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RAPPORT JURIDIQUE 2001 14 MARS 2002 INTRODUCTION 4 ...

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JUDICIAIRE DES DÉCISIONS DU TRIBUNAL 71
Impartialité et indépendance du Tribunal 71
Procédure impartiale selon la Déclaration des droits 75
Suspension de l’instance 76
Application de la LCDP à la Chambre des communes 77
Nouvelles qualités requises des membres du Tribunal 79
Questions de fait et de droit 80
Signification de l’expression même établissement, dans les différends concernant l’équité salariale 82
Mode de calcul du salaire perdu 80

AUTRES DÉCISIONS EN MATIÈRE DE DROITS DE LA PERSONNE 86
Prestations de conjoint 86
Accès aux prestations d’assurance-emploi 89
Orientation sexuelle 93
Retraite obligatoire 96
R. c. Latimer 99
L’obésité en tant que déficience 99

DROIT INTERNATIONAL 102
INTRODUCTION

Le présent rapport porte sur un large éventail de questions dont le Tribunal canadien des droits de la personne, la Cour fédérale du Canada, la Cour suprême du Canada et divers tribunaux d’archives et administratifs ont été saisis. Son seul objet est de passer en revue les récentes décisions qui ont été rendues concernant la Loi canadienne sur les droits de la personne, les répercussions de la Charte canadienne des droits et libertés sur les questions d’égalité, ainsi que les autres lois relatives aux droits de la personne. Le rapport ne constitue aucunement un avis juridique sur les sujets abordés et ne représente pas nécessairement les vues de la Commission.

Dans un premier temps, le rapport examine les décisions rendues par le Tribunal à l’égard des plaintes entendues. Ces affaires sont classées suivant les principaux motifs de discrimination allégués dans chaque cas. L’une d’entre elles concerne l’incidence de la limite de 30 semaines applicable aux prestations spéciales (maladie, maternité et responsabilités parentales) payables en vertu du Régime d’assurance-emploi. Le Tribunal a invoqué l’absence d’éléments de preuve démontrant la nécessité raisonnable de la limite de 30 semaines pour conclure que celle-ci défavorisait une plaignante qui était tombée malade pendant sa grossesse. Par contre, dans une autre affaire concernant les plaintes de femmes dont la période de chômage involontaire coïncidait avec leur grossesse, le Tribunal a confirmé la validité d’une limite applicable au cumul des prestations ordinaires et des prestations spéciales prévues par le Régime d’assurance-emploi. L’importance des éléments de preuve (tant directs que circonstanciels) dans l’établissement d’une preuve prima facie de discrimination de même que la nécessité pour la défenderesse de justifier par une explication raisonnable sa décision de ne pas embaucher quelqu’un sont examinées en détail dans une autre décision qui repose sur les circonstances particulières de l'affaire considérée plutôt que sur l’incidence discriminatoire des dispositions législatives.

Dans une autre décision, le Tribunal s’est intéressé à l’obligation faite aux étudiants ayant une déficience d’inclure certaines subventions dans leur revenu personnel en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. Il a examiné, du point de vue de l’intérêt public, la question des subventions spéciales accordées aux étudiants ayant une déficience, et a étudié à fond les dispositions prévues à cet égard dans la Loi de l’impôt sur le revenu et leurs conséquences réelles sur le plaignant en l’espèce. Le Tribunal a confirmé finalement la validité de la règle fiscale dont il est question. Trois autres décisions viennent illustrer le principe voulant qu’un employeur prenne des mesures d’adaptation raisonnables pour tenir compte des besoins spéciaux d’un employé handicapé sans qu’il en résulte pour l’employeur une contrainte excessive. La première concerne un employé aux prises avec des problèmes de stress et de dépression; la deuxième examine les procédures et normes que les Forces armées canadiennes appliquent aux militaires atteints de troubles coronariens; la troisième porte sur un cas d’absentéisme prolongé attribuable à un accident du travail. Une autre décision du Tribunal reconnaît l’alcoolisme comme une déficience tout en jugeant, suivant les faits de l’espèce, que cette dépendance est sans rapport avec le refus d’embaucher quelqu’un. Dans une autre affaire, le Tribunal a examiné en détail les politiques du Service correctionnel du Canada (SCC) applicables aux transsexuels, particulièrement celles qui leur refusent l’accès à une chirurgie de changement de sexe et qui exigent le placement des détenus transsexuels au stade préopératoire en fonction de leur sexe biologique. Dans une décision mûrement arrêtée, le Tribunal a fait ressortir les éléments des politiques du SCC qui sont discriminatoires à l’égard du sexe et de la déficience.

Diverses affaires où l’on allègue une discrimination raciale ou fondée sur l’origine ethnique ou nationale donnent un aperçu des questions de preuve se rapportant à l’établissement d’une preuve prima facie, des questions entourant la preuve d’une discrimination systémique, du recours aux témoins experts, des représailles et de l’évaluation de la crédibilité des témoins. L’établissement d’une preuve prima facie est également le pivot de la décision rendue dans le cas de discrimination fondée sur l’âge qui est examiné dans le présent rapport. Il s’agit d’une autre décision concernant les politiques et procédures des Forces armées (qui ont trait cette fois-ci aux promotions d’un grade à l’autre).

Une importante décision du Tribunal concernant la transmission de messages haineux par téléphone vient compléter cette section du rapport. Cette décision soulève la question essentielle de savoir si les messages transmis de façon répétée par Internet entrent dans le champ d’application du terme « téléphone » utilisé au paragraphe 13(1) de la LCDP. À l’appui de sa réponse affirmative à cette question, le Tribunal a examiné en détail des arrêts antérieurs de la Cour suprême qui concernent la propagande haineuse et l’objet fondamental de la législation en matière des droits de la personne. De même, après avoir évalué les restrictions que ferait peser sur la liberté d’expression le fait de sanctionner la communication de messages haineux, le Tribunal a conclu que les limites imposées par le paragraphe 13(1) sont raisonnables et que leur justification pouvait se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique (au sens où l’entend l’article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés).

Diverses questions sont passées en revue dans les sections portant sur les ordonnances interlocutoires du Tribunal et les questions procédurales. Les décisions examinées traitent, entre autres, de l’applicabilité de la Loi sur la preuve au Canada (témoins experts), des règles régissant l’accès aux dossiers médicaux, des conséquences du retrait d’une partie avant l'audience, de l’application de la LCDP à la Chambre des communes, de l’incidence du jugement Bell (concernant l’impartialité et l’indépendance du Tribunal) sur d’autres audiences, de l’application de la LCDP aux Premières nations et de questions relatives à la communication de documents avant l’instruction.

Le présent rapport passe également en revue les décisions que la Cour fédérale a rendues à l'égard des obligations et pouvoirs légaux de la Commission. Lorsqu’elle accepte une plainte, mène une enquête et décide de renvoyer ou non une affaire à un Tribunal, la Commission est tenue de respecter les normes de l’équité procédurale appropriées à ses fonctions administratives. Les affaires évoquées dans cette section couvrent les divers aspects de l’équité et de la conduite raisonnable dont la Commission doit faire preuve lorsqu’elle traite des plaintes. Elles donnent une bonne idée des types de problèmes susceptibles d’apparaître et des décisions judiciaires qui sont prises pour les régler.

La Cour fédérale procède également au contrôle judiciaire des décisions du Tribunal des droits de la personne. Cette section du rapport examine, entre autres décisions récentes, l’arrêt Bell, notoirement connu, qui avait mis en doute l’indépendance et l’impartialité du Tribunal. La Cour d’appel fédérale a depuis infirmé cette décision de la Cour fédérale (Section de première instance), levant ainsi les difficultés qui avaient retardé l’ensemble du processus de règlement des plaintes. Il y a, parmi les autres affaires examinées, un cas où les nouvelles qualités requises des membres du Tribunal sont contestées (au motif que cette règle impliquait une partialité), un autre où l’applicabilité de la LCDP à la Chambre des communes est mise en question, ainsi que différents cas concernant la procédure impartiale, des questions de fait et de droit et des demandes de suspension de l’instance. Un arrêt de la Cour fédérale confirmant une décision du Tribunal sur l’interprétation à donner de l’expression « même établissement » revêt une importance particulière pour les questions d’équité salariale. La portée et le sens de ce terme sont essentiels pour déterminer les groupes de référence devant servir à établir des comparaisons entre les travailleurs en vue de l'application de l’article 11 de la LCDP.

Le présent rapport examine d’autre part un certain nombre de jugements qui ont été rendus en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Dans une instance, la cessation des prestations de survivant au remariage (célébré avant l’entrée en vigueur de l’article 15 de la Charte) a fait l’objet d’une contestation fondée sur l’état matrimonial. La décision par laquelle la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a rejeté la plainte explique la règle de non-rétrospectivité de la Charte pour des événements survenus avant l’entrée en vigueur de la Charte, et examine la véritable nature de la distinction faite entre les défenderesses et d’autres veuves remariées qui ont bénéficié du rétablissement des pensions perdues. Le rapport fait également état de l'arrêt que la Cour suprême du Canada a rendu sur une présumée discrimination fondée sur l’orientation sexuelle dans une université confessionnelle de la Colombie-Britannique. L’affaire concernait le code de conduite auquel tous les étudiants inscrits à cette université étaient tenus d’adhérer et qui condamnait les relations homosexuelles. Le British Columbia College of Teachers invoquait cette pratique pour refuser l’agrément de l’établissement à son programme d’études universitaires. Cette affaire commande l’attention sur la manière dont la Cour suprême dose liberté de religion et droit à l’égalité pour conclure que le British Columbia College of Teachers avait fait une erreur de jugement. Dans cette même province, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a été appelée à statuer sur un cas de retraite obligatoire et de discrimination fondée sur l’âge. Bien que la Cour suprême du Canada se soit prononcée sur cette question il y a quelques années, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a conclu, dans une décision majoritaire, que l’arrêt de la Cour suprême ne posait pas pour principe que toutes les politiques de retraite obligatoire étaient valides dans la mesure où les lois provinciales sur les droits de la personne permettaient d’établir des distinctions fondées sur l’âge minimum ou maximum. À son avis, le caractère raisonnable de la politique de retraite obligatoire en question devait être évaluée au regard de l'article 1 de la Charte, même si les lois sur les droits de la personne de la Colombie-Britannique autorisaient le type de discrimination fondée sur l'âge qui ressortait de cette politique.

Cette section du rapport examine également deux décisions de tribunaux administratifs. La première concerne la décision qu’un juge-arbitre a rendue en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi et suivant laquelle l’obligation de travailler un minimum de 700 heures de rémunération assurable pour avoir droit à des prestations régulières ou spéciales avait une incidence discriminatoire sur les femmes. La deuxième porte sur la décision que l’Office des transports du Canada a rendue sur la question de savoir si l’obésité devrait être considérée comme une déficience au sens de la Loi sur les transports au Canada. Finalement, bien que les questions considérées ne visent pas directement les droits à l’égalité, nous avons inclus dans le rapport l’arrêt que la Cour suprême du Canada a rendu dans l'affaire R. c. Latimer concernant un homme déclaré coupable d’homicide involontaire sur sa fille qui souffrait d’un grave handicap. Cette décision mérite d’être soulignée pour l’interprétation donnée par la Cour de ce qui constitue une peine cruelle et inusitée au sens de la Charte de même que pour le point de vue de la Cour sur la vulnérabilité de la victime handicapée.

Le rapport se termine par un examen de diverses questions d’importance en matière de droit international des droits de la personne. Il y est question de la participation du Canada à l’élaboration et à la mise en œuvre de certains pactes internationaux relatifs aux droits de la personne. On y passe également en revue des cas de jurisprudence sur l’application des conventions internationales relatives aux droits de la personne.

RÉSOLUTION DES PLAINTES PAR LE TRIBUNALTE \l1 "RÉSOLUTION DES PLAINTES PAR LE TRIBUNAL

SexeTE \l2 "Sexe

L’incidence discriminatoire, sur les femmes, des dispositions législatives régissant l’accès à des prestations spéciales aux termes de la Loi sur l’assurance-chômage (aujourd’hui appelée Loi sur l’assurance-emploi) a été examinée par le Tribunal dans l’affaire McAllister-Windsor c. DRHC. Les prestations spéciales sont possibles pour des périodes restreintes, en cas de grossesse (15 semaines), de maladie (15 semaines) ou de responsabilités parentales (10 semaines à l’époque de cette plainte). Cependant, le nombre de semaines au cours desquelles des prestations spéciales sont payables durant la période de prestations du prestataire est limité à 30 semaines (à l’époque de cette plainte). C’est ce que l’on appelle la règle anticumul.

Dans l’affaire McAllister-Windsor, la plaignante souffrait d’un problème médical appelé béance du col de l’utérus et il lui était difficile pour cette raison de mener une grossesse à son terme. Son médecin lui avait conseillé de garder le lit pendant sa grosse afin de garantir le bon déroulement de l’accouchement. Elle cessa donc de travailler et, durant la période précédant la naissance de son enfant, elle bénéficia de 15 semaines de prestations de maladie aux termes du Régime d’assurance-emploi (RAE), et de prestations d’invalidité de longue durée selon un régime offert par son employeur. Après un accouchement réussi, la plaignante bénéficia de 15 semaines de prestations de maternité au titre du RAE. Lorsqu’elle demanda plus tard des prestations parentales, elle fut informée qu’elle avait atteint le maximum de 30 semaines au cours desquelles des prestations spéciales étaient payables (une éventualité dont elle avait été informée lorsqu’elle avait à l’origine demandé des prestations du RAE). Elle fut donc considérée non admissible à des prestations parentales.

Examinant sa plainte de discrimination fondée sur le sexe et la déficience, le Tribunal a passé en revue avec force détails l’historique législatif et l’objet des prestations spéciales. Il a conclu que l’adoption de la formule des prestations spéciales s’écartait des principes d’assurance à la base de l’assurance-emploi en introduisant dans le régime un élément social. Cet élément reflétait l’évolution du marché du travail et prenait en compte les imprévus autres que la perte involontaire d’un travail. Les prestations spéciales n’étaient donc pas assujetties à la règle appliquée aux prestations régulières, règle selon laquelle un prestataire doit être prêt, disposé et apte à travailler. Néanmoins, les prestations spéciales étaient considérées comme limitées dans le temps, au même titre que les prestations régulières, selon le Régime d’assurance-emploi.

Selon la preuve présentée au Tribunal, la durée du versement de prestations de maternité correspondait à la période durant laquelle les femmes auraient besoin en principe d’un soutien du revenu pour cause de grossesse. Toutefois, rares étaient les éléments de preuve produits qui portaient sur la manière dont le plafond des prestations de maladie ou des prestations parentales était établi, ou sur le maximum cumulatif de 30 semaines applicable à une combinaison de prestations spéciales durant la période de prestations d’un prestataire.36.1 Le Tribunal a jugé que le maximum cumulatif de 30 semaines visait les femmes exclusivement, en raison du fait qu’elles seules étaient en mesure de présenter une demande se rapportant aux trois types de prestations spéciales. Cette réalité était reflétée dans des statistiques intéressant l’exercice 1998-1999, qui montraient que 2 360 demandes de prestations spéciales furent rejetées en raison de la règle anticumul et que dans tous les cas les plaignants étaient des femmes.

Pour savoir si la règle anticumul entraînait une discrimination contre la plaignante en raison de son sexe ou de sa déficience, le Tribunal a d’abord établi le groupe de référence par rapport auquel sa situation serait évaluée. Il a jugé que le groupe de référence adéquat comprenait toutes les personnes admissibles à des prestations spéciales. À cet égard, il était clair que le texte législatif examiné traitait exactement de la même manière toutes les personnes admissibles à des prestations spéciales : toutes étaient sujettes également au maximum cumulatif de 30 semaines de prestations. Cependant le Tribunal a jugé que « ... bien que le paragraphe 11(5) de la Loi sur l’assurance-chômage énonce, à première vue, une règle neutre, il a non seulement un effet disproportionné mais également un effet préjudiciable uniquement sur les femmes enceintes qui, à l’instar de Mme McAllister-Windsor, ont demandé des prestations de maladie. Même si certaines femmes visées par le paragraphe 11(5) ne sont sans doute pas atteintes d’affections pouvant être qualifiées de déficiences au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne, personne ne conteste que ce soit le cas de Mme McAllister-Windsor »37.

Ayant conclu à l’existence d’un commencement de preuve de discrimination, le Tribunal s’est ensuite demandé si la règle anticumul reposait sur un motif justifiable. Il n’a eu aucun mal à conclure que la règle présentait un lien rationnel avec l’objectif fondamental de la disposition sur les prestations spéciales, laquelle visait à assurer un remplacement du revenu à court terme dans les cas de grossesse, de maladie et de responsabilités parentales. Il a aussi décidé que, vu la preuve produite à propos des conséquences budgétaires d’une suppression de la limite aux prestations spéciales, la règle anticumul avait été édictée de bonne foi. Cependant, le Tribunal a adopté une vue différente sur le point de savoir si le coût financier de la suppression de la règle afin de répondre aux besoins des femmes telles que la plaignante constituerait une contrainte excessive. À titre de proposition générale, le Tribunal a accordé qu’il est légitime (pour mesurer la contrainte excessive) « ... d’examiner les effets que des modifications au régime d’assurance-emploi pourraient avoir sur les cotisations et les cotisants, de même que leurs conséquences possibles du point de vue de la viabilité du régime »38. Mais cet examen devait se faire dans le cadre de la preuve présentée au Tribunal. Sur ce point, le Tribunal a jugé que « le surplus qu’affiche le Compte d’assurance-emploi permettrait d’absorber très facilement l’augmentation de coût qu’entraînerait la suppression de la règle anticumul, sans qu’il en résulte des conséquences immédiates pour les cotisants »39. Cela dit, aucun élément de preuve n’a été présenté au Tribunal « ... relativement à l’effet que l’augmentation de coût liée à ces modifications aurait sur les cotisations, pas plus qu’au sujet des conséquences de tout relèvement des cotisations pour les cotisants ou pour l’ensemble du régime »40. En conséquence, le Tribunal a estimé que la preuve ne permettait pas de dire que l’élimination de la règle anticumul pour répondre aux besoins de la plaignante causerait une contrainte excessive.

Ayant conclu à l’existence d’une discrimination, le Tribunal a prononcé un redressement à deux volets. D’abord, il a ordonné à DRHC de cesser d’appliquer la règle anticumul, mais a suspendu l’application de son ordonnance pendant une période de 12 mois pour permettre à DRHC de consulter la Commission sur les mesures susceptibles d’empêcher l’apparition de problèmes semblables dans l’avenir, et pour donner au législateur la possibilité de corriger le problème de la manière qu’il jugerait adéquate. Le Tribunal a aussi accordé à la plaignante des dommages-intérêts de 2 500 $ pour préjudice moral et atteinte à l’amour-propre.

Les prestations totales perçues au titre du régime d’assurance-emploi sont également sujettes à une règle qui ne permet pas le cumul des prestations spéciales et des prestations régulières au-delà du nombre maximum de semaines durant lesquelles des prestations régulières pourraient être perçues. Le possible effet discriminatoire de cette règle a été examiné par le Tribunal dans l’affaire Popaleni et al. c. DRHC41. Cette affaire concernait les plaintes de deux femmes, dont la période de chômage involontaire coïncidait avec une grossesse. Elles affirmaient qu’elles étaient victimes d’une discrimination fondée sur le sexe, ou fondée sur le sexe et la situation de famille, parce que le nombre maximum de leurs semaines de prestations était réduit du nombre de semaines durant lesquelles elles avaient perçu des prestations de maternité et des prestations parentales. Si elles n’avaient pas eu à réclamer de telles prestations, elles auraient pu bénéficier pleinement des prestations régulières.


Le Tribunal a de nouveau reconnu que l’objet principal de la Loi sur l’assurance-chômage est d’aider les travailleurs qui perdent involontairement leur travail mais qui sont par ailleurs capables de travailler. Il a également pris note de l’évolution du régime au fil des ans, un régime qui offre aujourd’hui des prestations, sur une base restreinte, aux personnes temporairement incapables de travailler pour cause de maladie, d’accouchement ou de responsabilités parentales.

Évaluant les allégations de discrimination, le Tribunal a conclu que le groupe de référence à retenir comprenait toutes les personnes qui participent au régime d’assurance-emploi. L’argument établissant une discrimination a donc été résumé ainsi : « Mme Popaleni et Mme Janssen ont toutes deux vu le nombre de prestations de maternité et de prestations parentales qu’elles avaient reçues être soustrait du nombre de prestations ordinaires auquel elles avaient droit. Cela incite à croire qu’elles ont peut-être bénéficié, alors qu’elles recevaient des prestations ordinaires, d’un moins grand nombre de semaines pour se chercher un autre emploi que les autres prestataires dans la même région géographique qui n’avaient pas accouché et qui n’avaient pas demandé de prestations spéciales. Il peut sembler à première vue qu’il s’agit là d’une différence de traitement préjudiciable fondée sur le sexe; toutefois, un examen plus approfondi indique que tel n’est pas le cas »42.

Le Tribunal a fait observer qu’un homme qui demandait des prestations de maladie ou des prestations parentales durant une période de prestations au cours de laquelle était faite aussi une demande de prestations régulières subirait les mêmes effets préjudiciables que les deux plaignantes. Cette observation était plus que théorique, car la preuve présentée au Tribunal montrait que 35 p. 100 de tous les prestataires concernés par la règle interdisant le cumul des prestations spéciales et des prestations ordinaires étaient des hommes. De même, l’accusation de discrimination fondée sur la situation de famille, c’est-à-dire la qualité de mère, ne pouvait être admise, étant donné que les pères seraient également touchés par la règle s’ils demandaient à la fois des prestations régulières et des prestations parentales. Le Tribunal a justifié ses conclusions en se référant à un arrêt de la Cour d’appel fédérale qui avait confirmé la validité d’une autre règle du régime d’assurance-emploi, règle qui limitait à 30 semaines les prestations totales alors que le nombre de semaines d’admissibilité à des prestations régulières était en réalité moindre43. Se référant à cet arrêt, le Tribunal s’est exprimé ainsi : « Le fait que les hommes ayant subi des blessures alors qu’ils recevaient des prestations ordinaires étaient eux aussi soumis à la limite de 30 semaines, tout comme les pères qui avaient perdu leur emploi et qui bénéficiaient de prestations parentales, attestait du caractère non sexiste de la loi »44.

Même si le Tribunal a rejeté la plainte pour absence d’un commencement de preuve, il s’est quand même demandé si un motif justifiable aurait pu être établi au vu de la preuve produite. Il s’est d’abord demandé si un lien rationnel existait entre la règle interdisant le cumul des prestations spéciales et des prestations régulières et l’objet fondamental des dispositions législatives. Le Tribunal a exprimé l’avis qu’il était insensé de subordonner la réception d’un genre de prestations à un autre genre de prestations lorsque les prestations étaient motivées par des objets différents. Le Tribunal n’a donc pu conclure que DRHC avait établi un lien rationnel entre l’objet de cette règle anticumul particulière et le versement de prestations selon la législation sur l’assurance-emploi. Par ailleurs, aucune preuve n’avait été présentée au Tribunal à propos des conséquences budgétaires d’une suppression de la règle, et il était donc impossible de conclure qu’une telle abolition aurait entraîné une contrainte excessive. Par conséquent, si le Tribunal avait conclu à l’existence d’un commencement de preuve de discrimination (ce qui n’était pas le cas), il aurait conclu que DRHC n’avait pas produit un motif justifiable pour cette règle anticumul particulière.

Des allégations de discrimination dans l’emploi fondées sur le sexe ont été examinées dans l’affaire McAvinn c. Strait Crossing Bridge Limited45. La société défenderesse était responsable de l’exploitation du pont de la Confédération reliant l’Î.-P.-É. au continent, dont la construction avait entraîné une perte d’emploi pour ceux et celles qui travaillaient auparavant sur les traversiers exploités par les services de traversiers de Marine Atlantique. Les employés des traversiers qui ont perdu leur emploi ont cependant obtenu un droit de premier refus pour les postes associés à l’exploitation du nouveau pont, à condition qu’ils aient les compétences nécessaires ou qu’ils puissent être formés pour les postes ainsi offerts.

La sélection des candidats au poste de patrouilleur de pont comportait deux séries d’entrevues. La plaignante échoua à l’entrevue initiale de sélection, mais la décision sur ce point fut modifiée car elle avait réussi le cours sur le droit et la sécurité. Après la deuxième série d’entrevues, la plaignante fut informée qu’elle n’avait pas été embauchée. Elle réagit très mal à cette décision et finit par penser qu’elle avait été exclue en raison de son sexe, surtout à la lumière des questions qui lui avaient été posées durant la deuxième entrevue. Elle pensa que, parce qu’elle était une femme, on lui avait réservé des questions portant sur la conduite d’un véhicule avec boîte de vitesses manuelle, sur le démarrage d’une voiture par survoltage, sur le travail par roulement et sur le fait d’être seule la nuit, questions qui, affirmait-elle, n’avaient pas été posées aux hommes qui avaient postulé l’emploi en question.

La décision du Tribunal concernant cette plainte requiert un examen détaillé de la preuve, tant celle qui se rapporte à l’établissement d’un commencement de preuve de discrimination que celle qui touche à l’obligation de la défenderesse (après qu’un commencement de preuve a été établi) de produire une justification crédible pour sa décision de ne pas embaucher la plaignante. Pour ce qui est de ce commencement de preuve, le Tribunal a souligné qu’il est parfois difficile de produire des preuves directes d’une discrimination et qu’en conséquence, des preuves circonstancielles peuvent être examinées.

Au vu de la preuve produite, le Tribunal n’a eu aucun mal à conclure que la plaignante était qualifiée pour le poste. La preuve montre clairement que Mme McAvinn avait suivi le cours sur le droit et la sécurité, cours qui, de l’avis du Tribunal, était une exigence pour le poste de patrouilleur de pont... Par ailleurs, l’expérience antérieure de Mme McAvinn à Marine Atlantique montre clairement qu’elle était « une bonne travailleuse, qu’elle avait l’expérience du public, des marchandises dangereuses, des interventions d’urgence et qu’elle était habituée au travail physique, au travail par quart, ainsi qu’au travail dans un environnement masculin »46. Le Tribunal a aussi pris note de ce que la personne ayant la responsabilité ultime de la décision finale concernant la candidature de la plaignante avait indiqué à plusieurs reprises que la plaignante avait été refusée parce que l’on doutait de son aptitude à lire et à écrire. Cette personne a affirmé dans son témoignage que le simple fait qu’elle avait présenté sa candidature sur un formulaire dactylographié avait éveillé des soupçons dans son esprit. Sur ce point, le Tribunal a conclu qu’il n’y avait pas une ombre de preuve.47 De plus, on n’avait rien fait, entre la première et la deuxième entrevue, pour s’informer de l’aptitude de la plaignante à lire et à écrire.

Ayant conclu que la plaignante était qualifiée pour le poste, mais qu’elle avait été refusée, le Tribunal a examiné le facteur restant qui était nécessaire pour établir un commencement de preuve de discrimination, en cherchant à savoir si des candidats de sexe masculin n’ayant pas de meilleurs titres de compétence avaient été embauchés. Sur ce point, le Tribunal a conclu que même si Mme McAvinn possédait toutes les qualifications requises, on lui aurait préféré des hommes qui n’avaient pas les qualifications de base. Ces observations, combinées aux autres éléments de preuve, permettaient de conclure, de l’avis du Tribunal, que le sexe était un facteur [TRADUCTION] « ... dans le processus de sélection pour le poste de patrouilleur de pont et qu’une certaine masculinité faisait partie du profil requis pour ce poste »48.

Un commencement de preuve ayant été établi, le Tribunal n’a pu trouver, dans la preuve produite, le moindre élément crédible pouvant raisonnablement justifier la décision de ne pas offrir à la plaignante un emploi de patrouilleur de pont. Le Tribunal a donc jugé que la plainte de discrimination fondée sur le sexe avait été prouvée.

S’agissant de la réparation, le Tribunal a appliqué le principe selon lequel un plaignant devrait être rétabli dans la position où il aurait été si la discrimination n’avait pas eu lieu, sous réserve de l’obligation pour lui d’atténuer son préjudice et sous réserve des considérations de cause immédiate. Après avoir examiné avec soin l’ensemble de la preuve, le Tribunal a conclu qu’une réparation pour perte de salaire était justifiée dans cette affaire, réparation qui serait calculée à partir de la date où la plaignante avait cessé de travailler pour Marine Atlantique et sur une période de 10 ans. La période durant laquelle elle recevrait réparation pour perte de salaire était subordonnée à l’ordonnance additionnelle du Tribunal qui enjoignait la société défenderesse d’engager la plaignante comme patrouilleur de pont dès que cela serait raisonnablement possible. La période de réparation de 10 ans pour perte de salaire serait alors réduite en conséquence.

La santé de la plaignante, qui souffrait d’anxiété et de dépression, avec les complications médicales correspondantes, fut également considérée au regard de la réparation accordée. Ses problèmes de santé étaient antérieurs aux événements ayant conduit à la plainte de discrimination, mais le Tribunal a jugé que son état avait été aggravé par la conduite de la société défenderesse. Elle a donc obtenu 2 000 $ pour souffrances corporelles. De plus, la réparation pour perte de salaire ne pouvait être réduite par suite de son éventuelle incapacité de remplir les fonctions de patrouilleur de pont pour le cas où la société défenderesse lui offrirait un poste. En d’autres termes, les problèmes de santé de la plaignante ne pouvaient être invoqués par la société défenderesse pour se soustraire à l’obligation de compenser la perte de salaire pendant la période de 10 ans établie par le Tribunal.

L’exécution d’une décision par laquelle le Tribunal a conclu à l’existence d’une discrimination fondée sur le sexe a donné lieu à des procédures judiciaires prolongées dans l’affaire Goyette c. Syndicat des employé(es) de terminus de Voyageur Colonial Limitée49. La décision quant au fond de la plainte a été rendue le 14 octobre 199750, bien que le Tribunal se fût réservé de résoudre tout désaccord entre les parties sur la somme exacte à accorder pour perte de salaire et d’avantages sociaux51. Un désaccord ayant surgi entre les parties, la plaignante demanda au Tribunal en mars 2000 de tenir une nouvelle audience aux fins d’établir la somme due. En mai 2000, le syndicat défendeur déclara faillite et ses actifs furent mis sous tutelle conformément à la loi applicable. Vu que le syndicat était affilié à un autre syndicat, la CSN, la plaignante informa le Tribunal qu’elle entendait soulever la question de la responsabilité de la CSN concernant l’exécution de l’ordonnance rendue par le Tribunal contre le syndicat défendeur. La CSN s’opposa à la réouverture de l’affaire pour que soient examinées de nouvelles questions de fond, affirmant que, en dehors de la question du quantum des dommages-intérêts établis contre le syndicat défendeur, le Tribunal était dépouillé de sa fonction et donc dépourvu de compétence.

À l’audience convoquée en vue d’établir les dommages-intérêts pour perte de salaire et d’avantages sociaux, le Tribunal examina d’abord s’il était compétent pour déterminer la responsabilité de la CSN. Il a estimé que la responsabilité possible de la CSN était une question de fond qui ne pouvait se réduire à un simple point de procédure. Il a aussi jugé que le Tribunal qui avait présidé l’audience initiale n’avait fait aucune omission et avait examiné tous les points avancés à l’époque. La question de la responsabilité de la CSN au regard des actes de son syndicat affilié était devenue importante ultérieurement, mais cet élément ne pouvait à lui seul justifier la réouverture d’une affaire déjà liquidée pour laquelle un jugement final avait été rendu, hormis le quantum des dommages-intérêts à attribuer pour perte de salaire et d’avantages sociaux52. Le Tribunal s’est ensuite appliqué à déterminer les sommes exactes dues à la plaignante pour perte de salaire et d’avantages sociaux, mais son ordonnance en la matière ne s’appliquait qu’au syndicat défendeur qui avait été partie à l’audience initiale relative aux allégations de discrimination.

Harcèlement sexuelTE \l2 "Harcèlement sexuel

Une plainte de harcèlement sexuel déposée par une employée a récemment été instruite malgré la non-comparution du défendeur53. Cette plainte concernait la conduite du défendeur, qui était le superviseur de la plaignante, lors d’un présumé voyage d’affaires à Winnipeg, au cours duquel il devint évident que le défendeur recherchait un contact sexuel avec la plaignante. Le voyage avait été un prétexte. La plaignante a allégué la violation de l’art. 7 de la LCDP, selon lequel constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de défavoriser un individu en cours d’emploi, et la violation de l’art. 14, selon lequel constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu en matière d’emploi (le harcèlement sexuel étant réputé être un harcèlement fondé sur un motif de distinction illicite).

Après examen de la preuve, le Tribunal a appliqué le critère usuel de l’établissement d’un commencement de preuve de discrimination, en se demandant si la preuve produite suffisait à justifier, selon la prépondérance des probabilités, une décision favorable à la plaignante en l’absence d’une réponse du défendeur. Il s’est également référé au précédent faisant autorité en matière de harcèlement sexuel en milieu de travail, un précédent qui définissait cette notion comme « une conduite de nature sexuelle non sollicitée qui a un effet défavorable sur le milieu de travail ou qui a des conséquences préjudiciables en matière d’emploi pour les victimes de harcèlement »54. Le Tribunal a quant à lui défini le harcèlement sexuel comme « une pratique dégradante en milieu de travail qui inflige un grave affront à la dignité des employés qui la subissent »55 et comme « une atteinte à la dignité de la personne et à son respect de soi, à la fois comme employé et comme être humain »56. Au vu de la preuve produite, le Tribunal n’a pas hésité à dire que le comportement du défendeur avait instauré un environnement de travail négatif sur le plan psychologique et affectif et donc entrait tout à fait dans l’interdiction énoncée aux art. 7 et 14. Un commencement de preuve ayant été établi, il revenait au défendeur de produire une réponse. Comme on l’a fit, il n’avait pas comparu à l’audience et la décision rendue l’a condamné.

S’agissant de la réparation, le Tribunal ordonna au défendeur de présenter par écrit des excuses à la plaignante, de lui verser l’indemnité maximale pour préjudice moral et perte de respect de soi (5 000 $), ainsi qu’une somme d’argent pour perte de salaire (480 $) parce que la plaignante avait dû effectuer des recherches et se préparer pour l’audience.

DéficienceTE \l2 "Déficience

L’incidence prétendument discriminatoire de dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu57 qui exigent l’inclusion dans le revenu imposable d’une bourse d’études liée à une déficience a été examinée dans l’affaire Wignall c. Ministre du Revenu national58. Le plaignant était un étudiant universitaire à temps partiel dont la surdité l’obligeait à avoir en classe des interprètes du langage par signes. L’université lui avait fourni au départ de tels interprètes, mais elle lui avait aussi demandé de trouver d’autres sources de financement susceptibles d’amortir les frais ainsi engagés. Il a donc demandé et reçu 3 000 $ du gouvernement du Canada à titre de Subvention pour initiatives spéciales pour les étudiants ayant une déficience permanente. Il remit donc cette somme à l’université afin d’amortir les frais de l’interprétation en langage par signes. Un feuillet supplémentaire T4A fut par la suite délivré au plaignant, pour l’informer que la subvention devait être incluse dans son revenu pour l’année d’imposition au cours de laquelle il l’avait reçue. Comme la subvention était affectée exclusivement au paiement des frais extraordinaires résultant de la déficience du plaignant, celui-ci considéra que l’inclusion de la subvention dans sa déclaration de revenus était injuste et discriminatoire.

Analysant la plainte, le Tribunal s’est référé abondamment à l’interprétation donnée pour les droits à l’égalité garantis par l’art. 15 de la Charte. Le Tribunal a été guidé dans son analyse par trois grandes pistes définies par la Cour suprême du Canada dans Law c. Canada (Ministère de l’Emploi et de l’Immigration)59. D’abord, peut-on dire que la loi contestée établit une distinction formelle entre le revendicateur et d’autres personnes en raison d’une ou de plusieurs caractéristiques personnelles, ou qu’elle ne tient pas compte de la situation défavorisée dans laquelle le revendicateur se trouve déjà dans la société canadienne, créant ainsi une différence réelle de traitement ? Deuxièmement, le revendicateur fait-il l’objet d’une différence de traitement au titre d’un motif de distinction illicite ? Finalement, la différence de traitement impose-t-elle un fardeau au revendicateur ou le prive-t-elle d’un avantage d’une manière qui dénote une application stéréotypée de présumées caractéristiques personnelles ou de groupe ou qui a par ailleurs pour effet de perpétuer ou de promouvoir l’opinion que l’individu touché est moins capable ou est moins digne d’être reconnu ou valorisé en tant qu’être humain ou que membre de la société canadienne, qui mérite le même intérêt, le même respect et la même considération ?60 S’agissant plus précisément des personnes handicapées, le Tribunal a pris note de la jurisprudence qui reconnaissait les difficultés rencontrées de longue date par ce groupe, qu’il s’agisse de désavantages, d’isolement ou d’une faible participation au sein de la société en général.

L’obtention d’une subvention pour initiatives spéciales dépendait à la fois des ressources personnelles d’un demandeur et des crédits limités affectés au programme par le gouvernement. Il n’a pas été contesté que, dans le cas du plaignant, l’inclusion dans son revenu de la subvention pour initiatives spéciales n’avait entraîné aucun impôt additionnel sur le revenu. En fait, la totalité de l’impôt sur le revenu retenu à la source pour l’année en question avait été retournée au plaignant à titre de dégrèvement fiscal. La seule répercussion discernable était une légère diminution (25 $) du montant d’un crédit d’impôt provincial auquel le plaignant avait droit.
Pour évaluer la présumée discrimination, le Tribunal a accepté le groupe de référence choisi par le plaignant, c.-à-d. tous les autres étudiants qui reçoivent des subventions et des bourses. Les exigences de la Loi de l’impôt sur le revenu relatives à l’inclusion dans le revenu de toutes les sommes reçues à titre de subventions ou de bourses s’appliquaient sans exception à tous les étudiants bénéficiaires. Le Tribunal n’a donc pu conclure que la loi ou politique applicable établissait une distinction formelle entre le plaignant et les autres au titre d’une caractéristique personnelle. Se demandant ensuite s’il y avait eu véritablement différence de traitement au titre d’une caractéristique personnelle, le Tribunal a jugé que la subvention avait été octroyée non seulement sur la base de la déficience du plaignant, « ... mais également parce qu’il a satisfait au critère de l’examen des moyens d’existence qui régit le Programme de prêts-étudiants du gouvernement du Manitoba, et parce qu’il a accepté d’utiliser les fonds pour acheter des services destinés à lui permettre de composer avec sa déficience dans la salle de classe »61.

Cependant, la politique consistant à traiter la subvention versée au plaignant comme toute autre bourse d’études ignore-t-elle la situation défavorisée dans laquelle le plaignant se trouve déjà au sein de la société ? Sur ce point, le Tribunal a reconnu que, en instituant la subvention pour initiatives spéciales, le gouvernement reconnaissait « ... que les étudiants ayant une déficience avaient besoin d’une aide financière spéciale pour avoir accès à l’enseignement postsecondaire »62. Néanmoins, le refus de soustraire la subvention à l’inclusion dans le revenu aux fins de l’impôt n’équivalait pas à un refus de reconnaître la situation défavorisée dans laquelle se trouvait déjà le plaignant. Le Tribunal a souligné simultanément que d’autres dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu prévoyaient une aide supplémentaire aux Canadiens handicapés, par exemple le crédit d’impôt pour déficience et frais médicaux. Le Tribunal a aussi conclu que « bien que notre régime fiscal soit le reflet de notre politique sociale, il appartient aux législateurs de déterminer le montant de l’aide financière à accorder aux personnes ayant une déficience dans le cadre de ce genre de programmes. Cette aide ne devrait pas être subordonnée à l’établissement d’une exemption fiscale par suite de l’application indirecte d’une disposition de la Loi canadienne sur les droits de la personne portant sur les actes discriminatoires... Les personnes dont la situation financière est meilleure peuvent se retrouver dans la position d’avoir à rembourser une partie de la subvention par le biais de la fiscalité. Toutefois, étant donné que le critère de l’examen des moyens financiers fait partie des critères à satisfaire pour obtenir la subvention en question, les conséquences de son imposition seront toujours minimes »63.

Bien que ce ne fût pas strictement nécessaire pour sa décision, le Tribunal a ensuite examiné la troisième grande question qui se pose dans les cas de présumée discrimination. Il a conclu que l’inclusion de la subvention dans le revenu aux fins de la fiscalité n’équivalait pas à nier au plaignant un avantage d’une manière qui traduisait une attitude stéréotypée à l’endroit des personnes handicapées et qui perpétuait l’opinion selon laquelle elles sont moins capables ou sont moins dignes d’être reconnues comme personnes méritant le même intérêt, le même respect et la même considération. Il a conclu que « l’inclusion de la subvention dans le revenu est compatible avec les droits et obligations de tous et chacun de payer une juste part d’impôt. Le fardeau imposé à M. Wignall en l’occurrence était minime. Ce n’était pas un affront à sa dignité d’être humain que de vérifier son admissibilité à la subvention en fonction du critère du revenu total de toutes autres provenances »64.

Deux points sont au cœur de la décision rendue par le Tribunal dans l’affaire Stevenson c. Service canadien du renseignement de sécurité : le peu de cas fait des besoins d’un employé qui souffrait d’anxiété et de dépression, et la promptitude à le déclarer médicalement inapte à s’acquitter de ses fonctions.65 Le plaignant avait travaillé pour le Service de sécurité de la GRC et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) pendant 26 ans, et il avait atteint le poste de chef de la sécurité interne pour la région de la Colombie-Britannique. Alors qu’il occupait ce poste, le plaignant fut suspecté d’avoir divulgué des renseignements sensibles, mais il fut par la suite exonéré de tout manquement après avoir subi volontairement l’épreuve du détecteur de mensonges. Cette expérience le marqua profondément et accentua son anxiété et sa dépression, un état encore aggravé par une éventuelle mutation latérale qui le conduisit de la sécurité interne aux ressources humaines, mutation qu’il ressentit comme une sanction liée aux accusations initiales portées contre lui. Quelque temps plus tard, il fut informé par son directeur général qu’il était transféré de Vancouver à Ottawa. Cette dernière décision fut prise sans aucune consultation ou discussion préalable avec le plaignant. L’idée d’être transféré à Ottawa accentua encore son niveau de tension, en particulier au sein de sa famille. Sa dépression atteignit alors de nouvelles profondeurs.

Le plaignant prit plusieurs mesures pour retarder son transfert, mais toutes ses démarches furent vaines, hormis un changement que lui consentit son nouveau surveillant pour la date à laquelle il devait rallier son poste à Ottawa. Un mois avant de prendre ses nouvelles fonctions, le plaignant obtint de son médecin de famille un certificat médical qui indiquait qu’il lui faudrait s’absenter du travail pendant une période de trois mois, au cours de laquelle auraient lieu d’autres évaluations et traitements. S’ensuivit une série d’événements au cours desquels un médecin choisi par la direction du SCRS procéda à une évaluation médicale en règle. Le rapport initial préparé par ce médecin décrivait l’angoisse et la dépression dont souffrait le plaignant et mentionnait que la tension additionnelle provoquée par son transfert à Ottawa compliquerait son rétablissement. Elle exprima l’avis qu’après plusieurs mois de thérapie, le plaignant serait probablement en mesure de réintégrer son lieu de travail à Vancouver. Selon elle, il reprendrait au fil du temps suffisamment confiance en lui pour pouvoir entreprendre un transfert à Ottawa, encore qu’il faudrait avant cela effectuer un nouvel examen (dans un délai d’environ six mois). Malgré cette évaluation, la direction du SCRS resta décidée à faire procéder au transfert du plaignant à Ottawa. Puis elle exprima l’avis que, puisque le plaignant était alors « inapte » à remplir ses fonctions, il devrait être renvoyé du Service. Il fut donc officiellement renvoyé pour raisons médicales, environ six mois après avoir obtenu de son médecin de famille le certificat médical qui prescrivait un congé temporaire pour cause de maladie.

Au vu de l’ensemble de la preuve, le Tribunal arriva rapidement à la conclusion qu’un commencement de preuve de discrimination fondée sur la déficience mentale avait été établi. Il fit observer que, dans les jours qui suivirent la demande de congé du plaignant pour cause de stress, [TRADUCTION] « ... sa hiérarchie avait déjà entrepris de trouver le moyen de mettre fin à son emploi ». Le Tribunal a aussi jugé que les propres politiques écrites de l’employeur concernant l’examen médical d’un employé avaient été ignorées ou mal appliquées. Ces politiques prévoyaient qu’un employé devait être jugé « apte », « inapte » ou « apte avec restrictions »66. Dans le cas du plaignant, l’opinion du médecin choisi par l’employeur selon laquelle il devrait pouvoir rester à Vancouver pour raisons médicales afin de faciliter son rétablissement avait simplement été ignorée. Le SCRS n’avait donc pas songé que le plaignant pouvait entrer dans la catégorie « apte avec restrictions » prévue dans ses propres politiques67.

Ayant conclu à l’existence d’un commencement de preuve, le Tribunal s’est ensuite demandé s’il existait une exigence professionnelle justifiée qui pouvait valider les politiques du SCRS en matière de santé. Il a d’abord observé que ces politiques étaient vagues et imprécises à propos de la norme qui devrait être appliquée à un employé dont la capacité d’exercer ses fonctions a été mise en doute. Le Tribunal a accordé qu’un certain niveau de santé mentale et physique était manifestement nécessaire. Il a accordé aussi que la norme à laquelle était soumis le plaignant exigeait de lui qu’il soit mobile. Il a résumé ainsi les principaux éléments de la norme dans l’affaire considérée : 1) capacité d’exécution des tâches assignées, 2) pronostic de rétablissement, et 3) exigence de mobilité.68

Le Tribunal n’a eu aucun mal à conclure que, vu la preuve produite, les deux premiers volets du critère énoncé dans l’affaire Meiorin69 étaient remplis, c’est-à-dire que la norme a été adoptée pour un objet qui présente un lien rationnel avec l’accomplissement des tâches; et que la norme a été adoptée de bonne foi. S’interrogeant ensuite sur le point de savoir si des moyens raisonnables avaient été pris pour tenir compte des besoins du plaignant, sans qu’il en résulte une contrainte excessive, le Tribunal a rappelé que la direction du SCRS était demeurée inflexible sur la date du transfert du plaignant à Ottawa, bien qu’elle eût connaissance du grave état d’anxiété du plaignant et de la psychothérapie qu’il avait entreprise. Le Tribunal a jugé qu’il était [TRADUCTION] « ... difficile de comprendre pourquoi sa hiérarchie refusait de faire exception à l’exigence de mobilité pour un employé qui pouvait à l’époque justifier de 26 ans d’excellents services auprès du Service de sécurité de la GRC et du SCRS. Le report du transfert de juin à septembre et l’offre d’une aide temporaire pour double lieu de résidence ne sauraient constituer une prise en compte suffisante de la déficience de M. Stevenson. L’explication selon laquelle lui et sa famille avaient accès à des ressources médicales à Ottawa était au mieux gratuite. Il ne s’agissait là nullement d’une offre de prise en compte de l’état du plaignant »70.

Le Tribunal s’est aussi déclaré très préoccupé par l’évidente absence de bonne foi dans la manière dont le transfert du plaignant avait été décidé, et dans la manière dont l’examen médical avait ensuite été effectué. Le Tribunal a aussi critiqué l’absence de clarté des politiques du SCRS relatives aux congés de maladie, en faisant valoir que cela suffisait à mettre en doute la pertinence des normes appliquées à la question de la santé des employés. Il a donc jugé que les politiques elles-mêmes du SCRS ne réglaient pas adéquatement la question de la prise en compte des déficiences liées à la santé.

