memoires d'un pilote d'essai amateur - Claude Tisserand
La réparation fut rapide et le défaut corrigé en avançant le point ...... 175 kg maxi
à vide , et 10 kg/m2 de charge alaire, soit 17 ,5 m2 de surface, empennage
compris. ... Concernant la masse à vide, pas d'autre solution que de serrer le
devis de poids ... Sans doute la boule mobile de l'attelage Peugeot de série était-
elle mal ...
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Mémoire dun pilote dessai amateur
Claude Tisserand
Mars 2001
Table des matières
TOC \o "1-3" \h \z \u HYPERLINK \l "_Toc110254830" 1. La découverte PAGEREF _Toc110254830 \h 5
HYPERLINK \l "_Toc110254831" 2. Les sauts de puce PAGEREF _Toc110254831 \h 11
HYPERLINK \l "_Toc110254832" 3. Les premiers vols PAGEREF _Toc110254832 \h 12
HYPERLINK \l "_Toc110254833" 4. La puce du ciel I PAGEREF _Toc110254833 \h 14
HYPERLINK \l "_Toc110254834" Laccident PAGEREF _Toc110254834 \h 16
HYPERLINK \l "_Toc110254835" 5. LHydroplum PAGEREF _Toc110254835 \h 19
HYPERLINK \l "_Toc110254836" Quelques mésaventures PAGEREF _Toc110254836 \h 23
HYPERLINK \l "_Toc110254837" Le contact : PAGEREF _Toc110254837 \h 23
HYPERLINK \l "_Toc110254838" Le siège : PAGEREF _Toc110254838 \h 24
HYPERLINK \l "_Toc110254839" Le miroir : PAGEREF _Toc110254839 \h 24
HYPERLINK \l "_Toc110254840" Je suis paumé : PAGEREF _Toc110254840 \h 25
HYPERLINK \l "_Toc110254841" La grande Aventure : mai et Juin 85 PAGEREF _Toc110254841 \h 25
HYPERLINK \l "_Toc110254842" Le salon de laviation du BOURGET (du 29 mai au 6 juin 1985) : PAGEREF _Toc110254842 \h 27
HYPERLINK \l "_Toc110254843" 6. LHydroplum II PAGEREF _Toc110254843 \h 30
HYPERLINK \l "_Toc110254844" 7. Le Petrel PAGEREF _Toc110254844 \h 36
HYPERLINK \l "_Toc110254845" Le Petrel de Pierre PAGEREF _Toc110254845 \h 41
HYPERLINK \l "_Toc110254846" Le Petrel de Frédéric PAGEREF _Toc110254846 \h 42
HYPERLINK \l "_Toc110254847" La fin du Petrel PAGEREF _Toc110254847 \h 42
HYPERLINK \l "_Toc110254848" 8. La puce du ciel II PAGEREF _Toc110254848 \h 44
HYPERLINK \l "_Toc110254849" 9. LHydroplum I bis PAGEREF _Toc110254849 \h 46
HYPERLINK \l "_Toc110254850" 10. LAmphiplane PAGEREF _Toc110254850 \h 48
HYPERLINK \l "_Toc110254851" CONCLUSION : PAGEREF _Toc110254851 \h 51
HYPERLINK \l "_Toc110254852" 11. LAmphiplane motorisé PAGEREF _Toc110254852 \h 52
HYPERLINK \l "_Toc110254853" La bourde : PAGEREF _Toc110254853 \h 56
HYPERLINK \l "_Toc110254854" 12. lElectroplane : PAGEREF _Toc110254854 \h 58
HYPERLINK \l "_Toc110254855" 13. La Puce du ciel III PAGEREF _Toc110254855 \h 64
HYPERLINK \l "_Toc110254856" 14. Table des Légendes PAGEREF _Toc110254856 \h 67
à Claude,
La découverte
Depuis quelques années déjà, je voyais quelques sportifs téméraires sélancer sur des pentes plus ou moins abruptes , accrochés sous des ailes rudimentaires faites de toile (que les sceptiques qualifiaient de « chiffons « !) et de tubes grossièrement assemblés . A priori, lexercice ne me parut pas très emballant , un peu trop sportif pour moi , et franchement dangereux
Cétait lépoque fort redoutable des premiers DELTAPLANES, dits « rogallo standard », du nom de leur inventeur Francis ROGALLO , ingénieur à la NASA , qui avait inventé ce système dans les années cinquante pour tenter de faire redescendre en plané des morceaux de fusées et autres engins divers. Ces appareils, certes simples et peu coûteux, etaient malheureusement très instables en tangage et manifestaient une forte tendance à la mise en piqué jusquau sol
de quoi décourager les plus hardis, dont je ne faisais même pas partie !
Figure SEQ Figure \* ARABIC 1 : Moto Delta
Mais en 1980, ayant depuis quelques années épuisé les joies (et les déboires) de la conception, réalisation et mise au point des premiers voiliers à hydrofoils de France, lassé également des modèles réduits divers, pourtant source de tous les enseignements, je commençais à mintéresser sérieusement à ces engins volants, qui avaient notablement progressé en sécurité, et qui commençaient à être motorisés, ce qui convenait mieux à ma conception un peu « indolente « de la pratique sportive.
La véritable révélation fut pour moi le MOTO DELTA, très jolie machine créée par J.M. Geiser et que je découvris dans PILOTE PRIVE de
. : il sagissait en fait dun des premiers U.L.M. pendulaires français (le nom
nexistait pas encore !), constitué dune voilure « Rogallo standard « portée par un très joli chariot tricycle en plastique moulé et motorisé par un petit moteur 2 temps. Cette fois, le vol dont je rêvais depuis longtemps était enfin à ma portée : machine bon marché, repliable, transportable, lente et destinée à ne voler que dans les champs
tout à fait à lopposé de laviation traditionnelle qui ne ma jamais vraiment attiré, et encore moins la mentalité « Aéro-club »qui allait avec : le genre « jarrive avec des gants blancs, je monte dans lavion et je vais faire ma ballade en manipulant un maximum de boutons ».
Cest ainsi que fin Décembre 1980, de passage à Paris, je résolus de rendre visite à lun des premiers constructeurs dengins ultralégers dont javais déniché ladresse : il sagissait de Bernard DANIS, qui exerçait son activité à Maisons-Alfort, banlieue Parisienne, accessible en métro . Je parvins donc en fin de matinée , par un froid polaire, à ladresse indiquée
.où je ne trouvais personne. Une brave dame, cependant, me fit savoir que M. DANIS était allé déjeuner au restau du coin, ce qui me parut une activité tout à fait logique vu lheure tardive, et elle men indiqua ladresse. Jy découvris donc une fort joyeuse tablée de 5 ou 6 personnes que présidait le susdit DANIS, déjà franchement éméché mais qui maccueillit aimablement et minvita à sa table, en attendant dassister dans laprès-midi à une démonstration en vol de son appareil
là, je commençais vraiment à me demander si je nétais pas tombé chez les fous ! : quoi, une démonstration en vol, dans la banlieue Parisienne, et par un pilote carrément paf
(cest que le repas fut long, gai et abondement arrosé, et terminé par moult pousse-café !)
mais peu importe, javais vraiment trouvé une ambiance à mon goût , à mille lieues des Aéro-club guindés qui mavaient toujours rebuté
et je nétais pas au bout de mes surprises, loin sen faut !
En effet, devant le restau stationnait un gros break portant sur la galerie une longue housse de forme biscornue, revêtue de toile bleue, ainsi quun étrange amas de tubes doù émergeaient deux objets connus : des roues et une hélice !
le doute netait plus permis, cetait bien là lengin volant (ou prétendu tel !) . Très franchement, je naurais jamais imaginé auparavant quun avion puisse se ramener ainsi à un tel dépouillement .
Bon, voilà pour « lavion « , si lon peut dire ! mais quid du terrain ? pas de problème me dit mon hôte , montez avec moi, il y a un terrain de foot pas loin, cest là quon va !
De fait, en quelques minutes, nous arrivions effectivement au terrain de foot, plus ou moins entouré de maisons, comme on limagine dans une banlieue Parisienne, incontestablement très bien adapté pour son utilisation nominale, mais à mon sens beaucoup moins pour lusage aéronautique que nous comptions lui donner. Mais comme cetait la journée des surprises, plus rien ne pouvait mébranler , dautant quaprès dépliage et montage du tricycle pendulaire et de son aile, il devint évidant quil sagissait bien dun monoplace :cela me rassura pleinement quant à mon avenir immédiat car je ne risquais pas dêtre invité à aller faire un tour en lair , ce qui compte tenu de tout ce qui précède commençait à bloquer gravement ma digestion !
Restait à régler le problème du pilote
mais là ce fut une bonne surprise : Bernard DANIS renonçait à monter sur son engin et mit à sa place son fils Jean-Pierre, jeune homme calme et notoirement moins alcoolisé que son géniteur ! Le moteur (un SOLO 210 sans réducteur et au silencieux quasi inexistant) fut lancé à la main sans problème, sinon un bruit denfer qui ravit mes oreilles complaisantes (en fut-il ainsi des riverains ?
jen doute, mais à cette époque bénie, tout le monde regardait ces « fous volants » avec sympathie ! comme cest loin tout ça
).
Le vol de démonstration fut sans problème : quelques petits tours au dessus du terrain (de foot !), puis retour au bercail et démontage (il est vrai que la température ne se prêtait pas aux grands raids !). Quant à moi, jétais médusé, transporté, emballé, au moins autant quun spectateur venant dassister en 1906 au premier vol de SANTOS DUMONT à Bagatelle !
Merci DANIS pour cette grande émotion !
De retour en mes pénates Corses et après avoir laissé passer les fêtes, ma décision était prise : je volerai sur un de ces engins (ou quelque chose dapprochant !), et sur rien dautre ! la liberté offerte par la formule, labsence totale de réglementation à lépoque, labsence même décole de pilotage, tout ça convenait parfaitement à lanarchiste larvé que jai toujours été !
et oui, jai bien dit absence décole de pilotage ! et comment y en aurait-il eu, en labsence quasi totale de biplace ! (en fait, il commençait à y en avoir quelques uns, mais fort mauvais
voir plus loin). Alors comment apprendre ? dis-je à DANIS. Facile, tu vas sur un grand terrain (un vrai, pas de foot !) tu grimpes sur ta machine et tu mets progressivement les gaz , en ayant soin de ne pas décoller tout de suite
tu roules, tu roules de plus en plus vite en tâtant les commandes (ici, la barre de contrôle). Au bout de quelque temps (combien ? ça dépend !), tu tentes un premier saut de puce , au raz du sol (si tu peux !), puis tu recommences un peu plus haut et plus loin , etc
voilà pour la première leçon de pilotage
il y en eut dautres, mais guère plus détaillées ! de toutes façons, les vrais pionniers, ceux du début du siècle, nont pas fait autrement, et sur des appareils infiniment plus fantaisistes que ceux-là.
De plus, javais bien quelques notions de pilotage puisque javais vaguement piloté quelques modèles réduits télécommandés (en fait, cest bien plus difficile à piloter quun avion où on est dedans). Conclusion : faudra faire avec !
Mais le plus important, cest de ne pas rester seul dans ces exercices . Me voilà donc, début Janvier 1981, à la recherche déventuels amateurs locaux tentés par laventure. Je suis incapable de me rappeler par lentremise de qui jai été mis en rapport avec Jojo , mais ça na pas été long . Le dénommé Jojo, autre fêlé daviation, au moins aussi enthousiaste que moi , me reçut donc dans son somptueux bureau, et le « courant « passa immédiatement entre nous. Lui aussi cherchait des partenaires pour tâter de ces nouveaux engins, quil avait été voir, lui aussi, mais sur un terrain de la côte dazur . Mais par contre, il avait une notable avance sur moi dans la recherche de partenaires, car il en connaissait déjà deux autres, Lucien et Francis
(comment les avait-il dénichés ?). la fois suivante, nous nous retrouvâmes donc quatre passionnés et les discussions prirent vite de lampleur et de lanimation !
Restait à trouver un appareil, et heureusement le choix nétait pas énorme à lépoque :
en France, il existait bien déjà trois ou quatre constructeurs , plus quelques produits dimportation. Quelques coups de fil et deux vendeurs se proposaient de venir nous faire une démonstration chez nous, en Corse (cest dire que malgré tout, les clients ne se bousculaient pas, alors !).
Fin Janvier, nous vîmes donc arriver Chayroux, muni de son appareil, un QUICKSILVER (Américain) tout neuf . Nous avions bien entendu déjà repéré quelques terrains soit disant « propices « , tout au moins à nos yeux (en fait, des champs un peu dégagés et dépourvus de bestiaux) , et notre « spécialiste « en sélectionna un, qui savéra très correct puisquil devint notre terrain principal pendant longtemps et quil sert toujours. Lavion fut monté, non sans peine, en une bonne heure
mais quimporte le temps, quand on a la foi et la passion ? (le Quicksilver a la configuration dun avion classique, avec un empennage et une gouverne de direction, mais son pilotage est essentiellement pendulaire, le pilote étant assis sur une sellette suspendue sous laile au centre de gravité, le gouvernail étant actionné par des câbles rattachés à cette sellette ; en tout cas, pas facile à monter, vu le nombre de « ficelles » et autres boulons !). Nous, les élèves pilotes, nous regardions tout cela, bouche bée (mais pas fermée pour autant !).
Vint le premier décollage
magnifique, facile, suivi dun vrai vol de démonstration grandiose : à latterrissage, laffaire était faite, nous gardions lavion ! Mais quand même, pour le principe, notre vendeur décidait de nous épater encore un peu plus en faisant un autre vol : décollage très court, montée très, très courte, décrochage vers 10 m de hauteur et crash impressionnant ! il ne restait plus de notre bel appareil quun gros tas de tubes tordus, et heureusement un pilote indemne mais fort dépité ! Il ne nous restait plus quà aider notre pauvre ami à remballer son matériel
mais ce nétait pas encore fini avec lui, car il avait encore dans sa camionnette un autre appareil !
Figure SEQ Figure \* ARABIC 2 : Roland Magalon sur le premier tricycle
Le lendemain donc (car les jours dhiver sont courts) et sur un autre terrain, notre ami nous sortait son « Joker » : un appareil pendulaire de marque VELIPLANE, du genre de celui de DANIS, mais biplace cote à cote et bimoteur !. (deux SOLO 210 dans le dos, ça fait du bruit !) Là, ça devenait plus sérieux, si jose dire : en effet, plus question de rester bien tranquille, les mains dans les poches, à admirer les « exploits « en tous genre de notre démonstrateur ; il fallait monter avec lui, ce qui, avouons le, changeait tout ! Nous nétions pas loin de tirer au sort, lorsque notre pilote désigna lui même la première « victime « comme étant le plus léger : ce fut donc notre ami Lucien à qui revint lhonneur du premier essai de décollage
1ere tentative : roulage plein gaz jusquau bout du champ
et freinage énergique au raz des barbelés. 2eme, puis 3eme tentatives tout aussi infructueuses
Lucien pâlissant chaque fois un peu plus sous son casque ! et ce fut donc sur ce nouvel échec que notre pauvre ami Chayroux dût remballer son matériel et repartir bredouille.
Figure SEQ Figure \* ARABIC 3 : Quick Silver
Exit donc le seul biplace du moment : il nous restait donc à nous dépatouiller tous seuls avec un monoplace!
Le Dimanche suivant (on ne sembêtait pas, à lépoque !), nous voyons débarquer François GOETALS et Mike de GLANVILLE, champions reconnus de deltaplane et qui créèrent par la suite la société AVIASUD, accompagnés de Mme de GLANVILLE, pilote également. Changement de terrain : nous avions repéré à Ghisonaccia un ancien terrain daviation, un vrai, mais de la dernière guerre et désaffecté depuis !
Léquipe nous déballe deux appareils : un FLEDGE PTERODACTYLE (aile volante Américaine à moteur Cuyuna , appareil performant mais pas pour les débutants) et un HIWAY (pendulaire Anglais à moteur Valmet , appareil décole idéal , monoplace bien sûr !)
Mme de GLANVILLE nous fait une très belle démonstration du FLEDGE
et tombe en panne de moteur juste en bout de piste :atterrissage brillant entre 2 rangs de vigne, pratiquement sans aucune casse : Bravo Madame !
La démonstration du HIWAY fut sans histoire : un bon appareil, simple, motorisé par un petit moteur de 10 CV seulement, mais réducté, ce qui nétait pas le cas des 2 moteurs SOLO de 14 CV du biplace évoqué plus haut, doù le manque manifeste de poussée.
Donc nous gardons le HIWAY mark1, après une sérieuse (mais théorique) séance dinitiation au pilotage pendulaire assurée par François (1), à lissue dun bon et cordial repas (ou peut être avant, cest préférable !). Le total, tous frais compris et avec un lot de pièces détachées indispensables, nous est facturé 16.000 F
même à lépoque, ça ne faisait pas bien cher, surtout divisé en 4 ; que nous sommes loin, maintenant, de ces tarifs !
Figure SEQ Figure \* ARABIC 4 : Mike de Glanville et le chariot Buggy de Hiway
Ce pauvre François, charmant garçon et pilote émérite, devait se tuer quelques années plus tard en essayant une aile volante de sa conception, qui avait déjà tué son frère . Que Dieu ait son âme et celle de ses parents .
Les sauts de puce
Nous voilà donc (co)propriétaires dun véritable avion, au sens étymologique du mot, cest à dire un engin capable de nous promener dans les airs, en principe là où nous voulions, quand nous voulions, soit à peu prés le contraire de lavion daéro-club !
restait à apprendre à le piloter !
Nous prîmes donc nos habitudes sur ce terrain daviation désaffecté (réhabilité et goudronné depuis), où le maquis commençait à repousser en de nombreux endroits, ce qui fait que nous devions plus ou moins slalomer entre les buissons
mais cétait déjà assez dur de tenir la ligne droite, alors pour le slalom !
De surcroît, ce terrain a la particularité dêtre en travers du vent dominant (la brise de mer), ce qui compliquait sérieusement notre tâche
aussi nous fallait-il être en piste très tôt le matin, pour profiter au maximum du temps calme . Cest ainsi que, petit à petit, au cours des deux ou trois dimanches qui suivirent, nos trajectoires se firent de plus en plus contrôlées, ce qui na rien dévident car en pendulaire la direction est assurée à la fois avec les pieds, posés sur un palonnier, et avec la barre de contrôle balancée de droite à gauche. Après avoir dominé la trajectoire, nous pouvions accélérer un peu et commencer à pousser sur la barre, ce qui a pour effet de faire lever la roue avant (qui donc perd toute efficacité) : le contrôle de lappareil ne se fait plus que par la barre, ce qui est finalement bien pratique ! Arrivés à ce stade, il ne reste plus grand chose à faire pour se retrouver en lair
un tout petit peu plus de gaz et ça y est , cest parti pour le premier saut de puce !
Ce premier saut de puce, le premier instant où lon se retrouve seul en lair, totalement maître de la suite des événements dans les trois dimensions, même à 1 m de haut, est un grand moment ! Pour ma part, javoue que jétais si crispé sur la barre que je me suis senti soudain incapable de tout mouvement, alors que je métais jusqualors plutôt bien débrouillé : seul le réflexe de lautomobiliste a joué : jai levé le pied (en Pendulaire, laccélérateur est au pied puisque les mains sont sur la barre), et lappareil, docile, sest posé tout seul droit devant lui, après être monté à 1 ou 2 m seulement . Par la suite et avec la décontraction progressive du pilote, les choses allèrent de mieux en mieux, les vols de plus en plus longs et hauts ; je commençais également à tâter le contrôle en latéral, avec de petits virages timides, jusquau moment où, le bout de piste approchant (8OO m quand même car nous avions entre-temps enlevé les buissons), vint la décision importante
de faire le tour de piste, ce qui sous entend au moins deux virages à 180°
Ce fut fait, pour moi, au bout de deux ou trois heures de ces exercices que je persiste à considérer comme relativement peu dangereux et remarquablement formateurs. En effet, combien dheures aurais-je passé, en double commande dans un aéro-club, avant den arriver là ? Dailleurs, nous étions quatre à nous relayer et à nous soutenir réciproquement et nous sommes tous parvenus à dominer notre engin, certes dans des temps différents car notre culture aéronautique était très inégale, mais en tous cas sans aucune égratignure !(il nen fut pas de même pour lavion , sur lequel nous passions la semaine à bricoler afin de pouvoir voler sans faute le week-end suivant : mais les dégâts se sont toujours limités au train datterrissage, moteur et autres broutilles, jamais aux éléments vitaux de lappareil (sur un pendulaire, seule laile est un élément vital) . De plus, nos essais furent grandement contrariés par ce problème de vent de travers : faire de lécole en solo nest pas toujours évident, mais par vent de travers, cest franchement scabreux et ce fut la cause de bien des ruptures de train et de roues !
