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Interprétations et significations en physique quantique - Hal-SHS

21/03/2017 Cours de chimie et didactique B1_S1410-Chapitre 4 Page 1 ... 9.3 Les nombre quantiques et les orbitales atomiques ..... commençait à acquérir un fondement scientifique, l'atome devint un sujet de controverse passionné entre les ...




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physique atomique et subatomique, d'une part et, d'autre part, les développements théoriques et expérimentaux survenus au cours des vingt dernières années, qui ont amené à considérer comme des faits physiques des énoncés qui paraissaient naguère relever davantage de l'interprétation, avec liberté d'options, voire de la spéculation.
Quelle est la signification des énoncés et des concepts théoriques de la physique quantique ? et comment celle-ci s'est-elle modifiée ? Qu'entend-on par «interprétation» ? Telles sont les questions qui servent de guide à ce travail. Nous nous proposons de clarifier ce qui, dans les questions de signification, relève respectivement de la physique (essentiellement les contenus conceptuels et théoriques), et de perspectives philosophiques. Cette distinction est plus nette aujourd'hui qu'elle ne l'était au moment de l'établissement de la mécanique quantique, ce qui permet d'approfondir notre compréhension de chacun de ces deux aspects, qui s'enrichissent mutuellement de cette clarification. Nous nous interrogeons, pour terminer, sur ce que peut être une conception réaliste en termes d'un «monde d'objets quantiques».

Summary.- Interpretations and significations in quantum physics.
The debate on the interpretation of quantum mechanics is, today, somewhat different from that of the «founding» period of the theory. Two factors give account of these modifications. The first one is the enrooting of quantum conceptions in the physicists' thought, favoured by the systematic and fruitful use of quantum theory in atomic and subatomic physics. The second one is related to developments on the knowledge of quantum systems that have occurred since about twenty years, and have led to consider as physical facts statements that appeared formerly to be more related to interpretation, with free options, or even to speculation.
What is the meaning of the theoretical statements and concepts of quantum physics ? and how this last itself has been modified ? What does «interpretation» mean ? Such are the questions that serve as a guide for the exposition. We undertake to clarify the respective relevance, in questions of meaning, of physical aspects (basically, the conceptual and theoretical contents), and of philosophical perspectives. This distinction appears today sharper than it was at the time when quantum mechanics was established, which allows us to deepen our understanding of both, and they in turn mutually enrich themselves in such a clarification. We conclude by an attempt to sketch a realist conception in terms of a «world of quantum objects».




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Introduction.
De l'interprétation en général
aux contenus propres de signification


Les changements survenus dans nos conceptions de la physique avec l'avènement de la physique quantique sont encore loin d’avoir été pleinement évalués tant sur le plan de la signification de la théorie que sur celui de ses incidences cognitives. Très tôt, des physiciens se préoccupèrent eux-mêmes de généraliser à partir d’elle une méthodologie nouvelle pour la théorie physique, amplifiée dans une philosophie propre de la connaissance. Cela se fit, dans une certaine confusion d’idées, dominée sans doute par un sentiment d’urgence. Plusieurs pensaient, en effet, qu'il fallait intervenir rapidement pour fixer, en quelque sorte, la marge des interprétations, afin de donner aux nouvelles perspectives scientifiques, qui s’avéraient exemplairement fécondes, une légitimité qui pouvait leur être contestée, en raison des particularités inhabituelles, rompant avec les conceptions classiques, des propriétés attribuées aux systèmes ou aux phénomènes quantiques et de leurs méthodes d'approche.
Le défaut de cette solution, voulue radicale, fut d’ensevelir les difficultés conceptuelles, qui relèvent normalement de l'argumentation théorique et de l’analyse épistémologique, sous les réponses pratiquement automatiques d’une philosophie faite sur mesure. On discutait, par exemple, à propos de la représentation d'un système physique par sa fonction d'état, de l'interprétation de la connaissance scientifique dans le sens le plus général, sans s’être efforcé de clarifier ce que l’on devait entendre au juste par «probabilité d’état» pour un système quantique, et par le concept théorique d'«amplitude de probabilité». Les significations physiques en étaient acceptées de manière opératoire, purement formelle et immédiatement pratique, mais sans interrogation sur leur spécificité conceptuelle. Ne mentionnons que l'ambiguïté, sans doute étonnante à nos yeux d'aujourd'hui, qui entourait alors, chez la quasi-totalité des physiciens, le statut de la probabilité par rapport à la statistique : Max Born, auteur de l'«interprétation probabiliste» ou «interprétation statistique» de la fonction d'onde, les deux expressions étant usuellement utilisées de manière indistincte, en est lui-même un témoin éloquent.
La «chance» de la mécanique quantique aura été, pour cet aspect comme pour d'autres, la puissance heuristique d'un formalisme qui touchait au plus profond - ou, du moins, très profond - ; on l'appliquait alors un peu en aveugle, «parce que cela marchait», mais sans que l'on sût encore exactement pourquoi. Des bribes d'«évidences» montées en système (formel) s'avérèrent faire réellement du sens, et ce sens fut investi davantage dans le système formel lui-même que dans les concepts particuliers associés aux «grandeurs physiques», formalisées sous forme d'opérateurs mathématiques.
Il semble bien, cependant, que ce sens se donne de nos jours de plus en plus clairement avec une meilleure compréhension des concepts. C'est sur ces contenus de signification physique que nous nous interrogerons dans ce qui suit. On invoquera à l'appui d'importants développements survenus en physique quantique au long des dernières décennies, qui permettent, semble-t-il, de lever une bonne partie des brumes conceptuelles longtemps persistantes. Ils permettent, en même temps, de clarifier la part respective, dans les questions de signification, de la physique (les contenus conceptuels des grandeurs physiques et la portée de la théorie), et de la philosophie (les conditions d'un programme sur la connaissance de la nature).
Les débats relativement récents sur la signification physique de la non-séparabilité locale des systèmes quantiques corrélés à distance, et les doutes qui subsistent sur ce qu’est exactement la «réduction du paquet d’onde» (ou «problème quantique de la mesure») - une recette opératoire ou un principe fondamental ? - montrent qu’il demeure peut-être encore des zones d’ombre dans la question de la signification des propositions de la théorie quantique. Cette théorie, au demeurant, n'est pas cantonnée à la seule mécanique quantique, et s’étend aux théories quantiques des champs dont l'importance est aujourd'hui considérable, ce qui ne devrait pas manquer d’entraîner des implications au plan des significations conceptuelles. Ces implications pourraient bien survenir à travers l'opération précise, pour des grandeurs physiques déterminées caractérisant les particules élémentaires et les champs quantifiés, de notions comme celles de symétrie ou d'invariance ; ou encore à travers une importance accrue des notions topologiques par rapport aux grandeurs métriques.
Des re-évaluations épistémologiques sont ainsi toujours nécessaires pour tenter de comprendre les connaissances nouvelles selon la cohérence d’ensemble d’une intelligibilité plus vaste, cette compréhension plus profonde pouvant d'ailleurs aller de pair avec des reformulations théoriques. Le travail présenté ici ne veut être qu'un simple jalon dans cette perspective.
Nous rappellerons d'abord comment les débats sur l'interprétation de la physique quantique, dus en grande partie à la nouveauté du domaine abordé, d'accès fondamentalement indirect, ont également été tributaires de circonstances qui en ont fixé la direction dominante, dans une conception particulière du rapport de la physique à la philosophie. Nous examinerons ensuite les décantations conceptuelles qui se sont opérées à la faveur de la mise en œuvre de la théorie quantique et de son développement, aussi bien dans l'étude de la constitution de la matière que dans les précisions acquises sur la nature de phénomènes proprement quantiques déjà connus (notamment en ce qui concerne l'indiscernabilité des «particules» identiques, les systèmes quantiques individuels et la non-séparabilité locale). Nous indiquerons, en particulier, comment des possibilités optionnelles dans les questions d'interprétation ont ainsi été levées, octroyant davantage de précision et d'ampleur à la notion de «fait quantique». Nous indiquerons, enfin, de quelle manière les questions d'«interprétation» peuvent être renouvelées à ce niveau, en considérant la possibilité de parler d'un «monde d'objets quantiques» et en questionnant les caractères conceptuels de la représentation théorique de ces «objets».


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Les faits quantiques et les Tables de la Loi
(à l'origine de la mécanique quantique)