Le Tribunal a ordonné, comme réparation, le versement des sommes suivantes : la rémunération perdue, de telle sorte que les états de service du plaignant atteignent 30 ans plus un jour (avec versements de sommes adéquates pour avantages sociaux et d’un montant brut destiné à compenser les conséquences fiscales d’un paiement forfaitaire), les frais juridiques au montant de 2 000 $ pour conseils obtenus avant le dépôt de la plainte auprès de la Commission, le maximum de 5 000 $ pour préjudice moral (le maximum modifié de 20 000 $ n’étant pas applicable à son cas), ainsi que le maximum de 5 000 $ pour le caractère volontaire et téméraire du comportement discriminatoire (le maximum modifié de 20 000 $ n’étant pas lui non plus applicable). Le Tribunal a aussi indiqué que, si les paiements maximums modifiés avaient été applicables aux deux derniers chefs de réparation, une indemnité beaucoup plus élevée aurait été ordonnée dans les deux cas.

Le renvoi d’un employé pour raisons médicales a de nouveau été examiné dans l’affaire Irvine c. Forces armées canadiennes71. Il s’agissait d’un militaire des Forces armées canadiennes (FAC), qui avait 29 ans d’états de service et qui avait eu une crise cardiaque en mars 1994. À la suite de cet événement, il subit un pontage et retourna au travail (il était technicien en aéronautique) après une brève période de réadaptation. Alors qu’il avait repris ses fonctions, il fut examiné par les médecins des FAC. Le suivi médical consista en examens physiques, en conseils sur le contrôle des facteurs de risque et en ordonnances destinées à réduire le taux de cholestérol. Malgré l’excellence qu’il montrait dans son poste de technicien en aéronautique, il fut renvoyé des FAC en juillet 1995 au motif qu’il n’était pas au plan médical apte à servir. Il déposa par la suite une plainte auprès de la Commission, affirmant qu’il avait été discriminé en raison de sa déficience.

Le Tribunal a examiné en détail les diverses procédures administratives et les diverses politiques sanitaires des FAC qui s’appliquaient au plaignant. D’abord, les FAC utilisent un système de catégories médicales fondé sur des facteurs géographiques et professionnels, dont l’objet est de définir les exigences minimales imposées pour satisfaire au principe de l’universalité du service. Ce principe établit que tous les membres des FAC sont tenus de pouvoir remplir leurs fonctions, y compris d’agir à titre de soldats, quelle que soit leur profession. Les facteurs géographiques et professionnels sont classés numériquement selon un ordre croissant de grandeur. Plus le chiffre est élevé, plus important est le niveau de la limite à la capacité d’un membre de remplir ses fonctions en tant que membre des FAC. Dans le cas du plaignant, la classification minimale pour un emploi de plein exercice était G3O3. Après son pontage, il ne fut jamais capable de dépasser la catégorie G4O3. La classification G4 signifiait qu’il était empêché de « servir en mer ou dans un endroit isolé dépourvu d’un personnel médical »72 et donc qu’il ne pouvait satisfaire au principe de l’universalité du service.

Le processus par lequel on était arrivé à cette classification du plaignant faisait intervenir une commission médicale spécialisée composée de médecins dont la tâche consistait à examiner le dossier médical d’un membre atteint de troubles coronariens. Le comité des troubles coronariens fait des recommandations sur la catégorie médicale à attribuer. Les normes qu’il applique figurent aujourd’hui pour la plupart dans des Lignes directrices de septembre 1995, qui donnent une description détaillée des catégories professionnelles et des facteurs à prendre en compte au moment d’établir les restrictions sanitaires à la capacité d’un membre de s’acquitter de ses fonctions en tant que membre des FAC. Les Lignes directrices de 1995 remplacent celles de 1979 et permettent des évaluations plus individualisées, par opposition aux catégories indûment rigides reflétées dans les politiques alors en vigueur. Ainsi, les politiques de 1979 avaient attribué automatiquement une catégorie médicale de G4O4 à tout membre atteint de troubles coronariens.

Le Tribunal a aussi fait observer que les politiques générales des FAC en matière de santé physique correspondent aux politiques et procédures plus spécifiques des catégories médicales. En pratique, les FAC appliquent un critère de prescription d’exercice appelé EXPRES et obligent ses membres à se classer au-dessus du vingtième rang centile par rapport au classement civil moyen des Canadiens. Le vingtième rang centile signifie que 80 p. 100 de la population civile auraient obtenu de meilleurs résultats. Le Tribunal a aussi reconnu que, « en principe », les FAC utilisaient aussi des normes plus rigoureuses pour la capacité des membres d’exécuter des tâches militaires générales, encore que la preuve ne permît pas d’établir comment ces normes étaient appliquées en réalité. Il a fait remarquer que ces normes avaient été abolies à la suite d’un examen des politiques effectué en 1999, et il a ajouté : [TRADUCTION] « L’examen a permis de constater une grave faiblesse des fonctions militaires générales comme moyen de mesurer les capacités individuelles : nombre des tâches considérées étaient vaguement formulées et ne précisaient pas les paramètres (quand, où, comment) en vertu desquels les fonctions universelles devaient être accomplies, ni, le cas échéant, le niveau individuel de capacité ou la norme de rendement applicable »73.

Le Tribunal n’a eu guère de difficulté à conclure qu’un commencement de preuve de discrimination avait été établi, tant pour la décision de renvoyer le plaignant en raison de sa déficience que pour les procédures et normes des FAC qui traitaient les membres bons pour le service différemment des membres atteints de troubles coronariens en ce qui concernait l’aptitude à accomplir des tâches militaires. Les membres bons pour le service pouvaient prouver leur forme physique en subissant le test EXPRES, tandis que le plaignant n’avait pas cette possibilité. Le Tribunal s’est ensuite demandé si les FAC avaient prouvé que les normes et politiques en questions constituaient une exigence professionnelle justifiée.

Le Tribunal a jugé que les normes et politiques appliquées par les FAC au plaignant présentaient un lien rationnel avec l’objectif de s’assurer qu’un membre était en mesure d’exécuter d’une manière sûre et efficace les tâches de son poste et les tâches militaires générales et qu’elles avaient été adoptées de bonne foi. Cependant, il fallait aussi prouver que ces normes et politiques étaient raisonnablement nécessaires pour accomplir leur objet et qu’on avait pris des mesures pour tenir compte des besoins spéciaux du plaignant sans qu’il en résulte une contrainte excessive. Ici le Tribunal a estimé que les politiques antérieures à 1995 étaient indûment rigides lorsqu’elles attribuaient une catégorie G4 aux membres souffrant de troubles coronariens, et qu’elles ne permettaient pour ainsi dire aucune évaluation individualisée. Il a fait remarquer que les Lignes directrices de 1995 offraient la possibilité d’évaluations davantage individualisées. Certains des facteurs établis par les Lignes directrices en question n’avaient pas été appliqués au cas du plaignant, [TRADUCTION] « ... tels que les tests servant à déterminer la capacité fonctionnelle de M. Irvine, la fréquence et le niveau des soins médicaux requis pour gérer adéquatement la maladie de M. Irvine; et les effets secondaires de restriction de l’employabilité entraînés par la prise de médicaments pour le cœur »74. De plus, l’évaluation du cas du plaignant [TRADUCTION] « ... n’avait pas pris en compte les atouts physiques, professionnels et affectifs de M. Irvine au regard de sa capacité à servir dans les FAC »75.

Le Tribunal a aussi conclu que le refus de retenir le plaignant au sein des FAC par une prise en compte adéquate de son état contrastait vivement avec la décision qui aurait été prise en vertu des règles visant à maintenir les membres dans l’effectif, règles qui avaient été adoptées en novembre 2000. Comme l’a expliqué le Tribunal : [TRADUCTION] « Les membres doivent aujourd’hui être maintenus dans l’effectif aussi longtemps qu’ils peuvent occuper pleinement un poste établi pour leur grade et leur profession au sein de l’armée. M. Irvine entrait dans cette catégorie. Ses commandants ont confirmé qu’il pouvait accomplir les tâches générales et particulières d’un technicien en aéronautique attribuées à son grade. Selon les politiques de novembre 2000, même un membre qui ne peut être déployé vers un théâtre d’opérations à haut risque doit être maintenu dans l’effectif ou réaffecté à un autre poste correspondant à son métier dans l’armée et dont il peut exécuter toutes les tâches normales. Les membres peuvent aussi être assignés à des postes où ils ne sont pas directement exposés aux tâches ou conditions de travail envisagées par les principes de l’universalité du service »76. Le Tribunal a aussi jugé que [TRADUCTION] « les FAC elles-mêmes ont reconnu qu’elles avaient la capacité empirique de prévoir des aménagements pour les membres occupant des postes militaires non essentiels... L’obligation de prévoir des aménagements requiert d’évaluer la capacité des FAC de retenir ses membres dans de tels postes avant qu’elles ne décident de les renvoyer. Aucune évaluation du genre n’a été faite dans le cas de M. Irvine »77.

S’agissant de la réparation (qui, selon le Tribunal, devait tenir compte du fait que le plaignant aurait normalement servi jusqu’à sa retraite en 2003), le Tribunal a refusé, à la demande des parties, de rendre une ordonnance. Il s’est cependant réservé le pouvoir d’entendre la preuve en la matière pour le cas où les parties ne pourraient parvenir à un accord.

Un refus d’embauchage prétendument fondé sur l’idée que le candidat avait une dépendance à l’égard de l’alcool a été examiné par le Tribunal dans l’affaire Crouse c. Société maritime CSL Inc.78 Dans cette affaire, les antécédents professionnels du plaignant à bord de plusieurs navires variaient, mais la preuve laissait voir de nombreux cas de rendement insatisfaisant, ainsi que des épisodes où le plaignant avait été en état d’ébriété durant les heures de travail. La société défenderesse, Société maritime CSL Inc., avait pris la décision (à la suite d’accusations d’ivrognerie au travail et d’incompétence) de ne pas considérer le plaignant pour un emploi futur quelconque. Quelques années plus tard, le plaignant présenta à la société défenderesse sa candidature au poste d’électricien de relève permanent, après avoir remarqué que le poste était affiché au bureau de placement syndical. Très rapidement, le personnel syndical du bureau de placement fut informé par lettre que, en raison des antécédents professionnels du plaignant, la Société maritime CSL Inc. avait refusé sa candidature.

Le Tribunal fit d’emblée remarquer que la dépendance à l’égard de l’alcool est considérée comme une déficience selon la LCDP. De plus, il n’est pas nécessaire de savoir si une telle dépendance existe effectivement pour conclure à l’existence d’une discrimination, le Tribunal soulignant que les décisions en matière d’emploi qui sont prises avec l’idée que tel ou tel candidat souffre de cette déficience peuvent constituer une infraction à la LCDP79. En l’espèce, le Tribunal a conclu à l’existence d’un commencement de preuve de discrimination, en particulier parce que la défenderesse affirmait qu’elle avait fondé sa décision sur les antécédents professionnels du plaignant. Les documents relatant lesdits antécédents et utilisés par la société défenderesse faisaient état de cas d’inconduite liés à l’abus d’alcool de la part du plaignant et à des incidents d’ivrognerie. Le commencement de preuve de discrimination étant établi, il appartenait dès lors à la société défenderesse de fournir une explication raisonnable pour sa décision de ne pas considérer le plaignant.

S’agissant de la position de la défenderesse, le Tribunal fit observer qu’elle ne cherchait pas à établir que, en raison des impératifs de sécurité, la sobriété constituait une exigence professionnelle justifiée. La défenderesse prétendait plutôt que sa décision avait été motivée par des doutes sur l’aptitude du plaignant à exécuter comme il faut les tâches du poste. Le Tribunal avait entendu une preuve considérable sur les aptitudes et l’expérience requises des personnes embauchées comme électriciens de relève permanents à bord des navires appelés vraquiers autodéchargeurs. Il a jugé qu’en fait, si la défenderesse avait décidé de ne pas embaucher le plaignant, c’est parce qu’elle estimait qu’il n’avait pas assez de compétences et d’expérience. Les doutes que la défenderesse avait pu avoir dans le passé à propos de la dépendance du plaignant à l’égard de l’alcool avaient été dissipés, comme le démontrait le fait que le plaignant avait été embauché temporairement par la défenderesse dans un passé récent. Au vu de ces éléments, le Tribunal a conclu que la défenderesse s’était acquittée de son obligation de fournir une explication raisonnable pour sa décision de ne pas embaucher le plaignant.

Les politiques du Service correctionnel du Canada (SCC) refusant aux détenus transsexuels au stade préopératoire l’accès à une chirurgie de changement de sexe ont été examinées par le Tribunal dans l’affaire Kavanagh c. P.G. Canada80. Cette affaire portait aussi sur la décision du SCC de restreindre initialement l’accès de la plaignante à l’hormonothérapie et sur sa décision de placer la plaignante dans un pénitencier pour hommes. Ces politiques et décisions du SCC ont été contestées par la plaignante au motif qu’elles exerçaient contre elle une discrimination fondée sur le sexe et la déficience. L’affaire a été examinée au regard de la discrimination fondée à la fois sur le sexe et la déficience, mais elle est mentionnée ici en raison de sa relation avec un état médical sous-jacent appelé trouble de l’identité de genre.

La situation particulière de la plaignante était qu’elle prenait des hormones femelles depuis l’âge de treize ans. L’impression qu’elle avait d’être une femme habitant un corps d’homme avait débuté à la première enfance. Au moment de son procès et de sa condamnation pour homicide involontaire (1989), elle avait vécu en tant que femme et avait été choisie par une clinique d’identité de genre comme candidate à une opération de changement de sexe. Le juge qui avait prononcé la peine avait recommandé qu’elle soit autorisée à purger sa peine dans une prison pour femmes. Malgré cette recommandation (qui reflétait le propre vœu de la détenue), elle passa les onze années suivantes dans plusieurs pénitenciers pour hommes à haute sécurité ou à sécurité moyenne. Comme on l’a dit, la plaignante a subi une opération de changement de sexe après un règlement à l’amiable de ses plaintes à l’encontre du SCC. Il restait au Tribunal à examiner les politiques du SCC concernant l’accès d’un détenu à une telle opération et le choix de l’établissement à l’intérieur duquel ce détenu purgera sa peine. (La question de l’accès à l’hormonothérapie avait été résolue par l’adoption d’une politique écrite énonçant les conditions auxquelles un tel accès serait permis.)

Une preuve considérable fut présentée au Tribunal par des témoins experts à propos du trouble de l’identité de genre, un syndrome que reconnaissent les milieux médicaux. Ce syndrome est largement défini et englobe un comportement allant du désir d’imiter le sexe opposé, par exemple en s’habillant comme lui, aux situations plus dramatiques de personnes qui se perçoivent comme appartenant effectivement au sexe opposé. Dans de tels cas, le sexe anatomique de l’individu ne concorde pas avec sa véritable identité de genre. C’est cet intense conflit entre la véritable identité de genre et le sexe anatomique manifeste de l’individu qui produit la dysphorie de genre. Cette expression s’entend de l’affliction et du tourment ressenti par les transsexuels que leur sexe biologique rend malheureux.

Les témoins experts ont aussi passé en revue les procédures appliquées pour un diagnostic du trouble de l’identité de genre ainsi que les divers traitements offerts, notamment la psychothérapie, le traitement par les médicaments, l’hormonothérapie pour les sujets engagés dans le processus de transition de genre, et finalement l’opération de changement de sexe. Étant donné le caractère irréversible et effractif de cette opération, les critères de sélection sont rigoureux et requièrent l’accomplissement d’étapes préalables avant que l’opération ne soit entreprise. Les témoins experts se sont accordés sur les aspects fondamentaux du concept de trouble de l’identité de genre, mais ils ont divergé d’opinion sur l’opportunité d’offrir à une personne incarcérée la possibilité de subir une telle opération. L’environnement social singulier des prisons pourrait très bien porter atteinte à la qualité du diagnostic, voire fausser les idées véritables du sujet qui demande l’opération. Il n’y avait pas unanimité sur cet aspect des réalités sociales en milieu carcéral, mais le SCC s’en tenait à sa politique consistant à refuser cette possibilité, en raison des doutes suscités par certains professionnels de la médecine travaillant dans le domaine des troubles de l’identité de genre.

Les politiques écrites se rapportant au placement (le choix de l’établissement carcéral) ainsi qu’à la possibilité de subir une opération de changement de sexe sont claires et non équivoques. Elles prévoient que « sauf si l’opération de changement de sexe a eu lieu, les détenus de sexe masculin seront placés dans des établissements pour hommes » et que « l’opération de changement de sexe ne sera pas considérée durant l’incarcération du détenu »81. Tout aussi claire a été la conclusion initiale du Tribunal concernant la politique de placement : « La politique du SCC exigeant que les détenus ayant une anatomie masculine soient incarcérés dans des établissements pour hommes défavorise manifestement les détenus transsexuels MF au stade préopératoire. Le placement des non-transsexuels est fonction de leur sexe anatomique et de leur genre. Toutefois, le placement des transsexuels est fonction de leur sexe anatomique et non de leur genre. L’avocat du SCC admet volontiers que la politique constitue en apparence une discrimination fondée tant sur le sexe que sur la déficience »82. Il fallait essentiellement se demander si le SCC avait fondé sur un motif justifiable sa politique concernant le placement des transsexuels.

Au soutien de cette politique, des témoins du SCC avaient mis en relief la vulnérabilité de la population carcérale de sexe féminin et l’incidence problématique qu’aurait le placement dans cette population d’un détenu anatomiquement de sexe masculin. La preuve sur ce point fut quelque peu subjective, mais le Tribunal a estimé qu’elle avait été renforcée par des études objectives sur les besoins des détenus de sexe féminin, ainsi que par les vues de l’un des témoins experts. Il a conclu que les difficultés que les détenus de sexe féminin avaient avec les hommes trouvaient en partie leur source dans des expériences pénibles marquées par des abus physiques, psychologiques et sexuels. Plus simplement, elles constituaient un groupe vulnérable qui était fondé à voir ses besoins reconnus et respectés. Ce n’était donc pas une solution raisonnable, comme on l’avait soutenu, de placer dans un pénitencier pour femmes des transsexuels au stade préopératoire. Le Tribunal a aussi conclu qu’il n’était ni possible ni souhaitable de placer dans des établissements totalement séparés les transsexuels en transition qui en sont au stade préopératoire, en soulignant le nombre extrêmement faible des détenus de cette catégorie, les difficiles problèmes logistiques et les questions de réadaptation.

Malgré ses conclusions sur ces deux solutions de remplacement, le Tribunal a néanmoins décidé que la politique, dans sa forme actuelle, était injustifiée « car celle-ci ne tient pas compte de la vulnérabilité particulière des détenus transsexuels au stade préopératoire »83. Autrement dit, le SCC n’avait pas pris de moyens raisonnables pour offrir des aménagements aux membres de ce groupe. Le Tribunal a jugé que toute politique future « doit tenir compte de l’effet différentiel que le placement des détenus en fonction de leur anatomie a sur les détenus transsexuels. Le risque de victimisation inhérent au milieu carcéral doit également être pris en compte. Enfin, il faut que les dirigeants du secteur correctionnel examinent le cas de chaque transsexuel de concert avec des professionnels de la santé qualifiés avant son placement dans une des catégories d’établissements pénitentiaires pour hommes... »84. Il a donc ordonné qu’une nouvelle politique de placement des détenus transsexuels soit formulée en concertation avec la Commission, pour qu’il soit tenu compte de leurs besoins particuliers de placement.

S’agissant de l’accès à l’opération de changement de sexe, le Tribunal n’a eu guère de difficulté à dire qu’il y avait un commencent de preuve de discrimination. Selon lui, l’opposition générale du SCC à ce genre d’opération durant la période d’incarcération équivalait à refuser un service médical aux détenus transsexuels qui de l’avis de professionnels de la médecine pouvaient être de bons candidats pour l’opération en question. Ce refus de services médicaux (qu’ils soient classés comme essentiels ou facultatifs) équivalait à une discrimination fondée à la fois sur le sexe et sur la déficience. Puis le Tribunal s’est demandé si le SCC avait fondé l’interdiction sur un motif justifiable.

Puisque le fondement rationnel de la politique et la bonne foi de ceux qui l’avaient établie pouvaient être facilement démontrés, le Tribunal a analysé la question en se demandant si l’interdiction était raisonnablement nécessaire, en ce sens qu’aucun aménagement ne pouvait être offert aux transsexuels au stade préopératoire sans qu’il en résulte une contrainte excessive. Il a fait observer que de sérieux doutes avaient été soulevés dans la preuve à propos de la possibilité pour des transsexuels incarcérés de remplir une condition préalable essentielle afin de pouvoir être retenus comme candidats à une opération de changement de sexe, à savoir l’accomplissement véritable d’une expérience de vie en tant que membres du sexe cible. Selon les mots du Tribunal :
« Nous partageons l’opinion des experts appelés par le SCC, à savoir que l’exigence de l’expérience pratique énoncée dans le protocole de traitement ne puisse être remplie de façon satisfaisante en milieu carcéral. Il ressort de l’ensemble des témoignages que les transsexuels au stade préopératoire doivent être en mesure d’interagir à la fois avec des hommes et des femmes dans leur vie quotidienne pour répondre de façon satisfaisante à l’exigence de l’expérience pratique... Ces individus peuvent-ils acquérir l’expérience pratique voulue durant leur incarcération dans des pénitenciers pour hommes ? Nous pensons que non... Le but de l’expérience pratique est d’évaluer la détermination du patient visàvis de l’inversion sexuelle chirurgicale, de même que la capacité de l’intéressé de vivre en tant que membre du sexe cible. On vérifie la détermination du patient en exigeant qu’il s’expose à perdre son emploi et à s’aliéner sa famille et ses amis, tout en étant prêt à subir l’opprobre social que risque de susciter la décision de vivre comme membre du sexe cible. Contrairement à la société en général, le milieu carcéral, de par sa nature artificielle, comporte des renforcements positifs ou négatifs susceptibles de déformer l’expérience de l’intéressé, d’où l’impossibilité de se fier sur l’expérience pratique pour vérifier si l’intéressé est vraiment déterminé, sa capacité de fonctionner comme membre du sexe cible et le caractère adéquat du soutien social, économique et psychologique dont il bénéficie. Par conséquent, l’expérience pratique acquise en milieu carcéral n’est pas un indicateur fiable de l’aptitude d’un détenu à subir l’inversion sexuelle chirurgicale »85.

Cette conclusion réduit considérablement le nombre déjà faible de détenus qui pourraient être des candidats à une opération de changement de sexe, mais le Tribunal a estimé qu’elle ne justifiait pas l’interdiction absolue actuellement énoncée dans les politiques du SCC. Cette interdiction ne pouvait se justifier que si le SCC prouvait que nul ne pourrait véritablement répondre aux conditions d’admissibilité réglementant l’accès à « un traitement médical légitime d’un état médical reconnu »86. Le Tribunal a donné un seul exemple de cas où un individu pourrait très bien répondre aux exigences, à savoir le cas où le sujet « aurait satisfait à l’exigence de l’expérience pratique avant son incarcération »87. Sur la question de savoir qui pourrait juger de l’aptitude d’un détenu à subir l’opération, le Tribunal a indiqué que la décision devrait être prise par les médecins qui avaient suivi le sujet tout au long du processus de transition antérieur à l’incarcération (sauf entente contraire du détenu et du SCC).

Le SCC n’ayant pas démontré que des aménagements raisonnables ne pouvaient être apportés sans qu’il en résulte une contrainte excessive, le Tribunal a jugé que l’interdiction générale engendrait une discrimination fondée sur le sexe et la déficience. Il a donc ordonné au SCC de ne plus appliquer la politique en question, mais a suspendu son ordonnance pendant une période de six mois pour permettre au SCC de consulter la Commission afin de formuler une nouvelle politique conforme aux motifs énoncés dans sa décision.


Dans l’affaire Eyerley c. Seaspan International, le Tribunal a été appelé à se prononcer sur l’obligation faite à un employeur de prendre des mesures d’adaptation, sans que cela lui impose une contrainte excessive, afin de tenir compte des besoins spéciaux d’un employé ayant une déficience88. L’affaire concernait un employé qui, entre 1989 et 1996, avait travaillé seulement l’équivalent de 17,5 % des 2 662 jours pendant lesquels il avait été inscrit sur la feuille de paye de l’entreprise intimée. Son absentéisme résultait en grande partie d’une blessure au poignet droit qu’il avait subie du fait de son travail et qui l’empêchait de remplir certaines des fonctions de son poste de matelot de pont-cuisinier à bord des remorqueurs côtiers exploités par l’intimé. En raison de sa blessure (qui l’avait obligé à s’inscrire à diverses reprises au régime d’indemnisation des accidentés du travail), M. Eyerley a demandé à être affecté sur de plus petits remorqueurs équipés d’un dispositif de manœuvre plus léger afin d’éviter les tâches lourdes et ardues. Seaspan n’était pas disposée à fournir à l’employé une garantie à cet égard, se contentant de lui offrir un poste à bord de petits navires lorsque la chose était possible du point de vue administratif. Le travail à bord des petits navires s’est révélé également difficile pour l’employé, qui est parti une autre fois en congé d’invalidité le 18 juillet 1995. Finalement, compte tenu des rapports médicaux et des conclusions de la Commission des accidents du travail suivant lesquels il était peu probable que l’employé reprenne ses fonctions de matelot de pont-cuisinier dans un avenir rapproché, l’entreprise a mis fin à son emploi le 8 novembre 1996 pour cause d’absentéisme involontaire. Le 7 mai 1998, M. Eyerley a déposé une plainte de discrimination au travail fondée sur la déficience.

Pour sa défense, l’entreprise intimée a fait valoir que la cessation d’emploi en raison de l’impossibilité d'exécution d'un contrat (absentéisme involontaire) ne constituait pas une pratique discriminatoire fondée sur la déficience. Ainsi, a soutenu l’entreprise, les faits de la plainte ne permettaient pas d’établir une preuve prima facie de discrimination. L’entreprise a fondé son argument sur des cas jurisprudentiels de congédiement injustifié où la défense avait invoqué le principe d’annulation d’un contrat devenu inexécutable. Le Tribunal a rejeté cet argument en soulignant qu’aucun des cas cités n’avait examiné précisément la question de l’incidence de la législation en matière des droits de la personne sur l’impossibilité d'exécution d'un contrat. Il a invoqué à cet effet une décision arbitrale suivant laquelle un employeur a droit à sa juste part du marché, c’est-à-dire l’exécution du travail par l'employé. Cependant, lorsque les règles d’emploi entraînent des conséquences négatives sur une personne ayant une déficience, il convient que l’arbitre détermine si l'employeur a pris toutes les mesures d’adaptation nécessaires jusqu’à ce qu’il en résulte pour lui une contrainte excessive89. De plus, le Tribunal a souligné que même les décisions arbitrales citées par Seaspan reconnaissaient que le principe de l’absentéisme involontaire ne s’appliquait pas librement et qu’il était en fait assujetti aux restrictions de la législation sur les droits de la personne.

Ayant donc jugé que les éléments de preuve dont il était saisi établissaient une preuve prima facie de discrimination fondée sur la déficience, le Tribunal s’est tourné vers la question des mesures d’adaptation. La norme de travail en question, à savoir qu’un employé doit maintenir un niveau raisonnable d’assiduité au travail, était clairement rattachée aux exigences légitimes de Seaspan en matière de travail. Pourtant, même lorsqu’une norme est raisonnablement nécessaire, l’employeur est obligé de prendre des mesures d’adaptation pour tenir compte de la déficience d’un employé jusqu’à ce qu’il en résulte pour l’employeur une contrainte excessive. Pour ce qui est de savoir ce qui constitue une contrainte excessive, le Tribunal a adopté des critères reconnus qui ont été déterminés par la Cour suprême, tels les coûts financiers, l’interchangeabilité de l’effectif et des installations, les conventions collectives, l’ingérence notable dans les droits et le moral des autres employés et la sécurité des employés. Il a fait observer que la question des mesures d’adaptation devait être examinée sur deux plans : sur le plan procédural, afin de déterminer dans quelle mesure l’employeur tient compte de tous les aspects viables de l’adaptation; sur le plan du fond, afin d’évaluer le caractère raisonnable des mesures d’adaptation mises en place ou les raisons pour lesquelles l’employeur ne prend aucune mesure90.

Au regard de la preuve dont il disposait, le Tribunal a jugé que Seaspan, en fait d’adaptation, n’avait qu’examiné la demande d’affectation sur des petits remorqueurs que le plaignant (M. Eyerley) avait présentée. L’entreprise avait bien fait comprendre, cependant, qu’elle n’avait pas l’intention d’organiser ses équipages en fonction de l’état du poignet de M. Eyerley et que ce dernier devait être en mesure de travailler sur n’importe quel de ses navires. Le Tribunal a noté que Seaspan exploitait une flotte variée de bateaux dont certains (tels les transbordeurs et les remorqueurs navettes) nécessitaient l’exécution de manœuvres beaucoup moins lourdes et mieux adaptées à la déficience du plaignant. Bien que le Tribunal n’ait pas été en position de déterminer si des obstacles auraient empêché le plaignant, pour des raisons valables, de remplir d’autres tâches, il a jugé que l’employeur n’avait pas envisagé cette possibilité tout comme il n’avait pas examiné attentivement l’aptitude de M. Eyerley à exécuter diverses fonctions.

Au moment de déterminer le redressement qu’il convenait d’accorder, le Tribunal a jugé important de tenir compte des contraintes physiques incontestables auxquelles le plaignant faisait face. Il a rejeté les arguments voulant qu’une ordonnance de dédommagement pour perte de salaire soit rendue, parce que le plaignant avait touché des prestations de réadaptation professionnelle jusqu’au 31 décembre 1998 et qu’il était de toute façon inapte pour raison de santé (au regard de la preuve présentée) à remplir les fonctions de matelot de pont-cuisinier. Quant aux autres postes qui auraient pu être offerts au plaignant, le Tribunal a jugé qu’une ordonnance de dédommagement pour perte de salaire ne pourrait qu’être fondée sur des conjectures et des éléments ayant peu de rapport avec les faits de l’espèce. Il a également refusé d’ordonner à l’intimé de réembaucher le plaignant et de lui offrir le premier poste d’officier de pont disponible. Prendre une telle mesure, a fait valoir le Tribunal, reviendrait à passer outre aux pratiques d’évaluation normales de Seaspan et à faire abstraction du fait que le plaignant n’avait pas encore terminé le programme de recyclage professionnel et obtenu sa carte de qualification d’officier de pont, et que ce poste comportait des fonctions épisodiques de matelot de pont que le plaignant était inapte à remplir.

Après avoir examiné en bout de ligne la possibilité de confier au plaignant un travail de matelot de pont à bord de remorqueurs, le Tribunal a constaté qu’il serait fort possible pour le plaignant de remplir les fonctions allégées que comporte ce travail et que les facteurs de risque et de sécurité étaient beaucoup moins importants qu’à bord d’autres types de remorqueurs exploités par Seaspan. Il a par conséquent ordonné à l’entreprise de prendre les arrangements nécessaires (à ses frais) pour faire subir au plaignant un examen médical visant à déterminer sa condition physique et son degré d’invalidité. Il a ordonné en outre qu’une évaluation professionnelle exhaustive soit faite des fonctions d’un matelot de pont à bord des remorqueurs. Dans le cas où, à l’issue de l’examen médical, le plaignant serait déclaré apte à exercer les fonctions de matelot de pont à bord des remorqueurs, le Tribunal a ordonné à Seaspan d’offrir au plaignant le premier poste permanent du genre qui serait disponible (sans égard à l’ancienneté). Toutefois, l’entreprise ne devait libérer aucun des postes occupés de cette catégorie dans le seul but de répondre aux besoins d’adaptation du plaignant. En dernier lieu, le Tribunal a ordonné qu’une indemnité de 5 000 dollars soit versée au plaignant pour le préjudice moral qu’il a subi.


Race/Origine nationale ou ethniqueTE \l2 "Race/Origine nationale ou ethnique

Le Tribunal a rendu une décision approfondie dans l’affaire Chopra c. Santé nationale et Bien-être social91, une affaire concernant une plainte individuelle de discrimination raciale (ainsi que de discrimination fondée sur l’origine nationale ou ethnique). Déposée à l’origine en septembre 1992, la plainte a été instruite par un tribunal sur une période de plusieurs jours en septembre et octobre 1995. Une décision a été rendue en mars 199692 rejetant les allégations selon lesquelles le plaignant avait subi un traitement discriminatoire dans les opérations de dotation se rapportant à un poste de gestion au ministère de la Santé nationale et du Bien-être social. Cette décision fut infirmée en appel parce que le Tribunal avait commis une erreur de droit en excluant la preuve d’expert se rapportant aux questions de discrimination systémique93. Le Tribunal avait exclu la preuve générale d’un problème systémique à Santé Canada, preuve que le plaignant (et la Commission) avaient espéré utiliser pour établir une preuve circonstancielle permettant de conclure qu’une discrimination avait eu lieu dans le cas particulier du plaignant. La Cour fédérale renvoya l’affaire au « tribunal initial » pour qu’il en dispose sur la base du dossier de l’audience antérieure et de toute preuve statistique complémentaire que le plaignant ou la Commission avait voulu produire, ainsi que sur la base des documents que le ministère défendeur pourrait vouloir produire en réponse. Comme le tribunal initial ne pouvait être reconstitué, un nouveau tribunal fut mandaté pour réexaminer l’affaire à la lumière du jugement de la Cour fédérale.

Plusieurs questions de preuve ont été examinées au cours de la nouvelle instruction. Il y avait notamment la question du champ des preuves nouvelles qui seraient autorisées, en particulier celles qui se rapportaient au défendeur. Le Tribunal a décidé que Santé nationale et Bien-être social devrait être autorisé à produire de nouveaux éléments de preuve même s’ils se rapportaient à des pièces déjà présentées au tribunal initial. Selon lui, la preuve statistique pouvait renforcer les détails de l’argumentation du plaignant. Comme l’évaluation initiale faite par le ministère défendeur du prétendu commencement de preuve présenté à son encontre intéressait le genre de preuve qu’il avait choisi de produire dans sa défense à l’audience initiale, le Tribunal a décidé que, en toute équité, le ministère défendeur devait être autorisé à produire des éléments de preuve qui allaient au-delà des stricts faits et points soulevés par la nouvelle preuve statistique. Simultanément, le Tribunal jugea que le ministère défendeur ne pouvait tenir sa preuve en réserve et demander, à la fin des arguments du plaignant, que les allégations soient rejetées parce qu’elles ne permettaient pas d’établir un commencement de preuve. Autrement dit, il faudrait que le ministère défendeur choisisse de ne pas produire de preuves sur le fond des allégations s’il décidait sur cette base de présenter une requête en rejet des allégations, ce que finalement il refusa de faire94.

Le Tribunal a aussi énoncé les principes qui allaient le guider dans les conclusions de fait tirées par la formation initiale. Il a fait valoir qu’il serait imprudent pour lui d’entreprendre de réévaluer les dépositions de témoins qu’il n’avait pas directement entendus. Cependant, si de nouvelles preuves étaient reçues, il appartiendrait au Tribunal de réévaluer la question à laquelle elles se rapportaient. S’agissant des aspects non rattachés à de nouvelles preuves, le Tribunal a estimé qu’il était quand même fondé à les réévaluer s’il jugeait que le premier tribunal avait commis « une erreur palpable ou manifeste dans l’évaluation des faits ou une erreur dans ses conclusions de droit »95. Abstraction faite de ces aspects, le Tribunal jugea qu’il devrait déférer aux conclusions de fait tirées par le premier tribunal.

La décision du Tribunal explique en détail les faits entourant les allégations de discrimination raciale. La manière dont le concours pour ce poste s’est déroulé, le fait qu’il a été pourvu temporairement et la nomination ultime du candidat reçu (durant la période 1990-1992) sont les principaux aspects qui ont retenu l’attention du Tribunal. S’agissant du concours final (mars-avril 1992), le Tribunal a conclu que le plaignant avait été éliminé en raison de son manque d’expérience de la gestion. Comme l’échec du plaignant à figurer sur la liste des candidats qualifiés résultait de l’application d’un critère objectif, le plaignant n’avait pas réussi à établir un commencement de preuve de discrimination96. Néanmoins, la preuve présentée au Tribunal soulevait, quant à une possible discrimination exercée contre le plaignant, d’autres aspects prenant la forme d’un déni de possibilités. Comme le Tribunal l’a fait observer : « ... La question la plus importante et inquiétante consiste à savoir s’il existe des éléments de preuve permettant d’établir un lien entre le manque d’expérience en gestion du Dr Chopra et les actes ou omissions de l’employeur et, le cas échéant, si ces actes et omissions sont d’une façon ou d’une autre attribuables à un traitement différent fondé sur un motif illicite aux termes de la LCDP »97.

La réponse donnée à cette question a été finalement affirmative. Au soutien de sa conclusion, le Tribunal a signalé plusieurs choses : (i) le fait que le ministère n’avait pas nommé le plaignant directeur intérimaire, (ii) la nomination de quelqu’un d’autre comme directeur intérimaire même si cette personne ne répondait pas aux qualités requises indiquées, (iii) l’hypothèse énoncée par un cadre supérieur selon laquelle certains groupes culturels n’avaient pas les « compétences non techniques » comme l’aptitude à communiquer, à influencer et à négocier98. Le fait qu’il n’a pas été nommé à titre intérimaire était crucial, vu l’ensemble des circonstances. Comme l’a déclaré le Tribunal : « Les conséquences de la négligence de Santé Canada à donner au Dr Chopra la chance d’occuper ce poste à titre intérimaire lorsque l’occasion s’est présentée sont importantes. Si le Dr Chopra avait exercé les fonctions du poste pendant la totalité ou une partie de la période précédant le concours final, il aurait acquis l’expérience de gestion récente nécessaire pour franchir l’étape de la présélection »99. Au lieu de cela, le défendeur a nommé une personne qui n’était pas membre d’une minorité visible pour qu’il occupe le poste à titre intérimaire, et qui ne répondait pas aux exigences officielles du poste. S’agissant du plaignant, le Tribunal a estimé « ... que, essentiellement, l’on n’a aucunement réfléchi à l’idée de nommer le Dr Chopra, car on croyait simplement qu’il n’avait pas les [TRADUCTION] « compétences non techniques » nécessaires, comme le voulait la perception générale du sous-ministre adjoint à l’égard de certaines personnes de cultures diverses. J’estime que cette conclusion est plus probable que les autres conclusions possibles. Au regard du critère énoncé dans O’Malley, je suis persuadé que la preuve est suffisante pour justifier un verdict en faveur du plaignant en l’absence de réplique de la part de l’intimé, et que le plaignant et la Commission ont établi une preuve prima facie de discrimination, de sorte qu’il incombe à l’intimé de fournir une explication raisonnable pour justifier ses actes. »100

Le ministère défendeur a ensuite signalé le manque de compétences du plaignant en matière de gestion pour justifier la décision de ne pas le nommer à titre intérimaire. Vu les incohérences de la preuve concernant les opérations effectuées pour pourvoir le poste à titre intérimaire et, chose plus importante, le fait avéré que la personne nommée à ce titre n’avait pas les qualités requises pour le poste, le Tribunal a estimé que l’explication donnée par le défendeur constituait un prétexte. Puisque le défendeur ne pouvait s’acquitter du fardeau de la preuve, la plainte a été jugée fondée, du moins dans la mesure où elle se rapportait au fait que le défendeur n’avait pas offert au plaignant la possibilité de devenir directeur à titre intérimaire101. Pour la réparation, le Tribunal a choisi de laisser les parties négocier un compromis acceptable, mais s’est réservé le pouvoir d’entendre des arguments sur cette question en cas d’échec de la conciliation.

La preuve statistique concernant la discrimination systémique, qui avait été exclue lors de la première audience, n’a joué aucun rôle notable dans la conclusion du Tribunal selon laquelle le ministère défendeur avait exercé une discrimination contre le plaignant. Néanmoins, les vues du Tribunal sur ce point donnent une idée de la manière dont cette preuve sera probablement traitée dans l’avenir. Comme l’a constaté le Tribunal, la Cour fédérale a établi que la preuve statistique d’une discrimination systémique peut être produite en tant que preuve circonstancielle d’une discrimination probable dans un cas donné. Cependant, dans une plainte individuelle, une preuve additionnelle doit être produite qui rattache les données statistiques aux actes particuliers de présumée discrimination. Dans l’affaire qui lui était soumise, le Tribunal a souligné que « ... même si on établissait l’existence d’obstacles systémiques à l’accès des membres des minorités visibles à la catégorie EX, il faudrait, pour établir une preuve prima facie, que la Commission démontre qu’il existe un lien entre cette preuve et la preuve - tant directe que circonstancielle - de discrimination dans le cas particulier du Dr Chopra »102.

Le Tribunal a jugé que la preuve d’expert présentée par la Commission souffrait de sérieuses lacunes méthodologiques qui la rendaient peu fiable. Les réserves de main-d’œuvre ou « groupes de relève » utilisés par le témoin de la Commission pour quantifier les membres des minorités visibles aptes à être promus à des postes EX ou à des postes de gestion furent jugés inadéquats. Par exemple, les données sur le personnel étaient distribuées entre deux grandes catégories parmi lesquelles étaient faites les nominations aux postes EX, catégories qui ne rendaient pas compte des nombres relatifs attribuables à chaque groupe. Il en avait résulté une surestimation du nombre des candidats possibles dont on pouvait supposer qu’ils appartenaient aux minorités visibles. Le témoin de la Commission avait également utilisé une analyse « statique » pour établir les taux de représentation des minorités visibles, par opposition à une analyse fondée sur le « flux de candidats ». L’analyse statique détermine le taux de représentation à une période précise, tandis que l’analyse du flux de candidats le détermine sur une période de temps. Le Tribunal a estimé que l’emploi d’une analyse « statique » n’offrait pas de données fiables sur les modèles de recrutement au fil du temps, données qui étaient importantes pour établir une preuve circonstancielle de discrimination. Le Tribunal a aussi critiqué la méthode employée par le témoin expert à cause de l’absence de tests statistiques des constatations. La quantité relativement faible des données pouvait rendre inefficaces ces tests statistiques, mais le Tribunal a fait observer que « ... si les chiffres sont «trop petits», il n’y a pas de justification logique à laisser entendre qu’il existe des obstacles discriminatoires à l’accès des membres des minorités visibles à la catégorie EX »103.

Une autre question de preuve examinée par le Tribunal concernait la préclusion pour question déjà tranchée. Dans son argumentation finale devant le Tribunal, la Commission avait fait observer que la question de la discrimination systémique aux niveaux de la haute direction du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social avait déjà été débattue et décidée dans un autre cas (ACNRI)104. La Commission a donc soutenu que le ministère défendeur devrait être empêché de soulever de nouveau un point sur lequel une décision avait déjà été rendue (décision qui confirmait la validité de l’allégation). L’affaire antérieure de l’ACNRI concernait une plainte selon l’art. 10 de la LCDP, où l’on affirmait que le Ministère se livrait à la discrimination dans une politique ou pratique qui privait ou tendait à priver une catégorie de personnes (des minorités visibles) de possibilités d’emploi. Le Dr Chopra était à la fois témoin dans cette instance et, à l’époque, président du Comité sur l’équité en matière d’emploi de l’ACNRI. Après examen du droit applicable à la préclusion pour question déjà tranchée, le Tribunal a conclu que, même si les points soulevés dans les deux cas étaient semblables, les groupes effectifs d’employés visés par l’examen étaient suffisamment distincts pour rendre inapplicable le principe de la préclusion pour question déjà tranchée. Par ailleurs, la Commission elle-même avait en fait renoncé au droit qu’elle aurait pu avoir de plaider cette préclusion puisqu’elle avait produit une preuve sur la question de la discrimination systémique et n’avait pas soulevé la question plus tôt au cours de l’instance. Le résultat semblait différer du résultat obtenu dans la décision antérieure relative au recours collectif, mais le Tribunal a souligné qu’il serait arbitraire pour lui d’annuler ses propres conclusions, fondées sur la preuve qu’il avait effectivement entendue (et qui avait été produite par la Commission elle-même), en faveur de conclusions fondées sur une preuve qui était sensiblement différente et qui avait été produite dans une autre instance.

Dans l’affaire Nkwazi c. Service correctionnel du Canada105, des allégations de discrimination fondées sur la race et la couleur dans le milieu de travail ont été acceptées en partie par le Tribunal. La plaignante est une femme de race noire née au Zimbabwe, qui avait immigré au Canada en 1983. Après avoir obtenu un baccalauréat en sciences (et perfectionné auparavant ses compétences d’infirmière), elle avait accepté un emploi à temps partiel en octobre 1995, au Centre psychiatrique régional (CPR) du Service correctionnel du Canada à Saskatoon. Son statut d’infirmière au CPR était celui d’une employée occasionnelle, et il était régi par les conditions d’un contrat de trois mois, ce qui signifiait qu’elle était appelée au travail lorsqu’on avait besoin d’elle. Son contrat d’employée occasionnelle fut renouvelé neuf fois, même s’il prévoyait qu’elle ne pouvait travailler plus de 125 jours au cours d’une période de 12 mois.

La présumée discrimination envers la plaignante avait été exercée alors que se déroulait un concours à un poste d’infirmière vacataire. La preuve (examinée en détail dans la décision du tribunal) avait permis d’établir qu’un membre de la direction avait tenté d’exclure la plaignante de ce concours en insistant, d’une manière injustifiée, pour qu’elle prenne une période de repos d’une semaine commençant le jour anniversaire de la date à laquelle elle avait débuté son travail au CPR. Il a été allégué par le défendeur (faussement) que tous les employés occasionnels devaient prendre une pause d’une semaine à la fin de chaque période de travail de 12 mois. Dans le cas de la plaignante, la présumée période de repos coïncidait avec le concours au poste d’infirmier et avec un délai exceptionnellement bref réservé aux mises en candidature. Le Tribunal a estimé que seule la plaignante avait été l’objet d’une tentative délibérée d’exclure du concours les employés occasionnels (en faisant en sorte qu’ils n’en aient pas connaissance). Aucun employé de race blanche n’avait été l’objet de telles mesures. Le Tribunal a donc conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la race et la couleur de la plaignante étaient les facteurs qui avaient motivé les mesures prises par la direction du CPR. Malgré la tentative de l’exclure, la plaignante a plus tard posé sa candidature au poste d’infirmière vacataire, mais elle n’a pas réussi à figurer sur la liste d’admissibilité.

Les mauvais résultats de la plaignante au concours s’expliquaient par la nervosité causée par le fait que l’auteur lui-même des moyens pris pour l’exclure du concours siégeait dans le jury qui évaluait les candidats. Le Tribunal a donc conclu que la plaignante avait été défavorisée par rapport aux autres dans le déroulement du concours. Le Tribunal n’a pu affirmer que les agissements de la direction avaient effectivement nié à la plaignante l’accès au poste en question, mais il a indiqué que les agissements en question seraient pris en compte dans l’évaluation du préjudice.

Plus graves encore aux yeux du Tribunal étaient les allégations d’intimidation de la plaignante après qu’elle eut déposé sa plainte de traitement discriminatoire, en particulier le non-renouvellement du contrat de la plaignante à titre d’employée occasionnelle. La direction du Service correctionnel du Canada affirma que cette décision avait été prise pour cause de mauvais rendement, mais le Tribunal n’a pu trouver aucune preuve crédible à l’appui de cette prétention. Le témoignage produit était vague et dépourvu de tout détail se rapportant au rendement de la plaignante comme infirmière au service du CPR106.

