai pas retrouvé d’éléments de datation de cette période (il faut dire que je ne suis pas très conservateur, et encore moins « dateur « !) En tous cas, elle n’a pas duré plus de trois ou quatre mois, avec il est vrai des plans tout ce qu’il y a de plus sommaires, à usage purement interne ! je ne réalise en effet des plans détaillés qu’après construction et mise au point, car à quoi servirait de fignoler des plans pour les chambouler complètement ensuite : mes plans actuels sont ce qu’on appelle en Génie Civil des « plans après exécution « (je les réalise quand même aussi vite que possible, afin de ne pas oublier certains détails).

Si la Puce a pu être construite dans ma cave, il n’en était pas de même de l’Hydroplum (puisque c’est le nom donné à cet hydravion, avec une allusion subtile à sa légèreté – à la condition de ne pas faire une faute de frappe comme sur un document Américain où j’ai découvert avec horreur HydroplumB, ce qui est une allusion au plomb !). Il fut donc réalisé dans un garage donnant sur la rue principale du village, ce qui me valut pas mal de visites, notamment des enfants du voisinage qui constituent à mon sens de loin les visiteurs les plus intéressants : ce sont d’ailleurs à peu prés les seuls à être véritablement et sincèrement intéressés ; la plupart des adultes se foutent bien de ce que je fais, quand ce n’est pas pour me désapprouver ! Je connais bien des adultes qui, rentrant dans mon atelier, ne font pas plus de cas de l’engin qui s’y trouve que s’il s’agissait d’une brouette … l’amour-propre en prend tout de même un coup !

La construction ne me prit que 10 mois puisqu’il a été achevé le 15 août 1983 (soit environ 600 heures de travail à raison d’une quinzaine d’heures par semaine). Les essais purent donc être lancés début septembre, ce qui pour un hydravion (il n’était pas encore amphibie à l’époque), était d’un intérêt évident.

Il convient d’ouvrir ici une petite parenthèse qui mérite bien le détour !
Etant comme chacun sait pilote « émérite « de pendulaire et titulaire du brevet de pilote U.L.M. qui me permettait à l’époque de piloter n’importe quelle machine rentrant dans cette catégorie, je me posais la question de savoir si j’allais passer sans coup férir au pilotage dit 3 axes qui n’avait strictement rien de commun avec le pendulaire, et même à l’inverse par certains cotés . Je crus donc opportun de faire un peu de double commande avec un pilote et un avion d’aéroclub…l’expérience n’excéda pas la demi heure et se borna à une série de virages plus ou moins académiques :« attention à ta bille… ta pente …ton virage n’est pas bien rond …etc… » et bien entendu, pas question de toucher au manche pour le décollage et l’atterrissage ; bref, on me fit comprendre que j’étais un bleu intégral (ce qui était vrai, en un sens !) , et que j’en avais bien pour 10 ou 15 heures avant d’envisager d’être lâché ; de cela, il n’en était pas question, j’avais mieux à faire !

Il ne me restait plus qu’à recommencer le coup de l’école en solitaire, avec cependant une petite difficulté supplémentaire : je devais en même temps jouer au pilote d’essai puisqu’il n’était pas question que je confie mon appareil à quelqu’un d’autre pour le premier vol (c’est en tous cas mon point de vue, et de toutes façons, les candidats ne se bousculaient pas).

Heureusement, j’avais construit un hydravion, ce qui me permettait d’envisager :
des essais sur un plan d’eau immense, pratiquement infini, toujours plat et dans l’axe du vent (on se souvient des problèmes de vent de travers sur la piste d e Ghisonaccia),
en cas de menus incidents ou bavures de jeunesse du pilote ou de l’avion, l’eau reste malgré tout un matelas amortisseur, jusqu’à un certain point bien sûr, qu’il ne fallait pas dépasser.

Cependant, pour être plus tranquille lors de ces premiers essais, je préférais à la mer un plan d’eau de grand barrage (dont j’étais à l’époque le responsable technique, ce qui me facilitait bien les choses), et j’attendis bien entendu une journée sans vent.
Pour ce qui est de la tranquillité, ce fut complètement raté car tous mes copains, à qui je n’avais pu cacher la chose, se donnèrent le mot et étaient tous présents, caméra au poing, plus quelques touristes qui passaient par là ! (en compensation, ça m’a facilité la mise à l’eau et me permet d’avoir une vidéo de ces premiers instants).

Ayant revêtu, à tout hasard, mon gilet de sauvetage et accompagné d’un bateau de sécurité, je m’éloignais donc du bord et gagnais sans peine le bout du plan d’eau pour disposer d’un maximum de place (environ 1800 m, ce qui est quand même mieux qu’un terrain d’U.L.M. courant). A la mise de gaz, les problèmes n’ont pas tardé : une gerbe d’eau, partant des emplantures de mats qui plongeaient dans l’eau, était projetée dans l’hélice, avec un bruit sinistre et une forte baisse de régime : pas même question de passer sur le redan…en attendant, je prenais quand même contact avec mon nouvel engin et ce n’était pas du temps perdu . Rentré au point de départ, je constatais que l’hélice avait perdu un sérieux bout de bord d’attaque, littéralement rongé par l’eau. Une sérieuse révision s’imposait, ainsi que des solutions de protection contre les projections d’eau .

L’hélice fut donc réparée et renforcée d’une couche de fibre de verre. Quant aux projections, mes compétences en matière de voiliers à hydrofoils furent mises à profit sans délai : les bases de mâts immergées furent carénées de façon hydrodynamique, c’est à dire avec un bord d’attaque long et tranchant en tôle, ressemblant un peu à une hache, très agressive pour les tibias, mais très efficace contre les projections d’eau. Ce dispositif à été complété par des petites ailettes déflecteurs placées en avant de l’hélice (dispositif qui s’est avéré inutile et que j’ai enlevé par la suite)

Une deuxième sortie fut donc tentée quinze jours plus tard, mais les gerbes d’eau restantes (faut pas rêver, il arrive toujours de l’eau dans l’hélice, mais en quantité acceptable) bouffent gaillardement le revêtement en fibre de verre : la fibre de verre n’est donc pas la solution. Mais pendant ces essais, je commençais à mieux sentir mon appareil, et je commençais à accélérer suffisamment pour passer sur le redan, sans pour autant décoller.

La semaine suivante, donc fin septembre, je revins avec une hélice blindée en tôle d’alu . Euréka, cette fois, l’hélice ne bouge plus, et je peux commencer à mettre la gomme : le résultat ne se fait pas attendre et le décollage est rapide, suivi d’un petit palier à 3 ou 4 m de hauteur sur 200 à 300 m, et d’un amerrissage droit devant…. pas brillant du tout : l’appareil touche beaucoup trop vite et rebondit deux ou trois fois avant qu’il se calme. Comme cela se reproduit à chaque fois, au cours de vols de plus en plus longs et malgré mes efforts désespérés pour l’arrondir correctement, je n’insiste pas davantage et décide de rentrer et de réfléchir (il est bien évident que cette méthode prudente est seule gage de survie : cela mérite bien d’insister lourdement là dessus, et de commencer à tirer quelques règles générales concernant une méthode aussi prudente que possible pour les essais d’avions : je ne manquerai pas d’y revenir aussi souvent que possible).

En analysant calmement les événements, il apparaît tout à fait évident que l’appareil est très fortement piqueur, mais pas du tout instable. Un contrôle approfondi de l’appareil fait apparaître que l’inter inclinaison (calage d’empennage) est trop faible (1,5 °) et donc que le vol horizontal est obtenu en tirant sur le manche, et que l’arrondi ne pouvait être obtenu car la gouverne était en butée arrière. Ce calage est donc porté à 2,5 °, ce qui est beaucoup plus normal.
Par ailleurs, comme les derniers « sauts de puce » commençaient à prendre l’allure de « sauts de kangourou », je voyais arriver le bout du barrage de plus en plus prés et il me fallait envisager un « tour de piste » complet, ce que je trouvais encore un peu hardi… Je décidais donc de déménager vers des cieux plus dégagés, à savoir la mer !

Me voici donc début octobre dans le golfe de St Florent, par une belle journée d’automne, mais comme il fallait s’y attendre, la mer est un peu agitée (50 cm de creux) Tant pis, j’essaye quand même puisque les décollages et amerrissages me sont devenus presque familiers (je devais bien totaliser 5 minutes de vol, mais cela représentait une bonne dizaine de décollages et amerrissages : toujours l’intérêt du pilotage en solo ! combien de tant aurais-je passé en double commande pour en arriver là ?). Cette fois, j’ai presque l’infini devant moi et je suis bien décidé à en profiter : au premier vol, je monte à une cinquantaine de mètres, puis entame un grand virage à faible inclinaison (n’oublions pas que c’est pratiquement mon premier virage en 3 axes !).
Le nez de l’appareil est toujours lourd et de plus mon contrôle d’inclinaison (des spoilers, qui ne valent pas les ailerons) est plutôt mou . Mais me revoilà au dessus de mon point de départ, il ne me reste plus qu’à réduire et à me poser, mais ça, je sais déjà bien faire, sauf que les vagues aidant, et l’appareil toujours trop centré en avant refuse d’arrondir correctement, avec pour résultat un magnifique « splasch », suivi d’ailleurs de deux ou trois autres ! (heureusement que mon moniteur n’était pas là).

Décidément, il va falloir agir sérieusement sur le centrage , quoi qu’il m’en coûte .
Après vérification, le centrage est à 24 % , ce qui est nettement trop avant . Pour corriger un peu, je recule la batterie au maximum, ce qui recule le centrage de 2% : c’est peu mais on verra bien !
Le 9 octobre (tiens, j’ai vraiment progressé dans la tenue de mon carnet d’essais : les dates y sont enfin, ce qui montre que je commence à prendre ce carnet au sérieux) : nouvel essai au même endroit, mais par mer d’huile cette fois : quel plaisir ! Le progrès est très net et je fais prés d’une heure en quatre vols , qui me permettent de noter que le nez est encore trop lourd, et que l’appareil tire nettement à gauche .
Cette fois, il faut y passer : je mets 2 kg de plomb dans la queue (quand je pense aux efforts que j’ai faits pour gagner gramme par gramme !), augmente encore un peu l’incidence et rectifie le calage des ailes d’un micropoil (le micropoil, sous multiple du poil, est une unité très importante dans la famille des constructeurs amateurs, mais que WINDOWS ne connaît pas !)
Le 16 octobre, jour de gloire ! il fait un temps splendide, la mer est d’huile, l’engin est enfin bien réglé et je peux le prêter pour la première fois, pas à n’importe qui : à Roland MAGALON, un des pères de l’U.L.M., qui passait par là et qui, malgré ses 97 kg, réussit deux vols magnifiques, alors qu’il n’avait jamais piloté d’hydravion . Je suis vraiment très fier !
Par la suite, les heures de vol s’accumulèrent vite, sans aucun problème. Je le prêtais à pas mal de gens, mais surtout à mon grand copain Claude, que je n’ai pas encore évoqué ici, bien qu’il ait tant compté pour moi ; j’y reviendrai plus tard.

En relisant mes notes, je retrouve quand même la trace de quelques modifications notables, réalisées essentiellement durant l’hiver 84 :
pour compenser le centrage trop avant, les ailes ont été avancées de 7 cm, et bien sûr le lest de queue enlevé
l’arbre de transmission a été renforcé
une nouvelle hélice et un pot d’échappement de fabrication maison ont été installés, avec un gain très appréciable de performances (gain de 25 % de puissance, le régime passant de 6000 à 6300 tours/mn)

Le 26 mai 84, mon vilain petit canard prend contact avec un nouvel élément qui lui était étranger jusqu’à présent : le plancher des vaches ! Enfin muni de son train d’atterrissage relevable, mon hydravion est enfin devenu un véritable amphibie, ce qui lui donne une toute autre dimension. Me voici de nouveau sur le terrain de Ghisonaccia qui semble décidément avoir été fait pour moi car j’en étais à l’époque presque le seul utilisateur . Ces essais sur la terre ferme ne posèrent aucun problème ; il est vrai qu’ils furent faits par temps très calme et surtout pas avec du vent de travers car mes habitudes de pilote d’hydravion qui ne connaît que le vent dans l’axe de la « piste « m’ont toujours fait redouter ces conditions.

C’est le 2 juillet que je connus ma première panne de moteur, au dessus de l’eau heureusement ! Rentrant d’une promenade au dessus du golfe de St Florent, j’eus l’idée de tenter un record de vitesse au raz de l’eau (disons, vers 1 m d’altitude !) ; c’est ainsi que j’arrivais à l’époustouflante vitesse de 110 km/h ! Mais ce qui devait arriver arriva : le moteur surchauffé grilla une bougie (sur 2) et s’arrêta net … il ne me restait plus qu’à attendre que la vitesse passe tranquillement de 110 à 50 km/h pour me poser droit devant moi, sur la mer calme . Sur l’eau, j’ai pu démonter ma bougie, mais pas la changer, hélas, car je n’en avais pas à bord ! Il ne me restait plus qu’à rentrer sur un cylindre, en me traînant sur l’eau pendant une bonne heure, mais finalement très fier du remarquable coefficient de sécurité apporté par ma formule .
Puisqu’il est bien connu que les gens heureux n’ont pas d’histoire, et que je n’ai plus rien marqué sur mon carnet d’essais , il me faut bien conclure que cette année 1984 fut particulièrement heureuse. D’ailleurs, la notoriété commençait à poindre, non seulement dans le milieu de l’U.L.M. à la suite des nombreux articles parus dans la presse spécialisée, mais même dans le grand public puisque l’émission THALASSA m’avait consacré tout un sujet (avec un autre hydravion tout de même, le CESSNA à flotteurs de l’Hydro-club d’Ajaccio), tourné en juin 84 dans le golfe d’AJACCIO. Un sujet en entraînant un autre, ce fut ensuite FR3 Corse qui fit sur l’HYDROPLUM un magnifique reportage d’un quart d’heure, tourné en novembre 84, par un temps splendide, dans le golfe de St Florent, où on me voit évoluer en compagnie de Claude sur son pendulaire (celui que Jojo avait planté dans l’olivier !). Il est vrai que c’était l’age d’or de l’U.L.M. et que tous les journalistes étaient à nos pieds…ça a bien changé depuis : « la roue tourne « , comme on dit !
Quelques mésaventures
Mais il me revient à l’esprit quelques mésaventures plutôt comiques qui méritent d’être relatées ici :
Le contact :
Je volais quelque part en plaine, dans la région de Ghisonaccia, à un altitude de l’ordre de 200 à 300 m, quand d’un seul coup…le moteur s’arrête net. Bien entendu, mon premier réflexe est de rechercher d’urgence un terrain pour me vacher ; à cette altitude et en plaine, j’en repère immédiatement 2 ou 3 et, rassuré, il me vient l’idée de tenter de redémarrer : c’est alors que je m’aperçois que le contact était coup項 je l’avais coupé moi même, par inadvertance, en tripotant quelque chose dans le fond du cockpit ! Autant vous dire que dés le vol suivant, cet interrupteur a été sécurisé, et que je n’ai pas regretté mon démarreur.
Le siège :
C’était en mars 85, il faisait très beau sur le golfe de St Florent et j’attendais un visiteur important. Comme nous avions une ou deux heures devant nous, j’avais confié l’HYDROPLUM à mon copain Claude, certes un peu lourd, mais en qui j’avais toute confiance car il connaissait très bien l’appareil . Mais la mer était agitée , et lors d’un décollage un peu pénible, une roue du train d’atterrissage sortit brusquement, ce qui provoqua une grande gerbe d’eau et surtout un formidable tête-à-queue de l’appareil; sous cet effort rotatif violent, le siège céda et mon copain se retrouva assis au fond de la coque !

Le voilà donc rentrant tout penaud à la plage … (bien qu’il ne fut en rien responsable de ce qui s’était passé car c’était à moi de mieux fixer mon train d’atterrissage !) J’avais donc bien encore un avion, mais sans siège et mon visiteur ne devait plus tarder ! Nous nous mîmes aussitôt en devoir de trouver une solution palliative , et je commençais à désespérer quand je trouvais dans une poubelle une vieille caisse à poissons en polystyrène.