Mais cette période fut une des plus exaltantes de mon existence, et je pense quil en fut de même pour mes camarades. Elle sapparente en tous points à lépoque davant guerre , où lécole de pilotage planeur se faisait également sur des planeur monoplaces lancés au sandow !
Les premiers vols
Tout fiers de notre compétence fraîchement acquise , nous commencions à nous promener à droite et à gauche, à nous écarter du terrain de plus en plus, voire même à en essayer dautres, beaucoup plus petits et folkloriques, au milieu des champs, ainsi quil convient à un vrai pilote dU.L.M. (le terme, sans doute, est apparu vers cette époque).
Cest alors que commencèrent les problèmes mécaniques : notre petit moteur Valmet (pourtant une grande marque Suédoise !), censé nous délivrer ses 10 chevaux toute sa vie durant, commençait à ne nous fournir, la plupart du temps, que 5 ou 6 chevaux et autant de bourricots ! Notre malheureux appareil se traînait de plus en plus prés du sol et ne voulait pratiquement plus quitter la planète. Je me souviens même quun jour, revenant au terrain en urgence, moteur à bout de souffle, un petit pin de 2 m de haut me barrait le passage
nosant pas virer pour léviter, je tentais de passer au dessus ! mal men a pris car jen accrochais la cime
et me retrouvais le nez (de lavion, pas le mien) planté en terre et la fourche tordue (ce fut dailleurs, si mes souvenirs sont bons, la seule casse que jai eue avec cet appareil).
Bien dautres incidents ou mésaventures sont à porter au crédit de cette période et de celle qui suivit, et ils ne me furent évidemment pas réservés ! La vraie valeur de cette période merveilleuse, outre la grande liberté dont nous jouissions, réside dans la relative sécurité du vol ultra lent, et aussi, ce nest pas négligeable, dans le coût modique de nos appareils. Je crains fort quon ait beaucoup perdu en séloignant de cet idéal, et javoue y avoir un peu participé par mes réalisations ultérieures .
Pour situer un peu lambiance de lépoque (on dirait que je parle de lAntiquité !), il faut également évoquer le contexte administratif : par une chance inouïe , lAdministration na pas vu venir le coup et sest laissée piégée (elle essaye dailleurs toujours aujourdhui de se rattraper et de couler le mouvement par tous les moyens
faites lui confiance, elle y parviendra un jour , avec laide de certains !). Tout vient de ce quà lorigine, il y eut quelques téméraires pour se lancer dans les airs accrochés sous des voilures rudimentaires et généralement « home made ». Comme on ne pouvait raisonnablement les qualifier de Planeur, lAdministration résolut de ne pas sen occuper
Bien lui en a pris car elle naurait jamais pu supporter quon puisse vraiment voler avec ces engins là ! Et puis, toujours les mêmes originaux ont entrepris dy monter de petits moteurs, transformant leur engin en véritable Avion, mais sans le dire et cest là que nos « empêcheurs de voler en rond » (notre chère Administration !) auraient pu stopper net le mouvement en lui appliquant toutes les contraintes absurdes qui avaient déjà tué plusieurs fois lAviation Légère par le passé (mouvement Pou-du-Ciel notamment). Mais si, mais si, on peut tuer quelquun plusieurs fois, sil a le bon esprit de renaître !
Mais faut quand même pas charrier, au bout de quelques jours de ces activités hautement délictueuses qui consistent à vouloir à tout prix (bas) senvoyer en lair avec un engin non conforme au Règlement, les pandores ont quand même débarqué !
« PAPIERS SIL VOUS PLAIT » (car les pandores sont polis, en général !)
évidemment, nous nen avions aucun, bien sur ! cest que pendant tout ce temps où nous faisions les imbéciles à vouloir voler, lAdministration, elle, avait travaillé ferme à vouloir nous en empêcher ! une circulaire était sortie depuis peu, requerrant notamment des papiers pour lavion et un brevet pour le pilote
(seul lami Jojo était en règle de ce coté là, ayant passé son brevet de pilote il y a fort longtemps, brevet considéré comme toujours valable, quelque soit lU.L.M. !), toute chose que nous ignorions (ou feignions dignorer, il faut le reconnaître).
Avec les pandores, la chose put être arrangée assez facilement, mais contre la promesse formelle (promis, juré) de nous mettre en règle
ce qui fut fait sans peine pour les papiers de lavion (Ah, la belle époque !), et un peu plus difficilement pour le brevet de pilote : comme il ny avait pas décole, ni de double commande, il ne pouvait y avoir dépreuve pratique ! lAdministration se contenta donc de me faire passer une épreuve théorique (en fait le théorique Planeur, car ils navaient pas eu le temps de préparer une épreuve U.L.M. ils se sont bien rattrapés depuis !). Bien sûr, ce brevet nétait valable quen monoplace, et cest bien normal : chacun est en droit de risquer sa vie, mais pas celle des autres de façon inconsidérée ; dailleurs, par la suite, je nai jamais aimé emporter un passager, bien que jaie été amené à le faire souvent.
Figure SEQ Figure \* ARABIC 5 : Jojo sur son HIWAY mark II moteur FUJI-ROBIN
La puce du ciel I
Figure SEQ Figure \* ARABIC 6 : Puce du ciel I
Figure SEQ Figure \* ARABIC 7 : Puce du ciel I
Décidément, les médiocres performances de notre chariot HIWAY, et plus particulièrement le « coup du petit pin « (à ne pas confondre avec le « coup du lapin «) commençaient à me décevoir outre mesure. Et nos compétences nouvelles nous amenèrent rapidement à souhaiter plus dindépendance, donc à posséder chacun notre appareil.
Lami Jojo, de loin le plus à laise, fit lacquisition dun très beau pendulaire HIWAY mark2, à moteur FUJI-ROBIN 18 CV réducté, muni dune aile D.S.T.I (Double Surface à Transversale Intégrée, aile rapide et maniable), Lucien et Francis se partagèrent un chariot VELIPLANE à moteur SACHS 340, 23 CV non réducté et aile classique, quant à moi, le virus de la bricole me reprenant, je décidai de construire moi même un chariot pendulaire, tout en achetant bien entendu mon aile chez un bon fabriquant .
Commencé en avril 1981, mon chariot pendulaire tout en contreplaqué fut achevé 5 mois après, courant août . Cest, à ma connaissance, le seul avion au monde à avoir été construit dans une cave de 2 m x 3 m ! Il était motorisé par un SACHS monocylindrique de 340 Cm3, développant 23 CV et poussant 67 kg sans réducteur avec une hélice d1 m de diamètre (mais avec beaucoup de bruit
mes voisins étaient quand même de bonne composition !). Je lai équipé dune aile Atlas de 18 m2, puis dune D.S.T.I. de 16 m2 (une X RAY de vol libre achetée doccasion). Le total, aile doccasion et moteur compris, mavait coûté 13.500 F, ce qui, même à lépoque, ne faisait pas cher !
Jai baptisé plus tard cet engin la Puce du Ciel un peu par dérision et par référence au Pou du Ciel, engin mythique pour moi car, comme Obélix qui est tombé dans la Potion Magique quand il était petit, moi cest dans un Pou du Ciel et par extension, dans laviation en général .
Vint en septembre le moment des premiers essais, et le début de ma longue carrière de pilote dessai amateur . Les lignes qui précèdent permettent de se rendre compte que ce nest pas une galéjade : je devais avoir en tout et pour tout 4 ou 5 heures de vol sur notre engin collectif quand jai du prendre en mains mon nouveau chariot, beaucoup plus puissant et performant que le précédant . Il se trouvait par hasard que mon père était de passage en Corse ce jour là, et je ne pouvais faire autrement que de linviter à assister à ces premiers essais, ainsi quun copain qui passait également par là . En principe, jai toujours préféré limiter au strict minimum les spectateurs pour des essais, mais jy suis rarement arrivé, pour des raisons diverses. En tous cas, il ne me viendrait jamais à lesprit de choisir, par exemple, une manifestation publique ou un rassemblement pour essayer un nouvel engin, ce que jai vu faire une fois, avec un résultat désastreux bien entendu !
Me voici donc de nouveau sur la grande piste de Ghisonaccia, à tâter les premières réactions de mon nouvel appareil , puis menhardissant progressivement, il fallut bien mettre de plus en plus de gaz : les avions ont en effet ceci de particulier quon y apprend pas grand chose tant quils sont au sol ! Le premier saut de puce se passa relativement bien, quoique lappareil manifesta un centrage arrière manifeste, que je parvins à contenir en mettant la « barre au ventre » (en avion classique, on met le « manche au tableau » , mais ici cest le contraire). Les choses auraient dû en rester là, pour la journée, et une rapide rectification du centrage simposait ; au lieu de ça, jai voulu en avoir le cur net (et peut être aussi mon amour propre en présence des spectateurs dont un qui métait particulièrement cher) et jai tenté un second saut de puce, un peu plus long et plus haut bien sûr
cette fois, la barre au ventre na pas suffit, lappareil a commencé à monter, jai réduit les gaz et le décrochage, heureusement doux sur ces appareils, na pas traîné : je ne suis retrouvé au tapis un peu brutalement, la roue avant tordue mais les câbles arrière de laile enroulés autour de lhélice, avec pour conséquence une aile en piteux état . Je ne tardais pas à voir arriver mon père, livide et essoufflé, qui croyait ma dernière heure arrivée ! Je men voudrai toujours pour la peur que je lui ai faite ce jour là.
Cette fois, il fallut bien rentrer, la queue basse (la mienne, pas celle de lavion, qui dailleurs nen avait pas !). La réparation fut rapide et le défaut corrigé en avançant le point daccrochage du chariot sur laile de 13 cm (ce qui est beaucoup, jen conviens). Par la suite, la Puce du Ciel savéra un merveilleux engin, parfaitement réglé et sûr, avec lequel jeus infiniment de plaisir à voler, je pense plus quavec tout autre appareil, peut être à cause de sa simplicité et de la grande sécurité qui sen dégageait.
Figure SEQ Figure \* ARABIC 8 : Frédéric sous son Quicksilver à moteur
Pendant ce temps, mes petits camarades ne perdaient pas le leur, et sexerçaient aussi sur leurs machines respectives, tandis que le mouvement U.L.M. se développait rapidement : au petit groupe de quatre qui formait le noyau dorigine, sétaient joints des nouveaux venus, en particulier Claude , Frédéric et Charlie . Ces deux là méritent ici une petite mention spéciale : Frédéric (le plus jeune de la bande), possédait un QUICKSILVER identique à celui que jévoquais au début du présent mémoire.
Cétait, déjà à lépoque, une espèce de relique (en ce temps là, les modèles vieillissaient vite !) qui cependant marchait très bien . Il avait la particularité, entre autres, de voler très lentement et de décoller très court, de nimporte quel champ, plage ou autre : en fait, cétait le descendant direct des modèles à décollage à pied, mais pourvu de roues (en effet, le décollage à pied, qui caractérise encore le Vol Libre au sens Administratif, nécessite avec un moteur des qualités sportives hors du commun).
Charlie quant à lui, possédait je crois, un des premiers biplaces pendulaires.
Laccident
Donc un jour, revenant avec ma Puce dune longue ballade, mapprochant du terrain, japerçois en bout de piste un bien étrange appareil, avec plusieurs ailes un peu dans tous les sens ; me rapprochant encore, je réalisais avec horreur quil sagissait de deux appareils enchevêtrés
Me posant affolé, je me précipite en craignant le pire , mais je découvre bien vite que tout le monde se porte comme un charme et quil ny a finalement, que de la tôle, pardon, des tubes froissés ! Ce pauvre Frédéric, qui sapprêtait à décoller en bout de champ, venait de recevoir sur le dos le dénommé Charlie
un coup vraiment très, très dangereux, même aux vitesses de lépoque ! Caurait pu être, en tous cas, le premier accident grave d U.L.M. en Corse. Les deux appareils purent dailleurs être réparés
il nen fut pas de même, hélas, des relations entre les protagonistes !
Figure SEQ Figure \* ARABIC 9 : Accident entre 2 ULM
Une autre fois, nous avons étés très inquiets de ne pas voir revenir lami Jojo
il était tombé en panne de moteur et sétait posé
sur un olivier ! (là encore avec seulement quelques dégâts matériels, notamment à lolivier !).
Tout ceci pour montrer, une fois de plus, combien les faibles vitesses de lépoque étaient facteur de relative sécurité, ce dont nous sommes bien loin maintenant que le mouvement U.L.M. reste le regard rivé sur les performances des avions de course .
Cependant, au bout de quelques mois de bons et loyaux services, je commençais à rêver « dautre chose », et le virus de la construction me reprit.
Je cédais la Puce à mon père qui, à 71 ans, avait retrouvé le goût du vol et venait de passer (en biplace) sa qualif de pilote pendulaire (bien que son brevet de pilote avion ,de 1935, soit resté valable pour lU.L.M. ; une fleur de ladministration, pour une fois !). Ainsi, la Puce-du-Ciel continua sa carrière sur un terrain Lyonnais, hélas pas très longtemps car mon pauvre père, se sentant fatigué , revendit la Puce au club U.L.M. de Blois, où il finit sa carrière (lavion, pas mon père !) sur rupture de vilebrequin .
Mais cet excellent appareil ne resta pas en exemplaire unique car jen réalisais un plan, tenant sur un demi m2, avec une notice dune dizaine de pages, que je vendais pour 4 sous. Il sen est suivi une petite dizaine de réalisations, ce qui, compte tenu de mon isolement géographique, nest pas si mal que cela. De plus, vu son prix de revient , il fut essentiellement réalisé par des jeunes . Je regrette bien, maintenant, de ne pas être resté plus longtemps sur ce créneau bien sympathique
Mais jai toujours été trop attiré par la nouveauté, et je me lasse trop vite de ce qui est bien au point
Figure SEQ Figure \* ARABIC 10 : Trois PUCE DU CIEL très réussies
LHydroplum
Figure SEQ Figure \* ARABIC 11: LHydroplum I dans la baie de St Florent
Cest vrai quhabitant en Corse (une île entourée deau et de monopoles, comme on dit ici !), vivant dans un appartement « les pieds dans leau » de surcroît, il était bien tentant de réaliser un hydravion ! Dautres arguments plaidaient en faveur de cette formule : la sécurité tout dabord, car mon chariot pendulaire naurait pas supporté le moindre amerrissage (et encore moins les autres, faits de tubes) , ensuite la possibilité de voler un peu partout en partant de nimporte quelle plage, ce qui fut relativement possible, surtout à lépoque ; il y avait aussi et surtout en moi une très ancienne relation entre leau et lair, une sorte de besoin irrésistible de me trouver dans cet interface à la fois physique et mental . Cest ainsi que, arrivé à maturité, ayant déjà une assez grande expérience en aéronautique, essentiellement héritée de mon père, et également une bonne expérience de la navigation à voile, essentiellement acquise tout seul, je me suis lancé à corps perdu dans linvention et la mise au point dengins inconnus alors : les voiliers à hydrofoils. Cette période dinventions et dexpérimentations, longue et difficile, sétend de 1963 à 1978, et a donné lieu à un autre ouvrage, purement technique celui-là, qui na dailleurs pas été publié : il faut dire quà lépoque de ma cessation dactivité dans ce domaine, je ne croyais plus guère à la formule, qui a pourtant continué lentement à progresser, mais sans moi .
Or ques-ce quun voilier à hydrofoils, également appelé « bateau volant « , sinon lexpression parfaite de lengin naviguant à linterface eau-air (quoique toujours en contact avec leau, à la différence des EKRANOPLANES, ou avions à effet de surface , qui eux ne touchent pas leau du tout mais restent toujours au raz de leau). Lhydravion donc simposait tout naturellement comme le prolongement quasi en continu du voilier à hydrofoils, simplement en volant un peu plus haut ! Les techniques de construction, la bases aérodynamiques et hydrodynamiques étant évidemment les mêmes , il métait donc relativement facile de passer de lun à lautre. Une seule différence fondamentale subsiste : lun volant beaucoup plus haut que lautre, les chutes nont pas les mêmes conséquences
un soin beaucoup plus grand devait donc être apporté, tant aux calculs quà la réalisation . Heureusement pour moi, le domaine de laéronautique était infiniment mieux connu à lépoque (et encore maintenant !) que celui des hydrofoils . En fait, par certains cotés, cétait nettement plus simple :les voiliers à hydrofoils posent des problèmes énormes de stabilité, de manque de puissance, de tenue à la mer, e t c
, bien pires que les hydravions, croyez en mon expérience ! Dailleurs, si lhydravion était aussi dur à faire voler que les voiliers à hydrofoils, je naurais sûrement pas survécu pour rédiger ces lignes !
Ainsi donc, lassé je ne sais pourquoi de mes ballades en Puce du Ciel, je mis en chantier le 15 octobre 1982 un hydravion en contreplaqué (toujours cette expérience du voilier !), de configuration dite 3 axes, cest à dire pourvu dune queue et de gouvernes classiques . Létude fut sans doute lancée quelques mois auparavant, mais je nai pas retrouvé déléments de datation de cette période (il faut dire que je ne suis pas très conservateur, et encore moins « dateur « !) En tous cas, elle na pas duré plus de trois ou quatre mois, avec il est vrai des plans tout ce quil y a de plus sommaires, à usage purement interne ! je ne réalise en effet des plans détaillés quaprès construction et mise au point, car à quoi servirait de fignoler des plans pour les chambouler complètement ensuite : mes plans actuels sont ce quon appelle en Génie Civil des « plans après exécution « (je les réalise quand même aussi vite que possible, afin de ne pas oublier certains détails).
Si la Puce a pu être construite dans ma cave, il nen était pas de même de lHydroplum (puisque cest le nom donné à cet hydravion, avec une allusion subtile à sa légèreté à la condition de ne pas faire une faute de frappe comme sur un document Américain où jai découvert avec horreur HydroplumB, ce qui est une allusion au plomb !). Il fut donc réalisé dans un garage donnant sur la rue principale du village, ce qui me valut pas mal de visites, notamment des enfants du voisinage qui constituent à mon sens de loin les visiteurs les plus intéressants : ce sont dailleurs à peu prés les seuls à être véritablement et sincèrement intéressés ; la plupart des adultes se foutent bien de ce que je fais, quand ce nest pas pour me désapprouver ! Je connais bien des adultes qui, rentrant dans mon atelier, ne font pas plus de cas de lengin qui sy trouve que sil sagissait dune brouette
lamour-propre en prend tout de même un coup !
La construction ne me prit que 10 mois puisquil a été achevé le 15 août 1983 (soit environ 600 heures de travail à raison dune quinzaine dheures par semaine). Les essais purent donc être lancés début septembre, ce qui pour un hydravion (il nétait pas encore amphibie à lépoque), était dun intérêt évident.
Il convient douvrir ici une petite parenthèse qui mérite bien le détour !
Etant comme chacun sait pilote « émérite « de pendulaire et titulaire du brevet de pilote U.L.M. qui me permettait à lépoque de piloter nimporte quelle machine rentrant dans cette catégorie, je me posais la question de savoir si jallais passer sans coup férir au pilotage dit 3 axes qui navait strictement rien de commun avec le pendulaire, et même à linverse par certains cotés . Je crus donc opportun de faire un peu de double commande avec un pilote et un avion daéroclub
lexpérience nexcéda pas la demi heure et se borna à une série de virages plus ou moins académiques :« attention à ta bille
ta pente
ton virage nest pas bien rond
etc
» et bien entendu, pas question de toucher au manche pour le décollage et latterrissage ; bref, on me fit comprendre que jétais un bleu intégral (ce qui était vrai, en un sens !) , et que jen avais bien pour 10 ou 15 heures avant denvisager dêtre lâché ; de cela, il nen était pas question, javais mieux à faire !
Il ne me restait plus quà recommencer le coup de lécole en solitaire, avec cependant une petite difficulté supplémentaire : je devais en même temps jouer au pilote dessai puisquil nétait pas question que je confie mon appareil à quelquun dautre pour le premier vol (cest en tous cas mon point de vue, et de toutes façons, les candidats ne se bousculaient pas).
Heureusement, javais construit un hydravion, ce qui me permettait denvisager :
des essais sur un plan deau immense, pratiquement infini, toujours plat et dans laxe du vent (on se souvient des problèmes de vent de travers sur la piste d e Ghisonaccia),
en cas de menus incidents ou bavures de jeunesse du pilote ou de lavion, leau reste malgré tout un matelas amortisseur, jusquà un certain point bien sûr, quil ne fallait pas dépasser.
Cependant, pour être plus tranquille lors de ces premiers essais, je préférais à la mer un plan deau de grand barrage (dont jétais à lépoque le responsable technique, ce qui me facilitait bien les choses), et jattendis bien entendu une journée sans vent.
Pour ce qui est de la tranquillité, ce fut complètement raté car tous mes copains, à qui je navais pu cacher la chose, se donnèrent le mot et étaient tous présents, caméra au poing, plus quelques touristes qui passaient par là ! (en compensation, ça ma facilité la mise à leau et me permet davoir une vidéo de ces premiers instants).