Le Tribunal a reconnu que les dispositions actuelles de la LCDP font des représailles un acte discriminatoire autonome, mais les événements se rapportant à cette plainte étaient antérieurs aux modifications législatives qui avaient introduit les dispositions en question. S’est alors posée la règle de la non-rétroactivité d’une nouvelle disposition, règle qui empêchait le Tribunal de considérer les représailles comme fondement autonome d’une responsabilité selon la LCDP. Cependant, le Tribunal a jugé que de telles représailles pouvaient être prises en compte dans l’évaluation du préjudice qui avait résulté de la discrimination subie par la plaignante à l’occasion du concours organisé pour le poste d’infirmier.

Eu égard à la relation entre les représailles et l’acte discriminatoire initial, le Tribunal a ordonné au Service correctionnel du Canada de réintégrer la plaignante, dès que cela serait raisonnablement possible, dans son poste d’employée occasionnelle au RPC pendant une période de trois mois, et de renouveler le contrat par la suite en fonction des besoins de l’établissement. Il a aussi ordonné une indemnité au titre de la perte de salaire, en tenant compte d’une référence incongrue qui avait été donnée à un autre éventuel employeur de la plaignante107. La plaignante était préoccupée de ce que les commentaires négatifs de la direction du CPR se répandent dans les milieux de la santé si elle décidait de chercher trop activement un autre emploi, et cela avait gêné ses efforts en vue de trouver un autre emploi. S’agissant des dommages-intérêts non pécuniaires pour préjudice moral et au titre du caractère délibéré et téméraire des actes discriminatoires, le Tribunal a jugé que les dispositions actuelles de la LCDP (entrées en vigueur en juin 1998) qui permettent un maximum de 20 000 $ au titre des deux chefs de préjudice ne devraient pas s’appliquer à des événements survenus avant l’entrée en vigueur des dispositions108. Cependant, le Tribunal a accordé la réparation maximale de 5 000 $ prévue par la LCDP avant les modifications de 1998.

L’impossibilité de prouver le bien-fondé d’allégations de discrimination devant le Tribunal tient souvent à la crédibilité de témoins. Dans l’affaire Wong c. Banque Royale du Canada109, c’est le manque de crédibilité de la plaignante elle-même qui a conduit au rejet de la plainte. Une relation conflictuelle s’était développée entre la plaignante et son employeur, avec lequel elle travaillait depuis environ deux ans et demi. Des désaccords avaient surgi concernant les évaluations de rendement et l’incapacité de la plaignante à obtenir les promotions qu’elle estimait mériter. À un certain moment, son état dépressif fut tel qu’elle fut incapable de retourner au travail et que la Banque la mit en situation d’invalidité à court terme. Elle finit par recevoir également de la Banque des prestations d’invalidité à long terme. La plaignante affirma que sa difficulté à obtenir le poste pour lequel elle croyait être qualifiée, ainsi que le refus de lui donner accès à des programmes de formation, étaient dus au fait qu’elle était d’origine chinoise. Après qu’elle commença de recevoir des prestations d’invalidité, elle déposa une plainte dans laquelle elle affirmait que la Banque avait exercé une discrimination contre elle en lui refusant des possibilités d’emploi à cause de sa race et de son origine nationale ou ethnique et en refusant de composer avec sa déficience (stress et dépression). Sa plainte fut finalement modifiée pour englober la cessation de son emploi auprès de la Banque alors qu’elle recevait des prestations d’invalidité depuis environ deux ans.

La crédibilité de la plaignante fut sérieusement mise à mal parce que, selon le Tribunal, de nombreux faits permettaient d’affirmer qu’elle avait été sélective dans l’information révélée par elle et qu’elle avait adopté une stratégie empreinte de duperie et de contre-vérités. Ainsi, elle avait négligé de révéler aux compagnies d’assurance s’occupant de la police d’assurance-invalidité certains renseignements se rapportant à son statut professionnel, dissimulé à son employeur des renseignements se rapportant à son statut professionnel et induit des médecins en erreur à propos de renseignements personnels se rapportant à sa dépression. D’ailleurs, la Banque mit fin à l’emploi de la plaignante lorsqu’elle découvrit qu’elle travaillait dans une société de fiducie alors qu’elle recevait des prestations d’invalidité.

Vu l’absence de crédibilité de la plaignante, il n’était pas déraisonnable pour le Tribunal d’accorder un poids considérable aux dépositions d’autres témoins. Le Tribunal jugea que l’ensemble de la preuve corroborait l’opinion de la Banque selon laquelle la plaignante avait été traitée justement et équitablement pour ce qui est de l’évaluation de son rendement et de l’accès à des programmes de formation. Si la plaignante n’avait pu être admise au programme de formation des DASBP, ce n’était pas à cause de sa race ou de son origine ethnique, mais plutôt à cause de son manque de compétitivité par rapport aux autres candidats. Cette conclusion était renforcée par le fait que quatre candidats d’origine chinoise avaient été acceptés dans le programme à la suite du même concours auquel la plaignante s’était présentée. La Banque avait eu raison de mettre fin à l’emploi de la plaignante eu égard au manque d’honnêteté qu’avait montré celle-ci en recevant des prestations d’invalidité de la Banque alors qu’elle travaillait pour un autre établissement financier.

Les allégations selon lesquelles la Banque n’avait rien fait pour composer avec la dépression de la plaignante furent elles aussi rejetées par le Tribunal. Le Tribunal a fait remarquer que de nombreux éléments de preuve montraient que la Banque avait réagi d’une manière juste et raisonnable à l’état de santé de la plaignante, en soulignant que la plaignante avait reçu durant la pleine période de six mois des prestations d’invalidité à court terme, après quoi des prestations de longue durée lui avaient été versées jusqu’à ce que la Banque découvre son manque d’intégrité. S’agissant de l’affirmation de la plaignante selon laquelle c’est sa maladie qui était à la racine de son manque d’honnêteté, le Tribunal s’est référé à la preuve psychiatrique produite durant l’audience, selon laquelle, en l’absence d’une psychose, un état dépressif n’empêche pas des décisions rationnelles. En bref, les malades mentaux ne mentent pas plus que les personnes saines d’esprit. Le manque d’honnêteté n’est tout simplement pas une maladie et ne peut donc être justifié en tant qu’élément d’un état dépressif général.

La crédibilité de l’auteur d’une plainte a également été mise en question dans l’affaire Baptiste c. Service correctionnel du Canada110, où la plaignante affirmait qu’on n’avait pas évalué son rendement convenablement, qu’on lui avait refusé des possibilités d’avancement et de carrière et que, de façon générale, on avait dévalorisé son travail d’infirmière dans l’établissement de Matsqui à cause de sa race. La preuve montrait qu’il y avait beaucoup de conflits et d’animosité entre la plaignante et les autres membres du personnel de l’établissement de Matsqui. Il y avait aussi de l’hostilité dans sa relation avec les surveillants immédiats et dans ses rapports avec les détenus qui de temps à autre relevaient de sa responsabilité.

Le Tribunal a souligné d’emblée les difficultés qu’il avait à s’expliquer la mémoire sélective et apparemment défaillante de la plaignante au regard de divers incidents et documents intéressant les allégations de discrimination à propos desquelles avaient déposé divers témoins appelés par le Service correctionnel. Il a estimé que, pour accepter la déposition de la plaignante, il lui faudrait conclure que tous ces témoins « ont menti à la barre des témoins, que ces incidents ne sont jamais arrivés et que les documents qui prétendent relater les incidents étaient des inventions »111. Refusant de conclure de la sorte, le président du Tribunal a alors déclaré : [TRADUCTION] « Je ne sais pas si Gloria Baptiste ment consciemment lorsqu’elle dit qu’elle n’a pas reçu ces documents et que les discussions et incidents consignés ne sont jamais arrivés, ou si pour quelque raison sa mémoire est profondément défaillante. D’une manière ou d’une autre, je ne laisse pas d’avoir de sérieuses réserves sur la véracité générale de sa déposition. Par conséquent, sauf indication contraire, lorsque la déposition de Gloria Baptiste est en contradiction avec celles d’autres témoins, je donne la préférence aux dépositions des autres témoins »112.

L’ambiance qui régnait dans l’hôpital de la prison a été décrite dans la preuve comme une ambiance souvent marquée par la grossièreté, surtout à cause de l’attitude des détenus envers le personnel. Par exemple, il n’était pas rare pour les infirmières d’être appelées « douche bag » ou d’être comparées vulgairement à des organes sexuels féminins. Un infirmier était parfois appelé « tante » et « pédé ». Dans le cas de la plaignante, elle recevait souvent les épithètes de « chienne noire » et « négresse »113. La preuve produite devant le Tribunal attestait d’une manière constante que l’intolérance raciale était généralisée parmi toute la population carcérale. Le dur climat de l’hôpital de la prison gagnait parfois la manière dont s’exprimaient également les divers membres du personnel. Le Tribunal constata que certains des collègues de la plaignante s’étaient parfois adressés à elle en des termes qui dénigraient sa race. Dans un moment d’exaspération, sa surveillante immédiate l’avait même appelée « maudite négresse », mais la plaignante n’était pas présente à ce moment-là et la surveillante s’était rapidement excusée auprès des autres employés qui avaient surpris ses propos. Le Tribunal a qualifié cette remarque de remarque incontrôlée114, qui ne traduisait pas une attitude d’intolérance raciale.

En ce qui a trait aux évaluations de rendement de la plaignante, le Tribunal a conclu que sa surveillante était devenue de plus en plus contrariée par son attitude et son comportement, que les autres employés trouvaient la plaignante impolie, distante et peu disposée à collaborer, et que plusieurs graves erreurs de jugement avaient été à juste titre consignées dans les évaluations de rendement. Le Tribunal a estimé que la remarque « incontrôlée » mentionnée précédemment ne suffisait pas à établir que les mauvaises évaluations de rendement avaient été injustes ou qu’elles avaient été motivées par l’intolérance raciale. Il a souligné que la plainte ne concernait pas l’« environnement de travail délétère », mais plutôt la présumée injustice commise dans l’évaluation du rendement de la plaignante. Sur ce point, le Tribunal a jugé que les évaluations étaient détaillées et soignées et que la plaignante n’était pas traitée différemment de ses collègues au chapitre de l’évaluation du rendement.

Rejetant la plainte, le Tribunal fit observer que l’emploi de propos racistes chez les détenus devrait être découragé. Il a admis que cet état de fait pourrait sans doute ne jamais être éliminé complètement, mais selon lui il était troublant que de tels excès de langage trouvent aussi leur chemin dans le comportement du personnel du Service correctionnel. Même si la preuve produite dans cette affaire n’établissait pas que la plaignante avait été victime d’une intolérance raciale prenant la forme d’évaluations de rendement moins bonnes qu’elle l’espérait, ou de refus de possibilités d’avancement, le Tribunal souligna que la direction du Service correctionnel devrait prendre des mesures pour s’assurer qu’à l’avenir l’emploi d’épithètes racistes soit effectivement sanctionné.

Abstraction faite des questions de crédibilité, une allégation de discrimination peut échouer simplement à cause de l’insuffisance de la preuve présentée au Tribunal. Ce fut le cas dans l’affaire Cizungu c. Développement des ressources humaines Canada115, où il s’agissait d’un plaignant d’origine africaine qui avait travaillé du 5 janvier au 10 juin 1998 dans un centre d’appels à titre d’employé à durée déterminée (il répondait aux demandes de renseignements formulées en français). Cette période de temps englobait deux contrats successifs de travail à durée déterminée. Suite au refus du ministère de lui offrir un troisième contrat, le plaignant affirma qu’il avait été discriminé à cause de sa race, de sa couleur et de son origine nationale ou ethnique. À la date du dépôt de la plainte, le plaignant avait affirmé qu’aucune explication ne lui avait été donnée pour justifier le refus de renouveler son contrat. Toutefois, le plaignant a déclaré devant le Tribunal qu’un gestionnaire ministériel avait fait état de son accent africain pour expliquer le non-renouvellement de son contrat.

Deux témoins du ministère ont dit que la question de l’accent n’avait jamais été évoquée dans l’évaluation du rendement du plaignant. Les difficultés qui s’étaient posées concernaient les problèmes que connaissait le plaignant dans la communication, par exemple son manque de souplesse dans le choix des expressions, et ses réponses répétitives aux clients qui avaient du mal à comprendre. Les témoins ont aussi mentionné que la durée des appels auxquels répondait le plaignant était toujours plus longue que ceux dont s’occupaient ses collègues. Le Tribunal lui-même jugea que le léger accent du plaignant ne l’empêchait pas de se faire comprendre. Eu égard à tous ces facteurs (et au fait que la plainte initiale ne mentionnait pas la question de l’accent), le Tribunal a conclu que la raison du non-renouvellement du contrat n’avait aucun rapport avec l’accent africain du plaignant lorsqu’il parlait le français.



Âge

Dans l’affaire Morris c. Canada (Forces armées canadiennes)116, le Tribunal a été appelé à statuer sur un cas présumé de discrimination fondée sur l’âge. La plainte a été déposée en septembre 1996 par un membre des Forces armées canadiennes comptant de nombreuses années de service qui alléguait n’avoir pu obtenir une promotion au grade d’adjudant-maître en raison de son âge. Il a par la suite atteint l’âge de la retraite obligatoire, soit 55 ans, et a été libéré des Forces en 1999.

Les Forces canadiennes ont déclaré que, même si M. Morris avait les qualifications requises pour obtenir la promotion d’adjudant à adjudant-maître, la place qu’il occupait sur les listes annuelles de candidatures au mérite (déterminée en partie par les résultats de son évaluation du rendement) n’était pas assez élevée, selon les Forces canadiennes, pour justifier une promotion. Le nombre des promotions attribuées au cours d’une année donnée était limité et les priorités étaient établies en fonction des listes de promotion au mérite dressées chaque année.

L’évaluation du rendement des membres s’effectuait dans le cadre d’un processus annuel complexe auquel devaient participer les commandants immédiats et d’autres employés. Les résultats de l’évaluation de chaque sous-officier détenant un grade supérieur à celui de caporal étaient notés dans le Rapport annuel d’appréciation du personnel (RAP). L’évaluation consistait à attribuer une cote numérique à chaque composante « objective », mais le processus reposait dans l’ensemble sur l’appréciation faite par d’autres membres. De plus, le mérite relatif de divers adjudants était décidé à l’issue de rencontres qui se tenaient avant la mise au point définitive du RAP de chaque membre.

L’« évaluation quantitative »117 du rendement par rapport aux quatorze critères du RAP ne constituait qu’un seul des facteurs dont il était tenu compte pour établir la liste annuelle d’admissibilité par ordre de mérite. Le conseil national de promotion chargé de cette responsabilité évaluait également ce que l’on appelait les « possibilités » d’un membre. Cette catégorie regroupait divers facteurs pour lesquels était parfois indiqué le degré d’importance relative qu’il fallait leur accorder. Le conseil déterminait donc la place d’un membre sur la liste de promotion au mérite après avoir examiné son RAP et évalué ses « possibilités ».

Eu égard à la preuve directe indiquant que l’âge a joué un rôle dans la décision de refuser une promotion au plaignant, le Tribunal n’a pas été en mesure de conclure que l’opinion d’un adjudant-chef voulant que l’âge constituait un obstacle influait réellement sur l’établissement des listes applicables de candidatures au mérite. Il n’a pas jugé non plus que les observations informelles sur l’idée couramment admise dans les Forces à propos de l’âge suffisaient à prouver que le plaignant en l’espèce avait fait l’objet de discrimination. Le Tribunal a cependant reconnu que la preuve circonstancielle établissait bel et bien que, selon une opinion généralement répandue dans les Forces, les membres âgés n’étaient pas promus. Il a de plus insisté sur le fait que l’évaluation des « possibilités » d’un membre pouvait ajouter un élément de subjectivité au processus d’établissement des listes de promotion au mérite. Dans le cas du plaignant, le Tribunal a noté qu’il existait un écart important entre les notes élevées qu’il avait reçues dans le RAP et les notes plus faibles qu’on avait attribuées à ses « possibilités ». Cela s’est produit à une époque où le plaignant était, parmi les adjudants évalués, l’un des plus âgés, sinon le plus âgé. La preuve circonstancielle suffisait donc, de l’avis du Tribunal, à établir une preuve prima facie de discrimination démontrant que l’âge avait joué un rôle dans la décision de refuser une promotion au plaignant.

Le Tribunal a rejeté les explications fournies par l’intimé pour justifier le refus d’accorder une promotion au plaignant. Il a fait remarquer que si l’intimé rattachait à juste titre au potentiel d’un membre des facteurs tels que le perfectionnement des études, l’aptitude à communiquer, le leadership et l’expérience des déploiements et des missions opérationnelles, il n’avait présenté aucune preuve aux fins de comparaison qui aurait permis au Tribunal de déterminer s’il était justifié de donner au plaignant des notes inférieures à celles qui avaient attribuées à ses pairs.

Le Tribunal a ordonné, à titre de compensation, que le plaignant soit promu au grade d’adjudant-maître avec effet rétroactif au 1er septembre 1993, que l’intimé lui verse la différence par rapport à la solde à laquelle il aurait eu droit jusqu’à la date de sa retraite, soit le 1er avril 1999, et rajuste son indemnité de départ en fonction du grade qu’il aurait détenu au moment de sa retraite. Le Tribunal a ordonné en outre qu’une indemnité spéciale de 3 000 dollars soit versée au plaignant pour le préjudice moral qu’il a subi.

Diffusion de messages haineux par Internet

Le Tribunal a rendu récemment une importante décision concernant l’application du paragraphe 13(1) de la LCDP à un site Web qui affichaient des messages susceptibles d’exposer à la haine et au mépris des personnes de croyance et d’origine juives118. Le paragraphe 13(1) considère comme une pratique discriminatoire « le fait, pour une personne ou un groupe de personnes agissant d'un commun accord, d'utiliser ou de faire utiliser un téléphone de façon répétée en recourant ou en faisant recourir aux services d'une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement pour aborder ou faire aborder des questions susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable »119 sur la base de critères illicites de discrimination. La plainte dont le Tribunal était saisi portait sur des documents qui, affichés dans une page d’accueil (Zündelsite) et accessibles sur le World Wide Web, dénonçaient dans des termes virulents le caractère présumé frauduleux de l’holocauste, les escrocs juifs/sionistes/marxistes qui, prétendait-on, mettaient sur pied un plan d’extorsion axé sur l’holocauste, la prétendue judaïsation et, dans sa foulée, la circoncision mentale et spirituelle de la civilisation occidentale, une longue liste de présumés mensonges propagés par le lobby juif ainsi que divers actes infâmes, escroqueries et supercheries qui auraient été commis par les Juifs120.

Avant de trancher la question essentielle de savoir si les documents diffusés sur le site Zündel semaient la haine ou le mépris, le Tribunal a examiné deux questions préliminaires soulevées par l’intimé (Ernst Zündel), à savoir : (i) qui contrôlait effectivement le site Zündel ? et (ii) utilisait-on un téléphone pour diffuser les documents sur le site Web ? L’intimé avait maintenu que le propriétaire et l’exploitant du site Web était un citoyen américain vivant aux États-Unis. À l’appui de son affirmation, il soulignait l’avis de rejet de responsabilité figurant au bas de la table des matières du site Zündel qui identifiait expressément Mme A. Rimland comme la propriétaire et l’exploitante du site. Toutefois, le Tribunal disposait également de solides éléments de preuve établissant que M. Zündel participait directement à la rédaction, à la sélection et à la révision des documents publiés sur le site. Le Tribunal a fait remarquer que la LCDP n’exige pas de prouver qui est légalement propriétaire, mais d’établir plutôt que l’intimé, seul ou de concert avec d’autres, a fait diffuser les documents offensants. À cet égard, il a conclu ce qui suit : « Nous ne sommes pas persuadés que le seul fait d'inclure un avis de rejet de responsabilité au bas de la table des matières suffise à réfuter la preuve accablante démontrant que c'est M. Zündel qui contrôlait le Zündelsite. Nous ferons remarquer, en outre, que la LCDP prévoit expressément que des personnes puissent agir de concert avec d'autres pour diffuser des messages allant à l'encontre du paragraphe 13(1). Même si Mme Rimland exerçait un certain contrôle, la preuve étaie la conclusion que, durant la période pertinente, elle a agi de concert avec l'intimé nommé121. »

Ayant conclu que M. Zündel contrôlait le site et faisait diffuser les documents en question, le Tribunal est passé à la question de savoir si la diffusion de ces documents rentrait dans le champ d’application du terme « téléphone ». En dépit des témoignages d’experts divergents sur les termes qui décrivaient le mieux la communication Internet, le Tribunal a noté qu’au Canada, « les points d'accès au réseau et Internet font appel aux mêmes circuits ou lignes que ceux qui servent à l'activité téléphonique. La réalité commerciale est la même que dans le cas des internautes désireux d'entrer en communication avec leur FSI [fournisseur de services Internet] : une proportion massive des liaisons entre le FSI et le fournisseur de dorsale Internet ou des transmissions entre fournisseurs de dorsale Internet font appel à des circuits qui font, et faisaient, partie intégrante du réseau téléphonique mondial. »122 La relation de fait existant entre les communications Internet et les réseaux téléphoniques a donc soulevé la question de savoir s’il fallait interpréter les mots « utiliser un téléphone » du paragraphe 13(1) de la LCDP comme s’ils incluaient la diffusion de renseignements au moyen d’un site Web.

Le Tribunal est parti du principe que la législation sur les droits de la personne doit être interprétée en fonction de ses objectifs fondamentaux. Il s’est référé au résumé que la Cour suprême a fait de l’objet général de la LCDP, c’est-à-dire promouvoir l’égalité des chances indépendamment de considérations discriminatoires. S’agissant du préjudice causé à l’égalité que le paragraphe 13(1) vise à pallier, le Tribunal a repris la conclusion de la Cour suprême, à savoir que « les messages constituant de la propagande haineuse portent atteinte à la dignité et à l'estime de soi des membres du groupe cible et, d'une façon plus générale, contribuent à semer la discorde entre divers groupes raciaux, culturels et religieux, minant ainsi la tolérance et l'ouverture d'esprit qui doivent fleurir dans une société multiculturelle vouée à la réalisation de l'égalité123. » Le Tribunal a souligné que le paragraphe 13(1) avait pour objet non seulement de censurer les messages haineux qui pourraient très bien inciter ceux qui les ont écoutés à se livrer à d’autres actes discriminatoires (tel le refus d’embaucher une personne, de lui fournir un logement ou d’autres services), mais aussi d’éviter qu’une autre forme de préjudice soit causée aux membres d’un groupe diffamé qui sont l’objet de la communication. Voici les propos du Tribunal : « Autre élément important, les personnes soumises à la haine éprouvent une «réaction extrêmement douloureuse». Le simple fait d'être visé et étiqueté publiquement peut miner la dignité individuelle et l'estime de soi » 124.

Eu égard aux objectifs de la Loi mentionnés plus haut, le Tribunal a refusé de limiter l’interprétation des mots « utiliser le téléphone » au dispositif classique de transmission de la voix. Selon lui, ces mots ont rapport au moyen utilisé pour transmettre la communication, et non pas simplement à l’appareil qui pourrait être utilisé : « Le fait que le message soit communiqué oralement (voix) ou visuellement (texte) ne modifie en rien son pouvoir d'influencer le destinataire ou d'humilier le sujet. En outre, l'appareil utilisé pour communiquer n'influe pas sur le caractère préjudiciable du message transmis. Le combiné téléphonique n'est pas le seul moyen efficace de transmettre des messages haineux.[¼ð] De plus, nous sommes d'avis que l'interprétation que nous avons adoptée est la seule forme d'analyse qui puisse tenir compte facilement des progrès de la technologie et de son rythme d'évolution. Une interprétation statique du paragraphe 13(1), qui restreindrait la définition de la téléphonie à la transmission de la voix au moyen d'un appareil téléphonique classique, réduirait considérablement l'efficacité de la LCDP comme moyen de promouvoir l'égalité » 125. Le Tribunal a noté en outre que les messages haineux transmis par Internet posaient une plus grande menace, par rapport aux objectifs de la Loi, que les communications téléphoniques traditionnelles, en raison de la vaste quantité d’information qu’on peut communiquer et de la facilité avec laquelle on peut y accéder et la télécharger.126.

La dernière question concernant l’interprétation des dispositions de la Loi (avant de trancher les questions constitutionnelles liées à la liberté d’expression) portait sur l’évaluation fondamentale des documents publiés sur le site Zündel. Étaient-ils susceptibles d’exposer une ou plusieurs personnes à la « haine » ou au « mépris » au sens où l’entend le paragraphe 13(1) ? Pour réaliser cette évaluation, le Tribunal a adopté l’avis de la Cour suprême suivant lequel les termes utilisés dans ce paragraphe s’appliquaient aux communications qui étaient susceptibles de susciter des « émotions exceptionnellement fortes et profondes de détestation se traduisant par des calomnies et la diffamation »127 à l’endroit des membres d’un groupe, ainsi qu’aux communications propres à rabaisser les membres d’un groupe ou à les traiter comme inférieurs. Il a jugé que les documents du site Zündel vilipendaient les Juifs avec « une hargne et une malice extrêmes » en les décrivant comme « des menteurs, des tricheurs, des criminels et des escrocs qui se livrent délibérément à une fraude monumentale dans le but d'extorquer des fonds[¼ð]128 En bref, le Tribunal a conclu que les lecteurs des documents en question « auront très peu d'estime pour les Juifs et éprouveront à leur endroit du mépris, du dédain, de la haine, du dégoût et de la répugnance. »129 Il a rejeté l’argument selon lequel M. Zündel ne faisait que participer à un débat historique permanent sur des événements passés, en faisant remarquer que l’intimé exprimait son point de vue dans des termes incendiaires et imprégnés d’antipathie à l’égard de tous les Juifs. Le Tribunal a admis qu’il doit y avoir largement la place pour un débat légitime sur les événements entourant la Seconde Guerre mondiale : « Si nous nous trouvions en l'occurrence devant un débat théorique où l'on s'exprime de façon neutre, notre analyse pourrait être fort différente. Toutefois, ces documents se distinguent, en raison du ton utilisé et de l'extrême dénigration des Juifs, de ce qui pourrait être permissible. À notre avis, c'est le lien entre la façon dont l'auteur perçoit les événements et l'extrême diffamation des Juifs qui en découle – leur dénonciation en tant que menteurs, escrocs, extorqueurs et fraudeurs – qui est susceptible de les exposer à la haine et au mépris » 130.

L’intimé a également contesté la validité constitutionnelle du paragraphe 13(1) de la LCDP en alléguant que cette disposition portait atteinte à la liberté d’expression garantie par l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés. Même si la Cour suprême du Canada avait déjà confirmé la validité constitutionnelle du paragraphe 13(1) dans l’affaire Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor131, l’intimé a adopté la position selon laquelle toute démarche en vue d’étendre la portée du paragraphe 13(1) aux communications Internet jetterait nécessairement le doute sur l’applicabilité de l'arrêt de la Cour suprême. Cette décision, a soutenu l’intimé, devrait être interprétée à la lumière de son ensemble particulier de faits, qui concernaient la communication d’un message au moyen d’un répondeur téléphonique. L’arrêt Taylor, considéré dans son contexte factuel, restreignait le moins possible la liberté d’expression, ce qui ne serait pas le cas si les conclusions de cet arrêt devaient donner au paragraphe 13(1) une interprétation qui englobe les communications Internet. Selon l’intimé, étendre l’application du paragraphe 13(1) aux communications Internet nécessitait de déterminer à nouveau si une telle restriction à la liberté d’expression était raisonnable et justifiée dans une société libre et démocratique (conformément à l’article premier de la Charte). L’intimé était d’avis qu’une telle réévaluation démontrerait que le paragraphe 13(1) ne constituait plus une limite raisonnable.

Le Tribunal a examiné en détail le raisonnement que la Cour suprême a suivi dans l’affaire Taylor pour appliquer les principes juridiques inhérents à l’analyse contextuelle en vertu de l'article premier de la Charte. Il a noté que la Cour suprême s’était occupée de déterminer si l’objet fondamental du paragraphe 13(1) était suffisamment important pour justifier une restriction de la liberté d’expression. La Cour a jugé que la promotion de l’égalité des chances et la protection des membres d’un groupe contre la souffrance psychologique causée par des messages haineux étaient des objectifs importants qui justifiaient l’imposition d’une limite raisonnable à la liberté d’expression. De plus, les mesures particulières énoncées au paragraphe 13(1) étaient jugées proportionnées à l’objectif visé, elles n’étaient pas arbitraires, inéquitables et irrationnelles, elles ne restreignaient pas plus que nécessaire la liberté d’expression, et leurs effets n’étaient pas graves au point de constituer une atteinte inacceptable à la liberté d’expression. La Cour saisie de l'affaire Taylor a également conclu que le fait de ne pas tenir compte de l’intention en vertu du paragraphe 13(1) n’allait pas à l’encontre du critère de la proportionnalité en vertu de l’article premier de la Charte :

Manifestement, le paragraphe 13(1) n'exige pas l'intention d'exposer d'autres personnes à la haine ou au mépris en fonction de la race ou de la religion. Comme je viens tout juste de l'expliquer, le paragraphe 13(1) s'applique dans le contexte d'une loi relative aux droits de la personne. Par conséquent, l'importance d'isoler des effets (et donc de ne pas tenir compte de l'intention) justifie l'absence de l'exigence de mens rea. Je rappelle que l'effet de cette disposition est moins conflictuel que s'il s'agissait d'une interdiction pénale, car le cadre législatif favorise un règlement par conciliation et n'autorise l'imposition d'une amende ou de l'emprisonnement que si la personne accomplit intentionnellement les actes prohibés par une ordonnance inscrite en Cour fédérale132.

Le Tribunal a reconnu que les faits particuliers de l’affaire Zündel pouvaient imposer des restrictions à la liberté d’expression qui allaient plus loin que celles intéressant l’affaire Taylor. Il s’est donc senti obligé de procéder à une analyse aux termes de l'article premier de la Charte pour déterminer si le paragraphe 13(1) constituait toujours une limite raisonnable à la liberté d’expression133. Ainsi, il s’est situé encore une fois dans le contexte des objectifs fondamentaux de la LCDP et, plus particulièrement, du paragraphe 13(1) :

À notre avis, les transformations technologiques qui modifient la nature et la portée de la téléphonie en tant que moyen de communication ne peuvent diminuer l'importance de l'objet énoncé au paragraphe 13(1), c'est-à-dire interdire les messages de haine et de mépris à l'endroit de groupes identifiables qui portent atteinte à la dignité et à l'estime de soi des personnes qui en font partie. La technologie Internet permet de transmettre des messages haineux de la nature de ceux qui étaient interdits dans Taylor en vertu du paragraphe 13(1). Par conséquent, nous concluons que, même si Internet crée un contexte qui est différent du contexte traditionnel de la téléphonie, la première condition du critère Oakes est satisfaite. L'intention du législateur d'empêcher que la propagande haineuse puisse causer un grave préjudice demeure un objectif urgent et réellement important, que les messages soient diffusés par le moyen décrit dans Taylor ou par Internet. [¼ð] À notre avis, l'arrêt Taylor ne visait pas à restreindre la question de l'importance urgente et réelle aux faits présentés en preuve dans cette affaire. Nous ne voyons aucune raison d'interpréter aussi étroitement ce précédent, compte tenu de ce que la Cour a affirmé au sujet de l'objectif supérieur de la Loi canadienne sur les droits de la personne134.


Le moyen choisi pour éliminer la propagande haineuse a également été jugé conforme au critère de la proportionnalité, malgré les différences entre les faits de l’espèce et les faits entourant l’affaire Taylor. Le Tribunal a souligné que la nature des messages visés par le paragraphe 13(1) s’écartait de la valeur fondamentale de la liberté d’expression et que l’objectif important de la Loi pouvait donc être atteint sans restreindre la liberté d’expression plus que nécessaire. Il a conclu qu’il convenait parfaitement d’établir un lien rationnel entre le paragraphe 13(1) et les messages diffusés de façon répétée sur Internet :

La désapprobation des messages haineux par notre société n'est pas strictement subordonnée à leur diffusion au moyen d'un répondeur téléphonique. Le Parlement a parlé. Si le téléphone constitue un moyen idéal pour propager efficacement des croyances préjudiciables dans le cadre d'une campagne visant à influencer les croyances et attitudes du public, que dire de l'efficacité d'Internet pour transmettre efficacement de telles croyances? [¼ð] Comme il met l'accent sur l'utilisation d'un téléphone de façon répétée pour transmettre des messages susceptibles d'exposer des personnes à la haine ou au mépris, le paragraphe 13(1) cible les vastes stratagèmes visant à diffuser publiquement de la propagande haineuse. De par sa structure, Internet est un moyen de communication sensible à cette analyse. Il nous est difficile de concevoir pourquoi on devrait pouvoir utiliser Internet, compte tenu de son omniprésence et de sa très grande accessibilité, pour propager des messages susceptibles d'exposer des personnes à la haine ou au mépris. On peut imaginer que ce nouveau moyen qu'est Internet est beaucoup plus efficace et mieux adapté à la diffusion de propagande haineuse135.

L’analyse fondée sur l'article premier que le Tribunal a faite des restrictions imposées à la liberté d’expression a été également appliquée à la plainte de l’intimé alléguant que le paragraphe 13(1) restreignait de façon abusive ses libertés de conscience et de religion aux termes de la Charte. Le Tribunal a ainsi conclu que les limites imposées aux libertés de conscience et de religion de l’intimé étaient raisonnables et justifiées dans une société libre et démocratique au sens où l’entend l’article premier de la Charte. Il a de plus rejeté l’argument de l’intimé suivant lequel le paragraphe 13(1) portait atteinte à ses droits « à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne » aux termes de l’article 7 de la Charte, étant donné que l’intimé n’avait souffert d’aucune restriction physique découlant d’une ordonnance d’interdit rendue par le Tribunal à l’égard des documents publiés sur le Zündelsite (d’où la protection garantie de sa liberté) et d’aucune atteinte à la sécurité de sa personne. Enfin, le Tribunal a rejeté les arguments selon lesquels les modifications apportées à la LCDP en vue d’élargir les pouvoirs du Tribunal en matière de réparation dans les cas de violation du paragraphe 13(1) créaient un cadre législatif qui n’était plus compatible avec les droits conférés par la Charte. Premièrement, ces modifications ne s’appliquaient pas en l’espèce puisqu’elles se rapportaient à des faits survenus avant l’adoption des modifications en question. Deuxièmement, on ne pouvait pas considérer le renforcement des sanctions établies par les modifications comme une démarche en vue de criminaliser les infractions déjà prévues. À cet égard, le Tribunal a repris les conclusions émises dans l’affaire Taylor : « Il est essentiel toutefois de reconnaître qu'en tant qu'outil expressément conçu pour empêcher la propagation des préjugés et pour favoriser la tolérance et l'égalité au sein de la collectivité, la Loi canadienne sur les droits de la personne diffère nettement du Code criminel. La législation sur les droits de la personne, et en particulier le paragraphe 13(1), n'a pas pour objet de faire exercer contre une personne fautive le plein pouvoir de l'État dans le but de lui infliger un châtiment. Au contraire, les dispositions des lois sur les droits de la personne tendent plutôt, en règle générale, à éviter ce genre d'affrontement en permettant autant que possible un règlement par voie de conciliation et, lorsqu'il y a discrimination, en prévoyant des redressements destinés davantage à indemniser la victime » 136. Appliquant ce raisonnement à l’affaire dont il était saisi, le Tribunal a jugé que les modifications relatives aux redressements ne changeaient pas le caractère réparateur de la LCDP et ne remettaient pas en question sa validité constitutionnelle.

Compte tenu de ses conclusions, le Tribunal a ordonné à Ernst Zündel et à toute autre personne agissant en son nom de mettre fin aux pratiques discriminatoires associées au site Zündel qui se traduisaient par la diffusion des documents examinés par le Tribunal ou par la diffusion d’autres documents ayant sensiblement la même forme ou teneur. Le Tribunal a ainsi reconnu les limites du pouvoir « réparateur » en l’espèce :

Il y a toujours la possibilité qu'un individu n'ayant absolument rien à voir avec un intimé nommé se livre à un acte discriminatoire similaire. Cependant, la technologie utilisée pour l'affichage de documents sur Internet amplifie ce problème, car il est permis de croire que cette technologie rend plus difficile la réalisation de l'objectif ultime de l'élimination de la diffusion par téléphone de tels documents. Néanmoins, nous avons en tant que Tribunal la responsabilité de nous prononcer sur les plaintes dont nous sommes saisis et de rendre une ordonnance si nous estimons que l'intimé a commis un acte discriminatoire. Nous ne pouvons nous laisser influencer indûment en l'espèce par ce que d'autres pourraient faire une fois notre ordonnance rendue. La Commission ou d'autres plaignants peuvent décider de déposer d'autres plaintes ou de réagir autrement comme bon leur semble s'ils jugent que la Loi a été violée à nouveau137.


ORDONNANCES INTERLOCUTOIRES DU TRIBUNALTE \l1 "ORDONNANCES INTERLOCUTOIRES DU TRIBUNAL

Retrait d’une partie avant l’audienceTE \l2 "Retrait d’une partie avant l’audience

Deux plaintes de présumée discrimination fondée sur le sexe ont été soumises au Tribunal, pour être instruites ensemble dans une instance unique, vu qu’elles présentaient les mêmes points de fait et de droit138. Cependant, avant le début de l’audience, la plaignante informa les autres parties et le Tribunal qu’elle ne souhaitait pas aller plus loin dans cette affaire et elle se désista de sa plainte. La défenderesse exprima alors l’avis que l’instruction de la plainte ne répondait plus à un impératif d’intérêt public et que le Tribunal devrait se dessaisir de l’affaire. Cependant la Commission s’opposa à la demande de la défenderesse, en affirmant que le Tribunal n’avait aucun pouvoir d’appréciation en la matière et qu’il était tenu de continuer l’instance introduite. Elle a aussi soutenu que seule la Commission avait le pouvoir de dire si l’instruction d’une plainte devrait être cessée pour des motifs liés à l’intérêt public.

Le Tribunal fit observer que ce point devait être résolu en relation avec les objectifs fondamentaux de la LCDP : « En examinant la législation qui régit les plaintes de discrimination de compétence fédérale, il est important de garder à l’esprit que les plaintes relatives aux droits de la personne ne sont pas à strictement parler des différends privés. La législation sur les droits de la personne et son exécution servent des fins à la fois publiques et privées : le but public est l’élimination de la discrimination dans l’ensemble de la société; et le but privé est la détermination des droits et des réparations individuels dans des causes individuelles »139. Ces objets sont reflétés dans le fait qu’une plainte relevant de la LCDP peut être déposée par la victime de la présumée discrimination ainsi que par la Commission directement (art. 40). Au surplus, la LCDP accorde, dans une enquête entreprise devant le Tribunal, le statut de partie au plaignant, au défendeur et à la Commission, cette dernière devant représenter l’intérêt public (art. 50(1) et 51).
S’agissant des détails de cette affaire, le Tribunal fit observer que l’enquête prévue n’était fondée que sur deux plaintes individuelles, rien ne donnant à entendre que la Commission avait jamais envisagé d’exercer son pouvoir selon le par. 40(3) de la LCDP140. La LCDP prévoit que la Commission représente l’intérêt public dans une enquête sur des plaintes individuelles, mais cela ne fait pas de la Commission une partie à la plainte elle-même. Le Tribunal a donc conclu qu’il n’y avait entre la Commission et la défenderesse aucun litige autonome (procédure judiciaire) rendant possible la continuation de l’instance après le retrait de la plaignante. Essentiellement, après l’abandon des plaintes individuelles, il ne restait plus rien au Tribunal sur quoi enquêter.

Il peut y avoir des cas où la Commission elle-même décide de se retirer en tant que partie avant l’audience concernant une plainte individuelle. Cela s’est produit dans une affaire où la SRC était accusée de discrimination fondée sur la déficience (alcoolisme et dépression)141. Le plaignant s’opposa à la décision inattendue de la Commission, prise trois jours seulement avant le début prévu de l’audience, de se désister. À son avis, l’intérêt public ne serait pas servi si l’on permettait à la Commission de se désister, d’autant plus que la décision ne reposait sur aucune justification. Le plaignant demanda au Tribunal d’obliger la Commission non seulement à demeurer partie à la plainte, mais aussi de payer ses frais juridiques. Le Tribunal regretta l’inconvénient causé par le retrait tardif de la Commission, mais il jugea qu’il n’avait pas compétence pour évaluer les raisons fondamentales de la décision de la Commission. Il n’avait pas non plus le pouvoir d’ordonner à la Commission de prendre à sa charge les frais juridiques du plaignant.

L’incidence du décès d’un plaignant sur la poursuite d’une audience a été examinée par le Tribunal dans une affaire où l’on alléguait une discrimination fondée sur la déficience142. Avant la date de l’audience, les parties informèrent le Tribunal qu’elles avaient décidé en principe de régler la plainte et qu’elles apportaient la touche finale au procès-verbal de conciliation. Malheureusement, le plaignant décéda avant que le procès-verbal de conciliation ne soit signé et que l’accord de transaction ne soit conclu.

L’avocat de la défenderesse informa le Tribunal que, vu le décès du plaignant, il n’existait plus aucun droit de demander réparation ou autre redressement selon la LCDP. Elle fondait sa position sur le principe de common law actio personalis moritur cum persona (l’action pour blessures s’éteint avec la vie de la victime) et sur le fait que la LCDP ni aucun autre texte législatif ne prévoyaient que la succession d’une personne décédée peut continuer une plainte devant le Tribunal.

Examinant la position de la défenderesse, le Tribunal jugea que la LCDP va au-delà de la défense des droits individuels et [TRADUCTION] « affirme l’intérêt public général d’une société exempte de discrimination »143. Il a aussi noté que les parties qui comparaissent devant le Tribunal dans une plainte individuelle comprennent la Commission (qui représente l’intérêt public) et (sur ordonnance du Tribunal) les intervenants. La Commission peut aussi déposer une plainte directement. Le Tribunal a aussi évoqué les divers recours selon la LCDP qui vont au-delà du redressement particulier accordé à un plaignant, par exemple « l’ordonnance de cesser et de s’abstenir prononcée contre l’auteur de l’acte discriminatoire »144, et l’ordonnance enjoignant une personne « de prendre, en consultation avec la Commission, des mesures de redressement destinées à prévenir l’acte discriminatoire »145. À la lumière du régime général de la LCDP, le Tribunal a jugé qu’une plainte n’avait pas le caractère d’une « action » au point d’être englobée dans la règle de common law évoquée plus haut. Selon le Tribunal, décider autrement serait permettre qu’une maxime juridique « anachronique » (aujourd’hui abolie en Angleterre et dans les provinces de common law du Canada) « l’emporte sur l’objet et les objectifs de la Loi canadienne sur les droits de la personne »146.

Témoins expertsTE \l2 "Témoins experts

Le Tribunal a examiné l’applicabilité, aux audiences tenues selon la LCDP, de dispositions de la Loi sur la preuve au Canada147 (qui régit le nombre de témoins experts)148. La question s’est posée lorsque le défendeur a remis à la Commission et à la plaignante une liste de 10 témoins experts qu’il se proposait d’appeler. L’avocat de la plaignante s’y est opposé, invoquant l’art. 7 de la Loi sur la preuve au Canada, qui oblige une partie souhaitant appeler plus de cinq témoins experts à demander la permission du tribunal ou du juge149.

Le Tribunal a d’emblée souligné que, dans l’interprétation de lois adoptée par le même organe législatif, il fallait présumer la cohérence et l’uniformité. Cela signifie qu’une interprétation harmonieuse de la Loi sur la preuve au Canada et de la LCDP doit être favorisée. Le Tribunal a expressément refusé de se prononcer sur une disposition autre que l’art. 7 de la Loi sur la preuve, mais il a fait observer que la Loi, considérée globalement, renferme un ensemble de principes fondamentaux applicables à toute instance. La Loi sur la preuve étant une Loi d’application générale (« un ensemble de règles de preuve très détaillé et mûrement arrêté »150), elle « ne devrait être éclipsée que si telle était manifestement l’intention du législateur »151.

Le Tribunal a aussi fait une distinction entre les règles de fond en matière de preuve, qui régissent les questions de recevabilité, et les règles qui concernent des questions de pratique et de procédure. L’art. 7 de la Loi sur la preuve au Canada entre plutôt dans la deuxième catégorie. Le Tribunal a estimé que cette distinction avait son importance si l’on voulait éviter toute impression de conflit entre l’art. 7 et les dispositions de l’al. 50(3)c) de la LCDP qui habilitent le Tribunal à recevoir des éléments de preuve indépendamment de leur admissibilité devant un tribunal judiciaire.

Le Tribunal a jugé aussi que l’objet fondamental de l’art. 7, qui est d’offrir toutes les possibilités de produire des éléments de preuve sans transformer l’instance en un défilé de spécialistes, s’accorde bien avec l’objet de la LCDP. Loin de réduire le pouvoir du Tribunal, la disposition en question élargit, pourrait-on dire, le pouvoir du Tribunal de conduire la procédure. Concluant que l’art. 7 s’applique aux audiences en matière de droits de la personne, le Tribunal a qualifié cette disposition de « compromis raisonnable »152, en ajoutant qu’il ne voyait aucunement pourquoi une partie ne devrait pas expliquer les raisons qui font qu’elle a besoin de plus de cinq témoins experts pour présenter ses arguments.
Il existait une jurisprudence selon laquelle l’art. 7 s’applique à chaque point de fait qui est soulevé, mais le Tribunal a préféré interpréter la règle de cinq témoins experts comme une règle s’appliquant au nombre total de témoins experts qu’une partie entendait appeler pour démontrer l’ensemble de ses arguments. Selon le Tribunal, une autre interprétation « permettrait de citer un nombre presque illimité de témoins au cours d’un procès, particulièrement dans une affaire complexe, et priverait le Tribunal de son pouvoir de réglementer le déroulement de la procédure »153.

L’accès aux documents préliminaires ou provisoires ayant servi à préparer des témoignages d’experts a été examiné dans une décision interlocutoire récente du Tribunal154. La défenderesse dans cette affaire avait demandé des réponses à plusieurs questions écrites posées par le comité d’évaluation appelé à évaluer des postes aux fins de l’équité salariale. Le document qui en avait résulté, introduit comme pièce lors de l’audience, servit de fondement pour le témoignage d’opinion du témoin expert. La défenderesse fit valoir qu’il importait de comprendre le processus par lequel le document final avait été produit, en particulier la nature des discussions et échanges qui avaient eu lieu entre les membres du comité. Elle a donc demandé communication des documents préliminaires et provisoires, ainsi que des réponses et commentaires, qui avaient conduit à l’adoption finale du rapport du comité. Les autres parties se sont opposées à cette demande, notamment parce qu’il serait contraire à l’intérêt public d’établir un précédent imposant la production devant le Tribunal des notes, observations et écritures provisoires de spécialistes. Selon les autres parties, une telle règle ouvrirait tout simplement la porte à la destruction systématique des pièces préliminaires, auxquelles pourrait s’appliquer une ordonnance de communication, après qu’un document final a été produit.

Pour décider ce point, le Tribunal a examiné plusieurs précédents contradictoires. Certains excluaient la communication de ces documents préliminaires en invoquant la notion de privilège lié au litige. Ces précédents considéraient ce privilège comme l’équivalent du privilège du secret professionnel de l’avocat, auquel s’appliquait un niveau très élevé de confidentialité. Pour d’autres précédents, la notion de privilège lié au litige se distinguait du privilège appliqué à la relation entre l’avocat et son client. Ils posent pour principe que, dès lors qu’un témoin expert est appelé à témoigner dans une audience, tout privilège lié au litige qui pouvait exister à propos des documents préliminaires est automatiquement abandonné. Sans vouloir régler d’une manière définitive le conflit entre les deux courants jurisprudentiels, le Tribunal a conclu qu’une règle de pertinence devrait s’appliquer aux documents demandés. Il a estimé qu’il était effectivement opportun de comprendre le processus par lequel le comité était arrivé à son opinion concernant l’évaluation des postes. En conséquence, le Tribunal ordonna que les documents provisoires et les réponses à ces documents soient produits et communiqués à la défenderesse, des copies étant remises à toutes les autres parties.