Pas le choix, c’est cette caisse malodorante, vaguement mise en forme à l’aide d’un couteau et sommairement calée, qui devra servir de siège à mon visiteur, qui venait exprès du continent pour essayer l’appareil . Celui-ci arriva heureusement avec un peu de retard : c’était un éminent pilote de CANADAIR et j’étais très angoissé de son jugement sur mon engin, qu’il ne pouvait que trouver bien sommaire…et en plus, le faire asseoir sur une caisse à poissons, quelle honte !
Mais c’était vraiment un type très bien : non seulement il s’assit sans rechigner sur mon siège de fortune, mais en plus il fit sur mon appareil une remarquable démonstration de pilotage, et se déclara finalement enchanté de son essai ; vous imaginez mon soulagement ! Après la visite de Roland Magalon, c’était le second pilote renommé qui essayait mon appareil avec succès et je commençais à entrevoir une possibilité de développement commercial.
Le miroir :
C’est en juillet 84 que j’eus l’insigne honneur de découvrir les joies toutes relatives du plan d’eau miroir, la terreur des pilotes d’hydravions (surtout des pilotes de lacs, car le miroir ne se rencontre guère en mer). Ce jour là j’étais parti de St-Florent pour la Balagne, essayer le plan d’eau du tout nouveau barrage que je venais de terminer. Il faisait un temps splendide et sans un brin d’air, propice, croyais-je, à toutes les fantaisies ! le plan d’eau était heureusement très grand, et à peu prés rond, ce qui permettait toutes les directions d’approche.
Je me présentais donc sur la plus grande longueur, calme et décontracté, et préparais déjà un arrondi magnifique en vue d’un kiss-landing qui en mettrait plein la vue aux éventuels spectateurs (en fait, quelques moutons qui paissaient par là)…mais je me rendis compte tout à coup que je ne voyais plus rien que le ciel, où heureusement il y avait quelques nuages :
Je ne me posais pas sur une surface, j’étais plongé dans l’immensité des cieux et bien entendu je n’avais plus aucune idée de l’altitude où je me trouvais ! surpris, je n’eus pas le réflexe de me chercher des repères terrestres qui pourtant n’étaient pas bien loin, et je me contentais d’attendre la suite des évènements, qui ne tardèrent pas, forcément ! en fait de kiss-landing, je fis le pire amerrissage de ma carrière (ce ne fut pas le dernier, hélas !), touchant l’eau trop vite et sous un angle trop fort : un coup à exploser la coque! heureusement, la vitesse d’approche relativement faible de l’Hydroplum, alliée à son centre de gravité très bas (vous imaginez ce que cela peut donner avec un Cessna à flotteurs !), m’évita le pire. L’engin fit un formidable rebond, qui me renvoya une fois encore « dans le ciel au milieu des nuages ». Une fois là, même réaction…attendre que ça se passe en touchant le moins possible aux commandes (ne jamais oublier que les modèles réduits, par exemple , se posent très bien tout seuls, en tous cas beaucoup mieux que les pilotes qui s’affolent !). La plaisanterie s’acheva donc au bout de trois ou quatre rebonds plus ou moins contrôlés, mais avec quand même de belles sueurs froides pour le passager (je n’ose même pas parler de « pilote » en pareil cas).
Après avoir retrouvé mon calme je refis trois ou quatre amerrissages dans ces conditions, avec des succès divers. J’obtins un résultat à peu prés correct en utilisant la méthode de l’ombre : on se place de façon à avoir, de préférence un peu en avant, l’ombre de l’appareil qui se réfléchit sur l’eau ; au fur et à mesure qu’on se rapproche de l’ombre on commence l’arrondi, qui se termine lorsque l’ombre touche la coque : c’est qu’on est posé ! à mon avis, avec une bonne centaine d’heures de cet exercice, on doit commencer à être bon !
De toutes façons, le miroir est le sujet de conversation préféré des pilotes d’hydravions, ils sont intarissables là dessus et ont chacun leur propre méthode : certains lancent des cailloux dans l’eau pour faire des ronds (à défaut, les gilets de sauvetages, bouteilles et tous objets à portée de main , à l’exclusion des passagers, mais je n’en suis pas sûr), d’autres contrôlent la pente de descente aux instruments, etc…
Je suis paumé :
C’était en septembre 84, j’étais monté au rassemblement d’U.L.M. de Blois, l’avion sur sa remorque bien sûr ! Après quelques démonstrations sur le terrain, il fallait bien sûr que je fasses une démonstration aquatique et pour cela les organisateurs avaient obtenu, à titre exceptionnel hélas, l’autorisation d’utiliser la LOIRE un peu à l’extérieur de la ville . Pas de problème pour m’y rendre car il faisait encore beau, ni pour la démonstration qui fut sans histoire. Mais au retour, le temps s’était gâté, il pleuvait, le plafond était descendu aux environs de 100 m , et je n’y voyais plus grand chose . Mais où était donc passé ce foutu terrain ?… bien entendu, je n’avais pas de compas à bord, et de plus, je n’avais aucune idée de la direction à prendre : je suis un pilote de ciel bleu, moi ! En fait, je n’étais pas vraiment inquiet car les champs ne manquaient pas : toujours la sécurité de l’U.L.M. ! Cependant, je commençais vraiment à trouver que le vol à vue, c’est très bien à condition d’y voir quelque chose , quand je repérais enfin le terrain, presque à court de carburant .

La grande Aventure : mai et Juin 85
Non seulement c’était l’époque bénie de l’U.L.M., mais l’U.L.M. hydravion connaissait son ère de gloire, peut être un peu grâce à moi ! On avait organisé une reconstitution en U.L.M. de la grande course d’hydravions Deauville – Paris de 1913 ! Bien sûr, je me devais d’y participer, bien que ce fusse très loin de mes bases (on a vu plus haut ce que j’étais capable de faire en pareil cas !) . Il se trouvait par hasard que cette compétition se déroulait quelques jours avant le salon de l’Aéronautique du BOURGET , auquel je tenais à participer à des fins évidemment commerciales. Cette conjonction me décida à faire l’investissement en temps et en argent nécessaire, et ce n’est rien de le dire (heureusement, je trouvais pour une fois quelques sponsors qui m’aidèrent à passer ce cap difficile). Je mis donc l’avion sur sa remorque et embarquais le total sur Nice car j’avais une démonstration à faire pour des journalistes à Bandol. Jusque là, rien que de très banal, mais la suite mérite quelques commentaires ! Rendez vous était pris avec les journalistes en début de mâtinée, et le temps était beau ; mais bien entendu ces messieurs sont arrivés en fin de mâtinée et le temps s’était gâté, le vent avait fraîchi et la mer s’était creusée . Et bien entendu, quand on a rendez-vous avec la presse, il est de bon ton d’assurer coûte que coûte ! Voilà ce que je déteste le plus au monde : être obligé de voler, quelque soit le temps ou les circonstances ! c’est certainement une des choses les plus dangereuses qui soient, et l’histoire de l’aviation est hélas jonchée de drames imputables à de telles circonstances.

La démonstration fut donc faite, par une mer très formée avec des creux de 60 à 80 cm, que je n’avais jamais abordés auparavant : en tout cas, la preuve était faite que l’Hydroplum n’était pas qu’un « marin d’eau douce » ! Quant au pilote, il était trempé de la tête aux pieds, et de fort méchante humeur ; mais après tout, les choses ne s’étaient pas si mal passées et j’eus droit à des photos dans VAR MATIN où on se demande si c’est un hydravion ou un sous-marin !
Cette première épreuve passée, je continuais ma remontée sur Paris, et m’arrêtais à Lyon où mon cher Papa m’avait soigneusement préparé l’étape, avec surtout un bon garage pour l’avion car il n’était pas question de le laisser coucher dehors, tout de même . Et là, en rentrant dans le garage, un instant d’inattention et j’accrochais une aile …pas de la voiture, mais de l’avion, ce qui était infiniment plus grave ! Je me retrouvais avec un gros trou dans le bord d’attaque ce qui, à l’atelier, m’aurait bien pris trois jours de réparation , mais qui, si loin de mes bases et à deux jours du départ de la course, constituait une vraie tuile . Mon Papa s’arrachait les cheveux, lui aussi, mais ça n’arrangeait rien . Au bout d’une ou deux heures de réflexion, la décision de réparer coûte que coûte fut prise et commencée aussitôt, afin laisser le temps de durcir à la mousse de polyuréthane que nous avions injectée dans le bord d’attaque.

Le lendemain, triste constat, la mousse avait trop gonflé, comme toujours, et mon pauvre bord d’attaque ressemblait à une patate. La compétition commençait bien mal, mais il fallait continuer à « monter « sur Paris. Le soir, à Paris, dans un nouveau garage mais avec encore moins d’outillage, il fallait finir la réparation ! Ce fut fait, tant bien que mal, avec de la fibre de verre et de la résine époxy en tube trouvée à l’épicerie du coin. Et le lendemain…la résine n’était toujours pas durcie. Mais tant pis, direction Deauville, cette foutue résine finira bien par durcir …en fait, elle ne durcira jamais complètement car elle était de mauvaise qualité !
Cette fameuse course se déroulait en deux étapes , et devait se terminer, non pas à Paris, c’était trop beau, mais aux Mureaux, célèbre base d’hydravions de l’entre deux guerres, réhabilitée pour la circonstance, vu qu’il n’y a plus d’hydravions en France depuis bien longtemps, à part les U.L.M. !

J’eus l’idée saugrenue, avant le départ, de modifier un peu mon réglage de carburateur…mal m’en a pris, bien entendu : le décollage, pourtant par beau temps, fut très pénible ; sans doute aussi l’émotion car je n’étais pas du tout habitué à tant de spectateurs, et ma réparation de fortune m’avait beaucoup stressé : on ne fait rien de bon en de telles circonstances. Le vol le long de la Seine jusqu’au plan d’eau du Vaudreuil, première étape, fut un intense moment de bonheur et d’émotion, hélas un peu gâché par quelques ratés du moteur, dus évidemment à mon bidouillage de dernière minute ! Cette première étape était complétée par une épreuve de précision d’amerrissage hélice calée, dont je me sortis plutôt mal, bien sûr, à cause du stress accumulé.
Le lendemain, le temps s’était gâté et je décidais d’abandonner car je me fichais complètement du classement et je n’avais plus suffisamment confiance dans mon appareil pour voler dans le mauvais temps. Ce qui m’importait, c’était de participer au salon du BOURGET .

Le salon de l’aviation du BOURGET (du 29 mai au 6 juin 1985) :

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 12 : L’Hydroplum I au salon du Bourget
C’était ma première participation au Salon, et ça mérite bien un récit détaillé ! Paradoxalement, la participation à ce Salon ne coûte pas grand chose, tout au moins si on se contente d’un simple emplacement sur le parking réservé aux avions légers et autres U.L.M. Mais en fait sur le vaste parc d’exposition en plein air, tout le monde cohabite et se mélange joyeusement, à quelques mètres de distance, sans barrières ni ségrégation apparente : les U.L.M. sont ainsi mélangés aux chasseurs Soviétiques, par exemple, qui n’ont pas dû payer plus cher que moi leur emplacement (par contre, les grands constructeurs Français ou Américains sont magnifiquement installés, avec des stands en dur où on sert du champagne et des petits fours aux invités de marque (mais quelle marque, au fait ?), mais là, ce n’est plus du tout le même prix !).

J’arrivais donc avec ma petite remorque à l’une des portes du salon et après quelques formalités administratives, on me laisse rentrer après m’avoir désigné un emplacement. Sur ce parking immense, entouré d’avions gigantesques militaires ou civils, je commençais à me sentir de plus en plus petit, et je n’étais pas au bout de mes peines ! Alors que les équipes s’affairaient autour de leurs appareils, installant des stands plus ou moins luxueux, je montais, tout seul, mon petit Hydroplum, puis dépliais modestement les deux chaises pliantes que j’avais achetées au Super du coin …C’était fini, il ne me restait plus qu’à attendre le lendemain l’arrivée des premiers visiteurs (en semaine, rien que des professionnels invités).
Mais comme je désirais faire des démonstrations en vol, il me restait à me faire connaître et enregistrer au Bureau de Piste : je ne doutais de rien, à l’époque !.Là on me délivra, sur présentation du Brevet de pilote U.L.M., une magnifique carte de PILOTE (que j’ai gardée précieusement) et on me convia au premier BRIEFING destiné aux pilotes, dans l’après-midi. Je m’y rendis donc, un peu inquiet tout de même, car je n’y connaissait strictement rien, il faut bien le dire ! Et là, je fus carrément écrasé par mon entourage : il n’y avait que des casquettes où s’empilaient les galons , des pilotes de ligne aux milliers d’heures de vol, des pilotes de chasse de toutes nations, les meilleurs pilotes d’essais des plus grands constructeurs, à qui on expliquait qu’ils ne devaient pas dépasser, dans leur tour de piste de cinq minutes, telle et telle ville de la banlieue Parisienne… alors qu’il m’aurait fallu une bonne heure pour en faire le tour ! Quant au vocabulaire, n’en parlons pas…d’ailleurs, c’était tout en Anglais, par dessus le marché ! En fait, j’étais mort de honte d’avoir osé me mélanger à une telle assistance, et je tachais de me faire oublier autant que possible, ce qui ne fut pas difficile. Mais puisque j’étais là pour voler, tant pis, je m’inscris quand même pour le lendemain, pour un vol de cinq minutes, comme tout le monde, mais à une heure réservée aux avions légers, tout de même !

C’est ainsi que se déroula la première journée, déjà bien fertile en émotions diverses. Le lendemain, j’arrivais bien avant l’heure d’ouverture au public, pour vérifier mon appareil qui avait passé sa première nuit dehors, tout seul au milieux d’une nuée de monstres plus ou moins agressifs…qui ne l’avaient quand même pas mangé. La journée était belle, heureusement puisque je m’étais inscrit pour un vol vers 11 h . Je voyais passer sous mon nez, derrière leurs tracteurs, les F16, MIRAGES F5 , MIG 29 et SUKOÏ 27 , e t c …et mon moral déclinait à vu d’œil ! Puis vint l’heure des avions légers, et ce fut aux pilotes galonnés de me voir passer en poussant mon appareil à travers tout le parc, et m’installer au bord de la piste en attendant que le préposé me donne, par signe car je n’avais évidemment pas la radio, l’autorisation de décoller. La piste, parlons en : je l’aurais volontiers empruntée en travers pour décoller, bien qu’il ne s’agisse en fait que d’un taxi-way ! mais je me rendis sagement au point indiqué, et décollais au signal car il n’était pas question, bien entendu, de la moindre fantaisie. Mon petit vol de cinq minutes fut sans problème, bien que le vent se fusse sérieusement levé, et évidemment en travers de la piste ! Aussi, à l’atterrissage, je décidais de ne pas prendre de risque inutile et je me posais pratiquement en travers de la piste, bien vent de face comme j’ai toujours fait ! cela ne suscita d’ailleurs aucun commentaire et je regagnais mon emplacement avec un soupir de soulagement. Par la suite, je fis encore deux autres vols de cinq minutes, mais le temps ne fut guère clément et j’en profitais pour ne plus m’inscrire aux démonstrations en vol. D’ailleurs, je m’aperçus que j’avais été presque le seul U.L.M. à voler cette année là.

Dans l’ensemble, la semaine se déroula de façon somme toute agréable, avec comme d’habitude à Paris en juin, une succession rapide de journées caniculaires, puis glaciales et surtout pluvieuses : c’est alors que je découvris l’avantage essentiel de mon aile haute : elle constituait un excellent parapluie, que le public et moi même apprécions beaucoup . Quant aux contacts commerciaux, ils furent sympathiques et je remportais un incontestable succès d’estime…mais sans plus . Je me souviens en particulier de la visite d’un des directeurs de BOEING qui tenait tant à m’aider qu’il corrigea la version Anglaise de mon prospectus, ainsi que celle de Jean ZIEGLER, directeur de l’Aérospatiale. J’étais très flatté mais je n’avais pas trouvé le financier idéal qui aurais pu m’aider à mener à bien le nouveau projet que j’avais déjà dans mon tiroir !

Je ne devais plus voler sur cet appareil avant longtemps, en dehors d’une petite démonstration sur l’aérodrome de Corte, où je fis un gros trou dans le fond de la coque, en sortant de la piste.
J’avais environ 35 heures de vol sur l’Hydroplum.

L’Hydroplum n’eut pas de suites commerciales notables : c’était évidemment un avion d’amateur, disponible uniquement sur plans, et de plus un monoplace, vice quasi rédhibitoire aux yeux du public. Mais je commençais à être bien connu du milieu professionnel et des amateurs : ceci n’était pas sans intérêt. Je vendis quelques plans (une vingtaine jusqu’à ce jour) et un seul appareil fut construit sur ces plans, à ma connaissance, avec au moins un succès incontestable, celui de me faire un excellent ami de son constructeur : Hervé le GALL. 
Figure  SEQ Figure \* ARABIC 13 : L'Hydroplum de Hervé le GALL
L’Hydroplum II
C’est immédiatement après le Salon du BOURGET que ma décision fut prise : la formule de l’Hydroplum était excellente, mais pour en faire un succès commercial il fallait en faire une version biplace et un produit de série, c’est à dire construit « en plastique « , dans des moules, pour en faire tomber le prix et pour permettre la vente en kit.