2.1. Caractères des phénomènes quantiques, formalisme théorique et interprétation

La théorie quantique (dont la «mécanique quantique» constitue la version pour ainsi dire «de base» et contient les particularités les plus notables) a été élaborée pour obtenir une représentation théorique de l'ensemble des propriétés des phénomènes quantiques les mieux établies à l'époque, concernant le rayonnement électromagnétique, son émission et son absorption par la matière atomique, et la constitution de cette dernière. Ces propriétés s'étaient avérées irréductibles aux théories «classiques» disponibles, et pouvaient être résumées par un petit nombre d'énoncés sur les relations des grandeurs utilisées pour décrire ces phénomènes : discontinuité dans la distribution des états d'énergie des sytèmes (exprimée par une constante fondamentale, la constante de Planck), dualité onde-corpuscule pour la lumière et pour les éléments de matière, indiscernabilité des «particules» identiques exprimée par les comportements statistiques dits de Bose-Einstein ou de Fermi-Dirac, relations de Heisenberg entre les largeurs des distributions spectrales de grandeurs «conjuguées», description probabiliste des systèmes physiques pour les états propres de la fonction solution de l'équation d'onde (ou équation de Schrödinger), description des niveaux atomiques des atomes simples et de l'intensité de leur spectre lumineux, etc.
La mécanique quantique reposait donc, lorsqu'elle fut établie vers 1926, sur une base factuelle déjà considérable, qui ne devait cesser de s'élargir depuis lors, elle-même continuant de s'imposer comme le cadre de tous les développements théoriques ultérieurs dans ce domaine. Elle proposait, en quelque sorte, une rationalisation synthétique - une théorie - de ces ensembles cohérents de données factuelles, sous les espèces d'une formalisation mathématique associée à des règles d'opération, le tout constituant une sorte d'algorithme efficace et conduisant à des résultats précis dans la description comme dans la prédiction des faits d'expérience dans le domaine atomique. Cependant, le nouveau formalisme mathématique auquel cette théorie devait sa fécondité remarquable se présentait d'une manière plus abstraite et éloignée d'un «sens physique» directement «intuitif» que les théories physiques antérieures (la mécanique, l'électromagnétisme, les théories de la relativité, restreinte et générale, la thermodynamique…).
Les caractères mathématiques particuliers des grandeurs utilisées n'entretenaient qu'un lien apparemment indirect avec les propriétés physiques que ces dernières servaient à décrire ou à prédire, pourtant si exactement, en fin de compte. Il était admis que la fonction d'état (yð), solution de l'«équation d'onde», ne représente pas une onde au sens habituel se propageant dans l'espace (une «particule», représentée par un paquet d'ondes, ne pourrait rester elle-même au cours de sa propagation, en raison de l'étalement de chacune des ondes qui la constituent). La question de la nature physique du système décrit par une telle «onde de probabilité» restait sans solution évidente, et pouvait d'ailleurs être retournée : ce qui importe pour la théorie ne serait pas le système physique supposé, mais cette description même considérée dans son «opérativité» (son caractère opératoire). La fonction d'état représenterait, selon cette vue, les connaissances qu'il est possible d'obtenir sur le domaine factuel considéré : elle ne décrirait pas un système mais en fournirait le catalogue des propriétés observées. C'est une conception opérationaliste et pragmatique du rôle des grandeurs utilisées dans la théorie. On l'appelle parfois «conception épistémique» de la fonction d'onde ou d'état, mais cette expression n'est pas dénuée d'ambiguïté (on peut faire signifier ce que l'on veut au terme épistémique, suivant la manière dont on considère que la connaissance - epistemê - est ou peut être acquise).
La propriété mathématique la plus frappante de la fonction d'onde ou d'état est le «principe de superposition», conçu généralement, dans une perspective opératoire, comme une propriété formelle et non directement représentative. Selon ce principe, imposé par la forme linéaire de l'équation différentielle d'état, toute superposition linéaire de fonctions d'état solutions de l'équation d'un système quantique est aussi une solution. Que serait, pensait-on, une «particule» (quantique) comme superposition linéaire de ses différents états possibles ? On le concevait bien pour une onde, mais non pour une «particule» représentée comme un paquet d'ondes, pour la raison indiquée ci-dessus. Notons cependant, dès ici, que la prohibition d'un système physique, d'une «particule» (quantique) comme superposition linéaire est liée à l'idée d'une localité inhérente à de tels objets. C'est pourtant cette propriété, la superposition, de caractère fondamental dans la théorie (propriété conçue à l'origine comme seulement formelle), qui gouverne les aspects les plus spécifiques de la description des phénomènes quantiques, avec des implications immédiates sur l'existence de phénomènes pleinement physiques, ayant même des incidences au niveau macroscopique - nous y reviendrons.
On concevait plutôt, intuivement, qu'une «particule» ou un système quantique se trouve dans l'un, et un seul, des états, représenté par une des fonctions solution de l'équation d'état, et non dans une superposition (par exemple quand on soumet une «particule» ayant deux valeurs de «spin», et donc de moment magnétique, à la traversée d'un champ magnétique dans un dispositif de Stern et Gerlach : elle est «up», ou elle est «down», considérait-on, et c'est notre inconnaissance de son état qui nous la fait représenter comme une superposition linéaire d'états up et down). N'était-ce pas d'ailleurs ce que l'on observait quand on effectuait des mesures sur les grandeurs servant à décrire le système ? (On observe un état, soit up, soit down, avec la distribution statistique adéquate). Et cependant on ne pouvait pas le dire de l'état physique du système avant la mesure. Ici se place, comme on le sait, le fameux «problème de la mesure», qui semblait interdire d'attribuer à un système quantique non mesuré un état défini. L'état du système devait, était-il édicté, être affecté à ce système par la mesure elle-même, et ne préexistait pas à celle-ci. Le postulat jusqu'alors généralement implicite (en physique «classique») de la réalité physique d'un système pensable indépendamment de son observation était récusé par l'interprétation.
L'absence de connexion évidente entre une formalisation mathématique abstraite, qui ne renvoyait pas à des grandeurs physiques directement ou intuitivement concevables, et les données d'expérience sur les phénomènes quantiques, données que cette formalisation permettait cependant de reproduire et de prévoir, suscita la conception de la théorie quantique comme un formalisme (mathématique) interprété. L'utilisation de l'appareil mathématique des fonctions d'état et des opérateurs agissant sur elles (correspondant aux grandeurs physiques «observables») pour la solution de problèmes physiques demandait, en effet, d'expliciter les règles et les procédures d'application permettant de passer de l'expression de propriétés mathématiques à des énoncés sur des grandeurs physiques.
La théorie quantique semblait, dès lors, inaugurer un nouveau type de théorie physique, consistant en un formalisme abstrait augmenté d'une interprétation physique de ses éléments, alors que, dans les théories physiques antérieures, la forme mathématique des grandeurs était directement imbriquée dans la constitution des relations théoriques qui donnaient le «contenu physique». Du moins cette conception était-elle nouvelle pour les praticiens de la physique. Elle ne l'était pas vraiment pour certaines approches contemporaines de la philosophie des sciences, sans rapport évident, cependant, avec l'élaboration de la théorie quantique, comme l'empirisme et le positivisme logiques de Hans Reichenbach, Rudolf Carnap, Philip Franck, Richard von Mises et d'autres. Ces derniers virent dans les nouvelles conceptions quantiques une éclatante illustration de leur vues sur les rapports entre un formalisme théorique mathématique et les données d'expérience de la physique, proposées dans le droit fil des analyses de Hermann von Helmholtz sur la géométrie et son rapport à l'espace des corps physiques moyennant des règles de coordination.
Il faut souligner, cependant, que les protagonistes de l'interprétation de la physique quantique, tous physiciens, restèrent à l'écart de cette philosophie, en manifestant d'ailleurs le souci de s'en démarquer, et que les questions d'interprétation de la mécanique quantique en sont restés largement indépendantes. Les parentés éventuelles de certaines conceptions tiendraient plutôt à des influences antérieures communes (par exemple von Helmholtz ou Ernst Mach). Cela étant, des aspects logicistes ne sont pas absents de la formalisation axiomatique de la théorie par David Hilbert et John von Neumann.
La terminologie du «formalisme interprété», qui fut apposée plus tard sur ce débat, concerne plutôt ses prolongements postérieurs à la période de fondation, où les influences sont devenues plus croisées. Il reste qu'elle est en elle-même adéquate à la conception d'une juxtaposition d'un «purement formel» et d'un «directement empirique», moyennant des règles d'interprétation. Règles d'ailleurs plus empiristes que celles de la géométrie interprétée de von Helmholtz, puisqu'elles rapportent les grandeurs mathématiques à des résultats d'observation plutôt qu'à des grandeurs prises sur des corps ou des systèmes physiques, qui supposeraient pour ces systèmes des propriétés.
La mécanique quantique, dans son interprétation courante («orthodoxe»), n'admet de propriétés pour des systèmes physiques que «contextuelles» et «conditionnelles», c'est-à-dire moyennant la spécification d'une préparation en vue de la mesure d'un certain type de grandeur et considérant la mesure effectuée. Remarquons que, si l'on ne donnait à l'avance aucune spécification quant au type de description d'un système qu'il est légitime de qualifier de «physique» (comme le fait l'interprétation courante en le rapportant à une valeur mesurée, pour une grandeur conçue sur le mode des grandeurs classiques, à valeurs numériques), rien n'interdirait a priori de parler, pour un système physique au niveau quantique, de propriétés intrinsèques, représentées par des grandeurs abstraites que l'on sait construites, comme par exemple des fonctions d'un espace vectoriel de Hilbert et des opérateurs agissant sur elles, en concevant le système indépendamment des transformations que l'opération de mesure lui fait subir. Si l'on était en droit d'admettre que la fonction d'état représente effectivement le système, on devrait seulement dire qu'il se trouve intrinsèquement dans l'état de superposition up et down. Mais le problème de la mesure jusqu'ici l'interdisait. Et la philosophie de l'observation triomphait : il n'existe pas en physique quantique, ressassait-elle, de système ayant des propriétés intrinsèques, il n'existe que des propriétés conditionnelles et observées…
Bref, la mécanique quantique se présentait comme un ensemble cohérent, et apparemment non dissociable, de formulations théoriques pour des propriétés observables et mesurables rapportées à des phénomènes physiques non accessibles directement, et auxquels on ne devait pas accorder de «réalité» exprimable en termes de propriétés intrinsèques. Deux types de facteurs avaient conduit à cette conception : la «force objective et contraignante des phénomènes», et le contexte des physiciens de l'époque, c'est-à-dire le milieu intellectuel dans lequel s'étaient effectués, et la construction théorique, et les choix d'interprétation.