Dossiers médicauxTE \l2 "Dossiers médicaux

La règle de confidentialité qui s’applique à la relation entre un médecin et son patient pourrait devoir être mise en équilibre avec le droit d’un défendeur, dans une plainte en matière de droits de la personne, de produire une réponse et une défense en bonne et due forme. Le Tribunal a statué sur une demande d’accès à des dossiers médicaux dans un cas où la plaignante demandait réparation pour douleurs et souffrances155. Le Tribunal a jugé que les droits d’une personne à la confidentialité et à la vie privée pouvaient être abandonnés expressément ou que leur abandon pouvait être déduit des agissements de cette personne. Il a fait observer que l’introduction d’une procédure judiciaire devant une cour de justice pour blessures corporelles causées par la faute d’un tiers confère aux dossiers médicaux du demandeur une importance vitale pour une solution juste et équitable du différend. Appliquant ce raisonnement aux procédures en matière de droits de la personne, le Tribunal a jugé que « la plaignante, lorsqu’elle réclame une indemnisation pour des douleurs et souffrances, accepte implicitement certaines intrusions dans sa vie privée ainsi que la possibilité que l’intimée puisse avoir accès à ses dossiers médicaux ou, de façon générale, à des renseignements personnels sur sa santé. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que la plaignante accorde à l’intimée la permission de scruter les aspects privés de sa vie qui ne sont pas liés à sa réclamation ou qui ne sont pas potentiellement pertinents pour trancher le litige de façon appropriée »156.

Le Tribunal a appliqué cette règle de la pertinence aux dossiers demandés dans cette affaire et a ordonné la communication de divers documents en la possession de médecins nommément désignés et autres fonctionnaires du système de santé. Toutefois, le Tribunal a ordonné que les documents ainsi produits soient examinés par le président qui déterminerait ainsi leur recevabilité comme preuve. Il a aussi indiqué que les parties avaient accepté que le Tribunal passe au crible les documents afin de déterminer lesquels se rapportaient effectivement aux problèmes médicaux en cause. Cet arrangement permettrait ainsi « de protéger comme il se doit le droit de la plaignante au respect de sa vie privée et son droit à la confidentialité de ses dossiers médicaux, sans priver l’intimée de son droit d’avoir accès à tous les renseignements pertinents et de présenter une défense pleine et entière. Le processus convenu empêchera les atteintes indues et vexatoires aux droits de la plaignante, étant donné que le tribunal sera en mesure d’exercer une surveillance et un contrôle sur les procédures qui doivent être entreprises avant la production de tout document pertinent »157.

Application de la LCDP à la Chambre des communesTE \l2 "Application de la LCDP à la Chambre des communes

Une plainte de discrimination déposée contre le président de la Chambre des communes a soulevé la question suivante : le principe de l’immunité parlementaire est-il assez étendu pour empêcher un employé de déposer une plainte selon la LCDP158 ? Le président de la Chambre a fait valoir que toute matière se rapportant à l’emploi de personnes par une assemblée législative telle que la Chambre des communes échappait à la compétence du Tribunal.

D’autres décisions judiciaires ont incliné à suivre un critère plus élaboré lorsqu’était revendiquée l’immunité (ou privilège) parlementaire. Comme le Tribunal l’a fait observer, l’immunité parlementaire avait pour objet de protéger les fonctions essentielles et la dignité, l’intégrité ainsi que l’efficacité des organes législatifs. Une revendication d’immunité doit donc être évaluée au regard de ces objets fondamentaux. S’agissant des relations de travail, le Tribunal a approuvé le raisonnement apparaissant dans un jugement ontarien récent159, selon lequel il faut se demander si la réclamation d’un employé contre l’organe législatif intéresse des matières qui sont au cœur des travaux et des fonctions essentielles de l’organe législatif. Si tel est le cas, le principe de l’immunité aura pour effet de faire obstacle à l’intervention des tribunaux. L’examen d’une revendication de privilège par rapport à cette norme fera que les abus possibles ne pourront être dissimulés mal à propos. Le Tribunal a résumé sa manière de voir en adoptant le conseil suivant : « [TRADUCTION] Tout en prenant soin de ne pas nuire aux travaux de l’assemblée législative, les tribunaux doivent veiller à ne pas étendre la portée du privilège parlementaire au point de porter atteinte indûment aux droits des citoyens de s’adresser aux tribunaux pour des questions qui n’entravent pas les travaux de l’assemblée législative »160.

S’agissant de l’affaire dont il était saisi, le Tribunal a conclu qu’il n’était pas nécessaire de protéger la dignité, l’intégrité et l’efficacité de la Chambre des communes au point d’exclure en principe l’application normale des lois sur les droits de la personne. Plus précisément, l’emploi du plaignant comme chauffeur du président de la Chambre ne constituait pas une matière qui entrait dans les opérations essentielles de la Chambre. Par conséquent, la Cour fédérale a jugé que le Tribunal avait la compétence nécessaire pour instruire la plainte de discrimination.

Dans une opinion dissidente, un membre du Tribunal s’est dissocié des conclusions des membres majoritaires. Elle a souscrit au critère fondamental à appliquer (le sujet considéré s’inscrit-il dans la catégorie nécessaire de sujets sans lesquels l’efficacité et la dignité de la Chambre ne sauraient être maintenues ?), mais elle a estimé que « l’opinion qui prévaut dans les décisions judiciaires et arbitrales veut que la nomination et la gestion du personnel s’inscrivent vraiment dans le privilège parlementaire de la Chambre des communes et de son président »161. Par ailleurs, ce privilège existe en tant que sujet de droit constitutionnel et ne peut être altéré ou modifié par les dispositions générales de la LCDP. C’est le Parlement lui-même qui détient le pouvoir constitutionnel de légiférer sur l’étendue de son immunité, et l’on peut supposer qu’il légiférerait ainsi d’une manière claire et sans équivoque. La LCDP est un texte de nature quasi constitutionnelle (qui a donc préséance sur les autres lois en cas d’incompatibilité), mais il ne peut avoir pour effet de supprimer un privilège parlementaire qui bénéficie d’une protection constitutionnelle.

Compétence concurrenteTE \l2 "Compétence concurrente

Une plainte soumise au Tribunal avait déjà été l’objet à la fois d’une procédure de règlement de griefs et d’une demande au Conseil canadien des relations de travail162. La défenderesse s’est donc opposée à ce que l’affaire soit de nouveau jugée devant le Tribunal des droits de la personne, en invoquant un arrêt de la Cour suprême du Canada selon lequel « lorsque le caractère essentiel d’un différend découle d’une convention collective, le demandeur doit recourir à l’arbitrage »163. Cependant, le Tribunal a fait observer que l’arrêt en question n’avait pas supprimé toute possibilité de compétence concurrente entre les arbitres du travail et les instances officielles des droits de la personne. S’agissant de l’affaire dont il était saisi, le Tribunal n’était pas non plus convaincu que la nature essentielle de la plainte découlait de la convention collective. Cependant, il a indiqué que des arguments fondés sur la préclusion pour question déjà tranchée et sur l’autorité de la chose jugée pourraient théoriquement être soulevés par la défenderesse. Aucun argument du genre n’avait en réalité été avancé, empêchant ainsi le Tribunal de rendre jugement à leur sujet à ce moment-là. La demande de la défenderesse sur la question de la compétence a donc été rejetée.

Incidence du jugement Bell (Section de première instance)TE \l2 "Incidence du jugement Bell (Section de première instance)

Le jugement de la Cour fédérale (le 2 novembre 2000) dans l’affaire Bell Canada c. ACET et al.164, qui concernait l’impartialité et l’indépendance du Tribunal, a été invoqué plus tard pour contester la légalité d’audiences portant sur plusieurs plaintes distinctes et non reliées165. Dans chaque cas, le Tribunal est arrivé à la conclusion que le raisonnement de la Cour fédérale dans l’affaire Bell ne se limitait pas à la résolution de plaintes à propos desquelles des directives avaient été émises. Il a jugé que « le problème que posent les directives découle des dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui confèrent à la Commission le pouvoir d’émettre des directives, et non de l’existence des directives proprement dites »166. Par conséquent, la question de l’absence apparente d’impartialité se posait même dans les cas qui n’avaient aucun lien avec les directives en matière d’équité salariale.

Le Tribunal a aussi conclu que l’atteinte à l’indépendance du Tribunal en raison du pouvoir du président de proroger le mandat d’un membre, si ce mandat devait expirer durant l’instruction d’une affaire, ne dépendait pas de la manière dont ce pouvoir était exercé dans un cas donné. Il s’ensuivait donc que la durée du mandat d’un membre était sans rapport avec le problème institutionnel constaté par la Cour fédérale167.

Vu la portée de la décision de la Cour fédérale, ainsi que sa nature contraignante, le Tribunal s’est vu contraint d’ajourner l’instance sine die dans les divers cas mentionnés ici. Néanmoins, il l’ajourna à regret, faisant observer que « il est bien établi qu’il est dans l’intérêt public que les plaintes de discrimination soient traitées de façon expéditive. Ma décision d’ajourner l’instruction de cette plainte pour une période indéterminée ne sert pas l’intérêt public... Cependant, l’intérêt public ne peut être servi par une justice expéditive : les Canadiens en cause dans une instance relative aux droits de la personne ont droit à une audience devant un Tribunal équitable et impartial. Or, selon la Cour fédérale, le Tribunal canadien des droits de la personne ne possède pas de tels attributs »168.

Les incidents procéduraux d’une affaire donnée peuvent entraîner une conclusion selon laquelle une partie a renoncé à son droit de s’opposer à des audiences pour cause de parti pris institutionnel apparent ou de manque apparent d’indépendance. En fait, une partie est tenue de soulever ces points à la première occasion raisonnable au cours de la procédure. Le Tribunal a recensé les raisons qui justifient l’imposition de cette obligation aux parties à une audience : « Plusieurs raisons militent en faveur d’une telle ligne de conduite. Le fait de soulever une objection en temps opportun permet un règlement rapide du litige. De plus, les parties n’ont pas à engager inutilement des dépenses pour se préparer à une audience qui sera peut-être annulée à la dernière minute. Enfin, le fait de disposer rapidement d’une objection permet au Tribunal d’assurer une gestion plus efficace des cas, de déterminer les affectations de ses membres et de faire une utilisation optimale des ressources financées à même les deniers publics »169. Dans deux affaires, le Tribunal a conclu que les défendeurs qui avaient soulevé la question de l’impartialité ne l’avaient pas fait à la première occasion raisonnable, et qu’ils avaient donc renoncé à leurs droits à cet égard170. Il n’y avait par conséquent pas d’autre obstacle à la poursuite des audiences sur le fond des plaintes originales171.

Finalement, trois décisions du Tribunal ont été rendues après que la Cour d’appel fédérale eut infirmé le jugement de la Section de première instance concernant les questions d’impartialité et d’indépendance172. Dans les trois cas, le raisonnement de la Cour d’appel a été appliqué, et les contestations de la compétence du Tribunal ont été rejetées. Par ailleurs, la possibilité qu’un défendeur fasse appel de l’arrêt de la Cour d’appel à une juridiction supérieure a été jugée sans incidence sur la question de savoir si une audience commencée devant le Tribunal devrait être ajournée.

QUESTIONS PROCÉDURALES ET INTERLOCUTOIRESTE \l1 "QUESTIONS PROCÉDURALES ET INTERLOCUTOIRES

Application de la LCDP aux Premières nationsTE \l2 "Application de la LCDP aux Premières nations

Une contestation constitutionnelle de la compétence du Tribunal des droits de la personne pour instruire une plainte déposée contre une entreprise appartenant intégralement à la Nation crie Ermineskin (la « Nation Ermineskin ») a récemment été déposée par avis introductif d’instance devant la Cour du banc de la Reine de l’Alberta173. L’exception d’incompétence a été soulevée à l’origine lorsque la Commission demanda à la Nation Ermineskin de répondre à une plainte qu’elle avait reçue et qui concernait une cessation d’emploi pour cause de déficience. La Nation Ermineskin a fait valoir que son droit à l’autonomie gouvernementale selon l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982174 rendait la LCDP inapplicable à ses activités. La Commission exprima l’avis qu’elle avait compétence pour enquêter sur la plainte et renvoya donc l’affaire au Tribunal des droits de la personne pour décision.

La Nation Ermineskin demanda à la Cour de suspendre l’instance au motif que le Tribunal n’avait pas compétence pour décider le point constitutionnel sous-jacent ou, s’il avait cette compétence, au motif que la Cour du banc de la Reine devrait exercer sa compétence concurrente en tant que forum le plus adéquat pour instruire l’affaire et pour accorder la réparation qui s’imposait. Examinant la requête de la Nation Ermineskin, la Cour a d’abord considéré plusieurs arrêts de la Cour suprême qui reconnaissent le pouvoir d’un tribunal administratif de déterminer l’incidence de la Charte des droits et libertés175 sur sa loi d’habilitation, pour autant que le tribunal concerné ait par ailleurs le pouvoir de trancher des questions de droit. Elle a souligné cependant que ce pouvoir d’un tribunal administratif ne s’étend pas à une déclaration d’invalidité et « se limite à refuser d’appliquer une disposition qu’il a jugée inconstitutionnelle »176. Par ailleurs, le pouvoir décisionnel d’un tribunal administratif en la matière est sujet au contrôle des cours de justice, qui ne seront nullement tenues d’acquiescer à sa décision. S’agissant du Tribunal des droits de la personne, sa loi d’habilitation lui donne clairement le pouvoir de décider tous les points de droit ou de fait que soulève l’affaire dont il est saisi. La Cour a donc conclu, se fondant sur les arrêts de la Cour suprême relatives à la Charte, que le Tribunal était pleinement compétent pour répondre aux questions intéressant la validité constitutionnelle de sa loi d’habilitation.

La Cour a pris acte des tentatives de la Nation Ermineskin de faire une distinction entre les points examinés dans les décisions de la Cour suprême relatives à la Charte et les points soulevés au regard de l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, mais elle s’est vue contrainte de suivre la jurisprudence qui établissait clairement que les tribunaux administratifs sont pleinement habilités à définir les limites de leur propre compétence177. Selon elle, il n’y avait aucune raison en principe pour faire une distinction [TRADUCTION] « entre les questions se rapportant à la Charte et les questions se rapportant à l’art. 35, dans le contexte de la compétence du Tribunal pour examiner les questions constitutionnelles. Dans l’un et l’autre cas, le décideur applique simplement les critères énoncés dans la jurisprudence pour savoir si le droit revendiqué est protégé par la Constitution »178.

Même si la Cour du banc de la Reine était liée par les décisions des juridictions supérieures, elle a exprimé l’avis que [TRADUCTION] « les points qui seront décidés dans cette affaire, les règles juridiques qui seront plaidées et les preuves qui seront produites à propos de l’exception d’incompétence vont bien au-delà de la nature des enquêtes dont le Tribunal est généralement saisi ou qui sont envisagés par la LCDP »179. Elle a jugé que ces facteurs sont utiles pour déterminer si une cour de justice selon l’art. 96 (ce qu’était manifestement la Cour du banc de la Reine) devrait exercer son incontestable compétence concurrente pour résoudre une question constitutionnelle. Dans l’affaire qui lui était soumise, la Cour a souligné que [TRADUCTION] « ... une audience fondée sur l’art. 35 [de la Loi constitutionnelle de 1982] éloignerait considérablement le Tribunal de son champ d’expertise et l’obligerait à se prononcer sur de difficiles questions de preuve ainsi qu’à se pencher sur des preuves historiques complexes »180. Par ailleurs, il semblait inévitable qu’une partie ou une autre solliciterait le contrôle judiciaire de toute décision du Tribunal, retardant ainsi davantage le moment où serait étudiée quant au fond l’allégation d’acte discriminatoire. Selon la Cour, la complexité même des questions soulevées ferait courir le risque d’un détournement des ressources destinées à l’arbitrage d’autres plaintes relevant de la compétence de la Commission et retarderait encore davantage le traitement des réclamations. Finalement, la Cour a fait observer que, même si le Tribunal est sans doute compétent pour décider une question constitutionnelle, il ne peut rendre une décision déclarative d’invalidité et ses décisions n’ont pas l’autorité de la chose jugée. Pour toutes ces raisons, la Cour a estimé qu’elle était la mieux placée pour entendre les arguments constitutionnels. Elle a donc accordé une suspension de l’instance, mais sous réserve de plusieurs conditions, la plus importante étant la condition que la Nation Ermineskin introduise devant la Cour dans un délai de 30 jours une instance en règle portant sur la question constitutionnelle sous-jacente. La Cour a ajouté que, à défaut pour la Nation Ermineskin de respecter ce délai de 30 jours, la suspension d’instance serait levée et le Tribunal serait autorisé à poursuivre son audience.

Communication de preuves documentairesTE \l2 "Communication de preuves documentaires

Une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission de rejeter une plainte selon le sous-al. 44(3)b)(i) a donné lieu, dans une affaire récente, à une requête préliminaire portant sur la production d’un large éventail de documents181. La requête a été présentée en vertu de la règle 317 des Règles de la Cour fédérale, rédigée ainsi : « une partie peut demander que des documents ou éléments matériels pertinents à la demande qui sont en la possession de l’office fédéral dont l’ordonnance fait l’objet de la demande lui soient transmis en signifiant à l’office fédéral et en déposant une demande de transmission de documents qui indique de façon précise les documents ou éléments matériels demandés »182. La demanderesse a demandé la communication des notes, documents, mémoires et pièces de toute nature se rapportant à sa plainte. Sa demande était formulée d’une manière si large qu’elle englobait pour ainsi dire toutes les pièces de toute nature que l’enquêteur avait assemblées ou utilisées au cours de l’enquête.

La question de savoir si des documents demandés selon la règle 317 sont pertinents est décidée sur la base des moyens soulevés dans une demande de contrôle judiciaire. Dans cette affaire, les moyens soulevés englobaient les exceptions d’incompétence, les conclusions factuelles indéfendables, l’erreur de droit, l’inobservation de l’équité procédurale et l’utilisation de faux témoignages. Le critère de pertinence dans le contexte des décisions de la Commission prises selon la LCDP avait été examiné en détail dans un arrêt antérieur de la Cour fédérale (l’arrêt Pathak)183 et la Commission l’invoqua dans cette affaire pour s’opposer à la portée de la requête en production déposée par la demanderesse. La Cour avait reconnu dans l’arrêt Pathak que la Commission est autorisée à rendre ses décisions sur la foi d’un rapport préparé par un enquêteur, que la loi présume que le rapport résume fidèlement la preuve, enfin que cette présomption doit être prise en compte lorsqu’est appliqué le critère de pertinence. Ainsi, en l’absence de toute preuve montrant que le rapport d’un enquêteur est inexact ou incomplet, les autres documents utilisés dans la préparation du rapport (mais non examinés par la Commission) n’ont pas à être produits selon la règle 317184.

Malgré les conclusions de l’arrêt Pathak, la Cour a conclu, dans l’affaire Bradley-Sharpe (où la Commission avait rendu sa décision en se fondant uniquement sur le rapport de l’enquêteur) que les pièces demandées par la demanderesse intéressaient les griefs d’appel énoncés dans la demande. Bien qu’il n’en soit pas fait expressément mention, on ne peut que présumer que la Cour a estimé que les allégations de fraude et de faux témoignages pouvaient justifier une demande portant sur certains des documents compris dans la requête en production. Néanmoins, puisque la requête était formulée si généralement qu’elle pouvait englober la totalité des pièces utilisées dans l’enquête, la Cour a conclu qu’elle n’était pas recevable parce qu’elle équivalait à une exploration à l’aveuglette185 dans les dossiers de la Commission. Sur ce point, elle a cité en l’approuvant un passage d’un jugement antérieur de la Cour fédérale : « Il est bien établi que les procédures de contrôle judiciaire sont par nature des procédures sommaires, sans communication préalable de documents ni actes de procédure, et les règles relatives à telles procédures, notamment les règles 1612 et 1613 [aujourd’hui les règles 317 et 318], n’ont pas pour objet de prolonger les procédures sommaires ou de permettre une recherche de renseignements à l’aveuglette »186. La requête de la demanderesse a été rejetée parce qu’elle était trop vague et trop ambiguë, mais la Cour a néanmoins indiqué qu’une requête ultérieure plus précise et plus focalisée serait sans doute considérée plus favorablement.

Les décisions Bell CanadaTE \l2 "Les décisions Bell Canada

Le Rapport juridique de l’an dernier renfermait un examen de deux demandes de Bell Canada qui contestaient des décisions interlocutoires du Tribunal rendues au cours d’audiences portant sur un différend en matière d’équité salariale187. Les deux demandes furent rejetées par la Cour fédérale, mais Bell Canada avait ensuite interjeté appel. Concernant la demande se rapportant à la recevabilité d’éléments de preuve ou à la contraignabilité de témoins, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel de Bell Canada188. La Cour a approuvé le principe selon lequel les décisions interlocutoires sur des questions de preuve ne devraient pas être l’objet de demandes judiciaires tant que n’a pas pris fin l’instance introduite devant le Tribunal des droits de la personne. Elle a souligné que ce principe est « fondé sur le fait que les parties ne peuvent pas savoir, avant la fin de l’instance, si le contrôle d’une décision interlocutoire particulière sera requis et sur le fait que les inconvénients entraînés par le retard sont de loin plus importants que l’avantage d’un contrôle prématuré »189.

S’agissant de la deuxième demande, la Cour d’appel a fait observer que la demanderesse fondait son argumentation sur le par. 40(1) de la LCDP, qui autorise « un individu ou un groupe d’individus » à déposer une plainte auprès de la Commission. Cependant, la question de savoir si un syndicat avait qualité pour déposer une plainte avait déjà été soulevée par Bell dans la même affaire, mais à propos d’une autre demande. Il s’agissait d’une demande de certiorari et de prohibition déposée en 1996, qui visait à empêcher le renvoi des plaintes à l’arbitrage. À l’époque, Bell s’était fondée sur le par. 40(2) au soutien de sa position, un aspect que la Cour fédérale avait expressément noté en rejetant la demande. Eu égard aux antécédents procéduraux de la plainte, la Cour d’appel a exprimé l’avis que « la présentation par Bell, dans le cadre d’une autre procédure interlocutoire, d’une nouvelle contestation du statut des syndicats fondée sur un motif qu’elle aurait pu invoquer dans les procédures antérieures constitue un abus des procédures. Il est possible que la question puisse être soulevée dans le cadre d’un contrôle judiciaire après que la formation aura pris sa décision finale, bien qu’à ce moment-là on pourrait soulever l’argument de la res judicata. La Cour devra alors traiter de toute la question »190. L’appel de Bell a donc été rejeté.

CONTRÔLE JUDICIAIRE DES DÉCISIONS DE LA COMMISSIONTE \l1 "CONTRÔLE JUDICIAIRE DES DÉCISIONS DE LA COMMISSION

La Commission exerce de larges pouvoirs discrétionnaires lorsqu’elle reçoit et traite des plaintes selon la LCDP. Les affaires évoquées dans la présente section donnent une idée des questions qui peuvent entraîner une contestation des décisions de la Commission devant la Cour fédérale.

Formulaire de plainteTE \l2 "Formulaire de plainte

La question de savoir si la Commission a refusé à tort d’exercer sa compétence a fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire à propos de l’exigence de la Commission qui obligeait un plaignant à signer un formulaire de plainte en se servant du nom qui apparaissait sur son acte de naissance191. La plaignante avait vécu pendant un temps considérable sous le nom de Micheline Montreuil, même si son acte de naissance la désignait sous le nom de Joseph Yves Pierre Papineau Montreuil. D’ailleurs, ses cartes de crédit, déclarations de revenus, comptes bancaires et autres documents financiers indiquaient tous son nom d’emprunt, c’est-à-dire Micheline Montreuil. La Commission exprima l’avis qu’elle n’avait pas compétence pour accepter une plainte signée sous le nom de « Micheline Montreuil », en invoquant à l’appui l’art. 5 du Code civil du Québec192, qui prévoit que toute personne exerce ses droits civils sous le nom qui lui est attribué et qui est énoncé dans son acte de naissance. Rejetant cette position, la Cour fédérale a fait observer que même si la Commission a le pouvoir de déterminer ce qui constitue une forme acceptable pour le dépôt d’une plainte, elle ne peut arbitrairement rejeter une plainte pour le seul motif que l’intéressé ne l’a pas signée sous le nom qui apparaît dans son acte de naissance. Selon la Cour, le dépôt d’une plainte ne constituait pas en lui-même une procédure judiciaire et donc n’était pas compris dans les règles formelles énoncées à l’art. 5 du Code civil. Vu le mandat de la Commission, la Cour a estimé qu’elle devait montrer une plus grande souplesse et un formalisme moins rigide au moment de déterminer la forme dans laquelle une plainte devrait être déposée. Elle a aussi conclu que la lecture que faisait la Commission de l’art. 5 du Code civil était juridiquement erronée. En définitive, la Cour a ordonné que la plainte mentionne le nom de « Joseph Yves Pierre Papineau Montreuil connu sous le nom de Micheline Montreuil »193 et que la plaignante soit autorisée à signer la plainte du nom qu’elle utilisait habituellement.

Motifs minimums devant soutenir une revendicationTE \l2 "Motifs minimums devant soutenir une revendication

Les plaintes se rapportant à des faits présumés qui ne donnent pas matière à des mesures complémentaires seront à juste titre éliminées par la Commission à la suite d’enquêtes préliminaires. Cette pratique a été reconnue par la Cour fédérale dans un jugement récent qui portait sur la décision de la Commission de rejeter une plainte de discrimination fondée sur le sexe et sur l’âge dans un cas où les circonstances de l’affaire ne pouvaient autoriser une telle plainte194. Il s’agissait d’une altercation qui était survenue entre le plaignant et une employée d’un Centre de développement des ressources humaines. Alors que le plaignant se renseignait sur l’aide en vue d’obtenir une formation professionnelle ou des possibilités d’emploi, on lui demanda de quitter les lieux. Un gardien de sécurité l’escorta en dehors des lieux. Il y eut de nombreuses rencontres et une abondante correspondance entre le ministère fédéral responsable du Centre et le plaignant, mais ce dernier ne communiqua avec la Commission que 10 mois plus tard. L’examen de la plainte par l’enquêteur affecté au dossier ne révéla aucune information ni indication selon laquelle un employé du Centre avait fait référence au sexe ou à l’âge du demandeur. Le plaignant n’avait pas été en mesure de produire d’autres renseignements susceptibles d’établir un lien entre le traitement qu’il avait reçu au Centre et un motif de distinction illicite prévu par la LCDP. La Commission rejeta par conséquent la plainte. La Cour fédérale (saisie d’une demande visant à faire casser la décision de la Commission) accorda qu’il n’y avait aucune raison pour que la plainte soit examinée davantage par la Commission, notant qu’en l’absence d’autres éléments de preuve, une empoignade entre individus ne justifie pas plus ample enquête de la part de la Commission.

Équité procéduraleTE \l2 "Équité procédurale

Une décision de la Commission de ne pas renvoyer une plainte au Tribunal des droits de la personne peut concerner des faits beaucoup plus complexes que ceux dont il est question dans l’affaire que nous venons d’évoquer. Dans le jugement Grover c. Le Conseil national de recherches195, la Cour fédérale a examiné une demande découlant d’accusations de discrimination raciale dans l’emploi qui avaient conduit la Commission à entreprendre une enquête minutieuse. L’enquête avait consisté à examiner les documents présentés par le plaignant, ainsi que les réponses du Conseil national de recherches (CNR), à communiquer ces réponses au plaignant, avec possibilité pour lui de répliquer, à organiser des rencontres entre le plaignant et les enquêteurs, enfin à interroger diverses personnes qui jouaient un rôle dans le milieu de travail du plaignant. La Commission estima que la preuve produite ne permettait pas de conclure au présumé acte discriminatoire, et la plainte fut rejetée. Le plaignant demanda le contrôle judiciaire de la décision de la Commission, en invoquant plusieurs moyens : manquement à l’équité procédurale, partialité et manque de sérieux de l’enquête, enquête prétendument conduite de mauvaise foi et d’une manière arbitraire, enfin décision prétendument rendue sans qu’il soit tenu compte de la preuve produite.

En rendant sa décision, la Cour fédérale s’est référée à une jurisprudence bien établie selon laquelle la Commission n’a pas l’obligation de tenir une quelconque audience en règle avant de rendre sa décision en la matière et donc n’a pas à respecter les règles formelles de la justice naturelle applicables aux instances judiciaires. Toutefois, pour savoir s’il existe, eu égard à l’ensemble de la preuve, un fondement raisonnable autorisant le passage au stade juridictionnel, la Commission doit observer les règles de l’équité procédurale. La Cour a estimé que le plaignant «  n’avait pas droit à une audience devant la Commission pendant que cette dernière examinait les rapports d’enquête. La Commission n’est pas non plus tenue d’évaluer la crédibilité lorsqu’elle examine les rapports d’enquête »196.

La Cour a jugé que le plaignant avait eu amplement la possibilité de réagir aux preuves et conclusions du CNR (et c’est ce qu’il avait fait), mais elle a souligné que les règles de l’équité procédurale requièrent aussi que les enquêtes soient à la fois neutres et approfondies. Les lacunes factuelles d’un rapport d’enquête posent manifestement la question du sérieux de l’enquête. Certaines omissions peuvent être corrigées par le plaignant, qui portera l’affaire à l’attention du décideur, en l’occurrence la Commission, rendant ainsi inutile le contrôle judiciaire. Néanmoins, la Cour a reconnu que le contrôle judiciaire s’imposera dans « les cas où l’omission est de nature si fondamentale que le seul fait d’attirer l’attention du décideur sur l’omission ne suffit pas à y remédier, ou les cas où le décideur n’a pas accès à la preuve de fond en raison de la nature protégée de l’information ou encore du rejet explicite qu’il en a fait. »197

Le dossier dont était saisie la Cour fédérale établissait qu’un important témoin quant aux allégations de discrimination raciale n’avait pas été interrogé. La Cour a conclu que cette omission « était d’une nature si fondamentale qu’il ne pouvait pas y être remédié en portant simplement la chose à l’attention du décideur, c’est-à-dire la Commission... La notification du décideur pouvait uniquement entraîner une enquête au sujet de la question de savoir pourquoi [le témoin] n’avait pas été interrogé »198. La Cour a souligné que la Commission ne pouvait valablement exercer son pouvoir discrétionnaire administratif lorsque des renseignements utiles se rapportant à une plainte n’étaient pas en sa possession. Elle a aussi indiqué que « l’omission d’interroger une personne qui est liée d’une façon cruciale au présumé acte discriminatoire peut nous amener à inférer que l’enquêteur a préjugé de l’affaire »199. Aucune conclusion particulière sur ce point n’a été tirée, mais la Cour a jugé que la Commission avait manqué à son devoir d’équité procédurale, et ordonné que les plaintes soient renvoyées à la Commission pour être traitées d’une manière non incompatible avec ses motifs.

Omission fondamentaleTE \l2 "Omission fondamentale

Le point de savoir ce qui constitue une omission fondamentale était aussi au cœur du jugement rendu par la Cour fédérale dans l’affaire Singh c. P.G. du Canada200. Il s’agissait d’allégations de harcèlement et de discrimination dans l’emploi fondée sur l’origine nationale ou ethnique et sur l’âge, après que Développement des ressources humaines Canada (DRHC) eut décidé de ne pas renouveler le contrat d’emploi de la plaignante, une femme de 51 ans originaire des Indes orientales. Le différend entourant le non-renouvellement du contrat d’emploi fut examiné au premier palier par la Commission de la fonction publique (CFP), dans la mesure où il comportait des éléments de harcèlement et d’abus de pouvoir. La CFP jugea que les allégations n’étaient pas fondées. Peu après la décision de la CFP, la plaignante déposa une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, alléguant que des remarques désobligeantes avaient été faites par ses collègues de travail et que la décision de DRHC de ne pas reconduire son contrat d’emploi était fondée sur son origine nationale ou ethnique et sur son âge.

Certaines entrevues externes eurent lieu au cours de l’enquête diligentée par la Commission, mais le rapport de l’enquêteur reprenait essentiellement l’information se trouvant dans le rapport antérieur de la CFP. La Commission rejeta la plainte au motif que la preuve n’appuyait pas les allégations de harcèlement et de discrimination dans l’emploi, affirmant plutôt que le non-renouvellement du contrat était sans rapport avec ces allégations.

Examinant la demande de contrôle judiciaire au regard de la décision de la Commission, la Cour fédérale confirma d’abord que la Commission peut valablement décider de rejeter une plainte à la lumière de l’ensemble de la preuve, notamment les déclarations de plusieurs témoins à l’encontre des allégations, et l’examen du comportement professionnel du plaignant. Par ailleurs, l’enquêteur de la Commission ne commet aucune erreur de compétence lorsqu’il s’en remet à la preuve contenue dans un rapport de la CFP qui traite d’aspects professionnels relevant de la compétence de cette dernière, pour autant que les conclusions de l’enquêteur ne soient pas simplement fondées sur celles de la CFP. Néanmoins, la Cour a estimé qu’il subsistait dans l’affaire dont elle était saisie un grave problème touchant au sérieux du rapport d’enquête sur lequel était fondée la décision de la Commission.

En réponse aux arguments de DRHC, la plaignante fit valoir que les faits relatifs au comportement professionnel et à la pénurie de travail avaient été inventés après qu’elle s’était plainte d’un traitement discriminatoire. La Cour fit observer que le rapport de l’enquêteur n’évoquait nulle part la possibilité que les conclusions de DRHC aient pu servir de prétexte, une omission qu’elle qualifia de fondamentale. Elle était fondamentale « ... car toute enquête relative à une pratique discriminatoire doit, à tout le moins, déterminer l’identité du décideur et comporter quelques questions sur les raisons pour lesquelles le décideur a pris la décision qu’il a prise. En l’espèce, cela signifie que l’enquêteur aurait dû tenter de savoir qui, dans les faits, a pris la décision de ne pas renouveler le contrat de la demanderesse et pourquoi. »201.

La Cour a fait observer qu’il est possible de conclure à l’existence d’une discrimination même s’il peut exister un motif supérieur de renvoyer un employé ou de ne pas renouveler un contrat. Par conséquent, le fait que la Commission avait estimé que le faible rendement professionnel de la plaignante justifiait sa décision de ne pas renouveler le contrat ne voulait pas dire qu’il n’y avait pas eu discrimination. La Cour a donc infirmé la décision de la Commission et renvoyé l’affaire à la Commission pour qu’elle en dispose d’une manière non incompatible avec ses motifs.

Un autre exemple d’omission fondamentale dans la conduite d’une enquête est l’affaire
Sosnowski c. Ministre des Travaux publics202. La plainte déposée dans cette affaire se rapportait à une discrimination fondée sur le sexe et sur l’âge, qui avait prétendument été exercée contre une employée. La plaignante, une femme de 56 ans qui avait travaillé comme ingénieur mécanicien pour Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) pendant de nombreuses années, avait perdu son poste et avait dû prendre une retraite anticipée à la suite d’une opération de réduction des effectifs conduite par le ministère. Elle affirmait avoir été traitée pendant un certain temps d’une manière différente et préjudiciable parce qu’elle avait été assignée à des tâches qui avaient eu une incidence négative sur sa position concurrentielle durant l’opération de réduction des effectifs, et parce qu’il y avait eu inversion de l’ordre d’évaluation au mérite dans l’attribution du statut d’employé excédentaire. Elle affirmait aussi avoir subi un traitement différent et préjudiciable dans l’accès à d’autres postes au sein de la fonction publique fédérale.

Le rapport d’enquête (sur lequel la Commission avait fondé sa décision de rejeter la plainte) examinait d’une manière assez détaillée les titres de compétence et antécédents professionnels utilisés pour évaluer les employés du ministère en vue de nominations à des postes de gestionnaire de projet. Le rapport mentionnait que la plaignante avait reçu des notes faibles pour certains des titres de compétence. Plus précisément, il reprenait l’opinion du gestionnaire ministériel selon laquelle [TRADUCTION] « tous les titulaires ont montré une capacité uniforme d’exécuter des projets en tenant compte des paramètres indiqués, à l’exception de la plaignante, qui avait souvent dépassé les coûts et calendriers des projets et qui avait de la difficulté à mener les projets à bien. Cet aspect a également été signalé à la plaignante dans ses évaluations de rendement pour l’exercice 1988-1989 jusqu’à l’exercice 1992-1993. La plaignante a aussi reçu la note la plus faible (4) dans d’autres aptitudes à forte pondération, telles que la capacité de diriger une équipe d’une manière conséquente et efficace, la capacité d’atteindre à l’excellence dans l’exécution de tâches en appliquant les principes de l’imputation fondée sur le marché, et la capacité d’atteindre en tout temps un niveau élevé de satisfaction chez la clientèle »203.

La Cour fédérale a jugé que les portions susmentionnées du rapport d’enquête contenaient une importante erreur de fait concernant les évaluations passées du travail de la plaignante. Selon elle, ces évaluations avaient toutes été uniformément favorables, surtout durant la période allant de 1988 à 1993. La Cour a conclu que cette erreur révélait que les allégations de parti pris (fondé sur l’âge et sur le sexe) n’avaient pas été suffisamment étudiées par la Commission avant qu’elle rende sa décision. En outre, la Cour a estimé que le rapport d’enquête était vicié au regard de la question d’une possible discrimination systémique à l’encontre de la plaignante. Bien qu’elle fût ingénieur mécanicien, la plaignante s’était vu régulièrement refuser la possibilité de travailler à des projets de génie civil. Son manque d’expérience fut ensuite invoqué par le ministère pour justifier une très faible évaluation durant l’opération de réduction des effectifs. Pour reprendre les mots de la Cour : [TRADUCTION] « ... TPSGC affirme qu’elle a obtenu l’unique note de zéro dans la catégorie du génie civil, en raison de son manque d’expérience des projets de génie civil durant son emploi. En revanche, un collègue masculin, qui était lui aussi ingénieur mécanicien, avait eu la responsabilité d’un projet de génie civil et avait par la suite reçu une note ROM plus élevée que celle de la demanderesse »204. Des faits de cette nature révélaient, aux yeux de la Cour, une structure qui nécessitait une évaluation en profondeur, [TRADUCTION] « ... en particulier à la lumière des décisions du Tribunal canadien des droits de la personne, dans lesquelles ont été jugées discriminatoires des différences entre les tâches lorsque telles différences se répercutent sur les possibilités d’emploi d’un plaignant »205. La Cour a donc conclu que [TRADUCTION] « lorsque, comme en l’espèce, une seule femme ingénieur d’expérience à l’intérieur de son groupe professionnel se heurte à de tels obstacles et par la suite se trouve sans travail, l’équité procédurale requiert un examen approfondi de l’existence possible d’une discrimination systémique fondée sur l’âge et sur le sexe »206. La plainte fut donc renvoyée à la Commission pour nouvel examen.

Communication réciproque des réponses des partiesTE \l2 "Communication réciproque des réponses des parties

Les règles de l’équité procédurale ont de nouveau été examinées dans le jugement Moran c. Industrie Canada207. Dans cette affaire, on alléguait une discrimination dans l’emploi fondée sur la déficience physique, parce qu’Industrie Canada avait décidé de ne pas appliquer une durée maximale de deux ans à une liste d’admissibilité pour une nomination au poste d’agent principal des faillites. Dans le concours de 1994, il s’était classé deuxième sur les deux candidats qualifiés. Comme le premier candidat avait accepté le poste, le plaignant fut inscrit sur une liste d’admissibilité pour de futures nominations. À la suite d’une légère congestion cérébrale, le plaignant fut incapable de travailler depuis la fin de mai 1995 jusqu’à la mi-octobre de la même année, date à laquelle il retourna travailler à Revenu Canada (il avait été mis fin à son détachement auprès d’Industrie Canada en raison de compressions budgétaires). En avril 1996, un poste d’agent principal des faillites devint disponible à Industrie Canada. Cependant, la liste d’admissibilité de 1994 avait expiré le 31 mars 1996 et n’avait pas été reconduite. Si la liste d’admissibilité avait été reconduite pour la période maximale de deux ans, elle aurait été valide jusqu’en septembre 1996, et elle aurait donc permis la nomination du plaignant.

Quoique le rapport d’un enquêteur recommandait la nomination d’un conciliateur, la Commission décida de rejeter la plainte. Elle invoqua trois motifs pour justifier le rejet : (i) la preuve ne permettait pas de dire qu’Industrie Canada avait exercé contre le plaignant une discrimination fondée sur la déficience, (ii) la preuve ne permettait pas d’imputer à la congestion cérébrale du plaignant la décision de ne pas proroger la liste d’admissibilité, et (iii) le plaignant avait été admissible à se présenter au concours de 1996, mais il avait décidé de ne pas le faire.208 Le plaignant souleva, dans sa demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission, la question de l’équité procédurale, en particulier au regard de l’information qui avait été présentée à la Commission et qui concernait les arguments d’Industrie Canada. Après examen du dossier, la Cour estima que les arguments d’Industrie Canada considéraient la relation possible entre les décisions de dotation en personnel et la déficience du plaignant et que ce fait n’avait pas été inclus dans le rapport de l’enquête. Il sembla à la Cour fédérale qu’Industrie Canada avait d’abord fait valoir que les gestionnaires concernés n’avaient aucun pouvoir de proroger la liste d’admissibilité. La question de la déficience n’était apparue que dans la réponse d’Industrie Canada au rapport de l’enquêteur. Cette réponse renfermait de puissants arguments selon lesquels le plaignant s’était privé d’une possible nomination au poste en ne se présentant pas au concours de 1996. Cette réponse (transmise à la Commission sous forme de lettre) ne fut pas communiquée au plaignant avant la décision de la Commission de rejeter la plainte. La Cour jugea cette omission fatale pour la validité de la décision de la Commission, car l’information en question « ... soulevait la question de la [TRADUCTION] «présumée déficience» du demandeur et avançait en outre un point de vue beaucoup plus fort en ce qui concerne l’omission du demandeur de se porter candidat au concours de 1996. De fait, la lettre disait qu’en ne se portant pas candidat au concours de 1996, il «s’était vu refuser l’accès à une possibilité». Or, dans son rapport, l’enquêteur avait dit que l’omission de se porter candidat n’influait pas sur le bien-fondé de la plainte; pourtant, la CCDP s’est servie de cette omission pour justifier le rejet de la plainte »209. Comme la non-communication de la lettre en question au plaignant en vue d’obtenir ses commentaires constituait un manquement à l’équité procédurale, la Cour a fait droit à la demande de contrôle judiciaire et renvoyé l’affaire à la CCDP pour nouvel examen.

Nature confidentielle de la conciliationTE \l2 "Nature confidentielle de la conciliation

Les décisions de la Commission de renvoyer une plainte au Tribunal des droits de la personne peuvent aussi être contestées devant la Cour fédérale, comme en témoigne l’arrêt Société Radio-Canada c. Paul210. Dans cette affaire, la SRC était accusée de discrimination dans l’emploi fondée sur l’âge et sur le sexe, accusations qui avaient d’abord figuré dans une plainte de septembre 1989 à la Commission. En raison de contestations juridiques concernant des plaintes ultérieures déposées par la même plaignante, l’enquête et la rédaction d’un rapport sur la plainte de 1989 ne prirent fin que le 29 juillet 1996. Le rapport recommandait que la Commission nomme un conciliateur dans l’espoir de régler la plainte.

La SRC s’opposa à la nomination d’un conciliateur, mais des rencontres eurent lieu néanmoins dans l’espoir de transiger. Ce fut un échec et le conciliateur prépara un rapport final qui énonçait les positions des parties et donnait le détail d’une offre de règlement faite par la SRC, mais rejetée par la plaignante. La SRC continua d’affirmer que le rapport d’enquête était tendancieux et s’opposa vigoureusement à la divulgation de l’offre de règlement qu’elle avait faite à la plaignante211. Par une lettre portant la date du 13 février 1997, la SRC fut informée par la Commission que, après étude du rapport de conciliation et des réponses de la plaignante, elle avait décidé de renvoyer la plainte à un Tribunal pour décision. Cette décision fut annulée après dépôt d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale, Section de première instance, estimant entre autres qu’il y avait eu manquement aux règles de l’équité procédurale, ainsi que violation de l’obligation réglementaire de confidentialité qui s’attache au processus de conciliation. La Cour jugea aussi qu’il était inopportun de renvoyer l’affaire à la Commission pour nouvel examen.

Quatre points ont été examinés par la Cour d’appel fédérale212, mais la question du caractère confidentiel du processus de conciliation fut le pivot de sa décision. La Cour a fait état d’une jurisprudence constante portant sur le principe de la confidentialité, en common law, des mécanismes destinés à encourager les règlements à l’amiable, ainsi que sur les considérations d’ordre public à la base de ce principe. Elle s’est ensuite référée directement au par. 47(3) de la LCDP, qui prévoit expressément que « les renseignements recueillis par le conciliateur sont confidentiels et ne peuvent être divulgués sans le consentement de la personne qui les a fournis »213.

La Cour d’appel a jugé inutile d’examiner les points se rapportant au présumé parti pris du rapport d’enquête, mais elle a tout de même passé en revue les aspects de l’équité procédurale qui semblaient faire défaut dans le dossier qu’elle avait devant elle. Comme on l’a dit plus haut, lorsque la Commission avait communiqué à la SRC sa décision de renvoyer l’affaire à un Tribunal, elle avait expressément indiqué qu’elle avait étudié le rapport de conciliation et la réponse de la plaignante à ce rapport. La Commission n’avait pas fait état d’autres documents qu’elle aurait pu consulter ou examiner, elle mentionnait simplement qu’elle avait tenu compte « de toutes les circonstances »214. Au vu du dossier, par conséquent, la Cour d’appel douta que le rapport d’enquête ou les arguments de la SRC eussent été pris en compte par la Commission avant qu’elle ne décide de renvoyer l’affaire à un Tribunal. Elle a jugé que les règles de l’équité procédurale ainsi que l’obligation légale de la Commission (art. 44 de la LCDP) de recevoir le rapport de l’enquêteur commandaient à la Commission de tenir compte des documents en question215.

La Cour d’appel n’a pas suivi la décision du tribunal inférieur sur la réparation à accorder. Le tribunal inférieur avait en fait mis un obstacle à l’introduction d’autres instances en refusant de renvoyer l’affaire à la Commission pour nouvel examen. La Cour d’appel a estimé que cet aspect était régi par les principes de droit administratif applicables à l’abus de procédure. Elle a donc tenu compte de l’arrêt récent de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission)216, un arrêt qui soulignait plusieurs facteurs à considérer avant que ne puissent être suspendues des procédures, à savoir la nature et les causes des délais, les complexités juridiques et factuelles et les divers préjudices pouvant être causés aux parties. La Cour d’appel a estimé que le dossier ne permettait pas de dire à quelle partie plus qu’à l’autre pouvaient être imputés les retards du traitement des plaintes, ni quelle partie allait probablement pâtir plus que l’autre du passage du temps. En conséquence, la Cour a ordonné le renvoi de la plainte à la Commission pour nouvel examen, tout en précisant que seuls les membres de la Commission qui n’avaient pas pris part à la décision antérieure de renvoyer l’affaire à un Tribunal pourraient participer au réexamen de la plainte, et que les membres de la Commission appelés à réexaminer la plainte ne pourraient pas se voir communiquer le rapport du conciliateur, ni son contenu.