Les études furent lancées immédiatement, et profitaient évidemment des enseignements considérables acquis au cours de la mise au point et de l’utilisation de l’Hydroplum I durant 2 ans, concernant les caractéristiques en vol, au sol et en mer, la transportabilité, le pliage, la résistance à la corrosion, e t c …Le projet, alors appelé Hydroplum II, correspondait bien entendu au règlement U.L.M. de l’époque, c’est à dire 175 kg maxi à vide , et 10 kg/m2 de charge alaire, soit 17 ,5 m2 de surface, empennage compris. C’était très peu, en poids, pour un biplace, surtout avec une aussi grande surface et pour un amphibie ! mais ce n’est pas moi qui avais pondu cette norme aberrante, d’ailleurs constamment battue en brèche par la suite, et il fallait bien faire avec.

Concernant la masse à vide, pas d’autre solution que de serrer le devis de poids au maximum, ce qui imposait une grande rigueur de conception et de construction. Heureusement, ROTAX sortait maintenant un excellent petit bicylindre léger, 2 Temps de 65 CV, le 532 , dont la descendance tient toujours une grande part du marché aujourd’hui . Pour ce qui est de la surface alaire, cela me paraissait totalement incompatible avec la transportabilité que je souhaitais : c’est pourquoi je résolus de diviser mon aile en 4 parties au lieu de 2 , donc de faire un biplan, ce qui avait aussi l’avantage de constituer une structure légère et solide à la fois, au prix d’une construction un peu plus complexe il est vrai : ces critères, qui commandaient les structures de 1914, restaient valables pour mon projet de 1985. Ces idées étaient d’ailleurs partagées par mon camarade Bernard d’Otreppe, qui concevait à l’époque ce qui allait devenir le MISTRAL. (bon nombre d’idées furent échangées à l’époque avec Bernard, mais aboutirent cependant à des appareils très différents, mais leur destin fut hélas très comparable !) .

L’essentiel du projet était bouclé à la fin de l’été 85…Le financement pas du tout, et ça commençait à devenir le point crucial car j’étais bien loin de la construction d’amateur : il me fallait faire réaliser un moule de coque et j’envisageais, pour faire plus vite, de sous traiter la construction des ailes, en même temps. Dans cette optique j’avais dû, quelques mois auparavant, faire une demande de subvention à l’ANVAR, organisme théoriquement chargé d’aider les inventeurs et créateurs de tous poils. Ces Messieurs les Ronds de Cuir eurent l’idée géniale, pour m’accorder une subvention misérable de 50.000 F, de m’imposer la création d’une S.A.R.L., avec tous les frais et contraintes que cela comportait (j’y reviendrai !). Mais il me fallait bien en passer par là et Ô miracle, l’argent arriva à temps pour me permettre de lancer mes commandes principales : moule de coque puis coque prototype chez un artisan de Bandol ; ailes, tube de queue et jambes de train chez Alain PETIT, excellent camarade qui commençait à vivre de ses constructions aéronautiques (devenues plus tard ARPLAST , célèbre constructeur d’hélices).

Début 1986, je prenais livraison d’une sorte de kit sommaire, comprenant la coque prototype en trois morceaux, et commençais aussitôt son achèvement : mise en place des couples, des fixations d’ailes, de moteur, montage des commandes, etc…Quelques temps après je prenais livraison de ma commande chez A. PETIT et il me restait à achever ailes, empennages et mécanisme de relevage de train, ainsi qu’à monter le moteur . Il n’est pas de mon propos de faire ici la description de cet intense travail, réalisé entièrement durant mon temps libre car il fallait bien, aussi, « faire bouillir la marmite « .

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 14 : L’Hydroplum II - a

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 15 : L’Hydroplum II - b
Mais en août de la même année, l’appareil sortait pour la première fois de l’atelier, en vue du premier montage intégral et des premiers essais de moteur (impossibles dans le susdit atelier) Le bébé pesait à l’époque 179 kg à vide, sans instruments, et je n’étais pas loin d’avoir tenu la masse légale !
Bien entendu, j’avais également réalisé la remorque, sans laquelle aucune sortie n’était possible. Et me voici donc accrochant pour la première fois l’appareil derrière ma voiture… Tandis que je traversais prudemment le village, je fus saisi d’un frisson d’horreur : averti par un bruit étrange , je vis dans mon rétroviseur la remorque, détachée, qui continuait tout droit dans le virage ; l’ensemble est allé s’écraser, pas bien vite heureusement, contre un angle de mur en pierre…J’avais eu de la chance, malgré tout, car ma remorque avait raté de peu la terrasse du bistrot où il y avait pas mal de monde ! Que s’était-il passé ? Sans doute la boule mobile de l’attelage Peugeot de série était-elle mal serrée (ou avait-elle été desserrée ?). Je ne le saurai jamais, mais le résultat était là : je ramassais tant bien que mal les morceaux sur ma remorque, avec l’aide de quelques passants obligeants, et ramenais le total à l’atelier : j’avais fait en tout 1 km , c’était déjà mon deuxième « accident de la route aéronautique » (mais pas le dernier) !
L’atteinte au moral, et même à l’amour-propre, était gravissime ! Il me fallut bien 24 h et les encouragements de mes proches et de mon copain Jojo, pour que je me décide à faire l’inventaire des dégâts…qui n’étaient finalement pas si graves que ça : une coque ouverte à l’avant, une aile bien abîmée, et des bricoles diverses. Le tout était réparé un mois plus tard, et je pouvais reprendre les essais là où je les avais laissés .

Le 12 octobre 1986 : première sortie en mer, à St Florent, que je connaissais maintenant si bien. Je constatais immédiatement une grande faiblesse du fond de coque (ah, cette économie de poids !) et n’insistais pas.

Le 1er novembre : deuxième sortie en mer, après renforcement du fond de coque. Cette fois, les choses sérieuses commencent et je suis bien décidé à faire mon premier vol. Par mesure de sécurité, j’ai complété mon gilet de sauvetage par une vedette remplie de copains…tant pis pour la discrétion, mais la sécurité y gagne, ainsi que les souvenirs car j’ai la chance d’avoir de ce grand moment d’excellentes photos et une vidéo acceptable, ce qui n’était pas évident, surtout à l’époque. Selon mon habitude et à l’inverse de certains pilotes d’essais professionnels de l’entre-deux-guerres qui auraient mis plein gaz tout de suite (1), je fais de longs parcours (ce n’est pas la place qui manque) en accélérant progressivement. Au bout d’un moment (j’oubliais de dire que la mer était d’huile, bien entendu !), je passe sur le redan et accélère encore…mais je ne suis plus un pilote débutant et l’appareil est arraché sans peine : un long palier pour tâter les commandes et vérifier que tout va bien, et cette fois ci c’est le fond du golfe qui se profile à l’horizon…encore un peu de gaz et j’entame une montée prudente à une vingtaine de m, puis un grand virage vers le large, suivi d’un autre qui me remet dans l’axe de la « piste » : ce n’est pas difficile quand il n’y en a pas ! Lente descente, puis kiss-landing impeccable, juste devant la caméra (qui bien entendu va le louper !).

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 16 : 1er vol dans la baie de St Florent

Cf : Histoire des essais en vol – éditions DOCAVIA

Suivent 5 ou 6 vols, d’une durée totale de 30 minutes. Le succès est total , les réglages irréprochables dès le premier vol (bien entendu avec une gueuse dans le nez pour remplacer le passager) : on est bien loin des balbutiements de l’Hydroplum, et surtout que c’est pratique de savoir déjà piloter quand on essaye un nouvel avion ! Seule subsiste la faiblesse du fond de coque, qu’il faudra encore renforcer, et les nombreuses entrées d’eau, qu’il faudra compenser par une vidange à ouvrir en vol.

Les essais se poursuivront la semaine suivante, et cette fois j’essaye d’emmener mon copain Claude Gibert qui, comme je l’ai déjà dit, participait à tout, volait sur tout, mais était un peu lourd (95 kg) ! La tentative avorta rapidement car ma coque, bien que renforcée, commençait à céder et l’eau rentrait en abondance ; nous rentrons au port in-extremis , plein moteur pour ne pas couler !
Fin novembre, après nouveau renforcement du fond de coque, je fais un essai avec un sac de sable de 70 kg en place passager (et bien sûr sans la gueuse …cette gueuse de plomb à mettre et à enlever me posera toujours quelques problèmes, jusqu’au jour où je décidais de m’en passer !) : le vol est sans problème, quasiment sans changement par rapport au vol en solo, avec une vitesse ascensionnelle de 5 m/s et un décollage en 80 m . Mais je n’emmène toujours pas de passager, et je sens que mon copain Claude bout d’impatience !

Le 25 janvier 1987, après avoir sérieusement amélioré le mécanisme de relevage du train, qui ne me servait jusqu’à présent que pour la mise à l’eau, j’amène l’appareil sur le terrain de Ghisonaccia, en vue d’un premier vol terrestre. Je fais 4 vols, d’une durée totale d’une heure environ, sans autre problème qu’un déverrouillage de la roue avant : mais cela est sans conséquence puisque l’hélice est derrière ! D’ailleurs, j’aurai par la suite encore bien des problèmes de déverrouillage, y compris du train principal, avant d’arriver à quelque chose de fiable : mais cela n’eut jamais de conséquence fâcheuse, hormis un fond de coque un peu râpé qui nécessitait quelques couches de fibre de verre en réparation. Bien sûr, le décollage est beaucoup plus rapide que sur l’eau (50 m environ), mais le roulage à l’atterrissage est important (environ 300 m) car il n’y a pas de freins : je m’en passe d’ailleurs très bien, sur cette piste de 800 m.

Le 9 février, toujours sur le même terrain, j’emmène mon premier passager, avec une joie et une fierté indicible, car il s’agit de mon Papa. Il me semble que cet honneur lui revenait de droit. Pour moi, emmener un passager a toujours été et sera toujours un problème, car c’est une grande responsabilité. Alors vous pensez, la première fois, et avec mon père par surcroît, ce fut une grande émotion (pour lui aussi d’ailleurs, mais j’ignore s’il a eu peur : en tout cas, il ne l’a pas laissé paraître !) Nous avons volé ¾ d’heure, et mon père a piloté presque tout le temps. Quelle joie d’avoir pu offrir ce plaisir à mon Papa, qui devait mourir juste un an après. ..Mais depuis quelque temps, je sentais confusément qu’il n’était pas éternel, et je me rapprochais d’autant plus de lui.

J’ai maintenant 4 heures de vol sur l’Hydroplum II, et je considère que l’appareil est au point, pour l’essentiel.
Les vols et la mise au point se poursuivront sur la terre ferme tout le mois de mars, et j’emmenais un tas de gens, qui me faisaient confiance, ce dont je suis très honoré. J’emmenais même un enfant, à la demande de ses parents : mais là, je m’en veux car j’estime que c’est trop dangereux. A la fin du mois, j’emmène enfin Claude Gibert, sur l’eau, malgré ses 95 kg ; le décollage, par vent nul , est pénible, mais Claude est ravi !

Début mai, j’ai 10 heures de vol. J’essaye avec succès un trim électrique sur la profondeur : je commence à me prendre pour un pilote de BOEING (n’est-ce pas le rêve de la plupart des pilotes amateurs ? en tous cas, ce n’est pas le mien !). Je perfectionne ma technique de décollage en mer : en l’absence de vent et de vagues, avec un passager lourd, ce n’est pas évident et il faut bien dominer l’assiette sur le redan ; surtout, ne pas tirer trop tôt !
J’ai mis en place un système d’alarme qui sonne quand j’ai à la fois la gueuse et un passager (ou une passagère : il ne fait pas la différence, l’imbécile !), ou bien ni gueuse ni passager, ceci pour ne pas avoir de problèmes avec le centrage. En fait, j’ai tout essayé, involontairement bien sûr, sans aucun problème : mais deux précautions valent mieux qu’une, paraît-il ! (d’ailleurs ce système, constamment trempé dans l’eau salée, ne marchera pas longtemps : électricité et électronique n’ont jamais fait bon ménage avec l’eau salée !).

Le 11 juillet, il m’arrive une mésaventure qui mérite largement un exposé détaillé : je suis en l’air avec mon copain Pierre (ex pilote de chasse modèle 1944…une référence, quoi !), à la vitesse de croisière (110 km/h), et je règle le trim « au petit poil « pour avoir le manche au neutre ; et tout d’un coup, fortes vibrations du manche, ressenties par le passager également . Je coupe immédiatement les gaz et la vibration s’arrête, heureusement car ce phénomène maintenant bien connu se nomme FLUTTER, ou flottement des gouvernes, et a déjà tué des dizaines de personnes, surtout des pilotes d’essais entre les deux guerres. Pierre et moi nous regardons, sans rien dire (d’ailleurs, on ne s’entend guère dans l’Hydroplum II !), et surtout très contents d’être toujours vivants ; nous rentrons au terrain « sur la pointe des pieds », au ralenti et à 20 m d’altitude.
Pas de doute, ce flutter qui ne s’était jamais manifesté auparavant à cause de la traction constante sur le manche, c’est manifesté ce jour là quand le trim a mis le manche au neutre. Conclusion : même sur un appareil aussi lent, les masselottes d’équilibrage sont indispensables. Quand on pense qu’il a fallu attendre les années quarante pour que ce système se généralise sur les avions de chasse ! Il ne me reste plus qu’à mettre, moi aussi, du plomb sur mes gouvernes…voilà qui est bien rageant quand on vient de faire des trous dans le polystyrène expansé pour gagner des milligrammes !

Le 13 juillet, la modification est faite et, toujours avec Pierre qui ne se laisse pas impressionner, nous validons la méthode jusqu’à la V.N.E. (vitesse maximale autorisée…par moi même) de 140 km/h . Le résultat est si parfait, nous sommes si euphoriques…que nous oublions de sortir le train à l’atterrissage ! Je dis « nous » ? c’est qu’à la vérité, après cet exploit, nous nous sommes demandés qui, de nous deux , pilotait ; nous n’avons à ce jour, toujours pas la réponse. Bilan de l’opération : un trou dans le fond de coque, à reboucher d’urgence ; je vais finir par mettre un patin en acier, pour être tranquille !

Le 17 juillet : c’est un jour de gloire ! Je suis invité à venir sur l’île de Cavallo faire une démonstration au Prince Victor Emmanuel de SAVOIE (prétendant au trône d’Italie, sans grand espoir d’ailleurs !). J’y vais avec Pierre ; il y a pas mal de vent et je suis inquiet. Posé sur la piste de Cavallo après 40 minutes de vol, vent dans le nez. Je tords la fourche avant sur une pierre :ça commence bien ! Après avoir sommairement redressé la fourche, nous nous rendons chez le Prince qui nous reçoit aimablement . C’est Pierre, pilote beaucoup plus expérimenté que moi, qui fait voler le Prince qui fait bien son mètre quatre vingt dix, et surtout son jeune fils de 12 ou 13 ans, qui est ravi. Ils font des décollages sur une mer très formée et tout le monde est trempé mais content… Pendant ce temps, je tiens compagnie à la mère, qui est sûrement inquiète, et je la comprends. Nous sommes retenus à déjeuner, et rentrons tout de suite après car le vent force encore (heureusement, l’avion est sur la terre ferme !). Le Prince semble intéressé, mais ce n’est qu’un prototype qui n’est pas à vendre . Il promet de me rappeler…j’attends toujours son coup de fil ! (par contre, deux ans après, il visitait le Salon du Bourget avec son fils, accompagné d’un journaliste de Point de Vue (sic). Il a tenu à se faire photographier devant l’appareil, et son fils dedans …ce qui ne m’a rien rapporté, sinon un petit article et deux photos dans ce journal stupide !). Ce fut mon seul et unique rapport avec la JET SET, mieux, avec l’Aristocratie !
Fin juillet, l’Hydroplum II a 20 heures de vol et j’ai beaucoup appris …

Le 1er août, je vole une heure avec Papa…ce sera son dernier vol ; quelques jours après, on découvrira son cancer et nous basculons dans le drame .
Fin août, je fais une petite modif du redan, qui me fait gagner 10 à 20 % de distance de décollage : la modif sera adoptée sur la série, bien qu’elle soit assez discutée par les spécialistes, notamment les Russes rencontrés au Bourget bien plus tard .

Début septembre, malgré mes soucis familiaux, l’avenir commercial de l’Hydroplum II semble prendre tournure : André WYDAUW arrive de Bretagne pour me rendre visite, et je lui fais essayer l’appareil à St Florent . Il est sûrement très convaincu puisque nous commençons à parler affaires …Enfin !