Ayant revêtu, à tout hasard, mon gilet de sauvetage et accompagné dun bateau de sécurité, je méloignais donc du bord et gagnais sans peine le bout du plan deau pour disposer dun maximum de place (environ 1800 m, ce qui est quand même mieux quun terrain dU.L.M. courant). A la mise de gaz, les problèmes nont pas tardé : une gerbe deau, partant des emplantures de mats qui plongeaient dans leau, était projetée dans lhélice, avec un bruit sinistre et une forte baisse de régime : pas même question de passer sur le redan
en attendant, je prenais quand même contact avec mon nouvel engin et ce nétait pas du temps perdu . Rentré au point de départ, je constatais que lhélice avait perdu un sérieux bout de bord dattaque, littéralement rongé par leau. Une sérieuse révision simposait, ainsi que des solutions de protection contre les projections deau .
Lhélice fut donc réparée et renforcée dune couche de fibre de verre. Quant aux projections, mes compétences en matière de voiliers à hydrofoils furent mises à profit sans délai : les bases de mâts immergées furent carénées de façon hydrodynamique, cest à dire avec un bord dattaque long et tranchant en tôle, ressemblant un peu à une hache, très agressive pour les tibias, mais très efficace contre les projections deau. Ce dispositif à été complété par des petites ailettes déflecteurs placées en avant de lhélice (dispositif qui sest avéré inutile et que jai enlevé par la suite)
Une deuxième sortie fut donc tentée quinze jours plus tard, mais les gerbes deau restantes (faut pas rêver, il arrive toujours de leau dans lhélice, mais en quantité acceptable) bouffent gaillardement le revêtement en fibre de verre : la fibre de verre nest donc pas la solution. Mais pendant ces essais, je commençais à mieux sentir mon appareil, et je commençais à accélérer suffisamment pour passer sur le redan, sans pour autant décoller.
La semaine suivante, donc fin septembre, je revins avec une hélice blindée en tôle dalu . Euréka, cette fois, lhélice ne bouge plus, et je peux commencer à mettre la gomme : le résultat ne se fait pas attendre et le décollage est rapide, suivi dun petit palier à 3 ou 4 m de hauteur sur 200 à 300 m, et dun amerrissage droit devant
. pas brillant du tout : lappareil touche beaucoup trop vite et rebondit deux ou trois fois avant quil se calme. Comme cela se reproduit à chaque fois, au cours de vols de plus en plus longs et malgré mes efforts désespérés pour larrondir correctement, je ninsiste pas davantage et décide de rentrer et de réfléchir (il est bien évident que cette méthode prudente est seule gage de survie : cela mérite bien dinsister lourdement là dessus, et de commencer à tirer quelques règles générales concernant une méthode aussi prudente que possible pour les essais davions : je ne manquerai pas dy revenir aussi souvent que possible).
En analysant calmement les événements, il apparaît tout à fait évident que lappareil est très fortement piqueur, mais pas du tout instable. Un contrôle approfondi de lappareil fait apparaître que linter inclinaison (calage dempennage) est trop faible (1,5 °) et donc que le vol horizontal est obtenu en tirant sur le manche, et que larrondi ne pouvait être obtenu car la gouverne était en butée arrière. Ce calage est donc porté à 2,5 °, ce qui est beaucoup plus normal.
Par ailleurs, comme les derniers « sauts de puce » commençaient à prendre lallure de « sauts de kangourou », je voyais arriver le bout du barrage de plus en plus prés et il me fallait envisager un « tour de piste » complet, ce que je trouvais encore un peu hardi
Je décidais donc de déménager vers des cieux plus dégagés, à savoir la mer !
Me voici donc début octobre dans le golfe de St Florent, par une belle journée dautomne, mais comme il fallait sy attendre, la mer est un peu agitée (50 cm de creux) Tant pis, jessaye quand même puisque les décollages et amerrissages me sont devenus presque familiers (je devais bien totaliser 5 minutes de vol, mais cela représentait une bonne dizaine de décollages et amerrissages : toujours lintérêt du pilotage en solo ! combien de tant aurais-je passé en double commande pour en arriver là ?). Cette fois, jai presque linfini devant moi et je suis bien décidé à en profiter : au premier vol, je monte à une cinquantaine de mètres, puis entame un grand virage à faible inclinaison (noublions pas que cest pratiquement mon premier virage en 3 axes !).
Le nez de lappareil est toujours lourd et de plus mon contrôle dinclinaison (des spoilers, qui ne valent pas les ailerons) est plutôt mou . Mais me revoilà au dessus de mon point de départ, il ne me reste plus quà réduire et à me poser, mais ça, je sais déjà bien faire, sauf que les vagues aidant, et lappareil toujours trop centré en avant refuse darrondir correctement, avec pour résultat un magnifique « splasch », suivi dailleurs de deux ou trois autres ! (heureusement que mon moniteur nétait pas là).
Décidément, il va falloir agir sérieusement sur le centrage , quoi quil men coûte .
Après vérification, le centrage est à 24 % , ce qui est nettement trop avant . Pour corriger un peu, je recule la batterie au maximum, ce qui recule le centrage de 2% : cest peu mais on verra bien !
Le 9 octobre (tiens, jai vraiment progressé dans la tenue de mon carnet dessais : les dates y sont enfin, ce qui montre que je commence à prendre ce carnet au sérieux) : nouvel essai au même endroit, mais par mer dhuile cette fois : quel plaisir ! Le progrès est très net et je fais prés dune heure en quatre vols , qui me permettent de noter que le nez est encore trop lourd, et que lappareil tire nettement à gauche .
Cette fois, il faut y passer : je mets 2 kg de plomb dans la queue (quand je pense aux efforts que jai faits pour gagner gramme par gramme !), augmente encore un peu lincidence et rectifie le calage des ailes dun micropoil (le micropoil, sous multiple du poil, est une unité très importante dans la famille des constructeurs amateurs, mais que WINDOWS ne connaît pas !)
Le 16 octobre, jour de gloire ! il fait un temps splendide, la mer est dhuile, lengin est enfin bien réglé et je peux le prêter pour la première fois, pas à nimporte qui : à Roland MAGALON, un des pères de lU.L.M., qui passait par là et qui, malgré ses 97 kg, réussit deux vols magnifiques, alors quil navait jamais piloté dhydravion . Je suis vraiment très fier !
Par la suite, les heures de vol saccumulèrent vite, sans aucun problème. Je le prêtais à pas mal de gens, mais surtout à mon grand copain Claude, que je nai pas encore évoqué ici, bien quil ait tant compté pour moi ; jy reviendrai plus tard.
En relisant mes notes, je retrouve quand même la trace de quelques modifications notables, réalisées essentiellement durant lhiver 84 :
pour compenser le centrage trop avant, les ailes ont été avancées de 7 cm, et bien sûr le lest de queue enlevé
larbre de transmission a été renforcé
une nouvelle hélice et un pot déchappement de fabrication maison ont été installés, avec un gain très appréciable de performances (gain de 25 % de puissance, le régime passant de 6000 à 6300 tours/mn)
Le 26 mai 84, mon vilain petit canard prend contact avec un nouvel élément qui lui était étranger jusquà présent : le plancher des vaches ! Enfin muni de son train datterrissage relevable, mon hydravion est enfin devenu un véritable amphibie, ce qui lui donne une toute autre dimension. Me voici de nouveau sur le terrain de Ghisonaccia qui semble décidément avoir été fait pour moi car jen étais à lépoque presque le seul utilisateur . Ces essais sur la terre ferme ne posèrent aucun problème ; il est vrai quils furent faits par temps très calme et surtout pas avec du vent de travers car mes habitudes de pilote dhydravion qui ne connaît que le vent dans laxe de la « piste « mont toujours fait redouter ces conditions.
Cest le 2 juillet que je connus ma première panne de moteur, au dessus de leau heureusement ! Rentrant dune promenade au dessus du golfe de St Florent, jeus lidée de tenter un record de vitesse au raz de leau (disons, vers 1 m daltitude !) ; cest ainsi que jarrivais à lépoustouflante vitesse de 110 km/h ! Mais ce qui devait arriver arriva : le moteur surchauffé grilla une bougie (sur 2) et sarrêta net
il ne me restait plus quà attendre que la vitesse passe tranquillement de 110 à 50 km/h pour me poser droit devant moi, sur la mer calme . Sur leau, jai pu démonter ma bougie, mais pas la changer, hélas, car je nen avais pas à bord ! Il ne me restait plus quà rentrer sur un cylindre, en me traînant sur leau pendant une bonne heure, mais finalement très fier du remarquable coefficient de sécurité apporté par ma formule .
Puisquil est bien connu que les gens heureux nont pas dhistoire, et que je nai plus rien marqué sur mon carnet dessais , il me faut bien conclure que cette année 1984 fut particulièrement heureuse. Dailleurs, la notoriété commençait à poindre, non seulement dans le milieu de lU.L.M. à la suite des nombreux articles parus dans la presse spécialisée, mais même dans le grand public puisque lémission THALASSA mavait consacré tout un sujet (avec un autre hydravion tout de même, le CESSNA à flotteurs de lHydro-club dAjaccio), tourné en juin 84 dans le golfe dAJACCIO. Un sujet en entraînant un autre, ce fut ensuite FR3 Corse qui fit sur lHYDROPLUM un magnifique reportage dun quart dheure, tourné en novembre 84, par un temps splendide, dans le golfe de St Florent, où on me voit évoluer en compagnie de Claude sur son pendulaire (celui que Jojo avait planté dans lolivier !). Il est vrai que cétait lage dor de lU.L.M. et que tous les journalistes étaient à nos pieds
ça a bien changé depuis : « la roue tourne « , comme on dit !
Quelques mésaventures
Mais il me revient à lesprit quelques mésaventures plutôt comiques qui méritent dêtre relatées ici :
Le contact :
Je volais quelque part en plaine, dans la région de Ghisonaccia, à un altitude de lordre de 200 à 300 m, quand dun seul coup
le moteur sarrête net. Bien entendu, mon premier réflexe est de rechercher durgence un terrain pour me vacher ; à cette altitude et en plaine, jen repère immédiatement 2 ou 3 et, rassuré, il me vient lidée de tenter de redémarrer : cest alors que je maperçois que le contact était coupé
je lavais coupé moi même, par inadvertance, en tripotant quelque chose dans le fond du cockpit ! Autant vous dire que dés le vol suivant, cet interrupteur a été sécurisé, et que je nai pas regretté mon démarreur.
Le siège :
Cétait en mars 85, il faisait très beau sur le golfe de St Florent et jattendais un visiteur important. Comme nous avions une ou deux heures devant nous, javais confié lHYDROPLUM à mon copain Claude, certes un peu lourd, mais en qui javais toute confiance car il connaissait très bien lappareil . Mais la mer était agitée , et lors dun décollage un peu pénible, une roue du train datterrissage sortit brusquement, ce qui provoqua une grande gerbe deau et surtout un formidable tête-à-queue de lappareil; sous cet effort rotatif violent, le siège céda et mon copain se retrouva assis au fond de la coque !
Le voilà donc rentrant tout penaud à la plage
(bien quil ne fut en rien responsable de ce qui sétait passé car cétait à moi de mieux fixer mon train datterrissage !) Javais donc bien encore un avion, mais sans siège et mon visiteur ne devait plus tarder ! Nous nous mîmes aussitôt en devoir de trouver une solution palliative , et je commençais à désespérer quand je trouvais dans une poubelle une vieille caisse à poissons en polystyrène.
Pas le choix, cest cette caisse malodorante, vaguement mise en forme à laide dun couteau et sommairement calée, qui devra servir de siège à mon visiteur, qui venait exprès du continent pour essayer lappareil . Celui-ci arriva heureusement avec un peu de retard : cétait un éminent pilote de CANADAIR et jétais très angoissé de son jugement sur mon engin, quil ne pouvait que trouver bien sommaire
et en plus, le faire asseoir sur une caisse à poissons, quelle honte !
Mais cétait vraiment un type très bien : non seulement il sassit sans rechigner sur mon siège de fortune, mais en plus il fit sur mon appareil une remarquable démonstration de pilotage, et se déclara finalement enchanté de son essai ; vous imaginez mon soulagement ! Après la visite de Roland Magalon, cétait le second pilote renommé qui essayait mon appareil avec succès et je commençais à entrevoir une possibilité de développement commercial.
Le miroir :
Cest en juillet 84 que jeus linsigne honneur de découvrir les joies toutes relatives du plan deau miroir, la terreur des pilotes dhydravions (surtout des pilotes de lacs, car le miroir ne se rencontre guère en mer). Ce jour là jétais parti de St-Florent pour la Balagne, essayer le plan deau du tout nouveau barrage que je venais de terminer. Il faisait un temps splendide et sans un brin dair, propice, croyais-je, à toutes les fantaisies ! le plan deau était heureusement très grand, et à peu prés rond, ce qui permettait toutes les directions dapproche.
Je me présentais donc sur la plus grande longueur, calme et décontracté, et préparais déjà un arrondi magnifique en vue dun kiss-landing qui en mettrait plein la vue aux éventuels spectateurs (en fait, quelques moutons qui paissaient par là)
mais je me rendis compte tout à coup que je ne voyais plus rien que le ciel, où heureusement il y avait quelques nuages :
Je ne me posais pas sur une surface, jétais plongé dans limmensité des cieux et bien entendu je navais plus aucune idée de laltitude où je me trouvais ! surpris, je neus pas le réflexe de me chercher des repères terrestres qui pourtant nétaient pas bien loin, et je me contentais dattendre la suite des évènements, qui ne tardèrent pas, forcément ! en fait de kiss-landing, je fis le pire amerrissage de ma carrière (ce ne fut pas le dernier, hélas !), touchant leau trop vite et sous un angle trop fort : un coup à exploser la coque! heureusement, la vitesse dapproche relativement faible de lHydroplum, alliée à son centre de gravité très bas (vous imaginez ce que cela peut donner avec un Cessna à flotteurs !), mévita le pire. Lengin fit un formidable rebond, qui me renvoya une fois encore « dans le ciel au milieu des nuages ». Une fois là, même réaction
attendre que ça se passe en touchant le moins possible aux commandes (ne jamais oublier que les modèles réduits, par exemple , se posent très bien tout seuls, en tous cas beaucoup mieux que les pilotes qui saffolent !). La plaisanterie sacheva donc au bout de trois ou quatre rebonds plus ou moins contrôlés, mais avec quand même de belles sueurs froides pour le passager (je nose même pas parler de « pilote » en pareil cas).
Après avoir retrouvé mon calme je refis trois ou quatre amerrissages dans ces conditions, avec des succès divers. Jobtins un résultat à peu prés correct en utilisant la méthode de lombre : on se place de façon à avoir, de préférence un peu en avant, lombre de lappareil qui se réfléchit sur leau ; au fur et à mesure quon se rapproche de lombre on commence larrondi, qui se termine lorsque lombre touche la coque : cest quon est posé ! à mon avis, avec une bonne centaine dheures de cet exercice, on doit commencer à être bon !
De toutes façons, le miroir est le sujet de conversation préféré des pilotes dhydravions, ils sont intarissables là dessus et ont chacun leur propre méthode : certains lancent des cailloux dans leau pour faire des ronds (à défaut, les gilets de sauvetages, bouteilles et tous objets à portée de main , à lexclusion des passagers, mais je nen suis pas sûr), dautres contrôlent la pente de descente aux instruments, etc
Je suis paumé :
Cétait en septembre 84, jétais monté au rassemblement dU.L.M. de Blois, lavion sur sa remorque bien sûr ! Après quelques démonstrations sur le terrain, il fallait bien sûr que je fasses une démonstration aquatique et pour cela les organisateurs avaient obtenu, à titre exceptionnel hélas, lautorisation dutiliser la LOIRE un peu à lextérieur de la ville . Pas de problème pour my rendre car il faisait encore beau, ni pour la démonstration qui fut sans histoire. Mais au retour, le temps sétait gâté, il pleuvait, le plafond était descendu aux environs de 100 m , et je ny voyais plus grand chose . Mais où était donc passé ce foutu terrain ?
bien entendu, je navais pas de compas à bord, et de plus, je navais aucune idée de la direction à prendre : je suis un pilote de ciel bleu, moi ! En fait, je nétais pas vraiment inquiet car les champs ne manquaient pas : toujours la sécurité de lU.L.M. ! Cependant, je commençais vraiment à trouver que le vol à vue, cest très bien à condition dy voir quelque chose , quand je repérais enfin le terrain, presque à court de carburant .
La grande Aventure : mai et Juin 85
Non seulement cétait lépoque bénie de lU.L.M., mais lU.L.M. hydravion connaissait son ère de gloire, peut être un peu grâce à moi ! On avait organisé une reconstitution en U.L.M. de la grande course dhydravions Deauville Paris de 1913 ! Bien sûr, je me devais dy participer, bien que ce fusse très loin de mes bases (on a vu plus haut ce que jétais capable de faire en pareil cas !) . Il se trouvait par hasard que cette compétition se déroulait quelques jours avant le salon de lAéronautique du BOURGET , auquel je tenais à participer à des fins évidemment commerciales. Cette conjonction me décida à faire linvestissement en temps et en argent nécessaire, et ce nest rien de le dire (heureusement, je trouvais pour une fois quelques sponsors qui maidèrent à passer ce cap difficile). Je mis donc lavion sur sa remorque et embarquais le total sur Nice car javais une démonstration à faire pour des journalistes à Bandol. Jusque là, rien que de très banal, mais la suite mérite quelques commentaires ! Rendez vous était pris avec les journalistes en début de mâtinée, et le temps était beau ; mais bien entendu ces messieurs sont arrivés en fin de mâtinée et le temps sétait gâté, le vent avait fraîchi et la mer sétait creusée . Et bien entendu, quand on a rendez-vous avec la presse, il est de bon ton dassurer coûte que coûte ! Voilà ce que je déteste le plus au monde : être obligé de voler, quelque soit le temps ou les circonstances ! cest certainement une des choses les plus dangereuses qui soient, et lhistoire de laviation est hélas jonchée de drames imputables à de telles circonstances.
La démonstration fut donc faite, par une mer très formée avec des creux de 60 à 80 cm, que je navais jamais abordés auparavant : en tout cas, la preuve était faite que lHydroplum nétait pas quun « marin deau douce » ! Quant au pilote, il était trempé de la tête aux pieds, et de fort méchante humeur ; mais après tout, les choses ne sétaient pas si mal passées et jeus droit à des photos dans VAR MATIN où on se demande si cest un hydravion ou un sous-marin !
Cette première épreuve passée, je continuais ma remontée sur Paris, et marrêtais à Lyon où mon cher Papa mavait soigneusement préparé létape, avec surtout un bon garage pour lavion car il nétait pas question de le laisser coucher dehors, tout de même . Et là, en rentrant dans le garage, un instant dinattention et jaccrochais une aile
pas de la voiture, mais de lavion, ce qui était infiniment plus grave ! Je me retrouvais avec un gros trou dans le bord dattaque ce qui, à latelier, maurait bien pris trois jours de réparation , mais qui, si loin de mes bases et à deux jours du départ de la course, constituait une vraie tuile . Mon Papa sarrachait les cheveux, lui aussi, mais ça narrangeait rien . Au bout dune ou deux heures de réflexion, la décision de réparer coûte que coûte fut prise et commencée aussitôt, afin laisser le temps de durcir à la mousse de polyuréthane que nous avions injectée dans le bord dattaque.
Le lendemain, triste constat, la mousse avait trop gonflé, comme toujours, et mon pauvre bord dattaque ressemblait à une patate. La compétition commençait bien mal, mais il fallait continuer à « monter « sur Paris. Le soir, à Paris, dans un nouveau garage mais avec encore moins doutillage, il fallait finir la réparation ! Ce fut fait, tant bien que mal, avec de la fibre de verre et de la résine époxy en tube trouvée à lépicerie du coin. Et le lendemain
la résine nétait toujours pas durcie. Mais tant pis, direction Deauville, cette foutue résine finira bien par durcir
en fait, elle ne durcira jamais complètement car elle était de mauvaise qualité !
Cette fameuse course se déroulait en deux étapes , et devait se terminer, non pas à Paris, cétait trop beau, mais aux Mureaux, célèbre base dhydravions de lentre deux guerres, réhabilitée pour la circonstance, vu quil ny a plus dhydravions en France depuis bien longtemps, à part les U.L.M. !
Jeus lidée saugrenue, avant le départ, de modifier un peu mon réglage de carburateur
mal men a pris, bien entendu : le décollage, pourtant par beau temps, fut très pénible ; sans doute aussi lémotion car je nétais pas du tout habitué à tant de spectateurs, et ma réparation de fortune mavait beaucoup stressé : on ne fait rien de bon en de telles circonstances. Le vol le long de la Seine jusquau plan deau du Vaudreuil, première étape, fut un intense moment de bonheur et démotion, hélas un peu gâché par quelques ratés du moteur, dus évidemment à mon bidouillage de dernière minute ! Cette première étape était complétée par une épreuve de précision damerrissage hélice calée, dont je me sortis plutôt mal, bien sûr, à cause du stress accumulé.