Erreur de droitTE \l2 "Erreur de droit

Une erreur de droit ou de compétence donne lieu, comme on le sait, à un contrôle judiciaire fondé sur le critère de la décision correcte. Ce principe est illustré dans le jugement Gee c. Ministre du Revenu national217, dans lequel la Cour fédérale examinait une décision de la Commission de rejeter une plainte en se fondant sur son interprétation légale des conséquences d’une entente conclue par une plaignante avec un employeur. Cette affaire porte sur divers événements qui se sont produits entre 1990 et 1996 et sur des allégations de harcèlement et de discrimination raciale dans le milieu de travail. Les plaintes (au nombre de 24) avaient été étudiées au niveau interne en 1993-1994 par le ministère fédéral concerné. Celui-ci décida que six des allégations de harcèlement étaient fondées, que l’une établissait un cas de discrimination raciale et qu’une autre établissait un cas d’abus de pouvoir. Après ces décisions, la plaignante a voulu rouvrir auprès de la Commission une plainte antérieure qui avait été rejetée en 1993 parce qu’elle était prescrite, mais elle n’a pas eu gain de cause. Elle a aussi échangé des communications et obtenu des entrevues avec les gestionnaires du ministère afin d’obtenir réparation pour les torts qu’elle avait subis. Un accord écrit fut finalement conclu en vertu duquel elle était nommée à un poste qui, selon elle, lui avait été injustement refusé, mais les autres employés pouvaient faire appel de cette nomination. Il fut convenu que le ministère prendrait fait et cause pour la plaignante si tels appels étaient interjetés. Finalement, 33 appels furent déposés et, malgré l’accord signé par la plaignante et les gestionnaires du ministère, le ministère jeta l’éponge et refusa de défendre la nomination de la plaignante.

La plaignante parvint en avril 1999 à convaincre la Commission d’enquêter sur deux plaintes se rapportant à ses allégations. Après enquête, la Commission rejeta les plaintes au motif que, vu l’entente conclue entre les parties, des procédures complémentaires n’étaient pas justifiées218. Les vues de la Commission sur les conséquences juridiques de l’entente ont été jugées erronées par la Cour fédérale : « En arrivant à sa conclusion que l’entente était un élément pertinent, la Commission a écarté toute une jurisprudence, qui émane en grande partie de la Cour suprême du Canada, qui déclare expressément que la législation portant sur les droits de la personne est d’ordre public et qu’on ne peut y renoncer par contrat »219. Au surplus, la valeur probante de l’entente fut mise en doute par la Cour : « Non seulement a-t-on demandé à la demanderesse de signer l’entente sans qu’elle ait le bénéfice des conseils de son avocat, on ne lui a même pas indiqué que la consultation d’un avocat était une option. Elle n’a pas été pleinement informée quant aux droits auxquels elle renonçait ostensiblement, non plus que des conséquences qui pourraient éventuellement être liées aux appels de sa nomination. De plus, le défendeur n’a pas appuyé sa position comme il l’avait promis, ce qui fait que l’entente, qui devait être au bénéfice de la demanderesse, a fini par la placer dans une situation pire que celle dans laquelle elle se trouvait à l’origine. Il ne s’agit sûrement pas là de la mise en œuvre d’une entente de règlement. En rejetant sa réclamation au vu de l’entente, la CCDP a en fait nié toute possibilité que la demanderesse avait de continuer à réclamer réparation pour sa plainte par les canaux habituels »220.

De plus, selon la Cour, aucun élément du dossier ne révélait que la Commission avait pris en compte une quelconque preuve essentielle touchant la plainte après qu’il fut établi que l’entente avait pour effet de supprimer tout recours que la plaignante aurait pu exercer en vertu de la LCDP. L’erreur de droit relative à l’effet de l’entente s’en trouvait aggravée, et la conséquence était que la Commission n’avait pas exercé son mandat selon la loi applicable. La demande de contrôle judiciaire fut donc accordée et l’affaire fut renvoyée à la Commission pour nouvel examen par d’autres membres de la Commission, ou par un tribunal désigné, en fonction de la valeur relative de la preuve et sans qu’il soit tenu compte de l’entente conclue entre les parties.

Décisions arbitraires ou déraisonnablesTE \l2 "Décisions arbitraires ou déraisonnables

L’équité procédurale semblerait englober le devoir d’éviter les décisions arbitraires et déraisonnables. Ce point est illustré dans l’affaire Jane Hedges-Mckinnon et autre c. Commission canadienne des droits de la personne221, un jugement de la Cour fédérale portant sur un refus prétendument discriminatoire des frais professionnels engagés par une épouse, mais déduits par son mari en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu222. Plus précisément, Jane Hedges-Mckinnon, une golfeuse professionnelle, avait conclu en 1985 avec son conjoint, Richard Mckinnon, un accord de commandite selon lequel ce dernier prenait à sa charge les frais qu’elle engageait en qualité de golfeuse professionnelle. Cet arrangement fut accepté par les fonctionnaires du fisc pendant plusieurs années, mais l’Agence des douanes et du revenu du Canada informa M. Mckinnon en septembre 1997 que les frais engagés par lui pour parrainer son épouse ne pourraient plus être déduits de son revenu à titre de frais professionnels en raison du fait que l’on ne pouvait raisonnablement espérer que la commandite génère un bénéfice. Par ailleurs, en octobre de la même année, M. Mckinnon fit l’objet de nouvelles cotisations pour les années d’imposition 1994, 1995 et 1996. Une nouvelle cotisation fut établie pour Mme Hedges-Mckinnon pour l’année 1996. Dans sa décision, l’Agence expliquait en détail les critères objectifs utilisés pour dire si une espérance raisonnable de bénéfice existait.

Les deux parties ont fait appel avec succès de la décision de l’Agence à la Cour canadienne de l’impôt (jugement rendu en novembre 1999223), mais elles ont déposé séparément, auprès de la Commission, des plaintes alléguant une discrimination fondée sur l’état matrimonial et, dans le cas de Mme Hedges-Mckinnon, fondée également sur le sexe. S’agissant de la plainte de M. Mckinnon, l’enquêteur chargé du dossier décida que le plaignant s’était vu accorder les frais professionnels en question pendant une période de huit ans. Ce n’est qu’après cette période que les représentants du fisc fédéral avaient refusé les frais pour le motif que les revenus étaient demeurés uniformément bien au-dessous des frais pendant la période de huit ans. L’état matrimonial de M. Mckinnon avait été sans rapport avec la décision de l’Agence sur ce point. Finalement, l’enquêteur a conclu que la plainte de Richard Mckinnon avait été examinée selon une procédure prévue par une autre loi fédérale devant la Cour canadienne de l’impôt et qu’un redressement adéquat avait été accordé, c’est-à-dire que la Cour de l’impôt avait jugé que la nouvelle cotisation avait été irrégulière et que les frais en question pouvaient légitimement être déduits par M. Mckinnon. La Commission décida en conséquence qu’une instruction de la plainte de discrimination n’était pas justifiée, et la plainte de Richard Mckinnon fut rejetée. La plainte de Mme Hedges-Mckinnon, qui en partie portait sur une présumée discrimination fondée sur le sexe, fut elle aussi rejetée par la Commission, au motif que les faits allégués ne constituaient pas un acte discriminatoire et donc échappaient à la compétence de la Commission. Mme Hedges-Mckinnon avait peut-être un grief valable à faire valoir auprès des fonctionnaires du fisc fédéral à propos de ce qu’ils pensaient du potentiel de rémunération des golfeuses, mais la Commission a conclu que le différend relatif aux frais professionnels concernait M. Mckinnon et l’Agence des douanes et du revenu du Canada.

Saisie d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale se demanda si le pouvoir discrétionnaire de la Commission de rejeter la plainte de M. Mckinnon en vertu du sous-al. 44(3)b)(i) de la LCDP avait été exercé d’une manière discriminatoire, injuste, arbitraire ou déraisonnable ou si sa décision avait été fondée sur des facteurs étrangers ou non pertinents. Ce critère était facilement rempli à la fois par le rapport de l’enquêteur et par la décision de la Commission, la Cour soulignant qu’une retenue considérable doit être manifestée à l’endroit de la Commission lorsqu’elle fait selon la LCDP l’évaluation préliminaire d’une plainte. La Cour a jugé aussi qu’il était raisonnable pour l’enquêteur de conclure dans son rapport à l’incompétence de la Commission pour disposer de la plainte de Mme Hedges-Mckinnon et que la décision de la Commission de rejeter sa plainte en conformité de l’al. 41(1)c) de la LCDP ne pouvait être contestée sur aucun fondement.

Dans un jugement ultérieur, Rabah c. Procureur général du Canada224, qui concernait la décision de la Commission de rejeter une plainte de discrimination dans l’emploi fondée sur l’origine nationale ou ethnique, la Cour fédérale a appliqué la norme de contrôle utilisée dans l’affaire Mckinnon. M. Rabah affirmait que l’instruction de sa plainte avait été lacunaire et insuffisante. Cependant, la Cour fédérale jugea que le fond de la plainte du demandeur avait été étudié d’une manière suffisamment détaillée par l’enquêteur chargé du dossier. Selon elle, [TRADUCTION] « il convient de déférer aux décideurs administratifs lorsqu’ils examinent la valeur probante de la preuve et qu’ils décident en conséquence s’il faut ou non enquêter davantage. Un contrôle judiciaire ne sera justifié que s’il y a eu des omissions déraisonnables, par exemple si une preuve essentielle n’a pas été examinée »225. En l’espèce, l’affirmation de M. Rabah selon laquelle son accent avait servi à justifier une mauvaise appréciation de son aptitude à la communication était difficile à concilier avec le fait que six des douze candidats reçus à qui un emploi fut éventuellement offert avaient eux aussi un accent lorsqu’ils parlaient anglais. Par ailleurs, la Cour a jugé que les critères employés pour évaluer l’aptitude à communiquer des candidats aux postes en question étaient objectifs et avaient été appliqués d’une manière exempte de parti pris. Vu ces conclusions d’enquête, et puisqu’il n’était pas démontré que la Commission avait rejeté la plainte [en application du sous-al. 44(3)b)(i)] en se fondant sur des facteurs étrangers ou hors de propos, ou avait agi d’une manière discriminatoire, injuste, arbitraire ou déraisonnable, la Cour a estimé qu’elle ne pouvait intervenir. La demande du plaignant en vue de faire annuler la décision de la Commission fut donc rejetée.

CONTRÔLE JUDICIAIRE DES DÉCISIONS DU TRIBUNALTE \l1 "CONTRÔLE JUDICIAIRE DES DÉCISIONS DU TRIBUNAL

Impartialité et indépendance du TribunalTE \l2 "Impartialité et indépendance du Tribunal

Les questions d’impartialité et d’indépendance du Tribunal canadien des droits de la personne ont été examinées dans le Rapport juridique de l’an dernier, en particulier au regard de la décision rendue par la Cour fédérale (Section de première instance) dans l’affaire Bell Canada c. ACET, SCCEP et Femmes Action et la CCDP226. La Section de première instance avait jugé que le pouvoir de la Commission de prendre des ordonnances interprétant le principe « à travail égal, salaire égal » soulevait une crainte raisonnable de partialité institutionnelle. Elle avait aussi conclu qu’une exigence législative subordonnant la prorogation du mandat d’un membre du Tribunal (pour le cas où ce mandat expirerait durant l’instruction d’une affaire) à l’approbation du président du Tribunal permettait de supposer que le Tribunal n’était pas suffisamment indépendant pour présider une audience avec équité. En conséquence, l’instance concernant la plainte déposée contre Bell avait été suspendue. Appel de cette décision avait été interjeté à la Cour d’appel fédérale, dont l’arrêt a depuis été rendu227.

Avant d’analyser les deux questions que sont l’impartialité et l’indépendance, la Cour d’appel a fait le point sur l’historique de la procédure (l’affaire avait été renvoyée au Tribunal en mai 1996) et sur les modifications législatives qui avaient été adoptées à la suite d’autres décisions judiciaires. Elle a fait observer que la première décision de la Cour fédérale228 en la matière avait conclu que le pouvoir du ministre fédéral de la Justice (d’après la loi telle qu’elle existait alors) de proroger le mandat d’un membre du Tribunal jetait le doute sur l’indépendance et l’impartialité de ce Tribunal. La Cour fédérale avait aussi exprimé de sérieuses réserves dans le même jugement à propos du pouvoir de la Commission de prendre des ordonnances contraignantes sur « les limites et les modalités de l’application de [la LCDP] dans un cas donné »229 (là encore d’après la loi telle qu’elle existait alors). Les modifications apportées à la LCDP et concernant le pouvoir de la Commission de prendre des ordonnances sont entrées en vigueur en juin 1998230. Ces modifications supprimaient toute mention d’ordonnances pouvant s’appliquer à un cas donné et prévoyaient qu’elles ne seraient contraignantes que « dans une catégorie de cas donnés »231. Ce qui avait donné lieu à la crainte la plus vive, c’était la possibilité que la Commission prenne des ordonnances applicables exclusivement à un cas auquel elle était partie. Les modifications législatives supprimaient aussi le pouvoir du ministre de la Justice d’approuver la prorogation du mandat d’un membre du Tribunal et conférait pleine autorité en la matière au président du Tribunal. Néanmoins, dans une deuxième décision (l’objet de l’appel courant), la Cour fédérale avait conclu que les modifications ne suffisaient pas à dissiper l’impression de parti pris et d’absence d’indépendance du Tribunal.

La Cour d’appel a fait observer que le pouvoir de prendre des ordonnances était manifestement nécessaire vu le langage général employé dans la LCDP, notamment les dispositions qui interdisaient les rémunérations discriminatoires entre hommes et femmes232. Elle a souscrit à une décision antérieure de la Cour fédérale selon laquelle « ... le Parlement était conscient qu’on ne pouvait pas trouver dans la formulation lapidaire de l’article 11 la réponse à plusieurs questions relativement à la mise en œuvre du principe de l’égalité de rémunération pour fonctions équivalentes... La bonne interprétation de l’article 11 est que le Parlement avait l’intention de conférer aux organismes créés pour appliquer la Loi une marge de manœuvre pour décider, à la lumière de chaque affaire et avec l’aide de l’expertise technique disponible, comment appliquer le principe, inscrit dans la loi, de l’égalité de rémunération pour fonctions équivalentes dans un cadre d’emploi donné »233. Le pouvoir d’établir des règles normatives apparentées aux textes réglementaires est en principe conféré au gouverneur en conseil, mais la Cour d’appel n’a considéré nullement inacceptable de déroger à cette pratique. Elle a fait observer que la Commission serait empêchée d’agir arbitrairement étant donné que les ordonnances prises sous son autorité seraient prises dans l’exercice d’un pouvoir législatif conféré sous le régime d’une loi fédérale et entreraient donc dans les définitions de « règlement » et de « texte réglementaire », à l’art. 2 de la Loi sur les textes réglementaires234. Les ordonnances prises seraient par conséquent soumises aux sauvegardes énoncées dans cette Loi, lesquelles englobent la conformité à la Charte canadienne des droits et libertés235 et à la Déclaration canadienne des droits236.

Quant à la présumée impression de partialité institutionnelle découlant de la force obligatoire, pour le Tribunal, des ordonnances générales sur la parité salariale, la Cour d’appel a estimé que le juge des requêtes n’accordait pas suffisamment d’importance aux modifications législatives qui avaient supprimé la référence à un cas donné. Selon elle, ces modifications avaient pour objet de faire en sorte que les ordonnances établissent des règles générales applicables à tous les cas tombant dans une catégorie donnée. Selon ses propres mots : « ... Cette façon de procéder supprime, dans une large mesure, la possibilité que possédait auparavant la Commission d’intervenir dans l’examen d’un cas particulier. Cela constitue un changement important. Selon la version antérieure du paragraphe 27(2), la Commission pouvait, grâce à l’émission de directives, influencer le résultat d’une plainte donnée; en théorie, elle aurait même pu adopter une directive visant précisément la plainte en question. Cela n’est plus possible. Il me semble que des directives régissant une «catégorie de cas donnés» et appelées à faire l’objet d’une application générale et impersonnelle risquent beaucoup moins de soulever une crainte raisonnable de partialité institutionnelle »237. La Cour a aussi exprimé l’avis que, si la Commission pouvait selon la LCDP à la fois jouer un rôle d’exécution et établir des règles normatives, il n’en résultait pas pour autant une crainte raisonnable de partialité. Elle a souligné que le critère à appliquer (énoncé dans plusieurs décisions judiciaires) était de savoir si « une personne bien informée qui examinerait la situation de façon réaliste et concrète - et qui aurait réfléchi à la question - n’éprouverait pas une crainte raisonnable de partialité dans un grand nombre de cas »238. Appliquant ce critère à l’affaire dont elle était saisie, la Cour d’appel n’a pu trouver aucune crainte de partialité.

La Cour d’appel a aussi infirmé la décision du juge des requêtes sur la question de l’indépendance institutionnelle. Cette question avait été soulevée à la lumière du pouvoir du président du Tribunal d’approuver la prorogation du mandat d’un membre du Tribunal si ce mandat devait expirer durant l’instruction d’une affaire239. Un examen du rôle et du pouvoir du président, et notamment le fait qu’il ne peut être démis de ses fonctions au cours de son mandat de sept ans si ce n’est pour un motif déterminé, garantit l’indépendance administrative de sa charge à l’égard de la branche exécutive du gouvernement. Par ailleurs, un contrôle judiciaire est toujours possible si le président abuse de son pouvoir lorsqu’il exerce des fonctions administratives selon la LCDP. Vu qu’il n’y avait pas raisonnablement lieu de craindre que le président abuse de sa discrétion administrative en n’agissant pas de bonne foi et dans l’intérêt du Tribunal, la Cour d’appel n’a pu trouver aucune raison de mettre en doute l’indépendance du Tribunal. L’autorisation de faire appel de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale à la Cour suprême du Canada a été accordée (sans exposé des motifs) le 13 décembre 2001240.

Une autre affaire soulevant des questions semblables de partialité et d’indépendance institutionnelle au regard du pouvoir de la Commission de prendre des ordonnances, ainsi qu’au regard de la rémunération des membres du Tribunal, a récemment été examinée par la Cour d’appel fédérale, qui a rendu son arrêt le même jour que l’arrêt Bell241. L’historique procédural de ce différend en matière d’équité salariale est aussi complexe que celui de l’affaire Bell examinée ci-dessus, mais l’attention de la Cour d’appel dans cette affaire s’est limitée à certaines questions de procédure, dont l’une concernait la qualité pour agir du gouvernement des T.N.-O. dans la contestation de la validité de certaines parties de la LCDP, qui prétendument établissaient un régime contraire aux règles de la justice naturelle. La Commission avait soutenu vigoureusement que le gouvernement des T.N.-O., n’ayant pas juridiquement acquis le statut constitutionnel d’une province, constituait une partie de la Couronne du chef du Canada et en tant que tel ne saurait contester la validité des lois fédérales. C’est sur ce fondement que la Section de première instance de la Cour fédérale avait refusé au gouvernement des T.N.O. la qualité pour soutenir que la LCDP contrevenait aux normes d’impartialité et d’indépendance.

La Cour d’appel a exprimé son désaccord avec cette conclusion. Elle a jugé que la nature des arguments mis en avant par le gouvernement des T.N.-O. n’avait pas été bien comprise. Essentiellement, d’expliquer la Cour d’appel, le gouvernement des T.N.-O. n’avait pas tenté de contester la validité de la LCDP : « Il se fonde en réalité sur la Loi elle-même, telle qu’adoptée, pour soutenir et démontrer que les paragraphes 27(3) et 48.2(2) ont pour effet de le priver de son droit reconnu par la common law d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial. Dans la demande de contrôle judiciaire dans laquelle la qualité d’agir lui a été refusée, l’appelant a tout au plus donné à ces deux paragraphes une interprétation contraire à celle que souhaitaient les deux intimées. Autrement dit, la position qu’a adoptée l’appelant au sujet des paragraphes contestés porte davantage sur l’interprétation et l’effet de la Loi que sur sa validité »242. Selon la Cour, le gouvernement des T.N.-O. était une création du droit fédéral, mais il avait néanmoins qualité pour demander la reconnaissance et la mise à exécution des pouvoirs que lui confère la loi fédérale. Par ailleurs, de conclure la Cour : « La qualité que possède l’appelant comporte également le droit de demander, comme le prévoit les règles de la justice naturelle, à un tribunal indépendant et impartial d’appliquer et d’interpréter une Loi dont l’appelant ne conteste pas la validité. J’estime que le juge des requêtes a commis une erreur lorsqu’il a refusé à l’appelant la qualité nécessaire «pour prétendre que les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou de l’un de ses règlements d’application créent un régime non conforme aux exigences de la justice naturelle» »243.

Procédure impartiale selon la Déclaration des droitsTE \l2 "Procédure impartiale selon la Déclaration des droits

À propos de l’allégation de partialité institutionnelle par suite de la nature contraignante de l’ordonnance sur la parité salariale, la Cour d’appel a adopté son raisonnement exposé dans l’arrêt Bell. Néanmoins, elle a ensuite examiné quel recours pourrait avoir une partie lésée si l’on présumait que les dispositions législatives en question allaient notablement à l’encontre des normes d’impartialité et d’indépendance. La Cour a reconnu que la portée exacte des règles de justice naturelle, dont procèdent les normes d’impartialité et d’indépendance, peut être modifiée par une formulation législative expresse dans la mesure où elles s’appliquent aux organismes et tribunaux administratifs. Toutefois, cette modification des lois devait être évaluée par rapport aux dispositions figurant dans l’al. 2e) de la Déclaration canadienne des droits, qui garantissent à toute personne qu’elle ne sera pas privée du droit à une audition impartiale de sa cause selon les principes de justice fondamentale244. Ces dispositions obligent un tribunal qui statue sur les droits d’une personne à « agir équitablement, de bonne foi, sans prévention et dans une humeur judiciaire »245. Quant à savoir si la Couronne est une « personne » et donc si elle est fondée à revendiquer cette protection, la Cour s’est référée à la jurisprudence selon laquelle les personnes morales comme les personnes physiques sont comprises dans le texte de l’al. 2e) de la Déclaration des droits. La jurisprudence établissait aussi que la Couronne du chef du Canada était, aux fins du droit, une « personne » en common law. La Cour a aussi souligné que la protection constitutionnelle du droit à un procès équitable (selon la Charte des droits et libertés) ne s’étendait pas aux instances civiles introduites devant les tribunaux administratifs. L’alinéa 2e) de la Déclaration des droits pouvait donc jouer un important rôle supplémentaire pour aider à définir le champ des garanties procédurales applicables à de telles instances. Eu égard à ces considérations, la Cour a conclu que la Couronne n’était pas empêchée d’invoquer le droit à une audition impartiale, garanti par la Déclaration des droits246.

La Cour n’a énoncé aucune conclusion de fond concernant la manière dont l’ordonnance sur la parité salariale pourrait faire obstacle au droit à un procès équitable, mais elle a décrit le genre de recours qui serait possible en cas de contravention aux normes de l’équité procédurale selon la Déclaration des droits. Dans un cas aussi hypothétique, l’ordonnance serait déclarée inopérante, mais uniquement pour ce qui concerne l’instance considérée. L’instruction de la plainte se déroulerait alors sous la réserve que l’ordonnance ne s’imposerait pas aux membres du tribunal chargés de disposer de l’affaire. L’autorisation d’interjeter appel de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale à la Cour suprême du Canada a été accordée (sans que des motifs soient énoncés) le 13 décembre 2001247.

Suspension de l’instanceTE \l2 "Suspension de l’instance

L’affaire que nous venons d’examiner (qui concernait un différend avec le gouvernement des T.N.-O. portant sur l’équité salariale) a aussi donné lieu à une demande de suspension de l’instance jusqu’à ce que l’appel du gouvernement soit liquidé248. La demande fut présentée à la Cour fédérale après que le Tribunal eut décidé d’autoriser la Commission et la plaignante à achever leur preuve (qui alors touchait à sa fin) pour ensuite ajourner l’audience jusqu’à ce que la Cour d’appel statue sur les questions d’impartialité et d’indépendance. Le Tribunal était d’avis que cela permettrait au gouvernement des T.N.-O. d’être pleinement informé de l’issue de son appel avant de produire sa propre preuve sur le bien-fondé de la plainte.

Devant la Cour d’appel fédérale, le gouvernement des T.N.-O. a soutenu que sa demande remplissait le triple critère permettant de dire si une suspension de l’instance devrait être accordée. D’abord, les points de droit soulevés dans son appel (à propos de l’impartialité et de l’indépendance du tribunal) étaient des questions graves qui méritaient d’être examinées. Deuxièmement, le gouvernement des T.N.-O. subirait un préjudice irréparable si une suspension n’était pas accordée et qu’il obtenait finalement gain de cause dans son appel. Finalement, le préjudice que risquait de subir le gouvernement des T.N.-O. était plus grand que le préjudice que risquaient de subir les autres parties. La Cour accorda que les questions soulevées dans l’appel étaient sérieuses, mais elle n’a pu admettre que le gouvernement des T.N.-O. subirait un préjudice irréparable si une suspension de l’instance n’était pas accordée. En décidant de la sorte, la Cour a souligné que le Tribunal avait restreint la poursuite de l’audience à l’achèvement de la preuve déjà commencée : « Je ne puis retenir [l’argument du demandeur], compte tenu en particulier de la décision que le tribunal a prise d’ajourner l’instance en attendant l’issue de cet appel une fois que la Commission et l’AFPC auront présenté toute leur preuve avant la clôture de l’affaire... Le gouvernement n’a proposé aucun fondement me permettant de conclure que le fait de simplement permettre à la Commission et à l’AFPC de présenter le reste de leur preuve lui causera un préjudice irréparable »249. La Cour a souligné aussi que le gouvernement des T.N.-O. n’avait pas soutenu que son contre-interrogatoire des témoins restants de la Commission et de l’AFPC serait influencé par l’issue de son appel concernant l’impartialité et l’indépendance du Tribunal. La Cour a donc rejeté la demande de suspension, mais elle a aussi indiqué que, si le Tribunal décidait de continuer l’instance après que la Commission et l’AFPC auraient achevé leur preuve, le gouvernement des T.N.-O. pourrait à juste titre présenter une nouvelle demande à la Cour.

Application de la LCDP à la Chambre des communesTE \l2 "Application de la LCDP à la Chambre des communes
La compétence du Tribunal des droits de la personne pour instruire une plainte de discrimination dans l’emploi déposée contre le président de la Chambre des communes a été contestée devant la Cour fédérale comme une procédure incompatible avec le principe de l’immunité parlementaire250. La question a été soumise à la Cour en appel de la décision majoritaire du Tribunal, qui avait conclu que l’embauchage d’un chauffeur par le président de la Chambre n’entrait pas dans les fonctions essentielles de l’organe législatif, ni ne mettait en jeu sa dignité, son intégrité ou l’efficacité de ses opérations. En l’occurrence, le Tribunal avait jugé que la LCDP s’appliquait bel et bien à la plainte, laquelle comportait des allégations de discrimination fondée sur la race, la couleur et l’origine nationale ou ethnique. (La décision du Tribunal est résumée plus loin, sous la rubrique Ordonnances interlocutoires du Tribunal.)

La Cour fédérale a reconnu que la Chambre des communes jouit d’un certain nombre de privilèges qui s’attachent à elle collectivement, par opposition aux privilèges qui s’appliquent à chacun de ses membres. Ces privilèges collectifs sont : [TRADUCTION] « le pouvoir d’appliquer des sanctions disciplinaires aux députés et de les expulser; la réglementation de ses propres affaires intérieures; le pouvoir de préserver l’assiduité et le service des députés; le droit d’ouvrir des enquêtes et d’appeler des témoins et d’exiger des documents; le droit de faire prêter serment aux témoins; et le droit de publier des documents contenant des propos diffamatoires »251. La question de savoir si telle ou telle activité de l’organe législatif donne lieu à l’immunité parlementaire dépend d’un critère de nécessité, qui a été énoncé par la Cour suprême dans l’arrêt New Brunswick Broadcasting Co. c. Nouvelle-Écosse (président de l’Assemblée législative)252. Ce critère est rempli lorsque l’affaire examinée engage la dignité d’un corps législatif ou l’efficacité de ses opérations. Compte tenu de la jurisprudence applicable et des textes doctrinaux, la Cour fédérale a conclu que la gestion et la nomination d’un personnel entrent dans le champ de l’immunité parlementaire. En bref, ce pouvoir de gestion est jugé nécessaire au bon fonctionnement de la Chambre des communes.

Appliquant le critère de nécessité, la Cour fédérale a fait ressortir l’importance de ne pas entreprendre une évaluation qualitative de la proximité d’une relation d’emploi donnée par rapport aux fonctions essentielles de l’organe législatif. Selon elle, toute évaluation du genre rendrait futile l’immunité parlementaire, parce qu’elle obligerait [TRADUCTION] « ... les tribunaux à entreprendre chaque fois une enquête pour savoir si une responsabilité professionnelle donnée entre dans le champ essentiel du privilège parlementaire. Il ne fait aucun doute que, dans de nombreux cas, il sera difficile de tracer la ligne de partage »253. En l’occurrence, le caractère éloigné d’un emploi de chauffeur par rapport aux fonctions législatives de la Chambre des communes n’a donc pas été jugé comme un facteur disposant de la question de l’immunité. C’est la relation de subordination entre l’employé et le président de la Chambre qui faisait entrer effectivement le poste de chauffeur dans le champ de l’immunité.

Même si le pouvoir de nommer et de gérer un personnel était protégé par l’immunité parlementaire, la Cour fédérale s’est néanmoins demandé si un texte législatif quelconque constituait une renonciation à l’immunité pour certaines catégories d’employés. Plus précisément, elle a examiné les dispositions de la Loi sur les relations de travail au Parlement254. Elle a conclu que la Loi faisait siennes certaines dispositions du Code canadien du travail255 seulement dans la mesure où elles concernaient les accidents et les risques pour la santé, ainsi que les normes applicables aux heures de travail, aux rémunérations, aux vacances et aux jours fériés. Pour tous les autres aspects, les termes mêmes de la Loi indiquaient clairement que les privilèges de la Chambre des communes et du Sénat étaient préservés. La Cour a donc rejeté l’argument selon lequel un texte législatif avait eu pour effet de supprimer le privilège à l’égard d’employés tels que le plaignant dans l’affaire considérée.

Malgré ses conclusions initiales défavorables au plaignant, la Cour a achevé son analyse du privilège revendiqué en examinant un important principe établi par la Cour suprême, selon lequel les motifs de l’inhabilité de membres d’un organe législatif fondés sur la race et le sexe ne sauraient relever des règles régissant à juste titre les activités de tels organes256. Les décisions fondées sur des motifs illégitimes ne peuvent donc être protégées par le principe de l’immunité parlementaire. La Cour fédérale a étendu ce raisonnement à l’affaire dont elle était saisie, concluant que [TRADUCTION] « ... le champ du privilège ne s’étend pas aux violations des droits de la personne car cette matière n’entre pas dans la sphère nécessaire des matières sans lesquelles la dignité et l’efficacité de la Chambre ne peuvent être préservées »257. Elle a par la même occasion souligné aussi qu’elle n’examinait pas la manière dont un pouvoir protégé par l’immunité était exercé dans un cas donné. Selon elle, une cour de justice pouvait à juste titre évaluer la légitimité du privilège revendiqué en examinant les motifs sur lesquels il était fondé. Elle a conclu que [TRADUCTION] « la Chambre ne devrait pas tenir lieu de sanctuaire soustrait à l’application de la loi sauf s’il existe un conflit manifeste avec une matière qui relève du privilège. Comme l’a fait observer l’un des intervenants, si le Code criminel, qui n’a pas de statut constitutionnel, s’applique aux relations de travail à l’intérieur de la Chambre, alors la LCDP également. Juger autrement reviendrait à donner au privilège parlementaire un contenu contraire aux droits à l’égalité garantis par la Charte, droits dont les dispositions de la LCDP se font aussi l’écho »258. Elle a donc jugé que le Tribunal des droits de la personne avait la compétence nécessaire pour instruire la plainte de discrimination déposée par un chauffeur travaillant pour le président de la Chambre des communes.

Nouvelles qualités requises des membres du TribunalTE \l2 "Nouvelles qualités requises des membres du Tribunal

Les modifications apportées à la LCDP qui sont entrées en vigueur le 30 juin 1998 ont institué un nouveau Tribunal canadien des droits de la personne et officialisé l’obligation pour ses membres d’avoir « une expérience et des compétences dans le domaine des droits de la personne, y être sensibilisés et avoir un intérêt marqué pour ce domaine »259. Cette règle a été contestée parce qu’elle établirait une crainte raisonnable de partialité, en ce que les membres du Tribunal se qualifiant ainsi ne seraient pas en mesure d’établir un juste équilibre entre les droits à l’égalité selon la LCDP et les libertés et droits rivaux garantis par la Charte canadienne des droits et libertés260. Le tribunal devant lequel cet argument fut d’abord soulevé, et le juge des requêtes saisi d’un appel contre la décision du tribunal, ont tous deux rejeté cette prétention. Le tribunal a estimé que les qualités requises énoncées au paragraphe 48.1(2) de la LCDP se rapportaient aux droits de la personne au sens le plus large, quel que soit leur fondement législatif ou constitutionnel. Par ailleurs, le devoir primordial des membres du tribunal est d’aspirer à l’équité et à une résolution juste des plaintes de discrimination.

La Cour d’appel fédérale a jugé que les nouvelles règles instituées en 1998 ne s’appliquaient pas techniquement aux membres d’un tribunal constitué avant cette date, et elle aurait par conséquent rejeté l’appel sur ce fondement, mais elle a néanmoins étudié les allégations de partialité appréhendée. Elle a jugé qu’un tribunal composé de personnes douées de « sensibilité aux droits de la personne » ne serait pas de ce fait aveugle ou insensible aux intérêts ou arguments des parties défenderesses dans les affaires relevant de la LCDP. Selon ses propres mots : « Lorsque l’expression en question est interprétée par rapport aux autres conditions de nomination, à savoir l’expérience, les compétences et l’intérêt marqué pour les droits de la personne, le fait d’être sensibilisé laisse tout au plus entendre la nécessité de reconnaître les droits de la personne au sens général du terme et d’en être conscient. Contrairement à ce que l’appelant a soutenu, cette expression n’exige pas que les membres soient prédisposés à admettre les arguments à l’appui des droits de la personne ou qu’ils soient favorables à pareils arguments, comme certaines définitions lexicographiques peuvent l’indiquer lorsqu’elles sont considérées isolément. Le fait d’être sensibilisé aux droits de la personne ne veut pas dire que l’on n’est pas sensibilisé à d’autres droits. Cette expression vise uniquement à exclure les gens qui font preuve d’étroitesse d’esprit à l’égard des questions de droits de la personne »261.

Questions de fait et de droitTE \l2 "Questions de fait et de droit

Appel a été interjeté à la Cour fédérale, pour plusieurs présumées erreurs de droit et conclusions de fait erronées, d’une décision du Tribunal se rapportant à une pratique syndicale qui entraînait une discrimination à l’encontre des femmes (décision examinée dans le Rapport juridique 2000)262. Une erreur de droit qui apparaissait à la lecture du dossier concernait la décision du Tribunal d’examiner et de trancher des objections préliminaires du syndicat qui se rapportaient à l’opportunité de la plainte. Le Tribunal avait reconnu que sa compétence pour examiner la décision de la Commission de proroger le délai de dépôt d’une plainte posait problème (en raison de courants jurisprudentiels divergents), mais il a néanmoins conclu qu’il avait le pouvoir de statuer sur les conclusions du syndicat en la matière. La Cour fédérale a jugé que le Tribunal avait, en statuant ainsi, commis une erreur au regard de la norme de la décision correcte, mais il a également jugé que l’erreur était sans conséquence pour la décision quant au fond de la plainte et qu’elle ne pouvait donc servir à l’infirmer.

S’agissant des présumées erreurs entachant les questions mixtes de droit et de fait, la Cour fédérale a appliqué la norme de la décision raisonnable simpliciter. Malgré les arguments avancés par le Syndicat, la Cour n’a pu trouver aucune mauvaise interprétation du droit dans la manière dont le Tribunal avait compris le triple critère énoncé dans la décision Shakes263 pour savoir si un commencement de preuve de discrimination avait été établi. Par ailleurs, le Tribunal avait eu raison de modifier ce critère pour l’adapter aux aspects particuliers du système de régulation du Syndicat afin de savoir s’il y avait eu acte discriminatoire. De plus, l’application de ce critère aux faits de la plainte remplissait la norme de la décision raisonnable simpliciter.
On ne pouvait dire non plus que le Tribunal avait tiré ses conclusions de fait d’une manière abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte de la preuve produite. En d’autres termes, il n’y avait rien de manifestement déraisonnable dans les inférences tirées par le Tribunal de la preuve dont il disposait, ni à l’égard d’autres faits établis par la preuve. Le Tribunal n’était pas non plus tenu, pour expliquer sa décision finale, de faire référence à chaque élément de preuve ainsi produit. Le juge de la Cour fédérale a estimé que [TRADUCTION] « eu égard à l’ensemble des motifs du Tribunal, je suis persuadé qu’il lui était loisible de tirer les conclusions de fait qu’il a tirées, en particulier au regard de la norme de l’erreur manifestement déraisonnable, norme qui, j’en suis sûr, est la norme à appliquer au regard des conclusions de fait tirées par un Tribunal canadien des droits de la personne »264.

Signification de l’expression même établissement, dans les différends concernant l’équité salarialeTE \l2 "Signification de l’expression même établissement, dans les différends concernant l’équité salariale

Un différend en matière d’équité salariale faisant intervenir les agents de bord d’Air Canada a fait l’objet d’une plainte auprès de la Commission en novembre 1991. Les agents de bord, surtout des femmes, affirmaient qu’elles étaient victimes de discrimination parce qu’elles étaient moins bien rémunérées que les groupes de référence à prédominance masculine et parce que leurs échelles de rémunération exigeaient d’elles plus de temps pour atteindre le salaire maximum que ce n’était le cas pour les groupes de référence à prédominance masculine. Les groupes de référence étaient les suivants : (i) les premiers officiers et les officiers en second qui pilotent les avions, et (ii) les travailleurs qui exécutent les services de maintenance et autres services techniques sur les avions d’Air Canada et aux endroits où Air Canada exerce ses activités. Une plainte semblable fut également déposée contre Lignes aériennes Canadien International en juillet 1992.

Au tout début de l’enquête, les deux compagnies aériennes se sont portées à la défense de leurs politiques salariales en soutenant que les groupes de travailleurs auxquels se comparaient les agents de bord n’étaient pas employés dans le même « établissement », au sens de l’art. 11 de la LCDP265. Pour résoudre cette question préliminaire (qui avait incité les compagnies défenderesses à demander une ordonnance judiciaire mettant fin à l’instruction de la plainte), un Tribunal spécial composé de trois membres fut nommé et prié de voir comment le mot « établissement » devrait être interprété et appliqué. L’examen de cette question engloba éventuellement aussi le sens qu’il fallait donner à l’art. 10 de l’Ordonnance sur la parité salariale (OPS), adoptée en vertu du par. 27(2) de la LCDP :

Pour l’application de l’article 11 de la Loi, les employés d’un établissement comprennent, indépendamment des conventions collectives, tous les employés au service de l’employeur qui sont visés par la même politique en matière de personnel et de salaires, que celle-ci soit ou non administrée par un service central.266

Le Tribunal a jugé qu’une bonne interprétation de ces dispositions n’empêchait pas la prise en compte de conventions collectives. Autrement dit, lorsqu’on voulait savoir si des employés du même employeur étaient visés par la même politique en matière de personnel et de salaires, ni l’art. 11 de la LCDP ni l’art. 10 de l’OPS n’empêchaient la prise en compte de conventions collectives. Elles constituaient un facteur parmi beaucoup d’autres dont il fallait tenir compte pour arriver à une décision. Le Tribunal a aussi conclu que l’art. 11 n’établissait pas une définition globale du mot « établissement », au sens où tous les employés du même employeur étaient réputés travailler dans le même établissement. Il convenait donc d’être prudent lorsqu’on examinait des facteurs tels que les « fonctions essentielles », l’« interdépendance » des travailleurs et les droits de la direction, qui dans les lieux de travail syndiqués, s’appliquent à l’ensemble des unités de négociation. Le Tribunal a souligné qu’une analyse fonctionnelle était nécessaire pour arriver à une bonne interprétation du mot « établissement », une interprétation qui englobait une prise en compte des politiques générales de ressources humaines, mais qui n’excluait pas la prise en compte de conventions collectives.

Appliquant cette interprétation aux faits de la plainte, le Tribunal a conclu que les trois groupes d’employés constitués par les « pilotes », les « agents de bord » et les « employés des opérations techniques » étaient des établissements distincts au sens de l’art. 11 de la LCDP. Il a souligné que ces trois groupes avaient eu pendant de nombreuses années des unités de négociation différentes et des conventions collectives différentes et que le mécanisme d’accréditation de ces unités avait englobé une évaluation des intérêts communs de leurs employés respectifs, à savoir les rémunérations, les heures de travail et les conditions de travail. La grande majorité des politiques en matière de personnel et de salaires qui étaient applicables à chaque groupe se trouvaient dans des conventions collectives négociées par chaque unité de négociation. Même si certains éléments des politiques en matière de ressources humaines et des stratégies de négociation des sociétés défenderesses étaient communs aux trois groupes considérés, le Tribunal a estimé que cela ne permettait pas d’ignorer l’incidence évidente des modalités apparaissant dans les diverses conventions collectives. Appel de cette décision a été interjeté à la Cour fédérale à la fois par la Commission et par le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) représentant les agents de bord267.

Une question essentielle soumise à la Cour fédérale concernait la lecture qu’il convenait de faire de l’expression « indépendamment des conventions collectives », à l’art. 10 de l’OPS. Le Tribunal avait rejeté l’argument selon lequel cette expression faisait obstacle à une prise en compte des conventions collectives pour savoir si des groupes d’employés étaient visés par une politique commune en matière de personnel ou de salaires. La Cour fédérale a souscrit au raisonnement du Tribunal sur ce point, en partie parce que l’emploi du mot « indépendamment » ne visait pas à résoudre une incohérence ou une contradiction entre des dispositions, analogue à celle qui pourrait exister entre deux art. de la LCDP, par exemple entre les par. 11(1) et 11(4) ou entre les par. 9(1) et 9(2)268. D’ailleurs, décider autrement conduirait à des applications incohérentes de la définition de « salaire », au par. 11(7) de la LCDP, selon que les facteurs indiqués au par. 11(7) figuraient dans des conventions collectives ou non. Comme l’a indiqué la Cour : « La conséquence logique de l’argument des demandeurs serait que des comparaisons salariales aux fins du paragraphe 11(1) engloberaient une prise en compte de tous les éléments de rémunération énumérés au paragraphe 11(7), mais simultanément la recherche de similitudes salariales en vue de déterminer quels employés font partie d’un établissement exclurait la prise en considération des éléments de rémunération énumérés au paragraphe 11(7) si tels éléments étaient contenus dans des conventions collectives »269. La Cour a accordé que l’examen d’une convention collective intéressait la question d’une politique commune en matière de personnel et de salaires, mais tous les autres facteurs et éléments au-delà de telles conventions devaient être considérés eux aussi.

Les décisions du Tribunal concernant la recevabilité de la preuve ont elles aussi été contestées pour le motif qu’elles constituaient un manquement aux principes de justice naturelle. Vu son mandat premier, qui consistait à examiner le sens et l’application du mot « établissement », le Tribunal avait refusé d’autoriser la production d’une preuve d’expert au regard de la prédominance de tel ou tel sexe dans certains groupes professionnels chez Air Canada, de même que la production d’une preuve contextuelle générale tendant à révéler une discrimination salariale systémique à l’encontre des femmes par suite d’une ségrégation professionnelle. S’agissant de la preuve d’expert, la Cour a reconnu avec le Tribunal qu’elle n’était pas utile pour déterminer le sens du mot « établissement », ni pour savoir si les présumés groupes de référence travaillaient dans le même établissement que les agents de bord. En limitant le champ de la comparaison aux employés du même établissement, l’article 11 de la LCDP établissait un critère de seuil qui devait être rempli « avant que la question de la prédominance d’un groupe professionnel identifiable ne présente de l’intérêt »270.

La Cour a jugé que la preuve contextuelle générale rejetée par le Tribunal concernait « la discrimination systémique en général et les connaissances et théories à la base de ce genre de discrimination »271. Néanmoins, la Cour a fait observer que le Tribunal avait décidé qu’il entendrait « le contexte social et historique de la discrimination salariale systémique dans le cadre des arguments et conclusions des parties »272 et qu’il avait donc « donné aux demandeurs l’occasion de présenter dans leurs arguments l’information contextuelle... »273. En conséquence, la Cour n’a pu constater aucun manquement aux principes de justice naturelle.

La Cour fédérale a aussi rejeté les arguments selon lesquels l’interprétation donnée par le Tribunal du mot « établissement » ne parvenait pas à donner effet à l’objet fondamental de l’art. 11, en permettant que des conventions collectives distinctes perpétuent la discrimination salariale systémique à l’endroit des femmes. La Cour a fait observer que cet argument était fondé sur un faux postulat, à savoir que la décision du Tribunal permettrait d’affirmer qu’un « établissement » correspondra toujours à une seule unité de négociation ou à une seule convention collective. Une telle relation est reflétée dans les faits particuliers de cette cause, mais on ne saurait dire que l’approche fonctionnelle énoncée dans la décision du Tribunal pour déterminer à quel moment des employés sont visés par une politique commune en matière de personnel et de salaires conduit nécessairement à ce résultat. En revanche, d’expliquer la Cour, exclure d’une telle détermination la prise en compte de conventions collectives entraînerait fondamentalement une définition globale du mot « établissement », ce qui irait à l’encontre de la volonté clairement exprimée du législateur.
Mode de calcul du salaire perdu

Dans l’affaire Commission canadienne des droits de la personne et Robert Carter c. Procureur général du Canada274, la Cour fédérale a examiné le mode de calcul des dommages pour la perte de salaire subie par suite d’une discrimination. L’affaire concernait un membre des Forces armées canadiennes qui avait été libéré le 27 mai 1992 après avoir atteint l’âge de la retraite obligatoire. Au moment de sa libération, les règles de retraite obligatoire des Forces armées (qui étaient comprises dans les Règlements royaux275) ne faisaient pas référence aux exceptions prévues à l’alinéa 15(1)b) de la LCDP. C’est en raison de cette lacune qu’un Tribunal des droits de la personne avait déclaré ces règles discriminatoires le 14 août 1992276. Les Règlements royaux ont été modifiés le 3 septembre 1992 de façon à prévoir expressément que les règles de retraite obligatoire constituaient des règlements pris par le gouverneur en conseil au sens de l’alinéa 15(1)b) de la LCDP.

En l’espèce, Robert Carter a été mis à la retraite obligatoire plus de trois mois avant l’entrée en vigueur des nouveaux règlements, le 3 septembre 1992. Il est donc apparu évident que M. Carter, au moment de sa libération des Forces armées, a été l’objet d’une pratique discriminatoire contraire aux dispositions de la LCDP. Les parties comparaissant devant le Tribunal instruit de la plainte ne contestaient pas la conclusion sur la question de fond, mais elles ne s’entendaient pas sur la réparation à accorder au plaignant. Le Tribunal a jugé que la période d’indemnisation devrait être comprise entre le 27 mai 1992 (date de la mise à la retraite obligatoire de M. Carter) et le 3 septembre 1992 (date des modifications apportées aux Règlements royaux277). Selon lui, l’entrée en vigueur des modifications du 3 septembre a mis fin à la pratique discriminatoire, rompant ainsi tout lien de cause à effet entre l’acte discriminatoire initial et les dommages réclamés pour le salaire perdu au delà du 3 septembre 1992. L’indemnisation ne couvrirait donc que la période allant de la date de la mise à la retraite jusqu’au 3 septembre. Le Tribunal a conclu également que le calcul du salaire perdu devrait exclure tous les revenus de pension et indemnités de départ que le plaignant aurait pu toucher pendant cette période. Les deux conclusions du Tribunal ont été contestées devant la Cour fédérale.