Le 12 septembre, Daniel Robert-Bancharel vient essayer l’engin, mandé par A . WYDAUW dont il est l’ami. Daniel est une authentique « Vieille Tige », pilote chez CAUDRON puis pilote de guerre. C’est un homme charmant, avec qui je m’entends à merveille : quels bons moments nous avons passés ensemble, surtout qu’il a le sens de l’humour. En plus, il se déclare enchanté de l’avion, et le trouve sans défaut, ce qui venant de lui est le plus beau des compliments…je suis sur un petit nuage !

Le 20 septembre, j’essaye une nouvelle modif du fond de coque (redans longitudinaux cette fois) : le résultat est excellent et la distance de décollage nettement réduite ; la modif est également adoptée pour la série.
Le lendemain, dernier vol avec l’Hydroplum II en Corse, mais avec un passager de marque : il s’agit de mon fils Jérôme, que j’ose emmener pour la première fois, sachant que mon avion partira très bientôt pour la Bretagne. Le décollage, avec une forte houle résiduelle, se passe bien…Mais, sans doute ému de transporter mon fils, je fais le pire amerrissage de ma carrière, avec un énorme rebond sur une crête de vague ! Je ne suis pas fier.
Après une petite révision, l’Hydroplum II part pour la Bretagne, sur sa remorque.
Il a 24 heures 30 de vol .
Le Petrel
L’Hydroplum II allait changer de nom, à la demande de WYDAUW, et devenir le PETREL, ce qui n’est pas si mal quand même !

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 17 : Le PETREL de LATTMANN au barrage de PADULA
La cession de la licence de fabrication de l’appareil, la vente du prototype et des moules a été très mal négociée de ma part car j’étais acculé par de précédents partenaires qui, arguant d’une prétendue antériorité, m’assignent devant un tribunal et me réclament des sommes exorbitantes. Cette pitoyable histoire ne mérite pas d’être racontée, ni ici ni ailleurs, mais les difficultés rencontrées par la suite en sont partiellement la conséquence .

J’ai cédé cette licence car je n’avais ni le temps, ni l’argent, pour mener à bien l’industrialisation de mon appareil . Il aurait fallu pour cela :
Que l’ANVAR soit dirigée par des gens honnêtes et intelligents et donc qu’ils acceptent de m’aider plus sérieusement qu’ils ne l’ont fait (voir plus haut), et comme ils me l’avaient promis. En fait, ils ont préféré aider une machine à ramasser les châtaignes…plus folklorique assurément !
Que je démissionne de mon emploi qui me faisait vivre, moi et ma famille…j’ai jugé que c’était trop imprudent, et je pense que j’ai eu raison : bien peu de gens ont réussi à vivre en fabricant des avions, et les constructeurs d’U.L.M. encore moins !
Même si j’avais les capacités techniques pour mener à bien cette affaire, je n’avais certainement pas les aptitudes commerciales…Wydauw non plus, mais ça, je ne le savais pas !

Me voilà donc lié à la société S.M.A.N.(Société Morbihanaise d’Aéro-Navigation), propriété d’André WYDAUW, anciennement propriétaire d’un chantier naval qui vendait et réparait des voiliers de luxe et qui s’était déjà essayé avec un U.L.M. d’origine Anglaise, le DUET. Apparemment pas le mauvais profil, surtout au plan commercial et dans la mesure où je gardais la main sur la technique, mais de bien loin.

Les débuts, comme toujours, furent plutôt idylliques : Wydauw avait de l’argent ou du moins le laissait croire, et il était emballé par le projet. Il a monté une petite usine avec trois ou quatre ouvriers, et nous lançâmes de toute urgence la fabrication de l’exemplaire n°1.
Pendant ce temps, Daniel ROBERT-BANCHAREL était devenu le pilote d’essai officiel, ou pilote d’usine, rôle qu’il remplit parfaitement bien, et avec beaucoup de plaisir, jusqu’à sa mort quelques années plus tard : le PETREL lui assura incontestablement une fin de vie heureuse et j’en suis particulièrement fier.
Bien entendu, je passais beaucoup de temps à LA TRINITE SUR MER pour transmettre mes connaissances et mettre au point le projet car il y a loin du prototype au produit de série, surtout que Wydauw avait quelques idées plus ou moins bizarres auxquelles je m’efforçais de répondre au mieux…Par exemple, le relevage du train d’atterrissage : il faut bien reconnaître que c’était le point faible du proto. Mais au lieu d’accepter mes solutions simples à base de câbles et de leviers, Wydauw voulait à tout prix un relevage hydraulique, comme sur les gros avions ! J’étudiais donc, au prix de dizaines d’heures de cogitations intenses (et gratuites, bien sûr !), un système hydraulique pas trop lourd, mais malgré tout complexe, qui fut monté sur le PETREL n°1, qui était vendu depuis longtemps…à un client de TAHITI qui le réclamait à corps et à cri ! Funeste idée quand même de vendre à Tahiti un quasi prototype : mais c’était, paraît-il, des amis à lui !…autant dire qu’ils ne le restèrent pas longtemps !

Avant d’expédition à Tahiti du n°1, il y eut l’épisode Nicolas HULOT et son émission USHUAIA . Nicolas tenait absolument à faire une de ses présentations à bord du PETREL, dont il avait entendu parler par son ami Hubert de CHEVIGNY, que je connaissais bien. Voilà donc l’équipe complète de l’émission qui débarque un jour d’hiver, par un temps maussade, à l’aérodrome de Vannes-Meucon où résidait, non pas le PETREL qui n’était pas encore terminé, mais mon bon vieux Hydroplum II, mal entretenu et maladroitement modifié selon certains critères de Wydauw, notamment pourvu d’énormes freins à disques. Vu l’importance de l’événement, je m’étais arrangé pour être présent, et je ne fus pas déçu car la soirée avec l’équipe (Nicolas n’était pas encore arrivé) fut mémorable : ces gens là ne respiraient pas la morosité !

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 18 : Nicolas Hulot (dans le proto) et Hubert de Chevigny (dans le n° 01)
Nicolas a peut être bien des défauts, mais pas celui d’être un froussard : l’aspect peu engageant de l’avion, pas plus que le temps exécrable, ne le découragèrent de faire son émission, accompagné comme il se doit d’un hélico qui devait bien valoir le prix de 100 PETREL ! Tout ça pour rien, il revinrent au bout d’un quart d’heure, déçus : on y voyait pas à cent mètres ; quant à Nicolas, il avait tant forcé sur le palonnier qu’il était tout tordu (le palonnier, pas Nicolas) !
Mais pas découragés pour deux sous, rendez-vous fut pris pour la semaine suivante, mais sur la Côte d’Azur, dans l’espoir d’avoir du beau temps, et cette fois avec les deux appareils : l’Hydroplum II auquel Nicolas semblait avoir pris goût, et le PETREL n°1, à peine terminé et essayé, que devait piloter Hubert de CHEVIGNY… on ne pouvait rien refuser à ces messieurs de la télé, et je crois pouvoir dire que Wydauw n’eut pas à regretter son argent dans ce coup là.

Au jour dit, tout le monde (et moi même), se retrouvait à Cavalaire, petite ville de la Côte où existait un petit club d’U.L.M. hydravions, et le beau temps était au rendez-vous ! Les deux appareils furent montés, Nicolas reprenant l’Hydroplum II (jaune), Hubert prenant le PETREL (blanc) qu’il n’avait jamais piloté, et pour cause…Quand à moi, j’étais liquéfié de trouille en pensant que s’il arrivait quoi que ce soit à l’un de nos engins, l’un vieillissant, l’autre n’ayant presque pas volé, s’en était fini de leur carrière (et de la mienne par la même occasion) : c’était la gloire ou le désastre…ce fut la gloire ! les vols se déroulèrent parfaitement, l’émission fut très réussie et le PETREL acquit une réelle renommée en quelques instants.

Par la suite, Nicolas apprécia tant le PETREL qu’il fit avec 3 autres émissions : deux en GUYANE , une à Cassis et dans la calanque de Sormiou. Quand on sait ce que coûte la minute de pub à la télé, il faut reconnaître que Nicolas nous a rendu un très grand service !
Nous avons, par la suite, réussi à sortir une version à peu prés correcte du PETREL, avec un relevage de train cette fois ci selon mes idées, simple et léger. Mais la qualité de fabrication, et surtout le service commercial, ne furent jamais à la hauteur du produit. J’ai déjà évoqué l’affaire du n°1, que Wydauw expédia à Tahiti et qui déplût tellement au client qu’on dût le faire revenir en France !
(j’ai sur cette affaire une volumineuse correspondance avec le client mécontent, que je ne connaissais pas mais qui me prenait à témoin de ses malheurs avec son (ex)ami Wydauw…d’ailleurs, il en fut constamment ainsi avec les clients de la S.M.A.N., et je m’efforçais tant bien que mal de recoller les morceaux, mais je commençais à me demander si j’avais fait le bon choix). Pourtant le PETREL plaisait et se vendait bien…mais la production ne suivait pas, bien entendu !

Pendant ce temps, Wydauw gagnait pas mal d’argent en revendant des sous-licences, aux U.S.A , au CANADA, en ESPAGNE et au BRESIL (sans rien me ristourner bien sûr puisque je lui avais cédé tous mes droits).

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 19 : Le 1er PETREL américain (made in France !)
En Espagne, l’affaire n’alla pas jusqu’à son terme car lors de la livraison du premier appareil (Daniel Robert-Bancharel aux commandes), une jambe de train cassa à l’atterrissage, l’appareil sortit de la piste et emboutit une voiture en stationnement . Bilan : Daniel indemne mais 1 avion et 1 voiture foutus, un contrat déchiré comme celui de Demesmaecker dans GASTON LAGAFFE ! (je n’assistais pas à la scène, mais c’est ainsi que je l’imagine).

Au Canada, les affaires tournèrent très vite au vinaigre entre Wydauw et Joël du ROULE, pour des raisons plus ou moins obscures où la bonne foi des parties n’est pas sans reproches.
Aux Etats-Unis par contre, les affaires allaient bon train, malgré les inévitables zizanies avec Wydauw . Mais STONE eut l’idée à mon sens saugrenue de faire construire le PETREL aux INDES (sic) où il avait des contacts . On imagine sans peine le résultat d’un appareil conçu en Corse, fabriqué en France, licencié aux U.S.A et finalement re-fabriqué aux Indes ! cela fait penser au jeu de gosses qui se murmurent une phrase de l’un à l’autre jusqu’à ce qu’elle n’ait plus aucun sens au bout du dixième relais. Mais Wydauw trouva ça si bien qu’il cessa la fabrication en Bretagne pour ne plus compter que sur la production Indienne…dont la qualité, bien entendu, était pire que jamais.

Mais l’aventure du PETREL aux States eut une fin tragique et prématurée : STONE avait fait venir au grand rassemblement d’OSKOSH un PETREL fabriqué au BRESIL . Ce PETREL, laissé toute une nuit dans l’eau (ce qui ne me serait jamais venu à l’idée), fut retrouvé à moitié coulé le lendemain, l’étanchéité par le train principal n’étant pas son fort. Pour le sortir de l’eau, on l’attacha par la queue et on tira comme des brutes (peut être avec une voiture). Au vol suivant, la queue affaiblie cassa en l’air et les deux occupants (dont le pilote Brésilien) furent tués. Bien entendu, l’appareil fut interdit de vol aux U.S.A., le temps que la commission d’enquête en arrive à ces conclusions, c’est à dire largement après que Stone eût déposé son bilan .

Pour en rester aux choses tristes, je dois aussi évoquer l’accident mortel en ITALIE, qui bien entendu mit fin à la carrière du PETREL dans ce pays (c’était avant l’accident d’OSKOSH) : Cette fois, c’est une aile qui s’est détachée en vol. Après enquête approfondie, il est apparu que l’axe de fixation du mât principal est sorti, sans doute parce que l’épingle de sûreté qui le bloque n’y était plus, ou avait été oubliée, ou plus probablement s’était cassée (une épingle à 1,5 franc , et il y en a des dizaines dans un avion !) .

Bien que la conception de l’appareil ne soit en rien la cause de ces deux drames, mon moral en a été fortement affecté , et je passais à chaque fois des nuits entières à penser à ces pauvres types qui ont perdu la vie parce qu’un jour j’ai eu l’idée saugrenue de construire des avions. Je pense toujours que si j’avais inventé un éplucheur de patates, ces types se seraient peut être coupé un doigt, tout au plus. Mais Monsieur PEUGEOT, ou Monsieur BOEING , devaient-ils s’en vouloir chaque fois qu’un accident d’auto, ou une catastrophe aérienne, se produisait ?

Et voilà comment ce récit, commencé sur un ton badin, devient soudain on ne peut plus sombre : je ne pouvais tout de même pas escamoter les vrais problèmes, les vrais drames, rien que pour rester drôle ! Je n’ai jamais prétendu, non plus, que l’aviation était sans danger, et lorsqu’on étudie tant soi peu son histoire, on se rend compte qu’elle est rarement bordée de roses.
Quand on vit dans ce milieu depuis sa plus tendre enfance, quand on a soi même pris beaucoup de risques, on peut se permettre d’avoir un regard lucide sur cette merveilleuse activité humaine . D’ailleurs à mon sens, il n’est pas d’activité humaine vraiment digne de ce nom qui ne présente un réel danger, n’est-ce pas Messieurs les Navigateurs, Alpinistes, Skieurs, Spéléologues, etc…?
Et tant pis pour les Bridgeurs, Tennismen, Randonneurs, Golfeurs, etc… qui ne risquent que de mourir dans leur lit, en principe !

Pour ma part, j’ai été très marqué par un évènement où j’échappais à la mort de façon étrange : j’avais 16 ans et mon beau-père (le mari de ma mère) m’emmenait souvent voler avec lui, ce qui était pour moi toujours une grande joie. (j’avais aussi un peu volé avec mon père, et parfois en planeur, quand un moniteur voulait bien m’emmener). C’était en février, il faisait très beau et nous étions convenus que si je voulais voler ce jour là, je serais à l’heure en début d’après-midi. Or vers treize heure un jeune pigeonneau est tombé de son nid sur mon balcon… Je fus tellement occupé à le soigner que j’en oubliais l’heure. Mon pauvre beau-père se tua ce jour là avec son passager, plaqué au sol par la turbulence de sillage d’un des premiers Boeing 707 (on sait que cette turbulence de sillage est très dangereuse en l’absence de vent). C’est ainsi que je fus sauvé par une Colombe, ou tout au moins par un animal de la famille ! Ma carrière aéronautique connut une longue interruption, essentiellement pour préserver ma mère d’un surcroît d’angoisse, et ne repris vraiment qu’avec le début de ce récit.

Le Petrel de Pierre

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 20 : Le Petrel de Pierre
Comme ce récit commence à tourner sérieusement à la morosité, il est grand temps que j’en reviennes à des histoires moins dramatiques ; celle-ci n’est d’ailleurs pas franchement gaie, surtout pour celui qui en a supporté les conséquences, mais elle est plutôt drôle, vue de l’extérieur, et pleine d’enseignements et c’est pourquoi je vais la raconter. Pierre est un bon copain et, comme je l’ai dit plus haut, un excellent pilote plein d’expérience. Lorsque je lançais la fabrication de l’Hydroplum II, Pierre décida de réaliser le sien, sans attendre la sortie du mien, ce qui était la preuve d’une grande confiance. Il commanda donc chez mon sous-traitant de Bandol une deuxième coque qui lui fut livrée environ 1 mois après la mienne.

Par mesure de précaution, il spécifia un fond légèrement plus épais que le mien, et l’avenir montra qu’il avait raison. Puis il se lança dans la construction de tout le reste, et me rendit un très grand service en réalisant les matrices des flotteurs de bouts d’ailes, un très gros travail dont il s’acquitta brillamment. Son appareil fut donc réalisé sur la base de mes plans, mais « librement interprétés « , c’est à dire qu’il en conserva la forme mais en changea presque totalement la structure, et surtout l’échantillonnage, c’est à dire les épaisseurs : par exemple, là où je mettais du contreplaqué de 2 mm, il mettait du 3 ; où je mettais du dural, il mettait de l’acier inox, etc…toujours pour faire plus solide . « Mais attention, tu fais un U.L.M., pas un THUNDERBOLT « , lui disais-je souvent (il avait été autrefois pilote de ce monstre !). Et pour couronner le tout, au lieu de mettre un moteur 2 temps ultra-léger, il monta un moteur de moto BMW ultra-lourd (mais il est vrai plus puissant).