Le lendemain, le temps sétait gâté et je décidais dabandonner car je me fichais complètement du classement et je navais plus suffisamment confiance dans mon appareil pour voler dans le mauvais temps. Ce qui mimportait, cétait de participer au salon du BOURGET .
Le salon de laviation du BOURGET (du 29 mai au 6 juin 1985) :
Figure SEQ Figure \* ARABIC 12 : LHydroplum I au salon du Bourget
Cétait ma première participation au Salon, et ça mérite bien un récit détaillé ! Paradoxalement, la participation à ce Salon ne coûte pas grand chose, tout au moins si on se contente dun simple emplacement sur le parking réservé aux avions légers et autres U.L.M. Mais en fait sur le vaste parc dexposition en plein air, tout le monde cohabite et se mélange joyeusement, à quelques mètres de distance, sans barrières ni ségrégation apparente : les U.L.M. sont ainsi mélangés aux chasseurs Soviétiques, par exemple, qui nont pas dû payer plus cher que moi leur emplacement (par contre, les grands constructeurs Français ou Américains sont magnifiquement installés, avec des stands en dur où on sert du champagne et des petits fours aux invités de marque (mais quelle marque, au fait ?), mais là, ce nest plus du tout le même prix !).
Jarrivais donc avec ma petite remorque à lune des portes du salon et après quelques formalités administratives, on me laisse rentrer après mavoir désigné un emplacement. Sur ce parking immense, entouré davions gigantesques militaires ou civils, je commençais à me sentir de plus en plus petit, et je nétais pas au bout de mes peines ! Alors que les équipes saffairaient autour de leurs appareils, installant des stands plus ou moins luxueux, je montais, tout seul, mon petit Hydroplum, puis dépliais modestement les deux chaises pliantes que javais achetées au Super du coin
Cétait fini, il ne me restait plus quà attendre le lendemain larrivée des premiers visiteurs (en semaine, rien que des professionnels invités).
Mais comme je désirais faire des démonstrations en vol, il me restait à me faire connaître et enregistrer au Bureau de Piste : je ne doutais de rien, à lépoque !.Là on me délivra, sur présentation du Brevet de pilote U.L.M., une magnifique carte de PILOTE (que jai gardée précieusement) et on me convia au premier BRIEFING destiné aux pilotes, dans laprès-midi. Je my rendis donc, un peu inquiet tout de même, car je ny connaissait strictement rien, il faut bien le dire ! Et là, je fus carrément écrasé par mon entourage : il ny avait que des casquettes où sempilaient les galons , des pilotes de ligne aux milliers dheures de vol, des pilotes de chasse de toutes nations, les meilleurs pilotes dessais des plus grands constructeurs, à qui on expliquait quils ne devaient pas dépasser, dans leur tour de piste de cinq minutes, telle et telle ville de la banlieue Parisienne
alors quil maurait fallu une bonne heure pour en faire le tour ! Quant au vocabulaire, nen parlons pas
dailleurs, cétait tout en Anglais, par dessus le marché ! En fait, jétais mort de honte davoir osé me mélanger à une telle assistance, et je tachais de me faire oublier autant que possible, ce qui ne fut pas difficile. Mais puisque jétais là pour voler, tant pis, je minscris quand même pour le lendemain, pour un vol de cinq minutes, comme tout le monde, mais à une heure réservée aux avions légers, tout de même !
Cest ainsi que se déroula la première journée, déjà bien fertile en émotions diverses. Le lendemain, jarrivais bien avant lheure douverture au public, pour vérifier mon appareil qui avait passé sa première nuit dehors, tout seul au milieux dune nuée de monstres plus ou moins agressifs
qui ne lavaient quand même pas mangé. La journée était belle, heureusement puisque je métais inscrit pour un vol vers 11 h . Je voyais passer sous mon nez, derrière leurs tracteurs, les F16, MIRAGES F5 , MIG 29 et SUKOÏ 27 , e t c
et mon moral déclinait à vu dil ! Puis vint lheure des avions légers, et ce fut aux pilotes galonnés de me voir passer en poussant mon appareil à travers tout le parc, et minstaller au bord de la piste en attendant que le préposé me donne, par signe car je navais évidemment pas la radio, lautorisation de décoller. La piste, parlons en : je laurais volontiers empruntée en travers pour décoller, bien quil ne sagisse en fait que dun taxi-way ! mais je me rendis sagement au point indiqué, et décollais au signal car il nétait pas question, bien entendu, de la moindre fantaisie. Mon petit vol de cinq minutes fut sans problème, bien que le vent se fusse sérieusement levé, et évidemment en travers de la piste ! Aussi, à latterrissage, je décidais de ne pas prendre de risque inutile et je me posais pratiquement en travers de la piste, bien vent de face comme jai toujours fait ! cela ne suscita dailleurs aucun commentaire et je regagnais mon emplacement avec un soupir de soulagement. Par la suite, je fis encore deux autres vols de cinq minutes, mais le temps ne fut guère clément et jen profitais pour ne plus minscrire aux démonstrations en vol. Dailleurs, je maperçus que javais été presque le seul U.L.M. à voler cette année là.
Dans lensemble, la semaine se déroula de façon somme toute agréable, avec comme dhabitude à Paris en juin, une succession rapide de journées caniculaires, puis glaciales et surtout pluvieuses : cest alors que je découvris lavantage essentiel de mon aile haute : elle constituait un excellent parapluie, que le public et moi même apprécions beaucoup . Quant aux contacts commerciaux, ils furent sympathiques et je remportais un incontestable succès destime
mais sans plus . Je me souviens en particulier de la visite dun des directeurs de BOEING qui tenait tant à maider quil corrigea la version Anglaise de mon prospectus, ainsi que celle de Jean ZIEGLER, directeur de lAérospatiale. Jétais très flatté mais je navais pas trouvé le financier idéal qui aurais pu maider à mener à bien le nouveau projet que javais déjà dans mon tiroir !
Je ne devais plus voler sur cet appareil avant longtemps, en dehors dune petite démonstration sur laérodrome de Corte, où je fis un gros trou dans le fond de la coque, en sortant de la piste.
Javais environ 35 heures de vol sur lHydroplum.
LHydroplum neut pas de suites commerciales notables : cétait évidemment un avion damateur, disponible uniquement sur plans, et de plus un monoplace, vice quasi rédhibitoire aux yeux du public. Mais je commençais à être bien connu du milieu professionnel et des amateurs : ceci nétait pas sans intérêt. Je vendis quelques plans (une vingtaine jusquà ce jour) et un seul appareil fut construit sur ces plans, à ma connaissance, avec au moins un succès incontestable, celui de me faire un excellent ami de son constructeur : Hervé le GALL.
Figure SEQ Figure \* ARABIC 13 : L'Hydroplum de Hervé le GALL
LHydroplum II
Cest immédiatement après le Salon du BOURGET que ma décision fut prise : la formule de lHydroplum était excellente, mais pour en faire un succès commercial il fallait en faire une version biplace et un produit de série, cest à dire construit « en plastique « , dans des moules, pour en faire tomber le prix et pour permettre la vente en kit.
Les études furent lancées immédiatement, et profitaient évidemment des enseignements considérables acquis au cours de la mise au point et de lutilisation de lHydroplum I durant 2 ans, concernant les caractéristiques en vol, au sol et en mer, la transportabilité, le pliage, la résistance à la corrosion, e t c
Le projet, alors appelé Hydroplum II, correspondait bien entendu au règlement U.L.M. de lépoque, cest à dire 175 kg maxi à vide , et 10 kg/m2 de charge alaire, soit 17 ,5 m2 de surface, empennage compris. Cétait très peu, en poids, pour un biplace, surtout avec une aussi grande surface et pour un amphibie ! mais ce nest pas moi qui avais pondu cette norme aberrante, dailleurs constamment battue en brèche par la suite, et il fallait bien faire avec.
Concernant la masse à vide, pas dautre solution que de serrer le devis de poids au maximum, ce qui imposait une grande rigueur de conception et de construction. Heureusement, ROTAX sortait maintenant un excellent petit bicylindre léger, 2 Temps de 65 CV, le 532 , dont la descendance tient toujours une grande part du marché aujourdhui . Pour ce qui est de la surface alaire, cela me paraissait totalement incompatible avec la transportabilité que je souhaitais : cest pourquoi je résolus de diviser mon aile en 4 parties au lieu de 2 , donc de faire un biplan, ce qui avait aussi lavantage de constituer une structure légère et solide à la fois, au prix dune construction un peu plus complexe il est vrai : ces critères, qui commandaient les structures de 1914, restaient valables pour mon projet de 1985. Ces idées étaient dailleurs partagées par mon camarade Bernard dOtreppe, qui concevait à lépoque ce qui allait devenir le MISTRAL. (bon nombre didées furent échangées à lépoque avec Bernard, mais aboutirent cependant à des appareils très différents, mais leur destin fut hélas très comparable !) .
Lessentiel du projet était bouclé à la fin de lété 85
Le financement pas du tout, et ça commençait à devenir le point crucial car jétais bien loin de la construction damateur : il me fallait faire réaliser un moule de coque et jenvisageais, pour faire plus vite, de sous traiter la construction des ailes, en même temps. Dans cette optique javais dû, quelques mois auparavant, faire une demande de subvention à lANVAR, organisme théoriquement chargé daider les inventeurs et créateurs de tous poils. Ces Messieurs les Ronds de Cuir eurent lidée géniale, pour maccorder une subvention misérable de 50.000 F, de mimposer la création dune S.A.R.L., avec tous les frais et contraintes que cela comportait (jy reviendrai !). Mais il me fallait bien en passer par là et Ô miracle, largent arriva à temps pour me permettre de lancer mes commandes principales : moule de coque puis coque prototype chez un artisan de Bandol ; ailes, tube de queue et jambes de train chez Alain PETIT, excellent camarade qui commençait à vivre de ses constructions aéronautiques (devenues plus tard ARPLAST , célèbre constructeur dhélices).
Début 1986, je prenais livraison dune sorte de kit sommaire, comprenant la coque prototype en trois morceaux, et commençais aussitôt son achèvement : mise en place des couples, des fixations dailes, de moteur, montage des commandes, etc
Quelques temps après je prenais livraison de ma commande chez A. PETIT et il me restait à achever ailes, empennages et mécanisme de relevage de train, ainsi quà monter le moteur . Il nest pas de mon propos de faire ici la description de cet intense travail, réalisé entièrement durant mon temps libre car il fallait bien, aussi, « faire bouillir la marmite « .
Figure SEQ Figure \* ARABIC 14 : LHydroplum II - a
Figure SEQ Figure \* ARABIC 15 : LHydroplum II - b
Mais en août de la même année, lappareil sortait pour la première fois de latelier, en vue du premier montage intégral et des premiers essais de moteur (impossibles dans le susdit atelier) Le bébé pesait à lépoque 179 kg à vide, sans instruments, et je nétais pas loin davoir tenu la masse légale !
Bien entendu, javais également réalisé la remorque, sans laquelle aucune sortie nétait possible. Et me voici donc accrochant pour la première fois lappareil derrière ma voiture
Tandis que je traversais prudemment le village, je fus saisi dun frisson dhorreur : averti par un bruit étrange , je vis dans mon rétroviseur la remorque, détachée, qui continuait tout droit dans le virage ; lensemble est allé sécraser, pas bien vite heureusement, contre un angle de mur en pierre
Javais eu de la chance, malgré tout, car ma remorque avait raté de peu la terrasse du bistrot où il y avait pas mal de monde ! Que sétait-il passé ? Sans doute la boule mobile de lattelage Peugeot de série était-elle mal serrée (ou avait-elle été desserrée ?). Je ne le saurai jamais, mais le résultat était là : je ramassais tant bien que mal les morceaux sur ma remorque, avec laide de quelques passants obligeants, et ramenais le total à latelier : javais fait en tout 1 km , cétait déjà mon deuxième « accident de la route aéronautique » (mais pas le dernier) !
Latteinte au moral, et même à lamour-propre, était gravissime ! Il me fallut bien 24 h et les encouragements de mes proches et de mon copain Jojo, pour que je me décide à faire linventaire des dégâts
qui nétaient finalement pas si graves que ça : une coque ouverte à lavant, une aile bien abîmée, et des bricoles diverses. Le tout était réparé un mois plus tard, et je pouvais reprendre les essais là où je les avais laissés .
Le 12 octobre 1986 : première sortie en mer, à St Florent, que je connaissais maintenant si bien. Je constatais immédiatement une grande faiblesse du fond de coque (ah, cette économie de poids !) et ninsistais pas.
Le 1er novembre : deuxième sortie en mer, après renforcement du fond de coque. Cette fois, les choses sérieuses commencent et je suis bien décidé à faire mon premier vol. Par mesure de sécurité, jai complété mon gilet de sauvetage par une vedette remplie de copains
tant pis pour la discrétion, mais la sécurité y gagne, ainsi que les souvenirs car jai la chance davoir de ce grand moment dexcellentes photos et une vidéo acceptable, ce qui nétait pas évident, surtout à lépoque. Selon mon habitude et à linverse de certains pilotes dessais professionnels de lentre-deux-guerres qui auraient mis plein gaz tout de suite (1), je fais de longs parcours (ce nest pas la place qui manque) en accélérant progressivement. Au bout dun moment (joubliais de dire que la mer était dhuile, bien entendu !), je passe sur le redan et accélère encore
mais je ne suis plus un pilote débutant et lappareil est arraché sans peine : un long palier pour tâter les commandes et vérifier que tout va bien, et cette fois ci cest le fond du golfe qui se profile à lhorizon
encore un peu de gaz et jentame une montée prudente à une vingtaine de m, puis un grand virage vers le large, suivi dun autre qui me remet dans laxe de la « piste » : ce nest pas difficile quand il ny en a pas ! Lente descente, puis kiss-landing impeccable, juste devant la caméra (qui bien entendu va le louper !).
Figure SEQ Figure \* ARABIC 16 : 1er vol dans la baie de St Florent
Cf : Histoire des essais en vol éditions DOCAVIA
Suivent 5 ou 6 vols, dune durée totale de 30 minutes. Le succès est total , les réglages irréprochables dès le premier vol (bien entendu avec une gueuse dans le nez pour remplacer le passager) : on est bien loin des balbutiements de lHydroplum, et surtout que cest pratique de savoir déjà piloter quand on essaye un nouvel avion ! Seule subsiste la faiblesse du fond de coque, quil faudra encore renforcer, et les nombreuses entrées deau, quil faudra compenser par une vidange à ouvrir en vol.
Les essais se poursuivront la semaine suivante, et cette fois jessaye demmener mon copain Claude Gibert qui, comme je lai déjà dit, participait à tout, volait sur tout, mais était un peu lourd (95 kg) ! La tentative avorta rapidement car ma coque, bien que renforcée, commençait à céder et leau rentrait en abondance ; nous rentrons au port in-extremis , plein moteur pour ne pas couler !
Fin novembre, après nouveau renforcement du fond de coque, je fais un essai avec un sac de sable de 70 kg en place passager (et bien sûr sans la gueuse
cette gueuse de plomb à mettre et à enlever me posera toujours quelques problèmes, jusquau jour où je décidais de men passer !) : le vol est sans problème, quasiment sans changement par rapport au vol en solo, avec une vitesse ascensionnelle de 5 m/s et un décollage en 80 m . Mais je nemmène toujours pas de passager, et je sens que mon copain Claude bout dimpatience !
Le 25 janvier 1987, après avoir sérieusement amélioré le mécanisme de relevage du train, qui ne me servait jusquà présent que pour la mise à leau, jamène lappareil sur le terrain de Ghisonaccia, en vue dun premier vol terrestre. Je fais 4 vols, dune durée totale dune heure environ, sans autre problème quun déverrouillage de la roue avant : mais cela est sans conséquence puisque lhélice est derrière ! Dailleurs, jaurai par la suite encore bien des problèmes de déverrouillage, y compris du train principal, avant darriver à quelque chose de fiable : mais cela neut jamais de conséquence fâcheuse, hormis un fond de coque un peu râpé qui nécessitait quelques couches de fibre de verre en réparation. Bien sûr, le décollage est beaucoup plus rapide que sur leau (50 m environ), mais le roulage à latterrissage est important (environ 300 m) car il ny a pas de freins : je men passe dailleurs très bien, sur cette piste de 800 m.
Le 9 février, toujours sur le même terrain, jemmène mon premier passager, avec une joie et une fierté indicible, car il sagit de mon Papa. Il me semble que cet honneur lui revenait de droit. Pour moi, emmener un passager a toujours été et sera toujours un problème, car cest une grande responsabilité. Alors vous pensez, la première fois, et avec mon père par surcroît, ce fut une grande émotion (pour lui aussi dailleurs, mais jignore sil a eu peur : en tout cas, il ne la pas laissé paraître !) Nous avons volé ¾ dheure, et mon père a piloté presque tout le temps. Quelle joie davoir pu offrir ce plaisir à mon Papa, qui devait mourir juste un an après. ..Mais depuis quelque temps, je sentais confusément quil nétait pas éternel, et je me rapprochais dautant plus de lui.
Jai maintenant 4 heures de vol sur lHydroplum II, et je considère que lappareil est au point, pour lessentiel.
Les vols et la mise au point se poursuivront sur la terre ferme tout le mois de mars, et jemmenais un tas de gens, qui me faisaient confiance, ce dont je suis très honoré. Jemmenais même un enfant, à la demande de ses parents : mais là, je men veux car jestime que cest trop dangereux. A la fin du mois, jemmène enfin Claude Gibert, sur leau, malgré ses 95 kg ; le décollage, par vent nul , est pénible, mais Claude est ravi !
Début mai, jai 10 heures de vol. Jessaye avec succès un trim électrique sur la profondeur : je commence à me prendre pour un pilote de BOEING (nest-ce pas le rêve de la plupart des pilotes amateurs ? en tous cas, ce nest pas le mien !). Je perfectionne ma technique de décollage en mer : en labsence de vent et de vagues, avec un passager lourd, ce nest pas évident et il faut bien dominer lassiette sur le redan ; surtout, ne pas tirer trop tôt !
Jai mis en place un système dalarme qui sonne quand jai à la fois la gueuse et un passager (ou une passagère : il ne fait pas la différence, limbécile !), ou bien ni gueuse ni passager, ceci pour ne pas avoir de problèmes avec le centrage. En fait, jai tout essayé, involontairement bien sûr, sans aucun problème : mais deux précautions valent mieux quune, paraît-il ! (dailleurs ce système, constamment trempé dans leau salée, ne marchera pas longtemps : électricité et électronique nont jamais fait bon ménage avec leau salée !).
Le 11 juillet, il marrive une mésaventure qui mérite largement un exposé détaillé : je suis en lair avec mon copain Pierre (ex pilote de chasse modèle 1944
une référence, quoi !), à la vitesse de croisière (110 km/h), et je règle le trim « au petit poil « pour avoir le manche au neutre ; et tout dun coup, fortes vibrations du manche, ressenties par le passager également . Je coupe immédiatement les gaz et la vibration sarrête, heureusement car ce phénomène maintenant bien connu se nomme FLUTTER, ou flottement des gouvernes, et a déjà tué des dizaines de personnes, surtout des pilotes dessais entre les deux guerres. Pierre et moi nous regardons, sans rien dire (dailleurs, on ne sentend guère dans lHydroplum II !), et surtout très contents dêtre toujours vivants ; nous rentrons au terrain « sur la pointe des pieds », au ralenti et à 20 m daltitude.
Pas de doute, ce flutter qui ne sétait jamais manifesté auparavant à cause de la traction constante sur le manche, cest manifesté ce jour là quand le trim a mis le manche au neutre. Conclusion : même sur un appareil aussi lent, les masselottes déquilibrage sont indispensables. Quand on pense quil a fallu attendre les années quarante pour que ce système se généralise sur les avions de chasse ! Il ne me reste plus quà mettre, moi aussi, du plomb sur mes gouvernes
voilà qui est bien rageant quand on vient de faire des trous dans le polystyrène expansé pour gagner des milligrammes !
Le 13 juillet, la modification est faite et, toujours avec Pierre qui ne se laisse pas impressionner, nous validons la méthode jusquà la V.N.E. (vitesse maximale autorisée
par moi même) de 140 km/h . Le résultat est si parfait, nous sommes si euphoriques
que nous oublions de sortir le train à latterrissage ! Je dis « nous » ? cest quà la vérité, après cet exploit, nous nous sommes demandés qui, de nous deux , pilotait ; nous navons à ce jour, toujours pas la réponse. Bilan de lopération : un trou dans le fond de coque, à reboucher durgence ; je vais finir par mettre un patin en acier, pour être tranquille !