En ce qui concerne la période d’indemnisation à retenir, la Cour fédérale a confirmé la conclusion du Tribunal selon laquelle il doit exister un lien de cause à effet entre un acte discriminatoire et le dédommagement réclamé. Bien que le droit à une indemnisation soit acquis dès qu’un acte discriminatoire se produit, le quantum des dommages-intérêts et la période indemnisable doivent être déterminés à la lumière de l’ensemble des circonstances entourant une plainte donnée. Dans l’affaire qui nous intéresse, la Cour a jugé que le Tribunal avait examiné de près tous les faits et circonstances et qu’il avait eu raison de conclure que l’entrée en vigueur des modifications du 3 septembre avait rompu tout lien de cause à effet entre la pratique discriminatoire et la perte de salaire subie par M. Carter. Par conséquent, comme ce lien doit exister entre la pratique discriminatoire et le dédommagement pour perte de salaire, aucune indemnisation ne devait être versée pour la période postérieure au 2 septembre 1992278.
La décision du Tribunal suivant laquelle le revenu de pension touché après la libération du plaignant ne devait pas être déduit de l’indemnité accordée pour la perte de salaire en vertu de la LCDP était liée à ce que l’on appelle « l’exception visant les assurances »279. Cette exception, invoquée au début dans des actions au civil, a établi le principe selon lequel les prestations touchées en réparation du salaire perdu aux termes d’un contrat d’assurance privé ne peuvent être défalquées du montant des dommages-intérêts. Au fil des ans, l’application de ce principe a été élargie aux avantages sociaux accordés en vertu d’une convention collective ou d’un contrat de travail. La Cour fédérale a conclu que les arrêts de la Cour suprême du Canada établissent que, dans le contexte du droit régissant la responsabilité civile en général, l’exception visant les assurances s’applique aux prestations de retraite, ce qui signifie que ces prestations, qu’elles soient versées en vertu du Régime de pensions du Canada ou d’un régime privé de retraite, ne seront pas défalquées des dommages-intérêts imposés à un tiers auteur de délit civil280. Il restait toutefois à déterminer si l’exception s’appliquait aux dommages-intérêts pour perte de salaire qui sont accordés aux termes de la LCDP.

Dans sa décision, la Cour fédérale reprend des parties intégrales de jugements qui portent sur le sens et l’application de l’exception visant les assurances. Elle a adopté le prononcé de décisions judiciaires antérieures qui confirment cette exception et ne l’appliquent que dans les cas où un tiers auteur de délit (défendeur) se serait enrichi sans cause si les prestations pour perte de salaire touchées simultanément (en vertu d’une convention collective ou d’un contrat d’assurance privé) étaient défalquées des dommages-intérêts accordés en vertu du régime général du droit de la responsabilité civile délictuelle. Toutefois, la question de l’enrichissement injustifié d’un tiers auteur de délit civil était sans rapport avec les faits de l’espèce. Ce qui était important, par contre, c’était la possibilité que le plaignant visé par la LCDP puisse toucher une double indemnisation pour perte de salaire. La Cour a conclu que si M. Carter était resté dans les Forces armées jusqu’au 3 septembre 1992, il n’aurait reçu aucune prestation de retraite avant cette date. Il est évident que, conformément aux paragraphes 16 à 20 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, M. Carter ne pouvait pas toucher une pension et acquérir d’autres prestations de retraite simultanément. Le fait que le Tribunal n’ait pas déduit le revenu de pension a placé M. Carter dans une situation plus favorable que celle où il se serait trouvé s’il était demeuré dans les Forces armées canadiennes jusqu’au 2 septembre 1992, étant donné qu’il a touché un salaire et un revenu de pension pour la même période, c’est-à-dire du 27 mai au 2 septembre 1992.281 Bien que la Cour ait refusé de statuer sur la possibilité d’appliquer l’exception aux dommages-intérêts pour perte de salaire qui sont accordés aux termes de la LCDP dans d’autres circonstances, elle a jugé que les prestations de retraite considérées en l’espèce n’étaient pas visées par l’exception282. Elle a donc conclu que le Tribunal s’était trompé en excluant les prestations de retraite du calcul des dommages pour perte de salaire. Elle a renvoyé l’affaire au Tribunal pour réexamen.

AUTRES DÉCISIONS EN MATIÈRE DE DROITS DE LA PERSONNETE \l1 "Mode de calcul du salaire perduDans l’affaire Commission canadienne des droits de la personne et Robert Carter c. Procureur général du Canada274, la Cour fédérale a examiné le mode de calcul des dommages pour la perte de salaire subie par suite d’une discrimination. L’affaire concernait un membre des Forces armées canadiennes qui avait été libéré le 27 mai 1992 après avoir atteint l’âge de la retraite obligatoire. Au moment de sa libération, les règles de retraite obligatoire des Forces armées (qui étaient comprises dans les Règlements royaux275) ne faisaient pas référence aux exceptions prévues à l’alinéa 15(1)b) de la LCDP. C’est en raison de cette lacune qu’un Tribunal des droits de la personne avait déclaré ces règles discriminatoires le 14 août 1992276. Les Règlements royaux ont été modifiés le 3 septembre 1992 de façon à prévoir expressément que les règles de retraite obligatoire constituaient des règlements pris par le gouverneur en conseil au sens de l’alinéa 15(1)b) de la LCDP.En l’espèce, Robert Carter a été mis à la retraite obligatoire plus de trois mois avant l’entrée en vigueur des nouveaux règlements, le 3 septembre 1992. Il est donc apparu évident que M. Carter, au moment de sa libération des Forces armées, a été l’objet d’une pratique discriminatoire contraire aux dispositions de la LCDP. Les parties comparaissant devant le Tribunal instruit de la plainte ne contestaient pas la conclusion sur la question de fond, mais elles ne s’entendaient pas sur la réparation à accorder au plaignant. Le Tribunal a jugé que la période d’indemnisation devrait être comprise entre le 27 mai 1992 (date de la mise à la retraite obligatoire de M. Carter) et le 3 septembre 1992 (date des modifications apportées aux Règlements royaux277). Selon lui, l’entrée en vigueur des modifications du 3 septembre a mis fin à la pratique discriminatoire, rompant ainsi tout lien de cause à effet entre l’acte discriminatoire initial et les dommages réclamés pour le salaire perdu au delà du 3 septembre 1992. L’indemnisation ne couvrirait donc que la période allant de la date de la mise à la retraite jusqu’au 3 septembre. Le Tribunal a conclu également que le calcul du salaire perdu devrait exclure tous les revenus de pension et indemnités de départ que le plaignant aurait pu toucher pendant cette période. Les deux conclusions du Tribunal ont été contestées devant la Cour fédérale.En ce qui concerne la période d’indemnisation à retenir, la Cour fédérale a confirmé la conclusion du Tribunal selon laquelle il doit exister un lien de cause à effet entre un acte discriminatoire et le dédommagement réclamé. Bien que le droit à une indemnisation soit acquis dès qu’un acte discriminatoire se produit, le quantum des dommages-intérêts et la période indemnisable doivent être déterminés à la lumière de l’ensemble des circonstances entourant une plainte donnée. Dans l’affaire qui nous intéresse, la Cour a jugé que le Tribunal avait examiné de près tous les faits et circonstances et qu’il avait eu raison de conclure que l’entrée en vigueur des modifications du 3 septembre avait rompu tout lien de cause à effet entre la pratique discriminatoire et la perte de salaire subie par M. Carter. Par conséquent, comme ce lien doit exister entre la pratique discriminatoire et le dédommagement pour perte de salaire, aucune indemnisation ne devait être versée pour la période postérieure au 2 septembre 1992278.La décision du Tribunal suivant laquelle le revenu de pension touché après la libération du plaignant ne devait pas être déduit de l’indemnité accordée pour la perte de salaire en vertu de la LCDP était liée à ce que l’on appelle « l’exception visant les assurances »279. Cette exception, invoquée au début dans des actions au civil, a établi le principe selon lequel les prestations touchées en réparation du salaire perdu aux termes d’un contrat d’assurance privé ne peuvent être défalquées du montant des dommages-intérêts. Au fil des ans, l’application de ce principe a été élargie aux avantages sociaux accordés en vertu d’une convention collective ou d’un contrat de travail. La Cour fédérale a conclu que les arrêts de la Cour suprême du Canada établissent que, dans le contexte du droit régissant la responsabilité civile en général, l’exception visant les assurances s’applique aux prestations de retraite, ce qui signifie que ces prestations, qu’elles soient versées en vertu du Régime de pensions du Canada ou d’un régime privé de retraite, ne seront pas défalquées des dommages-intérêts imposés à un tiers auteur de délit civil280. Il restait toutefois à déterminer si l’exception s’appliquait aux dommages-intérêts pour perte de salaire qui sont accordés aux termes de la LCDP.Dans sa décision, la Cour fédérale reprend des parties intégrales de jugements qui portent sur le sens et l’application de l’exception visant les assurances. Elle a adopté le prononcé de décisions judiciaires antérieures qui confirment cette exception et ne l’appliquent que dans les cas où un tiers auteur de délit (défendeur) se serait enrichi sans cause si les prestations pour perte de salaire touchées simultanément (en vertu d’une convention collective ou d’un contrat d’assurance privé) étaient défalquées des dommages-intérêts accordés en vertu du régime général du droit de la responsabilité civile délictuelle. Toutefois, la question de l’enrichissement injustifié d’un tiers auteur de délit civil était sans rapport avec les faits de l’espèce. Ce qui était important, par contre, c’était la possibilité que le plaignant visé par la LCDP puisse toucher une double indemnisation pour perte de salaire. La Cour a conclu que si M. Carter était resté dans les Forces armées jusqu’au 3 septembre 1992, il n’aurait reçu aucune prestation de retraite avant cette date. Il est évident que, conformément aux paragraphes 16 à 20 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, M. Carter ne pouvait pas toucher une pension et acquérir d’autres prestations de retraite simultanément. Le fait que le Tribunal n’ait pas déduit le revenu de pension a placé M. Carter dans une situation plus favorable que celle où il se serait trouvé s’il était demeuré dans les Forces armées canadiennes jusqu’au 2 septembre 1992, étant donné qu’il a touché un salaire et un revenu de pension pour la même période, c’est-à-dire du 27 mai au 2 septembre 1992.281 Bien que la Cour ait refusé de statuer sur la possibilité d’appliquer l’exception aux dommages-intérêts pour perte de salaire qui sont accordés aux termes de la LCDP dans d’autres circonstances, elle a jugé que les prestations de retraite considérées en l’espèce n’étaient pas visées par l’exception282. Elle a donc conclu que le Tribunal s’était trompé en excluant les prestations de retraite du calcul des dommages pour perte de salaire. Elle a renvoyé l’affaire au Tribunal pour réexamen.AUTRES DÉCISIONS EN MATIÈRE DE DROITS DE LA PERSONNE

Prestations de conjointTE \l2 "Prestations de conjoint

La cessation des prestations de survivant au remariage célébré avant l’entrée en vigueur de l’art. 15 de la Charte canadienne des droits et libertés a fait l’objet devant la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse d’une contestation fondée sur les droits à l’égalité283. L’instance était introduite par un groupe de 62 veuves à qui avaient été accordées des prestations de survivant en vertu des dispositions alors existantes de la Loi provinciale sur les accidents du travail284, à la suite du décès de leurs maris au travail, mais qui avaient perdu lesdites prestations (avant le 17 avril 1985) lorsqu’elles s’étaient remariées. La règle concernant la cessation de la pension « de veuve » au remariage avait été abrogée par l’assemblée législative provinciale en 1992, mais ce n’est qu’en 1999 que le gouvernement décida de rétablir les pensions de survivant lorsqu’elles avaient pris fin après le 17 avril 1985, date d’entrée en vigueur de l’art. 15 de la Charte. Les pensions qui avaient pris fin après cette date furent rétablies rétroactivement à la date à laquelle elles avaient été perdues. Les modifications législatives adoptées à l’époque prévoyaient aussi le rétablissement des pensions qui avaient pris fin avant l’entrée en vigueur de l’art. 15 de la Charte, mais le rétablissement ne prenait effet que le 1er janvier 1999. C’est cette différence de traitement entre les veuves « postérieures à la Charte » et les veuves « antérieures à la Charte » qui prétendument contrevenait aux droits à l’égalité prévus par l’art. 15.

Infirmant le jugement du tribunal de première instance favorable aux demanderesses, la Cour d’appel souligna l’importance de faire une distinction entre l’analyse de la règle de non-rétrospectivité de la Charte et l’analyse fondamentale des droits à l’égalité. La Cour fit observer que manifestement la Charte ne peut s’appliquer à des lois passées qui n’existent plus. Elle a donc souligné que [TRADUCTION] « la «constitutionnalité» des dispositions de cessation antérieures à la Charte n’est pas en jeu... Elles n’étaient pas inconstitutionnelles ni illégales avant 1985. La cessation des pensions n’était pas «discriminatoire» au sens de l’art. 15 de la Charte à un moment quelconque avant le 17 avril 1985. Il est trompeur d’affirmer le contraire »285. En ce sens, les dispositions de l’art. 15 qui confèrent les droits à l’égalité ne pourraient servir à redonner vie au versement de prestations de survivant qui avait cours avant l’entrée en vigueur de l’art. 15. La vraie question concernait les conséquences prétendument permanentes et fondées sur le statut qui découlaient de l’application de lois passées. C’est pour cette raison que les demanderesses avaient demandé que leurs pensions ne soient rétablies qu’à compter du 17 avril 1985. À leur avis (et le juge du procès leur avait donné raison), elles demandaient uniquement que la Charte soit appliquée prospectivement de manière à invalider le refus d’une pension de survivante, un refus permanent et fondé sur le statut.

La distinction entre un événement ponctuel survenu avant la Charte (événement auquel la Charte ne peut s’appliquer rétrospectivement) et une condition ou situation permanente n’est pas toujours évidente. La Cour d’appel s’est référée abondamment à un arrêt récent de la Cour suprême (l’arrêt  Benner286), qui a approuvé et appliqué cette distinction dans un cas où la loi abrogée avait subordonné l’attribution de la citoyenneté au sexe des parents biologiques. Bien que cette loi fût abrogée, son effet discriminatoire avait été reporté dans les lois ultérieures, de telle sorte qu’un candidat à la citoyenneté était encore affecté après la Charte. En conséquence, la Cour suprême accorda un redressement selon la Charte à un demandeur dont la demande de citoyenneté postérieure à la Charte avait été rejetée en raison de distinctions discriminatoires qui avaient leur racine dans la loi antérieure et qui créaient encore des problèmes courants et permanents de statut ou de condition. La Cour suprême a fait les observations suivantes :
 La question à trancher consiste donc à caractériser la situation : s’agit-il réellement de revenir en arrière pour corriger un événement passé, survenu avant que la Charte crée le droit revendiqué, ou s’agit-il simplement d’apprécier l’application contemporaine d’un texte de loi qui a été édicté avant l’entrée en vigueur de la Charte ?

Je suis bien conscient que cette distinction n’est pas toujours aussi nette qu’on le souhaiterait, car bien des situations peuvent raisonnablement être considérées comme mettant en jeu à la fois des événements précis et isolés et des conditions en cours. Ainsi, un statut ou une condition en cours découlera souvent d’un événement passé précis et isolé. Une déclaration de culpabilité en matière criminelle constitue un événement unique précis et isolé, mais elle crée une condition en cours, celle d’être en détention, ou le statut de « détenu ». Des observations semblables vaudraient également en ce qui a trait au mariage ou au divorce. Pour déterminer si une affaire donnée emporte l’application de la Charte à un événement passé, ou simplement à une condition ou à un statut en cours, il faut se demander si, compte tenu de toutes les circonstances, l’élément le plus important ou le plus pertinent de cette affaire est l’événement passé ou la condition en cours qui en résulte. Il s’agit là, comme je l’ai dit plus tôt, d’une question de caractérisation, qui variera selon les circonstances. La détermination dépendra des faits de l’espèce, du texte de loi en cause et du droit garanti par la Charte dont le demandeur sollicite l’application.287

Dans l’affaire dont elle était saisie, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse n’a pu voir aucune application continue, postérieure à l’entrée en vigueur de la Charte, de la règle portant cessation des pensions de « veuve ». Contrairement à l’affaire Benner, les demanderesses n’étaient pas ici, postérieurement à l’entrée en vigueur de la Charte, de « nouvelles demanderesses » qui étaient touchées par l’effet discriminatoire d’une loi passée. L’aspect le plus significatif de leur cause était plutôt les dates (toutes antérieures à la Charte) auxquelles chacune d’elles s’était remariée. [TRADUCTION] « C’est l’événement du remariage qui avait entraîné la cessation de la pension, non le statut de personne remariée. Si les demanderesses s’étaient remariées et avaient divorcé ou étaient devenues veuves peu de temps après, elles n’auraient pas été admissibles au rétablissement de la pension... Les demanderesses considèrent que cela est injuste, et on les comprend, mais les dispositions de cessation n’étaient pas contraires à la Charte au moment où elles se sont répercutées sur les demanderesses »288.

Ayant jugé que l’art. 15 de la Charte ne pouvait s’appliquer rétrospectivement aux décisions de mettre fin aux pensions de survivantes des demanderesses289, la Cour d’appel s’est alors penchée sur les dispositions de rétablissement figurant dans les modifications législatives de 1999. Ici, il était clair qu’une distinction avait été faite qui refusait une prestation aux demanderesses. Évaluant son possible effet discriminatoire, la Cour d’appel a d’abord défini le groupe de référence auquel les plaignantes devraient être comparées. Elle rejeta l’argument selon lequel le groupe de référence choisi par les demanderesses devrait englober toutes les veuves qui ne s’étaient pas remariées. Elle jugea que [TRADUCTION] « le groupe de référence proposé pourrait être adéquat dans le contexte d’une contestation des dispositions de cessation au regard de l’art. 15... Ces dispositions faisaient une distinction entre les veuves remariées et celles qui ne s’étaient pas remariées. Accepter ce groupe de référence équivaudrait cependant à autoriser une contestation furtive des dispositions de cessation. Ce serait esquiver mal à propos la question de la rétrospectivité discutée plus haut. Au surplus, la constitutionnalité des dispositions de cessation postérieures à la Charte est sans rapport avec la position de ces demanderesses »290. La Cour a plutôt jugé que le groupe de référence à retenir était le groupe composé des veuves postérieures à la Charte. Les veuves postérieures à la Charte et les demanderesses étaient les personnes touchées par le texte législatif et visées par son objet, qui était de redonner aux veuves les pensions qu’elles avaient perdues à leur remariage.

La seule différence importante entre les demanderesses et le groupe de référence était la date du remariage, puisqu’elles étaient toutes des veuves qui s’étaient finalement remariées. La Cour d’appel estima que le juge de première instance avait commis une erreur en concluant que les demanderesses avaient été victimes de discrimination fondée sur l’état matrimonial. La raison pour laquelle le cas des demanderesses était différent était une raison strictement temporelle, c.àd. fondée sur la date du remariage. La Cour rejeta l’idée que ce genre de distinction puisse équivaloir à un motif énuméré ou analogue de distinction illicite. En conséquence, le non-rétablissement, à compter du 17 avril 1985, des pensions en faveur des demanderesses, dont le remariage et la perte des pensions initiales de survivantes avaient eu lieu avant cette date, n’était pas en contradiction avec les droits à l’égalité conférés par l’art. 15 de la Charte.

Accès aux prestations d’assurance-emploiTE \l2 "Accès aux prestations d’assurance-emploi

Dans une décision rendue en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi291, un juge-arbitre a passé en revue les critères d’admissibilité sous l’angle de leur possible contravention aux droits à l’égalité prévus par l’art. 15 de la Charte292. Appel était interjeté contre la décision d’un conseil arbitral selon laquelle une prestataire n’était pas admissible à des prestations régulières, à des prestations de maternité ou à des prestations de maladie parce qu’il lui manquait 33 heures des 700 heures requises de rémunération assurable. La règle des 700 heures293 avait remplacé (en 1996) le critère antérieur selon lequel pour être admissible il fallait avoir travaillé au moins 15 heures par semaine pendant une période allant de 12 à 20 semaines, selon le taux régional de chômage. Dans le cas de la prestataire, ses responsabilités de mère l’avaient empêchée de travailler à plein temps comme infirmière. Elle avait donc travaillé à temps partiel comme infirmière sous astreinte téléphonique dans la ville de Brandon. Lorsqu’elle se réinstalla à Winnipeg par suite du changement d’emploi de son mari (et après une période durant laquelle ils avaient tenté de conserver deux lieux de résidence), elle demanda des prestations selon la Loi sur l’assurance-emploi. À ce moment-là, elle était enceinte de son deuxième enfant et son médecin lui avait conseillé de cesser de travailler pour des raisons liées à sa grossesse.

Des témoins experts ont été entendus par le juge-arbitre concernant à la fois l’objet et l’effet des changements apportés aux critères d’admissibilité régissant les prestations versées en vertu de la Loi. L’un des témoins fit observer que le gouvernement avait été troublé par la tendance des employeurs à créer des emplois à temps partiel de moins de 15 heures par semaine dans le dessein d’échapper aux cotisations prévues par la Loi. Afin de mettre fin à l’érosion réelle et potentielle du nombre de travailleurs visés par la Loi, les nouveaux critères ont institué la notion d’« assurance du premier dollar », une notion conçue pour harmoniser davantage les cotisations sociales avec les prestations escomptées selon la Loi. On expliqua que, en vertu des anciens critères, un travailleur à temps partiel qui répondait à la règle des 15 heures par semaine sur au moins 12 semaines (accumulant ainsi 180 heures seulement de rémunération assurable) avait été admissible à des prestations, tandis qu’un employé qui avait travaillé 10 heures par jour, sept jours par semaine pendant 10 semaines (accumulant ainsi 700 heures de rémunération assurable) ne l’était pas. Les nouvelles règles, fondées sur le principe de l’« assurance du premier dollar » visait donc à instituer davantage d’équité dans le régime des prestations.

Quant à la composition de la population active à temps partiel, les témoignages d’experts ont établi que les femmes représentent plus de 80 % des travailleurs adultes (25-54 ans) à temps partiel. Dans une certaine mesure, cela s’explique par le fait que les femmes demeurent les premières pourvoyeuses en ce qui concerne les enfants, ce qui les oblige à s’efforcer d’équilibrer leurs responsabilités domestiques avec la nécessité de travailler pour augmenter le revenu familial. D’autres facteurs de nature socio-historique, les rôles attribués aux femmes et les conditions du marché contribuent également à la surreprésentation des femmes dans l’emploi à temps partiel. On a fait valoir que la modification des critères d’admissibilité était motivée par le désir d’améliorer l’accès des travailleurs à temps partiel aux prestations, mais un témoin expert a exprimé une opinion différente. Se référant à ce témoignage, le juge-arbitre s’est exprimé ainsi : « elle est d’avis que la transition des semaines de travail aux heures de travail et la hausse du seuil d’admissibilité pour les personnes qui réintègrent le marché du travail rendent considérablement plus difficile pour les travailleurs à temps partiel d’être admissibles aux prestations. De plus, lorsque ces travailleurs parviennent à obtenir des prestations, celles-ci leur sont souvent versées pendant de plus courtes périodes. Il ressort également de son étude que la proportion des sans-emploi qui touchent des prestations d’assurance-emploi a considérablement diminué et que cette diminution est plus importante chez les femmes que chez les hommes. Entre 1996-1997 et 1997-1998, le nombre de demandes de prestations régulières présentées par les femmes a chuté de 20 p. 100, comparativement à 16 p. 100 pour les hommes »294.

La Loi définit aussi la population active de la première catégorie comme celle qui effectue un nombre minimum d’heures (700) de revenu assurable. Seuls les prestataires de la première catégorie sont admissibles aux prestations de maternité et prestations parentales. Les règles anciennes de détermination de la première catégorie (fondées sur le nombre de semaines travaillées) étaient sans doute non sexistes, mais les nouveaux critères ne l’étaient pas. Le juge-arbitre a résumé ainsi l’argument de la prestataire :

 Un critère fondé sur les semaines d’emploi n’a pas tendance à favoriser les hommes ou les femmes : chaque homme et chaque femme qui passe une année civile ont disposé exactement du même nombre de semaines au cours de cette année pour occuper un emploi rémunéré. Comme les femmes consacrent à du travail non rémunéré une grande partie de leurs heures où elles sont disponibles pour travailler, investissant généralement deux fois plus de temps que les hommes à ce genre de travail, il leur reste moins d’heures chaque année à consacrer à du travail rémunéré. Étant donné qu’en moyenne, les hommes consacrent près d’un tiers de plus d’heures chaque année à du travail rémunéré que ne le font, en moyenne, les femmes, il est plus facile pour les travailleurs qui peuvent consacrer plus d’heures à un travail rémunéré d’atteindre une norme d’admissibilité fondée uniquement sur le total des heures de travail rémunérées dans une année. En d’autres termes, la norme fondée sur les heures a naturellement tendance à exclure un plus grand nombre de femmes que d’hommes295.

On a fait valoir que le critère d’admissibilité aux prestations régulières en fonction des heures travaillées n’entraîne pas entre les groupes de personnes une distinction fondée sur une caractéristique personnelle. Toutefois, le juge-arbitre a estimé que ce point de vue ne prenait pas totalement en compte l’incidence possible de la règle neutre sur un groupe qui supportait déjà un désavantage. Il a fait remarquer que l’on était arrivé à la règle des 700 heures pour les prestations régulières en présumant une semaine de travail de 35 heures pendant une période donnée, conférant ainsi un désavantage à la moyenne des femmes. Selon ses propres termes :

... comme la preuve mentionnée l’indique, les femmes continuent d’accomplir les deux tiers du travail non rémunéré, ce qui leur laisse moins d’heures à consacrer à un travail rémunéré. Les femmes qui, comme l’appelante, ont des enfants d’âge préscolaire se heurtent à plus d’obstacles. Il faut qu’elles réorganisent leur travail rémunéré pour tenir compte des exigences de leur travail non rémunéré, tandis que l’âge des enfants ou la présence d’enfants influencent peu les régimes de travail des hommes, qu’il s’agisse de travail rémunéré ou non rémunéré. Ces femmes sont souvent incapables de consacrer plus d’heures au travail rémunéré parce qu’il pourrait alors devenir beaucoup plus compliqué et juste trop stressant de concilier travail et famille. Ainsi, le régime fondé sur les heures, en augmentant le nombre d’heures de travail requises pour être admissible et en diminuant le nombre de semaines de prestations des personnes qui sont incapables d’augmenter leurs heures de travail, a des effets préjudiciables disproportionnés sur les femmes296.

Le juge-arbitre s’est ensuite demandé si la différence d’effet était fondée sur une distinction équivalant à un motif énuméré ou analogue de discrimination selon l’art. 15 de la Charte. On avait fait valoir que la distinction ici avait sa racine dans le statut d’emploi et donc n’équivalait pas à un motif analogue. En bref, la prestataire s’était vu refuser des prestations en raison du fait qu’elle était une prestataire de la deuxième catégorie compte tenu du nombre d’heures travaillées au cours de la période précédente de 52 semaines, et non à cause de quelque caractéristique personnelle immuable. Pour autant, le juge-arbitre a estimé que la différence d’effet provenait du fait qu’une personne se trouvait dans une relation parent-enfant et, selon lui, cela équivalait à un motif analogue au regard de l’art. 15. Il s’est exprimé ainsi : « la qualité parentale est centrale à l’identité d’une personne et à sa personnalité; c’est une situation qui est immuable. Il est vrai que la situation changera lorsque les enfants n’auront plus besoin de quelqu’un pour prendre soin d’eux, mais cela ne change rien au fait que leur situation est immuable jusqu’à ce que cela se produise. La qualité de parent et de principal responsable du soin des enfants de l’appelante en est une que le gouvernement ne peut légitimement s’attendre qu’elle change pour avoir droit à l’égalité de traitement garantie par la loi. La mère qui travaille à temps partiel pour pouvoir assumer ses responsabilités parentales ne devrait pas être moins protégée par l’assurance-emploi pour ces motifs »297.

Le juge-arbitre a aussi estimé que l’objet sous-jacent de l’art. 15 de la Charte avait été lui aussi transgressé. Il l’avait été parce que la définition de population active de la première catégorie ignorait la contribution que les femmes apportaient par leur travail non rémunéré à la maison : « L’ancienne Loi tenait compte en partie de l’achèvement d’une période minimale déterminée de travail pour reconnaître la participation qui faisait d’une personne un prestataire de la première catégorie. Dans le cadre de la législation actuelle, une femme qui travaille à temps partiel toute l’année jouit d’une participation solide au marché du travail, mais cette participation n’est pas considérée comme étant aussi solide que celle d’un homme qui peut facilement devenir dépendant de l’assurance-emploi en travaillant 700 heures l’été et en touchant des prestations d’assurance-emploi chaque hiver. Comme la participation de l’appelante au marché du travail est réputée insuffisante, non parce qu’elle n’occupe pas un emploi régulier mais bien parce que ses heures de travail rémunéré chaque semaine sont limitées par ses obligations non rémunérées, la dignité d’une mère qui travaille à temps partiel est plus directement atteinte »298. Il a aussi jugé que les définitions des deux catégories de prestataires donnaient l’impression qu’une femme est moins capable ou moins digne de reconnaissance ou de valeur en tant qu’être humain ou en tant que membre de la société canadienne.

Quant à la réparation, le juge-arbitre a estimé qu’il n’avait pas le pouvoir de déclarer invalides les articles concernés de la Loi sur l’assurance-emploi. Il a donc renvoyé l’affaire au conseil arbitral, composé d’autres membres, pour qu’il instruise de nouveau la demande de la plaignante comme si les dispositions législatives en cause n’avaient jamais été édictées.

Orientation sexuelleTE \l2 "Orientation sexuelle

La Cour suprême du Canada a rendu un arrêt sur une présumée discrimination fondée sur l’orientation sexuelle dans une université privée et confessionnelle de la Colombie-Britannique299. Le British Columbia College of Teachers (BCCT) avait décidé de ne pas accéder à la demande de l’Université Trinity Western (UTW) qui voulait être autorisée à prendre la responsabilité totale de la dernière année d’un baccalauréat en enseignement exigeant cinq ans d’études. Le BCCT avait invoqué de présumées pratiques discriminatoires, à l’encontre des homosexuel(le)s, que l’on trouvait dans un document intitulé Normes communautaires de l’UTW et que tous ses étudiants étaient tenus de signer. Ce document renferme un paragraphe énumérant les pratiques qui sont condamnées par la Bible et auxquelles les étudiants devaient s’abstenir de se livrer. Il y avait l’ivrognerie, les blasphèmes, la malhonnêteté et la tricherie, l’avortement et divers péchés sexuels tels que le sexe avant le mariage, l’adultère et le comportement homosexuel. Le BCCT avait exprimé l’avis qu’il serait contraire à l’intérêt public d’accéder à la demande de l’UTW, étant donné que le programme proposé reflétait des pratiques discriminatoires fondées sur l’orientation sexuelle. Selon lui, il y avait un risque que les diplômés de l’UTW n’offrent pas aux élèves des écoles publiques un environnement libre de toute discrimination pour le cas où le programme d’études tout entier relèverait du contrôle exclusif de l’UTW. En refusant la demande d’agrément pour la dernière année (et en maintenant donc la règle selon laquelle la dernière année devait être passée à l’université Simon Fraser), le BCCT prétendait agir conformément à son pouvoir, conféré par l’art. 4 du Teacher Profession Act, c’est-à-dire le pouvoir [TRADUCTION] « d’établir, compte tenu de l’intérêt public, les normes de formation, de responsabilité professionnelle et de compétence de ses membres, des personnes qui détiennent un certificat de compétence et des candidats à l’adhésion... »300 La décision du BCCT fut infirmée par la Cour suprême de la Colombie-Britannique, et l’appel du BCCT à la Cour d’appel de la province fut rejeté301.

Sur la question fondamentale des présumées pratiques discriminatoires, la Cour suprême a d’abord examiné les documents de l’UTW. Elle a accordé que les normes communautaires étaient d’une nature telle qu’un étudiant homosexuel ne songerait probablement pas à demander son admission à l’UTW, mais cela ne suffisait pas à établir une pratique discriminatoire. Elle a fait remarquer que l’UTW, en tant qu’institution confessionnelle privée, est soustraite en partie aux lois de la Colombie-Britannique sur les droits de la personne (c.-à-d. qu’elle peut donner la préférence aux adeptes de sa propre religion). De plus, son statut d’établissement privé empêchait l’application de la Charte canadienne des droits et libertés. Cela dit, la Cour a indiqué que l’affirmation selon laquelle « l’adhésion volontaire d’une personne à un code de conduite fondé sur ses croyances religieuses, dans un établissement privé, est suffisante pour déclencher l’application de l’art. 15 serait incompatible avec la liberté de conscience et de religion qui coexiste avec le droit à l’égalité »302. Selon la Cour, « la liberté au sens large comporte l’absence de coercition et de contrainte et le droit de manifester ses croyances et pratiques. La liberté signifie que, sous réserve des restrictions qui sont nécessaires pour préserver la sécurité, l’ordre, la santé ou les mœurs publics ou les libertés et droits fondamentaux d’autrui, nul ne peut être forcé d’agir contrairement à ses croyances ou à sa conscience »303.

La Cour a reconnu que la protection contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle est garantie à la fois dans la Charte (à titre de motif analogue) et dans les lois sur les droits de la personne de la Colombie-Britannique, comme l’est la liberté de religion et de conscience. C’est le conflit possible entre ces deux garanties qui est soulevé dans le cas de l’UTW, un conflit que l’on peut résoudre en délimitant adéquatement les droits et les valeurs considérés. L’incidence des politiques d’admission de l’UTW sur le système des écoles publiques est une préoccupation légitime du BCCT dans l’évaluation de l’intérêt public, a expliqué la Cour, mais cette incidence doit être évaluée à la lumière d’une preuve concrète. Sur ce point, la Cour a conclu que « les normes communautaires de l’UTW, qui ne font que dicter la conduite des gens qui fréquentent l’UTW ou qui y travaillent, ne sont pas suffisantes pour étayer la conclusion que le BCCT doit s’attendre à un comportement intolérant dans les écoles publiques. En fait, si les normes communautaires de l’UTW pouvaient être suffisantes en soi pour justifier le rejet de la demande d’agrément, on voit mal comment le même raisonnement ne pourrait pas servir à refuser de délivrer un brevet d’enseignement aux membres d’une confession particulière. La diversité de la société canadienne se reflète en partie dans les multiples organisations religieuses qui caractérisent le paysage social et il y a lieu de respecter cette diversité d’opinions »304. En bref, le BCCT n’avait nullement cherché à pondérer les divers droits impliqués dans la situation que soulevait la demande d’agrément présentée par l’UTW. Estimant qu’il s’agissait là d’une erreur de droit, la Cour suprême a alors entrepris de procéder elle-même à cet examen.

La Cour a recensé deux facteurs contextuels qui selon elle avaient une grande importance. D’abord, le cadre constitutionnel du Canada protège les droits à l’enseignement public religieux, cette protection faisant partie du compromis historique qui avait rendu possible la Confédération. Par ailleurs, de nombreuses universités canadiennes sont par tradition affiliées à une religion. Deuxièmement, la loi de la Colombie-Britannique sur les droits de la personne prévoit qu’une institution religieuse ne contrevient pas aux principes énoncés dans cette loi si elle donne la préférence aux adeptes de sa propre croyance religieuse. Comment pourrait-on alors décemment soutenir que les établissements privés sont protégés, « mais que leurs diplômés sont de fait jugés indignes de participer pleinement à des activités publiques [?] »305. D’autres mesures législatives du gouvernement de la Colombie-Britannique démentaient également cette conclusion : « En l’espèce, on peut raisonnablement déduire que la législature de la C.-B. n’a pas considéré que la formation selon une philosophie chrétienne était contraire en soi à l’intérêt public, étant donné qu’elle a adopté cinq projets de loi en faveur de l’UTW entre 1969 et 1985. »306 Quant à l’effet que tout cela pourrait avoir sur les étudiants homosexuels, la Cour a fait l’observation suivante : « Quoique les homosexuels puissent être dissuadés de fréquenter l’UTW, un établissement privé qui préconise des croyances religieuses particulières, cela ne les empêchera pas de devenir enseignants. De plus, rien dans les normes communautaires de l’UTW n’indique que les diplômés de l’UTW ne traiteront pas les personnes homosexuelles d’une manière équitable et respectueuse »307.

La dernière observation a conduit la Cour à souligner qu’une distinction doit être faite entre la croyance et le comportement : « ... dans des cas comme celui dont nous sommes saisis, il convient généralement de tracer la ligne entre la croyance et le comportement. La liberté de croyance est plus large que la liberté d’agir sur la foi d’une croyance. En l’absence de preuve tangible que la formation d’enseignants à l’UTW favorise la discrimination dans les écoles publiques de la Colombie-Britannique, il y a lieu de respecter la liberté des individus d’avoir certaines croyances religieuses pendant qu’ils fréquentent l’UTW. Le BCCT a raison de ne pas exiger que les universités publiques qui offrent un programme de formation des enseignants excluent les candidats ayant des croyances sexistes, racistes ou homophobes. Force est de constater que la tolérance de croyances divergentes est la marque d’une société démocratique »308. Curieusement, la Cour a semblé ignorer la distinction entre un établissement qui encourage activement les opinions racistes ou homophobes et un établissement qui ne les encourage pas.

La présumée conduite discriminatoire d’un enseignant peut à juste titre faire l’objet de procédures disciplinaires devant le BCCT. Une conduite sujette à la censure est normalement rattachée à des responsabilités dans les écoles elles-mêmes, mais une conduite en dehors du service qui a pour effet d’« empoisonner » l’environnement à l’intérieur d’une école peut faire l’objet également de mesures disciplinaires. Dans l’affaire considérée, aucune preuve n’avait été produite qui donnait à entendre que la conduite passée de diplômés de l’UTW avait été salie par un comportement discriminatoire inacceptable durant l’accomplissement de leurs tâches en tant qu’enseignants. En fait, le BCCT avait refusé l’agrément à l’UTW sans qu’il ait aucune preuve que des problèmes étaient déjà survenus à cause de diplômés d’établissements de confession chrétienne. La Cour a fait observer que le BCCT « aurait pu solliciter des rapports sur les élèves-enseignants ou encore des avis de directeurs d’écoles... [ou] aurait pu examiner les dossiers disciplinaires mettant en cause des diplômés de l’UTW et d’autres enseignants affiliés à une école chrétienne du genre »309. Il ne l’avait pas fait, et cela constituait une erreur de droit qui était fatale.

Rejetant l’appel du BCCT, la Cour suprême s’est également demandée si l’ordonnance initiale de mandamus décernée par le juge du procès, obligeant le BCCT à donner son agrément à l’UTW, devrait être maintenue. Vu les limites législatives aux pouvoirs discrétionnaires du BCCT et le fait que le refus d’agrément n’était motivé que par de présumées pratiques discriminatoires, l’ordonnance initiale fut jugée opportune. En bref, la Cour a estimé que le BCCT avait agi sur la foi de considérations non pertinentes lorsqu’il avait invoqué les croyances religieuses de l’UTW plutôt que l’incidence de ces croyances sur les milieux scolaires. Ce faisant, il avait agi d’une manière non équitable.

Retraite obligatoireTE \l2 "Retraite obligatoire

Un cas de retraite obligatoire jugé par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a mis en question le sens et la portée d’arrêts antérieurs de la Cour suprême du Canada, en particulier l’arrêt Mckinney c. Université de Guelph310. Entre autres choses, l’arrêt Mckinney examinait la validité constitutionnelle de dispositions du Code des droits de la personne311 de l’Ontario, qui autorisaient la discrimination dans l’emploi contre les personnes âgées de plus de 65 ans. La Cour suprême a jugé que ces dispositions contrevenaient aux droits à l’égalité conférés par l’art. 15 de la Charte, mais qu’elles n’étaient pas validées par l’art. 1 en tant que limite qui soit raisonnable et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. En appliquant l’art. 1 de la Charte, la Cour suprême a procédé à une analyse détaillée des préoccupations du gouvernement au regard de la retraite obligatoire à 65 ans, préoccupations reflétées dans les dispositions litigieuses du Code des droits de la personne de l’Ontario.

L’affaire soumise à la Cour d’appel de la Colombie-Britannique concernait un employé du district régional de l’agglomération de Vancouver (GVRD) qui avait perdu son emploi d’opérateur d’une installation de traitement des déchets deux jours avant de commencer à travailler, lorsque la direction avait appris qu’il avait 65 ans et demi312. Il déposa un grief contre cette décision conformément aux procédures prévues dans une convention collective. À l’audience d’arbitrage, la direction n’offrit aucune preuve substantielle sur les considérations générales qui pouvaient justifier la retraite obligatoire à 65 ans. Elle exprima l’avis qu’elle ne contrevenait pas au Code des droits de la personne313 de la Colombie-Britannique puisque, selon le Code lui-même, l’âge aux fins de la discrimination illicite allait de 19 à 65 ans. Autrement dit, selon les termes mêmes du Code, sa politique en matière de retraite obligatoire n’équivalait pas à un motif de distinction illicite fondée sur l’âge. Au soutien de sa position, le GVRD a invoqué l’arrêt McKinney de la Cour suprême, où des définitions similaires de l’âge figurant dans le Code des droits de la personne de l’Ontario avait été jugées constitutionnellement valides.

Le comité d’arbitrage rejeta l’argument de la direction selon lequel elle n’était pas tenue de produire une preuve pour satisfaire aux exigences de l’art. 1 de la Charte. Selon lui, la Cour suprême avait dans l’arrêt McKinney procédé en fait à deux enquêtes selon l’art. 1, l’une concernant les politiques de l’université en matière de retraite, et une autre concernant la validité constitutionnelle de dispositions contestées du Code des droits de la personne de l’Ontario. Le comité avait expliqué que [TRADUCTION] « si la C.S.C. avait voulu que sa décision concernant l’alinéa 9a) du Code de l’Ontario établisse que la retraite obligatoire est toujours une limite raisonnable aux droits à l’égalité prévus par la Charte, elle n’aurait pas eu besoin d’accorder autant d’attention à la question de savoir si les politiques des universités en matière de retraite obligatoire étaient justifiées au regard de l’art. 1 de la Charte. L’analyse distincte et approfondie de cette question... s’accorde avec la nécessité pour un employeur qui veut justifier la retraite obligatoire de présenter ses arguments en faveur d’une limite selon l’art. 1 »314. En conséquence, les membres majoritaires du comité d’arbitrage ont jugé que la direction du GVRD était tenue de produire une preuve permettant de procéder à une analyse adéquate selon l’art. 1 de la Charte. Comme elle ne l’avait pas fait, le comité a jugé que les politiques du GVRD en matière de retraite obligatoire, politiques qui étaient fondées sur l’âge, étaient contraires à l’art. 15 de la Charte.

L’arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique porte presque exclusivement sur la lecture qu’il convient de faire de l’arrêt McKinney315. La décision majoritaire de la Cour d’appel prend soin de faire une distinction entre les deux enquêtes selon l’art. 1 que le comité d’arbitrage avait précisées. Selon la Cour d’appel, la Cour suprême, dans l’affaire McKinney, avait jugé [TRADUCTION] « que les objectifs des politiques en matière de retraite obligatoire étaient pressants et substantiels dans le contexte universitaire, que les politiques présentaient un lien rationnel avec les objectifs en question et que les mesures employées pour atteindre ces objectifs portaient atteinte aussi peu que possible au par. 15(1)... [et] que les politiques s’efforçaient d’établir un juste équilibre entre les impératifs de valeurs sociales légitimes mais rivales, de telle sorte qu’il convenait d’y acquiescer... »316 La Cour d’appel a exprimé l’avis que cette conclusion avait été énoncée séparément de la question de savoir si les dispositions du Code des droits de la personne de l’Ontario empiétaient sur les droits à l’égalité conférés par l’art. 15 de la Charte. Elle a fait remarquer que ce dernier aspect avait été l’objet, de la part de la Cour suprême, d’une analyse historique, économique et sociale approfondie, effectuée après qu’elle fut arrivée à ses conclusions sur le système particulier de retraite de l’université. De plus, la Cour d’appel a jugé que la Cour suprême s’était penchée surtout sur les effets de la retraite obligatoire dans le secteur privé lorsqu’elle avait évalué la validité du Code des droits de la personne. Elle a cité le passage suivant de l’arrêt McKinney :

Il faut se rappeler que nous n’avons pas affaire à un règlement applicable aux employés du gouvernement; il ne s’agit pas non plus d’une politique gouvernementale qui favorise la retraite obligatoire. Il s’agit simplement d’une politique facultative. Elle permet à ceux qui travaillent dans les divers domaines du secteur privé de fixer leurs conditions de travail, soit personnellement, soit par l’intermédiaire des organisations qui les représentent. Il ne s’agit pas d’une condition imposée aux employés. Elle résulte plutôt en bonne partie des ententes que le mouvement syndical ou des employés, pris individuellement, ont réussi à obtenir avec peine317.

La Cour d’appel a aussi effectué un examen détaillé d’autres décisions rendues sur la question de la retraite obligatoire. Cet examen a renforcé sa conclusion selon laquelle la Cour suprême n’avait pas eu l’intention d’affirmer que [TRADUCTION] « toutes les politiques du secteur public en matière de retraite obligatoire étaient validées selon l’art. 1 de la Charte du seul fait qu’elles ne contrevenaient pas aux lois provinciales applicables sur les droits de la personne... Si les juges majoritaires dans l’affaire McKinney avaient voulu résoudre pour n’importe quel genre d’emploi la question de la constitutionnalité des politiques du secteur public en matière de retraite obligatoire, on se serait attendu à ce qu’ils le disent en termes non équivoques »318.

Se référant aux circonstances particulières de l’affaire considérée, la Cour d’appel a conclu ainsi :

[TRADUCTION] Est-il raisonnable de conclure qu’un employeur tel que le GVRD puisse simplement édicter une politique qui de l’aveu général est discriminatoire et qui à première vue ne contrevient pas aux droits de la personne, et qu’il n’ait rien de plus à faire pour justifier sa politique que de citer l’arrêt McKinney ? À mon avis, il faut répondre à cette question par la négative. L’arrêt McKinney n’est pas le mot de la fin pour ce qui est de la constitutionnalité de toutes les politiques du secteur public en matière de retraite obligatoire, sans que soit considérée la nature de l’emploi ou le contexte factuel de chaque espèce. Il ne libère pas un employeur de l’obligation de prouver que sa politique de retraite obligatoire se justifie selon l’article 1 de la Charte, après une analyse comme celle effectuée dans l’arrêt Oakes. Il se pourrait qu’un employeur soit en mesure de s’acquitter d’emblée de cette charge dans certains cas en raison de similitudes entre l’affaire considérée et d’autres affaires déjà décidées, mais il doit néanmoins satisfaire à son obligation319.