Le résultat de son énorme travail fut le suivant :
Le temps de construction fut à peu prés le quadruple du mien, et mon appareil était déjà vendu quand le sien n’était pas sorti de l’atelier,
L’aspect et la finition étaient irréprochables, alors que le mien faisait un peu bâclé,
Le poids de l’appareil fut tenu secret par son constructeur, mais devait être énorme, sans aucun rapport avec un U.L.M. « ça fait rien, me disait-il, je l’immatriculerai en C.N.R.A « (avion classique),
Enfin et surtout, ce fut l’avion le plus sûr que j’ai jamais connu…car il ne put jamais voler ! Sur l’eau, il était pas loin de couler, et ne parvint jamais, malgré ses 80 CV, à se hisser sur le redan. Sur la terre ferme, ses 80 CV lui permirent quand même de décoller, mais l’appareil était centré si en arrière qu’en bon pilote qu’il était, Pierre réalisa immédiatement la gravité de la situation et se posa droit devant lui, au bout de la piste, sans rien casser.

L’appareil fut rentré à l’atelier et n’en sortit plus jamais… moi, j’en ai été malade de voir mon copain aussi déçu et certainement humilié. Comme il fallait s’y attendre, nos relations subirent irrésistiblement un sérieux « coup de froid « que je n’ai jamais cessé de déplorer… Y a-t-il une morale à cette histoire ? sur le plan philosophique, certainement mais ce n’est pas mon propos ! sur le plan technique, on ne répètera jamais assez qu’en aéronautique, le poids, c’est l’ennemi ; Pierre l’avait oublié…Wydauw allait rapidement en faire autant, avec des résultats pas si éloignés !
Le Petrel de Frédéric
Par le plus grand des hasards, mon copain Frédéric, qui est presque mon voisin de palier, est allé aux U.S.A. (à SUN & FUN) acheter à Stone un kit de Pétrel fabriqué aux Indes (je crois, le premier fabriqué dans ce pays !) . Et je passe sur le trajet de l’appareil pour arriver jusqu’à Bastia. Mais il faut reconnaître que question prix, il y avait pas photo par rapport à ce que lui proposait Wydauw ! Heureusement pour Frédéric, il avait sous la main la personne qui fallait pour corriger tous les défauts de fabrication de ce prototype Oriental ! Il y eut pas mal de boulot, mais le kit était assez avancé et Frédéric put le sortir rapidement. La première sortie fut assez épique car Frédéric avait inversé les câbles de commande du palonnier : un coup à se casser la gueule ! Enfin, on s’en rendit compte à temps et je fis le premier vol, sans problème, ceci en dépit d’un très mauvais calage d’empennage, ce qui en dit long sur la qualité de la transmission des informations entre l’usine de Bretagne et celle des Indes !

Depuis lors, Frédéric a beaucoup volé avec son appareil, beaucoup plus que moi avec tous les miens, sans autre problème majeur qu’une hélice éclatée (l’hélice ayant avalé un objet échappé du cockpit, inconvénient majeur de l’hélice arrière), ce qui a entraîné un arrachement presque total du moteur, à cause des vibrations terribles causées par l’hélice ayant perdu une pale. Il s’en est suivit un amerrissage en urgence, très loin de la côte mais heureusement à portée du téléphone portable (toujours la sécurité de l’amphibie…et du téléphone portable !).
La fin du Petrel
Malgré un réel succès et des ventes non négligeables (à ma connaissance, environ 70 appareils construits en France et vendus dans le monde entier, et probablement une bonne centaine au Brésil et vendus je ne sais où), les ventes en France ne tardèrent pas à s’effondrer : la très mauvaise politique commerciale de Wydauw en fut la cause essentielle, mais sur le plan technique il ne sut que le faire évoluer dans le mauvais sens, c’est à dire toujours plus lourd (environ 280 kg, alors que le prototype en faisait 190 !), ce qui pour un hydravion est particulièrement catastrophique car la coque s’enfonçait de plus en plus et l’appareil décollait de plus en plus péniblement, malgré le moteur plus puissant dont il a été équipé (ROTAX 912, 4 temps) Il est vrai que c’est l’évolution générale de tous les U.L.M., qui ont de plus en plus de peine à rester dans les limites de la réglementation, pour ne pas parler de tous ceux qui en sortent carrément !
Quant au constructeur Brésilien, bénéficiant d’une réglementation Américaine différente de l’Européenne (pas forcément meilleure d’ailleurs), il réalisa carrément une copie légèrement agrandie (nommée : PATURI), mais encore plus lourd d’une quarantaine de kg, qui paraît se vendre encore bien sur le continent Américain, mais qui n’a aucune chance d’être classé U.L.M. en Europe.

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 21 : LE PATURI (copie illégale du PETREL)
extrait de KITPLANESArticle Howard Levy

Enfin, bien que ce petit recueil de souvenirs ne soit pas destiné à servir de « machine à laver le linge sale « , je tiens à préciser que dans cette affaire, je n’ai recueilli que des broutilles, et à grand peine étant donné la mauvaise foi de tous mes interlocuteurs : c’est le sort communément réservé à tous les inventeurs, je n’en suis pas surpris, même si j’en suis très déçu. Quant à Wydauw, il a cédé son affaire à l’état de » mort clinique « à la société BILLIE MARINE, autre constructeur de bateaux, qui s’emploie activement à l’euthanasier !
La puce du ciel II
Figure  SEQ Figure \* ARABIC 22 : La puce du ciel II
Ayant vendu mon Hydroplum II, et après quelques mois d’intense travail avec le chantier de Bretagne pour la mise au point du PETREL de série, je me retrouvais bientôt désoeuvré, ce qui bien entendu, ne pouvait durer bien longtemps !

L’idée me vint de refaire un nouveau pendulaire dans le style de la PUCE-DU-CIEL, mais en biplace cette fois, d’autant que mon copain Claude m’emmenait de temps à autres voler sur son pendulaire biplace COSMOS avec lequel il faisait de l’école . L’idée de départ était de faire un engin au centre de gravité aussi abaissé que possible (tant qu’à faire un pendule, autant mettre le plus de masse possible en bas !), bien caréné, donc avec moteur à l’intérieur de la coque, et une sorte de dérive à l’arrière destinée à supprimer l’instabilité en lacet constatée sur de nombreux pendulaires carénés : ceci nécessitait de placer le moteur en bas, au fond de la coque, et l’hélice fortement déplacée vers l’arrière et le plus haut possible pour passer un grand diamètre, gage de bon rendement. D’où la formule du réducteur à courroie longue et de l’arbre d’hélice également rallongé. Pour compléter le tableau, j’y rajoutais, un peu pour faire joli, une roue avant rétractable qui réduit encore l’instabilité en lacet.

L’appareil fut réalisé dans le courant de l’année 1990, et prêt à voler en Janvier 1991, après une mise au point assez laborieuse du système de transmission à courroie longue, qui a nécessité deux tendeurs sur le brin mou, dont un avec amortisseur..
Le dimanche 3 février, par un beau temps calme et froid, je me rends sur le terrain de Ghisonaccia avec mon copain Claude qui me prêtait son aile d’école de 21 m2, bien trop grande mais convenant très bien pour ces essais. Comme je manquais un peu (beaucoup !) de pratique en pendulaire, Claude me proposa de tâter un peu l’appareil avant moi : j’acceptais en insistant pour qu’il ne fasse pas le premier vol, dont j’estimais avoir la responsabilité. Claude, après quelques centaines de mètres de roulage… met la gomme et décolle franchement, puis fait deux ou trois tours de piste et se pose sans aucun problème. Il revient vers moi l’air ravi…et casse la fourche avant en freinant un peu fort ! Bien sûr, je ne lui en ai pas voulu, ni pour ce premier vol « volé «  (oh, qu’elle est bonne !), ni pour la fourche cassée que j’aurais dû faire plus solide ; mais je ne pouvais plus voler à mon tour ce jour là, il fallait replier et rentrer . Mais qu’à cela ne tienne, la fourche sera réparée pour dimanche prochain, et nous rentrons joyeusement, très contents de ce nouvel engin avec lequel nous pourrons enfin revoler ensemble.
Je m’activais donc en début de semaine pour être prêt à temps, ce qui fut fait sans problème.
Figure  SEQ Figure \* ARABIC 23 : Claude GIBERT effectuant les premiers vols de la PUCE II
Mais le vendredi 8 février, mon très cher ami Claude GIBERT, mon complice de tous les instants, se tuait aux commandes d’un CESSNA en percutant la montagne dans le mauvais temps.
Je ne m’en suis jamais remis, il en est ainsi des deuils les plus cruels.
Je n’ai plus jamais sorti la PUCE-DU-CIEL II, et les seules photos en vol que je possède, que j’ai prises moi même pour une fois et qui ont paru dans la presse, sont celles du premier vol avec Claude.

Paradoxalement, c’est un autre « Claude » (Claude Hanras), qui, venu du Nord en été 2001, est reparti avec dans son pays brumeux, avec la ferme intention de le faire revoler. Bien entendu, je l’avais au préalable soigneusement révisé, ce qui ne fut pas chose si facile car le mélange s’était entièrement évaporé dans le réservoir, faisant une épouvantable colle dans tout le circuit !
L’Hydroplum I bis

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 24 : L’Hydroplum I modifié 1992
Après ce drame, je restais dans le cirage, incapable de sortir une idée valable pendant plusieurs mois.
Et puis, comme on dit, la vie reprend le dessus, comme elle avait repris après la mort de mon père, mais alors j’avais le lancement du PETREL en cours et je n’avais pas le temps de penser. Et pour moi, si la vie reprend, c’est que je remets en chantier un engin volant. J’avais récupéré mon Hydroplum I , après bien des péripéties liées à la commercialisation de l’Hydroplum II, assez fortement endommagé : un hurluberlu chargé de le transporter avait oublié d’amarrer sur la remorque une aile, qui bien entendu s’était envolée et avait atterri brutalement ! Bilan : un gros bout d’aile manquant (entre autres) . Comme entre temps la réglementation avait changé, la surface alaire se trouvait un peu trop grande…d’où l’idée de couper l’aile de l’autre coté, plutôt que de refaire le bout manquant !
Résultat : 1m d’envergure en moins (1,4 m2 de moins, soit une surface ramenée à 12 m2). C’est encore largement suffisant pour un appareil qui ne pèse que 155 kg. Par la même occasion, j’en profite pour refaire des mâts carénés et surtout de beaux flotteurs de bout d’aile en plastique moulé, qui remplacent les gros flotteurs en contreplaqué ressemblant à des caisses à savon.

Enfin, je m’efforce de résoudre une fois pour toutes le délicat problème de la roulette de queue et du gouvernail marin, qui ont la particularité de se situer tous les deux au même endroit, ce qui pose un sérieux problème . De plus, ces deux appendices doivent être rentrants et conjugués à la direction ; la quadrature du cercle, quoi ! Tout ce que j’avais pu faire jusqu’alors pendant la première période de mise au point de l’Hydroplum n’avait pas donné satisfaction. ..Ce que je parvins à pondre à l’issue d’intenses cogitations résolut tous les problèmes à la fois ! (là, la modestie m’étouffe) : il s’agit d’une roulette de queue dont le carénage sert en même temps de gouvernail : ce n’est plus la quadrature du cercle mais l’œuf de Christophe Colomb ! Bien entendu, pas question de décoller avec la roulette dans l’eau car elle freine beaucoup trop ; il ne faut donc pas oublier de la relever.

Enfin, je réalisais une modification importante au niveau des spoilers (dispositif remplaçant les ailerons sur l’Hydroplum), dont l’efficacité laissait vraiment à désirer : ceux ci sont passés de l’arrière à l’avant du longeron ; comme ce dispositif est destiné à casser la portance, autant la casser le plus tôt possible sur le profil, ce qui en augmente l’efficacité.

Toutes ces modif sont prêtes début août 92 et le premier essai est fait sur la plage de la Marana, au sud de Bastia : c’est moins loin que St Florent et j’y ai des amis. Bien entendu, j’oublie de rentrer la roulette de queue, ce qui m’empêche de décoller et de plus, mes efforts finissent par la tordre: une sortie pour rien ! La semaine suivante, le décollage se fait sans problème, bien que nettement plus long que sur la version d’origine : la plus forte charge alaire en est évidemment la cause. Par contre les performances en sont franchement améliorées : la vitesse de croisière passe de 90 à 110 km/h, et la vitesse de pointe passe de 110 à 130 km/h. La vitesse de décrochage passe de 55 à 60 km/h, ce qui reste très raisonnable et encore tout à fait dans la norme U.L.M.

J’accumule jusqu’au mois de novembre environ 5 heures sur cet appareil nouvelle version, et j’ai la chance que mon ami GABY réalise un très beau reportage vidéo par une belle journée de septembre .
Puis l’appareil est remisé pour l’hiver, et je ne volerai plus dessus . Je suis vraiment indécrottable : quand tout va bien, je me désintéresse de mes créations et il faut que je repartes sur autre chose. Mais il faut bien reconnaître que c’est comme ça que le monde avance !

Cet appareil sera vendu un an après, pas cher, à un amateur venu spécialement de Bretagne pour l’emporter ; je n’en ai plus jamais entendu parler, ce qui me porte à croire qu’il n’a jamais volé avec (ou alors, c’est qu’il est proprement génial et n’a pas eu besoin de mes conseils !).
L’Amphiplane
Comme c’est mon dernier appareil à ce jour, mes souvenirs sont un peu plus denses…mais
Figure  SEQ Figure \* ARABIC 25 : Les premiers vols en planeur pur avec l'Amphiplane à PIETRACORBARA
C’est surtout que j’ai pris l’habitude, en vieillissant, de noter davantage de choses et c’est bien pratique. Par contre, je n’ai rien noté sur la période de construction, mais après tout, ce n’est pas bien passionnant : beaucoup de travail, tant sur la planche à dessin que dans mon atelier, toujours le même, où j’ai déjà construit l’Hydroplum II et la Puce II : cet atelier de location, en fait un sous-sol de maison, mal foutu, mal éclairé et surtout peu accessible, dans lequel je ne me suis jamais vraiment installé, comme toujours dans une location.

L’étude de l’Amphiplane ou « planeur hydravion » a été menée en 1994, certainement avec beaucoup plus de soin que pour les appareils précédents car j’avais plus de temps.
C’est le 1er octobre 94 que j’en lance la fabrication, en même temps que je me mets à mi-temps au bureau, en profitant à 55 ans du dispositif « contrat de solidarité-pré-retraite progressive ». Je choisis la formule la plus contraignante au niveau du bureau : travail tous les matins (au lieu d’une semaine sur deux, comme font la plupart de mes collègues), ce qui me permet d’assumer correctement mes responsabilités, puisque je suis présent tous les jours, notamment pour signer le courrier . Je peux donc consacrer mes après-midi à la construction aéronautique, et pour la première fois de ma vie je dispose de 2 ou 3 bonnes heures de travail tous les jours (sans parler des 5 ou 6 heures le samedi et très souvent autant le dimanche) .

Cela m’a permis de sortir mon planeur en 1 an et 7 mois (soit environ 2000 heures de travail au maximum), ce qui n’est pas énorme compte tenu de la nature de l’engin. Mais c’est pour moi un sommet que je n’avais encore jamais atteint, et que je n’égalerai sans doute jamais…Je ne suis pas pour les constructions qui traînent en longueur, parfois sur une dizaine d’années, comme font certains constructeurs amateurs : ma patience ne va pas jusque là !
Pour concevoir et construire cet Amphiplane, je disposais évidemment de l’acquis de toutes mes réalisations antérieures, et notamment en matière de stratifiés dont j’ai appris l’essentiel avec le PETREL. Mais cette fois, il me faudra aller encore bien plus loin, en dominant la construction en fibre de carbone sans laquelle cet engin aurait été beaucoup trop lourd. Bien entendu, il ne s’agit que de fibre imprégnée sur place de résine liquide et durcissant à la température ambiante, et non pas comme font les professionnels de fibre pré-imprégnée de résine durcissant au four : les performances sont moindres et il m’a fallu en tenir compte dans les calculs.
L’AMPHIPLANE était prêt le 1er mai 1996 et pesait complet 92 kg, non motorisé, auquel s’ajoutent 5 kg de parachute de secours intégré à extraction pneumatique (en vieillissant, on devient plus prudent, c’est sûr !).

La première sortie a eu lieu quelques jours après, sur la plage de PIETRACORBARA dans le Cap Corse, remorqué par le runabout de 150 CV de mon copain Frédéric (toujours lui !), et par 200 m de corde de polypropylène de 5 mm, qui a l’avantage de flotter. Il me faut bien reconnaître que cette phase de décollage remorqué par un bateau n’a rien d’évident. Bien entendu, une liaison radio avec le remorqueur est indispensable, et comme tout ça se passe sur l’eau, on imagine sans peine les problèmes d’électronique, d’autant qu’à certains moments, je me croyais davantage dans un sous-marin que dans un planeur ! Quant à l’accrochage du câble sous la coque par le pilote, en mer, il y a intérêt à être souple et à avoir le bras long…(la prochaine fois, je mettrai le crochet sur le coté, ce qui me fera gagner 10 cm de bras !), d’autant qu’une forte instabilité en lacet sur l’eau me mit plusieurs fois en travers, d’où décrochage immédiat du câble. Bref, cette première sortie fut un échec car après quelques oscillations en lacet particulièrement fortes, un flotteur de bout d’aile enfourne et s’arrache .