Le 17 juillet : cest un jour de gloire ! Je suis invité à venir sur lîle de Cavallo faire une démonstration au Prince Victor Emmanuel de SAVOIE (prétendant au trône dItalie, sans grand espoir dailleurs !). Jy vais avec Pierre ; il y a pas mal de vent et je suis inquiet. Posé sur la piste de Cavallo après 40 minutes de vol, vent dans le nez. Je tords la fourche avant sur une pierre :ça commence bien ! Après avoir sommairement redressé la fourche, nous nous rendons chez le Prince qui nous reçoit aimablement . Cest Pierre, pilote beaucoup plus expérimenté que moi, qui fait voler le Prince qui fait bien son mètre quatre vingt dix, et surtout son jeune fils de 12 ou 13 ans, qui est ravi. Ils font des décollages sur une mer très formée et tout le monde est trempé mais content
Pendant ce temps, je tiens compagnie à la mère, qui est sûrement inquiète, et je la comprends. Nous sommes retenus à déjeuner, et rentrons tout de suite après car le vent force encore (heureusement, lavion est sur la terre ferme !). Le Prince semble intéressé, mais ce nest quun prototype qui nest pas à vendre . Il promet de me rappeler
jattends toujours son coup de fil ! (par contre, deux ans après, il visitait le Salon du Bourget avec son fils, accompagné dun journaliste de Point de Vue (sic). Il a tenu à se faire photographier devant lappareil, et son fils dedans
ce qui ne ma rien rapporté, sinon un petit article et deux photos dans ce journal stupide !). Ce fut mon seul et unique rapport avec la JET SET, mieux, avec lAristocratie !
Fin juillet, lHydroplum II a 20 heures de vol et jai beaucoup appris
Le 1er août, je vole une heure avec Papa
ce sera son dernier vol ; quelques jours après, on découvrira son cancer et nous basculons dans le drame .
Fin août, je fais une petite modif du redan, qui me fait gagner 10 à 20 % de distance de décollage : la modif sera adoptée sur la série, bien quelle soit assez discutée par les spécialistes, notamment les Russes rencontrés au Bourget bien plus tard .
Début septembre, malgré mes soucis familiaux, lavenir commercial de lHydroplum II semble prendre tournure : André WYDAUW arrive de Bretagne pour me rendre visite, et je lui fais essayer lappareil à St Florent . Il est sûrement très convaincu puisque nous commençons à parler affaires
Enfin !
Le 12 septembre, Daniel Robert-Bancharel vient essayer lengin, mandé par A . WYDAUW dont il est lami. Daniel est une authentique « Vieille Tige », pilote chez CAUDRON puis pilote de guerre. Cest un homme charmant, avec qui je mentends à merveille : quels bons moments nous avons passés ensemble, surtout quil a le sens de lhumour. En plus, il se déclare enchanté de lavion, et le trouve sans défaut, ce qui venant de lui est le plus beau des compliments
je suis sur un petit nuage !
Le 20 septembre, jessaye une nouvelle modif du fond de coque (redans longitudinaux cette fois) : le résultat est excellent et la distance de décollage nettement réduite ; la modif est également adoptée pour la série.
Le lendemain, dernier vol avec lHydroplum II en Corse, mais avec un passager de marque : il sagit de mon fils Jérôme, que jose emmener pour la première fois, sachant que mon avion partira très bientôt pour la Bretagne. Le décollage, avec une forte houle résiduelle, se passe bien
Mais, sans doute ému de transporter mon fils, je fais le pire amerrissage de ma carrière, avec un énorme rebond sur une crête de vague ! Je ne suis pas fier.
Après une petite révision, lHydroplum II part pour la Bretagne, sur sa remorque.
Il a 24 heures 30 de vol .
Le Petrel
LHydroplum II allait changer de nom, à la demande de WYDAUW, et devenir le PETREL, ce qui nest pas si mal quand même !
Figure SEQ Figure \* ARABIC 17 : Le PETREL de LATTMANN au barrage de PADULA
La cession de la licence de fabrication de lappareil, la vente du prototype et des moules a été très mal négociée de ma part car jétais acculé par de précédents partenaires qui, arguant dune prétendue antériorité, massignent devant un tribunal et me réclament des sommes exorbitantes. Cette pitoyable histoire ne mérite pas dêtre racontée, ni ici ni ailleurs, mais les difficultés rencontrées par la suite en sont partiellement la conséquence .
Jai cédé cette licence car je navais ni le temps, ni largent, pour mener à bien lindustrialisation de mon appareil . Il aurait fallu pour cela :
Que lANVAR soit dirigée par des gens honnêtes et intelligents et donc quils acceptent de maider plus sérieusement quils ne lont fait (voir plus haut), et comme ils me lavaient promis. En fait, ils ont préféré aider une machine à ramasser les châtaignes
plus folklorique assurément !
Que je démissionne de mon emploi qui me faisait vivre, moi et ma famille
jai jugé que cétait trop imprudent, et je pense que jai eu raison : bien peu de gens ont réussi à vivre en fabricant des avions, et les constructeurs dU.L.M. encore moins !
Même si javais les capacités techniques pour mener à bien cette affaire, je navais certainement pas les aptitudes commerciales
Wydauw non plus, mais ça, je ne le savais pas !
Me voilà donc lié à la société S.M.A.N.(Société Morbihanaise dAéro-Navigation), propriété dAndré WYDAUW, anciennement propriétaire dun chantier naval qui vendait et réparait des voiliers de luxe et qui sétait déjà essayé avec un U.L.M. dorigine Anglaise, le DUET. Apparemment pas le mauvais profil, surtout au plan commercial et dans la mesure où je gardais la main sur la technique, mais de bien loin.
Les débuts, comme toujours, furent plutôt idylliques : Wydauw avait de largent ou du moins le laissait croire, et il était emballé par le projet. Il a monté une petite usine avec trois ou quatre ouvriers, et nous lançâmes de toute urgence la fabrication de lexemplaire n°1.
Pendant ce temps, Daniel ROBERT-BANCHAREL était devenu le pilote dessai officiel, ou pilote dusine, rôle quil remplit parfaitement bien, et avec beaucoup de plaisir, jusquà sa mort quelques années plus tard : le PETREL lui assura incontestablement une fin de vie heureuse et jen suis particulièrement fier.
Bien entendu, je passais beaucoup de temps à LA TRINITE SUR MER pour transmettre mes connaissances et mettre au point le projet car il y a loin du prototype au produit de série, surtout que Wydauw avait quelques idées plus ou moins bizarres auxquelles je mefforçais de répondre au mieux
Par exemple, le relevage du train datterrissage : il faut bien reconnaître que cétait le point faible du proto. Mais au lieu daccepter mes solutions simples à base de câbles et de leviers, Wydauw voulait à tout prix un relevage hydraulique, comme sur les gros avions ! Jétudiais donc, au prix de dizaines dheures de cogitations intenses (et gratuites, bien sûr !), un système hydraulique pas trop lourd, mais malgré tout complexe, qui fut monté sur le PETREL n°1, qui était vendu depuis longtemps
à un client de TAHITI qui le réclamait à corps et à cri ! Funeste idée quand même de vendre à Tahiti un quasi prototype : mais cétait, paraît-il, des amis à lui !
autant dire quils ne le restèrent pas longtemps !
Avant dexpédition à Tahiti du n°1, il y eut lépisode Nicolas HULOT et son émission USHUAIA . Nicolas tenait absolument à faire une de ses présentations à bord du PETREL, dont il avait entendu parler par son ami Hubert de CHEVIGNY, que je connaissais bien. Voilà donc léquipe complète de lémission qui débarque un jour dhiver, par un temps maussade, à laérodrome de Vannes-Meucon où résidait, non pas le PETREL qui nétait pas encore terminé, mais mon bon vieux Hydroplum II, mal entretenu et maladroitement modifié selon certains critères de Wydauw, notamment pourvu dénormes freins à disques. Vu limportance de lévénement, je métais arrangé pour être présent, et je ne fus pas déçu car la soirée avec léquipe (Nicolas nétait pas encore arrivé) fut mémorable : ces gens là ne respiraient pas la morosité !
Figure SEQ Figure \* ARABIC 18 : Nicolas Hulot (dans le proto) et Hubert de Chevigny (dans le n° 01)
Nicolas a peut être bien des défauts, mais pas celui dêtre un froussard : laspect peu engageant de lavion, pas plus que le temps exécrable, ne le découragèrent de faire son émission, accompagné comme il se doit dun hélico qui devait bien valoir le prix de 100 PETREL ! Tout ça pour rien, il revinrent au bout dun quart dheure, déçus : on y voyait pas à cent mètres ; quant à Nicolas, il avait tant forcé sur le palonnier quil était tout tordu (le palonnier, pas Nicolas) !
Mais pas découragés pour deux sous, rendez-vous fut pris pour la semaine suivante, mais sur la Côte dAzur, dans lespoir davoir du beau temps, et cette fois avec les deux appareils : lHydroplum II auquel Nicolas semblait avoir pris goût, et le PETREL n°1, à peine terminé et essayé, que devait piloter Hubert de CHEVIGNY
on ne pouvait rien refuser à ces messieurs de la télé, et je crois pouvoir dire que Wydauw neut pas à regretter son argent dans ce coup là.
Au jour dit, tout le monde (et moi même), se retrouvait à Cavalaire, petite ville de la Côte où existait un petit club dU.L.M. hydravions, et le beau temps était au rendez-vous ! Les deux appareils furent montés, Nicolas reprenant lHydroplum II (jaune), Hubert prenant le PETREL (blanc) quil navait jamais piloté, et pour cause
Quand à moi, jétais liquéfié de trouille en pensant que sil arrivait quoi que ce soit à lun de nos engins, lun vieillissant, lautre nayant presque pas volé, sen était fini de leur carrière (et de la mienne par la même occasion) : cétait la gloire ou le désastre
ce fut la gloire ! les vols se déroulèrent parfaitement, lémission fut très réussie et le PETREL acquit une réelle renommée en quelques instants.
Par la suite, Nicolas apprécia tant le PETREL quil fit avec 3 autres émissions : deux en GUYANE , une à Cassis et dans la calanque de Sormiou. Quand on sait ce que coûte la minute de pub à la télé, il faut reconnaître que Nicolas nous a rendu un très grand service !
Nous avons, par la suite, réussi à sortir une version à peu prés correcte du PETREL, avec un relevage de train cette fois ci selon mes idées, simple et léger. Mais la qualité de fabrication, et surtout le service commercial, ne furent jamais à la hauteur du produit. Jai déjà évoqué laffaire du n°1, que Wydauw expédia à Tahiti et qui déplût tellement au client quon dût le faire revenir en France !
(jai sur cette affaire une volumineuse correspondance avec le client mécontent, que je ne connaissais pas mais qui me prenait à témoin de ses malheurs avec son (ex)ami Wydauw
dailleurs, il en fut constamment ainsi avec les clients de la S.M.A.N., et je mefforçais tant bien que mal de recoller les morceaux, mais je commençais à me demander si javais fait le bon choix). Pourtant le PETREL plaisait et se vendait bien
mais la production ne suivait pas, bien entendu !
Pendant ce temps, Wydauw gagnait pas mal dargent en revendant des sous-licences, aux U.S.A , au CANADA, en ESPAGNE et au BRESIL (sans rien me ristourner bien sûr puisque je lui avais cédé tous mes droits).
Figure SEQ Figure \* ARABIC 19 : Le 1er PETREL américain (made in France !)
En Espagne, laffaire nalla pas jusquà son terme car lors de la livraison du premier appareil (Daniel Robert-Bancharel aux commandes), une jambe de train cassa à latterrissage, lappareil sortit de la piste et emboutit une voiture en stationnement . Bilan : Daniel indemne mais 1 avion et 1 voiture foutus, un contrat déchiré comme celui de Demesmaecker dans GASTON LAGAFFE ! (je nassistais pas à la scène, mais cest ainsi que je limagine).
Au Canada, les affaires tournèrent très vite au vinaigre entre Wydauw et Joël du ROULE, pour des raisons plus ou moins obscures où la bonne foi des parties nest pas sans reproches.
Aux Etats-Unis par contre, les affaires allaient bon train, malgré les inévitables zizanies avec Wydauw . Mais STONE eut lidée à mon sens saugrenue de faire construire le PETREL aux INDES (sic) où il avait des contacts . On imagine sans peine le résultat dun appareil conçu en Corse, fabriqué en France, licencié aux U.S.A et finalement re-fabriqué aux Indes ! cela fait penser au jeu de gosses qui se murmurent une phrase de lun à lautre jusquà ce quelle nait plus aucun sens au bout du dixième relais. Mais Wydauw trouva ça si bien quil cessa la fabrication en Bretagne pour ne plus compter que sur la production Indienne
dont la qualité, bien entendu, était pire que jamais.
Mais laventure du PETREL aux States eut une fin tragique et prématurée : STONE avait fait venir au grand rassemblement dOSKOSH un PETREL fabriqué au BRESIL . Ce PETREL, laissé toute une nuit dans leau (ce qui ne me serait jamais venu à lidée), fut retrouvé à moitié coulé le lendemain, létanchéité par le train principal nétant pas son fort. Pour le sortir de leau, on lattacha par la queue et on tira comme des brutes (peut être avec une voiture). Au vol suivant, la queue affaiblie cassa en lair et les deux occupants (dont le pilote Brésilien) furent tués. Bien entendu, lappareil fut interdit de vol aux U.S.A., le temps que la commission denquête en arrive à ces conclusions, cest à dire largement après que Stone eût déposé son bilan .
Pour en rester aux choses tristes, je dois aussi évoquer laccident mortel en ITALIE, qui bien entendu mit fin à la carrière du PETREL dans ce pays (cétait avant laccident dOSKOSH) : Cette fois, cest une aile qui sest détachée en vol. Après enquête approfondie, il est apparu que laxe de fixation du mât principal est sorti, sans doute parce que lépingle de sûreté qui le bloque ny était plus, ou avait été oubliée, ou plus probablement sétait cassée (une épingle à 1,5 franc , et il y en a des dizaines dans un avion !) .
Bien que la conception de lappareil ne soit en rien la cause de ces deux drames, mon moral en a été fortement affecté , et je passais à chaque fois des nuits entières à penser à ces pauvres types qui ont perdu la vie parce quun jour jai eu lidée saugrenue de construire des avions. Je pense toujours que si javais inventé un éplucheur de patates, ces types se seraient peut être coupé un doigt, tout au plus. Mais Monsieur PEUGEOT, ou Monsieur BOEING , devaient-ils sen vouloir chaque fois quun accident dauto, ou une catastrophe aérienne, se produisait ?
Et voilà comment ce récit, commencé sur un ton badin, devient soudain on ne peut plus sombre : je ne pouvais tout de même pas escamoter les vrais problèmes, les vrais drames, rien que pour rester drôle ! Je nai jamais prétendu, non plus, que laviation était sans danger, et lorsquon étudie tant soi peu son histoire, on se rend compte quelle est rarement bordée de roses.
Quand on vit dans ce milieu depuis sa plus tendre enfance, quand on a soi même pris beaucoup de risques, on peut se permettre davoir un regard lucide sur cette merveilleuse activité humaine . Dailleurs à mon sens, il nest pas dactivité humaine vraiment digne de ce nom qui ne présente un réel danger, nest-ce pas Messieurs les Navigateurs, Alpinistes, Skieurs, Spéléologues, etc
?
Et tant pis pour les Bridgeurs, Tennismen, Randonneurs, Golfeurs, etc
qui ne risquent que de mourir dans leur lit, en principe !
Pour ma part, jai été très marqué par un évènement où jéchappais à la mort de façon étrange : javais 16 ans et mon beau-père (le mari de ma mère) memmenait souvent voler avec lui, ce qui était pour moi toujours une grande joie. (javais aussi un peu volé avec mon père, et parfois en planeur, quand un moniteur voulait bien memmener). Cétait en février, il faisait très beau et nous étions convenus que si je voulais voler ce jour là, je serais à lheure en début daprès-midi. Or vers treize heure un jeune pigeonneau est tombé de son nid sur mon balcon
Je fus tellement occupé à le soigner que jen oubliais lheure. Mon pauvre beau-père se tua ce jour là avec son passager, plaqué au sol par la turbulence de sillage dun des premiers Boeing 707 (on sait que cette turbulence de sillage est très dangereuse en labsence de vent). Cest ainsi que je fus sauvé par une Colombe, ou tout au moins par un animal de la famille ! Ma carrière aéronautique connut une longue interruption, essentiellement pour préserver ma mère dun surcroît dangoisse, et ne repris vraiment quavec le début de ce récit.
Le Petrel de Pierre
Figure SEQ Figure \* ARABIC 20 : Le Petrel de Pierre
Comme ce récit commence à tourner sérieusement à la morosité, il est grand temps que jen reviennes à des histoires moins dramatiques ; celle-ci nest dailleurs pas franchement gaie, surtout pour celui qui en a supporté les conséquences, mais elle est plutôt drôle, vue de lextérieur, et pleine denseignements et cest pourquoi je vais la raconter. Pierre est un bon copain et, comme je lai dit plus haut, un excellent pilote plein dexpérience. Lorsque je lançais la fabrication de lHydroplum II, Pierre décida de réaliser le sien, sans attendre la sortie du mien, ce qui était la preuve dune grande confiance. Il commanda donc chez mon sous-traitant de Bandol une deuxième coque qui lui fut livrée environ 1 mois après la mienne.
Par mesure de précaution, il spécifia un fond légèrement plus épais que le mien, et lavenir montra quil avait raison. Puis il se lança dans la construction de tout le reste, et me rendit un très grand service en réalisant les matrices des flotteurs de bouts dailes, un très gros travail dont il sacquitta brillamment. Son appareil fut donc réalisé sur la base de mes plans, mais « librement interprétés « , cest à dire quil en conserva la forme mais en changea presque totalement la structure, et surtout léchantillonnage, cest à dire les épaisseurs : par exemple, là où je mettais du contreplaqué de 2 mm, il mettait du 3 ; où je mettais du dural, il mettait de lacier inox, etc
toujours pour faire plus solide . « Mais attention, tu fais un U.L.M., pas un THUNDERBOLT « , lui disais-je souvent (il avait été autrefois pilote de ce monstre !). Et pour couronner le tout, au lieu de mettre un moteur 2 temps ultra-léger, il monta un moteur de moto BMW ultra-lourd (mais il est vrai plus puissant).
Le résultat de son énorme travail fut le suivant :
Le temps de construction fut à peu prés le quadruple du mien, et mon appareil était déjà vendu quand le sien nétait pas sorti de latelier,
Laspect et la finition étaient irréprochables, alors que le mien faisait un peu bâclé,
Le poids de lappareil fut tenu secret par son constructeur, mais devait être énorme, sans aucun rapport avec un U.L.M. « ça fait rien, me disait-il, je limmatriculerai en C.N.R.A « (avion classique),
Enfin et surtout, ce fut lavion le plus sûr que jai jamais connu
car il ne put jamais voler ! Sur leau, il était pas loin de couler, et ne parvint jamais, malgré ses 80 CV, à se hisser sur le redan. Sur la terre ferme, ses 80 CV lui permirent quand même de décoller, mais lappareil était centré si en arrière quen bon pilote quil était, Pierre réalisa immédiatement la gravité de la situation et se posa droit devant lui, au bout de la piste, sans rien casser.
Lappareil fut rentré à latelier et nen sortit plus jamais
moi, jen ai été malade de voir mon copain aussi déçu et certainement humilié. Comme il fallait sy attendre, nos relations subirent irrésistiblement un sérieux « coup de froid « que je nai jamais cessé de déplorer
Y a-t-il une morale à cette histoire ? sur le plan philosophique, certainement mais ce nest pas mon propos ! sur le plan technique, on ne répètera jamais assez quen aéronautique, le poids, cest lennemi ; Pierre lavait oublié
Wydauw allait rapidement en faire autant, avec des résultats pas si éloignés !
Le Petrel de Frédéric
Par le plus grand des hasards, mon copain Frédéric, qui est presque mon voisin de palier, est allé aux U.S.A. (à SUN & FUN) acheter à Stone un kit de Pétrel fabriqué aux Indes (je crois, le premier fabriqué dans ce pays !) . Et je passe sur le trajet de lappareil pour arriver jusquà Bastia. Mais il faut reconnaître que question prix, il y avait pas photo par rapport à ce que lui proposait Wydauw ! Heureusement pour Frédéric, il avait sous la main la personne qui fallait pour corriger tous les défauts de fabrication de ce prototype Oriental ! Il y eut pas mal de boulot, mais le kit était assez avancé et Frédéric put le sortir rapidement. La première sortie fut assez épique car Frédéric avait inversé les câbles de commande du palonnier : un coup à se casser la gueule ! Enfin, on sen rendit compte à temps et je fis le premier vol, sans problème, ceci en dépit dun très mauvais calage dempennage, ce qui en dit long sur la qualité de la transmission des informations entre lusine de Bretagne et celle des Indes !