2.2. LA force contraignante des phénomènes et les effets de contingence historique

Einstein, que certains aspects de la mécanique quantique laissaient insatisfait, écrivait cependant, en 1940, à propos de cette théorie : “On doit admettre que ces nouvelles conceptions théoriques résultent, non pas d'un accès de fantaisie, mais de la force contraignante des faits d'expérience”. Pour une part essentielle, la mécanique quantique était l'expression d'une nécessité, et ses éléments conceptuels et théoriques se trouvaient en continuité avec ceux qui avaient ouvert et progressivement dévoilé le domaine quantique, de la discontnuité de l'énergie du rayonnement et des transitions atomiques à la dualité onde-corpuscule, et de l'indiscernabilité des «particules» identiques aux inégalités de Heisenberg et au caractère probabiliste de la description. Il fallait les admettre comme “une part de vérité”, c'est-à-dire comme autant de traits des phénomènes s'imposant à toute constitution d'une théorie quantique. Cependant, il s'en fallait que toutes les formulations de la théorie majoritairement adoptée soient aussi contraignantes : certaines étaient plus contingentes, dépendant des particularités du contexte où elles avaient été élaborées. Tels étaient, en particulier, les aspects qui relevaient d'une interprétation philosophique.
Par «contingence historique» nous entendons ici les problèmes de la physique quantique autour de 1926-1927, les choix de solutions parmi une diversité d'approches, et les limitations dans les choix possibles dues au poids des représentations antérieures ou aux habitudes de pensée. Le poids des représentations antérieures est assez visible dans le sens statistique généralement attribué aux probabilités, introduites en physique par Einstein lui-même comme un outil d'exploration : toujours présentes au centre des calculs théoriques, loin d'en sortir, elles étaient devenues constitutives de la théorie physique elle-même, codifiées par l'interprétation probabiliste de la fonction d'état de Max Born. Une ambiguïté subsistait cependant entre un sens théorique, qui pourrait valoir pour des événements individuels, et le sens traditionnel qui rapportait les probabilités aux statistiques, pour des résultats expérimentaux correspondant à des valeurs moyennes.
Le rôle attribué au «principe de correspondance» est emblématique de la prégnance des situations antérieures. Formulé par Bohr, il établissait un lien entre les propriétés non classiques (discontinues), qui tiennent à la quantification, et l'approximation des grandeurs continues, retrouvées comme limite pour les grands nombres quantiques et pour les systèmes macroscopiques. La fécondité du «principe» (il permettait de calculer l'intensité des raies spectrales pour l'atome d'hydrogène) le faisait concevoir comme le guide, non seulement privilégié mais obligatoire, du passage du classique au quantique, avec l'inconvénient de limiter la pensée des concepts, cantonnés aux grandeurs observables classiquement. En réalité, son rôle fut plus indirect dans la mise au point du formalisme quantique, dont les grandeurs n'étaient liées que très indirectement aux grandeurs classiques. La houlette du principe de correspondance joua surtout au niveau explicite de l'interprétation, mais ne fut pas assez forte pour s'opposer à l'entraînement du formalisme sur la pensée physique.
L'impossibilité de ramener la fonction d'état, tant en mécanique ondulatoire qu'en mécanique quantique (les deux étant équivalentes, comme l'avait démontré Schrödinger), à la représentation d'un système au sens classique (onde spatio-temporelle, ou corpuscule ayant une trajectoire définie), préserva cette fonction de toute réduction à une signification classique. Les avatars de l'«interprétation» permirent du moins de la concevoir selon la seule détermination du formalisme, lequel fut élaboré comme une construction mathématique, appropriée quant aux résultats, mais indirecte quant à la représentation. Cette marche quelque peu «à l'aveugle» dans le formalisme sans l'aide des intuitions communes eut, comme on le verra, un effet fondamentalement bénéfique : les physiciens s'habituèrent à penser selon les règles de la théorie formalisée, remodelant ainsi sans s'en douter les possibilités de l'interprétation par une extension de sens de la notion usuelle de grandeur physique et d'état d'un système.
Quant aux choix particuliers effectués dans la conjoncture historique, on pourrait s'interroger sur leur caractère de nécessité ou sur leur contingence. Entre le modèle hydrodynamique de l'équation d'onde de Madelung, la théorie de la double solution de Louis de Broglie, l'interprétation probabiliste de Max Born, la «bonne» décision, en 1926, n'était pas nécessairement évidente. On aurait pu aussi choisir délibérément la voie de l'abstraction mathématique, avec les opérateurs linéaires de Heisenberg et les nombres-q de Dirac, et leurs propriétés de non-commutation. Mais ils ne furent pas considérés alors comme des grandeurs physiques naturelles. On tint à les interpréter, en se rabattant sur les concepts connus, oubliant que ces derniers n'étaient pas plus évidents que les autres dans le domaine de l'atome et des très petites dimensions. On donna, par exemple un sens limitatif absolutisé (et philosophique) aux inégalités de Heisenberg, qui ne faisaient que traduire en termes classiques la non-commutativité des opérateurs représentant les grandeurs quantiques.
L'utilisation des concepts valables à notre échelle dans le domaine atomique n'a cependant rien d'évident. Au lieu de se contenter de les affecter de «règles d'utilisation» pour tenir compte de leurs «limites de validité», on aurait pu concevoir d'éventualité de les remplacer par d'autres. Au xviiiè siècle déjà, un des auteurs de l'Encyclopédie, M. Guénault, rapportant expressément l'intelligible à l'abstraction en dépassant les impressions des sens, faisait de l'étendue spatiale une notion liée aux corps «macroscopiques», dont le caractère continu (la «divisibilité à l'infini») s'estompait nécessairement à partir d'un certain nombre de divisions. “Le phénomène de l'étendue s'évanouit, et tombe dans le néant relativement à nos organes”, écrivait-il, concluant que “l'étendue n'est pas plus essentielle à la matière que ses autres qualités : elles dépendent toutes de certaines conditions pour agir sur nous”.
On peut évoquer aussi Bernhard Riemann entrevoyant, dans son texte pénétrant “Sur les hypothèses qui servent de fondement à la géométrie”, “que les concepts empiriques sur lesquels sont fondées les déterminations métriques de l'étendue, le concept du corps solide et celui du rayon lumineux, cessent de subsister dans l'infiniment petit”. Il envisageait de supposer que “les rapports métriques de l'espace dans l'infiniment petit ne sont pas conformes aux hypothèses de la géométrie, et c'est ce qu'il faudrait effectivement admettre, du moment où l'on obtiendrait par là une explication plus simple des phénomènes”. Riemann voyait “la question de la validité des hypothèses de la géométrie dans l'infiniment petit [comme étant] liée à la question du principe intime des rapports métriques dans l'espace”.
La théorie de la relativité générale confirma cette idée en imposant les géométries non euclidiennes pour l'espace physique. La physique quantique ne pourrait-elle être plus radicale encore, en s'abstenant, dans ses représentations les plus directes, de faire dépendre les états physiques de propriétés spatiales ? Cela parait souvent, aujourd'hui encore, une vue de l'esprit. Rares sont les physiciens ou les philosophes qui ont évoqué, même en passant, une telle possibilité. Et cependant (nous y reviendrons), les systèmes quantiques ne sont-ils pas décrits comme des systèmes (arbitrairement) étendus…
Affirmer une limitation de l'utilisation des concepts classiques, c'est déjà, en un sens, recourir à d'autres concepts, encore impensables, et pourtant déjà en opération dans la théorie, par-delà les interprétations proposées. C'est créer un algorithme qui remplace, par exemple, le concept d'espace par un autre, et la quantité de mouvement par un opérateur. Le quanton, quel qu'il soit, opérationnellement défini par les règles quantiques, est un substitut de l'onde et de la particule, dont les concepts ne sont plus valides. La contingence du contexte ne permettait pas encore de désigner les concepts les plus appropriés, les esprits n'étant pas prêts à concevoir comme directement physiques les grandeurs abstraites auxquelles avait conduit le formalisme. Les physiciens quantiques formés par la physique mathématique les auraient probablement mieux admises, s'ils n'avaient été persuadés de suivre l'interprétation dominante : Göttingen s'était rallié à Copenhague (et Dirac également).
Car enfin, le contexte et ses contingences, ce fut surtout la dimension philosophique de l'interprétation, qui orienta durablement les questions sur les contenus physiques.


2.3. Puissance du formalisme, évanescence de l'objet.

La mécanique quantique une fois constituée (le terme désignant le plus souvent indifféremment aussi bien la mécanique ondulatoire) se trouvait en mesure de résoudre un certain nombre de problèmes fondamentaux de la matière et du rayonnement, et de leur interaction. Elle constitua un corps de doctrine, à partir de l'année 1927, où elle fut présentée au monde des physiciens, lors du Conseil de Physique Solvay, comme une théorie physique consistant en un formalisme mathématique (plus abstrait que d'ordinaire) muni d'interprétations le rendant apte à décrire des systèmes physiques. “Nous tenons la mécanique des quanta pour une théorie complète, dont les hypothèses fondamentales, physiques et mathématiques, ne sont plus susceptibles de modification”, fut-il affirmé par Born et Heisenberg, dans leur exposé au Conseil. Ils rapportaient le caractère complet de la théorie “intuitive et complète” qu'était, pour eux, la mécanique quantique, non à une réalité physique qu'elle serait censée représenter, mais à l'expérience (aux “expériences possibles”).
Au-delà d'interprétations physiques comme l'interprétation probabiliste de la fonction d'état, la mécanique quantique fit appel, lors de sa constitution et encore longtemps après, à une «interprétation philosophique», destinée, dans l'esprit de ses promoteurs, à permettre son usage rationnel malgré le caractère inhabituel de ses propositions principales, qui dérogeaient aux conceptions jusque-là en vigueur en physique, telles que la réalité des systèmes décrits indépendante de l'action de l'observateur, et le déterminisme des variables entrant dans la description.
Cette déclaration forte compensait la faiblesse apparente, du point de vue des soubassements logiques et épistémologiques, de la nouvelle théorie des phénomènes quantiques de la matière atomique et du rayonnement. La mécanique ondulatoire proposait une équation d'onde sans ondes, tandis que la mécanique quantique permettait de calculer des transitions atomiques sans la représentation spatiale de ces transitions (trajectoires).
Ces traits paradoxaux obligeaient à l'abandon des anciennes habitudes de pensée, comme le soulignaient volontiers les protagonistes des nouvelles doctrines de la physique. Mais, pour les remplacer par quoi ?
Le Conseil Sovay de 1927 qui fut, en un sens, une cérémonie de présentation des nouvelles idées physiques, prit acte de l'évanescence de l'objet et conclut en proclamant le dogme.



3

Le problème de l'interprétation :
physique ou philosophie ?