Retour à l’atelier et à la réflexion !
Ce fut surtout la réflexion qui me prit du temps. Bien entendu, je replaçais le flotteur de bout d’aile, monté de façon très légère de façon à servir de fusible en cas de choc.
Le 28 juin, nouvelle sortie, au même endroit, même remorqueur, mais avec une petite brise du large, ce qui devrait faciliter bien des choses. Pour simplifier un peu les problèmes, je décide de ne sortir que 100 m de câble car cet interminable vers de terre qui se tortille devant moi, garde en mémoire toute la trajectoire du bateau et donc tire tantôt à droite, tantôt à gauche (ce pauvre Frédéric faisant pourtant de son mieux pour avoir une trajectoire aussi rectiligne que possible !). Et cette fois, avec certes une très grosse émotion à la clef, je demande à Frédéric de garder toute la gomme…après une courte période de semi immersion, miracle, l’engin passe brusquement sur le redan, lève le nez, puis décolle franchement. Je rends aussitôt la main et largue à 5 ou 6 m, pour un plané impeccable suivi d’un kiss-landing (si j’ose dire !). Manifestement, dés qu’on a quitté l’eau, les problèmes sont du domaine du connu et ne révèlent pas de surprise : le planeur paraît excellent, bien centré, stable et vole droit : c’est déjà ça !
Je fais ce jour là 3 ou 4 vols en ligne droite, à 10 ou 15 m de hauteur maximum, et constate que dés la mise en palier, le planeur accélère vers 60-70 km/h, et que bien entendu le bateau est rapidement rattrapé ; il faut veiller à ne pas se poser dessus car ce n’est pas un porte-avion ! Enfin, il n’est même pas nécessaire de larguer, le câble qui traîne dans l’eau tire vers l’arrière et décroche tout seul. Je finis par m’éloigner sérieusement de la plage de départ, en évoluant toujours face au vent. Pour rentrer en remorque vent arrière, pas moyen : l’appareil qui zigzague déjà en temps normal, se mets carrément de travers par vent arrière, donc pas moyen de rentrer au point de départ, je suis obligé de me faire remorquer jusqu’à la plage de Sisco, à 5 km plus au Sud, où j’habite actuellement.
Pour la prochaine fois, il me faudra réaliser un petit crochet de remorquage dans le nez (ce sera fait, mais cette instabilité ne sera jamais totalement vaincue). Pour le reste, R.A.S, sinon que ma ceinture de planeur commence déjà à rouiller et qu’il me faut la remplacer par une ceinture de plongeur sous-marin, comme sur tous mes hydravions. Je songes également un moment à rechercher un bateau plus rapide, mais outre que je ne peux demander à mon copain d’investir 200.000 F dans un bateau de course, cela ne s’avèrera pas indispensable !
Le 13 juillet, nouvelle sortie dans les mêmes conditions, mais avec une mer plus formée (environ 60 cm de creux) et un câble de 150 m. Je fais 3 vols, dont un à environ 50 m : ça commence à devenir sérieux ! (50m pour 150m, cela fait déjà un angle de câble de18°).
Le décollage reste un instant pathétique, surtout s’il y a du creux : on plonge littéralement le nez dans la vague, et pendant quelques secondes on y voit plus rien ; il faut simplement attendre que ça passe, que le nez se soulève soudain et immédiatement le bruit et la fureur cessent : on est en l’air, la verrière s’éclaircit car le vent chasse l’eau . Bien entendu, j’ai dû très rapidement renforcer l’étanchéité de la verrière, ainsi que celle de la trappe de ventilation située juste dans le nez…mais malgré tout, il faut bien reconnaître que j’ai toujours les pieds au frais après le décollage, surtout quand j’oublie de fermer le trappe ! Il faudra aussi que j’améliore l’enrouleur de câble, car 150 m de ficelle qui s’emmêlent, ça fait désordre.
Le 23 juillet, nouvelle sortie, vent nul, mer d’huile : cette fois, je sors 200m de câble : c’est que j’ai l’intention de monter ! Je fais 4 montées vers 100-120 m et mes planés font maintenant 2 à 3 minutes chacun, avec de larges virages et un retour au point de départ : des « tours de piste », en quelque sorte ! Et la montée est une sensation très agréable car elle se fait lentement, pas trop cabré, ce qui permet de regarder le paysage : rien à voir avec la brutale « giclée » au treuil en planeur classique. Lors du retour à la plage, je suis pris dans la vague de sillage d’un gros paquebot qui passe au large, et le flotteur droit est arraché. Heureusement, mon fils Jérôme a pu prendre les premières photos en vol.

Le 10 août, c’est le début des emmerdements ! Par vent nul, je sors 300m de câble. Lors de l’accélération, l’appareil se mets de travers, enfonce le nez, et le câble se largue tout seul…mais entre temps, le flotteur gauche est arraché. Décidément, cette instabilité en lacet me pose de sérieux problèmes, évidemment surtout en l’absence de vent, ce qui réduit l’efficacité de la dérive.

Le 17 août, légère brise : les ennuis continuent : le câble de 300 m se casse plusieurs fois de suite, toujours coté bateau, sans que je saches pourquoi; a-t-il vieilli ? Je vais le remplacer par un neuf de 6mm au lieu de 5.

Le 28 septembre, reprise des essais après une interruption pour vacances (et oui, il faut bien aussi se reposer de temps en temps !). nouveau câble de 6 mm, donné pour 400 kg de résistance. Envoyé cette fois 400 m, un record. Le décollage, sans vent, est très pénible car le câble freine énormément. Pourtant, l’appareil monte péniblement, manche au ventre, au bord du décrochage, jusqu’à 8 ou 10 m, puis le câble sort brusquement de l’eau…donc il se rallonge et la traction cesse un court instant, assez pour que le planeur décroche et tombe à plat ; un grand splash, mais heureusement amorti par l’eau et par la faible charge alaire de l’appareil ! je n’ai pas le temps de réaliser ce qui vient de m’arriver, car le bateau a continué sa route, en accélérant bien sûr ; le câble se retends d’un coup (heureusement, 400 m de câble en polypropylène, ça donne du mou !) et cette fois, re-décollage, réussi cette fois ; mais l’appareil monte mal car le freinage du bateau est trop fort ; le largage se produit tout seul vers 180 m seulement (sans doute la pente du crochet est trop forte). Mais je m’acharne encore et cette fois, c’est mon câble neuf de 6 mm qui casse, plusieurs fois, toujours du coté du bateau.
Retour à la plage : il est grand temps que je réfléchisse !
Que s’est-il passé ?
Devant cette impressionnante collection de problèmes, dont certains comme mon décrochage auraient pu être graves, une longue période de réflexion s’impose ; en voici les conclusions :
1°- je comprends enfin la raison de toutes ces casses de câble :
elles sont dues à la traînée propre du câble dans l’eau qui s’ajoute à la traînée du planeur (environ 80 kg), et qui à partir de 300 m environ, dépasse sa résistance (280 kg pour le câble de 5 ; 400 kg pour le 6) ; ceci explique que les ruptures se fassent uniquement coté bateau (occasionnellement, cela montre que la traction du bateau est supérieure à 300 voire 400 kg, ce qui n’est pas mal !). J’avoue que je n’avais pas envisagé ce problème à sa juste valeur. Ceci explique également les difficultés de décollage avec un câble de 300 m et plus.
2°-à cette difficulté s’ajoute le fait que le câble reste « accroché » à l’eau alors que le planeur est déjà assez haut : il décrit une sorte de L très aplati, que l’on voit très bien sur les photos, jusqu’au moment où il sort d’un coup en donnant du mou. C’est sans conséquence avec un câble de 200m , mais avec 400 m j ’ai vraiment failli me casser la gueule et il est heureux que le planeur ait résisté au choc, d’autant que j’ai décollé ensuite sans avoir rien vérifié.
Tout ceci évidemment varie un peu en fonction du vent et de la mer, mais ce sont les ordres de grandeur.

CONCLUSION :
avec ce dispositif, la limite de la montée est limitée à 250 – 300 m maximum. C’est assez pour s’amuser un peu, mais pas assez pour accrocher sur les reliefs du bord de mer, surtout par vent faible (et bien sûr, par vent fort, pas question de décoller !). C’est ainsi que mes plus beaux vols n’ont pas dépassé la dizaine de minutes : pas de quoi pavoiser !
Fin octobre, je fais encore une sortie, avec 3 montées à 250 m : c’est vraiment le maximum avec 300 m de câble, et avec 400 m, rien à faire, le bateau « rame » trop ! Et pour couronner le tout, un automobiliste obligeant déclenche le plan ORSEC et téléphone aux gendarmes pour les prévenir qu’ »un avion est tombé dans l’eau ». J’ai donc droit, à mon retour à la plage, à un comité d’accueil : gendarmes, pompiers, ambulance…il ne manquait que l’hélico, qui s’apprêtait à décoller ! C’en est fini de ma tranquillité ! L’affaire s’arrange gentiment avec la Maréchaussée, bien que je ne sois pas vraiment en règle car mon immatriculation U.L.M. est purement fictive puisque dans U.L.M. il y a Motorisé, et de moteur, point ! (je ferai plus tard une demande d’hydrobase agréée, qui me sera accordée sans problème, il faut bien le reconnaître.).
Je suis donc dans une impasse, qui comporte deux solutions :
fabriquer (ou acheter, très cher), un dérouleur de câble, utilisé pour le vol libre. Mais cela nécessite de trouver un bateau plus rapide car le déroulement du câble réduit la vitesse du planeur , qui est déjà très juste. De plus, en restant face au vent, donc le plus souvent face au large, une telle montée m’amènerait à plusieurs km de la côte et de ses ascendances ! Je crains que ce soit une impasse de plus, et qui ne règle pas mes problèmes administratifs, ce qui est le plus grave.
Motoriser : c’est évidemment la solution, qui règle théoriquement tous les problèmes, à condition que le moteur soit assez puissant pour me sortir de l’eau ! Mais rentrer un moteur dans un planeur qui n’a pas été prévu pur cela, « c’est pas coton « . Heureusement, l’hiver arrive, et j’aurai tout le temps !



L’Amphiplane motorisé

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 26 : L’Amphiplane motorisé. Mise en place derrière le remorqueur habituel
(noter la tenue légère du pilote)
J’achète donc un moteur censé développer 28 CV, léger (17 kg avec l’échappement) et qui présente l’avantage d’être relativement étroit (comme le Mousquetaire de Buster Keaton !) car c’est un monocylindrique avec le carburateur à l’opposé du cylindre (et non pas sur le coté, comme d’habitude). Bien entendu, pour faciliter les démarrages, le carbu doit être placé en haut, et donc le cylindre en bas. Ceci posé, il me faut concevoir le système de relevage, ce qui n’est pas évident, mais surtout il me faut modifier tout le système d’emplanture d’ailes, pour permettre l’encastrement du moteur. Heureusement, la fibre de carbone n’a pas été inventée pour les chiens, mais sans doute pour les amateurs en difficulté ! Je réalise donc pour reconstituer la liaison arrière des ailes une lyre en carbone du plus bel effet, sauf que personne ne la voit !

Je modifie également le calage en plan des ailes, qui présentait sur la planeur une forte flèche inverse pour rattraper le centrage. Avec le moteur, surtout rentré, le centrage est nettement reculé et il me faut donc réduire notablement cette flèche inverse, sans la supprimer totalement. Mais je ne touche pas à l’incidence ni aux autres paramètres.
Bref, l’appareil motorisé est prêt à la fin juin 1997, donc après 7 mois de travail intensif. Il pèse maintenant 123 kg, sans le parachute ; la motorisation et les modifs afférentes représente donc 31 kg, dont 2,5 kg de batterie.

Hélas, la première sortie, effectuée sur la plage de la Marana sans bateau remorqueur, se solde par un échec : comme je le craignais, le moteur n’est pas assez puissant pour décoller l’appareil (fait-il bien les 28 CV annoncés ? j’en doute plus que jamais et des études comparatives me donnent à penser qu’il n’en fait que 20 !), qui ne parvient même pas à passer sur le redan ! De plus, il a tendance à piquer du nez, ce qui etait prévisible vu la position élevée de l’hélice. Je suis donc enfin en règle avec l’Administration, mais je reste cloué au sol, si j’ose dire ! Décidément, faire du planeur sur l’eau n’est pas une sinécure !
Un bon mois se passe, et le 26 juillet, je réquisitionne à nouveau mon copain Frédéric et son bateau, muni de 100 m de câble (j’en ai des stocks, de ce fichu câble, que je tiens à la disposition des amateurs !). Bien entendu, le décollage avec l’assistance du bateau, ne pose pas de problème. Je largue immédiatement et commence une prudente montée. Je constate bien une forte tendance au virage à droite, qui m’oblige à contrer avec le manche presque à fond à gauche, et un centrage très avant, mais ça c’est normal. Pourtant, je suis si content d’être enfin en l’air que je poursuis mon vol jusque chez moi, à Pietranera, sans doute pour faire voire à ma famille que « ça marche »… Honnêtement, je pense avoir fait là la plus grosse connerie de mon existence…en tous cas de celles qui étaient évitables ! Mais le vol d’ ½ heure se termine bien car je n’ai pas fait d’imprudence supplémentaire, je n’ai fait que deux ou trois virages très à plat, et j’ai volé à petite vitesse. Je sais maintenant que si j’avais fait la moindre fantaisie, je me cassais la gueule à coup sûr !
Rentré à l’atelier, je vérifie évidemment mon calage d’ailes, bien que celui-ci n’aurait pas dû bouger lors des modifications réalisées. Et là stupeur, je constate un décalage de 1,5 ° : c’est énorme …et incompréhensible . A ce jour, je n’ai toujours pas compris comment ma modification de l’angle de flèche a pu induire un tel décalage d’incidences. Mais quoi qu’il en soit, c’est sans doute une des plus grosses erreurs de mon existence de constructeur aéronautique (la plus grosse, mais pas la seule, hélas !). Dans le doute, je décide de ne rectifier que 1°, en laissant donc un décalage de 0,5°.
Le 3 août, nouvelle sortie mais à Porticciolo (Cap Corse) cette fois. Je décolle derrière mon remorqueur habituel, et cette fois la montée se fait sans problème, manche bien au milieu : le calage d’aile semble maintenant bon. Prudemment (« chat échaudé craint l’eau froide », dit-on), j’accélère un peu ; l’appareil part de nouveau violemment à droite et je contre avec le manche en butée à gauche. Heureusement, dés que je ralentis, l’appareil revient au neutre, mais j’ai très bien senti que j’étais à la limite de la perte de contrôle…Si cela m’était arrivé sans que je m’y attendes, comme lors du vol précédent, j’étais foutu, c’est sûr, car le réflexe naturel aurait été de prendre de la vitesse.
EXPLICATION : avec un tel décalage d’incidence, à basse vitesse donc à forte incidence, les ailerons parviennent à contrer le défaut (0,5°/5° = 10% de compensation); à grande vitesse donc faible incidence, les ailerons ne compensent plus assez (0,5°/ 1° = 50% de compensation): c’est le virage engagé, sans espoir de sortie…une occasion « rêvée » d’essayer le parachute !

Le 9 août, nouvel essai après rectification des 0,5° restants (j’ai entre-temps vérifié aussi les ailes, qui n’ont pas bougé). Cette fois, tout va bien : il ne reste qu’une très légère tendance à droite, même à grande vitesse. Je monte assez haut et rentre pour la première fois le moteur ; je plane une dizaine de minutes (un record !) puis ressorts le moteur et redémarre en vol : ça commence à marcher.
Les vols suivants, après une ultime correction d’incidence, se passent très bien, à l’exception d’une petite panne de moteur (fil de bougie détaché) qui m’amène à me poser sur l’eau (mais sans plan ORSEC cette fois, les gendarmes se méfient !). Je fais un peu de vol à voile sur les reliefs, mais il n’y a pas assez de vent pour le dynamique et quant au thermique, je ne suis pas encore à la hauteur, au sens propre comme au figuré !

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 27 : Un passage (trop prés) de l'Amphiplane pour la photo !
J’ai également testé les aérofreins, très prudemment d’abord, en finale, très prés de l’eau, puis plus haut et en ouvrant de plus en plus : ils sont d’une efficacité extraordinaire ; ouverts en grand, le planeur descend comme une pierre (sur l’eau, ce n’est guère utile, mais il en n’en sera pas de même plus tard, sur la terre ferme).