Depuis lors, Frédéric a beaucoup volé avec son appareil, beaucoup plus que moi avec tous les miens, sans autre problème majeur quune hélice éclatée (lhélice ayant avalé un objet échappé du cockpit, inconvénient majeur de lhélice arrière), ce qui a entraîné un arrachement presque total du moteur, à cause des vibrations terribles causées par lhélice ayant perdu une pale. Il sen est suivit un amerrissage en urgence, très loin de la côte mais heureusement à portée du téléphone portable (toujours la sécurité de lamphibie
et du téléphone portable !).
La fin du Petrel
Malgré un réel succès et des ventes non négligeables (à ma connaissance, environ 70 appareils construits en France et vendus dans le monde entier, et probablement une bonne centaine au Brésil et vendus je ne sais où), les ventes en France ne tardèrent pas à seffondrer : la très mauvaise politique commerciale de Wydauw en fut la cause essentielle, mais sur le plan technique il ne sut que le faire évoluer dans le mauvais sens, cest à dire toujours plus lourd (environ 280 kg, alors que le prototype en faisait 190 !), ce qui pour un hydravion est particulièrement catastrophique car la coque senfonçait de plus en plus et lappareil décollait de plus en plus péniblement, malgré le moteur plus puissant dont il a été équipé (ROTAX 912, 4 temps) Il est vrai que cest lévolution générale de tous les U.L.M., qui ont de plus en plus de peine à rester dans les limites de la réglementation, pour ne pas parler de tous ceux qui en sortent carrément !
Quant au constructeur Brésilien, bénéficiant dune réglementation Américaine différente de lEuropéenne (pas forcément meilleure dailleurs), il réalisa carrément une copie légèrement agrandie (nommée : PATURI), mais encore plus lourd dune quarantaine de kg, qui paraît se vendre encore bien sur le continent Américain, mais qui na aucune chance dêtre classé U.L.M. en Europe.
Figure SEQ Figure \* ARABIC 21 : LE PATURI (copie illégale du PETREL)
extrait de KITPLANESArticle Howard Levy
Enfin, bien que ce petit recueil de souvenirs ne soit pas destiné à servir de « machine à laver le linge sale « , je tiens à préciser que dans cette affaire, je nai recueilli que des broutilles, et à grand peine étant donné la mauvaise foi de tous mes interlocuteurs : cest le sort communément réservé à tous les inventeurs, je nen suis pas surpris, même si jen suis très déçu. Quant à Wydauw, il a cédé son affaire à létat de » mort clinique « à la société BILLIE MARINE, autre constructeur de bateaux, qui semploie activement à leuthanasier !
La puce du ciel II
Figure SEQ Figure \* ARABIC 22 : La puce du ciel II
Ayant vendu mon Hydroplum II, et après quelques mois dintense travail avec le chantier de Bretagne pour la mise au point du PETREL de série, je me retrouvais bientôt désoeuvré, ce qui bien entendu, ne pouvait durer bien longtemps !
Lidée me vint de refaire un nouveau pendulaire dans le style de la PUCE-DU-CIEL, mais en biplace cette fois, dautant que mon copain Claude memmenait de temps à autres voler sur son pendulaire biplace COSMOS avec lequel il faisait de lécole . Lidée de départ était de faire un engin au centre de gravité aussi abaissé que possible (tant quà faire un pendule, autant mettre le plus de masse possible en bas !), bien caréné, donc avec moteur à lintérieur de la coque, et une sorte de dérive à larrière destinée à supprimer linstabilité en lacet constatée sur de nombreux pendulaires carénés : ceci nécessitait de placer le moteur en bas, au fond de la coque, et lhélice fortement déplacée vers larrière et le plus haut possible pour passer un grand diamètre, gage de bon rendement. Doù la formule du réducteur à courroie longue et de larbre dhélice également rallongé. Pour compléter le tableau, jy rajoutais, un peu pour faire joli, une roue avant rétractable qui réduit encore linstabilité en lacet.
Lappareil fut réalisé dans le courant de lannée 1990, et prêt à voler en Janvier 1991, après une mise au point assez laborieuse du système de transmission à courroie longue, qui a nécessité deux tendeurs sur le brin mou, dont un avec amortisseur..
Le dimanche 3 février, par un beau temps calme et froid, je me rends sur le terrain de Ghisonaccia avec mon copain Claude qui me prêtait son aile décole de 21 m2, bien trop grande mais convenant très bien pour ces essais. Comme je manquais un peu (beaucoup !) de pratique en pendulaire, Claude me proposa de tâter un peu lappareil avant moi : jacceptais en insistant pour quil ne fasse pas le premier vol, dont jestimais avoir la responsabilité. Claude, après quelques centaines de mètres de roulage
met la gomme et décolle franchement, puis fait deux ou trois tours de piste et se pose sans aucun problème. Il revient vers moi lair ravi
et casse la fourche avant en freinant un peu fort ! Bien sûr, je ne lui en ai pas voulu, ni pour ce premier vol « volé « (oh, quelle est bonne !), ni pour la fourche cassée que jaurais dû faire plus solide ; mais je ne pouvais plus voler à mon tour ce jour là, il fallait replier et rentrer . Mais quà cela ne tienne, la fourche sera réparée pour dimanche prochain, et nous rentrons joyeusement, très contents de ce nouvel engin avec lequel nous pourrons enfin revoler ensemble.
Je mactivais donc en début de semaine pour être prêt à temps, ce qui fut fait sans problème.
Figure SEQ Figure \* ARABIC 23 : Claude GIBERT effectuant les premiers vols de la PUCE II
Mais le vendredi 8 février, mon très cher ami Claude GIBERT, mon complice de tous les instants, se tuait aux commandes dun CESSNA en percutant la montagne dans le mauvais temps.
Je ne men suis jamais remis, il en est ainsi des deuils les plus cruels.
Je nai plus jamais sorti la PUCE-DU-CIEL II, et les seules photos en vol que je possède, que jai prises moi même pour une fois et qui ont paru dans la presse, sont celles du premier vol avec Claude.
Paradoxalement, cest un autre « Claude » (Claude Hanras), qui, venu du Nord en été 2001, est reparti avec dans son pays brumeux, avec la ferme intention de le faire revoler. Bien entendu, je lavais au préalable soigneusement révisé, ce qui ne fut pas chose si facile car le mélange sétait entièrement évaporé dans le réservoir, faisant une épouvantable colle dans tout le circuit !
LHydroplum I bis
Figure SEQ Figure \* ARABIC 24 : LHydroplum I modifié 1992
Après ce drame, je restais dans le cirage, incapable de sortir une idée valable pendant plusieurs mois.
Et puis, comme on dit, la vie reprend le dessus, comme elle avait repris après la mort de mon père, mais alors javais le lancement du PETREL en cours et je navais pas le temps de penser. Et pour moi, si la vie reprend, cest que je remets en chantier un engin volant. Javais récupéré mon Hydroplum I , après bien des péripéties liées à la commercialisation de lHydroplum II, assez fortement endommagé : un hurluberlu chargé de le transporter avait oublié damarrer sur la remorque une aile, qui bien entendu sétait envolée et avait atterri brutalement ! Bilan : un gros bout daile manquant (entre autres) . Comme entre temps la réglementation avait changé, la surface alaire se trouvait un peu trop grande
doù lidée de couper laile de lautre coté, plutôt que de refaire le bout manquant !
Résultat : 1m denvergure en moins (1,4 m2 de moins, soit une surface ramenée à 12 m2). Cest encore largement suffisant pour un appareil qui ne pèse que 155 kg. Par la même occasion, jen profite pour refaire des mâts carénés et surtout de beaux flotteurs de bout daile en plastique moulé, qui remplacent les gros flotteurs en contreplaqué ressemblant à des caisses à savon.
Enfin, je mefforce de résoudre une fois pour toutes le délicat problème de la roulette de queue et du gouvernail marin, qui ont la particularité de se situer tous les deux au même endroit, ce qui pose un sérieux problème . De plus, ces deux appendices doivent être rentrants et conjugués à la direction ; la quadrature du cercle, quoi ! Tout ce que javais pu faire jusqualors pendant la première période de mise au point de lHydroplum navait pas donné satisfaction. ..Ce que je parvins à pondre à lissue dintenses cogitations résolut tous les problèmes à la fois ! (là, la modestie métouffe) : il sagit dune roulette de queue dont le carénage sert en même temps de gouvernail : ce nest plus la quadrature du cercle mais luf de Christophe Colomb ! Bien entendu, pas question de décoller avec la roulette dans leau car elle freine beaucoup trop ; il ne faut donc pas oublier de la relever.
Enfin, je réalisais une modification importante au niveau des spoilers (dispositif remplaçant les ailerons sur lHydroplum), dont lefficacité laissait vraiment à désirer : ceux ci sont passés de larrière à lavant du longeron ; comme ce dispositif est destiné à casser la portance, autant la casser le plus tôt possible sur le profil, ce qui en augmente lefficacité.
Toutes ces modif sont prêtes début août 92 et le premier essai est fait sur la plage de la Marana, au sud de Bastia : cest moins loin que St Florent et jy ai des amis. Bien entendu, joublie de rentrer la roulette de queue, ce qui mempêche de décoller et de plus, mes efforts finissent par la tordre: une sortie pour rien ! La semaine suivante, le décollage se fait sans problème, bien que nettement plus long que sur la version dorigine : la plus forte charge alaire en est évidemment la cause. Par contre les performances en sont franchement améliorées : la vitesse de croisière passe de 90 à 110 km/h, et la vitesse de pointe passe de 110 à 130 km/h. La vitesse de décrochage passe de 55 à 60 km/h, ce qui reste très raisonnable et encore tout à fait dans la norme U.L.M.
Jaccumule jusquau mois de novembre environ 5 heures sur cet appareil nouvelle version, et jai la chance que mon ami GABY réalise un très beau reportage vidéo par une belle journée de septembre .
Puis lappareil est remisé pour lhiver, et je ne volerai plus dessus . Je suis vraiment indécrottable : quand tout va bien, je me désintéresse de mes créations et il faut que je repartes sur autre chose. Mais il faut bien reconnaître que cest comme ça que le monde avance !
Cet appareil sera vendu un an après, pas cher, à un amateur venu spécialement de Bretagne pour lemporter ; je nen ai plus jamais entendu parler, ce qui me porte à croire quil na jamais volé avec (ou alors, cest quil est proprement génial et na pas eu besoin de mes conseils !).
LAmphiplane
Comme cest mon dernier appareil à ce jour, mes souvenirs sont un peu plus denses
mais
Figure SEQ Figure \* ARABIC 25 : Les premiers vols en planeur pur avec l'Amphiplane à PIETRACORBARA
Cest surtout que jai pris lhabitude, en vieillissant, de noter davantage de choses et cest bien pratique. Par contre, je nai rien noté sur la période de construction, mais après tout, ce nest pas bien passionnant : beaucoup de travail, tant sur la planche à dessin que dans mon atelier, toujours le même, où jai déjà construit lHydroplum II et la Puce II : cet atelier de location, en fait un sous-sol de maison, mal foutu, mal éclairé et surtout peu accessible, dans lequel je ne me suis jamais vraiment installé, comme toujours dans une location.
Létude de lAmphiplane ou « planeur hydravion » a été menée en 1994, certainement avec beaucoup plus de soin que pour les appareils précédents car javais plus de temps.
Cest le 1er octobre 94 que jen lance la fabrication, en même temps que je me mets à mi-temps au bureau, en profitant à 55 ans du dispositif « contrat de solidarité-pré-retraite progressive ». Je choisis la formule la plus contraignante au niveau du bureau : travail tous les matins (au lieu dune semaine sur deux, comme font la plupart de mes collègues), ce qui me permet dassumer correctement mes responsabilités, puisque je suis présent tous les jours, notamment pour signer le courrier . Je peux donc consacrer mes après-midi à la construction aéronautique, et pour la première fois de ma vie je dispose de 2 ou 3 bonnes heures de travail tous les jours (sans parler des 5 ou 6 heures le samedi et très souvent autant le dimanche) .
Cela ma permis de sortir mon planeur en 1 an et 7 mois (soit environ 2000 heures de travail au maximum), ce qui nest pas énorme compte tenu de la nature de lengin. Mais cest pour moi un sommet que je navais encore jamais atteint, et que je négalerai sans doute jamais
Je ne suis pas pour les constructions qui traînent en longueur, parfois sur une dizaine dannées, comme font certains constructeurs amateurs : ma patience ne va pas jusque là !
Pour concevoir et construire cet Amphiplane, je disposais évidemment de lacquis de toutes mes réalisations antérieures, et notamment en matière de stratifiés dont jai appris lessentiel avec le PETREL. Mais cette fois, il me faudra aller encore bien plus loin, en dominant la construction en fibre de carbone sans laquelle cet engin aurait été beaucoup trop lourd. Bien entendu, il ne sagit que de fibre imprégnée sur place de résine liquide et durcissant à la température ambiante, et non pas comme font les professionnels de fibre pré-imprégnée de résine durcissant au four : les performances sont moindres et il ma fallu en tenir compte dans les calculs.
LAMPHIPLANE était prêt le 1er mai 1996 et pesait complet 92 kg, non motorisé, auquel sajoutent 5 kg de parachute de secours intégré à extraction pneumatique (en vieillissant, on devient plus prudent, cest sûr !).
La première sortie a eu lieu quelques jours après, sur la plage de PIETRACORBARA dans le Cap Corse, remorqué par le runabout de 150 CV de mon copain Frédéric (toujours lui !), et par 200 m de corde de polypropylène de 5 mm, qui a lavantage de flotter. Il me faut bien reconnaître que cette phase de décollage remorqué par un bateau na rien dévident. Bien entendu, une liaison radio avec le remorqueur est indispensable, et comme tout ça se passe sur leau, on imagine sans peine les problèmes délectronique, dautant quà certains moments, je me croyais davantage dans un sous-marin que dans un planeur ! Quant à laccrochage du câble sous la coque par le pilote, en mer, il y a intérêt à être souple et à avoir le bras long
(la prochaine fois, je mettrai le crochet sur le coté, ce qui me fera gagner 10 cm de bras !), dautant quune forte instabilité en lacet sur leau me mit plusieurs fois en travers, doù décrochage immédiat du câble. Bref, cette première sortie fut un échec car après quelques oscillations en lacet particulièrement fortes, un flotteur de bout daile enfourne et sarrache .
Retour à latelier et à la réflexion !
Ce fut surtout la réflexion qui me prit du temps. Bien entendu, je replaçais le flotteur de bout daile, monté de façon très légère de façon à servir de fusible en cas de choc.
Le 28 juin, nouvelle sortie, au même endroit, même remorqueur, mais avec une petite brise du large, ce qui devrait faciliter bien des choses. Pour simplifier un peu les problèmes, je décide de ne sortir que 100 m de câble car cet interminable vers de terre qui se tortille devant moi, garde en mémoire toute la trajectoire du bateau et donc tire tantôt à droite, tantôt à gauche (ce pauvre Frédéric faisant pourtant de son mieux pour avoir une trajectoire aussi rectiligne que possible !). Et cette fois, avec certes une très grosse émotion à la clef, je demande à Frédéric de garder toute la gomme
après une courte période de semi immersion, miracle, lengin passe brusquement sur le redan, lève le nez, puis décolle franchement. Je rends aussitôt la main et largue à 5 ou 6 m, pour un plané impeccable suivi dun kiss-landing (si jose dire !). Manifestement, dés quon a quitté leau, les problèmes sont du domaine du connu et ne révèlent pas de surprise : le planeur paraît excellent, bien centré, stable et vole droit : cest déjà ça !
Je fais ce jour là 3 ou 4 vols en ligne droite, à 10 ou 15 m de hauteur maximum, et constate que dés la mise en palier, le planeur accélère vers 60-70 km/h, et que bien entendu le bateau est rapidement rattrapé ; il faut veiller à ne pas se poser dessus car ce nest pas un porte-avion ! Enfin, il nest même pas nécessaire de larguer, le câble qui traîne dans leau tire vers larrière et décroche tout seul. Je finis par méloigner sérieusement de la plage de départ, en évoluant toujours face au vent. Pour rentrer en remorque vent arrière, pas moyen : lappareil qui zigzague déjà en temps normal, se mets carrément de travers par vent arrière, donc pas moyen de rentrer au point de départ, je suis obligé de me faire remorquer jusquà la plage de Sisco, à 5 km plus au Sud, où jhabite actuellement.
Pour la prochaine fois, il me faudra réaliser un petit crochet de remorquage dans le nez (ce sera fait, mais cette instabilité ne sera jamais totalement vaincue). Pour le reste, R.A.S, sinon que ma ceinture de planeur commence déjà à rouiller et quil me faut la remplacer par une ceinture de plongeur sous-marin, comme sur tous mes hydravions. Je songes également un moment à rechercher un bateau plus rapide, mais outre que je ne peux demander à mon copain dinvestir 200.000 F dans un bateau de course, cela ne savèrera pas indispensable !
Le 13 juillet, nouvelle sortie dans les mêmes conditions, mais avec une mer plus formée (environ 60 cm de creux) et un câble de 150 m. Je fais 3 vols, dont un à environ 50 m : ça commence à devenir sérieux ! (50m pour 150m, cela fait déjà un angle de câble de18°).
Le décollage reste un instant pathétique, surtout sil y a du creux : on plonge littéralement le nez dans la vague, et pendant quelques secondes on y voit plus rien ; il faut simplement attendre que ça passe, que le nez se soulève soudain et immédiatement le bruit et la fureur cessent : on est en lair, la verrière séclaircit car le vent chasse leau . Bien entendu, jai dû très rapidement renforcer létanchéité de la verrière, ainsi que celle de la trappe de ventilation située juste dans le nez
mais malgré tout, il faut bien reconnaître que jai toujours les pieds au frais après le décollage, surtout quand joublie de fermer le trappe ! Il faudra aussi que jaméliore lenrouleur de câble, car 150 m de ficelle qui semmêlent, ça fait désordre.
Le 23 juillet, nouvelle sortie, vent nul, mer dhuile : cette fois, je sors 200m de câble : cest que jai lintention de monter ! Je fais 4 montées vers 100-120 m et mes planés font maintenant 2 à 3 minutes chacun, avec de larges virages et un retour au point de départ : des « tours de piste », en quelque sorte ! Et la montée est une sensation très agréable car elle se fait lentement, pas trop cabré, ce qui permet de regarder le paysage : rien à voir avec la brutale « giclée » au treuil en planeur classique. Lors du retour à la plage, je suis pris dans la vague de sillage dun gros paquebot qui passe au large, et le flotteur droit est arraché. Heureusement, mon fils Jérôme a pu prendre les premières photos en vol.
Le 10 août, cest le début des emmerdements ! Par vent nul, je sors 300m de câble. Lors de laccélération, lappareil se mets de travers, enfonce le nez, et le câble se largue tout seul
mais entre temps, le flotteur gauche est arraché. Décidément, cette instabilité en lacet me pose de sérieux problèmes, évidemment surtout en labsence de vent, ce qui réduit lefficacité de la dérive.
Le 17 août, légère brise : les ennuis continuent : le câble de 300 m se casse plusieurs fois de suite, toujours coté bateau, sans que je saches pourquoi; a-t-il vieilli ? Je vais le remplacer par un neuf de 6mm au lieu de 5.
Le 28 septembre, reprise des essais après une interruption pour vacances (et oui, il faut bien aussi se reposer de temps en temps !). nouveau câble de 6 mm, donné pour 400 kg de résistance. Envoyé cette fois 400 m, un record. Le décollage, sans vent, est très pénible car le câble freine énormément. Pourtant, lappareil monte péniblement, manche au ventre, au bord du décrochage, jusquà 8 ou 10 m, puis le câble sort brusquement de leau
donc il se rallonge et la traction cesse un court instant, assez pour que le planeur décroche et tombe à plat ; un grand splash, mais heureusement amorti par leau et par la faible charge alaire de lappareil ! je nai pas le temps de réaliser ce qui vient de marriver, car le bateau a continué sa route, en accélérant bien sûr ; le câble se retends dun coup (heureusement, 400 m de câble en polypropylène, ça donne du mou !) et cette fois, re-décollage, réussi cette fois ; mais lappareil monte mal car le freinage du bateau est trop fort ; le largage se produit tout seul vers 180 m seulement (sans doute la pente du crochet est trop forte). Mais je macharne encore et cette fois, cest mon câble neuf de 6 mm qui casse, plusieurs fois, toujours du coté du bateau.
Retour à la plage : il est grand temps que je réfléchisse !
Que sest-il passé ?