3.1. Les ambiguïtés de l'interprétation

Le dogme de l'interprétation énonçait le primat de l'observation, l'inéluctabilité des notions classiques et la complémentarité. Il liait étroitement une perspective philosophique sur la connaissance et des modalités propres à une théorie physique. Ce faisant, il rendait difficile toute autre perspective conceptuelle, en la soumettant à des exigences supérieures jugées fondamentales et contraignantes pour la pensée scientifique. Toute discussion sur l'interprétation paraissait ainsi vouée à ne pas pouvoir dissocier le choix obligé d'un point de vue général sur la connaissance et des questions directement théoriques. De cette situation résultent le caractère particulier et les ambiguïtés du débat quantique. Il était difficile, voire quasiment impossible, de dissocier, dans les questions d'interprétation théorique sur la signification physique des grandeurs, ce qui relevait respectivement de la physique et de la philosophie.
Cette intrication est à la racine du «débat du siècle» entre Einstein et Bohr. Einstein voulait dissocier la question de l'interprétation physique et les positions philosophiques, comme on le voit à la stratégie de son article «EPR» de 1935, où il se contente d'une définition minimale de la «réalité d'un système physique», laissant de coté toute revendication de réalisme en général. Il s'efforçait de trouver un terrain commun, sur le seul plan de la physique, entre des positions philosophiques différentes, pour caractériser un système physique. L'argument faisant intervenir des systèmes corrélés était avant tout un essai de libérer l'objectivité physique de l'emprise observationaliste. A ses yeux, et aussi bien d'ailleurs pour la physique des quanta que pour la théorie de la relativité et du champ continu, les questions de signification des grandeurs et des propositions physiques devaient rester, autant qu'il se pouvait, à l'intérieur de la formulation de la théorie. Une théorie et ses concepts possèdent leur logique propre, exprimée par les relations entre les grandeurs (et son propre travail sur les quanta avait été d'éclairer certaines propriétés concernant ces grandeurs, ce qui était aussi formuler des traits de la théorie à constituer).
Bohr estimait, au contraire, que la nouvelle doctrine physique demandait que l'on constitue sur elle une réflexion nouvelle sur la connaissance. Il avait pour lui le fait que le cadre conceptuel de la mécanique quantique, quel qu'il fût, devait rompre, assurément, avec plusieurs caractères attribués jusqu'alors à la représentation des phénomènes physiques. Mais il pensait clore la question par la complémentarité, légitimant ainsi la théorie quantique en son état et fermant la porte à d'autres interprétations possiibles.


3.2. Le genre de théorie qu'est la mécanique quantique

Les concepts ou grandeurs physiques sont reliés entre eux par la théorie. Mais quel genre de théorie la mécanique quantique est-elle ? Et d'abord, faut-il encore parler de mécanique quantique ou, plus généralement, de physique quantique ? Elle est présentée, sans beaucoup de modifications par rapport à la situation d'origine, comme structurée autour des définitions mathématiques et des règles d'utilisation de ses grandeurs. Du moins, est-ce le cas de la mécanique quantique en amont de ses applications ou prolongements en modèles théoriques ou en théories physiques.
En fait, la physique quantique ne se restreint pas à la mécanique quantique entendue dans le sens strict. Dès sa fondation même, apparut la nécessité de la prolonger en une théorie dynamique qui rende compte de la nature des forces d'interaction agissant entre les particules et systèmes matériels, ainsi que des échanges entre la matière et l'énergie. La théorie quantique du champ électromagnétique était déjà présente dans une première forme au Conseil Solvay de 1927, prenant son appui sur l'équation d'onde relativiste de Dirac. Plus tard se développerait la théorie de la diffusion (dite de la «matrice S»), inaugurée par Heisenberg. Ceci sans compter les théories phénoménologiques et les modèles de la physique atomique, de la matière condensée à la chimie quantique, de la physique nucléaire et de celle des particules élémentaires dans ses premières périodes. Depuis les années 60, l'approche des champs fondamentaux d'interaction à symétrie de jauge constitue la direction dominante de la physique quantique fondamentale au niveau subnucléaire.
Ces prolongements dans la constitution d'une théorie dynamique affectent sans doute certains aspects conceptuels. Il suffit, pour s'en persuader, de considérer le mode de formation des grandeurs caractéristiques des systèmes quantiques, dès la «théorie des transformations» de Dirac vers 1926 : les grandeurs physiques (impulsion, énergie, moment angulaire, etc.) sont constituées par la construction d'opérateurs à partir de générateurs infinitésimaux de groupes d'invariance. Cet aspect n'a sans doute pas encore été suffisamment étudié sous l'angle de ses implications épistémologiques. L'explicitation du choix de ces grandeurs, et des principes de symétrie ou d'invariance qui les gouvernent, serait peut-être susceptible d'amener à une formulation de la physique quantique qui soit physique avant d'être formelle, comme c'est le cas des autres grandes théories physiques.
La mécanique quantique continue en tout cas de constituer le cadre formel et conceptuel de la physique quantique dans son ensemble, et elle contient, à ce titre, les dispositions essentielles sur lesquelles porte l'interprétation. Deux questions surgissent à ce propos.
La première concerne la dénomination de mécanique quantique : en quoi cette théorie est-elle une mécanique ? Si elle ne concerne ni des corpuscules au sens ordinaire, ni des trajectoires déterminées dans l'espace et dans le temps, que lui reste-t-il d'une mécanique ? Cette question porte, en fait, toute celle du formalisme, celui de la mécanique quantique étant emprunté au formalisme hamiltonien de la mécanique rationnelle, lequel servit de guide pour la théorisation des phénomènes et des systèmes quantiques, aidant à traiter d'un objet (les systèmes physiques sièges des phénomènes quantiques) qui put ensuite apparaître se confondre avec ce formalisme même, dans l'oubli de tout objet externe initialement visé. (Mais, justement, si c'était cette fusion même, vécue sans être d'abord pleinement perçue, qui constituait la découverte majeure de la théorie quantique, celle, indirecte, de son véritable objet ? Le formalisme aura été la clé…).
à cet égard, la mécanique quantique possède tous les caractères d'une physique mathématique au sens que Poincaré, par exemple, pouvait donner à ce terme, qui recouvre le déploiement formel, mais aussi la constitution d'une physique théorique soucieuse de la spécificité de ses concepts ; physique théorique qui était également, pour Poincaré (et avec lui la plupart des physiciens de son temps, puis Einstein, Schrödinger et d'autres), constituée comme la mécanique de Lagrange et de Hamilton, sans réduction mécanique.
Cependant, la mécanique quantique est-elle véritablement une physique théorique, soit dans le sens «constructif» de Boltzmann, soit dans celui «à principes» de l'Einstein de la théorie de la relativité ? Elle l'est, à coup sûr, par son respect de la spécificité quantique, qui lui donne, précisément, une trame aussi resserrée (voir, par exemple, la fécondité du principe de superposition, ou de l'indiscernabilité des «particules» identiques, aux multiples effets, comme nous le verrons plus loin). Elle pourrait ne pas l'être, à s'en tenir aux apparences et à son rapport de (simple ?) «coordination» entre le formalisme abstrait et les données d'expérience. Mieux vaut, pourtant, ne pas s'en tenir à l'apparence, et l'on doit à coup sûr examiner plus avant la question du formalisme mathématique de la mécanique quantique et de sa signification physique. On peut imaginer partir du simple constat que la mécanique quantique est une théorie construite, et voir en quoi, et comment. Cela confère une liberté d'examen plus grande qu'une vue empiriste et inductive, naturaliste en quelque sorte, l'oeil rivé aux données sensorielles quand on peut s'élever au-dessus du perceptif pour atteindre de l'intelligible.
La deuxième question à propos de la forme de la mécanique quantique porte sur sa nature de théorie-cadre, sans dynamique. On pourrait établir à cet égard un parallèle avec la théorie de la relativité restreinte qui restait, avant que la relativité générale ne fournisse la dynamique du champ de gravitation, une simple cinématique de la covariance. Poursuivant le parallèle, on dirait aujourd'hui que la théorie quantique des champs est la théorie dynamique qui entraîne (et remplit) la mécanique quantique, comme la relativité générale était la théorie dynamique entraînant et remplissant la théorie de la relativité restreinte, présentée dans sa forme mathématique minkowskienne, en donnant sa structure à l'espace-temps. Sans pousser plus loin la comparaison, l'insistance faite, pour la mécanique quantique, sur sa présentation formelle, et l'espèce de préséance qui lui a été accordée, est symptomatique ou révélatrice de ce que la mécanique quantique est essentiellement conçue comme un cadre théorique à remplir. Et qu'il faudra peut-être avoir rempli pour le comprendre pleinement.