C’est tout pour l’été 97…De menus ennuis, la difficulté de réunir l’équipage complet, le bateau, etc.…font que je n’ai plus volé depuis des mois ; je suis écœuré. Enfin, en mars 98, j’ai trouvé LA solution (ou du moins, le croyais-je !) : j’ai dégotté un vieux jet-ski (ou scooter des mers) de 50 CV (ils en font maintenant 120 !) et je suis prêt à l’acheter s’il est capable de décoller mon planeur. Le vendeur (professionnel) vient lui même pour me tracter, avec 50 m de câble de 5 seulement (maintenant que je sais la traînée d’un tel câble dans l’eau, pas question d’en mettre davantage !).
Le décollage derrière le jet-ski est plutôt poussif : l’appareil sort sur le redan, puis accélère tout seul et rattrape le jet-ski avant même d’avoir décollé ! Je suis obligé d’obliquer pour ne pas risquer de lui tomber dessus. Bien entendu, le câble qui traîne derrière se large tout seul et le décollage se fait sur le moteur seul, ce qui prouve que l’essentiel de l’effort demandé réside dans la sortie sur le redan : après, ça va tout seul.
Donc, affaire conclue, j’achète le jet-ski :c’est ma seule possibilité de revoler…Encore faut il trouver un pilote pour cet engin, pourvu d’un permis bateau ! Frédéric, une fois de plus, fera l’affaire, bien qu’il n’en ait jamais piloté !

Le 23 avril 1998, nouvel essai derrière le jet-ski, à St Florent. Le décollage est conforme au processus ci-dessus, mais je monte cette fois à 500 m car je suis bien décidé à faire un peu de vol à voile sur les reliefs. Arrivé à cette altitude, je rentre le moteur (la manœuvre dure une minute et ça paraît bien long) et c’est parti pour une séance de lèche cailloux sur les reliefs Ouest du golfe. Hélas, il y a très peu de vent, et encore moins de thermiques car le ciel est gris. Au bout d’1/2 heure passée aussi prés du relief que me le permettent à la foi mon inexpérience et le manque d’efficacité des ailerons, je finis par retourner lentement au « tapis » ; mais je ressorts à temps le moteur, et il démarre sans problème in extremis à 2 mètres de l’eau ! (heureusement car je n’aurais pas pu redécoller tout seul) : quelle sécurité que ce motoplaneur marin ; avec un motoplaneur classique, il aurait fallu ressortir le moteur bien avant pour garantir un minimum de sécurité et avoir le temps de trouver un terrain en cas de problème moteur. Sur le chemin du retour, je cherche des yeux mon copain sur le jet-ski, en vain et je commence à m’inquiéter :il n’aurait tout de même pas coulé ! Je me pose et rentre à la plage au moteur. Là, un spectateur obligeant m’annonce que mon copain est tombé en panne et qu’il est rentré au port remorqué par un pêcheur ! (en fin de compte, la turbine avait avalé le câble : un beau sac de nœuds de plus). C’en est fini pour les vols de la journée, une fois encore…Décidément, ce bateau tracteur, quel fardeau !

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 28 : L’Amphiplane sur le terrain de Ghisonaccia
Le 8 mai 1998, je vais pour la première fois voler en terrestre sur le terrain de Ghisonaccia, devenu depuis quelques années terrain de vol à voile, avec une très belle piste goudronnée de 800 m. Bien que j’aie quelques difficultés au roulage, à cause de ma roue un peu trop en arrière (l’appareil a tendance à passer sur le nez), j’arrive quand même à le mettre bien dans l’axe, puis plein pot et je décolle en une centaine de mètres. Cette fois, je suis vraiment autonome et c’est une sensation bien agréable quand on a connu toutes ces difficultés. Après un vol d’une petite ½ heure, je rentre le moteur pas trop loin de la piste (ce sera aussi mon premier atterrissage sur le plancher des vaches : faut pas le louper !), et me présente aux A.F ., toujours aussi efficaces. Alors que sur l’eau, je me foutais complètement de la précision d’amerrissage, sur la piste, bien que longue, je m’applique…et je touche pile à une cinquantaine de m du seuil . Je ne revole pas ce jour là car ma béquille en bois est complètement bouffée : il faudra la remplacer par une roulette.

Le 6 juin 1998, je revole à Ghisonaccia, pourvu d’une belle roulette de queue. Le vent est faible mais en travers de la piste, comme d’habitude. Cette fois, je profite un peu des pompes, mais je m’aperçois vite de la médiocre efficacité des ailerons, et je trouve l’appareil difficilement contrôlable dans les turbulences. Je préfère ne pas insister ; retour au terrain, moteur rentré et atterrissage un peu foireux ; au deuxième rebond, la roue se déverrouille et je finis sur le ventre, une fois de plus, mais bien sûr sans aucun dégât hormis la peinture.
Ce sera mon dernier vol sur l’AMPHIPLANE , à ce jour : s’en suivra une impressionnante collection de petits pépins qui, chaque fois, m’empêcheront de voler : sur l’eau, une nouvelle panne du jet-ski ; sur la terre ferme, des problèmes avec ma roulette trop en arrière (je finirai par mettre une roulette supplémentaire dans le nez) ; puis encore sur l’eau, avec un plan hydrofoil qui aurait pu me permettre de décoller sans assistance, essai jamais réalisé à cause d’une panne de démarreur ! …Tous ces pépins m’ont épuisé et démobilisé.
Et comme je me suis lancé dans la construction d’une maison (avec un bel atelier, cette fois !), je stoppe tout, provisoirement j’espère . Mais je ne pense pas reprendre mes essais de vol à voile marin car les contraintes sont vraiment trop lourdes, quand ce ne serait qu’à cause de l’impossibilité de disposer d’un hangar au bord de la mer (même les garages à bateaux sont maintenant mal vus, alors pas question de réaliser un hangar à hydravion !) J’arrive sans doute bien trop tard : le temps de l’hydraviation est fini, bien fini…J’aurai peut être contribué à le prolonger un peu, au moins dans les rêves de quelques-uns.
La bourde :
Après toute cette série de déboires techniques mineurs mais paralysants, je me lance dans une nouvelle aventure, moins dangereuse mais tout aussi astreignante : la construction d’une maison ! comme c’est la première fois et que je n’y connais pas grand chose, je m’efforce d’y consacrer tout mon temps disponible, d’autant que je serai encore au travail à mi-temps jusqu’en octobre 1999. Que le lecteur (éventuel !) se rassure, je ne vais pas faire ici l’historique de cette réalisation, qui a pourtant le mérite d’exister encore, et pour très longtemps (à moins que quelque cinglé ne décide d’y placer une charge explosive !).

Durant cette longue période il m’arrivait quand même de voler de temps à autres sur le motoplaneur PIUMA (construction amateur) de mon copain Frédéric. Cet engin n’est pas une merveille et ne mérite même pas le qualificatif élogieux de motoplaneur. Mais il a un bon moteur Koenig qui ne tombe pas trop souvent en panne, ce qui est fort utile sur le très mauvais terrain de MORIANI où il est basé. Il faut dire que j’avais juré de ne jamais voler sur ce terrain, comportant une bonne piste de 400 m, mais entièrement entourée d’arbres gigantesques, de lignes électriques, de routes, maisons et autres obstacles divers, rendant la panne de moteur au décollage hautement périlleuse…Mais malgré tout, à force de le voir voler et de rester par terre, je finis par accepter l’offre sympathique de mon copain, ce qui me permit au moins de « garder la main » pendant toute cette longue période d’inactivité aéronautique (j’ai dû faire 4 ou 5 vols sur cet appareil, soit 2 ou 3 heures en tout).

C’est ainsi que j’atteignis sans mal l’été 2001 où, ma maison enfin terminée, je commençais à être sérieusement repris d’une irrésistible envie de voler, mais avec mon engin, pas avec celui des autres.

Comme je l’ai dit plus haut, il n’était plus question de voler en mer, quand ce ne serait que pour préserver la très belle mécanique de relevage moteur que j’avais perfectionnée, avec un moteur plus puissant et des contacts « fin de course » qui m’avaient donné bien de la peine. Je réalisais donc durant l’été un train d’atterrissage fixe, monté sous la coque, destiné à faciliter les évolutions au sol sur des terrains moins commodes que la piste en dur de Ghisonaccia, décidément trop loin à mon goût et surtout sans possibilité d’hébergement sous hangar .

Donc fin août 2001, je ressortais l’Amphiplane, soigneusement révisé, pour des essais moteur... Ces essais furent forts décevants car je ne parvenais pas à retrouver « les tours », pour une raison que je ne m’expliquais pas…Puis, après avoir passé le 1er week-end de septembre à BLOIS à regarder voler les autres, et pensant sans doute que le « grand air », ne pourrait nous faire que du bien, à mon moteur et à moi, je me décidais donc, le 8 septembre, à amener mon engin « retapé » à MORIANI, pour essais et vols éventuels.

Là, nouveaux essais moteur, encore plus décevants par suite d’un mauvais contact sur le fil de bobine, qui m’amena tout d’abord à dérégler complètement mon carbu, puis après avoir trouvé la véritable cause de la panne, à refaire tant bien que mal ce réglage. Le « compte » n’y était pourtant pas, mais quand on est sur un terrain, c’est pour voler, n’es-ce pas ? (que celui qui n’a jamais fait ce genre de connerie me jette le première pierre !).

Me voici donc en bout de piste, avec l’intention de faire une tentative, mais de « couper à temps » si les « chevaux » ne sont vraiment pas au rendez-vous…Oh ! pouvoir de l’optimisme et de l’envie de voler ! Je décolle péniblement, vers le milieu de la piste, et je réalise, bien sûr trop tard en bout de piste, que la montée est très poussive…La haie de grands arbres et la ligne électrique sont cependant passés de justesse, à la vitesse minimale de l’ordre de 60 km/h, et je peux commencer à respirer. Bien sûr, pas question dans ces conditions de survoler la route et les maisons. J’entame prudemment un large virage à droite et, à une vingtaine de m d’altitude tout au plus, mon moteur s’arrête net…Devant moi, un champs trop petit (ou du moins je l’ai jugé ainsi, dans la fraction de seconde dont je disposais !). Donc je prolonge mon virage à droite dans l’espoir de repasser la haie de grands arbres (une quinzaine de m de hauteur) et d’atteindre, non pas le terrain mais un grand champs voisin…je m’aperçois trop tard que je ne passerai pas et, sans tenter de manœuvre désespérée, je rentre droit dedans ! Un grand « crac » et je me retrouves le nez en bas, accroché à mon arbre tel un piaf, à une dizaine de m de hauteur. De là, j’ai une vue magnifique sur le paysage…et sur la ligne électrique distante de 5 ou 6 m ! c’est alors que je réalise que « j’ai eu chaud »…Par chance, je suis indemne, protégé des branches par la verrière, intact elle aussi (heureusement vu son prix) . Je suis en position debout, retenu par ma ceinture et les pieds reposant sur le palonnier, qui a résisté lui aussi. Le reste ne m’est pas visible sur le moment, mais je dois reconnaître que je m’en fous complètement, pourvu que les débris résistent car je n’ai aucune envie de tomber comme un fruit mûr…(comme disait BRASSENS « auprès de mon arbre, je vivais heureux… »).
Les premiers spectateurs arrivent quelques (longues) minutes après, les pompiers un ¼ d’heure plus tard, avec une échelle trop courte…suivis des gendarmes, SAMU etc…mais je dois attendre une bonne heure la Grande Echelle, venue de BASTIA, pour être enfin « décroché » ; j’ai même droit à une « inspection de détail » de la part du médecin qui n’en revient pas de me trouver en aussi bon état. Il est vrai que je n’ai pratiquement subi aucun choc, passant de 60 km/h à 0 en moins de 2 m (l’écrasement des ailes + l’élasticité de l’arbre , bien plus intéressante à 10 m de hauteur qu’à la base, les automobilistes en savent quelque chose !).
Je dus faire appel à une énorme grue pour décrocher mon oiseau, ou ce qui en restait. L’opération fut faite proprement, et je pus faire un inventaire détaillé des dégâts : l’aile droite était cassée net ; l’aile gauche n’avait que quelques entailles dans le bord d’attaque ; le fuselage était écrasé à l’emplanture ; le reste était intact , ce qui démontrait une très bonne résistance d’ensemble.
Comme j’avais en tête depuis longtemps de garder les aile et de refaire le fuselage, ça tombait plutôt mal ! Aussi, la décision ne tarda pas : j’en refais un autre !
Je récupérais tout ce qui pouvait l’être : la queue, la verrière, les A.F., les commandes et les ferrures, les instruments et le moteur bien sûr…et brûlais le reste, histoire de faire de la place dans mon atelier.

L’Amphiplane est mort, vive le l’Electroplane, ou motoplaneur électrique !
l’Electroplane :
Il faut reconnaître que depuis longtemps, les engins à moteur électrique me passionnaient : (voir photo ci-dessous) :

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 29 : Premier véhicule électrique (1950) :
la batterie (de camion !) ne durera qu’une vingtaine de secondes et je me brûlais les fesses avec le câble d’alimentation ! le caillou dans la main droite sert à appuyer sur le contact
Les plans d’un nouvel appareil étaient déjà bien avancés depuis longtemps, sur la base d’un moteur fixe au niveau du bord de fuite, avec hélice repliable vers l’arrière comme sur le PIUMA ou l’EXEL, solution simple et sûre qui me paraît plus adaptée à l’U.L.M. que le moteur rentrant.
Mais les progrès fulgurants des accus et des moteurs électriques, le (très relatif) succès du SILENT électrique (classé ULM) et de l’ANTARES (planeur électrique de hautes performances : voir ci-dessous), tous deux de fabrication Germanique (il n’y a qu’eux pour s’intéresser réellement aux concepts écologiques) me décidèrent à sauter un pas qui m’excitait fort depuis longtemps : mon nouvel appareil sera donc électrique, avec un moteur en pylône et une hélice propulsive de très grand diamètre repliable vers l’arrière.


Figure  SEQ Figure \* ARABIC 30 : Icaré 2 : Encore une merveille Allemande
.
Figure  SEQ Figure \* ARABIC 31 : ANTARES
Les travaux commencèrent sans tarder, début octobre 2001, sur la base des plans existants de l’Amphiplane revus et corrigés. Cette fois, animé d’un optimisme à toute épreuve (Ô combien injustifié comme on le verra plus loin !), je résolus d’envisager une commercialisation en kit, donc la réalisation d’un fuselage en plastique moulé : un travail de romain puisque cela nécessite :
la réalisation d’une matrice et bois très soignée et d’une finition parfaite…un vrai travail de fou …d’autant qu’au mois de mai, quand tout était prêt au moulage, il a commencé à faire chaud et le bois en séchant s’est mis à se fendiller et à se gondoler généreusement ; la finition était donc toute à refaire !
sur cette matrice j’ai réalisé le moule femelle en polyester, en trois parties .
(temps total pour la matrice et le moule: environ 7 mois à 140 h/mois, soit environ 1000 heures).
enfin, dans ce moule j’ai réalisé en fibre de verre et de carbone le fuselage proprement dit .(commencé début juin 2002, terminé en novembre soit 6 mois à 140 h/mois = 840 h)

 
Figure  SEQ Figure \* ARABIC 32 : Motoplaneur électrique Fuselage terminé : avant en verre, arrière en carbone



Figure  SEQ Figure \* ARABIC 33 : Motoplaneur électrique Fuselage terminé et peint 
noter le parachute en appuie-tête et le mannequin figurant le moteur
Bien entendu, durant tous ces travaux, je me préoccupais de cerner les problèmes concernant la motorisation électrique : recherche des fournisseurs moteurs et accus, calculs divers concernant la quantité d’énergie à emmagasiner et le temps de vol possible avec un poids forcément limité de batteries : ce travail s’est avéré relativement simplifié par le fait qu’entre le moment de mes premières approches, en 2000, et la fin de mes travaux en 2003, les progrès techniques concernant les batteries ont été fulgurants ; la masse nécessaire passant d’environ 40 kg (batteries Cd-Ni) à moins de 20 kg, voire 15 kg avec la toute nouvelle génération d’accus Lithium-Polymères. On trouvera ci-après un petit calcul simple permettant de se faire une idée de la question.