Un juge de la Cour d’appel (la formation comprenait trois juges) a exprimé un avis différent de celui des juges majoritaires. Après s’être référé à divers extraits de l’arrêt McKinney, le juge dissident est arrivé à la conclusion suivante :
[TRADUCTION] Toute obligation d’avancer une justification professionnelle particulière pour une retraite obligatoire à l’âge de 65 ans ajouterait un deuxième niveau à l’obligation de conformité au Code et mettrait en question la justification générale qui sous-tend les dispositions du Code. Si cette justification générale suffit à soutenir le Code, je ne vois pas pourquoi elle ne devrait pas également suffire à justifier une politique qui est conforme au Code. La solution contraire entraînerait une tension entre la justification générale de la retraite obligatoire et la justification particulière, ce qui serait source d’incertitude et de conflit dans l’emploi au sein de l’administration. Je crois qu’il serait inopportun d’imposer à cet employeur une norme plus élevée que celle du Code des droits de la personne, simplement parce qu’il s’agit d’une entité gouvernementale quand il est un employeur relevant de la compétence provinciale. À mon avis, les dispositions du Code constituent par implication nécessaire une justification de la politique de retraite obligatoire selon l’art. 1 de la Charte, car il s’agit de règles générales applicables à la fois au secteur privé et au secteur public relevant de la compétence provinciale320.

On ne sait pas si appel de cette décision sera interjeté à la Cour suprême du Canada.

R. c. LatimerTE \l2 "R. c. Latimer

La Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l’affaire très médiatisée concernant Robert Latimer, déclaré coupable d’homicide involontaire sur sa fille de 12 ans, qui souffrait d’une forme grave de paralysie cérébrale321. L’homicide involontaire est punissable d’une peine minimale de 10 ans d’emprisonnement, mais le juge qui avait présidé le procès de Latimer a estimé que la peine était cruelle et inusitée eu égard aux circonstances, et donc contraire à l’art. 12 de la Charte canadienne des droits et libertés. Il a donc accordé une dispense constitutionnelle d’application de la peine d’emprisonnement minimale de 10 ans et a imposé une peine d’emprisonnement d’un an, suivie d’une année de probation. La décision du juge de première instance en la matière a été infirmée par la Cour d’appel de la Saskatchewan, qui a imposé la peine minimale de 10 ans, puis un autre appel a été interjeté devant la Cour suprême du Canada322.

La Cour suprême a d’emblée affirmé qu’une peine cruelle et inusitée au sens de l’art. 12 de la Charte s’entend d’une peine qui est « excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine »323. C’est uniquement lorsque la peine est exagérément disproportionnée à ce qui aurait été adéquat que la protection de l’art. 12 peut être invoquée. Pour savoir si une peine est exagérément disproportionnée, un tribunal « doit d’abord prendre en considération la gravité de l’infraction commise, les caractéristiques personnelles du contrevenant et les circonstances particulières de l’affaire afin de déterminer quelles peines auraient été appropriées pour punir, réhabiliter et dissuader ce contrevenant particulier ou pour protéger le public contre ce dernier »324. Outre ces facteurs, un tribunal doit également considérer « l’effet réel de la peine sur l’individu, les objectifs pénologiques et les principes en fonction desquels la peine est déterminée, l’existence de solutions de rechange valables à la peine infligée et la comparaison avec les peines infligées pour d’autres crimes dans le même ressort »325. La Cour suprême a aussi souligné que le critère permettant de dire si une peine est excessivement longue est rigoureux et exigeant et qu’il ne sera conclu qu’exceptionnellement à une violation de l’art. 12.

Appliquant ces principes à l’affaire Latimer, la Cour suprême a d’abord fait observer que l’infraction commise était une infraction d’une extrême gravité : « Le meurtre au deuxième degré constitue une infraction assortie d’un degré extrêmement élevé de culpabilité criminelle. En l’espèce, les plus graves conséquences possibles ont découlé d’un acte dont l’intentionnalité est la plus grave et la plus moralement coupable. C’est en fonction de cette réalité que nous devons soupeser les autres facteurs contextuels, notamment la situation personnelle du contrevenant et les circonstances particulières de l’infraction »326. La Cour a jugé que des circonstances à la fois aggravantes et atténuantes caractérisaient le crime de M. Latimer; en définitive, leur effet combiné était considérablement réduit lorsqu’on les mesurait à l’aune de la gravité de l’infraction327.

La gravité de l’infraction était reflétée dans la peine minimale prévue par le Code criminel328. La Cour a jugé que la peine minimale de 10 ans d’emprisonnement répondait à un important principe de détermination des peines, à savoir que la peine joue un important rôle de réprobation à l’égard de la criminalité : « L’objectif de réprobation commande que la peine indique que la société condamne la conduite de ce contrevenant. Bref, une peine assortie d’un élément réprobateur représente une déclaration collective, ayant valeur de symbole, que la conduite du contrevenant doit être punie parce qu’elle a porté atteinte au code des valeurs fondamentales de notre société qui sont constatées dans notre droit pénal substantiel »329. Le rôle de réprobation est d’autant plus important, selon la Cour, lorsque le crime considéré a nécessité un degré considérable de planification et de préméditation et qu’il a été fortement médiatisé. La réprobation de tels crimes permet de dissuader d’autres individus ayant les mêmes idées, ce qui est particulièrement important lorsque la victime est une personne vulnérable en raison de son âge, d’un handicap ou d’autres facteurs de même nature.

Eu égard à tous ces motifs, la Cour a conclu que la peine minimale de 10 ans d’emprisonnement imposée à M. Latimer ne niait pas ses droits selon l’art. 12 de la Charte. Elle a aussi fait observer que la prérogative royale de clémence est expressément préservée par les dispositions du Code criminel. Elle a réitéré le raisonnement qu’elle avait tenu dans un arrêt antérieur, raisonnement selon lequel « lorsque les tribunaux ne sont pas en mesure d’offrir une réparation appropriée dans les cas où l’exécutif considère qu’il y a emprisonnement injuste, l’exécutif peut accorder la « clémence » et ordonner la libération du contrevenant. La prérogative royale de clémence est la seule réparation possible pour les personnes qui ont épuisé leurs droits d’appel et qui ne sont pas en mesure de démontrer que la peine qui leur a été imposée n’est pas conforme à la Charte »330.

L’obésité en tant que déficience

La question de savoir si l’obésité constitue ou non une déficience aux termes de certaines dispositions de la Loi sur les transports au Canada (LTC)331 a été portée devant l’Office des transports du Canada. Cette démarche résulte d’une plainte contre Air Canada relativement, d’une part, au siège que cette dernière a assigné à une passagère à bord d’un vol entre Calgary et Ottawa, d’autre part, à la politique du transporteur qui exige des prix plus élevés des passagers qui ont besoin de plus d’espace assis en raison de leur obésité332.

Le mandat et les pouvoirs de l'Office en ce qui concerne les personnes ayant une déficience sont énoncés à la partie V de la LTC. Ces dispositions confèrent à l’Office le pouvoir de prendre des règlements afin de supprimer les obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sein du réseau de transport sous juridiction fédérale, de même que le pouvoir d’arbitrer des plaintes. Même en l’absence de dispositions réglementaires applicables, l’Office a le pouvoir d’examiner les questions issues de demandes visant à déterminer s’il existe des obstacles abusifs au déplacement des personnes ayant une déficience. La demande en l’espèce a été déposée en vertu de cette compétence. Cependant, il a été convenu que la question de savoir si l'obésité constituait une déficience aux termes de la partie V était une question de juridiction préliminaire qui devait être entendue au cours d’une audience spéciale à laquelle seraient convoqués un certain nombre de témoins experts.

Dans la décision qu’il a rendue à la suite de l’audience spéciale, l’Office a reconnu que la partie V de la LTC est, de par sa nature même, un texte législatif sur les droits de la personne auquel il faut donner une interprétation large, libérale et fondée sur l'objet visé. Il a de plus observé que l'article 171 de la LTC prévoit expressément que l'Office et la Commission canadienne des droits de la personne sont tenus « [...] de veiller à la coordination de leur action en matière de transport des personnes ayant une déficience pour favoriser l'adoption de lignes de conduite complémentaires et éviter les conflits de compétence »333. C’est à la lumière de ces principes que l’Office a examiné les éléments de preuve versés au dossier et que les plaidoiries sur la question de l’obésité ont été présentées.

Même si les témoignages des experts divergeaient sur le fait de considérer l’obésité comme une maladie, aucune des parties ayant comparu devant l’Office ne s’est dite d’avis que les causes de l’obésité, médicales ou autres, permettaient de déterminer si elle constituait une déficience. À cet égard, l’Office a convenu qu’un état de santé pouvait être considéré comme une déficience aux termes des dispositions relatives à l'accessibilité de la partie V, sans pour autant qu’il s’agisse d’une maladie. Il a donné comme exemple le cas hypothétique d’une quadriplégie résultant d’un accident. De même, les témoignages tendant à établir une corrélation entre l’obésité et d’autres problèmes de santé et comorbidités (qui, de l’avis de l’Office, n’est pas un facteur particulièrement pertinent) ne permettent pas de déterminer si l’obésité est une déficience. L’Office a reconnu qu’il était sans doute plus pertinent et opportun, dans un contexte donné, de s’en remettre aux notions d’invalidité, de limitations d'activité et/ou de restrictions de participation, lesquelles sont définies dans la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) de l’Organisation mondiale de la santé.

L’Office a noté que le modèle de déficience de la CIF décrit une invalidité dans son sens large comme un problème de fonctionnement ou de structure de l'organisme, une baisse de pouvoir ou de force d'une fonction ou un écart de fonctionnement. Le modèle de la CIF reconnaît l'obésité comme une invalidité fonctionnelle de l'organisme sous l’angle de l’indice de masse corporel (IMC) de chaque personne. L’Office a constaté toutefois que, si l’on tient compte de ce modèle, au moins 60 % de la population nord-américaine est obèse et techniquement déficiente. Il a donc conclu qu’une invalidité à elle seule (du moins en l’espèce) ne suffisait pas à établir une déficience.

Pour ce qui est de la limitation d’activité, l’Office a noté que le modèle de la CIF la considère comme une incapacité, inaptitude ou autre difficulté inhérente à exécuter une tâche ou une action. Selon le témoignage d’experts, on ne saurait conclure à une limitation d’activité qu’à partir des faits d’un cas donné. Autrement dit, il ne s’agit ni d’une question a priori ni d’une question de définition, comme c’est le cas pour une invalidité. L’Office a observé que, si certaines personnes obèses se heurtent à des limitations d’activité, bon nombre d’entre elles n’est pas confrontée à une telle situation. Il a souligné en outre que, selon les experts médicaux, il n'y a pas d'IMC précis au-delà duquel des limitations d'activités seront obligatoirement présentes. L’Office a adopté un point de vue semblable à l’égard des restrictions de participation en soutenant la thèse des experts suivant laquelle l’évaluation des restrictions doit être entreprise en fonction de chaque cas pris individuellement. Bien que l’Office ait reconnu, comme le font valoir certains experts, que les personnes obèses se heurtent de façon générale à des préjugés et à des refus associés aux possibilités et que l’accueil social réservé à l’obésité est souvent discriminatoire, il a convenu qu’aucune preuve n’avait été présentée pour soutenir la conclusion que les personnes obèses font face forcément à des restrictions de participation au sein du réseau de transport sous juridiction fédérale. Il a tiré la même conclusion au sujet des limitations d’activités.

À la lumière de ses constatations sur la nature factuelle des limitations d’activités et des restrictions de participation, l’Office a conclu que l'obésité en soi ne constitue pas une déficience aux termes de la partie V de la LTC. Néanmoins, il a tenu à ajouter que « la preuve suggère qu'il y a sans doute des personnes dans la population des personnes obèses qui ont une déficience aux termes de la partie V de la LTC, laquelle peut être attribuée à leur obésité. »334 L’Office a par conséquent indiqué qu’il continuerait à examiner au cas par cas les demandes qui soulèveraient de telles questions. Il lui reste à rendre sa décision sur le bien-fondé de la plainte déposée contre Air Canada, laquelle avait donné lieu à l’audience spéciale.

DROIT INTERNATIONALTE \l1 "DROIT INTERNATIONAL

La Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) a été instituée en 1978, dans le sillage de la ratification par le Canada, en 1976, des deux Pactes internationaux relatifs aux droits de la personne335. Depuis cette époque, la CCDP a joué un rôle important dans l’accomplissement par le Canada, au niveau interne, de ses obligations internationales en matière de droits de la personne et dans l’avancement des normes en la matière au niveau international. En fait, la Commission canadienne des droits de la personne a été essentielle lors de l’élaboration en 1991 des « Principes de Paris », entérinés ultérieurement par l’Assemblée générale des Nations Unies336 (A/RES/48/134 du 4 mars 1994). Ces Principes fixent les normes minimales qui garantissent l’indépendance et l’impartialité des institutions nationales des droits de la personne et prévoient que « les institutions nationales devraient promouvoir et assurer l’harmonisation des lois, des règlements et des pratiques en vigueur sur le plan national avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme »337. Dans l’accomplissement de ce mandat, la Commission a récemment commencé d’intégrer, à son analyse des nouveaux projets de loi du gouvernement, les instruments internationaux en matière de droits de la personne. Par exemple, en 2001, dans nos observations concernant le texte antiterroriste (projet de loi C-36)338 et les modifications apportées à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (projet de loi C-11)339, la Commission a examiné les normes internationales en matière de droits de la personne qui lient le Canada et nous avons conclu que certains aspects de ces deux projets de loi étaient incompatibles avec nos obligations internationales à ce chapitre.

L’importance du droit international des droits de la personne dans le contexte canadien a été soulignée en 2000 par le Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne, présidé par M. Gérard La Forest. Dans son rapport intitulé La promotion de l’égalité : une nouvelle vision340, le Comité de révision a présenté plusieurs recommandations pour une modification de la LCDP et du mandat de la Commission. Plus précisément, le Comité de révision a recommandé que la LCDP renferme une référence expresse, dans son préambule, aux instruments internationaux relatifs aux droits de la personne et donne à la Commission le mandat de surveiller les accomplissements du Canada en la matière. En 2001, le nouveau Comité sénatorial permanent des droits de la personne a rendu public son premier rapport341 et réitéré la recommandation d’insérer dans la LCDP une référence expresse aux instruments internationaux relatifs aux droits de la personne, ainsi que la recommandation d’attribuer à la Commission des moyens suffisants pour qu’elle puisse mener des examens systématiques des projets de loi et de politique pour s’assurer qu’ils s’accordent avec les normes internationales en matière de droits de l’homme.

De même, les tribunaux canadiens s’inspirent de plus en plus des textes internationaux relatifs aux droits de la personne pour donner une interprétation persuasive du droit interne canadien. En 1999, dans l’arrêt Baker342, la Cour suprême du Canada est allée au-delà de la présomption traditionnelle de conformité des lois aux obligations internationales, pour affirmer que « les valeurs exprimées dans le droit international des droits de la personne peuvent être prises en compte dans l’approche contextuelle de l’interprétation des lois et en matière de contrôle judiciaire »343. Dans l’affaire Baker elle-même, cela signifiait que les agents d’immigration sont tenus, lorsqu’ils exercent leurs pouvoirs discrétionnaires, de tenir compte des valeurs exprimées dans la Convention relative aux droits de l’enfant344. Au début de 2002, le raisonnement exposé dans l’arrêt Baker fut appliqué, en partie, dans l’arrêt Suresh345, où la Cour suprême examinait l’application de la Convention contre la torture346 pour interpréter la Charte et les dispositions de non-refoulement insérées dans la Loi sur l’immigration347. Dans cet arrêt, la Cour écrivait que « l’examen des principes de justice fondamentale s’appuie non seulement sur la jurisprudence et l’expérience canadiennes, mais également sur le droit international »348.

Une tendance semblable est constatée dans d’autres pays. En 2001, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la CADHP) a jugé, dans une affaire qui intéressait la Zambie, que, si les traités internationaux ne font pas partie du droit interne d’un État ni ne sont directement exécutoires devant les tribunaux nationaux, ils imposent en revanche des obligations internes aux États parties349. Ces développements soulignent avec force que les normes et tendances internationales des droits de la personne peuvent de plus en plus avoir, et ont effectivement, une incidence profonde sur les droits de la personne au niveau national - que ce soit au Canada ou dans les autres États « dualistes », où le droit international n’est pas automatiquement et directement applicable devant les tribunaux nationaux.

Le droit international imprègne de plus en plus l’interprétation du droit interne canadien, mais il subsiste d’importantes différences entre les deux. Dans son rapport, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soulignait d’ailleurs qu’il y a des dissemblances entre les obligations du Canada au titre des traités internationaux sur les droits de la personne et ses obligations selon notre droit interne, ce qui donne à entendre que « le Canada ne respecte pas entièrement ses obligations internationales et, par conséquent, risque de nier à ses citoyens l’accès à certains droits »350.

Pour la première fois, un bref tour d’horizon des développements et tendances du droit international des droits de la personne est inséré dans le rapport juridique de la Commission. La section ne prétend pas être complète, ni aborder tous les aspects de la question. Nous examinerons plutôt les trois grands aspects traités cette année par le Tribunal canadien des droits de la personne et autres juridictions canadiennes, et examinés dans d’autres sections du présent rapport - la discrimination fondée sur le sexe, la déficience et la race, les droits des peuples autochtones, enfin les droits économiques, sociaux et culturels - et nous évoquerons les grands développements internationaux relatifs à ces matières.

Discrimination fondée sur le sexe

Le Canada a été l’un des premiers pays à ratifier la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (la CEDF)351, en 1981. L’article premier de la Convention définit la discrimination à l’égard des femmes comme : « ... toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine »352.

Outre la CEDF, d’autres conventions, déclarations et normes internationales interdisent la discrimination fondée sur le sexe. Il y a la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH)353, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP)354, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)355 et la Convention sur les droits politiques de la femme356, ainsi que les traités de l’Organisation internationale du travail se rapportant à l’équité salariale357.

Les principales questions examinées en 2001 ont concerné le trafic des femmes, l’adoption d’une approche sexospécifique de la sécurité et le développement de mécanismes de plaintes individuelles pour les femmes dont les droits protégés au niveau international ont été transgressés.

À la fin de 2000, le Canada a signé un nouveau protocole de la Convention des Nations Unies contre le crime organisé transnational, protocole qui concernait le trafic des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Également à la fin de 2000, le Conseil de sécurité adoptait sa première résolution sur le genre et la sécurité358. En 2000, l’attention s’est principalement portée sur les conséquences préjudiciables des conflits armés pour les femmes et les jeunes filles, sur le rôle des femmes dans la consolidation de la paix et sur les dimensions sexospécifiques des processus de paix et de la résolution des conflits.

Événement d’un intérêt tout particulier pour la Commission, à la fin de 2000 le Protocole facultatif établissant un nouveau mécanisme de plaintes individuelles au titre de la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDF)359 entrait en vigueur. Il y avait 73 signataires, dont 28 avaient ratifié le Protocole à la fin de 2001. En 2001, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il soutenait l’adoption du Protocole facultatif. Il consulte actuellement les provinces et territoires sur la ratification. La ratification par le Canada du Protocole facultatif permettrait aux femmes, après qu’elles auraient épuisé leurs recours canadiens internes, de présenter, au Comité sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, des « communications » individuelles alléguant une violation de leurs droits selon la CEDF.

Tout comme la LCDP proscrit la discrimination sexuelle dans l’emploi ou dans la prestation de services, la CEDF proscrit la discrimination dans les prestations économiques et sociales (art. 13) et dans le domaine de l’emploi (art. 11), garantissant le droit des femmes de travailler et leur droit d’être rémunérées et traitées équitablement pour un travail d’égale valeur. La CEDF prévoit aussi que des mesures concrètes destinées à accélérer de facto l’égalité n’équivalent pas à discrimination. À maints égards, le cadre juridique international garantissant l’égalité des femmes dans ces domaines reprend le cadre de la LCDP, notamment les dispositions sur l’équité salariale, et celui de la Loi sur l’équité en matière d’emploi360.

Depuis quelques années, les organismes responsables des droits de la personne à l’intérieur du Canada reconnaissent de plus en plus les effets aggravants de la discrimination fondée sur plus d’un motif, ce que l’on appelle la « transversalité ». En 1998, la LCDP a été modifiée pour qu’il soit entendu que « les actes discriminatoires comprennent les actes fondés sur un ou plusieurs motifs de distinction illicite ou l’effet combiné de plusieurs motifs »361.

De même, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CEDR) a montré que les tribunaux internationaux comprennent mieux aujourd’hui la nature multidimensionnelle et transversale de la discrimination. Le Comité a émis un commentaire général, un énoncé interprétatif de la Convention. Dans ce commentaire, on peut lire que « certaines formes de discrimination raciale peuvent être dirigées spécifiquement contre les femmes en tant que femmes, par exemple : les violences sexuelles commises en détention ou en temps de conflit armé sur la personne de femmes appartenant à des groupes raciaux ou ethniques particuliers; la stérilisation forcée de femmes autochtones; les abus perpétrés à l’encontre de travailleuses du secteur informel ou d’employés domestiques travaillant à l’étranger, par leurs employeurs »362. Le Comité s’efforce donc, lorsqu’il examine les formes de discrimination raciale, d’accroître ses efforts pour intégrer les perspectives des deux sexes, incorporer une analyse non sexiste et encourager un langage épicène363 dans son examen des rapports soumis par les États parties et concernant leur conformité à leurs obligations internationales. D’autres organes chargés de veiller à l’application de traités, par exemple le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, ont émis des commentaires généraux semblables. Par exemple, s’exprimant sur l’art. 3 du PIDCP (égalité des droits entre hommes et femmes), le Comité des droits de l’homme des Nations Unies affirmait en 2000 que : « l’inégalité dont les femmes sont victimes partout dans le monde dans l’exercice de leurs droits est profondément ancrée dans la tradition, l’histoire et la culture, y compris les attitudes religieuses »364. Selon le Comité, les États parties au Pacte, qui doivent garantir la jouissance égale des droits sans aucune discrimination, devraient s’assurer que les attitudes traditionnelles, historiques, religieuses ou culturelles ne servent pas à justifier les violations des droits des femmes à l’égalité devant la loi et à la même jouissance de leurs droits selon le Pacte365. Le Comité décrivait diverses mesures que les États peuvent appliquer pour garantir l’aptitude égale des hommes et des femmes à la jouissance de tous les droits civils et politiques énoncés dans le Pacte, et il soulignait également que « la discrimination à l’égard des femmes est souvent liée à la discrimination d’autres types, comme la discrimination fondée sur la race, la couleur, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, la propriété, la naissance ou tout autre statut »366.

Personnes handicapées

Par la Charte des Nations Unies367, les États se sont engagés à prendre des mesures, ensemble et séparément, afin de favoriser une meilleure qualité de vie, le plein emploi et des conditions propices au progrès économique et social. Aucun des grands instruments internationaux des droits de la personne ne renferme de dispositions particulières se rapportant aux personnes handicapées, mais la DUDH reconnaît que tous les êtres humains sont nés libres et égaux en dignité et en droits. Par ailleurs, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques prévoit que toutes les personnes ont le droit à la protection contre la discrimination et à la jouissance pleine et égale de leurs droits fondamentaux. Par conséquent, les personnes handicapées sont manifestement fondées à exercer l’éventail complet des droits reconnus dans le Pacte. Ce principe a été rappelé dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne adoptés par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme en 1993, où l’on peut lire que « Toute forme de discrimination directe, tout traitement discriminatoire à l'encontre d'une personne handicapée, constitue donc une violation des droits de celleci »368. Le droit international des droits de la personne englobe donc manifestement l’obligation de garantir aux personnes handicapées l’égalité dans tous les domaines, y compris l’emploi et les services sociaux, et d’éliminer tous les obstacles physiques à leur pleine participation.

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies a fait observer que les États ont l’obligation de « prendre des mesures concrètes pour réduire les désavantages structurels et accorder un traitement préférentiel approprié aux personnes souffrant d’un handicap afin de parvenir à assurer la participation pleine et entière et l’égalité, au sein de la société, de toutes ces personnes »369. Cela comprend à la fois la sphère publique et la sphère privée370. Selon le Comité, pour corriger la discrimination passée et actuelle, et prévenir la discrimination future, les États parties doivent adopter des lois détaillées antidiscrimination se rapportant à la déficience. Ces lois devraient non seulement offrir aux personnes handicapées tous les recours judiciaires possibles et appropriés, mais également prévoir des programmes de politique sociale permettant aux personnes handicapées de vivre une vie intégrée, autonome et déterminée par elles-mêmes.

Dans l’arrêt Price c. Royaume-Uni371, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé en 2001 que l’absence d’accommodements qui tiennent compte de la déficience peut équivaloir dans certains cas à un traitement cruel et inusité. Dans cette affaire, une femme victime de la thalidomide et paralysée des quatre membres, qui souffrait de nombreux problèmes de santé, avait été emprisonnée dans une cellule dont les équipements n’étaient pas adaptés à ses besoins particuliers. La Cour a jugé que, même s’il n’y avait dans cette affaire aucune preuve d’une véritable intention d’humilier ou de dévaloriser la requérante, les conditions dans lesquelles elle était détenue constituaient un traitement dégradant contraire à l’art. 3 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales372.

Dans l’arrêt PGA Tour, Inc c. Martin373, la Cour suprême des États-Unis a jugé en 2001 que le Americans with Disabilities Act374 oblige le PGA à permettre aux personnes handicapées l’utilisation de voiturettes de golf durant les épreuves de qualification pour le circuit du PGA. Dans cette affaire, l’intimé, une personne handicapée, contestait l’obligation de marcher imposée durant le tournoi, ce qui empêchait les participants d’utiliser des voiturettes de golf. La Cour a jugé que le terrain de golf utilisé par le circuit était public, donc soumis aux exigences de la Loi, et que l’utilisation de voiturettes par les personnes handicapées, qui par ailleurs étaient admissibles, ne modifiait pas fondamentalement la nature du sport ni ne donnait à l’intimé un avantage sur les autres.

Racisme et discrimination raciale

L’année 2001 a été l’Année internationale de la mobilisation contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. La Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée (CMCR), qui s’est déroulée à Durban en septembre 2001, a adopté une Déclaration et un Programme d’action.
L’an dernier, le point de mire du Tribunal canadien des droits de la personne dans le domaine du racisme a été la publication de messages haineux. Au début de 2002, le Tribunal a rendu une décision dans l’affaire Zündel375, relative à un site Web Internet qui exposait les Juifs à la haine. Dans sa décision, le Tribunal a conclu que le site créait des conditions qui permettaient à la haine de fleurir, puis il a fait observer que « ... les avantages qui en découlent continuent de l’emporter sur les effets préjudiciables sur la liberté d’expression de [M. Zündel] »376. Le Tribunal a ordonné la fermeture du site Web. Au niveau international, la Conférence mondiale contre le racisme a examiné la question de la propagande haineuse de nature raciste et xénophobe. Tout en reconnaissant la réelle contribution que l’exercice du droit à la liberté d’expression peut apporter à la lutte contre le racisme, la Conférence mondiale s’est déclarée préoccupée par l’utilisation des nouvelles technologies de l’information, par exemple l’Internet, à des fins contraires au respect des valeurs humaines, à l’égalité, à la non-discrimination, au respect d’autrui et à la tolérance377. Elle a rappelé que l’éducation à tous les niveaux et à tous les âges est essentielle pour un changement des attitudes et des comportements, pour la promotion, la diffusion et la protection des valeurs démocratiques de justice et d’équité378, ainsi que pour la nécessité d’offrir des protections et des réparations réelles et adéquates aux victimes de violations des droits fondamentaux résultant du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée379.

Dans l’arrêt Lacko c. République slovaque, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a examiné cette année la question de la discrimination raciale et l’obligation des États parties à la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale d’interdire et d’éliminer la discrimination raciale380. Le requérant, accompagné par d’autres personnes de souche tsigane, s’était rendu au restaurant de la gare de chemins de fer de Kosice, en Slovaquie, pour prendre un verre. Peu après son entrée dans le restaurant, le requérant et ses compagnons furent priés par une serveuse de quitter les lieux. La serveuse expliqua qu’elle agissait conformément à un ordre que lui avait donné le propriétaire du restaurant de ne pas servir les Roms. Il déposa une plainte, qui fut rejetée par le Cabinet du procureur général, au motif qu’une enquête avait révélé que des femmes roms avaient été servies au restaurant et que le propriétaire avait pris des dispositions pour qu’aucune autre discrimination ne soit exercée à l’encontre des clients polis, y compris les Roms. Le requérant affirma que la discrimination dont il avait été l’objet n’avait pas été corrigée, que cela rendait compte de l’absence d’une législation slovaque proscrivant expressément et véritablement la discrimination raciale dans l’accès aux lieux publics381, et que cette absence d’une norme juridique constituait un manquement aux obligations de la Slovaquie selon l’art. 3 de la Convention. Puisque des procédures pénales avaient été engagées contre le propriétaire du restaurant pour incitation à la haine nationale et raciale, le Comité jugea qu’il n’y avait pas eu manquement à la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale382. Cependant, s’autorisant de l’art. 14, paragraphe 7b), de la Convention, il recommanda à l’État partie de compléter sa législation afin de garantir le droit d’accès aux endroits publics en conformité avec l’art. 5f) de la Convention, et afin de sanctionner le refus de l’accès à de tels endroits pour cause de discrimination raciale. Le Comité a aussi recommandé à l’État partie de prendre les moyens nécessaires pour s’assurer que la procédure d’enquête applicable aux manquements ne soit pas d’une longueur excessive383.
Dans l’arrêt Chypre c. Turquie384, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que le caractère exceptionnel et la gravité d’une discrimination ou d’une différence de traitement fondé sur la race peut dans certains cas équivaloir à un traitement dégradant selon l’art. 3 de la Convention. Le gouvernement requérant affirmait, à propos de la situation qui prévaut à Chypre depuis le début des opérations militaires de la Turquie au nord de Chypre en juillet 1974, que le gouvernement de la Turquie (« le gouvernement intimé ») continuait de violer la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). Plus précisément, le gouvernement requérant affirmait que, dans la pratique, les Chypriotes grecs vivant dans la région de Karpas au nord de Chypre étaient victimes d’un traitement discriminatoire équivalant à un traitement inhumain et dégradant. La Cour a établi que les conditions dans lesquelles la population est condamnée à vivre, « conditions qui ne pouvaient s’expliquer que par les caractéristiques qui les distinguent des Chypriotes turcs, à savoir leur origine ethnique, leur race et leur religion »385, étaient dévalorisantes et contrevenaient à la notion même de respect de la dignité humaine de ses membres. De l’avis de la Cour, il y avait violation de l’art. 3 de la Convention parce que les Chypriotes grecs vivant dans la région de Karpas, au nord de Chypre, étaient l’objet d’une discrimination équivalant à « un traitement dégradant »386.

Droits des peuples autochtones

La période 1995-2004 a été proclamée Décennie internationale des peuples autochtones du monde. Durant cette période, il y a eu d’importantes avancées internationales sur les questions autochtones, par exemple les progrès accomplis par le Groupe de travail sur les peuples autochtones, les réalisations du Groupe de travail sur le projet de déclaration en vue de la préparation de la Déclaration des Nations Unies sur le droit des peuples autochtones387, l’établissement d’un Forum permanent sur les questions autochtones, et la nomination d’un rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones. Ces efforts internationaux ont également été reflétés par des efforts semblables dans les Amériques, qui ont entrepris, par exemple, la rédaction d’une Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones388 et, en marge de ce texte, l’étude de 2001 sur les Autorités et précédents du droit interne et du droit international pour le projet de déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones389, et une étude sur la Situation des droits de l’homme des peuples autochtones dans les Amériques390.

Les débats entrepris au sein de toutes ces tribunes montrent qu’il reste beaucoup à faire pour résoudre les difficultés actuelles, par exemple les disparités économiques, la pauvreté et la protection des droits sociaux, religieux et culturels des populations autochtones. Comme l’a indiqué le Comité des Nations Unies sur l’élimination de la discrimination raciale : « dans de nombreuses régions du monde, les populations autochtones ont été l’objet de discrimination, elles continuent de l’être et elles ont été privées de leurs droits de l’homme et de leurs libertés fondamentales, et notamment elles ont perdu leurs terres et leurs ressources aux mains des colons, des sociétés commerciales et des entreprises d’États. Aujourd’hui comme par le passé la préservation de leur culture et de leur identité historique en est menacée »391. Les peuples et organisations autochtones recourent de plus en plus aux diverses procédures internationales et régionales de plaintes qui leur sont ouvertes392.

L’année 2001 s’est révélée une année importante pour les droits des Autochtones dans le système interaméricain. La Communauté indigène Mayagna (Sumo) Awas Tingni, sur la côte atlantique du Nicaragua, a obtenu la reconnaissance de ses droits à ses terres ancestrales dans une affaire présentée par la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) à la Cour interaméricaine des droits de l’homme. La Commission a demandé à la Cour d’établir une procédure légale pour la démarcation rapide et la reconnaissance officielle des droits de propriété de la Communauté Awas Tingni. Dans sa décision rendue publique le 31 août 2001, la Cour a déclaré que : « les peuples autochtones, de par leur existence même, ont le droit de vivre librement sur leurs propres terres; le lien étroit entre les peuples autochtones et leurs terres devrait être reconnu et compris comme un élément essentiel de leurs cultures, de leurs vies spirituelles, de leur bien-être et de leur survie économique. Pour les collectivités indigènes, la relation à la terre n’est pas simplement une question de propriété et de production, mais un élément matériel et spirituel dont elles doivent profiter pleinement, notamment pour préserver leur patrimoine culturel et le transmettre aux générations futures »393. La Cour a jugé que les membres de la Communauté Awas Tingni ont le droit d’obliger l’État à délimiter les terres de la Communauté et à délivrer les titres fonciers correspondants, et que l’État doit s’abstenir de toute mesure pouvant nuire aux terres où les membres de la Communauté vivent et conduisent leurs activités394.

Droits économiques, sociaux et culturels (DESC)

À l’automne de 2001, la Commission canadienne des droits de la personne, ainsi que ses homologues provinciales et territoriales, est intervenue devant la Cour suprême du Canada dans l’affaire Gosselin395. Cette affaire soulevait la question de savoir si les règlements du Québec concernant l’aide sociale contrevenaient aux droits à l’égalité en excluant de leur portée les personnes âgées entre 18 et 30 ans, et s’ils contrevenaient au droit à la sécurité de la personne. Sur ce dernier point, on a fait valoir que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) devrait servir de guide persuasif dans l’interprétation de la Charte des droits et libertés. C’est là simplement une façon d’assurer la mise en œuvre au Canada de nos obligations issues des instruments internationaux sur les droits de la personne.

L’art. 2, par. 1, du PIDESC oblige chaque État partie « à agir... en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés »396. Ces moyens peuvent comprendre le travail accompli par les institutions nationales pour promouvoir et protéger les droits de la personne. Comme l’a indiqué le Comité des DESC des Nations Unies : « ...les institutions nationales pourraient jouer un rôle capital pour ce qui est de promouvoir et de garantir l’indivisibilité et l’interdépendance de tous les droits de l’homme. Trop souvent malheureusement, ce rôle ne leur a pas été accordé, ou alors elles s’en sont désintéressées ou l’ont jugé non prioritaire. Il importe par conséquent au plus haut point qu’elles accordent une attention pleine et entière aux droits économiques, sociaux et cultuels dans le cadre de toutes leurs activités.  »397. Il pourra s’agir d’examiner attentivement les lois existantes, de fournir des conseils techniques ou d’examiner des plaintes.

L’idée de faire relever des tribunaux les droits économiques, sociaux et culturels (ainsi que l’adoption d’un Protocole facultatif accompagnant le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels afin d’établir un système de dépôt de plaintes individuelles ou collectives) est examinée par la communauté internationale depuis des années. L’an passé, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme a organisé un atelier international sur les moyens de faire respecter les droits économiques, sociaux et culturels, dans le dessein de gagner le soutien de la communauté internationale pour la mise en place, comme le prévoit le Pacte, du mécanisme facultatif proposé en matière de plaintes.

Dans l’affaire Gouvernement de la République d’Afrique du Sud et Ors c. Grootboom et Ors398, la question des DESC, du droit au logement et du Pacte a été soulevée devant la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud. Dans cette affaire, les intimés avaient été expulsés de terrains privés où ils s’étaient installés après avoir quitté le camp de squatters de Wallacedene. Ils ont fait valoir leur droit à un logement adéquat selon les art. 26(1) et (2) de la Constitution sud-africaine, qui oblige le gouvernement « à prendre des mesures raisonnables, notamment législatives, compte tenu de ses moyens, pour donner progressivement effet » au droit de tous à un logement adéquat. La Cour a jugé que le droit d’accès à un logement adéquat présente un lien étroit avec les autres droits socioéconomiques, qui tous doivent être lus ensemble dans le cadre général de la Constitution et au regard de leur contexte social et historique. Pour qu’une personne ait accès à un logement adéquat, il doit y avoir un terrain, des services et une habitation. L’État doit instaurer les conditions d’accès à un logement adéquat pour les gens de tous les niveaux économiques de la société et compte tenu des diverses circonstances, puisque le besoin peut varier d’un endroit à un autre et d’une personne à une autre. Cette décision a été réaffirmée en 2001 dans l’affaire Ministre des Travaux publics et autres c. Kyalami Ridge Environmental Association et autres399, où la Cour constitutionnelle, rappelant l’affaire Grootboom et analysant aussi la pratique et la doctrine ayant cours au Canada400, a appuyé la décision du gouvernement sud-africain d’établir dans une ferme pénitentiaire d’État de la région Kyalami un camp de transit pour le logement des victimes des inondations du Township Alexandria en mars 2000.


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. Loi canadienne sur les droits de la personne, R.S.C. 1985, ch. H-6.[ci-après LCDP].
. Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, soit l’annexe B de la Loi sur le Canada (R. U.), 1982, ch. 11[ci-après « Charte »].
.Voir, McAllister-Windsor infra, et le texte accompagnant la note 36.
.Voir Popaleni infra, et le texte accompagnant la note 41.
.Voir Wignall infra, et le texte accompagnant la note 58.
. Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1.
.Voir Stevenson infra, et le texte accompagnant la note 65.
.Voir Irvine infra, et le texte accompagnant la note 71.
.Voir Eyerley infra, et le texte accompagnant la note 88.
. Voir Crouse infra, et le texte accompagnant la note 78.
.Voir Kavanagh infra, et le texte accompagnant la note 80.
.Voir Morris infra, et le texte accompagnant la note 116.
.Voir Zundel infra, et le texte accompagnant la note 118.
. Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, c. C-5.
.Voir GTNO no 9 infra, et le texte accompagnant la note 148.
.Voir McAvinn no 3 infra, et le texte accompagnant la note 155.
.Voir Sawyer no 2 infra, et le texte accompagnant la note 141.
.Voir Vaid no 1 infra, et le texte accompagnant la note 158.
. Infra, note 165 et le texte accompagnant.
.Voir Ermineskin infra et le texte accompagnant la note 173.
.Voir Bradley-Sharpe infra, et le texte accompagnant la note 181.
.Voir Bell 2000 infra, et le texte accompagnant la note 226.

.Voir Décision Bell infra, et le texte accompagnant la note 227.
.Voir Zundel (CAF) infra, et le texte accompagnant la note 260.
.Voir Chambre des communes infra, et le texte accompagnant la note 250.
.Voir Lignes aériennes infra, et le texte accompagnant la note 267 .
.Voir Bauman infra et le texte accompagnant la note 283.
.Voir TWU infra, et le texte accompagnant la note 299.
.Voir GRVD infra, et le texte accompagnant la note 312.
. Loi sur l’assurance-emploi, S.C. 1996, ch. 23.
.Voir Lesiuk infra, et le texte accompagnant la note 292.
. Loi sur les transports au Canada, S.C. 1996, ch. 10.
.R. c. Latimer ( le18 janvier 2001), 2001 SCC 1, no 26980 (S.C.C.).
. Loi sur l’assurance-chômage, L.R.C. 1985, ch. U-I.
.Voir Loi sur l’assurance-emploi, précité note 30.
. Helen McAllister-Windsor et Commission canadienne des droits de la personne c. Développement des ressources humaines du Canada (9 mars 2001) D.T. 2/01 (T.C.D.P.)[ci-après McAllister-Windsor].
36.1 Bien que la question ne soit pas directement rattachée aux faits de la plainte, le Tribunal a fait observer que le nombre maximal de semaines de prestations parentales était passé (à compter du 31 décembre 2000) à 35 semaines et que le maximum cumulatif de semaines de prestations passait par le fait même à 50 semaines. Ibid. au par. 15.
37. Ibid. au par. 52.
38. Ibid. au par. 68.
39. Ibid. au par. 67.
40. Ibid. aux par. 67 et 69.
41. Katherine Popaleni, Pamela Janssen c. Développement des ressources humaines Canada (le 9 mars 2001), D.T. 3/01 (T.C.D.P.) [ci-après Popaleni].

42. Ibid. au par. 48.
43. Solbach c. Canada (P.G.) (1999), 252 N.R. 137 (C.A.F.).
44. Précité note 41 au par. 52.
45. McAvinn (et Commission canadienne des droits de la personne) c. Strait Crossing Bridge Limited (le15 novembre 2001), D.T. no 13/01(T.C.D.P.).[ci-après McAvinn].
46. Ibid. au par. 172.
47. Ibid. au par. 128.
48. Ibid. au par. 169.
49.Goyette c. Syndicat des employé(es) de terminus de Voyageur Colonial Limitée (CSN) (le16 novembre 2001), D.T. no 14/01 (T.C.D.P.).
50.Goyette et Tourville c. Voyageur Colonial Ltée (1997), 30 C.H.R.R. D/175(T.C.D.P.).
51. La décision écrite du Tribunal contenait la réserve suivante : « S’il y a un problème pour effectuer les calculs et que les parties ne peuvent s’entendre au sujet des modalités pour déterminer les montants, le Tribunal pourra se réunir à la demande de l’une ou l’autre des parties pour entendre la preuve à cet effet et résoudre le différent [sic] ». Ibid. au par. 4.
52. Le raisonnement du Tribunal était le suivant : « Même si cette question est devenue une préoccupation de la plaignante, suite à des faits nouveaux survenus après la décision, soit la faillite du syndicat affilié, le Syndicat des employé-e-s de terminus Voyageur Colonial Limitée (CSN), le Tribunal ne peut prolonger et étendre sa juridiction indéfiniment. Dans ce dossier, les règles de justice naturelle ont été respectées et le Tribunal ne peut tenir des audiences en vue de déterminer la nature juridique de la personne liée indirectement à la plainte puisqu’il a déjà exercé sa juridiction ». Précité note 49 au par. 45.
53. Colleen Daniels c. Stan Myron (le16 juillet 2001), D.T. 8/01 (T.C.D.P.). Le défendeur avait accusé par écrit réception d’une lettre envoyée le 10 avril 2001 concernant les dates d’audience, et réception d’un avis d’audience en date du 24 avril 2001. Il avait aussi accusé réception par téléphone d’une correspondance qui fixait la date d’audience au 28 mai de la même année.
54. Ibid., au par. 30. Le précédent en question était l’arrêt Janzen c. Platy Entreprises, [1989] 1 R.C.S. 1252.
55. Précité note 53 au par. 31.
56. Ibid.

57. Loi de l’impôt sur le revenu, R.S.C. 1985 (5e suppl.), ch.1.
58. Wignall c. Ministère du Revenu national (le 8 juin 2001), D.T. 5/01 (T.C.D.P.) [ci-après Wignall].
59. Law c. Canada (Ministère de l’Emploi et de l’Immigration) [1999] 1 R.C.S., 497.
60. Précité note 58 au par. 32.
61. Ibid. au par. 46.
62. Ibid. au par. 47.
63. Ibid. au par. 48.
64. Ibid. au par. 51.
65. Stevenson (et Commission canadienne des droits de la personne) c. Service canadien du renseignement de sécurité (5 décembre 2001), D.T. no 16/01(T.C.D.P.).[ci-après Stevenson].
66. Ibid. au par. 60.
67. Le Tribunal s’est exprimé ainsi : [TRADUCTION] « Il aurait alors fallu se demander s’il convenait d’accorder à M. Stevenson un congé additionnel de six mois pour raisons de santé, soit à compter du 10 décembre 1997, avant qu’il reprenne son poste auprès du Service. Mme Dodd et M. Outhwaite sont plutôt arrivés à la conclusion le 7 janvier 1998 que M. Stevenson était totalement inapte à reprendre ses activités normales et à occuper un poste à l’administration centrale et qu’il devrait donc être renvoyé pour raisons médicales. Vu la manière dont l’examen médical a été effectué, puis interprété, il semble y avoir eu un parti pris contre M. Stevenson parce qu’il est atteint d’une maladie mentale. Le pronostic d’un rétablissement complet dans un délai raisonnable est ignoré ». Ibid. aux par. 63-64.
68.Ibid. au par. 70.
69. British Columbia (Public Service Employee Relations Commission) c. B.C.G.S.E.U. [1999] 3 S.C.R. 3.[ci-après Meiorin].
70. Ibid., au par. 82.
71. Irvine (et Commission canadienne des droits de la personne) c. Forces armées canadiennes (le 23 novembre 2001), D. T. no 15/01(T.C.D.P.) [ci-après Irvine].
72. Ibid. au par. 13.
73. Ibid. au par. 41.

74. Ibid. au par. 141.
75. Ibid.
76. Ibid. au par. 157.
77. Ibid. au par. 162.
78. Crouse c. Société maritime CSL Inc.(18 juin 2001), D. T. 7/01(T.C.D.P.) [ci-après Crouse].
79. À l’appui de ces conclusions, le Tribunal s’est référé à l’affaire Niles c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1992) 18 C.H.R.R. D/152 (T.C.D.P.)et à l’arrêt Québec (C.D.P.D.J.) c. Montréal (Ville) [2000] 1 R.C.S. 665.
80. Kavanagh c. Procureur général du Canada (le 31 août 2001), T.D. 11/01 (T.C.D.P.). [ci-après Kavanagh].
81. Ibid. au par. 35.
82. Ibid. au par. 141.
83. Ibid. au par. 166.
84. Ibid.
85. Ibid. au par. 178.
86. Ibid. au par. 187.
87. Ibid. au par. 181.
88.Patrick Eyerley (et Commission canadienne des droits de la personne) c. Seaspan International Limited, T.D. 18/01, 21/12/2001.
89.Ibid., paragraphe 136. Se référer à la décision arbitrale Air B.C. Ltd. et C.A.L.D.A., (1995) 50 L.A.C. (4e) 93.
90. Ibid., paragraphe 143. Citation des arrêts Meiorin et Grismer de la Cour suprême.
91. Chopra c. Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social (le 13 août 2001) D.T. 10/01 (T.C.D.P.).
92. Chopra c. Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, [1996] C.H.R.D. no 3 (T.C.D.P.)