3.3. Problèmes de portée directement philosophique : réalisme, déterminisme, causalité…

Le débat philosophique sur l'interprétation débuta avec la mécanique quantique dans sa formulation acquise, dès les années 1926-1927, quand il fallut s'interroger sur la nature de l'onde donnée par l'équation de Schrödinger (une «onde de probabilité», concept éminemment abstrait), sur celle des grandeurs représentées par des opérateurs et non par des nombres, sur le sens des relations d'inégalité de Heisenberg (n'étaient-elles qu'une condition d'utilisation de grandeurs au sens classique, ou indiquaient-elles une limitation de la connaissance possible des propriétés des systèmes physiques ?), sur les rapports entre la description quantique et la description classique et, en particulier, sur l'interaction entre l'instrument de mesure et le système quantique étudié. Deux questions paraissaient, à cet égard, dominer les problèmes de l'interprétation, et elles se présentaient immédiatement comme étant de nature philosophique : la réalité indépendante des systèmes matériels quantiques, et le déterminisme de leur description.
Les circonstances de l'établissement de la mécanique quantique ont fait que la question du caractère abstrait propre aux concepts et grandeurs quantiques, dont nous avons souligné l'importance en ce qui concerne l'interprétation physique, s'est trouvée subordonnée au point de vue philosophique de l'interprétation dont elle était généralement considérée comme la conséquence ou la traduction. Cette question, fondamentale du point de vue théorique, puisqu'il s'agissait du contenu physique des grandeurs, se trouva ainsi reléguée au second plan. Les avatars de la complémentarité sont l'illustration de la transformation de signification qui s'opéra alors, la question des contenus de sens physique se trouvant sublimée (ou dissoute, et, en vérité, étouffée) dans une problématique philosophique générale.
La complémentarité, au sens strictement physique, traduit l'unicité et la complétude de la représentation théorique par rapport aux phénomènes quantiques étudiés, et consiste en une règle opératoire précise à respecter dans les calculs théoriques sur l'emploi des grandeurs pour déterminer complètement un état. Selon cette règle, le système physique est décrit à l'aide d'un «ensemble complet de [grandeurs représentées par des opérateurs] qui commutent» (ou grandeurs compatibles), par lequel on obtient une représentation de sa fonction d'état (sous la forme d'une superposition des états propres de ces opérateurs). Le même système physique peut être décrit de manière semblable à l'aide d'un autre ensemble complet de grandeurs compatibles entre elles, mais incompatibles avec les premières. Autrement dit, deux ensembles incompatibles (au sens de l'anticommutation) de grandeurs fournissent des représentations équivalentes d'un même système (toujours comme des superpositions d'états), sur la base de leurs variables respectives. Le système est dit «préparé» pour l'une ou pour l'autre représentation par le choix d'une base particulière pour de telles grandeurs, rapportée à un dispositif de détection et de mesure approprié.
Si l'on s'exprime en termes de concepts et de grandeurs classiques, la «complémentarité» indique la possibilité de dépasser leurs limitations dans le domaine quantique, manifestées par la dualité (de l'onde et de la particule, de la position et de l'impulsion, etc.), en les considérant tour à tour. On obtient ainsi des déterminations non simultanées mais complémentaires d'un même système physique. On notera la différence de sens de la «complémentarité» dans les deux cas. Quand on s'en tient aux termes de la description théorique (et à des états définis comme superpositions), ce que l'on appelle «complémentarité» est en fait une équivalence de descriptions (par des ensembles «incompatibles», dits «complémentaires» de grandeurs ) se suffisant chacune à elle-même ; quand on s'exprime selon les grandeurs classiques directement soumises à la mesure (à valeur numérique), la complémentarité exprime la jonction des deux termes d'une dualité.
Mais, pendant longtemps, la complémentarité signifia bien plus que cette règle (théorique et pratique) relative à un choix de grandeurs pour caractériser l'état du système, en l'enrobant dans une acception de portée plus générale. Il était admis que cette procédure demandait d'être justifiée par une conception philosophique sur la connaissance, la connaissance par l'observation, exprimée pour l'essentiel, sous des variantes diverses selon les auteurs, par la «philosophie de la complémentarité» de Niels Bohr. Cette philosophie observationnaliste fut élaborée au moment même où la mécanique quantique se constituait autour des «écoles» de Copenhague et de Göttingen, et se présenta pendant une ou deux générations comme la philosophie de la mécanique quantique. On la désigne parfois, pour cette raison, comme l'«interprétation orthodoxe», ou «de Copenhague» de la mécanique quantique.
Selon cette conception, les propriétés d'un système physique ne peuvent être pensées indépendamment de ses conditions d'observation, qui se ramènent nécessairement, en dernier ressort, à des dispositifs d'observation et de mesure de caractère macroscopique, appropriés à nos sens, et faisant appel aux grandeurs de la physique classique, supposées plus naturelles que toute autre. Remarquons incidemment, cependant, que celles-ci ont également commencé leur carrière comme des entités très abstraites, des constructions intellectuelles très éloignées des perceptions sensibles, telles que le point matériel sans extension et le temps instantané sans durée, munis de leurs différentielles respectives, etc. Et que les grandeurs classiques, considérées dans leur genèse, pourraient aussi bien nous indiquer l'importance de la construction conceptuelle (et mathématisée) des concepts physiques que le caractère nécessaire du recours à l'observation pour les déterminer. Que la définition des grandeurs théoriques soit indirecte en physique classique comme elle l'est en physique quantique, cet aspect a été totalement sous-estimé dans les considérations de la philosophie de la complémentarité.
La définition des systèmes physiques par la référence à leur observation implique un rôle fondamental du dispositif expérimental de mesure des grandeurs dans cette définition même. Le système quantique, selon Bohr, ne peut être considéré séparément du dispositif de mesure qui lui est appliqué, et ne peut donc être défini indépendamment des grandeurs physiques classiques correspondantes. Si tout le monde (y compris les opposants à la doctrine orthodoxe) s'accorde à dire que les relations d'inégalité de Heisenberg expriment les conditions d'utilisation et les limites de validité, dans le domaine quantique, des grandeurs conjuguées de type classique, cette proposition signifiait en même temps, pour Bohr, une limitation de la connaissance même de ces systèmes, qui ne peuvent être conçus indépendamment des conditions de leur observation.
La complémentarité de Bohr élevait la dualité des grandeurs incompatibles classiques en proposition fondamentale sur la connaissance, et donc sur la définition, des systèmes quantiques, en énonçant une limitation de principe de toute connaissance par un seul ensemble de grandeurs compatibles, ces grandeurs étant conçues comme classiques, et rapportées à un point de vue opératoire sur le système. La description complète du système requérait de considérer alternativement les ensembles incompatibles ou conjugués, portant des points de vue opératoires différents par d'autres dispositifs d'observation et de mesure, correspondant à des descriptions complémentaires. En résumé, pour cette interprétation, le système quantique est tantôt une onde, tantôt un corpuscule, et sa détermination complète demande alternativement la mesure de sa position et celle de sa vitesse, ou celle des diverses composantes de son spin, etc., et l'on ne conçoit pas qu'il puisse exister quelque chose comme des concepts proprement quantiques, situés à un autre niveau que les concepts classiques.
Une manière de considérer la situation était de dire que, le système quantique n'étant connu, par l'observation, qu'à travers son interaction avec l'instrument de mesure, cette interaction ne peut être résorbée idéalement comme en physique classique, à cause de l'irréductibilité du quantum d'action h (qui est fini, non nul). C'était, selon Bohr, une raison suffisante pour exprimer l'impossibilité de principe de concevoir un système quantique séparé de ses conditions d'observation, et de parler de sa réalité indépendante : un système physique n'est jamais défini que contextuellement, en fonction de conditions d'observation déterminées, des contextes différents étant complémentaires. Plutôt que de tels systèmes, il préférait donc parler de phénomènes, en donnant à ce terme une connotation perceptive et instrumentale.
Tous les adeptes de son interprétation n'étaient pas aussi puristes, n'évitant pas toujours la mention d'un système quantique considéré en lui-même. C'est ainsi que Heisenberg expliquait les inégalités qui portent son nom par l'interaction entre l'instrument de mesure et le système quantique étudié, d'où résulte une perturbation de ce dernier qui ne peut être négligée, interdisant de connaître avec certitude ou de manière déterminée les grandeurs qui caractérisent son état. (Leur dénomination de relations d'incertitude ou d'indétermination tient à cette origine, mais s'accorde aussi avec l'interprétation stricte de Bohr, pour lequel la complémentarité contextuelle implique l'indétermination, l'incertitude et le «renoncement» à l'«idéal causal»).
Cette philosophie de la connaissance, ayant sa référence première dans l'observation, déniait donc en fin de compte la notion de réalité physique indépendante, ou du moins la possibilité de décrire cette dernière comme telle. Heisenberg, par exemple, qui souscrivait d'une manière générale, malgré ses variantes propres, à la philosophie de Bohr, déclarait que la physique ne concerne pas des «objets réels» mais le «couple inséparable objet-sujet», et qu'elle ne porte pas sur la nature mais sur notre façon de la décrire. La conception de la fonction d'état comme représentant non pas un système physique, mais le catalogue des connaissances acquises (par observation et mesure) sur ce système, s'ensuit directement.
La complémentarité telle que Bohr l'entendait n'étant cependant rien moins que claire, elle fut admise par la majorité des physiciens d'alors plus comme un signe de ralliement à une conception globale (que l'on pourrait appeler le dogme observationaliste) que comme un contenu de doctrine précis et partagé : telle la parole du prophète, elle fut l'objet de gloses variées de la part de ceux qui s'en réclamaient. Mais, surtout, bien qu'elle ait été longtemps dominante parmi les physiciens quantiques, cette conception n'était pas acceptée par tous les fondateurs de la théorie, notamment par Einstein. Schrödinger n'en était pas satisfait non plus, ni de Broglie, qui accepta cependant pendant une vingtaine d'années de s'y conformer, ni d'autres encore. Ils étaient une minorité à exprimer leur insatisfaction, non pas tant de la mécanique quantique comme moyen de pénétration de la réalité physique, que de l'allégation de son caractère fondamental et définitif sur la foi de l'interprétation dans le sens philosophique que nous venons d'évoquer.
La question de l'interprétation de la mécanique quantique fut l'objet de vifs débats mettant aux prises les «pères fondateurs» de la nouvelle théorie, au premier rang desquels Einstein et Bohr. Ce «débat du siècle» marqua surtout la période qui s'étend des années 30 aux années 50. Il se poursuivit ensuite tout en modifiant progressivement ses termes, à l'occasion de nouveaux développements de la physique, suscités par certains arguments du débat lui-même, mais également relatifs aux progrès expérimentaux et théoriques dans les domaines atomique et subatomique ouverts à l'investigation.


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Décantations et développements.