Energie nécessaire pour monter à 800 m, un moto planeur de 240 kg de masse totale, en 6 minutes

Ascension totale : 800m + 252m (vitesse de chute : 0,7 m/s) = 1.052 m
E = 1.052 m x 2400 N = 2.525 kNm = 2.525 kJoule
1 Wh = 3,6 kJ d’où E = 2.525/3,6 = 701 Wh = 0, 7 kWh

rendement moteur : 0,85 rendement hélice 0,7 rendement motorisation 0,85x0,7 = 0,6
donc énergie nécessaire pour la montée: 0,7 kWh / 0,6 = 1, 16 kWh
à cela il convient d’ajouter le décollage, soit 10 s à 15 kW = 0, 04 kWh
donc énergie totale : 1,2 kWh

parlons puissance maintenant :
1.052 m en 6 minutes soit 2,92 m/s x 240 kg = 700 kgm/s / 75 = 9,35 CV = 6, 88 kW
Avec rendement motorisation de 0,6
Puissance nécessaire : 15,58 CV = 11, 46 kW
Puissance prévue : 17 CV = 13 kW
Soit pendant 6 minutes : 1, 3 kWh

Donc avec 1, 5 kWh, marge de sécurité de 15 % minimum,
et plus probablement 30 %

Ouf !! un peu de maths niveau Certificat d’Etudes, ça fait du bien, non ? (si on m’avait dit ça quand j’étais petit !)
Après avoir fait à peu prés le tour de la question technique, je m’employais à cerner les problèmes financiers…là bien sûr, il y a un os, et un maous ! tout ça coûte très cher, bien plus cher qu’un moteur thermique classique (environ 10.000 ¬ pour une solution « minimaliste » avec accus Cadmium-Nickel et moteur à courant continu réducté, environ 25.000 ¬ pour une solution « au top » avec accus Lithium-Polymère et moteur bruschless à bas régime, contre seulement 2.000 à 2.500 ¬ pour le moteur thermique, donc 10 fois plus cher, ouil !)…
Las, qu’importe, me dis-je !!! (noter le style littéraire !)…ce projet est si séduisant, si innovant, tellement « dans le vent » surtout sur le plan écologique (appareil parfaitement silencieux, ne produisant aucun rejet de CO2, excellent rendement énergétique), que tous les intervenants concernés (Grandes Ecoles : Supélec ; Chargés de l’innovation : ANVAR ; chargés de l’environnement : ADEME et ministère de l’Environnement ; producteurs d’électricité : EDF ; et bien entendu les fabricants de moteurs et de batteries) ne manqueront pas de se passionner pour le projet et de vouloir profiter de l’extraordinaire publicité que pourrait leur apporter le 1er planeur électrique Français !!!
De plus, je présentais aux susdits intervenants un dossier parfaitement « ficelé » techniquement et physiquement puisque le prototype était en cours d’achèvement, ce qui représentait déjà un énorme investissement en temps et en argent qu’ils n’avaient pas à supporter.
Parallèlement, j’eus la chance de faire paraître dans la revue spécialisée « vol à voile » (juillet-août 2003) un excellent article de 6 pages texte et photos, sur lequel je comptais beaucoup pour me faire connaître dans ce milieu et éventuellement constituer une équipe …
Ô vertus de l’illusion ! Ô désastre de l’optimisme !
Je consacrais les années 2003 et 2004 à rechercher ce financement, à frapper à toutes les portes…en vain ! J’ai été baladé de bureaux en bureaux, de services en services, rencontrant parfois un intérêt poli, la plupart du temps l’indifférence.
A l’issue de ces tractations, il ne ressortit que deux vagues promesses :
de l’ANVAR la promesse d’une aide de 30% de montant de l’investissement « électrique », déduction faite de l’investissement « thermique »…quelle générosité pour une administration qui distribue « à tout-va » !
du plus gros fabricant français de moteurs électriques (LEROY-SOMER), la promesse d’un prix « d’ami » pour l’étude et la réalisation d’un moteur spécial.
Quant à l’article de « vol à voile », en dehors du rédac-chef Jean Molveau qui m’a apporté tout son soutien, son intérêt et sa sympathie, je n’en ai eu pratiquement aucun retour, à part quelques coups de fils de farfelus sans intérêt .
Pourtant, pendant ce temps, j’achevais mon appareil, en y apportant un soin inouï :
les ailes sont commencées en mars 2003, terminées en décembre de cette même année. (soit 10 mois à 140 h/mois = 1400 h… J’arrive donc à un total d’environ 3200 heures de boulot ! (valeur très approximative : je ne pointe pas comme à l’usine, quand même !)…j’avais jamais fait le compte ! c’est de très loin la plus longue réalisation de mon existence ! et je ne compte pas les heures passées sur mon ordinateur et au téléphone.
A l’évidence, ce n’est pas une opération que je pouvais mener sur fonds propres, mais surtout c’est une opération que je ne pouvais techniquement et moralement mener seul ; notamment sans l’appui des constructeurs de moteurs et de batteries. Que pouvais-je faire tout seul et avec mes faibles ressources et mes compétences limitées ?
C’est donc au bout d’un an de lutte et de désillusions que j’ai abandonné, la rage au cœur, sans grand espoir de trouver une solution et un soutien…
J’ai envisagé un temps de revenir à une motorisation thermique, et j’ai même emprunté le KÖNIG (tricylindre en étoile) de mon copain Frédéric, qui croupissait au fond de son garage, monté sur le très médiocre PIUMA…mais décidément, je n’ai pas le courage de revenir en arrière : ce sera de l’électrique ou rien (à ce jour de juillet 2005 c’est toujours rien !)
Voilà, le chapitre de l’Electroplane est fini…beaucoup de travail pour pas grand chose !
Et je n’ai même pas eu le courage de le sortir du garage et de le monter pour faire les dernières photos !

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 34 : Motoplaneur électrique
A noter les lignes très pures du raccordement ailes-fuselage, et le mannequin figurant le futur moteur électrique

Figure  SEQ Figure \* ARABIC 35 : Motoplaneur électrique L’une des dernières photos !
depuis, les ailes ont été terminées…mais non peintes et l’appareil n’est plus sorti de l’atelier…donc plus de photos !
La Puce du ciel III
Voilà enfin une affaire rondement menée, à la différence de l’Electroplane !
Commencé début Février 2005, terminé début mai de la même année, soit 3 mois de boulot pour sortir une machine très propre, récupérant le moteur König de Frédéric . (coque en fibre de verre stratifiée sur noyau perdu en polystyrène, dissous ensuite à l’essence…pas mal de boulot quand même, mais sans commune mesure avec le moule classique)


Figure  SEQ Figure \* ARABIC 36 : La Puce du ciel III: Premier montage
Ensuite vint la recherche d’une aile appropriée issue du vol libre, d’occase bien sûr …Je ne cherchais pas une aile facile « pour débutant » mais au contraire une aile performante, récente, avec une finesse de 12-13 car j’avais toujours en tête de faire un peu de vol à voile…quel optimisme !
Cela nécessite une aile à grand allongement, donc instable et peu maniable…mais si d’autres s’en débrouillaient, je pourrais bien en faire autant ! Un moniteur prés de Nice me proposa une aile de ce type, une « sans mât » de 14 m² de marque AIRWAWE Xtreme, pas chère (les deltas ne se vendent plus), en la qualifiant de « parfaitement pilotable mais un peu instable ».
L’installation de l’aile sur le chariot fut assez facile, sans surprise….Restait à en faire les essais….
Pour cela, il fallait agir avec prudence ! Il me fallait une grande piste, tranquille et sans vent…Le terrain de Propriano (1 400m bétonné) convenait parfaitement et de plus il était occupé par une excellente bande de copains, ce qui ne gâchait rien !
Je m’y suis donc rendu début Juin et j’ai commencé à rouler, en accélérant lentement…manque de pot, la roue avant se mit aussitôt à divaguer (on appelle ça le shimmy) par suite d’un défaut de conception de la fourche, jusqu’à éclatement du pneu ! Mais j’avais cependant eu le temps de constater que mon aile avait un drôle de comportement, notamment en lacet (aucune réaction au basculement latéral du trapèze) et en tangage (aucun rappel au neutre) ; cela commençait à m’inquiéter, mais il fallait bien continuer et s’approcher davantage de la vitesse de décollage…
Ce fut fait le 8 juillet avec une fourche entièrement refaite, mais sur le terrain de Ghisonaccia (Propiano, en été, c’est vraiment trop loin !) : piste goudronnée de 800m , c’est bien assez !
Ce jour là, je fis 3 ou 4 longueurs de piste, en accélérant progressivement et en essayant de tâter le comportement de mon aile…j’allais jusqu’à faire 2 ou 3 « sauts de puce », à 1m d’altitude maxi, avec à chaque fois un comportement chaotique et sans pouvoir vraiment déterminer les paramètres essentiels du vol. Cette tentative s’est achevée prématurément sur petits problèmes moteur…mais j’avais de moins en moins confiance dans le comportement de mon aile et je n’avais pas progressé d’un poil dans la connaissance des paramètres…il fallait bien en avoir le cœur net pourtant, et pour cela faire au minimum un palier d’une centaine de m à 1 ou 2 m du sol !
Ce qui fut tenté quelques jours après, sur le même terrain, avec une atmosphère parfaitement calme (et un pilote idem…enfin, presque !) : cette fois, je mis un tout petit peu de gaz et acceptais un vrai décollage, suivi d’un pallier de quelques secondes mais déjà trop haut (3 ou 4 m), en tirant sur la barre comme un sourd car cette fois je me rends compte que le centrage est trop en arrière, en dépit de l’avancement de celui-ci de 8 cm par rapport au point « vol libre ». Je réduis immédiatement et malgré tout l’aile embarque à droite sans que je parviennes à la contrer…l’atterrissage est brutal, de travers, beaucoup trop rapide…le train est arraché (avant et arrière) et la course se termine en bord de piste, dans un craquement sinistre, fuselage couché, hélice cassée, aile un peu éraflée …et genou égratigné (l’amour propre, lui, est beaucoup plus atteint !). Je sors rapidement de ma coquille déglinguée, pour ne pas inquiéter davantage mon bon copain Alain qui m’assistait ce jour là et qui arrivait en courant !
En fait il m’est arrivé à peu de choses prés exactement le même accident et au même endroit, qu’avec « la Puce-du-ciel 1 » 24 ans auparavant, et ceci malgré un surcroît de prudence et la précaution supplémentaire de l’avancement notable du point d’accrochage.
En conclusion, il apparaît que :
cette aile de vol libre est bien trop difficile à piloter pour un « quasi débutant » comme moi !
En se déformant davantage sous l’effet du surpoids (pourtant modéré d’une quarantaine de kg), le centre de poussée de l’aile est très fortement avancé, encore beaucoup plus que sur les vieilles ailes des années 80
Tout cela, j’aurais dû m’en douter en observant que bien des ailes performantes modernes sont pourvues d’organes stabilisateurs en tangage (petit empennage) et d’organes de maniabilité en roulis (petits ailerons ou spoilers). Je me suis donc fait avoir en achetant cette aile…une connerie de plus à mon actif !
Mais cette fois c’est fini, stop, je raccroche les gants !! bien heureux encore que je puisse achever ces mémoires, non ?



Fait à Sisco, le 13 juillet 2005
Table des Légendes

 TOC \h \z \c "Figure"  HYPERLINK \l "_Toc110255012" Figure 1 : Moto Delta  PAGEREF _Toc110255012 \h 5
 HYPERLINK \l "_Toc110255013" Figure 2 : Roland Magalon sur le premier tricycle  PAGEREF _Toc110255013 \h 8
 HYPERLINK \l "_Toc110255014" Figure 3 : Quick Silver  PAGEREF _Toc110255014 \h 9
 HYPERLINK \l "_Toc110255015" Figure 4 : Mike de Glanville et le chariot Buggy de Hiway  PAGEREF _Toc110255015 \h 10
 HYPERLINK \l "_Toc110255016" Figure 5 : Jojo sur son HIWAY mark II moteur FUJI-ROBIN  PAGEREF _Toc110255016 \h 13
 HYPERLINK \l "_Toc110255017" Figure 6 : Puce du ciel I  PAGEREF _Toc110255017 \h 14
 HYPERLINK \l "_Toc110255018" Figure 7 : Puce du ciel I  PAGEREF _Toc110255018 \h 14
 HYPERLINK \l "_Toc110255019" Figure 8 : Frédéric sous son Quicksilver à moteur  PAGEREF _Toc110255019 \h 16
 HYPERLINK \l "_Toc110255020" Figure 9 : Accident entre 2 ULM  PAGEREF _Toc110255020 \h 17
 HYPERLINK \l "_Toc110255021" Figure 10 : Trois PUCE DU CIEL très réussies  PAGEREF _Toc110255021 \h 18
 HYPERLINK \l "_Toc110255022" Figure 11: L’Hydroplum I dans la baie de St Florent  PAGEREF _Toc110255022 \h 19
 HYPERLINK \l "_Toc110255023" Figure 12 : L’Hydroplum I au salon du Bourget  PAGEREF _Toc110255023 \h 27
 HYPERLINK \l "_Toc110255024" Figure 13 : L'Hydroplum de Hervé le GALL  PAGEREF _Toc110255024 \h 29
 HYPERLINK \l "_Toc110255025" Figure 14 : L’Hydroplum II - a  PAGEREF _Toc110255025 \h 31
 HYPERLINK \l "_Toc110255026" Figure 15 : L’Hydroplum II - b  PAGEREF _Toc110255026 \h 31
 HYPERLINK \l "_Toc110255027" Figure 16 : 1er vol dans la baie de St Florent  PAGEREF _Toc110255027 \h 32
 HYPERLINK \l "_Toc110255028" Figure 17 : Le PETREL de LATTMANN au barrage de PADULA  PAGEREF _Toc110255028 \h 36
 HYPERLINK \l "_Toc110255029" Figure 18 : Nicolas Hulot (dans le proto) et Hubert de Chevigny (dans le n° 01)  PAGEREF _Toc110255029 \h 37
 HYPERLINK \l "_Toc110255030" Figure 19 : Le 1er PETREL américain (made in France !)  PAGEREF _Toc110255030 \h 39
 HYPERLINK \l "_Toc110255031" Figure 20 : Le Petrel de Pierre  PAGEREF _Toc110255031 \h 41
 HYPERLINK \l "_Toc110255032" Figure 21 : LE PATURI (copie illégale du PETREL)  PAGEREF _Toc110255032 \h 43
 HYPERLINK \l "_Toc110255033" Figure 22 : La puce du ciel II  PAGEREF _Toc110255033 \h 44
 HYPERLINK \l "_Toc110255034" Figure 23 : Claude GIBERT effectuant les premiers vols de la PUCE II  PAGEREF _Toc110255034 \h 45
 HYPERLINK \l "_Toc110255035" Figure 24 : L’Hydroplum I modifié 1992  PAGEREF _Toc110255035 \h 46
 HYPERLINK \l "_Toc110255036" Figure 25 : Les premiers vols en planeur pur avec l'Amphiplane à PIETRACORBARA  PAGEREF _Toc110255036 \h 48
 HYPERLINK \l "_Toc110255037" Figure 26 : L’Amphiplane motorisé. Mise en place derrière le remorqueur habituel  PAGEREF _Toc110255037 \h 52
 HYPERLINK \l "_Toc110255038" Figure 27 : Un passage (trop prés) de l'Amphiplane pour la photo !  PAGEREF _Toc110255038 \h 54
 HYPERLINK \l "_Toc110255039" Figure 28 : L’Amphiplane sur le terrain de Ghisonaccia  PAGEREF _Toc110255039 \h 55
 HYPERLINK \l "_Toc110255040" Figure 29 : Premier véhicule électrique (1950) :  PAGEREF _Toc110255040 \h 58
 HYPERLINK \l "_Toc110255041" Figure 30 : Icaré 2 : Encore une merveille Allemande  PAGEREF _Toc110255041 \h 59
 HYPERLINK \l "_Toc110255042" Figure 31 : ANTARES  PAGEREF _Toc110255042 \h 59
 HYPERLINK \l "_Toc110255043" Figure 32 : Motoplaneur électrique Fuselage terminé : avant en verre, arrière en carbone  PAGEREF _Toc110255043 \h 60
 HYPERLINK \l "_Toc110255044" Figure 33 : Motoplaneur électrique Fuselage terminé et peint  PAGEREF _Toc110255044 \h 61
 HYPERLINK \l "_Toc110255045" Figure 34 : Motoplaneur électrique  PAGEREF _Toc110255045 \h 63
 HYPERLINK \l "_Toc110255046" Figure 35 : Motoplaneur électrique L’une des dernières photos !  PAGEREF _Toc110255046 \h 63
 HYPERLINK \l "_Toc110255047" Figure 36 : La Puce du ciel III: Premier montage  PAGEREF _Toc110255047 \h 64









































PAGE 








Mémoire d’un pilote d’essai amateur PAGE 68
Claude Tisserand Mars 2001








































































































































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