93. Voir Commission canadienne des droits de la personne c. Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social (1998) 146 F.T.R. 106 (C.F. 1re inst.); ainsi que l’arrêt de la Cour d’appel fédérale, (1999) 235 N.R. 195 (C.A.F.).
94. La contre-preuve que la Commission a voulu produire après l’argumentation du défendeur a été dans une grande mesure refusée par le Tribunal. Il a exprimé l’avis que les principes de l’équité envers le défendeur obligeaient un plaignant à produire sa preuve durant la présentation initiale de ses arguments. Dans l’affaire dont il était saisi, le Tribunal a trouvé que trois des quatre témoins proposés par la Commission entendaient faire des dépositions que le ministère défendeur n’aurait pu raisonnablement anticiper à la clôture de sa preuve. Voir la décision du Tribunal, précitée, note 91 aux par. 12-15.
95. Pour la discussion de cette question par le Tribunal, voir les par. 16-30 de sa décision, précitée, note 91.
96. Sur ce point, le Tribunal a également adopté les conclusions de fait du premier tribunal : « Je ne vois pas de raison de contester la conclusion du tribunal Soberman à savoir que le plaignant possédait peu d’expérience en gestion hiérarchique par rapport au poste de haute direction qu’il convoitait. Je conviens également que la condition préalable établie par le Ministère relative à l’expérience en gestion pour occuper le poste d’une durée indéterminée de directeur d’un bureau était un motif raisonnable justifiant l’élimination de sa candidature à la présélection ». Ibid. au par. 257.
97. Ibid. au par. 259.
98. S’agissant de la nomination, à titre intérimaire, d’un candidat non qualifié, le Tribunal a déclaré ce qui suit : « Ce qui est frappant au sujet de cette nomination, c’est que Mme Franklin n’était pas compétente pour le poste. Toute croyance erronée de la part de l’intimé voulant qu’elle soit compétente pour le poste aurait dû être dissipée le 9 juillet 1991 lorsque le CACFP a statué qu’elle ne satisfaisait ni aux « exigences sur le plan des connaissances » ni à l’exigence en matière de bilinguisme. Bien qu’on ait jugé que Mme Franklin n’avait pas la compétence voulue, l’intimé l’a maintenue à ce poste, même après que la CFP eut émis une directive ordonnant qu’elle cesse de l’occuper à compter du 20 septembre 1991. Bien sûr, au cours de toute cette période, le Dr Chopra a continué de s’opposer à son maintien en fonctions; toutefois, l’intimé n’a à aucun moment jugé à propos de le nommer ou de l’affecter au poste à titre intérimaire ». Ibid. aux par. 264-265.
99. Ibid. au par. 266.
100. Ibid. au par. 276.
101. La décision a modifié les conclusions du premier tribunal. Sur ce point, le Tribunal a déclaré : « En concluant à la responsabilité de l’intimé, je suis conscient que je m’écarte peut-être de certaines conclusions du tribunal Soberman. Cependant, je crois que ma décision a été prise conformément à mon pouvoir de substituer mon point de vue dans les cas où j’estime que le premier tribunal a commis une erreur palpable ou manifeste dans l’évaluation des faits. En outre, j’ai entendu une bonne partie de la preuve pertinente relativement à ces questions durant la deuxième audience, et notamment lors du témoignage de Mme Weiner à titre d’experte et du témoignage du Dr Liston. Je dois nécessairement évaluer cette nouvelle preuve à la lumière de l’ensemble de la preuve, y compris celle présentée au premier tribunal ». Ibid. au par. 284.
102. Ibid. au par. 211.
103. Ibid. au par. 229. Pour un examen plus complet de ces questions de preuve, voir les par. 213-237 de la décision.
104. Alliance de la Capitale nationale sur les relations interraciales (ACNRI) c. Canada (Santé nationale et Bien-être social) [1997] C.H.R.D. no 3 (Q.L.), 28 C.H.R.R. D/179 (T.C.D.P.) [ci-après ACNRI].
105. Beryl Nkwazi c. Service correctionnel du Canada (le 5 février 2001), D.T. 1/01 (T.C.D.P.)
106. Se référant aux témoignages de la direction, le Tribunal a fait l’observation suivante : « M. Brecknell a dit que le travail de Mme Nkwazi en matière de consignation aux dossiers posait problème. On peut présumer qu’il aurait été très facile pour M. Brecknell de produire des dossiers de patient pour illustrer la nature de ses préoccupations à cet égard. Cependant, aucun dossier du genre n’a été produit et M. Brecknell n’a pas été capable de mentionner un seul cas où le travail de consignation au dossier n’était pas adéquat... Je rejette carrément cette allégation. De même, aucun détail n’a été fourni relativement aux plaintes que M. Brecknell dit avoir reçues des patients, hormis l’allégation pure et simple selon laquelle Mme Nkwazi avait un problème de relations interpersonnelles. Lorsqu’on a mis en doute son allégation, M. Brecknell n’a pas été capable de fournir le nom d’un seul patient qui se serait plaint à lui au sujet de Mme Nkwazi. Les allégations de Mme Thompson à l’égard des prétendues difficultés de Mme Nkwazi sur le plan des relations avec les patients étaient tout aussi vagues ». Ibid. aux par. 215-216.
107. Sur ce point, le Tribunal a ordonné au Service correctionnel du Canada de fournir à la plaignante une référence reflétant véritablement son rendement en tant qu’infirmière et de répondre aux demandes orales de renseignements d’une manière conforme à ladite référence.
108. Le Tribunal a examiné le droit tel qu’il s’appliquait à la présomption légale de non-rétroactivité, en faisant observer que les dispositions en question n’étaient pas de nature uniquement procédurale, mais créaient de nouvelles responsabilités. Puisque leur application dans cette affaire aurait pour effet d’attribuer des conséquences préjudiciables à des agissements antérieurs, il estima que la présomption devrait s’appliquer. Pour un examen plus complet de cette question, voir les par. 257-269 de la décision du Tribunal.
109. Wong c. Banque Royale du Canada (le 15 juin 2001)D.T. 06/01(T.C.D.P.). Le Tribunal a rendu une autre décision rejetant une plainte qui reposait uniquement sur la crédibilité de témoins : D’Arc Vollant c. Santé Canada et al.(6 avril 2001), D.T. 4/01 (T.C.D.P.).
110. Baptiste (et Commission canadienne des droits de la personne) c. Service correctionnel du Canada (6 novembre 2001), D.T. 12/01(T.C.D.P.).
111. Ibid. au par. 18.
112. Ibid. au par. 19.
113. Ibid. au par. 85.
114. Ibid. au par. 100.
115. Cizungu c. Développement des ressources humaines Canada (31 juillet 2001), T.D. 9/01(T.C.D.P.).
116. Morris c. Canada (Forces armées canadiennes) (le 20 décembre 2001), D.T. 17/01(T.C.D.P.).
117. Ibid. au par. 23.
118. Citron et CHRC et al. c. Zündel (le 18 janvier 2002), .D.T. 1/02(T.C.D.P.)[ci-après Zundel].
119. Précité note 1 au par. 13(1).
120. Pour plus de détails, voir le résumé que le Tribunal a fait des documents et brochures inclus dans la preuve dont il disposait, précité note 118 au par. 120.
121. Ibid. au par. 44.
122. Ibid. au par. 66.
123. Ibid. au par. 77. Le Tribunal a cité un extrait de l’arrêt rendu par la Cour suprême dans l’affaire Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor [1990] 3 S.C.R. 892, p. 919 [ci-après Taylor].
124. Ibid. au par. 81.
125. Ibid. aux par. 85-86.
126. L’interprétation que le Tribunal donne du paragraphe 13(1) repose en grande partie sur l’arrêt Taylor de la Cour suprême, lequel est antérieur aux progrès technologiques qui ont jeté les bases des communications Internet. Appliquant à l’affaire Zündel le raisonnement adopté dans Taylor, le Tribunal a déclaré : « Nous sommes conscients que la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Taylor, a concentré son analyse sur l'utilisation d'un répondeur téléphonique pour transmettre des messages préenregistrés. Toutefois, rien dans cette décision ne restreint à notre avis l'application du paragraphe 13(1) à ce type d'appareil. Comme nous l'avons déjà indiqué, les principes directeurs énoncés par la majorité dans Taylor étayent la conclusion que nous avons tirée en ce qui touche les aspects de la plainte liés à l'interprétation de la Loi. » Ibid. au par. 98.
127. Ibid. au par. 80, citant Taylor à 928.
128. Ibid. au par. 140.
129. Ibid.
130. Ibid. au par. 154.
131. [1990] 3 R.C.S. 892.
132. Ibid. aux pp. 935-936. Reproduit au par. 187 précité, note 118.
133. À cet égard, le Tribunal a conclu : « À notre avis, il existe des différences réelles entre les faits entourant l'affaire Taylor et les faits de l'espèce. En outre, il se peut qu'il existe en l'espèce des différences importantes relativement à l'effet sur la liberté d'expression qui exigent une nouvelle analyse et application des principes énoncés dans Taylor. La Cour suprême du Canada a eu à se pencher sur le téléphone en tant que moyen de communication; en l'espèce, nous avons affaire à un moyen de communication relativement nouveau qui est omniprésent et en plein essor : Internet. Il faut que les avantages pouvant découler du paragraphe 13(1) continuent de l'emporter sur la gravité de la restriction qu'il impose à la liberté d'expression lorsqu'on l'applique aux faits de l'espèce. » Précité, note 118 au par. 229.
134. Ibid. aux par. 233-235.
135. Ibid. aux par. 238 et 240.
136. Ibid. au par. 256.
137. Ibid. aux par. 298-299.
138. Murphy (et Commission canadienne des droits de la personne) c. Halifax Employers' Association and Halifax Longshoremen's Association (section locale 269)(le 27 février 2001), décision sur requête no 1 (T.C.D.P.).
139. Ibid. au par. 12.
140. Sur ce point, le Tribunal a fait l’observation suivante : « La Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit spécifiquement qu’il peut y avoir des situations où la Commission canadienne des droits de la personne peut vouloir prendre l’initiative d’une plainte en l’absence d’une plainte déposée par une personne. Si la Commission est d’avis que les plaintes de Mme Murphy soulevaient des questions d’intérêt pour la Commission, la Commission est tout à fait libre de prendre l’initiative de plaintes contre les intimés en vertu de l’article 40(3) de la Loi ». Ibid. au par. 20.
141. Sawyer et CCDP c. Société Radio Canada(le 24 août 2001), Décision no.2 (T.C.D.P.).[ci-après Sawyer no 2].
142. Stevenson (et Commission canadienne des droits de la personne) c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le 23 mars 2001), décision no  1(T.C.D.P.).
143. Ibid. au par. 25.
144. Ibid. au par. 30.
145. Ibid.
146. Ibid. au par. 33.
147. Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5.
148. Alliance de la fonction publique du Canada (et Commission canadienne des droits de la personne) c. Ministre du personnel du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (25 juillet 2001), décision no  9 (T.C.D.P.) [ci-après GTNO n0 9].
149. L’article 7 est rédigé ainsi : « Lorsque, dans un procès ou autre procédure pénale ou civile, le poursuivant ou la défense, ou toute autre partie, se propose d’interroger comme témoins des experts professionnels ou autres autorisés par la loi ou la pratique à rendre des témoignages d’opinion, il ne peut être appelé plus de cinq de ces témoins de chaque côté sans la permission du tribunal, du juge ou de la personne qui préside ».
150. Précité note 148 au par. 11.
151. Ibid.
152. Ibid. au par. 28.
153. Ibid. au par. 32. L’examen détaillé de la jurisprudence par le Tribunal se trouve aux paragraphes 29-44. Il convient de noter que le Tribunal a conclu que la décision maîtresse invoquée pour dire que l’art. 7 devrait s’appliquer à chaque point soulevé, plutôt qu’à l’ensemble des arguments d’une partie, avait été rendue par inadvertance. Le Tribunal a donc estimé que ce précédent particulier pouvait avec raison être ignoré.
154. Alliance de la fonction publique du Canada (et la Commission canadienne des droits de la personne) c. Société canadienne des postes (le 23 octobre 2001), décision no 4(T.C.D.P.).

155. McAvinn (et Commission canadienne des droits de la personne) c. Strait Crossing Bridge Limited (le 3 janvier 2001) décision no 3(T.C.D.P.).
156. Ibid. au par. 9.
157. Ibid. au par. 20.
158. Vaid (et Commission canadienne des droits de la personne) c. Chambre des communes et l’honorable Gilbert Parent (le 25 avril 2001), décision no  1(T.C.D.P.)[ci-après Vaid no. 1]. Appel a été interjeté de la décision du Tribunal à la Cour fédérale, dont le jugement est discuté plus loin sous la rubrique Contrôle judiciaire des décisions du Tribunal.
159. Ibid. au par. 9. Voir Soth v. Ontario (Speaker of the Legislative Assembly)(1997), 32 O.R. (3d) 440 (Ont. Div. Ct.).
160. Précité note 158 au par. 28.
161. Ibid. au par. 15 de l’avis dissident.
162. Quigley (et Commission canadienne des droits de la personne) c. Ocean Construction Supplies (17 septembre 2001), décision no 2 (T.C.D.P.).
163. Ibid. au par. 4. L’arrêt de la Cour suprême est Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929.
164. Bell Canada c. CTEA, CEP and Femmes Action et la CCDP,[2001] 2 C .A. 392(D.T.).
165. Perley c. Bande de Tobique (22 mars 2001), décision no 1 (C.H.R.T.), Premakumar c. Lignes aériennes Canadien International (12 avril 2001) décision no 1 (T.C.D.P.), Parent c. Lignes aériennes Royal (12 avril 2001), décision no 1(T.C.D.P.), Wilkinson c. B.C. Telephone Company (21 mars 2001), décision no 1(T.C.D.P.), Jackson c. Sergent d’état-major Robert Taubman (17 janvier 2001) décision no 1(T.C.D.P.), Rampersadsingh c. Dwight Wignall (le 24 janvier 2001) décision no 1 (T.C.D.P.), Caza c. Télé-Métropole (le11 avril 2001) décision no 1 (T.C.D.P.).
166. In Perley c.Tobique Band, ibid. au par. 7.
167. Dans l’affaire Kanags Premakumar c. Lignes aériennes Canadien International, précité par.11, le Tribunal s’est exprimé ainsi : « Je juge non avenu l’argument voulant qu’il y ait très peu de risques que le mandat d’un membre arrive à échéance avant la conclusion de la procédure et que, par conséquent, la question de la prolongation des mandats ne risque pas d’être soulevée. La juge Tremblay-Lamer conclut à une déficience dans la Loi qui concerne non pas les modalités de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du président dans une affaire donnée, mais plutôt l’existence proprement dite de ce pouvoir discrétionnaire ».

168. Ibid. aux par. 23-24.
169. Voir Perley c. Bande de Tobique, précité note 165 au par. 15. Vu les incidents procéduraux de cette affaire, le Tribunal a conclu que le droit d’opposition n’avait pas été abandonné.
170. Stevenson c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (23 mars 2001) décision no 1 (T.C.D.P.), Corbeil c. Pro North Transportation et Brian Glass (15 février 2001), décision no 1 (T.C.D.P.).
171. Mention devrait être faite aussi d’une décision du Tribunal qui a autorisé la continuation partielle d’une audience (en dépit de la décision Bell) afin qu’un témoin expert puisse achever sa déposition. La reprise de l’audience à cette fin seulement fut jugée nécessaire pour éviter des délais futurs considérables dans l’achèvement de cette déposition. Voir Alliance de la fonction publique du Canada c. Société canadienne des postes (le18 avril 2001), décsion no 3 (T.C.D.P.).
172. Banque Laurentienne du Canada c. Commission canadienne des droits de la personne (27 juin 2001 décision no 1 (T.C.D.P.), Larente c. SRC (5 juillet 2001), décision no 1 (T.C.D.P.), Sawyer c. Société Radio-Canada (le 3 juillet 2001), décision no 1 (T.C.D.P.).
173. La Nation crie Ermineskin c. La Reine du chef du Canada, le Tribunal canadien des droits de la personne et la Commission canadienne des droits de la personne (le 7 septembre 2001), 2001 ABQB 760 , no 9903 18454 (Alta.QB)[ci-après Ermineskin].
174. Loi constitutionnelle de 1982, soit l’annexe B de la Loi sur le Canada (R. U.), 1982, c. 11 [ci-après Loi constitutionnelle de 1982]. La disposition en question (l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982) prévoit que : « Les droits existants - ancestraux ou issus de traités - des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés ».
175. Précité note 2.
176. Précité note 173 au par. 20.
177. Elle a reproduit les propos tenus par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui [1995] 1 R.C.S. 3, aux pages 25-26 : « Il est maintenant établi que les décisions des tribunaux administratifs n’ont certes pas l’autorité de la chose jugée, mais que ces tribunaux peuvent néanmoins examiner les limites de leur compétence. Évidemment, leurs décisions à cet égard ne doivent être entachées d’aucune erreur et, en règle générale, les cours de justice ne font pas preuve de beaucoup de retenue à l’égard de telles décisions. » Cité dans Ermineskin, précité note 173 au par. 44.
178. Ibid. au par. 51.
179. Ibid. au par. 52.
180. Ibid. au par. 64.

181. Bradley-Sharpe c. Banque Royale du Canada (le 18 octobre 2001), no T-806-01 (C.F. 1ère inst.) [ci-après Bradley-Sharpe].
182. Règles de la Cour fédérale, SOR/98-106.
183. Canada (Commission des droits de la personne) c. Pathak [1995] 2 C.F. 455 (C.A.F.)[ci-après Pathak].
184. La Cour fédérale a reproduit dans l’affaire considérée l’extrait suivant de l’arrêt Pathak : « Seuls le rapport de l’enquêteur et les observations des parties sont nécessaires pour la décision de la Commission. Tout le reste est laissé au bon plaisir de la Commission. Si la Commission choisit donc de ne pas demander tel ou tel document, alors on ne peut dire que ce document se trouve devant la Commission à l’étape de la décision, par opposition à l’étape de l’enquête. Ledit document ne saurait donc faire l’objet d’une demande de production à titre de document utilisé par la Commission dans sa décision, même s’il a fort bien pu être utilisé par l’enquêteur dans son rapport ». Précité note 181 au par. 13.
185. Précité note 181 au par. 17.
186. Ibid. au par. 22. La décision citée est Beno c. Létourneau [1997] A.C.F. no 535 (C.F. 1re inst.).
187. Voir le Rapport juridique 2000, infra note 226 aux p. 33-34.
188. Bell Canada c. ACET, SCCEP, Femmes Action et Commission canadienne des droits de la personne (le 2 mai 2001), no A-472-00 (C.A.F.).
189. Ibid. au par. 5.
190. Bell Canada c. ACET, SCCFP, Femmes Action et Commission canadienne des droits de la personne (le 2 mai 2001), n0 A-491-00 (C.A.F.) au par. 4.
191. Montreuil c. La Banque Nationale du Canada (le 21 août 2001), no T78800 (C.F. 1ère inst.)
192. Code civil du Québec, art. 1260 C.C.Q.
193. Précité note 191 au par. 11.
194. Ramlall c. P.G. du Canada (Commission canadienne des droits de la personne)( le 22 juin 2001), no T169699 (C. F. 1ère inst.)
195.Grover c. Conseil national de recherches et P.G. du Canada (le 21 juin 2001), no T58698 (C. F. 1ère inst.).
196. Ibid. au par. 57.

197. Ibid. au par. 63, citant Miller c.Canada (1996), 112 F.T.R. 195 à 201.
198. Ibid. au par. 66., citant Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne) [1994] 2 C.F. 574 (1re inst.), aux pp. 600-601.
199. Ibid. au par. 71.
200. Singh c. Procureur général du Canada (le 19 mars 2001), no T225999 (C. F. 1ère inst.).
201. Ibid. au par. 23.
202. Sosnowski c. Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada, Cour fédérale (le 29 novembre 2001), no T116800 (C. F. 1ère inst.).
203. Ibid. au par. 4.
204. Ibid. au par. 10.
205. Ibid. au par. 11.
206. Ibid. au par. 14.
207. Moran c. La Reine (représentée par Industrie Canada)(le 24 mai 2001), no T136099 (C. F. 1ère inst.).
208. Ibid. au par. 8.
209. Ibid. au par. 22.
210. Société Radio-Canada c. Paul (le 2 avril 2001), no A13299 (C.A.F.).
211. Dans sa lettre au personnel de la Commission, la SRC avait écrit : « L’offre de règlement que la SRC a faite à Mme Paul et dont il est fait mention dans le rapport de conciliation a été faite à titre strictement confidentiel, étant expressément entendu que cette offre était faite sans préjudice de la thèse de la SRC suivant laquelle la plainte de Mme Paul était mal fondée. Cette divulgation est également contraire à l’interdiction expresse de divulguer ce type de renseignements qui est formulée à l’art. 47 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cette divulgation va à l’encontre des objectifs fondamentaux de la conciliation, qui sont de permettre aux parties de discuter dans un cadre informel et sous toutes réserves des modalités d’un éventuel règlement de la plainte ». Quelques extraits de cette lettre sont reproduits dans l’arrêt de la Cour d’appel fédérale, ibid. au par. 13.
212. La Cour d’appel a formulé les questions suivantes : « (1) L’intimée a-t-elle présenté sa demande après l’expiration du délai prescrit? (2) La communication du rapport de conciliation à la Commission sans le consentement de la SRC vicie-t-elle la décision de la Commission de renvoyer la plainte au tribunal? (3) La Commission a-t-elle tenu compte de tous les éléments d’information qui avaient été régulièrement portés à sa connaissance lorsqu’elle a décidé de renvoyer la plainte au tribunal? (4) Le juge des requêtes a-t-elle commis une erreur en décidant de ne pas renvoyer la plainte à la Commission pour réexamen? » Ibid., au par. 18.
213. Ibid. au par. 19.
214. Ibid. au par. 48.
215. Toutefois, la Cour d’appel a souligné que la Commission n’est pas tenue dans tous les cas de faire état de chaque document qu’elle a considéré : « Je ne veux pas laisser entendre que la Commission doit toujours, lorsqu’elle rend une décision en vertu de l’art. 44, faire état de tous les éléments d’information qu’elle a examinés. Toutefois, eu égard aux circonstances de l’espèce, la mention exprès de l’examen par la Commission d’éléments d’information déterminés, combinée à l’omission de mentionner d’autres éléments qu’elle était tenue d’examiner, permet d’inférer qu’elle n’a pas tenu compte de ces autres éléments ». Ibid. au par. 51.
216. [2000] 2 R.C.S. 307, [2000] A.C.S. no 43.
217. Gee c. Ministre du Revenu national (2001), 39 C.H.R.R. D/454 (C. F. 1ère inst.).
218. S’agissant de l’une des plaintes, la Commission l’a également rejetée au motif qu’elle débordait la compétence de la Commission parce qu’elle n’était pas fondée sur un motif de distinction illicite.
219. Précité note 217 au par. 35.
220. Ibid. au par. 36.
221. Hedges-Mckinnon et Mckinnon c. Commission canadienne des droits de la personne, (le 31 août 2001), no T129900 (C. F. 1ère inst.).
222. Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), c. 1.
223. HedgesMckinnon et Mckinnon v. La Reine (le 8 novembre 1999), no 981987ITI, 981989ITI (C.C.I.).
224. Ahmad Rabah c. Procureur général du Canada (le 11 novembre 2001),no T-1228-99 (.C.F 1ère inst.).
225. Ibid. au par. 10. Ce raisonnement trouve sa source dans le jugement de la Cour fédérale rendu dans l’affaire Robinson c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (objet : Monnaie royale canadienne) (1995), 90 F.T.R. 43 (C.F. 1re inst.), à la page 49.
226. [2001] 2 F. C. 392 (D.T.)[ci-après Bell 2000]. Voir aussi : Commission canadienne des droits de la personne, Rapport juridique 2000 (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux 2001) no de cat. HR1-2/2000, p. 29-31. Prière de noter : Dans le Rapport juridique 2000, la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale a été erronément mentionnée comme une décision émanant de la Section d’appel.
227. Commission canadienne des droits de la personne c. Bell, [2001] 3 C. F. 481 , 2001 C.A. F.161 (C.A.)[ci-après Décision Bell].
228. Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, [1998] 3 C.F. 244 (1re inst.).
229. Ibid. au par. 154.
230. Loi modifiant la Loi sur la preuve au Canada, le Code criminel et la Loi canadienne sur les droits de la personne relativement aux personnes handicapées et, en ce qui concerne la Loi canadienne sur les droits de la personne, à d’autres matières, et modifiant d’autres lois en conséquence, L.C. 1998, ch. 9.
231. Ibid. à l’art. 20(2).
232. Le paragraphe 11(1) de la Loi prévoit ce qui suit : « Constitue un acte discriminatoire le fait pour l’employeur d’instaurer ou de pratiquer la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent, dans le même établissement, des fonctions équivalentes ».
233. Précité, note 227 au par. 36. La Cour d’appel citait le jugement Canada (P.G.) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [2000] 1 C.F. 146 (1re inst.).
234. L. R.C. 1985, c. S-22.
235. Précité note 2.
236. Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, ch. 44 reproduit dans L.R.C. 1985, appendice III.
237. Précité note 227 au par. 39.
238. Ibid. au par. 41.
239. Il s’agit du par. 48.2 (2) de la LCDP : « Le membre dont le mandat est échu peut, avec l’agrément du président, terminer les affaires dont il est saisi. Il est alors réputé être un membre à temps partiel pour l’application des art. 48.3, 48.6, 50 et 52 à 58 ».
240. Précité note 227, requête en autorisation de pourvoi auprès de la C.S.C.accordée, [2001] S.C.C.A. no 406, dossier no 28743 (S.C.C.A.).

241. Gouvernement des T.N.-O. c. Alliance de la fonction publique du Canada et al., [2001] 3 C .A. 566 (C.A.).
242. Ibid. au par. 14.
243. Ibid. au par. 15.
244.Précité note 236.
245. La Cour d’appel s’est référée à l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Duke c. La Reine, [1972] R.C.S. 917, à la p. 923 : « En vertu de l’art. 2e) de la Déclaration des droits, aucune loi du Canada ne doit s’interpréter ni s’appliquer de manière à priver [une personne] d’une «audition impartiale de sa cause selon les principes de justice fondamentale». Sans entreprendre de formuler une définition finale de ces mots, je les interprète comme signifiant, dans l’ensemble, que le tribunal appelé à se prononcer sur ses droits doit agir équitablement, de bonne foi, sans préjugé et avec sérénité, et qu’il doit donner à l’accusé l’occasion d’exposer adéquatement sa cause ».
246. La Cour s’est exprimée ainsi : « Compte tenu de l’important rôle supplétif que joue la Déclaration canadienne des droits et de l’importance pour un plaideur de voir ses droits et ses obligations déterminés au cours d’une audition impartiale, je ne vois aucune raison impérieuse pour laquelle le mot «personne» figurant à l’alinéa 2e) ne viserait pas Sa Majesté la Reine ou la Couronne. Je ne vois pas pourquoi ces personnes, et les citoyens qu’elles représentent, n’auraient pas droit à une audition équitable lorsqu’elles sont parties à une instance administrative ou civile. Ce serait parodier la justice que de ne pas leur reconnaître, sur le plan des principes, en particulier, lorsqu’elles sont défenderesses dans une instance, le droit à une audition équitable que leur garantit l’alinéa 2e) ». Précité, note 227 au par. 55.
247. Supra note 241, requête en autorisation de pourvoi auprès de la C.S.C.accordée, [2001] C.S.C.R. no 405, dossier no 28737 (C.S.C.R.).
248. Gouvernement des T.N.-O. c. Alliance de la fonction publique du Canada et al. (le10 janvier 2001), no A1300 (C.A.F.).
249. Ibid. au par. 18.
250. Chambre des communes et l’honorable Gilbert Parent c. Vaid et la Commission canadienne des droits de la personne (le 4 décembre 2001), no T-732-01 (C.F 1ère inst.).[ci-après Chambre des communes].
251. Ibid. au par. 32.
252. [1993] 1 R.C.S. 319. Le critère est reproduit au paragraphe 34 du jugement de la Cour fédérale : « Le critère de nécessité est appliqué non pas comme une norme pour juger le contenu du privilège revendiqué, mais pour déterminer le domaine nécessaire de compétence « parlementaire » ou « législative » absolue et exclusive. Si une question relève de cette catégorie nécessaire de sujets sans lesquels la dignité et l’efficacité de l’Assemblée ne sauraient être maintenues, les tribunaux n’examineront pas les questions relatives à ce privilège. Toutes ces questions relèveraient plutôt de la compétence exclusive de l’organisme législatif ».
253. Précité note 250 au par. 55.
254. Loi sur les relations de travail au Parlement, S.R.C. 1985, ch. 33.
255. Code canadien du travail, S.R.C. 1985, ch. L-2.
256. Harvey c. Nouveau-Brunswick (P.-G.), [1996] 2 R.C.S. 876. À propos de l’expulsion d’un membre d’une assemblée législative (pour des raisons de corruption) par l’organe législatif en question, la Cour suprême s’est exprimée ainsi : « L’expulsion et l’inhabilité à remplir une charge peuvent échapper à l’application de l’art. 3 [de la Charte] si l’on conclut qu’elles relèvent du privilège parlementaire. Mais cet article a encore pour effet d’empêcher que des citoyens deviennent inhabiles à occuper une charge pour des motifs non visés par les règles auxquelles le Parlement et les législatures assujettissent la conduite de leurs affaires; la race et le sexe constitueraient des exemples de motifs qui tombent dans cette catégorie ». L’art. 3 de la Charte reconnaît que tout citoyen canadien est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.
257. Ibid. au par. 81.
258. Ibid. au par. 80.
259. Précité art. 27. Cette disposition est maintenant le par. 48.1(2) de la LCDP.
260. Zundel c. Citron et al. (le 25 juin 2001), no A2500 (C.A.F.) [ci-après Zundel CAF].
261. Ibid. au par. 14.
262. International Longshore and Warehouse Union (Section des services maritimes), section locale 400 c. Helen Oster et al., Cour d’appel fédérale (le15 octobre 2001), no T-1672-00 (C.F. 1ère inst.). Pour un examen de l’historique de cette plainte, voir le Rapport juridique 2000, précité, à la p. 15. À titre de question préliminaire, la Cour fédérale a examiné la norme de contrôle qui devait s’appliquer à diverses conclusions du Tribunal. Elle a reconfirmé la jurisprudence bien établie qui impose d’une part la norme de la décision correcte aux questions de droit et d’autre part la norme de la décision manifestement déraisonnable aux conclusions de fait. Elle a en même temps rejeté les arguments selon lesquels les modifications apportées à la LCDP en 1998 et les arrêts plus récents de la Cour suprême et de la Cour d’appel fédérale ont notablement modifié l’approche qui devrait être adoptée devant les questions de contrôle judiciaire des décisions du Tribunal. Simultanément, la Cour a reconnu que la Cour suprême avait, dans l’arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1998] 1 R.C.S. 982, approuvé une approche pragmatique et fonctionnelle dans la détermination d’une norme adéquate de contrôle. Les facteurs à prendre en compte dans cette approche fonctionnelle sont les suivants : (i) les indicateurs explicites de la loi, (ii) l’expertise relative d’un tribunal administratif dans l’affaire dont il est saisi, (iii) l’objet de la loi, et (iv) la « nature » du problème, c.-à-d. le point de savoir s’il s’agit d’une question de droit, d’une question de fait ou d’une question mixte de droit et de fait. À la lumière de ces facteurs, la Cour a conclu que les normes de contrôle applicables aux questions dont elle était saisie étaient [TRADUCTION] « la norme de la décision correcte pour les questions de droit, la norme de la décision raisonnable simpliciter pour les questions mixtes de droit et de fait et la norme de la décision manifestement déraisonnable pour le travail d’établissement des faits et le travail de décision dans un contexte de droits de la personne ». Voir paragraphe 22 de sa décision.
263. Shakes c. Rex Pak Ltd. (1981) 3 C.H.R.R. D/1001.(Ont. Bd. Inq.) La Cour mentionne aussi l’affaire Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) c. Chander et al. (1997) 131 F.T.R. 301. Un commencement de preuve est établi si : (i) le plaignant était qualifié pour l’emploi visé, (ii) le plaignant n’a pas été embauché, (iii) quelqu’un non mieux qualifié que le plaignant, mais ne présentant pas la caractéristique distinctive qui est à la base de la plainte en matière de droits de la personne, a par la suite obtenu le poste.
264. Précité, note 262 au par. 46.
265. Le paragraphe 11(1) de la LCDP est formulé ainsi : « Constitue un acte discriminatoire le fait pour l’employeur d’instaurer ou de pratiquer la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent, dans le même établissement, des fonctions équivalentes ».
266. DORS/86-1082, art. 27(2).
267. Commission canadienne des droits de la personne et SCFP (Division du transport aérien) c. Lignes aériennes Canadien International Ltée et Air Canada (le 27 juillet 2001), no T-62-99, T-63-99 (C.F. 1ère inst.)[ci-après Lignes aériennes].

268. Selon la Cour : « Interpréter les mots «indépendamment», «notwithstanding» ou «nonobstant» comme englobant le mot «contraires» impliquerait que le mot «indépendamment» était utilisé pour résoudre une incohérence ou une contradiction entre les dispositions considérées. Mais, dans les dispositions mentionnées par les demandeurs, il n’existe aucune telle incohérence ou contradiction. Par conséquent, l’emploi du mot «notwithstanding» (nonobstant) dans ces cas ne signale qu’une exception à une disposition antérieure. Le paragraphe 11(1) dit que constitue un acte discriminatoire le fait de pratiquer la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent des fonctions équivalentes. Le paragraphe 11(4) établit simplement une exception lorsque certains faits sont constatés, à savoir lorsque la disparité salariale est fondée sur un facteur reconnu comme raisonnable par l’OPS de 1986... Par conséquent, je rejette l’argument des demandeurs selon lequel les mots «indépendamment des conventions collectives» signifient en réalité «indépendamment des conventions collectives contraires». » Ibid., aux par. 62-63.

269. Ibid. au par. 68.
270. Ibid. au par. 84.
271. Ibid. au par. 86.
272. Ibid. au par. 88.
273. Ibid.
274. Canada (Commission des droits de la personne) c. Canada (Procureur général) (le18 décembre 2001), no T-590-00 (C.F.1ère inst.)
275. Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadienne (Révision de 1968 telle que modifiée), volume 1,(Administration), émis en vertu de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. 1985, ch. N-5.
276. Martin c. Forces armées canadiennes (1992), 17 C.H.R.R. D/435(T.C.D.P.).
277. Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces candiennes (Révision de1994), volume 1,(Administration), issued under the authority of the National Defence Act, L.R.C. 1985, ch. N-5.
278. Précité note 274 au par. 44.

279. Voir examen, ibid. aux par. 48 à 61.
280. Ibid. au par. 53.

281. Ibid. par. 60.

282. Selon la Cour, l’important en l’occurrence, ce n’est pas de déterminer si l’exception découlant du droit de la responsabilité civile délictuelle peut être invoquée pour calculer l’indemnisation qui est accordée dans le cadre de procédures engagées aux termes de la LCDP, mais plutôt de déterminer si les prestations de retraite touchées par M. Carter devraient être prises en compte dans le calcul du revenu qu’il a perdu. Elle est d’avis que les prestations de retraite ne tombent pas sous le coup de l’exception visant les assurances et qu’elles devraient, par conséquent, être incluses dans le calcul du revenu perdu. Ibid. au paragraphe 59.

283. Bauman c. Nouvelle-Écosse (P.G.)(2001), 2001 NSCA 51, 197 D.L.R. (4e) 644 (N.S.C.A.).[ci-après Bauman].

284. Workers' Compensation Act, S.N.S.199495, c. 10, tel que modifié 1999, ch. 1; 2000, ch. 4, art. 93.
285. Précité note 283 au par. 30.

286.Benner c. Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 R.C.S. 358 [ci-après Benner]
287. Cité par la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, précité note 283 au par. 35 de sa décision.
288. Ibid. au par. 36.
289. La Cour d’appel a aussi censuré un jugement de la Cour suprême de la Colombie-Britannique qui portait sur le rétablissement analogue de dispositions en matière de pensions : Grigg c. Colombie-Britannique (1996) 138 D.L.R. 4th 548. Selon la Cour d’appel, ce jugement était erroné. Ses commentaires en la matière se trouvent aux paragraphes 91-103 de son arrêt, ibid.
290. Précité note 283 au par. 61.
291. Précité note 30.
292. Dans l’affaire de la Loi sur l’assurance-emploi et d’une demande de prestations présentée par Kelly Lesiuk (appel d’une décision d’un conseil arbitral) (le 22 mars 2001), CUB 51142 [ci-après Lesiuk].

293. Le nombre minimum d’heures requises pour des prestations régulières est en réalité défini comme une gamme allant de 420 à 700, selon le taux régional de chômage. Dans ce cas particulier, la demanderesse devait faire un minimum de 700 heures.
294. Précité note 292 au par. 25.
295. Ibid. au par. 29.
296. Ibid. au par. 50.
297. Ibid. au par. 59.
298. Ibid. au par. 66.
299. Université Trinity Western c. British Columbia College of Teachers (le 17 mai 2001), [2001] 1 R.C.S. 772, 2001 CSC 31[ci-après TWU]. Les neuf juges de la Cour suprême ont jugé cet appel. La décision rendue fut unanime, à l’exception d’un avis dissident.

300. Teaching Profession Act, R.S.B.C. 1996, ch. 449.
301. Voir Trinity Western University c. British Columbia College of Teachers (1997), 41 B.C.L.R. (3d) 158 (B.C.S.C.). Voir aussi Trinity Western University c. British Columbia College of Teachers (1998), 59 B.C.L.R. (3d) 241 , 169 D.L.R. (4th) 234 (B.C.C.A.).
302. Précité. note 299 au par. 25.
303. Ibid. au par. 28.
304. Ibid. au par. 33.
305.Ibid. au par. 35.
306. Ibid. au par. 35.
307. Ibid.
308. Ibid. au par. 36.
309. Ibid. au par. 38.
310. [1990] 3 R.C.S 229 [ci-après McKinney].
311. Code des droits de la personne, R.S.O. 1990, ch. H.19.
312. Greater Vancouver Regional District Employees' Union c. Greater Vancouver Regional District (le 5 octobre 2001), [2001] BCCA 435, no CA027457(B.C.C.A.).[ci-après GVRD].
313. Human Rights Code, R.S.B.C. 1996, ch. 210.
314. Précité note 312 au par. 42.
315. Précité note 312.
316. Ibid. au par. 58.
317. Ibid. au par. 71.
318. Ibid. aux par. 120 et 122.
319. Ibid. au par. 125.
320. Ibid. au par. 16.
321. R. c. Latimer, ( le18 janvier 2001), 2001 CSC 1, no 26980 (C.S.C.).

322. Diverses autres questions de droit pénal ont été examinées par la Cour suprême, par exemple la défense de nécessité, mais seule la question de la peine cruelle et inusitée au regard de la Charte est examinée dans le présent sommaire.
323. Précité note 321 au par. 73, citant Miller et Cockriell c. La Reine, [1977] 2 R.S.C. 680 à la page 688.

324. Précité, note 321 au par. 74.
325. Ibid. au par. 75.
326. Ibid. au par. 84.
327. La Cour s’est exprimée ainsi : « D’une part, nous devons prendre dûment en compte les tentatives initiales de M. Latimer de dissimuler ses actes, son absence de remords, sa position de confiance, le degré élevé de planification et de préméditation ainsi que l’extrême vulnérabilité de Tracy. D’autre part, nous sommes conscients de la bonne moralité et de la bonne réputation de M. Latimer au sein de la collectivité, de sa profonde angoisse au sujet du bien-être de Tracy ainsi que de sa persévérance louable en tant que parent qui aime sa fille et prend soin d’elle. Nous ne pouvons pas conclure que, prises ensemble, les caractéristiques personnelles et les circonstances particulières de la présente affaire l’emportent sur la gravité considérable de cette infraction ». Ibid. au par. 85.
328. Code criminel du Canada, S.C.R. 1985, ch. C-46.
329. Précité note 321 au par. 86.
330. Ibid. au par. 89.

331. Loi sur les transports au Canada, S.C. 1996, ch. 10.
332. RELATIVE À la question de juridiction, découlant d'une demande reçue par l'Office des transports du Canada de Linda McKay-Panos contre Air Canada, visant à déterminer si l'obésité est une déficience aux termes de la Partie V de la Loi sur les transports au Canada (le 12 décembre 2001), Décision no 646-AT-A-2001.
333. Précité note 331, art. 171.
334. Précité note 332.
335. La Charte internationale des droits de l’homme comprend la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, GA Res. 217(III), UN GAOR, 3 Sess., Supp. No. 13, UN Doc A/810(1948) 71 [ci-après DUDH], le Pacte international de 1976 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels G.A. Res. 2200 A (XXI), 21 U.N. GAOR, (Supp.No. 16) 49, Doc. A/6316 U.N. (1966) [ci-après PIDESC] et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le 19 décembre 1966, 999 U.N.T.S. 171, Can T.S. 1976 No. 47, 6 I.L.M. 368 (en vigueur le 23 mars 1976), [ci-après PIDCP] ainsi que ses deux protocoles facultatifs.

336. Principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme , GA Res. 48/134 (le 4 March 1994) [ci-après « Principes de Paris »].
337. Ibid. à l’annexe 3(b).
338. Projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et d’autres lois, et édictant des mesures à l’égard de l’enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terrorisme, 1ère session, 37e législature, 2001. (Sanctionné le 18 décembre 2001, S.C. 2001, ch. 41).
339. Projet de loi C-11, Loi concernant l’immigration au Canada et l’asile conféré aux personnes déplacées, persécutées ou en danger, 1ère session, 37e législature, 2001. (Sanctionné le 1 novembre 2001, S.C. 2001, ch. 27).
340. Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne, La promotion de l’égalité : une nouvelle vision, Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne, 2000.(Ottawa :, 2000).
341. Canada, Parlement, Comité sénatorial permanent des droits de la personne, « Des promesses à tenir : le respect des obligations du Canada en matière de droits de la personne », 2e rapport, 1ère session, 37e législature, décembre 2001.
342. Baker c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 217.
343. Ibid. au par. 70.
344. Convention relative aux droits de l’enfant, G.A. res. 44/25, annexe, 44 U.N. GAOR suppl. (no 49) at 167, U.N.Doc. A/44/49(1989) (en vigueur le 2 septembre, 1990).
345. Suresh c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et al.,( le 11 janvier 2002), [2002] 2 CSC 1, dossier no 27790.

346. Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 9 mars 1984, R. T. Can. 1987 no 36, 23 I.L.M. 1027.
347. Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, c. I-2.

348. Précité note 345 au par. 46.
349. Legal Resources Foundation c. Zambie, Communication 211/98, Décision de la CADHP, 29e session ordinaire, avril-mai 2001.
350. Précité note 341.
351. Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1981) 1249 U.N.T.S. 13 [ci-après cited as CEDAW].
352. Ibid.
353. Déclaration universelle des droits de l’homme, précité note 335.
354. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, précité note 335.
355. Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, précité note 335.
356. Convention sur les droits politiques de la femme, 193 U.N.T.S. 135, en vigueur le 7 juillet1954.
357. Par example, voir Recommandation (no 111) Recommandation concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, Conférence générale de l’Organisation mondiale du Travail, le 25 juin 1958., Recommandation (no 90) Recommandation concernant l’égalité de rémunération entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale, Conférence générale de l’Organisation mondiale du Travail, le 29 juin, 1951., Convention (no 100) sur l’égalité de rémunération, Conférence générale de l’Organisation mondiale du Travail , le 23 mai 1953. Convention (no 111) concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, Conférence générale de l’Organisation mondiale du Travail, le 25 juin, 1958.
358. Protocole concernant la lutte contre le trafic d’êtres humains, en particulier de femmes et d’enfants, protocole additionnel à la Convention internationale contre la criminalité transnationale organisée, G.A. res. 55/25, annexe II, 55 U.N. GAOR suppl. (no 49) à 60, U.N. Doc. A/45/49 (vol. 1)(2001).
359. Précité note 351.
360. Loi sur l’équité en matière d’emploi, S.C. 1995, ch. 44.
361. Précité note 230.
362. La dimension sexiste de la discrimination raciale : le 20 mars 2000. Recommandation générale 25. (Commentaires généraux), par. 2.

363. Ibid. au par. 4.
364. Égalité des droits entre hommes et femmes (article 3) : le 29 mars 2000. CCPR/C/21/Rev.1/Add.10, Commentaire général 28 du CDCP. (Commentaires généraux), par. 5 [ci-après ICCPR].
365. Ibid.
366. Ibid. au par. 30.
367. Charte des Nations Unies, le 26 juin 1945, 59 Stat. 1031, T.S. 993, 3 Bevans 1153, en vigueur le 24 octobre 1945.
368. Déclaration et programme d’action de Vienne, Conférence mondiale sur les droits de l’homme, Vienne, du 14-25 juin 1993, U.N. Doc. A/Conf.157/24(Part I) à 20(1993) (JUIN) au par. 63.
369.Personnes handicapées : le 9 décembre 1994. Commentaire général 5 du CDESC. (Commentaires généraux), par. 9.
370. Ibid. au par. 11.
371. Price c. Royaume-Uni(le 10 juillet 2001), REF00002640, C. eur. D. H.
372. « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
373. PGA Tour, Inc. c. Casey Martin, 8 U.S.C.S § 1409 (U.S.S.C).
374. Americans with Disabilities Act, 42 U.S.C. § 12101.
375. Précité note 118.
376. Ibid. au par. 241.
377. Ibid. au par. 90-91.
378. Ibid. au par. 95.
379. Ibid. au par. 104. Noter que la question de l’assimilation du sionisme au racisme, ainsi que celle d’une « réparation ou satisfaction juste et adéquate » pour les « injustices historiques », telles que le colonialisme et l’esclavage, ont été des questions controversées qui ont conduit les représentants du gouvernement des États-Unis et du gouvernement d’Israël à quitter la conférence en signe de protestation.

380. Communication 11/1998 : Slovaquie. le 9 août 2001. CERD/C/59/D/11/1998. (Jurisprudence), (décision en date du 9 août 2001).
381. Ibid. aux par. 2.1-3.1.
382. Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 660 U.N.T.S. 195, en vigueur le 4 janvier 1969.
383. Ibid. au par. 21.
384. Chypre c. Turquie( le 10 mai 2001), requête no 25781/94, REF00002519, C. eur. D.H.
385. Ibid. au par. 309.
386. Ibid. au par. 311.
387. Ébauche de déclaration des droits des populations autochtones, E/CN.4/Sub.2/1994/2/Add.1 (1994).
388. Approuvé par la Commission interaméricaine des droits de l’homme le 26 février 1997, lors de sa 1333e session, 95e session ordinaire.
389. OEA/Ser.L/V/II.110 Doc 22, le 1er mars 2001.
390. OEA/Ser.L/V/II.108 Doc. 62, le 20 octobre 2000.
388. Peuples autochtones  : le 18 août 1997. Recommandation générale 23 du CEDR. (Commentaires généraux), par. 3.
392. Ainsi, trois plaintes ont été déposées contre le Canada devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies : Lovelace c. Canada, Communication 24/1977, CLPR/C/27/D/24/1977, 1981; Tribu du lac Ominayak et Lubicon c. Canada, Communication 167/1984, CLPR/C/38/D/167/1984, 1990; Société tribale micmac c. Canada, Communication 205/1986, CLPR/C/43/D/205/1986, 1991. D’autres pays ont également fait l’objet de plaintes de la part de groupes autochtones devant le Comité des droits de l’homme. Par exemple, Ivan Kitok c. Suède, Communication 197/1985 : Suède. le 10 août 1988. CCPR/C/33/D/197/1985.
393. Mayagna (Sumo) Awas Tingni Community v. Nicaragua (le 31 août 2001), Inter-Am. Ct. H.R. au par. 149.
394.Voir Communiqué de presse 23/01 de la Cour (le texte de la décision n’était pas disponible au moment de la rédaction de ces lignes).


395. Gosselin c. Le Procureur général du Québec, CSC no 27418, appel entendu le 29 octobre 2001.
396. ICESCR, précité note 335.
397. Le rôle des institutions nationales des droits de l’homme dans la protection des droits économiques, sociaux et culturels : le 3 décembre 1998. E/C.12/1998/25, observation générale 10 du CDESC. (Observations générales), par. 3.
398. CCT38/00 (21 septembre 2000) [ci-après Grootbroom].
399. CCT55/00 (le 29 mai 2001).
400.Voir par exemple le par. 41, ibid.