4.1. Assimilations, décantations, réorganisations

La perspective initiale sur l'interprétation physique de la mécanique quantique (celle du «formalisme interprété») restait tributaire des circonstances intellectuelles, historiquement situées, de la constitution de la théorie dont la nouveauté restait à assimiler. Or les éléments de nouveauté encore mal évalués lors de leur apparition ont fait, au long des décennies qui suivirent, l'objet d'appropriations, de décantations conceptuelles, de changements de signification et de réorganisations, qui devraient contribuer à faire voir aujourd'hui les problèmes d'interprétation d'une manière sensiblement différente. Les développements de la physique quantique, dont participent les débats sur son interprétation, rejoignent à cet égard les enseignements de l'histoire des sciences, de la physique et d'autres disciplines.
Avec le recul nous comprenons mieux certains traits qui pouvaient paraître naguère déconcertants et nous élargissons notre compréhension de notions à des situations qui étaient naguère impensables. Il n'est pas sûr que la question de l'interprétation se pose de nos jours dans les mêmes termes et, en particulier, que la différence entre l'abstraction des grandeurs quantiques et des grandeurs d'autres domaines de la physique soit perçue comme aussi grande. La pratique de l'outil théorique par les physiciens les a familiarisés avec le genre de concepts de la mécanique quantique et des grandeurs mathématiques qui les représentent. Le principe de superposition ou la non-commutation des opérateurs leur sont devenus «comme une seconde nature» dans leur manière de penser, et forment désormais une part de leur «intuition physique». On assigne, en fin de compte, aux systèmes quantiques des propriétés décrites par leurs grandeurs abstraites d'une manière aussi naturelle qu'on le fait pour la physique classique avec les concepts d'énergie ou de points (singuliers) d'une trajectoire (continue). Pour ces derniers aussi, il fallut la familiarisation avec des concepts construits, parfois peu clairs au début (la masse, le point matériel, la force, l'énergie, le potentiel…), et sous-tendus par un outil mathématique qui avait été créé pour l'occasion, le calcul différentiel et intégral.
L'exceptionnelle abstraction des grandeurs physiques n'est, à cet égard, une spécificité de la mécanique quantique que par un effet de perspective rapprochée. L'histoire de la physique nous rappelle que sa mathématisation a toujours opéré par l'intervention de grandeurs abstraites qui paraissaient initialement éloignées des phénomènes et leur étaient hétérogènes. Dans tous les cas, la représentation théorique de ces derniers est une construction symbolique faite par l'esprit, dont l'aspect «concret» ou «naturel» est un effet de sa capacité à rendre compte des phénomènes réels, et de la familiarité acquise avec elle à travers la pratique.
Lorsque les physiciens parlent, aujourd'hui, d'une «particule élémentaire» (par exemple, un proton), ils entendent implicitement qu'elle est décrite par les «nombres quantiques» qui sont «valeurs propres» des opérateurs représentant les grandeurs physiques adéquates, et ils ont abandonné l'image classique d'un corpuscule directement visible. Les quarks eux-mêmes sont des 'particules» quantiques entendues dans ce sens. On parle parfois de quantons pour désigner les entités physiques conçues de la manière spécificique propre à la physique quantique, en laissant entendre qu'elles constituent, suivant les modalités de leur description, des éléments objectifs du monde réel, ou du moins qu'on peut les considérer comme telles. Cette assignation fait cependant encore difficulté par certains cotés, ce qui explique la permanence d'un débat épistémologique sur les principes et les concepts de la théorie quantique.


4.2. Vers une solution du problème de l'interprétation ?

On peut considérer que la nature du débat épistémologique sur la physique quantique s'est transformée depuis la période de la fondation, en ceci que ce sont, aujourd'hui, précisément, les questions d'interprétation physique qui sont mises en avant : c'est-à-dire les questions du rapport des grandeurs dans leur expression mathématique aux propriétés physiques des phénomènes et des systèmes quantiques. L'on est passé, en somme, d'une préoccupation pour l'interprétation en général à un intérêt plus précis pour la signification physique des grandeurs quantiques fournie dans la théorie quantique elle-même. Les aspects philosophiques de l'interprétation s'en trouvent, dès lors, éclairés autrement : l'interprétation physique est plus neutre de nos jours que naguère, car l'on n'éprouve plus le besoin «fondationnel» de l'asseoir sur une interprétation philosophique, comme aux premiers temps de la mécanique quantique.
C'est ainsi que les physiciens d'aujourd'hui entendent par complémentarité simplement la faculté de former des représentations équivalentes d'un système quantique à l'aide d'ensembles complets de grandeurs compatibles entre elles mais incompatibles d'un ensemble à l'autre. Ils omettent le sens «philosophique», qui ne leur est en rien nécessaire pour comprendre et manier ces grandeurs et ces systèmes dont le contenu physique se confond désormais pour eux, en bonne part, avec leur forme théorique, et se donne à voir dans les données d'expériences. Ils ont pris l'habitude de concevoir un rapport direct entre la forme théorique des grandeurs (elle est, pour eux, physique, et pas seulement mathématique) et le phénomène lu à partir de l'expérience, par une sorte d'opération synthétique de l'esprit, exercé à penser selon ces concepts. Ils désignent ainsi un phénomène quantique, d'accès observationnel indirect, en termes de système physique, d'état et de propriétés de ce système, de manière semblable à l'expression d'une description directe : par exemple, telle désintégration d'une particule élémentaire instable, ou tel processus d'interaction nucléaire ou de collision de quarks. Cette description sous-entend toujours, évidemment, l'utilisation de la théorie propre aux grandeurs quantiques. Il est entendu que cette théorie est une construction (abstraite), mais il est aussi bien admis qu'elle est représentative, au sens plein du terme, de phénomènes effectifs et de systèmes physiques conçus en eux-mêmes (protons, quarks, etc.).
Cette pratique de l'intelligibilité quantique opère en particulier un changement de la notion de propriété d'un système ou d'un état. Il est courant de dire, avec la mécanique quantique, qu'un système physique ne possède pas les propriétés qu'on lui trouve, car elles sont fonction des circonstances qui permettent de les déterminer (voir, plus haut, sur la contextualité). Mais tout dépend, en fait, de ce que l’on appelle propriétés : pour un praticien de la théorie physique (quantique), une particule élémentaire (ou, d’ailleurs, complexe, comme un noyau, un atome ou un ensemble donné de telles entités) possède un spin, une charge électrique, une masse, une grandeur (un «nombre») quantique de telle ou telle nature (nombre baryonique, saveur, etc.).
Certaines de ces propriétés sont intrinsèques, d'autres dépendent d'un référentiel, comme l'impulsion et l'énergie, et d'une «base privilégiée» comme telle composante du spin. Ces dernières sont circonstantielles et contextuelles, et servent à déterminer les propriétés intrinsèques. Il suffit ici de rappeler comment s’établit la «carte d’identité» d’une particule élémentaire ou de tout système quantique (comme membres de la table des particules élémentaires, ou de la table périodique des éléments) : ces 'particules» ou systèmes sont définis par leurs «propriétés» quantiques inscrites dans la table, identifiées à partir des données d'expériences transcrites en grandeurs physiques dans les termes de la théorie avec des valeurs bien déterminées. Ces propriétés ne dépendent aucunement des circonstances de leur observation, mais elles sont reconstituées à partir d'observations expérimentales fournissant des valeurs de grandeurs correspondant à des propriétés contextuelles, affectées de probabilités mesurées par des fréquences d'événements.
Les probabilités, loin de constituer une limitation de la connaissance, permettent la détermination des grandeurs intrinsèques, qui sont celles dont la théorie se soucie principalement. On peut rapporter les déterminations de propriétés à deux caractères distincts des relations entre grandeurs théoriques : celles qui correspondent respectivement à des prévisions (les propriétés contextuelles) et à des prédictions (les propriétés intrinsèques). Les prévisions sont contingentes, simplement probables ou inassignables de manière absolue, tandis que les prédictions correspondent à des traits théoriques structurels et intrinsèques. Une telle distinction se retrouverait aussi dans un ordre très différent de phénomènes, ceux liés à la dynamique des systèmes non linéaires.