Devant cette impressionnante collection de problèmes, dont certains comme mon décrochage auraient pu être graves, une longue période de réflexion simpose ; en voici les conclusions :
1°- je comprends enfin la raison de toutes ces casses de câble :
elles sont dues à la traînée propre du câble dans leau qui sajoute à la traînée du planeur (environ 80 kg), et qui à partir de 300 m environ, dépasse sa résistance (280 kg pour le câble de 5 ; 400 kg pour le 6) ; ceci explique que les ruptures se fassent uniquement coté bateau (occasionnellement, cela montre que la traction du bateau est supérieure à 300 voire 400 kg, ce qui nest pas mal !). Javoue que je navais pas envisagé ce problème à sa juste valeur. Ceci explique également les difficultés de décollage avec un câble de 300 m et plus.
2°-à cette difficulté sajoute le fait que le câble reste « accroché » à leau alors que le planeur est déjà assez haut : il décrit une sorte de L très aplati, que lon voit très bien sur les photos, jusquau moment où il sort dun coup en donnant du mou. Cest sans conséquence avec un câble de 200m , mais avec 400 m j ai vraiment failli me casser la gueule et il est heureux que le planeur ait résisté au choc, dautant que jai décollé ensuite sans avoir rien vérifié.
Tout ceci évidemment varie un peu en fonction du vent et de la mer, mais ce sont les ordres de grandeur.
CONCLUSION :
avec ce dispositif, la limite de la montée est limitée à 250 300 m maximum. Cest assez pour samuser un peu, mais pas assez pour accrocher sur les reliefs du bord de mer, surtout par vent faible (et bien sûr, par vent fort, pas question de décoller !). Cest ainsi que mes plus beaux vols nont pas dépassé la dizaine de minutes : pas de quoi pavoiser !
Fin octobre, je fais encore une sortie, avec 3 montées à 250 m : cest vraiment le maximum avec 300 m de câble, et avec 400 m, rien à faire, le bateau « rame » trop ! Et pour couronner le tout, un automobiliste obligeant déclenche le plan ORSEC et téléphone aux gendarmes pour les prévenir qu »un avion est tombé dans leau ». Jai donc droit, à mon retour à la plage, à un comité daccueil : gendarmes, pompiers, ambulance
il ne manquait que lhélico, qui sapprêtait à décoller ! Cen est fini de ma tranquillité ! Laffaire sarrange gentiment avec la Maréchaussée, bien que je ne sois pas vraiment en règle car mon immatriculation U.L.M. est purement fictive puisque dans U.L.M. il y a Motorisé, et de moteur, point ! (je ferai plus tard une demande dhydrobase agréée, qui me sera accordée sans problème, il faut bien le reconnaître.).
Je suis donc dans une impasse, qui comporte deux solutions :
fabriquer (ou acheter, très cher), un dérouleur de câble, utilisé pour le vol libre. Mais cela nécessite de trouver un bateau plus rapide car le déroulement du câble réduit la vitesse du planeur , qui est déjà très juste. De plus, en restant face au vent, donc le plus souvent face au large, une telle montée mamènerait à plusieurs km de la côte et de ses ascendances ! Je crains que ce soit une impasse de plus, et qui ne règle pas mes problèmes administratifs, ce qui est le plus grave.
Motoriser : cest évidemment la solution, qui règle théoriquement tous les problèmes, à condition que le moteur soit assez puissant pour me sortir de leau ! Mais rentrer un moteur dans un planeur qui na pas été prévu pur cela, « cest pas coton « . Heureusement, lhiver arrive, et jaurai tout le temps !
LAmphiplane motorisé
Figure SEQ Figure \* ARABIC 26 : LAmphiplane motorisé. Mise en place derrière le remorqueur habituel
(noter la tenue légère du pilote)
Jachète donc un moteur censé développer 28 CV, léger (17 kg avec léchappement) et qui présente lavantage dêtre relativement étroit (comme le Mousquetaire de Buster Keaton !) car cest un monocylindrique avec le carburateur à lopposé du cylindre (et non pas sur le coté, comme dhabitude). Bien entendu, pour faciliter les démarrages, le carbu doit être placé en haut, et donc le cylindre en bas. Ceci posé, il me faut concevoir le système de relevage, ce qui nest pas évident, mais surtout il me faut modifier tout le système demplanture dailes, pour permettre lencastrement du moteur. Heureusement, la fibre de carbone na pas été inventée pour les chiens, mais sans doute pour les amateurs en difficulté ! Je réalise donc pour reconstituer la liaison arrière des ailes une lyre en carbone du plus bel effet, sauf que personne ne la voit !
Je modifie également le calage en plan des ailes, qui présentait sur la planeur une forte flèche inverse pour rattraper le centrage. Avec le moteur, surtout rentré, le centrage est nettement reculé et il me faut donc réduire notablement cette flèche inverse, sans la supprimer totalement. Mais je ne touche pas à lincidence ni aux autres paramètres.
Bref, lappareil motorisé est prêt à la fin juin 1997, donc après 7 mois de travail intensif. Il pèse maintenant 123 kg, sans le parachute ; la motorisation et les modifs afférentes représente donc 31 kg, dont 2,5 kg de batterie.
Hélas, la première sortie, effectuée sur la plage de la Marana sans bateau remorqueur, se solde par un échec : comme je le craignais, le moteur nest pas assez puissant pour décoller lappareil (fait-il bien les 28 CV annoncés ? jen doute plus que jamais et des études comparatives me donnent à penser quil nen fait que 20 !), qui ne parvient même pas à passer sur le redan ! De plus, il a tendance à piquer du nez, ce qui etait prévisible vu la position élevée de lhélice. Je suis donc enfin en règle avec lAdministration, mais je reste cloué au sol, si jose dire ! Décidément, faire du planeur sur leau nest pas une sinécure !
Un bon mois se passe, et le 26 juillet, je réquisitionne à nouveau mon copain Frédéric et son bateau, muni de 100 m de câble (jen ai des stocks, de ce fichu câble, que je tiens à la disposition des amateurs !). Bien entendu, le décollage avec lassistance du bateau, ne pose pas de problème. Je largue immédiatement et commence une prudente montée. Je constate bien une forte tendance au virage à droite, qui moblige à contrer avec le manche presque à fond à gauche, et un centrage très avant, mais ça cest normal. Pourtant, je suis si content dêtre enfin en lair que je poursuis mon vol jusque chez moi, à Pietranera, sans doute pour faire voire à ma famille que « ça marche »
Honnêtement, je pense avoir fait là la plus grosse connerie de mon existence
en tous cas de celles qui étaient évitables ! Mais le vol d ½ heure se termine bien car je nai pas fait dimprudence supplémentaire, je nai fait que deux ou trois virages très à plat, et jai volé à petite vitesse. Je sais maintenant que si javais fait la moindre fantaisie, je me cassais la gueule à coup sûr !
Rentré à latelier, je vérifie évidemment mon calage dailes, bien que celui-ci naurait pas dû bouger lors des modifications réalisées. Et là stupeur, je constate un décalage de 1,5 ° : cest énorme
et incompréhensible . A ce jour, je nai toujours pas compris comment ma modification de langle de flèche a pu induire un tel décalage dincidences. Mais quoi quil en soit, cest sans doute une des plus grosses erreurs de mon existence de constructeur aéronautique (la plus grosse, mais pas la seule, hélas !). Dans le doute, je décide de ne rectifier que 1°, en laissant donc un décalage de 0,5°.
Le 3 août, nouvelle sortie mais à Porticciolo (Cap Corse) cette fois. Je décolle derrière mon remorqueur habituel, et cette fois la montée se fait sans problème, manche bien au milieu : le calage daile semble maintenant bon. Prudemment (« chat échaudé craint leau froide », dit-on), jaccélère un peu ; lappareil part de nouveau violemment à droite et je contre avec le manche en butée à gauche. Heureusement, dés que je ralentis, lappareil revient au neutre, mais jai très bien senti que jétais à la limite de la perte de contrôle
Si cela métait arrivé sans que je my attendes, comme lors du vol précédent, jétais foutu, cest sûr, car le réflexe naturel aurait été de prendre de la vitesse.
EXPLICATION : avec un tel décalage dincidence, à basse vitesse donc à forte incidence, les ailerons parviennent à contrer le défaut (0,5°/5° = 10% de compensation); à grande vitesse donc faible incidence, les ailerons ne compensent plus assez (0,5°/ 1° = 50% de compensation): cest le virage engagé, sans espoir de sortie
une occasion « rêvée » dessayer le parachute !
Le 9 août, nouvel essai après rectification des 0,5° restants (jai entre-temps vérifié aussi les ailes, qui nont pas bougé). Cette fois, tout va bien : il ne reste quune très légère tendance à droite, même à grande vitesse. Je monte assez haut et rentre pour la première fois le moteur ; je plane une dizaine de minutes (un record !) puis ressorts le moteur et redémarre en vol : ça commence à marcher.
Les vols suivants, après une ultime correction dincidence, se passent très bien, à lexception dune petite panne de moteur (fil de bougie détaché) qui mamène à me poser sur leau (mais sans plan ORSEC cette fois, les gendarmes se méfient !). Je fais un peu de vol à voile sur les reliefs, mais il ny a pas assez de vent pour le dynamique et quant au thermique, je ne suis pas encore à la hauteur, au sens propre comme au figuré !
Figure SEQ Figure \* ARABIC 27 : Un passage (trop prés) de l'Amphiplane pour la photo !
Jai également testé les aérofreins, très prudemment dabord, en finale, très prés de leau, puis plus haut et en ouvrant de plus en plus : ils sont dune efficacité extraordinaire ; ouverts en grand, le planeur descend comme une pierre (sur leau, ce nest guère utile, mais il en nen sera pas de même plus tard, sur la terre ferme).
Cest tout pour lété 97
De menus ennuis, la difficulté de réunir léquipage complet, le bateau, etc.
font que je nai plus volé depuis des mois ; je suis écuré. Enfin, en mars 98, jai trouvé LA solution (ou du moins, le croyais-je !) : jai dégotté un vieux jet-ski (ou scooter des mers) de 50 CV (ils en font maintenant 120 !) et je suis prêt à lacheter sil est capable de décoller mon planeur. Le vendeur (professionnel) vient lui même pour me tracter, avec 50 m de câble de 5 seulement (maintenant que je sais la traînée dun tel câble dans leau, pas question den mettre davantage !).
Le décollage derrière le jet-ski est plutôt poussif : lappareil sort sur le redan, puis accélère tout seul et rattrape le jet-ski avant même davoir décollé ! Je suis obligé dobliquer pour ne pas risquer de lui tomber dessus. Bien entendu, le câble qui traîne derrière se large tout seul et le décollage se fait sur le moteur seul, ce qui prouve que lessentiel de leffort demandé réside dans la sortie sur le redan : après, ça va tout seul.
Donc, affaire conclue, jachète le jet-ski :cest ma seule possibilité de revoler
Encore faut il trouver un pilote pour cet engin, pourvu dun permis bateau ! Frédéric, une fois de plus, fera laffaire, bien quil nen ait jamais piloté !
Le 23 avril 1998, nouvel essai derrière le jet-ski, à St Florent. Le décollage est conforme au processus ci-dessus, mais je monte cette fois à 500 m car je suis bien décidé à faire un peu de vol à voile sur les reliefs. Arrivé à cette altitude, je rentre le moteur (la manuvre dure une minute et ça paraît bien long) et cest parti pour une séance de lèche cailloux sur les reliefs Ouest du golfe. Hélas, il y a très peu de vent, et encore moins de thermiques car le ciel est gris. Au bout d1/2 heure passée aussi prés du relief que me le permettent à la foi mon inexpérience et le manque defficacité des ailerons, je finis par retourner lentement au « tapis » ; mais je ressorts à temps le moteur, et il démarre sans problème in extremis à 2 mètres de leau ! (heureusement car je naurais pas pu redécoller tout seul) : quelle sécurité que ce motoplaneur marin ; avec un motoplaneur classique, il aurait fallu ressortir le moteur bien avant pour garantir un minimum de sécurité et avoir le temps de trouver un terrain en cas de problème moteur. Sur le chemin du retour, je cherche des yeux mon copain sur le jet-ski, en vain et je commence à minquiéter :il naurait tout de même pas coulé ! Je me pose et rentre à la plage au moteur. Là, un spectateur obligeant mannonce que mon copain est tombé en panne et quil est rentré au port remorqué par un pêcheur ! (en fin de compte, la turbine avait avalé le câble : un beau sac de nuds de plus). Cen est fini pour les vols de la journée, une fois encore
Décidément, ce bateau tracteur, quel fardeau !
Figure SEQ Figure \* ARABIC 28 : LAmphiplane sur le terrain de Ghisonaccia
Le 8 mai 1998, je vais pour la première fois voler en terrestre sur le terrain de Ghisonaccia, devenu depuis quelques années terrain de vol à voile, avec une très belle piste goudronnée de 800 m. Bien que jaie quelques difficultés au roulage, à cause de ma roue un peu trop en arrière (lappareil a tendance à passer sur le nez), jarrive quand même à le mettre bien dans laxe, puis plein pot et je décolle en une centaine de mètres. Cette fois, je suis vraiment autonome et cest une sensation bien agréable quand on a connu toutes ces difficultés. Après un vol dune petite ½ heure, je rentre le moteur pas trop loin de la piste (ce sera aussi mon premier atterrissage sur le plancher des vaches : faut pas le louper !), et me présente aux A.F ., toujours aussi efficaces. Alors que sur leau, je me foutais complètement de la précision damerrissage, sur la piste, bien que longue, je mapplique
et je touche pile à une cinquantaine de m du seuil . Je ne revole pas ce jour là car ma béquille en bois est complètement bouffée : il faudra la remplacer par une roulette.
Le 6 juin 1998, je revole à Ghisonaccia, pourvu dune belle roulette de queue. Le vent est faible mais en travers de la piste, comme dhabitude. Cette fois, je profite un peu des pompes, mais je maperçois vite de la médiocre efficacité des ailerons, et je trouve lappareil difficilement contrôlable dans les turbulences. Je préfère ne pas insister ; retour au terrain, moteur rentré et atterrissage un peu foireux ; au deuxième rebond, la roue se déverrouille et je finis sur le ventre, une fois de plus, mais bien sûr sans aucun dégât hormis la peinture.
Ce sera mon dernier vol sur lAMPHIPLANE , à ce jour : sen suivra une impressionnante collection de petits pépins qui, chaque fois, mempêcheront de voler : sur leau, une nouvelle panne du jet-ski ; sur la terre ferme, des problèmes avec ma roulette trop en arrière (je finirai par mettre une roulette supplémentaire dans le nez) ; puis encore sur leau, avec un plan hydrofoil qui aurait pu me permettre de décoller sans assistance, essai jamais réalisé à cause dune panne de démarreur !
Tous ces pépins mont épuisé et démobilisé.
Et comme je me suis lancé dans la construction dune maison (avec un bel atelier, cette fois !), je stoppe tout, provisoirement jespère . Mais je ne pense pas reprendre mes essais de vol à voile marin car les contraintes sont vraiment trop lourdes, quand ce ne serait quà cause de limpossibilité de disposer dun hangar au bord de la mer (même les garages à bateaux sont maintenant mal vus, alors pas question de réaliser un hangar à hydravion !) Jarrive sans doute bien trop tard : le temps de lhydraviation est fini, bien fini
Jaurai peut être contribué à le prolonger un peu, au moins dans les rêves de quelques-uns.
La bourde :
Après toute cette série de déboires techniques mineurs mais paralysants, je me lance dans une nouvelle aventure, moins dangereuse mais tout aussi astreignante : la construction dune maison ! comme cest la première fois et que je ny connais pas grand chose, je mefforce dy consacrer tout mon temps disponible, dautant que je serai encore au travail à mi-temps jusquen octobre 1999. Que le lecteur (éventuel !) se rassure, je ne vais pas faire ici lhistorique de cette réalisation, qui a pourtant le mérite dexister encore, et pour très longtemps (à moins que quelque cinglé ne décide dy placer une charge explosive !).
Durant cette longue période il marrivait quand même de voler de temps à autres sur le motoplaneur PIUMA (construction amateur) de mon copain Frédéric. Cet engin nest pas une merveille et ne mérite même pas le qualificatif élogieux de motoplaneur. Mais il a un bon moteur Koenig qui ne tombe pas trop souvent en panne, ce qui est fort utile sur le très mauvais terrain de MORIANI où il est basé. Il faut dire que javais juré de ne jamais voler sur ce terrain, comportant une bonne piste de 400 m, mais entièrement entourée darbres gigantesques, de lignes électriques, de routes, maisons et autres obstacles divers, rendant la panne de moteur au décollage hautement périlleuse
Mais malgré tout, à force de le voir voler et de rester par terre, je finis par accepter loffre sympathique de mon copain, ce qui me permit au moins de « garder la main » pendant toute cette longue période dinactivité aéronautique (jai dû faire 4 ou 5 vols sur cet appareil, soit 2 ou 3 heures en tout).
Cest ainsi que jatteignis sans mal lété 2001 où, ma maison enfin terminée, je commençais à être sérieusement repris dune irrésistible envie de voler, mais avec mon engin, pas avec celui des autres.
Comme je lai dit plus haut, il nétait plus question de voler en mer, quand ce ne serait que pour préserver la très belle mécanique de relevage moteur que javais perfectionnée, avec un moteur plus puissant et des contacts « fin de course » qui mavaient donné bien de la peine. Je réalisais donc durant lété un train datterrissage fixe, monté sous la coque, destiné à faciliter les évolutions au sol sur des terrains moins commodes que la piste en dur de Ghisonaccia, décidément trop loin à mon goût et surtout sans possibilité dhébergement sous hangar .
Donc fin août 2001, je ressortais lAmphiplane, soigneusement révisé, pour des essais moteur... Ces essais furent forts décevants car je ne parvenais pas à retrouver « les tours », pour une raison que je ne mexpliquais pas
Puis, après avoir passé le 1er week-end de septembre à BLOIS à regarder voler les autres, et pensant sans doute que le « grand air », ne pourrait nous faire que du bien, à mon moteur et à moi, je me décidais donc, le 8 septembre, à amener mon engin « retapé » à MORIANI, pour essais et vols éventuels.
Là, nouveaux essais moteur, encore plus décevants par suite dun mauvais contact sur le fil de bobine, qui mamena tout dabord à dérégler complètement mon carbu, puis après avoir trouvé la véritable cause de la panne, à refaire tant bien que mal ce réglage. Le « compte » ny était pourtant pas, mais quand on est sur un terrain, cest pour voler, nes-ce pas ? (que celui qui na jamais fait ce genre de connerie me jette le première pierre !).
Me voici donc en bout de piste, avec lintention de faire une tentative, mais de « couper à temps » si les « chevaux » ne sont vraiment pas au rendez-vous
Oh ! pouvoir de loptimisme et de lenvie de voler ! Je décolle péniblement, vers le milieu de la piste, et je réalise, bien sûr trop tard en bout de piste, que la montée est très poussive
La haie de grands arbres et la ligne électrique sont cependant passés de justesse, à la vitesse minimale de lordre de 60 km/h, et je peux commencer à respirer. Bien sûr, pas question dans ces conditions de survoler la route et les maisons. Jentame prudemment un large virage à droite et, à une vingtaine de m daltitude tout au plus, mon moteur sarrête net
Devant moi, un champs trop petit (ou du moins je lai jugé ainsi, dans la fraction de seconde dont je disposais !). Donc je prolonge mon virage à droite dans lespoir de repasser la haie de grands arbres (une quinzaine de m de hauteur) et datteindre, non pas le terrain mais un grand champs voisin
je maperçois trop tard que je ne passerai pas et, sans tenter de manuvre désespérée, je rentre droit dedans ! Un grand « crac » et je me retrouves le nez en bas, accroché à mon arbre tel un piaf, à une dizaine de m de hauteur. De là, jai une vue magnifique sur le paysage
et sur la ligne électrique distante de 5 ou 6 m ! cest alors que je réalise que « jai eu chaud »
Par chance, je suis indemne, protégé des branches par la verrière, intact elle aussi (heureusement vu son prix) . Je suis en position debout, retenu par ma ceinture et les pieds reposant sur le palonnier, qui a résisté lui aussi. Le reste ne mest pas visible sur le moment, mais je dois reconnaître que je men fous complètement, pourvu que les débris résistent car je nai aucune envie de tomber comme un fruit mûr
(comme disait BRASSENS « auprès de mon arbre, je vivais heureux
»).
Les premiers spectateurs arrivent quelques (longues) minutes après, les pompiers un ¼ dheure plus tard, avec une échelle trop courte
suivis des gendarmes, SAMU etc
mais je dois attendre une bonne heure la Grande Echelle, venue de BASTIA, pour être enfin « décroché » ; jai même droit à une « inspection de détail » de la part du médecin qui nen revient pas de me trouver en aussi bon état. Il est vrai que je nai pratiquement subi aucun choc, passant de 60 km/h à 0 en moins de 2 m (lécrasement des ailes + lélasticité de larbre , bien plus intéressante à 10 m de hauteur quà la base, les automobilistes en savent quelque chose !).