4.3. Deux directions pour les fondements de la physique quantique

On peut considérer que, du point de vue de la compréhension fondamentale, la physique quantique s'est développée, depuis sa fondation, dans deux directions. La première, et la plus vaste en termes de richesse de contenus de connaissances, est celle de la structure de la matière atomique et subatomique, avec l'étude des champs fondamentaux. C'est un domaine immense dont nous ne dirons que quelques mots : on y applique la mécanique quantique, prise pour cadre théorique et conceptuel, et on la prolonge en des théories dynamiques dont l'avenir seul saura si elles bouleverseront les idées fondamentales de la physique dans une voie encore différente de celle des conceptions quantiques actuelles. La seconde direction est celle des approfondissements de la connaissance des phénomènes «ordinaires» de la physique quantique. Les travaux réalisés dans ces deux directions ont éminemment contribué à modifier l'intelligibilité de ces phénomènes par l'acquisition d'une pratique de la pensée quantique dont on vient d'évoquer quelques effets. Mais c'est surtout la seconde voie, celle de l'approfondissement, qui a permis de mieux comprendre les contenus physiques effectifs des grandeurs quantiques et des concepts correspondants.
Il était habituel, depuis les débuts de la mécanique quantique, d'envisager les problèmes d'interprétation, conceptuels, théoriques et même philosophiques, en invoquant certains phénomènes simples qui illustrent directement les questions soulevées. Il pouvait s'agir d'expériences effectivement réalisées comme celles d'interférences par diffraction sur un diaphragme à double fente, ou d'expériences de pensée comme celle d'Einstein sur les systèmes quantiques corrélés à distance (corrélations «EPR»). Les progrès expérimentaux, parfois aidés d'approfondissements de l'argumentation théorique (comme le théorème de Bell sur la localité), ont permis de mettre en évidence, pour ainsi dire, «de nouveaux phénomènes dans les anciens».
C'est ainsi que des résultats d'expériences extrêmement précises ont pu être obtenus sur des propriétés quantiques considérées jusqu'alors seulement de manière implicite, sans avoir été testées directement. La non-séparabilité locale n'était qu'un caractère du formalisme quantique qui restait optionnel du point de vue des phénomènes, avant de devenir un fait physique avéré par les expériences de corrélation à distance. La diffraction de particules quantiques sur un diaphragme à double fente s'avéra être une propriété des systèmes quantiques individuels lorsqu'il fut possible de les réaliser avec des faisceaux d'intensité très atténuée, où les «particules» sont séparées par des intervalles de temps suffisants pour que l'on soit sûr qu'elles arrivent une à une. L'indiscernabilité des particules identiques, postulée ou conçue comme une propriété formelle, s'est manifestée par des effets physiques directs comme la condensation de Bose-Einstein, accumulation d'un grand nombre d'atomes identiques dans le même état jusqu'au niveau macroscopique. Les expériences de décohérence, réalisées récemment, permettent de visualiser une superposition d'états en relation à des systèmes mésoscopiques dans une situation de mesure par un appareil classique, avant la perte dissipative d'information par l'interaction dans le milieu ambiant. Tous ces résultats contribuent à préciser le sens des concepts et des grandeurs quantiques que les phénomènes correspondants impliquent, obligeant à associer des évidences factuelles, et des contenus physiques conçus en termes de propriétés de systèmes, à des propriétés «formelles» dont l'interprétation restait jusqu'alors optionnelle ou problématique.
D'autres questions portant sur les aspects fondamentaux de la mécanique quantique ont également suscité des travaux nombreux et des discussions permanentes : ce sont, d'une part, le problème de la mesure des systèmes quantiques, et, d'autre part, les théories alternatives à la mécanique quantique au sens strict.
Parmi les problèmes d'interprétation de la mécanique quantique, celui de la mesure ou de la réduction (de la fonction d'état) était resté l'un des plus préoccupants, puisqu'il semblait rompre avec la causalité, assurée par ailleurs par l'équation d'état qui gouverne l'évolution du système quantique livré à lui-même. Ce problème est en même temps celui du rapport entre les systèmes quantiques et les systèmes physiques macroscopiques et classiques, et de l'interaction ou du transport d'information des premiers aux seconds. Il semblait que l'observation du système réduisît instantanément sa fonction d'état à une seule de ses valeurs (parmi celles de la superposition des solutions possibles), celle correspondant aux valeurs mesurées des grandeurs dynamiques, avec la probabilité correspondante. Cela ne faisait pas problème pour la conception observationaliste, pour laquelle il était naturel que chaque observation redéfinisse l'état du système : c'était, précisément, une question de définition. Mais pour qui ne s'en contentait pas et voulait que la description concernât le système physique lui-même, cette projection subite sur l'un des états possibles restait difficile à comprendre et à admettre.
Une immense littérature a été consacrée à ce problème, toutes sortes de solutions étant proposées, de la réduction effective due à l'interaction du système quantique étudié avec une partie microsystémique de l'appareil de mesure, à l'absence de toute réduction au sens physique comme dans l'«interprétation de l'état relatif» d'Hugh Everett, ou dans la théorie de l'onde pilote de David Bohm. Cette question reste encore ouverte, de l'avis de la plupart. Il se peut cependant qu'elle reçoive un nouvel éclairage avec les expériences de décohérence, qui sont directement connectées à des processus de mesure.
Pour d'autres contestataires de l'interprétation orthodoxe, la mécanique quantique ignorait certaines variables fondamentales (des «paramètres cachés»), dont la connaissance permettrait de rétablir un déterminisme plus fin. Tel était le sens de la théorie de la «double solution» de Louis de Broglie (proposée dès 1926, délaissée et reprise par l'auteur dans les années 50) : elle abandonnait le caractère linéaire de l'équation d'état en postulant qu'à chaque solution admise dans l'approximation de la mécanique quantique une autre était associée, décrivant une phase et guidant la première. Mais les nombreuses hypothèses arbitraires requises diminuaient l'intérêt de la tentative.
La théorie de l'onde pilote, initialement proposée par de Broglie comme simplification de la précédente, puis retrouvée indépendamment et améliorée par David Bohm en 1952, rétablissait le déterminisme tout en admettant la propriété de non localité présente dans le formalisme quantique, et en s'affranchissant de la «réduction du paquet d'onde». Mais cette théorie ne présentait pas de capacité prédictive différente de la mécanique quantique, dont le maniement était plus simple. Elle ne fut pas suivie de manière significative, mais elle n'a cessé, comme on le constate aujourd'hui encore, de stimuler les questionnements sur le contenu des concepts quantiques. Elle a, notamment, inspiré John Bell dans sa recherche d'un critère permettant de démarquer la mécanique quantique par rapport à une classe importante de variables cachées déterministes : ce critère fut celui de localité.


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Conclusion.
Un monde d'objets quantiques


En mettant de coté provisoirement l'interprétation philosophique «obligée» de la mécanique quantique, nous avons été à même de nous concentrer sur la question de la signification physique des grandeurs, au premier rang desquelles la fonction d'état représentative d'un système. Au lieu d'être constitué par référence à la mesure, nous considérons cette dernière comme construite par le raisonnement en référence à des phénomènes quantiques, d'accès indirect mais connaissables. On admet alors que le formalisme mathématique de la mécanique quantique correspond à la définition de ses grandeurs, que l'on peut concevoir comme ayant une signification directement physique, c'est-à-dire correspondant à un contenu phénoménal. Par exemple, la fonction d'état comme superposition décrit effectivement l'état d'un système physique qui évolue au cours du temps.
La notion d'état quantique physique diffère de la notion ordinaire d'état physique, qui est rapportée généralement à des grandeurs directement observables par des instruments gouvernés par les lois de la physique classique. Un état quantique n'est accessible à l'expérience qu'indirectement, mais ceci n'affecte pas la possibilité d'en avoir connaissance. Les grandeurs qui le caractérisent ne sont pas non plus directement accessibles, puisqu'elles ne sont pas à valeurs numériques. Il faut donc concevoir une extension de sens de la notion de grandeur physique et de celle d'état physique par rapport aux significations «classiques» de ces notions. Cette extension est légitimée par les phénomènes (dans une acception de ce terme qui ne les réduit pas à leur perception, mais les conçoit selon leur capacité à être portés à notre connaissance), et réalisée par l'essentiel du formalisme même de la théorie quantique. Cette extension va de pair avec celle, proposée par Dirac dès 1926, des grandeurs exprimées par des nombres ordinaires (nombres-c), commutatives, à des grandeurs non-commutatives (nombres-q).
Tous les phénomènes quantiques évoqués nous persuadent que la fonction d'état yð ðreprésente (ou décrit) complètement l'état du système physique, en ce sens qu'il y a adéquation et recouvrement entre la fonction yð ðet l'état physique. Autrement dit, il n'y a rien de plus dans le système physique que ce qui est indiqué dans sa représentation théorique par sa fonction d'état. L objet que décrit une «fonction d état», en mécanique quantique et, plus largement, en physique quantique (théorie des champs quantifiés), est l’objet même de la théorie. Cette dernière donne la description de ce qui arrive à cet objet, à ce champ : elle permet la détermination de ses propriétés intrinsèques, d’intéraction, etc. Cet objet, ce système, qui se trouve dans un certain «état», tout en étant individualisé (comme une unité), n'a aucune identité propre ou singulière qui le fasse différer d'un autre se trouvant dans un même état, en raison de la propriété générale d’indiscernabilité des «particules» (ou systèmes) quantiques identiques. (Les quantons identiques sont des clones parfaits).
On peut conclure que, tout comme le concept de champ (au sens classique) s'est avéré, avec la théorie de la relativité d'Einstein, se suffire à lui-même sans support du type d'un éther mécanique, de même le concept de quanton (ou de système quantique, ou de champ quantifié) est autosuffisant, sans substance discernable, ondulatoire ou corpusculaire, sous-jacente, sans projection ou réduction sur des concepts extérieurs à la théorie, comme, par exemple, la séparabilité locale. Rien ne justifie physiquement de tels concepts, qui sont donc inutiles du point de vue fondamental pour la théorie considérée.
Dans la connaissance des phénomènes quantiques, on doit passer du plan phénoménologique à notre échelle - à l’échelle de nos instruments d’observation, qui sont descriptibles par la physique classique des positionnements dans l’espace et dans le temps - à celui de la représentation par les fonctions d’état, qui atteint les phénomènes supposés se produire au niveau quantique.
La limitation des considérations traditionnelles de l'interprétation orthodoxe a été de s’en tenir au niveau du passage classique-quantique supposé indépassable, alors que le niveau fondamental est le niveau quantique lui-même : c’est à ce niveau que la physique quantique opère, et c’est à ce niveau que l’on doit la penser. Telle est la leçon de la pratique de la physique quantique à laquelle les physiciens sont parvenus : ils n’ont pas besoin de s’interroger à tout instant sur le rapport classique-quantique pour parler des propriétés de systèmes quantiques comme les «particules» et leurs champs quantifiés.
Du point de vue de cette pratique, le passage classique-quantique reste simplement opératoire et algorithmique, par les déterminations probabilistes des grandeurs exprimant les propriétés du système considéré, à partir de distributions statistiques de projections de ces grandeurs (spins, etc.). Le moment de la mesure et de la détermination des grandeurs classiques est le moyen (l'outil) qui permet de constituer la description au niveau quantique, dont le contenu physique diffère du leur, qui s'en tient à celui de grandeurs mesurables à valeurs numériques. La théorie qui décrit ce système ne revient pas, dans son travail, sur ces circonstances intermédiaires, parce qu’elles ne correspondent pas à des propriétés intrinsèques du système. Qu’importe à la théorie fondamentale que tel proton présente les projections de son spin de telle ou telle manière en relation à l’orientation choisie d’un aimant de Stern et Gerlach dans une expérience individuelle ! Ce qui lui importe, c’est ce spin lui-même, une fois qu'il a été déterminé indirectement.
Les probabilités entendues comme statistiques, dans cette description - dans cette reconstitution des propriétés du système - ont un rôle intermédiaire, celui d’un outil, certes indispensable, et constitutif de la connaissance de ce genre d’objet à partir des données sensibles. Mais l’objet véritable de la théorie quantique, c’est le système quantique considéré à son niveau, abstraction faite des intermédiaires qui le portent à notre connaissance. (Si donc la probabilité a un sens physique pour la description des systèmes quantiques, c'est par elle-même, comme fonction reliée au système, et plus précisément par l'amplitude de probabilité, et non par la statistique, qui n'est que le moyen de sa mesure). Que cette «abstraction» soit possible, c’est ce dont la physique nous persuade dans son exercice même : elle parle de particules (quantiques) et de champs (quantifiés) comme d’entités définies et possédant des propriétés que son rôle est d’élucider complètement.
Telle est, à mon sens, une des grandes leçons de la physique quantique, qui échappe souvent, aujourd'hui encore, aux protagonistes du débat sur ses fondements.
Reste le problème suivant : on a su construire l’outil de cette représentation, on ne connaît pas bien son «mécanisme» (qui se place à la jonction du classique et du quantique), on ne sait pas très bien sa justification profonde - sinon le fait qu’il est opératoire. Mais ce dont nous avons mieux conscience maintenant, c’est que les difficultés épistémologiques éventuelles résident au niveau de l’outil, et non de l’objet dont la théorie nous importe.
L’outil a été ajusté, en fait, en fonction de l’objet qu’il devait nous donner à voir : non pas directement mais par la construction, grâce à sa médiation, d’une théorie apte à le représenter. L’outil opératoire qu’est la règle ou l’algorithme quantique a été forgé et mis au point par adaptation à la nécessité de représenter un monde cohérent d’objets (le monde des objets quantiques) capable de rendre compte des phénomènes quantiques. L’outil et les éléments de la représentation se trouvent - par la logique de leur fabrication - avoir été faits d’une même étoffe. Le formalisme des fonctions d’état définies dans des espaces de Hilbert et des opérateurs agissant sur elles, pour représenter des systèmes quantiques, s’accompagne de sa règle, par construction. Mais à leur niveau, dans le jeu de relations de leur «monde», les objets que désignent ces fonctions d’état - c’est-à-dire les systèmes quantiques - n’ont pas besoin, pour être pensés, d’être à chaque instant explicitement rapportés à l’outil qui, après servi à les construire, les détecte, c’est-à-dire à la règle, en termes de probabilités et de projection. Ils sont, de fait, pensés selon ce qui les désigne, c’est-à-dire le formalisme théorique lui-même.


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§ Revue Internationale de philosophie, 1999. Numéro sur la philosophie de la physique quantique, organisé par Etienne Klein.
* Directeur de recherche au cnrs. équipe Rehseis (umr 7596, Centre National de la Recherche Scienfique (cnrs) et Université Paris 7-Denis Diderot), 37 rue Jacob, F-75006 Paris, France. Adresse électronique (e-mail) : paty@paris7.jussieu.fr

 Voir ses discussions avec Einstein sur ce sujet, in Einstein, Born [1969].
 Paty [1988a], chap. 8.
 Cf., p. ex., Lachièze-Rey & Luminet [1995], Lambert [1996], Kouneiher [1998].
 Un examen détaillé (et avec un minimum de technicité) de ces phénomènes et de leur description théorique ne trouvant pas sa place dans les limites du présent article, nous l'avons réservé à un travail complémentaire de celui-ci (Paty [à paraître, b]).
 Par exemple, dans la relation entre l'énergie et la fréquence d'un rayonnement lumineux :  EMBED "Equation" \* mergeformat ; h est la constante de Planck ( EMBED "Equation" \* mergeformat  ergs.sec). Les explications des échanges entre matière et rayonnement, en particulier du rayonnement thermique à l'équilibre (corps noir), de l'effet photoélectrique et des transitions entre niveaux atomiques, sont directement liées à cette relation.
 A la relation précédente s'ajoute celle entre la longueur d'onde et l'impulsion :  EMBED "Equation" \* mergeformat , avérée notamment dans les phénomènes d'interférences (expériences de diffraction par des diaphragmes «à double fente»).
 Cette propriété explique de très nombreux aspects des phénomènes quantiques comme le rayonnement du corps noir et, par le principe d'exclusion de Pauli, la classification périodique de la table des éléments atomiques. D'autres propriétés fondamentales sont directement liées à l'indiscernabilité, comme la condensation de Bose-Einstein, mise en évidence récemment.
 Par exemple, entre la position (x) et l'impulsion (p) :  EMBED "Equation" \* mergeformat  (avec  EMBED "Equation" \* mergeformat ).
 Elle permettait de rendre compte des figures de diffraction, prédisait l'«effet tunnel» (traversée d'un potentiel plus elevé que l'énergie disponible), etc. Cf. Schrödinger [1926].
 Nous mettrons entre guillemets le mot «particule» lorsqu'il s'agit de particule au sens quantique, sauf lorsqu'il fait partie d'une expression consacrée pour laquelle il n'existe pas d'ambiguïté, comme «particule élémentaire», qui ne peut s'entendre que dans le sens quantique.
 Voir plus loin.
 Ces anglicismes font partie du langage technique : il faut comprendre «orienté vers le haut» ou «vers le bas».
 Voir notamment Reichenbach [1944], Carnap [1966], Franck [1949].
 Cf. Paty [1993a], chap. 6.
 Voir les réactions dans ce sens de Niels Bohr et de Max Born notamment.
 Hilbert, von Neumann & Nordheim [1927], von Neumann [1927, 1932], Birkhoff & von Neumann [1936]. Sur des aspects logiques des problèmes discutés plus loin, voir, p. ex., Costa [1997], Dalla Chiara & Toraldo di Francia [1993].
 L'expression est d'Einstein.
 A. Einstein, texte de 1940 sur les Fondements de la physique théorique, dans Einstein [1950].
 On supposera ici celle-ci connue. Rappelons seulement la linéarité des équations d'état et la non-commutation des opérateurs relatifs à des grandeurs «incompatibles», qui sont au centre de la théorie quantique.
 de Broglie, articles de 1926 et 1927 repris dans de Broglie [1953a], Madelung [1926], Born (article de 1926 in Born [1963].
 Heisenberg et Born (articles de 1925, in Heisenberg [1985] et Born [1963]), Dirac [1926a et b]. Voir Darrigol [1992].
 Heisenberg (article de 1927, in Heisenberg [1985]).
 Guénault [1753].
 émile Boutroux l'effleure dans sa thèse De la contingence des lois de la nature : “Il n'est (…) nullement inconcevable que l'étendue mobile ne soit pas la forme nécessaire de tout ce qui est donné” (Boutroux [1874], p. 49). Mais il n'est pas sûr qu'il ne restreigne cette idée aux faits psychologiques.
 Born & Heisenberg, article dans Electrons et photons [1928]. Souligné par les auteurs.
 Pour une analyse détaillée de l'argumentation, voir Paty [à paraître, a].
 Voir électrons et photons [1928].
 Cf., p. ex., Bimbot & Paty [1996].
 Cf., p. ex., Jammer [1966].
 P. ex., Weyl [1928]. Cf. Paty [1985].
 Je veux mentionner ici les recherches de Claude Comte qui s'efforce de fonder la théorie quantique et ses amplitudes de probabilités sur des conditions générales d'invariance (Comte [1996, 1998]).
 Paty [1999a].
 Sur ces conceptions, voir Paty [1993a], chap. 9.
 Paty [1993a], chap. 4 et 5.
 Ces grandeurs sont appelées, dans le langage courant des physiciens, depuis Heisenberg et Dirac, des «observables». Les grandeurs «compatibles» sont représentées dans la théorie par des opérateurs qui commutent, les grandeurs «incompatibles» par des opérateurs qui ne commutent pas.
 Par référence, évidemment, à leurs homologues classiques.
 Voir, p. ex., Bohr [1958]. Voir aussi les nombreux textes de Léon Rosenfeld, qui contribuèrent à fixer et à répandre l'interprétation «orthodoxe», in Rosenfeld [1979].
 Bohr [1938, 1958]. Pour notre part, quand nous parlons, dans ce texte et ailleurs, de «phénomènes», c'est en les rapportant non à la perception, mais à la connaissance (entre la perception et la connaissance, se tient la construction, symbolique, mentale).
 Bohr [1938]. Sur le rapport entre Heisenberg et Bohr à ce sujet, cf. Beller [1983].
 Heisenberg [1969].
 Ses partisans eux-mêmes l'admettaient, par exemple, Max Born : “Bohr s'exprime souvent de façon nébuleuse et obscure” (lettre à Einstein, 22.12.1953, in Einstein & Born [1969].
 La métaphore de la prophétie à propos de Bohr est d'Einstein.
 Voir notamment Einstein [1948, 1949, 1953]. Cf. Paty [à paraître, a].
 Cf. Bitbol & Darrigol [1993], Paty [1993b].
 Pour une description historique des positions sur l'interprétation des principaux physiciens, voir, p. ex., Jammer [1974].
 Caractère affirmé dès 1927 par Max Born et Werner Heisenberg au Conseil Solvay (cf. Electrons et photons [1928]).
 Il est impossible de citer ici toute la littérature. Voir, du moins, quelques éléments bibliographiques à la fin du présent article.
 Sur les progrès en physique dans cette période, cf. p. ex., Brown, Pais & Pippard [1995], Bimbot & Paty [1995].
 Cf., p. ex., Langevin [1934].
 Ce terme a été introduit par Mario Bunge (Bunge [1973]).
 Cf., p. ex., Van Frassen [1991], Mugur-Schächter [1993], Shimony [1993], d'Espagnat [1994], Omnes [1994a et b], Chibeni [1997], Cohen, Horn & Stachel [1997a et b], Ghirardi [1997], etc.
 Cf. Paty [1997].
 Voir Paty [1986].
 Ces phén omènes sont analysés dans un autre travail, complémentaire de celui-ci (Paty [à paraître, b]).
 Cf. les articles de H. Everett et de J.A. Wheeler de 1957, repris dans Wheeler & Zurek [1983]. Cf. Bell (art. de 1976 repris dans Bell [1987], Ben Dov [1988].
 Bohm [1952] ; voir aussi Bohm [1980], Bell [1987], Ben-Dov [1988], Paty [1993c], Freire [1995], Freire, Paty & Rocha Barros [1999].
 de Broglie (articles de 1926 et 1927 repris dans Broglie [1953a], Bohm [1952]. Cf. Paty [1993c].
 Cf. les articles de J. S. Bell de 1964 et 1966 dans Bell [1987].
 Dirac [1926]. Cf. Mehra & Rechenberg [1982], vol. 4, p. 162 suiv., Darrigol [1992].
 C’est dans cet esprit que l’on peut «penser la non-séparabilité quantique» (Paty [1986]), ou l'indiscernabilité des particules identiques (Langevin [1934], Paty [1988, 1999, à paraître 2].

Interprétation et signification en physique quantique  PAGE 33