Je dus faire appel à une énorme grue pour décrocher mon oiseau, ou ce qui en restait. Lopération fut faite proprement, et je pus faire un inventaire détaillé des dégâts : laile droite était cassée net ; laile gauche navait que quelques entailles dans le bord dattaque ; le fuselage était écrasé à lemplanture ; le reste était intact , ce qui démontrait une très bonne résistance densemble.
Comme javais en tête depuis longtemps de garder les aile et de refaire le fuselage, ça tombait plutôt mal ! Aussi, la décision ne tarda pas : jen refais un autre !
Je récupérais tout ce qui pouvait lêtre : la queue, la verrière, les A.F., les commandes et les ferrures, les instruments et le moteur bien sûr
et brûlais le reste, histoire de faire de la place dans mon atelier.
LAmphiplane est mort, vive le lElectroplane, ou motoplaneur électrique !
lElectroplane :
Il faut reconnaître que depuis longtemps, les engins à moteur électrique me passionnaient : (voir photo ci-dessous) :
Figure SEQ Figure \* ARABIC 29 : Premier véhicule électrique (1950) :
la batterie (de camion !) ne durera quune vingtaine de secondes et je me brûlais les fesses avec le câble dalimentation ! le caillou dans la main droite sert à appuyer sur le contact
Les plans dun nouvel appareil étaient déjà bien avancés depuis longtemps, sur la base dun moteur fixe au niveau du bord de fuite, avec hélice repliable vers larrière comme sur le PIUMA ou lEXEL, solution simple et sûre qui me paraît plus adaptée à lU.L.M. que le moteur rentrant.
Mais les progrès fulgurants des accus et des moteurs électriques, le (très relatif) succès du SILENT électrique (classé ULM) et de lANTARES (planeur électrique de hautes performances : voir ci-dessous), tous deux de fabrication Germanique (il ny a queux pour sintéresser réellement aux concepts écologiques) me décidèrent à sauter un pas qui mexcitait fort depuis longtemps : mon nouvel appareil sera donc électrique, avec un moteur en pylône et une hélice propulsive de très grand diamètre repliable vers larrière.
Figure SEQ Figure \* ARABIC 30 : Icaré 2 : Encore une merveille Allemande
.
Figure SEQ Figure \* ARABIC 31 : ANTARES
Les travaux commencèrent sans tarder, début octobre 2001, sur la base des plans existants de lAmphiplane revus et corrigés. Cette fois, animé dun optimisme à toute épreuve (Ô combien injustifié comme on le verra plus loin !), je résolus denvisager une commercialisation en kit, donc la réalisation dun fuselage en plastique moulé : un travail de romain puisque cela nécessite :
la réalisation dune matrice et bois très soignée et dune finition parfaite
un vrai travail de fou
dautant quau mois de mai, quand tout était prêt au moulage, il a commencé à faire chaud et le bois en séchant sest mis à se fendiller et à se gondoler généreusement ; la finition était donc toute à refaire !
sur cette matrice jai réalisé le moule femelle en polyester, en trois parties .
(temps total pour la matrice et le moule: environ 7 mois à 140 h/mois, soit environ 1000 heures).
enfin, dans ce moule jai réalisé en fibre de verre et de carbone le fuselage proprement dit .(commencé début juin 2002, terminé en novembre soit 6 mois à 140 h/mois = 840 h)
Figure SEQ Figure \* ARABIC 32 : Motoplaneur électrique Fuselage terminé : avant en verre, arrière en carbone
Figure SEQ Figure \* ARABIC 33 : Motoplaneur électrique Fuselage terminé et peint
noter le parachute en appuie-tête et le mannequin figurant le moteur
Bien entendu, durant tous ces travaux, je me préoccupais de cerner les problèmes concernant la motorisation électrique : recherche des fournisseurs moteurs et accus, calculs divers concernant la quantité dénergie à emmagasiner et le temps de vol possible avec un poids forcément limité de batteries : ce travail sest avéré relativement simplifié par le fait quentre le moment de mes premières approches, en 2000, et la fin de mes travaux en 2003, les progrès techniques concernant les batteries ont été fulgurants ; la masse nécessaire passant denviron 40 kg (batteries Cd-Ni) à moins de 20 kg, voire 15 kg avec la toute nouvelle génération daccus Lithium-Polymères. On trouvera ci-après un petit calcul simple permettant de se faire une idée de la question.
Energie nécessaire pour monter à 800 m, un moto planeur de 240 kg de masse totale, en 6 minutes
Ascension totale : 800m + 252m (vitesse de chute : 0,7 m/s) = 1.052 m
E = 1.052 m x 2400 N = 2.525 kNm = 2.525 kJoule
1 Wh = 3,6 kJ doù E = 2.525/3,6 = 701 Wh = 0, 7 kWh
rendement moteur : 0,85 rendement hélice 0,7 rendement motorisation 0,85x0,7 = 0,6
donc énergie nécessaire pour la montée: 0,7 kWh / 0,6 = 1, 16 kWh
à cela il convient dajouter le décollage, soit 10 s à 15 kW = 0, 04 kWh
donc énergie totale : 1,2 kWh
parlons puissance maintenant :
1.052 m en 6 minutes soit 2,92 m/s x 240 kg = 700 kgm/s / 75 = 9,35 CV = 6, 88 kW
Avec rendement motorisation de 0,6
Puissance nécessaire : 15,58 CV = 11, 46 kW
Puissance prévue : 17 CV = 13 kW
Soit pendant 6 minutes : 1, 3 kWh
Donc avec 1, 5 kWh, marge de sécurité de 15 % minimum,
et plus probablement 30 %
Ouf !! un peu de maths niveau Certificat dEtudes, ça fait du bien, non ? (si on mavait dit ça quand jétais petit !)
Après avoir fait à peu prés le tour de la question technique, je memployais à cerner les problèmes financiers
là bien sûr, il y a un os, et un maous ! tout ça coûte très cher, bien plus cher quun moteur thermique classique (environ 10.000 ¬ pour une solution « minimaliste » avec accus Cadmium-Nickel et moteur à courant continu réducté, environ 25.000 ¬ pour une solution « au top » avec accus Lithium-Polymère et moteur bruschless à bas régime, contre seulement 2.000 à 2.500 ¬ pour le moteur thermique, donc 10 fois plus cher, ouil !)
Las, quimporte, me dis-je !!! (noter le style littéraire !)
ce projet est si séduisant, si innovant, tellement « dans le vent » surtout sur le plan écologique (appareil parfaitement silencieux, ne produisant aucun rejet de CO2, excellent rendement énergétique), que tous les intervenants concernés (Grandes Ecoles : Supélec ; Chargés de linnovation : ANVAR ; chargés de lenvironnement : ADEME et ministère de lEnvironnement ; producteurs délectricité : EDF ; et bien entendu les fabricants de moteurs et de batteries) ne manqueront pas de se passionner pour le projet et de vouloir profiter de lextraordinaire publicité que pourrait leur apporter le 1er planeur électrique Français !!!
De plus, je présentais aux susdits intervenants un dossier parfaitement « ficelé » techniquement et physiquement puisque le prototype était en cours dachèvement, ce qui représentait déjà un énorme investissement en temps et en argent quils navaient pas à supporter.
Parallèlement, jeus la chance de faire paraître dans la revue spécialisée « vol à voile » (juillet-août 2003) un excellent article de 6 pages texte et photos, sur lequel je comptais beaucoup pour me faire connaître dans ce milieu et éventuellement constituer une équipe
Ô vertus de lillusion ! Ô désastre de loptimisme !
Je consacrais les années 2003 et 2004 à rechercher ce financement, à frapper à toutes les portes
en vain ! Jai été baladé de bureaux en bureaux, de services en services, rencontrant parfois un intérêt poli, la plupart du temps lindifférence.
A lissue de ces tractations, il ne ressortit que deux vagues promesses :
de lANVAR la promesse dune aide de 30% de montant de linvestissement « électrique », déduction faite de linvestissement « thermique »
quelle générosité pour une administration qui distribue « à tout-va » !
du plus gros fabricant français de moteurs électriques (LEROY-SOMER), la promesse dun prix « dami » pour létude et la réalisation dun moteur spécial.
Quant à larticle de « vol à voile », en dehors du rédac-chef Jean Molveau qui ma apporté tout son soutien, son intérêt et sa sympathie, je nen ai eu pratiquement aucun retour, à part quelques coups de fils de farfelus sans intérêt .
Pourtant, pendant ce temps, jachevais mon appareil, en y apportant un soin inouï :
les ailes sont commencées en mars 2003, terminées en décembre de cette même année. (soit 10 mois à 140 h/mois = 1400 h
Jarrive donc à un total denviron 3200 heures de boulot ! (valeur très approximative : je ne pointe pas comme à lusine, quand même !)
javais jamais fait le compte ! cest de très loin la plus longue réalisation de mon existence ! et je ne compte pas les heures passées sur mon ordinateur et au téléphone.
A lévidence, ce nest pas une opération que je pouvais mener sur fonds propres, mais surtout cest une opération que je ne pouvais techniquement et moralement mener seul ; notamment sans lappui des constructeurs de moteurs et de batteries. Que pouvais-je faire tout seul et avec mes faibles ressources et mes compétences limitées ?
Cest donc au bout dun an de lutte et de désillusions que jai abandonné, la rage au cur, sans grand espoir de trouver une solution et un soutien
Jai envisagé un temps de revenir à une motorisation thermique, et jai même emprunté le KÖNIG (tricylindre en étoile) de mon copain Frédéric, qui croupissait au fond de son garage, monté sur le très médiocre PIUMA
mais décidément, je nai pas le courage de revenir en arrière : ce sera de lélectrique ou rien (à ce jour de juillet 2005 cest toujours rien !)
Voilà, le chapitre de lElectroplane est fini
beaucoup de travail pour pas grand chose !
Et je nai même pas eu le courage de le sortir du garage et de le monter pour faire les dernières photos !
Figure SEQ Figure \* ARABIC 34 : Motoplaneur électrique
A noter les lignes très pures du raccordement ailes-fuselage, et le mannequin figurant le futur moteur électrique
Figure SEQ Figure \* ARABIC 35 : Motoplaneur électrique Lune des dernières photos !
depuis, les ailes ont été terminées
mais non peintes et lappareil nest plus sorti de latelier
donc plus de photos !
La Puce du ciel III
Voilà enfin une affaire rondement menée, à la différence de lElectroplane !
Commencé début Février 2005, terminé début mai de la même année, soit 3 mois de boulot pour sortir une machine très propre, récupérant le moteur König de Frédéric . (coque en fibre de verre stratifiée sur noyau perdu en polystyrène, dissous ensuite à lessence
pas mal de boulot quand même, mais sans commune mesure avec le moule classique)
Figure SEQ Figure \* ARABIC 36 : La Puce du ciel III: Premier montage
Ensuite vint la recherche dune aile appropriée issue du vol libre, doccase bien sûr
Je ne cherchais pas une aile facile « pour débutant » mais au contraire une aile performante, récente, avec une finesse de 12-13 car javais toujours en tête de faire un peu de vol à voile
quel optimisme !
Cela nécessite une aile à grand allongement, donc instable et peu maniable
mais si dautres sen débrouillaient, je pourrais bien en faire autant ! Un moniteur prés de Nice me proposa une aile de ce type, une « sans mât » de 14 m² de marque AIRWAWE Xtreme, pas chère (les deltas ne se vendent plus), en la qualifiant de « parfaitement pilotable mais un peu instable ».
Linstallation de laile sur le chariot fut assez facile, sans surprise
.Restait à en faire les essais
.
Pour cela, il fallait agir avec prudence ! Il me fallait une grande piste, tranquille et sans vent
Le terrain de Propriano (1 400m bétonné) convenait parfaitement et de plus il était occupé par une excellente bande de copains, ce qui ne gâchait rien !
Je my suis donc rendu début Juin et jai commencé à rouler, en accélérant lentement
manque de pot, la roue avant se mit aussitôt à divaguer (on appelle ça le shimmy) par suite dun défaut de conception de la fourche, jusquà éclatement du pneu ! Mais javais cependant eu le temps de constater que mon aile avait un drôle de comportement, notamment en lacet (aucune réaction au basculement latéral du trapèze) et en tangage (aucun rappel au neutre) ; cela commençait à minquiéter, mais il fallait bien continuer et sapprocher davantage de la vitesse de décollage
Ce fut fait le 8 juillet avec une fourche entièrement refaite, mais sur le terrain de Ghisonaccia (Propiano, en été, cest vraiment trop loin !) : piste goudronnée de 800m , cest bien assez !
Ce jour là, je fis 3 ou 4 longueurs de piste, en accélérant progressivement et en essayant de tâter le comportement de mon aile
jallais jusquà faire 2 ou 3 « sauts de puce », à 1m daltitude maxi, avec à chaque fois un comportement chaotique et sans pouvoir vraiment déterminer les paramètres essentiels du vol. Cette tentative sest achevée prématurément sur petits problèmes moteur
mais javais de moins en moins confiance dans le comportement de mon aile et je navais pas progressé dun poil dans la connaissance des paramètres
il fallait bien en avoir le cur net pourtant, et pour cela faire au minimum un palier dune centaine de m à 1 ou 2 m du sol !
Ce qui fut tenté quelques jours après, sur le même terrain, avec une atmosphère parfaitement calme (et un pilote idem
enfin, presque !) : cette fois, je mis un tout petit peu de gaz et acceptais un vrai décollage, suivi dun pallier de quelques secondes mais déjà trop haut (3 ou 4 m), en tirant sur la barre comme un sourd car cette fois je me rends compte que le centrage est trop en arrière, en dépit de lavancement de celui-ci de 8 cm par rapport au point « vol libre ». Je réduis immédiatement et malgré tout laile embarque à droite sans que je parviennes à la contrer
latterrissage est brutal, de travers, beaucoup trop rapide
le train est arraché (avant et arrière) et la course se termine en bord de piste, dans un craquement sinistre, fuselage couché, hélice cassée, aile un peu éraflée
et genou égratigné (lamour propre, lui, est beaucoup plus atteint !). Je sors rapidement de ma coquille déglinguée, pour ne pas inquiéter davantage mon bon copain Alain qui massistait ce jour là et qui arrivait en courant !
En fait il mest arrivé à peu de choses prés exactement le même accident et au même endroit, quavec « la Puce-du-ciel 1 » 24 ans auparavant, et ceci malgré un surcroît de prudence et la précaution supplémentaire de lavancement notable du point daccrochage.
En conclusion, il apparaît que :
cette aile de vol libre est bien trop difficile à piloter pour un « quasi débutant » comme moi !
En se déformant davantage sous leffet du surpoids (pourtant modéré dune quarantaine de kg), le centre de poussée de laile est très fortement avancé, encore beaucoup plus que sur les vieilles ailes des années 80
Tout cela, jaurais dû men douter en observant que bien des ailes performantes modernes sont pourvues dorganes stabilisateurs en tangage (petit empennage) et dorganes de maniabilité en roulis (petits ailerons ou spoilers). Je me suis donc fait avoir en achetant cette aile
une connerie de plus à mon actif !
Mais cette fois cest fini, stop, je raccroche les gants !! bien heureux encore que je puisse achever ces mémoires, non ?
Fait à Sisco, le 13 juillet 2005
Table des Légendes
TOC \h \z \c "Figure" HYPERLINK \l "_Toc110255012" Figure 1 : Moto Delta PAGEREF _Toc110255012 \h 5
HYPERLINK \l "_Toc110255013" Figure 2 : Roland Magalon sur le premier tricycle PAGEREF _Toc110255013 \h 8
HYPERLINK \l "_Toc110255014" Figure 3 : Quick Silver PAGEREF _Toc110255014 \h 9
HYPERLINK \l "_Toc110255015" Figure 4 : Mike de Glanville et le chariot Buggy de Hiway PAGEREF _Toc110255015 \h 10
HYPERLINK \l "_Toc110255016" Figure 5 : Jojo sur son HIWAY mark II moteur FUJI-ROBIN PAGEREF _Toc110255016 \h 13
HYPERLINK \l "_Toc110255017" Figure 6 : Puce du ciel I PAGEREF _Toc110255017 \h 14
HYPERLINK \l "_Toc110255018" Figure 7 : Puce du ciel I PAGEREF _Toc110255018 \h 14
HYPERLINK \l "_Toc110255019" Figure 8 : Frédéric sous son Quicksilver à moteur PAGEREF _Toc110255019 \h 16
HYPERLINK \l "_Toc110255020" Figure 9 : Accident entre 2 ULM PAGEREF _Toc110255020 \h 17
HYPERLINK \l "_Toc110255021" Figure 10 : Trois PUCE DU CIEL très réussies PAGEREF _Toc110255021 \h 18
HYPERLINK \l "_Toc110255022" Figure 11: LHydroplum I dans la baie de St Florent PAGEREF _Toc110255022 \h 19
HYPERLINK \l "_Toc110255023" Figure 12 : LHydroplum I au salon du Bourget PAGEREF _Toc110255023 \h 27
HYPERLINK \l "_Toc110255024" Figure 13 : L'Hydroplum de Hervé le GALL PAGEREF _Toc110255024 \h 29
HYPERLINK \l "_Toc110255025" Figure 14 : LHydroplum II - a PAGEREF _Toc110255025 \h 31
HYPERLINK \l "_Toc110255026" Figure 15 : LHydroplum II - b PAGEREF _Toc110255026 \h 31
HYPERLINK \l "_Toc110255027" Figure 16 : 1er vol dans la baie de St Florent PAGEREF _Toc110255027 \h 32
HYPERLINK \l "_Toc110255028" Figure 17 : Le PETREL de LATTMANN au barrage de PADULA PAGEREF _Toc110255028 \h 36
HYPERLINK \l "_Toc110255029" Figure 18 : Nicolas Hulot (dans le proto) et Hubert de Chevigny (dans le n° 01) PAGEREF _Toc110255029 \h 37
HYPERLINK \l "_Toc110255030" Figure 19 : Le 1er PETREL américain (made in France !) PAGEREF _Toc110255030 \h 39
HYPERLINK \l "_Toc110255031" Figure 20 : Le Petrel de Pierre PAGEREF _Toc110255031 \h 41
HYPERLINK \l "_Toc110255032" Figure 21 : LE PATURI (copie illégale du PETREL) PAGEREF _Toc110255032 \h 43
HYPERLINK \l "_Toc110255033" Figure 22 : La puce du ciel II PAGEREF _Toc110255033 \h 44
HYPERLINK \l "_Toc110255034" Figure 23 : Claude GIBERT effectuant les premiers vols de la PUCE II PAGEREF _Toc110255034 \h 45
HYPERLINK \l "_Toc110255035" Figure 24 : LHydroplum I modifié 1992 PAGEREF _Toc110255035 \h 46
HYPERLINK \l "_Toc110255036" Figure 25 : Les premiers vols en planeur pur avec l'Amphiplane à PIETRACORBARA PAGEREF _Toc110255036 \h 48
HYPERLINK \l "_Toc110255037" Figure 26 : LAmphiplane motorisé. Mise en place derrière le remorqueur habituel PAGEREF _Toc110255037 \h 52
HYPERLINK \l "_Toc110255038" Figure 27 : Un passage (trop prés) de l'Amphiplane pour la photo ! PAGEREF _Toc110255038 \h 54
HYPERLINK \l "_Toc110255039" Figure 28 : LAmphiplane sur le terrain de Ghisonaccia PAGEREF _Toc110255039 \h 55
HYPERLINK \l "_Toc110255040" Figure 29 : Premier véhicule électrique (1950) : PAGEREF _Toc110255040 \h 58
HYPERLINK \l "_Toc110255041" Figure 30 : Icaré 2 : Encore une merveille Allemande PAGEREF _Toc110255041 \h 59
HYPERLINK \l "_Toc110255042" Figure 31 : ANTARES PAGEREF _Toc110255042 \h 59
HYPERLINK \l "_Toc110255043" Figure 32 : Motoplaneur électrique Fuselage terminé : avant en verre, arrière en carbone PAGEREF _Toc110255043 \h 60
HYPERLINK \l "_Toc110255044" Figure 33 : Motoplaneur électrique Fuselage terminé et peint PAGEREF _Toc110255044 \h 61
HYPERLINK \l "_Toc110255045" Figure 34 : Motoplaneur électrique PAGEREF _Toc110255045 \h 63
HYPERLINK \l "_Toc110255046" Figure 35 : Motoplaneur électrique Lune des dernières photos ! PAGEREF _Toc110255046 \h 63
HYPERLINK \l "_Toc110255047" Figure 36 : La Puce du ciel III: Premier montage PAGEREF _Toc110255047 \h 64
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Mémoire dun pilote dessai amateur PAGE 68
Claude Tisserand Mars 2001
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